Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

6
35, rue Saint Dominique 75007 Paris MINISTÈRE DES DROITS DES FEMMES, DE LA VILLE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS Paris, le 25 avril 2014 La Ministre Madame la Maire, Monsieur le Maire, Lorsqu’il y a 15 jours, le Président de la République et le Premier Ministre m’ont confié la responsabilité de définir et mettre en œuvre la politique de la ville de notre pays, j’ai aussitôt pensé à Bron. Cette ville de l’agglomération lyonnaise, élue il y a 5 ans ville la plus sportive de France, c’est une ville comme la vôtre, des villes où se concentrent, certes les difficultés sociales, mais aussi la plus précieuse des énergies : celle de la jeunesse. J’ai pensé à Bron surtout, parce que j’avais en tête un discours, celui par lequel le président François Mitterrand annonçait le 4 décembre 1990 la création du Ministère dont j’ai désormais la responsabilité. « Rassembler davantage », « simplifier l’organisation », « unir nos énergies pour casser partout les mécanismes d’exclusion », le Président de la République d’alors définissait ainsi la feuille de route de ce grand Ministère qu’il avait conçu comme une « unité de commandement pour la rapidité dans l'action. » Fidèle à cette mission, mon Ministère sera un Ministère de combat dans un Gouvernement de combat, tout entier tourné vers la traduction sur le terrain des engagements présidentiels en faveur de la jeunesse, de la justice territoriale et de l’égalité républicaine Quelques jours après ma prise de fonction, j’ai souhaité vous écrire pour vous dire quelle sera ma feuille de route. Une feuille de route que je souhaite mettre en œuvre avec vous. Je sais combien la fonction de Maire dans une commune de la politique de la ville est exigeante et les attentes des habitants de vos quartiers fortes. A ces citoyens, plus concernés que d’autres par les difficultés du quotidien et l’incertitude de l’avenir, nous devons montrer que l’action publique a un sens et des résultats concrets. Telle est particulièrement la mission du Ministère de la Ville. Quatre principes d’action lui avaient été définis à sa naissance. Ils gardent toute leur actualité. J’en ferai donc mes 4 priorités : 1 er priorité : « Concentrer les efforts de l'Etat » En 1990, le premier Ministère de la Ville avait défini une géographie de 400 quartiers prioritaires. Cette géographie s’est depuis lors considérablement diluée. La Cour des comptes a rappelé en juillet 2012 « la très grande complexité des zonages et la multiplication des procédures mal articulées", insistant sur l’urgence d’une « réforme de la géographie prioritaire » pour "concentrer les efforts sur les zones les plus en difficulté". Ce diagnostic imposait une véritable refondation de la politique de la ville, qui a été pleinement engagée par l’action déterminée de François Lamy mon prédécesseur, auquel je veux rendre hommage.

description

Lettre de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, adressée aux maires en politique de la ville

Transcript of Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

Page 1: Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

35, rue Saint Dominique 75007 Paris

MINISTÈRE DES DROITS DES FEMMES, DE LA VILLE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS

Paris, le 25 avril 2014

La Ministre

Madame la Maire, Monsieur le Maire,

Lorsqu’il y a 15 jours, le Président de la République et le Premier Ministre m’ont confié la responsabilité de définir et mettre en œuvre la politique de la ville de notre pays, j’ai aussitôt pensé à Bron. Cette ville de l’agglomération lyonnaise, élue il y a 5 ans ville la plus sportive de France, c’est une ville comme la vôtre, des villes où se concentrent, certes les difficultés sociales, mais aussi la plus précieuse des énergies : celle de la jeunesse. J’ai pensé à Bron surtout, parce que j’avais en tête un discours, celui par lequel le président François Mitterrand annonçait le 4 décembre 1990 la création du Ministère dont j’ai désormais la responsabilité. « Rassembler davantage », « simplifier l’organisation », « unir nos énergies pour casser partout les mécanismes d’exclusion », le Président de la République d’alors définissait ainsi la feuille de route de ce grand Ministère qu’il avait conçu comme une « unité de commandement pour la rapidité dans l'action. »

Fidèle à cette mission, mon Ministère sera un Ministère de combat dans un Gouvernement de combat, tout entier tourné vers la traduction sur le terrain des engagements présidentiels en faveur de la jeunesse, de la justice territoriale et de l’égalité républicaine

Quelques jours après ma prise de fonction, j’ai souhaité vous écrire pour vous dire quelle sera ma feuille de route. Une feuille de route que je souhaite mettre en œuvre avec vous. Je sais combien la fonction de Maire dans une commune de la politique de la ville est exigeante et les attentes des habitants de vos quartiers fortes. A ces citoyens, plus concernés que d’autres par les difficultés du quotidien et l’incertitude de l’avenir, nous devons montrer que l’action publique a un sens et des résultats concrets.

Telle est particulièrement la mission du Ministère de la Ville. Quatre principes d’action lui avaient été définis à sa naissance. Ils gardent toute leur actualité. J’en ferai donc mes 4 priorités :

1er priorité : « Concentr er l e s e f f o r t s de l 'Etat »

En 1990, le premier Ministère de la Ville avait défini une géographie de 400 quartiers prioritaires. Cette géographie s’est depuis lors considérablement diluée. La Cour des comptes a rappelé en juillet 2012 « la très grande complexité des zonages et la multiplication des procédures mal articulées", insistant sur l’urgence d’une « réforme de la géographie prioritaire » pour "concentrer les efforts sur les zones les plus en difficulté". Ce diagnostic imposait une véritable refondation de la politique de la ville, qui a été pleinement engagée par l’action déterminée de François Lamy mon prédécesseur, auquel je veux rendre hommage.

Page 2: Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

Les principes de cette réforme ont été clairement énoncés par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils ont été préparés dans le cadre d’une large concertation, avec tous les acteurs de la politique de la ville. Ils ont été adoptés à une large majorité à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, et cela au-delà des clivages partisans. C’est ce même esprit de consensus et d’adhésion républicaine qui doit aujourd’hui prévaloir dans le déploiement de la réforme.

Pour mieux s’attaquer aux inégalités d’emploi, de réussite éducative, de sécurité, d’accès aux soins, aux équipements sportifs, à la culture, aux loisirs, et à tous les services publics, la politique de la ville sera désormais plus lisible et plus cohérente. Mieux concertée et mieux coordonnée, elle sera aussi plus ciblée et plus efficace. Cette refondation de la politique de la ville, j’ai décidé de l’engager sans attendre.

Elle commence par la réforme de la géographie prioritaire. J’ai saisi aujourd’hui le Conseil d’Etat du décret qui permettra la mise en œuvre de cette réforme. A la fin du mois de mai, je serai ainsi en mesure de présenter la nouvelle carte des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui sera établie grâce à une méthodologie objective, transparente et homogène au plan national, avec le critère unique de revenus des habitants fixé par la loi. C’est sur cette base qu’un dialogue devra intervenir entre vos municipalités et les préfets, pour définir avec pragmatisme les contours exacts des quartiers cœurs de cible et ceux qui, bien que ne respectant pas les critères définis par la loi, doivent continuer à faire l’objet d’une veille active. C’est à partir de cette concertation que j’arrêterai à l’automne la liste définitive et le périmètre précis des quartiers prioritaires.

Pour les outre-mer, la prise en compte des situations propres à chaque territoire induit un travail de définition spécifique qui conduit à décaler de quelques semaines la communication de la liste des quartiers prioritaires par rapport à la métropole.

Dans chaque agglomération comportant des quartiers prioritaires, des contrats de ville seront signés pour mobiliser l’action publique en faveur des habitants. Leur préparation sera engagée dès le mois de juin. Ils associeront dans une même dynamique les actions en faveur des habitants et les politiques en faveur du cadre de vie. Les contrats de ville de nouvelle génération mobiliseront d’abord les moyens de droit commun avant d’engager les crédits spécifiques de la politique de la ville. Ils seront re-situés au niveau intercommunal pour être adossés à un projet de territoire et faire jouer la solidarité. Communes et intercommunalités, Régions, Départements, organismes de protection sociale, Union européenne : Ils permettront à chacun de s’engager dans une mobilisation collective, dans une élaboration conjointe de la politique de la ville, dans un dialogue fructueux avec les habitants, au plus près de leur expérience vécue et de leur capacité d’initiative. Pour cela nous devons donner toute sa portée à la compétence des intercommunalités en matière de politique de la ville pour organiser la solidarité territoriale, le maire demeurant naturellement l’opérateur de proximité et l’interlocuteur de référence des habitants et des acteurs de terrain.

En complément de ces interventions, je veux mobiliser les entreprises. Je proposerai aux grandes entreprises nationales de prendre part à ces contrats sous forme de partenariats triangulaires entre les entreprises, les collectivités publiques et les associations.

Les associations, acteurs incontournables de la démocratie locale et de la solidarité de proximité, seront en effet au cœur de notre projet pour la ville. Je demanderai aux administrations publiques de faciliter le développement de leurs initiatives, pour passer d’une culture parfois trop marquée par les procédures multiples et le contrôle à une culture du « faire ». Je sais qu’elles sont engagées et prêtes à ces évolutions. Dès la semaine prochaine, je présenterai au Haut Conseil de la Vie Associative un ensemble de mesures visant à permettre aux associations d’être au cœur du choc de simplification engagé par le Président de la République.

. . .

Concentrer les efforts de l’Etat, c’est aussi mobiliser les politiques de droit commun car, contrairement à une idée reçue, on en fait souvent moins dans les quartiers qu’ailleurs. Comment se satisfaire d’une situation où seulement 0,9 % des enfants de 2-3 ans de Seine-Saint-Denis accèdent à l’école contre 13 % en moyenne nationale ? Une situation où seuls 9 % des contrats aidés dans le secteur

Page 3: Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

marchand bénéficiaient en 2011 aux jeunes actifs de moins de 25 ans dans les zones urbaines sensibles (ZUS) qui connaissent pourtant un taux de chômage de près de 44 % ?

Les efforts engagés depuis deux ans, avec la mobilisation de tous les ministères, donnent de premiers résultats :

- 18 % des emplois d’avenir bénéficient aux jeunes des ZUS alors que ces jeunes représentent 12 % de la jeunesse de France : cela représente 15 000 emplois d’avenir en 2013 et c’est la première fois qu’on priorise ainsi les dispositifs emploi sur les quartiers ;

- 40 % des postes supplémentaires pour la scolarisation des 2-3 ans ont été créés dans les écoles des quartiers en 2013 ;

- les 80 zones de sécurité prioritaire sont, toutes sauf une, sur un quartier de la politique de la ville, pour lutter contre la délinquance qui frappe les plus vulnérables et organiser le retour de la police au service de la population ;

- la péréquation en faveur des collectivités défavorisées a connu une progression historique depuis deux ans avec + 180 M€ pour la dotation de solidarité urbaine, + 50 M€ pour la dotation de développement urbain, + 420 M€ pour le fonds de péréquation intercommunale et + 40 M€ pour le fonds de solidarité de la région Ile de France.

Ces efforts seront poursuivis et amplifiés, grâce en particulier à la mobilisation des préfets et aux partenariats avec les grandes associations d’élus pour que toutes les collectivités publiques y prennent leur part. Dans les discussions interministérielles et parlementaires, je serai attentive à la prise en compte des quartiers pour lever le droit commun, maintenir l’effort de péréquation et rétablir l’égalité d’accès aux services publics. C’est la cohérence et la force du nouveau ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports que d’être pleinement organisé pour agir à l’interministériel et en transversalité.

2ème priorité : « Veil l e r à organis e r la d iver s i t é »

Je suis convaincue que la politique de la ville ne peut réussir si elle se contente d’être une politique des quartiers. Elle doit être une politique toute entière conçue pour briser les mécanismes de ségrégation qui sont à l’œuvre sur l’ensemble du territoire. Car la première cause des difficultés des quartiers, c’est la tentation de l’entre soi qui traverse notre société. Les raisons en sont multiples : enclavement des quartiers, marché du logement, sectorisation scolaire, réseau de transports, attribution des logements sociaux, etc. Face à cela, rien n’est plus indispensable que de recréer des espaces dans lesquels tous les horizons se rencontrent, apprennent à se connaître et se confrontent.

Cette politique doit d’abord reposer sur la jeunesse. Elle est le principal levier, économique, social, politique et culturel pour bâtir la société de demain. Il n'y pas d'innovation sans elle. Pas de société de la connaissance sans elle. Pas de projection dans le monde sans elle. Qu'elle prenne toute sa place dans toute sa diversité, car les jeunes Français qui vivent aujourd’hui en périphérie de nos grandes agglomérations sont une des plus grandes richesses de notre pays. Je veux les faire revenir au cœur de notre République, au cœur de notre confiance et de leur citoyenneté.

C’est pour cela que le soutien à la jeunesse, à ses droits, à son autonomie, et à sa réussite, constituera au même titre que l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations, l’axe transversal et structurant des contrats de ville.

. . .

Page 4: Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

Le quartier doit redevenir un appui pour une remise en mouvement des habitants. Il s'agit de créer une vie collective aussi harmonieuse que possible, que les villes plus anciennes ont reçue en héritage, résultat de multiples initiatives individuelles accumulées au cours des temps. Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) que je présenterai avant l’automne sera le bras armé de cette nouvelle ambition. Il mobilisera 5 milliards d’euros de subventions de l’ANRU pour financer des opérations de travaux, de réhabilitations, d’aménagement urbain, de traitement de l’habitat insalubre ou informel outre-mer, mais aussi des initiatives créatrices de lien social, telles que les « maisons du projet » prévues par la loi pour associer les habitants à la conception des projets qui les concernent au premier chef.

Ce nouveau programme sera concentré sur environ 200 quartiers de métropole et d’outre-mer présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants. Au-delà, une part substantielle de l’enveloppe sera déléguée aux préfets, dans le cadre des contrats de plan Etat – Régions, pour financer des opérations d’intérêt local et régional dans les autres quartiers prioritaires de la politique de la ville. La rénovation urbaine doit nous permettre de désenclaver les quartiers pour mieux désenclaver les esprits.

. . .

Au-delà de ce programme, j’attacherai la plus grande attention à ce que les projets urbains favorisent la qualité de vie des habitants. De ce point de vue, la performance environnementale et énergétique des logements comme des équipements publics seront déterminants. Avec Arnaud Montebourg, nous voulons montrer par l’exemple qu’une autre conception de la ville est possible. Sur la base des recommandations du rapport de Roland Peylet sur la ville Durable, nous définirons avant l’été un programme d’action qui mobilisera les moyens du Programme d’Investissements d’Avenir.

3ème priorité : « Assurer la par t i c ipat ion la p lus large de tous »

Je suis convaincue que la politique de la ville ne peut réussir si elle se contente d’être une politique de dispositifs construits à Paris et plaqués sur un territoire. Vous le savez mieux que quiconque, c’est le quartier et ses habitants qui doivent constituer l’aiguillon pour transformer l’action publique sur un territoire. C’est l’engagement des citoyens qui est le premier levier d’une politique de la ville réussie.

Mettre en mouvement les habitants d’un quartier autour d’un projet commun exige des outils mais aussi des compétences qui manquent cruellement dans notre pays. Nous devons créer des centres de ressources pour les promouvoir et assumer une logique d’expérimentation, c’est-à-dire la conduite de programmes définis à partir des solutions proposées sur le terrain et soutenues par la puissance publique à raison de leur intérêt et en contrepartie d’une évaluation rigoureuse, permettant leur généralisation. Les expériences de budget participatif en sont un bon exemple. Je souhaite qu’ils puissent faire l’objet d’expérimentations permettant de déterminer les conditions de leur réussite et la possibilité d’une généralisation.

La loi de programmation pour la ville du 21 février dernier consacre la reconnaissance de l’intervention citoyenne et le principe de co-construction des contrats de ville. Elle donne un cadre concret et précis pour cette co-construction, avec la mise en place de « conseils citoyens » dans chaque quartier prioritaire. La création de ces conseils, composé à parité d’habitants et d’acteurs locaux, s’appuie sur les propositions du rapport « Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires » remis par Marie-Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache en juillet 2013.

Les conseils citoyens doivent favoriser l’expression de la parole des habitants, notamment ceux qui sont éloignés des processus traditionnels de participation, car ils sont les mieux placés pour parler du fonctionnement de leur cadre de vie, de leurs besoins et aussi de ce qu’ils peuvent apporter à la vie du quartier et aux solidarités de proximité.

Nous aurons à mettre en place ces conseils citoyens dans les tous prochains mois pour qu’ils puissent participer à la construction des contrats de ville. C’est un élément majeur de la

Page 5: Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

reconquête citoyenne face à la souffrance et au manque d’espérance qu’évoquait le Premier ministre Manuel Valls dans son discours de politique générale.

Dans le même esprit, le Conseil National des Villes sera refondé dans les prochaines semaines pour accueillir en son sein un collège des habitants et associations de proximité. Ce nouveau CNV sera ainsi en mesure de représenter l’ensemble des acteurs - élus, acteurs économiques et sociaux, professionnels, associations, habitants - pour participer à la refondation de la politique de la ville.

Quatrième priorité : « Créer des emplo i s »

Enfin et surtout la politique de la Ville ne peut réussir si elle n’est pas toute entière engagée sur le front de l’emploi. Aujourd’hui 18 points séparent le niveau d’emploi entre les Zones Urbaines Sensibles et le reste du territoire. J’aurai pour objectif de créer les conditions pour réduire de moitié cet écart dans un délai de 5 ans. Cela implique de repenser profondément la création d’emplois dans les quartiers.

La crise économique accroît ces inégalités et rend d’autant plus urgente une action forte, rapide et concertée. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), le taux de chômage a progressé de six points entre 2008 et 2012, soit deux fois et demi plus qu’en moyenne nationale. Devant une telle situation, se résigner reviendrait à manquer aux exigences républicaines les plus fondamentales.

Réduire de moitié l’écart de taux d’emploi entre les quartiers prioritaires et les autres territoires ne peut se faire qu’en intervenant sur cinq dimensions :

1/ Investir massivement pour le développement économique des quartiers : en lien avec le NPNRU, l’Etat, avec le programme des investissements d’avenir, et la Caisse des dépôts consacreront sur 2014-2020 une enveloppe de 600 M€ pour lever des investissements privés et co-investir dans des projets structurants comme des pépinières d’entreprises ou des maisons de santé. L’établissement public pour l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux engagera d’autre part 75 M€ dans les années à venir pour développer le commerce de proximité, vecteur d’emploi autant que de lien social. Comme la loi l’a prévu, je présenterai à l’été un rapport au Parlement sur les actions en faveur du développement de l’activité et de l’emploi dans les quartiers, le devenir des zones franches urbaines en fera naturellement partie.

2/ Mobiliser plus fortement la politique de l’emploi vers les quartiers prioritaires : avec le Ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue Social, nous devons créer les conditions d’une mobilisation systématique des outils de droit commun. Des engagements avaient été pris en 2013 pour renforcer l’accès des résidents des quartiers prioritaires aux contrats aidés classiques (notamment du secteur marchand), emplois d’avenir, ou au dispositif NACRE (création d’entreprise). J’insiste particulièrement sur la nécessité de promouvoir et de développer l’alternance pour ces publics qui sont trop peu représentés, et je serai vigilante à ce que l’écart se réduise. Le bilan des engagements de la convention sera dressé, et j’organiserai avec François Rebsamen, à la rentrée, une réunion point d’étape de la mobilisation pour l’emploi des quartiers dans les territoires. La question de l’évolution des emplois francs, dont la montée en charge n’est aujourd’hui pas satisfaisante, sera posée après un diagnostic précis sur les difficultés de montée en charge du dispositif que j’ai demandé au préfet de la Région Rhône-Alpes, Jean-François Carenco de réaliser avant la fin du mois de mai.

3/ Une pleine implication du service public de l’emploi dans la négociation et la mise en œuvre des contrats de ville : l’une des clés de la prise en compte de l’emploi et du développement économique dans ces contrats de ville repose sur la sensibilisation mutuelle des acteurs de l’emploi et de la politique de la ville à leurs problématiques. Des sessions de formation pour les représentants des différents services seront notamment organisées. Une plus forte territorialisation des interventions du service public de l’emploi est nécessaire. Elle sera assurée en déployant la convention signée entre le SG CIV et Pôle emploi le 30 avril, et qui a déjà permis de grandes réalisations, comme l’allocation de 400 ETP sur les 2000 supplémentaires qui ont été réservés pour les agences les plus concernées par la politique de la ville, ou l’ouverture d’une antenne de Pôle emploi à Clichy-sous-Bois. Il faut poursuivre cet effort en prenant

Page 6: Lettre de Najat Vallaud-Belkacem adressée aux maires en politique de la ville

notamment en compte l’implantation de Pôle emploi et des missions locales au regard de la nouvelle géographie prioritaire.

4/ Soutenir les projets de création et de développement des entreprises : BPI France mettra en place d’ici l’été un dispositif spécifique pour les créateurs d’entreprises dans les quartiers prioritaires et je donnerai au plan « entrepreneurs des quartiers » les moyens de se déployer.

5/ Lutter contre les discriminations à l’embauche et dans l’emploi : le rapport que m’a remis, il y a plusieurs semaines, Laurence Pécaut Rivolier, magistrate à la cour de cassation, sur ce sujet constitue une bonne base de travail ; je souhaite, sur cette question des actions collectives contre les discriminations, avancer en étroite concertation avec les partenaires sociaux. La grande conférence sociale de l’été prochain pourra en être l’occasion. Une évolution des représentations mutuelles entre les entreprises et les résidents de ces quartiers, notamment les jeunes, est par ailleurs indispensable. C’est pourquoi je développerai de manière volontariste tous les dispositifs de parrainage, qui permettent de révéler à des professionnels le talent et les compétences des jeunes de ces quartiers, et facilitent l’accès à l’emploi pour des jeunes qui manquent de réseaux dans les entreprises. Je demanderai également à ce qu’une étude soit conduite pour éclairer l’écart du taux d’activité entre les hommes et les femmes qui atteint des records dans ces zones.

Voici ce que seront mes priorités. Alors que vous venez d’être élu(e) ou réélu(e) maire d’une commune engagée dans un contrat urbain de cohésion sociale, je continuerai régulièrement à vous tenir informé(e) de la mise en œuvre de cet agenda. Je vous propose pour cela de communiquer vos coordonnées sur l’adresse de messagerie [email protected]. Je vous remercie par avance de vous engager pleinement dans cette refondation de la politique de la ville, avec comme objectif premier une meilleure qualité de vie pour vos administrés et plus d’égalité. Proposer un nouvel horizon à nos quartiers, les inscrire dans des projets de territoires, les arrimer aux dynamiques d’agglomération, les faire bénéficier de la solidarité nationale et locale, valoriser les talents de leurs habitants, tout particulièrement des plus jeunes, et construire avec eux la nouvelle politique de la ville : c’est en travaillant ensemble que nous saurons légitimement reconquérir la confiance de nos concitoyens des quartiers populaires.

Je vous prie d’agréer, Madame la Maire, Monsieur le Maire, l’expression de mes salutations attentives et cordiales.

Najat VALLAUD-BELKACEM