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Lettre de l'Editeur

Pour une vive mémoire

AMMAR [email protected]

es nations se hissent par le savoir et se maintiennent par la mémoire. C’est cet ensemble d’évé-nements qui se créent successivement aujourd’hui pour qu’un jour on ait à le nommer : Histoire. Sans cette mémoire, imbue de pédagogie et de ressourcement, l’espèce humaine serait tel un atome libre dans le tourbillon temporel et cosmique.

L’homme a eu de tout temps ce pertinent besoin de vouloir s’amarrer à des référentiels et de se coller sans équivoque à son histoire. Se confondre à un passé, à une ancestralité. Cette pertinence va se confiner dans une résistance dépassionnée et continue contre l’amnésie et les

affres de l’oubli. Se contenir dans un souvenir, c’est renaître un peu. L’intérioriser, c’est le revivre ; d’où cette ardeur permanente de redécouvrir, des instants durant, ses gloires et ses notoriétés.

En tant que mouvement dynamique qui ne s’arrête pas à un fait, l’Histoire se perpétue bien au-delà. Elle est éga-lement un espace pour s’affirmer et un fondement essentiel dans les domaines de prééminence et de luttes. Trans-mettant le plus souvent une charge identitaire, elle est aussi et souvent la proie pitoyable à une éventualité faussaire ou à un oubli prédateur. Seule la mémoire collective, comme un fait vital et impératif, peut soutenir la vivacité des lueurs d’antan et se projeter dans un avenir stimulant et inspirateur. Elle doit assurer chez nous le maintien et la perpétuation des liens avec les valeurs nationales et le legs éternel de la glorieuse révolution de Novembre.

Il est grand temps, cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, de percevoir les fruits de l’interaction et de la complémentarité entre les générations. Dans ce contexte particulier et délicat, les moudjahi-date et moudjahidine se doivent davantage de réaffirmer leur mobilisation et leur engagement dans le soutien du processus national tendant à éterniser et à sacraliser l’esprit chevaleresque de Novembre. Ceci n’est qu’un noble devoir envers les générations montantes, qui, en toute légitimité, se doivent aussi de le réclamer. A chaque dispari-tion d’un acteur, l’on assiste à un effacement d’un pan de notre histoire. A chaque enterrement, l’on y ensevelit avec une source testimoniale. Le salut de la postérité passe donc par la nécessité impérieuse d’immortaliser le témoi-gnage, le récit et le vécu. Une telle déposition de conscience serait, outre une initiative volontaire de conviction, un hommage à la mémoire de ceux et de celles qui ont eu à acter le fait ou l’événement. Le témoignage devrait être mobilisé par une approche productive d’enseignement et de fierté. Raviver la mémoire, la conserver n’est qu’une détermination citoyenne et nationaliste. Toute structure dépouillée d’histoire est une structure sans soubassement et toute Nation dépourvue de conscience historique est une nation dépourvue de potentiel de créativité et d’inté-gration dans le processus de développement.

C’est dans cette optique de rendre accessibles l’information historique, son extraction et sa mise en valeur que l'idée de la création de cette nouvelle tribune au titre si approprié : Memoria, a germé. Instrument supplémentaire dédié au renforcement des capacités de collecte et d’études historiques, je l’exhorte, en termes de mémoire objec-tive, à plus de recherche, d’authenticité et de constance.

[email protected]

Rédaction

Adel FAthi

Aissa KASMi

Boualem tOUARiGt

Boudjemaâ hAiChOUR

hassina AMROUNi

Salah DeRRADji dit Rostom

Zoubir KhélAiFiA

Direction Artistique

halim BOUZID

Salim KASMI

Impression

SARl imprimerie ed Diwan

Contacts : SARL COMESTA MEDIAN° 181 Bois des Cars 3

Dely-ibrahim - Alger - Algérie

Tél. : 00 213 (0) 661 929 726

+ 213 (23) 304 652

Fax : + 213 (23) 304 653

E-mail : [email protected]

[email protected]

Fondateur Président du Groupe

AMMAR KHELIFA

Direction de la rédaction

Zoubir KhelAiFiA

Coordinatrices

Meriem Khelifa

Reporter - Photographe

abdessamed Khelifa

Ghazi NaCef

N°73 Octobre 2019Supplément

LEs cOMMUnIstEs DAns LA RÉVOLUtIOn

GUERRE DE LIbÉRAtIOn

P.11

Témoignage

Le commandant Abderrahmane Bensalemle lion des fronTières

PortraitLakhdar Rebbahl’homme qui PorTaiT la lumière sur son visage

histoire

Les communistes dans la Révolutionune hisToire Parallèle

histoireaux origines du ParTi commuisTe algérien

histoirel’engagemenT du Pca dans la luTTe armée

histoirel’éPoPée des combaTanTs de la révoluTion

histoireMaurice Audinun communisTe algérien qui hanTe la mémoire française

P.27

P.45

P.7

P.15

P.19

P.23

le Pca dans la luTTe arméeles communisTes dans la révoluTion

amar ouzeggane

P.15P.7

abdelhamid benzineMémoria

@Mmoria2

abane ramdane

SOM

MA

IRE

abderrahmane bensalem amara bouglez chadli bendjedid

Supplément du magazine ELDJAZAIR.COM

Consacré à l’histoire de l'algérie

Edité par :

LE GROUPE DE PRESSE ET DE COMMUnICATIOn

Dépôt légal : 235-2008iSSN : 1112-8860

P.69

HIstOIRE D'UnE VILLE

fadila dziria

baTaille d’el merdja

les crimes coloniaux

histoire22 Avril 1958le mardi noir de ghazaoueT

histoireFadila Dziria diva eT...moudjahida

P.53

P.57

histoire

reTour sur la sanglanTe oPéraTion « esPérance »

P.49

lakhdar rebbah

djelfa, la caPiTale des ouled naïl

maurice audin

P.45P.23

P.27 P.30 P.34

Adel Fathi

( 8 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément N°73 Octobre 2019

Sous prétexte que le Parti communiste algérien (PCA) n’a pas adhéré en tant qu’organisation au mot

d’ordre de l’insurrection armée, sous la bannière du Front et de l’Armée de libération nationale, l’historiographie officielle ne s’est penchée sur ce parcours singulier que superficiellement.

Pourtant, les communistes furent nombreux à rejoindre le maquis dès les premières années de la Révolution, et plus nombreux encore à partir de 1956, grâce aux efforts ininterrompus d’Abane Ramdane, qui, dans le sillage du congrès de la Soummam du 20 août 1956, entreprit d’unir les

rangs des nationalistes et de les gagner à la cause. Cette adhésion fut obtenue, alors que les dirigeants nationalistes étaient encore choqués par la position peu flatteuse du Parti communiste français (PCF) – avec lequel le PCA gardaient encore des liens forts – qui venait de voter, à l’Assemblée nationale, les pouvoirs spéciaux qui allaient lancer la répression de la guérilla à Alger dès 1957.

Lui-même proche de certains militants communistes qui avaient, à l’époque, pignon sur rue en Kabylie, Abane Ramdane réussit la prouesse de parvenir à un accord avec les dirigeants du PCA, acceptant même l’entrée de ce parti en tant que structure au sein du

FLN, alors que la règle, au départ, était d’admettre les adhésions individuellement, comme c’était le cas avec toutes les autres formations du mouvement national (UDMA, ouléma…). Son argument, rejeté ensuite par les autres dirigeants de la Révolution, est que si les pays communistes voulaient fournir des armes aux combattants algériens, il était plus judicieux d’accepter le Parti communiste algérien en tant que parti au sein du FLN.

En réalité, les membres du PCA n’ont pas attendu l’ouverture de négociations avec la direction du FLN pour s’engager pleinement dans la lutte armée contre l’armée d’occupation. Dès avril 1956, le militant communiste Henri

L’histoire du mouvement communiste algérien est étroitement liée à celle du mouvement national, depuis sa naissance, mais leur cheminement et leur destin ont souvent divergé. Pour des raisons idéologiques ou de pouvoir, cette histoire n’a pas eu droit au traitement qu’elle mérite, au vu de sa profondeur et de la contribution apportée par les communistes algériens, au cours de différentes étapes, à la lutte pour l’indépendance du pays.

Abane Ramdane Henri Maillot

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HistoireGuerre de libération

Maillot a réussi, avec un groupe de «Combattants de la libération» affilié au PCA, à s’emparer d’un camion d’armement des troupes coloniales au profit de la résistance algérienne dans la région de l’Ouarsensis. Cette initiative changea complètement la donne et ébranla les états-majors de l’armée française qui redoutaient l’existence de complicités au sein de leurs unités militaires. Jaloux de son autonomie, mais en même temps très engagé dans le combat anticolonial, le PCA était, pour ainsi dire, le seul parti algérien, en dehors

du FLN, à créer son propre maquis et à combattre par les armes. Il se trouve que certains chefs du FLN n’avaient pas totalement assimilé ce fait.

La direction du PCA de l’époque, conduite notamment par Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjerès, futur fondateurs du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS) qui succéda au PCA à partir de 1965, négocia avec le FLN, représentée par Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda, les prédispositions du PCF et de son maquis à collaborer avec les maquis de l’ALN, avant

de parvenir rapidement à un accord politique. D’entrée, les émissaires du FLN ont expliqué à leurs interlocuteurs que l’efficacité de l’action nécessitait, selon eux, de transcender définitivement les clivages entre différents partis et, pour cela, le seul moyen était que les partis s’effacent. Sans aller jusqu’à exiger la dissolution du PCA, les responsables du FLN mettaient en avant le principe selon lequel le Front de libération se proposait de drainer les forces patriotiques en un seul mouvement et seulement sur la base des adhésions individuelles.

Le chef d'Etat-major, le colonel Houari Boumediene, en compagnie de ses 3 adjoints en 1961.

Bachir Hadj Ali

Sadek Hadjerès

( 10 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément N°73 Octobre 2019

Les dirigeants communistes se sont vite montrés enthousiastes et ne voyaient aucune contradiction avec le rôle de noyau dirigeant auquel le FLN aspirait, tant que l’autonomie politique des individus qui décidaient d’y adhérer était respectée. Au cours de cette discussion, les deux parties ont évoqué la question syndicale qui tenait tant à cœur les militants communistes et dans laquelle ils avaient tant investi. Les communistes n’avaient pas vu d’un bon œil l’unilatéralisme du FLN

dans la création de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA).

Les communistes vont jouer un rôle au congrès de la Soummam, à travers notamment Amar Ouzeggane, ancien militant et premier secrétaire du PCA dans les années 1940, qui rédigera la fameuse plateforme du congrès.

L’histoire du mouvement national regorge de noms de communistes qui ont porté haut et fort la cause nationaliste en Algérie et à l’étranger : Chebbah El-

Mekki, Larbi Bouhali, Abdelhamid Benzine et tant d’autres.

Adel Fathi

Benyoucef Benkhedda Amar Ouzeggane

Chebbah el MekkiL’amicale des algériens en France en mars 1965 à Paris

Abdelhamid Benzine

Adel Fathi

( 12 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément N°73 Octobre 2019

Né au début des an-nées 1920, comme une extension du Parti communiste français (PCF), le

Parti communiste algérien (PCA) dut batailler longtemps pour acqué-rir son autonomie organique et poli-tique. Cela se réalisa en 1936. Com-posées principalement d’ouvriers algériens expatriés et d’Européens engagés, les premières structures du parti se sont rapidement élargies à d’autres catégories de la société, notamment les élites.

Son premier secrétaire, issu du congrès constitutif tenu en octobre 1936, était Ben Ali Boukort, un intellectuel de Relizane plus connu sous son pseudonyme El Djazairi avec lequel il signait ses articles dans la presse. Trois ans plus tard, il quitte le PCA et cède sa place à

Le mouvement communiste algérien est aussi vieux que le mouvement national. Les deux ont eu des itinéraires parallèles, mais, à des moments cruciaux de l’histoire, ils se rejoignent et se renforcent mutuellement.

Ben Ali BoukortKaddour Belkaïm, de son vrai nom Kaddour Boussahba

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HistoireGuerre de libération

Kaddour Belkaïm, de son vrai nom Kaddour Boussahba. Celui-ci sera, quelques mois plus tard, déporté dans la région d’Aïn Sefra, à la suite de l’interdiction du PCA par le gouvernement de Vichy. Il y mourra une année plus tard.

Après une période de vacance, le poste de premier secrétaire sera occupé par Amar Ouzeggane de 1943 à 1947. Ce dernier entre en conflit avec le Comité central du parti au sujet de la stratégie poli-tique à adopter aussi bien avec le mouvement national indépendan-tiste qu’avec le PCF. Il est rétro-gradé au rang de troisième secré-taire avant d’être évincé du bureau politique du PCA, pour être fina-lement exclu du parti par sa cel-lule. Amar Ouzeggane capitalisera par la suite sa riche expérience politique au sein du PPA-MTLD puis du FLN où il se distingue par son dynamisme et son apport précieux à l’action révolutionnaire. Il est surtout connu pour être le rédacteur de la célèbre plateforme du congrès de la Soummam.

Amar Ouzeggane sera donc remplacé, en 1947, par Larbi Bou-hali qui va garder le poste de pre-mier secrétaire jusqu’en septembre 1955 avant l’interdiction du parti par les autorités françaises. Il continuera à occuper ce poste dans la clandestinité jusqu’à l’indé-pendance de l’Algérie, en 1962.

A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, et à la faveur des décantations qui ont eu lieu au sein de la mouvance communiste en général, le PCA s’algérianise avec une vague d’adhésions, dont 80 % d’Algériens. Le parti réussit même à s’implanter dans certaines zones rurales pauvres et dans des bidonvilles urbains.

Cette tendance ne tardera pas à s’étendre aux instances diri-geantes du parti. Contrairement à ce qui se faisait dans le passé, où le PCF formatait des militants «musulmans» selon des critères bien définis, une nouvelle prise de conscience se cristallise dans les rangs des autochtones, permettant l’émergence des figures nouvelles,

pour la plupart de jeunes intellec-tuels, lesquelles figures vont mar-quer l’histoire du communisme algérien durant des décennies.

On citera notamment Bachir Hadj Ali qui, à l’âge de 27 ans, devient rédacteur en chef de l’heb-domadaire Liberté, organe central du PCA, dès 1947. Il y avait aussi Ahmed Akkache, secrétaire géné-ral des Jeunesses communistes en 1946, qui entre au comité central du PCA dès l’année suivante, alors qu’il n’a que 21 ans, puis au bu-reau politique en 1949. Tout aussi jeune (25 ans en 1948), Boualem Khalfa devient rédacteur en chef d’Alger républicain, porte-voix historique des communistes algé-riens jusqu’au début des années 2000. C’est, d’ailleurs, à travers ce journal, qui est aussi celui des ouvriers et des paysans, que les communistes algériens réussissent à consolider leur attachement à l’idée de libération et d’indépen-dance de l’Algérie.

Arrivé plus tard au PCA (1950), Sadek Hadjeres y connaît une

Amar OuzegganeBachir Hadj AliAhmed Akkache

( 14 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

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ascension rapide : membre du co-mité central en 1952, du bureau politique en 1954, numéro deux du parti, aux côtés de Bachir Hadj Ali, durant toute la guerre de Li-bération nationale. Mêlé à la crise dite berbériste de 1949, aux côtés notamment de Ouali Bennaï et

Rachid Ali-Yahia, cet ancien na-tionaliste se reconvertit au com-munisme et n’est plus revenu au mouvement nationaliste qui a suc-cédé au PPA-MTLD. En 1965, il crée avec Bachir Hadj Ali le Parti d’avant-garde socialiste (PAGS), héritier du PCA qu’il présidera

jusqu’à 1992, date de son départ en exil.

Il faut savoir que le comité cen-tral du PCA, élu par le IVe congrès tenu en avril 1947, était composé de 25 Européens et de 23 Algé-riens dits « Arabo-Berbères ». Son bureau politique comptait neuf Européens (Paul Caballero, Hen-riette Neveu, Pierre Fayet, Alice Sportisse, Yvonne Kouch, Roger Rouzeau, Elie Angonin, Nicolas Zannetacci, André Moine) et huit « Arabo-Berbères » (Larbi Bouha-li, Amar Ouzeggane, Rachid Dali-bey, Ahmed Mahmoudi, Cherif Djemad, Ahmed Khalef, Bouali Taleb, Abdelhamid Boudiaf ), son secrétariat, un Européen (Paul Caballero) et trois Algériens de souche (Amar Ouzeggane, Larbi Bouhali et Rachid Dalibey)

Adel Fathi

Défilé de l’équipe d’Alger Républicain à Alger, le 1er mai 1963. Boualem Khalfa en médaillon

Henri Alleg en médaillon et l’équipe d’Alger Républicain en 1963

Boualem Khalfa

Adel Fathi

( 16 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Au déclenchement de l’insurrection ar-mée le 1er Novembre 1954, la direc-tion du PCA, à l’instar des réformistes de l’UDMA ou des ouléma, n’était pas totalement acquise à cette brusque

rupture osée par les radicaux du mouvement natio-nal. Mais, dès 1956, les choses évoluent rapidement. C’est ainsi que l’adhésion des communistes au mot d’ordre de la lutte armée, sous la bannière du Front et de l’Armée de libération nationale, fut un grand mo-ment dans l’histoire de la guerre de Libération natio-nale. C’est surtout grâce au volontarisme et à la force de conviction d’un Abane Ramdane, unificateur du nationalisme algérien, que cela put se réaliser.

Il faut dire que, jusque-là, les nationalistes du FLN ne montraient aucune sympathie pour les commu-nistes, au vu de la position peu flatteuse du PCF – dont le PCA était encore proche – qui venait de voter, à l’Assemblée nationale française, les pouvoirs spéciaux qui autorisaient l’armée coloniale à réprimer sauvage-ment la guérilla, notamment à Alger. Mais soucieux de l’unité des rangs et conscient des enjeux politiques de l’heure, Abane a tout fait pour parvenir à un accord avec tous les partis algériens encore réticents, dont particulièrement le PCA. Considérant l’importance politique et organique de ce parti historique, il était même prêt à consentir une exception pour accepter l’entrée de ce parti en tant que structure au sein du

Pris dans le tourbillon de ses crises organiques et idéologiques propres, le PCA qui se détachait péniblement de la matrice mère qu’était le PCF, n’en était pas moins attentif aux décantations salutaires qui s’opéraient au sein du mouvement national et des décisions majeures qui allaient être prises par ses dirigeants.

Henri Maillot

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HistoireGuerre de libération

FLN, alors que la règle, en principe, était d’autoriser les adhésions à titre individuel, comme c’est le cas avec tous les autres partis du mouve-ment national (UDMA, ouléma…). Cherchant à convaincre ses pairs, Abane Ramdane écrit dans un mes-sage adressé aux dirigeants FLN basés au Caire et daté du 15 mars 1956 : « (…) Si les communistes (entendre les pays socialistes, ndlr) veulent nous fournir des armes, il est dans nos intentions d’accepter le parti communiste algérien en tant que parti au sein du FLN si les communistes sont en mesure de nous armer… »

Avant d’entamer les discussions avec les chefs de la Révolution, le PCA avait déjà prouvé sur le terrain son engagement révolutionnaire et son esprit combatif sur le terrain. Il faut rappeler, à ce titre, que dès avril 1956, le militant communiste d’origine française, Henri Mail-lot, avait réussi, avec un groupe de «Combattants de la libération» affiliés au PCA, à s’emparer d’un camion d’armement des troupes coloniales au profit de la résistance algérienne. L’action avait bousculé les esprits. Les médias colonia-listes s’en sont fait largement échos, alors que les états-majors de l’armée d’occupation, ébranlés, pointaient des complicités au sein de leurs uni-tés militaires. Le PCA était, pour ainsi dire, le seul parti algérien, en dehors du FLN, à assumer l’action armée contre l’occupant et à avoir ses propres forces armées. C’est pourquoi, les négociateurs du FLN devaient tenir compte de cette par-ticularité que présentait le PCA.

Abane Ramdane, toujours accompagné de Benyoucef Ben-khedda, eut ses premiers contacts avec les dirigeants communistes en printemps 1956 à Alger. Ses pre-miers interlocuteurs s’appelaient Bachir Hadj Ali et Sadek Hadje-rès, futurs leaders du parti et fon-dateurs du PAGS. Avant de voir la possibilité de parvenir rapidement

à un accord politique, les représen-tants du FLN cherchèrent d’abord à sonder les prédispositions du PCA et de son maquis à collaborer avec les maquis de l’ALN.

Dans un témoignage sur cet épisode, Sadek Hadjerès, écrit : « Nous en avions fini provisoirement avec les échanges concernant nos groupes armés et avions précisé

( 18 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

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certaines modalités des prochains contacts pour les poursuivre après consultation de nos instances res-pectives. Benkhedda, sans doute pris par un autre rendez-vous, sort le premier. La discussion se pour-suit alors avec Abane. Il est dé-tendu et visiblement satisfait de la franchise de nos discussions, avec dans le regard une pointe d’affabi-lité souriante. »

Au sujet de la proposition de voir les communistes intégrer la Révolution sur la base d’adhésions individuelles, Saddek Hadjerès raconte : « Nous avons dit que nous comprenions bien l’importance d’une orga-

nisation et d’une discipline monolithiques pour tout ce qui concernait le combat et les structurations militaires. Nous estimions cependant qu’en ce qui concernait la mo-bilisation politique, la propagande, l’édu-cation etc., gagnerait plutôt à réaliser la cohésion dans des formes de coordination plus souples, plus rassembleuses et par là même plus efficaces. On ferait ainsi de l’autonomie d’opinion et d’expression des organisations qui le souhaitent, un facteur supplémentaire de large rassemblement. A condition bien sûr que cette structura-tion plus souple s’accompagne d’un solide consensus et d’une plate-forme d’action re-posant à la fois sur l’indépendance comme

objectif démocratique et social et sur la lutte armée et de masse comme moyen d’y parvenir. »

Au cours de cette discussion, les deux parties ont évoqué la ques-tion syndicale qui intéressait tant les militants communistes. Là, les avis divergeaient fondamentale-ment. Alors que le FLN se targuait d’avoir sous sa coupe les militants syndicalistes, à travers l’UGTA qui venait d’être créé de façon «unila-térale», les représentants du PCA y voyaient une volonté d’impo-ser une forme d’hégémonie sur l’ensemble du mouvement de lutte contre l’occupation. Hadjerès rele-vait ainsi le «caractère politicien» de la décision prise par le FLN de créer une centrale syndicale sans se soucier du besoin d’avoir un large mouvement syndical.

Adel Fathi

Saddek Hadjerès

Adel Fathi

( 20 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

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Une structure a été mise en place dès le 20 juin de la même année, avec comme objectif l’organisation d’opérations militaires. A sa tête se trouvaient déjà Bachir Hadj Ali,

Sadek Hadjerès et Jacques Salort. Le groupe qui sera commandé par Abdelkader Guerroudj, était com-posé aussi d’Abdelhamid Benzine, Fernand Iveton, Georges Acampora, Yahia Briki, Jean Farrugia, An-dré Castel, Nour Eddine Rebah et plus d’une cen-taine de militants de la seule ville d’Alger.

A Constantine, une structure similaire a été créée par Sadek Hadjerès. Celle-ci sera conduite par Ab-delkader Babou, avec comme adjoint Odet Voirin. Puis, d’autres cellules verront le jour successivement à Blida, Oran et Cherchell. Le premier maquis sera constitué au début de 1956 dans l’Ouarsenis.

A partir de cette date, tous les dirigeants du PCA étaient entrés en clandestinité. Recherché, Hadjerès sera condamné par contumace, en mars 1957, par le tribunal militaire d’Alger, à vingt ans de travaux for-cés pour « association de malfaiteurs et atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ».

Dès 1955, le PCA opte définitivement pour sa participation à la lutte armée d’indépendance. Il décide ainsi de mettre à contribution sa propre organisation militaire, les « Combattants de la libération (CDL) », tout en gardant son autonomie politique et organique.

Abdelkader Guerroudj Abdelhamid Benzine Fernand Iveton

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HistoireGuerre de libération

Avant le début des discussions avec les dirigeants du FLN, Sadek Hadjerès et Bachir Hadj Ali prirent l’initiative, le 4 avril 1956, de mener une opération de détournement d’armes de l’armée française au profit de l’ALN et des CDL. Prépa-rée depuis le mois de janvier, l’opé-ration reposait sur la participation d’Henri Maillot, membre du PCA à Alger, alors rappelé à l’armée et af-fecté à une compagnie du train, qui, avec le GMC rempli d’armes qu’il était chargé de convoyer, a rejoint l’endroit où l’équipe de militants du PCA/CDL devait l’intercepter. Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjerès avaient repéré le lieu indiqué dans la forêt de Baïnem. Hadjerès avait notamment procuré à Maillot le chloroforme destiné à endormir le militaire qui se trouvait avec lui à l’avant du camion.

En plus du commando armé chargé de l’embuscade et du trans-port des armes, composé de Jean Farrugia, Joseph Grau, Clément Oculi et trois autres hommes,

une trentaine de militants étaient mobilisés pour dissimuler les car-gaisons d’armes et de munitions (132 mitraillettes, 140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades) dans différents lieux, dont la villa louée par Georges Hadjadj. Le 8 avril, un communiqué du PCA/CDL, a annoncé la réussite de l’opération et qu’Henri Maillot avait rejoint la résistance armée.

Le lendemain matin, le journal colonialiste L’Echo d’Alger, titrait en Une : « Un important charge-ment d’armes disparait dans la

forêt de Baïnem ». Dans les jours qui suivent, le tandem du PCA rencontre une délégation du FLN conduite par Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda, pour orga-niser la participation des commu-nistes algériens à la lutte armée du FLN/ALN. C’était la première rencontre « officielle » entre les direc-tions des deux entités politiques. Lors de cette rencontre, il a été convenu qu’une partie des armes saisies sera remise au FLN. Le reste est réparti entre les CDL, un lot important étant acheminé vers l’Ouarsenis. Cette opération sen-sible fut confiée à des militants et militantes aguerris tels que Marie-Lise Benhaïm et Tayeb Boura.

Dès mars 1956, en effet, avait commencé à se constituer le maquis des CDL dans la vallée du Chlef, dans l’Ouarsenis. Les habitants ap-pelaient les membres de ce groupe révolutionnaire « les communistes FLN ». Le 22 mai, Henri Maillot, condamné à mort par contumace, a rejoint le maquis des CDL dans l’Ouarsenis, tout comme Maurice Laban.

Jacques Salort au milieu de ses frères de combat à Alger Républicain

Georges Acampora Nour Eddine Rebah

( 22 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Le 4 juin, les maquisards com-

munistes entreprennent leur pre-mière action armée. Il s’agit de l’exécution de quatre collabora-teurs de l’armée française. Mais, le 5 juin, plusieurs membres des CLD tombent, dans une embus-cade, les armes à la main. Ainsi, les premiers martyrs commu-nistes s’appelaient Maurice Laban, Belkacem Hannoun et Djillali Moussaoui, ils sont tombés les

armes à la main ; Henri Maillot et Abdelkader Zelmat sont faits prisonniers puis froidement assas-sinés. Plusieurs dizaines de survi-vants de ce maquis des CDL de l’Ouarsenis, dont Mohamed (Ab-delhamid) Gherab, parviendront à échapper à l’armée française et rejoindront l’ALN.

Les CDL étendent ensuite leur action à Alger, où ils réalisent plu-sieurs coups d’éclat. Cependant, toutes ces prouesses ne suffisent pas pour approfondir la commu-nion avec le FLN. Celui-ci exi-geait la dissolution du PCA, ce que les communistes refusaient avec pugnacité. Mais vite une solu-tion est trouvée. Le CDL d’Alger, dirigé par Abdelkader Guerroudj, est placé dans l’organigramme de la Zone autonome d’Alger sous la responsabilité de Yacef Saadi, et n’a de ce fait plus aucun lien orga-nique avec le PCA.

C’est ainsi que plusieurs actions sont exécutées par des groupes du

CDL d’Alger, parmi lesquelles on peut citer notamment l’incendie spectaculaire en 1956 des Bou-chonneries internationales de liège à Hussein-Dey ainsi que le sabotage de wagons sur le port d’Alger. Il y a eu aussi un atten-tat, en juillet, contre le général Massu. L’opération a échoué car l’arme, provenant du stock de l’opération Maillot, s’était enrayée. Le chef du groupe, Briki, sera ar-rêté en décembre et condamné à mort. Aussi, le 14 novembre 1956, un groupe CDL d’Alger, conduit par le militant du PCA Fernand Iveton, dépose une bombe dans l’usine de gaz du Hamma où il travaille, réglée pour exploser à une heure où elle ne pourrait pas faire de victimes. Mais la bombe sera désamorcée. Iveton est arrêté et torturé. Jugé devant le tribunal militaire d’Alger, il est condamné à mort le 24 novembre et guilloti-né le 11 février 1957 dans la prison de Barberousse.

Adel Fathi

Maurice Laban

Le 7 juin 1956, les dépouilles de l’anticolonialiste et déserteur Henri Maillot et des personnes appartenant à son groupe dont l’instituteur anticolonialiste français Laban, sont placés dans

une camionnette, sous le regard de plusieurs personnes

Adel Fathi

( 24 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Supplément N°73 Octobre 2019

Cette annonce, faite en septembre 2018, a redonné espoir aux nombreux amis, outre-mer, de l’indé-

pendance algérienne et replacé le débat concernant l’histoire de la colonisation sur des bases plus pro-metteuses. D’aucuns ont estimé sur le coup que la reconnaissance offi-cielle de la responsabilité de l’Etat français dans cette affaire était «la fin de l’affaire Audin et le début d’une histoire apaisée» et que le mo-ment était venu pour passer à une autre étape dans les relations entre la France et son ancienne colonie.

La décision prise par Emmanuel Macron était venue, en fait, com-bler la distance qui existait entre la vérité, connue déjà depuis 1957 grâce aux révélations d’historiens et de militants anticolonialistes coura-geux, et la version officielle qui évo-quait son évasion. Mais il manque

par exemple de savoir comment Maurice Audin a été véritablement assassiné et par qui. Il manque sur-tout de connaitre le sort des autres disparus de la guerre d’Algérie, algé-riens ou Français.

Quelques mois plus tard, le gou-vernement français a annoncé l’ou-verture des archives et appelé les personnes détenant des documents ou des témoignages sur cette affaire

à les faire connaître. Les choses ont bien commencé, mais le débat a vite réveillé les vieux démons colonia-listes en France. N’ayant pas accepté cette «concession» des autorités politiques de leur pays, les nostal-giques de l’Algérie française qui se recrutent notamment dans les milieux de l’extrême-droite et des courants identitaires se sont aussitôt mobilisés.

Après des décennies d’amnésie institutionnalisée, les autorités françaises ont enfin consenti d’ouvrir les archives liées à l’enlèvement, suivi de l’assassinat du militant communiste Maurice Audin, et avant cela de reconnaitre, par la voix du président Emmanuel Macron, la responsabilité de l’Etat français dans sa disparition et son élimination, et dans celles de tant d’autres militants, dont la liste est loin d’être exhaustive.

Maurice Audin

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 25 )

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Le témoignage de la

veuve de Maurice Audin

Josette Audin et son mari Mau-rice vivaient à Alger lorsqu’il y eut l’enlèvement de ce dernier par des parachutistes dans la nuit du 11 juin 1957. Agés respectivement de 26 et 25 ans, ils étaient tous deux membres du Parti communiste algérien qui, à cette époque, était engagé dans la lutte pour l’indé-pendance de l’Algérie, après avoir signé un accord avec le FLN. Dans un témoignage diffusé en 2001 sur radio France Culture, Josette Audin raconte : «Depuis le début de l’année 1957, les parachutistes font ré-gner la terreur, ils se promènent dans les villes, arrêtent les passants, ceux natu-rellement qui sont suspects, c’est-à-dire les Algériens, pas les Européens, et tout le monde sait que le jour, ils paradent auprès des filles et que la nuit ils font leur sale boulot».

A cette époque, Maurice Audin enseignait les mathématiques à la faculté des sciences d’Alger où il préparait une thèse. Celle-ci était presque finalisée, lorsqu’il est ar-rêté dans la nuit du 11 juin 1957. Josette poursuit la narration : «Les parachutistes sont venus chez nous à 11h du soir, et ils ont emmené mon mari. Ils ont laissé un certain nombre d’entre eux chez moi pour me garder avec mes enfants. C’est à ce moment-là que je l’ai vu pour la dernière fois. Nous étions couchés, on est allés ouvrir, ils sont en-trés, m’ont bloquée dans la pièce voisine

où dormait l’un de mes enfants, et très vite ils sont partis avec mon mari en me disant de ne pas bouger. J’ai demandé au capitaine où il l’emmenait, et quand il allait revenir, et il m’a répondu : «S’il est raisonnable, vous le reverrez très vite». Donc, apparemment, il n’a pas été rai-sonnable puisque je ne l’ai jamais revu.»

La veuve du martyr restera quatre jours coincée chez elle, sur-veillée par des parachutistes et des policiers : « A cette époque, on savait que les gens qui étaient arrêtés étaient automatiquement torturés, donc forcé-ment, je ne pensais qu’à ça, qu’il était

Maurice et Josette Audin

( 26 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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certainement torturé. » Le lendemain, le célèbre journaliste communiste Henri Alleg, ami de Maurice Au-din et infatigable pourfendeur de la torture, venu à leur domicile, sera arrêté sur place : « Il s’était présenté chez nous. Il a essayé de faire croire qu’il était là pour re-nouveler l’assurance de mon mari, mais les parachutistes n’ont pas été dupes. Ils ont téléphoné au lieu-tenant Charbonnier qui est venu très vite le chercher. »

Elle raconte que deux des para-chutistes présents au moment de l’arrestation de son mari étaient revenus chez elle peu de temps après, affirmant vouloir vérifier que le prétendu fugitif n’était pas revenu : « Leur attitude était inquié-tante. Ils sont venus comme ça, ils n’ont rien cherché, ils sont repartis pratique-ment tout de suite. Les seules choses qu’ils aient faites en entrant chez moi c’était de dire, en regardant une photo : “Ah ah, votre mari… mais il était jeune ce type-là ! Vous croyez que vous allez le revoir ?’’ Des réflexions de ce genre… et puis ils sont partis et je n’ai plus eu

de nouvelles. A ce moment-là j’ai déposé une plainte au tribunal d’Alger qui a été instruite plus ou moins, avec plus ou moins de diligence disons… »

Josette Audin est décédée le 2 février 2019. Elle était âgée de 87 ans.

Adel Fathi

Le Lion des frontièresLe commandant Abderrahmane BensAlem

Témoignages sur le parcours du Commandant Abderrahmane BensAlem, l’un des glorieux baroudeurs de la Révolution algérienne.

Derradji Salah dit Rostom

( 28 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Plusieurs surnoms ont été donnés au mou-djahid Abderrahmane Bensalem. Ainsi, le journaliste yougoslave, Zdravko Pe-car, l’appelait « le Jugurtha d’Algérie », en le comparant au grand Jugurtha, qui fut

un exemple de bravoure, de triomphe, de dévoue-ment et d’honneur, alors que ses frères moudjahidine aimaient le surnommer « Khalid Ibn El-Walid », du nom du célèbre général musulman. Les dirigeants, eux, l’appelaient « l’Homme brun ». Enfin, l’officier de l’ALN, le moudjahid Brahim Lahrèche, l’affublait du surnom de « l’Orage éclatant ».

Sa naissance

Abderrahmane Bensalem est né en 1923 au douar Chebabna, situé entre Aïn Kerma et Bouhedjar (anciennement Lamy), d’une famille composé du père, Mohamed, fils de M’hamed, de la mère, Kha-dra, fille de Zayed, et de cinq frères : Hachemi, Salah, Zayed, Messaoud, Boubekeur, et d’une sœur: M’bar-ka dite Mabrouka. Tous étaient membres de l’ALN, à l’exception de Boubekeur, décédé en 1948. Il était marié à deux femmes : la regrettée Bensalem Rbah, fille de M’hamed, qui était, comme lui, mou-djahida et membre de l’ALN. Il l’a, d’ailleurs, épousée pendant la Révolution. Il y a eu aussi la regrettée Ya-kouta Ben Haouis, fille de Mohamed, qu’il a épousée après l’Indépendance. Il n’a pas eu d’enfants, mais il a pris en charge la famille de son frère Messaoud, le cadet de la famille, et s’est chargé de l’éducation de ses enfants. Ses conditions sociales ne lui ont pas permis d’aller à l’école. Il a grandi dans une famille pauvre qui vivait de l’agriculture traditionnelle et de l’élevage, à l’instar des milliers de jeunes algériens, notamment ceux qui vivaient dans les campagnes.

Il était l’un des chefs de la Base de l’Est. Compagnon de Amara Bouglez, colonel Aouachria et Chadli Bendjedid, le commandant Bensalem était pratiquement dans tous les coups dans cette région connue pour être l’une des plus combattantes de l’Algérie. Il a connu toutes les péripéties de la guerre ainsi que celles de l’Indépendance.

Abderrahmane Bensalem.

Avec Krim à sa main gauche ... Soraya et Ameldine Boulanouar

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 29 )

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Son engagement dans l’armée française

Faute de travail dans la région rurale où il a grandi et voulant aider sa famille, composées de huit membres, à subvenir à ses besoins, il n’a d’autre issue que de s’enga-ger dans les rangs de l’armée française. Il est admis en 1942 et enrôlé à Annaba, alors qu’il a à peine 20 ans.

Sur cet épisode, son ami et compagnon de la Révo-lution algérienne, le journaliste yougoslave Pecar, écrit : « Il avait à peine 20 ans quand il est entré dans l’unité et est resté 14 années entières dans l’armée française se battant sur les champs de bataille les plus exposés. Sous le commandement du général Giraudoux, il a pris part à la bataille contre Rommel jusqu’au moment où son unité, le troisième Régiment des tirail-leurs algériens, fut battue et lui-même fut fait prisonnier. Il resta en captivité jusqu’à la victoire des Alliés en Afrique du Nord. Après le débarquement des alliés en Italie, il participa aux com-bats les plus durs à Monte-Cassino pour s’arrêter à Sienne d’où il partit pour prendre part au débarquement de Saint-Tropez près de Marseille. La guerre l’a conduit jusqu’au Rhin, puis avec les troupes d’occupation à Stuttgart et dans les autres villes de la zone française… il était connu comme un bon tireur au fusil-mitrailleur. Les « tirailleurs algériens » sont partis à Mada-gascar, au Sénégal et en Indochine. Au milieu de 1945, il est arrivé en Indochine où il est resté après une brève interruption jusqu’en 1954, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la guerre.

En Indochine, en 1953, il est sous-officier (sergent-chef) et commande une unité de 38 soldats qui est transférée de Hanoï à Diên-Biên-Phu et cela tout au début quand les Français ont commencé à construire leur forteresse.

En Indochine, étaient massés 8000 Algériens, un grand nombre de Marocains, Tunisiens et Sénégalais et des soldats de la légion étrangère. Le premier jour de la grande attaque des Vietnamiens, le bataillon voisin de la légion étrangère a été exterminé, le deuxième jour

les Algériens ont eu 400 morts et 400 se sont rendus, et d’autres sont tombés prisonniers, c’est ainsi que Abder-rahmane est de nouveau mis en captivité ».

Si Abderrahmane Bensalem raconte au journaliste yougoslave Pecar sa captivité au Viêt-Nam: « … ces commissaires politiques de chez eux, ils vous parlent tellement du colonialisme et de l’exploitation et ensuite questionnent et de nouveau parlent et de nouveau questionnent, qu’a la fin dans ma tête de sous-officier de l’empire français, quelque chose a jailli. Je dois avouer que souvent j’avais mal à la tête, tout était embrouillé en moi, mais eux ils étaient obstinés. Même les blessés, ils les apportaient aux conférences et aux cours politiques qui avaient lieu deux fois par jour, le soir. C’était pour moi une école dure et difficile, mais au président Hô Chi Minh et à ses officiers je dois beaucoup. Quand finira cette guerre si je suis encore en vie, j’irai d’abord chez eux pour les remercier de tout puis j’irai visiter ton pays, car j’ai la plus grande estime pour Tito, grand guerrier et combattant pour la paix »

De g. à d. Boulanouar Younes, ses enfants Ameldine et Soraya avec Bensalem

( 30 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Son adhésion à la Révolution

Abderrahmane Bensalem fait partie du troisième Régiment des tirailleurs algériens (3e RTA). Apprécié comme soldat français avec ses douze médaillons, il est pressenti pour recevoir la Légion d’honneur et promu au grade d’ad-judant.

Lorsque la Révolution algé-rienne éclate, les autorités fran-çaises décident de rapatrier ce régiment en Algérie dès 1956. Celui-ci s’installera à Annaba, avec un champ d’action qui s’étendra jusqu’aux Aurès et Souk-Ahras.

Abderrahmane Bensalem est affecté dans l’une des compagnies qui a son QG dans la région d’El-Bettiha (actuellement commune Lehnancha, wilaya de Souk-Ahras).

C’est dans ce centre que com-mencent son histoire et celle de la désertion collective des soldats al-gériens, qui prélude à son adhésion à l’ALN. Une décision qu’il prend après s’être imprégné des idéaux du patriotisme et après avoir constaté personnellement les souffrances qu’endure le peuple algérien avec les bourreaux français et les crimes qu’ils commettent. Aussi, les leçons politiques qu’il a reçues lors de sa détention en Indochine et tout ce qu’il a appris de la bouche des commissaires politiques l’aident-ils à franchir le pas.

C’est ainsi qu’un jour, Abderrah-mane Bensalem, malade, est admis à l’hôpital de Souk-Ahras où il reste plusieurs jours. Le rez-de-chaussée de l’hôpital est réservé aux patients militaires. Au premier étage, occu-

pé par des patients civils, il y a une salle réservée aux prisonniers qui sont sous surveillance militaire. Bensalem se déplace de temps en temps entre les couloirs de cet hô-pital et préfère souvent monter au premier étage pour converser avec les gardes. Un patient algérien se trouve dans la pièce adjacente à la salle des gardes. Il sort de son lit un Coran pour lire quelques versets. C’est là qu’il attire son attention. Il se lie vite d’amitié avec lui, et au cours des discussions, ils évoquent l’oppression qu’exerce l’armée colo-niale sur la population. Bensalem découvre que ce patient est un na-

tionaliste imprégné des idées de la révolution.

C’est ainsi que lui vient l’idée de rejoindre la révolution et de réaliser enfin le rêve qu’il caresse depuis déjà longtemps. Il voit que cela ne peut se réaliser que par l’in-termédiaire de ce militant, nommé El-Hadi Ben Messaoud Douaissia. Il lui fait part de son projet. Ce dernier entreprend aussitôt d’éta-blir des contacts avec les dirigeants de l’ALN dans cette région, par le truchement de l’un de ses cousins, Mohammed Tahar Douaissia.

Il faut savoir qu’Abderrahmane Bensalem a de bonnes relations

1- Abderrahmane Bensalem. 2- Amara Bouglez

12

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HistoireGuerre de libération

avec la tribu des Douaissia, qui a donné beaucoup d’hommes à la révolution, dont on cite notam-ment Mohamed-Taher Douïssia, qui connaissait très bien la région et qui est tombé en martyr lors de la célèbre bataille de Souk-Ahras, qui s’est déroulée du 26 avril au 3 mai 1958. En tant que responsable dans cette zone, dont l’état-major avait été installé par le commande-ment de la Wilaya I, il a participé activement à l’implantation et à l’organisation des maquis de l’ALN dans cette région stratégique, com-posée principalement de cheikh Lazhari Drid, chef de région, Mah-moud Guennez, Ahmed Tamse-rar Tifourghi, dit Ahmed Lou-rassi (originaire d’Ouled Tifourgh dans la wilaya de Khenchela) et enfin d’Abdallah Nouaouria, chef de section de Hammam Nebaïel. L’opération de désertion d’Abder-rahmane Bensalem est menée en coordination parfaite avec tous les dirigeants susmentionnés.

Cette opération de désertion est connue dans le glossaire de la révolution algérienne sous le nom de «l’opération El-Batiha », consi-dérée comme la plus grande déser-tion de soldats algériens. Il y a eu, à la même époque et plus exacte-ment le 20 février 1956, une opé-ration similaire qui fut organisée dans la caserne de Sbabna, dans l’actuelle wilaya de Tlemcen, sous la conduite de Tahar Hamaïdia, dit plus tard capitaine Si Zoubir, où 58 recrues algériennes avaient déserté après avoir neutralisé un certain nombre de soldats français et em-porté avec eux des lots importants de différents types d’armes.

L’enlèvement de la

caserne de Bettiha dans la nuit du 7 au 8 mars

1956

Le centre militaire français est situé dans la région de Bettiha (Gaston Dégoul), à environ 16 km de Souk-Ahras sur la route reliant Souk-Ahras à la ville antique de Khemissa. Ce centre regroupait la grande majorité des recrues algé-riennes appartenant au 3e Régi-ment des tirailleurs algériens.

Selon l’accord conclu entre le commandement de la région et Si Abderrahmane Bensalem, à travers les contacts et les échanges de mes-sages assurés par l’agent de liaison le moudjahid El-Hadi Douaissia, l’attaque était prévue dans la nuit du 7 au 8 mars 1956, conformé-ment au plan élaboré par Si Bensa-lem, celui-ci comprenant l’organi-

sation de la garde et de la relève et l’heure de l’attaque. De l’extérieur, les assaillants se seraient scindés en trois petits groupes. Le premier groupe, dirigée par Saïd Ftaimiya dit «l’Indochine» et composé de 12 combattants, avait pour mission de pénétrer dans la caserne pour éli-miner les officiers et sous-officiers français. Le deuxième, conduit par Ahmed Lourassi, devait bou-cler la caserne, couvrir le premier groupe et protéger les assaillants d’un éventuel envoi de renforts de troupes françaises au centre. Le troisième groupe, enfin, dirigé par Mohamed-Taher Douaissia, com-prenait 15 moudjahidine, appuyés par des moussebline avec des mu-lets ramenés pour transporter les armes et munitions qui auront été récupérés de la caserne militaire.

Selon le témoignage du colonel moudjahid Ali Boukhdir, à leur arrivée sur les lieux de l’opération,

Le Moudjahid Abdelhamid Douaissia et sa mère Hadja Hadria veuve du chahid Douaissia El-Hadi décédée le 08 Fevrier 2004.

( 32 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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ils trotuven Abderrahmane Bensa-lem, Mohamed Aouachria (devenu par la suite colonel de la Base de l’Est, condamné à mort par le CCE dans le complot dit des colonels), Ali Boukhdir (qui a joué un rôle important dans l’engagement des soldats algériens dans la révolu-tion, et a pris le commandement du 12e bataillon dans la région nord. Il est colonel à la retraite de l’Armée nationale populaire), Youssef Latreche (il conduira la grande bataille de Souk-Ahras, avant de tomber au champ d’hon-neur le 3 mai 1958), Kadi Kaddour, dit Abdelkader (lieutenant-colonel à la retraite de l’Armée populaire nationale, décédé le 30 novembre 2005). L’opération se déroule selon

une planification parfaite et sans aucune perte parmi les moudja-hidine. Ainsi, plus de 105 recrues algériennes réussissent à s’échapper et d’innombrables armes perfec-tionnées de différents calibres sont récupérées.

Il convient de noter ici qu’après l’évasion collective, l’armée fran-çaise a déclenché dès l’aube une vaste opération de ratissage dans les environs à la recherche des éva-dés. Arrivées à la lisière du village des Aoualmia, Belkacem et Abdes-lam, au lieu dit Hamam N’bayel, la soldatesque française, dirigée par le colonel sanguinaire Marcel Bigeard, commandant du 9e Régi-ment des chasseurs parachutistes, s’est accrochée violemment avec les

djounoud d’Abderrahmane Bensa-lem. C’est ainsi que Bigeard et Ben-salem s’affrontèrent dans leur pre-mière bataille après avoir combattu ensemble sous la même bannière.

Les soldats français ont utilisé des avions de chasses et de l’artil-lerie, faisant de nombreuses vic-times dans les rangs de l’ALN ; mais l’ennemi a également subi de lourdes pertes en vies humaines et des dégâts matériels. Les hommes de Bensalem ont réussi à briser le siège et à s’infiltrer jusqu’à des endroits sûrs, inaccessibles aux troupes françaises, pour s’assurer que les armes saisies ne retombent pas entre les mains de l’armée.

Cependant, l’armée française, comme au lendemain de chaque défaite, tente de se venger sur la po-pulation. Elle rassemble ainsi tous les habitants des mechtas environ-nants, dont la plupart se rendaient ce jour-là au marché hebdomadaire de Hamam N’bayel. C’était le jeudi 8 mars 1956. Les soldats, animés d’une haine destructric, vident leurs chargeurs sur les pauvres paysans, puis regroupent les corps avant de verser de l’essence dessus et de les brûler. Bilan de ce géno-cide : 365 martyrs, dont 8 femmes, 8 enfants et 4 bébés. Des maisons et des enclos sont également brûlés et pillés. En hommage à ces mar-tyrs, et en souvenir de ce tragique événement, l’école primaire de Bes-bassa a été baptisée « Ecole des 365 martyrs ». Nous y reviendrons dans nos prochaines éditions.

Voilà donc comment, dans la nuit du 8 mars 1956, Abderrah-mane Bensalem, fort d’une expé-

Les architectes de l’évasion de LABTIHA. de g. à dr en haut : Bensalem, Aouachria Mohamed, Ali Boukhedir. En bas : Youcef Latreche et Kadi Kaddour

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 33 )

HistoireGuerre de libération

rience de 14 ans sur les champs de bataille, a rejoint l’Armée de libéra-tion nationale.

Pour revenir à El Hadi Douais-sia, on sait qu’il est né à Souk-Ah-ras le 1er juillet 1924. Il milite dès son jeune âge au sein du Parti du peuple algérien/Mouvement pour le triomphe des libertés démocra-tiques (PPA/MTLD). Au déclen-chement de la guerre de Libération nationale, il est recruté par cheikh Drid Lazhari début 1955 et affec-té au douar de Lemhaya (actuelle commune de Lahnancha).

Selon le témoignage de son fils, le moudjahid Abdelhamid Douaissia, né le 1er octobre 1943, son père, El-Hadi, n’était pas en réalité malade, mais avait été admis à l’hôpital de Souk-Ahras grâce à une intervention du directeur de cet hôpital, le docteur Kassabi Ramdhan. Celui-ci, imprégné des idées nationalistes, cherchait par là à soulager quelque peu El-Hadi des poursuites engagées contre lui par les services de renseignement fran-çais, qui utilisaient certains de leurs agents bien connus dans la région, comme Chekchaki, Baairia ou Haj Kamel. Le directeur de l’établis-sement fabriqua ainsi un dossier médical à partir de documents antidatés, attestant que le concerné séjournais à l’hôpital depuis déjà un certain temps et qu’il y était tou-jours.

Après le succès de l’opération d’évasion, il sera arrêté et enlevé le 8 mars 1956 devant l’hôpital au moment il s’apprêtait à sortir. Vic-time d’un acte de délation, il sera conduit au centre de gendarmerie

de Aïn Snour, où il connaitra les affres de la torture qu’on lui fera subir toutes les nuits, d’après le témoignage d’un de ses proches, Roukab Abdallah, qui était aussi un des notables de la ville de Souk-Ahras. Le médecin rendit l’âme le 9 mars 1956 au matin et son corps fut jeté des hauteurs d’Ain Snour.

Les responsabilités qu’il occupa pendant

la Révolution

Après la décision prise par les combattants des Aurès de quitter la région de Souk-Ahras en juin 1956, la Base de l’Est était, avant de prendre cette appellation, compo-sée de sections et de groupes, dotés chacune d’une unité d’élite. Elle était dirigée par le regretté Amara Laskri dit Amara Bouglez. C’est ainsi que Abderrahmane Bensalem fut désigné à la tête d’une de ces unités.

Après la création de la Base de l’Est, conformément aux réso-

lutions du Congrès de la Soum-mam, qui en faisait une zone auto-nome chargée d’approvisionner les wilayas de l’intérieur en armes à partir de la Tunisie et de sécu-riser les convois d’acheminement d’armes, elle fut divisée, vers la fin octobre-début novembre 1956, en trois zones, dont chacune était dotée d’un bataillon. Le premier et le troisième étaient confiés res-pectivement à Chouichi Aissani et Taher Zbiri, secondés par trois adjoints chargés des questions mi-litaires, politiques et des renseigne-ments.

Le deuxième bataillon a été confié au capitaine Abderrahmane Bensalem, assisté de trois adjoints avec le grade de lieutenant. Il s’agit du lieutenant Lakhdar Ouartsi, premier adjoint chargé des affaires militaires, du lieutenant Ramdha-nia Hafnaoui, deuxième adjoint chargé des affaires politiques, et du lieutenant Tayeb Djebar, chargé des renseignements, des liaisons et de l’approvisionnement. Il sera rem-placé plus tard par Ali Boukhdir.

1- Abderrahmane Bensalem. 2- Mohamed Attailia

12

( 34 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Cette configuration sera main-tenue jusqu’après la création, en 1958, de l’état-major de l’Est, ap-pelé Commandement des opéra-tions militaires (COM). A la créa-tion au début 1960 de l’Etat-major général (EMG), sous la direction du colonel Houari Boumediene, la Base de l’Est était répartie en deux zones :

- La zone Sud, dirigée par le commandant Salah Bendidi dit Salah Es-Soufi. Elle comptait au départ quatre bataillons.

- La zone Nord, dirigée par le commandant Abderrahmane Ben-salem, secondé par les capitaines Chadli Bendjedid, Abdelkader Moulay, dit Chabou, et Mohamed

Ben Ahmed Abdelghani. Cette zone comprenait 14 bataillons et quatre compagnies d’arme-ment lourd. Cette organisation et cette division ont été maintenues jusqu’à l’Indépendance.

Les principales batailles et actions auxquelles

il a participé

Le parcours du commandant Abderrahmane Bensalem est riche en opérations militaires au cours desquelles l’ennemi français a subi de lourdes pertes en vies humaines et en équipements. On peut notamment citer les actions suivantes :

• l’opération d’El-Battiha dans la nuit du 8 mars 1956 déjà évoquée ;

• la bataille de Djebel El-Koudia à Béni Saleh en février 1957 ;

• la bataille de Boukhendef à Béni Saleh, le 9 octobre 1958 ;

• la bataille de Groune Aïcha, le 3 mars 1959 ;

• l’attaque du centre de Bouhedjar en août 1959 ;

• l’attaque du centre d’Ain Zana dans la nuit du 13 au 14 juillet 1959.

De dr. à g. : Abderrahmane Bensalem, Moussa Merad, Salah Soufi, Azzedine Zerrari, Houari Boumediene, Ali Mendjeli, à Mellag en 1961

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L’attaque du centre militaire et de la levée du drapeau algérien lors de

la fête nationale française le 14 juillet 1959

Situé près de la frontière tuni-sienne et de Souk-Ahras, le centre militaire d’Ain Zana regroupait des bataillons du 153e Régiment d’in-fanterie motorisée, tout en proté-geant les autres centres avoisinants grâce à ses batteries d’artillerie. Ce centre constituait un obstacle majeur pour les combattants de l’ALN lors des opérations d’ache-minement d’armes. C’est pourquoi, il fallait étudier cette situation et y trouver une solution. Bensalem

a réuni son état-major élargi aux différents chefs de formations qui sont sous sa houlette, pour élaborer un plan d’attaque contre ce centre. À la fin de la réunion, il a été déci-dé que l’attaque aurait lieu la nuit du 14 juillet 1959. Cette date a été choisie parce qu’elle correspondait au jour d’anniversaire de la victoire nationale française et était un jour de repos où le niveau de garde était généralement en baisse, les soldats étant occupés par les cérémonies et les banquets qui y sont servis.

Le moudjahid Mbarek Zeghdoud Sebti dit « Kibo » et le moudjahid Bougueffa Athamen Dhif témoignent de cette action héroïque : «Ce plan d’attaque a été étudié selon le plan de site que nous

nous étions procuré. L’attaque a dé-buté dans la nuit du 14 juillet 1959 vers 23 heures. Nous avons atta-qué de tous les côtés les bâtiments contenant des obus d’artillerie et de mortier. Nous avons aussi bombar-dé les barbelés qui cernaient les bâ-timents pour ouvrir d’autres points d’accès, et nous avons pu abattre un grand nombre de soldats fran-çais surpris dans leurs lits. Certains d’entre eux se sont barricadés dans les tranchées pour échapper au feu de nos mitrailleuses. »

Zeghdoud Mbarek poursuit : «Le chef de groupe, El-Hadi Has-naoui Ben Messaoud, m’a demandé de baisser le drapeau français et de hisser, à sa place, le drapeau algé-rien. Je l’ai fait. Notre emblème flot-

De dr. à g. : Abdelkader Chabou, Si Tahar, Chadli Bendjedid, Houari Boumediene, Abderrahmane Bensalem, Ben Ahmed Abdelghani, Said Abid, Ali Mendjeli

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tait au milieu de la caserne jusqu’au lendemain matin à 10 heures, à l’arrivée des renforts de l’armée coloniales. Abderrahmane Bensa-lem a participé à cette opération avec plusieurs officiers, dont Ab-delkader Chabou, chef du bataillon autonome, Hafnaoui Ramdhania, Abdallah Boutaraa, Noureddine Sahraoui, dit Zoughlami, Moha-med Alaak, et d’autres.

Après l’attaque, le GPRA a ren-du publique une déclaration dans laquelle il annonçait la destruction totale du centre d’Ain Zana, et la récupération de diverses armes, tout en invitant les médias interna-tionaux à se rendre sur les lieux et

à constater les résultats de l’opéra-tion.

Le commandant Abderrah-mane Bensalem a été félicité pour ce grand exploit par le COM, qui était à l’époque sous la direction du colonel Mohammedi Saïd dit colo-nel Si Nasser.

De leurs côtés, les autorités militaires françaises, et pour évi-ter une démoralisation de leurs troupes, se sont empressées de res-taurer et de rééquiper ce centre en un temps record et ont fait, ensuite, appel à des journalistes pour visiter les lieux, dans le dessein de démen-tir la déclaration du GPRA.

Les postes qu’il a occupés après

l’Indépendance

- Immédiatement après la pro-clamation de l’Indépendance, le 5 juillet 1962, Si Abderrahmane, ancien responsable de la zone Nord de l’armée frontalière de l’Etat-ma-jor général, dirigée par le colonel Houari Boumediene, eut à jouer un rôle prépondérant dans l’achemi-nement et la sécurisation de l’arri-vée de Houari Boumediene dans la capitale, dans un contexte marqué par l’exacerbation du conflit entre l’EMG et le GPRA.

1- Chadli Benjedid. 2- Mohamed Abdelghani. 3- Benyoucef Benkhedda 4- Abderrahmane Bensalem. 5- Djelloul Khatib

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- Après le rétablissement de l’ordre suite aux escarmouches qui ont eu lieu pendant l’été 1962 et l’en-trée de l’armée des frontières à Al-ger, le commandant Abderrahmane Bensalem fut nommé responsable du quartier général de la caserne Ali-Khodja, siège du ministère de la Défense nationale.

- Nommé quatrième membre de l’Etat-major général, dirigé par le colonel Tahar Zbiri, puis respon-sable de la Garde républicaine à sa création.

- Nommé membre à l’Assemblé constituante à l’issue des élections du 20 septembre 1962, représentant la wilaya d’Annaba.

- En 1963, lors du conflit fronta-lier avec le Royaume du Maroc ou

ce qui était appelé « la guerre des sables », Bensalem rejoint le front et est chargé de diriger la zone de confrontation dans la région de Béni Ouennif, dans la wilaya de Bechar. Grâce à sa perspicacité et à son expérience militaire, il réalise de grands exploits pour lesquels le ministre de la Défense, le colonel Boumediene, lui a rendu un vibrant hommage lors d’une visite qu’il avait effectuée dans la région.

- Il a été membre de la Cour mar-tiale créée par le Président Ahmed Ben Bella en 1964, conformément aux décrets d’août 1964. Celle-ci était présidée par Mahmoud Zar-tal et composée du colonel Ahmed Bencherif et des commandants Chadli Bendjedid, Saïd Abid et Ab-

derrahmane Bensalem. Le minis-tère public était représenté par le commandant Ahmed Draia. C’était le célèbre procès du colonel Moha-med Chaabani.

- Il fait également partie du groupe qui a arrêté le président Ah-med Ben Bella le 19 juin 1965 à sa résidence dans la villa Joly, accom-pagné de Tahar Zbiri, du colonel Abbas, de Saïd Abid, d’Abdelkader Chabou et d’Ahmed Draia.

- Il a été membre du Conseil ré-volutionnaire mis en place le 20 juin 1965 suite à l’éviction d’Ahmed Ben Bella. Il sera ensuite nommé com-mandant de l’Académie interarmes de Cherchell. Ce fut le dernier poste qu’il occupa au sein de l’État.

1- Bensalem. 2- DjelloulKhatib, devant la ligne Morice face à proximité de l’Ouenza

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Debout de dr. à g. : Saâd Castel, Ali Bouhadja, Moussa Merad, Abdelkader Abdellaoui, Chadli Bendjedid, Amar Zeghlami, Abdelkader Chabou, Mohamed Boutella, Redouane, Hamma Loulou, Azzedine Zerrari, Said Abid.

Assis de dr. à g. : Ibrahim Debili, Mohamed Alleg, Abdellah Bouteraâ, Salah Soufi, Salim Saâdi, Slimane Hoffman, Abderrahmane Bensalem, Amar Chekkai, Amar Bensemra.

Officiers et cadres des zones opérationnelles Nord et Sud,

en juin 1960

En 1967, lors de la tentative de coup d’Etat du colonel Tahar Zbiri, toutes les sources affirment qu’il était loin de cet événement et qu’il n’y avait joué aucun rôle. Mais ses rapports avec Tahar Zbiri, qui était l’un de ses compagnons d’armes du-rant la Révolution, étaient l’une des raisons ayant envenimé ses relations avec le Président Houari Boume-diene.

En août 1968, son différend avec Houari Boumediene sur des ques-tions politiques le poussa à démis-sionner, mais Boumediene ne l’ac-cepta pas. Alors il décida de rentrer chez lui à Bouhedjar, et fit ses adieux à la politique. Resté sans salaire, ni retraite, il a été contraint de travail-

ler la terre et faire de l’élevage pour subvenir aux besoins de sa famille, jusqu’à l’élection de Chadli Bendje-did à la présidence de la République. Celui-ci lui aurait proposé, selon le témoignage de certains membres de sa famille, des postes importants, mais il aurait décliné toutes les pro-positions, préférant la vie civile et le repos après une vie faite de guerres, d’épreuves difficiles et de sacrifices. C’est ainsi que le président Bendje-did ordonna que sa situation admi-nistrative soit régularisée, pour qu’il soit mis à la retraite de façon effec-tive à partir de 1979.

Si Abderrahmane continua à mener une vie normale dans sa ville natale, cultivant sa terre et condui-

sant lui-même son tracteur. Selon le témoignage de certains habitants de Bouhedjar qui lui rendaient visite, à l’image de Abdallah Nouri, Nacer-Eddine Maaloum ou Tayeb Bensa-lem, Si Abderrahmane transportait des enfants à l’école dans son propre tracteur et parfois dans sa Peugeot 504 que l’Etat avait mise à sa dispo-sition, surtout en hiver, et prenait toujours dans sa poche des bonbons pour en donner aux élèves. Les mêmes personnes affirment qu’il gérait aussi un café qui était ouvert à tout le monde, même ceux ne qui pouvaient pas payer leurs consom-mations. Ainsi, a-t-il vécu, aimé de tous, enfants, jeunes et vieux.

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Sa disparition

En octobre 1980, au cours de certains travaux menés dans la fo-rêt de Boukhendef, où avait eu lieu la célèbre bataille de Boukhendef qu’il avait dirigée lui-même le 9 octobre 1958, et où de nombreux moudjahidine tombèrent au champ d’honneur, dont son cher ami Djebar Tayeb, les travailleurs des forêts découvrirent des ossements de martyrs. On fit alors appel à Si Abderrahmane Bensalem comme témoin clé de cette bataille. Mais, étant donné son âge avancé et le caractère escarpé de la région mon-tagneuse qu’il lui fallut escalader,

auxquels il faut ajouter l’émotion qu’il dut ressentir en se rappelant le souvenir de tous ces hommes qui étaient un jour à ses côtés, il eut un malaise cardiaque et fut transporté d’urgence à l’hôpital. Son cœur ne pouvait supporter ; il rendit l’âme le 9 octobre 1980.

Il sera enterré le vendredi 10 octobre 1980 dans le cimetière des martyrs de Bouhedjar. Le Pré-sident Chadli a demandé à de hauts responsables du parti et de l’Etat d’assister aux obsèques du Lion des djebels de Béni Salah et de la Base de l’Est, avec une importante délégation conduite par le colonel Ahmed Abdelghani, qui était un de ses adjoints pendant la révolu-

tion dans la zone Nord, et compo-sée de cadres supérieurs du Parti, dont Abdellah Belhouchet, Bachir Khaldoune, Mohamed Attaïlia, Mohamed-Chérif Messaadia et d’autres.

Selon certains témoignages, l’absence du Président Chadli aux obsèques de l’un de ses respon-sables durant la guerre de Libéra-tion nationale serait due au souci de Chadli de ne pas paraître publi-quement, sous l’effet de l’émotion, dans une posture qui risquait de froisser son image de chef d’Etat. Cependant, lors d’une visite fami-liale privée, le président Chadli s’est rendu au cimetière des martyrs en compagnie de son frère Abdel-

Bensalem Abderrahmane en haut au milieu avec son état major

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malek, et s’est recueilli devant la tombe de son frère d’arme.

Il convient de noter qu’après la création de la Médaille du mé-rite national, qui est la plus haute distinction de la République, la plupart des dirigeants de la Ré-volution, qu’ils soient morts ou vivants, ont été honorés, mais le nom d’Abderrahmane Bensalem est resté absent de la liste, oublié par les frères d’armes qui étaient, pour la majorité, sous sa houlette. Cette médaille ne lui a été décerné qu’après l’avènement du Président

Abdelaziz Bouteflika en 1999, qui lui décerna la médaille El-Athir à titre posthume en hommage à son combat révolutionnaire et en reconnaissance de ses services ren-dus à la nation avec dévouement et abnégation.

Faits saillants - Nous devons rectifier un point

important évoqué dans plusieurs récits, et sur lequel nous nous réfé-rons à la source, tel que raconté par le colonel Ali Boukhdir : « Lors du

raid d’une opération de ratissage dans les environs de Souk-Ah-ras, un adjudant français nommé Bayot, d’origine juive, menaçait une femme portant un bébé dans ses bras, en lui pointant son pisto-let sur le visage, tout en titillant le bébé sur le nez avec le canon de son arme et en s’adressant à lui en ces termes : « Petit Fellaga ! » Ce geste m’exacerba, et je décidai, le doigt sur la gâchette, que si le mi-litaire venait à tirer sur un d’entre eux, je lui tirerai dessus. Mais, à ce moment-là, un autre soldat l’inter-

De g. à d. : El Hachemi Hadjeres, Houari Boumediene, Ali Mendjeli, Yazid Ben Yezzar et Abderrahmane Bensalem

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rompit pour lui dire de ne pas faire cela « devant un Arabe ». Personne n’a été, heureusement, blessé, mais cette scène m’a touché au plus profond de moi-même. J’avais une telle rancune contre cet homme qu’un jour, lors de notre évasion du centre de Bettiha, je suis venu le réveiller en pleine nuit pour ven-ger la bonne femme et son enfant.

- Selon le témoignage du mou-djahid Cherif Maatlia, son ami, Abderrahmane Bensalem, s’est toujours rappelé alors qu’il était dans l’armée française ce que lui avait dit la femme qu’il avait trou-vé avec ses deux petits enfants, au cours d’une opération de contrôle

dans les environs de Toaura. A la question de savoir où était le père des deux gamins, elle lui répondit : « Mon mari est au maquis pour libérer le pays et te libérer ! » Ces paroles l’ébranlèrent au plus pro-fond de lui-même.

- Dans la nuit de son évasion, lui et ses camarades de la caserne d’El-Battiha, Abderrahmane Ben-salem donna ordre de ne pas tuer l’aumônier militaire du centre par respect pour les croyances religieuses, et parce que le moine n’était pas impliqué dans les opé-rations.

- Refusant de rejoindre la Ré-volution, le responsable des trans-

missions dans la caserne, qui était une recrue algérienne et non pas un officier français comme cela a été rapporté, a été éliminé. Il était le frère du colonel Mohamed Zer-guini.

- Le moujahid Abdelhamid Douaissia raconte qu’au cours d’une visite qu’il avait rendue à son père à l’hôpital, il y trouva Si Abderrahmane assis à ses côtés. C’était avant son départ au maquis. Celui-ci l’informa des conditions de vie des habitants du Aarch des Douaissia et lui raconta comment les harkis les avaient agressés, avaient pillé leur épicerie et dé-truit le moulin qui les faisait vivre.

Bensalem au mégaphone à Lagouared, à Souk Ahras. Derriere lui les dirigeants du FLN avant leur départ vers Tripoli au congrés 1962

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Très affecté par cette histoire, il sortit de sa poche 10 000 francs et le donna au jeune Abdelhamid, lui demandant d’utiliser cet argent pour reprendre son commerce, et lui remit également une montre de marque Lip extraplate, en lui disant qu’il l’avait achetée chez Mohamed-Salah Hamada qui avait une horlogerie sur la route Tébes-sa dans la ville de Souk-Ahras et que si elle était en panne, elle était toujours sous garantie.

- On raconte qu’un jour, un vieil homme a entendu le tonnerre et dit à ses enfants : « Ecoutez bien, c’est Bensalem qui donne des leçons aux Français !» Les en-fants firent mine d’approuver ses

propos, ébahis devant la force du tonnerre et la clarté de l’éclair. Le vieil homme enchainera : « Oui, je le sais, Abderrahmane Bensalem est aussi le tonnerre et l’éclair ! »

- Deux prisonniers de Diên-Biên-Phu ayant combattu sous le même drapeau : le lieutenant co-lonel sanguinaire Marcel Bigeard et le sergent-chef, Abderrahmane Bensalem. Ils se sont rencontrés à nouveau face à face dans les envi-rons de Dahouara et de Bouhedjar ; mais cette fois-ci, l’un, Abder-rahmane Bensalem, défend sa patrie usurpée et lutte pour son indépendance et sa liberté, tan-dis que, l’autre, Bigeard, défend une politique coloniale fondée

sur la conquête de peuples avides de liberté et le pillage de leurs ri-chesses.

- A l’indépendance, le mou-jahid El-Hadi Belhocine, ancien officier de l’ALN et premier maire de Bouhedjar, décida de charger les citoyens qui n’avaient pas pris part à la Révolution de retirer les mines plantées autour des barbe-lés sous prétexte que c’étaient eux qui les y auraient plantées. Grâce à l’intervention d’Abderrahmane Bensalem, le maire renonça à son funeste projet, en venant annon-cer enfin que le jeune Etat s’en chargerait.

De g. à dr. : Rostom, Bougueffa Athmane Deif et Zeghdoud Mebarek Sebti

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- Selon certains témoignages, le Président Ben Bella lui aurait pro-posé un jour le commandement des forces navales, mais il lui au-rait répondu par cette métaphore : « Je ne sais pas nager dans les rivières, comment le pourrais-je dans les mers et les océans ? »

- Tous les dirigeants qui étaient sous sa responsabilité ont été pro-mus à de hautes responsabilités, tels que Chadli Bendjedid, Djel-loul Khatib, Abdelkader Chabou, Mohamed Ben Ahmed Abdelgha-ni, Mohamed Attailia, Saddek Ref-fas, Ali Boukhdir, Khaled Nezzar, Abdelmalek Guenaizia, Makhlouf Dhib, Abdallah Boutaraa, Abder-razak Bouhara, Fadhel Bouterfa, Abdelkader Abdellaoui, etc.

- Les habitants de Bouhedjar et des régions environnantes se rappellent que le mérite de la construction de l’hôpital de cette ville revient au commandant Ben-salem, grâce à son intervention auprès du ministre de la Santé de l’époque, Abderrazak Bouhara (commandant du 39e bataillon de zone Nord). Chaque jour, des inci-dents tragiques dus à l’explosion des mines étaient enregistrés et les citoyens avaient d’énormes diffi-cultés à se rendre à Souk-Ahras ou à Annaba.

- On raconte qu’un jour, alors qu’Abderrahmane était en réu-nion importante avec ses collabo-rateurs, son frère émit le vœu de voir sa fiancée (la défunte mou-djahida Chérifa Bensalem qu’il épousera plus tard et eut avec lui Tayeb et Nacer). Comme Abder-rahmane n’y prêta pas attention,

le jeune frère prit son arme et quitta le groupe pour se diriger vers les barbelés en fredonnant : « Chérifa ! Chérifa ! » Averti par ses hommes, Abderrahmane courut rejoindre Salah et le somma de revenir, en brandissant son arme vers lui. Têtu, son frère se mon-tra indifférent. Alors, Abderrah-mane tira deux coups en l’air en guise d’avertissement, mais Salah continua à marcher, l’air toujours indifférent. A ce moment-là, Ab-derrahmane demanda à ses com-pagnons de lui satisfaire son désir pour en finir. Cette histoire a été confirmée par Tayeb Bensalem, le fils aîné de Salah et de Chérifa, qui dit la tenir de plusieurs moudjahi-dine.

- Il aimait tant le savoir et incitait toujours les enfants à apprendre. Grâce à lui, de nom-breux jeunes ont été envoyés dans les écoles des cadets de la Révo-lution, qui sont ensuite devenus des cadres, notamment dans le domaine de l’éducation.

En conclusion, le comman-dant Abderrahmane Bensalem est immortalisé par l’Histoire, et son nom est écrit en lettres d’or. C’était un grand héros de la Révolution et un homme qui n’a jamais été tenté par les postes de responsabilité, ni par les privilèges à l’indépendance du pays. Il était dévoué et fidèle à sa patrie.

Les autorités prendront-elles un jour l’initiative de baptiser une institution d’envergure nationale en son nom ?

Que Dieu ait son âme et l’accueille en son vaste paradis.

Sources

- Ouvrages : Zdravko Pécar, Algérie, ENL , 1987.

- Abdelhamid Aouadi, Base de l’est, éd Dar El-Houda , 1993.

- Yasser Ferkous deux moudjahids et deux héros, éd El Maaref, 2018.

- Brahim El-Askri ,naissance de la Base de l’est par la voie du Colonel Amara Bouglez

- Tablit Omar, Base de l’est ,sans maison d’éd, 2010.

- Mémoires : Chadli Bendjedid, Tahar Zebiri , Tahar Saidani .

- Témoignages de Moudjahidines : Ali Boukhedir, Hamza Aoufi, Salem Djilliano, Dib Makhlouf, Salah Maaloum, Zeghdoud Mébarek Sebti, Bougueffa Eutamene Deif, Ahmed Kadri, Salah Mahfoudia et Douaissia Abdelhamid .

- Témoignages de la famille de Bensalem : Yassine, Karim, Tayeb, Ameldine Boulanouar, Nacer Maaloum et Abdellah Nouri .

- Plusieurs documentations.

Abderrahmane Bensalem

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Le célèbre chanteur du bédoui feu Messadia Ahmed Ben Mohamed dit Hadj Bourogaa a immortalisé le commandant Abderrahmane Bensalem, Sebti Maarfia dit Si Sebti Boumaraaf, Nourddine Sahraou dit Zoughlami et Djellalia Mohamed dit Hadj Lakhdar dans l’une de ses meilleures chansons.

L’attaque du poste de Ain Zana et Abderrahmane Bensalem ont été aussi le sujet d’une autre chanson intitulée França mellet (La France en a marre) du même chanteur.

Parmi les tactiques employées par Bensalem contre l’ennemi, il y a lieu d’en citer deux :

1- Lors de l’attaque d’un poste frontalier français, il charge des katibate de provoquer des tirs sur les autres postes limitrophes à la même date et à la même heure sans les attaquer, et cela dans le but de mettre l’ennemi en état d’alerte extrême et lui faire croire à une attaque réelle, ce qui le laisse dans une situation de défense et dans l’incapacité de prêter assistance au poste réellement attaqué.

2- Parfois, il ordonne aux chefs de bataillon, chacun dans son secteur, d’organiser et de charger des groupes de trois ou quatre éléments pour une mission de harcèlement des lignes de barrage en plusieurs points, afin de provoquer une panique générale et de faire subir à l’ennemi d’importants dégâts matériels surtout par l’emploi des batteries et des mortiers de gros calibres.

BENSALEM ESt quALIFIé PAR SES PAIRS DE « L’INFAtIgABLE guERRIER »

De g. à dr. Hakim Rassem chercheur en histoire, Colonel Boukhedir Ali et Rostom

Hassina Amrouni

L’homme qui portait L a Lumière sur son visage

Il y a 30 ans disparaissait le moudjahid Lakhdar rebbah

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Ce fervent militant de la cause nationale, moudjahid racé qui a eu à côtoyer Abane Ramdane,

Hocine Aït Ahmed ou encore Krim Belkacem, était natif de Sour El Ghozlane.

C’est, précisément, au douar Ouled Djenane, sur le flanc nord de djebel Dira, dans la commune mixte d’Aumale (aujourd’hui Sour el Ghozlane), qu’il voit le jour le 26 février 1917. Deux ans plus tard, ses parents s’installent dans le quartier de Belcourt, à Alger.

Après l’obtention de son certi-ficat d’études, il devient receveur de tramway à Alger. En parallèle, il mène une carrière sportive au

sein de l’AS Saint-Eugène puis de l’ASTA où il joue au poste d’ailier droit, ceci avant de devenir diri-geant au sein du Mouloudia d’Al-ger (Section athlétisme).

Entre 1936 et 1937, il rejoint le Parti du peuple algérien (PPA), à la kasma des Tramways d’Alger (TA) où il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie, en deve-nant cadre du parti à Belouizdad. Appelé sous les drapeaux, il ac-complit son service militaire entre 1943-1945 dans le génie/sapeur-pompier.

De retour à la vie civile, il re-prend le travail – dans les années 40, il a ouvert un café puis un magasin de postes-radio – et ses activités partisanes. Elu conseil-

ler municipal du MTLD en 1947 et délégué au congrès du PPA, il anime, en même temps, la sec-tion d’athlétisme du Mouloudia. En 1948, il se porte candidat à l’Assemblée algérienne mais il est arrêté en avril de la même année et incarcéré à la prison de Serkadji (ex-Barberousse). A sa libération, il reprend son militantisme et son domicile devient très vite le lieu de rassemblement des partisans nationalistes. De nombreuses réu-nions secrètes s’y tiennent comme, notamment, celle commémorant la disparition de Kehal Arezki ou Mohamed Douar. Il y reçoit égale-ment les membres de l’OS recher-chés par les services de police. Lorsque s’ouvre la crise entre les

Le 6 février 1989, un grand homme s’en allait rejoindre ses compagnons d’armes, morts pour la patrie : le moudjahid Lakhdar Rebbah. Lakhdar Rebbah est décédé à l’âge de 72 ans, des suites des longues séances de torture subies durant ses années d’incarcération.

Vue panoramique de la ville de Sour El Ghozlane et le mont de Dira

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www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 47 )

HistoireGuerre de libération

messalistes et les centralistes, il choisit de se tenir à l’écart du conflit et, dès le 1er novembre 1954, décide de rallier les rangs du Front de libération nationale. Là encore, son domicile devient une cache d’armes du FLN et lorsque Abane Ramdane est libéré de prison

en 1955, il l’héberge chez lui, rue Hélène-Boucher, au Ruisseau, à la demande de Krim Belkacem. Ce dernier lui demande, par ailleurs, de l’assister dans toutes les tâches dont il avait la charge. Lakhdar Reb-bah demande alors à Abane Ramdane de le mettre

Abane Ramdane Krim Belkacem Hocine Ait Ahmed

Lakhdar Rebbah Lakhdar Rebbah

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en contact avec les formations et personnalités politiques.

Au cours d’une réunion tenue chez lui et à laquelle prennent part Abane Ramdane, Benyoucef Benkhedda, R. Amara et Hanafi, décision est prise de composer un hymne national. Benkhedda charge alors Lakhdar Rebbah de prospecter les milieux littéraires et artistiques afin de trouver un auteur qui accepterait de mettre sa plume au service de la cause natio-nale. Le lendemain, Lakhdar Reb-bah croise par hasard, au niveau

du café L’Express, à la rue d’Isly (actuelle rue, Larbi Ben M’hidi), Moufdi Zakaria. Il lui fait part de la proposition des dirigeants du FLN et lui explique que l’hymne devra mettre en valeur le combat du peuple algérien pour le recou-vrement de sa liberté.

La requête faite à Moufdi Zaka-ria sera refusée car elle intervenait dans un contexte particulier. Selon l’historien M. Zeghidi, cette propo-sition intervenait « au moment où la France coloniale faisait circuler une rumeur, selon laquelle, le FLN

aurait exigé aux Algérois de boy-cotter les commerces gérés par la communauté mozabite. Et donc, de ce fait, il avait refusé la demande, en réfutant les accusations attri-buées à sa communauté. Mais la réaction des dirigeants de la Révo-lution, n’a pas tardé, en apportant un démenti formel à la manœuvre de l’Administration coloniale, dont l’objectif était de diviser le peuple algérien et de semer le doute quant à la justesse de la lutte armée menée par le FLN ».

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Le 24 avril 1955, Moufdi Zaka-ria s’attelle à l’écriture du célèbre poème au 2, rue Blandon, près de la place Chartres. Il lui aura fallu une nuit pour rédiger l’hymne qui sera remis, dès le lendemain aux dirigeants du FLN. A noter que d’autres sources affirment que Moufdi Zakaria a écrit le poème à la prison de Barberousse, le 25 avril 1955. Quoi qu’il en soit, le

texte fut soumis à Abane Ramdane qui l’approuva.

Lakhdar Rebbah poursuivra ses activités partisanes, en deve-nant l’un des fondateurs et ani-mateurs de l’Union générale des commerçants algériens en 1956, sous l’égide du FLN.

Le 11 avril 1956, il est arrêté à Kouba. Transféré d’un commissa-riat à un autre, il subit à chaque

fois d’atroces séances de torture. Il sera successivement emprisonné à Serkadji (ex-Barberousse), El-Har-rach (ex-Maison Carrée), Tazoult (ex-Lambèse), avant d’être trans-féré à Loos-Lez-Lille en France.

Au lendemain de l’indépen-dance, il est élu député le 20 sep-tembre 1964, mais finit par se reti-rer de toute vie politique.

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Lakhdar Rebbah à droite de la photo

Dans une étude consacrée à la vie d’Abane Ramdane, l’historien Khalfa Mameri écrira à propos de Lakhdar Rebbah : « Ce témoin ne laisse pas insensible. Il porte la lumière et la joie de l’homme utile sur son propre visage. » Ses amis le surnommaient El Ghazal.

Hassina Amrouni

Sources : https://www.huffpostmaghreb.com/mohamed-re-

bah/il-y-a-27-ans-partait-lakhdar-rebbah-lhomme-de-confiance-de-abane-ramdane-_b_9174748.html

http://sebbar.kazeo.com/rebbah-lakhdar-a127880658

https://www.elwatan.com/pages-hebdo/histoire/hommage-a-lakhdar-rebah-04-02-2016

http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/58376

Hassina Amrouni

retour sur La sangLante opération « espérance »

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A l’instar d’autres régions du pays, la Kabylie donnait du fil à retordre aux colons, aussi, il fut

décidé d’y mener ce qui sera appelé l’opération « Espérance » pour dé-loger les moudjahidine tapis dans les maquis et obliger les popula-tions autochtones à se soumettre à l’autorité coloniale.

Le 27 mai 1956, le général Du-fourt fait débarquer ses hommes sur toute la Petite Kabylie, d’Aït Abbas à Il Mayen, en passant par Aït Idel, Tamokra (Guergour), Beni Maouche, Beni Chebana, Guenzet ou Beni Ouartilane.

En tout, plus de 10 000 soldats lourdement armés envahirent la région par les airs et par voie ter-

restre, ils étaient appuyés par des centaines d’hélicoptères «bananes», des avions bombardiers B26 et B29 et plusieurs modèles d’armes lourdes.

Dans les monts et villages, l’effet de surprise a très vite laissé place à la terreur. Les pauvres villageois, violemment sortis de leur som-meil, par les tirs de roquettes et les effroyables explosions de bombes larguées par les avions militaires, couraient dans tous les sens pour s’abriter de ce déluge de feu.

Visés par ces tirs acharnés de l’armée française, les moudjahi-dine quittent rapidement leurs refuges pour épargner des pertes innocentes parmi la population. Ils rejoignent les maquis, se position-nant dans un premier temps sur les

crêtes mais très vite ils changent de position car trop exposés. Ils dé-cident alors de se disperser en pe-tits groupes afin de briser les lignes ennemies. Ils savaient cette tac-tique périlleuse mais ils n’avaient pas d’autre choix pour sortir de cet engrenage meurtrier.

Les villageois tentent

de fuir la mort

Face à ces semeurs de morts qui avaient investi leurs villages, les femmes, dans un sursaut de lucidité, entreprirent d’abord d’effacer toute trace du passage des combattants de l’ALN dans les refuges, ceci avant

Juin 1956. La guerre d’Algérie est à son paroxysme. Sur le terrain des combats, les moudjahidine de l’ALN dament le pion à la soldatesque française. Cette dernière, malgré ses moyens humains et matériels nettement supérieurs, ne cesse de perdre les batailles. Pour les officiers supérieurs français, il fallait réagir au plus vite pour reprendre la main sur l’échiquier des combats.

Maurice Papon

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de se réunir dans une seule maison. Les viols commis par les soldats étaient une menace réelle à laquelle elles devaient faire face toutes en-semble, chacune puisant sa force et son courage auprès des autres femmes de la tribu.

Beaucoup ne purent réchap-per à la mort. Les soldats français, ne gâchant pas leur plaisir, firent preuve de la plus grande sauvage-rie pour faire sortir les habitants de leurs maisons. Ils n’hésitèrent pas à frapper les femmes ou les vieillards, à traumatiser les pauvres enfants, à saccager les taudis et à brûler les terres avec leurs modestes récoltes. C’était l’apocalypse. Une journée en enfer.

Face à la détermination et au courage des habitants qui refusaient de parler, des équipes de torture, placées sous la direction d’officiers du renseignement, interpellèrent des habitants au hasard, pour les sou-mettre ensuite à d’interminables et atroces séances de torture, tout cela, dans le but de leur soutirer une in-formation qui pourrait les conduire jusqu’aux moudjahidine.

Au même moment et au milieu de ce chaos, un groupe de soldats escalada le mont du Guergour pour y planter le drapeau français, sym-bole de la victoire et signe de recon-quête de cette région jadis rebelle et insoumise.

Le lendemain, le général Du-fourt, accompagné du sinistre Maurice Papon, alors préfet de Constantine, arrive dans la région pour superviser le déroulement de l’opération. Ils décident de concert de « ratisser toute la région de

Guenzet, Béni Yala, Aït Abbas, Béni Maouche, Béni Ourtilane…, de détruire les villages refuges de l’ALN, d’instaurer des zones inter-dites, d’implanter des postes mili-taires supplémentaires au niveau des points stratégiques, de déployer 10 000 hommes supplémentaires pour faire une démonstration de force, d’inaugurer des bombardements des villages au napalm ».

Cette opération génocidaire du-rera une semaine durant laquelle nul parmi les pauvres habitants ne sera épargné. Les membres de l’ALN résisteront avec courage mais les habitants, pris en étau vont subir de grandes pertes. Près de 200 morts parmi les civils seront dénombrés, des pertes qui feront réagir les com-mandants de sections Mokrane Harani, Hamou Hmiti «Amilikchi», qui appuyés par d’autres éléments apporteront leur aide aux moudja-hidine déjà présents sur place. Ils tendent ainsi une embuscade à un convoi militaire français qui traver-sait le pont reliant Béni Maouche à Béni Ouartilane, occasionnant près d’une vingtaine de morts au camp ennemi. D’autres actions specta-

culaires seront menées à travers la région faisant ainsi vaciller les certi-tudes ennemies quant à leur supré-matie sur le terrain des combats.

Bilan des affrontements

Sous prétexte que le Parti com-muniste algérien (PCA) n’a pas adhéré en tant qu’organisation au mot d’ordre de l’insurrection ar-mée, sous la bannière du Front et de l’Armée de libération nationale, l’historiographie officielle ne s’est penchée sur ce parcours singulier que superficiellement.

Pourtant, les communistes furent nombreux à rejoindre le maquis dès les premières années de la Révolution, et plus nom-breux encore à partir de 1956, grâce aux efforts ininterrompus d’Abane Ramdane, qui, dans le sil-lage du congrès de la Soummam du 20 août 1956, entreprit d’unir les rangs des nationalistes et de les gagner à la cause. Cette adhésion fut obtenue, alors que les diri-geants nationalistes étaient encore choqués par la position peu flat-teuse du Parti communiste fran-

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çais (PCF) – avec lequel le PCA gardaient encore des liens forts – qui venait de voter, à l’Assemblée nationale, les pouvoirs spéciaux qui allaient lancer la répression de la guérilla à Alger dès 1957.

Lui-même proche de cer-tains militants communistes qui avaient, à l’époque, pignon sur rue en Kabylie, Abane Ramdane réussit la prouesse de parvenir à un accord avec les dirigeants du PCA, acceptant même l’entrée de ce parti en tant que structure au sein du FLN, alors que la règle, au départ, était d’admettre les adhé-sions individuellement, comme c’était le cas avec toutes les autres formations du mouvement natio-nal (UDMA, ouléma…). Son argument, rejeté ensuite par les autres dirigeants de la Révolution, est que si les pays communistes voulaient fournir des armes aux combattants algériens, il était plus judicieux d’accepter le Parti communiste algérien en tant que parti au sein du FLN.

En réalité, les membres du PCA n’ont pas attendu l’ouver-ture de négociations avec la di-rection du FLN pour s’engager pleinement dans la lutte armée contre l’armée d’occupation. Dès avril 1956, le militant commu-niste Henri Maillot a réussi, avec un groupe de «Combattants de la libération» affilié au PCA, à s’em-parer d’un camion d’armement des troupes coloniales au profit

de la résistance algérienne dans la région de l’Ouarsensis. Cette ini-tiative changea complètement la donne et ébranla les états-majors de l’armée française qui redou-taient l’existence de complicités au sein de leurs unités militaires. Jaloux de son autonomie, mais en même temps très engagé dans le combat anticolonial, le PCA était, pour ainsi dire, le seul parti algé-rien, en dehors du FLN, à créer son propre maquis et à combattre par les armes. Il se trouve que cer-tains chefs du FLN n’avaient pas totalement assimilé ce fait.

La direction du PCA de l’époque, conduite notamment par Bachir Hadj Ali et Sadek Hadje-rès, futur fondateurs du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS) qui succéda au PCA à partir de 1965, négocia avec le FLN, représentée par Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda, les prédispositions du PCF et de son maquis à col-laborer avec les maquis de l’ALN, avant de parvenir rapidement à un accord politique. D’entrée, les émissaires du FLN ont expliqué à leurs interlocuteurs que l’effica-cité de l’action nécessitait, selon eux, de transcender définitive-ment les clivages entre différents partis et, pour cela, le seul moyen était que les partis s’effacent. Sans aller jusqu’à exiger la dissolution du PCA, les responsables du FLN mettaient en avant le principe se-lon lequel le Front de libération se

proposait de drainer les forces pa-triotiques en un seul mouvement et seulement sur la base des adhé-sions individuelles.

Les dirigeants communistes se sont vite montrés enthousiastes et ne voyaient aucune contradiction avec le rôle de noyau dirigeant auquel le FLN aspirait, tant que l’autonomie politique des indi-vidus qui décidaient d’y adhérer était respectée. Au cours de cette discussion, les deux parties ont évoqué la question syndicale qui tenait tant à cœur les militants communistes et dans laquelle ils avaient tant investi. Les commu-nistes n’avaient pas vu d’un bon œil l’unilatéralisme du FLN dans la création de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA).

Les communistes vont jouer un rôle au congrès de la Soummam, à travers notamment Amar Ouzeg-gane, ancien militant et premier secrétaire du PCA dans les années 1940, qui rédigera la fameuse pla-teforme du congrès.

L’histoire du mouvement na-tional regorge de noms de com-munistes qui ont porté haut et fort la cause nationaliste en Algérie et à l’étranger : Chebbah El-Mekki, Larbi Bouhali, Abdelhamid Ben-zine et tant d’autres.

Hassina Amrouni

Source :Quotidien « L’Expression » 29 mai 2016

Hassina Amrouni

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Ghazaouet, 1958. Au matin de ce mardi 22 avril, les habitants sont réveillés par un

bruit de bottes. Dehors, les soldats français ont entièrement encer-clé la ville, fermant tous les accès. Un barrage est dressé sur la route menant au quartier de Sidi Amar, à hauteur du Château Lablador, du nom de l’ancienne demeure de George Llabador, frère de l’ancien maire de la ville, Octave Llabador.

Le commandant du barrage qui avait en sa possession une liste de militants FLN à abattre filtrait toutes les allées et venues, aidé dans sa sinistre besogne par des traîtres à la révolution. Connaissant tous les habitants de la région, ces har-kis n’hésitaient pas à dénoncer les personnes dont le nom figurait sur cette « liste noire ».

Si Abdelkader Baouch « le père des fellagas »

Ce jour-là, l’un des habitants de Ghazaouet, Si Abdelkader Baouch, commerçant dans le tex-tile, venait de fermer son maga-sin comme à son accoutumée. En rentrant chez lui, il fait un détour par le marché couvert de la ville pour quelques achats avant de re-prendre son chemin, direction son domicile, situé, dans le quartier de Sidi Amar. En empruntant la rue

Gambetta, il remarque quelque chose d’inhabituel. Marquant un moment d’hésitation, il s’apprête à faire demi-tour, quand il est encer-clé par des soldats. Leur officier lui dit alors : « Bienvenue, père de fel-lagas », allusion faite à ses trois fils, engagés dans les rangs de l’ALN et

dont deux se trouvaient au maquis, tandis que le troisième était empri-sonné en France.

Ligoté, bâillonné et cagoulé, Si Abdelkader Baouch est conduit, en compagnie, de plusieurs autres prisonniers vers le Château Labla-dor, quartier général de la DBFM

Durant la guerre d’Algérie, la population algérienne a été de nombreuses fois la cible de crimes gratuits perpétrés par l’armée coloniale. Retour sur l’une de ces dates sanglantes.

Abdelkader Baouch

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(Demi-Brigade de Fusiliers-Ma-rins).

A l’aube, les habitants voient ar-river plusieurs camions militaires destinés au transfert des prison-niers vers la ville de Takka, patelin isolé, à l’entrée de Ghazaouet. C’est là qu’ils devaient être exécutés.

Une fois arrivées à destination, les victimes innocentes condam-nées à mort, sans aucune forme de procès, sont brutalement débar-quées des camions et alignées côte à côte. Si Abdelkader, arrêté avec ses deux cousins, Amar et Mostefa ainsi que d’autres amis, voisins et compagnons, regarde ses cama-rades. Il leur adresse quelques mots d’encouragement, leur demandant de partir avec dignité et honneur.

Alors que les seize prisonniers sont alignés en deux pelotons qui se font face, l’un des prisonniers, en l’occurrence Bachir Ould Si Ben Kaddour, est retiré du groupe puis relâché, sur ordre du comman-dant de l’opération, après quoi, les

quinze autres prisonniers seront froidement et lâchement exécutés.

Le rescapé de cette tuerie arrive au lever du jour à Sidi Amar où il fait part aux villageois de l’abo-minable crime qui venait d’être commis à l’encontre des quinze villageois désormais martyrs. Aux cris d’effroi et de douleurs qui déchirent le silence de l’aube

viennent se mêler les youyous des femmes et les « Allah Ou Akbar » des hommes, en hommage au sa-crifice de ces valeureux chouhada de Ghazaouet.

Les habitants se dirigent alors vers le lieu de l’exécution pour ramener leurs morts au village. Une fois sur place, l’armée les en empêche et les corps des victimes resteront ainsi étalés sur le sol jusqu’au coucher du soleil. Il aura fallu l’intervention d’un certain Slimane Ghrissi, qui avait des re-lations d’amitié avec les autorités françaises, pour qu’on autorise en-fin les familles à emporter les dé-pouilles de leurs proches. Slimane Ghrissi met à leur disposition un tracteur avec benne. Les victimes seront ainsi transportées jusqu’au cimetière de Sidi Amar où elles seront enterrées dans un climat de recueillement et de tristesse.

Hassina AmrouniSource :

Reflexiondz.net

Quartier général de la DBFM (Demi-Brigade de Fusiliers-Marins).

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• Abdi Mostefa : né le 22/12/1914 • Arbane Mohamed : né en 1891 • Baouche Abdelkader : né le

03/06/1895 • Baouch Amar : né en 1905 • Bahri Benamar Belkacem : né le

28/12/1920 • Chetti Abdelkader : né en 1936 • El Bachir Ali : né le 04/04/1920 • El Bachir Mohamed : né le 28/05/1932 •Hammou Khatir : né en 1936 • Khiar Abdelkader : né le 15/04/1925

• Larbi Mohamed El Hadj : né le 28/06/1904

• Moulay Hadj Ahmed : né le 02/10/1909 • Moussaoui Ahmed : né le 02/02/1906 • Nemich Mohamed : né le 18/10/1929

LIStE DES MARtyRS

Hassina Amrouni

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Native d’Alger, Fa-dila Madani voit le jour le 25 juin 1917, à Djenan Beït El Mel, sur les hau-

teurs de Notre-Dame d’Afrique, au sein d’une famille algéroise conser-vatrice. Toutefois, cela ne l’empêche-ra de nourrir secrètement le rêve de devenir un jour artiste. N’allant pas à l’école, elle égrène ses journées entre les tâches domestiques et les après-midis assise à écouter les 78 tours de Mâalma Yamna Bent El Mehdi qui

tournaient en boucle sur la ghenaya familiale, le tourne-disque à mani-velle, en vogue dans les années 1920.

La voix de Maâlma Yamna et de ses autres idoles a un pouvoir hypnotique sur Fadila qui dit en les écoutant : « Elles chantent comme je pleure.»

Il faut dire que la vie de la jeune adolescente n’est pas des plus heu-reuses. Mariée à l’âge de 13 ans, Fadila donne naissance à une mort-née. L’union finit par un divorce et un retour dans le giron familial. Cet

Beaucoup connaissent le parcours artistique de la diva de l’algérois, Fadila Dziria, mais peu connaissent son parcours de moudjahida. Retour sur une vie trépidante.

Photo vers 1953. De g. à dr. : Mamed Benchaouch, Madani Fadila dite « Fadila Dziria», Ahmed Seri, Goussem (la soeur de Fadila), Debbah Ali dit « Allilou »

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épisode de sa vie, la jeune femme le portera comme une douloureuse écharde. Malgré une tristesse visible dans son regard, elle trouve une échappatoire dans la musique.

Au début des années 1930, elle anime ses premières scènes, lors des soirées ramadhanesques algéroises. Le Café des Sports, près de Djamaâ Ketchaoua, accueille régulièrement la jeune artiste en herbe qui séduit de plus en plus le public, attiré par sa voix éraillée et ses interprétations en arabe et en kabyle des qçaid les plus en vogue à cette époque.

Face à ce succès naissant, sa fa-mille l’aide à quitter le pays pour aller tenter sa chance en France. A Paris, où elle débarque en 1935, elle fait l’heureuse rencontre d’un monstre en la matière, le grand auteur-com-positeur Abdelhamid Ababsa. Dé-celant la pépite qui se cache derrière cette jeune femme timide, au regard triste, il décide de la prendre sous son aile. Il lui apprend plusieurs mélodies en vogue à l’époque et lui fait chanter presque tous les genres musicaux puisés dans le large réper-toire algérien, allant de l’algérois, au kabyle, en passant par le chaoui, l’oranais, le sahraoui et on en oublie encore.

La jeune artiste qui travaille assidûment pour perfectionner sa technique est très vite récompensée pour son sérieux face au public qui l’applaudit partout où elle se produit ; la communauté algérienne en fait très vite l’une de ses idoles. C’est là qu’elle aurait adopté son nom de scène « Fadila Dziria » qui, selon certaines sources, lui aurait été don-né par Ababsa.

Face à ce succès, elle décide de rentrer au pays où elle jouit du même engouement populaire.

Elle retrouve deux grands noms de la scène artistique algérienne, en l’occurrence Mustapha Skandrani et Mustapha Kechkoul qui joueront un rôle considérable dans la suite de sa carrière, en l’aidant, dans un premier temps à enregistrer son pre-mier disque chez Pacific, Ma l’hbibi malou, une qçida signée Abdallah Mohamed Ibn Ahmed Ibn Msaib. Pour Fadila Dziria, c’est le début d’un parcours auréolé de réussite.

Kechkoul l’introduit dans l’or-chestre de la radio, dirigé par la

grande Meriem Fekkaï. Pour Fadila, côtoyer cette grande Maâlma est plus qu’un honneur et cette der-nière ne tarde pas à l’encourager, en lui confiant les istikhbars (pré-ludes chantés) au cours desquels elle donne libre cours à toute sa volupté vocale. En peu de temps, le nom de Fadila Dziria devient l’une des références de la scène musicale algé-rienne, aux côtés de celui d’autres grandes divas comme Meriem Fek-kaï, cheikha Tetma, Reinette l’Ora-naise ou encore Alice Fitoussi.

Peu après, elle est engagée par Mahieddine Bachetarzi pour ani-mer la partie concert de ses fa-

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meuses tournées théâtrales à travers l’Algérie. Côtoyant des comédiens de renoms tels que Mohamed Tou-ri, Keltoum, Farida Saboundji, Djel-loul Bachdjerrah et d’autres encore, elle s’essaye, elle aussi, à la comédie, interprétant quelques rôles bien ins-pirés dans des pièces théâtrales dont on citera : Ma yanfaâ ghir es sah, Dawlet ensa, Othmane en Chine, Mouni Radjel…

Malgré un talent de comédienne évident, son cœur reste accroché à la chanson qui lui procure toutes les joies et satisfactions possibles.

Elle enchaîne les succès, en in-terprétant des titres qui deviennent des intemporels comme Ya qalbi khali el hal, Ya Rabi sehel li zoura de Amar Lachab, Saadi rit el bareh de Kaddour Benachour, Ana touiri de Habib Hachelaf...

Fadila est souvent invitée à se produire sur les ondes de la radio, entrant ainsi dans les foyers algé-riens. Au mois de décembre de l’an-née 1956, elle est invitée à une émis-sion au cours de laquelle se produit aussi le chanteur H’ssissen. .

une artiste en lutte

Au lendemain du déclenchement de la Guerre de libération natio-nale, à l’instar de nombreux artistes algériens de l’époque, elle continue à faire son métier d’artiste mais cela ne l’empêche pas de se sentir concernée par la lutte et de chercher le moyen idoine pour participer à cette révolution qui allait libérer le pays de 130 ans de joug colonial.

Aussi, avec une trentaine d’ar-tistes femmes, elle contribue à la préparation de la « grève des six jours », déclenchée par le FLN entre le 28 janvier et le 4 février 1957.

Engagées pleinement dans cette mission qui leur était dévolue, Fadila et ses amies artistes dont Aouichet, Djamila, Farida Saboundji, Nouria, Latifa, Cherifa, et d’autres encore vont approcher la population pour diffuser le message révolutionnaire, contribuant ainsi à une prise de conscience massive. Par ailleurs, elles recensent les besoins des plus démunis pour leur apporter aide et assistance. Cela n’était pas sans dan-ger, mais elles agissaient avec abné-gation et dévouement pour la cause nationale.

Cette action vaudra à Fadila et à quelques-unes de ses compagnes l’arrestation et l’incarcération à la prison de Serkadji (ex-Barberousse).

Selon certains témoignages, Fa-dila Dziria chantait souvent dans sa cellule Ya men qalbak h’zine (Ô toi dont le cœur est triste…) afin d’encourager ses codétenus, surtout les condamnés à mort à résister à la peur. Ce chant agissait tel un baume au cœur et galvanisait hommes et femmes qui y puisaient la force de rester debout et dignes pour l’amour de la patrie.

Après sa libération, elle crée son ensemble musical féminin avec no-tamment sa sœur Goucem à la der-bouka, Reinette Daoud au violon et sa nièce Assia au piano.

Au lendemain de l’indépen-dance, elle participe à de nombreux concerts et manifestations cultu-relles. Sur scène, elle est souvent accompagnée de l’orchestre dirigé par le maestro Mustapha Skandrani.

Elle continue ainsi à réjouir le cœur des mélomanes de sa voix si particulière jusqu’à sa disparition le 6 octobre 1970, à l’âge de 53 ans. Elle est enterrée au cimetière d’El Kettar, à Alger.

Hassina AmrouniSources :

Fazilet Diff, El Watan le 25 - 11 - 2017

Hassina Amrouni

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Nous sommes à la fin du mois d’octobre, le général Gilles engage une

vaste opération de ratissage dans la région entre Saïda et Berthelot (aujourd’hui Youb). Pas moins de 20 000 soldats envahissent la région. Progressant pendant plusieurs jours au cœur de cette région boisée, le corps d’armée d’Oran (CAO) parvient à boucler tout le périmètre allant de djebel Tafident à l’est aux djebels Abdelkrim et Tenfels au sud.

Après avoir installé son PC près du village de Doui Thabet, situé à la lisière des monts de Dhaya et de Saïda, à la limite des zones 5 et 6 de l’ALN, le général français ordonne à ses hommes de ratisser secteur par secteur, ce qu’ils font durant plusieurs jours, passant au peigne fin toute la région.

Or, deux katibate s’y trouvaient déjà ainsi que le PC de la zone 5, commandé par le capitaine Si Abdelhadi et qui se trouvait à proximité du lieu de ratissage.

Sentant l’imminence du danger, la katiba, commandée par l’officier Nadji Kouider, décide de se replier sur les hauteurs d’El-Merdja, jusqu’au départ des troupes coloniales, ignorant qu’elle venait de s’établir non loin du PC de la zone 5.

Changement de

tactique

Les troupes ennemies qui essaimaient les environs changent subitement de tactique. Le général Gilles, agissant sans doute sur la base de renseignements, ordonne à ses hommes d’encercler le lieu où étaient repliés les deux katibate et le PC de la zone 5. Immédiatement, un déluge de feu s’abat sur les moudjahidine.

Les forces coloniales recourent à l’artillerie lourde, à savoir bombardiers B6 et T6, sans oublier ce que l’on appelait par euphémisme les « bidons spéciaux » (bombardements au napalm). Les hélicoptères larguent par ailleurs des centaines d’hommes appartenant au Régiment étranger parachutiste, venant ainsi en renfort aux troupes au sol.

Le combat est inégal à tous points de vue, mais les troupes de l’ALN résistent vaillamment.

En 1958, l’Ouest du pays a connu l’une des plus âpres et plus sanglantes batailles de la guerre de libération nationale : la bataille d’El-Merdja.

Général Gilles à gauche

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HistoireGuerre de libération

Le lieutenant Si Kheireddine Gueroudji réitère l’ordre à ses hommes de ne tirer qu’à bout portant pour économiser les munitions. Pour cela, les moudjahidine se positionnent sur les crêtes afin de dominer la région et d’anticiper les attaques ennemies. Ces affrontements vont durer plusieurs jours consécutifs durant lesquels ni les combattants de l’ALN ni les pauvres villageois ne seront épargnés par la hargne et l’horreur des attaques coloniales.

A la fin du deuxième jour, les katibate sont pratiquement à cours de munitions aussi, pour continuer à résister, les membres des katibate livrent bataille au corps à corps. C’est l’une des nuits noires de la Révolution où les moudjahidine au péril de leur vie et dans un sursaut de courage vont résister jusqu’aux ultimes instants.

Tard dans la nuit du 23 octobre, quelques grappes d’hommes parviennent à s’extraire de la nasse de feu. Ils sont 52 maquisards à réchapper à la mort, laissant derrière eux plus de 90 martyrs entre combattants et villageois.

L’une des deux katibate a perdu, au cours de cette bataille, plus de la moitié de ses effectifs dont le lieutenant Kheireddine Gueroudji tandis que l’autre katiba qui a consenti autant de sacrifices a déploré également les pertes de l’aspirant Si Ameur et Ba Ali.

Le capitaine zonal, Si Abdelhadi, tombera lui aussi au champ d’honneur, ce 23 octobre 1958, après un combat inégal contre l’ennemi. Ce dernier, malgré une supériorité en hommes et en armes, ne sortira pas indemne de cette bataille où il perdra

plusieurs centaines de soldats, d’officiers et de sous-officiers (on avance le chiffre de 500 hommes tués et blessés, parmi les troupes françaises). Les pertes en armes seront, elles aussi, considérables (un avion T6 et deux hélicoptères abattus).

Moudjahidine de Saida

Soldat français bléssé

( 66 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Supplément N°73 Octobre 2019

Des prisonniers torturés puis massacrés

Au cours de cette bataille, les troupes armées françaises parviennent à capturer une vingtaine de personnes, entre moudjahidine et villageois. Conduits au PC, ces derniers sont parqués dans un coin et attachés avec du fil de fer.

C’est alors que le général Gilles reçoit un message qui va le faire entrer dans une rage folle. Il apprend en effet que son fils, lieutenant de l’armée coloniale, vient d’être tué par les troupes de l’ALN au cours d’un accrochage qui a eu lieu au sud, entre El-Bayadh et Boualem. Le général

Gilles, sans aucun remords et dans un esprit de vengeance bestial, fait exécuter à l’arme

blanche tous les prisonniers. Seul l’un d’eux, en l’occurrence Zaoui dit l’intendant, car il était chargé du ravitaillement de l’ALN dans la région, parviendra à échapper à ses bourreaux, traversant l’Oued El-Merdja pour arriver enfin en lieu sûr. C’est lui qui témoignera de ces faits abjects et donnera des détails sur la mort en martyrs des autres prisonniers.

Après l’indépendance, les habitants de la région retireront d’un puits situé non loin du lieu de ce massacre collectif, les restes de 54 cadavres, certains portant des treillis militaires et d’autres des tenues traditionnelles.

Hassina Amrouni

Sources : https://www.vitaminedz.com/bataille-d-el-merdja/

Articles_249_297750_20_1.htmlhttp://saidabiida.canalblog.com/

archives/2015/03/03/31635840.html

Par Hassina Amrouni

Histoire d'une Ville

supplément n°73 Octobre 2019( 68 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .

Djel

fa

Distante d’Alger d’environ 300 km, elle est limitée au nord par Médéa, au sud par Laghouat, Ghar-daïa et Ouargla, à l’est

par M’sila, Biskra et El-Oued et, enfin, à l’ouest par Tiaret. Depuis les temps les plus reculés, voire depuis la préhistoire, la région a connu la présence de l’Homme. La preuve de l’existence d’une vie hu-maine dans cette partie du pays, à cette époque de notre Histoire, a été apportée par les divers outils de pierre mais aussi par les gravures rupestres découvertes par des chercheurs ou de manière fortuite. A partir du IIe siècle de notre ère, la présence romaine sera marquée dans la région. Attirés par les étendues de terres fertiles, les Romains vont ve-nir en chasser les autochtones (tribus berbères) et s’y établir. Ils exploitent les riches terres à céréales du Tell et, pour protéger leurs exploitations agri-coles, vont établir une ligne fortifiée. Le « limes » passe alors par Aumale, Boghar, Tiaret… Ils construisent éga-lement des postes de garde afin de

contrôler les tribus nomades (Gétules) remontant du sud. Mais afin de mieux asseoir leur présence dans la région, ils érigent aux portes du désert la citadelle de Castellum Dimmidi (Mes-sad) et le poste fortifié de Djelfa. Les siècles s’étrennent et l’empire ro-main dans toute sa puissance finit par s’effondrer. La région sombre dans l’oubli jusqu’à la période du Moyen-Age lorsqu’elle est parcourue par de nombreuses tribus berbères nomades (les Zénètes) et de grandes familles comme les Ghomra ou les Maghraoua.

Arrivée des Arabes

Au cours de la conquête de l’Afrique du Nord par les Arabes qui a eu lieu entre 647 et 720, les Berbères de la région n’hésitent pas à adopter l’is-lam comme religion. A partir de 1052, l’arrivée des tribus nomades des Beni Hilal (tribus Raih, Athbedj et Zoghbas) vont modifier la structure sociétale de la région en obligeant les Ghomra et Maghraoua à se soumettre aux tri-bus Zoghbas de la branche des Ouled Oroua ibn Zoghbas ibn Feragh ibn Naïl.

Nichée au pied de l’Atlas saharien mais culminant tout de même à 1140 m d’altitude, Djelfa, la capitale des monts des Ouled Naïl, est considérée comme l’une des portes du vaste Sahara algérien.

Histoire d'une Ville

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 69 )

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Un peu plus d’un siècle plus tard, plus exactement entre 1184 et 1235, les tribus berbères et arabes vont se rapprocher et fusionner, fai-sant ainsi triompher le nomadisme.

L’arrivée de l’empire ottoman ne va pas changer grand-chose au rythme quotidien des habitants de la région. En effet, les Turcs ne viennent dans cette partie du pays qu’une fois par un pour prélever l’impôt, toutefois, bien souvent les Ouled Naïl battent en retraite dans

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les vastes étendues désertiques pour éviter le fisc.

Les Ouled Naïl alliés de l’Emir Abdelkader

Après le débarquement des troupes fran-çaises sur les côtes de Sidi-Fredj et leur oc-cupation progressive des autres parties du pays, la région des Ouled Naïl figurera parmi les plus fidèles à l’Emir Abdelkader lors de son insurrection contre la soldatesque colo-niale. Après la reddition du chef militaire al-gérien, survenue le 24 décembre 1847, les tribus du sud continueront à manifester leur hostilité envers les Français, en s’insurgeant à plusieurs reprises. C’est alors que le général Randon décide d’occuper Laghouat, considé-rée comme le centre d’agitation des tribus. Le général Joseph Vantini dit Youssouf parvient à prendre Laghouat le 4 décembre 1852. Il fait construire le poste militaire de Djelfa afin de

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surveiller les tribus locales. Un village va alors voir le jour à proximité de ce poste. Outre le caïd des Ouled Naïl, des Européens (commerçants, arti-sans, agriculteurs) vont également s’y installer progressivement.

Le village se développe notam-ment après l’édification d’un barrage sur l’Oued Mekhelkhel qui dessert les

habitations en eau abon-dante. L’administration coloniale va alors décider de créer un centre de co-lonisation. Ce dernier ver-ra le jour par le décret du 20 février 1861 de l’Em-pereur Napoléon III et il portera le nom de Djelfa.

Entourée d’un mur d’enceinte, la ville d’une superficie de 1775 ha, va être construite en l’es-pace de 40 jours. Elle accueille dans un premier temps un regroupement

de populations de 55 feux (foyers). Après la construction d’une église

en 1862, une mosquée verra le jour deux ans plus tard, portant le nom de Si Belgacem Benlahrech, frère de Si Cherfi Benlahrech, qui combattit aux côtés de l’Emir Abdelkader et qui fut assassiné en cette même année (1864).

Si Cherfi Benlahrech, qui combattit aux côtés de l’Emir Abdelkader Photo ancienne de Djelfa

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Progressivement, la ville va s’agrandir et se moderniser. Mais paradoxalement, les Européens vont la déserter au profit d’autres régions du pays. Ainsi, sur les 2824 habitants recensés à Djelfa en 1930, il ne reste aucun colon.

Les habitants continueront ainsi à vivre tranquillement de l’élevage de mouton, de la culture céréalière et de la production de crin végétal, de cordes et de tapis à base d’alfa, notamment après la construction en 1931 d’une petite usine électrique qui permet l’implantation de petites fa-briques locales.

Au lendemain du déclenchement de la guerre de libération nationale, la population se soulèvera contre l’occu-pant français, comme leurs aînés par le passé et consentira des sacrifices pour la libération du pays du joug co-lonial.

Hassina Amrouni

Sources : http://weldjelfa.freewebspace.com/

https://jeanyvesthorrignac.fr/wa_files/info_271_20Djelfa.pdf

https://fr.geneawiki.com/index.php/Algérie_-_Djelfa

Vue panoramique de l’ancienne ville de Djelfa

Par Hassina Amrouni

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Selon les chercheurs qui ont fait cette grande dé-couverte, les gravures de la région de Djelfa re-montent au néolithique.

Bien évidemment, cette découverte ne fut pas la première du genre dans cette partie du pays puisque la sta-tion d’El Idrissia était découverte plusieurs décennies auparavant, plus précisément, en 1850. L’intérêt pour ces gravures et peintures rupestres va s’accroître au fil du temps et on finira par recenser une quarantaine

de stations recelant plus de 1162 gravures dans toute la région dont certaines seront plus célèbres que d’autres. C’est le cas notamment de la station de Daïet es Stel. Outre les visites sur le terrain, les stations de la région de Djelfa, voire de tout le sud oranais susciteront également l’intérêt des archéolo-gues qui publieront des études fort intéressantes qui permettent d’ap-porter des informations sur la vie à cette période mais aussi de les dater. Ainsi, dans son ouvrage Les

En 1914, des gravures rupestres remontant à l’ère préhistorique étaient découvertes, attestant de la présence de l’Homme dans cette région depuis ces temps immémoriaux.

Gravures rupestres de la région de Djelfa

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Gravures rupestres du Sud-oranais, publié dans les années 1970 dans la série des Mémoires du Centre de recherches anthropologiques préhis-toriques et ethnographiques (CRAPE) dirigée par Mouloud Mammeri, Henri Lhote explique que ces gravures ne peuvent pas « être séparées archéo-logiquement de celles du Sud-ora-nais, car elles présentent à quelques variantes près le même style, les mêmes formules de technique, les mêmes patines, la même faune » (p. 194). Le même chercheur ajoute que ces gravures lui apparaissent comme « des œuvres émigrées, qui sont un démarquage, de qualité toujours infé-rieure, de celles du Sud-oranais » (p. 193), région constituant pour lui « le centre principal de l’art rupestre des régions présahariennes ».Dans une autre publication (Les fi-gurations rupestres de la région de Djelfa, Sud Algérois, Lybica (CRAPE, Alger, 1976), Lhote, P. Huard et L. Al-lard exprimeront leur regret quant à « la méconnaissance de l’importance des rupestres du sud algérois ». Les auteurs de cette contribution scien-tifique y recensent en les numéro-tant quarante-trois stations qui sont à quelques exceptions près situées à l’intérieur ou sur les bords d’un triangle formé au nord par la ville de Djelfa, au sud-ouest par le village de Sidi Makhlouf et au sud-est par la ville de Messaad.Il faut savoir que la découverte de si-lex taillés et d’éclats « échelonnés à divers niveaux ou au pied de falaises de grès rougeâtre dont la patine peut atteindre le noir, qui longent des dje-bels ou bordent des oueds » laisse

supposer que ces gravures rupestres ont été réalisées à proximité d’habi-tats. Selon P. Huard et L. Allard, outre le fait qu’elles soient « semblables à celles du Sud-Oranais par les su-jets et les techniques », elles ont « en propre un riche contenu culturel que révèlent notamment des buffles antiques porteurs d’attributs cépha-liques et le fait que presque tous les ovins sont dotés de sphéroïdes classiques ou des cornages fermés en anneau qui en sont une stylisa-tion postérieure » (p. 67) et d’ajouter que « l’admission dans l’étage le plus ancien du Sud-Oranais des béliers à sphéroïde ne peut guère convenir dans le Sud-Algérois, où leurs figura-tions les plus achevées sont souvent associées à des hommes au vête-ment évolué, tandis que d’autres, liés

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à des bœufs, sont d’époque claire-ment pastorale » (p.71).Les murs des montagnes de la ré-gion de Djelfa gravées ou peintes de toutes sortes d’animaux constituant la faune sauvage de l’époque (buffles antiques ou bubales, éléphants, rhi-nocéros, lions, autruches, antilopes, sangliers) sont autant de représen-tations de la faune sauvage vivant dans cette région à l’ère préhisto-rique. Mais il y a également lieu de noter aussi ces figurations humaines retrouvées notamment à Oued el Hesbaïa, El Gour, Theniet bou Me-diouna II, Aïn Naga, Daïet es Stel, Oued Remeilia, Safiet bou Khenan, Hadjra Mokhotma sud, Ben Hadid. Lesdites figures – des chasseurs –, vêtus de peaux de bêtes, portent également des armes (des arcs, des armes longues et courbes, des massues, une hache et un bouclier). P. Huard et L. Allard expliquent en-core que « tous les traits culturels

des chasseurs sont attestés dans la région de Djelfa, sauf le lasso et la spirale, qui sont en revanche forte-ment représentés au Tassili dans le secteur d’Oued Djerat » (p. 93).A noter qu’outre les gravures, trois sites de peintures rupestres ont été découverts du côté de Djebel Doum. En 1980, deux autres sites ont été mis au jour, le premier au lieu-dit Regoubat Hariz et le second au lieu-dit Dir El Hadj Tayeb. Sur les parois étaient peints un animal cornu, une autruche, des bubales, des béliers et une antilope. Il faut savoir que le site a été classé patrimoine national en 1979.

Hassina Amrouni

Par Hassina Amrouni

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fa En 2009, l’écrivain Bernard Sicot, spécialiste de litté-rature espagnole de l’exil et des camps, publiait une version bilingue du Diario

de Djelfa/ Journal de Djelfa, de Max Aub.

A travers cette fenêtre ouverte sur le passé, l’auteur faisait revivre un chapitre douloureux de notre Grande Histoire, mettant en évidence toute l’abjection qui entourait la politique de fonctionnement des camps d’in-ternement, désignés sous le nom de « Centre de séjour surveillé » (CSS).

Situé à 300 km d’Alger, le camp de Djelfa a, durant ses deux années d’existence (de mars 1941 à juin 1943), accueilli quelque mille prison-niers. Ces derniers ont été retenus dans ce lieu où ils ont vu s’égrener les jours, les mois, voire les années dans des conditions de réclusion in-humaines (famine, absence de soins, maltraitance…).

C’est, notamment, à Max Aub, au-teur dramatique, écrivain et critique littéraire, également pensionnaire

Bien qu’il ait été rasé en 1943, le camp d’internement de Djelfa demeure par le souvenir un lieu de triste mémoire.

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des lieux, que l’on doit la découverte des arcanes de cet endroit sinistre. A travers un texte versifié écrit pour le théâtre, il relate son séjour et ce-lui de ses compagnons de détention. D’ailleurs, Max Aub n’était pas le seul personnage connu à « séjourner » au camp de Djelfa, il y avait aussi Roger Garaudy qui y passa presque

deux ans et dont le témoignage fut tout aussi saisissant.

Dans le camp de Djelfa, les Es-pagnols étaient les plus nombreux (476) contre 667 hommes de 26 autres nationalités (surtout des Russes et des Polonais) parmi les-quels beaucoup d’ex-brigadistes.

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Ainsi, et comme le précise l’auteur Bernard Sicot, le camp de Djelfa est un camp de la troi-sième génération. Il accueillait, en effet, des hommes que le gou-vernement de Vichy considérait comme « indésirables dangereux ». Plusieurs camps d’internement créés par le colonialisme français étaient connus pour leurs condi-tions inhumaines et celui de Djelfa en faisait partie.

Constitué d’abord de « tentes marabout dressées sur un quadri-latère de 300 mètres sur 100, puis de baraquements insalubres et non chauffés en hiver », le camp de Djelfa culminait à 1200 mètres d’altitude sur une steppe exposée, en hiver au vents glacials et en été aux rayons brûlants du soleil.

Plusieurs témoignages poi-gnants dont celui de Max Aub dénoncent « les souffrances phy-siques et morales infligées gratui-tement aux internés ». Les récits de pensionnaires révèlent notam-ment « les cruautés du comman-dant du camp, Jules Caboche et de l’adjudant Jean Gravelle, qui, entre autres brutalités et humi-liations, frappaient les internés au visage à coups de cravache ».

Le régime au sein du camp était des plus drastiques. « Avec 1 200 à 1 500 calories par jour, les rations alimentaires (soupes claires, pas de viande ni de fruits) étaient très insuffisantes, l’hygiène inexistante, les soins médicaux tout autant. Les inter-nés qui en avaient les moyens se procuraient un peu de nourriture

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en pratiquant le troc avec leurs gar-diens algériens, mais c’était souvent au prix de très lourdes sanctions, en particulier l’incarcération au fort Caffarelli ou, tout aussi terrible, dans le camp spécial, périmètre réduit, interne au camp [avec] une dizaine de tentes entourées de barbelés. Les reclus y vivaient vêtus de haillons, sans hygiène et ne comptaient que sur la solidarité de leurs camarades pour ne pas mourir d’inanition ».

Ceux qui voulait en avoir plus (100 à 150 g de pain supplémentaire par jour) devaient, en échange, travail-ler à l’intérieur ou à l’extérieur du camp dans un des nombreux ateliers (briqueterie, tuilerie, tannerie, forge, menuiserie…). Bien évidemment, le commandant Caboche qui supervi-sait les travaux gardait pour lui les

20 francs de salaire quotidien qui leur revenait de droit.

Les internés fabriquaient aussi du plâtre, de la chaux et tissaient le sparte pour confectionner des espa-drilles et des couffins. Le produit de leur travail était vendu au seul béné-fice du commandant et de quelques-uns de ses complices. A noter que les juifs et les ex-brigadistes étaient exclus de ces travaux.

L’auteur explique, par ailleurs, que trois internés, en l’occurrence Paul Zolberg, Antonio Atarés et Max Aub se sont livrés à cet acte « de résis-tance » qu’est l’écriture au sein du camp. En cachette de leurs geôliers, ils ont consigné durant leurs années de détention tout ce qui pouvait, plus tard, servir de témoignage pour mé-moire. D’ailleurs, Zolberg qui intitule

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fason cahier Aide-mémoire précise qu’il écrit « pour ne pas oublier ». Ainsi, rapporte-t-il, à propos des Arabes détenus qu’ils sont « presque à poil et nu-pieds ». Dénonçant avec colère les méfaits d’un siècle de colonisation, il ajoute : « Ils sont presque sauvages encore, et vivent comme des bêtes et des animaux ! Se laissent mener et conduire comme sous le temps de servage et exploiter à outrance par colons et Européens en général » (p. 207).

De son côté, Roger Garaudy rap-pelle dans Mon tour du siècle en soli-taire comment les gardiens algériens du camp ont sauvé la vie des détenus, en refusant d’exécuter les ordres du commandant. « Bravant l’interdiction, les prisonniers français, en partance pour Bossuet saluent les nouveaux arrivants espagnols et ex-brigadistes en sifflant « Allons au-devant de la vie », encourant ainsi de graves re-présailles : le commandant éculant de rage nous ordonne de nous taire et nous prévient qu’à la troisième sommation il fera tirer sur quiconque n’est pas rentré se coucher sous les tentes. Personne ne bronche et notre chant prend une ampleur triomphale. Cravache en main, l’officier donne l’ordre de tirer (…)

Malgré les menaces et les coups que le commandant porte à nos gar-diens arabes, les mitrailleuses se taisent toujours. Tous les hommes sont restés debout. Pas un n’a ac-cepté de se coucher pour échapper à la rafale. Ce temps, long comme des dizaines de vies, s’éteint dans le silence (…). » Garaudy saluera alors le courage des gardiens musulmans

: « Ces inconditionnels de Dieu nous ont fait vivre : il est contraire à l’hon-neur des guerriers musulmans du sud qu’un homme armé tire sur un homme désarmé. Ils avaient avant nous l’expérience de la transcen-dance vécue. »

En 1943, le camp de Djelfa est dis-sout. Après l’installation d’un tribunal militaire à Alger en 1944, Caboche et certains de ses collaborateurs sont jugés pour maltraitance, suite à plu-sieurs plaintes déposées contre eux. Il s’en tire à bon compte puisqu’il écope de 16 mois de prison ferme qu’il passe, en se faisant hospitaliser.

Hassina Amrouni

Sources : https://journals.openedition.org/ccec/6070

https://journals.openedition.org/bulletinhispa-nique/4450

https://www.persee.fr/doc/emixx_1245-2300_2009_num_3_3_862

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Par Hassina Amrouni

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Située à une centaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya, Zenina a été érigée il y a plus de 15 siècles.

Dans son ouvrage Siècles de steppe : jalons pour l’histoire de Djelfa, le père François Devillaret revient sur la légende entourant la naissance de ce hameau, attribuant son nom originel à une femme issue d’une riche et grande famille. Pri-vée de son époux, elle ne peut se résoudre à un remariage ; aussi, se consacre-t-elle, à son unique enfant, fruit de son union avec son amour perdu.

Commune de la wilaya de Djelfa, El-Idrissia était jadis connue sous le nom de Zenina. Un nom entouré d’une vieille et belle légende.

Le père François Devillaret

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Devenu un valeureux guerrier, son fils était souvent engagé dans les dif-férentes batailles qui se déroulaient dans la région. Comme toute mère adorant son enfant, Zenina avait peur pour lui. Peur qu’il lui revienne blessé ou, pire, mort. Ses craintes étaient

justifiées puisqu’un jour, il est griè-vement blessé au cours d’un combat, tandis que ses compagnons de lutte sont pour la plupart décimés. C’est alors que la maman se jette au mi-lieu de l’arène pour supplier les vain-queurs de ne pas achever son fils et de lui laisser la vie sauve. Les larmes de cette maman éplorée trouveront bon écho auprès des adversaires qui accèderont à la requête peu com-mune de cette mère-courage.

Son fils inanimé sur les épaules, Zenina va se lancer dans un long périple à travers le désert, en quête d’une terre clémente où se poser pour panser les blessures de son fils. Après une marche qui lui semble

Djebel el Kahla-Zenina à Djelfa

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fainterminable, elle aperçoit enfin une belle source où elle décide de s’ins-taller. C’est sur une butte rocheuse qu’elle choisit de construire un petit abri pour soigner son fils agonisant qui, malheureusement succombera à ses blessures. Mais Zenina ne demeurera pas longtemps seule puisque d’autres rescapés de la sanglante bataille ainsi que de pauvres autochtones, fuyant une mort certaines, viennent se réfu-gier dans cet endroit qui semble clé-ment. Peu à peu, un modeste hameau va se créer et, les habitants, pour se prémunir contre les attaques enne-mies vont ériger un rempart tout au-tour de ce qui deviendra le village de la reine Zenina.

Peu après, les Romains arrivent dans la région. C’est alors que l’un des officiers, un dénommé Serdoun, demande la reine Zenina pour épouse qui accepte. Son nom est resté et dé-signe aujourd’hui la montagne voisine : Djebel Serdoun.

Depuis l’indépendance, la ville de Zenina porte désormais le nom d’El-Idrissia, en hommage au chahid Omar Driss.

Hassina Amrouni

Sources : https://www.liberte-algerie.com/editorial/si-

zenina-metait-contee-1152/print/1http://www.djelfa.org/histoire/zenina_djelfa.

htm

Zenina en 1960

Par Hassina Amrouni

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C’est en 1823 qu’il voit le jour au sein d’une grande et noble famille de la région. Très attaché aux préceptes et aux valeurs de la religion

musulmane, son père le confiera à ses oncles paternels d’Al-Hamidia qui se chargeront de l’initier précocement à la récitation du Coran. Les premières connaissances ainsi acquises, l’enfant rejoint ensuite la zaouïa de Sidi Ahmed At’Tayar, dans les Bibans où, durant deux années il apprendra à lire et à écrire tout en perfectionnant ses acquis en théologie. Assoiffé de savoir et désirant toujours accéder à un niveau supérieur, il intègre la célèbre zaouïa de Sidi Saïd Ben Abi Daoud à Zazoua, non loin d’Akbou. Il y reçoit des cours de théologie et de chari’a auprès des maîtres de la zaouïa. Un enseignement qu’il partage avec le petit-fils du fondateur de cette zaouïa, Sidi Ahmed.

En l’an 1261 de l’Hégire, il quitte ce haut lieu du savoir et s’en va mettre en pratique ce qu’il y a appris durant de longues années. Ses pas le menant à El Hamel, dans la région de Bou-Saâda, il s’y installe à la demande d’un groupe de notables du village qui lui proposent de prodiguer son enseignement au sein de la mosquée Al-Atiq. Il accepte mais demande à occuper ce poste avec son maître Sidi Ahmed Ben Bou Daoud. Durant plusieurs années, il dispense ses

connaissances en fiqh aux habitants de la région d’El Hamel comme il le précise dans son autobiographie : « …après cinq années, je suis revenu à mon pays ; le village d’El-Hamel, en 1261 de l’Hégire. J’y suis resté huit années à enseigner aux gens le fiqh et autres (sciences), dans son école coranique connu sous le nom de Djama’a Al-Fouqani. Je n’ai point quitté la mosquée ni le jour ni la nuit jusqu’à la fin de 1272 H ».

Aujourd’hui, la zaouïa continue à être un haut lieu de piété et de pratique religieuse. Elle fut également durant la guerre de libération nationale un lieu de résistance.

Hassina AmrouniSource :

http://el-hamel.atspace.com/fr/zaouia/fondation.htm

Natif des environs de Hassi Bahbah, Sidi Mohammed Ben Belkacem Ben Rebih Ben Mohammed Ben Abderrehim Ach’Charif Al-Hassani est l’un des saints patrons de la ville de Djelfa et une figure respectée et louée par l’ensemble de la population.

Sidi Mohammed Ben Belkacem Ben Rebih

Par Hassina Amrouni

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A l’âge de la scolarité, son père l’envoie dans une zaouïa située dans la commune d’Aïn Chouhada (Djelfa). Là, il est initié

à la récitation du Coran, en plus d’apprendre à lire et à écrire. De retour dans sa famille, il mènera une vie dans la pure tradition agro-pastorale jusqu’au jour où, las des dures conditions de vie de sa famille, il décide, en 1945, de s’engager à titre volontaire dans l’armée coloniale.

En 1950, et à l’instar de nombreux Algériens, il est envoyé pour combattre en Indochine. Il y effectue deux séjours, avant de revenir à l’été 1955, dans son pays, alors en pleine guerre

contre l’occupant français. Affecté à la caserne de Bordj Bou Arreridj, il ne peut que constater la généralisation de la lutte à tout le territoire national. Pour le jeune soldat, nul doute que l’heure a sonné pour changer de camp et rallier les siens au sein de la vaillante Armée de libération nationale (ALN).

Bénéficiant d’une permission de longue durée, le brigadier Bayzid Jakal avec la collaboration du sergent-chef Hocine Yousfi fomentent une opération d’envergure, visant le détournement d’un important lot d’armes de la caserne où ils sont stationnés. Le 19 janvier 1956, donc, le plan ourdi est mis à exécution, les armes étant

Originaire de la petite commune de Aïn El-Ibel, dans la wilaya de Djelfa, Bayzid Jakal, fils de Lougani Jakal et Fatna Bouchemal, est né présumé en 1920.

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transportées à bord d’un camion Renault, également détourné pour la circonstance. Ce butin de guerre est destiné à renforcer l’armement des maquis du nord du pays. Originaire de Kabylie et ayant une parfaite connaissance de la région, le sergent Yousfi pouvait sans coup férir rallier cette partie du pays au volant du véhicule ainsi chargé de munitions. Après avoir roulé quelque temps, ils décident de stopper le véhicule, de décharger les armes et munitions qu’ils dissimulent dans les buissons et de brûler le camion. Quelques mètres plus loin, ils rencontrent fortuitement un groupe de moudjahidine auxquels ils font part de leur intention de rallier leurs rangs, tout en leur dévoilant tout l’arsenal qu’ils avaient en leur possession. Cette nouvelle est accueillie avec joie. Bayzid Jakal et Hocine Yousfi, accompagnés des maquisards, se rendent dans

l’Akfadou, siège du PC de la Wilaya III. Arrivés dans la région d’Amizour, ils décident de faire une halte pour reprendre un peu de forces, éreintés par cette longue marche, accomplie à travers les maquis, les bras chargés du butin de guerre, rapporté par les deux déserteurs. Le lendemain, ils reprennent leur périple mais arrivés sur la rive ouest de oued Soummam, ils se retrouvent au cœur de la bataille d’Amacine, livrée en ce 20 janvier 1956 par les hommes du lieutenant Arezki Baïri, plus connu sous le nom de guerre Arezki Lourassi contre les troupes françaises. Bayzid Jakal, Hocine Yousfi et les moudjahidine qui les accompagnaient entrent eux aussi dans l’arène des combats, utilisant pour cela les armes et munitions qui étaient en leur possession pour asséner une cuisante défaite à l’ennemi.

Reprenant leur chemin, ils arrivent enfin au siège du PC de la Wilaya III où ils sont chaleureusement accueillis par le colonel Amirouche. Fort de son expérience de combattant en Indochine et affichant une dextérité au tir et dans le maniement du FM24/29, Bayzid Jakal, est affecté à la région 4, zone 2 où il s’intègre immédiatement au groupe. Mieux, son dévouement et son courage ne passent pas inaperçus, ce qui amène ses responsables à lui confier la tête d’un groupe de moudjahidine. Sur le terrain des combats, Jakal est un maquisard qui ne recule devant aucun danger et ses hommes trouvent en lui un meneur et un chef d’une grande assurance. Ces qualités et d’autres encore lui permettent d’accéder au rang de chef de section, mission qui lui et sconfiée par le colonel Amirouche.

Bayzid Jakal

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faAinsi, il aura à servir sous les ordres de grands responsables de l’ALN. Bayzid Jakal et sa section feront parler d’eux à chaque opération de laquelle ils sortent victorieux. Il en est ainsi de la grande opération de ratissage dénommée « L’espoir et le fusil », lancée par les autorités coloniales et qui se soldera par un échec grâce au courage des hommes de Jakal, lui, à leur tête.

Sécuriser le Congrès de la Soummam

A l’été 1956 et alors que le Congrès de la Soummam est en pleine préparation, plusieurs sections de l’ALN dont celle de Jakal sont instruites pour assurer le lieu de réunion, prévu à Ifri-Ouzellaguen. Mission dont tous s’acquitteront avec

succès, contribuant ainsi à la réussite de ce conclave auquel ont pris part les plus grands chefs politiques et militaires de la révolution algérienne.

Alors qu’il est au faîte de sa gloire et de son courage, Bayzid Jakal dit Makhlouf El Djelfaoui va tomber, vers la fin de l’année 1957, dans une embuscade tendue par des troupes de l’armée française au lieu-dit Assama, à une dizaine de kilomètres de la ville de Bejaia. Après avoir tenu en haleine ses adversaires, en ripostant par les armes à leurs coups de feu nourris, Jakal tombera en héros, les armes à la main.

Hassina Amrouni

Source :http://djelfa.info/fr/historique/92.html