L'Essentiel Des Katas Judo

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Review of the meaning of Kata in Judo, Exposé of principal Kodokan Katas: Nage No Kata, Katame No Kata, Koshiki No Kata, Ju No Kata, Kime No Kata, Itsutsu no Kata and Goshin Jutsu. Brief description of other katas not in the Kodokan syllabus. Presentation styles and comments for kata competition and exhibition.

Transcript of L'Essentiel Des Katas Judo

LESSENTIELDES

KATAS-JUDO

Ronald DsormeauxKodokan Judo 5ime dan

DITION LIMITE

2009

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Ronald Dsormeaux

Introduction du professeur Michel Novovitch, 8ime dan

Si vous avez cet ouvrage de Ronald entre les mains, cest qu un moment de votre vie, vous vous tes intress au Judo. Cet intrt tient au fait que cette discipline est marque par la civilisation qui la secrte : la civilisation japonaise. Loccident populaire a dcouvert cette autre manire de penser aprs la seconde guerre mondiale, quand le Japon, aprs des sicles de quasi isolement et une dfaite totale au plan militaire, est parvenu, en une gnration, simposer comme une des puissances mondiale. Ce sont les vertus quil faut pour raliser un pareil prodige qui ont veill la curiosit du monde. Ces vertus : la capacit de travail, lacceptation du caractre inluctable des rgles sociales, seules capables de donner un peuple la cohsion indispensable aux grandes ralisations, le sens dune thique qui permet une nation daccorder ses efforts ses ambitions, la soumission de lgosme personnel aux ncessits de leffort collectif. Lesprit quasi militaire qui a rgl la socit japonaise, tant ducative, professionnelle quconomique porte certes les caractres discutables de cet esprit leffacement de la personne au profit du succs de lensemble mais pour astreignante que soit cette dynamique, elle trouve sa noblesse dans leffort consenti par chacun pour le bnfice de tous. Mais et cest l le miracle malgr son entre en force dans la modernit, le Japon a su conserver ses racines, ses traditions, le sens moral lev des anciennes structures sociales, et, dans un autre domaine, lesprit du Bushido. Cependant, bien sr, le modle japonais nest pas parfait, entre autre parce quil est trs litiste, et les japonais connaissent ses imperfections puisquils ont, dans une trs large mesure et par pragmatisme adopt le mode de vie occidental. Ce que cherchent les occidentaux dans la pense japonaise, cest exactement ce que cherchent les japonais en Occident : des valeurs complmentaires.

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Ainsi, le judoka occidental, vivant dans une socit de profit, de possession, de jouissance, trouve dans la tradition japonaise une incitation loubli de son ego pour devenir attentif lautre , le bnfice de la relation privilgie matre-disciple, la comprhension dun monde o la victoire nest pas une question de force brutale, mais de technique intelligente ; un monde o les devises du Judo : amiti et prosprit mutuelle et le meilleur emploi de lnergie ne peuvent tre mises en pratique que dans le respect de lautre et un travail constant sur soi-mme. Le judo a volu depuis sa cration la fin du XIXme sicle, et cest heureux. Il devait en tre ainsi si lon doit accepter le principe qui veut que les matres ne mritent ce titre que si leurs lves les dpassent. Cette volution est donc saine et elle nest pas une trahison des anciens. Les katas, que ce livre prsente magistralement, nont jamais, mme au dbut du Judo, voulu enseigner le mouvement tel quil devrait tre fait dans la ralit du combat. Sil en tait ainsi, chaque judoka devrait pratiquer les katas sa manire . Or, il ny a quune manire de pratiquer les katas, justement parce quils montrent les principes des techniques, valables pour tous, quelles que soient la taille, la force ou la morphologie des pratiquants. Le respect de la forme nest donc pas le produit dune discipline militaire aveugle, mais bien un acte dhumilit par lequel le judoka simprgne de vrits qui lui permettront ensuite de dvelopper sur ces bases pures ses propres techniques. Toutes les ralisations dont lHumanit peut tre fire ont pour source la connaissance. Tous ses checs ont pour origine la soif de possession et la perte du respect de soi et des autres. Le kata, cest la recherche de la connaissance dans le respect de lautre, afin que les efforts consentis dans le dojo donnent leurs fruits dans tous les domaines de la vie.

Michel Novovitch Sville Espagne 23 Dcembre 2008

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Avant Propos

Il est difficile de pntrer dans larrire plan des katas judo afin dy dcouvrir la teneur des messages quils contiennent. Il faut dpasser le gestuel et seuls les plus tenaces et les plus curieux y parviendront.

mon avis, ltude des katas judo fait partie intgrante du dveloppement du judoka. prime abord, les katas sont souvent vus comme une voie statique et une tradition. Ils doivent tre aussi la voie dynamique par laquelle le judoka ralisera des progrs. Apprendre du pass, rflchir avec lesprit actuel pour mieux utiliser les ressources dans le futur, voil leur vocation.

lorigine du Judo Kodokan cr par le Matre Jigoro Kano en 1882, les pratiques de katas taient imposes au mme rythme que les sessions de Randori. Les formes de kata servaient la fois comme toile de fond pour renforcer la spiritualit de lart ancien du Ju Jutsu et perfectionner des exercices libres applicables en combat. Il ne suffisait pas de dmontrer une grande capacit de combattre, mais de bien comprendre les principes qui rgissaient lapplication des techniques selon les circonstances. Cest pourquoi, le fondateur insistait la pratique complmentaire de cette forme dentranement.

Les dmonstrations de divers katas signalent lattachement ltiquette et au perfectionnement technique raliss par les anciens Samurais et ont galement servi vendre le judo aux autorits japonaises et au Japon tout entier.

Cest durant les annes 1882 1908 que plusieurs katas furent mis au point. Aprs la mort du Matre Jigoro Kano en 1938 le judo aborde une orientation plus sportive. Sous les pressions exerces par les milieux de gouvernance du sport judo lchelle internationale, les entranements et les orientations axs vers la comptition prennent lavant plan. Quoique toujours prvues au programme des examens de grades, ltude et la dmonstration des katas ne retiennent plus le mme degr dattention des hauts grads maintenant orients dvelopper des modes dentranement spcialiss.

Lenthousiasme pour la pratique des katas subit un srieux dclin. Il faudra attendre lanne 1956 pour assister une renaissance du kata dautodfense par le Kodokan qui donnera le pas la rintgration des autres katas dans le programme de formation tant national quinternational.

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Depuis 1980 des efforts considrables sont amorcs lchelle mondiale par lentremise de la Fdration Internationale et lInstitut du Kodokan qui relancent un retour aux sources du judo, aux vritables valeurs des katas et encouragent leurs dmonstrations publiques. Des milliers de judokas vont adhrer la nouvelle pratique des katas, mais trop nombreux sont ceux et celles qui demeureront ignorants de leur vritable valeur culturelle.

Lapprentissage des katas lchelle internationale nest pas chose facile car il faut se retremper dans la culture et la mentalit japonaise dantan. Elle tait et demeure bien diffrente de la ntre. Cest le Shikata, la manire dagir la japonaise qui exige une grande qualit dans tout ce qui est identifi comme un produit national et tablit un ordre suivre pour la confection de ce produit. Shikata fait partie du dcor culturel japonais depuis des milliers dannes. Dans le monde moderne o nous vivons et dot de notre esprit occidental, le pourquoi de tant de gestes rptitifs et le cheminement pour dcouvrir la profondeur du message quils contiennent ne sont pas toujours vidents.

titre de professeur de judo, il est de notre devoir de faire dcouvrir et apprcier cette grammaire gestuelle du judo Kodokan contenue dans ses katas. Les katas vont nous rapprocher du pourquoi, du comment et du quand utiliser les techniques. Il nous incombe de diriger nos judokas approfondir leur connaissance et leur savoir-faire afin quils puissent aller au-del du geste technique afin de capter les divers messages profitables leur panouissement.

Ltude des katas se fait principalement selon un modle pdagogique o linstruction est transmise par les anciens. La dmonstration par le matre est suivie de ses conseils et llve sengage dans des rptitions dexercices rigides.

Ce modeste document na pas pour objet de dcrire systmatiquement tous les mouvements qui y sont compris dans tous les katas. Il vise plutt apporter des observations essentielles et pertinentes ltude des katas. Le texte qui suit ne saurait aucunement remplacer les instructions du matre auxquelles le judoka droit dans son cheminement.

Ronald Dsormeaux,

dition Limite, 2009ISBN- 2-9806269-5-3 Bibliothque Nationale du Qubec Bibliothque Nationale du Canada

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TABLE DES MATIRESIntroduction du Matre Michel Novovitch Avant Propos de lauteur

LhistoireDfinition du mot Kata Historique culturel Priode insulaire et dveloppement des katas Le nouveau Kodokan 9 10 17 19

Le pourquoiKata et la pdagogie Kata et Religion But et Objectif, pourquoi tudier les katas Linventaire des Katas du Kodokan Judo 25 29 32 36

Le commentLessentiel de ltiquette des katas Rles des participants Importance des gestes Le dcorum et le crmonial Entranement au kata Dveloppement de situations particulires 41 42 44 45 47 48

Points saillants propos des katasItsutsu No Kata : La forme des cinq lments Koshiki No Kata : La forme antique Ju No Kata : La forme de souplesse Seiryoku-Zenyo Kokumin Taiiku No Kata: La forme de conditionnement Nage No Kata : La forme des projections. Katame No Kata : La forme des contrles Kime No Kata : La forme de dcision Goshin-Jutsu No Kata : La forme moderne dautodfense 50 56 60 65

69 75 80 84

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Aperu de divers katas dentranementUra No Kata : La forme des contres Go No Kata : La forme de ltude des forces Gonosen No Kata/ Go Ju : La forme des contres prises Kaeshi No Kata : La forme de contre Hikkomi no Kata : La forme des suivis en enroulement 88 91 95 96

Le kata objet de comptitionLa prsentation formelle Critres dvaluation des prsentations 99 99

Fiche dvaluation

101 104

Conclusion

Rfrences Vidothque

106 108

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Remarques propos du texte.Noms japonais et grammaire : -.Les noms de famille pouvant tre crits selon les origines ancestrales, localits dappartenance, nom commun, surnom ou autre pseudonymes, nous avons choisi didentifier les personnages comme suit : le nom de famille, suivi du prnom sauf pour le cas du fondateur du judo le Matre Jigoro Kano que lon adresse comme Matre ou Matre Jigoro Kano. -. Les autres expressions japonaises et les noms des techniques sont identifis en majuscules ou en italiques pour une meilleure identification et pour ne pas trop gner la lecture du texte. -. Certains liens grammaticaux dans les phrases ont t nots en majuscules pour rendre la lecture du texte plus facile. -. Le masculin et le fminin sont identiques dans les expressions courantes relies lattaquant, le partenaire, ladversaire, le judoka(s), ainsi que les prnoms vous et il.

Autres cahiers de lauteur disponibles en dition Limite1. Les Mystres du Judo : Cder pour vaincre 2. Les Mystres du Judo : Innover pour sauvegarder 3. The Discovery of Judo : Yield to Overcome 4. The Discovery of Judo : Tokui-Waza 5. The Discovery of Judos Arsenal : Shin-Gi-Tai

Pour plus de renseignements et commentaires, prire de communiquer directement avec lauteur : [email protected]

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Lhistoire

Dfinition du mot Kata

Le sens tymologique du terme japonais Kata est souvent traduit par moule ou forme. Ka signifie feu et Ta de ou avec. Un peu comme le forgeron qui bat le fer chauff au feu ardent ou le potier qui fabrique des formes avec le four. Au Japon, depuis des sicles, on utilise le mot kata soit comme forme dexpression ou procdures dans les mthodes denseignement des arts tels : la musique, lcriture, lartisanat et les arts martiaux en gnral. La coutume veut que ce soit lauto ducation et la formation par lexemple qui domine. Le caractre Ka porte aussi le sens de manire, orientation ou direction. Il signifie la forme de tracer avec le pinceau une ressemblance exacte. Lidogramme a galement le sens de trace laisse, forme idale, loi ou habitude.

Lenclume du forgeron sur laquelle on bat le fer Le mot kata voque aussi limage dune forme idale reproduire ainsi que la fixation et la transmission de connaissance ayant pour base une gestuelle codifie. Il y a dans les katas une foule de messages dcouvrir, assimiler et ultimement vivre.

Lart pratiqu quel quil soit, est une faon de voir les choses et de sexprimer au del de la matire mme. cause de circonstances exceptionnelles, les japonais ont pratiqus des formes multiples de katas pendant des sicles et cette pratique tait particulirement populaire durant la priode Edo (1603-1867).

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HISTORIQUE CULTUREL

Certains faits historiques associent le kata avec la survie de la culture Japonaise. Des katas ou formes de comportement ont exists depuis le troisime sicle mais nous pouvons surtout dcouvrir toutes les formes sociales et religieuses entourant les styles de gouvernance et de religion pratiqus par les dirigeants et les moines bouddhistes sous le rgime de la grande famille des Yamato (grande harmonie) rsidant dans la capitale de Nara au 4ime sicle avant Jsus-Christ. Pour assurer leur gouvernance, les dirigeants ont tabli des rgimes de comportements trs stricts et toute divergence tait punie svrement. Les moines la solde des aristocrates enseignaient les pratiques religieuses ouvertement o en priv selon lauditoire qui venait prendre des cours dcriture chinoise, dtiquette sociale, de sculpture, dartisanat et mme loccasion darts martiaux spcifiques au clan. Au mme titre que lenseignement de lcriture et de la posie, les arts martiaux taient enseigns dans une annexe du temple seigneurial nomm KODO. La population dalors tait soumise aux diverses rgles de comportement selon le grade ou limportance. Elle possdait ses paradigmes sociaux et ses faons de faire les choses lintrieur de certaines normes tablies par les rgents ou imposs dans des principes de comportement mis par les chefs de clans. Dans le but de maintenir lordre, la loyaut et la discipline, ceux-ci devaient tre respects par toutes les classes de la socit japonaise. Cest ainsi que furent tablis les premiers katas ayant trait la posture, aux travaux dirrigation, lcriture, la faon de manger, se vtir et mme la faon de vivre en prsence des autres selon son rang et son appartenance une classe quelconque. Le conditionnement culturel vhicul travers les formes tablies a rendu les japonais profondment dpendants du moule suivre ou kata. On connaissait quune bonne faon de faire les choses et tout cart tait considr mauvais ou contraire lesprit japonais. La vraie faon de faire appele Shikata ne se rapportait pas uniquement la mcanique des gestes mais englobait aussi lharmonie (WA) qui devait exister entre le monde physique et le spirituel de lindividu et celui-ci face la socit japonaise telle quelle tait tablie. Les katas taient pratiqus partout. Parmi les plus visibles, la crmonie du th ou Chanoyu avait t enseigne par les moines avec ses moindres dtails afin de satisfaire le got, la beaut et lesthtique de la crmonie. De mme, au thtre No et au Kabuki, les acteurs devaient rpter les gestes enseigns sans interprtations personnelles. Les lutteurs de Sumo se voyaient eux aussi, encadrs dans des crmonies, des techniques de styles et des rituels trs prcis. Partout, il y avait ce souci de maintenir lessentiel du modle, dy trouver la beaut et de rechercher lexcellence. Dans la musique, la manutention des instruments, la discipline et la persvrance devaient conduire une connaissance approfondie et exprimer une mlodie harmonieuse. Lapprenti pouvait ainsi suivre le matre dans sa dmarche, grandir intrieurement et spirituellement avec lui. Lartiste accompli y retrouvait un sens de responsabilit qui lui tait propre et le guidait vers le perfectionnement personnel. Cest ainsi que des gnrations ont t moules aux diverses tches et mtiers tout en conservant les responsabilits de son rang dans la socit.

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Chanoyo Kata, la prparation minutieuse de la crmonie du th au centre culturel de Kyoto o sont dmontrs le raffinement et la dlicatesse de lart.

Dans chacun des katas poursuivis, on peut y dcouvrir des dimensions communes dont : 1. On y dcouvre une ddicace vers un but ralisable. On ressent lintgration de lnergie mentale et physique qui dirige les gestes. Les divers outils mis en oeuvre sont utiliss minutieusement et avec un control soutenu afin dassurer la progression vers le but vis. 2. En tant attentif aux gestes, il y a fusion des forces internes : la perception, la sensibilit, lvaluation de chaque geste, la concentration, lmotion, la finalit, la volont dagir et la prise de dcision interagissent. 3. Dans lexcution des katas, lesprit sunit au corps pour former un tout intgral. Tous les sens sont aiguiss, la posture favorise le geste prcis, les distances sont respectes, la coordination est l,oeuvre, lharmonie et le maniement adroit des outils externes rflchissent la grce et la beaut.

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Les arts martiaux nont pas chapps ce cachet. Les katas de types martiaux, enseigns en temps de paix ou en priodes creuses aux paysans avaient pour buts : de les prparer au service militaire spontan, apprendre les diverses techniques et outils mis leur disposition et afin quils demeurent alerte. Les katas tels quenseigns par les matres vont permettre aux pratiquants danalyser les tapes dune confrontation possible et suivre leur droulement potentiel afin didentifier les opportunits qui vont permettre de renverser lnergie de lopposant, contrler le rythme de la confrontation et lancer une attaque soit directement ou par anticipation. Les matres enseignants taient dsigns pour leur mrite ou par legs hrditaires. Tous avaient vcus des expriences extraordinaires aux champs de bataille. Ils avaient rsolu maints problmes et situations. Ils avaient innov diverses formes de dplacement et techniques qui furent reues par des anciens et qui, leur tour, les transmettaient aux associs du clan bnficiant de la protection du Daimyo, pour lequel ils taient accrdits. Lenseignement par voie de kata avait plusieurs buts : 1. Dassurer la bonne discipline, le comportement uniforme et lordre des choses lintrieur du clan. 2. Dvelopper des comptences de survie utilisables par les communauts du clan. 3. Approfondir lusage et le maniement des outils et armes en vue dune plus grande autosuffisance et au maintien de la suprmatie du clan. 4. Amliorer la condition physique de chacun et assurer le bien-tre gnral. 5. Renforcer les liens de loyaut lintrieur du clan. Donner des raisons sociales dattroupement et de rencontres afin de promouvoir la coopration, lhonntet, lintgrit et la confiance. 6. Garantir ladhsion aux obligations militaires avec lamlioration des comptences techniques et militaires.

Les katas ont ainsi transform les couches sociales du Japon pendant des sicles. Ils incitaient les gens mieux accepter leur rle respectif tel qutablis dans la socit hirarchique. En donnant le meilleur de soi et en produisant des objets de haute qualit, tous et chacun sharmonisaient. Cest ainsi que les katas fournirent loccasion de suivre le courant de la socit tout en fournissant lpanouissement des arts et coutumes dans des entits purement japonaises.

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Ces enseignements codifis dans divers gestes et concepts sociaux fondamentaux taient lis la notion dun Japon suprme, indpendant et fort. Le respect de la tradition, le tmoignage du patriotisme national et lobtention dune fiert naturelle devant un travail accompli resplendissaient dans tout lempire. Pour mieux assurer lintgration de chacun dans son rle social, les prtes et moines ont t investi dune tache complmentaire, celle denseigner la pratique des rituels et crmonies religieux et les formes de mditation qui sont devenues les voies communes assurant la paix desprit, le retour au calme, la vnration des valeurs ancestrales et lacceptation dune destine.

Les katas associs aux divers arts martiaux suivirent lvolution du Bushido. Cette pense culturelle prescrivait la voie du guerrier et du gardien de la paix. On demandait au Samurai de faire son travail le plus parfaitement possible sans se proccuper des consquences dune mort potentielle. Mme face la mort, il devait dmontrer lultime matrise sur sa dcision de vivre ou de mourir. La vie du Samurai ne lui appartenait pas, il tait au service du matre et garant de la scurit et de la discipline du clan. Comme on le soulignait auparavant, la pratique du Zen lui donnait cet tat desprit supplmentaire pouvant le rendre plus calme durant les jours turbulents et justifiait en quelque sorte ses actions souvent cruelles, commises au service des seigneurs.

La coutume voulait que le savoir du Samurai ft transmis oralement et que son savoirfaire subisse un apprentissage par imitation soit par des arts internes (nergie vitale) ou externes (combat efficace). Ces moyens dinstruction et formes de pdagogie ont t populariss et pratiqus par les matres militaires et les membres dun clerg qualifis. loccasion, certains paysans dous et attachs une famille noble sajoutaient aux rangs des enseignants.

Les outils de survie utiliss pour vaincre lennemi avec efficacit et promptitude taient slectionns avec soin pour faire partie du curriculum denseignement. Avec ou sans arme, lexcution de kata demandait une certaine prcision, un rythme, une synchronisation et une prise de dcision marque. Les gestes styliss et maintes fois rpts devaient servir mouler le corps et lesprit. Le matre demeurait sur les lieux afin dintervenir et corriger llve. La sance de kata suivait son propre rythme : le matre darmes faisait une premire dmonstration qui tait suivie par la reprise des gestes en couple ou individuellement. Lapprentissage soutenu et limitation des gestes martiaux conduisaient un meilleur conditionnement physique et une discipline personnelle tout en offrant une opportunit damliorer lacuit mentale, la coordination et lexcellence dans les imitations.

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Lhistoire renferme de nombreux exploits o des hommes Samourais sont devenus matres et professeurs darts martiaux au sein de divers clans. Bien que les arts militaires taient principalement rservs aux hommes, elle nous relate galement lexistence de quelques femmes lites qui se sont dmarques des autres et qui ont enseignes leur savoir faire aux villageois. Tel fut le cas de dame Itagaki femme experte au Naginata qui commandait la garnison du chteau de Torizakayama au 13Ime sicle, des dames Aoi et Hangaku expertes au tir larc vers 1100-1183 et de dame Tomoe Gozen, la fille du vice gouverneur Nakahara de la province de Shinamo (1157 1247). Cette dernire sest particulirement illustre aux champs de batailles de Kurikawa et dUgigawa o elle mena de nombreuses charges contre les ennemis. Elle tait lpouse du gnral Kiso-no-Yoshinaka du clan Kiso. En plus de bien servir son clan, elle tait une femme onna-shisho ou matre instructeur au tir larc, la Naginata (longue lance ou pe de 2 3 mtres de long), au kaiken ou court poignard ainsi quau Te Katana (pe la main). On dit aussi delle quelle tait une cavalire hors pair.

Buste sculpt de Tomoe Gozen, une onna-shisho par Le Van Quang Les bons conseils pntrent jusquau cur du sage, mais ne font que traverser loreille du sourd Proverbe japonais

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Dans certains documents dcrivant lenseignement des techniques du combat corps corps par les matres anciens, on peut identifier une influence chinoise associe au WU SHU (Techniques de guerre) et ses quelques 350 styles de combats mains nues qui fus trs populaire sous la dynastie Ming (1368-1644). Avec les annes, ces mthodes furent transportes comme entit ou en parties vers le Japon par des gens de lettres, des moines itinrants, des voyageurs, des diplomates et visiteurs qui profitrent des bonnes relations entre la Core, la Chine et le Japon pour importer leur savoir via le port de Nagasaki. Une fois en sol japonais, ce savoir tait adapt, transform et propag par voie de kata pour lui donner un caractre plus japonais. Plusieurs exemples de kata ainsi constitus de techniques et dexercices efficaces voient le jour en combat rel partir du sixime sicle et surtout durant le rgime insulaire exerc sous le Shogunat de la famille Tokugawa (1603-1867) (re Edo). Ces exercices de simulation dont les katas de sabre, de lutte, du tir larc et du nagita ont servi tant au maintien de la forme physique qu lacquisition dune morale sociale ayant ses valeurs propres. Dans un extrait de vieux documents datant de 1495 et appartenant la maison du Daimyo Hojo Soun, nous retrouvons les traces dun code de conduite illustrant la ncessit de pratiquer les katas: Toujours travailler sa lecture, son criture et ses techniques darts martiaux ainsi que ses talents de cavalier et darcher. Il nest pas ncessaire de rpter que vous devez conserver votre habilet littraire dans la main gauche et toute votre souplesse martiale dans la droite. Ceci est la loi depuis les temps reculs et ne loubliez jamais. 1

La littrature japonaise nous dvoile que certains mouvements et techniques ont t profondment modifis, amliors et mme codifis diffremment au cours des ans. Certaines techniques furent simplement mises dans des manuscrits familiaux (Makimono) pendant que dautres furent transmises de pre en fils ou de matre disciples dans des coles rgionales et institutions territoriales. Nous retrouvons de telles traces de transmission de katas travers les enseignements de certaines institutions telles le Kodokan de Mito dans la prfecture de Ibaraki qui tait prside par des familles nobles relies au clan Tokugawa. On note galement le Kodokan de Saga dans les montagnes dArashiyama prs de Kyoto o lEmpereur Gosaga possdait un palais. Ce Kodokan, vocation Bouddhiste situ prs du palais tait renomm pour lenseignement des jeunes Samurais aux rudiments militaires et aux classiques. Malheureusement, nombreux sont les katas qui ont simplement disparus avec labolition des clans, avec linterdiction de porter les armes et lavnement dune paix plus durable sous le Rgime Meiji en 1868.

Faire un kata, cest la fois forger le sabre et apprendre sen servir.

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Daimyo House code of Hojo Soun, tir de Soun-Ji Dono Nijuichi Kojo, Ca 1495

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Quelque soit le kata pratiqu par le paysan, on pouvait dceler des engagements particuliers: suivre la lettre les enseignements, toujours vouloir bien faire et dmontrer sa meilleure habilet martiale sans pour cela atteindre ou prsenter un danger imminent pour la vie des autres membres du clan. Lexcution des katas exigeait le respect de lautre, la communication avec le partenaire, la matrise du geste, la discipline dintrospection et la conservation de sa propre identit. On peut aisment se prononcer pour tablir que le kata le plus pratiqu fut celui de la calligraphie. Dabord le Kanji (lettre chinoise) fut enseign par les moines et matris par laristocratie. Le Hiragana qui suivi a permis de promouvoir les femmes comme gens de lettres. Ensuite, est sorti le Katakana, sorte dinterprtation populaire de lcriture phontique avec laquelle la majorit des japonais pouvait enfin converser librement entre eux.

Estampe/La leon de calligraphie par lartiste Utamoro

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Priode insulaire et dveloppement des katasDe 1603 1867, les guerres intestines entre clans et familles japonaises pour assurer une supriorit quelconque ou pour obtenir des gains de terre battent leur train. En 1867, le Shogunat, gouvernement militaire sigeant Kyoto depuis un certain temps vint stablir Edo (Tokyo) avec la famille Tokugawa tout en assurant le contrle des grandes villes de Kyoto, Osaka et Nagasaki. Le clan exerce son autorit sur les provinces par le truchement de 250 domaines autonomes dirigs par des Daimyos puissants et loyaux. On y connaissait plusieurs couches distinctes dune socit trs hirarchise: les royaux et familles de nobles, les militaires ou guerriers la solde dits bushi ou samurai, les religieux, les paysans et artisans et finalement les marchands. Toutes les strates avaient leur protocole et leur mode de vie.

La rsidence principale du Shogun Ni-Jo de Kyoto

Ds 1639, lautorit japonaise pratique une thorie socio-conomique prescrivant lisolement du Japon et son loignement des influences trangres afin de conserver le contrle sur les biens et personnes. Seule la ville de Nagasaki demeurait ouverte au commerce tranger et son dbit dactivit restait trs contrl et trs limit. Ctait le port dentre principal avec la Chine. Les moines, professionnels et artisans ont pu en bnficier plus que les commerants. Plusieurs tentatives trangres favorisant louverture commerciale furent menes mais sans rsultats concrets. Le dfi vers une plus grande ouverture sur ltranger fut lanc par la flotte amricaine commande par le Commodore Matthew Perry, qui en 1854 fora les autorits ouvrir ses portes au commerce tranger sous la menace dune invasion. Ntant pas en mesure de confronter la force navale amricaine, le Shogunat fut soumis cette grande humiliation et permit louverture commerciale et culturelle du Japon aux diverses autorits trangres.

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Durant la dcennie qui suivit, divers groupes de Daimyos et Samurais remettent en question lautorit du Shogunat et appuient la relance des anciens pouvoirs de lEmpereur. Ils prparent une rforme administrative denvergure. Devant les pressions internes, le Shogunat abdique son autorit en 1867 et un nouvel Empereur est couronn patriarche de la Nation. Cest la priode Meiji qui prend place. Le Japon dbute alors sa cure de renouvellement et dmancipation. Cest durant cette priode que les japonais se rclament matres des inventions, mthodes et techniques europennes et amricaines tout en conservant leur patriotisme, culture et leur loyaut envers le systme sociopolitique en place. Lempereur reprend sa place au centre du pouvoir. Il devient lautorit suprme et se sont de nouveaux bureaucrates forms pour la plupart danciens Samurais oligarchiques qui vont administrer le pays en son nom jusquen 1912. Le mot dordre de lre Meiji semble tre FUKUDO KYOHEI qui peut se traduite dans la phrase suivante : Une nation prospre et forte. La Restauration de 1868 changea le visage du Japon. Les pouvoirs des grandes familles aristocratiques sont dissous. On organise une arme centralise et la caste de Samurais est transforme puis fusionne dans la bureaucratie, la police et le systme dducation. Les fiefs et clans deviennent des villages et villes possdant des administrations indpendantes et qui sont comptables des ministres de services nationaux. Ds 1872, le systme dducation est transform ltendue du pays. Le Gakusei prend la relve des coles prives et publiques rgionales quavaient instaur les Daimyos et assure lhomognit dans le curriculum qui y est enseign. Divers ministres se succdent dans la responsabilit de lenseignement, mais nous y retrouvons toujours une trace militaire qui incite le peuple au dveloppement de la forme physique, lobissance, la formation morale (patriotisme) et au maintien de lesprit guerrier (bushido). Les moyens employs sont des cours obligatoires offerts en gymnastique gnrale (gakko-taiso), en conditionnement militaire (heishiki-taiso) et dans lenseignement des arts militaires traditionnels appartenant au Budo. Cest durant cette priode de transformation que lensemble des styles de combats et les coles spcialises dites Ryu est insr dans les nouveaux arts martiaux qui affichent maintenant le nom de Bujutsu. Un dcret national restreignant le port darmes individuelles limitera lexpansion des coles spcialises aux armes de combat. Pour assurer leur survie, certaines coles se cherchent de nouveaux adhrents et des niches de spcialisation appropries. Faute du manque de mcnes et dlves, plusieurs ne russiront pas et devront fermer leurs portes.

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Le nouveau KodokanLe temps est propice luvre du Matre Jigoro Kano qui en 1882 sinspire du vieux JuJutsu enseign dans diverses coles des environs de Tokyo dont le Tenjin Shinyo Ryu, le Jikishin-Ryu et le Kito Ryu pour en retirer le meilleur des techniques de combat main nue et pour y dvelopper son Kodokan Judo (haut lieu dapprentissage de la voie souple).

Profitant des instructions reues des matres Karagiri, Yagi, Yamashita, Isogai, Yokohama, Hiratsuka, Totsuka, Katayama, Yamamoto, Mataemon, Iikudo, Fukuda et Nagaoka, il parvient conserver lessence de la tradition telle que transmise par ces personnes de renomme.

Pour satisfaire le besoin dtablir un nouveau rgime ducatif japonais tel que recherch par les autorits gouvernantes, le Matre Jigoro Kano fait la synthse des anciens systmes et propose une nouvelle philosophie ducative du meilleur usage de lnergie sous le vocable de Kodokan Judo. Sa proposition comporte trois volets : Une formation martiale et morale, un mode dducation physique gnrale et la conservation doutils dautodfense.

Dautres propositions sont mises de lavant par des rivaux mais ne seront pas retenues. Malgr les divers excs de jalousie et manigances, le Matre Jigoro Kano persiste instaurer les bases de son Kodokan Judo avec laide de ses proches collaborateurs et certains intellectuels ayant des liens proches avec la maison impriale tels : Shosuke Shirai, le vieux Samurai qui lui sert de conseiller, Takoaki Kato le premier ministre en place et Kumazo Tsuboi le doyen de la facult des lettres de luniversit impriale.

Il reoit bientt dautres renforts avec larrive de plusieurs matres issus de grandes familles guerrires et membres de la Socit du Dragon Noir (Kokuryu Kai) qui partagent sa pense. Cest avec le dynamisme de tous les intervenants et la persistance du Matre que le judo original du Kodokan prendra tout lessor quon lui connat.

Devenir intouchable est bien plus difficile psychologiquement que physiquement Proverbe japonais

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Les Quatre Piliers du Kodokan:Yokohama, Saigo, Tomita et Yamashita (Tir des archives du Kodokan) Durant les premiers mois de lre Meiji, les autorits gouvernantes craignent quavec louverture du Japon, ne seffritent les connaissances et habilets militaires qui ont fait sa gloire de jadis. La famille Royale stimule la cration du Butokukai, une socit japonaise pour la conservation des vertus militaires avec comme chef de troupe le matre Komatsumiya nomm par lEmpereur. On lui confie la mission de rpertorier et dauthentifier les grades des matres existants lintrieur dun cadre lgal et officiel. On lui confie lautorit dattribuer des titres de matrise dans les divers arts martiaux. La socit tabli son sige social dans la vieille capitale de Kyoto en 1895. Par lentremise de cette assemble, on effectue un recensement des coles spcialises restantes et identifie les matres darmes toujours en fonction. On invite ceux-ci faire des dmonstrations de leur savoir et joindre les rangs de la nouvelle institution nationale. Le recensement permet didentifier plus de mille coles dont certains des dirigeants furent considrs comme des trsors vivants nationaux. Le Matre Jigoro Kano est invit et accepte dy participer titre de figure principale telle que souhaite par le Vicomte Kanataka Oura. Le Butokukai prend forme dans lenceinte du temple Heian Jingu et se dote dun centre dentranement prs du sanctuaire qui portera le nom de Butokuden qui sera inaugur en 1899. Cest dans ce grand hall que vont sexhiber les plus grands matres du temps dsireux de se faire reconnatre par ltat. Un autre objectif poursuivi par cette nouvelle socit de ltat sera de normaliser les arts martiaux soumis au contrle national et den dfinir les approches et modes pdagogiques. Dot dune orientation nationaliste et militaire explicite, le Butokukai reoit un financement abondant de lEmpereur et en 1906, largira son encadrement en faisant construire une cole adjacente pour servir les arts strictement militaires dont le nom sera connu sous le sigle Budo Semmon Gakko.

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Le Butokuden de Kyoto tel quil apparat en 2000. Gracieuset de John Huntley

En 1895, le Matre Jigoro Kano est nomm chef de la commission de la standardisation des katas. Lui et son quipe de hauts grads prennent une part active au dveloppement des nouvelles normes ayant trait au kata de projection, (Nage No) de contrle (Katame No) et de dcision (Kime No). Aprs avoir accompli sa tche principale, le Matre Jigoro Kano reprend le chemin de Tokyo pour sloigner des pressions militaires et du joug pdagogique impos. Il sassure cependant dy laisser quelques-uns de ses professeurs qui donneront le suivi ncessaire sous lil vigilent du professeur mrite qutait le matre Isogai. Les disciplines de premier rang dont le kendo, judo, kyodo, naginata, sojutsu, kusarigama et bojutsu sont soumis de srieuses analyses de style et se voient imposer des conditions pdagogiques au mme rang que les spcialisations au tir et lquitation. Dautres professeurs du Kodokan servent en affectation tant Kyoto que dans les divers centres de formation nationaux qui seront tour tour crs dans plus de 42 prfectures durant les 40 annes qui suivent.

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Le Matre Jigoro Kano entour des membres de la commission des standards 1895.Range avant : Les matres Katsuta, Koji, Sekiguchi, Eibi, Kano, Kumon, Katayama, Yazo, Inazu. En arrire : Les instructeurs mrites Yamashita, Isogai, Yokohama, Nagaoka, Takano, Tanabe, Imai, Sato, Oshima, Tsumizu, Aoyagi. ( noter que tous avaient des titres de matrise et ou des brevets denseignement suprieur.)

En juillet 1899, appuy par la force dun dcret imprial, la pratique des arts martiaux, le judo y compris, sont rattachs directement au Ministre de la guerre. Le Matre Jigoro Kano, grce aux appuis politiques et techniques quil possde, est nomm Prsident du Centre dtude des Arts Militaires Japonais. Oeuvrant partir de son Kodokan de Tokyo, le Matre ouvre une section spcialise pour ltude et la sauvegarde des anciens arts martiaux avec le vocable Kobudo Kenkyu Kai. Cette division va permettre lInstitut du Kodokan de rassembler plusieurs autres matres de disciplines diverses qui ne staient pas rendu Kyoto pour des examens officiels. Cette nouvelle assemble permettra au Matre Jigoro Kano douvrir de nouveaux modes dchange et dentriner les comptences de ces professeurs mrites en provenance de dautres disciplines. Les professeurs du Kodokan ont pour mission dabsorber tout ce qui leur est propos. On y trouve ds lors, des sessions dentranement au sabre, au bton et au karat. Plusieurs hauts grads sont attribus de nouvelles fonctions. Le matre Mochizuki prend la responsabilit des techniques mixtes tandis que le professeur Tomiki est charg de se rendre auprs du matre Ueshiba pour y assimiler les techniques du Aiki Jutsu et den faire limportation vers le Kodokan. Durant les deux prochaines dcennies, le Kodokan va continuer senrichir de nouvelles connaissances et agir comme pivot central dans lenseignement du judo.

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Lauteur devant la chaise professorale du Matre Jigoro Kano au Kodokan En 1922, aprs avoir eu plusieurs rencontres avec des membres du comit international des jeux olympiques dont le baron Pierre de Coubertin et John Dewey, le Matre ajoute une nouvelle orientation son judo Kodokan. Il fonde lAssociation Culturelle ou Kodokan Bunkakay qui tentera de sassimiler aux orientations du grand mouvement olympique. Cest cette priode quil introduit son deuxime principe: Au mot dordre Meilleure usage de lnergie spirituelle et physique, sajoute loption de fraternit et entraide en vue dobtenir le bien-tre personnel et la prosprit mutuelle.

Le Kodokan judo saffirme partout en sappuyant sur ses trois assises que sont le Shiai, le Randori et le Kata. Les valeurs et principes associs au respect de lanciennet, leffort individuel, lmancipation de soi et lencouragement au service de la socit font du judo une force patriotique formidable. En 1924, le Ministre de lIntrieur organise les premiers championnats nationaux annuels sous le sigle de Meiji Jingu Kyogi Taikai comprenant 14 disciplines dont le judo, le sumo, la gymnastique et le kendo. Ces vnements ont pour but de stimuler lappartenance patriotique des jeunes et de mobiliser lesprit guerrier de ceux-ci.

En 1935, le Conseil du Renouveau dans lducation rvise le curriculum des activits sportives enseignes dans les coles et limine les sports libres pour les remplacer par des activits connexes au Bushido afin de rehausser les caractristiques associes ces disciplines.

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En septembre 1942, Le syllabus des disciplines de lducation physique tend du cot militaire et les disciplines sont divises en deux segments : le Budo comprenant le judo et le kendo et le Taiso ou gymnastique athltique. De son cot, le Butokukai est rorganis par les militaires et les fondamentalistes et on revoit son curriculum pour mieux accentuer cinq disciplines majeures : kendo, judo, kyudo, baonnette et tir. On y attribut trois buts complmentaires : renforcer lide patriotique de la nation Yamato Damashii ; augmenter le potentiel militaire et assurer un contrle de lappareil de ltat sur lenseignement.

Le Matre Jigoro Kano prend ses distances avec cette nouvelle tendance et sloigne de plus en plus des influences militaires. Il cherche plutt conserver lindpendance de son Institut o il poursuit lenseignement des grands principes de la voie souple; son KODOKAN JUDO.

Lenseignement des arts martiaux est restreint durant la guerre du Pacifique. Le Butokukai est ferm et des restrictions sont imposes au Kodokan par les Amricains. Une fois les restrictions leves, le Judo reprendra ses lans en 1949 avec larrive de la fdration nationale de judo (Japan Judo Fdration) qui prendra pied terre lInstitut du Kodokan de Tokyo. Le grand hall du Budokan de Tokyo deviendra lendroit des grands tournois et des dmonstrations des arts martiaux japonais. Linfluence du Kodokan supplante le Butokukai qui tentera de dvelopper une nouvelle mission plus oriente vers lenseignement des techniques externes et ouvrira ses portes la formation des lves internationaux.

Juste connatre la technique nassure pas la victoire, Il faut savoir lutiliser au bon moment Henri Ple, pionnier du Karat Europen

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LE POURQUOI

LE KATA ET LA PDAGOGIELe judo comme art martial ne senseigne pas comme une science partir de lectures et dcouvertes. La pratique des arts martiaux et les dmonstrations de katas de judo bien que prsentes au grand public ne sont pas du domaine thtral ou du divertissement. Le judo est transmis entre le matre et llve en corps corps et par des corrections apportes au bon moment. Le kata lui, demande un effort constant et la connaissance de quelques techniques ne font pas du dmonstrateur un expert en la matire. Seuls les connaisseurs pourront en comprendre la profondeur. Cest Michel Random, lauteur de plusieurs ouvrages traitant des arts martiaux qui nous dit que : Nous sommes des tres uniques, et nous ne pouvons penser devenir vraiment efficace sans avoir atteint un certain niveau dexcellence aux plans physiques et spirituels. 2 Les grands moyens pdagogiques rpondent souvent des besoins dune poque et dobjectifs spcifiques. Il en est ainsi pour lvolution de lenseignement des katas. Les rapports entre le donneur et le receveur sont trs varis. Une premire dmonstration sert visualiser le parcours suivre et donner suffisamment de dtails mmoriser. On constate le minimum de transfert entre la connaissance et laction. Fais comme moi est la consigne. Dans ce genre de mthodes didactiques on est souvent tmoin dune situation habituellement caractrise par le fait que linstructeur connat sa matire fond et que ltudiant est encore ignorant des dtails. Il est sous-entendu que ce dernier apprendra par la mmorisation et la rptition du geste ou du verbe. Il y a peu de place pour la libert dexpression, linnovation et la dcouverte spontane par ltudiant. Cette approche a cependant lavantage de permettre plusieurs tudiants dtre enseigns en mme temps et les matres ne sattendent pas ce quils excutent des gestes parfaits sur le champ. La pratique intense sera rpte longtemps et le perfectionnement sobtiendra par des petits pas et en profondeur. Sous le rgime des Samurais, il ntait pas question dutiliser des mthodes participatives o les lves pouvaient exprimer leur choix, leur objectif et leur degr de participation. Lcart entre les classes sociales ne permettait par cette familiarit et tous les tudiants taient soumis au mme rgime dinstruction et de conduite paramilitaire. Il fallait respecter la dmarche contractuelle et morale envers le Daimyo qui exigeait que tous ses sujets soient entrans aux arts martiaux. La motivation lentranement tait plutt soutenue par le dsir datteindre un certain niveau de perfection individuelle et accder lesprit de groupe qui rgnait avec lappartenance une cole de renomme ou dtre enseign par un personnage de prestige.2

Random Michel, The Martial Arts, Octopus Books Ltd, London, 1978

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Dans ce mode de transfert, le matre enthousiasm donner de son savoir o dmontrer son habilet ajoutait une nergie supplmentaire aux techniques ce qui encourageait les lves pousser lenveloppe et faire davantage. Sappuyant sur des rglements internes de certains clans aristocratiques tels ceux de la maison des Chosokabe-Shi Okitegaki datant de 1596, il tait naturel et mme une obligation seigneuriale de rcompenser pcuniairement ou en faveurs, les plus adeptes 3 aux arts militaires. Les Daimyos utilisrent lducation et linstruction comme moyens de consolider leur emprise sur la population qui leur tait soumise. Suivant les dits du Shogunat, les services de spcialistes en langue, religion, criture, littrature chinoise, mathmatiques et en arts martiaux furent dispenss par des militaires ou des moines Bouddhistes et Confucens dans des temples ou des locaux adjacents aux chteaux forts. Ces derniers dispensaient leur connaissance et savoir faire auprs de leurs communes mme des petites salles denseignement relies au temple et connues comme Kodo ou dans des grands halls portant le nom de Kodokan . Dans les plus grandes coles on ajoutait les sciences politiques et stratgies militaires la musique et aux sciences de la mdecine. Les premiers recensements ont rvls lexistence de prs de 270 institutions denseignement vocation rgionale durant la priode Edo. Elles recevaient leurs lignes directrices de lcole suprieure tabli par le Shogunat Edo (Tokyo) connue sous le nom Shoheizaka Gakumonjo ou Shoheiko. Cette dernire tant semi prive et semi gouvernementale jouissait de la protection directe du Shogun et servait de modle aux autres. On y recevait les lves les plus dous et prparait des enseignants attitrs aux coles rgionales. Pour rpondre lappel militaire,on ouvrit dautres institutions dites nationales se spcialisant en mdecine, en arts martiaux ainsi quen langues trangres telle fut la vocation du Kodanjo et Igakukan. En fin de rgne du Shogunat, ces hautes coles rgionales fournissaient un niveau suprieur dducation tant aux Samurais qu certains segments de la population. Par mis les meilleurs coles et institutions denseignement rparties un peu partout au pays, les plus clbres sont sans aucun doute : Le Kojokan Yonezawa, le Kodokan Saga prs de Kyoto, le Gakushukan Wakayama, le Jishukan Kumamoto et un autre Kodokan Mito prs de Sendai.

Kodokan de Mito prs de Sendai

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Chosokabe-Shi Okitegaki Daimyo House code, 1596

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Pour la population gnrale et les paysans, la formation se faisait dans des ateliers dapprentissage nomms terakoya et souvent sous lil attentif des moines qui servaient le Daimyo titre dadministrateurs locaux. Cest l quon leur apprenait les formes courantes ayant traits aux modes de vie, la biensance, aux divers mtiers du temps et o ils sinitiaient la lecture et dcriture en copiant les exemples fournis par les instructeurs.

En arts martiaux, dans lespoir de samliorer et datteindre la perfection du geste, les tudiants se tournaient vers le matre darmes local connu pour avoir conserv lexcellence de ses gestes. Avec le consentement du Daimyo, certains ouvrirent des coles prives pour y enseigner des styles secrets des lves choisis. Ces coles spcialises dans lapprentissage des mouvements dynamiques et o lesprit de dcision rgnait taient connues sous le nom de Ha et Ryu. En plus des techniques formelles (kata) on y enseignait les principes, tactiques, stratgies et philosophies associs la guerre.

Une structure formelle mais simple encadrait ces coles. Au sommet, le matre dantan le Hanshi, rest fidle la tradition dexcellence tait en quelque sorte, le modle suivre. Sous lui, les disciples avancs ou kyoshi aidaient dans lenseignement. Venaient ensuite, les renshi qui avaient dmontr une certaine matrise technique et les autres tachi ou lves avec une certaine exprience en combat. Finalement on retrouvait les shogo et les mudansha, les nouveaux lves en voie de conqute personnelle. Cette image vivante dhomme parvenu un niveau lev de perfectionnement ne restait pas indiffrente aux lves eux-mmes en qute de perfectionnement. Cest travers la performance de ces derniers que le matre devait rveiller chez eux, les aspirations et les pouvoirs de rves qui, un jour dans un avenir plus ou moins rapproch, sauraient les rendre capables le dpasser. Ctait lui de transmettre lamour du mtier des armes et dinculquer le sens de responsabilit et de loyaut vhicul par lesprit du Bushido.

Entre le matre et les lves, on trouvait souvent une relation intergnrationnelle o le respect, laffection, ladmiration et mme la vnration prenaient place. Dans les entranements journaliers, taient perus des sentiments divers et des tats dme plus ou moins profonds selon lvolution du disciple. On assistait souvent une transmission orale plus pousse et des interprtations plus prcis et plus profonds selon les talents et la dvotion dmontrs par plus talentueux. Cette relation privilgie se maintenait jusqu lachvement du temps de formation, moment auquel le matre donnerait lindpendance llve mritant et avec la remise du diplme signalerait linstant de leur sparation.

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Le Kodokan du Matre Jigoro Kano Tokyo

Le Matre Jigoro Kano a tudi et pratiqu plusieurs styles avec de grands experts de son temps mais cause du dcs plus ou moins htif de ces derniers, navait pas reu tous les diplmes dexpertise dans ces styles et comme le voulait la tradition, ne pensait pas propager sans autorisation, un style en particulier. Il voyait dans la pratique des arts martiaux plus quune technique ou un style particulier de combat et cest peut-tre ce qui le conduit nommer son institution Kodokan judo, titre dinstitution de haut lieu afin dy reflter sa synthse et son concept du dveloppement moral.

tant aussi un pdagogue jouissant dune certaine renomme, il a bien voulu insrer dans sa mthode denseignement du judo, les diffrentes formes de pdagogie dont : le Kata, le Randori, les lectures scientifiques, les prsentations, les situations de recherches, les discussions ou mondo(change informelle) et les Shiai slectifs. Ce sont ces lments qui distingurent lenseignement du judo du ju-jutsu.

Si la base est solide, la maison sera solideDicton populaire

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KATA et ReligionDans le but de trouver les vrits caches, il faut souvent tendre nos recherches dans plusieurs domaines y compris la religion. Peut-on penser que le fondateur du judo, le Matre Jigoro Kano ait dlibrment introduit des notions religieuses et morales dans son judo? Comme homme de sciences, intellectuel et tudiant de lsotrisme chinois, il est fort possible que certains concepts confucens, bouddhistes et taostes y trouvent leurs places dans divers segments de sa mthode connue sous le vocable Judo Kodokan. Le Matre Kano avait des anctres qui furent des prtes shintostes, des matres bouddhistes et des rudits confucianistes. Il a lui-mme tudi les classiques chinois et japonais au lyce Seita Tsu et aux Acadmies de Shibei Mitsukuri et Ikui Gijiku o il tait pensionnaire avant dentreprendre des spcialits en sciences politiques, astronomie, philosophie et littratures classiques lUniversit Impriale de Tokyo en 1874. Il est connu quil jouait de la flte religieuse associe aux moines bouddhistes, le Shakuhashi, pour dvelopper son rythme respiratoire et pour se recueillir. Quelle influence accorde au Zen bouddhiste introduit au 13ime sicle ? Celui-ci enseignait le retour au naturel, au respect des autres et lordre social. Il encourageait lamlioration de soi et le sacrifice pour les autres. Le Matre avait tudi les philosophes chinois favorisant la thorie de lharmonie des cinq lments cosmiques (pin yin compris dans le livre des mutations Yi Jing). Il tait conscient que ceux-ci encourageaient ltude des phnomnes de lunivers et des interrelations. Comme eux, pensa til que le mtal, le bois, le feu, leau et la terre possdaient certaines vertus qui taient exploites dans les enseignements ayant trait au respect de lordre, lintgration des lments ou lharmonie entre les matires et les tres? Le Gokyo original du Kodokan nous est prsent selon cinq lments reprsentatifs, successifs et cumulatifs qui se compltent avec les huit techniques contenues dans chaque groupe selon les huit trigrammes chinois. Est-ce un hasard ou une reprsentation des influences clestes, do sont sortis les 40 mouvements de la mthode ? Certains crits font lloge du Matre Jigoro Kano comme tant lun des grands thoriciens des arts martiaux anciens en suggrant quil dsirait llvation spirituelle de lhomme par le judo. Il est alors concevable quavec la pratique assidue du judo que son judo soit devenu un mtier damour, Amae , plus spirituel que gestuel et qui lui servait de trait dunion avec les forces clestes. (Thorie de Ten Chi). Cest dans la valorisation de lharmonie, le respect et la prosprit quil trouva linspiration ncessaire qui a donn naissance son concept de Shin Gi Tai. (Valeurs morales, techniques et corporelles) En inter changeant le mot Jutsu pour do, il rejoint les philosophes chinois taostes qui dfinissaient le concept de Do comme tant le principe de lordre cosmique; le chemin de lharmonie entre les diffrentes matires. Cest un peu la dfinition dune doctrine universelle. Le Do est la voie sur laquelle sentrecroisent les rythmes varis associs aux hommes, matires, saisons et aux structures sociales. Lharmonie entre ces matires assure la prosprit individuelle et collective.

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Si on observe attentivement les katas du Kodokan, peut-on y trouver des messages tendance religieuse? Les katas judo contiennent srement plus quun ensemble de gestes techniques qui sont capts premire vue. Avec des interrogations plus pousses, on peut y dceler des dimensions spirituelles qui sy cachent. ce titre, lhistoire nous raconte que le Japon avait entretenu de bonnes relations avec la Core que la Chine durant plusieurs dcennies. Les moines confucens ont ramens les modes de comportement applicables la haute socit et retransmis ceux-l la Court Impriale et aux divers clans. Lun de ses religieux du nom de Won Kwang Bobsa fut limportateur de lide (vers lan 611 AD) de relier les besoins intrieurs de lhomme avec les phnomnes cosmiques. A partir dune telle pense taoste sont ns de nombreux arts martiaux ayant comme orientation commune lacquisition dun pouvoir personnel ou une capacit dinfluencer les autres par lentremise dune comprhension secrte des divers pouvoirs cosmiques. On dit quun systme de combat qui tenait compte de cette harmonie fut dvelopp et appel Hwa Rang Do qui fut propag dans les les japonaises. Certains phnomnes associs la lune et au soleil ont galement inspir la cration de techniques de dfense souples et circulaires. Ont galement apparus des styles de dfense par dplacements en ligne directe qui ont subsquemment faits leur entre au Japon travers la pratique pdagogique de matre lve.

Notre attention est attire vers des tendances asiatiques valorisant la lumire, le feu et les autres formes dnergie qui sont exhibes dans des phnomnes physiques et imprgnes dans des croyances spirituelles comme le miroir, le coquillage, et le feu. Il est dit que certains moines ermites ou rudits pouvaient utiliser la fixation dun jet de lumire pour augmenter leur niveau de mditation et dcouvrir des rvlations hors du commun. Ces mthodes de mditation, dites transes et qualits spciales de prdiction, se sont couvertes de mysticisme et dexagration travers les temps mais certains fondateurs de styles de combats (Bu Jutsu) en ont fait le secret de leur invention. Une fois import de Chine, le shintosme devint au Japon le Shin Tao et on y dveloppa lexpression Kami No Michi, la voie des dieux que lon retrouve dans les arts martiaux. Il y avait aussi une secte bouddhiste nomme Zen Shu qui incitait le guerrier la mditation, la concentration et sadapter aux situations courantes par lharmonie et la flexibilit. Comme tudiant du Bouddhisme, le Matre avait compris limportance de la conformit et lutilisation de celle-ci par les seigneurs et guerriers afin dassumer leur supriorit auprs de la population. Les subalternes navaient pas seulement eu lobligation de sy soumettre mais restaient fiers de leurs ralisations par ce quils avaient dvelopp lamour du mtier ou AMAE. Au mme titre que la pratique rpte dans le kata, on pouvait trouver des valeurs dominantes qui dpassaient lobligation de faire; il y avait cette fiert dtre productif au service du Daimyo. Les citoyens soldats allaient jusqu accepter la mort comme consquence logique de leurs gestes. Lducation rigide transmise par ce genre de kata, a mme donn lieu llaboration dun crmonial spcial et propre au suicide (seppuku) du Samurai.

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Lvolution des katas se raffine avec le temps mis la disposition des Samurais suite la relche dans les guerres intestines et due au fait que la majorit des Samurais ne participaient pas directement la production matrielle du clan. loigns des combats rels, ils cherchaient maintenir leur efficacit dans un environnement plus scuritaire et introduirent plusieurs formes dentranement. Nombreux sont ceux qui ont joints les rangs de la police, des forces armes et certains ont mme exercs leurs talents dans ladministration publique. Plusieurs matres darmes propageront leur savoir-faire dabord pour le bnfice du clan et par la suite, faute de mcnes, se tourneront vers lenseignement public. Pour ces matres, le kata dpassait le symbolisme. Il tait devenu une manifestation publique de leur raison dtre et une dclaration publique de la pertinence du code Bushido. Les techniques choisies ou Waza taient devenues de vritables objets de qualit et de beaut. La consigne du temps semble avoir t : On se moule par les katas, sans pour cela rflchir et discuter, on rpte le geste et le rpte encore, et cela, jusqu la perfection. Pour la majorit des pratiquants, le kata devient vite le KUKI ou souffle de vie et conduit le groupe dans un comportement unanime pour la grande famille ou le clan. Il est la conscience et le point de ralliement. partir ce de phnomne social, le Matre Jigoro Kano avait dduit de ses recherches, que lexcution des katas contenus dans certains arts martiaux pouvait devenir des moyens dynamiques lentretien du souvenir du pass et faire la promotion dune nouvelle approche en ducation physique. Il voyait dans les katas, la possibilit de se fixer des objectifs de perfectionnement, de canaliser ses nergies, de choisir un modle quelconque et de sengager continuellement sur la voie de leur ralisation. Le Matre nous dit que : pour atteindre oit lobjectif vis, quel quil soit, il suffit dutiliser efficacement toutes nos nergies physiques et mentales. 4 Aprs maintes rflexions, il a vis plus haut. Il conu que la pratique rgulire du judo deviendrait un moyen tangible vers le perfectionnement individuel et collectif. Tout son travail techniques et son enseignement des principes spirituels ne faisaient quune entit au service de la nation. Pour lui, les principes exploits au judo conduisaient la paix et la libert. Il ne parlait plus dantagoniste, dattaquant et dennemi mais ce sont les mots de partenaire de pratique et de collaborateur qui dominent son vocabulaire. Cest Yokimitsu Kano, prsident actuel du Kodokan qui disait en 1999 que : Le matre Jigoro Kano aspirait la perfection par le judo et lamlioration du genre humain dans un esprit de prosprit mutuelle. 5

4 5

Kano Jigoro, Naoki Murata, Mind Over Muscle, Kodansha International, Tokyo, 2005 Idem

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Buts et Objectifs Pourquoi tudier les katasCest un vieux proverbe chinois qui dit : Pour tout comprendre, il est ncessaire de savoir peu; Pour savoir peu de choses, il faut cependant apprendre beaucoup. On peut donner plusieurs raisons qui conduisent actuellement le judoka tudier les katas. Cest dabord pour rpondre une exigence technique en vue de lobtention dun grade divers niveaux suprieurs. Le dfi de comprendre la forme est souvent subjugu par la gloire qui provient des rsultats comptitifs. Les katas sont gnral de peu dintrt pour le champion en pleine saison et encore moins attrayants pour ltudiant qui vient peine de commencer son apprentissage. Certains dirons que leffet kata ne se retrouve pas dans le Shiai alors pourquoi y conserver tant dattention ? Dautres diront du kata quil comporte trop de restrictions, trop de conformit avec lesthtique et ne reprsente pas assez le vcu du professeur. Ces interrogations sont valables, mais il y dautres raisons plus personnelles dont il faut tenir compte. Les tudes des katas nous permettre entre autres : 1. Dapprendre les principes qui animent lattaque et la dfense en combat. 2. Damliorer certaines techniques clefs excutes tant sur la gauche qu droite. 3. De dvelopper une harmonie et un rythme dans des dplacements. 4. De dvelopper des mouvements rflexes par la rptition de gestes simples. 5. De capter lvolution dun geste et rendre le corps plus rceptifs aux signaux dalerte en cas dattaque ou dfense. 6. Damliorer le contrle mental et le gestuel afin de passer aisment dun mode dattaque celui de dfense. 7. Dvaluer et donner un sens des gestes antrieurement automatiss. 8. De dfinir et comprendre les valeurs associes lautodfense et ses principes. 9. De faire la dcouverte des traditions et des origines. 10. De promouvoir la promotion dun judo technique et transmettre un savoir-faire. 11. Dassurer dun mode dentranement qui permettra de continuer faire des progrs. 12. De promouvoir lesprit vritable du judo traditionnel.

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Entre vouloir tudier les katas et en faire un exercice quotidien, il y une grande distance parcourir et beaucoup de courage dmontrer. La majorit des nouveaux venus ne sont mme pas au courant de lexistence des katas et encore moins ce a quoi ils servent. Devant le minimum dintrt et le peu de curiosit, ltudiant va plutt choisir de faire lessentiel pour sa promotion et ne dpassera pas les exercices exigs. Pour certains, on attendra dtre pouss vers la dcouverte propose par un Sensei averti. Quelques-uns iront plus loin et voudront pratiquer les formes gestuelles en tant que moyen de maintenir la forme physique remplaant ainsi le Randori qui serait devenu trop exigeant avec lage ou face une dtrioration de la condition physique. Dautres plus ambitieux et dsirant poursuivre une carrire en judo vont sintresser la pratique frquente de certains katas avec des pairs qui partagent leur intrt. Peu nombreux seront ceux qui en feront une tude long terme et tenteront de dpasser le gestuel pour y trouver la dimension spirituelle qui sous-tend tous les katas. chacun de choisir sa raison. Ce sont les plus tenaces qui parviendront dcouvrir le kata comme forme de combat contre soi-mme et par lequel le sens rel de lunit des forces internes KI sera rvl dans lapplication intelligente de la force. Ils toucheront la grammaire judo, comprendront davantage lapplication de diffrentes techniques rpondant des distances varies (Ma-Ai), saisiront les principes performants (Ri-Ai) de chacune des techniques, deviendront positifs face un adversaire (Mu-Shin) et conserveront un tat mental dune vivacit enrichie (Zan-Shin).

Le professeur Henri Courtine 10ime dan et grand artisan du judo franais disait : On ne trouve dans les katas que ce que lon est digne d y trouver .6

Les professeurs Sato 8ime et Enoki 7ime dan du Kodokan excutant le Itsutsu No Kata

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Courtine Henri, Katas Modernes, Collection Judogi, Bagneux, France, 1970

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Buts et objectifs du kata en judo Lhomme nmerge de son animalit que par la force de son intelligence. Hunzi, hritier de Confucius (-300-237) On doit pratiquer le kata pour sinstruire davantage sur notre discipline, pour amliorer son exprience personnelle, pour tendre vers la perfection du geste et pour cultiver et renforcer notre pense intuitive. Le but est de raliser sous une forme parfaite, un ensemble de mouvements qui nous sont transmis par la tradition. Nous recherchons la perfection dans lunion de techniques gestuelles et une certaine disposition de lesprit. Cest un peu suivre le chemin qui mne vers la perfection de soi.

Nous devons rechercher accomplir lacte le plus parfait possible, unissant ainsi lhomme que nous sommes avec la nature, et ce, tout en demeurant en harmonie avec son prochain. Il faut rpter les gestes aussi prcis que possibles, et ce, cent fois, mille fois, tout en ayant le souci den conserver le sens. Dapprenti judoka, nous recherchons devenir matre artisan . Cest avec le matre que se fera le parcours. Celui qui enseigne le kata, nest que le messager ou le relais entre les anciens et nous et sert de trait dunion entre les gnrations. La transmission dun kata est la fois, une criture dans lespace et dans le temps. Elle sefface avec lancien matre pour rapparatre dans llve.

Le geste physique sexcute, sefface et revient comme une vague, laissant chaque fois une empreinte dans notre corps et son sens saccroche peu peu notre esprit. Pour en dcouvrir tout le sens, il faut dcoder les mimes, comprendre les intentions des metteurs qui sont de plus en plus loigns de nous avec le temps. Do la demande de prcision, cadence, rythme et harmonie. Le dfi de lexcutant est dinterprter avec prcision les gestes et les intentions des anciens pour devenir son tour le messager de la forme.7

En judo, lesprit de la beaut dans la pratique est hautement tenu en estime

Notre bien tre (mental, motionnel, physique) dpend en fait de la faon dont noussommes nergtiquement accords et en harmonie avec tous les aspects de nous-mme, des autres et du monde qui nous entoure. Dr Jude Carrivan8

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Ple A. H. Judo International, dition AMI, Paris, 1951 Currivan Jude, 8th Chakra, ditions ADA Inc, France 2008

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Dans le kata, le participant doit pouvoir trouver lharmonie, la cohrence et la rsonance avec son partenaire. Lharmonisation cest pouvoir tre et demeurer sur la mme frquence de vitesse et dexpression avec lautre : tre au mme diapason, en accord quoi. Sil y a dsaccord, les mouvements et dplacements seront dcals. En tant cohrent, lamplitude dcrite avec chaque technique nergique demeurera constante et les chutes seront conformes chaque phase. La rsonance sera produite de faon naturelle par lunion des deux adversaires qui se mettent en harmonie sur les trois plans : physique, motionnel et spirituel. Cette transmission dnergie de lun vers lautre se produit dans le calme et la paix desprit. Elle apparat aussi lorsquils sont concentrs et rceptifs aux signaux transmis par chacun. Dans lexcution dun kata, ce sont les enchanements de mouvements et le Kiai qui vont donner ce rythme. Les katas sont, en quelque sorte, des tudes de rythmes ou la pense et le physique sont synchroniss pour effectuer un geste prcis. Le grand technicien qutait le professeur Mifune est devenu une lgende du judo par cette matrise.

Le grand technicien par excellence du judo moderne, le Matre Mifune Kyoso. Excutant avec prcision lun de ses mouvements prfrs de sacrifice. (Tire de Canon of judo de Mifune Sensei) ______________________ Toute vraie transmission comporte deux parties : la premire enseigne ce qui doit tre fait et la seconde enseigne le comment faire de la premire.

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Linventaire des katas du Kodokan judoComme nous lavons signal, le Matre Jigoro Kano est vite devenu la pierre angulaire de la propagation du Judo. Il a recrut et sest entour des plus grands experts de styles de Ju Jutsu de son temps. Ceux-ci dsiraient partager sa vision du judo comprenant ses trois volets : la conservation dun systme efficace de combat et des valeurs ancestrales, lattribution dune nouvelle forme dducation physique nationale et la promotion dun moyen de perfectionnement moral utile la socit japonaise. Cest en puisant et en changeant des connaissances avec ceux-ci, quil pt inventorier et crer de nouvelles techniques qui furent appliques dans son nouveau systme.

cet gard, il forma dabord un conseil pdagogique dducateurs choisis parmi ses codisciples et collaborateurs les plus proches. Il faut noter la contribution particulire des professeurs Yamashita Yoshiaki, Tomita Tsunejiro, Saigo Shiro et Yokohama Sakujiro. Il utilisa ensuite un conseil largi dexperts pour standardiser ses cinq principes ou niveaux denseignement (Gokyo) et formaliser les divers katas qui seront finalement retenus et enseigns dans son Institution.

Shihan Jigoro Kano performant le Ju-no-kata avec le professeur HandaSource : Archives du Kodokan

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Les fondements du judo Kodokan vont ds lors se propager par lenseignement du Gokyo et des neuf diffrents katas traditionnels que lon retrouve encore de nos jours, soient :

1. Nage No Kata ou forme de projections 2. Katame No Kata ou forme des contrles 3. Kime No Kata ou forme de dcision 4. Ju No Kata ou forme se souplesse 5. Koshiki No Kata ou forme antique du Kito Ryu 6. Itsutsu No Kata ou forme des cinq lments cosmiques 7. Seiryoku Zenyo Kokumin Taiiku (taiso-ducation physique nationale) 8. Fujoshi Yo Goshin Jutsu ou auto dfense pour femme 9. Ippon Yo Goshin No Kata ou auto dfense pour les hommes (version 1956)

Dautres katas furent tudis lors de la rencontre des grands matres darts martiaux en 1895 au Dai Nihon Butokukai de Kyoto dont le Goju / Go /et le Shobu No Kata mettant en jeu lopposition des nergies, la contraction musculaire et certaines tactiques de guerre mais ils nont pas t retenus dans leur totalit par la majorit de la dlgation. Il y a plusieurs chemins qui mnent la vrit, poursuis celui que tu as choisi, mets-y des efforts sans douter constamment et tu connatras.

Note spciale; les formes de Kime Shiki (variante du Kime No Kata) et Goshin Ho (Atemis des cinq directions) sont pratiques surtout par les femmes et les jeunes en guise dexercices excuts seuls (tandoku-renshi) et en couple (sotai-renshu). Ils servent aussi titre dexercices gnraux en vue de la prparation un combat de survie en stimulant lusage de lnergie interne et les automatismes physiques.

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Pratique du Ju No Kata au Kodokan Le Seiryoku Zenyo Kokumin Taiiku a t cr semble-t-il afin de rpondre au besoin dimplanter un systme national dducation physique qui remplacerait les exercices militaires obligatoires tels : la course avec poids sur les paules, le lanc de la grenade et le tir etc. Dans son laboration, le Matre Jigoro Kano a voulu tout de mme conserver une partie des exercices incrusts dans lhritage reu des anciens matres de Ju Jutsu.

Le Matre Jigoro Kano avait introduit un guide de technique de conditionnement sous le nom de Giko Taiso 1912 en se basant sur un programme dducation physique dont il pris connaissance par lintermdiaire dun certain ducateur physique du nom de A. Sargent et qui comprenait un ensemble de 50 exercices quotidiens orients vers les occidentaux tels : courir, lever des poids, faire de lescalade, etc. Profitant de lappel des dirigeants nationaux japonais de rehausser et maintenir la forme physique de la population japonaise, il reformula sa cration antrieure et introduisit certains gestes dentranement trouvs dans les profondeurs du Ju Jutsu tels : des coups de pieds, des sauts, des tirements, des torsions et des atemis qui seront utiliss en alternance de gauche et de droite.

Cet ensemble dentranement est devenu un kata rptitif. Il fut prsent devant les autorits et accept tant pour son contenu historique que pour luniversalit de son application. Il sera finalis en 1924 et portera le nom de forme de prparation et de conditionnement physique national. Les nouveaux mouvements favorisaient le regain de lquilibre, aiguisait la concentration et permis une meilleure utilisation de la force interne. Les exercices permettaient galement une meilleure orientation dans lespace, ladoption dune posture plus naturelle et lexcution de mouvements synchroniss qui augmentaient lagilit.

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Le Matre Jigoro Kano surveillant lexcution dune technique(Tire des archives du Kodokan)

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En 1956, le Kodokan rassemble ses instructeurs suprieurs Hanshi dont les matres et experts Amano, Oda, Izuka, Mifune, Samura, Okan, Kuihara, Takahashi, Kanamitsu, Kurata et Nakano pour entreprendre la rvision des katas. En 1960, suite une runion extraordinaire de la Fdration Internationale de Judo, le Kodokan standardise ses Kata pour offrir huit katas classiques : le nage no, katame no, kime no, goshin jutsu (version 1956), ju no, koshiki no, le itsutsu no et le seiryoku zenyo.

Cette dcision est vite entrine par les diverses fdrations nationales qui se mettent au diapason pour enseigner les katas du Kodokan travers le monde. Bien que certaines fdrations continuent suivre des models issus du Butokukai, la majorit se rallie lenseignement du Kodokan sous rserves de quelques ajouts ou de suppressions quant ltiquette. Lensemble des techniques et lesprit dans lapplication des principes demeurent les mmes.

Parmi les exceptions notables, nous connaissons les katas dvelopps par des professeurs mrites du Kodokan mais qui ne sont pas retenus sur la liste des katas officiels. Ils sont cependant enseigns ici et l travers le monde pour leur valeur technique. Entre autres : le Go No Sen No Kata (contre prises), le Go No Kata (force), le Kaeshi No Kata, et le Shobu No Kata (combat tactique de guerre).

Dautres experts internationaux se sont mis la tche pour dvelopper des katas ou sries de formes dentranement afin de sajuster la pratique de certains mouvements ou techniques spcialises. On a vu la cration en Hollande en lan 2000 dun kata rempli damenes au sol et identifi comme le Hikomi No Kata. Ce dernier fait maintenant parti des examens de grades suprieurs dans ce pays.

Partout, ltude des katas suit un parcours semblable; une dmonstration suivie par une pratique surveille avec un professeur enseignant. Elle se poursuit dans lexcution frquente faite seul ou en couple. Des vidos dapprentissage, films et livres de rfrences sont maintenant disponibles pour enrichir lapprentissage et des stages viennent sajouter aux moyens pdagogiques choisis. Cest Roland Habersetzer qui disait en 1992 que : la valeur dun kata nest pas fonction dun dtail dinterprtation mais de la relle qualit du degr de comprhension de son ensemble. 910

Pour sa part, Sensei Fukuda Keiko 9ime dan, nous rpte que le kata ne sapprend pas par la lecture ou le visionnement, mais bien par le fait quil soit excut, rpt souvent, corrig et entrepris avec srnit.

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Inogai T et R. Habersetzer, Judo Kata, Amphora Paris, 1992 Fukuda Keiko, Ju No Kata, North Atlantic Books, Berkely, California, 2004

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Le comment Lessentiel de ltiquette des KatasLe Matre Jigoro Kano disait : Les katas sont lesthtique du judo. Dans les katas, (formes) se trouve lesprit du judo, sans lequel il est impossible dapercevoir le but 11 Respect avant, pendant et aprs Rei, signe de courtoisie et respect.

Dans lexcution dun Kata, il faut sassurer que lesprit domine toujours la dmonstration et que la technique exacte soit excute en souplesse. Tous les grands principes du judo y sont compris. La mise en dsquilibre, lattitude ferme, les dplacements, la sincrit dans les gestes et les aspects techniques, philosophiques et psychologiques qui sont soumis lil attentif de lobservateur averti afin de bien exposer le niveau de contrle par les excutants. Cest pourquoi il faut bien connatre lessentiel de ltiquette et des processus associs chacun des katas. Pour travailler, pour progresser et comprendre le judo, deux pratiques se prsentent nous. Ce sont le Randori et le Kata. On ne peut ngliger ni lune, ni lautrePour bien 12 faire le Randori, il faut bien connatre le Kata. Ichiro Ab, 10ime Dan, chef technique du Kodokan Dans le Kodokan judo, contrairement certains katas au karat ou autres arts martiaux o les katas sont des excutions de gestes personnels simulant diverses facettes dun combat avec un ou plusieurs opposants imaginaires, les katas judo sont excuts avec un vritable partenaire dans un esprit chevaleresque et o il est permis aux participants de prendre quelques instants pour corriger leur tenue vestimentaire ou pour aller chercher ou dposer des armes. (Exception faite pour le kata dexercices de conditionnement physique connu sous le nom de Seiryoku Zen Kokumin Taiiku). Ltude des katas reprsente aussi un symbole de continuit. Cest la prservation des anciennes techniques et moyens de combats dnuds de leurs lments les plus dangereux et rassembls par des matres qui se sont succds tout en y ajoutant leurs traits personnels, leurs style de vie et leurs comprhension du principe defficacit maximale. Cest pourquoi on demande tant de prcision dans le contrle de lesprit, de la technique et du corps. Chaque dmonstration doit conduire une amlioration marque.

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Murata Naoki, Kano Jigoro, LEssence du Judo, ditions Budo, France, 2007 Ichiro Ab, prface du livre, Les Fondements du Judo, dition prive, 1954

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Rles des participantsLes katas judo doivent tre excuts avec un certain rythme, niveau dnergie et coordination afin que les techniques retiennent leur fluidit. Chaque partenaire doit savoir communiquer avec lautre et tre attentif aux messages que ce dernier lui transmet par voie de penses positives et par gestes physiques. Comme dans la majorit des arts martiaux, le judo est dabord dfensif. Ce qui signifie que nous vitons de faire des mouvements dattaque mais choisissons plutt des gestes dfensifs qui vont permettre de neutraliser ladversaire potentiel.

Comme le veut la tradition des arts martiaux, il faut se connatre dabord et avoir limin ses peurs afin de se prsenter devant lautre avec une attitude mentale qui soit ouverte et dtermine. Chacun doit ensuite se sentir libre sengager fond en vue de samliorer. Tout en cherchant justice et respect, chacun doit tre prt aider lautre dans son cheminement. Le voyage commence avec le salut de la rentre et les premiers pas de la rencontre pour se poursuivre chaque pas successif o les moments de dcision se prsentent et se suivent. Tous les mouvements doivent tre prpars et complts en tenant compte des trois clefs : Tsukuri, Kuzushi et Kake. Pour obtenir une meilleure harmonie, les deux partenaires doivent si possible tre de mme gabarit et de mme niveau technique. Ils doivent continuellement conserver la posture dquilibre et sentraider dans les dmonstrations techniques.

La dmonstration des techniques de combat doit demeurer sincre chez les deux participants. Les deux doivent demeurer mentalement sur leur garde en maintenant leur niveau dattention et se gardant prt rpondre aux avances de lautre. Cest cet tat mental dit douverture desprit (muga mu shin) qui doit reflter le sang froid, la dtermination et la ferme intention dagir. Il ne faut surtout pas se proccuper dune possibilit de se tromper ou de faire un mauvais geste au mauvais endroit (fudo-shin). Il ne faut penser ni gagner ni perdre. Dans tout le processus de dmonstration, il faut contrler sa respiration en se concentrant sur les mouvements pulmonaires pour mieux utiliser son abdomen comme moyen de contrle. Le respect de lautre et la courtoisie envers le partenaire doivent accompagner la matrise technique de chaque geste. Tori doit toujours se garder bien la vue des dignitaires et Uke doit viter de croiser Tori et briser le contact visuel avec le public observateur.

En gnral, dans la dmonstration, on peut dire que Uke reprsente lagresseur potentiel, avec des gestes ou intentions de dominer le jeu tandis que Tori devient celui qui identifie les opportunits et qui ragi aux menaces par des dplacements et suivis qui donnent le flux de raction tout en conservant la pleine gestion et le contrle de la dmonstration.

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Uke doit sharmoniser avec Tori, une fois lintention dvoile, il ne doit pas le devancer ni lui porter des gestes non-controls qui seraient nuisibles lexcution. Ses attaques doivent demeures sincres, relles et ses chutes doivent tre prcises et dans le bon angle de la projection. Durant le temps de lapproche dans la zone de dmonstration jusqu la sortie, il doit rgner une atmosphre de sincrit, de concentration mentale, de prcision des gestes et du contrle des enchanements et dplacements. Chaque partenaire doit tre attentif aux gestes de lautre, garder le contact visuel et se maintenir en quilibre tout en exhibant la confiance en soi. Toute hsitation, fausse chute, raideur anormale ou signe de nervosit peuvent tre interprts comme une faiblesse ou signaler un manque de contrle. Dans la pratique du kata, le dplacement est significatif. On se retire gnralement avant dtre attaqu de front, on attire lautre dans un dplacement ngatif en reculant et dans la dmarche qui sen suit, on utilise la force ou lnergie positive de ladversaire contre luimme. Ainsi se rsume la thorie de la souplesse du judo cder pour vaincre . Il faut garder lesprit que le kata est excut pour lamlioration de soi et non pour plaire des auditoires varis. Comme les deux partenaires ne sont pas identiques, il faut savoir accepter les diffrences sans juger ni condamner et surtout, il faut demeurer vritable dans ses actions, ne pas anticiper mais bien conserver lesprit du combat.

Lenseignement qui nentre que dans les yeux, les oreilles et la mmoire, sans tre assimil, est comme un repas pris en rve . Lie Tseu, Chroniques Martiales de Henri Ple

Le professeur Enoki du Kodokan dmontrant un dplacement de corps Tai Sabaki

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Importance des gestesLa clef de la russite, cest leffort quon met samliorer. Dans un kata, limage du geste et lexcution de la technique tiennent le premier plan. Pour accder au niveau gestuel suprieur il faut que lexcutant vise constamment des amliorations qualitatives afin quil devienne lui aussi suprieur et quil ne fasse quune unit entre le geste et lesprit. Il doit capter les opportunits dagir et se librer corps et me pour agir instantanment. Pour ce faire, il lui faut rpter constamment les exercices et viter les ruptures de temps dans les frquences. Son objectif : tre capable de faire la technique parfaite, instantane et prcise tout comme le ferait un tre possdant des qualits suprieures : le Kami Waza. C'est--dire pouvoir excuter la technique parfaite au moment mme de sa ralisation. Pour arriver cette finalit, il faut porter une attention particulire aux conditions mentales et aux approches mthodiques. Il faut exercer sa vision priphrique pour dceler les attaques de lautre et aiguiser ses sens pour tre capable de se localiser dans langle et dans lespace de combat. La matrise de lexcutant doit se reflter dans la technique quil faonne avec beaut et prcision. Il doit devenir lartiste reliant le physique et lintellectuel dans la ralisation dun acte dit sublime . La ralisation dune telle technique ne peut se faire sans porter attention aux dplacements et aux mouvements transitoires. Dans les dplacements vers lavant ou larrire, lexcutant doit pouvoir dmontrer que cest tout son corps qui est impliqu et non seulement les jambes ou les bras. Sa dmarche doit demeurer individuelle et libre de sexprimer sans contraintes physiques apparentes. Le corps, la tte, le torse, les jambes, les pieds, les bras, la charpente osseuse et les hanches doivent travailler ensemble pour combattre la gravit, assurer lorientation spatiale voulue, se mouvoir dans le bon angle et maintenir lquilibre. Lenchanement des gestes et le maintien du rythme sont aussi indispensables. Il ne doit pas avoir de squences brises. Il faut bien saisir les angles de dplacements et dterminer tant le temps que la direction o la technique sera applique. Le gestuel transmet ce que lesprit choisit de dmontrer. En somme, toute la dmonstration doit tre sincre, relle, et libre. Les katas judo sont en quelque sorte une expression de lart martial formul dans la culture japonaise et imprgne dans lesprit qui anime ses chefs-duvre artistiques. Dans le produit final, nous devons y faire la dcouverte de la simplicit, lharmonie, la beaut, lintuition, la douceur, le naturel, et la prcision.

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Le dcorum et crmonialLe Matre Jigoro Kano et son quipe ont mis beaucoup demphase conserver le dcorum et ltiquette dans le but de promouvoir le respect et la dignit des partenaires. Il faut simprgner de lesprit et de lintention sans y ajouter des gestes inutiles qui ne sont pas conformes aux techniques. Les exercices de katas sont des modles de comportement. Ils permettre un retour lordre et la discipline souvent oublis dans les exercices libres. Dans les premires annes du Kodokan, les lves les plus dous taient pousss vers la recherche de la perfection et ce, tant dans le comportement psychique que dans la technique gestuelle proprement dite. Aucune dviation ntait tolre car elle sloignait de lide originale. Les squences gestuelles devaient contenir et respecter les anciens principes. Cest la copie conforme qui tait recherche. Mme les gestes de salutation devaient tre excuts la lettre. Ce rituel ancien tmoigne le respect port envers son interlocuteur, lacceptation de sa position sociale et de son rang. Ds le bas ge, les japonais apprenaient sharmoniser avec les ges, les rangs, la sniorit des gens et appliquer le quand, le comment et devant qui ils devaient se prosterner. Les salutations ont toujours t de mise. Aujourdhui, les modalits dchanges sociales varient selon les pays, mais au Japon, la prosternation titre de salutation formelle est encore de ltiquette courante. La salutation est aussi significative dune offrande personnelle et respectueuse envers son interlocuteur et indique la confiance que lon tmoigne lautre. Dans le dojo et le shiaijo, la salutation (Rei), assise ou debout, est courante. On lexcute envers la sale dentranement, le haut lieu de la salle, pour accepter les nouveaux venus, reconnatre les anciens et en guise de respect vers les matres. Cest le mode typique qui fut choisi au judo pour dmontrer notre attention, notre apprciation, notre sympathie et notre considration envers les autres. Lorsque les katas taient p