Les usages du PIB

Les usages du PIB

Tome 1Pierre Lachaize - Julien Morel

Remerciements : nos sincres remerciements tous ceux qui nous ont apport leur contribution, raction ou relecture cette publication. Date de publication : avril 2013.

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Chaque acteur conomique, mnages, entreprises, tat, voit sa croissance dans la croissance du PIB et tous souhaitent quelle soit forte et continue. Certains cependant, dont des prix Nobel dconomie, dnoncent ce ftichisme en raison des limites des ressources naturelles et dune dcorlation constate entre bien tre et croissance.

Le PIB est au cur de cette controverse, pourtant le PIB nest en soi ni un bon ni un mauvais indicateur. Il existe seulement des usages pertinents ou non pertinents du PIB. Encore faut-il identifier ces usages, comprendre travers quels ressorts le PIB y a pris place, en dnombrer les acteurs et les utilisateurs, et, paralllement, comprendre les limites du PIB et sinterroger sur lexistence dindicateurs alternatifs plus pertinents.

Cest ce travail qui a t men ici. Nous proposons une typologie dusages. Nous constatons que ceux-ci ne concernent directement quune fraction limite, mais influente, des acteurs conomiques, essentiellement les organisations internationales, les tats, les conomistes, les mdias. Finalement 99% des entreprises, bon nombre de services publics, limmense majorit des citoyens, nont quun usage trs marginal du PIB.

Nous voyons aussi le PIB consacr dans des Constitutions et des traits internationaux.

Paralllement, nous vrifions que le PIB nest pas adapt au pilotage des pays riches et nous illustrons comment, usage par usage, il serait possible de choisir dautres indicateurs plus pertinents et souvent dj disponibles.

Modifier chacun de ces usages constitue donc une dmarche efficace pour faire voluer nos modes de reprsentation et les outils de pilotage de nos socits. Cette dmarche est pragmatique, elle peut permettre datteindre des rsultats concrets en quelques annes, bien plus rapidement que par la mise au point dun nouvel ensemble statistique, par ailleurs ncessaire mais rclamant des dcennies defforts.

The Shift Project souhaite contribuer cette nouvelle dynamique. Dans un tome II, nous souhaitons prsenter des alternatives aux usages du PIB construites et partages avec lensemble des acteurs concerns.

Bonne lecture.

Introduction

SommaireIntRoDuctIon 3

cHAPItRE I - LE PIB Et sA contRovERsE 5A - La puissance du PIB 61- Le PIB est ancr dans lhistoire 62- Le PIB fait lobjet dune dfinition consensuelle reconnue mondialement 63- Le PIB concilie volume de production, de revenu et de demande 74- Le PIB est en phase avec lapproche conomique classique et dominante 85- Le PIB rend compte du bonheur apprhend par les conomistes 96- La croissance du PIB, synonyme de progrs, est majoritairement juge comme incontournable 107- Le PIB est un indicateur agrg 10

B - Les limites du PIB 111- Le PIB est techniquement discutable au regard mme de ce quil veut mesurer 112- Le PIB nest pas porteur dalertes essentielles, mme de court terme 123- Le PIB est de moins en moins le reflet du bien-tre 124- Le PIB ne prend pas en compte la raret des ressources 155- Le PIB est porteur dune volont de croissance dont ni la dynamique exponentielle ni le risque deffondrement ne sont perus 16

c - Les rflexions alternatives 181- Une dynamique relle et foisonnante 182- Illustrations des actions engages 183- Illustration du foisonnement des dispositifs alternatifs 20

D - tableau synthtique 22

cHAPItRE II - LEs usAgEs Du PIB 23A - typologie des usages du PIB 241- Prsentation synthtique des usages du PIB 242- Les usages symboliques du PIB 243- Les usages oprationnels du PIB 254- Les usages politiques du PIB 27

B - Intgration des usages du PIB dans le fonctionnement de nos socits 291- Les acteurs concerns 292- Les textes porteurs dun usage du PIB 31

c - Premire approche des alternatives lutilisation du PIB dans ses diffrents usages 351- Alternatives aux usages symboliques 352- Alternatives aux usages oprationnels 363- Alternatives aux usages politiques 374- Conclusions sur les alternatives lusage du PIB 40

cHAPItRE III - concLusIons Et REcommAnDAtIons 41A - Bien quinadapt au pilotage des pays riches le PIB y demeure lindicateur phare 421- Le PIB est essentiellement un indicateur dquipement adapt aux pays en dveloppement 422- Dans les pays pauvres lurgence du pilotage porte sur lradication de la misre 423- Dans les pays riches lessentiel relve de la matrise des risques financiers, du bien tre et de la soutenabilit 424- Lhabitude, les conventions, le manque dinvestissement dans des alternatives, perptuent lutilisation du PIB 43

B - Lapproche par les usages permettrait une transformation rapide de nos modes de pilotage 441- Modifier les usages du PIB constitue une faon efficace de remettre en cause son hgmonie 442- La rnovation des usages constitue un chantier enthousiasmant 443- Paralllement lanalyse des informations portes par le PIB doit tre dveloppe 454- Des actions immdiates peuvent tre engages 45

c - long terme cest lensemble de nos systmes qui sont revoir 461- Lconomie 462- Les statistiques 463- La comptabilit 474- Les systmes dmocratiques 475- Vers un nouveau PIB 47

pilogue 49

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initiative du vivre-mieuxinitiative du vivre-mieux

Linitiative du vivre-mieuxBetter Life Index

Systme de Comptabilit Environnemental et Economique


Objectifs du MillnaireObjectifs du Millnaire

la croissance, la prosprit, la qualit de vie vers le progrs conomique et social durable dans lconomie sociale de march


Dveloppement durable, la rvolution des nouveaux indicateurs


Indice de dveloppement humain


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Indicateur de sant sociale



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How are you happy?MonetMonetAustralian Unity Well-Being Index

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Le PIB et sa controverse

Chapitre 1












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Chapitre 1 - Le PIB et sa controverse

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1- Le PIB est anCr dans LhIstoIre

La comptabilit nationale prend ses ori-gines en 1665 avec le travail de William Petty qui a ralis une premire estimation du revenu national. Durant 250 ans, la reprsentation de lconomie sest ensuite limite des estimations intermittentes du revenu national1.

La crise de 1929 marque un tournant majeur dans la demande de donnes conomiques, les politiques stant retrouvs dsarms pour expliquer les raisons et lampleur de la crise et pour

viter quelle ne se reproduise. En 1932, le Snat amricain demande au Dpartement du Commerce de constituer une quipe pour rendre compte du revenu national durant cette priode. Ainsi, en 1934 Simon Kuznets aboutit au premier calcul dun PIB sommaire, sous la dnomination de revenu national .

La perte de revenu fut estime 40% sur la priode 1929-19322 ! Cette mesure a par la suite servi valuer leffet du New Deal et chiffrer la capacit de produc-tion que les pays pouvaient mobiliser dans la perspective dune guerre imminente.

La priode daprs-guerre voit surgir, lchelle mondiale, une nouvelle dyna-mique de productions statistiques et comptables. Ces travaux visent planifier et piloter une production de masse dans un

effort de reconstruction tout en disposant de modes de calcul comparables au plan international. Cette nouvelle dynamique sest cre sur un double lan keynsien (pour la mesure de limpact des politiques publiques) et anti-malthusien (par une volont dexpansion pacifique du doux commerce )3.

Enfin, une dernire rvision majeure a lieu, en 1976 en France, lorsquil est dcid de considrer les services publics et les services domestiques gratuits comme des valeurs ajoutes, la suite des recom-mandations onusiennes, puis europennes, pour des raisons de comparabilit4.

Le PIB est prsent lagrgat principal issu des comptabilits nationales de la quasi totalit des pays.

2- Le PIB faIt LoBjet dune dfInItIon ConsensueLLe reConnue mondIaLement

Les mthodes de calcul du PIB font lobjet de rgles internationales dont llabora-tion est pilote par lONU en impliquant des experts de diffrents pays. Ces rgles de calcul sont dcrites par lONU dans le Systme de Comptabilit Nationale : SCN20085, lui-mme repris au niveau de lUnion europenne par le Systme Euro-pen de Comptabilit Nationale : SEC956. Le PIB est donc thoriquement mesur de faon comparable et transparente dans, et par, tous les pays du monde. Ceci nous permet de donner une description rapide du contenu du PIB :Outre les productions marchandes, le PIB prend en compte :

Les services publics (tat, Scurit Sociale, collectivits territoriales), leur cot de production.

Certaines productions de services pour usage propre7 : le jardinage, le bricolage, les actifs incorporels comme les logiciels, les uvres artistiques ori-ginales Lconomie lgale mais souterraine (non dclare) comprenant le travail au noir sur des activits autorises, les va-sions et les fraudes fiscales ainsi que des absences de comptabilit. Le travail illgal : bien que la SCN2008 et la SEC95 proposent que ces transac-tions soient intgres (par exemple, la prostitution ou la production de drogues), ce nest cependant pas le cas en France. Le critre retenu par lONU et lEurope pour quune activit soit intgre au PIB est que tous les acteurs y participent volon-tairement : le vol en est donc une activit illgale toujours exclue du PIB.

Mais le PIB exclut : Les services domestiques de type cuisine, mnage ou garde denfants. Le troc et les autres activits de lien social sans transaction financire. la dprciation du capital fixe ( usure ), en accord avec sa dfinition classique du PIB (considr brut ).

Toute forme de services rendus par la nature . Celle-ci ntant pas identifie comme un agent conomique ind-pendant car, contrairement au capital phy-sique et au travail, elle nest pas considre comme rare au sens conomique du terme. Le tableau ci-aprs rcapitule ces donnes (figure 1).

1. Andr Vanoli, Une Histoire de la comptabilit nationale,

2002.

3. Dominique Mda, Quest-ce que la richesse, 1999.

4. Jean-Paul Piriou, La compta-bilit nationale, 2007.

5. System of National Accoun-ting 2008, http://unstats.

un.org/unsd/nationalaccount/docs/SNA2008.pdf

6. Systme Europen de Comptabilit 1995, http://

circa.europa.eu/irc/dsis/nfaccount/info/data/ESA95/fr/

efr00sum.htm

7. Les services de logement comprennent non seulement

les loyers effectivement pays par les locataires aux

bailleurs, mais aussi les loyers imputs, cest--dire ceux

quon attribue fictivement aux propritaires de logements qui

les occupent eux-mmes.

A - La puissance du PIB

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En 1934 Simon Kuznets aboutit au premier calcul dun PIB sommaire,

sous la dnomination de revenu national .
http://http://http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/docs/SNA2008.pdfhttp://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/docs/SNA2008.pdfhttp://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/docs/SNA2008.pdfhttp://circa.europa.eu/irc/dsis/nfaccount/info/data/ESA95/fr/efr00sum.htmhttp://circa.europa.eu/irc/dsis/nfaccount/info/data/ESA95/fr/efr00sum.htmhttp://circa.europa.eu/irc/dsis/nfaccount/info/data/ESA95/fr/efr00sum.htmhttp://circa.europa.eu/irc/dsis/nfaccount/info/data/ESA95/fr/efr00sum.htmhttp://www.nber.org/chapters/c2258.pdf












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Le PIB et sa controverse - Chapitre 1

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3- Le PIB ConCILIe voLume de ProduCtIon, de revenu et de demande

Lactivit conomique peut traditionnelle-ment tre dcrite travers trois approches :

Lapproche production par laquelle la valeur ajoute 8 nationale (intrieure) est cre sous formes de biens et de ser-vices.

Lapproche revenus qui analyse la faon dont cette valeur ajoute est distri-bue entre divers agents conomiques.

Lapproche demande qui rpertorie la faon dont les agents conomiques utilisent ces revenus.

Dans le cadre de la comptabilit nationale (et de ses tableaux croiss) le PIB donne une galit parfaite de ces trois gran-deurs : volume de production = volume de revenu = volume de la demande.

Cette capacit du PIB concilier produc-tion, revenus et demande lui donne une force considrable : cest une garantie dexhaustivit (sur le primtre choisi) et de bouclage de lensemble des donnes.

Selon lapproche choisie lanalyse du PIB permet ainsi de rpondre des questions fondamentales :

Comment se rpartit la production ? (par exemple entre bien marchands et services publics ou entre biens matriels et pro-duits de service).

Comment se rpartissent les revenus ? (par exemple entre rmunration du tra-vail et rmunration du capital). Comment se rpartit la demande ? (par exemple entre consommation et inves-tissement).

Voici un exemple, figure 2 ci-dessous, de dcomposition simplifie du PIB montrant une galit parfaite des trois approches : production/revenus/demande.

8. Valeur de la production nationale moins les consom-mations intermdiaires qui ont t consommes pour aboutir la production finale : cest lajout annuel de valeur conomique des biens et services marchands.

Source : http://www.insee.fr/fr/indicateurs/cnat_annu/base_2000/documentation/methodologie/nb9.pdf

Figure 2

Figure 1

PRODUCTION

DEMANDE REVENUS

PRODUCTION REVENUS DEMANDE

Production totale marchande 2359 Rmunration des salaris : salaires et traitements 614 Consommation finale 1278

Production totale pour emploi final propre 165

Rmunrations des salaris : cotisations sociales employeurs

223Investissement (Formation brute de capital fixe)

300

Production totale non marchande 321 Excdent brut dexploitation et revenu mixte brut 549 Exportations 408

Consommations intermdiaires -1410 Impts sur la production et les importations 244 Importations -391

Impts sur les produits 179 Subventions dexploitation -35

Subventions sur les produits -19

PIB 1595 PIB 1595 PIB 1595

Dcomposition du PIB suivant les trois approches, pour lanne 2003, prix courants en milliards da.Source : Inventaire des sources et mthodes pour le calcul du revenu national brut de la France, 2009,http://www.insee.fr/fr/indicateurs/cnat_annu/base_2000/documentation/methodologie/nb9.pdf

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Toute lconomie marchande,

Le bilan de la balance commerciale,

Les services publics (tat, Scurit Sociale, collectivits territoriales) aux cots de production,

Les loyers rels ou attribus aux occupants de logements (et autres imputations comme certains services bancaires),

Lautoproduction de biens : bricolage, jardinage, chasse, pche,

La cration dactifs incorporels comme les logiciels, les uvres artistiques

Lconomie souterraine : travail au noir, fraude et vasion fiscales, absences comptables .

La production pour usage propre de certains services : cuisine, mnage, garde denfants

Le travail bnvole, le troc,

Le travail illgal (en France),

La dprciation de capital fixe ( usure ),

Les liens sociaux,les temps de loisir,

Les services rendus par la nature.

Ce que Le PIB ComPte Ce que Le PIB ne ComPte Pas
http://www.insee.fr/fr/indicateurs/cnat_annu/base_2000/documentation/methodologie/nb9.pdfhttp://www.insee.fr/fr/indicateurs/cnat_annu/base_2000/documentation/methodologie/nb9.pdf












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4- Le PIB est en Phase aveC LaPProChe ConomIque CLassIque et domInante

Capital de travail

Productivit globale des facteurs PRODUCTION

Capital matriel

Population Force de travail Taux demploi Temps de travail

Biens Services

CONOMIE

Le modle de production classique est celui de Solow-Swan dans lequel le travail et le capital matriel sont considrs comme rares et utiliss de faon productive pour crer des biens et des services, marchands et non marchands.

Lefficacit de la combinaison des deux flux dentre, travail et capital matriel, est ap-pele productivit globale des facteurs . Celle-ci nest pas explique en termes phy-siques et est au mieux considre comme la transcription du progrs technique et organisationnel (par laugmentation de connaissance du capital humain et social) ou comme la rsultante de paramtres exognes au modle (par exemple, lenso-leillement annuel peut tre un facteur de productivit agricole). Elle est aussi appele rsidu de Solow car correspondant un paramtre constitutif de tout ce que la thorie narrive pas expliquer par le calcul. Ce modle peut donc se schmatiser ainsi (voir figure 3).

En mesurant le volume de production le PIB rend dj compte de la thorie classique puisquil donne la mesure de loutput. De plus diffrentes dcompositions du PIB sont utilises pour rendre compte du fonc-tionnement interne du modle, lexemple de ces trois descriptions (figures 4, 5, 6) courantes ci-contre :

Par la quantit de monnaie circulant dans lconomie considre comme un facteur supplmentaire de dve-loppement conomique.

Dans la vision noclassique, la monnaie nest demande que pour effectuer des changes de biens et de services. Plus la quantit de biens et services changs dans lanne (le PIB) est importante, plus les agents ont besoin de moyens de paiements pour effectuer les changes. La quantit de monnaie en circulation (M) est donc proportionnelle la valeur du PIB, cest--dire au PIB en volume multipli par le prix moyen des biens et services [P]. La proportion prcise est dtermine par la vitesse de circulation de la monnaie V 11. Ainsi, monnaie et production vont de pair selon la formule, voir figure 6.

Il est important de noter quen Europe, la trs grande majorit de la monnaie est cre par les banques commerciales, sous le contrle de la Banque Centrale vigilante la matrise de linflation. Les banques commerciales influent donc sur le volume de production de lconomie relle .

11. Jacques Gnreux, Introduction la politique

conomique, 1999.

Par la productivit totale des facteurs

Dans le cadre de la fonction de production de Cobb-Douglas, le travail et le capital ma-triel sont substituables9 et les rendements dchelle sont constants10. On considre quils sont associs de manire produc-tive par le facteur exogne de productivit globale suivant la formule, voir figure 4.

Par la productivit du travail :Le travail peut tre considr comme llment dclencheur de la production car cest llment permettant duti-liser le capital matriel de manire productive. Le PIB est alors reprsent de la faon suivante, voir figure 5.

9. Le capital matriel permet d conomiser du capital

travail par lutilisation de machines et inversement.

10. Ceci signifie que, lorsque chaque facteur productif

augmente en mme temps par un facteur donn, la

production globale augmente par le mme facteur.

PIB = Productivit Globale x Capital matriel x Travail-1

PIB

PIB = Productivit du travail x Temps de travail annuel x Taux demploix Taux dactivit x Population

heures de travail par an

population activeemploys

PIB employsheures de travail par an

PIB = M x V/P

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Figure 3

Figure 4

Figure 5

Figure 6

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5- Le PIB rend ComPte du Bonheur aPPrhend Par Les ConomIstes

Les conomistes se sont de tout temps penchs sur la manire dapprhender le bien-tre ( la richesse des nations comme le nommait Adam Smith12). Ainsi, ils ont tent de rpondre trois questions simples et a priori loignes des consid-rations comptables :

Quel est le paradigme prendre en compte pour rendre compte du bonheur : doit-on considrer laction (le moyen), le rsultat (la satisfaction) ou ltat (la joie) ? Qui est lgitime pour juger de ce quest le bonheur : un arbitre (potentiellement une dictature bienveillante 13), chaque individu ou le dialogue dmocratique ? Quest-ce qui vaut la peine dtre compt par les prix de march ? Quelle est lessence de la valeur conomique rvle par ces prix de march ?

De cette triple-question est ne la notion dutilit que Auguste Walras dcrit en 1831 : Il y a donc cette diffrence entre la morale et lconomie politique que la premire nappelle utiles que des objets qui satisfont des besoins avous la raison, tandis que la seconde accorde ce nom tous les objets que lhomme peut dsirer, soit dans lintrt de sa conservation, soit par leffet de ses passions et de ses caprices. 14

Par la dfinition de lutilit, lconomie russit le tour de force de saffranchir des autres sciences sociales, notamment de la morale, pour devenir une science sociale indpendante. Lutilit dfinit ce qui a de la valeur en conomie et rpond ainsi chacune des questions prcdentes :

Le bonheur est, dans loptique utilitariste, la satisfaction des dsirs ; quun dsir soit ncessaire (besoin) ou non, moral ou non est indiffrent, seul compte le choix de renoncer dautres activits pour satis-faire cette prfrence15. Le bonheur est dfini par les choix individuels : que ces choix individuels

soient considrs comme moraux, au sens collectif du terme, importe peu tant quils satisfont aux dsirs dun seul, dans lapprciation large de son choix. Pour modliser la valeur utilit , les conomistes considrent une socit de march o tous les acteurs ont un rapport marchand au monde : ils ne peuvent trouver leur bonheur que par les biens et services du march. Ils sont rationnels dans le sens o ils valuent la valeur des productions sans rapport mimtique ou social au monde. Ce march est donc considr sans change ni monnaie : la transaction est imagine comme une enchre auprs dun commis-saire-priseur16. Ainsi, les prix ne font que rvler les valeurs que lensemble de la population attribue chaque production, comparativement aux autres.

Le PIB, qui enregistre tous les choix indivi-duels de consommation, rpond cette dfinition walrassienne dutilit. Le PIB rpond donc une vision particulire du bonheur.

La question essentielle laquelle les co-nomistes ont ensuite essay de rpondre est donc celle de lefficacit du march des biens et services : comment faire en sorte que ces millions de dcisions individuelles puissent se coordonner efficacement pour aboutir un optimum social permettant le plein emploi et le partage des revenus ?

Une proposition, dabord imagine par Adam Smith sous le terme de main invisible 17, sest concrtise avec Walras par lide librale de la loi de loffre et de la demande totale . Les thori-ciens de lconomie du bien-tre ( welfare economics ) ont donc imagin certaines conditions trs particulires selon les-quelles la somme des actions individuelles pourrait aboutir, de manire mcanique18,

un bien-tre social. Parmi ces conditions, on trouve19 :

Une marchandisation parfaite de la socit, o tous les biens et services sont comparables par leur prix ; Une information parfaite des acteurs sur la valeur que les autres acteurs posent sur chaque production et sur lvolution future de la situation conomique de chacun ; Une concurrence parfaite, o il nexis-terait pas de price-makers , y compris ltat.

Alors, tous les marchs seraient lquilibre et tous les prix reflteraient les utilits, dans un mouvement complexe et dynamique.

Mais, dj en 1785, Condorcet expliquait quil nexiste pas de manire dagrger les prfrences individuelles en prfrence sociale20. Cette assertion a t ensuite dmontre mathmatiquement par Kenneth Arrow en 1951, sous rserve dhypothses21. Ainsi, mme dans la tho-rie noclassique, le PIB ne peut au mieux que reprsenter la somme des utilits individuelles, mais pas lutilit collective.

Dans ce cas, la somme des optimaux locaux peut tre diffrente de loptimal global : des situations de smart for one, stupid for all existent. Les ides key-nsiennes dnonant un march tou-jours imparfait et donc un dsquilibre

12. Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776

13. Hans Jonas, Le Principe de responsabilit, 1979

14. A. Walras, De la nature de la richesse et de lorigine de la valeur, 1832; cit par D. Mda, Quest-ce que la richesse, 1999.

15. Ce qui compte, cest donc la comparaison des utilits marginales. Ce dsir est cependant contraint par deux composantes : la rentabilit du producteur (donc les cots de production) et le budget des consommateurs (donc leurs revenus).

16. Andr Orlan, LEmpire de la Valeur ,2011.

17. Adam Smith, ibid.

18. Nicholas Georgescu-Roe-gen, La dcroissance, 1971.

19. Andr Orlan, ibid.

20. Nicolas de Condorcet; Essai sur lapplication de lanalyse la probabilit des dcisions rendues la pluralit des voix, 1795.

21. K.J. Arrow, Social Choice and Individual Values, 1951.

Le PIB, qui enregistre tous les choix individuels de consommation, rpond une vision particulire du bonheur.

Il y a donc cette diffrence entre la morale et lconomie politique que la premire nappelle utiles que des objets qui satisfont des besoins avous la raison, tandis que la seconde accorde ce nom tous les objets que lhomme peut dsirer

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permanent du march ont lgitim les interventions tatiques pour rgler ces inefficacits du march et grer les redistributions montaires de ma-nire quitable. Le PIB rend donc compte de ces dpenses gouvernementales comme tant une extension de la somme des utilits individuelles : une utilit dmocratique en quelque sorte. En consolidant les productions marchandes

et les services publics le PIB agrge nos choix individuels et collectifs reprsentant nos dsirs et leur niveau de satisfaction. Le PIB peut tre considr ainsi comme une valuation du bonheur .

Notons que si les conomistes ont tent dapprocher la notion de bonheur ou de bien tre, les comptables nationaux ont toujours exprim de grandes rserves une utilisation extensive du PIB.

6- La CroIssanCe du PIB, synonyme de Progrs, est majorItaIrement juge Comme InContournaBLe

Lide de progrs a t dveloppe par les philosophes des Lumires car, si jusqualors les populations ne connaissaient pas damliorations visibles de leur envi-ronnement lchelle dune vie humaine, le progrs technique a permis une am-lioration rapide de leurs conditions de vie matrielles et de leur ressenti. Mais tandis que les Lumires considraient le progrs dans un sens large de dveloppement intel-lectuel et matriel, cest la croissance conomique qui a permis de donner une direction flche lhumanit22.

Ainsi cest dans un refus de malthusia-nisme, de protectionnisme et de stagnation que la comptabilit a t mise en place aprs-guerre. Le progrs fut alors assimil lexpansion, louverture, au dynamisme, laccumulation, considrs comme une source denthousiasme et despoir 23.

En particulier, laccumulation matrielle et laugmentation du niveau de vie (dfini par le PIB/habitant) a permis de rendre compte de diffrents dterminants du dveloppement : les besoins matriels de logement, de nourriture, de confort, laccs aux services publics. Un amalgame est ainsi fait entre la croissance conomique et le dveloppement.

Lactivit conomique elle-mme, indpen-dante de ce quelle produit, est considre comme source de progrs car gnratrice de lien social, de confiance et de pacifica-tion des affects : Montesquieu parle ainsi

de doux commerce pour tenir compte du consentement et du caractre pacifique de lacte social de lchange.

La croissance du PIB a donc dabord t vue et salue comme une augmentation des niveaux de vie et comme une pacification de la socit. De nos jours la croissance du PIB semble moins vue comme une source de progrs que comme un impratif vital : sans croissance, les acteurs privs comme les acteurs publics semblent condamns la faillite, leur niveau dendettement comme lattente des actionnaires obligent une forme de fuite en avant continue.

Dans ce contexte, comme le rappelait encore tout rcemment Dennis Meadows loccasion de la publication de son livre en version franaise Les limites la crois-sance , parler de dcroissance est encore totalement inaudible de nos jours.

7- Le PIB est un IndICateur agrg

Une force supplmentaire du PIB est dtre constitu de donnes homognes (des masses financires) agrges dans un indicateur unique. Une seule donne

pour rendre compte de lensemble de la valeur ajoute produite, tout domaine et tout type dactivit confondus ! Cela ne

peut quinciter des usages frquents et diversifis.

22.Peter Victor,Managing wit-hout growth: slower by design,

not disaster, 2008.

23. Franois Fourquet, Les comptes de la puissance.

Histoire de la comptabilit nationale et du plan, 1980.

Le PIB agrge nos choix individuels et collectifs representant nos desirs

et leur niveau de satisfaction.

De nos jours la croissance du PIB semble moins vue comme

une source de progrs que comme un impratif vital.

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1- Le PIB est teChnIquement dIsCutaBLe au regard mme de Ce quIL veut mesurer

Sans remettre en cause les objectifs et la nature du PIB plusieurs critiques techniques sont noter.

Le primtre dactivit pris en compte est arbitraireLa comptabilit nationale opre notamment un tri arbitraire dans les productions des m-nages pour compte propre. Ainsi les activits de bricolage ou de jardinage sont valorises dans le PIB. En revanche les activits de garde denfants, de mnage ou de cuisine ne sont pas prises en compte. On peut dnoncer dans ces choix une vision sexiste du PIB et de ses concepteurs. Cependant la remise en cause de tels choix aurait des impacts majeurs sur les donnes du PIB. Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi24 estime que la prise en compte de lensemble des activits des mnages donnerait lieu une majoration du PIB de prs de 35%.

Notons aussi que le PIB nintgre pas en France les activits illgales qui malgr tout correspondent une forme de production et denrichissement.

Les retraitements statistiques sont nombreuxLes comptables publics ralisent la synthse de donnes trs diverses (documents comp-tables et fiscaux principalement, mais aussi statistiques et enqutes ad-hoc), ce qui pose des questions de fiabilit et dagrgation. ce titre il faut distinguer deux types de publi-cations rpondant des modes diffrents dlaboration des donnes :

les comptes trimestriels qui proviennent majoritairement denqutes de conjonc-ture et de mesures sur des panels repr-sentatifs de lactivit, les comptes annuels qui sont issus en majeure partie de mesures directes de lactivit.

Il est noter que les premiers rsultats sont dautant plus difficiles fiabiliser que les comptables nationaux ont, contrairement aux statisticiens, lobligation de fournir ces comptes temps, mme si la qualit des estimations quils ont faites leur semble mdiocre25.

Ainsi la valeur dfinitive du PIB nest connue que deux ans et demi aprs la fin de lanne considre infirmant parfois for-tement les premiers chiffres publis comme le montre le tableau suivant.

Il nest pas rare de voir des carts de lordre de 0,5% 1% entre la valeur du PIB annonce en premiers rsul-tats et sa valeur dfinitive .

Premiers rsultats

Rsultats dfinitifs" cart

2000 3,19% 3,92% +0,73%

2001 2,03% 1,78% -0,25%

2002 1,16% 1,1% -0,06%

2003 0,17% 1,13% -0,96%

2004 2,32% 2,22% -0,1%

2005 1,39% 1,98% +0,59%Source : http://www.senat.fr/eco/ec-02/ec-020.html Comparaison des premirs rsultats fournis par lINSEE 2 mois aprs la fin du terme aux rsultats dfinitifs fournis 2 ans aprs la fin du terme.

Les comparaisons de PIB dans le temps et dans lespace donnent lieu des retraitements discutablesPour comparer deux PIB dans le temps il est ncessaire de prendre en compte des biens et services comparables, cest--dire des valeurs ajoutes qui sont considres cot de la vie constant et qualit quivalente (en termes de varits, de gammes, dusages). Les comptables nationaux considrent cette valeur ajoute comme une valeur ajoute en volume .

Les ajustements raliss pour obtenir des PIB en volume donnent lieu des correc-tions complexes et source dapproximation. Comment valuer par exemple la part din-novation, dusage ajout, dans le prix dun nouveau tlphone portable ? En 1996 le rapport Boskin a estim que la production des tats-Unis a t sous-estime d1,1% par an travers une surestimation quiva-lente de linflation. De faon plus prcise Michel Volle sappuie sur la thorie des indices pour montrer que les mesures de croissance de consommation sont approxi-matives et surestimes26.

Pour comparer deux PIB dans lespace, cest--dire entre des pays qui nont pas les mmes organisations, climats, modes de vie il est alors ncessaire de raisonner capacit de consommation quivalente. Deux produits sont considrs comme compa-rables sils procurent un service quivalent lacheteur, en termes dutilit. On parle alors de PIB parit de pouvoir dachat . L encore les comparaisons en pouvoir dachat sont source dapproximations importantes.

24. Rapport de la Com-mission sur la mesure des performances conomiques et du progrs social , 2009, http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/documents/rap-port_francais.pdf

25.Jean-Paul Piriou, 2007. ibid.

26. http://www.volle.com/travaux/indices2.htm

B - Les limites du PIB

Les activits traditionnel-lement masculines (bricolage, jardinage) sont prises en compte alors que les activits tradition-nel lement fminines (garde denfants, mnage, cuisine) sont dlaisses.

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Linterprtation frquente du PIB comme indicateur de richesse est discutableLe PIB traduit la richesse produite sur une anne, en revanche il ne dit rien sur la richesse cumule notamment par les mnages. Le PIB ne dit rien sur le stock de richesse. Le PIB dtruit mme la

notion de propritaire puisque ceux ci sont considrs techniquement comme leur propre locataire. Ainsi les services de logement comprennent non seulement les loyers effectivement pays par les loca-taires aux bailleurs, mais aussi les loyers imputs, cest--dire ceux quon attribue fictivement aux propritaires de logements

qui les occupent eux-mmes. Ainsi le fait quun pays soit majoritairement compos dhabitants propritaires ou dhabitants locataires na aucun impact sur son PIB, en revanche cela est bien videment fon-damentalement diffrent du point de vue de la richesse de ses habitants.

2- Le PIB nest Pas Porteur daLertes essentIeLLes, mme de Court terme

En se rfrant aux dernires crises du monde occidental, notons que le PIB ne fournit aucune alerte de nature finan-cire. En effet le PIB enregistre positive-ment les bulles financires ou les dficits publics sans en prsenter les dangers. Ce fut le cas lors de la bulle internet de 2001, lors de la bulle immobilire amricaine de 2007 ou en Europe face laugmentation continue de la dette publique. Dans ces diffrentes situations non seulement le PIB na t porteur daucune alerte mais il a contribu faire croire la bonne sant de lconomie en faisant tat, chiffres lappui, dun bon niveau de croissance.

Le PIB ne comporte aussi aucune alerte de nature sociale. En effet le PIB rend compte dun volume global de revenu mais pas de sa rpartition. Or la perception de cette rpartition, entre revenu du capital et revenu du travail, ou entre diffrentes catgories de population, est essentielle la cohsion sociale. En 2011, lOCDE

a montr que les ingalits de revenus augmentent dans quasiment tous les pays de lOCDE27, faisant cho son rapport de 2008 intitul Growing unequal ? 28, et a alert sur les risques dune telle situation. Notons aussi que le PIB ne signale pas la part de revenu qui est transfre vers des pays trangers. En Irlande notamment, dans les annes 2000, 25% des revenus ont t rapatris par des investisseurs trangers29.

Le PIB ne comporte pas non plus dalerte de nature sanitaire ou indus-trielle. Aucun lment ne permet dalerter sur des modes de production mettant en danger les salaris, les consommateurs ou lenvironnement (comme par exemple lors de laccident de lusine daluminium dAjka en Hongrie ayant entrain le dcs de dix personnes et une pollution majeure des sols et des eaux). Au contraire mme, si une crise sanitaire ou industrielle se produit le PIB peut augmenter travers les dpenses

mises en uvre pour la rparation des sinistres.

Dans un registre diffrent et plus centr sur le court terme notons aussi que le PIB ne comporte pas dalerte politique. Si, comme nous le verrons, tous les gouvernements dclarent agir pour une croissance du PIB celle-ci nest pas un gage de rlection. En France certains premiers ministres ont connu des dfaites politiques extrmement svres malgr des rsultats satisfaisants en termes de croissance. (Ce fut le cas de Lionel Jospin, battu aux prsidentielles de 2002 malgr une croissance de 3% sur 5 ans).

Les risques dcrits ci-dessus sont des risques du prsent ou de court terme, nous verrons aussi au chapitre 3 en quoi le PIB nous rend aussi aveugles des risques de long terme.

3- Le PIB est de moIns en moIns Le refLet du BIen-tre

Les comptables nationaux ont toujours mis en garde contre une confusion entre le PIB et la mesure du bien tre, ou pire du bonheur. Cependant cette confusion semble courante tant nos dirigeants politiques, normalement en charge de la paix et du bien tre de leurs concitoyens, affichent systmatiquement

comme objectif essentiel la croissance du PIB. Cependant, comme cela est dmontr travers de multiples travaux, il existe une dcorlation forte dans les pays dvelopps entre croissance du PIB et augmentation du sentiment de bien tre pour au moins les trois raisons suivantes :

Le PIB rend compte dun volume global de consommation de moins en moins corrl au bien treDune part la consommation de services publics est uniquement apprcie en vo-lume, cest--dire aux cots de production de ces services, indpendamment de leur

27. Divided We Stand: Why Inequality Keeps Rising, 2011, OCDE, http://www.oecd.org/dataoecd/40/12/49499779.

pdf

28. Growing Unequal? Income Distribution and Poverty

in OECD Countries, 2008, OCDE, http://www.oecd.org/document/4/0,3343, en_2649_33933_41460917_1_1_1

_1,00.html

29. Rapport de la Com-mission sur la mesure des

performances conomiques et du progrs social , 2009,

http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/documents/rap-

port_francais.pdf

aucune alerte de nature sociale pas non plus dalerte de nature

sanitaire ou industrielle

le PIB ne comporte pas non plus dalerte politique

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efficacit et de leur qualit. Ainsi une heure denseignement vaut une heure densei-gnement quelle que soit la qualit de lenseignant, une heure de soin ne prend en compte ni la qualit du soin ni le temps pass en attente, une heure de juge ne dit pas aprs combien de mois ou danne la justice a t rendue, une heure de policier ne dit rien sur la nature ou lefficacit de son action

Si le PIB mesure un volume de service pu-blic il ne dit donc rien de la qualit relle ou perue de ce service alors que celle-ci est de plus en plus un dterminant essentiel du bien tre. (Remarque : on suppose ici que la qualit des services publics nest pas directement lie aux moyens qui leur sont affects).De mme de nombreuses dpenses enre-gistres dans la sphre marchande sont des dpenses sans lien direct avec lam-lioration du bien tre. Cela correspond lapproche amorale de lconomie qui nvalue pas les transactions conform-ment la vision walrassienne de lutilit dcrite au chapitre prcdent.

Pourtant toutes les dpenses ne concourent pas la satisfaction des citoyens. Cest particulirement le cas des dpenses dites contraintes comme par exemple des dpenses lies laugmentation des temps de transport due ltalement urbain, des dpenses de scurisation (barrires, digi-codes, camras), de laugmentation des primes dassurance lie une judiciari-sation de la socit (cas des professions mdicales ou de la construction) ou encore de laugmentation des loyers au del de linflation.

On trouve aussi quantit dexemples et de phrases-chocs pour dnoncer labsur-dit possible dune croissance du PIB :

Si on paie une personne creuser un trou et une autre le reboucher, le PIB augmente .

Si une mare noire se produit, les cots de nettoyage font grimper le PIB . Si on construit des objets ou des im-meubles peu solides, le PIB augmentera dautant plus quil faudra rparer ces malfaons ou reconstruire

Si tout ce que compte le PIB ne concoure pas au bien tre, des activits essentielles qui y concourent ne sont pas comptabi-lises. Il sagit par exemple de toutes les activits permettant de dvelopper des solidarits et du lien social : le travail bn-vole notamment au service des autres, le troc, les dons, certaines activits exerces illgalement (dpannage), les activits de loisir Il sagit aussi du bnfice de biens communs essentiels et non pris en compte dans le PIB comme la qualit de lair, la qualit des espaces publics, le sentiment de scurit

Dans ce contexte certains universitaires ont essay davoir une mesure plus prcise des activits concourant au bien tre. Ainsi en 1973, William Nordhaus et James Tobin proposent, dans leur article intitul Is growth obsolete ? 30 un PIB ajust qui :

Prend en compte ngativement les dgra-dations de capital naturel et matriel. Considre les dpenses regrettables comme des dpenses intermdiaires qui nont pas dutilit finale, sauf le main-tien des activits utiles : elles sont donc retranches. Prend en compte les activits productives domestiques, illgales, souterraines et les loisirs quils considrent donc comme utiles.

Ce premier indicateur, qui donnera lieu par la suite de nombreux autres, tait destin montrer que la croissance du PIB pouvait saccompagner de cots, et

que ces cots ntaient pas du tout ngligeables et pouvaient mme sur-passer les bnfices : nous serions dj en croissance non rentable ( uneconomic growth 31) de la richesse considre de faon plus morale (Figure7).

mme le volume de consom-mation choisie est lui-mme progressivement dcorrl du sentiment de bien trePour quun volume de consommation rende rellement compte dun niveau de satisfaction il faut au moins deux condi-tions :Tout dabord les marchs doivent tre parfaits. Dans ce cas en effet, au regard de lconomie classique, les consommations, dont les valeurs ajoutes sont cumules dans le PIB, reprsentent un optimum puisquelles sont le reflet des choix individuels des acteurs conomiques qui sont censs optimiser leurs utilits .

30. William D. Nordhaus and James Tobin, Is Growth obsolete?, National Bureau of Economic Research, 1972.

31. Herman Daly and Joshua Farley, Ecological Economics Principle and Applications, 2011.

Si le PIB mesure un volume de service public il ne dit donc rien de la qualit relle ou perue de ce service alors que celle-ci est de plus en plus un dterminant essentiel du bien tre.

PIB et Indicateur de Progrs Vritable (Genuine Progress Indicator) aux tats-Unis

Source : Redefining Progress.

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Or dans la ralit les marchs prsentent de nombreux market failures qui dis-tordent les capacits darbitrage32 :

Le march ne recouvre pas tous les biens et services : nous ne vivons pas dans une socit de march (K. Polanyi). Linformation nest pas complte, aussi bien sur le prsent que sur les risques futurs (publicit favorable au produc-teur, march des risques incertain ou opaque). Les marchs ne sont pas parfaitement concurrentiels : il existe des price-maker (cartels, brevets, monopoles).

(Remarque : la thorie du second best explique que si la diffrence entre deux prix marginaux ntait pas vrifie, alors aucun prix ntait vrifi. En dautres termes, limperfection du march fait que tous les prix sont faux. Au final, le choix dune production plutt quune autre nest jamais bien mesur par les prix marginaux relatifs. Ainsi, mme dans la thorie conomique, les prix relatifs ne sont jamais les reflets de leurs utilits relatives33.)

Ensuite lacte de consommer doit permette datteindre une forme de plnitude.Le besoin de consommation, qui dans un premier temps consiste pouvoir satisfaire des besoins vitaux, se transforme progres-sivement en un besoin insatiable. En effet le processus de consommation entraine nombre de frustrations qui saccentuent lorsque les choix se multiplient : plus on a de choix, plus on va avoir tendance 34 :

Anticiper la satisfaction ou le regret de ce choix.

Comparer ce choix dautres choix qui auront certaines caractristiques meil-leures, et se considrer possiblement comme responsable de ce mauvais choix. Attendre du produit ou service quon achte une satisfaction suprieure aux prcdents produits ou services achets.

Cette situation de frustrations rptes amne une dpendance de chacun envers la consommation sans dvelopper un vri-table sentiment de bien tre supplmen-taire.

La limite de futilit entre croissance du PIB et satisfaction dans la vie a t mise en vidence par easterlinLes biais prsents aux points prcdents sont une tentative dexplication quant lobservation dune dcorlation entre les dterminants ou les ressentis du bien-tre collectif et la croissance du PIB. En parti-culier, on observe une nette dcorlation, temporelle et spatiale, entre le PIB par habi-tant moyen et la satisfaction moyenne des populations de lOCDE. Dautres dcor-lations sont exposes par Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice35.

Pour mesurer la satisfaction, des enqutes sont ralises sur la base de la question : Toutes choses considres, tes-vous satisfait de votre vie dans lensemble ces jours-ci ? (Note comprise entre 0 et 10).

Si on observe lvolution historique de la satisfaction de vie moyenne (pondre des populations) dans lOCDE, on observe que celle-ci est en stagnation depuis la fin des annes 70. Cet effet sappelle la limite de futilit : au-dessus dun certain ni-veau moyen de revenus, on nobserve pas daugmentation marginale du sentiment de satisfaction moyen36.

Si on considre la distribution des pays en fonction de leur revenu moyen et de leur satisfaction, on observe que plus un pays est riche et plus ses habitants vont avoir tendance se dclarer plus satisfaits en moyenne. Cependant, cette conclusion nest plus valable aprs un seuil de 15.000$PPA/hab environ. Tandis quun Franais dclare une satisfaction moyenne de 7.1, les habitants du Cos-ta-Rica se donnent une note de 8.5 alors quils ont un revenu moyen 3 fois infrieur. La Core du Sud a multipli son PIB/hab par 14 entre 1961 et 2005 alors que la satisfaction moyenne de ses habitants nest passe que de 5.1 6.0.

Cet effet sappelle le paradoxe dEas-terlin : en comparaisons internationales, le niveau moyen de satisfaction ne varie pas beaucoup avec le revenu national par personne pour les pays ayant un revenu suffisant37. (Figures 8 et 9 : sur le schma de droite la France est en orange et le Costa Rica est en vert).

Ainsi Richard A. Easterlin expliquait en 1974 qu lintrieur dun pays, cest la distribution des revenus qui compte : la mesure des ingalits est plus impor-tante que la mesure du revenu moyen en valeur absolue. En dautres termes, la situation de chacun par rapport aux autres est plus importante que sa situation en valeur absolue.

De plus, Peter Victor rappelle que le sta-tut social, cest--dire la comparaison de sa consommation aux autres, ou sa consommation positionnelle , est un jeu somme nulle : ce quune personne gagne en statut est toujours au dtriment dun autre38. En dautres termes, lesca-lade des attentes de statut social nest pas souhaitable pour lensemble de la socit.

32. Herman Daly et Joshua Farley,

2011, ibid.

33. R.G. Lipsey et Kelvin Lancaster, 1956-1957, The

General Theory of Second Best, The Review of Econo-

mic Studies ; cit par Peter A. Victor, Managing without

growth, 2008.

34. Barry Schwartz, the paradox of choice, http://

www.ted.com/talks/lang/fr-ca/barry_schwartz_on_the_para-

dox_of_choice.html

35. Les Nouveaux Indicateurs de Richesse 2007.

36. Tim Jackson, Prosprit sans croissance, 2010.

37. Richard A. Easterlin, Does Economic Growth Improve the

Human Lot? 1974.

38. Peter Victor, 2008, ibid.

Lacte de consommer doit permettre datteindre une forme de

plnitude.

volution temporelle (pour la moyenne pondre de lOCDE) et rpartition spatiale de lindice de satisfaction de vie (pour 177 pays du monde). En orange : la France, en vert : le Costa-Rica. Daprs le Happy Planet Index, sur la base du Gallup Survey et du World Value Survey (http://www.happyplanetindex.org/public-data/files/happy-planet-index-2-0.pdf)

Figures 8 et 9

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4- Le PIB ne Prend Pas en ComPte La raret des ressourCes

Le PIB est le reflet dune modlisation de lconomie qui considre les ressources naturelles comme infiniesComme nous lavons vu au chapitre I-A /4 le PIB rend compte dune production qui sap-puie sur deux facteurs considrs comme exognes, le travail et le capital matriel, combins par un facteur de Productivit Globale des Facteurs.

Lexplication traditionnelle de la Produc-tivit Globale des Facteurs renvoie des concepts non physiques tels que la produc-tivit, lorganisation ou encore linnovation (tout domaine o la rvolution des sys-tmes dinformation joue un rle essentiel). Pourtant Malthus expliquait dj en 1798 que le facteur de la terre devait tre considr comme un facteur dterminant de production. Sa position na cependant pas t prise en compte par les thories classiques puis noclassiques qui ont favo-ris une expansion juge enthousiasmante.

De leur cot, Ayres et Warr39 expliquent que lnergie utile, cest--dire lner-gie disponible pour le consommateur final (le chauffage, llectricit, la motricit) pourrait remplir les conditions expli-catives de la productivit globale. En effet, lnergie constitue un substitut au travail humain dans le sens o luti-lisation de ressources nergtiques per-met de librer du temps de travail qui va pouvoir tre rallou dautres types de travaux40. Ainsi, cest la quantit croissante de volume dnergie finale qui a permis de dvelopper les services, ltalement urbain et la rduction du temps de travail41.

De plus, la thorie conomique considre le capital matriel comme un facteur pro-ductif alors quil correspond physiquement du travail et des ressources natu-relles passes42. Le capital matriel est donc une boucle de rtroaction du systme

productif. La pollution, les dgradations des ressources naturelles et les atteintes de ces pollutions sur les hommes forment aussi une rtroaction de ce systme physique, de faon ngative cependant.

Pour permettre une production, il faut donc :

Que les ressources naturelles extraites ou recycles soient en quantit physique suf-fisante pour compenser les dgradations du capital matriel et de la consommation. Que lnergie finale soit disponible en volume suffisant. Que les apports de travail compensent les pollutions q

Les usages du PIB

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