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6 à Pâques

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6 à PâquesNouvelles

Pour lecteurs de plus de 16 ans

Ouvrage dirigé par Isabelle Bruhl-Bastien & Isabelle Lorédan

Mise en ligne deSandrine Décembre

Les Trousseurs Textuels(collectif d'auteurs)

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Crédit couverture et 4ème de couverture Isabelle Bruhl-Bastien

©Les Trousseurs Textuels décembre 2015 5 rue des écorces 70290 Plancher-Bas

Toute reproduction, même partielle, interdite.

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Le chêne de Pâques

Isabelle Bruhl-Bastien

C’est la première fois que je ne passe pas le jour dePâques avec mes proches. Mes deux fils, dix-sept et dix-neuf ans n’ont depuis longtemps plus l’âge d’allerchercher les œufs en chocolat dans le jardin. Quant àpartager des moments conviviaux, à table avec la famille,ça ne les intéresse plus, du moins pour le moment. Maisje les comprends, entre une mère qui manquehonteusement d’enthousiasme, un père qui a perdu toutsens de communication humaine et des grands-parentspaternels sans cesse dans les reproches, je pense quej’agirais de la sorte si j’étais à leur place. Cette année,nous avons décidé de vaquer chacun à nos occupations.Pour être honnête, cela m’arrange. Aujourd’hui, j’aiquelque chose de nettement plus excitant à faire.

Adolescente, j’étais mal dans ma peau, je me trouvaislaide, trop grosse, stupide. Avec les garçons, c’était undésastre. Ils m’effrayaient. Pourtant, maintes fois, j’étaistombée amoureuse. Je me faisais des scénarios des plus

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romantiques aux plus coquins. Lorsque je croisais ceuxqui me faisaient vibrer, bien entendu d’une manièreplatonique, je rougissais et baissais les yeux. J’étaiscependant certaine qu’ils ne me remarquaient pas. Ilsn’avaient d’yeux que pour Valérie, la bombe du lycée. Ilfaut dire qu’elle était superbe. Elle abusait de sescharmes, la bougresse ! Je me souviens qu'elle a dû sortiravec la plupart des garçons de ma classe, mais passeulement. Une rumeur s’était propagée. La belle auraiteu une liaison avec l’un de nos enseignants, ainsi qu’avecle père de l’une de ses amies. Ces potins ne semblaientpas la perturber.

En cours d’année scolaire, ce devait être en janvier,« IL » est arrivé et a traversé la cour. Son blouson de cuirouvert sur un pull beige, col en V. Les cheveux bruns,ébouriffés. Un petit côté voyou, sans pour autant en êtreun. Bien au contraire. Nous nous sommes toutesretournées sur son passage. Imaginez la scène au ralenti,avec la musique qui va bien, en fond sonore. Un peucliché, je vous l'accorde, mais c’est ainsi que cela merevient en mémoire. Ma première pensée a été pourValérie. « Encore un qui va finir dans son lit ! » me suis-je dit. Cette idée me minait. J’en crevais de jalousie.« IL » avait quelque chose de plus que les autres. Unregard ténébreux, un je ne sais quoi qui faisait que moncorps tout entier s’est mis à trembler. En sortant descours, je me suis réfugiée sous le chêne à cinq centsmètres de la sortie du village. Cet arbre était mon ami,mon confident. Il était entouré de champs, mais cachépar un bosquet. Je me sentais sereine à ses côtés, car il

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avait le don de m’apaiser. Ce soir-là, assise contre sonécorce, je pensais à ce garçon. Je rêvais qu’IL me prenaitdans ses bras avant de m’embrasser, me déshabiller, mesusurrer des mots pas seulement doux au creux de monoreille, et de me faire l’amour. Mais, persuadée qu’IL neserait jamais pour moi, je m’étais mise à pleurer toutesles larmes de mon corps, encore frémissant des caressesimaginaires.

Les jours, les semaines, les mois ont passé. Le jour dePâques, comme le voulait la tradition, j’étais en famille.Ma cousine est arrivée avec son petit ami. Elle étaitradieuse, folle de bonheur. J’étais heureuse pour elle etpourtant je dois avouer aujourd’hui, car il y aprescription, que j’avais mal aux tripes, tant je l’enviais.Prétextant des révisions pour le baccalauréat, je me suiséclipsée. En fait, j’ai pris la fuite. Il me fallait retrouver auplus vite mon arbre-fétiche. J’ai ainsi laissé derrière moila maison familiale, ses bruits, ses rires, ses éclats de voix.Il faisait frais. Dans la précipitation, j’étais sortie en robelégère, sans prendre la peine de mettre une veste. Commechaque fois, je me suis assise au pied du chêne, lesgenoux repliés sur ma poitrine.

Soudain, un craquement s’est fait entendre derrièremoi. Je n’osais plus bouger. Ma respiration était saccadéeet je frémissais d’angoisse.

- Bonjour Marie !

En un bond, je me suis retrouvée debout, devant LUI.

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Je pouvais entendre mon cœur battre dans ma poitrine.

- Désolé, je ne pensais pas t’effrayer !

Son regard, Mon Dieu ! Comme son regard étaitperçant. Il me semblait qu’il pouvait lire dans mespensées. Je devais être écarlate. Aucun son ne pouvaitsortir de ma bouche. Que devait-il penser de cette filleinsipide, laide, niaise, qui lui faisait face ? Le souvenirreste intact dans ma mémoire.

- Ma… Marc ! Que fais-tu ici ?

Un sourire se dessinait sur son visage. Ses yeuxpétillaient. Sa bouche était irrésistible. Mon trouble s'estaccentué. Comme j’aurais aimé être aussi téméraire queValérie !

- Je suis venu te dire au revoir !

- Au… au revoir ! Mais pourquoi ?

Mon cœur s’affolait. Mes jambes peinaient à mesoutenir. Je sentais des larmes brouiller mon regard.

- Je repars à Paris. Tu sais c’est de là que je viens. Enfait, j’arrête mes études. Je viens d’avoir 18 ans etj’ai trouvé un boulot là-bas.

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- Pourquoi es-tu venu me l’annoncer ? Et commentsavais-tu que je serais là ?

- Parce que tu es la seule que j’apprécie dans ce bledet dans ce bahut d’ailleurs. Pour répondre à tadeuxième question, je te suis régulièrement. J’avaisremarqué que tu venais te réfugier sous cet arbre.

Honteuse, j’ai détourné mon regard. Je songeais auxnombreuses fois où mon corps, possédé par des rêvesosés, avait répondu aux gestes polissons de mon amantimaginaire. A-t-il été témoin de mes actes sensuels. Je mesuis appuyée contre le chêne. IL s’est approché de moi,tout près de moi. Je pouvais sentir son odeur, sa chaleur,son souffle. Mes yeux emplis de larmes se sont portés surson visage. Ses lèvres frôlaient les miennes. Une vague dedésir m’a alors assaillie. Bousculant mes principes, j’aipris les devants. Je l’ai embrassé langoureusement,goulument. Son corps contre le mien me brûlait la peausous ma robe. Il me serrait dans ses bras. Nos languesjouaient, se poussaient, s‘attiraient dans nos bouches. Jesentais sa main glisser dans mon décolleté et caressermes seins dont les pointes se dressaient. Submergée parle désir, mes doigts, déboutonnaient sa chemise,caressaient son torse, avant de descendre au niveau deson ceinturon. Soudain, il s’est écarté, les yeux en larmes.

- Je suis désolé, je dois te laisser ! Sois heureuse mapetite Marie ! Si tu savais comme je suis fou de toi !

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Il est parti en courant, sans se retourner. Je suis restéelà, seule contre mon arbre, ma robe défaite sur mapoitrine ainsi exposée à la fraicheur ambiante. Pourquoime faire autant souffrir ? S’était-il payé ma tête ? Allait-ilraconter ce qui venait de se passer à ses amis ? Ou pire, àValérie ? Peut-être même l’avait-elle envoyé pourm’humilier ! Je ne contrôlais plus les larmes quiruisselaient sur mes joues, ni les sanglots qui secouaientmon corps.

En reprenant les cours, j’ai eu confirmation, que Marcétait parti. Aucun des autres élèves de la classe nesemblait être au courant de rien. Je redoutais d’entendredes rires, des chuchotements sur mon passage, mais riende tout cela ne s’est produit. IL ne m’avait donc paspiégée. J’ai souffert durant des années. Puis j’ai faitsemblant d’oublier. Je me suis mariée. Très vite, j’ai eumes deux garçons. Je me croyais heureuse, jusqu’au jouroù, par un réseau social, il m’a recontactée. Nous avonséchangé sur différents sujets. Il a fini par m’avouer sahonte de m’avoir tant fait souffrir. Il ne m’a jamaisoubliée. Cette histoire était stupéfiante. Je songeais trèssouvent à lui. Ses lèvres, sa langue, son corps avaientlaissé une empreinte indélébile dans ma bouche et sur mapeau. Je lui en ai tellement voulu de m’avoir abandonnéeainsi, après ce langoureux baiser. Selon lui, il étaittotalement tombé amoureux de moi et me respectait troppour me « salir » alors qu’il savait très bien qu’il nepouvait rien me promettre pour la suite. Nos cheminss’étaient donc croisés à cet instant, le jour de Pâques sousle chêne de mon adolescence. Le chêne de Pâques, c’est

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ainsi que je l’avais surnommé. Il m’arrive d’y retournerparfois. Je m’assieds au pied du bel arbre et je revis mespremiers émois.

Il y a quelques jours, voici ce que j’ai reçu : « Si tu lesouhaites, rendez-vous au même endroit, même jour,même heure, afin de reprendre là où nous en étionsrestés ». Imaginez alors ce que j’ai pu ressentir en lisantce message. La petite Marie, l’adolescente de 17 ans,allait revivre ses premiers frissons, vingt-cinq ans plustard. Partagée entre colère, crainte et excitation, j’aipourtant décidé de me rendre au pied de mon chêne. J’aipassé du temps à me préparer. Mon corps a changé, je mesuis affinée, malgré mes deux grossesses, mais je n’ai plusla fraîcheur de l’époque. Je suis un peu fanée. Je n’aijamais trompé mon mari. Cependant, la perspective decet écart de conduite m’excite. Je ne me pose aucunequestion, je ne souffre d’aucune culpabilité. D’ailleurs, ilse peut que rien ne se passe entre LUI et moi. Peut-êtrequ’il ne sera pas au rendez-vous. Cette idée me mine biensûr, je la chasse aussitôt de mes pensées.

J’habite désormais à dix kilomètres du chêne, jeprends donc mon véhicule. Je me gare à proximité d’uneautre voiture. Peut-être est-ce la sienne. Je marchejusqu’à l’arbre et m’assieds, comme autrefois. Je fermeles yeux quelques instants. J’entends des pas derrièremoi, puis une voix. Je frissonne.

- Bonjour Marie !

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Je me lève d’un bond, le dévisage. Il a pris un peud’embonpoint, mais il est toujours séduisant. Jereconnais ses yeux, son sourire. Il est mal rasé et sescheveux, grisonnants sur les tempes, sont ébouriffés,comme à l’époque. Mon cœur tambourine dans mapoitrine. Comme aimantés, nous nous avançons et nousprenons dans les bras. Il retire la pince qui maintient mescheveux en arrière.

- Marie, tu es si belle ! Si tu savais comme j’ai enviede…

Ses dernières paroles sont englouties par nos bouchesqui se mêlent, nos langues qui jouent ensemble. Le désirencore plus intense nous fait frémir et gémir. Je sens sonbassin se frotter au mien. Marc dégrafe mon chemisier,sans délicatesse, tout en m’accompagnant sur le sol où jeme laisse choir. Il caresse mes seins, puis descend la têteà leur niveau et les embrasse, mordille les mamelons quise durcissent. Son autre main caresse l’intérieur de mescuisses. En ce jour de Pâques, je me sens belle dans leregard langoureux de mon amant. Je déboutonne sachemise. Ses doigts s’aventurent sous mon slip. Je gémisde volupté, et me cambre en caressant son torse velu.J’exulte ! Je suis vivante ! Sentant son membre gonflédans son jean, je le libérer en ouvrant sa braguette. Nosgeignements s’accentuent. Je désire tant qu’il me pénètre.Nos sueurs se mêlent. Jamais je n’ai ressenti autant dedésir pour mon mari. Je chavire, me cabre encore etencore et lui crie :

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- Viens, mon amour !

- Coupez ! C’est bon Sophie ! Tu as été géniale,comme d’hab ! Christophe aussi, rien à dire ! Eh lesenfants, c’est bon je vous dis ! C’est pas un pornoqu’on tourne là !

Éclats de rire autour des deux comédiens. Le preneurde son se bidonne et fait trembler le micro suspendu à laperche. Le réalisateur s’approche du caméraman, suivipar son assistante.

- Bon les tourtereaux, vous allez vous reposer un peupour vous remettre de vos émotions, j’aimerais re-prendre la scène avec les deux ados. Mathilde, tu teremets assise sous l’arbre. N’oublie pas, tu as ta pe-tite robe et tu as froid. Thomas, tu arrives derrière ettu t’adresses à elle ! Ok ? Tout le monde est enplace ? C’est parti ! Moteur !

Les comédiens quarantenaires laissent la place auxdeux jeunes gens et partent dans le van qui leur sert deloge. Ils n’osent pas se regarder. Après un long silence,Sophie prend la parole :

- Je suis désolée Chris, je ne sais pas ce qui m’a pris.

L’homme vient derrière elle, pose la main sur sonépaule. Elle frissonne. Son visage s’empourpre.

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- Ne t’inquiète pas, je me suis laissé emporter moiaussi ! Disons, que nous sommes d’excellents comé-diens au point de vivre la scène comme si nousétions les personnages du scénario.

Sophie sent le regard de son partenaire sur sa nuque.Elle lève les yeux sur le miroir et le voit derrière elle. Il luisourit. Ses yeux en disent long. Ils pétillent de malice.Elle peine à réajuster son maquillage. Il poursuit :

- Et pour être honnête, c’était très agréable.

Elle sourit timidement.

- Il s’est passé un truc étrange sous cet arbre en fait.Comme si… comme si, ce n’était plus un rôle. J’avaisla nette impression d’être cette Marie.

- Je suis déçu. Je pensais que c’était à toi que je fai-sais cet effet-là et pas à Marie !

- Si bien sûr, enfin je ne sais plus. Laisse tomber !

- Non !

La jeune femme se retourne, sans comprendre.

- Comment ça, non ?

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- Je n’ai pas envie de laisser tomber. J’ai ressentiquelque chose de très fort sous l’arbre. Un désir foupour toi Sophie. Et ce désir est toujours intense. Ilfallait que je te le dise.

- C’est l’arbre qui veut ça. Par contre, tu connais la findu scénario.

- C’est vrai, ce n’est pas terrible comme dénouement !

Il acquiesce, s’assied aux côtés de sa partenaire, prendsson visage entre ses mains et l’embrasse. Elle se laissealler encore chamboulée par tous les messages de soncorps perçus quelques minutes auparavant.

- Nous continuerons plus tard, dès que tout le mondeaura quitté les lieux. J’ai tellement envie de toi !

Le soir, toute l’équipe du tournage partie, les deuxcomédiens retournent sous le chêne de Pâques. Ilssentent le désir chatouiller à nouveau leurs corps. Ils fontl’amour, se donnant l’un à l’autre, sans tabou, espérant nepas terminer comme Marie et Marc, assassinés par lemari jaloux.

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La résurrection de l’assassinSandrine Décembre

Je vous ai laissé à Noël. Souvenez-vous. J’avais fui cethomme une nuit.

J’ai vécu cette nuit-là un coup de foudre cérébrallibératoire. J’ai subitement vu en lui la froideur etl’absence totale d'empathie. Il a suffi d’un regard. Unseul. Et l’esquisse d’un sourire au bord de ses lèvres dechanteur. Je vous rappelle qu’il exerce le métier dechanteur et que la France entière l’aime et le lui faitsavoir. Mais revenons à cette nuit. Celle de ma fuite. J’aifui, car j’ai compris en un regard, que j’étais en danger demort. Un assassinat silencieux, prémédité et sans aucuntémoin, aucune preuve se préparait sous mes yeux. Il metuait à petit feu.

Car lorsqu’il aime, il tue. En douceur, mais ces heures

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ne sont pas si douces. Son mode opératoire est pervers àsouhait. Il vous “suicide”.

Et pourtant, avant que je ne croise son regard videcette nuit de fuite, je le trouvais gourmand, alors qu'ilétait tout simplement détestable. Il me semblaitgourmand en effet parce qu'il aimait lire, composer etparce qu'il faisait se succéder concert après concert,créations sur créations, passage en studio sur passage enstudio, écriture d'un recueil de poésies puis, préparationd'un recueil de nouvelles. Il me bluffait et me bluffeencore.

Il entretenait aussi des rapports proches et lointains àla fois avec ses admirateurs. Il communiquait avec euxd'une bien étrange façon.

Lui qui n'avait jamais aimé les moyens decommunication offerts par internet s'était tout à couppassionné pour les médias sociaux. Toutefois, il necommuniquait pas sous son propre nom, mais il s'étaitcréé des profils et des identités numériques nombreuses.

Il se désincarnait alors au fil du temps délivré de sapropre identité pour échanger avec ses fans sous lesprofils d’identités numériques empruntées dans uneinfidélité presque troublante à lui-même.

Voilà l'homme étrange et le génie de la poésie et duchant avec lequel je vivais. Voilà aussi celui que j’ai quittéà Noël.

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Voilà aussi celui que je rejoins à Pâques.

Car cet homme qui joue si bien avec les mots s'estimmiscé en moi au plus profond de mon âme, de mesdésirs, de mes hormones, de mes ovaires. Et de tout lereste.

Je ne pensais pas que les mots puissent faire autant debien et de mal à la fois.

J'ai appris avec lui que lorsqu'ils sont utilisés sijustement et précisément ils peuvent tuer dans unpouvoir égal à celui des coups assénés par un hommeviolent, fâché, capricieux.

Cet homme génial et troublant, je l'aimaisinconsciente, émerveillée.

Son corps avait fini par me plaire presque autant queles mots qu’ils glissaient à mon oreille pour m’engourdirafin de mieux me posséder.

Une nuit je me suis donc réveillée en sursaut. Je venaisde comprendre à quel point cet homme était un monstre.La révélation fut brutale.

J'ai été arrachée de mon sommeil par le fantôme d'unefemme. Je n'ai jamais su qui elle était. Elle neressemblait en rien à son ancienne compagne. Suicidée.Le lendemain de cette révélation brutale, j’ai quittéBiarritz pour rejoindre Belfort afin de m’éloigner de lui

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par 999 km qui sont autant de façons de me protéger deson emprise.

Du jour au lendemain, ma vie a changé, protégée parce fantôme féminin. J'ai repris avec difficulté l'exercice demon métier d'enseignante à l'université.

Je me réveille en effet de façon douloureuse et je mecouche chaque soir, inquiète, vide et frustrée par unesolitude affreuse. Mais je suis vivante.

Puis, voilà que Pâques approche. Nous allons nousrevoir. Un projet nous réunit. Une interview est prévue.

Nous allons devoir nous exprimer sur ce projet. Unlivre commun. Nous allons écrire des nouvelles.Ensemble. Notre duo surprend. Comment un chanteurtatoué de la tête aux pieds choisit-il en effet d’écrire àdistance avec une universitaire ? Car personne n’a eu ventde notre histoire “d’amour”, personne n’a su que nousavions partagé le même toit. Et, derrière votre écrand’ordinateur, vous vous demandez peut-être pourquoi j’aiaccepté de travailler avec lui, à distance ?

Je vais rapidement vous l’expliquer. Car notreinterview est dans dix minutes et je vais donc devoir vouslaisser.

J’ai accepté parce que je suis une proie et une victime.Je le sais.

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Je ne suis pas née pour l’être, mais j’ai grandi auprèsd’un être froid, manipulateur et pervers. Elle m’a utilisée,détruite et le seul amour que j’ai eu n’est pas de l’amour.J’ai connu des gestes glaciaux, un regard froid, desmanipulations, son insatisfaction permanente que j’aitenté en vain de combler. Je suis une enfant blessée. Jeressemble à ces femmes battues lorsqu’elles étaientenfants. Nous sommes de celles qui ne connaissentqu’une mauvaise et unique définition de l’amour. Nousrecherchons donc les coups sans savoir pourquoi.

Puis un jour, j’ai compris que je fonctionnais ainsi. Jeme suis crue un instant sauvée. Mais ce n’est pas sisimple. La blessure est profonde. Je n’ai en effet aucunrepère, aucune idée de ce que peut être un amourvéritable. Mon corps et mon âme sont donc attirés par ceque j’ai connu de l’amour d’une mère perversenarcissique. Cet amour unique, mais odieux, je n’auraidonc de cesse de le reconnaître et de le rechercher. Jeserai donc attirée par cet amour destructeur et séduitepar des assassins manipulateurs dont les meurtres sontinvisibles à vos yeux. Et si ce n’est pas lui, il sera remplacépar un autre. J’ai donc choisi de me laisser piéger ànouveau par lui. J’ai fait de mes faiblesses, un sujet dereportage. Je suis sa proie. Il est mon prédateur. Je mesonde. Je le sonde. J’étudie mon naufrage et son crime.Je travaille donc avec lui. Mais à distance.

Je vous laisse à présent. Le journaliste est arrivé. Jel’entends rire aux mots d’humour de Bernard. Je vais lerejoindre en ce lundi de Pâques. Car après tout, si je dois

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perdre la vie, je préfère que ce soit auprès de lui, car cetassassin-là a au moins du talent.

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Panique à Pâques

Daniel Durand

Comme tous les matins, Pamphile Labruyère se leva àsix heures quinze. Dimanche de Pâques ou non, la traitedes vaches doit se faire à des horaires réguliers et pourBranchette, c'était six heures trente et dix-huit heurestrente. Cinq minutes de retard seulement suffisaient àfaire pousser des meuglements angoissés à cette bravebête pourtant très placide. À croire qu'elle avait unmécanisme d'horlogerie dans la tête.

Une toilette sommaire sur l'évier de la cuisine -en cedébut des années 1950, la salle de bain était encore unluxe réservé aux demeures bourgeoises- avant d'enfilerrapidement chaussettes, chemise et pantalon, un bol decafé au lait agrémenté d'une petite lichette de gouttedistillée maison pour se donner du cœur à l'ouvrage, etdirection l'étable.

Pamphile n'était pas paysan, mais ouvrier dans unedes nombreuses usines textiles de la région. Simplement,

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en ce temps-là, mis à part les citadins ne pouvantdisposer d'aucun petit bout de terrain, les genssubvenaient par eux-mêmes à la majeure partie de leursbesoins alimentaires. Un champ permettait la culture despommes de terre dont on consommait annuellement àl'époque entre cent vingt-cinq et cent cinquante kilos parpersonne. Le potager, quant à lui, fournissait la quasi-totalité des autres légumes et les épices : haricots verts,petits pois, carottes, tomates, choux, salades,concombres, oignons, aulx, échalotes, cornichons...

Quelques lapins pour la viande, trois ou quatre pouleset une cane pour les œufs, et si l'on disposait d'un présuffisamment grand pour lui permettre de pâturer, unebonne laitière. Sur la vingtaine de litres produits chaquejour par la Branchette, Labruyère en conservait trois pourla consommation familiale, et le reste était vendu à desvoisins n'ayant pas la chance de pouvoir, comme lui,élever une Montbéliarde.

Peut-être n'est-il pas inutile d'expliquer le nom pour lemoins curieux dont cette vache était affublée. LorsquePamphile l'avait ramenée de la foire, il avait dit à safemme :

- Vu qu'elle est brune, on l'appellera Brunette.

La Léontine avait écarquillé les yeux.

- Parce que tu la vois brune, toi... ?

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- Ben oui. Brune, avec de grosses taches blanches.

La femme avait haussé les épaules.

- N'importe quoi ! Comme toutes celles de sa race,cette bête a de grosses taches, oui, mais brunes. Sacouleur dominante, c'est le blanc. Alors, ce seraBlanchette.

Son mari avait ricané :

- C'est ça, comme la chèvre de Monsieur Seguin.

- D'abord et d'une, la chèvre de Monsieur Seguin, elles'appelle Blanquette, pas Blanchette. Et de deux, tuvois une vache blanche s'appeler Brunette, toi ? Ceserait totalement ridicule.

- C'est vrai. Comme Blanchette pour une vache brune.

- Elle est blanche !

- Elle est brune !

- Elle est branche !

Prenant tous deux conscience au même moment dulapsus de Léontine, ils avaient éclaté de rire.

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- Eh bien, lui avait dit son mari, je crois que le sort adécidé pour nous. Ce sera un mélange des deuxnoms : Branchette.

Alertée de sa venue par le grincement de l'anse du seaudestiné à la traite, la vache était déjà levée à l'arrivée dePamphile. Comme à l'accoutumée, l'homme lui adressaquelques mots, tout en lui frottant le mufle d'un poingaffectueux.

- Alors, ma belle, on est prête à donner tout son bonlait ?

Il commença par nettoyer la mamelle de l'animal,installa son tabouret, avant de placer le récipient sous lepis puis de commencer, fermement, mais sans brutalité, àtirer les trayons.

Après la traite, il se rendit au poulailler pour récolterles œufs de la veille. Le local était dépourvu de fenêtre eton n'y voyait pas très clair, mais les poules pondaienttoujours au même endroit. Ce matin-là, le premier qu'ilempoigna lui parut avoir une texture bizarre. Il sortitpour l'examiner à la lumière, et écarquilla les yeux.

- Ça alors... C'est un œuf en chocolat !

Cette constatation amena un sourire à ses lèvres.

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- Pour sûr, c'est une blague des garnements du pays.Sans doute les fils au Finfin Lambert. Toujours àfaire des farces, ces deux-là.

À Pâques, le boulanger pâtissier du village, SéraphinLambert, proposait également à la vente de superbesréalisations en chocolat, œufs, poules, lapins ou cloches.À n'en pas douter, l'objet provenait de sa boutique.

Le commerçant était le père de Blaise et Marcelin, desjumeaux d'une douzaine d'années, deux chenapans à larecherche permanente d'un bon tour à jouer.

Par exemple, ils avaient un soir enfermé l'âne du pèreMathieu dans l'église. Au matin, entendant des braimentsdéchirants en provenance du lieu saint, la bonne deMonsieur le Curé avait conclu tout de bon que Satan avaitpris possession de l'édifice. Il lui avait fallu toute lajournée pour se remettre de sa frayeur.

Une autre fois, ils avaient subtilisé le canari del'institutrice et avaient mis un chaton à sa place dans lacage. Bien entendu, ils n'avaient fait aucun mal à l'oiseauchanteur, restitué par la suite, mais la pauvre demoiselleavait bien cru un moment que son petit compagnon àplume avait servi de casse-croûte au chasseur de souris.

Pamphile pénétra à nouveau dans le poulailler etdécouvrit deux autres œufs, en chocolat également.

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- Quand même, pensa-t-il, ces galopins auraient pules emballer, ils risquent d'être maculés de crotte depoule et ne seront même pas mangeables.

C'est alors qu'il prit conscience d'une bizarrerie.Normalement, il aurait dû entendre de menus bruits : uncaquètement, un gloussement, ou un petit battementd'ailes... Et aujourd'hui, rien. Comme si ses pondeusesavaient déserté les lieux, chose impossible puisque lelocal était fermé la nuit.

Labruyère appela :

- Petit, petit, petit...

Aucune réaction. De plus en plus intrigué, il retourna àla maison pour en revenir muni d'une lampe de pochedont le faisceau lumineux lui permit de découvrir laraison du silence inhabituel. À l'endroit où elles seréfugiaient pour passer la nuit, il y avait bien quatrepoules, mais elles aussi étaient... en chocolat !

Pamphile se renfrogna. La blague commençait àdevenir moins drôle.

- Les œufs, les poules... D'ici qu'ils m'aient fait lemême coup pour les lapins, y a pas des kilomètres.

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Prenant une gallinacée sous le bras, il se rendit auclapier d'un pas rapide. Bingo ! Dans les cages trônaienttrois fauves de Bourgogne, un papillon, un bélier français,et un magnifique géant des Flandres, tous en chocolat.

Pourtant, quelque chose clochait. Coulées dans desmoules, les gourmandises de Pâques représentent unesilhouette stylisée, relativement éloignée malgré tout decelle du modèle. Or là, le Géant des Flandres, parexemple, était d'un tel réalisme que si on l'avait placé àcôté d'un animal vivant, il aurait sans doute fallu attendreque ce dernier bouge pour pouvoir les différencier.

Labruyère s'approcha de la porte grillagée à presque latoucher. C'était absolument ahurissant. Tout y était, lesmoustaches fines comme un cheveu, les longues griffes, latouffe de poils de la queue.

Mais alors, les poules...

Eh oui ! À y regarder de près, celle qu'il avait emportéeoffrait la même précision dans le détail. C'était la copieparfaite, avec même un doigt en moins à la patte gaucheet une plume qui rebique à l'aile droite, de sa pauvreleghorn tirée un jour, non sans ce petit dommage, de lagueule d'un chien errant affamé.

Pamphile sursauta violemment, comprenant soudainl'épouvantable vérité. Même pour le plus habile desmaîtres chocolatiers, il était absolument impossibled'obtenir un tel résultat. Conclusion, ce qu'il tenait en

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main n'était nullement une reproduction de sa poule,mais l'animal lui-même dont les plumes, les os, la chair,la crête s'étaient transformés en chocolat...!

Il secoua la tête comme un boxeur groggy. La natureétait-elle devenue folle ? Ou alors, excédée par laprétention des hommes à vouloir la singer de simaladroite façon, voulait-elle leur donner une leçon enleur montrant à quel point ils étaient loin de pouvoirl'égaler avec leurs œufs, leurs poules, leurs lapins et leurscloches si grossièrement imités...? Et elle aurait choisipour ça la date symbolique de Pâques...

Œufs, poules, lapins, et... cloches ? Non, tout de mêmepas !

Labruyère se précipita à l'église et grimpa quatre àquatre les marches permettant d'accéder au clocher. Las,ses craintes étaient fondées. Si le poutrage desoutènement était toujours de bon bois et la corde enchanvre torsadé, le noble airain dans lequel avaient étécoulés l'instrument et son battant avait subi le même sortque les animaux de basse-cour.

Certes, sur son pourtour, on lisait encore clairementson nom -Bernadette- ainsi que celui de ses parrain etmarraine et la date de son baptême*, mais tout ceci étaità présent gravé dans du chocolat.

Pamphile retourna chez lui d'un pas lent, ruminant despensées moroses. Avant d'aller prévenir sa femme de la

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malédiction qui frappait le village -ou peut-être la terreentière, allez savoir- il repassa à l'étable pour récupérer lelait de la traite.

En empoignant le seau, il poussa une sorte de râle. Dulait, ce liquide brunâtre ? Non... du cacao... ! Il lâchal'anse du récipient et jeta machinalement un regard à laBranchette. Il sentit ses genoux fléchir et dut s'appuyer auchambranle de la porte. Si la Montbéliarde avait toujourssa belle robe blanche et brune, c'était parce qu'il existeaussi du chocolat blanc...

Complètement paniqué, il se précipita à la maison. Ilavait besoin de mettre Léontine au courant de cetteépouvantable catastrophe, d'en parler avec elle. Aucunelumière. Apparemment, elle n'était pas encore levée.Décidément, rien n'était normal aujourd'hui.

À peine avait-il poussé la porte de la chambre àcoucher qu'il poussa un grand cri. Ce n'était pas sonépouse qui reposait dans le lit. Ou plutôt si. Elle,mais...EN CHOCOLAT !

Tombant en pleurs à genoux à côté de la couche, ilremarqua de petites taches brunes sur les draps.

- Évidemment, vu la température régnant dans lapièce, la pauvre commence à fondre, il faut que je lamette dans un endroit frais. Qui sait ? Cette situa-tion n'est peut-être pas irréversible, elle va redeve-nir comme avant, reprendre vie.

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Il saisit sa conjointe dans ses bras, mais en seretournant, se prit les pieds dans la descente de lit ets'étala de tout son long, lâchant son précieux fardeau quis'écrasa au sol, se brisant en de multiples morceaux.

Pamphile poussa un hurlement démentiel et se mit àcourir à travers la pièce en criant :

- Au secours, j'ai cassé ma femme ! J'ai cassé mafemme... !

Il se sentit soudain violemment bousculé et eutl'impression de tomber dans un puits sans fond. Ouvrantles yeux, il constata qu'il se trouvait dans son lit, auxcôtés de Léontine en train de le secouer comme unprunier.

- Mais tu deviens complètement fou, mon pauvrebonhomme ! Qu'est ce qui te prend de braillercomme ça, à trois heures du matin, que tu m'as cas-sée ? Ah, je vois, Monsieur a fait un cauchemar gra-tiné. Monsieur n'a pas voulu m'écouter quand je luidisais de ne pas se goinfrer de chocolats comme il l'afait hier soir sous prétexte que c'est Pâques. Alors, lerésultat de sa gourmandise lui pèse sur l'estomac, eten voilà les conséquences. Eh bien ! j'espère qu'enplus tu auras une bonne crise de foie pour t'ap-prendre à me gâcher ma nuit.

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Le cadeau de Pâques

Nathalie Faure-Lombardot

Le week-end de Pâques, je l'aime autant que je l'exècre.Pourtant, depuis tout petit, les fêtes de Pâques étaientpour moi synonymes de joie, de retrouvailles. Toute lafamille se réunissait dans la ferme de mes grands-parents, nous nous retrouvions tous les douze, mes deuxfrères, mes cinq cousines, mes quatre cousins. Nousn'avions que quelques années de différence : quandj'avais douze ans, l'aîné, un de mes frères, avait seize ans,et la plus jeune, ma jolie cousine, en avait huit. Nosgrands-parents nous concoctaient une immense chasseau trésor qui nous prenait la journée. Nous courrions,fouillions le moindre taillis, faisions semblant de ne pasvoir tous les œufs pour que la petite Nina en trouve aussi.Nous rentrions en fin d'après-midi, des paniers remplisde chocolat, que nous n'avions parfois plus la force dedéguster… enfin, le jour même, car le lendemain déjà, nosprovisions avaient allègrement diminué. C'était lebonheur. Puis nous nous séparions, demandant quand

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nous nous reverrions, et papy répondait invariablement,avec sa voix de ténor : "Si Dieu le veut, à Pâques ou à laTrinité !". Sincèrement, je ne comprenais pas vraiment ceque Dieu venait faire là-dedans.

Les années ont passé, nous avons grandi, puis vieilli,mais Pâques restait notre point de ralliement sur lecalendrier. Puis un jour, quinze ans plus tard, undimanche de Pâques, je suis entré dans cette pâtisserie,au coin de la rue. J'étais à la bourre et je n'avais pas prisle temps d'acheter le moindre chocolat pour mes neveux,ni le moindre dessert pour mes parents. Je me suis trouvéface à une jeune femme qui a bouleversé ma vie, toi : mapetite étudiante qui arrondissait ses fins de mois envendant des trucs sucrés, comme tu le disais en riant. Jene sais plus ce que j'ai acheté ce jour-là, je ne suis mêmepas sûr d'être parvenu à aligner une phrase correctement.Je bégayais, balbutiais, j'étais fasciné. Je crois même quetu aurais pu me vendre le fonds de commerce à cemoment précis. Je me souviens juste que tu m'as venduquelques œufs surprise d'une qualité supérieure et d'unprix exorbitant. Je t'ai demandé si nous pouvions nousrevoir, et tu m'as répondu, le plus simplement du monde :"Allez savoir ? Peut-être à Pâques ou à la Trinité…". J'ailittéralement fondu devant ton sourire.

J'ai donc forcé mes parents à se goinfrer de pâtisseriestous les week-ends suivants, juste pour le plaisir de terevoir. Je me languissais toute la semaine, ne rêvant qu'àla promesse du vendredi : t'approcher de nouveau, teparler. Ah, je m'en suis tapé des Paris-Brest, des figues et

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des tartelettes aux fraises, jusqu'à ce qu'enfin, j'aiel'immense plaisir de goûter à ton fruit défendu… etsacrément défendu, d'ailleurs, car au cas où tu l'aiesoublié, tu m'as fait galérer un moment.

Nous avons connu les affres des premiers rendez-vous,la passion des premières nuits d'amour, le plaisir de seretrouver tout simplement, de nous sourire sans mêmenous parler. Cette complicité, qui nous surprenait audébut, est devenue une réalité de tous les jours. J'aisouhaité que tu viennes t'installer dans monappartement, et tu me répondais : "On verra… À Pâquesou à la Trinité… On a toute la vie devant nous ". J'avaisenvie de te hurler que la vie est courte, qu'il ne faut pasperdre de temps, même si le temps que nous passons ànous attendre, à nous désirer n'est jamais vraiment dutemps perdu.

Pâques est arrivé : tu ne m'avais pas menti ! Au lieu detrouver un lapin devant ma porte, ce dimanche-là, j'aidécouvert mon étudiante préférée, une valise danschaque main. Je n'osais y croire…

- Bonjour, je viens m'installer chez Malo, est-il là ouserait-il parti avec les cloches ? M'as-tu interpellée,hilare et moqueuse.

Ce fut le point de départ d'une année fantastique,merveilleuse, emplie de joie, de satisfaction, de réussite.Tu as obtenu tes examens, trouvé un emploi dans lafoulée. Tu te sentais à l'étroit dans ma garçonnière, tu

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disais que tu avais besoin d'espace pour assouvir tapassion, que je ne partageais pas vraiment à l'époque.Mais comment te refuser quoi que ce soit ? Il suffisait quetu me fasses ta moue d'enfant battue, tu sais ? Celle avectes grands yeux tristes et ton petit sourire en coin, quilaissait présumer déjà de ta victoire. Alors nous avonscherché la maison de nos rêves. Oh, rien d'exubérant oude tape-à-l'œil, plutôt un petit nid douillet, chaleureux,dans lequel nous espérions enfermer notre bonheur, depeur qu'il ne se sauve. Nous avons donc trouvé cettepetite maison au fond d'une impasse, avec un joli terrainarboré, entouré d'une barrière blanche et nous l'avonsachetée sans négocier, sans même hésiter. Nous avonsemménagé… une semaine avant Pâques ! Quelle rigoladequand nous nous sommes rendu compte que chacun ànotre tour, nous avions caché des œufs dans le jardin, àl'attention de l'autre.

Peu à peu, tu as évoqué le fait que la maison tesemblait souvent vide, il y manquait quelque chose.J'évitais le sujet, ne sachant que te répondre, et n'enayant d'ailleurs pas envie. Quand tu insistais, jerépondais laconique : « Qui sait ? Peut-être à Pâques ouà la Trinité… » Comment pouvais-je imaginer que tu meprendrais au mot ?

Pâques revint, avec ses cloches, ses lapins, sespoussins, ses œufs… Ceux que je découvris cette fois,devant notre porte, dans un charmant petit panier depaille tressée, me stupéfièrent, paralysant mes sens, mesmembres, mon cerveau : il s'agissait d'un œuf bleu et d'un

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œuf rose. Les lettres dorées dansaient devant mes yeuxsans que je comprenne d'abord leur sens : sur l'un étaitnoté Léo, l'autre portait la mention de Léa. J'ai d'abordcru à une plaisanterie, mais j'ai vite déchanté devant tonregard sérieux. D'abord ces prénoms… un peu tirés parles cheveux, non ? Et puis deux ? Un plus un ? Ce n'étaitpas ainsi que j'avais imaginé les choses… Enfin, ce sontdes sujets qui se discutent, qui se décident à deuxjustement ! J'avais vraiment l'impression d'avoir été misau pied du mur. D'ailleurs n'était-ce qu'une impression ?Bon, je n'avais plus le choix de toute façon. Et puis tu enavais tellement envie, tu semblais tellement heureuse. Ilallait juste falloir s'organiser. Se faire à l'idée, s'y prépareret… s'organiser.

Dire que je n'appréhendais pas, aurait été unmensonge. Je n'étais pas prêt, je n'en avais pas vraimentenvie. On était tellement bien tous les deux. Ça voulaitdire aussi, se préoccuper d'autres que soi, d'autres quetoi. En étais-je seulement capable ? Tu prenais toutl'espace, aussi bien dans ma vie que dans mon cœur. Il n'yavait plus de place disponible, plus de temps à leurconsacrer sans te sacrifier. Et toi ? Ne me négligerais-tupas à leur profit ? Étais-je jaloux ? Pas vraiment, maisinquiet, oui, sûrement.

Et pourtant, dès leur arrivée à la maison, j'ai comprisque tu avais gagné, qu'un cœur n'est jamais trop plein. Ilsétaient si adorables, un peu différents, mais tellementdébordants de vie, de douceur, de ressources. Commentde si petites choses pouvaient prendre tant de place dans

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une vie ? C'était tellement grisant, mais aussi terrifiant,de se rendre compte à quel point un être vivant pouvaitdépendre de vous. Très vite, je me suis demandécomment nous avions fait pour vivre sans eux. Etbizarrement, ils nous ont encore rapprochés, si tant estque nous nous soyons éloignés.

Puis Pâques est revenu : les cloches sont parties, maisce n'est pas le lapin de Pâques qui est venu frapper à maporte, ce samedi-là. Ce sont des messieurs en uniformebleu, avec des têtes pas titulaires du tout. Je necomprenais pas ce qu'ils disaient, je ne voulais pascomprendre. Je leur ai expliqué que tu étais partie enville, chercher les chocolats que nous avions commandéspour le lendemain, que tu n'allais pas tarder. Je necomprenais pas pourquoi ils me parlaient de camion,pourquoi ils voulaient que je les suive à l'hôpital, que jem'assoie peut-être un peu ?

Je n'avais jamais imaginé qu'on puisse passer dubonheur total au vide sans fond, du blanc au noir, sans lamoindre nuance, pas de gris, pas de degré intermédiaire,pas de solution miracle, que la douleur, la perte derepère, le vide, puis le questionnement. Bizarrement, lesseules questions qui tournaient en boucle dans ma têteétaient : pourquoi toi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoià Pâques ? Cette fête m'avait tout donné et venait de toutme reprendre… enfin pas tout. Il me restait Léo et Léa,sortis d'œufs rose et bleu.

Ils ont réagi mieux que moi, et plus rapidement

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surtout. Ils t'ont cherchée bien sûr, tu leur as tellementmanqué, tu leur manques encore aujourd'hui,certainement. Mais ils n'ont jamais rien lâché, surtout pasmoi. Ils ont su me tirer du néant, me forcer à avancer.Combien de fois ont-ils accumulé les pitreries jusqu'à ceque je sourie, voire que j'en rie. Et quand malgré tout, ilsn'y parvenaient pas, ils venaient se blottir contre moi,soupirant à qui mieux mieux, partageant ma détresse etma tristesse, me démontrant ainsi que je n'étais pas seul àsouffrir. Quand je me sentais au bord du gouffre, ilsuffisait que je croise le regard profond d'un des deux,pour relever la tête et retrouver mon équilibre, et je sens,je sais aujourd'hui que tu me parles à travers eux.

Petit à petit, j'ai retrouvé ma sérénité. La douleur esttoujours là bien sûr, mais je l'ai enfouie au fond de moi,comme si j'avais peur qu'on me la vole... Tu me disais enparlant d'eux qu'ils nous emmenaient chaque jour dans"un petit coin de paradis"… Ils font bien plus que ça enfait, ils diffusent de la douceur, de la tendresse, dubonheur pur et simple. Il suffit que je me laisse tomberdans le canapé pour qu'ils me sautent dessus, qu'ils sepelotonnent contre moi, qu'ils me câlinent commepersonne ne saurait le faire, pour que le brouillard sedissipe et que je retrouve un peu de ciel bleu.

Aujourd'hui, c'est dimanche… dimanche de Pâques, jeles regarde qui trépignent devant la baie vitrée, ils mejettent des regards plein d'envie, plein d'angoisse : va-t-ilouvrir ? Ils savent, ils sentent que des friandises sontcachées un peu partout dans le jardin. Je voulais oublier

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cette tradition, mais je n'ai pas pu : elle me colle auxbasques. Et puis tu serais tellement déçue, n'est-ce pas ?Je m'approche de la porte vitrée, je pose la main sur lapoignée : la tension est à son comble… J'ouvre et je lesregarde s'élancer comme des dératés : ils sontmagnifiques, plein de noblesse, d'agilité, leurs longuesoreilles au vent. Ils sont magnifiques, Léo et Léa, mesdeux… pardon, nos deux Cavaliers King Charles,découverts dans des œufs rose et bleu.

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Pâques pas comme les autres

Mélodie Lombardot

À ce moment précis, je me suis dit que j'avais peut-êtreraté quelque chose. C'était un de ces moments où jefaisais un genre de bilan : c'était donc ça, ma vie… Bon,d'accord, le moment du bilan était un peu mal choisi. Jeveux dire, ça vous arrive souvent de faire le point survotre existence au beau milieu d'une course poursuite,dans la rue, en pleine nuit ? Il faut croire que ça m'arrive,à moi. Et tandis que j'étais là, au milieu de la route,propulsé par mes puissantes pattes de lièvre, la truffe etles oreilles au vent, les voitures freinant et dérapantautour de moi pour ne pas me cartonner, la cible toujoursplus loin devant moi, ça m'a frappé : encore une superjournée pour le Lapin de Pâques…

Moi, c'est Lucien. Lucien le Lapin (je sais, ne ditesrien). Le Lapin de Pâques. Si, si, celui qui apporte lesœufs en chocolat aux marmots, tout ça… Mon prédé-cesseur, Germain, était plus trognon, il faut l'avouer, et il

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prenait son rôle de lapinou très à cœur. Un peu trop,d'ailleurs, puisqu'il a fini par prendre sa retraite pour sereconvertir dans la carotte. Quand c'est arrivé, ça a prisl'Agence des Fêtes et Mythes Populaires au dépourvu, etils n'ont pas eu d'autre choix : ils ont engagé Pete. C'estmoi, Pete, c'est mon nom aux États-Unis. Pete the Rabbit.Allez savoir pourquoi, je trouve que la conversion enfrançais est tout de suite moins classe… Bref, j'airemplacé Germain à patte levée. Même si je fume trop etque mon blouson en cuir sont autant de « mauvaisesimages pour les enfants ». D'abord, en réalité, je suis unlièvre ! J'évite de le rappeler, c'est vrai, les Françaisseraient capables de m'appeler Geneviève (ou Guenièvre)le Lièvre… Oh, vous savez, il y a des avantages à faire cetravail : onze mois de congés payés, défraiement, ticketsrestau… Et surtout, je bosse avec Carrie. Ah… Carrie, majolie, ma mimi, ma sexy petite souris… Oui, oui, Carrie lapetite souris des dents, pourquoi cette question ? Bon,peu importe. Il y aussi les autres collègues : il m'arrive decroquer deux ou trois beignets et de boire quelques pintesavec Arlequin, le chef du Département « Carnaval », etPatrick, le Leprechaun de… la Saint Patrick. De temps entemps, on invite Jérèm', Père Noël stagiaire audépartement « Fêtes de fin d'année ». Je mène la bellevie, quoi ! En dehors du mois d'avril, où il faut seremettre au boulot… Et la course poursuite ? Ah oui. Il vafalloir que je vous en raconte un peu plus pour que vouscompreniez. Quand on m'a filé le poste, on m'a confié laCloche. Non, ce n'est pas une secrétaire, c'est une petitecloche en argent, que je fais teinter après chaque livraisond’œufs. Elle me téléporte illico chez les gosses suivants…

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en plusieurs exemplaires ! C'est pas mortel, ça ? Sans elle,je ne pourrais jamais assurer toute la livraison de Pâques,ce serait impossible. C'est un objet auquel je tiens un peu,voyez-vous. Or, plus tôt ce matin…

- Faut que j'aille m'acheter des clopes, grommelai-jeen tâtant les poches de mon blouson dans l'espoir detrouver une petite rescapée à griller. Eh, les mecs,vous n'avez pas vu ma Cloche ?

Patrick grogna quelque chose d'inintelligible d'une voixpâteuse, écrasé sur le divan de mon bureau.

- Patrick, on te l'a déjà dit, les pintes, c'est à la SaintPatrick ! réprimanda Arlequin de sa jolie voix chan-tante.

- Et alors ?

- Et alors c'est déjà passé, ignoble ivrogne vert !

- Come on, se moqua Patrick, tu l'as dit sans ba-fouiller, cette fois !

- La Cloche, les gars ! insistai-je, agacé.

Arlequin, hilare comme à son habitude, haussa lesépaules devant mon regard noir. Appuyé dos au mur, iltenait une boîte de beignets, dont il s'empiffrait

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allègrement. Ce que ce type peut avaler sans prendre ungramme ! La porte claqua à ce moment-là. Cupidondébarqua comme une flèche dans mon bureau. Surpris,Patrick lâcha une jolie éructation sonore.

- Mes chéris, c'est la panique, expliqua posément Cu-pidon.

Mon humeur ne s'allégea pas. Comprenez-moi : untype en jupette débarque chez moi pour m’appeler« chéri »…

- Allons bon, quoi encore ? soupirai-je.

- Tu ferais mieux de ramener ton croupion de lapin à lafabrique, et pronto, répliqua Cupidon, sèchement, si tune veux pas te faire sonner les cloches… On a un grosproblème.

Assurément, ça sentait le civet. J'ai donc décidé desuivre le type en jupette, jusqu'à la fabrique de chocolat,tenue par M. Wonka. Un regard bref suffit à Arlequinpour qu'il comprenne et me suive. Il en fallut plus pourPatrick. Mais il en faut toujours plus pour Patrick.

- Salut les garçons, où vous courez, comme ça ?

Je freine immédiatement le pas, et je me jette au-devant de Carrie. En lissant mes oreilles vers l'arrière,mine de rien.

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- Eh, eh, salut poupée, comment ça va ?

- Bof, trois molaires et une incisive en une nuit, sanscompter les cadeaux à livrer : les mômes sont deplus en plus gâtés pourris. Je suis lessivée, mais tusais ce que c'est.

Cupidon se racla la gorge, brisant le charme.Décidément, celui-là ne m'aidera jamais avec Carrie, c'estun comble ! Il doit avoir une dent contre elle… L'urgenceme revint en mémoire. Carrie décida de nousaccompagner à la fabrique, curieuse. Lorsque nousarrivâmes là-bas, l’infâme odeur du chocolat fondu,brassé par tonnes, nous attaqua les narines. Et sans nouslaisser de répit, Jérèm' nous courut sus, se jeta à mesgenoux en joignant les mains et en hurlant :

- Oh, bon sang, Lucien, tue-moi tout de suite !Achève-moi !

- Minute… j'aime bien savoir pourquoi je massacreles stagiaires. Qu'est-ce qui… ?

Sous mes yeux tous ronds tous trognons, dans unraffut de tous les diables, d'énormes œufs en chocolatsortent de la machine. Ils ne sont pas très… appétissants.Disons que, outre le fait que ces œufs en chocolatétaient… VIVANTS, la plupart d'entre eux était pourvuede pattes de crabes ou d'insectes, ou de tentaculesdégoûtants, certains d'ailes de chauve-souris, et tous

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ouvraient une immense gueule pleine de crocs. Je craquaiun peu :

- Jérémy, mon chou… QU'EST-CE QUE T'AS FOUTU ?

- Attends, je vais t'expliquer ! On m'a collé à la fa-brique d’œufs de Pâques cette semaine. Et j'ai étédébordé ! On a tous été débordés ! Alors j'ai deman-dé un peu de renfort… C'est le fils du Patron qui m'aenvoyé des mecs… mais je crois qu'il avait changéun peu trop d'eau en vin pour fêter la Résurrection…Parce qu'il m'a envoyé des gars du Département du« Mythe de Cthulhu » ! Regarde le résultat ! Et… Lu-cien, je suis désolé… Pour être partout à la fois, jet'ai emprunté la Cloche… Mais je l'ai lâchée dans lebaril de chocolat, parce que je suis qu'une gourde !Maintenant, en plus d'être super effrayants, les œufspeuvent se téléporter et se dupliquer !

- Tu avais raison, Jérémy… JE VAIS TE MASSA-CRER !

Je saisis le père Noël stagiaire par le col et je luisecouai la tête à en décrocher son cerveau.

- C'est pas ma faute ! piailla-t-il en se dégageant. LePère Noël m'a dit qu'un traîneau de fonction et desrepas compris à la cantine, c'était déjà pas mal pour

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un stagiaire ! Il n'a pas voulu me prêter sa chausset-tetéléporteuse. C'est méchant, non ? geignit-il en semassant le cou. C'est pour ça que je t'ai piqué…

Je ne l'écoutais déjà plus. Il fallait agir vite, si je voulaissauver Pâques ! (Et mon job…).

- Arlequin, trouve-moi le Poisson d'Avril, qu'il sautedans ce baril de chocolat, et qu'il me sorte cette fou-tue Cloche ! Cupidon, fais diversion auprès du Pa-tron et de Wonka : il ne vaut mieux pas qu'ils ap-prennent ce qui se passe ici... Carrie et Pat, avecmoi : Arlequin, tu nous retrouves au traîneau defonction. Et toi, mon gars, tu vas venir avec nous…

J'attrapai Jérèm' par la capuche rouge de Père Noëlqu'il portait, avant qu'il ne s'esquive sur la pointe despieds.

- Que le personnel stoppe la production immé-diate-ment et mette de l'ordre dans ce bazar ! Les Chtul-hu, vous rentrez dans votre département. Et que çasaute !! Et qu'on m'apporte un café…

Carrie me tendit un café, en me dévisageant de ses jolispetits yeux noirs, avec un sourire coquin.

- J'adore quand tu joues les chefs, mon lapin…

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Grrr… Oui, bon, on n'a pas le temps de batifoler ! Nousquittons la fabrique d'un pas décidé, et nous nousdirigeons vers le parking souterrain de l'Agence, oùattend le traîneau de fonction. Petit traîneau rouge tirépar quatre petits rennes. J'arque un sourcil (si on peutdire…).

- Ben quoi ? se vexe Jérèm'. Tu pensais qu'ils me refi-leraient la huit rennes de mon chef ? Je suis sta-giaire, je te rappelle : S-T-A-J-I-R !

Oui, passons aussi. Arlequin nous ayant rejoint, nouspouvons décoller. Façon de parler. Un quatre rennes nevole pas.

La ville était déjà dans un triste état… Des œufs enchocolat, géants et monstrueux, sillonnaient les rues oules survolaient, et les plongeaient dans le chaos. L'und'eux, doté d'une paire d'ailes ridiculement petite, voletade-ci, de-là, et alla s'écraser contre une façade.L'explosion nous ébranla, nous vrilla les tympans et nousroussit le cuir.

- Sérieusement ? souffla Arlequin, les yeux écar-quillés.

- Le type des effets spéciaux a eu la main lourde, lâ-cha Patrick.

Je me disais aussi… Le traîneau s'arrêta en dérapant

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sur les pavés de la place centrale. Autour de nous, lesgens fuyaient en hurlant, les bras au-dessus de la têtepour se protéger des œufs volants, les voitures freinaientdans des crissements de pneus suraigus, ou leurs alarmesantivols piaillaient à m'en percer les oreilles. Noussemblions invisibles dans ce chaos, et nous étions sidéréspar cette scène.

- Eh ben alors, les mecs ? nous invectiva Carrie.

Sous nos yeux écarquillés (et ceux bovins et vitreux dePatrick), Carrie plongea les mains sous sa veste, pour lesressortir serrées sur deux énormes flingues.

- C'est l'heure de la chasse aux œufs, lâcha-t-elle surun ton digne de Rambo.

Ça, c'est ma souris ! Et elle avait raison. Enfin réveillés,nous nous décidâmes à nous armer. Patrick sortit de songrand chapeau vert un lance-bière et Arlequin se servit deses talents de magicien pour tirer de la poche de sonpantalon en soie bariolée un délicat bazooka. Jérèm'sortit de son traîneau un fusil à fléchettes calmantes :pour quand ses rennes se font la malle, nous explique-t-ilsobrement. Ainsi parés, nous pouvons commencer. Lesœufs explosent sur notre passage, répandant leurchocolat sur les trottoirs. Plus gore qu'une pub pourChocapic. Je vous passerai les détails, mais en résumé,nous n'y sommes pas allés de main (patte?) morte ! Et letype des effets spéciaux non plus. Il nous fallut venir àbout de centaines d'œufs, encore et encore, qui tentaient

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de nous mordre, de nous étrangler de leurs tentacules… !Ce fut une sacrée bagarre. Quand nous pensâmes quec'était terminé, nous nous jetâmes des regards ravis etbrillants de joie guerrière, haletants. Quand tout à coup,je sentis un truc me grimper dans le dos. Carrie poussaun cri. Patrick aussi :

- Bouge pas !!

Vous vous êtes déjà pris dix litres de bière en jet dansla figure ? C'est moins marrant que ça en a l'air. Jedéconseille. La force du flux me projeta contre un mur, etl'œuf monstrueux éclata en mille morceaux dans mondos. J'étais trempé de bière et de chocolat, bonjour lemélange. Tandis qu'Arlequin invectivait Patrick, queJérèm' se tordait de rire et que Carrie m'aidait à merelever, une voix nous interpella :

- Alors, les gars ? Comment ça se passe ? On s'éclate ?

Nous levons les yeux vers le porche de la mairie. Phil,le Poisson d'Avril, se tient devant nous, droit dans sesécailles. Il a l'air drôlement content de lui, le bougre.

- Comme tu peux voir. Merci pour le coup de main,ironise Arlequin.

Phil éclate de rire, faisant naître quelques bulles quiflottent en l'air avant d'éclater.

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- Je savais que vous aimeriez ma blague… POISSOND'AVRIL !!

- C'est toi qui as monté ce désastre ?! s'indigne Carrie.

Phil entame une petite danse de la joie pour confirmer.J'apprendrais plus tard que Phil avait profité de ce que leFils du Patron fêtait copieusement la Résurrection pourlui glisser l'idée d'envoyer les Cthulhu aider à la fabriquede chocolat. Il trouvait ça très, très drôle… Tout ça… Toutce cirque… Une blague ?! Je vis rouge. Lui arracher lesécailles une par une… Lui faire bouffer ses branchies !

- Lucien ? s'inquiéta-t-il devant ma trogne de lapintueur. C'était qu'une vanne, Lucien, détends-toi !

- YAAAAH !

- Aaaaaah ! hurle-t-il en s'enfuyant.

Et voilà où nous en sommes. Course poursuite, bilan,tout ça. Croyez-le ou non, mais un poisson qui risque definir en friture, ça court drôlement vite ! Pour finir, mêmeavec ma vitesse de lièvre de compète, je n'ai jamais réussià le rattraper. Ce lâche a bondi dans une rivière. Mais ondit que l'histoire a vite été étouffée et que le Fils duPatron a viré Phil pour le remplacer par Bill. Tout est bienqui finit en queue de poisson. Il ne me restait plus qu'àme doucher.

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Arlequin proposa une réunion dans son département,pour lever un verre à notre réussite, et au mois d'avrilpourri qui s'annonçait. Heureusement que ma Clocheavait été retrouvée… Je n'avais toujours pas eu decigarettes, tiens… Jérèm' déclina l'offre :

- Cette histoire a fait de moi un homme, nous dit-il, etj'ai pris une décision. Je vais déclarer ma flamme àMarie-Noëlle.

C'était la fille du Père Noël.

- Et tant pis si elle me préfère Jean-Balthazard !

C'était le fils du Père Fouettard. Jérèm' nous salua surces bonnes paroles.

- Je lui donne un quart d'heure avant de revenir enpleurs, fit Pat.

- Amen ! renchérit Arlequin, en s'envoyant un bei-gnet.

Cupidon, toujours en jupette, entra sur ces entrefaites(entrefêtes ?), et se lança dans un glorieux discours pournous féliciter. Je profitai qu'il accapare toute l'attentiondes autres pour me tourner vers ma petite souris.

- Tu sais, Carrie, maintenant que tout est rentré dansl'ordre, il faut que je te pose une question…

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Une question que je mourais d'envie de lui poser,depuis des jours, maintenant. Je plongeai mon regarddans le sien, et d'une voix suave, lui demandai :

- C'est quoi le rapport entre Pâques et la Résurrec-tion ?

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La belle Ondine

Isabelle Lorédan

Perle de notre beau pays, la vallée du Dessoubre estun lieu incontournable et chargé de mystère. Les eauxvives et pures s’écoulent dans un paysage invitant aurêve et à la méditation. Lecteur, je t’invite, à travers mesmots, à laisser voguer ton imagination et à entrer dansun monde fabuleux…

Il fut un temps, pas si lointain, où les habitants de cettevallée vivaient en parfaite harmonie avec la nature. Ilsvivaient de la terre, qu’ils cultivaient et dont ilsnourrissaient leurs bêtes, et de l’eau, généreuse, qui leurfournissait bon nombre de poissons délicieux, et autresécrevisses. L’hiver, qui était long et rigoureux, ilss’enfermaient dans leurs fermes, où ils fumaient dans lesthuyés saucisses et jambons, mais où ils travaillaient

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aussi le bois. Meubles et objets divers naissaient ainsi deleurs mains calleuses mais au combien habiles.Nombreux étaient aussi moulins et scieries, qui faisaientla richesse du pays.

C’est dans cette vallée qu’habitait une pauvre femme.Veuve depuis de longues années, elle vivait chichementde son lopin de terre, aidée par son fils, Louis. « LeLouis », comme on l’appelait ici, était un solide gaillardde vingt ans. Travailleur acharné, il ne renâclait pas à latâche, allant se louer de ferme en ferme, pour aider sapauvre mère. De distractions il n’avait point, trop épuisépour aller danser le dimanche comme les jeunes de sonâge. Son seul plaisir, c’était le soir, lorsqu’il allait flâner lelong des berges du Dessoubre. Parfois, il pêchait, à lamain, et ramenait des truites pour le dîner. C’était alorsfête à la maison, car l’ordinaire était souvent constituéd’un brouet et de pain noir.

C’est le long de ces rives qu’il l’aperçut pour lapremière fois, resplendissante dans le soleil déclinant.Une beauté sauvage qui ne ressemblait en rien à ce qu’ilavait déjà pu voir. Un corps filiforme et souple, unelongue chevelure noire qui tombait à la taille, un visageaux traits fins qu’illuminaient des yeux aux reflets d’or.Jamais Louis ne l’avait vue et pourtant, il pouvait direqu’il connaissait chaque âme de la vallée, qu’elle soitd’homme ou de bête. Ne se sachant pas observée, la jeunefemme dansait, pieds nus dans l’herbe tendre, sous leregard envoûté de son spectateur caché.

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Glissant sur une branche morte, Louis se retrouva d’uncoup aux pieds de la jeune fille amusée.

- Eh bien joli monsieur, tu es en bien mauvaise pos-ture ! Voilà ce qu’il en coûte d’épier les honnêtesfilles !

Rouge de honte, Louis s’excusa et se présenta à la belleinconnue. Il était bien maladroit, n’ayant point l’habitudedes femmes. Oh ! Certes, il agaçait parfois les filles de larégion, mais ils avaient grandi ensemble, et étaient quasifrères et sœurs. Là, rien de comparable. Du coup, iln’avait plus de repères…

- S’cusez mam’zelle. Je suis le Louis, j’habite la fer-mette un peu plus haut. Ne voyez point de mal, maisvous étiez si belle ! Jamais de ma vie, je n’ai vuquelque chose d’aussi beau j’vous jure.

Un éclat de rire cristallin lui répondit aussitôt.

- Quelque chose ? Serais-je donc une chose ? Voilàqui est nouveau… Répondit-elle en s’esclaffant.

On m’appelle Ondine, et je vis ici et ailleurs, fille duciel et de l’air. Heureuse de faire ta connaissanceLouis. Je vois peu de monde dans cette vallée, maisça me va bien. J’aime la solitude, comme tu as pu leremarquer.

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Ils bavardèrent ainsi un long moment. Ça n’est quelorsque Louis vit le soleil se coucher, qu’il prit consciencede l’heure tardive. La mère devait se demander où il était,ça n’était pas dans ses habitudes de rentrer si tard, et quiplus est bredouille.

- Reviens ici demain, je t’y attendrai. J’aime ta com-pagnie, tu es franc et sincère, et ça me plaîtbien. N’oublie pas surtout… Dit Ondine en agitant lamain pour un dernier au revoir.

C’est le cœur battant que Louis regagna la ferme cesoir-là. Comme il s’y attendait, la mère se rongeait lessangs de ne pas le voir revenir, et il dut faire preuve depersuasion pour la rassurer. De sa rencontre, il ne parlapoint, gardant son doux secret pour lui. La nuit venue, ilrêva de l’envoûtante jeune femme. À n’en point douter, ilétait amoureux, ce qui était nouveau pour lui.

Durant ce temps, sur les berges du Dessoubre baignéespar la lumière surnaturelle d’une lune pleine, une scènepeu ordinaire se déroulait. Une étrange créature, au longcorps recouvert d’écailles et aux ailes déployées,serpentait sur l’herbe fraîche. Sa tête dressée fièrementilluminait l’endroit d’un éclat particulier. En effet, uneescarboucle de rubis et d’or l’ornait majestueusement,formant un œil unique sur son visage. La Vouivre, carc’était bien d’elle qu’il s’agissait, regarda alentour,s’assurant que nulle présence humaine ne rôdait dans lesparages. Puis de ses pattes courtes et griffues, prit le

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joyau, et le déposa précautionneusement sur le rivage,avant de gagner les eaux froides qui étaient son domaineréservé. Elle y nagea longuement, avec un plaisir nondissimulé. Comme chaque soir, elle se ressourçait dansles eaux vives. C’est aux premières lueurs du jour qu’elleen sortit, reprenant sa parure avant de disparaître,s’envolant par-delà les futaies.

Le lendemain, Louis ne pensait plus qu’à une chose,retrouver sa belle amie après sa journée de travail. Il mitencore plus d’ardeur, pressé qu’il était de terminer satâche. En un rien de temps, cette femme avait chamboulésa vie. Après de longues heures de labeur, il fut enfinl’heure du rendez-vous. Il arriva essoufflé, tant il s’étaithâté. Ondine l’attendait, assise dans l’herbe, jouant à fairetourner une fleur entre ses longs doigts.

- Bonjour mon ami. Sais-tu que j’ai compté lesheures, tant j’avais hâte de te revoir ? T’ai-je man-qué au moins, lui demanda-t-elle.

- Pour sûr que tu m’as manqué ! Tu es une magi-cienne, car je ne me reconnais plus depuis hier. J’ai,comme qui dirait, la tête à l’envers. Quel sort m’as-tu jeté pour me chambouler ainsi ?

- Sort ? Me prends-tu donc pour une sorcière ? Pointde sort ici mon cher Louis. Mais je comprends ce

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que tu veux dire, moi aussi je me sens étrange de-puis notre rencontre.

Le soleil était encore haut dans le ciel, et l’été finissantoffrait une chaleur bienfaisante. D’un commun accord, ilsdécidèrent de se baigner. Louis s’écarta, à l’abri desbuissons, pour se défaire, ne gardant que son caleçon. Ilreçut un coup au cœur, lorsque, reparaissant, il découvritOndine dans la plus grande nudité, ses longs cheveuxd’ébène coulant sur sa poitrine.

- Allez, viens donc avant qu’il ne soit trop tard ! L’eauest bonne je t’assure… Mais… Je te fais peur, que tun’oses avancer ?

- C’est que… tu es…

- Nue ? C’est donc cela qui te gêne ? Mais dans quelletenue veux-tu que je me baigne grand nigaud ! Faisdonc comme moi ! A-t-on idée d’aller à l’eau vêtu,s’esclaffa Ondine, amusée par la gêne de son ami.

Maladroitement, il obéit et bientôt tous deuxs’ébattirent gaiement dans l’eau vive, nageant, plongeant.Le rire cristallin d’Ondine retentissait entre les roches,faisant écho aux chants des oiseaux. Mais alors qu’ilss’amusaient, Louis fut pris dans un tourbillon et disparut.Ondine partit aussitôt à sa recherche, inspectant lesfonds. In extremis, elle le trouva entre deux eaux,inconscient. Sa tête avait heurté un rocher. Elle le ramena

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à la rive, et l’allongea sur les pierres chaudes. Il étaitblanc, respirait à peine. Sa peau blanche était marbrée debleu. Il fallait le réchauffer, sinon le pire était à craindre.Elle avait trop vu d’hommes, passer de vie à trépas, decette façon.

Méticuleusement et avec ardeur, elle entreprit defrictionner de ses mains chaque parcelle de son épiderme,collant son corps contre lui pour lui transmettre un peude sa chaleur. Louis, reviens… Ce n’est pas l’heure pourtoi de quitter ce monde ! J’ai besoin de toi l'exhorta-t-elle, tout en continuant ses frictions.

Au bout de quelques minutes, il ouvrit enfin les yeux,découvrant le beau visage au-dessus du sien, sentant lesmains parcourir son corps. Doucement, il la prit dans sesbras. Leurs bouches s’unirent en un baiser passionné.Émerveillés, ils découvrirent leurs corps et surtout lesdélicieuses sensations qu’ils leur procuraient.

- L’heure est avancée Louis, il te faut rentrer ou tamère va encore s’inquiéter. Tiens, j’ai péché cetaprès-midi, ramène donc ces poissons, ça lui feraplaisir. Je t’attendrai ici tous les jours mon amour…Tu me manques déjà !

Il partit la mort dans l’âme, malheureux qu’il étaitd’abandonner sa belle. Il mangea peu ce soir-là, sur-prenant sa mère.

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- Si c’est point malheureux ! Pinailler ainsi sur uneaussi belle truite ! Tu gâches, mon gars. T’es pasdans ton assiette, je l’vois ben, dit la mère.

Louis, perdu dans ses pensées ne l’entendait mêmepas, ce qui la fit râler d’autant plus.

- C’est-y point Dieu possible d’voir ça ! Il écoutemême pas sa mère ! Si tu n’manges point, vas t’oc-cuper des bêtes, au lieu de rêvasser ! C’est pointl’ouvrage qui manque.

La vieille était en colère. Son fils ne l’avait pas habituéeà cela. Il y avait du jupon là-dessous, elle en était sûre.Quoi d’autre ?

Il était déjà parti. Après un passage à l’écurie, pourpanser les bêtes, il décida de retourner à la rivière. Ilcourut à travers bois, dévalant les pentes rocheuses quimenaient à la berge. De loin, il aperçut une lueur étrange,avant de découvrir un spectacle auquel il ne s’attendaitpas.

La Vouivre était là, ailes déployées, posée sur la rive.L’escarboucle illuminait la nuit du rouge vif de son rubis.Il la reconnut de suite, elle ressemblait trait pour trait aupersonnage de la légende qu’on racontait, lorsqu’il étaitenfant, le soir à la veillée. Jamais il n’aurait pensé larencontrer. Émerveillé, il contempla le spectacle quis’offrait à lui durant un long moment. Il faudrait qu’il en

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parle à Ondine, il ne pouvait garder pour lui seul ce secretfabuleux. Il regagna la ferme fort tard, épuisé de tropd’émotions, ignorant que sa mère l’avait précédé de peu.Lorsqu’elle l’avait vu quitter l’étable, elle avait décidé dele suivre, pour percer le mystère de son changementsoudain.

Les jours passèrent ainsi, les rendez-vous se succé-dèrent, renforçant le lien amoureux qui unissaitdésormais Louis et Ondine. Il lui avait parlé de ce qu’ilavait découvert, lui faisant jurer de n’en parler àpersonne. Elle avait ri avant de reprendre son sérieux etde lui faire une confidence.

La créature qu’il avait découverte au bord de la rivière,c’était elle. Louis était incrédule et pourtant… La Vouivreavait bel et bien deux vies. L’une de femme, tant que lesoleil brillait, et une autre de créature serpentine ailée dèsque la nuit tombait. L’escarboucle était alors son œil,celui qui lui permettait de voir en toute chose, en touteâme, la vérité du monde. Dès les premières heures dusoir, elle regagnait son royaume, en se coulant dans leseaux vives de la rivière.

- Toi seul sais la vérité Louis. Je t’aime, et j’aiconfiance en toi. Depuis des siècles, je me protègede la cupidité des hommes, qui n’ont de cesse des’emparer de mon trésor. Mais tu n’es pas commeles autres. Tu es pur et droit. Tu ne me trahiras pas.

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Louis lui fit maints serments d’amour et de loyauté.Jamais il ne trahirait celle qu’il aimait, elle pouvait enêtre sûre.

Mais c’était compter sans la mère, qui voyait làl’aubaine tant attendue pour sortir de la misère.Secrètement, elle avait décidé de retourner à la rivière, etde profiter du bain de la créature pour s’emparer dutrésor. Ça serait la fin de leurs soucis, une belle vied’assurée !

C’est par une nuit sans lune qu’elle passa à l’action.Elle rejoignit le Dessoubre par des chemins détournés,prenant soin de ne faire aucun bruit. À l’abri des taillis,elle attendit patiemment que la créature arrive.

Un bruissement d’ailes annonça son arrivée. Elleplana, s’assurant que tout était tranquille, puis se posasur la berge. Méticuleusement, elle observa, puis sedépartit de son joyau, qu’elle posa, comme à son habitudedans l’herbe tendre. Puis son long corps écailleux se coulajusqu’à l’eau fraîche.

La vieille, qui n’avait pas perdu une miette de la scène,attendit qu’elle soit loin du rivage, puis sortit de sacachette et s’empara avec avidité de l’escarboucle avantde fuir à travers bois.

Un long cri lugubre fit trembler toute la vallée. Celui dela Vouivre à qui l’on avait volé son trésor. Elle surgit del’eau, ailes déployées, toutes griffes dehors, et survola les

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rochers boisés, à la recherche de celle qui l’avaitdépouillée. La retrouvant, elle l’emporta dans ses serres,jusqu’au sommet d’un rocher surplombant la rivière, etlui reprit son œil, qu’elle remit aussitôt en place.

- Qu’as-tu fait, malheureuse ! Sais-tu que d’ordinaire,tu devrais être morte, pour avoir ainsi cédé à ta cu-pidité ! C’est le sort que je réserve depuis la nuit destemps aux gens de ton espèce. Mais je ne peux tetuer… Une part de moi est aimée de ton fils, et jel’aime en retour. C’est donc à lui que tu dois la vie.Te tuer, serait tuer notre amour, et je ne puis m’y ré-soudre. Mais de ton acte, tu devras te repentir. Iln’est point de vie plus misérable que celle obtenuepar le vol.

La vieille tremblait de tous ses vieux membres, leregard baissé, honteuse de ce qu’elle avait eu l’audaced’entreprendre.

- J’vous d’mande ben pardon la Vouivre ! J’savionsplus c’que j’faisions. Tant d’misères, tant d’peinesm’ont fait perdre la tête. J’vous jure que j’recom-mencerons plus, sur la sainte bible ! » marmonna-t-elle

- J’ai la faiblesse de te croire. Mais ça ne me suffitpas. Je veux une garantie que tu ne t’opposeras pas

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à ce que ton fils prenne épouse, et quitte ta ferme. Jeveux que tu respectes son choix, et que tu honoressa femme, comme si elle était ta propre fille. » Ra-jouta la Vouivre

- J’jure, sur tout c’que j’ai de plus cher, lança lavieille, trop heureuse de s’en tirer à si bon compte.

- Bien. Je vais te ramener près de chez toi, et je neveux plus te voir la nuit hors de ta maison.

Elle se saisit de la vieille et s’envola jusqu’au petit boisjouxtant la fermette, où elle la libéra.

- N’oublie pas ta parole ! Je ne pardonnerai pas deuxfois, dit la Vouivre avant de repartir dans un bruis-sement d’ailes.

Quelques semaines plus tard, Louis et Ondine étaientofficiellement fiancés. Aux premières heures duprintemps, un beau jour de Pâques, on célébra les noces,dans la petite église du village. La jeune épousée avait misdans la corbeille de mariage, un joyau de toute beauté. Unénorme rubis serti d’or. Lorsqu’elle le donna à Louis, ellelui déclara :

- Aujourd’hui, puisqu’il me faut choisir, la Vouivrecède sa place à la femme. Cet œil ne lui sera plusutile, mais il est important qu’il ne fasse pas le mal-

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heur des hommes. Je te le donne, pour qu’en un lieusecret, il soit à jamais enfoui.

Ensemble, ils décidèrent de le mettre à l’abri, aux finsfonds de l’une des nombreuses grottes de la vallée. Ne medemandez pas laquelle, je vous vois venir, avides que vousêtes… Sa belle lueur rouge n’illumine désormais plus queles entrailles de la Terre, et plus personne ne s’entre-tuepour le posséder. De mémoire d’homme, plus jamais laVouivre n’est apparue à personne, sinon aux petits-enfants à qui l’on raconte toujours la légende.

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Les Trousseurs Textuels

Les Trousseurs Textuels est un collectif d'auteurs francs-comtois. Son but est de promouvoir l'écriture, la lecture et lestalents régionaux au travers d'événements divers et variés(lectures publiques, publications d'ouvrages collectifs...)

Six auteurs ont participé à ce second ouvrage collectif. Voustrouverez leurs courtes biographies dans les pages qui suivent.

Page Facebook : http://www.facebook.com/LesTrousseursTextuels/?fref=ts

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Isabelle Bruhl-Bastien est sophrologue depuis plusieursannées. Cette ancienne infographiste, originaire du Pays deMontbéliard, vit dans un petit village du Territoire de Belfort.Créatrice dans l’âme, elle s’est essayée à la peinture, mais c’estdans l’écriture qu’elle trouve sa passion. Elle est l’auteur de deuxromans à intrigue « Résurgence » et « Les secrets du cylindre »parus aux éditions du Citron Bleu. Elle a participé à l’écriture durecueil collectif de nouvelles « Noirs flocons » Editions du CitronBleu. En alliant psychologie des personnages, suspens et mystèresde la vie, elle fait voyager ses lecteurs sur les routes de France,notamment en Franche-Comté.

Isabelle a participé au premier recueil collectif de nouvelles desTrousseurs Textuels « Cinq nuances de Père Noël ».

Site de l'auteur http://isabellebruhlbastien.e-monsite.com/

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Sandrine Décembre est conférencière et consultante encommunication. Elle est spécialisée dans la gestion de la visibilitéen ligne des artistes et des auteurs. Elle travaille sur le “Chantier”des Francofolies, programme d'accompagnement de jeunesartistes. Elle est aussi à l'origine du Collectif A4 qui vient ensoutien aux petites salles de concerts. Enfin, Sandrine estCommandant Réserviste Citoyen chargée de la diffusiond'informations en ligne et d'ingénierie de projets culturels. Elletravaille actuellement à l'écriture d'un recueil d'histoires courtes autourde la Perversion Narcissique.

Sandrine a participé au premier recueil collectif de nouvelles desTrousseurs Textuels « Cinq nuances de Père Noël ».

Site de l'auteur http://sandrinedecembre.tumblr.com/

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Né en 1947 dans les Vosges, Daniel Durand a été atteint trèsjeune par le virus de l'écriture puisqu'il a composé ses premiersalexandrins dès l'âge de 10 ans. C'est pourtant un demi-siècle plustard seulement qu'il se décide à aborder la prose, explorant avecun égal bonheur des registres aussi différents que la politique-fiction « Un si long sommeil » le roman policier « Lavedette » – « Homicide par insouciance » l'humour« L'extraordinaire semaine de Monsieur Fluet » le fantastique« Aux limites de l'étrange » et même la parodie avec un«faux San-Antonio » très apprécié par les amateurs.

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Nathalie Faure Lombardot est originaire de la région deMontbéliard, technicienne de prestations, investie dans la vieassociative culturelle et sportive, amoureuse de la race canine, elleest auteur de plusieurs romans à suspens, tels « La fille del'ombre », « Au nom d'Elisa », « Amnésie », « L'autre », « Sansillusion », elle s'essaie à un nouveau genre d'écriture : la nouvelle.

Site de l'auteur : www.nathaliefaurelombardot.jimdo.com

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Née en 1994, Mélodie Lombardot, étudiante en psychologie àBesançon, écrit depuis ses plus jeunes années. Auteur denouvelles fantastiques « Blanche-colombe » parue dans le recueilAbominations, « Divine », ou encore « la Malepeste » et des deuxpremiers tomes d'une trilogie fantastique « Les Anges deLucifer » et « La Dulcinée du Diable », elle livre ici une nouvelle àla fois loufoque, absurde, fantastique et humoristique.

Site de l'auteur http://mellombardot.jimdo.com

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Isabelle Lorédan est l'auteur de nombreuses nouvellesérotiques publiées chez divers éditeurs (Blanche, Musardine ouDominique Leroy). En 2015, elle a signé un livre témoignagetraitant de violence conjugale « Les Bleus au corps », paru auxéditions Take Your Chance. Elle est également chroniqueuse etcorrespondante locale de presse pour un hebdomadaire haut-saônois.

Isabelle a participé et dirigé le premier recueil collectif denouvelles des Trousseurs Textuels « Cinq nuances de Père Noël »

Site de l'auteur http://isaloredan.wordpress.com

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INDEX

Le chêne de Pâques - Isabelle Bruhl-Bastien

La résurrection de l’assassin - Sandrine Décembre

Panique à Pâques - Daniel Durand

Le cadeau de Pâques - Nathalie Faure Lombardot

Pâques pas comme les autres - Mélodie Lombardot

La belle Ondine - Isabelle Lorédan

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