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Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

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FAO

Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

Ce guide sur Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

explique comment aider les populations à faire face à des conflits qui compromettent ou désorganisent la gestion des

ressources naturelles, entravent le développement, et provoquent des explosions de violence. Il montre comment on

peut utiliser les techniques de négociation et de recherche d’un consensus pour gérer un conflit et bâtir une

collaboration, et donne des indications pratiques, étape par étape, sur la manière d’établir et de gérer un processus

de négociations consensuelles faisant intervenir de multiples parties prenantes. Le guide s’adresse à des spécialistes

de la gestion participative/conjointe des ressources naturelles et de projets liés aux moyens d’existence ruraux.

Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la

gestion des ressources naturelles

par Antonia EngelBenedikt Korf

Préparé dans le cadre du Programme d’appui aux moyens d’existence (LSP)

Un programme intergouvernemental pour améliorer l’impact des activités visant à renforcer les moyens d’existence des populations rurales pauvres

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTUREROME, 2006

Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la

gestion des ressources naturelles

Les appellations employées dans ce produit d'information et la pré-sentation des données qui y figurent n'impliquent de la part del'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agricultureaucune prise de position quant au statut juridique ou au stade dedéveloppement des pays, territoires, villes ou zones ou de leursautorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

Tous droits réservés. Les informations contenues dans ce produitd'information peuvent être reproduites ou diffusées à des fins éducatives etnon commerciales sans autorisation préalable du détenteur des droitsd'auteur à condition que la source des informations soit clairementindiquée. Ces informations ne peuvent toutefois pas être reproduites pourla revente ou d'autres fins commerciales sans l'autorisation écrite dudétenteur des droits d'auteur. Les demandes d'autorisation devront êtreadressées au Chef du Service de la gestion des publications, Division del'information, FAO, Viale delle Terme di Caracalla, 00100 Rome, Italie ou,par courrier électronique, à [email protected]

© FAO 2006

Avant-proposCe guide conceptuel est le fruit d’un long travail qui n’aurait pas pu aboutir sans l’aide de nombreu-ses personnes.

Le guide a été préparé dans le cadre du Programme d’appui aux moyens d’existence (LSP) de laFAO, financé par le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID). Ils’appuie sur des matériels de formation publiés antérieurement par la Division des politiques et dela planification forestières de la FAO (FONP) sur la gestion des conflits communautaires liés aux res-sources naturelles, que le LSP a essayés sur le terrain, au Ghana. Les expériences de formateurs,de stagiaires et de coordonnateurs du programme ont été examinées, à l’issue de près de deux ansde formation et d’application des outils et des techniques sur le terrain.

A la lumière des enseignements tirés sur le terrain, il a été décidé de réorienter les matériels de for-mation antérieurs comme suit:

1. intégration de la gestion du conflit dans le cadre général de la gestion participative des ressourcesnaturelles et du concept des moyens d’existence durables en milieu rural; la gestion des conflitsest incorporée dans un certain nombre de processus qui aident à établir et à maintenir desprincipes et des pratiques mutuellement acceptables pour la gestion des ressources naturelles;

2. importance du choix des parties prenantes dans les options de gestion des conflits, avec enpremier plan une description pratique, étape par étape, des méthodes d’établissement et demédiation d’un processus de négociations consensuelles pour gérer un conflit et instaurer unecollaboration entre des groupes de parties prenantes;

3. reconnaissance des dimensions culturelles et sociales des différents styles de négociation et demédiation, afin de concevoir un processus de négociation flexible, qui puisse être adapté àchaque situation, et appliqué dans le monde entier.

L’une des conditions indispensables des Techniques de négociation et de médiation appliquées à lagestion des ressources naturelles est la reconnaissance de la multiplicité des caractéristiques socio-culturelles et des intérêts des populations en matière de gestion de l’utilisation des terres, des forêts,des zones marines et de leurs produits. Dans ces circonstances, les conflits sont souvent inévita-bles, mais le guide montre comment les principes et les outils de négociation et de médiation peu-vent être utilisés pour promouvoir un changement social positif et gérer un conflit de manière à pré-venir les effets destructeurs souvent associés à leur escalade.

RemerciementsNous tenons à remercier en premier lieu Kath Means et Cynthia Josayma, qui sont, avec EricNielsen et Vitoon Viriyasakultron, les auteurs des matériels de formation antérieurement publiés, carces matériels constituent les fondements de ce guide.

Les contributions de Peter Castro, Phillip Scott Jones et Kath Means nous ont également été précieuses.

Parmi les nombreuses personnes qui sont intervenues dans la mise en œuvre du programme de for-mation, nous tenons à citer en particulier: Pamela Pozarny du Bureau régional de la FAO à Accra etdu Bureau de la FAO au Ghana, et Ruby Naa Dagadu, qui se sont occupés des questions opéra-tionnelles et administratives; les membres du Comité consultatif qui nous ont donné des conseils surla gestion du programme de formation; les formateurs Emmanuel Bombande et Joe Tabaazuing ettous les stagiaires, en particulier Peter Asibey Bonsu, Emmanuel D. Eledi, Andrew Kuyipwa, PatriciaMarkwei, James Parker McKeown, Valerie Fumey-Nassah et Samuel Nketiah qui ont participé àl’Atelier de révision du matériel de formation.

Nous avons également été sensibles aux efforts des stagiaires qui ont documenté les expériencesacquises en appliquant leurs connaissances dans des situations de conflits tirées de la vie réelle,pour nous fournir du matériel analytique et attirer notre attention sur les défis spécifiques que posela gestion participative des ressources naturelles.

Un grand merci à Jan Johnson, Dominique Reeb et Rebecca Metzner qui ont fait avancer les idéesde ce programme de formation et fourni des informations en retour et des conseils durant la phasede mise en œuvre.

Nous remercions également Jane Shaw qui a fait tout le travail d’édition et de correction des épreu-ves, Cecilia Valli qui a conçu la mise en page et Aldo Di Domenico qui a préparé les illustrations.

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LE PROGRAMME D’APPUI AUX MOYENS D’EXISTENCELe programme d’appui aux moyens d’existence (LSP) de la FAO, 2001-2007, soutenu en partiepar le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID), contribue à ren-forcer l’impact des interventions de la FAO dans les pays, par l’application efficace des approchesrelatives aux moyens d’existence durables (SL).

Le programme LSP est né de la conviction que la FAO pourrait avoir un impact plus grand sur laréduction de la pauvreté et l’insécurité alimentaire si sa richesse en matière d’expertise et d’expé-rience était intégrée dans une approche d’équipe, plus flexible et plus orientée vers la demande. LeLSP vise à accroître les connaissances et l’application des principes et des approches concernantles moyens d’existence durables. Sa mise en œuvre est assurée par des équipes de fonctionnairesde la FAO qui s’intéressent à des thèmes spécifiques dans le contexte des approches concernantles moyens d’existence durables. Ces équipes interdépartementales et interdisciplinaires, ou sous-programmes, cherchent à intégrer les principes relatifs aux moyens d’existence durables dans lesactivités menées par la FAO au siège et sur le terrain. Ces approches s’appuient sur des expérien-ces de la FAO et d’autres institutions de développement.

Pour de plus amples informations sur le LSP et le Sous-Programme relatif à la gestiondes conflits liés aux ressources naturelles, prière de contacter par courrier électronique:[email protected] ou [email protected] de consulter le site Internet: www.fao.org/sd/dim_pe4/pe4_040501_fr.htm

Tables des matières

INTRODUCTION 1

Portée de ce guide 1

À qui s’adresse ce guide 4

Objectifs du guide 4

Efficacité des négociations consensuelles 5

Contenu du guide 6

Comment utiliser ce guide 7

Glossaire de terminologie 8

SECTION 1: INTRODUCTION AUX CONFLITS LIÉS AUX RESSOURCES NATURELLES,À LA GESTION PARTICIPATIVE ET AUX MOYENS D’EXISTENCE DURABLES 21

1.1 Qu’est-ce que les conflits de niveau communautaire liés aux ressources naturelle? 21

1.2 La gestion participative des ressources naturelles et les conflits 29

1.3 Conflits liés aux ressources naturelles et aux moyens d’existence durables 32

Résumé de la section 37

SECTION 2: LA GESTION D’UN CONFLIT 39

2.1 La nature du conflit 39

2.2 Les différentes options de gestion des conflits 46

2.3 Les modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC):les techniques de négociation et de médiation 53

2.4 La médiation dans les cultures pratiquant l’intervention directe et non directe 61

Résumé de la section 64

SECTION 3: CARTE DU PROCESSUS DE NÉGOCIATIONS CONSENSUELLES 67

3.1 Le rôle d’une tierce partie dans des négociations consensuelles 67

3.2 Les dix étapes de la gestion d’un conflit 73

3.3 Gestion du processus 77

Résumé de la section 86

SECTION 4: ENTRÉE 87

4.1 Pourquoi il est essentiel de préparer avec soin l’entrée 87

4.2 Étape 1: Préparation de l’entrée 88

4.3 Étape 2: Entrée sur la scène du conflit 91

4.4 Étape 3: Analyse préliminaire du conflit 93

Résumé de la section 97

SECTION 5: ANALYSE DU CONFLIT 99

5.1 Pourquoi l’analyse du conflit est essentielle 99

5.2 L’analyse du conflit en tant que processus 102

5.3 Les outils d’une analyse des conflits 103

5.4 Analyse des problèmes et des causes profondes du conflit 106

5.5 Identification et analyse des parties prenantes 109

Résumé de la section 114

SECTION 6: ÉLARGISSEMENT DE L’ENGAGEMENT DES PARTIES PRENANTES 117

6.1 Pourquoi l’engagement des parties prenantes est important 117

6.2 Étape 4: Engagement plus profond – Les parties prenantes analysent le conflit 118

6.3 Étape 5: Élaboration et évaluation des options de règlement 125

Résumé de la section 129

SECTION 7: LES NÉGOCIATIONS ET L’ÉLABORATION DES ACCORDS 131

7.1 Pourquoi les négociations et les accords sont importants 131

7.2 Étape 6: Préparation des négociation 133

7.3 Étape 7: Facilitation des négociation 137

7.4 Étape 8: Élaboration de l’accor 149

Résumé de la section 152

SECTION 8: LA SORTIE 155

8.1 Pourquoi une stratégie de sortie est importante 155

8.2 Étape 9: Suivi et mise en œuvre de l’accord 155

8.3 Étape 10: Étude de la stratégie de sortie 160

Résumé de la section 162

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ANNEXES 163

ANNEXE I: GESTION PARTICIPATIVE DES RESSOURCES NATURELLES 165

Gestion participative 165

Le cadre politique: Les circonstances sont-elles favorables? 166

Conclusion 173

ANNEXE II: GUIDE PRATIQUE POUR L’ANALYSE DES CONFLITS 175

Analyser un conflit 175

Les outils d’analyse des conflits 176

Outil de base 1: Analyse des causes profondes 178

Outil de base 2: Analyse des problèmes 184

Outil de base 3: Identification et analyse des parties prenantes 191

Outil de base 4: Analyse des 4R – droits, responsabilités, retombées et relations des parties prenantes 196

Outil complémentaire 5: Ligne de temps du conflit 205

Outil complémentaire 6: Cartographie des conflits liés à l’utilisation des ressources 208

ANNEXE III: ÉTUDES DE CAS 211

Étude de cas 1: Gestion de la forêt communautaire de Bawumpila 213

Étude de cas 2: Conflit relatif au détournement du fleuve Bosoko dans la zone humide d’Amansuri 226

RÉFÉRENCES 235

T A B L E D E S M A T I È R E Svii

Tableaux, figures et encadrés

TABLEAUX

Tableau 2.1 Points forts et limites des systèmes coutumiers de gestion des conflits 50

Tableau 2.2 Points forts et limites des systèmes juridiques nationaux 51

Tableau 2.3 Points forts et limites des modes alternatifs de gestion des conflits 52

Tableau 2.4 Intervention directe et non directe dans la gestion des conflits 63

Tableau 3.1 Exemples de problèmes d’information et solutions possibles 83

Tableau 5.1 Outils d’analyse des conflits 105

Tableau 7.1 Activités et réalisations du processus de négociations 138

Tableau 7.2 Exemple de déclaration d’objectifs communs 143

Tableau 7.3 Accords forts ou accords faibles 151

FIGURES

Figure 1.1 Cadre des moyens d’existence durables 34

Figure 2.1 Les stades d’un conflit 42

Figure 2.2 Progressivité des approches de gestion des conflits 46

Figure 2.3 Efficacité des approches consensuelles selon le type de confit 60

Figure 3.1 Niveaux de facilitation 68

Figure 3.2 Carte du processus 73

Figure 6.1 L’«oignon du conflit»: distinguer les intérêts des positions 122

Figure 6.2 Renforcer les possibilités de collaboration: passer des positions aux intérêts 123

ENCADRÉS

Encadré 1.1 Gestion participative et gestion des conflits 30

Encadré 1.2 Principes directeurs relatifs aux moyens d’existence durables 35

Encadré 1.3 Négociations consensuelles 37

Encadré 2.1 Conflit et violence 39

Encadré 2.2 Détecter un conflit latent 43

Encadré 2.3 Résumé des réactions à un conflit 48

Encadré 2.4 Les quatre principes fondamentaux des négociations consensuelles 55

Encadré 2.5 Renforcement des capacités et renforcement du pouvoir 58

Encadré 3.1 Contenu et processus 68

Encadré 3.2 Impartialité et neutralité 70

Encadré 3.3 Sessions séparées ou réunion commune ? 75

Encadré 3.4 Prendre en considération les connaissances locales 84

Encadré 4.1 Les personnes-ressources 90

Encadré 4.2 Les «consultations-navettes» 97

Encadré 5.1 Questions clés pour faciliter l’analyse du conflit 101

Encadré 6.1 Rôle et fonctions des parties prenantes secondaires 119

Encadré 6.2 Procédures de découverte des intérêts 124

Encadré 6.3 Les principes directeurs du brainstorming 126

Encadré 6.4 Directives concernant la BATNA 128

Encadré 7.1 Questions utiles pour préparer un processus de négociation 136

Encadré 7.2 Réunions traditionnelles 140

Encadré 7.3 Règles fondamentales proposées 141

Encadré 7.4 Élaboration de critères d’évaluation des options – un exemple concret 146

Encadré 7.5 Les caractéristiques d’un accord durable 150

Encadré 8.1 Neuf critères pour une mise en œuvre réussie des accords 157

Encadré 8.2 Liste récapitulative des arrangements de suivi 159

Encadré 8.3 Un mélange de réflexion et d’émotion 161

T A B L E D E S M A T I È R E Six

Introduction

PORTÉE DE CE GUIDENe serait-ce pas fantastique de parvenir à gérer efficacement les ressources naturelles et à trouverle juste équilibre entre les impératifs de développement et de conservation? De savoir s’y prendrepour aider les gens à résoudre les conflits, évitant ainsi que ceux-ci compromettent ou perturbent lagestion des ressources naturelles, freinent le développement ou dégénèrent dans des explosions deviolence? De contribuer à créer des opportunités et à renforcer les capacités des populations pourqu’elles soient mieux à même de résoudre les problèmes qui surviennent dans le domaine de lagestion des ressources naturelles, et de favoriser l’établissement de bonnes relations entre les indi-vidus?

Ce guide montre comment les techniques de négociation et de recherche d’un consensus peuventêtre utilisées pour gérer un conflit et bâtir une collaboration. Il donne des conseils pratiques, décritsétapes par étapes, sur la manière de procéder avec de nombreuses parties prenantes différentespour parvenir à des accords satisfaisants pour tous dans le domaine de la gestion participative desressources naturelles. Comme tel, le guide porte donc sur les moyens d’existence des populations,et sur les facteurs qui influencent leurs modes de vie et leurs conditions de travail. Il porte aussi surla durabilité – qui consiste à concilier les objectifs de conservation et de développement pour répon-dre aux besoins présents et futurs des hommes et des femmes.

Mais avant d’aller plus loin, qu’entend-on au juste par «négociations» et «consensus»?

Lorsque des personnes discutent entre elles pour tenter de résoudre un conflit qui les oppose, ondit qu’elles négocient. Celles qui interviennent dans une négociation sont appelées «parties». Lesnégociations peuvent être simples ou complexes. Les premières se font entre deux parties (parexemple, des hommes et des femmes d’une communauté locale tentant de trouver un accord surl’utilisation des terres, le contrôle des terres boisées, les engins de pêche, etc.), agissant en leur pro-pre nom ou pour le compte d’autres personnes qu’elles représentent. Les secondes font intervenir

de multiples parties, par exemple des hommes et des femmes d’une communauté locale, des institu-tions gouvernementales, des entreprises nationales et multinationales, des politiciens, des institutionsinternationales de développement et des organisations non gouvernementales (ONG). Il faut savoirque nul ne peut être contraint de s’engager dans une négociation, car il s’agit d’un acte volontaire.

Dans certaines négociations, les parties opposées sont tellement empêtrées dans les divergencesqui les séparent qu’elles ne sont plus capables de trouver par elles-mêmes une solution construc-tive. Dans ces situations, il peut être bon de faire appel à une «tierce partie» – un facilitateur, oumédiateur1 - dont le rôle consiste à aider des individus ou des groupes à négocier et à parvenir àune entente satisfaisante.

L’autre mot clé dans ce guide est consensus. Il ne signifie pas que chacun obtient ce qu’il veut, niqu’un accord a été décidé à l’unanimité, ni même à la majorité des voix. Il y a consensus lorsquechacun a le sentiment que ses intérêts ont été pris en compte et que l’accord est acceptable – onaurait peut être voulu un peu plus ici, et un peu moins là, mais on peut convenir que l’on vivra mieuxen s’accommodant des résultats d’une négociation.

Le but des négociations consensuelles est de parvenir aux meilleurs résultats possibles pour le plusgrand nombre ou du moins à un résultat acceptable pour tous. La recherche d’un consensus est unecaractéristique fondamentale de la gestion participative des ressources naturelles, dans laquelle denombreuses parties prenantes différentes, telles que l’État, les communautés, des ONG et le sec-teur privé, se consultent pour convenir de l’approche la plus appropriée pour se partager la gestion,les droits et les responsabilités découlant de certaines ressources naturelles spécifiques (forêt,cours d’eau, littoral marin, ou pâturages).

Les négociations consensuelles ne sont donc pas seulement une approche de gestion des conflits.Elles ont un rôle important à jouer, en aidant les individus à développer et à améliorer les compé-tences, les connaissances et les réseaux sociaux dont ils ont besoin.

Comment est-ce possible? Des gens différents voient le monde différemment, de même qu’ils ontdes besoins, des atouts et des objectifs différents. Des négociations consensuelles peuvent lesamener à comprendre ces différences, à trouver un arrangement et à en tirer parti d’une manièreavantageuse aussi bien pour eux que pour la communauté. Les relations peuvent être renforcées etun climat de confiance peut être instauré. La prise de conscience des obstacles qui freinent le déve-loppement peut être accrue, et la capacité de les identifier et de les surmonter améliorée. Les négo-ciations consensuelles peuvent renforcer les arrangements qui règlementent l’accès aux ressourcesnaturelles et leur utilisation. Elles peuvent aussi contribuer à accroître les revenus et les avantagesen améliorant la gestion des ressources naturelles.

De nombreux arrangements de collaboration efficaces sont issus de solutions nouvelles à desconflits déjà anciens sur les ressources naturelles. On en déduit qu’un conflit peut être un élément

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1. Pour les définitions des termes “facilitateur” et “médiateur”, se reporter à la section 3.1.

créatif et utile dans une société. Toutefois, une plus grande participation des parties prenantes auxdécisions peut aussi accroître les risques de conflit, principalement pour deux raisons:

� Des personnes, des groupes et des institutions différents ont de nombreux intérêts divergents ence qui concerne l’utilisation des ressources naturelles, et ils peuvent être incompatibles.

� Les gens, les groupes et les institutions ont aussi des types de pouvoirs différents et une influenceplus ou moins grande sur les négociations et l’issue d’un conflit. Ceux qui ont plus accès àcertains types de pouvoir tendent à influencer en leur faveur les décisions relatives auxressources naturelles.

Les divergences qui sont à l’origine d’un conflit résultent d’une compétition entre des individus et desgroupes à propos de biens matériels, d’avantages économiques, de propriétés foncières et du pou-voir. Lorsque des parties ont le sentiment que leurs exigences ne peuvent pas être satisfaites, ouque leurs valeurs, leurs besoins ou leurs intérêts sont menacés, il peut être nécessaire d’interve-nir d’une manière ou d’une autre pour tenter de résoudre le différend et d’éviter une escalade qui leferait dégénérer dans un conflit destructeur et violent.

L’anticipation et la gestion des conflits sont donc des ingrédients essentiels de la gestion participa-tive des ressources naturelles. La grosse difficulté est de gérer les différends de manière à conser-ver les avantages qu’ils créent (possibilités de comprendre les points de vue des autres personnes,extension des moyens d’existence possibles ou occasions de changement et de développement),tout en atténuant leurs inconvénients (graves perturbations, stagnation ou absence de développe-ment, voire violence).

Les objectifs de la gestion des conflits sont les suivants:

� identifier un conflit latent et le résoudre de façon constructive (le conflit latent est étudié dans unautre chapitre);

� prévenir l’escalade d’un conflit existant;

� mettre à profit un conflit pour promouvoir un changement social positif.

Ces approches ne se suffisent pas à elles-mêmes. Elles devraient, dans la mesure du possible, êtrepleinement intégrées dans un cadre général de gestion participative s’appuyant sur des processusqui conduisent à des avantages et à des résultats positifs pour tous.

I N T R O D U C T I O N3

À QUI S’ADRESSE CE GUIDE?Ce guide s’adresse à des spécialistes de la gestion participative/conjointe des ressources naturel-les et des projets liés aux moyens d’existence ruraux. Il sera utile aux vulgarisateurs, aux conseil-lers d’organisations gouvernementales et non gouvernementales, d’institutions de développementet d’entreprises privées qui souhaitent apprendre à guider les individus dans un processus de négo-ciations consensuelles.

Les formateurs pourront s’y référer pour préparer leurs cours sur la gestion des conflits liés aux res-sources naturelles, alors que les stagiaires pourront le lire durant leur formation et par la suite,lorsqu’ils mettront en pratique ce qu’ils auront appris pour gérer un conflit.

Le guide s’adresse à des lecteurs qui connaissent déjà les approches coopératives de gestion desressources naturelles, et en ont déjà fait l’expérience dans le cadre d’activités de foresterie commu-nautaire, de pêche artisanale à petite échelle, de gestion intégrée des bassins versants, etc.

OBJECTIFS DU GUIDELe présent guide donne des conseils pratiques sur l’approche à adopter pour établir et gérer un pro-cessus de négociations consensuelles multilatérales en rapport avec la gestion participative des res-sources naturelles et avec d’autres projets relatifs aux moyens d’existence.

Le guide est surtout centré sur les situations de conflit dans lesquelles on fait appel à une tierce par-tie (médiateur) pour que des négociations consensuelles puissent avoir lieu et avoir de bonneschances de succès.

Il est essentiel de choisir une bonne stratégie, apte à résoudre un conflit particulier. La meilleureoption stratégique est parfois de «ne rien faire». Aucune approche n’est à elle seule efficace danstous les cas car chaque conflit concerne des problèmes et des gens différents. C’est pourquoi leguide présente et passe au crible quelques-uns des avantages et des inconvénients de diversesapproches de gestion des conflits (notamment des systèmes coutumiers, juridiques ou alternatifs)pour aider les spécialistes à déterminer celle(s) qui semble(nt) le mieux convenir au cas qui les inté-resse.

Le guide donne des indications au lecteur pour lui permettre de décider si une négociation consen-suelle est la stratégie la plus pertinente pour résoudre un conflit spécifique. Celui-ci y trouvera dessuggestions et des recommandations pour:

� faciliter des négociations et une entente entre des individus, des groupes ou des institutions quicroient que leurs objectifs sont incompatibles;

� amener les individus à avoir une vision plus large des intérêts et des besoins réciproques;

� encourager les gens à ne pas se braquer sur des positions souvent émotionnelles et rigides.

En résumé, les objectifs du guide sont les suivants:

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� expliquer les retombées (positives et négatives) que les conflits liés aux ressources naturellespeuvent avoir sur la gestion participative de ces ressources et les moyens d’existence durables;

� présenter diverses approches de gestion des conflits (systèmes coutumiers, juridiques etalternatifs) pour permettre de choisir en connaissance de cause la méthode la plus appropriée;

� présenter les principes des négociations consensuelles, en tant que méthodologie permettant derégler de manière constructive les conflits liés aux ressources naturelles;

� décrire le processus et les techniques de négociations consensuelles;

� sensibiliser les médiateurs à leur rôle et à leurs responsabilités, en tant que tierces parties dansune négociation consensuelle.

EFFICACITÉ DES NÉGOCIATIONS CONSENSUELLESLes négociations consensuelles sont plus efficaces pour résoudre certains types de conflits qued’autres. Ainsi, les conflits découlant d’intérêts divergents concernant l’utilisation des ressourcessont négociables alors que ceux liés à des besoins fondamentaux comme l’identité, la sécurité, lareconnaissance ou la participation équitable au sein de la société ne le sont généralement pas. Lestechniques de négociation sont donc moins utiles pour apaiser des tensions structurelles sous-jacentes et identifier des conflits, que pour résoudre des différends liés à l’amenuisement des res-sources.

Étant donné que des tensions structurelles sous-jacentes jouent souvent au niveau régional ounational (régimes juridiques contradictoires ou se chevauchant, inégalités réelles ou perçues dansle système socio-économique ou politique plus large, etc.), on tend à les régler à l’aide de mesurestelles que réformes des politiques, ajustements structurels, démocratisation et/ou conventions ouprotocoles internationaux.

Deux autres facteurs limitent les possibilités de succès d’une négociation consensuelle:

� Le caractère insoluble de certains conflits environnementaux (malgré les efforts de chacun, lasituation ne s’améliore pas); il y a par exemple des conflits qui ne peuvent pas être résolus d’unefaçon avantageuse pour tous; c’est notamment le cas lorsque les ressources disponibles sontlimitées – si une partie en utilise davantage, l’autre en aura nécessairement moins;

� Les grandes différences de pouvoir entre les individus, les groupes et les institutions concernés,par exemple entre une communauté locale, une ONG locale, des institutions gouvernementaleset une compagnie multinationale. L’établissement d’un consensus suppose que le déséquilibredes rapports de force entre les différentes parties ne soit pas trop prononcé afin qu’une tiercepartie puisse le réduire dans le processus de négociation.

I N T R O D U C T I O N5

CONTENU DU GUIDELe guide, divisé en huit sections, présente les notions et les théories fondamentales des négocia-tions consensuelles (ou leurs fondements théoriques). Les trois annexes fournissent des informa-tions auxquelles pourra se référer le lecteur pour parfaire sa compréhension de certains aspectsplus spécifiques.

Section 1: Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participativeet aux moyens d’existence durables

Cette section explique ce que sont les conflits liés aux ressources naturelles et l’influencequ’ils peuvent avoir sur les moyens d’existence durables. Elle examine le rôle de la gestiondes conflits dans le cadre des approches de gestion participative des ressources naturelles,et indique quand et comment des négociations consensuelles peuvent être utiles.

Section 2: Gestion des conflits

Cette section décrit plus en détail la nature complexe des conflits et explore diversesstratégies et approches de gestion des conflits. Elle souligne les principes des négociationsconsensuelles et examine les avantages et les inconvénients de cette approche.

Section 3: Carte du processus de négociations consensuelles

Cette section présente une carte du processus en dix étapes, pour montrer commentétablir et gérer un processus de négociation/médiation, et décrit le rôle du médiateur.L’étude de la carte du processus est poursuivie dans les sections suivantes.

Section 4: Entrée

Cette section explique comment des médiateurs peuvent entrer sur la scène d’un conflit,et analyse leur rôle et leurs responsabilités spécifiques durant les premiers stades de lagestion d’un conflit.

Section 5: Analyse du conflit

Cette section explique pourquoi l’analyse du conflit est essentielle, où et comment elleest conduite en suivant la carte du processus, et quels sont les outils et les instrumentsqui peuvent être employés (voir aussi Annexe 2).

Section 6: Élargissement de l’engagement des parties prenantes

La présente section explique comment les médiateurs peuvent amener les partiesprenantes à s’engager dans le processus de gestion d’un conflit, les aider à réfléchir auxcauses du conflit et aux options permettant de le résoudre, et les guider pour qu’elles sepréparent à négocier avec d’autres parties.

Section 7: Négociations et établissement d’accords

La présente section explique comment un médiateur prépare et facilite des négociations.Elle décrit les différentes étapes du processus et suggère de bonnes pratiques demédiation.

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Section 8: Sortie

Cette section souligne l’importance du suivi d’un accord et examine les stratégies quedoivent adopter les médiateurs pour se retirer progressivement d’une négociation au furet à mesure que les parties acquièrent plus de savoir-faire, de confiance et d’assurance.

Annexe 1: Gestion participative des ressources naturelles

Cette annexe présente de façon succincte les principes et les instruments de la gestionparticipative des ressources naturelles, à l’intention de ceux qui ne sont pas encorefamiliarisés avec ce concept.

Annexe 2: Guide pratique de l’analyse des conflits

Cette annexe décrit en termes simples les outils de base de l’analyse d’un conflit, afinque les professionnels puissent les utiliser sur le terrain.

Annexe 3: Études de cas

Cette annexe présente deux exemples de négociations consensuelles ayant fait l’objetd’une médiation réussie au Ghana. Les études de cas décrivent le contexte des conflitset le processus qui a abouti à leur règlement, ainsi que les instruments utilisés, lesdifficultés rencontrées et les enseignements tirés. Les études de cas peuvent êtreutilisées dans le cadre d’une formation.

COMMENT UTILISER CE GUIDELe guide explique comment établir et gérer un processus de négociations. Ici, la carte du processusest subdivisée en dix étapes, mais il ne s’agit pas d’un plan qui doit être suivi à la lettre. En effet, unprocessus réel n’est pas linéaire, il avance et recule en fonction des besoins et des capacités dumoment; d’où la nécessité de conduire les différentes étapes avec souplesse, en fonction de l’évo-lution du processus.

La gestion d’un conflit est un processus d’apprentissage en commun. Les utilisateurs de ce guidesont invités à adopter une approche d’apprentissage, c’est-à-dire à tirer les leçons de l’expérienceet à appliquer, essayer et adapter les différentes techniques et stratégies qui y sont présentées. Lagestion des conflits est un processus d’analyse, de planification, d’action et – surtout – de réflexion.

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GLOSSAIRE DE TERMINOLOGIE

Actifs nécessaires à la subsistanceÉléments clés du cadre des moyens d’existence durables, les actifs nécessaires à la subsistancesont ceux sur lesquels reposent les moyens d’existence. Ils peuvent être divisés en cinq grandescatégories (ou types de capital): capital humain, capital naturel, capital financier, capital social etcapital physique. Les stratégies qu’adoptent les populations pour améliorer leurs conditions d’exis-tence, et le degré d’influence qu’elles ont sur les politiques, les institutions et les processus dépen-dent en partie de la nature et de la combinaison d’actifs dont elles disposent. Les populations ontbesoin d’un ensemble d’actifs propres à produire un impact positif sur leurs conditions d’existence,c’est-à-dire à améliorer leur qualité de vie, de façon significative et durable (DFID, 1999).

Adversaire/partie(s) adverse(s)Personnes opposées dans un conflit. Chacune voit l’autre comme un ennemi dont elle veut ladéfaite. Les adversaires (ou parties adverses) sont aussi appelés opposants ou parties oppo-sées, ou tout simplement parties. L’adoption d’une approche compétitive conduit à des straté-gies de confrontation compétitive (Conflict Research Consortium, 1998).

Analyse des conflitsIdentification et comparaison des positions, des valeurs, des objectifs, des problèmes, des inté-rêts et des besoins des parties opposées dans le conflit (International Alert, 1996, III:16).

Analyse des 4RL’appellation anglaise, qui vient de Rights, Responsibilities, Returns and Relationships, a étéconservée dans cette ouvrage, même si elle est incorrecte en français (Droits, Responsabilités,Retombées et Relations).

Approche compétitiveApproche d’un conflit dans laquelle l’autre partie est vue comme un adversaire à battre. Cetteapproche peut être opposée à l’approche de résolution des problèmes, dans laquelle la ou lesautres parties sont vues comme des personnes qui ont un problème commun qu’elles doivents’entendre pour résoudre. L’approche compétitive se caractérise par le fait qu’elle débouche surdes stratégies de confrontation, alors que l’approche de résolution des problèmes conduit àl’adoption de stratégies coopératives ou d’intégration pour faire face au conflit (ConflictResearch Consortium, 1998).

Approche «gagnant-gagnant» (de style coopératif ou axée sur la résolution des problèmes)C’est l’approche adoptée par ceux qui veulent trouver une solution satisfaisante pour tous.Dans une négociation «gagnant-gagnant», les parties qui s’opposent tentent de s’entendrepour résoudre un problème commun, de façon à ce que chaque partie y gagne quelque chose.Cette approche s’oppose à l’approche «gagnant-perdant» (de confrontation) des conflits, quirepose sur le principe que tous les opposants sont des ennemis et que pour qu’une partiegagne, il faut que l’autre perde (Conflict Research Consortium, 1998).

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Approche «gagnant-perdant» (compétitive, ou de confrontation)C’est l’approche du conflit adoptée par ceux qui considèrent l’opposant comme un adversairedont ils veulent la défaite. Cette approche repose sur le principe qu’il doit y avoir un gagnant etun perdant. Son opposé est l’approche «gagnant-gagnant» qui repose sur le principe que, siles parties opposées coopèrent, une solution gagnante pour les deux parties peut être trouvée(Conflict Research Consortium, 1998).

ArbitrageMéthode de résolution d’un différend dans laquelle les parties exposent leur version des faitsà une tierce partie impartiale, qui prend ensuite une décision en leur nom afin de résoudre leconflit. Cette décision est généralement contraignante. L’arbitrage diffère de la médiation, danslaquelle une tierce partie se limite à aider les parties à trouver elles-mêmes une solution(Conflict Research Consortium, 1998).

AttitudesActions ou comportements révélateurs de ce qu’une personne pense ou ressent. Les attitudes sereflètent souvent dans la manière dont une personne répond à d’autres, ou réagit à des idées ou àdes expériences (avec ou sans respect, confiance, attention, sensibilité, disponibilité à écouter, etc.)

BATNASigle inventé par Roger Fisher et William Ury signifiant «Meilleure solution de rechange à l’ac-cord négocié» (on dit parfois aussi MESORE en français). Chaque négociateur devrait déter-miner sa BATNA avant d’accepter un règlement négocié. Si le règlement est aussi ou plus favo-rable que la BATNA, il convient d’accepter l’accord. Si la solution de rechange est meilleure, ilconvient de s’orienter vers celle-ci plutôt que vers un règlement négocié. Une partie qui a unebonne BATNA (ou qui lui apparaît comme telle) refusera probablement de s’engager dans desnégociations, car elle préfèrera s’orienter vers cette meilleure alternative possible (ConflictResearch Consortium, 1998).

BesoinsSelon le psychologue Abraham Maslow, chacun de nous est amené à satisfaire certaines exigen-ces biologiques et psychologiques, qu’il a appelées besoins humains fondamentaux.Plusieurs théo-riciens des conflits (comme John Burton et Herbert Kelman) ont appliqué cette idée à la théorie desconflits en suggérant que les besoins de sécurité, d’identité et de reconnaissance sous-tendent laplupart des conflits profondément enracinés et prolongés. Selon ces auteurs, la majorité des conflitsethniques et raciaux ne sont pas fondés sur les intérêts (de sorte qu’ils ne sont pas négociables)mais dictés par le fait qu’un groupe opprimé revendique des besoins fondamentaux. La seule façonde résoudre des conflits liés aux besoins est de restructurer la société de façon à ce que les besoinsfondamentaux de tous les groupes soient satisfaits (Conflict Research Consortium, 1998).

Besoins humainsLes besoins humains sont les éléments dont les hommes ont besoin pour croître et se déve-lopper normalement. Identifiés pour la première fois par le pathologiste Abraham Maslow, les

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besoins humains ne se limitent pas aux besoins physiques évidents de nourriture et d’abri, ilsincluent des besoins psychologiques comme la sécurité, l’amour, un sentiment d’identité, l’es-time de soi et l’aptitude à atteindre les objectifs qu’on s’est fixé. Certains théoriciens des conflits(appelés «théoriciens des besoins humains») font valoir que les conflits les plus difficiles et lesplus intenses, comme les conflits raciaux et ethniques, sont causés par la non-satisfaction desbesoins humains fondamentaux d’une ou des deux parties, à savoir les besoins d’identité, desécurité et/ou de reconnaissance. La résolution de ces conflits suppose de trouver des moyensde satisfaire ces besoins de tous les individus et de tous les groupes, sans compromis: les«besoins humains ne sont pas négociables» (Conflict Research Consortium, 1998).

Buts des moyens d’existenceObjectifs poursuivis par les populations à travers les stratégies qu’ils adoptent pour améliorerleurs conditions d’existence. Ces buts sont en rapport étroit avec les impacts sur les conditionsde vie (DFID, 1999).

CadrageAction par laquelle les personnes construisent et représentent un conflit. Tout comme un cadrepeut être placé autour d’une photographie pour inclure certaines parties de l’image et enexclure d’autres, les personnes peuvent juger importants certains aspects d’un problème et enlaisser d’autres de côté ou ne pas les reconnaître.

CadresOutils servant à définir les problèmes. Certaines personnes définissent un problème en termesde droits, alors que d’autres le définissent en termes d’intérêt ou de pouvoir relatif. Ces pointsde vue différents sont parfois appelés «cadres différents».

Causes profondesLes causes profondes d’un conflit sont les intérêts, les valeurs et les besoins fondamentaux quisont en conflit les uns avec les autres; et elles ne doivent pas être confondues avec les facteurscontribuants, qui sont des dynamiques telles que des problèmes de communication ou uneescalade qui – quoique communs – sont généralement extérieurs au conflit, mais sèment laconfusion sur les problèmes clés, qu’il devient plus difficile de comprendre et de traiter.

CoexistenceLa coexistence signifie vivre ensemble en paix dans la même région géographique (ConflictResearch Consortium, 1998).

Collaboration (approches de, ou approches coopératives)Association de personnes qui ont des intérêts différents et qui travaillent ensemble pour attein-dre des résultats mutuellement satisfaisants. Les approches de négociation fondées sur la col-laboration (également appelées approches de type coopératif) prennent de nombreux noms,tels que résolution des problèmes, recherche de consensus, négociations fondées sur les inté-rêts, négociations gagnant-gagnant ou négociations d’avantages réciproques, et négociationsfondées sur les principes. Le but de la collaboration est de gérer le différend de façon à obte-

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nir un résultat plus positif que négatif. Un résultat négatif (ou destructeur) se traduit par un dom-mage et implique l’exploitation et la coercition alors qu’un résultat positif (ou constructif) favo-rise la communication, la résolution du problème et de meilleures relations.

Compétition/approche compétitiveVoir approche compétitive.

Composantes des moyens d’existenceLes composantes des moyens d’existence sont les différents éléments du cadre SL.

CompromisSolution à un problème commun, conforme à certains intérêts seulement de chaque partie(Conflict Research Consortium, 1998).

Conflit“…Nous sommes en présence d’un conflit lorsque deux parties ou plus perçoivent que leursintérêts sont incompatibles, expriment des attitudes hostiles ou…. poursuivent leurs intérêts parle biais d’actions qui sont nuisibles aux autres parties. Les divergences d’intérêt peuvent por-ter sur: i) l’accès aux ressources (territoire, argent, sources d’énergie, nourriture) et leur répar-tition; ii) le contrôle du pouvoir et la participation aux décisions de politique; iii) l’identité (cultu-relle, sociale et politique); iv) des statuts, en particulier inhérents à des systèmes de gouverne-ment, à une religion ou à une idéologie» (Schmid, 1998).

Conflit/confrontation constructif(ive)Un conflit «constructif» est un conflit qui a plus d’avantages que d’inconvénients – qui «unit»,et qui renforce et/ou améliore les relations entre les parties (en les redéfinissant d’une manièreplus appropriée ou plus utile) et débouche sur un changement positif pour toutes les partiesconcernées. Son contraire est le conflit destructeur (Conflict Research Consortium, 1998).

Conflit/confrontation destructeur(trice)Conflit ou confrontation qui a des résultats essentiellement négatifs – il divise, détruit les relationset débouche sur de multiples changements personnels et sociaux négatifs, notamment escaladede la violence, crainte et méfiance. Son opposé est le conflit (ou la confrontation) constructif(ive).

Conflits d’identitéLes conflits d’identité se développent quand une personne ou un groupe estime que le sentimentqu’il a de lui-même – de qui il est – est menacé, délégitimé ou non respecté. Les conflits religieux,ethniques et raciaux sont des exemples de conflits d’identité (Conflict Research Consortium, 1998).

Conflits non négociablesSituations de conflit qui durent depuis longtemps, et résistent à la plupart des efforts déployéspour les résoudre, sinon à tous. Ils impliquent généralement des désaccords sur des valeurs fon-damentales, des problèmes de répartition avec des enjeux importants, des problèmes de domi-nation et/ou de déni des besoins humains – qui sont tous non négociables. Ils impliquent aussisouvent inévitablement des situations gagnant-perdant (Conflict Research Consortium, 1998).

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Conflits sociaux prolongésConflits qui durent des années ou même des générations et qui sont caractérisés par ….lapersistance de certains traits, tels que sous-développement économique et technologique, unsystème politique et social non intégré générateur d’insécurité et d’inéquité dans la répartition;l’incapacité ou le refus de satisfaire les besoins essentiels au développement individuel etsocial, à savoir la sécurité, l’identité, la reconnaissance et la participation; le déni des besoinshumains et la génération de sentiments de crainte, d’insécurité et d’anxiété qui produisent desclivages sociaux …souvent engendrés par la non-reconnaissance de l’identité sociale, et dontl’ethnicité est devenue la manifestation dominante; … et qui ne connaissent pas de frontières,ce qui rend artificielles toutes distinctions entre les politiques intérieures et internationales(Azar, 1986; 1990; cité dans Schmid, 1998).

ConsensusUne décision par consensus requiert l’accord de tous les intéressés, et pas seulement de lamajorité, comme c’est le cas dans les processus basés sur cette règle. Dans les processusconsensuels, les personnes travaillent ensemble à l’élaboration d’ un accord suffisamment bon(mais pas nécessairement parfait) pour que chaque personne réunie autour de la table desnégociations soit disposée à l’accepter (Conflict Research Consortium, 1998).

Contexte de développement Le contexte de développement se réfère aux aspects sociaux, économiques et politiques duconflit. Les aspects sociaux sont les relations existant dans une communauté au moment oùse produit le conflit. Par exemple, un groupe peut être socialement ou économiquement domi-nant, alors que d’autres ont moins de réussite ou sont victimes d’une discrimination. Lesaspects politiques sont le système politique ou la structure décisionnelle de la communauté oude la nation dans laquelle se produit le conflit. Qui détient le pouvoir dans la communauté oudans la société? Les décisions sont-elles prises démocratiquement ou par un système autori-taire?

CrédibilitéDegré auquel une personne ou une déclaration est crue, ou digne de confiance. Certains diri-geants ou témoins experts ne sont pas considérés comme crédibles car ils ont un intérêt per-sonnel dans l’issue d’une situation ou d’un conflit, ce qui risque d’influencer leur vision et/ouleurs déclarations concernant cette situation ou ce conflit (Conflict Research Consortium,1998).

DialogueProcessus d’échange et d’apprentissage, de type non compétitif et ouvert, sur les croyances,les sentiments, les intérêts et/ou les besoins d’une autre partie, qui est ordinairement facilitépar une tierce partie. À la différence de la médiation, qui a généralement pour but de parvenirà la résolution ou au règlement d’un différend, le dialogue a simplement pour but de promou-voir la compréhension et la confiance entre des personnes (Conflict Research Consortium,1998).

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Disposition (à négocier ou à régler un conflit)Un conflit est «prêt» pour le règlement ou la négociation lorsqu’il est arrivé au point mort, oulorsque toutes les parties ont décidé que leurs solutions de rechange à l’accord négocié ne leurpermettraient pas d’obtenir ce qu’elles veulent ou ce dont elles ont besoin. Les parties sontalors vraisemblablement prêtes à négocier un règlement qui leur permettra de satisfaire aumoins en partie leurs intérêts – et d’obtenir plus que si elles s’obstinaient à poursuivre leursoptions basées sur la force.

Écoute activeType d’écoute entièrement centré sur ce que dit l’autre, qui permet de vérifier le contenu dumessage et les émotions et sentiments qui le sous-tendent, afin de s’assurer qu’il est bien com-pris (Conflict Research Consortium, 1998).

Émotions Les émotions sont les sentiments psychologiques qui sont engendrés par un conflit et qui contri-buent à le créer (par exemple angoisse, honte, crainte, méfiance et sentiment d’impuissance).Si elles sont bien gérées, les émotions peuvent devenir une ressource pour résoudre un conflitde façon positive, mais dans le cas contraire, elles peuvent intensifier un conflit, en augmentantles tensions et en rendant la situation plus inextricable (Conflict Research Consortium, 1998).

EscaladeL’escalade est synonyme d’intensification du conflit. Selon Pruitt et Rubin (1986, 7-8), quand unconflit connaît une escalade, les parties troquent leur opposition relativement douce contre unetactique de confrontation plus dure. Le nombre de parties tend à augmenter, de même que lenombre et la portée des problèmes (au départ très spécifiques, ils tendent à se globaliser). Lesparties au conflit changent aussi, en ce sens qu’elles ne veulent plus seulement gagner, maisfaire mal à l’adversaire. Autant l’escalade d’un conflit est rapide et facile, autant la «désesca-lade» (c’est-à-dire la réduction de l’intensité) est ardue (Conflict Research Consortium, 1998).

Événements déclencheursUne événement déclencheur est un événement qui fait partir (ou «allume») un conflit. Il peut êtremineur – simple déclaration mal interprétée ou erreur d’inattention – ou majeur – assassinat d’undirigeant, fraude électorale ou scandale politique (Conflict Research Consortium, 1998).

ExtrémistesPersonnes qui ont des points de vue plus fermes, et souvent plus rigides que d’autres person-nes, placées dans la même situation. Dans les conflits qui se sont intensifiés, les extrémistesprônent parfois des réponses violentes, alors que les parties plus modérées préconisent desmesures moins radicales (Conflict Research Consortium, 1998).

FacilitationLa facilitation est un moyen d’aider les parties à un conflit à parvenir à une entente satisfaisantepour tous. Une tierce partie peut faciliter la communication entre les parties et/ou l’analyse dela situation d’un conflit et de ses résultats possibles (International Alert, 1996, III:67). Dans la

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facilitation, le degré d’intervention est moindre que dans la médiation. Les facilitateurs peuvent

être invités à mettre à disposition leurs compétences techniques pour une réunion donnée,

mais à la différence des médiateurs, ils deviennent rarement partie intégrante de l’ensemble du

processus.

Facteurs contribuantsLes facteurs contribuant à un conflit sont des dynamiques telles que des problèmes de com-

munication ou une escalade qui – quoique communs – sont généralement extérieurs au conflit,

mais sèment la confusion sur les problèmes clés, qu’il devient plus difficile de comprendre et

de traiter.

ForceOn parle de «force» dans toute situation où une partie est amenée, sous la menace, à faire

quelque chose contre son gré. Selon Kenneth Boulding, on utilise la force lorsque l’on dit à

quelqu’un «Fais ce que je veux, sinon je ferai quelque chose que tu ne veux pas». La force n’est

pas nécessairement un acte violent, elle peut s’exprimer seulement verbalement, dans une

déclaration coercitive du genre «Si tu ne fais pas ce que je demande: je te licencie, ou j’orga-

nise une grève de la faim, ou une grève du zèle» (Conflict Research Consortium, 1998).

Gestion des conflitsPratique consistant à identifier des conflits et à y faire face d’une manière sensible, juste et effi-

cace, pour empêcher leur escalade qui ferait qu’ils ne seraient plus contrôlables et dégénère-

raient dans la violence.

Gestion participative des ressources naturellesPartenariat dans lequel divers acteurs s’entendent pour se partager les fonctions, les droits et

les responsabilités de gestion d’un territoire ou d’un ensemble de ressources (d’après Borrini-

Feyerabend, 1996).

IdentitéL’identité se réfère à la manière dont les personnes se voient – aux groupes dans lesquels elles

se reconnaissent et aux aspects significatifs d’elles-mêmes qu’elles utilisent pour se décrire

aux autres. Certains théoriciens distinguent l’identité collective, l’identité sociale et l’identité

personnelle, mais toutes ces identités sont en rapport avec ce qui caractérise une personne et

son intégration dans des groupes sociaux et dans la société prise dans son ensemble (Conflict

Research Consortium, 1998).

Impacts sur les conditions de vie Effets ou résultats des stratégies adoptées par les populations pour améliorer leurs conditions

d’existence. Ces effets peuvent être examinés en fonction des paramètres suivants: revenu

accru; conditions de vie meilleures; vulnérabilité réduite; sécurité alimentaire améliorée; utili-

sation plus durable de la base de ressources naturelles; et relations et statut social (DFID,

1999).

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ImpartialitéL’impartialité se réfère à l’attitude d’une tierce partie. Un tierce partie impartiale ne prend pasposition pour une partie plutôt que pour l’autre, elle les aborde toutes les deux comme étantégalement valides. L’impartialité peut être difficile à atteindre, et le tiers peut avoir à faire uneffort sur lui-même pour traiter les deux parties de la même manière s’il tend à en préférer uneou les raisons qu’elle avance (Conflict Research Consortium, 1998).

IndicateursLes indicateurs sont des symptômes ou des événements précurseurs utilisés comme variablesprédictives. Voici une série d’indicateurs (Schmid, 1997: 50): i) causes systémiques: générales,sous-jacentes, structurelles, profondément ancrées, conditions préalables générales; ii) causesimmédiates: circonstances spécifiques liées à la situation; et catalyseurs immédiats: agentsextérieurs déclenchant une réaction.

Intérêts Les intérêts sont ce à quoi une partie à un différend tient, ou ce qu’elle veut. Ce sont les sou-haits et les préoccupations sous-jacents qui motivent la position d’une personne. Alors que lespositions des personnes sont ce qu’elles déclarent vouloir (par exemple «je veux construire mamaison ici»), leurs intérêts sont les raisons pour lesquelles elle prennent cette position («parceque je veux une maison qui soit près de ma famille»). Les intérêts des parties sont souventcompatibles, et donc négociables, même si leurs positions semblent diamétralement opposées.

Intérêts incompatiblesLes intérêts sont dits incompatibles lorsque plusieurs personnes veulent quelque chose qu’el-les ne ne peuvent pas toutes obtenir simultanément. Par exemple, si une communauté a unbudget de services publics limité et que les quatre institutions publiques (police, école, hôpitalet département des ponts et chaussées) ont besoin d’une rallonge budgétaire pour continuerà assurer les services qu’elles fournissent, les institutions ont des intérêts incompatibles - tou-tes leurs demandes de financement ne peuvent pas être satisfaites simultanément (ConflictResearch Consortium, 1998).

IntoléranceRefus d’accepter la légitimité d’une autre personne, d’un groupe ou une idée différente.L’intolérance peut conduire à chercher à se débarrasser d’une personne ou d’une idée «indé-sirable», ou à traiter cette personne ou cette idée comme si elle était inférieure, comme celase produit lorsque les membres de certains groupes raciaux ou ethniques font l’objet de discri-minations de la part du groupe dominant dans une société (Conflict Research Consortium,1998).

Légitimité Justesse perçue du processus de résolution d’un différend. Par exemple des élections justesou un litige basé sur des lois socialement admises sont généralement considérés comme légi-times, de même que les décisions qui résultent de ces processus. En revanche, un vote dans

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lequel les électeurs sont harcelés ou subissent des pressions pour voter pour un candidat estordinairement considéré comme illégitime, au même titre que des décisions de justice renduespar des tribunaux partiaux. La légitimité des procédures de prise de décision est importante carles procédures illégitimes débouchent presque invariablement sur une escalade des conflits,qui compromet encore leur résolution (Conflict Research Consortium, 1998).

Mandants Les mandants sont ceux qui chargent une personne de les représenter pour décider en leurnom. Les mandants d’un chef de gouvernement sont les citoyens que celui-ci représente auparlement ou dans un autre organe législatif. Les mandants d’un négociateur sont ceux pourlesquels il négocie, qui peuvent par exemple être membres d’un syndicat, d’un groupe d’inté-rêt ou d’une entreprise (Conflict Research Consortium, 1998).

MédiationLa médiation est un prolongement ou un approfondissement du processus de négociation quifait intervenir un tiers. Ce tiers travaille avec les parties au conflit pour les aider à mieux com-muniquer entre elles et à mieux analyser la situation de conflit, de façon à pouvoir identifier etchoisir elles-mêmes une option pour résoudre le conflit qui soit conforme aux intérêts et auxbesoins de tous. A la différence de l’arbitrage, dans lequel l’intermédiaire écoute les argumentsdes deux camps et prend une décision en leur nom, un médiateur aide les parties à élaborerelles-mêmes leur solution.

Menace Est une menace toute déclaration du genre «Fais ce que je veux, sinon je fais quelque choseque tu ne veux pas». Selon la théorie du pouvoir de Kenneth Boulding, la menace est une destrois formes de pouvoir, les deux autres étant l’échange et ce qu’il appelle «amour», et quiprend le nom de «système intégratif» dans ce manuel (Conflict Research Consortium, 1998).

Moyens d’existenceUn moyen d’existence est la combinaison des ressources utilisées et des activités entreprisespour vivre. Les ressources peuvent être des compétences et des aptitudes individuelles (capi-tal humain), la terre, l’épargne et des biens d’équipement (capital naturel, financier et physique,respectivement) et des groupes de soutien officiels ou des réseaux informels qui appuient lesactivités entreprises (capital social) (DFID, 1999).

NégociationLa négociation est une forme de prise de décision dans laquelle deux parties ou plus discutententre elles pour tenter de résoudre leurs intérêts opposés (D.G. Pruitt). La négociation peut êtrede style relativement coopératif, quand les parties recherchent une solution qui soit mutuelle-ment bénéfique (négociation fondée sur les principes ou sur les intérêts) ou basée sur laconfrontation (négociation de style compétitif, ou «gagnant-perdant») lorsque chaque partietente de prévaloir.

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Négociations doucesType de négociation de style très coopératif à visée de conciliation, dans lequel la principalepréoccupation est de parvenir à une entente et de «ménager» l’autre partie. Fisher et Ury l’op-posent à la négociation de style compétitif, agressive, qui suppose que l’opposant est un adver-saire à battre, et non un partenaire avec lequel travailler dans une atmosphère de coopération.Ces deux auteurs opposent ces deux approches à une troisième – la négociation fondée surles principes – qui n’est ni dure ni douce, mais plutôt de type intégratif (Conflict ResearchConsortium, 1998).

Négociations dures Négociations de style compétitif et hostile dans lesquelles l’opposant est vu comme un adver-saire à battre, et non comme un partenaire avec lequel travailler dans une atmosphère de coo-pération. Fisher et Ury opposent les négociations dures aux négociations douces (fortementaxées sur la conciliation, au point de céder sur des points importants), et à une troisièmeapproche – la négociation fondée sur les principes – qui n’est ni dure ni douce, mais plutôt detype intégratif (Conflict Research Consortium, 1998).

NeutralitéLa neutralité suppose qu’une tierce partie n’ait de rapports ou n’ait eu précédemment de rela-tions avec aucune des parties.

Parties Les parties sont les personnes, les groupes ou les organisations opposés dans un conflit. Laplupart des parties sont directement impliquées et appelées parties au conflit. Les autres, ditestierces parties ou tiers, interviennent pour tenter d’aider les parties impliquées à résoudre leconflit. Les médiateurs et les juges, par exemple, sont des tierces parties (ou des tiers).

Parties prenantesLes parties prenantes sont les personnes, les groupes ou les organisations qui seront affectéspar un conflit ou par sa résolution. Elles comprennent les parties opposées dans le conflit, maisaussi des personnes qui ne sont pas directement impliquées, mais qui pourraient l’être à l’ave-nir, car elles pourraient subir les conséquences du conflit ou de son résultat.

PersuasionFait de convaincre une autre partie à changer d’attitude ou de comportement. Cela peut êtrefait par la coercition, mais le terme «persuasion» a une connotation plus positive et se réfère àdes appels à l’émotion et à la raison, fondés sur des valeurs et des interprétations communes(Conflict Research Consortium, 1998).

Plaidoirie/plaidoyerProcessus consistant à défendre la cause d’une partie ou d’intérêts particuliers dans un conflit.Les avocats engagent une plaidoirie lorsqu’ils représentent des clients dans un procès. Lesparties peuvent aussi faire la plaidoirie elles-mêmes – en faisant valoir leur propre position

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dans une négociation, une médiation ou un débat politique. Toute tentative de convaincre uneautre partie à accepter les demandes de l’autre est une plaidoirie (Conflict ResearchConsortium, 1998).

Point mortLe point mort est une situation sans issue dans laquelle aucun des camps opposés ne peutprévaloir, quels que soient les efforts qu’il déploie à cette fin. Les parties doivent souvent arri-ver à ce point mort avant d’accepter de négocier pour mettre un terme au conflit.

PolarisationUn conflit se polarise quand il s’intensifie ou connaît une escalade, c’est-à-dire quand un nom-bre croissant de personnes interviennent dans le conflit et prennent fermement position pourl’un ou l’autre camp. La polarisation est le processus qui fait que des personnes vont vers despositions extrêmes («pôles»), et que de moins en moins de personnes restent dans des posi-tions «intermédiaires» (Conflict Research Consortium, 1998).

PositionsLes positions sont ce que les gens veulent – les demandes superficielles qu’elles font à leursopposants. Selon Fisher et Ury, qui ont été les premiers à faire une distinction entre les intérêtset les positions, les positions sont ce que les personnes ont décidé, alors que les intérêts sontce qui a motivé leur décision. La position d’un camp est souvent à l’opposé de celle du campadverse, mais leurs intérêts peuvent être compatibles.

PouvoirLe pouvoir est l’aptitude à obtenir ce que l’on veut ou, comme dit le théoricien des conflitsKenneth Boulding, à «changer l’avenir». Ce pouvoir peut passer par la force (on parle alorssouvent de «pouvoir sur»), par la coopération (on dit alors «pouvoir avec» ou «pouvoird’échange» ) ou par l’intégration, c’est-à-dire le système d’identité et de relations qui soude lesmembres d’un groupe.

Problèmes relationnels Problèmes entre deux ou plusieurs personnes qui mettent en cause leur relation. Par exemple,des conflits peuvent être engendrés par le fait que deux personnes ne se font pas confiance,ou sont dans un rapport constant de compétition hostile (Conflict Research Consortium, 1998).

RecadrageProcessus consistant à redéfinir une situation – à voir un conflit autrement – en se fondant surla contribution d’autres personnes qui ont un point de vue différent sur le conflit.

RéconciliationNormalisation des relations entre des personnes ou des groupes. Selon John Paul Lederach,la réconciliation englobe quatre processus simultanés: la recherche de la vérité, de la justice,de la paix et de l’indulgence. Quand ces quatre facteurs sont réunis, la réconciliation estatteinte (Conflict Research Consortium, 1998).

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Règlement des conflitsDésigne toutes les stratégies orientées vers l’obtention d’un résultat sous la forme d’un accordentre les parties au conflit, qui peut leur donner la possibilité de mettre fin à un conflit ouvert,sans nécessairement éliminer les causes sous-jacentes du conflit.

Renforcement des pouvoirs/ResponsabilisationAction consistant à donner plus de pouvoir à une personne ou un groupe. Une partie peut sedonner elle-même plus de pouvoir de diverses manières (instruction, création de coalitions,organisation communautaire, développement des ressources). Le renforcement des pouvoirspeut aussi être fait par un médiateur, qui assiste la personne ou le groupe le plus faible pourl’aider à mieux se représenter. Quoique contestée sur le plan éthique (le fait d’aider un campplus qu’un autre compromet l’impartialité du médiateur), cette dernière méthode est assezrépandue dans les approches de médiation orientées vers la résolution des problèmes ouaxées sur le règlement, qui sont surtout efficaces quand le rapport de forces entre les partiesest à peu près équilibré. Baruch Bush et Joe Folger préconisent un renforcement simultané despouvoirs des deux parties grâce à une médiation transformationnelle, visant à redonner auxparties opposées «le sens de leur propre valeur, de leur propre force et de leur capacité à pren-dre leur vie en main». Cette approche évite les dilemmes éthiques d’un renforcement des pou-voirs unilatéral, mais laisse de côté l’objectif principal qui est de parvenir à un règlement(Conflict Research Consortium, 1998).

RésolutionVoir Résolution d’un conflit

Résolution d’un conflitEnsemble d’activités pilotées par processus visant à s’attaquer aux causes profondes qui sous-tendent un conflit et à le résoudre.

Résolution d’un différendVoir Résolution d’un conflit

Sauver la face/sauvegarder les apparencesIci, la «face» désigne l’image d’une personne, à ses propres yeux et à ceux des autres. Uneapproche de «sauvegarde des apparences» ne nuit à l’image d’aucune partie en évitant defaire apparaître qui que ce soit comme faible, ridicule ou «perdant». Au contraire, l’approche faitapparaître chaque partie comme sage et «gagnante», même si cela ne correspond pas à laréalité. En permettant à toutes les parties de «sauver la face», le règlement négocié d’un conflita beaucoup plus de chances d’être accepté (Conflict Research Consortium, 1998).

StéréotypesOn fait des stéréotypes quand on attribue à une personne ou à un groupe une ou plusieurscaractéristiques uniquement parce que la plupart des membres du groupe les ont (ou sont sup-posés les avoir). C’est un processus de simplification et de généralisation qui aide les gens àétablir des catégories et à comprendre leur monde, mais qui conduit souvent à des erreurs. Un

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exemple de stéréotype souvent faux est l’idée selon laquelle les femmes sont faibles et soumi-ses, alors que les hommes sont puissants et dominateurs. Cela peut être vrai pour certainshommes et certaines femmes, mais pas pour tous. Les stéréotypes inexacts et négatifs (ce quiest souvent le cas avec des groupes en conflit) sont souvent à l’origine d’erreurs d’interpréta-tion qui compliquent la résolution du conflit (Conflict Research Consortium, 1998).

Terrain d’ententeUn terrain d’entente est représenté par ce que deux individus ou des groupes partagent ou onten commun. Il peut s’agir du lieu où ils vivent ou de valeurs, d’intérêts, de besoins ou mêmed’expériences ou de craintes similaires. Bien que les parties partent souvent du principe qu’el-les n’ont rien en commun avec leurs opposants, elles partagent presque toujours quelquechose – ne serait-ce que le désir de vivre en paix et en sécurité sans avoir à craindre leursrivaux (Conflict Research Consortium, 1998).

Tierce partie/TiersUne tierce partie, ou un tiers, est une personne qui n’est pas directement impliquée dans leconflit, mais qui intervient pour tenter d’aider les parties qui s’opposent à trouver une solution(ou tout au moins à améliorer la situation en rendant meilleure leur communication ou leur com-préhension mutuelles). Par exemple, les médiateurs, les arbitres, les conciliateurs et les facili-tateurs sont des tierces parties.

Transformation des conflitsApproche à long terme orientée vers la production de résultats, de processus et de change-ments structurels. Elle vise à surmonter des formes révélées de violence directe, culturelle etstructurelle en transformant des relations sociales inéquitables et en favorisant des conditionspropices à l’instauration de relations fondées sur la coopération.

ValeursLes valeurs sont les idées que l’on a de ce qui est bien, de ce qui est mal et de comment leschoses devraient être. Les gens ont des valeurs concernant les relations familiales (notammentle rôle du mari dans le couple), les relations de travail (notamment la manière dont les patronstraitent leurs employés) et d’autres relations interpersonnelles ou d’un autre type (notammentsur la manière dont les enfants devraient se comporter avec les adultes, ou sur la manière dontles gens devraient observer des croyances religieuses) (Conflict Research Consortium, 1998).

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S E C T I O N 1

Introduction aux conflits liés auxressources naturelles, à la gestionparticipative et aux moyensd’existence durables

La présente section explique la nature des conflits communautaires liés aux ressources naturel-les. Elle examine leurs causes et illustre les différents types de conflits qui peuvent survenir ausein des communautés. En outre, elle montre comment les politiques et les interventions peu-vent contribuer à déclencher un conflit et décrit les incidences qu’ont les conflits liés aux res-sources naturelles sur les moyens d’existence durables et examine les liens entre la gestion desconflits et les approches plus générales de gestion participative des ressources naturelles.

Les deux principaux objectifs de la section sont les suivants:

� examiner les nombreux liens entre les moyens d’existence durables, la gestion participativedes ressources naturelles et les conflits;

� aider à mieux comprendre comment les politiques, programmes et interventions de gestiondes ressources naturelles peuvent aboutir à des résultats positifs sans déclencher deconflits, ou les aggraver.

1.1 QU’EST-CE QUE LES CONFLITS DE NIVEAU COMMUNAUTAIRELIÉS AUX RESSOURCES NATURELLES?

Les populations utilisent les ressources - forêts, eau, pâturages et terres - à des fins différentes etentendent les gérer de diverses manières. Il peut être utile de connaître les différents besoins et inté-rêts qui les motivent pour parvenir à une gestion réussie et informée, dont chacun tirera le plus grandprofit possible. Toutefois, ces divergences conduisent dans certains cas à un conflit:

� lorsqu’il existe une compétition pour des biens matériels, des avantages économiques, unepropriété ou le pouvoir;

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� lorsque les parties croient que leurs besoins ne peuvent pas être satisfaits;

� lorsque les parties croient que leurs valeurs, leurs besoins ou leurs intérêts sont menacés.

Il est parfois préférable de suivre de près les conflits sans intervenir car certains sont une source de

problèmes mais ont peu de chances de devenir des différends et de dégénérer dans la violence.

Dans d’autres cas, un conflit qui est ignoré ou que l’on ne parvient pas à gérer peut s’exacerber et

donner lieu à un différend ou à une autre forme quelconque de confrontation. Un différend (ou un

litige) survient lorsqu’un conflit à propos d’une question ou d’un événement spécifique devient

public. Il peut prendre la forme d’un affrontement, d’un appel aux autorités ou d’une action en jus-

tice. Il ne faut pas confondre le différend et le conflit. En effet, tous les différends reflètent un conflit,

mais tous les conflits ne se transforment pas en différends. Certains conflits peuvent évoluer rapi-

dement vers le différend alors que d’autres demeurent latents, ou «couvent» pendant longtemps

jusqu’à ce qu’un événement nouveau (par exemple un projet de développement ou l’arrivée d’inté-

rêts externes) les déclenche ou les aggrave.

Les conflits communautaires liés aux ressources naturelles surviennent au niveau local, mais ils font

souvent intervenir une série d’acteurs régionaux, nationaux ou même mondiaux. Il existe des conflits

entre les hommes et les femmes d’une communauté pour l’utilisation des terres; des conflits entre

des communautés voisines pour le contrôle d’une terre boisée; ou encore des conflits entre des

pêcheurs sur les engins ou les dispositifs utilisés pour capturer les poissons. Les conflits commu-

nautaires peuvent faire intervenir des institutions gouvernementales, des entreprises nationales et

multinationales, des politiciens, des institutions de développement internationales et des organisa-

tions non gouvernementales (ONG).

Un différend peut aussi éclater à différents niveaux. À un certain niveau, il peut être principalement

lié à l’accès des populations à l’utilisation et au contrôle des ressources dont elles dépendent, alors

qu’à un autre niveau, le différend peut être en rapport avec des besoins plus profonds comme la

reconnaissance, les droits, l’identité ou la capacité de participer.

L’intensité d’un conflit est aussi très variable, avec aux deux extrêmes un sentiment de confusion

et de frustration parmi les membres d’une communauté dû à une mauvaise communication des

objectifs d’une politique de développement, et des affrontements violents entre des groupes à pro-

pos de la propriété des ressources et des droits et des obligations qui en découlent (Buckles,

1999).

N O T E D U F O R M A T E U R : Ce guide porte sur les conflits qui entravent la gestion durabledes ressources naturelles au niveau local. Bien que ces conflits puissent comporter un certain degré de violence,ce guide n’est pas adapté pour des situations de conflit ouvert, armé.

Comme le montre la discussion qui précède, les conflits liés aux ressources naturelles locales sont

souvent très complexes. En effet, ils reposent sur des causes et sur des facteurs si nombreux et

imbriqués qu’il est difficile d’identifier les problèmes clés.

S E C T I O N 1Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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Il peut être utile d’envisager le conflit comme étant constitué des trois éléments suivants:

� Des personnes: leurs perceptions du conflit et leurs relations avec celui-ci; leurs sentiments, leursémotions et leurs perceptions des problèmes et des autres personnes impliquées; leurs rapportsinterpersonnels et avec les ressources naturelles pour assurer leur subsistance.

� Un processus: la manière dont les décisions sont prises, et ce qu’en pensent les individus. Leprocessus décisionnel est souvent une cause principale de conflit à laquelle on ne pense pas.C’est pourtant de là que viennent souvent le ressentiment, l’impression de subir une injustice etle sentiment d’impuissance.

� Des problèmes: les questions spécifiques et les différences entre les individus, les groupes et lesinstitutions impliqués. Ces problèmes englobent des différences de valeurs1, des intérêts et desbesoins incompatibles2, ou des divergences concrètes concernant l’utilisation, la distribution oul’accessibilité de ressources rares. On dit souvent que ces problèmes sont les «causesprofondes» d’un conflit, celles à propos desquelles les individus tendent à prendre des positionsnettes et fermes.

Les sous-sections qui suivent décrivent de façon plus spécifique les facteurs qui alimentent souventles conflits liés aux ressources naturelles.

1.1.1 Compétition croissante pour les ressources naturellesLes ressources naturelles sont soumises à des pressions concurrentes de plus en plus intenses,découlant dans la plupart des cas de plusieurs facteurs:

� les changements démographiques (croissance de la population, migration et urbanisation);

� les pressions du marché (accroissement de la commercialisation, intensification et privatisationdes économies locales, intégration croissante des économies nationales et mondiale, réformeséconomiques);

� des changements environnementaux, tels que inondations, sécheresses récurrentes, altérationsdu débit des cours d’eau, modifications des migrations des animaux sauvages, qui obligent lespopulations à modifier leurs stratégies de subsistance.

Ces forces peuvent pousser les individus à dépasser les seuils d’exploitation durable des ressour-ces naturelles renouvelables (forêts, plans d’eau, pâturages, ressources marines, faune et flore sau-vages et terres agricoles). Dans les régions où les populations augmentent, les ressources doiventsouvent être partagées entre un plus grand nombre d’utilisateurs ayant des intérêts différents. Cesutilisateurs peuvent être des agriculteurs qui cherchent à accéder à des terres agricoles, des éle-veurs nomades qui ont besoin de pâturages pour le bétail, et des habitants des villes qui ont besoinde plus de viande, de poisson et de céréales.

1. Les «valeurs» sont les idées ancrées que l’on a sur la manière dont les choses devraient être.

2. Les «besoins» sont les éléments que l’on perçoit comme nécessaires pour jouir de la sécurité et du respect des autres. Il peut s’agird’éléments matériels, mais aussi de besoins plus abstraits, comme la justice, la maîtrise de sa destinée, la liberté et l’identité.

La principale préoccupation des individus peut être de s’assurer un accès à une ressource, dans lamesure où elle est rare. Le manque d’eau dans les zones arides et semi-arides est un exemple clé.Comme l’eau douce est nécessaire à la vie mais ne peut ni être fabriquée ni être cultivée, l’accès àl’eau peut être au centre d’une querelle.

La compétition croissante n’est cependant pas toujours la seule cause de conflit. Quatre conditionsimportantes peuvent être à l’origine de disputes concernant l’accès aux ressources, à savoir:

� la rareté des ressources naturelles;

� la répartition des ressources disponibles entre deux ou plusieurs groupes;

� le pouvoir relatif de ces groupes;

� le degré de dépendance à l’égard de cette ressource particulière, ou la facilité d’accès à d’autressources possibles.

Bien entendu, l’intensification de la pression sur les ressources ne débouche pas nécessairementsur un conflit; on peut aussi s’adapter en prenant d’autres mesures: intensification de l’agriculture(grâce à l’utilisation d’engrais, ou à des pratiques comme la culture en terrasses, l’irrigation, la poly-culture, l’élevage en stabulation, la plantation d’arbres, etc.), dépendance accrue à l’égard de reve-nus non agricoles ou extérieurs à la ferme, ou commercialisation accrue de la production. Ces nou-velles adaptations peuvent à leur tour engendrer des conflits, dans la mesure où les modes d’utili-sation des ressources sont altérés.

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1.1.2 Les causes structurelles d’un conflitDes organisations et des systèmes bien établis gouvernent le fonctionnement de la loi, la fournituredes services d’éducation et de santé, et les modes de vie des hommes et des femmes, des jeuneset des vieux, au sein des familles et des communautés, autrement dit la manière dont la société estorganisée ou structurée. Les conflits liés aux ressources naturelles sont souvent en partie dus àcette organisation structurelle.

Un conflit peut être dû à un seul problème – par exemple un conflit de frontière entre deux villages- et il pourrait être résolu par les populations locales, sur la base du droit coutumier. Mais siquelqu’un demande que le droit de l’État soit appliqué, le conflit devient plus complexe. Un conflitstructurel peut dériver du fait que le droit coutumier et celui de l’État sont organisés différemment,le premier étant local et le second national. Le droit de l’État est ordinairement plus fort et le litigede frontière peut se transformer en un conflit d’identité et de droits des individus.

Des problèmes structurels plus profonds de ce type plongent souvent leurs racines dans des conditionsqui remontent à une époque ancienne, telles que les modes de production et de distribution des riches-ses et de contrôle du pouvoir dans la société. Les cadres sociaux, politiques, économiques ou juridiquesplus larges au sein d’une société peuvent être perçus comme inéquitables, inefficaces ou comme desmécanismes d’exclusion, de sorte qu’il devient encore plus difficile de trouver une solution. Les conflitsstructurels demeurent souvent à l’état latent jusqu’à ce que d’autres facteurs déclenchants surviennent.

Les conflits entre les régimes fonciers officiels (établis par la loi) et coutumiers sont une source deproblèmes sans fin. Même si la grande majorité des ruraux ont des droits à la terre établis par lacoutume, les arrangements fonciers locaux sont souvent incertains et mal définis dans les cadresde politique nationale. Les droits fonciers coutumiers restent souvent ambigus, même quand ils sontentérinés par la loi, de sorte que le droit de l’État peut continuer à être en conflit avec le droit cou-tumier. Des autorités différentes peuvent donc prendre des décisions contradictoires, en s’appuyantsur des règles différentes – les unes relevant du droit coutumier, les autres du droit de l’État.

Des inégalités plus importantes (réelles ou perçues) peuvent aussi conduire à des conflits sur l’uti-lisation ou le contrôle des ressources naturelles. Par exemple, des groupes défavorisés peuvent riva-liser pour tenter d’obtenir ou de s’assurer des droits, alors que des groupes privilégiés peuventéprouver le besoin de défendre les droits qu’ils détiennent. Parfois, des groupes minoritaires rivali-sent pour chercher à accroître leur influence. La lutte pour l’accès aux ressources devient alors liéeà la recherche d’une reconnaissance et d’une identité, d’un statut et de droits politiques.

N O T E D U F O R M A T E U R : Il est plus difficile de résoudre les conflits structurels que ceuxqui sont plus directement liés à une compétition ou à des pressions de développement accrues. La résolutiondes disparités économiques et juridiques structurelles peut, par définition, nécessiter une intervention au niveaunational ou même international, par le biais par exemple d’une réforme agraire, d’une reconnaissance légale desdroits fonciers, d’une décentralisation des pouvoirs et des responsabilités, ou d’une amélioration de lagouvernance et de la transparence.

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Ces problèmes plus généraux n’ont pas leur place dans ce guide, mais il est clair que des problè-mes structurels profondément ancrés peuvent empêcher de résoudre de façon pleinement satisfai-sante les conflits à l’échelle communautaire. L’approche adoptée dans ce guide peut être résuméeen une phrase: «Compte tenu des problèmes profondément ancrés auxquels nous sommes tousconfrontés, comment pouvons-nous tenter d’améliorer les choses que nous pouvons changer?»

1.1.3 Changements socio-économiques alimentant les conflitsLorsque la société et l’économie subissent des changements, il est logique que les intérêts et lesbesoins des utilisateurs des ressources naturelles changent aussi. Le développement économiqueaccroît souvent les pressions exercées sur les ressources naturelles, ce qui peut déclencher desconflits ou aggraver ceux qui existent déjà. En voici quelques exemples:

� l’introduction de nouvelles technologies peut avoir des effets positifs et négatifs sur la durabilitéde l’utilisation des ressources. Bien gérées, certaines technologies comme l’épandage d’engraischimiques, la mécanisation agricole ou l’irrigation permanente peuvent améliorer les conditionsde vie des populations. Au contraire, si elles sont utilisées à mauvais escient, ces mêmestechnologies peuvent compromettre la régénération des ressources naturelles renouvelables,aggraver la pénurie de ressources et menacer à plus long terme les moyens d’existence desutilisateurs tributaires de la ressource.

� La commercialisation des ressources de propriété commune: beaucoup de pauvres tirent leurs moyensd’existence de ces ressources, qui sont partagées et gérées conjointement par plusieurs groupes. Lavaleur de certaines d’entre elles (faune et flore sauvages, terres, forêts, pêches) s’accroît. Les bénéficesaccrus qui peuvent en être retirés encouragent des groupes puissants à les monopoliser, en s’arrogeantdes droits de propriété «privés» exclusifs, qui privent les autres de toute possibilité de les utiliser.

� Les migrations altèrent l’organisation de la société rurale et de l’utilisation des ressources. L’exoderural réduit la main-d’œuvre disponible pour gérer durablement les ressources, ce qui peut avoirun effet négatif sur leur qualité et sur leur valeur (Warner, 2000), alors que les migrations vers leszones rurales accroissent la pression sur les ressources et peuvent remettre en question lesrègles coutumières qui régissent l’accès. Les nouveaux arrivants ne sont pas toujours intégrésdans les systèmes coutumiers locaux de propriété, d’utilisation et de gestion des ressources.

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� Incitations perverses: il est possible de prévoir les réactions des individus lorsqu’on les encourageéconomiquement à agir. Les gens cultivent plus de café si les prix de ce produit sontsubventionnés ou garantis. Si une culture est assujettie à une taxe élevée, les paysans enchoisiront une autre. Ces incitations sont parfois utiles pour promouvoir une bonne gestion desressources, mais dans le cas contraire on dit que ce sont des incitations «perverses» (ouirrationnelles). Certaines incitations perverses peuvent favoriser la corruption, la recherche del’intérêt personnel et d’autres sources de conflit (Ostrom, 1990), par exemple entre lescommunautés rurales et les fonctionnaires.

1.1.4 Les politiques, programmes et projets de gestion des ressourcesnaturelles, sources de conflit

Les nouvelles politiques de décentralisation, de dévolution des pouvoirs et de gestion participativeaccroissent le pouvoir de décision et l’influence des communautés, des ménages et des individuslocaux. Ces politiques encouragent les communautés à intervenir davantage dans les décisions quiont une incidence sur leurs moyens d’existence et sur les ressources dont elles sont tributaires. Bienque ces politiques puissent contribuer à garantir des moyens d’existence durable, l’introduction d’unerépartition plus équitable des pouvoirs entre différents groupes est souvent très problématique.

Les politiques, les programmes et les projets peuvent eux-mêmes être des sources ou des scènesde conflits, même si leur objectif est de réduire les conflits ou d’améliorer les moyens d’existence.Cela peut avoir plusieurs causes (FAO, 2000):

� Politiques imposées sans participation locale: Les politiques et les interventions relatives auxressources naturelles sont souvent conçues sans la participation active des communautés et desutilisateurs locaux. Par exemple, certains gouvernements adoptent des stratégies de gestioncentralisée, qui consistent à confier tout le pouvoir de contrôle à des unités administratives et àdes experts techniques. D’une manière générale, ces stratégies ne tiennent pas compte desdroits des communautés locales et de leurs pratiques de gestion des ressources naturelles.

� Défaut d’identification et consultation insuffisante des parties prenantes: Les parties prenantessont des personnes ou des groupes qui ont un intérêt ou une influence sur une ressource. Legouvernement local et la communauté sont des exemples de parties prenantes, mais comme lesgroupes sont généralement très peu homogènes et constitués de nombreux sous-groupes, celan’a généralement guère de sens de considérer la communauté comme un groupe de partiesprenantes; certains individus ont des intérêts très différents de ceux des autres, en fonction deleur sexe, de leur statut, de leur âge, de leur richesse, de leur appartenance ethnique, etc. Desconflits peuvent survenir lorsque les planificateurs et les gestionnaires ne réussissent pas àidentifier les parties prenantes ou à cerner les intérêts d’un groupe par rapport à une ressource.

� Manque de coordination des efforts de planification: Nombre de gouvernements et d’autresorganismes continuent à recourir aux approches sectorielles, qui présentent des limites au niveaude la planification et de la coordination intersectorielles. Par exemple, les services agricolespeuvent promouvoir une expansion des cultures de rapport dans les forêts pour augmenter les

S E C T I O N 1Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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revenus, sans se rendre compte des effets négatifs d’une telle mesure sur d’autres utilisateursdes ressources. Le chevauchement des objectifs des différentes institutions, qui se retrouventainsi en concurrence, peuvent être une source de confusion et les empêcher de tenir compteégalement des besoins et des priorités des autres parties prenantes.

� Partage d’informations inadéquat ou insuffisant: Une bonne communication des informationsrelatives aux politiques, aux lois, aux procédures et aux objectifs peut accroître les chances deréussite des programmes et réduire les probabilités de conflit. En revanche, l’absenced’informations sur les intentions des institutions chargées de la planification peut entraîner dessoupçons et une perte de confiance.

� Capacités institutionnelles limitées: Les conflits surviennent lorsque les organisations gouvernementalesou autres ne possèdent pas les capacités nécessaires pour entreprendre une gestion durable desressources naturelles.Non seulement les organisations se heurtent à des difficultés financières face auxdépenses de personnel et d’équipement, mais elles n’ont souvent pas les compétences requises pouranticiper ou gérer les conflits qui surviennent au cours de leurs activités.

� Suivi et évaluation des programmes insuffisants: L’élaboration des programmes et des priorités ometsouvent de définir clairement les composantes de suivi et d’évaluation, en particulier dans le domainedes conflits liés aux ressources naturelles. Sans un suivi et une évaluation systématiques desactivités de gestion des ressources naturelles, il est plus difficile d’identifier ou de gérer un conflit.

� Absence de mécanismes efficaces pour la gestion des conflits:Pour garantir l’efficacité des programmesde gestion des ressources naturelles, il convient d’incorporer dès le départ dans leur conception et leurmise en œuvre, des mécanismes de gestion participative des conflits. Ces mécanismes doivent garantirque des conflits ouverts ou latents sont traités de manière constructive pour éviter une escalade.

N O T E D U F O R M A T E U R : L’Annexe 3 présente deux exemples de conflits liés auxressources naturelles au Ghana. Ces études de cas illustrent les interactions entre les divers facteurs, etmontrent comment les conflits ont été gérés et résolus.

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1.2 LA GESTION PARTICIPATIVE DES RESSOURCES NATURELLES ET LES CONFLITS

La gestion participative prévoit une prise de décision concertée entre le gouvernement, les commu-nautés, les ONG et le secteur privé en ce qui concerne l’accès aux ressources naturelles et leur uti-lisation. Pour Borrini-Feyerabend et al. (2000), la gestion participative est une situation dans laquelledeux ou plusieurs parties négocient, définissent et se garantissent mutuellement le partage desfonctions de gestion, des droits et des responsabilités concernant un territoire ou un ensemble deressources naturelles spécifiques.

Les arrangements institutionnels de gestion participative peuvent prendre diverses formes allant dela reconnaissance officielle des droits fonciers coutumiers jusqu’à des contrats annuels accordantaux villageois un accès très restreint aux terres de l’État. Les institutions d’État peuvent partager lesressources qui leur sont allouées ou les responsabilités de la gestion avec les communautés,notamment autochtones, et avec d’autres parties, comme les groupes d’utilisateurs, des ONG et desentreprises (Castro et Nielsen, 2001). Ces systèmes se rencontrent dans la gestion de diverses res-sources de propriété commune, comme les forêts, les pâturages, la faune et la flore sauvages, lespêches, les zones protégées – car il peut être difficile d’en interdire l’accès à certains des utilisa-teurs qui sont en concurrence pour leur utilisation.

Chaque partie prenante peut avoir des intérêts différents, mais on part du principe que le partagedes pouvoirs et des prises de décision renforce le processus de gestion des ressources, en lui per-mettant de mieux répondre aux divers besoins. La gestion participative est notamment censée pro-mouvoir à la fois les objectifs de conservation et de subsistance, de manière efficace, équitable etconstante.

De nombreux arrangements de collaboration ont vu le jour pour tenter de trouver des réponsesnovatrices à des conflits de longue date sur l’utilisation et la gestion des ressources naturelles. Ceciconfirme qu’un conflit peut être un élément créatif dans la société. Le partage des responsabilitésde la gestion des ressources contestées et des avantages qu’elles procurent a permis d’atténuerdes querelles qui semblaient sans fin, dans un domaine où l’on piétinait.

L’engagement dans un processus de gestion participative peut cependant aussi être l’étincelle quidéclenche un conflit, parce que les personnes, les groupes et les institutions concernés ont non seu-lement de nombreux intérêts différents relativement à l’utilisation des ressources naturelles, maisaussi un poids différent dans les négociations. En outre, les groupes ou les individus qui ont le plusaccès au pouvoir tendent à influencer les décisions liées aux ressources naturelles en leur faveur.

Il est désormais clair qu’une gestion participative des ressources efficace se doit de prêter attentionaux problèmes de gestion des conflits. Les désaccords sur les droits d’accès, l’absence de consen-sus sur les objectifs de la gestion, le manque d’information et les incompréhensions sont des pro-blèmes qui apparaissent dans la plupart des contextes. Il est crucial de gérer les divergences d’opi-nion pour créer un climat propice à l’identification et à l’application de solutions constructives.

S E C T I O N 1Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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Les conflits qui font intervenir des communautés, des cultures ou des parties prenantes très diver-ses (y compris des institutions d’État) sont difficiles à traiter. Les gens des villes ont souvent du malà se frayer un chemin dans le labyrinthe des institutions juridiques ou administratives, alors que lesruraux ont des difficultés à y accéder à cause de la distance (physique et sociale), du coût et dumanque d’intérêt et de compétences de la plupart des avocats pour les questions liées aux ressour-ces naturelles. Pour la majorité des ruraux, obtenir un accès aux instances de gestion des conflits,même au sein de leurs propres sociétés, est une véritable gageure, et les femmes, les démunis, lespaysans sans terres, les castes inférieures, etc. sont les plus mal placés à cet égard.

Dans de nombreux endroits, les capacités locales doivent être considérablement renforcées pourtraiter les nombreuses situations de conflit découlant de la gestion participative. Les communautésrurales ont souvent des moyens insuffisants pour gérer les conflits liés à la mise en place ou au fonc-tionnement des approches de gestion participative (Castro et Nielsen, 2001). Ces populationsconnaissent bien certaines approches, comme la médiation et la négociation, et elles ont autantd’expérience que d’autres dans ce domaine, mais les approches qu’elles adoptent sont profondé-ment ancrées dans leur culture, et souvent inappropriées au conflit spécifique dont elles s’occupent(Castro et Ettenger, 1997).

Les approches de gestion participative ont principalement deux objectifs:

� gérer l’utilisation des terres, des forêts, des zones marines et de leurs produits en négociant avec

les parties prenantes des principes et des pratiques mutuellement acceptables;

� établir des mécanismes de partage entre les parties prenantes du pouvoir décisionnel et du

contrôle de l’utilisation des ressources naturelles.

L’anticipation et la gestion des conflits sont donc des ingrédients critiques de la gestion participative

des ressources naturelles. La grande caractéristique de la collaboration est que les décisions se

prennent par consensus. Consensus ne signifie pas consentement unanime, ni même adoption de

l’option préférée d’une partie. Le consensus est atteint lorsque chaque partie prenante a le senti-

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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La gestion participative des ressources naturelles est un partenariat dans lequel diversesparties prenantes conviennent de se partager les fonctions, les droits et les responsabilitésafférents à la gestion d’un territoire ou d’un ensemble de ressources (d’après Borrini-Feyerabend, 1996: p.3).

La gestion participative englobe un certain nombre de processus qui aident à établir et àmaintenir des principes et des pratiques de gestion des ressources naturelles mutuellementacceptables. La gestion des conflits est l’un de ces processus.

GESTION PARTICIPATIVE ET GESTION DES CONFLITSENCADRÉ 1.1

ment que ses intérêts ont été pris en compte. L’instauration d’un consensus vise à éviter des com-promis (situation dans laquelle au moins une des parties doit renoncer à quelque chose).

Les approches consensuelles ne se suffisent pas à elles-mêmes. Il convient de les intégrer pleine-ment dans le cadre plus large de la gestion participative, et de s’appuyer sur des processus quiconduisent à des avantages et des résultats positifs pour tous.

La réussite de la gestion des conflits dans le domaine de la gestion participative des ressourcesnaturelles est subordonnée à plusieurs conditions:

� Toutes les parties opposées dans le conflit ont du pouvoir ou de l’influence pour négocier: Uncertain degré de partage du pouvoir, au niveau des décisions et du contrôle des résultats, est unecondition préalable importante. Si le pouvoir n’est pas partagé, il est pratiquement impossible quetoutes les parties puissent s’engager dans la gestion d’un conflit et trouver des arrangementsmutuellement acceptables. Les grandes inégalités de pouvoir dissuadent de s’engager dans uneapproche conjointe car des groupes puissants peuvent prendre des mesures unilatéralement oucontraindre les parties plus faibles à accepter une décision. Il arrive même que des partiesprenantes très puissantes fassent en sorte que la collaboration ne marche pas (FAO, 1999).

� Les besoins de base immédiats des populations, tels que nourriture, abri, santé et sécurité, sontgarantis. Si l’un quelconque de ces besoins humains de base n’est pas satisfait ou est menacé,les populations vont focaliser toute leur attention sur l’obtention de cet élément et n’auront guèred’intérêt ou de temps pour collaborer sur d’autres questions.

� Existence d’un cadre politique et juridique mutuellement accepté. La gestion des ressources doitêtre fondée sur des droits mutuellement reconnus – si possible par l’État. Les parties prenantesdoivent être assurées qu’elles recevront les avantages escomptés à court et à long terme del’utilisation des ressources. Il faut donc que les droits soient appliqués et que les parties prenantespuissent raisonnablement espérer obtenir gain de cause, si leurs droits sont enfreints ou ignorés.

S E C T I O N 1Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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� Le conflit n’est pas manipulé par des hommes politiques ou des chefs de groupes pour atteindredes objectifs plus généraux. Ces acteurs peuvent se servir d’un conflit à leurs propres finspolitiques, et avoir intérêt à ce qu’il ne soit pas résolu. Lorsque c’est le cas, les solutions de typecoopératif ont peu de place.

N O T E D U F O R M A T E U R : La gestion des conflits liés aux ressources naturelles ne peut êtreefficace que si l’environnement général est suffisamment porteur pour permettre une gestion participative de cesressources.

P O I N T D E C O N T R Ô L E : L’Annexe I présente les concepts fondamentaux de la gestionparticipative des ressources naturelles, qui est l’approche qui conduit le plus souvent à intervenir dans la gestiond’un conflit lié à ce type de ressources.

1.3 CONFLITS LIÉS AUX RESSOURCES NATURELLES ET AUX MOYENS D’EXISTENCE DURABLES

Les ressources naturelles sont essentielles à la subsistance de nombreux ménages ruraux. Lesconflits à propos de ces ressources peuvent être utiles pour mieux définir les besoins et les droitset contribuer à résoudre des injustices et des inégalités dans la distribution des ressources.Toutefois, certains conflits non résolus peuvent devenir une entrave compromettant les moyensd’existence et la gestion durable des ressources. En cas d’escalade, les conflits peuvent aussi nuireaux relations, en accroissant la méfiance et les soupçons. Des affrontements violents peuvent mêmedétruire les ressources dont les populations tirent leurs moyens d’existence.

L’expression «moyens d’existence» désigne non seulement les activités que les gens pratiquentpour gagner leur vie, mais aussi les différents éléments qui leur permettent de subvenir à leurs pro-pres besoins et à ceux de leur famille, ou qui ont une incidence sur cette capacité de le faire. Ceséléments sont les suivants:

� Les actifs que possède le ménage ou auxquels il a accès, qui peuvent être de plusieurs types:

� capital humain: compétences, connaissances, bonne santé et capacité de travail;

� capital social: relations sociales formelles et informelles, y compris degré de confianceréciproque entre les personnes, et degré de fiabilité et d’adaptabilité;

� capital naturel: les ressources naturelles éventuellement détenues, telles que terres, plantescultivées et arbres, et services procurés par la nature, tels que ombre, qualité de l’eau etespace où planter des semences;

� capital physique: biens et objets corporels fabriqués, tels que clôtures, maisons et routes;

� capital financier: argent et accès au crédit et à l’emprunt;

� les activités qui permettent au ménage d’utiliser ces actifs pour satisfaire ses besoins essentiels;

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� divers facteurs sur lesquels le ménage lui-même n’a pas de prise directe, mais qui ont uneincidence sur la vulnérabilité, tels que les aléas climatiques, les chocs et les catastrophesnaturelles, ou les tendances économiques et les autres tendances à long terme;

� les politiques, institutions et processus qui peuvent avoir une incidence positive ou négative surla capacité des ménages à s’assurer des conditions d’existence satisfaisantes.

Les stratégies que mettent au point les ménages pour améliorer leurs conditions d’existence dépen-dent de:

� la manière dont ils combinent les actifs nécessaires à leur subsistance;

� leur degré de vulnérabilité là où ils vivent;

� les politiques, institutions et processus qui ont un incidence sur leur vie.

Les stratégies visant à améliorer les conditions d’existence ont des impacts qui sont plus durablespour certains que pour d’autres. Ceux qui ont le choix entre de nombreux moyens de gagner leur vie(stratégies) sont généralement moins vulnérables que ceux qui disposent d’options limitées. Certainsinstruments de la gestion des conflits, telles que les négociations consensuelles, peuvent être utiles.

Théoriquement, une bonne approche des moyens d’existence durables devrait créer plus de reve-nus, améliorer les conditions de vie, réduire la vulnérabilité, améliorer la sécurité alimentaire etgarantir à ses bénéficiaires une utilisation plus durable des ressources naturelles.

L’accès aux ressources naturelles est un actif clé pour les ménages ruraux, en particulier parce qu’ila une incidence sur la subsistance et la sécurité alimentaire des ménages pauvres. Les conflits liésaux ressources naturelles peuvent compromettre gravement les moyens d’existence des popula-tions. Des conflits peuvent refléter l’inefficacité des politiques, institutions et processus à réglemen-ter l’accès aux ressources, et compromettre les résultats des stratégies qu’adoptent les populationspour améliorer leurs conditions d’existence. Des conflits à long terme peuvent accroître la vulnéra-bilité des populations et réduire leurs capacités d’adaptation à des imprévus, tels que les fluctua-tions des prix, les sécheresses ou le SIDA.

Dans n’importe quelle société, les actifs sont répartis de manière inégale. Même dans les commu-nautés les plus démunies, il existe des niveaux de pauvreté différents. Le sexe, l’âge et d’autresvariables peuvent avoir une influence significative sur l’accès aux actifs. Par exemple, un arbre peutêtre considéré comme un actif du ménage, mais une femme peut avoir moins de droits qu’un hommequant à son utilisation. Le contrôle dont disposent les populations sur leurs actifs clés varie aussiavec les saisons et au fil du temps, en fonction des problèmes et des opportunités qu’ils rencontrent.

Les moyens d’existence des ménages et les stratégies qu’ils adoptent pour assurer leur subsistancesont au cœur du développement. La promotion des moyens d’existence durables est donc:

� un objectif qui contribue à l’éradication de la pauvreté;

� un cadre de réflexion sur la pauvreté;

� une approche de lutte contre la pauvreté.

S E C T I O N 1Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

33

L’objectif ultime est d’aider les populations à obtenir les moyens d’existence dont ils ont besoin. Unmoyen d’existence est durable si (Chambers et Conway, 1992):

� il gère le stress et les chocs (comme la sécheresse ou un changement économique brutal) et s’enremet;

� il conserve ou renforce les points forts et les actifs présents et futurs;

� il n’appauvrit pas la base de ressources naturelles.

En d’autres termes, les moyens d’existence devraient assurer de bonnes conditions de vie auxménages – non seulement aujourd’hui, mais aussi à l’avenir, ce qui suppose de sauvegarder la basede ressources naturelles.

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CADRE DES MOYENS D’EXISTENCE DURABLESFIGURE 1.1

ACTIFS LIÉS AUXMOYENS D’EXISTENCE

Capitalsocial

Capitalphysique

Capitalnaturel

Capitalfinancier

Capitalhumain

Droit

Cultures

Politiques

Institutions

POLITIQUES,INSTITUTIONS ET PROCESSUS

Chocs

Tendances

Variations saisonnières

CONTEXTE DE LAVULTÉRABILITÉ

Accroissement du revenu

Amélioration desconditions de vie

Réduction de la vulnérabilité

Amélioration de la sécurité alimentaire

Utilisation plusdurable de labase de RN

RÉSULTATS DESSTRATÉGIES DESUBSISTANCE

STRATÉGIESDE

SUBSISTANCE

Échelons dugouvernement

Secteur privé

S E C T I O N 1Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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Les approches fondées sur les moyens d’existence durables étayant la gestioncommunautaire des ressources naturelles devraient présenter les caractéristiques suivantes:

� Etre centrées sur les populations et participatives: Elles devraient être réorientées à partirdes ressources vers les populations. Les interventions devraient être participatives etrespecter réellement les points de vue des populations, notamment la liberté et les choixhumains, se concentrer sur ce qui importe aux populations et travailler de concert avecelles en tenant compte de leurs objectifs en matière de moyens d’existence, de leurenvironnement social et de leur capacité d’adaptation.

� Tenir compte des différences entre les personnes: Elles devraient être conscientes de lavariabilité des actifs, de la vulnérabilité, de la capacité de se faire entendre et desstratégies de subsistance en fonction des groupes, mais aussi du sexe. Il est égalementimportant de comprendre en quoi ces différences affectent la capacité et la disponibilitédes personnes à s’engager dans des processus participatifs.

� Renforcer les pouvoirs et répondre aux besoins: Elles devraient chercher à renforcer les droitsdes pauvres et les capacités des institutions pour leur permettre d’intervenir pleinement dansles décisions concernant tous les aspects des moyens d’existence. Les populations doiventfaire entendre davantage leur voix lors de l’identification des objectifs et des stratégiesprioritaires en matière de moyens d’existence. Les gens de l’extérieur devraient être capablesd’écouter (et pas seulement d’entendre) les pauvres et de leur répondre comme il convient.

� Être intégrées et «multiniveaux»: Elles devraient reconnaître les nombreux facteurs qui ont desincidences sur les populations et chercher à comprendre leurs interactions et leur impact sur lesstratégies de subsistance et leurs résultats.Pour supprimer les contraintes aux moyens d’existencedurables, il faut souvent agir sur plusieurs niveaux, secteurs et régions géographiques.

� Tirer parti des atouts, à travers des partenariats: Elles devraient favoriser un environnementporteur et donner aux pauvres des possibilités de protéger, d’entretenir et d’améliorer leursactifs nécessaires à la subsistance. L’approche encourage aussi la collaboration entre lespauvres, leurs institutions et organisations et les secteurs public et privé. Les partenariatsdoivent être fondés sur des accords transparents et des objectifs communs.

� Etre durables: Les moyens d’existence des populations sont dits «durables» lorsqu’ilsparviennent à gérer les stress et les chocs et à s’en remettre, et à maintenir ou à améliorerles actifs présents et futurs sans porter atteinte à la base de ressources naturelles. Ladurabilité a quatre dimensions clés - économique, institutionnelle, sociale et environnementale- qui doivent toutes être prises en compte. Il est crucial de parvenir à concilier ces dimensions,ce qui ne peut être fait qu’avec la participation active des populations pauvres concernées.

� Etre axées sur le long terme et flexibles: La lutte contre la pauvreté se fait dans uncontexte très changeant, avec des chocs imprévus et des cycles saisonniers qui seproduisent constamment. L’appui aux moyens d’existence durables nécessite unengagement à long terme et une attitude flexible pour s’adapter au changement.

Source: Adapté de Carney, 2002.

PRINCIPES DIRECTEURS RELATIFS AUX MOYENS D’EXISTENCE DURABLESENCADRÉ 1.2

Une gestion des conflits basée sur les principes relatifs aux moyens d’existence durables vise à faci-liter une négociation équilibrée des revendications relatives aux ressources entre les parties prenan-tes locales (et régionales) opposées dans le conflit. Une gestion des conflits réussie:

� renforce la prise de conscience et la connaissance des contraintes entravant le processus dedéveloppement, ainsi que la capacité de les identifier et de les surmonter (capital humain);

� renforce les relations et instaure la confiance entre les groupes et au sein des groupes (capitalsocial);

� met les communautés, les organisations et les institutions mieux à même de résoudre lesproblèmes (capital social);

� contribue à renforcer les arrangements institutionnels qui règlementent l’accès aux ressources etleur utilisation (politiques, institutions et processus);

� favorise l’augmentation des flux de revenu et d’avantages en facilitant l’accès aux ressourcesnaturelles et à leur gestion.

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S E C T I O N 1Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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Ce guide explique comment établir et faciliter un processus de négociations consensuellespour gérer un conflit et forger une collaboration. Il s’adresse aux agents des organisationsgouvernementales, internationales, nationales et locales et des ONG qui s’occupent de diversprojets relatifs aux ressources naturelles et aux moyens d’existence des parties prenantes.

La négociation consensuelle est une méthode de gestion des conflits. Son but est de faciliterune entente, fondée sur des avantages mutuels entre des individus, groupes ou institutions. Aufur et à mesure que les populations acquièrent une compréhension plus large de leurs intérêtset de leurs besoins et de ceux des autres, et apprennent à dépasser leurs positions rigides etémotionnelles, il devient possible d’obtenir des résultats bénéfiques pour tous. Dans certainsconflits, une tierce partie peut contribuer à améliorer les chances de réussite des négociationsfondées sur les intérêts. Cette tierce partie est appelée indifféremment médiateur ou facilitateur.

La gestion des conflits et les négociations consensuelles peuvent aider à parvenir à une ges-tion participative des ressources et à des moyens d’existence durables. Au niveau local, celaimplique d’améliorer les capacités des individus, des groupes et des institutions pour les met-tre mieux à même de résoudre les nombreuses situations conflictuelles qui compromettentla coordination et la coopération.

Les négociations consensuelles ne sont pas toujours efficaces. Elles peuvent être utiles pourgérer les conflits fondés sur des intérêts, qui sont souvent négociables. En revanche, desbesoins fondamentaux comme l’identité, la sécurité, la reconnaissance ou la participation équi-table au sein de la société sont plus difficilement négociables ou ne le sont pas du tout, etmaints conflits comportent des problèmes qui semblent insolubles. Les grandes disparités depouvoir entre les parties prenantes peuvent nécessiter d’autres approches pour apporter deschangements qui pourraient difficilement être obtenus par une négociation ou une médiation.

Le choix de stratégies adaptées à la résolution du conflit en question est fondamental; tous lesconflits sont différents et il n’existe aucune approche efficace à elle seule dans tous les cas.

NÉGOCIATIONS CONSENSUELLESENCADRÉ 1.3

RÉSUMÉ DE LA SECTION

Nous avons vu dans la Section 1 comment les conflits liés aux ressources naturelles peuvent surveniret les incidences qu’ils peuvent avoir sur les moyens d’existence durables; nous avons aussi essayé decomprendre pourquoi une approche de gestion des ressources naturelles basée sur la collaboration estessentielle pour renforcer la durabilité des moyens d’existence et ce que la gestion des conflits apporteà ce processus plus général. La Section 2 passe en revue différentes approches de gestion des conflitset décrit les points forts et les limites des négociations consensuelles. Les sections suivantes présen-tent les négociations de manière plus détaillée et établissent une carte du processus, en dix étapes,pour l’application pratique des approches de gestion des conflits liés aux ressources naturelles.

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Les conflits liés aux ressources naturelles sont des désaccords et des différends sur l’accès,le contrôle et l’utilisation des ressources naturelles. Ils peuvent être utiles pour aider une com-munauté à mieux définir ses intérêts et ses besoins et à atténuer les éventuelles injustices ou iné-galités dans la répartition des ressources. Toutefois, certains conflits liés aux ressources naturellesdoivent être réglés de manière efficace et en temps voulu, sous peine de perturber les moyensd’existence locaux en détruisant la confiance entre les parties prenantes et en accroissant l’insécu-rité et la dégradation des ressources.

Les conflits liés aux ressources naturelles, à l’échelle des communautés, ont souvent descauses multiples étroitement imbriquées – certaines étant le noyau du conflit, alors que d’au-tres le sous-tendent ou y contribuent. Les quatre principaux types de facteurs qui provoquent desconflits sont: 1) la concurrence croissante pour les ressources naturelles; 2) des causes structurel-les; 3) les pressions du développement; et 4) les politiques, programmes et projets de gestion desressources naturelles.

Les politiques, les programmes et les projets de promotion de la gestion des ressourcesnaturelles peuvent sans le vouloir devenir des sources ou des tribunes de conflits. Cettesituation est généralement la résultante d’un manque de participation des populations locales auxinterventions et du manque d’anticipation des conflits potentiels.

Les conflits liés aux ressources naturelles reflètent l’incapacité des politiques, institutions etprocessus divers à réglementer de manière satisfaisante l’accès aux ressources. Bon nombrede ménages ruraux ont des stratégies d’amélioration de leurs conditions d’existence basées sur lesressources naturelles, de sorte que les conflits de ce type peuvent compromettre les résultats deces stratégies et leur bien-être.

La promotion de moyens d’existence durables pour les pauvres passe par une approche degestion des ressources naturelles reposant sur les communautés et sur la collaboration.L’objectif est d’améliorer la gouvernance et les moyens d’existence durables. L’élément central de ceprocessus est de permettre aux différentes parties prenantes de participer aux prises de décisionafin de développer et de gérer leurs ressources.

La gestion des conflits est un élément important à intégrer dans le cadre plus large de la ges-tion participative. La gestion participative est efficace lorsque les institutions et les processus quiréglementent l’utilisation des ressources sont en mesure d’anticiper et de satisfaire les différentsintérêts des parties prenantes en matière d’utilisation des ressources, et de chercher des solutionsavantageuses pour tous.

S E C T I O N 2

La gestion d’un conflit

La présente section examine les différentes dimensions d’un conflit en matière de gestionparticipative des ressources naturelles. Ses objectifs sont les suivants:

� fournir de nouvelles manières de voir le conflit qui peut survenir entre les multiples groupesd’utilisateurs des ressources naturelles;

� présenter d’importants éléments de conflit qui ont une incidence sur la manière de l’aborderet de le gérer;

� examiner différentes approches de gestion des conflits, ainsi que leurs avantages et leursinconvénients spécifiques;

� proposer des modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC) de style coopératif, quivisent à identifier des intérêts communs et des avantages mutuels.

2.1 LA NATURE DU CONFLITLorsque des utilisateurs locaux gèrent ensemble leurs ressources naturelles, il est normal quecertains aient des intérêts différents des autres quant au mode d’utilisation de la ressource enquestion. Si ces intérêts différents semblent incompatibles, un conflit fondé sur les intérêts se déclare.

Un conflit est une relation entre deux ou plusieurs parties qui ont, ou croient avoir, desintérêts ou des objectifs incompatibles.

La violence est, en premier lieu, la menace ou le recours à la force physique. La violencepeut aussi être constituée d’actes, de mots, d’attitudes ou de structures qui provoquent desdommages et empêchent les populations de pourvoir à leur subsistance et de s’assurer desconditions de vie décentes.

Source: Fisher et al., 2000.

CONFLIT ET VIOLENCEENCADRÉ 2.1

Les conflits sont une réalité inéluctable. Ils surviennent lorsque des individus poursuivent desobjectifs opposés ou incompatibles. Un conflit implique des pensées (idées), des émotions(sentiments et perceptions) et des actes (comportement).

En ce qui concerne la pensée, la manière dont les différents participants «cadrent» ou interprètentle conflit est un aspect fondamental (Lewicki, Grey et Elliott, 2003). Le cadrage est la façon dont lespersonnes se représentent mentalement un conflit. Un cadre donne une connaissance plusapprofondie et critique des points de vue, des motivations et des intérêts d’une partie. La gestiond’un conflit englobe souvent un processus consistant à aider les parties à «recadrer» leur conflit, enmodifiant leur façon de le percevoir ou de le traiter. Les conflits sont souvent chargés de fortesémotions – tristesse, colère et/ou frustration, et leur gestion consiste en partie à aider les personnesà gérer ou à dominer ces émotions, de façon à être mieux préparées à aborder les problèmes quisont au cœur du conflit. De la même manière, le comportement ou l’action tient une place importantedans un conflit. L’une des fonctions de la gestion des conflits est d’aider les populations à adopterun comportement positif pour résoudre les divergences qui les séparent.

Dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, la gestion d’un conflit offre un ensemblede principes et d’outils qui permettent de transformer un conflit en une force favorisant des moyensd’existence plus durables. Ces principes et ces outils peuvent en particulier servir à consolider lesystème de gestion des conflits existant, basé sur la coutume et le droit. L’objectif de ce guide estde donner aux professionnels des ressources naturelles les moyens de gérer les tensions dès lemoment où elles surviennent.

En effet, un conflit peut avoir des résultats positifs et constructifs, à condition d’y réagir comme ilconvient. Par exemple, il peut aider à mieux comprendre les politiques, institutions et processus quirèglementent l’accès aux ressources. Un conflit peut aussi être un important moteur de changementsocial, en mettant en lumière:

� les griefs existant dans le système socio-économique ou politique plus large;

� des lois ou des politiques concurrentielles ou contradictoires régissant l’accès ou le contrôle desressources naturelles;

� des défaillances dans la mise en œuvre des politiques ou des lois relatives à la gestion desressources naturelles;

� le besoin ou le souhait qu’ont les populations de faire valoir leurs droits, leurs intérêts et leur priorités;

� des conditions environnementales regrettables, comme la surexploitation des ressourcesrenouvelables.

Une approche de gestion participative des ressources naturelles reconnaît et respecte les valeurset les intérêts différents et souvent conflictuels des divers groupes d’utilisateurs. Lorsque des conflitsliés aux ressources naturelles sont traités de manière constructive, ils peuvent contribuer àaméliorer les institutions et les processus intéressant la gestion des ressources naturelles. Ceci peutcontribuer à stabiliser et à renforcer la durabilité des ressources naturelles et les avantages qu’enretirent les différents utilisateurs.

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N O T E D U F O R M A T E U R : Un conflit peut devenir une force créative et constructive pouraméliorer la gestion des ressources naturelles, à condition de maîtriser les techniques qui permettent de l’analyseret de le gérer de façon constructive et sur une base participative. Un conflit peut prendre diverses formes et tousles conflits ne peuvent pas être entièrement résolus à l’échelon local. Ceux qui sont provoqués par des tensionsstructurelles peuvent notamment exiger que l’on prenne des mesures au niveau régional, national ou international.

Avant d’intervenir dans un conflit, il convient d’étudier ses dimensions essentielles. Les personnesqui doivent résoudre un conflit doivent être conscientes de ce qui suit:

� Les origines d’un conflit sont généralement complexes et variées. Elles plongent leurs racinesdans les systèmes culturels locaux, mais sont aussi en rapport avec des processus sociaux,économiques et politiques plus larges.

� Les conflits ne sont pas des événements uniques isolés, mais des processus sociaux interactifset dynamiques. Chaque conflit a une histoire et une évolution qui lui sont propres, avec desphases et des degrés d’intensité divers.

� Il ne saurait y avoir un compte rendu «vrai» ou «objectif» unique d’un conflit. Ceux qui participentaux conflits et ceux qui les suivent en tant qu’observateurs peuvent les interpréter ou les cadrerdifféremment, selon leurs points de vue et leurs intérêts. Les conflits portent sur des perceptionset sur les (diverses) significations que les personnes attribuent aux événements, aux politiques,aux institutions, etc.

2.1.1 Un conflit est en évolution constante: les stades d’un conflitLes conflits sont en principe des processus interactifs sociaux dynamiques (en évolution constante), tousdifférents les uns des autres. La technique d’analyse des conflits permet pourtant d’examiner leur structureet leur dynamique de façon systématique. A partir de là, il devient clair que les conflits ont généralementen commun des modèles et des stades de développement similaires.D’une manière générale, on peut voir

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

41

LES STADES D’UN CONFLITFIGURE 2.1

les conflits comme un cycle, allant de leur apparition (ou émergence) à leur résolution, même s’ils neprogressent pas toujours de manière strictement linéaire, du stade A, au stade B, C, etc. En effet, lesconflits se déroulent souvent par à-coups, avançant et reculant entre les différents stades, voire sautant unstade, ou s’arrêtant pendant longtemps à un stade avant de repartir brusquement.

Pour être efficaces, les professionnels doivent analyser avec attention chaque conflit, au cas parcas, en tenant compte des différents stades et des éléments en jeu dans le conflit. Parfois, un conflitdoit être traité même s’il a été sans influence sur les actes ou les décisions des gens.

Lorsqu’un conflit n’est pas ouvert, mais constitue une menace potentielle, on dit qu’il est latent. Il peuty avoir de la fumée, mais le feu n’est pas visible. Un conflit latent est lié à des tensions sociales, à desdivergences et à des désaccords qui sont cachés ou ne sont pas formulés. À ce stade, il peut y avoirdes objectifs incompatibles, mais les parties n’en ont pas encore une conscience aiguë ou ne veulentpas se dévoiler ou révéler leurs intérêts dans le conflit. Elles peuvent laisser le conflit à l’état latent pourdes raisons aussi diverses que la crainte, la méfiance, la pression du groupe, le manque de moyensfinanciers. Dans ces situations, les conflits peuvent se manifester à travers ce que Scott (1985: xv-xvi)appelle «les armes ordinaires des groupes qui ont le moins de pouvoir, c’est-à-dire à travers desattitudes consistant à traîner les pieds, ou dissimulation, désertion, pillage, feinte ignorance,diffamation, incendies volontaires, sabotages, etc.». Dans ces situations, les tensions s’accumulent.

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CACHÉ

TEMPS

VIOLENCEOUVERT

INTE

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LADE

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

43

Un conflit peut apparaître (ou «émerger») de façon progressive et régulière, ou se développerrapidement en réaction à quelques événements significatifs. Lorsque les différends s’accroissent ets’intensifient, le conflit devient manifeste et se transforme en un problème de notoriété publique quine peut plus être ignoré. Au stade manifeste, les divergences des parties opposées deviennent plusmarquées et tiennent une place plus importante dans les dynamiques de groupe. Au fur et à mesureque les incompatibilités se précisent, elles deviennent «les» problèmes du conflit et le débat tournede plus en plus autour de ces différences. Les parties opposées commencent à se définir, elles etleurs groupes, sur la base de ces clivages, en termes de confrontation («nous contre eux»). Cesdifférences peuvent ensuite être utilisées pour mobiliser des sections de la population au nom d’une«cause». Les conflits manifestes peuvent s’intensifier (il y a alors escalade du conflit) et dégénérerdans la violence. Lorsqu’un conflit atteint ce stade, la violence génère elle-même la violence, ce quientraîne une nouvelle escalade.

En théorie, les conflits devraient être gérés quand ils sont au stade latent, avant l’émergence oul’escalade. Lorsqu’un conflit atteint le stade manifeste, il peut soit se bloquer et rester au point mortou dans une impasse si les parties refusent de modifier leurs positions, soit devenir incontrôlableavec des tensions et des actes violents.

Comment peut-on détecter un conflit latent? Il est difficile de prévoir quand des conflits liésaux ressources naturelles peuvent venir à la surface (émergence) ou s’intensifier (escalade).Une histoire ponctuée de conflits dans ce domaine dans une communauté ou une région estl’un des meilleurs indicateurs de l’émergence probable d’un conflit. Il n’est pas rare que desconflits réapparaissent ou que des conflits similaires se développent si les sources de conflitoriginelles n’ont pas été résolues. Diverses situations sont des révélateurs ou dessymptômes de tensions ou de conflits potentiels, notamment (par domaine):

Changements dans l’utilisation des terres et les utilisateurs des ressources

� Utilisation apparemment non durable des ressources renouvelables, notammentdéfrichage des forêts (ou d’espèces particulièrement prisées), surpâturage, ousurexploitation des produits forestiers ou des pêcheries;

� Tendances dans l’utilisation des terres, notamment conversion rapide des forêts en terresagricoles ou en prairies, extension des cultures sur les pâturages; passage de la mono àla polyculture; expansion des centres urbains ou péri-urbains aux dépens des terresagricoles, établissement d’ouvrages d’irrigation ou clôturage de terres auparavantcommunales;

DÉTECTER UN CONFLIT LATENTENCADRÉ 2.2

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� Brusque apparition de nouvelles technologies, telles que engrais chimiques, semenceshybrides, cultures exotiques, pompes à irrigation, tronçonneuses, tracteurs, nouvellestechnologies ou nouveaux bateaux de pêche, permettant une utilisation ou uneexploitation plus intensive des terres agricoles, des forêts, de l’eau, des pêches oud’autres ressources;

� L’arrivée ou l’afflux de gens de l’extérieur ou de nouveaux groupes, notamment demembres de communautés voisines, de pasteurs nomades, d’agriculteurs migrants, detravailleurs sans emploi ou de réfugiés, venus pour utiliser les ressources locales.

Changements dans les marchés locaux, les stratégies de subsistance ou les institutions

� Brusques hausses des prix de denrées essentielles, comme les céréales de base,annonciatrices de l’apparition (ou du risque d’apparition) de pénuries alimentairesgénéralisées ou prolongées;

� Poursuite de stratégies «de crise», avec augmentation des ventes de bois, recherchesd’«aliments de famine» sauvages, moins prisés, accroissement de la mendicité etmigration vers d’autres zones, à la recherche de secours;

� Ventes en catastrophe d’actifs, tels que biens de consommation, bétail et terres;

� Écarts croissants entre les riches et les pauvres d’une même communauté, mis enévidence par des faits nouveaux comme la propriété de biens de production ou deconsommation, la modification des stratégies de subsistance ou de la structure del’emploi;

� Rapports signalant que des institutions de gestion des ressources naturelles ou d’autresorganismes clés locaux sont affectés par divers problèmes (divisions politiques,défaillances au niveau de la direction, corruption, etc.).

Relations communautaires

Communications perturbées

� Comportements froids, très formels;

� Faible propension au contact et à la communication;

� Diffusion de commérages, de rumeurs, d’intrigues et d’accusations, en particulier concernantdes tiers;

� Insultes et menaces implicites ou explicites de recourir à la force physique contre d’autresparties.

Encadré 2.2 • (suite)

Il peut être très utile d’évaluer le risque de conflit pour surmonter les obstacles qui entravent lagestion conjointe des ressources naturelles. Néanmoins il faut souligner que les tendances et lessymptômes cités dans l’encadré 2.2 indiquent seulement que des tensions et des conflits peuventsurvenir. Il peut être difficile de déterminer quels sont les événements ou les processusdéclencheurs qui pourraient transformer ces situations en conflits ouverts.

Le fait d’intervenir dans un conflit peut avoir des effets inattendus, notamment sur son évolution destade en stade, en le poussant vers:

� Une intensification, ce qui veut dire qu’un conflit caché deviendra plus visible et ouvert. Il peut êtreimportant de mettre au jour des facteurs cachés pour amener les parties à s’orienter vers larecherche d’une solution constructive.

� Une escalade, ce qui veut dire en revanche que la tension, les menaces et/ou la violence montent.

Un conflit peut devenir violent dans les cas suivants:

� désaccord et impossibilité de dialogue;

� des voix dissidentes et des griefs profondément ressentis ne sont pas entendus;

� l’instabilité, l’injustice et la crainte règnent dans la communauté ou la société au sens plus large;

� les populations croient (de façon peu raisonnable) que la violence peut servir leurs intérêts.

N O T E D U F O R M A T E U R : Rappelez-vous qu’un conflit peut être latent et cherchez le conflit«invisible». Il est préférable d’anticiper un conflit et d’intervenir à un stade précoce car une intervention plustardive serait plus coûteuse et prendrait plus de temps. Plus tard pourrait être «trop tard». Rappelez-vous aussique «ne rien faire» et se contenter de «surveiller la situation» peut être une option avisée, car il arrive qu’uneintervention aggrave un conflit.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

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Problèmes relationnels

� Durcissement, entêtement, refus d’élargir son point de vue;

� Échec à protéger la propriété;

� Refus de consentir l’accès aux ressources à d’autres parties;

� Désaccords ouverts, vives récriminations.

Fuite

� Détachement des autres;

� Manque d’intérêt, apathie;

� Manœuvres de fuite, stratégies d’évitement.

Encadré 2.2 • (fin)

PROGRESSIVITÉ DES APPROCHES DE GESTION DES CONFLITSFIGURE 2.2

2.2. LES DIFFÉRENTES OPTIONS DE GESTION DES CONFLITSLes communautés locales, les utilisateurs des ressources, les directeurs de projets et lesfonctionnaires ont le choix entre un certain nombre de procédures pour gérer les conflits, et ilsdoivent étudier attentivement les pour et les contre de chaque option pour retenir la plusavantageuse pour eux. Aucune approche de gestion des conflits liés aux ressources naturelles n’estefficace dans tous les cas, chacune ayant ses points forts et ses limites. L’approche la plusappropriée et la plus légitime pour traiter le conflit dépend de la situation.

La discussion qui suit sur les différentes options a pour objet d’aider les individus à prendre des décisionsen connaissance de cause. Les diverses options se différencient par divers aspects (Moore, 2003):

� la reconnaissance légale du processus et de son résultat;

� le caractère privé (ou non) de l’approche;

� les compétences spéciales exigées de la tierce partie qui facilite (éventuellement) la gestion du conflit;

� le rôle et le pouvoir des éventuelles tierces parties qui interviennent;

� le type de décision prise à l’issue du processus;

� le degré de coercition exercé par ou sur les parties directement concernées.

La Figure 2.2. illustre la progressivité des approches de gestion des conflits, qui vont de l’évitement duconflit à un extrême, jusqu’à la violence physique à l’autre extrême, avec entre les deux de multiplesapproches et options différentes. En allant de gauche à droite sur la figure, les approches se caractérisentpar des processus de prise de décision de plus en plus directifs et coercitifs. Plus on avance vers la droitedu graphique, moins les parties au conflit ont d’influence sur le processus et son résultat.

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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Coercition accrue et probabilité d’unrésultat avec un gagnant et un perdant

Évitementdu conflit

Négociation Médiation Arbitrage Règlementjudiciaire

Actiondirective non violente

Violence

Décision informelle prise par lesparties au conflit

Décision extrajudiciaire,basée sur la coercition

Décisioninformelleprise parune tiercepartie

Décisionjudiciairefaisant autorité,prise par unetierce partie

Source: Moore, 2003

Des personnes qui sont en désaccord les unes avec les autres peuvent commencer par s’éviter,pour diverses raisons: elles préfèrent éviter une situation désagréable qui accompagnerait un conflit,elles considèrent que l’enjeu n’en vaut pas la peine, ou elles ne croient pas que la situation peuts’améliorer. L’évitement peut aussi être une stratégie: on préfère attendre le bon moment pour agir,de manière plus directe et avec plus de force.

Lorsque l’évitement n’est plus possible ou lorsque le conflit s’intensifie, les parties peuvent recourirà d’autres approches de résolution des problèmes. La procédure la plus commune pour parvenir àun accord mutuellement acceptable est la prise de décision informelle, qui passe généralement parune négociation et/ou une médiation:

� La négociation est une relation dans laquelle les parties opposées dans un conflit discutent entreelles pour trouver une entente. Les négociations sont volontaires et exigent que toutes les partiesacceptent de prendre en considération les intérêts et les besoins des autres. Si les négociationsont du mal à démarrer ou sont dans une impasse, les parties peuvent avoir besoin de l’assistanced’un tiers.

� La médiation est le processus par lequel une tierce partie acceptée par tous, mais sans pouvoirdécisionnel (le médiateur n’a pas l’autorité nécessaire pour imposer une solution) aide lesprincipales parties en cause à résoudre leur différend en favorisant la conciliation et en facilitantles négociations. Comme la négociation, la médiation laisse le pouvoir de décision entre les mainsdes parties opposées dans le conflit. Celles-ci s’engagent volontairement dans un accord et lemettent en œuvre elles-mêmes.

Certains préconisent une approche dans laquelle la tierce partie aura une position beaucoup plusferme. Les parties au conflit auront alors moins d’influence sur le processus et sur son issue.

L’arbitrage est un processus par lequel les parties soumettent les problèmes en jeu à une tiercepartie acceptée par tous, qui prend la décision à leur place. Il s’agit d’une procédure privéeinformelle, à la différence du règlement judiciaire, dans lequel la décision rendue devient publique.Dans le règlement judiciaire, les parties en cause font généralement appel à des avocats pour lesdéfendre et les causes sont plaidées devant des juges et d’autres fonctionnaires d’administrationsprovinciales ou de ministères techniques habilités à juger les litiges relatifs à la terre. Cesreprésentants du droit public prennent en considération les préoccupations, les intérêts et lesarguments des parties opposées dans le conflit et prennent une décision sur la base des règles etdes valeurs d’une société, en conformité avec la loi. L’inconvénient de cette démarche est que ladécision part du principe qu’une partie a raison et l’autre tort et que l’on obtient au bout du compteun gagnant et un perdant. L’avantage est que la sentence est contraignante et exécutoire car le jugeest habilité par la société à rendre la décision.

La gestion d’un conflit sort du cadre de la loi (ou devient extrajudiciaire) lorsqu’elle ne repose passur des processus socialement exigés ou acceptables. Les approches extrajudiciaires impliquentdes processus de coercition consistant à convaincre ou à forcer les «opposants» à respecter unedécision ou à se soumettre.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

47

Il y a action directive non violente lorsqu’une partie au conflit force une ou d’autres parties à fairedes concessions en refusant de coopérer ou en commettant des actions indésirables. Cettedémarche est possible lorsque les parties opposées dans un conflit sont tributaires les unes desautres pour leur bien-être et leurs moyens d’existence. Recourir à la violence (ou à la contraintephysique), c’est menacer ou user de la force pour imposer sa volonté aux autres parties et exercerune coercition, c’est contraindre une partie à accepter un résultat imposé par une autre partie.

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Évitement: Action consistant à empêcher qu’un conflit ne devienne «public».

Négociation: Processus volontaire dans lequel les parties à un conflit parviennent à un accordpar consensus, le consensus étant une décision que toutes les parties peuvent soutenir.

Médiation: Action consistant à faire appel à une tierce partie pour faciliter le processus denégociation (un médiateur ne peut pas imposer une solution).

Arbitrage: Action consistant à porter le conflit devant une tierce partie acceptée par toutes lesparties, qui rend une décision (souvent non contraignante).

Règlement judiciaire (ou jugement): Action consistant à porter le conflit devant le juge ou uneautorité administrative qui prend une décision qui s’impose à toutes les parties.

Coercition: Action consistant à proférer des menaces ou à recourir à la force pour imposersa volonté.

RÉSUMÉ DES RÉACTIONS À UN CONFLITENCADRÉ 2.3

Dans le domaine de la gestion des conflits, l’exécution des résultats (ou des décisions) et lecaractère contraignant des règlements des conflits sont des questions cruciales, qui posentproblème dans tous les régimes juridiques. Lorsque les parties parviennent à s’entendre de manièreinformelle, l’exécution de l’accord dépend de la bonne volonté des parties. Elles peuvent l’appliquers’il offre des avantages, mais l’ignorer s’il ne leur apporte rien. Elles peuvent tenter de résoudre lemême problème par une autre approche.

Dans le cadre de l’arbitrage et du règlement judiciaire, la tierce partie ou le système judiciaire doiventêtre habilités et avoir un pouvoir de sanction. Toutefois, une victoire devant les tribunaux ne garantitpas que le jugement sera appliqué. Il n’est pas rare que les décisions d’un règlement judiciaire réussine soient pas respectées car les responsables ne parviennent pas à les faire appliquer.

En plus de l’approche de gestion des conflits, il importe aussi de bien comprendre le système socialdans lequel se déroule le processus de gestion du conflit. Il existe trois principaux systèmes degestion des conflits qui font appel à une tierce partie:

� les systèmes coutumiers de gestion des conflits;

� les systèmes juridiques nationaux;

� les modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC), de style coopératif.

Ces systèmes sociaux diffèrent par leur approche et par les capacités de mise en exécution dontdisposent les tierces parties pour amener les parties à se conformer au règlement. Chacun des troissystèmes a des avantages et des limites qui lui sont propres, aussi est-il nécessaire d’examinerattentivement ce que chacun de ces systèmes peut offrir.

2.2.1 Systèmes coutumiers de gestion des conflitsUn grand nombre de stratégies et de techniques coutumières de gestion et de résolution des conflitsliés aux ressources naturelles ont été mises au point par les communautés au fil des ans. Cestechniques présentent de nombreuses similitudes malgré la diversité des contextes culturels: lanégociation, la médiation et l’arbitrage sont des pratiques communes, ainsi que certaines mesurescoercitives telles que la pression du groupe, les commérages, l’ostracisme, les sanctionssurnaturelles et la violence.

Le succès de ces stratégies coutumières dépend souvent des capacités des autorités traditionnellesà faire appliquer les décisions. Lorsque l’autorité des groupes de l’élite traditionnelle s’affaiblit, leurcapacité de rendre une décision ou de la mettre en exécution peut aussi diminuer.L’institutionnalisation des pratiques coutumières dans des cadres juridiques nationaux plusgénéraux pourrait être un bon point de départ pour renforcer les capacités qu’ont les autoritéstraditionnelles de résoudre les problèmes liés à la gestion moderne des ressources naturelles.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

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2.2.2 Systèmes juridiques nationauxLes systèmes juridiques nationaux qui régissent la gestion des ressources naturelles sont fondéssur la législation et sur des déclarations de politique générale et administrés par des institutionsrèglementaires et judiciaires. Le règlement judiciaire et l’arbitrage sont les principales stratégies derésolution des conflits et les décisions sont prises par des juges et par des responsables investis del’autorité nécessaire pour imposer un règlement à toutes les parties opposées dans le différend.

Les décisions sont le plus souvent fondées sur des règles juridiques nationales appliquées demanière uniforme ou rigide, qui tendent à produire des résultats avec un perdant et un gagnant. Ainsiles parties opposées dans le litige ont généralement très peu d’influence sur le processus et lesrésultats de la gestion du conflit. En outre, pour peu qu’elles aient de l’influence, elles la doiventgénéralement à des manœuvres de corruption qui nuisent à la crédibilité du système. Toutefois,quelques systèmes nationaux s’inspirent de systèmes juridiques qui tiennent leur origine de la

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Points forts Limites

Encouragent la participation des membres de lacommunauté et respectent les valeurs et lescoutumes locales.

Sont plus accessibles en raison de leur faible coût,de leur souplesse de programmation et deprocédure, et de l’utilisation de la langue locale.

Encouragent la prise de décisions participative, endégageant un consensus au terme d’une série dediscussions favorisant souvent la réconciliation auniveau local.

Contribuent aux processus de dévolution de pouvoirsaux communautés.

Des chefs officiels ou non officiels peuvent remplirles fonctions de conciliateurs, de médiateurs, denégociateurs ou d’arbitres.

Ces systèmes sont reconnus depuis longtempscomme légitimes par les communautés locales, quise sentent ainsi maîtresses du processus et de sesrésultats.

Ont été supplantés par les tribunaux et les loisadministratives.

Sont souvent inaccessibles en raison de facteurs liésau sexe, à la classe sociale, à la caste et à d’autresconsidérations.

Sont mis en question par l’hétérogénéité croissantedes communautés due aux changements culturels,aux mouvements de population et à d’autresfacteurs qui détériorent les relations sociales quiconstituent les fondements de la gestion coutumièredes conflits. Peuvent être entravés depuis longtempspar des problèmes d’accès liés au sexe, à la classesociale, à la caste ou à d’autres considérations.

Sont souvent incapables de régler les conflits entre lescommunautés ou entre une communauté et l’État.

Les chefs locaux peuvent se servir de leur pouvoir àleurs propres fins ou dans l’intérêt de clients ou degroupes sociaux qui dépendent d’eux.

Il n’existe pas de trace écrite des décisions et desprocessus qui puisse servir de référence pour le futur.

POINTS FORTS ET LIMITES DES SYSTÈMES COUTUMIERS DE GESTION DES CONFLITSTABLEAU 2.1

coutume, de la religion, du groupe ethnique ou d’autres considérations locales. Bien que lerèglement judiciaire rende des décisions exécutoires, celles-ci ne sont appliquées que si lesautorités légales sont en mesure de les faire respecter.

Or leurs moyens sont parfois limités. En outre les systèmes juridiques nationaux de nombreux payssont peu transparents et difficilement accessibles, en particulier aux pauvres et aux groupessocialement marginalisés. Le recours légal est cependant l’un des principaux moyens d’obtenir unedécision qui engage l’État.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

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Points forts Limites

Le recours aux systèmes juridiques officielsrenforce la règle de l’état de droit, responsabilise lasociété civile et favorise la responsabilité enmatière d’environnement.

Sont officiellement établis avec des procédures enprincipe bien définies.

Tiennent compte des préoccupations et des questionsd’intérêt national et international.

Font intervenir des experts judiciaires et techniquesdans le processus de prises de décision.

Lorsque le rapport de forces entre les parties encause est très déséquilibré, ces systèmes peuventmieux protéger les droits des plus faibles, du fait queles décisions sont juridiquement contraignantes.

Les décisions sont impartiales et basées sur le fond,toutes les parties étant égales devant la loi.

Sont souvent inaccessibles aux pauvres, auxfemmes, aux groupes marginalisés et auxcommunautés éloignées pour des raisons de coût,de distance, de barrières linguistiques, d’obstaclespolitiques, d’analphabétisme et de discrimination.

Peuvent négliger les connaissances autochtones, lesinstitutions locales et les besoins des communautésà long terme lors de la prise de décisions.

Peuvent faire intervenir des experts judiciaires ettechniques qui n’ont pas les connaissances, lescompétences et les orientations requises pour unegestion participative des ressources naturelles.

Utilisent des procédures généralement basées sur lesystème du débat contradictoire qui produisent desrésultats où il y a un gagnant et un perdant.

Fournissent seulement une participation limitée dansla prise de décision des parties en conflit.

Il est parfois difficile d’arriver à des décisionsimpartiales si les juges ne sont pas indépendants, siles fonctionnaires sont corrompus ou si la procédurejudiciaire est dominée par un groupe d’élite.

Utilise le jargon très spécialisé de groupes d’éliteinstruits, de sorte que ceux qui appartiennent aumonde des affaires ou au gouvernement sontavantagés par rapport aux gens ordinaires et auxcommunautés.

POINTS FORTS ET LIMITES DES SYSTÈMES JURIDIQUES NATIONAUXTABLEAU 2.2

2.2.3 Modes alternatifs de gestion des conflitsÀ côté des systèmes coutumiers et juridiques, il existe aussi d’autres méthodes, dites Modes alternatifsde gestion des conflits (MAGC). La gestion participative des conflits encourage la prise de décisionsconjointe et tente d’amener les parties opposées dans un conflit à conclure un accord volontaire,avantageux pour tous. Ces systèmes sont nés en partie en réaction aux styles de gestion des conflitsbasés sur le pouvoir ou sur un règlement judiciaire, qui produisent l’un et l’autre des gagnants et desperdants. Comme la gestion participative des conflits repose sur des accords volontaires, ceux-ci nesont appliqués que si les parties le veulent bien. Des tierces parties peuvent faciliter le processus, maiselles ne peuvent rien imposer aux parties. La gestion participative des conflits est surtout efficacelorsque le rapport des forces entre les parties en cause est à peu près équilibré.

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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Points forts Limites

Peuvent aider à surmonter les obstacles inhérents auxsystèmes administratifs, judiciaires ou même coutumiers,qui entravent la gestion participative des conflits.

Favorisent la gestion des conflits en se basant sur lesintérêts communs et en recherchant des points deconvergence.

Impliquent des procédés qui ressemblent à ceux quisont déjà utilisés par la majorité des systèmes degestion des conflits locaux, notamment un accès aisépour un coût limité.

Encouragent à prendre en charge la mise en œuvre duprocessus de résolution.

Mettent l’accent sur le renforcement des capacités descommunautés locales en matière de facilitation, decommunication, de planification et de gestion des conflits.

Ne parviennent généralement pas à corriger lesinégalités structurelles et peuvent perpétuer ouexacerber les déséquilibres du pouvoir.

Peuvent avoir du mal à réunir toutes les partiesprenantes autour de la table des négociations.

Peuvent ne pas réussir à corriger les disparitésde pouvoir entre les différentes partiesprenantes, ce qui perpétue la marginalisation desgroupes vulnérables tels que les pauvres, lesfemmes et les populations autochtones.

Peuvent déboucher sur des décisions nonjuridiquement contraignantes.

Peuvent inciter certains spécialistes à emprunterdes méthodes à d’autres contextes et à d’autrescultures sans les adapter à la situation locale.

POINTS FORTS ET LIMITES DES MODES ALTERNATIFS DE GESTION DES CONFLITSTABLEAU 2.3

2.3 LES MODES ALTERNATIFS DE GESTION DES CONFLITS (MAGC):LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION

Les MAGC ont pour but de mettre les parties mieux à même de discuter entre elles et à avancerdans les négociations pour parvenir à une entente. Il existe des styles de négociations trèsdifférents: négociations dures et négociations douces, négociations fondées sur les positions etnégociations consensuelles. Dans ce guide, qui est centré sur les approches de type coopératif,nous préconisons les négociations consensuelles, ou fondées sur les principes1.

2.3.1 Négociations consensuelles Le principe de base des négociations consensuelles est que les parties prenantes identifient elles-mêmes leurs besoins et leurs intérêts, ce qui leur permet de s’entendre pour trouver des solutionsavantageuses pour tous. Cette approche repose sur un degré de collaboration élevé et sur lepostulat que les parties ont la bonne volonté nécessaire pour communiquer tout au long duprocessus. Cette bonne volonté est souvent obtenue grâce à la conciliation. Les négociationsconsensuelles sont particulièrement importantes quand il s’agit de renforcer des relations de travaildurables. Elles aboutissent en outre à des règlements qui peuvent être plus satisfaisants et plusfacilement applicables, du fait que les parties opposées dans le conflit élaborent elles-mêmes leurssolutions.

Parmi les autres styles de négociations, on peut citer les «négociations dures» et les «négociationsdouces». Les négociations dures reposent souvent sur le recours à des stratégies plus coercitivespour amener chaque partie à faire des concessions et à conclure un accord. Ce style est enparticulier applicable lorsqu’une des parties opposées dans un conflit a pris une position extrême etinflexible. Les négociations dures tendent à être compétitives et basées sur la confrontation, et lesrésultats se fondent sur le compromis (du type donnant-donnant: «J’abandonne quelque chose et tuabandonnes quelque chose») plutôt que sur des accords satisfaisants pour tous.

Les négociations douces peuvent aller à l’autre extrême, les parties tenant plus à préserver debonnes relations qu’à poursuivre leurs propres intérêts. Ceci peut les amener à faire trop facilementdes concessions, engendrant par la suite ressentiment ou frustration. Les questions délicatessusceptibles de provoquer des désaccords sont souvent évitées. Les parties prenantes plus fortespeuvent recourir à des négociations douces pour accroître, plutôt que pour modérer, leursrevendications. Les résultats tendent à être fondés sur l’acceptation de pertes unilatérales («Je teconcède ce que tu veux – c’est plus important (ou moins nuisible) pour moi, que de poursuivre cettequerelle»).

La négociation consensuelle offre une alternative aux règlements du type « gagnant-perdant»auxquels aboutissent généralement le règlement judiciaire et l’arbitrage, qui se fondent sur laconfrontation et n’ont rien de consensuel. En outre, du fait qu’ils sont flexibles et peu coûteux, les

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1. Appelées indifféremment “négociations fondées sur les intérêts” ou “négociations fondées sur les principes”.

MAGC sont plus facilement accessibles aux pauvres, aux femmes, aux groupes marginalisés et auxcommunautés reculées que les systèmes juridiques nationaux.

La création d’un consensus est censée permettre d’arriver à des accords et à des résultats quipuissent être acceptés par toutes les parties, avec un minimum de compromis et de concessions.Le but est de parvenir au meilleur accord possible pour résoudre les problèmes qui sont à l’originedu conflit. Le meilleur résultat est avantageux pour tous («solution gagnant-gagnant»). Il n’est pastoujours possible de parvenir à un tel résultat gagnant sur toute la ligne (Section 2.3.3), mais il existetoute une gamme de résultats positifs auxquels peuvent aboutir des négociations. Comme lesconflits ont une lourde charge d’émotions et reposent beaucoup plus sur des perceptions que surdes faits, la création d’un consensus a pour but de transformer ces perceptions en amenant lesparties opposées dans le conflit (Warner, 2001) à:

� laisser de côté leurs revendications immédiates pour centrer leur attention sur les intérêts et lesbesoins sous-jacents qui motivent réellement leur comportement;

� renoncer à la recherche d’une solution unique, pour envisager la gamme d’options la plus largeet la plus créative possible pour satisfaire les besoins profonds;

� laisser de côté des revendications personnelles et souvent excessives, pour s’attacher à identifierde façon claire et précise les besoins profonds et la gamme d’options proposées;

� renoncer aux attitudes antagonistes, pour tenter de concilier les intérêts de chacun.

Les négociations consensuelles ne sont donc pas fondées sur les positions, mais sur les intérêts etles besoins. Les positions impliquent des revendications concrètes et explicites (les personnesdisent ce qu’elles veulent), alors que les intérêts (c’est-à-dire ce que les personnes veulent vraiment)sont généralement plus difficiles à cerner. Les intérêts sont davantage axés sur le long terme etreflètent les attentes plus générales d’un individu ou d’un groupe, qui sont par exemple de vivre enpaix, d’avoir un accès garanti aux ressources nécessaires à la subsistance ou d’obtenir lareconnaissance de leur identité. Les intérêts peuvent être centrés sur des faits (distribution desressources) et sur les relations avec les personnes (confiance).

Les négociations fondées sur les positions peuvent empêcher la création d’un consensus. Dans unesituation de conflit, les parties tendent à s’enfermer dans leurs positions qu’elles doivent défendreet faire valoir. Les parties prenantes exacerbent souvent leurs différences en adoptant des positionsparfois contraires à leurs intérêts. Elles pensent parfois qu’en prenant une position ferme, ellesminimiseront les concessions à la partie adverse. Une fois qu’elles se sont identifiées à leurspositions, elles ne sont plus capables d’évaluer de manière rationnelle les arguments et lespropositions de la partie adverse. Si elles concèdent quelque chose, elles peuvent avoir l’impressionde perdre la face. Les négociations deviennent un affrontement de volontés dans lequel chacuntente de gagner. Dans ces processus de négociation fondés sur les positions, les parties seconsidèrent comme des adversaires: le but est la victoire.

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Le style de négociation fondé sur les positions est généralement utilisé lorsque les parties estimentque les ressources contestées sont limitées et que le litige ne peut être résolu que par unerépartition, qui se traduira nécessairement par des gains pour une partie et des pertes pour l’autre.Ce style de négociation peut aussi être adopté lorsqu’une partie est plus attachée à la poursuite deses propres objectifs qu’au maintien de bonnes relations avec les autres parties.

La méthode consistant à concilier des intérêts plutôt que des positions fonctionne pour deux raisons.Premièrement, un intérêt peut être satisfait par plusieurs positions, entre lesquelles on peut choisir.Or, trop souvent, les personnes se contentent d’adopter la plus évidente. Deuxièmement, despositions antagonistes masquent plus d’intérêts communs et compatibles que d’intérêts conflictuels(Fisher, Ury et Patton, 1991: 43), de sorte qu’il est plus facile de trouver un terrain d’entente sur lesintérêts, en particulier sur l’intérêt à long terme de toutes les parties impliquées dans le conflit, àparvenir à une relation basée sur la coopération, qui s’avèrera bénéfique pour tous.

L’encadré 2.4 résume les quatre principes fondamentaux des négociations consensuelles.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

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Faire la distinction entre les personnes et les problèmes: Dans tout conflit social il existe unedimension factuelle et une dimension relationnelle. Un conflit ne peut être géré de manièreconstructive que dans la mesure où la dimension relationnelle est prise au sérieux et où ilest possible d’exprimer des sentiments, des craintes, des souhaits, etc. Mais cet aspect nedoit pas être confondu avec la gestion des problèmes factuels. Il est plus facile de trouver unesolution positive à des problèmes factuels si on les distingue des problèmes des personnes.Dans l’idéal, les personnes coopèrent pour s’attaquer aux problèmes et non pas pours’attaquer mutuellement.

Se concentrer sur les intérêts plutôt que sur les positions: Les participants aux négociationsont des perceptions, des points de vue, des émotions, et des goûts différents. Le fait deprendre des positions ne fait qu’aggraver les problèmes car les personnes tendent às’identifier à leurs positions. Les négociations ont pour objet de satisfaire des intérêts et desbesoins.

Concevoir des options bénéfiques pour toutes les parties en cause: Les partenaires desnégociations devraient prendre le temps d’élaborer une large gamme d’options avantd’essayer de parvenir à une entente.

Insister sur l’utilisation de quelques critères objectifs pour évaluer les options: L’accorddevrait refléter des règles équitables et communes à toutes les parties.

LES QUATRE PRINCIPES FONDAMENTAUX DES NÉGOCIATIONS CONSENSUELLESENCADRÉ 2.4

Dans certaines situations de conflit, la réussite des négociations consensuelles est subordonnée àl’intervention d’une tierce partie (médiateur). Ici, intervenir signifie entrer dans un système derelations existant, pour s’interposer entre des personnes, des groupes ou des entités en vue de lesaider (Moore, 2003). Si l’on sollicite l’intervention d’une tierce partie, c’est parce que l’on part duprincipe qu’un médiateur pourra dans une certaine mesure:

� aider les parties à analyser leurs intérêts et leurs besoins;

� les aider à négocier un échange de vues;

� les aider à redéfinir leur relation d’une manière satisfaisante pour tous.

Étant donné que l’approche consensuelle repose sur des accords volontaires, l’application de cesaccords dépend uniquement du bon vouloir des parties. Un médiateur n’a pas le pouvoir d’imposerune solution aux parties ou de prendre des décisions à leur place. On peut dire qu’il a accompli samission s’il a réussi à amener les parties à ne plus voir les conflits comme des interactions danslesquelles une partie gagne et l’autre perd.

La grosse difficulté pour le médiateur est d’amener toutes les parties prenantes à reconnaître qu’unconflit est un exercice commun de résolution des problèmes, dont elles peuvent toutes tirer profit.

En fonction du type de négociation et des valeurs sociales et culturelles, la personne qui faciliterales négociations consensuelles peut être:

� Un médiateur interne: La plupart des communautés ont des agents qui font office de médiateurspour aider à résoudre les conflits locaux. Ces médiateurs jouissent de la confiance et du respectdes individus et des groupes, en raison de leur statut social, de leur expérience et de leursconnaissances spécifiques. Ils peuvent faire partie du réseau social immédiat (un chef de villageou un «ancien») ou être indépendants, ce qui est le cas des chefs religieux et politiques auxquelson fait traditionnellement appel pour faciliter une médiation entre deux communautés.

� Un médiateur externe: Il s’agit généralement d’une personne qui a reçu une formation pour fournirune assistance impartiale aux parties opposées dans un conflit, en vue de les amener à élaborerdes stratégies de négociation. Un médiateur doit avoir une expérience et des qualifications dansle domaine de la gestion des conflits, et de bonnes capacités de communication.

Le meilleur choix, entre un médiateur interne et externe, dépend de plusieurs facteurs, notamment dumédiateur en tant que personne et de sa crédibilité, de l’intensité du conflit, et de la diversité et dunombre des parties prenantes. Une facilitation externe peut être inévitable lorsqu’un conflit met encause des parties venant d’horizons très divers (par exemple des villageois, des migrants, desinstitutions gouvernementales, des entreprises nationales et multinationales, des politiciens, desinstitutions de développement international et des ONG) mais, dans les communautés rurales, il n’estpas forcément souhaitable ni possible de trouver un médiateur externe réellement neutre. Les activitéscommunautaires de foresterie ou de pêche sont souvent effectuées dans des lieux éloignés où il estdifficile sinon impossible de trouver un agent externe qualifié. En outre, et c’est le plus important, lespopulations locales voient souvent les gens de l’extérieur d’un mauvais œil et ont du mal à croire qu’ilsremplissent cette fonction parce que c’est leur métier, et sans nourrir d’arrière pensées.

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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2.3.2 Renforcement des capacités des parties prenantes localesPresque partout dans le monde, des mécanismes formels ou informels sont déjà en place pourgérer les conflits. La plupart des communautés ont des institutions et des structures qui aident àrésoudre les conflits locaux, notamment par l’intermédiaire de personnes qui remplissenttraditionnellement le rôle de médiateurs (chefs religieux ou politiques) ou d’arrangements adoptésau niveau local pour réglementer l’accès et le contrôle des ressources. Toutefois de nombreuxdifférends demeurent irrésolus parce que les mécanismes en place pour les gérer sont inadéquatsou parce que les parties en cause n’ont pas les compétences nécessaires pour mener desnégociations à bonne fin. Ceci est particulièrement vrai pour les conflits «multilatéraux» (qui fontintervenir plusieurs parties) et pour les mécanismes peu accessibles aux groupes politiquement etsocialement marginalisés et aux communautés reculées, pour des raisons de coût, de distance oude barrières linguistiques. Un renforcement des capacités des parties prenantes locales s’imposedonc dans la plupart des processus de gestion des conflits.

Le principe de subsidiarité stipule que les conflits devraient toujours être gérés au niveau le plus baspossible ou le plus proche de celui où ils produisent le plus d’effets (c’est-à-dire au niveau localplutôt que régional ou national), ceci afin d’éviter des interférences externes non nécessaires, quipourraient avoir des effets négatifs sur les structures et institutions existantes ou remplir leursfonctions à leur place.

Les médiateurs externes devraient s’abstenir d’intervenir dans les affaires des populations localesdans la mesure où il existe des structures et des institutions adéquates pour régler un conflit et oùleur présence n’est pas nécessaire. Le temps passant, les interférences peuvent provoquerl’effondrement de structures et d’institutions importantes dans une société. Toute intervention devraitdonc être spécifiquement ciblée, avoir une ampleur limitée et être temporaire; en outre elle devraits’appuyer sur les capacités de gestion des conflits locales et les renforcer.

Les mécanismes de gestion des conflits existants et leurs capacités doivent être évalués avant uneintervention (Section 4.4). Cette évaluation servira à déterminer si le conflit en question serait mieuxgéré en renforçant les capacités des mécanismes existants ou en trouvant d’autres arrangements.Dans les deux cas, une facilitation externe cherchera à faire fond sur les compétences etl’expérience existantes en matière de conflit. Les mécanismes institutionnels souvent informels etpeu «visibles» ne devraient pas être négligés.

Note: Le renforcement des mécanismes formels doit être achevé avant le démarrage desnégociations consensuelles.

N O T E D U F O R M A T E U R : Le renforcement des capacités est un élément clé de la gestiondes conflits en général et des négociations consensuelles en particulier. Les négociations consensuelles impli-quent un apprentissage partagé. Les efforts doivent être orientés vers les parties directement touchées par leconflit. En effet, comme le différend a une incidence sur leur vie présente et future, elles parviennent normale-ment à le résoudre de façon plus positive que des personnes externes. En outre, un accord atteint par les per-sonnes directement intéressées est plus facilement respecté qu’un règlement décidé sans elles.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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Dans le domaine de la gestion des conflits, le renforcement des pouvoirs peut être considéré comme

un processus progressif, qui se déroule en plusieurs stades:

Stade 1: Une partie acquiert plus de pouvoirs en prenant conscience et en comprenant mieux les

possibilités dont elle dispose pour arriver à accord négocié.

Stade 2: Une partie est pleinement reconnue par les autres parties concernées par la négociation

ou la médiation.

Stade 3: Une partie apprend à utiliser les connaissances et les techniques nouvellement acquises

en matière de médiation et de négociation.

Stade 4: Les droits d’une partie sont pleinement reconnus et reflétés dans les structures et les

processus sociaux et politiques.

On trouvera dans ce guide les connaissances théoriques et les outils d’application pratique des

techniques MAGC qui permettent de renforcer les pouvoirs des parties prenantes marginalisées

jusqu’au stade 2. Pour passer le stade 3, les communautés et les parties prenantes locales doivent

recevoir une formation alors que le stade 4 passe par des réformes fondamentales des structures

sociales, juridiques et politiques (réforme agraire, dévolution de pouvoirs, amélioration de la

gouvernance, et responsabilisation des institutions et des décideurs).

Les concepts et les outils des MAGC ne sont pas suffisants pour opérer les renforcements des

pouvoirs prévus aux stades 3 et 4. Ces stades peuvent être traités dans un processus plus général

de gestion participative des ressources naturelles, impliquant une approche transformationnelle de

la gestion des conflits, ainsi que des stratégies de renforcement des pouvoirs et de développement

des communautés, avec d’autres outils, instruments et concepts généraux complémentaires.

Le renforcement des capacités est le transfert de connaissances à des individus ou à desgroupes pour leur permettre de mener à bien certaines activités. Il englobe des actions desensibilisation, de formation et d’autres formes de mise en valeur des ressources humaines. Lerenforcement est une condition nécessaire mais pas suffisante du renforcement des pouvoirs.

Le renforcement du pouvoir se fait dans le contexte d’un système social et politique spécifique.Il consiste à renforcer le pouvoir et l’aptitude relatifs des groupes défavorisés par rapport auxgroupes plus puissants. Les stratégies de renforcement du pouvoir doivent répondre auxbesoins des individus et des groupes auxquels elles s’adressent, et empêcher les groupesplus puissants de dominer et de déterminer les «règles du jeu». Le renforcement effectif dupouvoir des groupes vulnérables et défavorisés suppose d’agir sur deux fronts: renforcer lescapacités des plus faibles et réformer les règles et les pratiques qui les oppriment.

Source: Bigdon et Korf, 2004

RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ET RENFORCEMENT DU POUVOIRENCADRÉ 2.5

2.3.3 Les limites des négociations consensuellesIl est important de sélectionner une stratégie adaptée à la résolution du conflit dont on s’occupe. Il n’y apas d’approche unique efficace dans tous les cas. Les circonstances d’un conflit et, par voie deconséquence, les obstacles à une entente, varient d’un cas à l’autre. Un conflit peut faire intervenir ungrand ou un petit nombre de parties avec des pouvoirs différents. Le problème peut être plus ou moinsurgent et les parties prenantes plus ou moins impliquées sur le plan émotionnel. L’intérêt public n’est pastoujours en jeu et les problèmes inhérents au conflit peuvent être bien compris ou ne l’être qu’en partie.

Les possibilités de réussite d’une négociation consensuelle sont limitées par divers facteurs:

� le caractère non négociable de certains conflits environnementaux, lorsque certaines partiesprenantes refusent de s’engager dans des négociations (voir Lewicki, Gray et Elliott, 2003);

� les grandes disparités de pouvoir entre les parties prenantes, qui réduisent les chances qu’ont lesgroupes les plus faibles de parvenir à un règlement adapté à leurs intérêts et à leurs besoins;

� les problèmes structurels profondément enracinés et de longue date, qui ne peuvent être résoluscomme il convient qu’avec des réformes législatives, économiques, politiques ou sociales.

Le caractère non négociable de certains conflits: Certains conflits ne peuvent pas être résolusde manière satisfaisante pour tous. Les ressources peuvent être disponibles en quantité limitée, cequi signifie que si une partie en utilise plus, l’autre en aura moins. Par exemple, la même eau ne peutpas à la fois être conservée dans un fleuve pour préserver son débit, prélevée à des finsdomestiques et emmagasinée dans un réservoir (Burgess et Burgess, 1994).

Il peut être plus difficile de résoudre un conflit si les parties en cause ont besoin, pour pouvoirassurer leur subsistance, de pouvoir accéder à plus de ressources, par exemple parce que lapopulation augmente. Cependant, même si la solution trouvée signifie que certaines partiesdisposeront de moins de ressources, ces mêmes parties bénéficieront du rétablissement de bonnesrelations, indispensables à leur développement économique.

Grandes disparités de pouvoir: Un processus consensuel n’est en principe possible que si les disparitésde pouvoir entre les différentes parties ne sont pas trop prononcées et peuvent être réduites par une tiercepartie dans le cadre du processus de négociation. Toutefois, dans certains conflits liés aux ressourcesnaturelles, impliquant notamment des parties prenantes externes, les rapports de force peuvent être trèsinégaux, par exemple lorsqu’une communauté locale négocie avec une société multinationale.

Les techniques de négociation et de médiation ne servent pas à altérer les relations de pouvoirfondamentales dans une société, même si cela serait souhaitable (Burgess et Burgess, 1994), carles parties prenantes adhèrent volontairement au processus et à l’accord qui en découlera.L’application de l’accord est également volontaire. Les parties ne seront guère enclines à acceptervolontairement une négociation ou une médiation si le règlement leur offre moins que ce qu’ellesauraient pu obtenir en faisant valoir leurs intérêts devant les tribunaux ou devant d’autres instancesofficielles (pour un examen plus approfondi des différentes sources de pouvoir, voir la Section 5.5.2).

L’autre limite des MAGC, quand il s’agit de traiter des conflits caractérisés par de grandes disparitésde pouvoir, est que les acteurs les plus forts peuvent prendre des mesures unilatérales ou imposerune décision aux parties les plus faibles.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

59

Si l’une quelconque des parties estime qu’elle peut obtenir davantage autrement que par lerèglement qui a été négocié, elle tentera de le faire. Dans certains cas, les MAGC peuvent aider à«convertir» les parties opposées dans le conflit, en les amenant, au cours du processus, à redéfinirleurs intérêts de façon plus favorable pour parvenir à une entente (Burgess et Burgess, 1994).

Problèmes structurels profondément enracinés ou de longue date: Lorsqu’un individu ou ungroupe est privé de son droit fondamental à l’identité, à la sécurité, à la reconnaissance ou à uneparticipation équitable au sein de la société, les solutions exigent souvent d’importantes réformesdes structures sociales, économiques et/ou politiques. Il faut alors se demander dans quelle mesureles MAGC peuvent aboutir à une transformation des rapports de force inégaux et injustes et desstructures sociales.

La Figure 2.3 illustre le degré d’efficacité des approches consensuelles appliquées aux différentstypes de conflits.

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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EFFICACITÉ DES APPROCHES CONSENSUELLES SELON LE TYPE DE CONFLITFIGURE 2.3

CONFLITS D’IDENTITÉ

INÉGALITÉS STRUCTURELLES

CONFLITS DE VALEURS

REVENDICATIONS OPPOSÉES

UTILISATION NON DURABLE DES RESSOURCES

MOINS EFFICACE

Source: Warner, 2001: p. 34

PLUS EFFICACE

N O T E D U F O R M A T E U R : Les MAGC sont plus efficaces pour les «conflits d’intérêt». D’unemanière générale, il est plus facile de transiger sur des intérêts que sur des besoins fondamentaux commel’identité, la sécurité, la reconnaissance ou la participation équitable au sein de la société. En réalité, dans denombreuses situations de conflit caractérisées par des rapports de force très déséquilibrés ou des inégalitésstructurelles, il peut être nécessaire d’utiliser d’autres instruments complémentaires pour susciter des change-ments dans les relations interpersonnelles, les politiques, la législation et/ou la société, car les MAGC ne per-mettent pas à eux seuls d’opérer ces changements.

2.4 LA MÉDIATION DANS LES CULTURES PRATIQUANTL’INTERVENTION DIRECTE ET NON DIRECTE2

La négociation et la médiation se retrouvent dans les processus de gestion des conflits de toutes

les cultures, mais chaque culture a sa propre manière d’aborder les conflits et de les gérer. Dans ce

guide, il peut être intéressant de faire une distinction entre les cultures qui interviennent directement

et celles qui n’interviennent pas directement dans le règlement des conflits, que nous appellerons

ici pour abréger «cultures directes» et «cultures non directes».

Bien que le classement des cultures en «directes» et «non directes» n’ait qu’une valeur purement

théorique, il peut permettre de dégager quelques idées essentielles sur ce que doit prendre en

considération un tiers qui assure une médiation, dans ces deux contextes culturels différents.

� Les membres des cultures directes apprécient les «face à face», acceptent le conflit comme une

réalité de la vie, et ne sont généralement pas gênés par une confrontation directe avec ceux qu’ils

contestent. Ils sont à l’aise dans le dialogue, les débats et les négociations directes.

� Les membres des cultures non directes tentent d’éviter un conflit ouvert, font tout pour sauver la

face (la leur et celle des autres) et font largement appel à des intermédiaires formels ou non

formels.

Les cultures directes et non directes ont des principes fondamentaux différents quant à la manière

de gérer un conflit. Ainsi, les adeptes de l’intervention non directe mettent en question le principe

de la séparation des relations humaines (niveau relationnel) et des problèmes (niveau factuel),

suggéré par le concept de négociations consensuelles. Les adeptes de l’intervention directe

partent du principe qu’un conflit est gérable et que les problèmes peuvent être résolus au niveau

factuel, même si les relations humaines sont perturbées. Cette approche repose sur des systèmes

de valeur qui font qu’il est raisonnable de respecter l’accord: «Du moment que le processus est

loyal et que le résultat est avantageux pour moi, j’accepterai l’arbitrage au niveau factuel». Les

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

61

2. Par souci de simplification, ces cultures seront appelées “cultures directes” et “cultures non directes” dans ce guide.

adeptes de l’intervention non directe ne privilégient pas le niveau factuel dans la négociation. Ce

qui compte pour eux, ce sont les relations humaines. La résolution du conflit devra garantir le

rétablissement des relations interpersonnelles et préserver la «bonne réputation», ou l’image, des

parties prenantes.

Est-il possible de maintenir la séparation entre le niveau factuel et le niveau relationnel, préconisée

par les systèmes alternatifs? En réalité, les dissensions procèdent des relations. Les niveaux

factuels et relationnels sont importants aussi bien pour les adeptes de l’intervention directe que pour

les autres, mais on peut faire des suggestions différentes pour chacune de ces deux cultures. Pour

celles qui privilégient l’action directe, il paraît à la fois souhaitable et raisonnable de séparer les

niveaux factuel et relationnel, pour élaborer une solution au niveau factuel. Pour les cultures non

directes, il est sans doute préférable d’identifier des intérêts communs au niveau relationnel plutôt

que factuel.

La séparation de ces deux niveaux peut aller à l’encontre du but recherché, car dans les cultures

non directes, la possibilité de résoudre un conflit dépend principalement de l’interaction étroite entre

les personnes et les problèmes. Il est probablement aussi important de rétablir des relations et de

«sauver la face» que de résoudre les problèmes. En outre, en formulant ouvertement des griefs, on

peut favoriser une escalade du conflit plutôt qu’une entente mutuelle, et des chefs reconnus par la

société et dignes de confiance pourraient être mieux placés pour exposer et mettre en relief des

valeurs communes.

N O T E D U F O R M A T E U R : On notera que les catégories «directes» et «non directes» n’ontqu’une valeur purement théorique et que de nombreuses sociétés tiennent à la fois de l’une et de l’autre. Aufur et à mesure que le temps passe et que le contexte social, politique et économique change, les perceptionset les pratiques concernant la manière de gérer un conflit peuvent aussi évoluer. En outre, il peut y avoir desdifférences considérables suivant le lieu (zones urbaines et rurales) et les sous-cultures d’une même société.

La médiation et la négociation sont couramment pratiquées aussi bien dans les «cultures directes»

que dans les «cultures non directes», mais le rôle de la tierce partie, la conception du processus de

gestion des conflits et la prépondérance du niveau factuel ou relationnel changent.

Dans certaines cultures non directes, lorsque l’honneur est en jeu, toute concession peut être vécue

comme une blessure d’amour propre et donner l’impression d’avoir «perdu la face». Dans ces

circonstances, les négociations «face à face» (ou directes) sont souvent extrêmement difficiles et le

rôle du tiers consiste à séparer les parties et à élaborer un arrangement acceptable pour sauver

l’honneur. Les tiers doivent être perçus comme neutres et qualifiés pour remplir ce rôle, de façon à

ce que les parties opposées dans le conflit puissent les accepter comme des chefs dignes de

confiance. Le Tableau 2.4 résume quelques-unes des considérations dont il doit être tenu compte

lorsque l’on traite avec des cultures directes et non directes.

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

63

Intervention directe Intervention non directe

1. La médiation est un processus formel géré par desspécialistes. Une structure formelle claire pourdiscuter les points «chauds» donne un sentimentde sécurité et de stabilité et canalise la discussionvers des objectifs et des buts constructifs. Letemps et l’espace (calendrier et contexte) sontclairement définis.

1. La médiation est un processus communautaire quifait intervenir des chefs estimés. Les mécanismesnormaux de diffusion des données et de gestiondes conflits inspirent confiance (contextualisation).On adopte des démarches familières auxparticipants, le calendrier qu’ils préfèrent et descontextes d’interaction sociale familiers.

2. La confrontation et la communication directes sontsouhaitables tant pour le médiateur que pour lesparticipants. La déclaration d’ouverture dumédiateur établit les «règles de parole» quigouverneront la session; la médiation en courscontrôle et dirige le processus de communication.

2. Les processus indirects triangulaires de médiationsont préférables pour sauver la face, réduire lerisque, équilibrer les rapports de force et égaliser lescapacités d’expression orale ou d’argumentation.Ainsi la communication peut se faire à traversd’autres personnes; les revendications peuvent êtretransmises par des avocats et les accords peuventêtre suggérés par de multiples parties prenantes.

3. Le temps est linéaire («une chose à la fois»),contrôlé dans des sessions distinctes, en suivantun programme rapide «d’auto-découverte» et de formulation des revendications et contre-revendications.

3. Le temps est relationnel (pas de séparation entre lesrelations multiples et les problèmes) (polychrones).Les tâches et les programmes sont secondaires parrapport aux relations, de sorte que l’«auto-découverte» suit des rituels sociaux, des programmesd’action personnels et des problèmes communs.

4. Le processus est structuré, pragmatique et axé surun objectif en vue de parvenir à une entente sur lesproblèmes. L’autonomie et le caractère individualistedes choix, des objectifs et des satisfactions desparties en cause sont essentiels.

4. Le processus est dynamique, de type rationnel etorienté vers la résolution des tensions dans lesréseaux sociaux et la communauté. La responsabilitédes parties en cause vis-à-vis du contexte socialplus large et la réconciliation des parties lésées sontessentielles.

5. Le médiateur est un expert technique qui a unerelation professionnelle, anonyme et impersonnelleavec les parties en cause dans le conflit. Un contratécrit est facilité et le médiateur est un agent externequi ne fait pas partie de leur vie.

5. Les médiateurs sont des chefs communautairesreconnus ou des intermédiaires estimés provenantdu contexte social. Ils sont personnellementintégrés dans les réseaux sociaux et restent enrelation avec les parties au conflit, aussi biendurant l’accord qu’après.

Source: Adapté à partir de Augsburger, 1992

INTERVENTION DIRECTE ET NON DIRECTE DANS LA GESTION DES CONFLITSTABLEAU 2.4

Dans certains conflits, les adeptes de l’intervention directe et ceux qui privilégient l’interventionindirecte peuvent avoir du mal à travailler ensemble. Les «non directs» peuvent penser que les«directs» manquent de finesse et de subtilité et vont trop vite pour résoudre des problèmes quidevraient être étudiés longuement après que des relations de confiance aient été établies. Les«directs» peuvent penser que les «non directs» sont mystérieux ou ne négocient pas de bonne foicar ils ne disent pas clairement ce qui est important pour eux. Une tierce partie doit tenir compte deces orientations différentes et laisser la porte ouverte aux deux styles de négociations (Section 3.1.2).

RÉSUMÉ DE LA SECTION

La Section 2 a présenté différentes stratégies et approches de gestion des conflits. Il n’existe pasde stratégie ou d’approche parfaite pour gérer les conflits dans le contexte de la gestion participativedes ressources naturelles. Toutefois, Les MAGC ont été préconisés dans ce contexte, car ilsencouragent la recherche d’un consensus entre de multiples parties prenantes, et peuvent conduireà des résultats acceptables pour tous et par conséquent plus durables. La Section 3 approfonditl’étude du concept et dresse une carte en dix étapes du processus de gestion des conflits.

Un conflit peut être résolu de manière constructive et positive, s’il est géré comme ilconvient. Lorsque les utilisateurs locaux gèrent ensemble leurs ressources naturelles, il est tout àfait normal que certains d’entre eux aient des intérêts différents des autres quant à la manièred’utiliser une ressource. Lorsque ces intérêts divergents semblent incompatibles, un conflit survient.Les différences des intérêts et des points de vue font partie de la vie sociale et politique.

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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Lorsqu’un conflit émerge, sa forme et son intensité peuvent varier considérablement. Il estimportant de comprendre à quel stade est un conflit, s’il est latent ou déjà manifeste. Parfois un litigedoit être traité avant qu’il n’ait commencé à influencer les comportements ou les décisions despopulations.

Plusieurs stratégies sont possibles pour gérer un conflit. Les options vont de l’évitement à laviolence. Alors que dans la négociation et la médiation, les parties opposées sont responsables durésultat, dans l’arbitrage et le règlement judiciaire, la responsabilité est transférée à une tierce partie,qui prend la décision à la place des personnes directement concernées.

La gestion d’un conflit est souvent confiée à des systèmes sociaux spécifiques: lessystèmes coutumiers, les systèmes juridiques nationaux et les MAGC. Ces systèmes peuventutiliser des stratégies différentes pour gérer et résoudre les conflits. Chacun a ses points forts et seslimites et il est indispensable d’étudier attentivement les avantages de chacune de ces options.

Les MAGC sont des approches consensuelles qui favorisent des résultats mutuellementacceptables. Seules les parties au conflit sont responsables du résultat, mais une tierce partie peutles aider à obtenir un résultat positif dans un processus de négociation. Afin de parvenir à unrèglement qui soit ressenti comme juste par les parties prenantes, et qui ait par conséquent desprobabilités de durer, les négociations consensuelles doivent respecter quatre principes essentiels:séparer les personnes et les problèmes; se concentrer sur les intérêts plutôt que sur les positions;élaborer des options bénéfiques pour tous; et utiliser des critères objectifs pour évaluer les options.

Les processus de gestion des conflits peuvent renforcer les capacités des parties prenanteslocales en les aidant à prendre conscience et à comprendre leurs buts, leurs options et leursressources. Pour promouvoir un renforcement de pouvoirs structurel, dans lequel des groupessociaux défavorisés et plus faibles obtiennent la reconnaissance de leurs droits, des réformesessentielles doivent être mises en place. Ces réformes peuvent être identifiées et comprises par lebiais des MAGC, mais les solutions ne relèvent pas uniquement de ces systèmes alternatifs.

S E C T I O N 2La gestion d’un conflit

65

S E C T I O N 3

Carte du processusde négociations consensuelles

La Section 3 explique le rôle de la tierce partie dans le processus de négociations consensuelles,subdivisé en dix étapes. Elle décrit ensuite de façon détaillée les quatre principaux jalons duprocessus, esquisse plus sommairement les étapes et les activités et présente les bonnespratiques. La carte du processus et les dix étapes ne doivent pas être suivies à la lettre. En effet,le processus n’est pas toujours linéaire; il peut être itératif, et tour à tour avancer et reculer. Lesétapes doivent donc être gérées de manière flexible en fonction de l’évolution du processus.

La présente section approfondit l’étude du processus de gestion des conflits et a pour objectifs de:

� réfléchir au rôle d’une tierce partie dans la gestion d’un conflit;

� décrire un modèle de processus simplifié MAGC, pour donner des orientations à toutepersonne qui jouerait le rôle d’une tierce partie.

3.1 LE RÔLE D’UNE TIERCE PARTIE DANSDES NÉGOCIATIONS CONSENSUELLES

Les parties opposées dans un litige ont souvent besoin de l’appui d’une tierce partie (ou d’un tiers)pour faciliter le processus de gestion du conflit, lorsqu’elles sont tellement empêtrées dans leursdifférences qu’elles ne sont plus capables de trouver des solutions constructives (Ropers, 1995).

Une tierce partie est une personne ou une équipe qui aide des individus et des groupes à négocieret à parvenir à une entente satisfaisante. La tierce partie est appelée médiateur ou facilitateur. Leterme facilitateur est plus général, et s’applique à tout individu qui guide des processus de groupe(discussions, réunions, ateliers). Un médiateur est un spécialiste de la gestion des conflits, c’estpourquoi nous donnons la préférence à ce terme dans ce guide.

Pour guider comme il convient les négociations, les parties au conflit doivent être au centre despréoccupations du médiateur, qui doit donc être attentif aux rapports humains et à la communicationet avoir de grandes aptitudes en gestion des ressources humaines.

NIVEAUX DE FACILITATIONFIGURE 3.1

En outre le processus est le moyen – le véhicule – utilisé pour analyser le contenu d’une négociationet répondre aux objectifs des parties prenantes. De bonnes relations interpersonnelles et unprocessus efficace et acceptable sont indispensables pour s’attaquer au contenu. À la Figure 3.1 leprocessus est vu comme un cercle entourant les parties.

La Figure 3.1 montre les différents niveaux de facilitation/médiation: bonnes relations entre les personneset un processus acceptable qui sont toutes deux nécessaires pour s’attaquer au contenu (Section 3.3).

Il est important que le médiateur se limite à faciliter le processus et ne tente pas de diriger lesparties, qui doivent élaborer elles-mêmes les accords auxquels aboutira la négociation. Les partiesprenantes d’un conflit devraient prendre en charge elles-mêmes leurs intérêts, la résolution duconflit, la solution du problème et le rétablissement des relations.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

CONTENU

PROCESSUS

PARTIES

Le contenu est fait de questions commençant par «quel»?

Le processus répond aux questions comment? Plus le processus devient clair, plus lecontenu a de probabilités de le devenir.

CONTENU ET PROCESSUSENCADRÉ 3.1

Pour aider les parties dans le processus, le médiateur peut être appelé à remplir des rôles et desfonctions très différents suivant la nature du conflit, le degré d’ouverture et le type de partiesconcernées (Moore, 2003). Ces fonctions sont les suivantes:

� ouverture de canaux de communication, en relançant une communication si elle s’interrompt ouen facilitant une meilleure communication si les parties sont déjà en pourparlers, notamment enclarifiant les incompréhensions et en évitant la polarisation et l’escalade du conflit;

� légitimation: pour aider les parties à reconnaître que les droits des autres font partie des négociations;

� facilitation du processus, par une assistance procédurale à la communication, incluant souvent deprésider officiellement des réunions. Lorsqu’il fournit une assistance procédurale, le médiateur nes’implique pas lui-même dans les problèmes (éléments contestés) et ne suggère pas de solutions;

� exploration du problème, pour permettre aux parties en cause d’examiner un problème sousdivers angles;

� agent d’équilibre (ou réalité), en questionnant ou provoquant les parties qui ont des objectifsextrêmes ou irréalistes, pour faciliter l’élaboration d’un accord raisonnable et réalisable;

� agent de liaison, en offrant une assistance procédurale et en mettant les parties au conflit enliaison avec des ressources et des experts externes (experts techniques, avocats, décideurs) quipeuvent les aider à élaborer des options acceptables pour régler le conflit.

N O T E D U F O R M A T E U R : Les parties prenantes concernées élaborent elles-mêmes lessolutions et concluent elles-mêmes l’accord. Le médiateur gère le processus, sans intervenir dans le contenudes négociations.

3.1.1 Le médiateur acceptablePour être acceptable aux yeux des parties à la négociation, le médiateur doit être perçu commeneutre et ne pas avoir d’enjeu dans le conflit. L’acceptabilité ne signifie pas nécessairement que lesparties se réjouissent de l’intervention d’un médiateur, mais qu’elles l’admettent et sont disposéesà prendre en considération ses suggestions concernant la manière d’aborder les différences qui lesséparent et de trouver des solutions.

Les avantages du recours à un médiateur: C’est le plus souvent à cause d’un déséquilibre despouvoirs entre les parties prenantes que des groupes non assistés ne parviennent pas à entamerdes négociations ou à produire des résultats satisfaisants. Le recours à une tierce partie ou à unmédiateur, qui gèrera le processus de négociation de manière impartiale et loyale, peut aider àsurmonter ces inégalités. Son rôle est similaire à celui d’un arbitre qui applique les règles et garantitl’impartialité dans une compétition sportive. Il peut donner confiance aux parties prenantes les plusfaibles. Une tierce partie peut aussi dans une certaine mesure altérer les rapports de force et lesrelations sociales en influençant les perceptions ou le comportement de chacune des parties grâceaux connaissances et aux informations qu’il apporte ou à l’introduction d’un processus denégociation plus efficace. Son intervention aide parfois à égaliser le rapport de forces (Susskind etCruikshank, 1987), mais l’admissibilité de cette fonction est très controversée (Sections 3.1.4 et 2.3).

S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

69

Les inconvénients du recours à un médiateur: Certains groupes hésitent à faire intervenir unetierce partie, de peur que le différend ne devienne trop public. Les parties prenantes puissantes enparticulier peuvent aussi s’opposer vivement à l’intervention d’une tierce partie ou d’un médiateur.La méfiance entre les parties peut aussi être si grande que toute personne proposée par une partiesera considérée comme de parti pris par les autres. Lorsque c’est le cas, on a intérêt à choisirquelqu’un dont l’autorité formelle ou informelle et la personnalité ne sont contestées par aucune desparties.

3.1.2 Les médiateurs «internes» et «externes»Le rôle du médiateur dépend des valeurs socio-culturelles, et en particulier du type de culture danslequel travaille le médiateur, qui peut être «directe» ou «non directe». Le médiateur peut être:

� Un chef de confiance (cultures non directes) le plus souvent local. Un rapport de confiance estindispensable pour travailler avec des parties en conflit et soutenir efficacement leur collaboration.Beaucoup de gens pensent que la confiance suppose une relation préexistante (de parenté oude famille) et des interactions passées positives. Le point clé est la confiance, pas la neutralité; laconfiance qui fait que l’on croit qu’en dépit de toute relation personnelle avec l’une ou l’autre desparties, le médiateur fera tout ce qui est en son pouvoir pour aider les parties impliquées dans leconflit à avancer vers une solution avantageuse pour toutes.

� Une personne neutre chargée de gérer le processus (culture directe), qui vient généralement del’extérieur. Ce «gestionnaire de processus» est une personne qualifiée qui fournit une assistanceimpartiale aux parties en cause en les guidant dans la conception de leur stratégie denégociation. Un médiateur doit avoir de l’expérience et une formation aux méthodes de gestiondes conflits, ainsi que de bonnes capacités de communication.

Dans le domaine de la gestion des conflits, les médiateurs devraient toujours étudier attentivementles pratiques de médiation locales, leur efficacité et les moyens de les renforcer (Section 4.4.) Leprincipe de subsidiarité est important (Section 2.3.2).

P O I N T D E C O N T R Ô L E : Afin de faciliter les négociations, il est bon que le médiateur ait uneexpérience de la facilitation en général. Un facilitateur peut intervenir dans de nombreux contextes différents(réunions, ateliers, etc.).

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

L’impartialité est l’absence de parti pris ou de préférence pour une ou plusieurs parties auxnégociations, pour leurs intérêts ou pour leurs options.

La neutralité signifie qu’une tierce partie n’est liée ou n’a eu de relations préalables avecaucune des parties en cause.

IMPARTIALITÉ ET NEUTRALITÉENCADRÉ 3.2

3.1.3 Entrée sur la scène du conflitUn médiateur peut prendre ses fonctions dans un conflit spécifique de différentes manières, notamment:

� sur invitation directe d’une ou plusieurs parties au conflit;

� sur recommandation de parties prenantes secondaires;

� de sa propre initiative;

� nominé par une autorité reconnue (par exemple fonctionnaire du gouvernement ou autoritéstraditionnelles).

L’autorité et la confiance initiales dont jouit un médiateur dans ses premières relations avec lesparties opposées dans le conflit dépendent dans une large mesure de la manière dont il gère sonrôle. Une interaction passée d’un médiateur avec une partie peut déterminer la confiance ou laméfiance. Par exemple, les médiateurs qui sont présentés par des parties prenantes secondaires,des autorités reconnues ou qui se présentent de leur propre initiative peuvent se heurter à une forterésistance de la part d’une ou plusieurs parties, celles-ci pouvant avoir des soupçons quant auxraisons qui l’ont poussé à assumer ce rôle, aux intérêts qu’il peut avoir dans cette affaire et auxrelations qu’il peut entretenir avec les autres parties.

3.1.4 Jusqu’à quel point un médiateur peut-il égaliser les chances?Afin de parvenir à des décisions mutuellement satisfaisantes et acceptables, toutes les partiesdoivent avoir des moyens d’influencer les autres parties dans les négociations. Ceci est unecondition préalable pour parvenir à un règlement conforme aux intérêts et aux besoins de toutes lesparties. A moins qu’une partie plus faible n’ait quelque pouvoir ou influence, ses besoins et sesintérêts ne seront reconnus que si la partie la plus forte n’agit pas de manière égoïste ou a comprisque «pour que quelqu’un gagne, tout le monde doit gagner».

� si le pouvoir et l’influence potentiels de chaque partie sont bien développés, bien équilibrés etreconnus par toutes les parties, le travail du médiateur consiste à les aider à user habilement deleur influence pour parvenir à des résultats mutuellement satisfaisants.

S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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� si le pouvoir et l’influence de chaque partie ne sont pas égaux et si une partie a le pouvoird’imposer une solution non satisfaisante aux autres, un accord ne s’inscrira pas dans la durée oune fera que raviver le conflit. Dans ces cas-là, le médiateur doit décider s’il doit soutenir la partieplus faible et modérer l’influence de la plus forte et si oui, comment il doit le faire.

Si un médiateur renforce le pouvoir de la partie la plus faible, ou modère l’influence de la plus forte,le rôle de médiation glisse vers le plaidoyer. Dans les sociétés qui privilégient l’approche directe etmettent l’accent sur la neutralité et l’impartialité du médiateur, ce rôle de plaidoyer peut rendre lemédiateur inacceptable. La partie la plus forte peut en effet le considérer comme partial ou nonneutre. Dans les sociétés qui privilégient l’approche non directe, et qui accordent plus d’importanceau statut du médiateur et aux relations en jeu, ce rôle de plaidoyer peut paraître plus acceptable,surtout si le médiateur est un chef estimé, avec un statut social et une réputation appropriés.

Les inégalités de pouvoir sont de véritables dilemmes éthiques pour les médiateurs. Ces inégalités serencontrent couramment lorsque des groupes communautaires locaux doivent négocier avec desacteurs puissants au niveau national ou international, tels que des organismes d’État ou des sociétésmultinationales. Il n’y a pas de solutions toutes faites pour résoudre ces problèmes. La questionfondamentale pour la partie la plus faible est de savoir si elle obtiendra plus avec un accord négocié quesans cet accord. Dans les cas où le déséquilibre des pouvoirs est poussé à l’extrême, les négociationspeuvent être impossibles si elles lèsent la partie plus faible, aggravent le conflit ou augmentent lesinjustices. Dans ces circonstances, les principes fondamentaux de la gestion participative et des MAGCne sont pas respectés et des négociations consensuelles ne peuvent pas fonctionner.

3.1.5 Médiation en équipeUne personne seule a du mal à gérer des négociations consensuelles car la plupart des conflits liésaux ressources naturelles sont complexes et font intervenir de nombreuses parties prenantes. Enoutre, certains groupes de parties prenantes peuvent comprendre de nombreux individus. D’oùl’utilité de constituer une équipe de médiation. La médiation en équipe allège un peu le fardeau dumédiateur principal, mais crée des exigences supplémentaires, en ce qui concerne la gestion desrôles et des responsabilités au sein de l’équipe. Les fonctions et les responsabilités doivent êtreclairement définies et réparties avant l’entrée effective des médiateurs sur la scène du conflit.

Une équipe de médiation devrait comprendre au moins trois membres:

� un médiateur principal qui guide et gère le processus de communication et de négociations;

� un médiateur adjoint qui peut intervenir quand le médiateur principal est en difficulté;

� une personne chargée de prendre des notes et un observateur pour documenter le processus etobserver la dynamique du conflit durant les réunions. Dans les réunions plus importantes,l’observateur peut notamment faire part du résultat de ses observations en cas de tensions ausein des sous-groupes de parties prenantes.

Le travail d’équipe exige une préparation soigneuse, une définition précise des tâches et desrapports de confiance entre les membres de l’équipe. En cas de tensions internes au sein d’uneéquipe, le processus a de grandes chances d’être compromis et les parties perdent confiance dansle rôle et les capacités professionnelles de l’équipe.

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S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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CARTE DU PROCESSUSFIGURE 3.2

ENTRÉE

JALON PRINCIPAL A

La carte du processus décrit les étapes importantes d’unprocessus alternatif de gestion des conflits.

Ces dix étapes peuvent être subdivisées en quatre jalonsprincipaux (A à D).

GESTION DU PROCESSUS

Faciliter la collaboration

“Ne pas faire de tort”

Rétablir les relations

Gérer l’information

Renforcer les capacités

ÉTAPE 10

Préparationde la sortie

ÉTAPE 1

Préparation de l’entrée

ÉTAPE 2Entrée sur

la scène du conflit

ÉTAPE 3

Analyse du conflit

ÉTAPE 4Élargissement

de l’engagement des parties prenantes

ÉTAPE 9

Suivi de l’accord

ÉTAPE 8

Élaborationde l’accord

ÉTAPE 7

Facilitation desnégociations

ÉTAPE 6

Préparation desnégociations

ÉTAPE 5

Évaluation des options

SORTIE

JALON PRINCIPAL D

NÉGOCIATION

JALON PRINCIPAL C

ÉLARGISSEMENT DE L’ENGAGEMENT

DES PARTIESPRENANTES

JALON PRINCIPAL B

3.2 LES DIX ÉTAPES DE LA GESTION D’UN CONFLITUn Mode alternatif de gestion des conflits (MAGC) est un processus itératif complexe qui peut être ralentipar des retours en arrière ou de brusques bonds en avant. Le processus peut être subdivisé en quatrejalons principaux et dix étapes, chacune étant caractérisée par des activités qui lui sont propres. Dans ceguide, ces étapes forment ce que nous appellerons la «carte du processus», dont les médiateurs seservent pour suivre le déroulement du processus et le faire avancer vers des résultats positifs.

3.2.1 Jalon principal A: Entrée (Sections 4 et 5)Avant d’intervenir activement aux côtés des différentes parties dans le conflit (parties prenantes)dans un processus MAGC, les médiateurs doivent définir clairement leur rôle en tant que tiers. Celacomprend une analyse préliminaire du conflit, avec une définition claire et détaillée de ce sur quoi ilporte et une consultation avec les parties prenantes.

Les étapes 1, 2 et 3 sont nécessaires pour achever le Jalon principal A

Étape 1: Préparation de l’entrée. Les médiateurs définissent leur rôle et préparent les contacts avecles parties opposées dans le conflit. Ils examinent les informations existantes sur laquerelle et élaborent la meilleure stratégie pour aborder les différentes parties en cause.

Étape 2: Entrée sur la scène du conflit. Les médiateurs entrent pour la première fois en contactdirect avec les parties. Ils les rencontrent une première fois séparément et s’informent surleur manière de cadrer le conflit. Ils précisent ensuite leur propre rôle dans le déroulementdu processus et s’assurent de l’engagement des parties pour lancer la médiation.

Étape 3: Analyse du conflit. Les médiateurs expliquent l’idée qu’ils se font du conflit et analysent lespositions des différentes parties prenantes. Ils ne décideront d’aller plus loin que si: a)l’analyse du conflit indique que les mécanismes de gestion des conflits existants ont peude chances d’aboutir à un résultat positif; b) des négociations fondées sur les intérêtssemblent être la stratégie la plus appropriée étant donné les circonstances; c) leur propreintervention ne fera pas de tort.

Le Jalon principal A s’achève lorsqu’une équipe de médiateurs décide sciemment (à l’issue d’unedélibération au sein de l’équipe) de manière transparente (en communiquant la décision aux parties)que des négociations fondées sur les intérêts ont une chance de réussir dans le conflit en question.

3.2.2 Jalon principal B: Élargissement de l’engagement des parties prenantes (Section 6)

À partir du moment où les parties opposées dans un conflit ont défini leur rôle et sont convenues defaire appel à une tierce partie, la mission de l’équipe de médiation consiste à guider les différentesparties prenantes dans un exercice d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Cet exercice consiste à leurfaire prendre conscience de leurs intérêts à long terme, des avantages qu’elles pourraient obtenir d’unesolution négociée et des alternatives possibles à une solution négociée. À la fin de ce processus, lesparties prenantes devraient consentir de bon gré à rencontrer les autres parties en vue de négocier.

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S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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Les Étapes 4 et 5 sont nécessaires pour achever le Jalon principal B

Étape 4: Élargissement de l’engagement des parties prenantes. Dans ce processus, les médiateurstransfèrent progressivement le contrôle et les responsabilités aux parties prenantes. Ils lesaident à analyser les causes profondes du conflit, les points de vue des différentes partiesprenantes, et leurs propres positions, points forts, intérêts et besoins.

Étape 5: Évaluation des options: Dans cette phase, les médiateurs aident les différentes partiesprenantes à élaborer des options pour résoudre ou gérer le conflit. Les avantages dechaque option sont évalués et les options sont classées par ordre de préférence.

Le Jalon principal B s’achève lorsque chacune des parties opposées dans le conflit (partiesprenantes) a clarifié ses propres intérêts, étudié les stratégies permettant de gérer et de résoudrele conflit et s’est déclarée disposée à négocier avec les autres parties pour parvenir à une entente.

3.2.3 Jalon principal C: Négociation (Section 7)À ce stade, les médiateurs réunissent les parties prenantes pour négocier les options et lesmodalités d’accord possibles, ainsi que les mesures concrètes qui pourraient être adoptées pourappliquer l’accord. Le principe de base des négociations est que les accords sont avantageux pourtous et sont centrés sur les intérêts et les besoins sous-jacents des parties prenantes.

Les étapes 6, 7 et 8 sont nécessaires pour achever le Jalon principal C.

Étape 6: Préparation des négociations. Les négociations doivent être préparées avec soin, ce quisuppose de préparer les parties directement concernées, d’étudier les stratégies possibleset de planifier le contexte de la négociation.

Dans les processus de négociation concernant des conflits très tendus, il peut être préférablede préparer les différentes parties dans le cadre de sessions séparées, afin de les aider àmieux comprendre leurs positions, leurs intérêts et les options dont elles disposent, dans lecalme. On attendra pour réunir toutes les parties autour de la table des négociations quechacune d’elles ait bien compris quels sont ses intérêts sous-jacents, et soit prête, disposéeet intéressée à s’engager dans des négociations. Cette procédure est connue sous le nomde «consultation-navette» (Encadré 4.2).

Dans certaines circonstances, les parties prenantes peuvent décider de s’engager dans lecadre d’ une réunion commune en présence de toutes les parties. Cela peut être la meilleuresolution dans un conflit relativement simple où les parties prenantes sont peu nombreuses,mais ces processus peuvent facilement devenir incontrôlables si une dynamique sociale dontles médiateurs n’avaient pas pris conscience se développe.

SESSIONS SÉPARÉES OU RÉUNION COMMUNE?ENCADRÉ 3.3

Étape 7: Facilitation des négociations. C’est la partie la plus difficile du processus de gestion duconflit, car les parties tentent de se convaincre mutuellement de parvenir à une entente. Àce stade, les différences ont été réduites, notamment en amenant les parties à ne plus secentrer sur leurs positions mais sur leurs intérêts et leurs besoins. Il y a bien une séquencegénérale que le processus de négociations devrait suivre, mais des retours en arrière etdes déviations sont tout à fait normaux durant le processus. Les négociations sontachevées lorsque les parties peuvent convenir d’options pour régler le conflit. Ces optionssont rassemblées en vue d’avancer vers l’élaboration d’un accord unique acceptable pourtous.

Étape 8: Élaboration de l’accord. Une fois que les parties ont arrêté les options à prendre enconsidération, elles doivent se mettre d’accord sur la manière de les mettre en œuvre etde suivre leur application. Le rôle du médiateur dans ce processus doit aussi êtreclairement défini.

Le Jalon principal C est achevé avec succès lorsque les parties aux négociations ont écouté etexaminé les préoccupations et les intérêts de toutes les autres, élaboré ensemble un accordspécifique pour gérer le conflit et décidé ensemble de la manière dont il serait mis en œuvre et suivi.

3.2.4 Jalon principal D: Sortie (Section 8)Une fois qu’un accord a été signé, les conflits peuvent être réglés, mais ils ne sont pas encorerésolus. Des retours en arrière sont possibles si les parties ne respectent pas l’accord et si debonnes relations ne sont pas rétablies en vue d’une collaboration. Une équipe de médiation ne peutcertes pas résoudre en même temps tous les problèmes d’une communauté, mais elle doit faire ensorte que les différentes parties prenantes du conflit soient au moins disposées à appliquer l’accordet à agir dans un esprit de collaboration réciproque.

Les Étapes 9 et 10 sont nécessaires pour mener à bien le Jalon principal D:

Étape 9: Suivi de l’accord. Les médiateurs peuvent assumer diverses fonctions dans le processusde mise en œuvre et de suivi des accords. Ces fonctions doivent être clairement définiesavec les parties prenantes.

Étape 10: Préparation de la sortie. L’équipe de médiation doit mettre au point un système pourtransférer la responsabilité de la mise en œuvre et du suivi de l’accord aux partiesprenantes ou à un médiateur local de confiance. L’équipe peut aussi élaborer des stratégiespour renforcer encore les capacités des communautés afin qu’elles soient mieux à mêmede résoudre les problèmes futurs. Ces étapes ne font pas vraiment partie des MAGC, maisce sont des éléments complémentaires de plus en plus importants dans les approches plusgénérales de gestion des ressources naturelles fondées sur la collaboration.

Le Jalon principal D est achevé lorsque le médiateur (ou l’équipe de médiation) peut s’en aller,c’est-à-dire quand les parties au conflit ont rétabli leurs relations et ont la capacité et la volonté depoursuivre la mise en œuvre de l’accord. Elles peuvent aussi être mieux armées pour résoudreelles-mêmes les conflits futurs.

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S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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3.3 GESTION DU PROCESSUSLes conflits reposent sur des faits objectifs, mais aussi sur des perceptions et des interprétations,par définition subjectives, de ces faits. La gestion des conflits est un processus complexe et lecomportement des médiateurs peut être mal compris par les parties en cause. Ainsi, certainespeuvent avoir l’impression que les médiateurs sont partiaux, prennent fait et cause pour une partieou lui donnent plus de possibilités de s’exprimer. Ils doivent donc bien réfléchir à leur rôle dans leprocessus et vis-à-vis de chacune des parties prenantes.

Le processus de gestion remplit cinq fonctions principales:

� encourager la collaboration;

� éviter une escalade ultérieure des tensions ou du conflit, «ne pas faire de tort»;

� ouvrir la voie au rétablissement des relations;

� gérer l’information;

� renforcer les capacités des parties prenantes des plus faibles pour améliorer les conditions deleur participation, et des plus fortes pour les aider à comprendre des problèmes plus généraux.

3.3.1 Encourager la collaborationLa participation volontaire de toutes les parties prenantes clés est fondamentale dans une approche degestion des conflits de style coopératif. La décision de négocier prise par un groupe n’est suivie d’effetque si les autres considèrent aussi que c’est dans leur intérêt de le faire. De nombreuses situationspeuvent dissuader les individus de s’engager dans une négociation, notamment quand il existe un rapportde forces très inégal entre les parties prenantes, des craintes, de grosses difficultés de communicationou quand les parties adverses sont polarisées sur leurs positions. Dans un processus MAGC, l’une desprincipales tâches du médiateur est de renforcer la collaboration, ce qu’il fera en s’efforçant de:

� Élargir la participation des parties prenantes. Il se peut que de nombreuses parties prenantessoient affectées par le conflit ou puissent l’influencer. Les moins «visibles» sont souvent laisséesde côté dans l’analyse initiale et elles doivent être intégrées dans le processus dès que lanécessité s’en fait sentir ou qu’une des parties le demande. Si des parties prenantes importantessont exclues, elles peuvent compromettre la mise en œuvre des accords par la suite, ou penserqu’elles ont été écartées et marginalisées.

� Identifier toute la gamme d’intérêts possibles des parties prenantes. Les MAGC soulignent lanécessité d’identifier les intérêts sous-jacents à long terme des parties et de se centrer sur cesintérêts, plutôt que sur des positions inflexibles et extrêmes. Le fait d’identifier une gamme debesoins aussi large que possible et de présenter des moyens constructifs de les satisfaire àtravers des négociations peut favoriser considérablement un engagement.

� Élaborer des visions positives. Le désir d’atténuer le conflit et d’apaiser les rapports peut être en soiun intérêt central, mais négligé. Les parties prenantes peuvent en avoir assez de voir leur viequotidienne empoisonnée par le conflit et vouloir se concentrer sur autre chose. Elles peuvent avoirenvie de faire avancer les choses, à l’idée des effets de la violence, du coût financier du conflit et desdégâts possibles pour leur image ou leur légitimité publique. Si elles ont confiance et croient que cebesoin sera satisfait, elles se laisseront très facilement convaincre, surtout après un conflit prolongé.

� Égaliser les chances – en renforçant le pouvoir des parties prenantes qui ont le moins d’influence.Si les disparités de pouvoir entre les parties prenantes sont mineures, les médiateurs doivents’efforcer de promouvoir des négociations justes et équitables pour tous.

� Établir la légitimité. Certaines parties peuvent refuser d’être impliquées dans des négociationsparce qu’elles ne reconnaissent pas une autre partie ou ses intérêts comme légitimes. Ellespeuvent par exemple trouver qu’une organisation de conservation internationale est trop éloignéedu lieu du conflit, ou que des migrants n’ont pas résidé assez longtemps dans une zone. Desgroupes peuvent accuser d’autres groupes d’avoir une vision trop étroite de leurs intérêts et dene pas prendre en considération des besoins ou des objectifs plus généraux. Les médiateursdoivent amener les parties à reconnaître comme légitimes les problèmes, les intérêts et lesémotions de chacun en modifiant leur perception des autres parties. Les moyens qu’il adoptera àcette fin dépendront de la cause qui fait que la légitimité est contestée. Si le refus d’accepter unepartie résulte d’une mauvaise interprétation, le médiateur peut sûrement clarifier la situation etsupprimer cet obstacle. Si en revanche, le problème vient de la procédure par laquelle lereprésentant de la partie contestée a été sélectionné, le médiateur peut expliquer cette procédureou aider les parties à en élaborer une autre qui soit acceptable pour tous.

� Garantir un processus de négociation équitable. Certaines parties prenantes plus faibles évitentde s’engager dans des négociations parce qu’elles n’ont pas confiance dans l’équité duprocessus. Pour rendre le processus transparent et plus «ouvert», les médiateurs peuvent tenterde faire intervenir un observateur de confiance, obtenir un accord sur les règles fondamentales etles revoir le cas échéant, ou trouver une tierce partie digne de confiance. Les médiateurs peuventcollaborer avec les parties au conflit dans le but d’améliorer leur confiance, leur compréhensiondu processus de négociation, leur prise de conscience des alternatives et des préférences, leurstalents de négociation et de leur permettre d’accéder plus facilement à des informations exactes.Ceci peut renforcer les capacités et par voie de conséquence, favoriser un procès équitable.

� Favoriser la prise en charge du processus. Un MAGC est un processus d’apprentissage encommun. Les parties prenantes sont celles qui connaissent le mieux le conflit, et c’est d’elles quedoivent provenir un règlement, une solution et un accord. Les parties prenantes n’accepteront desoutenir un accord que si elles prennent elles-mêmes les décisions.

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3.3.2 Éviter une escalade ultérieure des tensionsou des conflits: «ne pas faire de tort»

Les médiateurs peuvent être animés des meilleures intentions lorsqu’ils aident à résoudre le conflit,mais il y a toujours un risque d’effets collatéraux imprévus. Ils peuvent influencer la situation deconflit et subir son influence, souvent sans s’en rendre compte. Les parties opposées «éplucheront»leurs moindres actes pour détecter d’éventuels signes de favoritisme à l’égard de l’un ou de l’autrecamp. Ce qui compte, ce n’est pas tant les faits, que la manière dont ils sont perçus: «Si vous allezdéjeuner dans un endroit, certaines parties vont penser que vous êtes partial».

Sans le vouloir, un médiateur peut contribuer à:

� renforcer les tensions;

� légitimer des personnes qui peuvent gâcher le processus;

� compromettre des valeurs pacifiques;

� promouvoir l’intolérance;

� renforcer l’influence des plus forts.

Ces actions nuisent non seulement au processus de négociations, mais aussi à la crédibilité et àl’efficacité du médiateur, c’est pourquoi celui-ci doit toujours être conscient des risques, réfléchir àl’impact qu’il peut lui-même avoir sur le processus et être prêt à changer de stratégie en cas de besoin.

Toutes les actions et les interactions des médiateurs doivent refléter et confirmer les valeurs et lesidéaux qu’ils défendent. Ils doivent prouver aux parties au conflit qu’ils sont dignes de confiance. Lesparties prenantes doivent acquérir confiance dans le médiateur en tant que personne, dansl’institution qu’il représente et dans le processus de gestion du conflit.

Pour établir une relation interpersonnelle positive avec les parties, et acquérir crédibilité, confianceet légitimité auprès d’elles les médiateurs devraient respecter les valeurs et les principes suivants(Anderson et Olson, 2003):

� Honnêteté personnelle: Les médiateurs devraient toujours expliquer clairement pourquoi ils sontlà, ce qu’ils ont à offrir et ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire.

� Fiabilité personnelle: Les médiateurs doivent donner suite à ce qu’ils disent. Les personnessavent qu’elles peuvent faire confiance au médiateur.

� Respect des différences: Les médiateurs doivent respecter les différences et être disposés àtravailler avec des personnes qui ont des positions très divergentes.

� Respect pour ce qui appartient aux communautés locales: Personne ne peut faire la paix à laplace de quelqu’un d’autre. Les médiateurs doivent considérer leur rôle avec modestie: ils nesavent pas ce qui est le mieux pour les autres. Les solutions doivent venir des parties au conflit,et les médiateurs ne peuvent que soutenir le processus.

Dans toute situation de conflit, certaines personnes sont plus positives que d’autres. Malgré lestensions, certains individus maintiennent de bonnes relations avec les personnes du «camp

S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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adverse». On les appelle les «rassembleurs». Mais il y en a aussi qui divisent et que nousappellerons des «perturbateurs» - ils répandent des bruits sur les autres parties, accroissent latension et renforcent les divisions existantes si des effets négatifs surviennent.

Une analyse rationnelle du conflit (Section 5) est une étape essentielle pour permettre auxmédiateurs d’identifier les «perturbateurs» et les «rassembleurs». Il est intéressant qu’ils le sachentcar ils peuvent s’appuyer au départ sur les rassembleurs pour tenter de gérer le conflit, alors queles diviseurs peuvent réduire à néant tous les progrès accomplis. Les rassembleurs peuvent être despersonnes, mais aussi (Anderson, 1999):

� des systèmes et des institutions communs, notamment des marchés où les gens se rencontrent etéchangent des informations et des idées, ou des infrastructures, comme les canaux hydriques oules lignes d’électricité, dont tous dépendent et qui sont donc souvent entretenus conjointement;

� des attitudes et des actions attestant l’existence de liens (ou de «ponts») transcendant lesdivisions (adoption d’enfants malgré des liens familiaux, mariages entre groupes divisés, individustémoignant du respect à d’autres malgré les divergences);

� expériences communes passées ou présentes qui peuvent être partagées, par exemple unehistoire commune de colonialisme;

� valeurs et intérêts partagés, tels que religion commune ou valeur que l’on accorde aux enfants;

� symboles et occasions communs, tels que monuments et jours fériés nationaux.

Les médiateurs doivent être conscients de l’existence de ces liens entre les parties opposées dansle conflit et les mettre davantage en lumière en les reconnaissant et en les renforçant. Une bonnemédiation cherche à renforcer les rassembleurs et à faciliter les possibilités de pacification enoffrant:

� un espace où les personnes pourront s’engager avec ceux du camp adverse dans des initiativesconjointes, explorer des valeurs et des intérêts communs et encourager l’espoir d’un futur commun;

� une voix pour discuter et partager des intérêts communs, et faire des premiers pas de conciliationpour atténuer les tensions et freiner l’escalade des conflits violents;

� des incitations pour favoriser des échanges et des activités conjointes entre les parties prenantesdans les domaines du développement et de la gestion participative des ressources naturelles.

Les perturbateurs sont des acteurs qui divisent les parties opposées dans un conflit. Il peut s’agirde membres des communautés locales ou de parties prenantes externes (secondaires). Face à desperturbateurs, les médiateurs peuvent:

� tenter de les isoler de la majorité des parties prenantes qui souhaitent agir de manière constructive,et faire pression sur eux pour qu’ils respectent un accord.Toutefois, le résultat ne sera probablementpas durable car les perturbateurs reprendront de l’assurance dès le départ du médiateur;

� tenter de les faire intervenir activement dans le processus, en leur confiant la responsabilité desaccords, ce qui revient à les introduire par cooptation dans le processus de coopération, mais celarisque de ralentir ou de compromettre définitivement l’ensemble du processus;

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� demander à un chef influent et fiable de persuader le perturbateur qu’il est dans son intérêt derespecter le processus de gestion du conflit plutôt que de le perturber.

Comme on le voit, il n’y a pas de solution facile face à des perturbateurs. Les médiateurs doiventêtre bien conscients de la dynamique interne entre les différents acteurs d’un conflit.

3.3.3 Ouvrir la voie au rétablissement des relationsPour rétablir des relations, il est fondamental d’instaurer un climat de confiance. La confiance se créepeu à peu avec le temps grâce à une succession de promesses concrétisées dans des actionssincères. Un médiateur peut encourager les parties au conflit à faire certains gestes qui accroissentla confiance réciproque (Moore, 2003) et favorisent le rétablissement des relations, tels que:

� accomplir des actes symboliques démontrant leur bonne foi dans les négociations – par exemplepourvoir au confort physique de l’adversaire, se rencontrer à une date ou dans un lieu convenantà l’autre partie, etc.;

� faire des déclarations claires qui ne contredisent pas celles qui ont été faites antérieurement;

� éviter de faire des promesses irréalistes ou non crédibles, et ne pas proférer de menaces.

De leur côté, les médiateurs peuvent aussi prendre des mesures spécifiques pour instaurer laconfiance entre les parties. Ils peuvent par exemple les amener à accomplir une tâche ensemble,traduire la pensée d’une partie dans des termes facilement compréhensibles pour les autres,identifier des points de convergence ou récompenser les parties de leurs éventuels gestes decoopération et de confiance. Un médiateur doit avoir présent à l’esprit que la confiance se manifestede façon différente selon la culture. En effet dans certaines sociétés, les déclarations verbales ouécrites engendrent la confiance, alors que dans d’autres, on s’attend à des rites spécifiques.

Dans les cultures «non directes» (Section 2.4), la gestion des conflits est un processus collectif, quia toujours des incidences plus larges pour les relations familiales (et spirituelles). Les membres dela communauté directement impliqués dans le conflit (parties prenantes) ne traitent pas avec desindividus, mais avec des familles, des groupes communautaires, etc. Il est souvent aussi importantde rétablir des relations et de panser les blessures d’amour propre que de trouver une solution auproblème en question. Dans ces contextes, il convient de réexaminer certains postulats:

� le principe de la séparation stricte entre les personnes et les problèmes;

� la nécessité que les parties révèlent leurs émotions ou échangent leurs griefs de manièreouverte, mais sans risque;

� l’importance de la participation de toutes les personnes concernées;

� l’imposition d’un temps limité;

� la simplicité et la clarté des déclarations, qui ne doivent pas semer la confusion.

Le maintien ou le rétablissement des relations peut être la principale motivation qui pousse lesparties prenantes à résoudre le conflit. Il est au moins aussi important de rétablir des relations et desauver la face que de résoudre les problèmes. En outre, le fait d’exprimer ouvertement les griefspeut conduire à une escalade du conflit au lieu de favoriser une compréhension mutuelle.

S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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3.3.4 Gérer l’informationTous les processus de gestion des conflits, y compris les négociations consensuelles, se fondent surle partage d’informations et l’apprentissage. Dans le processus d’échange d’informations, une partietente d’influencer les connaissances, les attitudes, les préférences et les stratégies de ses adversaires.

La disponibilité, la gestion et l’acceptation de l’information sont des aspects importants desnégociations. L’information joue un rôle charnière dans la définition des intérêts, la clarification desobjectifs communs et l’évaluation de la faisabilité des solutions. Tout au long du processus denégociation, il doit toujours être possible de contrôler les besoins en information.

L’information devrait toujours être présentée en mettant en lumière sa pertinence par rapport auxintérêts des parties, dans un camp comme dans l’autre. Or les parties cherchent toujours àprésenter les données d’une façon qui leur soit favorable et qui soit susceptible de convaincre lesautres. Les parties prenantes doivent se mettre d’accord sur la pertinence de leurs informations ets’entendre sur ce qui est pour eux un «équilibre acceptable de l’information». Le médiateur peutfaciliter les discussions en revenant à des activités participatives pour classer les problèmesd’information ou établir un graphique des besoins en information (par exemple au moyen d’uneanalyse des causes profondes). Ses autres tâches sont les suivantes:

� rechercher des compétences techniques neutres/externes;

� s’assurer que toutes les parties interviennent dans l’identification des besoins en information;

� promouvoir la participation active de toutes les parties à la collecte et à l’analyse de l’information;

� veiller à ce que l’information soit présentée de façon claire et soit bien comprise par tous les groupes.

Le Tableau 3.1 indique les problèmes les plus courants dans le domaine de la collecte et de l’analysede l’information, avec les solutions correspondantes potentielles (FAO, 2003).

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S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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Problème Solution possible

Informations incomplètes et/ou inexactes, parconséquent peu fiables et sans grande utilité.

Vu l’impossibilité d’obtenir des informationscomplètes, essayer de recueillir suffisamment dedonnées valides, fiables, exactes et vérifiées parrecoupements.

Informations trop nombreuses. Hiérarchiser les besoins en information et seconcentrer sur les plus importantes.

Informations trop complexes et difficiles àcomprendre.

Demander à un spécialiste d’interpréter l’information,en la traduisant en termes simples ou dans la langueappropriée.

Interprétations différentes ou contradictoires desmêmes informations.

Obtenir d’autres points de vue ou interprétationsindépendants de l’information.

Différents groupes pensent que leurs informationssont les plus exactes. Des professionnels peuventpar exemple avoir une «optique élitiste» de sorte queles informations techniques dominent par rapportaux systèmes de connaissances locaux outraditionnels.

L’acceptation des informations fournies par legroupe adverse pose souvent un problème. Lemédiateur devrait aider le groupe à voir les pointsforts et les points faibles de tous les systèmes deconnaissances.

L’information est faussée à dessein pour couvrir desintentions cachées.

Encourager la transparence. Examiner les intérêtsdes groupes individuels et les objectifs communs.

Problèmes pour recueillir les informations nécessaires,pour des raisons de coût ou d’indisponibilité(personnel, temps, matériel).

Tenter de répondre aux besoins par des séances debrainstorming (remue-méninges). S’il est impossibled’obtenir des renseignements adéquats, demanderaux parties de décider de l’approche qu’elles veulentadopter pour modifier leurs objectifs communs oules négociations en conséquence.

Source: Adapté de PEC, 1999.

EXEMPLES DE PROBLÈMES D’INFORMATION ET SOLUTIONS POSSIBLESTABLEAU 3.1

3.3.5 Renforcer les capacités locales en matièrede gestion des conflits

Comme on l’a souligné dans la Section 2, les médiateurs doivent se rappeler que des capacités

limitées sont déjà en place dans la plupart des régions du monde pour gérer les conflits. Ces

capacités peuvent être formelles ou informelles. La plupart des communautés ont déjà des

institutions et des structures qui facilitent la résolution des conflits locaux. Celles-ci peuvent

comprendre des personnes qui remplissent traditionnellement les fonctions de médiateurs (chefs

religieux ou politiques) ou des arrangements qui ont été trouvés pour réglementer l’accès et le

contrôle des ressources au niveau local. Pour éviter de compromettre les capacités locales, les

interventions devraient être spécifiquement ciblées, limitées et temporaires, et faire fond sur les

capacités locales déjà existantes pour les renforcer. Il est donc indispensable d’évaluer avec soin les

capacités locales déjà utilisées dans le passé pour résoudre le conflit (Sections 2.3 et 2.4).

Lorsque l’on évalue les capacités locales, on doit se demander à quel niveau le conflit en question

peut être le mieux réglé. Le niveau auquel les capacités doivent être renforcées dépend de l’enjeu

du conflit (les problèmes) et des personnes impliquées (les parties prenantes).

� Le renforcement des capacités locales peut être ciblé sur les parties les plus faibles qui en ont leplus besoin pour pouvoir participer efficacement aux négociations. Certains groupes

communautaires ou leurs représentants doivent recevoir une formation pour apprendre les

techniques de négociations consensuelles directes en «face-à-face». Ce type de renforcement

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Les connaissances locales ont une influence déterminante sur la manière dont les différentsgroupes s’engagent dans un conflit et y réagissent. Les conflits liés aux ressources naturellesfont intervenir de nombreuses parties prenantes qui savent généralement très peu de chosesles unes des autres. Ce manque d’information peut être un gros problème. Non seulement,il peut y avoir des différences de valeur importantes, mais le langage parlé, le style decommunication et les hypothèses concernant la querelle et sa résolution peuvent varierconsidérablement. Ainsi, les communautés autochtones attachent souvent aux forêts desvaleurs non économiques liées à des systèmes de croyances traditionnelles comportant desrites religieux, des lieux sacrés et des zones traditionnelles de chasse et de cueillette. Lesresponsables des gouvernements ou les intérêts commerciaux ne se rendent pas toujourscompte de l’importance de ces liens avec des terres ancestrales. Leurs points de vue sur lesforêts ou les arbres peuvent être modelés par des influences culturelles tout à fait différentesqui mettent l’accent sur des valeurs et des objectifs commerciaux.

PRENDRE EN CONSIDÉRATION LES CONNAISSANCES LOCALESENCADRÉ 3.4

S E C T I O N 3Carte du processus de négociations consensuelles

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des capacités fait partie intégrante de l’analyse participative du conflit. Il s’agit avant tout d’unprocessus d’auto-réflexion assistée grâce auquel les parties prenantes locales pourront identifieret mieux comprendre leurs objectifs (notamment les valeurs, les règles et les craintes qui lessous-tendent), les options dont elles disposent, leurs capacités, leurs ressources et leur pouvoirdécisionnel. Elles pourront ensuite mettre à profit cette nouvelle «connaissance de soiapprofondie» pour s’engager à l’avenir de façon constructive dans des négociations et dans desprocessus de gestion des conflits.

� Les chefs communautaires indépendants doivent être formés aux techniques de médiation et defacilitation. Dans la majorité des communautés, il y a des personnes qui remplissent les fonctionsde médiateurs pour faciliter la résolution des conflits locaux. Ces médiateurs jouissent de laconfiance et du respect des individus ou des groupes en raison de leur statut social, de leurexpérience ou de leurs connaissances spécifiques. Ils peuvent faire partie de l’environnementsocial immédiat – c’est le cas des chefs de villages ou des anciens - ou être indépendants – c’estle cas d’un chef religieux ou politique à qui l’on fait appel pour une médiation entre deuxcommunautés.

Il convient d’évaluer avec soin si un chef local de confiance est apte à assurer une médiation dansdes négociations. Les chefs locaux remplissent rarement toutes les conditions requises pour faireun médiateur idéal, en raison de leurs relations établies avec les parties au conflit, qui fait qu’ilspourraient prendre parti ou avoir une préférence pour une ou plusieurs parties. Cependant ilspeuvent mieux que personne offrir des possibilités de renforcer durablement les capacités. Unepersonne de l’extérieur ne devrait être proposée pour faire une médiation que si le recours à deschefs locaux semble voué à l’échec.

� Le personnel d’institutions externes chargé d’assurer les médiations dans des processus degestion des conflits devrait être formé au renforcement des mécanismes institutionnels. Dans denombreux cas, les institutions locales sont en crise ou proches de la faillite par suite denégligences, de problèmes de légitimité ou d’interventions externes néfastes. Une escalade duconflit peut indiquer que les mécanismes institutionnels sont en crise. Il est facile de négliger desmécanismes institutionnels informels en raison de leur manque de visibilité.

RÉSUMÉ DE LA SECTION

La Section 3 a esquissé la carte d’un processus MAGC, qui comprend quatre jalons principaux etdix étapes spécifiques. Ces étapes ne doivent pas être suivies à la lettre, mais elles servent à guiderle médiateur dans la gestion d’un conflit. Dans les sections qui suivent, les quatre jalons principauxsont décrits de façon plus détaillée et les activités spécifiques, les bonnes pratiques et les écueilssont examinés.

Le médiateur est le gestionnaire du processus MAGC. Les médiateurs doivent veiller à ce queles parties prenantes directement concernées assument la responsabilité de l’identification de leurspropres intérêts, de la réussite de la gestion du conflit, de la recherche de solutions et durétablissement des relations. Le médiateur fournit une assistance procédurale au processus decommunication entre les parties prenantes.

La carte du processus MAGC comprend quatre jalons et dix étapes. La carte du processus aideles médiateurs à suivre le processus et à le faire avancer vers une entente. Cette «carte» n’a qu’unevaleur indicative, car la méthode MAGC est un processus itératif complexe qui doit être géré avecsouplesse, et qui peut avancer et reculer suivant l’évolution des circonstances.

Les médiateurs doivent expliquer clairement leur mandat et leur rôle dans le contexte duconflit spécifique. Cela implique une analyse préliminaire du conflit pour expliquer clairement surquoi il porte, ainsi que des consultations avec les parties prenantes.

Les médiateurs guident les différentes parties prenantes dans leur travail d’auto-réflexion etd’auto-découverte. Ce travail est censé leur faire prendre conscience de leurs intérêts à longterme, des avantages qu’elles peuvent obtenir d’une solution négociée, et des alternatives possiblesà une solution négociée.

Les médiateurs réunissent les parties en cause autour de la table pour négocier les optionset les modalités possibles de règlement du conflit, à travers un accord. Le principe de basedes négociations est que les accords sont avantageux pour tous et ciblés sur les intérêts et lesbesoins sous-jacents des parties prenantes.

La gestion des conflits est un processus complexe et le comportement des médiateurs n’estpas toujours bien perçu par les parties au conflit. Les médiateurs d’un conflit doivent donc suivrele processus et leur propre rôle dans ce processus. Ils doivent encourager la collaboration, éviter defaire du tort et préparer le terrain pour rétablir des relations, gérer l’information et renforcer lescapacités locales de gestion des conflits.

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S E C T I O N 4

Entrée

La présente section porte sur les étapes de la préparation et de l’entrée sur la scène du conflit.

� elle explique pourquoi la préparation de l’entrée est si importante;

� elle examine les différentes activités que comporte le processus d’entrée;

� elle explique la fonction de l’analyse préliminaire du conflit.

4.1 POURQUOI IL EST ESSENTIEL DE PRÉPARERAVEC SOIN L’ENTRÉE

Dans le processus d’entrée, les médiateurs doivent:

� expliquer leur mandat (Section 3), leur rôle et leur fonction dans le conflit;

� rassembler des informations générales immédiatement disponibles sur le conflit auprès depersonnes bien informées, de comptes rendus écrits et d’autres sources;

� identifier les parties prenantes et entrer en communication avec elles, en les consultantséparément et en écoutant comment elles «cadrent» le conflit;

� élaborer une analyse préliminaire du conflit qui servira de guide pour les étapes suivantes;

� examiner s’il convient d’aller plus avant dans la procédure, et comment.

Le processus d’entrée comprend trois étapes:

Étape 1: Préparation de l’entrée;

Étape 2: Entrée sur la scène du conflit;

Étape 3: Analyse du conflit.

Le Jalon A prend fin lorsque le médiateur a décidé d’intervenir dans le conflit spécifique et quandcette décision a été communiquée de manière transparente aux parties opposées dans le conflitet aux autres intéressés.

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4.2 ÉTAPE 1: PRÉPARATION DE L’ENTRÉEPlusieurs activités peuvent être envisagées avant d’entrer pour la première fois sur la scène duconflit, notamment:

� constituer une équipe de facilitateurs, si approprié (Sections 3.1 et 4.2.1);

� expliquer clairement le rôle et la fonction du médiateur: qui il est, en quoi consiste son rôle, etpourquoi il le remplit;

� expliquer clairement la mission à la base de l’engagement dans la gestion du conflit: qui ademandé ou soutenu l’intervention du médiateur;

� recueillir des informations générales pertinentes pour une évaluation préliminaire des problèmeset des parties prenantes du conflit;

� préparer les aspects logistiques de l’entrée sur la scène;

� planifier à l’avance les stratégies de facilitation et les activités;

� auto-analyse du médiateur: objectifs escomptés, résultats à viser et hypothèses de base sur leconflit. Les médiateurs doivent être prêts à remettre en question leurs hypothèses si de nouvellesinformations ou des changements dans la situation de conflit l’exigent.

4.2.1 Constituer une équipeDans certains cas, il est préférable d’avoir une équipe de médiateurs, par exemple dans desnégociations «multisites», dans des contextes multilingues, ou dans des cas exigeant descompétences techniques qui ne peuvent pas être réunies dans une seule personne. On tiendracompte des points suivants pour créer une équipe:

� Les membres de l’équipe doivent avoir reçu une formation spécifique ou avoir l’expérience destâches qui leur sont confiées (si un membre est perçu comme incompétent, cela nuit à lacrédibilité et à l’efficacité de toute l’équipe).

� Les éventuelles barrières linguistiques doivent être prises en compte. Si possible, au moins unmembre de l’équipe parlera la langue locale. Si ce n’est pas possible, on choisira un orateur localtechniquement compétent en matière de traduction et considéré comme impartial (des soupçonsquant à la qualité et à l’honnêteté d’un traducteur pourraient causer de gros problèmes).

� L’équipe prise dans son ensemble, et chacun de ses membres, établiront et maintiendront uneapproche professionnelle et impartiale.

� Il pourrait être bon d’alterner les tâches entre les membres de l’équipe de médiation, en particulierpour des tâches comme la conciliation, la médiation et la finalisation des accords. Cettealternance permettrait d’améliorer les compétences des membres débutants, tout en profitant del’expérience des plus qualifiés.

� Il conviendrait de mettre au point un système de suivi de l’équipe pour la rendre plus adaptée etaméliorer la qualité de ses performances. Ainsi, les membres de l’équipe pourraient discuter:

� de ce qu’ils feront en cas de désaccords sur la manière de procéder;

� de ce qu’ils feront en cas de tensions au sein de l’équipe;

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

� de ce qu’ils peuvent faire pour détecter des tensions;

� des signaux qu’ils utiliseront pour informer les autres membres de l’équipe des tensions (enparticulier si les tensions surviennent lors d’une réunion publique).

� des stratégies à adopter pour trier les problèmes dans le processus d’équipe.

4.2.2 Recueillir des informations généralesDes informations générales sont indispensables pour décider s’il convient d’intervenir en tant quemédiateur et comment. Cela éclaire le médiateur sur la nature du conflit, ses origines et son évolutionainsi que sur les éventuels efforts déployés dans le passé pour le résoudre. Ces renseignementspeuvent être utiles pour étudier les stratégies afférentes aux prochaines étapes du processus de gestiondu conflit, par exemple, pour déterminer qui on consultera en premier. On pourra aussi s’y référer à unstade ultérieur du processus lorsque l’on aura obtenu plus de données par l’observation directe ou dansle cadre d’entretiens et lorsque l’on aura une représentation plus exacte et plus complète du conflit.

Avant de se rendre sur les lieux du conflit, les médiateurs peuvent chercher des sourcesd’information sur la région ou la communauté, notamment sur son environnement, sa population,son histoire, les modes d’utilisation des ressources et les tendances en matière de conflit. Lesarticles de journaux, les rapports publiés et non publiés d’organisations ou de chercheursspécialisés, des procès verbaux de réunions publiques et des présentations audio-visuelles(notamment des reportages radiophoniques ou télévisés) sont des points de départ très utiles.Toutes ces informations doivent être considérées comme potentiellement fausses, et seront vérifiéesauprès d’autres sources et dans le cadre d’observations sur le terrain.

Une fois sur le terrain, une évaluation préliminaire du conflit devrait être effectuée pour placer ladynamique du différend et les participants dans le contexte plus large des processus et destendances relatifs aux conflits liés aux ressources naturelles locales et à leur gestion. Comme on l’anoté dans la section 2.3.2, cette évaluation devrait s’appuyer sur les capacités locales en matièrede négociations consensuelles, notamment sur les cultures existantes de gestion des conflits et lesapproches locales de résolution des problèmes.

S E C T I O N 4Entrée

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4.2.3 Planifier l’actionLes plans d’action définissent toutes les activités, le calendrier et le contexte de leur exécution (où,comment, qui, avec quels outils?). En outre, le processus doit être conçu dans ses moindres détails:qui sera contacté en premier? de quoi parlera-t-on?

Les équipes de médiation devront en particulier:

� prévoir les arrangements logistiques: Transport, hébergement, nourriture, fournitures de bureau, etc.

� collaborer avec les parties concernées pour fixer une date et un lieu appropriés pour les réunions:Les médiateurs ne doivent jamais oublier qu’ils sont là pour aider les populations locales à gérerle conflit. Le contexte, la date et le lieu des réunions doivent donc dans la mesure du possible êtrechoisis en fonction des préférences et des besoins des diverses parties en cause, et non pas enfonction de ceux de l’équipe de médiation;

� concevoir le processus: protocole d’accueil (cérémonies de bienvenue adaptées aux contextestraditionnels), séquence des réunions avec les différentes factions (qui, quand, où?);

� préparer l’ordre du jour des premières réunions: Sujet des discussions, explication du rôle dumédiateur, avantages des modes alternatifs de gestion des conflits, carte du processus, séancespour les déclarations des diverses factions et leurs perceptions du conflit;

� examiner les stratégies à adopter en cas d’imprévus: Que faire en cas de problème au cours despremières réunions (les parties vraiment concernées ne sont pas là, les parties prenantess’énervent, des perturbateurs troublent la réunion, etc.). Ils pourront ainsi s’adapter avecsouplesse à des événements imprévus;

� remettre constamment en question leurs propres hypothèses à propos du conflit, des partiesprenantes et de l’objectif à atteindre. Ces hypothèses devraient être discutées au sein de l’équipe,documentées, et revues après chaque visite sur le terrain. Les hypothèses devraient êtremodifiées chaque fois que de nouveaux éléments en indiquent la nécessité.

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Les tierces parties ont souvent besoin d’une personne-ressource pour faciliter l’entrée. Unepersonne-ressource peut par exemple organiser la première réunion entre les médiateurs etles parties prenantes du conflit. Dans certains endroits, des fonctionnaires desadministrations locales peuvent remplir ou tenter de remplir cette fonction. Dans d’autres cas,le choix peut se porter sur diverses personnes (médiateurs traditionnels, chefs de groupesd’utilisateurs des ressources locales, autorités communautaires telles que chefs d’un clanfamilial ou d’un village, vulgarisateurs ou autres agents de développement, etc.). Si unmédiateur choisit une personne-ressource qui est perçue comme partiale, cela peut bloquerle processus car le médiateur sera lui aussi perçu comme partial. Les autorités localesdoivent être traitées avec le respect et la considération qui leur sont dus, mais lesfonctionnaires des administrations locales ou les chefs de villages ne sont pasnécessairement neutres et ils peuvent même être parties prenantes dans le conflit.

LES PERSONNES-RESSOURCESENCADRÉ 4.1

4.3 ÉTAPE 2: ENTRÉE SUR LA SCÈNE DU CONFLITQuelle que soit la manière dont les médiateurs entrent dans un différend, ils doivent accomplircertaines tâches spécifiques au début du processus de négociation. Un médiateur externe doit toutd’abord instaurer un rapport et un climat de confiance avec les parties opposées dans le conflit. Tousles médiateurs, internes et externes, doivent évaluer si l’intervention d’une tierce partie a quelquechance d’être efficace. Si c’est le cas, ils doivent expliquer quel sera son rôle. Trois aspectsessentiels devront retenir leur attention.

Les parties opposées dans le conflit sont-elles disposées à négocier? Deux facteurs influencent leurréceptivité. Le premier est leur motivation à parvenir à une entente, qui dépend de l’idée qu’elles sefont de la situation du conflit et des coûts et avantages de sa résolution. Le deuxième est le degréd’optimisme des acteurs, qui est fondé sur leurs capacités, leurs expériences antérieures et leursressources (Faure, 2003). Si les parties sont prêtes à négocier, sont-elles suffisamment motivées?Quels sont les éléments qui incitent les parties à s’engager dans des négociations consensuelles?Comment les parties ont-elles tenté de résoudre le conflit dans le passé? Quelles sont les optionsdont elles disposent actuellement pour gérer ou résoudre le conflit?

En quoi les disparités de pouvoir ou de force entre les parties concernées peuvent-elles avoir uneincidence sur leur capacité de s’engager dans des négociations consensuelles? Si le déséquilibre estpoussé à l’extrême, il incombe à la tierce partie de garantir au moins un certain équilibre procédural.Dans certaines circonstances, il faut également renforcer les capacités de la partie la plus faible.

Jusqu’à quel point est-il possible de faciliter la communication directe, les échanges ouverts et lesprocessus de compréhension et de résolution des problèmes entre les parties en conflit? Quellestâches doivent accomplir les médiateurs? Comment le processus peut-il être conduit pour s’assurerque les parties le prendront en charge et que le médiateur pourra se retirer progressivement?

Pendant l’étape d’entrée, les médiateurs:

� établiront un premier contact en trouvant une personne neutre et digne de confiance, ainsi qu’un lieupour le premier contact avec les problèmes. L’entrée par l’entremise d’un tiers sera envisagée si lemédiateur n’est pas connu localement, s’il est soupçonné de parti pris ou s’il n’inspire pas confiance;

� expliqueront leur rôle vis-à-vis des parties prenantes du conflit, en se présentant dans le respectdes usages locaux, en expliquant leur mandat, leur rôle et leurs tâches, et en présentant lesprincipes de base des MAGC, à savoir:

� approche coopérative de résolution des problèmes basée sur un apprentissage mutuel;

� recherche d’avantages mutuels, dans la mesure du possible: résultats gagnant-gagnant,contrairement à l’arbitrage qui produit un gagnant et un perdant;

� surmonter ou atténuer un conflit pour améliorer les moyens d’existence des populations;

� accords volontaires et entre les mains des parties prenantes du conflit;

� le médiateur est chargé de guider les parties prenantes tout au long du processus. Il fait ensorte que tous les points de vue et tous les intérêts soient pris en considération et que leprocessus de négociation soit aussi équitable que possible. Il n’est pas responsable du résultat.La résolution positive d’un conflit dépend avant tout des parties directement concernées etaucun processus, aussi bon soit-il, ne garantit que des personnes qui ne veulent pas se mettred’accord seront amenées à le faire;

S E C T I O N 4Entrée

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� s’efforceront de susciter la confiance», en tant que personnes ou équipe, et de donner confiancedans le processus de gestion du conflit: les médiateurs expliqueront clairement leur rôle et laprocédure. Il est important qu’ils informent les parties en cause du processus pour:

� minimiser les surprises qui pourraient résulter d’incompréhensions;

� faire comprendre l’enchaînement des étapes pour que les parties sachent à quoi elles doivents’attendre et les rôles qu’elles seront appelées à jouer;

� obtenir des participants des informations en retour reflétant leurs réserves quand à la procédure.

Il est important que le médiateur établisse sa crédibilité et celle de la procédure pour inciter lesparties prenantes à tenter l’expérience.

N O T E D U F O R M A T E U R : Les médiateurs ne doivent pas susciter des attentes auxquelles ilsne pourront pas répondre. Le processus MAGC a pour objet de guider les participants pour qu’ils apprennent àrésoudre eux-mêmes leurs problèmes. Il n’a d’utilité que si les parties sont prêtes à chercher un accord etdisposées à le faire ensemble. Il peut aider les parties prenantes à rétablir leurs relations, mais il ne résoudra pastous les problèmes d’une communauté et ne garantira pas en lui-même le maintien de la paix dans la communauté.

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4.4 ÉTAPE 3: ANALYSE DU CONFLITL’analyse préliminaire d’un conflit cherche à donner une première idée de la situation. Elle comprendune analyse des capacités locales en matière de gestion du conflit et des moyens de les renforcer,ainsi qu’un examen des tentatives de gestion du conflit passées et des raisons de leur échec.L’analyse préliminaire du conflit aide à clarifier les hypothèses et à approfondir la compréhensiond’un conflit et des stratégies permettant de le résoudre. Elle a pour objet de définir une ligne d’actionappropriée et le rôle que doivent jouer les médiateurs.

Les médiateurs doivent avoir une idée des limites du conflit et des parties prenantes impliquées pourpouvoir décider en connaissance de cause s’ils ont les capacités voulues pour intervenir utilement.

Faute de temps et de ressources, il n’est généralement pas possible de procéder à des enquêteslongues et détaillées. L’analyse du conflit doit être orientée vers l’action et l’on peut envisagerd’appliquer les principes des évaluations rurales rapides, à savoir:

� ignorance optimale: «savoir ce qui vaut la peine d’être connu»;

� degré de précision approprié: choisir des normes de précision qui ne seraient peut-être pasacceptables pour la recherche scientifique, mais qui permettent une prise de décision responsable;

� itération: avancer par cycles, comme dans un processus d’apprentissage continu;

� exploration: appliquer le principe de sérendipité «découvrir par chance ou sagacité des résultatsqu’on ne cherchait pas»;

� éclectisme: choisir et accepter librement à partir de diverses sources;

� triangulation: envisager les problèmes sous différents angles (trois au moins). Ce principe estessentiel pour l’étude de la composition d’une équipe, des unités d’observation, des sourcesd’information et des méthodes de recherche;

� apprentissage: l’évaluation rurale rapide est un processus d’apprentissage, et non pas une simplecollecte d’information. Ce processus suppose d’apprendre par le biais d’une interaction avec lespersonnes, et d’apprendre non seulement des choses sur les personnes mais avec des personnes.

Comme on l’a déjà noté, l’analyse du conflit commence avant l’entrée sur la scène du conflit, avec unexamen des sources écrites (y compris des rapports non publiés), des discussions avec deschercheurs et des professionnels qui connaissent bien le domaine, et un examen des comptes rendusaudio-visuels. Dès l’entrée sur le terrain, les médiateurs devraient rencontrer la personne-ressourceet les autorités ou les dignitaires locaux. Les protocoles peuvent être une autre source d’informations.

Il faut essayer d’obtenir le plus grand nombre de points de vue locaux possible, à travers desentretiens informels, des interviews de groupe (y compris des groupes de discussion structurés) etdes réunions avec des informateurs-clés (personnes connaissant particulièrement bien un sujet).Dans toute recherche, on doit s’assurer que les personnes rencontrées représentent effectivementles groupes de parties prenantes. Comme le note Chambers (1983), afin d’éviter la partialité de

S E C T I O N 4Entrée

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certains individus ou groupes d’élite, il faut trouver un éventail de personnes et de points de vuedifférents – représentants officiels et non officiels, hommes et femmes, jeunes et vieux, personnesd’âge moyen, pauvres et riches, etc. On peut cependant aussi apprendre beaucoup de choses enmarchant, en observant, en posant des questions et, surtout, en écoutant.

Dans l’évaluation préliminaire, on doit rechercher des informations sur (voir aussi Goodhand, Vauxet Walker, 2002):

� La nature du différend et du conflit qui le sous-tend: Quelles sont les ressources impliquées et oùse trouvent-elles? Quand et comment le conflit s’est-il manifesté? Qu’est-ce qui semble l’avoirdéclenché, et qu’est-ce qui semble l’avoir causé?

� Les parties prenantes ou groupes d’intérêt: Qui a attiré pour la première fois l’attention du publicsur le conflit? Qui sont les personnes impliquées, directement ou indirectement? Quels sont leursintérêts? Quelles sont leurs relations réciproques, et quelle est l’histoire passée du conflit? Dequels moyens disposent les parties prenantes pour influencer le conflit, positivement ounégativement? Quelles sont les motivations qui les poussent à poursuivre le conflit, à le gérer ouà le résoudre? Quelles règles, valeurs ou connaissances les parties opposées font-elles valoir àl’appui de leurs revendications?

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� L’évolution des conflits et les capacités locales permettant de les gérer: Comment ont évolué lesconflits et la gestion des ressources naturelles sur le court et le long terme? De quels moyensdisposent les populations et les institutions locales qui s’occupent de gestion des conflits pourrégler ce différend? Y a-t-il déjà eu dans le passé des tentatives de gérer ce conflit? Si oui, enquoi ont-elles consisté et pourquoi n’ont-elles pas réussi? Les institutions locales ont-elles deschefs, des pouvoirs, des ressources pour s’acquitter de leurs rôles et de leurs obligationsessentiels, ou reçoivent-elles des incitations à cette fin? Quelles sont les tendances généralesdans la communauté, en matière de conflits et de gestion des conflits? Quels sont les risques sile conflit actuel sur les ressources naturelles se poursuit?

L’évaluation préliminaire peut contribuer à améliorer la capacité de réponse et l’efficacité des médiateursen aiguisant leur compréhension du conflit, par exemple en attirant leur attention sur des personnes, desprocessus ou des événements qui ont été négligés. Les informations obtenues peuvent aider lesmédiateurs à mieux assumer leur rôle, ou indiquer la nécessité de redéfinir leurs fonctions. L’évaluationpeut par exemple suggérer que les institutions locales sont à même de gérer le conflit sans l’appui demédiateurs externes, ou encore indiquer que les médiateurs devraient se concentrer sur un aspectspécifique, comme réconcilier les parties, donner des avis sur les options de gestion du conflit ou aiderdes gestionnaires de conflit locaux à assurer la médiation dans les négociations.

En outre, l’évaluation peut indiquer que la situation est trop explosive ou dangereuse pour que l’onse risque sur la voie des négociations consensuelles. Ainsi, une multiplication des armesautomatiques dans la zone peut avoir un effet dissuasif sur la participation, car les individuscraignent une escalade de la violence.

N O T E D U F O R M A T E U R : La Section 5 explique comment conduire l’analyse d’un conflit etdécrit les outils qui peuvent la faciliter. L’Annexe 2 est un guide pratique simple sur chacun de ces outils, avecdes applications pratiques sur le terrain.

Sur la base de l’analyse préliminaire du conflit, le médiateur ou l’équipe de médiation peut évaluerles probabilités de réussite des négociations en répondant aux questions figurant dans l’aide-mémoireci-dessous:

� Quelles sont les causes profondes du conflit et sont-elles négociables?

� Comment les causes/interconnections identifiées ont-elles des probabilités de se manifester etd’être cadrées par les parties qui s’opposent dans le conflit, et comment vont-elles probablementémerger, comme problèmes, dans le processus de négociation?

� Toutes les parties prenantes du conflit ont-elles indiqué qu’elles souhaitaient et pouvaients’engager dans des négociations?

� Les services d’un médiateur semblent-ils nécessaires?

� Toutes les principales parties prenantes du conflit acceptent-elles le rôle du médiateur?

� Toutes les parties au conflit ont-elles un poids dans les négociations?

� Les besoins essentiels des parties sont-ils garantis (nourriture, abri, sécurité)?

� Les médiateurs ont-ils des moyens, financiers et autres, suffisants pour mener à bien le processus?

S E C T I O N 4Entrée

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N O T E D U F O R M A T E U R : Les médiateurs doivent décider en connaissance de cause et demanière transparente s’ils veulent aller plus loin ou non, et si oui, de quelle manière. Cette décision doit êtrecommuniquée aux parties prenantes et discutée avec elles.

Comme on l’a déjà noté, les médiateurs peuvent envisager un désengagement s’ils neparviennent pas à trouver de réponse convaincante à quelques-unes des questions ci-dessus, ous’ils estiment que leurs services ne sont pas nécessaires pour régler le conflit. Si le processus n’apratiquement aucune chance de succès, il vaut mieux s’abstenir tout de suite plutôt que d’entamerun processus sans y croire. Parfois, lorsqu’elles se rendent compte que les médiateurs ne veulentpas poursuivre le processus, les parties prenantes du conflit sont encore plus déterminées etmotivées, de sorte que le processus prend une direction plus constructive. Les médiateurspeuvent alors se désister.

Si les circonstances ne sont pas favorables à un MAGC, il n’y a guère d’intérêt à insister sur cetteapproche. Par ailleurs, même s’il n’est pas possible de résoudre de façon pleinement satisfaisanteles problème en jeu, les médiateurs peuvent décider d’entamer un processus de négociation visantà minimiser les effets destructeurs associés à de nombreuses confrontations. Il est absolumentessentiel que les médiateurs prennent une décision en connaissance de cause et la communiquentaux parties en conflit.

Si l’équipe a décidé de poursuivre la médiation, les étapes ultérieures sont les suivantes:

� déterminer le lieu de la première réunion, en tenant compte des besoins et des préférences despopulations locales, en termes de site, de date, etc.;

� rencontrer séparément les parties au conflit, en leur demandant de le «cadrer» et de documenterleurs points de vue (“consultation-navette”);

� décrire le rôle et la mission potentiels des médiateurs et expliquer clairement qu’ils sont là pourexaminer s’ils peuvent ou non apporter une contribution utile et comment;

� identifier des options par lesquelles les médiateurs peuvent contribuer à la résolution du conflit;

� établir un climat de confiance et des relations avec les parties prenantes du conflit pour leurdonner confiance dans les médiateurs;

� identifier les rassembleurs (personnes contribuant à la gestion du conflit) et les diviseurs ouperturbateurs (personnes qui provoquent une escalade du conflit et/ou qui ont intérêt à le fairedurer); il est cependant important de noter qu’il est dangereux de cataloguer trop rapidement lespersonnes, ou de faire des stéréotypes hâtifs, en particulier quand un rapport n’a pas encore étéétabli; en outre, les perturbateurs et les diviseurs peuvent avoir de bonnes raisons (ou du moinsdes raisons compréhensibles) de se comporter comme ils le font – les médiateurs doivent serappeler de séparer les personnes des problèmes/intérêts;

� préciser si la mission et la tâche des médiateurs sont acceptées par les parties prenantes duconflit; si ce n’est pas le cas, il faut en déterminer les raisons et identifier des étapes possiblespour renforcer la confiance dans le rôle du médiateur.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

À la fin du processus d’entrée, les médiateurs ont recueilli suffisamment d’informations de l’analysepréliminaire du conflit (étape 3) pour donner des conseils sur les options les plus appropriées pouravancer dans la gestion du conflit. Ils ne prendront la décision de continuer que si l’analysepréliminaire révèle qu’ils ont de bonnes chances de pouvoir résoudre les problèmes avec desnégociations consensuelles.

RÉSUMÉ DE LA SECTION

La Section 4 a bien montré que l’entrée sur la scène d’un conflit devait être soigneusement préparée.Avant d’intervenir activement dans un MAGC et de commencer à associer les différentes parties auconflit (parties prenantes), les médiateurs doivent expliquer clairement leur mandat (qui, quoi, comment,pourquoi?) et leur rôle dans ce contexte. Ceci implique une analyse préliminaire du conflit et uneexplication détaillée de ce sur quoi il porte (Section 5). Cela servira de base pour élargir l’engagementdes parties prenantes (Section 6), et arriver de fil en aiguille aux négociations (Section 7).

Arriver sur le terrain trop rapidement et sans être bien préparé peut faire plus de mal que debien. Les médiateurs doivent préparer avec soin leur entrée. Dès que les médiateurs entrent encontact avec le contexte du conflit, ils influencent sa dynamique et ses processus internes etsubissent leur influence. L’entrée doit être bien planifiée pour éviter de laisser de côté des questionsimportantes, de contacter les «mauvaises» personnes, ou de nuire à la réputation de neutralité dumédiateur.

S E C T I O N 4Entrée

97

Durant les premiers stades du processus de gestion d’un conflit, il est souvent plus appropriéde consulter les différentes parties au conflit, dans le cadre de sessions séparées, en leurdonnant la possibilité d’exprimer leur point de vue sur le conflit, et en leur expliquant lesavantages potentiels de l’approche MAGC ainsi que le rôle du médiateur. Les parties prenantesse sentiront ainsi plus en confiance. Cette procédure est appelée “consultation-navette” .

Ces consultations-navettes sont censées donner aux parties prenantes du conflit uneopportunité de parler et d’exprimer leurs griefs, leurs émotions, leurs sentiments et leursopinions. Les médiateurs peuvent soutenir ce processus par:

� une écoute active: en attirant l’attention de celui qui parle sur ses sentiments et sesoptinions, en parlant moins et en écoutant plus;

� une reformulation de ce qu’ils ont compris, dans un langage simple et accessible;

� une empathie analytique: en montrant à celui qui parle qu’ils comprennent son point devue et «se mettent dans sa peau».

LES “CONSULTATIONS-NAVETTES”ENCADRÉ 4.2

98

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Dans le processus d’entrée, les médiateurs établissent un contact avec les différentesparties prenantes du conflit, expliquent clairement leur mandat, leur rôle et leurs tâches etlaissent les parties prenantes exposer leur version des faits. Ce processus est important pourétablir un rapport, une confiance mutuelle et des relations avec les parties prenantes. A ce stadeprécoce du processus de gestion du conflit, il est recommandé de consulter séparément lesdifférentes parties en cause, dans le cadre de consultations-navettes.

L’analyse préliminaire du conflit est un exercice stratégique interne qui aide les médiateursà clarifier leurs hypothèses et à acquérir une connaissance approfondie des causes, desproblèmes et de la dynamique du conflit. L’analyse préliminaire du conflit a deux objectifs:

� Donner à l’équipe de médiation les éléments de base pour décider en connaissance de cause des’engager ou de se désengager d’un conflit spécifique. Cette décision doit être communiquée auxparties prenantes du conflit.

� Permettre d’explorer des stratégies sur la marche à suivre et d’élaborer des stratégies pourtravailler avec chacune des parties prenantes.

S E C T I O N 5

Analyse du conflit

Cette section passe en revue les principaux éléments de l’analyse d’un conflit. Son but estd’identifier:

� à quoi sert l’analyse du conflit;

� les questions que l’on doit se poser dans l’analyse d’un conflit;

� où et quand une analyse devrait être faite dans le processus de gestion d’un conflit;

� qui devrait effectuer l’analyse;

� quels instruments peut-on utiliser pour faciliter l’analyse du conflit.

5.1 POURQUOI L’ANALYSE DU CONFLIT EST ESSENTIELLEPlus les médiateurs connaissent et comprennent les situations dans lesquelles ils travaillent, moinsils ont de probabilités de commettre des erreurs, et plus ils ont de chances d’offrir une assistanceefficace aux parties prenantes.

L’analyse d’un conflit est utile pour:

� clarifier et hiérarchiser les divers problèmes à traiter;

� identifier les effets d’un conflit;

� identifier les causes profondes et les facteurs contribuants du conflit afin de définir des réponsesappropriées;

� identifier les motivations et les incitations des parties prenantes, grâce à une bonnecompréhension de leurs intérêts, de leurs besoins et de leurs points de vue sur le conflit;

� évaluer la nature des relations entre les parties prenantes, notamment leur disponibilité et leurcapacité à négocier entre elles;

� identifier les informations existantes sur le conflit, ainsi que les besoins en informations;

� évaluer les capacités des institutions ou des pratiques de gestion des conflits existantes à réglerle litige en cause;

� instaurer un rapport et une compréhension entre les parties prenantes, dans la mesure du possible;

� renforcer les capacités d’analyse et de résolution des problèmes des parties prenantes localespour leur permettre de faire face aux conflits actuels et futurs (le renforcement des capacités estun élément majeur de l’analyse participative d’un conflit);

� faire mieux comprendre les liens entre le contexte social, politique et économique plus général etles conflits liés à l’utilisation des ressources.

Il existe de multiples méthodes et outils pour analyser les conflits. Aucune procédure ou pratiquen’est efficace à elle seule dans toutes les situations. Cette section ne présente pas de plan, maisfournit des principes directeurs sur les types de stratégies et de techniques disponibles et sur le typed’informations qui pourraient être rassemblées.

5.1.1 Principes directeurs� L’analyse d’un conflit doit être fondée sur un large éventail de points de vue concernant les

sources du conflit. Les conflits portent sur des perceptions et sur les significations que lespersonnes attribuent à des événements, à des politiques et à des institutions.

� L’analyse d’un conflit aide les parties prenantes à prendre du recul par rapport à leurs points de vuequi sont souvent fortement influencés par des émotions, des incompréhensions, des hypothèses,des soupçons et la méfiance. Dans les situations de conflit, l’émotion l’emporte souvent sur lalogique et la raison, c’est pourquoi il est important de distinguer les opinions des faits. La recherched’un équilibre entre les émotions et la raison (Fisher et Brown, 1988: 43-63) est un aspect importantde la gestion d’un conflit, non pas parce que les faits comptent plus que les perceptions ou lessentiments, mais parce que les parties prenantes ne les traitent pas de la même manière.

Cette transformation des points de vue est vitale pour pouvoir adopter une approche de collaborationpour gérer le conflit. C’est une étape fondamentale au cours de laquelle on s’écarte des positionsrigides et inflexibles pour s’orienter vers la découverte d’éventuels intérêts communs. C’est un résultatimportant de l’analyse qui permet de déterminer ce qu’il est possible de négocier et d’identifier desbesoins ou des objectifs communs qui peuvent être satisfaits, grâce à une démarche de collaboration.

� L’analyse d’un conflit ne sert pas seulement à examiner les problèmes liés à la gestion desressources naturelles, elle doit aussi étudier le contexte de développement plus général (social,économique et politique).

� L’analyse d’un conflit n’a qu’un caractère préliminaire et elle doit être affinée et étudiée avecattention au cours de l’avancement du processus.

� L’analyse d’un conflit n’est pas une fin en soi, mais un élément du processus de définition etd’apprentissage des problèmes (renforcement des capacités). Pour que ce processusd’apprentissage ait lieu, l’analyse du conflit doit reposer sur une approche participative. A traversles échanges d’informations, il est plus facile d’amener les parties prenantes à centrer leurattention sur les vrais problèmes dans le processus de négociations. En revanche, certainespersonnes hésiteront probablement, par prudence, à révéler certains types d’informations.

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S E C T I O N 5Analyse du conflit

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Ce qui compte, c’est de savoir ce qui vaut la peine d’être connu. Le type et la quantité d’informationsà obtenir d’une analyse du conflit varient selon les cas. On part souvent du principe qu’il vaut mieuxavoir trop d’informations que pas assez, mais toutes les informations ne sont pas pertinentes,véridiques ou utiles. En outre, les besoins d’information perçus doivent souvent être redimensionnéspar rapport aux contraintes de temps, de ressources ou de compétences. En tenant compte de ceslimites, il importe de définir ce que l’on entend par des informations «suffisamment» détaillées,précises et fiables car au-delà de cette limite, il est inutile de recueillir ou d’analyser des données.

L’Encadré 5.1 résume les questions clés que l’on pourrait se poser dans une analyse des conflits.

Sur quoi porte le conflit?

Un conflit est souvent plus complexe qu’il n’y paraît. Comment les participants le «cadrent-ils»? En quoi leurs points de vue convergent-ils ou divergent-ils? Comment les autrescadrent-ils le conflit? Quels semblent être les facteurs contribuants qui ont déclenché leconflit? Y a-t-il des facteurs plus profonds, institutionnels, politiques, structurels, liés auxmoyens d’existence ou d’une autre nature? Il est sans intérêt de gérer un conflit comme unévénement unique et indépendant s’il est imbriqué avec d’autres problèmes plus généraux.

Qui est impliqué dans le conflit?

La création d’un réel consensus suppose l’engagement de tous les groupes de partiesprenantes concernés par le conflit, d’où la nécessité de les identifier avec soin. Y a-t-il desgroupes qui ne sont pas présents mais qui contribuent directement ou indirectement auconflit, notamment des administrateurs, des utilisateurs des ressources issus decommunautés voisines ou des migrants (pasteurs, agriculteurs ou ouvriers)?

Quelles sont les motivations ou les incitations qui poussent les parties à régler leur conflit?

Il peut être difficile d’amener des personnes à régler leur conflit par des méthodesalternatives ou par d’autres moyens si elles ne ressentent pas le besoin de le gérer ou de lerésoudre. En outre, des incitations économiques, politiques, culturelles ou d’une autre naturepeuvent influencer les parties et leur donner envie de s’engager dans la gestion du conflit. Ilest également important de découvrir s’il y a des personnes qui tireraient profit de lapoursuite du conflit, ou qui s’opposeraient à toute tentative d’y mettre fin (certainespersonnes ont-elles intérêt à perpétuer le conflit?).

Quelles sont les stratégies de gestion des conflits qui ont été tentées auparavant?

Il est important d’analyser les stratégies qui ont déjà été essayées pour résoudre le différend.Quels résultats ont-elles donné? Quels avantages et quels inconvénients y aurait-il àpoursuivre la (les) même (s) stratégie(s), pour résoudre le litige actuel?

QUESTIONS CLÉS POUR FACILITER L’ANALYSE DU CONFLITENCADRÉ 5.1

5.2 L’ANALYSE DU CONFLIT EN TANT QUE PROCESSUSL’analyse du conflit se fait à divers stades dans un processus MAGC. Les grandes questions sont desavoir qui effectue l’analyse et dans quels buts.

5.2.1 Jalon A: Entrée � Étape 1 – Préparation de l’entrée: l’équipe de médiation examine les informations secondaires

disponibles et élabore les premières idées et hypothèses concernant le règlement du conflit. C’estsur la base de cette analyse qu’elle décidera qui contacter comme partie prenante pendantl’Étape 2 – Entrée.

� Étape 3 – Évaluation préliminaire du conflit: après un premier contact avec les parties prenantesdurant la phase d’entrée (Étape 2), et après avoir écouté leurs exposés et leurs préoccupations,les médiateurs font une évaluation stratégique préliminaire du conflit, pour décider s’ils iront plusavant ou non dans le conflit et déterminer les prochaines étapes. S’ils décident de ne pass’engager, ils peuvent recommander d’autres lignes d’action aux parties en conflit.

Durant la phase d’entrée, l’analyse du conflit effectuée dans le cadre de l’évaluation préliminaire estun instrument stratégique qui permet aux médiateurs de planifier les étapes suivantes. Il s’agit d’uneanalyse «interne».

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5.2.2 Jalon B: Engagement/participation des parties prenantesL’analyse du conflit conduite durant cette étape diffère de l’évaluation initiale du conflit car ici les

médiateurs aident les parties prenantes à analyser la situation par elles-mêmes. Leur tâche consiste

à les aider à avancer dans un processus d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Toutes les parties

doivent être en mesure de suivre le processus, de comprendre les résultats et de savoir par quels

moyens ils ont été obtenus. La principale tâche des médiateurs est d’expliquer et de visualiser

chaque étape du processus et tous les résultats intérimaires.

� Étape 4 – Engagement plus profond, faciliter une analyse du conflit, par les parties prenantes:

Les parties prenantes du conflit réfléchissent à leurs positions, à leurs intérêts et à leurs besoins, en

les comparant à ceux des autres parties prenantes. Selon les circonstances, les médiateurs peuvent

conduire l’analyse du conflit dans le cadre d’une session commune avec toutes les partiesprenantes ou, si les tensions sont trop fortes, séparément avec chaque groupe de parties prenantes.A un moment donné, les différentes parties prenantes devront cependant mettre en commun leurs

analyses pour que chacune puisse mieux comprendre les points de vue des autres.

Le but est d’aider les parties prenantes à dégager une compréhension commune de l’objet du conflit

et de ce qu’il signifie et de ce qu’il implique pour chaque partie. Les différentes parties prenantes

peuvent ainsi être amenées à élargir ou à rétrécir la portée des problèmes à négocier.

Une fois que les parties prenantes auront pleinement compris le processus, et seulement à ce

moment-là, elles seront mieux à même de résoudre leurs problèmes à l’avenir. Une analyse partielle

peut avoir des conséquences négatives car elle peut se limiter à confirmer des hypothèses de

principe, et laisser autant de choses dans l’ombre qu’elle n’en révèle. Par ailleurs, en se souciant

trop de «faire l’analyse selon les règles», on peut entraver l’action.

5.3 LES OUTILS D’UNE ANALYSE DES CONFLITS Un conflit peut être analysé à l’aide d’un certain nombre d’outils et de techniques simples, pratiques

et adaptables. L’Annexe 2 décrit en détail ces outils et donne des conseils précis sur la manière de

les utiliser sur le terrain. L’application d’un outil n’est pas une fin en soi – les outils sont des moyens,

ou des aides, qui facilitent l’analyse des conflits. Les outils ne sont pas non plus des processus rigides

– ils doivent être adaptés en fonction des circonstances spécifiques et des exigences des médiateurs.

Lorsque les médiateurs conduisent leur analyse préliminaire du conflit (étapes 1 à 3), les outils:

� fournissent une «carte mentale», durant les consultations avec les parties prenantes (pour se

représenter mentalement les questions à poser et les informations à recueillir);

� aident à structurer l’analyse du conflit;

� fournissent des informations essentielles vérifiées par recoupements, en particulier quandplusieurs outils sont employés dans le même but.

S E C T I O N 5Analyse du conflit

103

Lorsque les médiateurs guident les parties prenantes dans l’analyse de leur conflit (étape 4), lesoutils servent en outre à:

� visualiser la situation et aider à structurer la discussion;

� favoriser une compréhension commune au sein d’un groupe;

� vérifier les informations par recoupement et faciliter les échanges de vues;

� permettre une compréhension commune entre les parties prenantes et les médiateurs, en ce quiconcerne notamment les effets du litige et ses implications pour les moyens d’existence et lesintérêts des différentes parties.

Cela suppose que les outils soient utilisés avec les parties prenantes, comme un support, et nonpas comme un modèle mental qui n’existerait que dans la tête du médiateur (comme c’est le casdans l’analyse préliminaire du conflit effectuée par les médiateurs dans les étapes 1 à 3).

Il peut cependant être difficile d’utiliser des outils dans certains contextes locaux, pour diversesraisons, notamment:

� Différences interculturelles: Lorsqu’il existe des différences culturelles marquées entre les partiesprenantes, notamment des barrières de langage, cela peut les gêner pour exprimer leurs idées,leurs pratiques et leurs intérêts. Les utilisateurs des ressources locales peuvent avoir uneconception du paysage ou de la gestion des ressources complètement différente de celle qu’ontles scientifiques ou les fonctionnaires. En outre, même lorsqu’ils parlent la même langue, les gensde l’extérieur n’ont généralement pas une connaissance suffisante des populations, desévénements ou des valeurs culturelles locales. Or les locaux – gens de l’intérieur – ne sont pastoujours conscients de ce que les gens de l’extérieur ne savent pas.

� Analphabétisme: Certains outils ne peuvent être utilisés que si l’on sait lire ou écrire, et ils doiventparfois être adaptés ou remplacés par d’autres instruments. Il peut être nécessaire d’utiliser des outilsvisuels ou basés sur des images dans les communautés où très peu de gens savent lire et écrire.

� Intensification des conflits: Si les tensions entre les parties prenantes sont fortes, le fait d’utiliserdes outils en public peut conduire à une escalade du conflit. Dans ce cas, il peut être avisé dereporter la séance d’application pratique à un moment plus propice, ou de séparer les groupesde parties prenantes et d’utiliser les outils séparément avec chaque groupe.

� Contraintes de temps, de ressources et de compétences: Comme on l’a déjà vu, l’aptitude desmédiateurs et des parties prenantes à recueillir des informations peut être sévèrement limitée. Il sepeut par exemple que certaines parties, notamment les autorités gouvernementales, fassentpression pour une résolution rapide du conflit, ou que l’on dispose de moyens ou de compétencesinsuffisantes pour accéder à des informations provenant de sites éloignés ou spécialisés (archives).Là encore, les médiateurs et les parties prenantes doivent parvenir à s’entendre sur la significationà donner à l’expression «informations suffisamment détaillées, précises et fiables». Le médiateurdoit résister aux pressions qui conduiraient à une analyse du conflit trop rapide ou trop élémentaire,mais il doit aussi être capable de déterminer quand des informations obtenues sont «suffisantes».

Le Tableau 5.1 recense les principaux outils d’analyse des conflits.

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Numérode l’outil

Outil Objet

1 Analyse des causes profondes Aider les parties prenantes à examiner lesorigines et les causes sous-jacentes d’un conflit.

2 Analyse des problèmes Examiner les facteurs qui contribuent au conflitet étudier plus en détail les problèmesspécifiques qui donnent lieu à un conflitspécifique, en se concentrant sur cinq catégoriesde problèmes:1) problèmes d’information;2) intérêts conflictuels;3) relations difficiles;4) inégalités structurelles;5) valeurs opposées.

3 Identification et analyse des partiesprenantes

Identifier et évaluer la dépendance et le pouvoirdes différentes parties prenantes dans un conflit.

4 Analyse des 4R (Droits, Responsabilités,Retombées et Relations)1

Examiner les droits, les responsabilités et lesavantages (retombées) des différentes partiesprenantes, eu égard aux ressources naturelles,en vue d’améliorer la compréhension d’unconflit.

Examiner les relations mutuelles des partiesprenantes ou groupes de parties prenantes.

5 Ligne de temps du conflit Aider les parties prenantes à examiner l’histoired’un conflit et à mieux comprendre la successiond’événements qui ont conduit au conflit.

6 Cartographie du conflit lié à l’utilisationdes ressources

Montrer géographiquement les lieux où desconflits relatifs à l’utilisation des terres ou desressources existent ou pourraient exister dans lefutur.

Déterminer les principaux problèmes du conflit.

OUTILS D’ANALYSE DES CONFLITS (ANNEXE 2) TABLEAU 5.1

1. N.B. L’appellation 4R provient de l’anglais (Rights, Responsibilities, Returns, Relationships)

Les outils du Tableau 5.1 sont décrits en détail dans le guide pratique de l’Analyse des conflits, quiconstitue l’Annexe 2 de ce document. Les outils 1 à 5 sont des outils de base, essentiels pour uneanalyse approfondie du conflit. L’outil n° 6 est un outil complémentaire utile mais non indispensabledans toutes les analyses des conflits.

5.4 ANALYSE DES PROBLÈMES ET DES CAUSES PROFONDES DU CONFLIT

L’analyse des causes du conflit commence par l’identification et la description du conflit, de seslimites et de ses interactions. Les éléments à explorer peuvent donc comprendre:

� les origines, les niveaux et les problèmes du conflit;

� l’histoire et la chronologie des événements;

� les relations géographiques et temporelles;

� les interactions avec d’autres conflits;

� les tentatives antérieures de résolution;

� les domaines d’action prioritaires.

Les éléments à explorer pour un conflit spécifique dépendent du contexte.

5.4.1 Explorer les origines du conflitAvant de tirer une conclusion sur les événements présents, il importe de comprendre comment lespersonnes interprètent ou «cadrent» l’histoire d’un conflit. Les différentes interprétations d’unévénement peuvent être très instructives pour chaque camp. Un consensus relatif peut apparaître àpropos de certains événements ou de leur importance, mais il se peut aussi qu’aucune version desfaits ne fasse l’unanimité.

L’exploration des origines du conflit a aussi pour but d’analyser de grands problèmes complexes, pouvantêtre des causes secondaires du conflit. Chacun de ces éléments peut ensuite être examiné plus en détailet suggérer des domaines d’action. Un conflit peut avoir son origine dans une série d’événements, desproblèmes relationnels, un appui aux politiques insuffisant, les régimes fonciers et les droits de propriétécollectifs, des processus de gestion peu clairs, des affrontements à propos des valeurs, etc.

Le tri entre les différentes interprétations des origines d’un conflit est une opération longue etfastidieuse. Les individus identifient généralement de nombreuses causes et fournissent desinterprétations différentes de leur importance relative. En outre, les causes des conflits liés auxressources naturelles peuvent être profondément ancrées dans d’autres aspects de la vie sociale,économique, culturelle et politique.

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S E C T I O N 5Analyse du conflit

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Explorer les causes profondes et les différencier des facteurs contribuants est une étape crucialepour mieux comprendre le conflit. Elle aide aussi à trouver la manière la plus efficace de régler leconflit, et à déterminer si le médiateur peut contribuer de façon significative à sa gestion.

La relation des équipes de médiation avec les processus de gestion des conflits existants au niveaulocal est importante. Un médiateur doit-il travailler avec du personnel judiciaire et administratif formelou informel? Ou est-il préférable qu’il soit complètement indépendant? La réponse dépend bienentendu de la situation, notamment des conditions dans lesquelles le médiateur a été appelé àintervenir. Comme on l’a noté dans les Sections 2 et 4, le médiateur est censé, à travers uneanalyse/évaluation préliminaire, se faire une idée des processus de gestion des conflits locaux, etdes efforts déployés dans le passé pour les gérer.

Pour plusieurs raisons, ces processus et ces efforts doivent être étudiés plus en détail tout au longde l’évaluation du conflit. Premièrement, il faut vérifier par recoupements si les parties prenantes ontle sentiment que les institutions et les processus existants peuvent tenir compte de leurs intérêts etde leurs besoins. Dans l’affirmative, il serait intéressant que les médiateurs encouragent le recoursaux institutions locales et, le cas échéant, le renforcement de leurs capacités. Dans le cas où il y ades carences au niveau des institutions ou du personnel local, le médiateur peut organiser uneformation ou prévoir un autre type d’assistance pour les surmonter. Enfin, s’il comprend ce qui amarché et ce qui n’a pas marché dans le passé, le médiateur peut tirer les leçons des erreurspassées et éviter les pièges et les problèmes.

Outil de base 1: Analyse des causes profondes

L’analyse des causes profondes permet de mettre en évidence les liens entre les différentsfacteurs et causes qui ont déclenché le conflit. Elle aide à établir des relations de cause àeffet simples, révélatrices de la dynamique sous-jacente du conflit.

Outil de base 2: Analyse des problèmes

L’analyse des problèmes identifie et énumère les problèmes fondamentaux qui contribuent àun conflit et débouche sur l’établissement d’une liste des cinq catégories de problèmes, queles médiateurs peuvent utiliser comme aide-mémoire.

Outil complémentaire 6: Cartographie

L’établissement d’une ligne du temps du conflit permet de clarifier la séquence d’événementset de comprendre les différents stades de l’histoire d’un conflit. La cartographie est toujoursutile pour mieux se représenter la dimension et les limites spatiales d’un conflit.

5.4.2 Vérification des perceptions, des faits et des besoins en information

Une bonne facilitation aide les parties prenantes à formuler ce qu’elles savent des événements,leurs hypothèses et leurs soupçons concernant un conflit. Il est rare que les parties prenantess’entendent sur un cadrage unique du conflit. Au contraire, elles tendent à avoir une perception trèsdifférente des causes qui sont à l’origine du conflit et des facteurs qui y ont contribué. Même au seind’un groupe, les membres peuvent avoir des souvenirs différents des faits, ou de l’enchaînement etde la signification des événements.

Cela renforce la nécessité d’obtenir une myriade de points de vue des populations locales sur unconflit, et de les comprendre. Le but est d’analyser la situation sous ces différents angles avec toutesles parties prenantes, pour parvenir à identifier:

� les points d’entente entre les parties;

� les points qui nécessitent une étude plus approfondie;

� les cas où des informations supplémentaires sont nécessaires pour pouvoir décider des mesuresà prendre.

5.4.3 Identification des liensLa cartographie des causes du conflit et de leur enchaînement permet de mieux se représenter lesprincipaux liens entre ce qui peut apparaître comme des événements isolés. Une querelle quisemble au premier abord locale peut être alimentée par des inégalités profondes ou par desdécisions prises en dehors de la zone, à l’insu des communautés éloignées. On pourrait croire queles politiques gouvernementales en faveur des peuples autochtones, les tensions de longue dateentre les régimes fonciers coutumiers et nationaux, les objectifs de développement nationaux et lamondialisation sont sans influence sur la gestion des affaires courantes dans les zones éloignées,mais il s’est souvent avéré que ces facteurs avaient un impact déterminant sur les querelles locales.

Pour les populations rurales en particulier, il peut être très instructif et vital pour renforcer leurspouvoirs de prendre conscience des liens entre le contexte politique et juridique plus large et leurspropres moyens d’existence.

Les médiateurs peuvent jouer un rôle utile en trouvant une approche équilibrée pour les aider à faireces rapprochements sans les «écraser». Une communauté de vues et un terrain d’entente entre desparties locales en conflit pourront ainsi être créés.

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Outil complémentaire 5: Ligne du temps du conflit

La ligne du temps d’un conflit permet d’étudier les étapes d’un conflit, la manière dont certainsévénements sont survenus et, si possible, les actions des parties prenantes qui les ont provoqués.

S E C T I O N 5Analyse du conflit

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5.5 IDENTIFICATION ET ANALYSE DES PARTIES PRENANTESAu fur et à mesure qu’un conflit est défini plus clairement, on comprend mieux qui sont les différentesparties prenantes impliquées, leurs relations mutuelles et leurs rapports avec les problèmes. Dans unprocessus axé sur la gestion participative des ressources naturelles, une analyse des partiesprenantes détermine qui devrait intervenir dans la gestion du conflit. Cette analyse devrait identifier:

� qui sont les parties prenantes;

� le degré auquel chaque groupe de parties prenantes est affecté par le conflit;

� qui est le plus affecté et devrait intervenir directement dans la gestion du conflit;

� le pouvoir et l’influence relatifs des différents groupes sur les problèmes, y compris les éventuelsobstacles qui empêchent un groupe spécifique de prendre part au processus de gestion du conflit;

� les intérêts et les attentes des parties prenantes;

� les différentes réponses possibles des parties prenantes;

� les relations entre les groupes de parties prenantes;

� les difficultés que pourraient avoir les parties prenantes à travailler ensemble;

� la contribution potentielle de chaque groupe à la gestion du conflit;

� le degré de chevauchement entre les intérêts des individus et des groupes.

5.5.1 Qui sont les parties prenantes?Les parties prenantes peuvent être définies comme étant les individus ou les groupes qui sontaffectés par le résultat d’un conflit, et ceux qui influencent ce résultat. Les parties prenantes peuventavoir en commun une identité collective (liens de voisinage, parenté, membres de groupesd’utilisateurs des ressources) ou une caractéristique (par exemple utiliser la même ressource ourésider dans la même zone).

Obtenir la reconnaissance par consensus de l’identité des parties prenantes impliquées et de lalégitimité de leur implication est un élément essentiel de la résolution d’un conflit. Les parties prenantestendent à avoir des points de vue divergents sur les personnes qui ont un enjeu légitime et sur cellesqui doivent recevoir le plus d’attention dans la gestion d’un conflit. Établir une communication et unrapport de confiance entre des groupes est une des grosses difficultés des approches de gestion desconflits de style coopératif, car cela exige une reconnaissance et un respect mutuels accrus desintérêts, des besoins, des motivations et des rôles de toutes les parties prenantes.

N O T E D U F O R M A T E U R : Lorsque l’on classe les parties prenantes, il y a un risque qu’ungroupe ou un sous-groupe soit perçu comme ayant une identité commune (que «tous ses éléments soient misdans le même sac»). Par exemple, l’utilisation d’étiquettes du type «femmes» ou «communauté» peut masquerles intérêts divers et souvent contradictoires des membres de ces groupes. Il est donc plus utile et plus exactd’identifier les parties prenantes sur la base d’une question, d’un problème ou d’un objectif.

5.5.2 Les parties prenantes et le pouvoirLa détermination du pouvoir relatif qu’a chaque groupe d’influencer l’orientation ou la résolution d’unconflit est un élément central de l’analyse des parties prenantes. Le pouvoir s’entend de la «capacitéd’obtenir des résultats» (Ramirez, 1999), notamment de la capacité d’opérer des changements ou deles prévenir. Le pouvoir peut être dérivé de multiples sources. Par exemple, un enfant de quatre ansqui pleure pour avoir une sucette dans un magasin est aussi dépourvu de contrôle sur les ressourcesque de force physique, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une énorme influence sur les décisions deses parents. Ce pouvoir lui vient de son aptitude à les rallier à sa cause. L’«exemple de la sucette»montre bien que le pouvoir peut dériver des relations que l’on entretient avec les autres.

Le pouvoir peut découler de nombreuses sources, telles que:

� la force physique: endurance, capacité de recourir à la violence;

� le charme ou le charisme personnel;

� la force émotionnelle: courage, autorité, engagement, intégrité;

� la force socio-économique et politique: contrôle de l’accès aux ressources, tenure, droits, argent,biens matériels, statut économique et social, institutions politiques, ressources humaines;

� la force culturelle: normes et valeurs qui établissent, justifient ou renforcent la différenciation desrôles, des droits ou des responsabilités dans une société;

� le contrôle de l’information: technique, prévisionnelle, économique et politique;

� les aptitudes: capacités ou compétences;

� l’aptitude à contraindre: menaces, accès aux médias et utilisation des moyens d’information, liensfamiliaux ou politiques, mobilisation d’une action directe.

Un examen des sources d’influence des groupes marginaux peut suggérer de nouveaux moyens derenforcer une base de pouvoir faible, mais déjà existante. Avec qui ces groupes marginaux sont-ilsen rapport dans la zone et dans la société au sens plus large? Lorsque l’on travaille avec desgroupes opposés et plus dominateurs, il peut être utile de déterminer les limites de leur pouvoir ou

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le moment où ils deviennent plus vulnérables. Des mesures peuvent être envisagées pour équilibrerles rapports de force, mais les médiateurs doivent s’abstenir de prendre la défense d’une des partiescar ils risqueraient de perdre leur statut de neutralité, indispensable pour assurer une médiation.

La collaboration fonctionne sur le modèle d’un partage des pouvoirs. Les parties prenantes qui sesont mutuellement autorisées à parvenir à une décision, finissent par la prendre ensemble, ce quine veut pas dire que les parties les plus fortes doivent renoncer à leur pouvoir ou que toutes lesressources sont équitablement distribuées. On peut véritablement parler de collaboration lorsque lesparties prenantes ont approuvé la légitimité et le pouvoir de chacune d’elles à définir les problèmeset à proposer des solutions (Gray, 1989).

Les grandes inégalités n’encouragent pas la collaboration. En général, les groupes qui ont du pouvoiragissent de manière unilatérale et refusent de négocier ou de collaborer. Ils peuvent contraindre lesparties les plus faibles à «accepter» une décision. D’où l’utilité de découvrir le degré de pouvoir etd’influence de chaque partie prenante, le type de pouvoir dont elle dispose et d’où elle le tient.

5.5.3 Les relations des parties prenantesLes parties prenantes ont de nombreuses relations différentes qu’il convient d’examiner si l’on veutcomprendre les conflits liés aux ressources naturelles. Ces relations sont les suivantes:

� relations avec la base de ressources: droits, responsabilités et revenus (ou avantages) provenantde la ressource;

� relations mutuelles (entre les parties prenantes): individuellement, en partenariats, ou dans lecadre d’alliances plus grandes.

Le pouvoir et les capacités des parties prenantes sont fortement influencés par ces deux séries derelations. Les droits d’accès ou de contrôle et les avantages provenant des ressources déterminentsouvent les rôles et le pouvoir des parties prenantes dans la gestion des ressources. De même, lesalliances avec d’autres groupes, réseaux et actions collectives peuvent avoir un grand poids dansles négociations et être très utiles pour parvenir à des arrangements institutionnels nouveaux etnécessaires (Ramirez, 1999).

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Outil de base 3: Identification et analyse des parties prenantes

L’identification et l’analyse des parties prenantes permettent de définir et d’évaluer le pouvoiret l’influence dont disposent les différentes parties prenantes d’un conflit.

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Il peut être crucial d’examiner comment ces relations ont évolué au fil du temps et ce que l’onsouhaite pour l’avenir. Ainsi, un examen des droits passés et présents des utilisateurs desressources locales peut mettre en évidence une diminution du contrôle des moyens d’existencebasés sur les ressources naturelles. De la même manière, une description des droits, desresponsabilités et des avantages présents et passés liés à la gestion met en lumière les causesd’une dégradation des relations.

5.5.4 La problématique hommes-femmesL’efficacité de la gestion participative des ressources naturelles repose sur la collaboration équilibréedes hommes et des femmes, d’où la nécessité de tenir compte des questions de genre et des problèmesqui découlent de la répartition des rôles et des responsabilités, et des relations entre les hommes et les

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Outil de base 4: Analyse des 4R (droits, responsabilités, retombées et relations)

L’analyse des 4R définit les droits, les responsabilités et les avantages (retombées) que tirenttoutes les parties prenantes concernées de l’utilisation des ressources. Les relations entreles parties prenantes peuvent aussi être dessinées sur une carte pour déterminer dansquelle mesure elles sont positives ou problématiques. Des interactions positives peuventindiquer des possibilités de bâtir un appui et des alliances utiles pour la gestion d’un conflit.

femmes. Les rôles dévolus à chaque sexe au sein d’une société ont une incidence sur l’équité, larichesse, le pouvoir et le bien-être. La répartition des rôles selon le sexe a une incidence sur ceux qui:

� ont accès à une ressource spécifique et l’utilisent;

� ont des connaissances traditionnelles ou locales et les contrôlent;

� tirent profit des ressources naturelles, des décisions de gestion, des projets de création derevenus et des programmes de formation;

� ont un pouvoir décisionnel et participent aux décisions;

� ont besoin d’un soutien afin que les moyens d’existence durables puissent être améliorés aubénéfice de l’ensemble de la communauté.

Les dimensions de l’inégalité entre les sexes varient suivant les ménages et les groupes culturels.Ces dernières années, la question du droit des femmes à la terre a retenu davantage l’attention etplusieurs pays ont introduit une législation établissant l’égalité entre les hommes et les femmes enmatière d’accès aux ressources naturelles et à la terre. Il a cependant fallu plus de temps pourmettre en œuvre les réformes connexes des lois sur le mariage et l’héritage, et globalement lesfemmes n’en ont retiré que des avantages limités. Dans de nombreuses régions, les décisionsrelatives à la terre et aux ressources naturelles, et notamment à la gestion des conflits, sont encorepresque exclusivement entre les mains des hommes.

Les conflits dans le domaine de la gestion communautaire des ressources naturelles découlent souventd’inégalités entre les sexes, au niveau des rôles, des relations ou des processus. D’une manière générale,en milieu rural, les femmes sont défavorisées par rapport aux hommes car elles ont généralement:

� un statut inférieur aux plans social, économique et juridique;

� moins accès à l’éducation et à la formation technique, au crédit, aux marchés et aux sources definancement;

� très peu voix au chapitre dans les processus de planification et de décision;

� des droits de jouissance inexistants ou limités sur la terre, les arbres, l’eau et d’autres produits forestiers;

� une part plus faible des revenus provenant des ressources naturelles.

Évolution des rôles: Les rôles et les relations des hommes et des femmes sont dynamiques etchangeants. Les changements peuvent survenir brusquement, à l’issue de guerres, de famines et decatastrophes naturelles, ou progressivement au fil du temps. Un changement peut être perçu commeune opportunité ou comme une menace aussi bien par les hommes que par les femmes, et être unesource de conflit (Fisher et al., 2000). Des conflits peuvent aussi découler de mesures imposées pardes hommes et des femmes pour rétablir un équilibre dans des rôles et des processus qui ont uneincidence sur les conditions de vie des femmes. Ces conflits peuvent être très manifestes - enparticulier quand ils font intervenir des générations différentes, ce qui est par exemple le cas lorsquedes jeunes instruits contestent ouvertement les rôles traditionnels. Cependant un conflit reste le plussouvent latent, pendant tout le temps où les femmes tentent de trouver une réponse, souvent enutilisant une gamme de stratégies indirectes. On ne s’en rend pas toujours bien compte, mais le faitque les femmes aient tant de mal à exprimer leur désaccord peut éroder ou compromettreprogressivement la durabilité et l’efficacité des initiatives de gestion des ressources naturelles.

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RÉSUMÉ DE LA SECTION

La Section 5 a décrit l’importance de l’analyse d’un conflit et son déroulement sur les différentes étapesde la carte du processus. L’analyse d’un conflit est un point de départ important pour l’engagement desparties prenantes (Section 6). Pour que cet engagement devienne effectif, le médiateur doit guider lesdifférentes parties prenantes dans un processus d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Son rôleconsiste à aider les parties prenantes à conduire l’analyse par elles-mêmes. Il faudra attendre quetoutes les parties prenantes aient compris les résultats et modifié leurs perceptions pour que leprocessus débouche sur un élargissement de leur engagement, puis sur un accord.

L’analyse du conflit est un ingrédient essentiel dans de nombreuses étapes de la carte duprocessus. Durant la phase d’entrée, les médiateurs effectuent une analyse «interne» du conflit,comme instrument stratégique pour planifier la suite du processus. Pendant l’engagement desparties prenantes, l’analyse sert à renforcer le travail d’auto-réflexion et d’auto-découverte desparties prenantes.

L’analyse du conflit aide à identifier des domaines d’action. Quand les causes individuelles sontmieux comprises, la manière dont les parties prenantes perçoivent les événements peut être exploréeet des informations supplémentaires doivent être recherchées. En fin de compte, les parties opposéesdans un conflit sont mieux placées pour identifier les facteurs contribuants les plus significatifs surlesquels il faut agir dans l’immédiat, et ceux dont le traitement demandera plus de temps.

L’analyse d’un conflit peut être aidée par un certain nombre d’outils et de techniquessimples, pratiques et adaptables. L’Annexe 2 donne une description détaillée de ces outils et desconseils précis sur la manière de les utiliser sur le terrain. Ils ne doivent pas être utilisés de manièrerigide et ils doivent être adaptés aux exigences spécifiques des médiateurs.

L’analyse des causes d’un conflit commence par l’identification et la description du conflit, deses limites et de ses interactions. Ces éléments comprennent notamment les origines, les niveauxet les problèmes du conflit, l’histoire et la chronologie des événements, les relations spatio-temporelles, les interactions avec d’autres conflits et le classement par priorité des domaines d’action.

L’analyse des causes profondes permet d’explorer les origines d’un conflit et de diviser desgrands problèmes complexes en plus petites causes de conflit. Ces éléments individuelspeuvent ensuite faire l’objet d’un examen plus approfondi et suggérer des domaines d’action.

L’analyse du conflit identifie et fait intervenir les parties prenantes. Il est crucial de bien définirqui sont les parties prenantes affectées par un conflit et celles qui influencent le résultat. Une autretâche fondamentale est d’aider les parties prenantes à examiner et à comprendre leurs propresintérêts et attentes, leur pouvoir relatif et leurs réactions au conflit, ainsi que ceux des autres. Ellesdoivent pour cela analyser leurs relations et leurs interactions, ainsi que les stratégies qu’ellespeuvent adopter pour gérer ensemble le conflit.

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La détermination du pouvoir relatif dont disposent les différents groupes pour influencerl’orientation ou la résolution d’un conflit, est un élément essentiel de l’analyse des partiesprenantes. Un examen des sources d’influence peut suggérer de nouveaux moyens de renforcerune base de pouvoir limitée mais déjà existante. Dans le même temps, il peut être utile de cernerles limites du pouvoir des groupes hostiles ou dominants ou le point où ils deviennent vulnérables.Cela aidera à examiner les mesures qui pourraient être prises pour rééquilibrer le rapport de force.

Une gestion efficace des ressources naturelles communautaires est subordonnée à unecollaboration équitable des hommes et des femmes. Il est crucial de tenir compte des questionsde genre et des problèmes qui découlent de la répartition différente des rôles, des responsabilités etdes relations entre les hommes et les femmes. La répartition des rôles selon le sexe dans une sociétéa une incidence sur des grands problèmes comme l’équité, la richesse, le pouvoir et le bien-être.

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S E C T I O N 6

Élargissement de l’engagement desparties prenantes

La présente section étudie les moyens d’engager les parties prenantes dans l’analyse du conflit etdans l’évaluation des options permettant de le résoudre de façon positive. A cette fin, elle explore:

� les différents rôles que peuvent jouer les diverses parties prenantes dans ce processus;

� les outils que peuvent employer les médiateurs pour aider les parties prenantes à analyserle conflit et à évaluer les options.

6.1 POURQUOI L’ENGAGEMENT DES PARTIESPRENANTES EST IMPORTANT

La négociation et la médiation sont des processus d’apprentissage en commun.Les processus facilités parune médiation qui reposent sur l’engagement des parties prenantes du conflit favorisent ou renforcent:

� Le consensus et la prise en charge des processus, ce qui se traduit habituellement par unrenforcement de l’efficacité – les probabilités de parvenir à des résultats positifs sont plus grandes;

� L’efficacité – l’énergie, les ressources et les activités investies dans le processus ont plus deprobabilités de déboucher sur des résultats positifs si les connaissances et les aptitudes desparties prenantes sont mises à contribution;

� L’équité, dans la mesure où tous les besoins et tous les intérêts des parties prenantes sont prisen compte;

� La transparence et la responsabilité, dans la mesure où les parties prenantes du conflit ont unpouvoir de décision sur leur vie présente et future;

� La durabilité et l’impact – un accord a plus de chances d’être respecté s’il a été élaboré par lespersonnes directement concernées.

Le rôle du médiateur consiste à guider les différentes parties prenantes dans un processus d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Ce processus, initié dans l’analyse participative du conflit, consiste danssa phase successive à amener les parties prenantes à prendre conscience de leurs intérêts à long

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terme, des avantages qu’elles peuvent obtenir d’une solution négociée, et des éventuelles alternativesdont elles disposent. Les médiateurs doivent aider les parties prenantes à identifier leurs intérêts sous-jacents et à centrer leur attention sur leurs intérêts et leurs besoins, plutôt que sur des positions rigides.L’identification d’une gamme de besoins (ou d’intérêts) aussi large que possible et des approches denégociation permettant d’y répondre incitent fortement les parties prenantes à s’engager.

L’élargissement de l’engagement des parties prenantes comporte deux étapes:

Étape 4: engagement plus profond – les parties prenantes analysent le conflit;

Étape 5: élaboration et évaluation des options.

Le jalon B est achevé lorsque chacune des parties au conflit (parties prenantes) a identifié sespropres intérêts, examiné des stratégies pour gérer le conflit et s’est déclarée prête à négocier avecles autres parties pour parvenir à un accord.

6.2 ÉTAPE 4: ENGAGEMENT PLUS PROFOND – LES PARTIESPRENANTES ANALYSENT LE CONFLIT

L’évaluation préliminaire du conflit (étape 3, Section 4.4) et l’analyse du conflit (Section 5) aident àdéterminer quels sont les individus et les groupes qui doivent intervenir directement dans la gestion duconflit, s’il convient d’aller plus avant dans les négociations et, si oui, comment. L’analyse initiale desparties prenantes débouche souvent sur l’établissement d’une longue liste de parties prenantesaffectées ou influencées par l’issue d’un conflit. Il faut parfois du temps pour arrêter la liste finale. Il arriveque des contraintes pratiques obligent à la raccourcir pour n’inclure que les parties prenantes clés.

Dans d’autres situations, une participation plus large est nécessaire pour obtenir suffisammentd’informations sur les causes et les perceptions du conflit. Au bout du compte, il faut que l’on sachebien qui a arrêté la liste de parties prenantes, quand, et pourquoi il a été décidé qu’elle serait courteou longue. La liste des individus et des groupes qui sont considérés comme des parties prenantesdevrait être fréquemment révisée.

Il est toujours extrêmement difficile d’établir une liste bien équilibrée et de sélectionner les partiesprenantes. L’un des principaux domaines de discussion, et généralement de controverses, est lasélection des parties prenantes clés ou principales. Les critères de sélection dépendent dans unelarge mesure des objectifs et des résultats escomptés du processus de gestion du conflit:

� Les parties prenantes principales sont celles qui sont le plus affectées ou qui ont le plus d’influence.Ce sont généralement celles qui dépendent le plus de la ressource en question et/ ou qui sont le plusaffectées par l’issue du conflit (le conflit a une incidence sur leurs principaux moyens d’existence).

� Les parties prenantes secondaires sont celles qui sont affectées dans une moindre mesure oumoins directement par le résultat d’un conflit. Par exemple, le conflit est sans incidence sur leursmoyens d’existence principaux, mais elles peuvent influencer le processus de gestion du conflit,ou subir son influence.

Pour inscrire un groupe spécifique parmi les parties prenantes principales ou secondaires, on doitgénéralement examiner les options de rechange dont disposerait ce groupe si le résultat du conflitne répondait pas à ses attentes.

N O T E D U F O R M A T E U R : Pour parvenir à une collaboration et à une gestion efficace, lesgroupes qui ont beaucoup de pouvoir et d’influence sur le résultat doivent être inclus parmi les parties prenantesprincipales. Si ces parties prenantes n’interviennent pas directement, il y a peu de chances pour qu’ellesacceptent les solutions ou soutiennent la mise en œuvre.

Les parties prenantes secondaires peuvent jouer un rôle important dans le processus d’engagementdes parties prenantes (Encadré 6.1).

S E C T I O N 6Élargissement de l’engagement des parties prenantes

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Les parties prenantes secondaires peuvent jouer un rôle déterminant dans la gestion d’unconflit dans les domaines suivants:

� collecte et analyse d’informations – en fournissant un appui technique, en obtenant desinformations ou en donnant des conseils à ce sujet, en participant à la recherche de pointsde vue sur des solutions possibles, ou en rendant plus acceptables les divers résultats;

� plaidoyer – en travaillant aux côtés des parties plus faibles pour bâtir un processustransparent, ou en aidant les décideurs dans la promotion d’une plus grande équité;

� médiation - en servant d’intermédiaires entre d’autres groupes en conflit;

� suivi et mise en application – en garantissant le respect des accords en aidant à mettre enapplication ceux qui auraient été enfreints.

Les parties prenantes secondaires peuvent avoir un rôle efficace sans intervenir directementdans des négociations formelles. Elles peuvent par exemple prendre part à des discussionsde groupe, à des groupes consultatifs ou à des groupes de travail, à des enquêtes ou à desentretiens, et à des réunions communautaires.

RÔLE ET FONCTIONS DES PARTIES PRENANTES SECONDAIRESENCADRÉ 6.1

6.2.1 Facilitation de l’analyse du conflit des parties prenantes La clarification des problèmes et la distinction entre les causes profondes (ou sous-jacentes) et lesfacteurs contribuants permettent de mieux comprendre le conflit dans toute sa complexité. Sanscette compréhension il serait difficile, sinon impossible, de sélectionner des stratégies appropriéespour gérer un conflit. Dans la plupart des conflits, les causes sous-jacentes sont liées aux intérêts,à l’idéologie, aux relations, à l’information et aux inégalités structurelles. L’identification desdifférentes causes d’un conflit aide les parties prenantes à définir des réponses appropriées.

Les médiateurs guident les parties prenantes à travers les étapes suivantes de l’analyse du conflit:

� Clarification des problèmes: Que s’est-il passé, où, quand, qui l’a fait, comment et quelles sont lesconséquences? (Outil de base N° 2: Analyse des problèmes).

� Analyse des causes profondes: Décomposition d’un conflit complexe en enchaînements de causeà effet simples. Ceci permet de déterminer quelles sont les causes les plus importantes et lesmoins importantes, et d’identifier les principaux problèmes à traiter (Outil de base N° 1: Analysedes causes profondes).

� Analyse des parties prenantes: Identification des parties prenantes impliquées dans le conflit, deleur pouvoir relatif et de leurs relations mutuelles (Outil de base N° 3: Identification et analyse desparties prenantes).

� Analyse des 4R: Exploration et analyse des droits, responsabilités et avantages que les partiesprenantes du conflit retirent des ressources en jeu, et examen de leurs relations mutuelles (Outilde base N° 4: Analyse des 4R).

� Modèle des niveaux du conflit: Identification des différences – puis des points communs - entreles parties prenantes, au niveau des positions, des intérêts et des besoins (Outil de base N° 5:Modèle des niveaux du conflit ou «oignon du conflit»).

N O T E D U F O R M A T E U R : Ces outils d’analyse du conflit sont présentés de façon succincteà la Section 5. Pour une description plus détaillée de chaque outil, on peut se reporter à l’Annexe 2.

Dans les conflits caractérisés par de fortes tensions, il peut être plus approprié de faire intervenir lesdifférents groupes de parties prenantes dans l’analyse du conflit, dans le cadre de sessions séparées.Elles pourront ainsi clarifier leurs positions, leurs intérêts et les options dont elles disposent dans uncontexte neutre. Dans certaines circonstances, on peut toutefois faire intervenir toutes les partiesprenantes du conflit ensemble, dans une session commune, mais cette solution ne sera envisagée quesi les problèmes ne sont pas trop complexes et si le risque d’une «escalade» des émotions est limité.

6.2.2 Facilitation de l’analyse des intérêts des parties prenantesSi les parties s’engagent dans la gestion d’un conflit, c’est parce qu’elles ont des intérêts sous-jacents qu’elles veulent faire valoir et respecter. Elles identifient cependant rarement leurs intérêtsde manière claire et directe, probablement pour les raisons suivantes (Moore, 2003):

� elles ne savent pas elles-mêmes quels sont leurs véritables intérêts;

� elles pensent pouvoir obtenir davantage du règlement du conflit si les parties adverses ne saventpas ce qu’elles veulent;

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� elles ont adopté des positions tellement fermes qu’elles ont perdu de vue leurs intérêts et lesconfondent avec leurs positions.

Il est indispensable que les parties opposées dans un conflit comprennent leurs intérêts et ceux desautres pour pouvoir parvenir à des résultats plus productifs et plus satisfaisants. L’étude des intérêtsest facilitée si chaque partie croit que:

� Toutes les parties ont des intérêts et des besoins qu’elles estiment importants et légitimes.

� Une solution devrait être conforme au plus grand nombre d’intérêts du plus grand nombre departies prenantes possibles.

� Il y a toujours plusieurs solutions acceptables à un problème.

� Tout conflit comporte des intérêts compatibles, et des intérêts conflictuels.

Le modèle des niveaux du conflit (ou «oignon du conflit», Figure 6.1) aide les parties opposées dansun conflit à réfléchir à leurs propres positions, intérêts et besoins et à mieux comprendre ceux ducamp adverse. Le modèle des niveaux du conflit est fait de cercles concentriques représentantrespectivement les besoins, les intérêts et les objectifs, ou positions, des diverses parties opposéesdans un conflit, divisés en catégories différentes – positions, intérêts et besoins.

La couche externe de l’oignon représente les positions publiques des différents groupes opposés(ce qu’ils disent et ce qu’ils font). La deuxième couche représente leurs intérêts – ce qu’ils veulentobtenir d’une situation donnée. Au centre, se trouvent les motivations les plus profondes – lesbesoins qui doivent être satisfaits. Alors que les intérêts sont souvent négociables, les besoinsessentiels, comme la reconnaissance, ne le sont généralement pas.

N O T E D U F O R M A T E U R : Les médiateurs doivent aider les parties prenantes à biencomprendre la différence entre les positions et les intérêts:

� les positions sont ce que les gens disent qu’ils veulent dans un conflit.

� les intérêts sont ce que les gens veulent vraiment et ce qui les motive.

Les intérêts s’inscrivent davantage dans le long terme et reflètent les attentes plus générales d’unepersonne ou d’un groupe. Certains intérêts peuvent être essentiels pour toutes les parties et avoirété négligés. Ces intérêts communs sont par exemple d’atténuer les conflits, de retrouver uneatmosphère plus paisible et de rétablir des relations saines. Les parties prenantes peuvent êtrelasses des querelles qui empoisonnent leur vie quotidienne et avoir envie d’avancer. Le médiateurpeut rappeler aux parties prenantes les conséquences de la violence, le coût du conflit et,éventuellement, les conséquences néfastes pour leur image ou leur légitimité publique. Si les partiesprenantes sont assurées que leurs intérêts seront pris en compte, elles seront fortement incitées às’engager, surtout après un conflit prolongé.

Les positions prises par les utilisateurs locaux des forêts et l’institution de conservation des forêtsdans l’«oignon du conflit» (voir Figure 6.1) semblent tout à fait incompatibles et il ne semble guèrey avoir de place pour la négociation. Les premiers demandent que la réserve forestière soit remisesous un système de tenure coutumier alors que l’institution demande que l’on interdise l’utilisationde la réserve aux populations indigènes.

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L’«OIGNON DU CONFLIT»: DISTINGUER LES INTÉRÊTS DES POSITIONSFIGURE 6.1

Source: Adapté de Fisher et al., 2000

ORGANISATIONCOMMUNAUTAIRE LOCALEREPRÉSENTANTLES UTILISATEURS INDIGÈNESDES FORÊTS

• Demande de fondspour des projetsgénérateursde revenu

• Demandes augouvernement:remettre la réserveforestière sous unrégime de tenurecoutumier

• La forêt doit resteraccessible auxcommunautésindigènes

• Amélioration dessources de revenulocales

• Participation descommunautés auxdécisionsconcernant lagestion de la forêt

• Sécuritéalimentaire

• Reconnaissance parle gouvernementdes valeursculturelles localeset de l’utilisationcoutumière dela forêt

• Les populationsindigènes ontbesoin d’argentpour couvrir lesbesoins familiauxde base

INSTITUTION DECONSERVATIONDES FORÊTS

• Interdirel’utilisation de laréserve forestièreaux populationsindigènes;

• Maintenir tellequelle la protectionde la réserveforestière

• Conserver uneinfluence sur lagestion de la réserveforestière

• Limiter l’impact del’exploitationforestière

• Fonder les décisionsconcernant lagestion de la réservesur des principesscientifiquementrationnels

• Aptitude del’institution à mettreen application lesdirectives de gestion

• Protection à longterme de labiodiversitéforestière

• Poursuite dufinancement desprogrammesforestiers

• Préserver laréputation del’institution enmatière deconservation desforêts.

POSITIONCe que l’on ditque l’on veut

INTÉRÊTCe que l’on veut

vraiment

BESOINSCe que l’on doit avoir

S E C T I O N 6Élargissement de l’engagement des parties prenantes

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Cependant, si l’on examine la situation sous l’angle des intérêts, les choses changent. L’exploitationà impact limité ou le désir de fonder la gestion sur des principes scientifiquement rationnels pourraitêtre compatible avec la participation des communautés aux décisions de gestion et avecl’amélioration des sources de revenu locales.

En se concentrant sur des positions inflexibles, au premier degré et souvent profondément ancrées,on réduit la créativité et on restreint l’exploration des options permettant de résoudre le conflit. Lesintérêts sont souvent nombreux et variés. Certains sont contradictoires ou s’excluent mutuellement,alors que d’autres (Figure 6.2) peuvent être convergents, compatibles et communs à tous lesgroupes. Lorsque les parties prenantes d’un conflit ont identifié des intérêts mutuels dont touspeuvent retirer des avantages, elles sont parvenues au point d’où peut partir le processus de gestiondu conflit proprement dit.

Une fois qu’elles ont identifié et différencié leurs positions, leurs intérêts et leurs besoins, les partiesprenantes doivent se pencher sur les intérêts et les besoins probables des autres groupes. Pour faireun pas de plus, en passant de la rivalité à la collaboration, elles doivent comprendre:

� en quoi ces intérêts et ces besoins sont liés ou interdépendants;

� qu’elles peuvent obtenir plus en coopérant qu’en se mettant en compétition.

RENFORCER LES POSSIBILITÉS DE COLLABORATION:PASSER DES POSITIONS AUX INTÉRÊTS

FIGURE 6.2

Source: Adapté de Grzybowski et Morris, 1998

POSITION POSITION

PARTIE A PARTIE B

INTÉRÊT INTÉRÊT

INTÉRÊTMUTUEL

Une fois que le médiateur et les parties prenantes du conflit ont identifié les intérêts de toutes lesparties, ils sont confrontés à au moins un des cas suivants. Les intérêts peuvent être:

� incompatibles, ou s’exclure mutuellement, la satisfaction des intérêts d’une partie excluant lapossibilité de satisfaire ceux des autres;

� mixtes, les parties ayant à la fois des intérêts compatibles et des intérêts incompatibles;

� compatibles, les parties ayant des besoins similaires et non exclusifs.

N O T E D U F O R M A T E U R : L’approche consistant à concilier des intérêts plutôt que despositions fonctionne pour deux raisons. Premièrement, un intérêt peut généralement être satisfait par plusieurspositions. Or, trop souvent, les gens se contentent d’adopter la solution la plus évidente. Deuxièmement, derrièreles positions des personnes se cachent souvent beaucoup plus d’intérêts communs et compatibles qued’intérêts opposés.

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Les médiateurs peuvent adopter diverses approches pour aider les parties opposées dansun conflit à mieux comprendre leurs intérêts réciproques. Leur principale tâche consiste àposer des questions supplémentaires et à expliquer les réponses données. Ils doiventensuite s’assurer que les réponses sont claires et comprises par tous, ce qui les obligesouvent à recadrer ou à synthétiser les réponses données par les parties.

Questionnement direct: Enquêter sur les intérêts sous-jacents des parties en demandant:«Pourquoi est-ce important pour vous?» Répéter plusieurs fois la question «pourquoi»jusqu’à ce que la liste des intérêts énumérés couvre l’ensemble complet des besoins et descraintes. Puis inverser le mouvement en posant la question «Pourquoi pas?». Quelles raisonsun groupe a-t-il de ne pas satisfaire les besoins ou les intérêts de l’autre, ou des autres? Pourfavoriser une compréhension mutuelle, les médiateurs peuvent aussi demander aux partiesopposées d’expliquer les intérêts des autres, tels qu’ils les perçoivent ou les imaginent.

Recadrage: En gros, il s’agit d’encourager les gens à modifier leurs hypothèses et leursperceptions d’un conflit. Un recadrage s’impose surtout quand des déclarations agressivesou injurieuses sont faites. Le médiateur tente de recadrer la déclaration, de façon à ce queles parties puissent l’aborder plus facilement. Lors du recadrage, les médiateurs doiventénoncer clairement le problème, sans favoriser ni blâmer une partie.

Synthèse: Une synthèse est recommandée lorsqu’une personne a parlé pendant trèslongtemps dans des termes vagues et confus, ou lorsqu’il est évident que d’autres parties n’ontpas compris ce qu’elle disait. Le médiateur résume les principaux points de la déclaration etdemande à celui qui parlait de confirmer que cette synthèse résume bien ce qu’il voulait dire.

PROCÉDURES DE DÉCOUVERTE DES INTÉRÊTSENCADRÉ 6.2

Même si les parties acceptent d’identifier et d’explorer les intérêts ensemble, cela ne signifie pas

qu’elles sont d’accord avec les intérêts des autres. En effet, il y a une grande différence entre

accepter et être d’accord. Accepter c’est être disposé à recevoir, ici dans le sens de comprendre,

et reconnaître qu’une personne a des pensées et des sentiments précis sur une chose (ou une

autre personne) et accepter d’être informé de ces pensées et ces sentiments. Être d’accord, c’est

penser et ressentir la même chose sur une chose ou une personne; être dans le même état d’esprit

que l’autre.

À ce stade, l’acceptation est importante; l’une des principales fonctions du médiateur consiste à

s’assurer que chacune des parties au conflit accepte les intérêts des autres parties (ou en prend

acte) sans pour autant nécessairement être d’accord.

Parfois le processus de gestion d’un conflit s’enlise parce que les parties n’ont pas trouvé de

déclaration mutuellement acceptable qui explique clairement sur quoi porte le conflit. L’acceptation

mutuelle est bloquée par l’attitude négative et hostile qu’adoptent les parties prenantes pour exposer

leurs intérêts. Il incombe alors au médiateur d’amener les parties à recadrer leurs intérêts, en les

aidant à supprimer toute déclaration inutile au profit de déclarations susceptibles d’aider à résoudre

le conflit de manière positive (Moore, 2003). Les médiateurs peuvent aussi choisir de recadrer eux-

mêmes les intérêts des parties.

La clé du recadrage est de clarifier et de dévoiler la signification, les besoins, les intérêts ou les

préoccupations présentés dans une vision/description du conflit et de les présenter sous un

nouveau jour plus acceptable pour toutes les parties. Cela suppose souvent de tempérer les

émotions fortes contenues dans un message. Ainsi, le message «Vous devez être extrêmement dur

et égoïste pour proposer une solution qui n’avantage que votre famille. Toute la communauté pâtit

de votre comportement peu coopérant» peut être recadré, ou reformulé de la façon suivante: «Il est

peut-être bon de chercher une solution qui tienne compte des intérêts de votre famille, mais aussi

de ceux des autres membres de la communauté».

6.3 ÉTAPE 5: ÉLABORATION ET ÉVALUATIONDES OPTIONS DE RÈGLEMENT

6.3.1 Identification d’options pour régler le conflitLes options doivent être conformes aux intérêts des parties si l’on veut qu’elles soient considéréescomme des solutions acceptables. Les médiateurs aident les parties prenantes à identifier des

options pour progresser dans le conflit et, si possible, le régler. Ces options sont identifiées une fois

que les parties prenantes ont analysé les causes du conflit et clarifié leurs propres positions,

intérêts et besoins. Les parties prenantes ont souvent du mal à se concentrer sur les options, car

S E C T I O N 6Élargissement de l’engagement des parties prenantes

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le conflit paraît complexe et peut être resté latent pendant longtemps. Les médiateurs doivent alorsles aider en:

� décomposant le problème en éléments et en classant ces éléments par ordre d’importance; il estégalement utile de distinguer les problèmes immédiats qui nécessitent une action urgente, desproblèmes sous-jacents, qui compromettent une paix durable; la résolution des problèmes sous-jacents se fait généralement sur une période plus longue;

� élaborer une vision des avantages qu’elles pourraient retirer à long terme d’une solution ou d’unerelation viable, qui serait conforme aux intérêts de toutes les parties concernées.

La technique du brainstorming (remue-méninges) est très utile pour identifier des options pour lerèglement d’un conflit (Encadré 6.3). La principale règle est que toute idée émise par une personneest digne d’intérêt et doit être notée. Dans la technique du brainstorming, la production des idéesest complètement séparée de leur évaluation. L’objectif est de stimuler la créativité, de dépasser lesmodes de pensée habituels et d’élargir les options en acceptant même celles qui, de prime abord,paraissent bizarres. Ces options pourront être classées par ordre de priorité et réduites au moyend’autres outils à un stade ultérieur.

La technique du brainstorming vise à engendrer un grand nombre d’idées, habituellement enpeu de temps. Elle permet à un certain nombre d’options d’émerger. Des solutionsinattendues peuvent être proposées, qui n’auraient probablement pas été envisagées alorsqu’elles peuvent jouer un rôle clé dans l’élaboration d’une solution. La technique dubrainstorming repose sur les principes suivants:

� Mieux vaut une idée que pas d’idée.

� Faire preuve de créativité et d’imagination.

� Penser «loin».

� S’abstenir de critiquer ou d’évaluer les idées.

LES PRINCIPES DIRECTEURS DU BRAINSTORMINGENCADRÉ 6.3

6.3.2 Évaluation des options: la Meilleure solution de rechange à l’accord négocié (BATNA)1

À ce stade, la principale tâche des parties consiste à évaluer dans quelle mesure leurs intérêtsseront satisfaits par chacune des options ou combinaison d’options. Il faut attendre que la séancede brainstorming soit terminée et que les participants n’aient plus rien à suggérer pour évaluer lesoptions. Le médiateur aide alors les parties à évaluer les options et à déterminer les coûts-avantages que comporterait leur acceptation ou leur rejet.

Le but d’une négociation est de produire un meilleur résultat que celui qui aurait été obtenu sans lanégociation. Un résultat obtenu sans négociation, ou après l’échec d’une négociation, est appelé«Meilleure solution de rechange à un accord négocié (BATNA)».

La BATNA est la norme par rapport à laquelle devrait être mesuré chaque résultat. Si les partiesopposées dans un conflit ne connaissent pas la BATNA, elles peuvent être trop optimistes et rejeterdes accords qu’elles auraient eu intérêt à accepter, ou trop pessimistes et accepter des accords quileur sont défavorables et qui leur apportent moins que ce qu’elles auraient obtenu autrement.

Pour définir une BATNA, il faut:

� faire une liste de toutes les alternatives qui pourraient être envisagées si l’on ne parvient pas àun accord;

� examiner les conséquences pratiques des alternatives les plus prometteuses;

� sélectionner l’alternative qui semble correspondre à la BATNA la plus favorable.

Chaque partie aurait également intérêt à étudier les BATNA des autres parties avant d’obtenir le plusde renseignements possibles sur leur pouvoir relatif dans la négociation.

L’étude de la BATNA aide les individus à examiner les conséquences d’un résultat moins favorableet ce qu’elles peuvent faire pour renforcer leur pouvoir pour satisfaire leurs intérêts. Pour évaluer unrésultat, il est bon d’imaginer et d’anticiper ce que d’autres groupes vont faire, et de se demanderquelles sont les options et les motivations des autres parties prenantes. Chaque partie prenantetiendra compte de ces éléments dans son estimation des résultats qu’elle souhaite obtenir. En outre,cela met l’accent sur la nécessité d’analyser et de comprendre le conflit, en se plaçant du point devue de toutes les parties prenantes.

N O T E D U F O R M A T E U R : La BATNA est une évaluation des options de règlement du conflit.Elle donne aux parties prenantes la confiance dont elles ont besoin pour s’engager dans des négociations avecd’autres parties prenantes, en définissant les limites des options que la partie prenante accepte de prendre enconsidération dans les négociations.

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1. De l’anglais: Best Alternative To a Negotiated Agreement.

Une fois qu’elle a défini une BATNA, une partie est beaucoup plus confiante lorsqu’elle entre dansun forum de discussion sur la gestion d’un conflit, car elle a clairement défini les questions qui sontnégociables, le pouvoir dont elle dispose pour obtenir que ses intérêts soient satisfaits et la ligned’action qu’elle pourra adopter au cas où les discussions n’aboutiraient pas (Fisher et Ury, 1981).Certains spécialistes de la gestion des conflits soutiennent qu’une partie ne devrait jamais s’engagerdans une négociation sans connaître les autres alternatives dont elle dispose.

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Examiner le conflit:

� Quels sont les problèmes qui sont au cœur de ce conflit?

� Qui est impliqué?

� Quel est le type de résultat que j’espère obtenir?

� Quelles sont les actions les plus appropriées pour m’aider à atteindre cet objectif?

� Quels seraient:

� le meilleur résultat?

� le résultat minimal?

� le plus mauvais résultat?

Évaluer les alternatives:

� Y a-t-il des points sur lesquels je ne suis pas disposé à négocier?

� Quelles sont les alternatives dont je dispose pour satisfaire mes intérêts, si nous neparvenons pas à un accord?

� Quelle serait la meilleure alternative, ou solution de rechange?

Renforcer la BATNA:

� Que puis-je faire pour obtenir satisfaction?

� Des ressources supplémentaires pourraient-elles être nécessaires?

� Aurai-je besoin de plus de temps ou d’un appui financier?

Étudier les BATNA des autres parties:

� Selon moi, quels sont leurs principaux intérêts?

� Que pourraient-elles faire si nous ne parvenons pas à un accord?

DIRECTIVES CONCERNANT LA BATNAENCADRÉ 6.4

RÉSUMÉ DE LA SECTION

La Section 6 a expliqué comment les médiateurs peuvent amener les parties prenantes à s’engagerdans le processus de gestion du conflit en les faisant intervenir dans l’analyse du conflit et dansl’évaluation des options permettant de le régler. On ne peut raisonnablement espérer que les partiesprenantes respecteront un accord que si elles sont «aux commandes» et l’ont élaboré elles-mêmes.En faisant intervenir les parties prenantes dans l’analyse initiale, on les aide à se préparer ànégocier avec d’autres parties prenantes.

Le rôle des médiateurs consiste à guider les différentes parties prenantes dans un travaild’auto-réflexion et d’auto-découverte. Ceci implique de les aider à prendre conscience de leursintérêts à long terme, des avantages qu’elles peuvent retirer d’une solution négociée et deséventuelles solutions de rechange à une solution négociée. Les médiateurs doivent aider les partiesprenantes à identifier leurs intérêts sous-jacents et à se concentrer sur ces intérêts plutôt que surdes positions fermes et inflexibles.

L’analyse du conflit aide les parties prenantes à se détourner de leurs positions individuellespour se concentrer sur d’éventuels intérêts communs. Amener les parties opposées dans unconflit à se détourner de positions rigides profondément ancrées pour se concentrer sur les intérêtscommuns est un aspect fondamental des approches de style coopératif. La plupart des conflits ontdes problèmes sous-jacents en rapport avec les intérêts, l’idéologie, les relations, l’information et lesinégalités structurelles.

Dans la gestion d’un conflit, le problème clé est le conflit entre des besoins, des souhaits,des craintes et des préoccupations, et non le conflit entre des positions. La compréhensiondes différences entre les positions et les intérêts peut ouvrir la voie à des négociations plusefficaces. Pour amener des parties prenantes en conflit à collaborer, le médiateur les aide àcomprendre leurs interactions ou leur interdépendance, et à réaliser qu’elles peuvent obtenirdavantage en coopérant qu’en étant en compétition.

Les médiateurs aident les parties prenantes à identifier des options pour avancer dans leprocessus de gestion du conflit. Ces options sont identifiées une fois que les parties prenantesont analysé les causes du conflit et clarifié leurs propres intérêts, positions et besoins.

La BATNA aide chaque partie prenante à établir et à évaluer des objectifs réalistes pour lesnégociations. La BATNA est le résultat qui pourrait être atteint sans négociation. C’est la norme parrapport à laquelle devraient être mesurés tous les résultats des négociations.

S E C T I O N 6Élargissement de l’engagement des parties prenantes

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S E C T I O N 7

Les négociations et l’élaborationdes accords

Cette section examine les approches à adopter pour aider les parties prenantes dans leprocessus de négociations. Ses objectifs sont les suivants:

� insister sur la nécessité de préparer avec soin les négociations pour promouvoir unengagement sincère des parties prenantes;

� servir de guide tout au long du processus de négociation, jusqu’à l’accord final.

On notera que cette section présente une version idéalisée d’un processus de négociation etque chaque négociation se déroule d’une façon différente en fonction des circonstancesspécifiques qui l’entourent. Le médiateur doit être préparé, et posséder les connaissances etles compétences requises pour faciliter les négociations.

7.1 POURQUOI LES NÉGOCIATIONS ET LES ACCORDS SONT IMPORTANTS

La participation volontaire de toutes les parties prenantes clés est un élément essentiel de touteapproche de gestion des conflits de style coopératif. Lorsqu’un groupe décide de négocier, cettedécision n’est appliquée que si les autres parties estiment aussi qu’il est dans leur intérêt de le faire.Même s’ils tendent à vouloir trouver une solution conjointe, les individus peuvent refuser unenégociation pour de nombreuses raisons, telles que des craintes persistantes, de grandes difficultésde communication, et des idées ancrées sur leurs adversaires.

Les médiateurs doivent savoir que la poursuite des négociations n’implique pas nécessairementqu’une partie veuille sincèrement parvenir à une solution négociée. Les parties s’engagent souventdans des négociations superficielles dans un but caché, notamment pour faire croire aux autres queles choses bougent, ou pour gagner du temps.

Quelle que soit la forme sous laquelle elles se présentent, les négociations ne sont pas desprocessus mécaniques et elles ne sont pas nécessairement faciles. Des tensions, desfrustrations et des émotions émergent presque inévitablement, même si les médiateurs se sontpréparés avec soin et à temps. Les parties peuvent s’engager dans le processus lentement etavec appréhension. Elles peuvent éprouver des doutes, de la méfiance ou de la colère vis-à-visde leurs adversaires, dont elles ne prendront vraiment conscience que quand elles seretrouveront face à face. L’une des principales tâches du médiateur est de contribuer à instaurerla confiance entre les parties et de promouvoir un apprentissage mutuel qui contribue àtempérer les émotions.

Les personnes qui sont politiquement marginalisées et fortement tributaires de la base deressources peuvent se sentir exposées et très vulnérables. Les négociations peuvent mettre enlumière aussi bien leurs espoirs que leurs craintes dans la manière dont elles protègent leursfamilles, leurs amis, leurs moyens d’existence et leur culture. Alors que certains individus peuvent

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être sincèrement motivés et engagés, d’autres peuvent jouer la comédie, leurrer les autres oumettre à l’épreuve des relations. Les membres d’un groupe peuvent commencer à avoir dessoupçons sur la personne qui les représente dans le processus de négociation, et craindre qu’ellene «change de camp» et que leurs intérêts n’en souffrent. Cela peut bouleverser l’ensemble duprocessus, en incitant certaines personnes à revenir sur leur engagement ou à réagir de façonnégative. Le processus a souvent des conséquences notables pour certains groupes (risquesélevés et avantages potentiels). Ce sont là des réalités dont il faut être bien conscient. Lesmédiateurs qui facilitent le processus doivent comprendre à quel point ces négociations sontdélicates et importantes pour les groupes concernés.

Les médiateurs doivent aussi se rappeler que les personnes qui participent aux négociations ne sontgénéralement pas les seules à intervenir dans la décision finale. En général, les parties au conflitreprésentent des groupes plus importants (famille, catégorie sociale, communauté), devant lesquelselles sont responsables et qui sont leurs mandants.

Ces mandants doivent avoir une opportunité raisonnable de contribuer aux négociations et être tenusau courant des changements survenus ou des options élaborées durant le processus. Ils doiventaussi être informés des solutions possibles ou des accords qui émergent durant les négociations.L’accord final proposé ne doit pas les prendre par surprise quand il leur sera communiqué.

Le processus de négociation comporte trois étapes:

Étape 6: Préparation des négociations;

Étape 7: Facilitation des négociations;

Étape 8: Élaboration de l’accord.

Le Jalon C est achevé avec succès quand les parties aux négociations ont écouté et examiné lespréoccupations et les intérêts des autres parties, élaboré ensemble des accords sur la gestion duconflit, et convenu des modalités de leur mise en œuvre et de leur suivi.

7.2 ÉTAPE 6: PRÉPARATION DES NÉGOCIATIONSLes négociations doivent être préparées avec soin par toutes les parties. Les différentes parties etle médiateur doivent:

� Donner des informations sur le processus de négociation: les médiateurs doivent informer lesparties prenantes des procédures de négociation, mettre le processus entre les mains desparticipants et maintenir leurs attentes à un niveau réaliste;

� Aider à choisir un lieu et une date adaptés pour les négociations: les médiateurs doivent soulignercertaines considérations (notamment en posant des questions clés) sur le contexte, la date, le lieu, etc.

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

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7.2.1 Donner des informations sur le processus de négociationsLes médiateurs doivent mettre les parties prenantes au courant de ce qui va probablement sepasser durant le processus de négociation. Ils peuvent commencer par mettre au point l’ordre dujour des négociations en concertation avec les parties prenantes, ou du moins s’assurer qu’il estaccepté par tous.

Aider les parties à prendre en main le processus: Une négociation facilitée ou une médiation doitêtre conçue de manière à:

� Permettre aux participants de prendre en main le processus, et leur donner confiance en sonefficacité;

� Respecter la culture, la répartition des rôles selon le sexe, les relations de pouvoir et d’autresdimensions sociales pertinentes. Cela suppose de déployer de gros efforts pour corriger les biaisengendrés par ces inégalités de pouvoir.

Informer les participants des diverses options: Le médiateur doit faire comprendre à toutes lesparties prenantes que la meilleure solution n’a peut-être pas encore été trouvée. Lorsque les partiess’engagent dans des négociations, elles sont souvent convaincues d’avoir déjà choisi la meilleuresolution durant les séances de brainstorming sur les options de règlement. Elles pensent alors qu’ilne leur reste plus qu’à persuader – ou à contraindre – les autres parties à conclure un accord. Lemédiateur doit rappeler à toutes les parties qu’elles doivent se concentrer sur leurs intérêts sous-jacents plutôt que sur leurs positions. Il peut aussi être utile de leur rappeler avec tact de tenircompte des besoins et des intérêts des autres parties.

Le médiateur doit aider les parties à remettre en question les hypothèses qui sous-tendent leur«cadrage» du conflit. Le fait d’examiner le conflit sous des angles différents, en prêtant attention auxpoints de vue et aux motivations des autres parties, aide les parties prenantes à recadrer le conflit(c’est-à-dire à reconsidérer leurs points de vue).

Maintenir les attentes à un niveau réaliste: Le médiateur doit aussi aider les parties au conflit àcomprendre que les négociations sont un processus ouvert: il faut du temps pour créer unconsensus et parvenir à un accord. Si le conflit englobe un seul problème ou ne fait intervenir quedeux parties, il peut être résolu en quelques heures et en une seule réunion, mais s’il est pluscomplexe et fait intervenir de nombreuses parties prenantes, il faut parfois une série de réunions etde nombreux mois pour venir à bout de tous les problèmes. Dans le cas de différences complexesau niveau des valeurs, des relations ou des intérêts sous-jacents, la réunion des informationspertinentes ou l’atteinte d’un consensus peuvent prendre encore plus de temps et être moinsprévisibles.

Établir la légitimité: Certains groupes peuvent refuser d’entrer dans des négociations car ils nereconnaissent pas comme légitimes les intérêts des autres parties prenantes. La légitimité d’ungroupe peut être contestée de diverses manières. Un groupe peut prétendre qu’un groupe adversen’est pas une partie prenante clé, en alléguant par exemple qu’une organisation de conservation

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internationale est trop éloignée du lieu d’un conflit, ou que des migrants n’ont pas résidésuffisamment longtemps dans une zone. Certains groupes peuvent accuser les autres d’avoir unevision trop étroite de leurs intérêts et de ne pas prendre en considération les besoins ou les objectifsplus généraux d’édification de la nation. Un groupe particulier peut être considéré comme nereprésentant qu’une petite minorité d’intérêts.

L’établissement de la légitimité peut être favorisé par les mesures suivantes:

� Une large diffusion de l’information, en expliquant pourquoi les intérêts d’un groupe sontlégitimes;

� La mobilisation d’une reconnaissance et d’un appui (si possible au moyen de pétitions oud’enquêtes) témoignant d’un appui à large assise;

� La recherche d’autres personnes ou organisations influentes et fiables qui parleront au nom d’ungroupe.

Instaurer la confiance: Toute négociation suppose d’échanger des informations pour répondre auxintérêts de toutes les parties. Les personnes tendent à ne fournir d’informations sur elles-mêmesque si elles sont sûres que ceux qui les reçoivent ne vont pas s’en servir contre elles.

7.2.2 Choisir un lieu et une date adaptés pour les négociationsLe médiateur peut souhaiter faire intervenir les parties dans les décisions concernant le lieu et ladate des réunions. L’environnement choisi pour les négociations peut mettre les parties plus oumoins à l’aise et influencer considérablement leur capacité de communication. D’une manièregénérale, il devrait s’agir d’un lieu neutre dans lequel aucune partie n’a de liens affectifs marquésou de pouvoir, et où chacun se sent à son aise.

Un médiateur externe peut souhaiter définir à l’avance la disposition des sièges la plus apte àfavoriser des négociations consensuelles entre les parties concernées. La disposition des siègesdoit en principe mettre l’accent sur l’égalité entre tous les participants. Ainsi, tous les siègesdevraient avoir la même taille et la même forme, être à la même distance d’une source de lumièreou de chaleur (ou de la porte et de la fenêtre) et les parties opposées ne doivent pas être assisesles unes en face des autres.

Il convient aussi de tenir compte de certaines contraintes de temps pouvant avoir une incidence surla date des réunions, notamment des calendriers des travaux agricoles ou des récoltes, des fêtesreligieuses ou des autres jours de vacances. La programmation est primordiale lorsque différentsutilisateurs des ressources se disputent une même zone, notamment lorsque des pêcheurs, deséleveurs nomades et des agriculteurs sont en concurrence pour l’utilisation d’un marécage. Lesdates limites fixées pour l’atteinte d’un accord doivent être respectées. Le non-respect de certaineséchéances politiques et administratives peut avoir des conséquences négatives.

L’encadré 7.1 résume les questions importantes dont il faut tenir compte lorsqu’un processus denégociation est préparé.

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

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Analyse du conflit

� Sur quoi porte le conflit?

� Depuis combien de temps dure-t-il?

� Comment les parties prenantes ont-elles tenté de le résoudre dans le passé (si tant estqu’elles l’aient fait)?

Cadrage des parties prenantes

� Qui a un enjeu ou un intérêt dans le conflit?

� Dans quelle mesure ces individus forment-ils des groupes de parties prenantes oud’intérêts cohérents?

� Comment les parties prenantes seront-elles représentées?

� Y a-t-il des parties prenantes qui devraient être incluses et qui ne sont pas représentées?(Si oui, comment devraient-elles être intégrées dans les négociations?)

� Quelle distance doivent parcourir les parties prenantes? (coût?) Est-il nécessaired’organiser des transports?

� De combien de temps disposent les parties prenantes pour assister aux réunions?

Contexte, date et lieu des réunions

� Dispose-t-on de locaux appropriés pour les réunions?

� Y a-t-il des contraintes de temps qui peuvent avoir une incidence sur la date des réunions(calendriers des travaux agricoles ou des récoltes, fêtes religieuses ou autres jours fériés,échéances politiques ou officielles)?

� Faudra-t-il organiser des réunions privées, des comités spéciaux, des voyages d’étudeset/ou des réunions communautaires?

Gestion du processus

� Comment les différentes parties prenantes veulent-elles présenter leurs divergences?

� Que peut-on faire pour soutenir les personnes les plus illettrées ou les plus pauvres et lesplus défavorisées?

� De quel matériel le médiateur a-t-il besoin (éventuellement)?

� Les participants ont-ils besoin de temps entre les réunions pour informer les autresmembres de leur groupe?

QUESTIONS UTILES POUR PRÉPARER UN PROCESSUS DE NÉGOCIATIONENCADRÉ 7.1

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

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7.3 ÉTAPE 7: FACILITATION DES NÉGOCIATIONS Il n’existe pas de plans ou de recettes établis pour assurer une médiation dans des négociations. Le

processus et la substance des négociations sont fonction des besoins et des circonstances

particulières de la situation de conflit. Au fur et à mesure qu’ils avancent dans les négociations, les

médiateurs devraient s’efforcer de suivre une série d’étapes bien définies, sans perdre de vue la

dynamique des interactions de groupe, les circonstances spécifiques et l’équité en matière de

participation. Les médiateurs doivent se montrer très attentifs, surtout s’ils viennent de l’extérieur et

ignorent en grande partie l’histoire locale, les points de référence culturels, les devises, etc. Les

médiateurs externes ne savent pas toujours replacer dans leur contexte culturel les déclarations des

participants. Or le contexte culturel peut être très important pour les participants locaux. Ainsi, les

parties doivent parfois commencer par discuter d’autre griefs ou opinions avant de pouvoir aborder

les questions qui sont au cœur du conflit.

Les voies des négociations ne sont pas toujours directes, mais le processus comprend en principe cinq

grandes étapes, caractérisées par les activités et les réalisations mentionnées dans le Tableau 7.1.

Gestion des équipes

� Répartition des tâches – qui fait quoi, et à quel moment (logistique, accueil, etc.)?

� Répartition des fonctions au sein de l’équipe de médiation – qui est responsable de quoi(médiateur principal, preneur de notes, observateur, etc.)? (Section 3.1)

Dispositions culturelles et protocole

� Quel est le protocole approprié pour démarrer les négociations? Dans les contextestraditionnels, il est important de respecter les procédures culturelles et le protocoleapproprié.

� Y a-t-il des règles culturelles qu’il convient d’observer (ex: au Ghana, les chefs ne mangentpas en public)?

� Comment peut-on renforcer l’engagement des parties prenantes (ex: en faisant intervenirdes invités de marque, des motivateurs, ou par un soutien aux parties prenantessecondaires)?

Encadré 7.1 • (fin)

7.3.1 Définir le cadreAu début des négociations, le médiateur doit d’abord s’intéresser aux besoins de base desparticipants, en matière de confort et de sécurité. Lorsqu’elles s’engagent dans des négociations,les parties opposées sont souvent stressées, c’est pourquoi le médiateur doit établir un climat positif,notamment en prenant acte du fait que les parties sont disposées à coopérer et à tenter de négocierpour régler le différend, ou en les rassurant sur son impartialité par rapport aux problèmes et sur saneutralité par rapport aux parties. Si le contexte culturel le permet, le médiateur peut aussidemander directement aux parties comment elles se sentent à l’idée d’être engagées dans desnégociations. S’il s’aperçoit tout de suite qu’elles sont mal à l’aise, il peut atténuer les tensions et lesaider à se détendre et à se concentrer sur la substance des négociations.

Clarifier les rôles: Le médiateur devrait ensuite définir les négociations et le rôle qu’il y joue. Mêmesi le médiateur a déjà expliqué clairement son rôle à chacune des parties, il est important que celles-ci puissent entendre le médiateur donner ces mêmes informations en présence des autres parties.

Le rôle du médiateur consiste à:

� promouvoir un engagement sincère des participants;

� aider les participants à atteindre leurs objectifs;

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Étapes et activités principales Réalisations

1. Définir le cadre: confirmer et redéfinir l’ordre dujour, clarifier les rôles, instaurer la confiance etdéfinir des règles fondamentales.

Le médiateur a clarifié son rôle et ses fonctions etdéfini, en concertation avec les parties prenantes, lesrègles fondamentales.

2. Donner aux parties prenantes la possibilité d’exposerleur version des faits et de défendre leurs intérêts.

Chaque partie prenante a écouté le cadrage duconflit fait par les parties adverses.

3. Recadrer le conflit: aider les parties prenantes àprendre de la distance vis-à-vis de leurs hypothèseset de leurs priorités concernant le conflit, pourrechercher l’avantage commun ou mutuel.

Grâce au processus de recadrage, les partiesprenantes ont arrêté un ou plusieurs intérêts communspouvant servir de base pour une collaboration.

4. Élaborer des options susceptibles de procurer desavantages mutuels.

Les parties prenantes ont dressé une liste desoptions à examiner.

5. Évaluer les options et parvenir à un accord sur lesoptions acceptables pour résoudre des problèmescritiques.

Les parties prenantes ont arrêté des optionsacceptables sur lesquelles bâtir un accord final.

ACTIVITÉS ET RÉALISATIONS DU PROCESSUS DE NÉGOCIATIONSTABLEAU 7.1

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

139

� fournir des informations et des orientations pour aider les participants à se mettre d’accord surles points de l’ordre du jour;

� respecter le caractère strictement confidentiel des déclarations et des comportements.

Redéfinir l’ordre du jour: Plus avant dans cette phase de présentation, le médiateur devrait revoirl’ordre du jour pour vérifier s’il contient toutes les questions que les parties souhaitent examiner. Lesmédiateurs doivent se rappeler que chaque culture a ses règles, en ce qui concerne les déclarationspubliques et les négociations. Dans de nombreux endroits, les gens sont habitués à faire plusieurschoses à la fois, auquel cas il n’y a pas lieu de déterminer dans quel ordre les personnes parleront.Dans d’autres cultures, la programmation et l’ordre sont des préoccupations dominantes. Lespersonnes doivent parler chacune à leur tour, selon un ordre préétabli (par exemple, on donned’abord la parole à celui qui a levé la main en premier).

Quel que soit le style adopté, le médiateur doit s’assurer que chacun a une possibilité de s’exprimerdès le début. Étant donné que de nombreuses personnes ont des préoccupations similaires, celadonnera une première idée des intérêts et des problèmes communs.

Instaurer la confiance: Il est indispensable que le médiateur crée une atmosphère positive, ouverteet respectueuse, encourageant les personnes à révéler des informations, y compris – si le contexteculturel le permet – à communiquer des sentiments. Les sentiments peuvent être révélésindirectement, et transparaître dans la manière dont les diverses parties présentent les informations.On ne dira jamais à quel point il est important d’instaurer la confiance dans des négociations. Dansune situation de conflit, il est fréquent que les personnes se méfient les unes des autres au débutdes négociations. Cela signifie que les parties prenantes mettent en doute la sincérité ou l’exactitudedes déclarations et du comportement des autres. Si la confiance manque, le médiateur peutencourager les parties prenantes à faire des gestes propres à renforcer leur confiance mutuelle.Voici quelques conseils pour instaurer la confiance:

� Demander aux parties prenantes d’expliquer clairement leurs hypothèses eu égard à la manièredont les autres parties prenantes utilisent les ressources contestées ou aux raisons pourlesquelles elles en ont besoin; comment elles perçoivent leur propre attitude vis-à-vis des autresparties, comment elles interprètent les attitudes et les motivations des autres parties, et commentelles pensent elles-mêmes être perçues par les autres parties.

� Discuter de la manière dont le processus de négociation peut instaurer progressivement desrelations de confiance, à travers une série de promesses suivies d’actions efficaces. Les partiesprenantes croiront ainsi plus facilement que les engagements seront respectés.

� Mettre en place une série de contrôles pour s’assurer que la confiance se maintient tout au longdu processus de négociation.

� Demander aux participants de décrire ce qu’ils entendent par comportement digne de confiance,et d’identifier des cas où des rapports de confiance existaient dans le passé et les raisons pourlesquelles ils ont été détruits. A ce stade, il peut être utile d’explorer toutes les hypothèsesconcernant la confiance dans leurs relations passées.

� Des accords peuvent être bâtis peu à peu, en vérifiant constamment la confiance qu’ont lesparties prenantes dans leur capacité à les respecter, en s’adaptant aux éventuels changements.

� Évaluer les conséquences à court et à long terme d’une perte de confiance. Les promessesd’action futures peuvent être reformulées dans l’accord et les conséquences du non-respect deces promesses devraient être clairement expliquées.

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Les cultures et les communautés diffèrent par leur manière de tenir des réunions ou desassemblées, notamment en vue de négociations. Ces réunions peuvent être organiséesselon des règles bien établies que les populations locales connaissent bien. Ellesconnaissent alors leur rôle et sont en mesure de prévoir comment va se dérouler la réunionet comment les décisions seront prises. Les procédures peuvent être très différentes. Il sepeut que seuls quelques individus puissent intervenir dans les discussions, ou que chaquepersonne présente ait son mot à dire. Les participants peuvent s’exprimer normalement, ouélever la voix, ou vouloir parler tous en même temps, ou vouloir parler plus fort que les autres.La réunion peut porter sur une seule question ou avoir une très large portée.

L’organisation et la structure de la communauté entrent aussi en jeu. Dans bien des contextes,la diversité culturelle est moins importante que les écarts de richesse ou de pouvoir. Parexemple, il se peut que les pauvres et les femmes ne soient pas autorisés à parler, ni même àassister à la réunion ou à y être représentés. Ordinairement la personne qui convoque la réuniondécide du lieu où elle se tiendra, établit l’ordre du jour et dirige la réunion. Mais des individuspuissants qui tentent de dominer une réunion doivent parfois faire les comptes avec desmembres plus faibles qui prennent peu à peu de la force et de l’assurance, et qui peuvent semettre à poser des questions ouvertement ou à exprimer des points de vue opposés aux leurs.

Dans les contextes multiculturels, il peut être extrêmement difficile de choisir les règlesculturelles qui vont prévaloir. Si les médiateurs suivent une règle, d’autres parties peuvent leprendre mal et se sentir écrasées par un groupe et sa culture. Les personnes qui évoluentdans un milieu interculturel doivent ordinairement s’adapter à de nouveaux contextes deréunions. Le lieu où se tient la réunion peut être très important.

Ainsi, il n’est pas toujours souhaitable de suivre toutes les règles culturelles. Par exemple, lesgroupes défavorisés peuvent contester des règles culturelles qui semblent les maintenir dansdes positions subalternes dans leur vie quotidienne. Ils peuvent être exclus des réunions de«notables» ou astreints à un rôle marginal.

Dans une négociation, le médiateur doit décider s’il suivra l’approche traditionnelle, locale,pour régler les problèmes ou - dans le cadre du processus participatif - s’il adoptera desméthodes plus équitables. La grosse difficulté, pour le médiateur, est de contribuer àéquilibrer le rapport de forces, sans apparaître comme une menace et donner l’impressionde vouloir changer la culture de la communauté.

RÉUNIONS TRADITIONNELLESENCADRÉ 7.2

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

141

Ouvrir des voies de communication: La communication est bonne quand les gens s’écoutentactivement mutuellement et quand chacun a une possibilité de s’exprimer. Ceci est fondamentalpour créer et maintenir un climat propice à la recherche d’une entente. Pour favoriser une bonnecommunication, le médiateur peut avoir besoin de définir quelques règles fondamentales avec lesparticipants. Ces règles peuvent être déterminées à l’issue d’une séance de brainstorming au coursde laquelle on demande aux participants comment ils voudraient être traités durant les négociations.Le médiateur doit expliquer que son rôle est de renforcer ces règles, à tout moment du processusoù cela s’avèrerait nécessaire.

Le médiateur doit faire bien comprendre que toutes les parties doivent être entendues. Il doit aussimaîtriser les déclarations et les comportements menaçants et être sensible aux différentes manièresde proférer des menaces, ce qui veut dire qu’il doit prêter attention à des modes de communicationnon verbale (échanges de regards, position sur la chaise, expression faciale ou gestes des mains).La communication non verbale joue un rôle notable en révélant les sentiments ou les émotionsprofonds qui se cachent derrière les mots de celui qui parle.

Le médiateur doit aussi avoir conscience de l’augmentation des tensions émotionnelles. Celles-citransparaissent également dans la communication non verbale et les médiateurs devraient noter sielles facilitent ou si elles entravent les négociations, et les maîtriser si nécessaire. Ceci estparticulièrement ardu lorsque le médiateur provient d’un autre contexte culturel ou ne comprend pasles relations locales, pour une autre raison.

Le médiateur gère les règles fondamentales et peut interrompre les délibérations si nécessaire pourdonner des informations en retour. Les médiateurs doivent aussi être très attentifs à ce qui se passeen dehors des séances. Les participants doivent être invités à fournir des informations en retour dèsqu’ils estiment qu’une règle a été enfreinte.

� Écouter très attentivement.

� Attendre que l’orateur ait fini de parler pour poser des questions ou faire descommentaires.

� Parler de soi.

� Exposer son propre point de vue. Expliquer clairement ses intérêts, ses sentiments et sespréoccupations.

� Traiter les autres parties avec respect. Éviter tous propos injurieux ou excessifs.

� Se rappeler que le but est de parvenir à un accord acceptable pour tous.

RÈGLES FONDAMENTALES PROPOSÉESENCADRÉ 7.3

7.3.2 Donner aux parties prenantes une possibilité de s‘exprimerDurant la phase qui suit celle de la présentation du contexte, le médiateur commence par inviter lesparties à présenter leur version des faits, en exposant leurs points de vue et leurs intérêts en public.

A ce stade précoce des négociations, les émotions peuvent monter, et l’une des principales tâchesdu médiateur est de les gérer. L’expression d’une émotion – quand elle ne devient pas agressive -peut aider les parties prenantes à mieux comprendre les besoins et les craintes de chacun.

Le rôle du médiateur est crucial à ce stade du processus de négociation. Celui-ci doit amener lesparties prenantes à modifier leur perception d’une situation de conflit et des solutions ou de ladémarche à adopter. Le médiateur a le pouvoir de faire avancer le processus vers une solutionconstructive en permettant aux plus faibles d’exposer leurs points de vue de manière détaillée dansle contexte des négociations. Toutefois, il doit gérer ce pouvoir avec prudence pour que les plus fortsn’aient pas l’impression que le processus est dirigé contre eux. Le médiateur doit en particulierencourager les parties prenantes à:

� parler de leurs propres points de vue, craintes et besoins, au lieu de se perdre en conjectures surles points de vue, les intérêts et les besoins des autres;

� se concentrer sur la recherche de solutions acceptables pour tous;

� répéter ce qu’ils ont compris de la déclaration d’une autre personne – ceci contribue à clarifier lesincompréhensions et contraint les parties au conflit «à se mettre dans la peau de l’autre»;

� reformuler des déclarations injurieuses de manière à exposer les principales préoccupations etcraintes, en éliminant les propos offensants.

N O T E D U F O R M A T E U R : Quel que soit le contexte culturel, il peut être inapproprié que les partiesopposées dans un conflit exposent leur version des faits ouvertement en présence des autres parties prenantes. Il estparfois préférable que le médiateur résume les principales perceptions obtenues au cours des consultations-navettesqui ont précédé les négociations, et demande aux différentes parties prenantes de confirmer cette synthèse.

Pendant cette étape difficile du processus, un médiateur peut être prié d’assumer différentesfonctions. Si l’on a fait appel à une équipe de médiateurs, ces différentes fonctions peuvent êtreassumées par différents membres. Les équipes doivent expliquer à l’avance ces fonctions et leurslimites, notamment:

� des observateurs peuvent avertir les médiateurs quand la tension monte entre des partiesprenantes qui n’interviennent pas directement dans les négociations, mais y assistent;

� un membre de l’équipe peut prendre des notes au cours des discussions, en vue de précisercertains points par la suite.

7.3.3 Trouver un terrain d’ententeDans la phase suivante du processus de négociation, chaque groupe présente son analyse desproblèmes. En principe, ce processus devrait amener les participants à réduire leurs divergences,en explorant des solutions possibles avantageuses pour tous. Le médiateur peut s’appuyer sur

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toutes les idées ou solutions obtenues d’une analyse antérieure du conflit pour aider les participantsà discuter de leurs problèmes et de leurs intérêts.

Une fois que les groupes ont exposé les problèmes et discuté de leurs intérêts sous-jacents, lemédiateur demande aux participants d’établir une liste des intérêts et de les regrouper en un petitnombre de catégories communes. A partir de chaque catégorie, les participants peuvent ensuitecommencer à formuler de concert une déclaration concise d’objectifs communs, renfermant tous lespoints essentiels (FAO, 2002). Cette déclaration contient les objectifs qu’ils vont chercher à atteindre. Laformulation d’une déclaration d’objectifs communs permet d’aider les parties à se concentrer sur leursintérêts plutôt que sur leurs positions, et à explorer les points communs plutôt que les divergences.

Le Tableau 7.2 présente un exemple de déclaration d’objectifs communs (colonne de droite). Danscet exemple, un médiateur facilite des négociations entre deux communautés afin de définir unefrontière acceptable pour chacune d’elles. Tous les problèmes ont été regroupés en trois catégories,frontière, accès et utilisation des ressources (colonne de gauche). Les participants sont convenus queles objectifs communs répondaient bien à tous leurs intérêts communs. Les négociations sont ensuiteaxées sur la recherche d’un accord sur les moyens à adopter pour atteindre ces objectifs communs.

Intérêts/Problèmes essentiels Objectifs communs

1. Risque qu’une frontière officielle ne soit pasétablie de manière équitable. Question clé: lafrontière devrait-elle être mesurée à partir dumilieu ou à partir de la rive du fleuve?

1. Élaborer un accord déterminant la frontièreofficielle entre nos deux communautés, comptetenu du caractère changeant du fleuve.

2. Les deux communautés ont besoin d’un accès à unepièce de forêt, l’une pour faire paître les animaux,l’autre pour cultiver des plantes toxiques utiliséesdans des cérémonies religieuses. Chaque groupeutilise la pièce de forêt aux dépens de l’autre.

2. Trouver une solution qui permette aux deuxcommunautés d’accéder régulièrement à la piècede forêt, qui remplit des fonctions importantespour chacune d’elles.

3. Une communauté d’amont a surexploité lesressources en bois, ce qui a favorisé desinondations qui altèrent le débit du fleuve.

3. Nous reconnaissons que nous devons inviter lacommunauté d’amont à participer d’une manièrequelconque, car ses pratiques d’utilisation desterres contribuent aux problèmes que nous avonsaujourd’hui.

Source: FAO, 2002.

EXEMPLE DE DÉCLARATION D’OBJECTIFS COMMUNSTABLEAU 7.2

On se souviendra que, dans presque toutes les négociations, les parties prenantes ont plus d’un

intérêt. La plupart des groupes ont de multiples intérêts parmi lesquels le médiateur doit identifier

des intérêts communs sur lesquels bâtir une collaboration.

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7.3.4 Élaboration d’une large gamme d’optionsAprès la déclaration d’objectifs communs, l’étape suivante consiste à identifier et à explorer la plus vastegamme possible d’options permettant d’atteindre ces objectifs. Rappeler aux participants que pour êtreacceptables, les options de règlement doivent être conformes aux intérêts de toutes les parties.

Les participants peuvent imaginer des options, en centrant leur attention sur une question à la foisou en regroupant plusieurs questions sous des thèmes communs.

Une modification de la dynamique de groupe favorise souvent la réflexion créative: un médiateurpeut envisager de faire intervenir des parties prenantes secondaires ou une personne-ressourceexterne, ou de subdiviser les groupes de parties prenantes en sous-groupes plus petits.

Un médiateur peut avoir recours à d’autres procédés pour générer des options pour le règlement duconflit (Moore, 2003), notamment:

� Brainstorming (se reporter à la Section 6.3.1).

� Élaboration d’une vision: Chaque partie élabore une vision idéale de ce qui lui paraît être une solutionou une relation acceptable à long terme. Les visions sont ensuite présentées à toutes les autresparties. Tous les éventuels points communs entre ces visions devraient être notés. Une fois qu’unevision commune a été arrêtée, les parties identifient les problèmes qui entravent sa réalisation.

� Accords-type: Cette procédure identifie des expériences provenant d’autres situations de conflitsimilaires, qu’elle prend comme points de départ ou comme modèles pour élaborer des accords.On contacte des parties qui ne sont pas impliquées dans le présent conflit et on leur demandecomment elles sont parvenues à un accord, et en quoi consiste cet accord.

� Rédaction d’un texte de négociation unique: Une personne rédige un document de règlement quiest conforme à la majorité des intérêts et qui résoud le conflit. Le projet de texte est distribué auxparticipants afin qu’ils le commentent et le révisent. Chaque partie a la possibilité de modifier letexte afin qu’il réponde mieux à ses intérêts. Ces modifications graduelles permettent souventd’aboutir à un texte unique acceptable pour tous.

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

145

7.3.5 Évaluation des options et recherche d’un consensusAu cours de cette étape, les parties évaluent à nouveau dans quelle mesure leurs intérêts serontsatisfaits par chacune des options ou combinaisons d’options qui ont été générées collectivement.L’évaluation a pour but d’aider les parties prenantes opposées dans le conflit à se baser sur une listed’options qui peut être longue, pour établir des accords réalistes qui les lieront. Pour que cela soitpossible, ils devront au préalable:

� élaborer des critères mutuellement acceptables pour évaluer les options;

� évaluer les options sur la base de ces critères;

� faire confirmer la (les) option (s) convenues par leurs mandants au sens large;

� apaiser les esprits, si nécessaire.

L’élaboration et l’utilisation de critères servent à faciliter la sélection des options qui ont le plus dechances de satisfaire tous les groupes, et à garantir que la décision sera prise selon des règleséquitables. On peut envisager plusieurs types de critères, y compris:

� faisabilité générale;

� coûts et apports;

� échelle de temps;

� avantages (pour) et inconvénients (contre);

� opportunités et risques.

Évaluation des optionspar rapport aux critères:Une grille de décisionspeut faciliter l’analyse et lacomparaison des autressolutions possibles, àl’aide d’indicateurs.

Les parties devraient aussi être invitées à réexaminer avec attention leur BATNA (Section 6.3.2).Chaque partie doit se demander si sa situation est meilleure avec ou sans l’accord proposé.

Grâce à ce processus de prise de décision, les parties devraient pouvoir identifier une option qu’ellespeuvent toutes soutenir. Cela serait le résultat idéal d’un processus de gestion d’un conflit – parvenirà un accord par consensus. Le degré de satisfaction des intérêts détermine la force de l’accord. Unaccord qui peut être soutenu par toutes les parties a toutes les chances de pouvoir être respecté.

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L’obligation édictée par un gouvernement de conserver un certain nombre d’espècesanimales rares ou menacées d’extinction a conduit à donner le statut d’aire protégée àune forêt. Craignant que la forêt ne soit perturbée par l’homme, l’institution qui étaitchargée de la gérer a interdit toute utilisation du site par les quatre communautésavoisinantes. Or, toutes ces communautés avaient toujours utilisé cette forêt pour yrécolter du matériel végétal et y chasser. Au bout de cinq ans, l’institution a constatél’impossibilité de faire appliquer son interdiction de braconner et de récolter des plantes.Non seulement, les directives de mise en application étaient inefficaces, maisl’interdiction avait engendré un conflit et de mauvaises relations entre les communautéset l’institution. Ces mauvaises relations commençaient à pénaliser d’autres activités àl’intérieur de la zone protégée (construction d’infrastructures touristiques, obtention d’unappui du gouvernement local, etc.).

Une ONG a été invitée à faciliter les négociations entre les divers groupes d’utilisateurs.Après avoir examiné les intérêts des différentes parties, l’ONG a arrêté un objectif commun,qui était de réviser les règles de gestion de la station forestière. Après une séance debrainstorming sur les approches de gestion, un certain nombre de directives de gestionexistantes et potentielles ont été recensées. Les parties prenantes ont arrêté des critèrespour évaluer ces options, chacune d’elles devant:

� être juste pour tous les groupes;

� être ouverte et inviter toutes les parties prenantes locales à donner leur opinion;

� intégrer des connaissances traditionnelles de la forêt et s’appuyer sur ces connaissances;

� reconnaître les droits d’usage passés des populations locales ainsi que leurs systèmes derécolte;

� se fonder sur des informations écologiques et forestières rationnelles;

� assurer la protection des espèces menacées, en danger et rares;

� pouvoir être suivie conjointement avec les communautés locales;

� être applicable.

ÉLABORATION DE CRITERES D’EVALUATION DES OPTIONS – UN EXEMPLE CONCRETENCADRÉ 7.4

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

147

Le médiateur peut rechercher le meilleur accord possible pour résoudre les facteurs qui causent leconflit, mais les parties au conflit peuvent préférer un règlement partiel plutôt que rien. Un conflit réglén’est pas un conflit résolu, car un règlement n’est généralement que partiel et le conflit ou les facteursqui l’ont causé sont toujours présents. Toutefois, toute la gamme des résultats positifs possibles desnégociations est connue (Moore, 2003). Il faut parfois un certain temps avant de pouvoir déterminersi un conflit est terminé. Le processus de gestion d’un conflit peut aboutir à différents résultats, dont:

� Compromis: Les parties se répartissent les gains et les pertes pour parvenir à une entente.

� Décisions à titre expérimental ou d’essai: Dans l’incapacité de parvenir à une décision permanente,les parties conviennent d’un règlement temporaire qui sera testé et évalué ultérieurement.

� Solutions procédurales aux principaux problèmes: Les parties conviennent d’un processus par lebiais duquel elles pourront obtenir la résolution d’un litige.

� Règlement partiel: Les parties parviennent à s’entendre sur de nombreuses questions, mais passur d’autres.

� Poursuite des négociations: Les parties conviennent qu’elles ne sont pas d’accord. Ellessouhaitent poursuivre les négociations, parfois en faisant appel à une tierce partie pour les aiderà parvenir à une décision contraignante.

Faire confirmer la (les) option (s) convenue(s) par leurs «mandants». Les parties au conflit ontbesoin de temps pour confirmer les options retenues et obtenir un appui de leurs mandants. Lasituation est particulièrement délicate quand la personne qui représente une des parties commet unabus de pouvoir pour parvenir à un accord. Par exemple, des fonctionnaires du gouvernement ou dusecteur public intervenant dans la gestion d’un conflit peuvent être tenus d’obtenir l’accord de leursupérieurs ou des organismes dont ils dépendent pour agir. Ceci est particulièrement fréquent dansles cas où une modification des pratiques administratives est requise.

Si des négociations doivent être achevées à une réunion, le médiateur demande une pause pourpermettre aux représentants de discuter l’accord avec d’autres membres du groupe qui neparticipent pas directement à la réunion. Quand les négociations se poursuivent sur plusieurs joursou sur plusieurs mois, ces discussions avec les mandants peuvent avoir lieu continuellement ou àdes moments critiques du processus.

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Les médiateurs peuvent donc souhaiter interrompre à intervalles réguliers le processus denégociations, en particulier à des moments importants. L’accord final ne devrait pas être élaboré tantque les représentants ne se seront pas mutuellement assurés qu’ils sont habilités à agir et soutenuspar leurs mandants.

Les médiateurs ressentent parfois le besoin d’aider les représentants à collaborer avec leursmandants, ou à s’expliquer mutuellement les diverses contraintes que leur imposent les usagesadministratifs et politiques. Les médiateurs pourraient aussi aider à choisir, parmi les mandants, lesmembres qui interviendront dans l’élaboration de l’accord final.

N O T E D U F O R M A T E U R : Lorsque les parties à une négociation conviennent d’une optionpour régler un conflit, elles ont besoin de temps pour réfléchir à cette décision et obtenir la confirmation etl’appui de leurs mandants. Le manque de procédures efficaces pour l’approbation des mandants peut conduireà l’échec des négociations.

Apaiser les esprits, «dire adieu aux émotions fortes», si nécessaire. Les esprits sont effectivementapaisés quand les parties au conflit sont suffisamment satisfaites de leur participation au processusde négociation et de son résultat pour vouloir laisser le passé derrière elles et en être capables (s’endétacher sur le plan émotionnel). Le fait de parvenir à un accord sur les problèmes n’est pas toujourssuffisant pour mettre fin à un conflit et garantir que l’accord sera appliqué. Il peut rester de la colère,de la souffrance, de la tristesse et d’autres émotions fortes entre les parties. Si le règlement d’unconflit est partiel, les parties opposées dans le conflit peuvent encore se considérer comme rivalesou ennemies, surtout si des questions très litigieuses ont été laissées en suspens.

Pour être psychologiquement en mesure de «clore une affaire», il faut souvent prendre quelquesprécautions supplémentaires, comme faire la paix avec soi-même, exprimer oralement des excusesou des regrets sincères, ou avoir d’autres attentions spécifiques pour tenter d’effacer le mal que faitun conflit aux relations entre les différentes parties. Certaines personnes parviendront plusfacilement à faire la paix avec le passé et à commencer à regarder vers l’avenir (Moore, 2003) sielles suivent ces quelques recommandations:

� prendre acte de ce qui s’est passé; une fois qu’un accord a été atteint, les parties concernéespeuvent confirmer la nature de l’accord qui les lie, et s’assurer que toutes les autres partiesintéressées (et le public au sens large) sont informées de ce qui a été convenu. Cette phase estcruciale dans de nombreuses communautés qui n’ont pas pour habitude de communiquer lesaccords par écrit ou oralement;

� accepter d’assumer les conséquences, effectives ou potentielles, d’un comportement négatif;

� respecter et reconnaître le désir d’une relation plus positive ou plus productive à l’avenir;

� présenter des excuses sincères;

� demander pardon ou tenter de se réconcilier.

N O T E D U F O R M A T E U R : La culture est toujours un facteur important lorsque l’on examine desapproches permettant de mettre fin à un conflit. Chaque groupe, société, institution et organisation a une manière quilui est propre de clore officiellement un conflit. Dans une communauté, la fin d’un conflit peut être sanctionnée par

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des repas rituels, des discours symboliques, des bénédictions de prêtres, des prières ou d’autres rituels deréconciliation. Dans une organisation, il faut parfois une déclaration officielle à un haut fonctionnaire, que l’onconserve dans les archives et dont une photocopie est transmise à d’autres. En plus de ces différences de procédures,l’accord devrait toujours être rédigé par écrit, pour que l’on puisse le réviser ou s’y référer ultérieurement, s’il y a lieu.

7.4 ÉTAPE 8: ÉLABORATION DE L’ACCORDLes médiateurs faciliteront l’élaboration d’un accord uniquement quand les parties au conflit seseront entendues sur les options qu’elles souhaitent mettre en œuvre ensemble et quand la solutionnégociée aura été approuvée par leurs mandants. Suivant la nature de l’accord, il peut êtrenécessaire de prendre les mesures suivantes:

� confirmer l’engagement et le mandat de toutes les parties aux négociations et de toutes lesparties prenantes du conflit;

� négocier la rédaction d’un accord écrit aussi spécifique qu’il le faut;

� le faire examiner par les mandants;

� parvenir à un accord final.

7.4.1 Considérations relatives à la mise en œuvreUne fois qu’elles ont convenu de la marche à suivre, les parties doivent étudier les détails de la mise enœuvre de l’accord. Les principales questions qui doivent être discutées et confirmées sont les suivantes:

� Comment les parties prenantes vont-elles garantir l’application de l’accord?

� La mise en œuvre de l’accord nécessite-t-elle l’intervention officielle de spécialistes ou de groupes, telsque administrateurs, chefs de groupes d’utilisateurs des ressources et dirigeants communautaires?

� Comment les parties vont-elles faire face aux éventuels imprévus découlant de l’accord?

� Quels mécanismes de suivi mettra-t-on en place pour garantir le respect de l’accord?

� Quel est le rôle de l’équipe de médiation dans le suivi? Y a-t-il des agents locaux neutres oudignes de confiance pour assurer le suivi?

7.4.2 Rédaction de l’accord finalLe moment est venu de rédiger l’accord final. On peut adopter diverses approches pour aider lesparties dans cette tâche, notamment:

� rédiger l’accord en collaboration;

� faire rédiger un accord préliminaire par une tierce partie, puis demander aux diverses partiesprenantes de réécrire la version finale dans le cadre d’une session commune, ou chacune à leur tour;

� combiner ces deux options: certaines parties de l’accord étant rédigées par les parties au conflit,d’autres par le médiateur, le tout étant ensuite finalisé par tous les groupes.

L’accord final est généralement constitué de trois parties:

� une introduction et des informations générales qui présentent les groupes de parties prenanteset exposent les principales questions sur lesquelles ont porté les négociations;

� une description des solutions élaborées par les groupes pour chacune de ces questions;

� un plan de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation.

La loyauté, l’acceptabilité et l’applicabilité de l’accord devraient être vérifiées conformément auxdirectives figurant dans l’encadré 7.5.

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Loyauté:� Se fonde-t-il sur les meilleures informations disponibles, obtenues conjointement?

� Repose-t-il sur des considérations réalistes en matière de capacités et de coût?

� A-t-on l’assurance que toutes les parties prenantes rempliront leurs engagements?

� Toutes les principales parties prenantes ont-elles été associées à son élaboration?

Acceptabilité:� Résout-il les griefs qui ont donné lieu au différend?

� Reconnaît-il et résout-il les problèmes passés?

� Est-il conforme aux intérêts et aux besoins sous-jacents des principales parties prenantes?

� A-t-il été conclu à l’issue d’un processus jugé équitable par tous et pour tous?

Applicabilité:� Procure-t-il des avantages à tous les parties qui l’appliquent?

� Ne défavorise-t-il pas une partie exclue?

� Reconnaît-il les éventuels problèmes et changements futurs et inclut-il des mécanismespour y faire face, ou reconnaît-il la nécessité d’une re-négociation?

� Sa mise en œuvre crée-t-elle des relations de travail entre les parties?

Source: Godschalk et al., 1994.

LES CARACTÉRISTIQUES D’UN ACCORD DURABLEENCADRÉ 7.5

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

151

Les médiateurs devraient connaître les éléments de l’accord qui déterminent sa force ou safaiblesse, et qui sont résumés dans le Tableau 7.3 (Moore, 2003).

Bien entendu, ce qui démontre la force d’un accord, c’est moins son apparence sur le papier que samise en pratique. Ainsi, un accord partiel qui est mis en pratique peut avoir plus de force qu’unrèglement exhaustif qui n’est jamais mis en œuvre.

Faire confirmer le(s) accord(s) par les mandants: Lorsqu’un accord a été rédigé, les parties auxnégociations peuvent souhaiter reconfirmer son acceptabilité auprès de leurs mandants. Ceci estune étape importante pour obtenir un appui et une acceptation plus généraux. Avant l’accord final,le plein appui et l’engagement sans réserves de toutes les parties prenantes doit être confirmé. Si

Un accord fort: Un accord faible:

Porte sur le fond: Définit des échanges spécifiques,qui sont le résultat des négociations, et que chacunpeut constater (argent, services, travail, etc).

Porte sur des questions de procédure: Définit lemécanisme ou le processus à adopter pour prendreles décisions.

Est exhaustif: Résout toutes les questions litigieuses. Est partiel: Ne résout pas toutes les questionslitigieuses.

Est permanent: Résout définitivement toutes lesquestions litigieuses.

Est provisoire: Peut comprendre des décisionstemporaires ou expérimentales, susceptibles d’êtreremises en question ultérieurement.

Est final: Définit tous les détails, sous leur formefinale.

Est de principe: Contient des accords généraux, maisles détails restent à définir.

Est sans condition: N’est assorti d’aucune conditionou exigence concernant les performances futures.

Est conditionnel: Stipule que la conclusion du litigedépend d’informations supplémentaires ou desperformances futures d’une ou de plusieurs parties.

Est contraignant: Il s’agit de contrats officiels quiobligent les parties à accomplir certaines actions (lesgens tendent à suivre à la lettre les conditions d’unrèglement s’ils comprennent les conséquencesqu’entraînerait leur non-respect).

Non contraignant: Se contente de formuler desrecommandations ou des indications. Les parties nesont pas légalement tenues de le respecter.

ACCORDS FORTS OU ACCORDS FAIBLESTABLEAU 7.3

des sous-groupes restant à l’écart du groupe principal sont apparus, le document doit préciser quiest ou n’est pas partie à l’accord.

Rendre l’accord public: L’un des derniers points dont doivent discuter les parties aux négociations est ledegré de publicité qu’elles veulent donner à l’accord. Suivant sa nature, l’accord final peut prendre effetavec une signature officielle devant témoins ou nécessiter une approbation préalable du gouvernement.Si l’accord concerne un grand nombre de personnes, les parties prenantes peuvent aussi envisager detenir un forum plus ouvert au public. Certains groupes incorporent leurs accords dans le systèmejuridique de façon à rendre leurs décisions juridiquement contraignantes. D’autres choisissentd’annoncer leur accords au public à des réunions du conseil local ou par l’intermédiaire des médias.

RÉSUMÉ DE LA SECTION

La Section 7 a examiné en détail le processus de négociation. Elle a montré comment aider lesparties prenantes à progresser tout au long des diverses étapes – depuis la détermination desobjectifs et l’établissement d’objectifs communs jusqu’à la finalisation des accords. Le processus denégociation a pour objet de parvenir au meilleur accord possible pour remédier aux facteurs quicausent le conflit, de préférence sous la forme d’un résultat avantageux (ou «gagnant») pour tous(on dit aussi solution «gagnant-gagnant»). Dans la Section 8, nous examinerons la mise en œuvreet le suivi des accords, ainsi que les précautions que doivent prendre les tierces parties lorsqu’ellesse retirent du processus de gestion d’un conflit.

152

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

La participation volontaire de toutes les parties prenantes clés est essentielle dans uneapproche de gestion des conflits de style coopératif. Lorsqu’un groupe décide de négocier,

cette décision n’est appliquée que si les autres parties estiment aussi qu’il est dans leur intérêt

de le faire. Il existe de nombreuses situations dans lesquelles les personnes choisissent de ne pas

négocier, notamment dans le cas de rapports de force très inégaux entre les parties prenantes,

de craintes, de grosses difficultés de communication, ou de positions rigides d’une ou de plusieurs

parties. Les individus peuvent être pleins d’appréhension au début du processus. Pour tous les

camps opposés, les risques et les opportunités associés aux différents résultats sont

généralement élevés.

Les négociations doivent être préparées avec soin par les parties aux négociations et parleurs mandants. Les médiateurs doivent préparer les personnes aux négociations, familiariser les

parties prenantes avec les procédures de négociation, amener les participants à prendre en mains

le processus et les aider à maintenir leurs attentes à un niveau réaliste. Ils doivent aussi tenir compte

du fait que les principales parties prenantes prennent part aux négociations mais que ce ne sont pas

nécessairement elles qui prennent les décisions finales. Tout comme les parties aux négociations,

les «mandants» doivent avoir des possibilités raisonnables d’y contribuer et être informés des

changements ou des options élaborées durant le processus. Les «mandants» doivent aussi

informés des options réalistes tout au long du processus de négociation. Lorsque l’accord final

proposé leur est communiqué, ils ne doivent pas être pris par surprise.

Bien que les négociations puissent suivre des voies tortueuses, le processus se déroulegénéralement en cinq grandes étapes, chacune d’elles étant caractérisée par des activités

spécifiques: 1) définir le cadre; 2) donner aux parties prenantes la possibilité d’exposer leur version

des faits; 3) trouver un terrain d’entente; 4) élaborer des options; 5) évaluer les options et parvenir à

un accord. Il n’existe pas de règles à suivre pour la conception de ce processus qui, comme les

négociations elles-mêmes, dépend des circonstances et des besoins spécifiques.

Pour gérer un conflit, il faut instaurer un climat de confiance entre les nombreuses partiesprenantes différentes. L’une des principales fonctions du médiateur est de contribuer à instaurer la

confiance entre les parties prenantes, à tous les stades de la négociation. Il est indispensable de

bien définir les intérêts, d’établir d’un commun accord un système de contrôle et de reddition des

comptes pour garantir le maintien de la confiance d’un bout à l’autre du processus. Il est également

crucial de bâtir les accords lentement et de veiller à ce que chacun ait confiance dans les

engagements pris.

Les accords reposent sur des objectifs communs et des intérêts partagés. Les négociations

doivent s’écarter des positions individuelles pour se concentrer sur les besoins et les intérêts qui les

sous-tendent. Les parties font un examen plus approfondi de ces intérêts puis tentent de parvenir à

un accord dans des domaines où elles ont des intérêts communs. A partir des intérêts communs, on

peut définir des objectifs communs. Une fois ces objectifs arrêtés, ils peuvent servir de points de

départ pour orienter et cibler les négociations.

S E C T I O N 7Les négociations et l’élab oration des accords

153

Pour élaborer des accords, il faut des solutions nouvelles et créatives. Pour de nombreuxindividus, l’identification d’accords réalisables et bénéfiques pour tous est l’un des aspects les plusépineux d’une négociation. Pour faciliter cette tâche, on commence par inviter les parties prenantesà tenter d’identifier la plus vaste gamme possible d’accords ou d’actions, sans évaluer leur faisabilitéou leur «opportunité» pour soi, ou pour d’autres parties. Pour faciliter ce processus créatif essentiel,on rappellera aux groupes qu’ils ne prennent pour l’instant aucun engagement envers aucune desoptions émises. L’évaluation se fera à un stade ultérieur, d’après une série de critères, convenus d’uncommun accord.

Les critères convenus sont utiles pour identifier les options et les classer par priorité. Pourpasser d’une liste d’options possibles à des accords réalistes, il faut définir des critères pour évaluerles options. Quels que soient ces critères, ils doivent être acceptés par les parties prenantes et êtreadaptés à leurs intérêts et au contexte.

La recherche d’un accord s’inscrit dans un processus continu. Des négociations réussiesdébouchent sur des accords entre les différentes parties prenantes. Les parties peuvent conclure unaccord de principe, et définir les détails spécifiques au fil du temps, problème par problème ou demanière plus globale. Quelle que soit la forme que prend un accord, les parties prenantes doiventconfirmer les modalités de sa mise en œuvre et de son suivi. En outre, elles doivent déterminer commentgérer d’éventuels problèmes supplémentaires qu’elles ne parviennent pas à régler pour l’instant.

154

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

S E C T I O N 8

La Sortie

La présente section examine comment les médiateurs planifient leur propre sortie de scène.Ses objectifs sont les suivants:

� montrer l’importance du suivi de l’application des accords;

� donner des idées et des conseils concernant la planification du désengagement progressifdes médiateurs.

8.1 POURQUOI UNE STRATÉGIE DE SORTIE EST IMPORTANTELes valeurs et les règles professionnelles veulent qu’un bon médiateur fasse en sorte que sa présencene soit plus indispensable et soit transparent à propos de son retrait du processus de gestion du conflit.Après la signature de l’accord (étape 8), il reste encore deux étapes pour achever le cycle de gestiondu conflit:

Étape 9: suivi et mise en œuvre de l’accord;

Étape 10: étude des stratégies de sortie du médiateur.

Le jalon D est achevé quand le médiateur (ou l’équipe de médiation) peut quitter la communauté.Cela suppose que les parties au conflit aient rétabli leurs relations et soient à la fois désireuses etcapables de poursuivre la mise en œuvre de l’accord, avec dans la mesure du possible descapacités accrues pour gérer par elles-mêmes les conflits futurs.

8.2 ÉTAPE 9: SUIVI ET MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORDUn accord est mis en œuvre quand les parties au conflit prennent des mesures pour le rendreopérationnel, mettant ainsi fin au différend. La majorité des accords exigent que les parties au conflitcontinuent à exécuter certaines actions et à se comporter d’une certaine manière. La réussite d’unaccord dépend du plan de mise en œuvre et du processus qui permet d’appliquer ce plan. En outre,

les parties doivent avoir le sentiment que l’accord est entre leurs mains et être capables de respecterles dispositions qu’il contient. En d’autres termes, le succès dépend:

� de la disponibilité et de l’aptitude des parties au conflit à respecter l’accord;

� des procédures de suivi permettant d’observer le processus de mise en œuvre;

� des procédures de mise en application, permettant de sanctionner le non-respect de l’accord;

� du rôle et du pouvoir des autorités ou du chargé de suivi externe (si applicable).

Les accords peuvent être cadrés de diverses manières, qui sont fonction des préférences desparticipants et souvent de la nature de l’objet de l’accord ou du conflit à régler. Les intéresséssouhaitent parfois inclure un plan de mise en œuvre dans l’accord détaillé établi à l’issue du processusde négociation. Dans ce cas, les négociations s’achèvent lorsque l’accord a été officiellement reconnu.Dans d’autres cas, on préfère programmer la mise en œuvre et le suivi dans un deuxième temps, dansle cadre d’autres cycles de négociation, ou d’un processus de négociation continu. L’accord engagealors les parties au conflit à examiner et à planifier la mise en œuvre et le suivi à un stade ultérieur.

Indépendamment du procédé par lequel ils ont été obtenus, les plans de mise en œuvre et de suivirelèvent avant tout de la responsabilité des parties aux négociations, qui doivent être à la fois en mesurede les appliquer et disposées à le faire. Les accords doivent donc toujours être fondés sur desévaluations réalistes des parties quant à ce qu’elles veulent et peuvent faire. Les parties aux négociationsse sentent parfois plus en confiance si des médiateurs ou d’autres tierces parties de confiance jouent lerôle de «chargé de suivi neutre» capable d’aider à résoudre les problèmes qui surviennent.

Le rôle spécifique d’un chargé de suivi neutre est déterminé par les parties prenantes du conflit. Cesont elles qui décident s’il convient ou non de faire appel à un chargé de suivi neutre et s’il estpréférable que ce rôle soit rempli par le médiateur existant – ou par une autre tierce partie. En cequi concerne la tierce partie de confiance, on évaluera avec le plus grand soin si elle est apte àremplir ce rôle, surtout si cette fonction doit demander du temps et des ressources.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

S E C T I O N 8Exit

157

Un suivi est efficace si les parties définissent clairement les normes de performance à l’aide desquelleson mesurera l’application de l’accord. Elles doivent déterminer les actes qui constituent une violation del’accord. Dans le processus, les chargés de suivi ont le choix entre plusieurs rôles. Ainsi, ils peuvent être:

� des «dénonciateurs», et se contenter d’indiquer qu’un accord a été violé (enfreint);

� des «exécuteurs» dotés de plus pouvoirs pour superviser la mise en œuvre et si possibleparticiper à des négociations ultérieures sur les griefs engendrés par le non-respect de l’accord.

Si les parties aux négociations demandent aux médiateurs de prendre en charge les fonctions desuivi, ces derniers s’acquitteront des tâches suivantes:

� Préciser et reconfirmer le rôle du médiateur dans le suivi. Cette question aura en principe déjàété discutée lors de la rédaction et de la finalisation de l’accord.

� Accompagner le processus de mise en œuvre, en tant que médiateur, conformément à l’accord.Il peut être nécessaire que le médiateur se rende sur le site et/ou puisse être contacté facilement

Consensus sur les critères adoptés pour mesurer l’application de l’accord.

Définition claire des étapes et des ressources requises pour mettre en œuvre l’accord (ycompris des dispositions permettant d’obtenir les éventuelles ressources locales ouexternes nécessaires).

Les parties prenantes à associer au processus ont été identifiées et acceptentexpressément de s’engager dans le processus de mise en œuvre.

Existence, si applicable, d’une structure organisationnelle pour mettre en œuvre l’accord.

Accord explicite de parties externes (notamment de la part d’autorités et de spécialistes)pouvant contribuer à la mise en œuvre de l’accord. Leur acceptation est surtout crucialelorsque des ressources doivent être allouées pour remplir les dispositions de l’accord; unengagement ferme de ressources doit être obtenu avant la conclusion de l’accord.

Existence de dispositions pour tenir compte de changements futurs possibles dans lesconditions de l’accord et les parties au conflit.

Existence de procédures pour gérer les problèmes non intentionnels ou inattenduspouvant survenir durant la mise en œuvre (là encore, si la résolution de ces problèmesnécessite l’intervention d’autorités ou de spécialistes, un accord provisoire doit êtreélaboré avec leur concours).

Existence de méthodes pour suivre l’application et établir l’identité du(des) chargé(s) desuivi et disposition à fournir les ressources éventuellement requises pour le suivi.

Définition claire du rôle du chargé de suivi.

Source: Adapté de Moore, 2003.

9

8

7

6

5

4

3

2

1

NEUF CRITERES POUR UNE MISE EN ŒUVRE RÉUSSIE DES ACCORDSENCADRÉ 8.1

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

en cas de problèmes. Si un médiateur n’est pas facilement joignable, il peut être utile de trouverun intermédiaire local de confiance qui pourra le contacter en cas de nécessité, et résoudre lui-même des problèmes mineurs.

� Définir les mécanismes de suivi et de mise en application. Cela suppose d’établir des mécanismes desanction, des filières de communication et d’élaborer des options pour traiter avec les parties prenantes.

� Faciliter le réexamen des faits pour réfléchir aux progrès accomplis. Cela peut être utile pourrétablir des relations, renforcer la confiance et offrir des possibilités de planifier des activitéscommunes pour l’avenir.

� Évaluer les divers coûts liés à ce rôle. Cela suppose d’obtenir à l’avance que des sources localesou externes s’engagent à mettre à disposition en temps voulu des ressources financières oud’une autre nature.

Diverses procédures d’engagement peuvent contribuer à renforcer les probabilités que les partiesau conflit respectent l’accord. Ces procédures se présentent sous deux formes:

� gestes publics, notamment échanges de promesses entre les parties opposées dans un conflit,échanges symboliques de dons ou gestes d’amitié;

� procédures formelles, par exemple accords écrits (lettres d’entente, contrats) ou contrats légauxfaisant intervenir des autorités judiciaires.

Les gestes publics peuvent être très importants dans les «cultures non directes» car ils montrentque les parties au conflit sont disposées à renouer des relations. Lorsque le rétablissement derelations positives est le principal problème, les accords détaillés peuvent aller à l’encontre du butrecherché, car les détails peuvent être interprétés comme un manque de confiance.

Dans de nombreuses cultures, les règlements ou les accords méritent ou exigent une reconnaissancerituelle et/ou publique. Les rituels consacrent symboliquement et renforcent la solennité d’un accord et,partant, l’engagement des parties à s’y conformer. Des initiatives très diverses peuvent être organisées,notamment des visites de notables, des «cérémonies de poignée de mains», des prières, des accolades,des procédures de signature officielles, des toasts, des repas de célébration et des remises de cadeaux.

Les procédures formelles, notamment les accords écrits (lettres d’entente, contrats) sont tout aussiimportantes. Les accords négociés ne deviennent pas automatiquement des contrats ayant forceexécutoire. La force exécutoire dépend des lois et des règles en vigueur là où un contrat est établiet de la forme de ce contrat. Bien qu’un accord verbal puisse avoir une valeur légale (en particuliers’il est fait en présence de témoins), un accord écrit est plus prévisible. Il peut-être revuultérieurement par l’une quelconque des parties, en cas de nécessité.

Les meilleurs mécanismes de suivi et de mise en œuvre ne fonctionneront pas si une ou plusieursparties prenantes ne le veulent pas. Un tel refus pourrait indiquer que:

� les parties prenantes ne sont pas réellement satisfaites des résultats;

� des personnes qui tireraient profit de la poursuite du conflit tentent de faire échouer le processuset de répandre des rumeurs ou de fomenter la discorde à propos des résultats obtenus;

� de nouveaux motifs de dispute, en rapport avec le conflit qui est censé être réglé, sont survenus.

Lorsqu’un accord est rompu, les groupes d’intérêt (avec le soutien des médiateurs, le cas échéant)peuvent envisager de réenclencher le processus de gestion du conflit. Les médiateurs peuvent alorsorganiser des consultations alternées avec les différentes parties prenantes concernées ou tenirune réunion commune. Cela peut supposer d’inciter les parties prenantes à se réengager etd’entamer de nouvelles négociations sur certaines questions. On demandera à nouveaul’intervention de médiateurs si les parties prenantes du conflit sont disposées à renégocier et àenvisager une approche de gestion du conflit, basée sur la collaboration.

S E C T I O N 8Exit

159

Rôles et responsabilités des différentes parties:

� Qui sera responsable de la mise en œuvre des diverses composantes de l’accord?

� Quelles seront leurs responsabilités spécifiques?

� Comment garantira-t-on que ces rôles et ces responsabilités sont assumés?

� Quels mécanismes de soutien convient-il de mettre en place en cas de problème(notamment si quelqu’un n’est pas en mesure d’achever une tâche)?

� Un soutien juridique est-il prévu?

� Des autorités locales ou autres interviennent-elles?

Processus de communication:

� Comment les parties se tiendront-elles informées des progrès accomplis?

� Doit-on prévoir des réunions périodiques, des appels téléphoniques ou des mécanismesplus formels (par exemple, des bulletins ou des fiches d’information)?

� Comment gèrera-t-on les contributions et les réponses des tiers?

� Que se passera-t-il si quelqu’un n’approuve pas l’approche adoptée?

Transparence et flexibilité:

� Quels mécanismes ou procédures faut-il mettre en place pour garantir la transparencedans l’exécution de l’accord?

� Conviendrait-il d’alterner les tâches entre les parties prenantes?

� Devrait-on faire appel périodiquement à une personne indépendante, comme évaluateurexterne?

� Les parties sont-elles disposées à faire preuve de souplesse sur certaines composantesde l’accord? Y a-t-il des domaines dans lesquels la flexibilité est peu souhaitable ouimpossible?

� Que se passe-t-il si des facteurs sur lesquels les parties n’ont pas de prise font qu’il estimpossible d’appliquer ou de maintenir un accord? Une procédure est-elle prévue pourréunir les parties pour des négociations ultérieures?

LISTE RÉCAPITULATIVE DES ARRANGEMENTS DE SUIVIENCADRÉ 8.2

8.3 ÉTAPE 10: ÉTUDE DE LA STRATÉGIE DE SORTIEAprès la signature d’un accord, les conflits peuvent être réglés, mais ils ne sont pas encore résolus. Ilpeut y avoir des retours en arrière si les parties au conflit ne respectent pas l’accord, ou si les relationsne sont pas suffisamment bien rétablies pour permettre une collaboration. Dans les «cultures nondirectes», des négociations sur des points de détails peuvent se poursuivre pendant très longtemps.

Un médiateur ne peut certes pas résoudre tous les problèmes à la fois dans une communauté, maisil devrait garantir que les différentes parties prenantes du conflit sont au moins intentionnées àrespecter l’accord et à collaborer entre elles, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de risque d’affrontementsviolents. C’est la condition minimale pour qu’un médiateur puisse se désengager progressivement.Les médiateurs doivent toujours au bout du compte transférer le contrôle et la gestion du processusà la communauté, et savoir quand il est temps de se retirer.

Les médiateurs doivent concevoir des moyens de transférer la responsabilité du suivi de l’accord auxparties prenantes ou à un chargé de suivi local de confiance. Ils peuvent aussi explorer des stratégies pourrenforcer les capacités des communautés, afin qu’elles soient mieux à même de résoudre les conflits futurs.

Ces étapes ne font pas à proprement parler partie des MAGC, mais peuvent être des élémentscomplémentaires importants dans des approches plus générales de gestion participative desressources naturelles. La sortie de scène des médiateurs dépend pour une large part du processusde gestion des conflits antérieurs. Voici quelques stratégies de sortie possibles:

� Option 1: Si les parties aux négociations sont intimement persuadées qu’elles peuvent mettre enœuvre et suivre elles-mêmes l’accord, le rôle et la fonction des médiateurs peuvent prendre fin dès lasignature de l’accord.Son départ doit alors être clairement communiqué à toutes les parties prenantes.

� Option 2: Les parties prenantes du conflit peuvent souhaiter que les médiateurs assurent le suivi del’accord jusqu’à ce qu’elles estiment elles-mêmes pouvoir maintenir des rapports de collaborationsans un appui externe.

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S E C T I O N 8Exit

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� Option 3: Le processus de gestion du conflit peut avoir encouragé les parties prenantes àpromouvoir ensemble le développement. Les médiateurs peuvent aider les parties prenantes àétablir des liaisons avec des organisations qui fournissent une assistance dans ces domaines.

Dans les trois options, les médiateurs doivent élaborer une stratégie, à la fois entre eux et avec lesparties prenantes, sur les démarches possibles. Ils doivent envisager:

� de renforcer les capacités des parties prenantes pour leur permettre de gérer elles-mêmes desconflits plus modestes, et de renforcer les capacités locales, en matière de suivi, de médiation, etc.;

� de faire en sorte que la collaboration devienne la démarche normale, notamment en examinantet en évaluant les besoins, pour le renforcement des capacités des comités locaux pour la paix;

� d’aider les parties prenantes qui souhaitent lancer des projets coopératifs de développement enfacilitant la communication et les liaisons avec des organisations appropriées susceptibles defournir une assistance pour la planification et la mise en œuvre participatives de projets et de lagestion des ressources naturelles;

� définir des moyens de reconnaître (points de repère) le point de sortie du médiateur – au niveauinterne (s’il fait partie d’une équipe de médiation) et avec les parties prenantes – ainsi que lesrésultats qui devraient être atteints avant le départ du médiateur. Ces points de repère devraientêtre simples et réalistes pour que la sortie soit une option probable. Autrement, les médiateurs selient eux-mêmes à la communauté, ce qui peut créer une dépendance.

À ce stade, l’engagement des médiateurs et leur implication dans le conflit ont pris fin. S’ils ontconclu un accord durable qui aide les parties au conflit à renouer des relations et leur donne unevision de collaboration pour l’avenir, les médiateurs auront remporté un franc succès.

En avançant vers la conclusion de l’accord, les participants peuvent éprouver toute une gamme

de sentiments – satisfaction du travail accompli, ou épuisement, frustration, incertitude et colère

générés par le conflit originel. Les médiateurs doivent être réalistes. Bien que leur but soit

d’améliorer les relations entre les parties prenantes et de les inciter à s’engager dans des

accords de collaboration, les négociations peuvent laisser derrière elles bien des sentiments

négatifs. Un certain nombre de mesures peuvent être nécessaires pour renouer des relations.

Le MAGC est un processus d’apprentissage en commun. Lorsque des négociations ont été

efficaces, les parties prenantes peuvent reconnaître les mérites du processus de gestion du

conflit. De nombreux groupes ou individus seront satisfaits de la gestion des différences qui

ont semé la discorde dans leur vie et entravé l’atteinte des objectifs. Ils ont peut-être acquis

une nouvelle compréhension des moyens dont ils disposent pour influencer les décisions,

appris de nouvelles manières de gérer les différences et développé une meilleure

compréhension et un plus grand respect pour les intérêts des autres à l’avenir.

UN MÉLANGE DE RÉFLEXION ET D’ÉMOTIONENCADRÉ 8.3

RÉSUMÉ DE LA SECTION

La Section 8 a clos la carte du processus et brièvement examiné le rôle du médiateur dans le suivid’un accord, ainsi que la manière dont il peut préparer son départ. A ce stade, son intervention dansla gestion du conflit est ordinairement achevée et le processus de gestion du conflit peut avoir ouvertde nouvelles voies pour la collaboration et le développement.

Les médiateurs peuvent prendre en charge le suivi des accords si les parties prenantes duconflit le leur demandent. Ces fonctions doivent cependant être clairement définies et les partiesprenantes doivent prendre en main elles-mêmes la mise en œuvre de l’accord. Les médiateursfournissent une assistance pour faciliter le rétablissement des relations.

Les médiateurs doivent élaborer une stratégie de retrait progressif. Ils peuvent transmettre lesresponsabilités du suivi à des intermédiaires locaux de confiance. Si les relations des partiesprenantes s’améliorent, ils peuvent les aider à ouvrir de nouvelles voies de collaboration.

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ANNEXES

Les techniques de négociation etde médiation dans le domaine

de la gestion des ressources naturelles

A N N E X E I

Gestion participative des ressources naturelles

GESTION PARTICIPATIVELa présente vue d’ensemble porte sur les aspects pratiques et les processus de promotion et de

soutien de la gestion participative des ressources naturelles, une approche dans laquelle l’État et

les utilisateurs des ressources (ou les communautés) se partagent le pouvoir décisionnel. La gestion

participative comprend:

� des arrangements de gestion négociés par de multiples parties prenantes, consistant en un

ensemble de droits et de privilèges (tenure) reconnus par le gouvernement;

� le processus entre les utilisateurs des ressources (ou d’autres groupes d’intérêt ou parties

prenantes) pour le partage des pouvoirs décisionnel et du contrôle de l’utilisation des ressources.

Au cours des années récentes, des arrangements de co-gestion ont été inaugurés dans divers

contextes sous des appellations diverses, telles que:

� co-gestion des zones protégées;

� gestion communautaire conjointe des forêts;

� gestion intégrée des bassins versants (et développement participatif des communautés de

montagne);

� systèmes d’irrigation gérés par les agriculteurs;

� gestion intégrée des ravageurs;

� gestion participative des pêches intérieures.

Dans ces programmes, les parties prenantes gèrent ensemble une ressource unique (parc, bloc de

forêt, zone de pêche ou périmètre d’irrigation), ou unissent leurs efforts pour résoudre des

problèmes de gestion d’intérêt commun (conservation et distribution de l’eau, lutte contre l’érosion

du sol, et élimination des ravageurs) relatifs à des ressources collectives.

N O T E D U F O R M A T E U R : La promotion de la gestion participative se justifie par le fait quela gestion est en principe plus efficace si l’on reconnaît aux utilisateurs locaux des ressources des droits partagésou exclusifs de prendre des décisions concernant leur utilisation et de retirer des avantages de ces ressources.

LE CADRE POLITIQUE: LES CIRCONSTANCESSONT-ELLES FAVORABLES?De nombreuses tentatives de promotion de la gestion participative sont vouées à l’échec à causedu caractère inapproprié des cadres de politique institutionnelle dans lesquels ils sont mis en œuvre.La question est de savoir si le cadre politique et son contexte institutionnel fournissent lesfondements juridiques/administratifs et des conditions propres à créer un environnement porteurpour la gestion participative. L’Encadré A donne un exemple du type de problèmes qui peuventsurvenir si l’environnement porteur est mal connu.

Cette section présente une vaste vue d’ensemble de l’environnement porteur sous la forme d’une«liste de contrôle» des éléments qui constituent des conditions préalables indispensables de lagestion participative des ressources naturelles. Cette liste ne prétend pas être complète car denombreux facteurs sociaux, physiques et technologiques sont très spécifiques à certaines zones età certaines ressources naturelles.

Besoins de base La vie des populations dépend de certaines conditions préalables de base telles que la nourriture,l’abri et la santé. Si l’un de ces éléments vient à manquer ou est menacé, les populations vontconcentrer toute leur attention sur l’obtention de ce bien et n’auront plus guère d’intérêt ou de tempspour collaborer à quelque chose d’autre. De grandes catastrophes et d’autres situations de crise

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Les responsables d’un projet de développement rural intégré au Bangladesh avaient desinformations incomplètes sur les plans du gouvernement concernant le développementéconomique et la politique hydrique au niveau national. C’est ainsi qu’une décision cruciale dugouvernement de construire un gros barrage en amont de la zone du projet leur a échappé. Lebarrage a eu un effet significatif sur l’approvisionnement local en eau. Les efforts de collaborationentre des agriculteurs et le projet ont été en grande partie réduits à néant car ils se fondaient surde fausses hypothèses quant aux disponibilités futures d’eau. La planification participative étaità refaire et la confiance des agriculteurs vis-à-vis du projet a été fortement ébranlée.

COMPRENDRE L’ENVIRONNEMENT PORTEURENCADRÉ A

compromettent gravement la gestion des ressources naturelles, et de nombreuses initiativess’arrêtent ou sont suspendues jusqu’à ce que la crise soit terminée et que les conditions de basenécessaires à la vie soient rétablies.

Les conditions sont défavorables si:

� les populations ont de gros soucis quant à la sécurité de leurs existences et de leurs biens(découlant de facteurs tels que maladies, violence et catastrophes naturelles);

� des réfugiés affluent vers une nouvelle zone où les ressources locales sont déjà soumises à despressions fortes et imprévisibles;

� un effondrement économique ou une crise politique au sein du gouvernement provoque ladésintégration des institutions, du droit et de l’ordre, et des marchés.

La gestion des ressources naturelles pourrait être un élément de réponse en cas de crise. Toutefois,l’appui à la gestion des ressources naturelles en temps de crise est un domaine spécialisé qui n’apas sa place dans ce chapitre. Il faut cependant préciser qu’il existe une «zone grise» entre ce quiconstitue un temps de crise et la normalité. Cette zone grise coïncide souvent avec des efforts desecours, consistant à soutenir des stratégies d’adaptation à court terme en attendant qu’il soitpossible de s’engager dans des initiatives de gestion des ressources. La participation despopulations locales à des opérations de secours est positive car elle les aide à passer du rôle devictime à celui de décideur. Ce changement est une étape bénéfique qui prépare leur engagementdans la gestion des ressources (Wilde, 1997).

A N N E X E IGestion participative des ressources naturelles

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Pendant les années 60 et le début des années 70, de nombreux ruraux de la Républiquedémocratique populaire lao vivaient sous la menace constante des bombardements aérienset d’une réinstallation ailleurs à cause de la guerre qui sévissait en Asie du Sud-Est. Desvillages étaient abandonnés et de nombreuses personnes se déplaçaient, souvent sur delongues distances, pour construire des abris temporaires dans des caves et des forêts. Lecommerce et les échanges normaux étaient interrompus et le développement économiqueétait sérieusement perturbé. Faute de stabilité sociale, les populations rurales n’évoluaientpas et conservaient des systèmes locaux de gestion participative des ressources naturelles.À l’époque, les frontières entre les utilisations des ressources et les groupes d’utilisateurs nepouvaient pas être déterminées de façon certaine et le gouvernement ne faisait pas grand-chose pour reconnaître et allouer des droits de jouissance sur les forêts. Aujourd’hui, legouvernement de la République démocratique populaire lao est en mesure d’allouer desterres et de promouvoir la gestion participative des forêts.

LA VIE EN TEMPS DE GUERREENCADRÉ B

Appui politique et juridique émanant d’un gouvernement compétent?Le gouvernement influence en grande partie l’environnement porteur à travers ses politiques, seslois et ses plans de développement, mais aussi à travers les actions des politiciens et des institutionsgouvernementales. L’influence du gouvernement se renforce dans certaines zones et s’affaiblit dansd’autres. Malgré les différences considérables entre les pays et les secteurs, on peut identifierquelques problèmes de base communs.

Politiques: La gestion participative exige une stratégie nationale de développement économiqueappropriée. Cette stratégie peut être fondée sur une idéologie quant au rôle de l’État, mais elle peutaussi être dictée par une crise budgétaire rendant nécessaire un ajustement structurel.Indépendamment de ce qui les inspire, les politiques et les plans de développement économiqued’un État ont une incidence significative sur ce qui peut et ce qui ne peut pas être fait aux niveauxinfra-nationaux. Ceux qui conçoivent et mettent en œuvre les programmes d’appui doivent toujourss’assurer que des politiques et des plans gouvernementaux sont en place, même s’ils ne comptentguère sur un engagement du gouvernement dans leurs programmes.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Certains gouvernements privilégient les projets de développement imposés d’en haut. Ils pourraientpar exemple préférer un projet qui contraint tous les agriculteurs d’un village à planter la mêmeculture sur une pièce contiguë de terre. Cette mentalité vient probablement du fait qu’il leur est plusfacile de contrôler, de réglementer et de superviser ce type de projet plutôt que de multiples petitesactivités dispersées dans l’espace.

Le fonctionnement du processus participatif dépend donc de l’étroitesse de la conception de lapolitique de développement du gouvernement et de la rigidité avec laquelle les fonctionnairesinterprètent et mettent en œuvre les politiques (Alice Carloni, communication personnelle, 1997).

Bien entendu, les politiques économiques flexibles et leur interprétation ouverte constituent descirconstances favorables pour la collaboration, contrairement aux définitions étroites et à la mise enœuvre rigide qui sont défavorables. Il reste cependant intéressant de poursuivre une approcheparticipative, même si le gouvernement n’est que partiellement disposé à écouter les populations. Ilvaut mieux un développement un peu participatif qu’un développement non participatif. Lesinformations obtenues dans le cadre d’une approche de planification participative peuvent êtreutilisées pour déterminer les conditions dans lesquelles les propositions du gouvernement nefonctionneront pas ou devront être modifiées. Les informations réunies au moyen d’une démarcheparticipative peuvent influencer les responsables principaux des décisions et ouvrir la voie à une miseen œuvre plus participative au niveau du village (Alice Carloni, communication personnelle, 1997).

On doit ensuite se demander si la gestion des ressources naturelles est une question prioritaire pourle gouvernement. Si oui, dans quelle mesure l’État est-il disposé à transférer ou à partager lecontrôle des ressources naturelles? La réponse à cette question varie selon que le gouvernementprévoit de renforcer ou de réduire sa présence dans le secteur concerné. Dans certains secteurs,comme l’irrigation dans les pays en développement, une présence limitée du gouvernement est unecirconstance favorable (Juan Sagardoy, communication personnelle, 1997). Dans d’autres, commeles pêches maritimes, une forte présence du gouvernement peut être souhaitable.

Le fondement juridique de la gestion des ressources: La gestion participative peut être efficacesi les parties prenantes ont confiance et savent qu’elles vont recevoir les avantages escomptés del’utilisation des ressources, tant à court terme qu’à long terme. Les critères juridiques de base pourétablir cette confiance sont les suivants:

� La gestion se fonde sur des droits officiellement reconnus.

� Ces droits sont mis en application.

� Les parties prenantes ont de bonnes chances que leur appel soit accueilli si leurs droits sontenfreints ou ignorés.

Les droits coutumiers ou reconnus au niveau local ont une utilité limitée. Le fait de détenir des droitstraditionnels et coutumiers peut certes accroître la confiance et, partant, stimuler l’intérêt pour unecollaboration avec le gouvernement et un investissement dans la gestion des ressources. Toutefois,la situation juridique est souvent complexe, et les lois peuvent être interprétées ou appliquéesdifféremment par les fonctionnaires du gouvernement. De plus, il arrive que les populations neconnaissent pas la loi ni leurs droits.

A N N E X E IGestion participative des ressources naturelles

169

D’autres conditions doivent donc être réunies pour créer un environnement juridique porteur:

� Les droits de jouissance et les privilèges sont garantis et reconnus par le gouvernement.

� Les populations connaissent leurs droits traditionnels.

� Si ces droits ne sont pas encore garantis, le gouvernement compte contribuer à les garantir à l’avenir.

� Les populations ont un accès suffisant aux organes qui exercent l’autorité et aux procédures

d’appel pour protéger ces droits et régler les différends.

� Les lois et les règlements sont appliqués de manière non arbitraire et non aléatoire.

� Les lois et les règlements sont appliqués sans corruption ni favoritisme.

� En cas de comportement répréhensible des agents du gouvernement, il existe un organe

accessible et indépendant qui peut résoudre les griefs de façon constructive.

L’environnement porteur est compromis lorsque des activités ou des utilisations en cours sont

considérées comme illégales, lorsqu’il existe des divergences importantes entre les parties prenantes

concernant l’interprétation et l’acceptabilité de divers droits formels et informels. Il est possible de

changer les lois inutiles, d’améliorer l’application des lois, et de renégocier des droits contestés, mais

cela peut prendre du temps. Ces circonstances défavorables n’arrêtent pas nécessairement une

personne convaincue, si elle n’a pas de contrainte de temps et si le comportement et les points de

vue des parties prenantes indiquent que ces améliorations peuvent être obtenues.

Mise en œuvre des politiques par les organismes gouvernementaux: Soutenir la gestion

participative implique de travailler avec un ou plusieurs organes gouvernementaux ou par leur

intermédiaire. Ces organes peuvent sans aucun doute faciliter le processus participatif dans les

circonstances suivantes:

� Les organes gouvernementaux responsables de l’exécution des politiques sont clairement identifiés.

� Le pouvoir et les responsabilités sont alloués de manière efficace, ce qui suppose que les organes

soient peu nombreux et que les organes concernés aient pour mandat de travailler avec d’autres.

� Les autres organes à associer ou à consulter dans les initiatives sont clairement identifiés.

� Le principal organe du gouvernement est flexible et jugé crédible par les parties prenantes.

� Le principal organe du gouvernement est doté d’un personnel et d’un budget suffisants pour

faire son travail.

� Les fonctionnaires du gouvernement ont les attitudes et les compétences voulues.

� Le gouvernement et les autres parties prenantes n’ont pas besoin de multiples incitations pour

faire fonctionner le programme d’appui. (Quand ce n’est pas le cas, au nom de l’environnement

porteur, les fonctionnaires conduisent les voitures du programme, le personnel de terrain se

déplace avec les cyclomoteurs du programme, le personnel externe prend en charge les

opérations de routine de l’institution, tout le monde participe à des stages et à des séminaires et

un nombre incalculable de consultants interviennent. Le programme doit alors trouver des

ressources pour financer ces incitations).

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Les marchés fournissent-ils des opportunités et inspirent-ils confiance?Les marchés influencent la gestion des ressources en procurant (ou en ne parvenant pas àprocurer) des avantages économiques et financiers aux parties prenantes. Les populationsn’acceptent la gestion participative des ressources que s’ils y voient un avantage (Chambers, 1988).Parmi les nombreuses valeurs et avantages associés aux ressources naturelles, citons les produitsou les matières premières qui peuvent être utilisés à des fins de subsistance, de troc ou de vente.Les gains financiers ont un pouvoir de motivation élevé et ils sont déterminés essentiellement parles possibilités de marché et les risques qui leur sont associés.

Si les populations connaissent avec certitude les gains et les coûts associés à la gestion desressources, elles sont plus enclines à miser sur la collaboration. L’intérêt des parties prenantes pourla gestion des ressources dépend entre autres des éléments suivants:

� l’importance des ressources naturelles pour les moyens d’existence des populations;

� les liens entre les ressources et les autres systèmes de production;

� l’orientation de l’économie (subsistance ou rapport?);

� les marchés et les prix disponibles;

� la présence des divers types d’acteurs dans les chaînes de marché;

� les coûts de la main-d’œuvre et des autres facteurs de production;

� la disponibilité et le coût des services financiers;

� la disponibilité d’informations fiables sur les marchés;

� la connaissance des droits et de la réglementation des marchés.

Il importe de comprendre de quelles opportunités disposent les gestionnaires des ressources pourtirer profit de la production. Les prix sont essentiels pour le concept d’incitations. Bien souvent, lesproducteurs forestiers manquent d’informations sur les prix qu’ils peuvent raisonnablementescompter, surtout dans les zones rurales. Outre la manipulation des prix par le secteur privé, lesgouvernements peuvent aussi altérer les prix et créer des incitations/désincitations.

Les ressources commercialisables sont souvent rares et leur utilisation suscite des conflits en raisonde leur valeur potentielle. De même, les valeurs économiques peuvent évoluer au fil du temps, etprovoquer de nouveaux conflits en rapport avec les droits d’usage ou d’accès. L’expression «gestionparticipative» peut sous-entendre une ambiance harmonieuse et une collaboration positive, mais lescirconstances économiques et financières peuvent créer ou stimuler la compétition et révéler desconflits latents ou nouveaux à propos des ressources.

Infrastructures: L’influence des infrastructures sur la gestion participative dépend des exigencesdes parties prenantes et de ce que l’on veut obtenir de cette approche participative. La protectiond’une zone de nature sauvage importante à l’intérieur d’un grand parc national peut être plusfacilement assurée s’il n’y a pas d’infrastructures. En revanche, les intérêts des ruraux pauvres quiutilisent les ressources naturelles situées en dehors d’un réseau d’aires protégées peuvent êtremieux desservis par un accès à des infrastructures matérielles telles que routes, électricité et

A N N E X E IGestion participative des ressources naturelles

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irrigation. Le développement des infrastructures dans une zone spécifique n’est pas toujours prescritpar la politique et les plans de développement du gouvernement, de même qu’un programmed’appui n’a pas toujours les ressources nécessaires pour créer les infrastructures requises, quiferaient défaut. Dans un cas comme dans l’autre, les infrastructures sont un élément important del’environnement porteur.

Un programme d’appui pourrait choisir de:

� cibler ou éviter des sites éloignés et dépourvus d’infrastructures;

� sélectionner des sites dotés d’infrastructures spécifiques;

� encourager d’autres partenaires à soutenir le développement d’infrastructures critiques, sur lessites sélectionnés;

� inclure le développement des infrastructures, comme activité de collaboration, dans leprogramme d’appui.

Plus simplement, la décision dépend du type d’infrastructure requise, des infrastructures déjàprésentes, de l’importance des infrastructures manquantes dans la composante de développementdu programme d’appui, et de l’impact social et environnemental de l’établissement de cesinfrastructures.

La philosophie et la pratique de la gestion participative sont-elles adaptées au contexte culturel?Les populations adoptent un comportement dans le contexte de croyances, de valeurs et d’institutionscommunes. Les sociétés établissent des règles et des sanctions pour punir les infractions et assignentdivers rôles institutionnels à leurs membres. La gestion participative des ressources naturelles doitd’une certaine manière s’inscrire dans ce contexte culturel. Selon la définition de la gestionparticipative, ce concept exige principalement que de multiples parties prenantes puissent prendre partaux décisions concernant l’utilisation des ressources naturelles et collaborent à la mise en œuvre despratiques de gestion. Il peut être difficile d’identifier les circonstances culturelles pertinentes et de dire

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si une collaboration peut être facilement encouragée ou non. Pour compliquer les choses, il arrive queplusieurs groupes ethniques différents soient présents dans une situation donnée, et que chacun d’euxait des ensembles de règles et de valeurs communes qui lui sont propres.

Pour comprendre l’environnement culturel, on peut commencer par se demander:

� si la participation populaire a une place dans l’idéologie de l’État;

� s’il existe une tradition de gestion participative des ressources naturelles dans la zone;

� s’il existe déjà des institutions appropriées pour organiser une collaboration.

CONCLUSIONCette vue d’ensemble montre que de nombreuses circonstances peuvent rendre l’environnementplus ou moins propice à la gestion participative. En général, les parties prenantes sont nombreuseset ont des intérêts et des préférences différents en matière de gestion, et il n’est généralement paspossible d’associer chacune d’elles à la prise de décision. Il existe souvent de grandes différencesentre les personnes, du point de vue de la capacité de participer et d’influencer les résultats. Unconflit et une multitude d’autres problèmes peuvent découler des circonstances culturelles,politiques, juridiques et économiques.

En conséquence, la promotion d’une approche de gestion participative pourrait être sérieusementcompromise ou vouée à l’échec pour de nombreuses raisons. Par exemple, certaines partiesprenantes peuvent être contre la gestion participative, et si elles ont un pouvoir important, ellespeuvent s’évertuer à la faire échouer. Il n’y a pas grand intérêt à promouvoir une approche dans uncontexte qui ne s’y prête pas. Cela signifie que toute personne qui a une fonction de soutien devraittoujours effectuer une analyse des parties prenantes et contrôler l’environnement porteur, et qu’elledevrait aussi se réserver le droit de renoncer si les circonstances sont impossibles dans un endroitdonné. En effet, en renonçant, elles peuvent inciter les parties prenantes à revoir leurs positions ouà corriger une lacune spécifique dans l’environnement porteur, afin d’améliorer les chances desuccès de la collaboration à l’avenir.

Cette position est justifiée car ceux qui fournissent un appui encouragent souvent les populations àprendre des risques et à faire des investissements qui auraient probablement été évités sans leurappui. Les erreurs commises par ceux qui fournissent un appui et par d’autres durant la collaborationpeuvent leur coûter cher et coûter cher aux ruraux pauvres. Ces derniers peuvent perdre du temps etdes ressources et le fournisseur d’appui peut perdre sa crédibilité. Ceux qui fournissent un appui sontresponsables devant ceux qu’ils tentent d’aider. C’est pourquoi il est si important de bien analyser lesparties prenantes et l’environnement porteur dès le départ, et de réfléchir et de refaire des évaluationsfréquentes afin de pouvoir anticiper ou déceler le plus tôt possible les problèmes et les erreurs.

A N N E X E IGestion participative des ressources naturelles

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A N N E X E II

Guide pratique pour l’analysedes conflits

La présente annexe sert de guide pour aider les opérateurs à appliquer les outils d’analyse desconflits sur le terrain. L’analyse des conflits est un processus d’apprentissage qui permet auxmédiateurs et aux parties prenantes de mieux comprendre un conflit, d’accepter ou de refuser de legérer et de décider de la meilleure approche à adopter à cette fin. L’annexe a pour objet d’aider lesmédiateurs à utiliser ces outils dans le cadre des processus de gestion des conflits.

Cette annexe complète la Section 5 qui explique pourquoi une analyse du conflit est essentielle, commentelle est intégrée dans le processus de gestion du conflit et le rôle de chaque outil dans cette analyse.

ANALYSER UN CONFLITL’analyse du conflit se fait à divers stades d’un processus de gestion du conflit:

Évaluation préliminaire du conflit: Durant la phase d’entrée, l’analyse du conflit effectuée dansle cadre de l’évaluation du conflit est un instrument stratégique qui permet aux médiateurs deplanifier la marche à suivre – de décider s’ils iront plus avant ou non dans le conflit et dedéterminer les prochaines étapes. Elle se fait après un premier contact avec les parties prenantesdurant la phase d’entrée et après avoir écouté leurs exposés des faits et leurs préoccupations.L’évaluation préliminaire d’un conflit est effectuée par les médiateurs, au niveau interne.

Analyse du conflit facilitée: L’analyse du conflit conduite à ce stade plus avancé du processusdiffère de l’évaluation initiale car ici, les médiateurs aident les parties prenantes à analyser lasituation par elles-mêmes. Leur tâche consiste à les soutenir et à les aider à avancer dans unprocessus d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Toutes les parties doivent être en mesure desuivre le processus, de comprendre les résultats et de savoir par quels moyens ils ont étéobtenus. La principale tâche des médiateurs est donc d’expliquer et de visualiser chaque étapedu processus et tous les résultats intérimaires.

B

A

Selon les circonstances, les médiateurs peuvent faciliter l’analyse du conflit dans le cadre d’une sessioncommune avec toutes les parties prenantes ou, si les tensions sont trop fortes, séparément avec chaquegroupe de parties prenantes. À un moment donné, les différentes parties prenantes devront cependantmettre en commun leurs analyses afin que les points de vue de chacun puissent être mieux compris.

Le but d’une analyse du conflit à ce stade plus tardif du processus, est d’aider les parties prenantesà parvenir à une communauté de vues sur l’objet du conflit et sur ce qu’il signifie et implique pourchaque partie. Les différentes parties prenantes peuvent ainsi être amenées à élargir ou à rétrécirla portée des problèmes à négocier.

LES OUTILS D’ANALYSE DES CONFLITSLes outils sont des supports destinés à faciliter l’analyse d’un conflit. Chacun joue un rôle qui lui estpropre dans les diverses étapes de la carte du processus. Les outils ne sont pas des processusrigides et ils peuvent être adaptés en fonction des besoins. Il est essentiel de distinguer les deuxmodes d’utilisation possibles des outils.

Les outils peuvent être des modèles mentaux (internes) autour desquels le médiateur peutstructurer sa pensée tout en s’entretenant avec les parties prenantes du conflit (analyse stratégiquedu conflit). Ainsi utilisés, les outils:

� aident à structurer l’analyse du conflit;

� sont essentiels pour la triangulation et le contrôle par recoupement des informations, surtoutquand plusieurs outils sont employés;

� peuvent fournir un guide pour les questions à poser.

Les outils peuvent aussi être utilisés pour faciliter les sessions de groupe. Ils sont alors appliquésouvertement avec les parties prenantes (analyse de conflit facilitée) pour:

� visualiser la situation et structurer la discussion;

� favoriser une compréhension commune au sein d’un groupe d’individus;

� vérifier les informations par recoupement et encourager les échanges de vues;

� permettre une compréhension commune entre les parties prenantes et les médiateurs.

L’utilisation des outils peut poser des problèmes dans des contextes traditionnels, notamment dansles cas suivants:

Analphabétisme: Les outils doivent être adaptés ou remplacés par d’autres; on peut par exempleemployer des images plutôt que des mots écrits pour représenter certains points spécifiques.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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Les outils 1 à 4 sont des outils de base, essentiels pour une analyse approfondie du conflit. Lesoutils 5 et 6 sont des outils complémentaires qui sont utiles, mais ne doivent pas nécessairementêtre employés dans toutes les analyses des conflits.

Apparition d’un conflit: L’emploi d’un outil peut conduire à une situation de conflit lorsque l’analyseest effectuée conjointement avec les parties prenantes du camp adverse. Dans ce cas, il pourraitêtre plus approprié d’utiliser les outils séparément avec chaque groupe.

Numérode l’outil

Outil Objet

1 Analyse des causes profondes Aider les parties prenantes à examiner les origines et lescauses sous-jacentes du conflit.

2 Analyse des problèmes Examiner les facteurs qui contribuent au conflit et étudier plusen détail les problèmes spécifiques qui donnent lieu à un conflitspécifique, en se concentrant sur cinq catégories de problèmes:1) problèmes d’information;2) intérêts conflictuels;3) relations difficiles;4) inégalités structurelles;5) valeurs opposées.

3 Identification et analyse desparties prenantes

Identifier et évaluer la dépendance et le pouvoir des différentesparties prenantes dans un conflit.

4 Analyse des 4R (Droits,Responsabilités, Retombéeset Relations)1

Examiner les droits, les responsabilités et les avantages(retombées) des différentes parties prenantes eu égard auxressources naturelles, en vue d’améliorer la compréhensiond’un conflit.

Examiner les relations entre différents groupes de partiesprenantes ou au sein de ces groupes.

5 Ligne de temps du conflit Aider les parties prenantes à examiner l’histoire d’un conflit età mieux comprendre la succession d’événements qui ontconduit au conflit.

6 Cartographie du conflit lié àl’utilisation des ressources

Montrer géographiquement les lieux où des conflits relatifs àl’utilisation des terres ou des ressources existent ou pourraientexister à l’avenir.

Déterminer les principaux problèmes du conflit

OUTILS D’ANALYSE DES CONFLITS

1. L’appellation 4R provient de l’anglais (Rights, Responsibilities, Returns, Relationships) - en français: Droits, responsabilités, retombées et relations.

OUTIL DE BASE 1: ANALYSE DES CAUSES PROFONDES

OBJET: Aider les parties prenantes à examiner les origines et les causes sous-jacentes du conflit.

APPLICATION: L’analyse des causes profondes permet de mettre en évidence les liens entre lesdifférents facteurs et causes qui ont déclenché le conflit. Elle aide à établir des relationsde cause à effet simples, révélatrices de la dynamique sous-jacente du conflit.

Une analyse des causes profondes peut être exécutée comme:

� un modèle mental intériorisé pour structurer la pensée des médiateurs;

� un outil de facilitation utilisé avec les parties prenantes du conflit pour les guiderdans leur propre analyse.

Une analyse des causes profondes est généralement conduite séparément avecchaque partie prenante durant:

� une consultation-navette – dans le cadre d’une analyse préliminaire du conflit(étape 3);

� la phase d’engagement des parties prenantes – les parties prenantes analysent leconflit par elles-mêmes.

L’analyse des causes profondes peut être refaite tout au long du processus d’analysedu conflit, au fur et à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles etque de nouveaux problèmes surviennent.

PRÉPARATION: Tableaux-papier à feuilles mobilesPapillons adhésifs amovibles Crayons feutre de couleurCassetteDessiner un Modèle d’arbre du conflit (pièce jointe 1a) sur le tableau-papier

POSSIBILITÉS ET CONTRAINTESUne analyse des causes profondes révèle différentes interprétations des relations decause à effet; certaines parties prenantes peuvent hésiter à révéler les problèmes cléset l’importance des différents problèmes n’est généralement pas perçue de la mêmemanière par tous. Toutefois l’analyse des causes profondes peut être trop poussée sibien que l’arbre du conflit devient trop complexe pour faciliter l’analyse. L’arbre duconflit de la Pièce jointe 1a peut illustrer ce phénomène.

RENVOI INTERNE: Sections 4.4; 5.4; et 6.

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ÉTAPES:

Effectuer une analyse des causes profondes dans le cadre d’une évaluation préliminaire du conflit(phase d’entrée):

Dans le processus d’entrée, les médiateurs contactent les différentes parties prenantes et leurdonnent une possibilité d’exposer les faits, leurs griefs et la situation telle qu’elles la perçoivent.A ce stade précoce d’instauration de la confiance, l’analyse des causes profondes ne devrait pasêtre effectuée directement avec les parties prenantes. Toutefois les médiateurs peuvent utiliserla technique consistant à poser des questions commençant par «pourquoi» pour étudier plus endétail les limites et les causes sous-jacentes du conflit.

Plus tard, lorsque les médiateurs se réuniront, ils pourront utiliser les informations obtenues auprèsdes différentes parties prenantes pour élaborer un arbre du conflit préliminaire, qui leur servira debase pour décider s’ils s’engageront ou non dans le processus de gestion du conflit. Une analysedes causes profondes est utile pour démontrer comment les causes locales d’un conflit peuventêtre liées à des problèmes sociaux, politiques et économiques beaucoup plus larges, ce qui aideraensuite à déterminer le niveau du conflit sur lequel les médiateurs doivent centrer leur attention.

Faciliter l’analyse des causes profondes des parties prenantes:

Exposez l’objet de l’activité au groupe de parties prenantes. Expliquez que cette activité les aideà comprendre comment et pourquoi le conflit est survenu et la succession des facteurs qui y ontcontribué.

Affichez le Modèle d’arbre du conflit et décrivez les étapes du processus. Expliquez qu’un conflitpeut sembler très complexe ou très bien défini, mais qu’il peut être bien plus ou bien moinscomplexe qu’il n’y paraît à première vue. Une analyse des causes profondes est doncincontournable pour gérer le conflit et prévenir son escalade. Expliquez que, si les causesprofondes d’un conflit ne sont pas bien comprises, on risque d’omettre des causes essentielles,même si l’on fait tout son possible pour le gérer et le résoudre. Le conflit risque alors d’être malgéré, et de resurgir plus tard. De même, quand on abat un arbre sans arracher ses racines,l’arbre se remet à pousser.

Répondez clairement aux éventuelles questions des participants sur le processus.

2

1

B

2

1

A

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

179

Vous pouvez effectuer l’analyse des causes profondes avec tout le groupe de parties prenantesou subdiviser le groupe en sous-groupes. Avec des sous-groupes, vous pourrez obtenir desperceptions différentes du conflit qui n’auraient pas été mentionnées autrement. Par exemple,les femmes, les jeunes et les personnes âgées peuvent avoir des points de vue complètementdifférents, les pauvres peuvent ne pas avoir la même vision que les riches, etc.

Discutez avec tous les participants de la possibilité de les diviser en sous-groupes et laissez-lesprendre la décision finale. La subdivision n’a de sens que si vous notez:

� des écarts de pouvoir marqués au sein du groupe;

� que seuls quelques participants parlent, alors que les autres semblent hésiter à exprimer cequ’ils pensent;

� qu’il peut être mal perçu que des jeunes, des pauvres ou des femmes s’expriment en public(notamment dans certaines sociétés traditionnelles).

Facilitez l’analyse des causes profondes dans l’ensemble du groupe ou dans des sous-groupes.Répartissez les tâches de médiation, de documentation et de suivi du processus entre lesmembres de l’équipe de médiation:

Le point de départ est le conflit étudié. Invitez les participants à discuter des causes profondes.Vérifiez s’il y a des réticences, dont il faudra tenir compte. Ne commencez le processus quequand tous les participants vous semblent prêts.

Ensuite, demandez aux participants de discuter des raisons pour lesquelles le conflit est survenu,ou de ses causes immédiates. Les participants inscriront chaque raison sur un papillon adhésifamovible différent, qu’ils placeront sous les titres appropriés du conflit, sur le tableau-papier. Sicertains participants sont analphabètes, employez plutôt des images pour représenter les causes.

Ensuite, les participants devraient poursuivre en se posant eux-mêmes la question «pourquoi?»à propos de chaque cause immédiate. Le groupe devrait discuter les raisons, et noter chacuned’elles sur un papillon adhésif amovible. Ces étapes seront répétées jusqu’à ce que lesparticipants soient parvenus à définir quelques causes essentielles ou profondes du conflit oudu problème à traiter. Ils peuvent déplacer les papillons adhésifs en cas de besoin.

Expliquez aux participants qu’ils ne devraient pas s’enferrer dans des discussions sur la validitéou la non validité d’un «Pourquoi?». Pour l’instant, il ne s’agit que d’une phase exploratoire etl’on pourra déterminer plus tard la véridicité ou l’importance relative de chaque «Pourquoi?».

Enfin, les participants devraient relier les papillons adhésifs par des lignes pour mettre enévidence les liens entre les causes et les effets. Rappelez-leur de vérifier leur logique enrépétant le processus de questionnement à base de «Pourquoi?» à travers tous les niveaux decauses, comme indiqué dans le paragraphe précédent.

4

3

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Si vous avez divisé le groupe principal en sous-groupes, réintégrez-les pour reconstituer legroupe global dès qu’ils auront terminé leurs analyses. Demandez à une personne de chaquesous-groupe d’afficher son graphique et de l’expliquer.

Ensuite, discutez les similitudes et les différences des analyses dans le groupe global, et laissezles participants explorer:

� les raisons pour lesquelles les divers sous-groupes ont des points de vue différents sur le conflit;

� ce que peut faire le groupe principal pour trouver un terrain d’entente dans l’analyse du conflit.

Le moment est maintenant venu d’examiner la pertinence des différentes causes et desdifférents effets, et d’évaluer l’importance des différents enchaînements de cause à effet. Faîtesune distinction entre:

� les perceptions différentes;

� les faits qui peuvent être vérifiés;

� les questions ouvertes, dont l’examen doit être approfondi.

Laissez les participants discuter pour déterminer quels sont les enchaînements les plusimportants et quelles sont les causes profondes. Ces dernières doivent être traitées en premier.

Avec les participants, discutez du fait que lorsque de multiples causes ont contribué à un conflit,il est généralement impossible de les traiter ou de les éliminer toutes en même temps. Despriorités doivent être établies. Soulignez qu’il n’y a pas de règles définies pour établir lespriorités, mais que l’identification des causes les plus significatives est un aspect important del’analyse d’un conflit. Pour les identifier, il peut être utile de classer les problèmes par ordred’importance, et de faire une distinction entre les problèmes:

� immédiats, qui exigent une action urgente;

� sous-jacents, qui compromettent de façon significative une paix durable et dont la résolutionse fait généralement sur une plus longue période.

Rappelez aux participants qu’au bout du compte ceux qui sont impliqués dans le conflit devrontétablir eux-mêmes les critères qui serviront à déterminer les domaines d’action prioritaires. Ilspeuvent décider de se concentrer sur les problèmes qui ont l’influence la plus immédiate sur leconflit aujourd’hui, ou de tolérer un certain niveau de ce qui apparaît comme un conflit localisé,pour se concentrer sur les problèmes sous-jacents du conflit.

La session de groupe sur l’analyse des causes profondes est achevée lorsque les participants:

� se sont mis d’accord sur une analyse globale des causes du conflit;

� ont identifié des lacunes d’information à explorer de façon plus approfondie;

� ont identifié les principales causes profondes qui méritent une attention particulière.

7

6

5

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

181

Pièce jointe 1a: Modèle d’arbre du conflitCe qui suit est une analyse simplifiée des causes profondes d’un conflit lié à l’exploitation d’uneforêt, dans lequel étaient opposés des propriétaires traditionnels, une compagnie forestière et leservice forestier du gouvernement. Le graphique de l’arbre du conflit a été préparé par despropriétaires traditionnels qui s’opposaient à la récolte du bois sur une terre forestière qu’ilsrevendiquaient comme faisant partie de leur domaine ancestral. Ils voulaient que l’on mette fin àl’exploitation forestière et faisaient valoir que le conflit était suscité par:

� la pollution du fleuve et la contamination de leur source d’eau;

� des dégâts à des sites d’importance culturelle;

� l’illégalité du contrat d’exploitation forestière, faisant intervenir le «mauvais groupe» depropriétaires traditionnels;

� des incitations de clans voisins à continuer à endommager la forêt.

Les propriétaires traditionnels ont identifié et noté chacun des problèmes lors d’une exploration desévénements et des facteurs contribuants. Le graphique attirait l’attention sur un certain nombred’autres parties prenantes et sous-groupes (autres que les propriétaires traditionnels, la compagnieforestière et le service forestier) qui étaient impliqués dans le conflit. Il était essentiel d’obtenir l’appuide quelques-uns de ces groupes pour résoudre le conflit.

Les causes recensées sur l’arbre du conflit reflètent le manque d’objectivité des points de vue despropriétaires traditionnels. En commentant le graphique, ceux-ci ont admis que les causes recenséesn’étaient peut-être pas toutes fondées. Cependant, le graphique fournissait un cadre pour:

� approfondir l’examen des diverses causes;

� réunir des informations supplémentaires;

� déterminer les véritables facteurs contribuant au conflit actuel.

Le graphique a aidé les parties prenantes du conflit à décider du niveau auquel elles devaient gérerle conflit, à court terme. Il identifiait un certain nombre de lieux d’action possibles pour gérer le conflitet améliorer les processus de gestion participative. Pour la communauté locale, le graphique reliaitaussi des décisions de politique plus générales aux impacts ressentis dans leur zone. Il indiquaitaussi les mesures qui pouvaient être prises pour anticiper et résoudre d’éventuels conflits futurs.

182

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Conflit:une communauté

indigène (CI) prenddes mesures pour mettre

fin aux opérationsd’exploitation sur une

terre forestière

Directivesd’exploitation duservice forestierinadéquates pour

protéger la base deressources

Les opérateurs de la compagnie enfreignent les règles ducontrat de concession

Directives du serviceforestier pas conçues

pour protéger les intérêtset les droits d’utilisation

des ressources despropriétaires traditionnels

Le clan voisin ignore lesprincipes d’une bonne

gestion forestière

Vulgarisationinsuffisante en matièrede gestion forestière

Manque d’accèsà une ONG de

conservation desforêts

Un clan voisin n’a pasde règles coutumièrespour la gestion du bois

Éducation communautaire non assurée par leservice forestier

La récolte du bois estune utilisation non

traditionnelle de la forêt

Financementinsuffisant dugouvernement

Peu d’intérêt ou faiblepriorité de la part des

fonctionnaires duservice forestier

Les opérateursde la compagnie

forestière neconnaissent pasl’existence dessites spirituels

Les sites ne sontpas indiquéssur le plan

d’exploitationforestière

Un clan local n’a pasinformé le service forestier

des sites culturels

Un clan local n’a pascompris pourquoicette information

devait être

Défaut de consultationde la part des

responsables duservice forestier

Peu d’intérêt ou faiblepriorité de la part des

fonctionnaires duservice forestier

Formationinadéquate des

fonctionnaires duservice forestier

Le contrat de concession a été signépar des propriétaires et desutilisateurs traditionnels des

ressources qui ne sont pas les bons

L’autorité locale a malinformé le service desforêts sur les véritables

«propriétaires» etutilisateurs traditionnels

des ressources

Faible niveau departicipation et de

consultation avec lesutilisateurs de la forêt

avant de définirl’accord d’exploitation.

Procéduresinadéquates pour le

contrôle despropriétaires et des

utilisateurs desressources

Exigences insuffisantes duservice forestier quant auprocessus de consultation

avec les propriétaires et lesutilisateurs traditionnels

des ressources

Autorité localecomposée dejeunes locaux

n’ayant aucuneformation en droit

coutumier

Signatairesencouragés par la

compagnie forestièreà ne pas consulter

les autres utilisateursdes ressources

Compagnieforestière

désireuse deconclure le contrat

rapidement etsans heurts

Jeunes locauxformés en dehors dela région et auxquelsles personnes âgées

n’ont jamaistransmis leursconnaissancestraditionnelles

Supervision inadéquate desopérateurs de la compagnie

par le service forestier

Les opérateurs de lacompagnie ne se

préoccupent pas de ladégradation des ressources

Le service forestiern’a pas accès aux

informationstechniques

Pas de volontépolitique de mettreen application les

directives duservice forestier

Le service forestiermanque de

personnel qualifié

La compagnieforestière est peu

motivée pour formerses opérateurs

Aucuneprescription dela compagnie

forestière

Personnel nonformé pour mettreen application les

directives

Manque defonds pour payer

les salaires etles opérations

Financementinsuffisant dugouvernement

Réduction desdépenses du

gouvernement

Financementinsuffisant dugouvernement

Dégradationde sites culturels

importants

Contestationde la légalité du

contrat de concessionforestièreCI déplorant la

pollution du fleuve etd’une source d’eau

Insuffisance desredevancesforestières

réinjectées dansla gestion du

service forestierInsuffisance des redevances

forestières réinjectées dans la gestiondu service forestier

L’autoritélocale a une

connaissanceinsuffisante du

droitcoutumier

Nouvelledégradation de

la forêt due à l’abattaged’arbres supplémentaires,

à la demande d’unclan voisin

La compagnie n’a pas decode d’usages ou de

formation sur lesimpacts

environnementaux

OUTIL DE BASE 2: ANALYSE DES PROBLÈMES

OBJET: Permettre aux parties d’identifier les types de problèmes qui contribuent à un conflitet d’étudier les moyens les plus efficaces de les résoudre.

APPLICATION: L’analyse des problèmes complète celle des causes profondes en fournissant undeuxième niveau d’analyse. L’outil aide à identifier et énumérer les problèmesfondamentaux qui contribuent à un conflit et débouche sur l’établissement d’une listeque les médiateurs peuvent utiliser comme aide-mémoire pour étudier cinq catégoriesdifférentes de problèmes (Pièces jointes 2a et 2b).

L’analyse des problèmes est un outil essentiel dans le processus d’entrée, enparticulier durant la consultation-navette. Il aide à explorer les limites et les élémentsclés du conflit, en vue de les trier et de les replacer dans leur contexte.

L’analyse des problèmes doit de préférence être utilisée comme un modèle mentalinterne pour les médiateurs, en particulier durant le processus d’entrée et laconsultation des parties prenantes, où le médiateur a besoin de se représenter plusclairement le conflit. Cet outil ne devrait pas être employé pour faciliter desdiscussions de groupe, car la différenciation des problèmes en catégories pourrait leurconfondre les idées.

PRÉPARATION: Tableaux-papier à feuilles mobilesFeutres de couleurPréparer des tableaux-papier à partir des Différents types de problèmes quiconduisent au conflit (Pièce jointe 2a) et du Modèle de Tableau d’analyse desproblèmes (Pièce jointe 2b).

POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES: Dans les conflits réels, il peut être difficile de faire une distinction claire entre lesdifférentes catégories et il faut faire preuve de pragmatisme lorsque l’on trie lesproblèmes. Dans le même temps, la division en catégories peut contribuer à fairenaître des idées sur d’autres questions utiles à poser et d’autres problèmes à explorer.

RENVOI INTERNE: Sections 4.4; et 5.4.

184

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

ÉTAPES:

Effectuer une analyse des problèmes dans le cadre d’une évaluation préliminaire du conflit (phase d’entrée):

Dans l’analyse «interne» du conflit, faite par l’équipe de médiation, chaque participant est censéidentifier les problèmes qui, selon lui, sont au cœur du conflit. Distribuez des fichesd’identification ou des papillons adhésifs amovibles à tous les participants pour qu’ils puissentenregistrer chaque problème sur une fiche ou un papillon séparé. Demandez aux participantsde décrire brièvement le conflit et de lire à voix haute les problèmes. Au fur et à mesure qu’ilsles lisent, demandez-leur de placer les fiches ou les papillons sur le tableau-papier. Une fois quetous les problèmes ont été présentés, classez les fiches par groupes de problèmes de mêmenature (en vous basant sur les cinq catégories de problèmes de base), à savoir:

� problèmes d’information;

� intérêts conflictuels;

� relations difficiles;

� inégalités structurelles;

� valeurs opposées.

Identifiez ce qui a engendré le problème:

� une différence perçue ou réelle, ou des points de vue opposés;

� une menace perçue ou réelle;

� une lacune - absence ou insuffisance d’informations, de règles importantes, etc.

En réalité, ces catégories de problèmes peuvent se confondre et l’on préviendra les participantsqu’ils ne doivent pas s’inquiéter s’il n’y a pas de catégorie parfaitement appropriée. Lescatégories sont en réalité des outils servant à faciliter une réflexion plus systématique surchacun des facteurs contribuant au conflit.

L’équipe devrait aussi déterminer les problèmes les plus significatifs et les marquer d’unastérisque (*). Elle devrait également noter les problèmes les plus immédiats et ceux qui exigentune action à long terme.

L’équipe s’accordera ensuite quelques minutes pour réfléchir à l’analyse et examiner ce quipourrait être fait pour régler le conflit. Elle discutera ensuite des mesures qu’elle peut prendrepour faciliter la résolution du conflit.

Faciliter l’analyse des problèmes des parties prenantes:

L’analyse des problèmes se fait de préférence par petits groupes, en vue d’acquérir desinformations sur la vaste gamme de points de vue que peuvent avoir les différentes partiesprenantes sur les origines du conflit.

2

1

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

185

Il peut être utile de séparer un conflit en ses différents problèmes, puis d’identifier la catégorie àlaquelle appartient chaque problème, ainsi que les causes qui l’ont engendré (différences,menaces ou lacunes) pour élaborer une stratégie de gestion du conflit.

Lorsqu’ils s’entretiennent avec les parties prenantes, les médiateurs devraient les laisserexposer elles-mêmes les faits et exprimer leurs émotions, en intervenant le moins possible. Ilspeuvent cependant poser des questions commençant par «pourquoi», le cas échéant. Ilspeuvent se guider sur la liste des cinq problèmes de base pour poser des questions plusspécifiques durant la consultation des parties prenantes ou plus tard, durant la phase de leurengagement (étape 4).

Un membre de l’équipe de médiation devrait prendre des notes, sous réserve du consentementde celui qui parle. Ces notes pourront ensuite être utilisées durant l’analyse préliminaire duconflit. L’analyse des problèmes doit être mise à jour par l’équipe de médiation dès que denouvelles informations surviennent et pendant toute la durée du processus de gestion du conflit.Elle se constituera ainsi un stock d’informations générales précieuses.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

187

Pièce jointe 2a: Les différents types de problèmesqui conduisent à un conflit

Type deproblème

Éléments Points à se rappeler dans la gestionde ces conflits

Intérêtsopposés

� Besoins et souhaits différents; partagedes avantages et utilisation desressources� Concurrence réelle ou perçue des

intérêts� Absence perçue ou réelle d’intérêts

communs

� Identifier des intérêts communs� Les besoins sous-jacents peuvent

souvent être satisfaits par plus d’optionsqu’il n’y paraît au premier abord� Clarifier si les intérêts sont réels ou

perçus

Problèmesd’information

� Manque d’informations ou interprétationsdifférentes de l’information� Utilisation de méthodes différentes pour

évaluer ou interpréter l’information� Communication insuffisante (écoute ou

expression orale) ou défectueuse entreles parties opposées.

� S’entendre sur les besoins eninformations� S’entendre sur la manière d’obtenir et

de vérifier l’information� S’entendre sur les critères d’évaluation

ou d’interprétation de l’information� Une tierce partie peut améliorer la

communication� Encourager la transparence dans la

prise de décision

Relationsdifficiles

� Personnalité et émotions différentes,mais aussi idées fausses, stéréotypeset préjugés� Comportements incompatibles

(habitudes, méthodes, styles);différences dans les attentes, lesattitudes et les approches de résolutiondes problèmes� Histoire du conflit et sentiments

négatifs entre les parties

� Identifier les difficultés spécifiques,encourager les parties à éviter lesgénéralisations lorsqu’elles s’exposentmutuellement leurs problèmes.� Chercher à bâtir des perceptions et des

solutions positives� Mettre en avant des règles

fondamentales équitables que devrontsuivre toutes les parties� Tenter d’établir ou de renouer des

relations, en encourageant les parties àfaire preuve d’attention et de bonnevolonté

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Problèmesstructurels

� Idées différentes concernant lesprocessus de gestion, les règles, lesrôles et les pouvoirs appropriés. Peuts’appliquer aux organisations ou auxcomités des réunions� Inégalité ou injustice perçue ou réelle

au niveau du pouvoir, du contrôle, de lapropriété ou des structures influençantl’accès aux ressources ou leursdistributions� Facteurs entravant la coopération tels

que structures et responsabilitésdécisionnelles, contraintes de temps,contextes géographiques ou physiques

� Aider les groupes privés de droits àcomprendre leurs propres perceptionsdu conflit et celles des autres parties� S’accorder sur une vision commune

de griefs spécifiques - ex: trop debureaucratie, représentation insuffisante� Chercher à transformer le conflit en un

moteur de changement social pourgarantir des solutions durables à longterme

Valeursopposées

� Différences entre des croyancesculturelles, sociales ou personnelles ouvisions du monde et traditionsdifférentes � Objectifs, aspirations ou hypothèses

différents reflétant l’histoire etl’éducation personnelles

� Souvent les plus difficiles à changer� Certaines valeurs humaines différentes

ne sont pas négociables� Se concentrer sur des intérêts ou des

objectifs communs, plutôt que sur larésolution de valeurs différentes� Nécessite une stratégie à long terme

pour bâtir des relations de respect etfavoriser le partage et la compréhensiondes valeurs entre les parties prenantes

Adapté de: Moore, C. 1996. The mediation process: practical strategies for resolving conflict. Second edition, San Francisco, Californie, États-

Unis, Jossey-Bass; Warner, M. 2001. Complex problems, negotiated solutions: tools to reduce conflict in community development. London,

ITDG Publishing.

Pièce jointe 2a • (fin)

Pièce jointe 2b: Modèle de tableau d’analyse des problèmes

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

189

Type deproblème

Description du problème Analyse des problèmes

Intérêtsopposés

Les femmes ont besoin de récolter desmatériaux et des plantes médicinalesdans la forêt*Le groupe communautaire d’utilisateursde la forêt (GCUF) veut mettre un terme àla contrebande des animaux sauvages

� Différence perçue dans les intérêts enrapport avec l’utilisation de la forêt(animaux sauvages/soutien des moyensd’existence locaux)*� Menace perçue de restriction de

l’accès aux ressources requises, par leGCUF et l’Office forestier*

Problèmesd’information

Les villageois n’ont pas accès àl’information sur la restriction envisagée

Les chasseurs contestent le fait quel’oiseau soit en danger

� Le GCUF n’a pas fourni d’informationsau village sur la restriction envisagée� La validité de l’information doit être

confirmée

Relationsdifficiles

Mauvaises relations antérieures entre leprésident du GCUF et les villageois

� On soupçonne que le président duGCUF d’un autre village soit de partipris pour l’Office forestier, au détrimentdes intérêts de ce village (enreprésailles d’une querelle passée)

Problèmesstructurels

Consultation avec les villageois à proposde l’utilisation de la forêt

� L’Office forestier et le GCUF n’ontconsulté ni les femmes ni les chasseursavant de proposer la restriction

Valeursopposées

L’importance des plumes de l’oiseau localdans les cérémonies traditionnelles

� Les fonctionnaires forestiersn’apprécient pas à sa juste valeurl’importance des plumes d’oiseaudans les cérémonies pour déterminerles relations au sein des villages

Actions proposées à l’issue de l’analyse du conflit:� Vérifier les détails de la proposition avec les fonctionnaires forestiers et le GCUF.� Les fonctionnaires forestiers fourniront des informations, en les expliquant, sur les oiseaux et leur importance

dans la zone.� Les femmes négocieront le principal domaine d’intérêt: garantir l’accès aux matériaux et aux plantes

médicinales des forêts dont elles ont besoin.� Les fonctionnaires forestiers recevront une formation sur la valeur traditionnelle des plumes d’oiseaux.� Autres actions à long terme: changer le processus de consultation et rendre le président plus responsable

devant tous les membres du GCUF; rencontre du représentant du village avec le président.

Information sur l’exemple: Une communauté villageoise locale a entendu dire que l’Office forestier dedistrict et le GCUF avaient décidé de restreindre l’accès à une zone de forêt afin de protéger uneespèce d’oiseau en danger. Les forestiers de district ont convaincu le GCUF que la limitation del’accès était nécessaire pour préserver l’un des rares habitats de nidification restants de cet oiseauet mettre un terme au braconnage. Les chasseurs du village contestaient le fait que l’oiseau était endanger car ils en voyaient encore beaucoup dans la forêt. Les femmes du village étaient en colèrecar la fermeture envisagée frappait une zone importante pour la récolte de matériaux pour laconstruction des maisons et de plantes médicinales traditionnelles.Tous les villageois craignaient dene plus pouvoir récolter de plumes de l’oiseau local pour leurs cérémonies traditionnelles. Pour lesfemmes comme pour les chasseurs du village, l’objectif central du conflit était d’obtenir un accèspermanent; en revanche, pour l’Office forestier il s’agissait d’un conflit d’utilisation non durable desressources dans la région.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

OUTIL DE BASE 3: IDENTIFICATION ET ANALYSE DES PARTIESPRENANTES

OBJET: Identifier et évaluer la dépendance et le pouvoir des différentes parties prenantesdans un conflit.

APPLICATION: L’outil d’identification et d’analyse des parties prenantes aide à identifier les partiesprenantes impliquées ou affectées par le conflit, le pouvoir dont elles disposent etleurs relations mutuelles.

Une analyse des parties prenantes peut être utilisée comme:

� un modèle mental interne pour structurer la pensée des médiateurs;

� un outil de facilitation utilisé avec les parties prenantes pour les guider dans leurpropre analyse.

L’analyse est effectuée séparément avec chaque partie prenante du conflit pendant:

� la consultation-navette – analyse préliminaire du conflit (étape 3);

� la phase d’engagement des parties prenantes – où les parties prenantes analysentelles-mêmes le conflit (étape 4).

L’analyse des parties prenantes peut être refaite tout au long du processus d’analysedu conflit, au fur et à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles etque de nouveaux problèmes surviennent.

PRÉPARATION: Tableau-papier à feuilles mobilesCrayons de couleurPapier de couleur pour affichesBâtons de colle

POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES:L’analyse de l’implication des différentes parties prenantes et de leur pouvoir relatif estune opération délicate qui requiert une discussion de groupe assistée par unmédiateur compétent. En outre, il est important de rechercher des parties prenantessecondaires qui peuvent avoir une influence même si elles ne sont pas directementimpliquées dans le conflit en question.

RENVOI INTERNE: Section 5.5.

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

191

ÉTAPES

Expliquez l’objet de l’activité et la signification du terme «parties prenantes», qui désigne toutesles personnes ou les organisations qui ont un enjeu dans le conflit, à savoir celles qui sontdirectement impliquées dans le conflit, celles qui sont affectées par le conflit, et celles quiinfluencent (ou peuvent influencer) la dynamique du conflit.

Expliquez brièvement le modèle de schéma des parties prenantes (Pièce jointe 3a) sur un tableau-papier, ou dessinez-le à même le sol. Décrivez un exemple de conflit simple, en expliquant commentle schéma représente les différentes parties prenantes, leurs intérêts et leur pouvoir relatif.

Demandez aux participants s’ils trouvent cette analyse utile et s’ils sont disposés à conduire unexercice de ce genre.

Demandez aux participants d’identifier toutes les parties prenantes du conflit et d’en faire la liste.

Invitez les participants à dessiner des cercles sur le sol ou à les découper dans du papier pourreprésenter les groupes de parties prenantes (en indiquant leur nom dans les cercles). La taillede chaque cercle reflètera l’intérêt ou l’enjeu relatif du groupe de parties prenantes qu’ilreprésente. Pour déterminer cet enjeu, on se demandera à quel point le groupe de partiesprenantes est affecté par le problème ou par son résultat. Ainsi, un grand cercle indique que legroupe de parties prenantes est fortement affecté par le problème et sera grandement affectépar le résultat. Un petit cercle représente un groupe de parties prenantes moins affecté.

Laissez les participants disposer les cercles autour du conflit, au centre du schéma. La distancepar rapport au centre et par rapport aux cercles des parties prenantes reflètera la proximitérelative (non géographique) des parties prenantes les unes par rapport aux autres et par rapportau conflit. Demandez aux participants les moins actifs s’ils approuvent l’emplacement desdifférents cercles et animez une discussion pour mettre tous les participants d’accord sur cepoint. S’ils ont du mal à s’entendre, vous pouvez envisager de constituer des sous-groupes.

Une fois qu’ils sont satisfaits de leurs cercles reflétant les intérêts des parties prenantes, lesparticipants discuteront du pouvoir relatif dont dispose chaque groupe de parties prenantes pourinfluencer les résultats du conflit.

Choisissez un triangle qui représente l’influence relative de chaque groupe de parties prenantes (plusle triangle est grand, plus le groupe a de pouvoir pour influencer l’issue d’un conflit). Placez le trianglepar-dessus le cercle correspondant (en le décalant un peu pour que l’on puisse voir les deux).

Une fois que les participants seront satisfaits de leur schéma, amenez-les à discuter pourdéterminer quelles sont, selon eux, les «parties prenantes principales», qu’ils devront indiquer parun astérisque (*). Ce sont ces parties prenantes qui devraient intervenir dans la gestion du conflit.

À la fin de l’activité, les participants devraient avoir illustré sur une feuille mobile du tableau-papier le conflit, avec des cercles et des triangles représentant les groupes de parties prenanteset leur intérêt et leur influence relatifs.

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Si les médiateurs ont constitué des sous-groupes, chacun devra avoir le temps de présenter etd’expliquer son analyse aux autres. Si les analyses des sous-groupes sont très différentes,demandez-leur pourquoi. Demandez-leur d’essayer d’accorder leurs points de vue sur les partiesprenantes impliquées, car ce sera important pour renforcer leurs positions dans la négociation.

Entamez une discussion sur les points suivants:

� Que nous dit ce schéma sur les parties prenantes, leur pouvoir et leur influence?

� Y a-t-il eu des divergences sur l’identité des parties prenantes légitimes? Que signifient cesdivergences et comment le groupe peut-il parvenir à une communauté de vues sur les partiesprenantes impliquées dans le conflit?

Note à l’intention des médiateurs:

Il n’y a pas de solution toute faite pour parvenir à une représentation équilibrée des partiesprenantes dans la gestion d’un conflit. Pour faciliter la décision, les groupes de parties prenantesdoivent définir d’un commun accord des critères pour les parties prenantes principales etsecondaires. Ces critères dépendent dans une large mesure des objectifs et des résultats que l’onsouhaite obtenir du processus de gestion du conflit. Si le but est de parvenir à une résolution justeet équitable, vous devez vous assurer que les parties prenantes principales incluent les personnesles plus touchées ou les plus tributaires de la ressource, ou celles qui seront les plus affectées parla résolution ou l’escalade du conflit. Vous devez pour cela examiner la gamme d’options dontdispose un groupe de parties prenantes dans le cas où l’un de ses intérêts ou besoins essentielsassociés à une ressource ne serait pas satisfait.

Les parties prenantes qui ont un lien avec le conflit, mais qui l’influencent moins directement sontdes parties prenantes secondaires. Elles peuvent jouer des rôles clés dans les stratégies derésolution; si elles sont capables de se montrer objectives, elles peuvent notamment faire office detierce partie ou d’intermédiaire, ou encore soutenir une partie plus faible dans un rôle de plaidoyer,en incitant l’arène politique à une plus grande équité. Pour garantir l’efficacité de la collaboration etde la gestion, il convient d’inclure les parties prenantes qui ont du pouvoir, de l’autorité et uneinfluence sur la durabilité de la ressource. Si l’on ne fait pas intervenir dès le départ les groupespuissants, ils risquent de rejeter les solutions ou de refuser d’appuyer la mise en œuvre de l’accord.

Adapté de: Larson, P. & Stevenson, D. 1995. Participatory monitoring and evaluation: a practical guide for successful ICDPs.Washington DC, WWF; Worah, S., Svendsen, S. & Ongleo, C. 1999. Integrated conservation and development: a trainer’smanual. Godalming, UK, WWF UK.

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A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

193

Pièce jointe 3: Modèle de schéma des parties prenantesLe conflit opposait les utilisateurs forestiers d’un village (village A), le personnel d’une institutionforestière gouvernementale et les membres d’une ONG de conservation. Il était centré sur un projetd’interdiction de l’exploitation du rotin dans une réserve forestière. Les deux organisations estimaientque l’exploitation du rotin par le village A appauvrissait la biodiversité de la réserve. La figure illustrele point de vue des membres du village A sur les parties prenantes de ce conflit. Elle montrecomment les villageois définissaient les différentes parties prenantes, le degré auquel ils estimaientque ces parties prenantes étaient affectées par le résultat de la décision de gestion et le pouvoirrelatif dont eux-mêmes disposaient pour influencer cette décision.

Les femmes du village A qui s’occupent traditionnellement de la récolte, de la transformation et dela vente du rotin, étaient considérées comme les plus affectées par la décision envisagée, maisc’étaient elles qui contribuaient le moins aux processus de prise de décision. Le chef et les autreshommes du village A se sentaient lésés par l’interdiction frappant le rotin car ils prévoyaient unediminution de leur revenu familial total. Ils étaient considérés comme plus puissants que les femmescar ils avaient participé à quelques réunions de consultation organisées par l’institution forestière. Ilsredoutaient l’impact de cette décision sur les enfants du village car leurs frais de scolarité étaientprincipalement payés par les revenus de la vente d’objets d’artisanat en rotin.

De l’autre côté, les hommes d’un village voisin (village B) ne récoltaient pas et n’utilisaient pas lerotin, mais ils étaient perçus comme ayant plus d’influence que quiconque dans le village A. Leshabitants du village A accusaient les hommes du village B de fournir à l’institution forestière et àl’ONG de conservation des informations inexactes sur la récolte du rotin afin de mobiliser un appuiplus important pour un autre projet générateur de revenu. L’ONG de conservation, qui donnait desconseils techniques sur la gestion de la réserve et qui fournissait un appui financier à l’institutionforestière gouvernementale, était considérée comme la partie ayant le plus d’influence sur ladécision. Les habitants du village A ne comprenaient pas les préoccupations de l’ONG en matièrede biodiversité, et ils ne voyaient pas comment une organisation constituée de personnes vivant loinpouvait être grandement affectée par le problème du rotin.

Sur le schéma, la taille du cercle d’un groupe de parties prenantes et sa proximité par rapport auproblème reflètent le degré auquel ledit groupe est censé être affecté par le résultat du conflit. Lataille du triangle d’un groupe indique le pouvoir relatif de ce groupe sur la décision de gestion finale.La proximité des parties prenantes les unes par rapport aux autres reflète les relations et lesalliances entre les groupes.

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A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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HOMMES DUVILLAGE A

ENFANTS DUVILLAGE A

FEMMES DUVILLAGE A

HOMMES DUVILLAGE B

INSTITUTION FORESTIÈREGOUVERNEMENTALE

ORGANISATIONINTERNATIONALE DECONSERVATION

PROBLÈMECENTRAL DU CONFLIT:

EXPLOITATION DU ROTIN ÀL’INTÉRIEUR D’UNE ZONE

PROTÉGÉE

POINTS DE VUE DIFFÉRENTS: PARTIES-PRENANTES AFFECTÉES ET POUVOIR DES PARTIES PRENANTES

OUTIL DE BASE 4: ANALYSE DES 4R – DROITS,RESPONSABILITÉS, RETOMBÉES ET RELATIONS DES PARTIES PRENANTES

OBJET: Examiner les droits, les responsabilités et les avantages (retombées) des différentesparties prenantes en rapport avec l’utilisation des ressources naturelles, en vued’améliorer la compréhension d’un conflit.

Examiner les relations entre (ou au sein des) différents groupes de parties prenantes.

APPLICATION: Le dernier R (relations) est utile pour plusieurs raisons, notamment pour:� Reconnaître les réseaux existants de parties prenantes qui ont un impact sur le conflit;� Identifier de nouvelles alliances potentielles;� Faciliter l’identification et l’évaluation d’intermédiaires potentiels;� Mieux connaître la source du pouvoir des parties prenantes.

Il est souvent crucial d’identifier les différences au niveau des droits, des responsabilités etdes avantages que tirent les parties prenantes d’une ressource pour comprendre un conflit.Les inégalités entre les parties prenantes liées à ces trois variables soulignent souvent undéséquilibre dans les rapports de force et modèlent les relations entre les groupes.

L’analyse des 4R est un outil très sensible à appliquer avec prudence. Il ne doit êtreutilisé que comme:� modèle mental interne pour le médiateur;� outil de facilitation pour aider une partie prenante spécifique (groupe) à se préparer pour

des négociations et pour égaliser les chances entre les différentes parties prenantes.

PRÉPARATION: Tableau-papier à feuilles mobiles Crayons de couleurPhotocopie du Modèle de fiche du contexte du conflit (Pièce jointe 4a)Préparer des tableaux-papier à partir des pièces suivantes:Modèle de matrice des 3R2 (pièce jointe 4b)Modèle de carte des relations des parties prenantes (Pièce jointe 4c).

POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES:Si cet outil est appliqué dans les communautés rurales, il est bon que le médiateur donnedes explications et des directives précises, car certaines catégories conceptuellesdoivent être bien comprises. Les participants peuvent trouver cette catégorisation difficile.Note: Le schéma des relations (le dernier R) et l’identification des parties prenantes(Outil de base 3) se chevauchent en partie, du point de vue de l’objet analysé.

RENVOI INTERNE: Sections 5 et 6

196

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

2. L’appellation des 3R provient de l’anglais (Rights, Responsibilities, Returns) - en français Droits, Responsabilités, Retombées.

ÉTAPES

Expliquez l’objet de l’activité et la signification du sigle des 4R (droits, responsabilités,retombées et relations). Pour que le concept soit bien clair dans votre esprit, lisez bien le modèlede la pièce jointe 4a.

Les droits, les responsabilités et les revenus sont des relations des parties prenantes avec labase de ressources:

� Les Droits sont l’accès et le contrôle des ressources, définis par la loi ou de façon informelle.

� Les Responsabilités sont les rôles et le pouvoir en matière de gestion des ressources.

� Les Retombées sont les avantages et les inconvénients (coûts) qu’une partie tire d’uneressource, en vertu de ses droits et de ses responsabilités.

En outre, les parties prenantes ont des relations entre elles qui sont indépendantes de la ressource.

Demandez aux participants de faire une liste de toutes les parties prenantes identifiées dansl’analyse des parties prenantes (Outil de base 3). Ensuite, préparez un tableau avec trois colonnessupplémentaires pour les droits, les responsabilités et les retombées. Invitez les participants àremplir le tableau pour chaque partie prenante du conflit. S’ils hésitent à le faire ou ne comprennentpas le concept, utilisez un exemple simple pour expliquer la signification des 4R dans la pratique.

Les participants construiront ensuite leurs propres matrices:

� Ils vont commencer par étudier les termes «droits», «responsabilités» et «retombées», endéfinissant et en précisant le sens qu’eux-mêmes donnent à chacun de ces termes, et comment ilssont employés en liaison avec les parties prenantes et avec la ressource forestière. Les points dedéfinition importants devraient être notés par écrit. Il peut être utile de faire remarquer que le conceptde retombées recouvre à la fois les avantages obtenus et le coût ou l’impact d’un changement.

� Encouragez les participants à passer en revue et à décrire les droits, les responsabilités etles revenus actuels et effectifs de chaque groupe de parties prenantes. Ils doivent ensuitedonner à chacun d’eux une note allant de 0 à 5 (0 correspondant à la plus basse et 5 à la plusélevée). Expliquez qu’en ce qui concerne les responsabilités, il peut y avoir une différenceentre les responsabilités légales des parties prenantes et les responsabilités qu’ellesassument dans les faits. Si c’est le cas, les descriptions devraient refléter l’obligationpolitique/légale alors que la note indiquée dans cette colonne devrait refléter la réalité.

� Soulignez que les participants doivent remplir toutes les colonnes concernant une partieprenante avant de passer à la suivante.

Entamez une discussion autour des questions suivantes:

� Qu’avez-vous appris sur le conflit en remplissant la matrice des 3R?

� Soulignez les différences entre les parties prenantes, au niveau des droits, desresponsabilités et des retombées liés aux ressources naturelles. En quoi ces différencesaffectent-elles le degré de pouvoir ou d’influence des parties prenantes dans le conflit?

� Comment faudrait-il modifier ces différents facteurs pour réduire le conflit?

4

3

2

1

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

197

198

À la fin de la discussion, introduisez le deuxième stade de l’analyse, centré sur les relationsentre les parties prenantes:

� Sur un tableau-papier ou à même le sol, demandez aux participants de dessiner des cerclespour représenter les groupes de parties prenantes clés énumérés dans la matrice des 3R(comme dans les activités précédentes d’identification des parties prenantes, les participantspeuvent s’ils le souhaitent utiliser des cercles de tailles différentes selon le degré d’intérêt oud’influence de la partie prenante).

� Les participants peuvent s’inspirer de l’analyse des parties prenantes (Outil de base 3) pourcet exercice.

� Encouragez-les à examiner chaque relation entre les groupes de parties prenantes. Par exemple,les relations sont-elles positives et basées sur la coopération, ou négatives et conflictuelles? Lesrelations entre les groupes sont-elles seulement occasionnelles et intermittentes?

� Chaque groupe de partie prenante devrait ensuite être relié aux autres par la ligne appropriéepour décrire cette relation. Les bonnes relations sont indiquées par un trait large de couleurverte (plus le trait est large, plus la relation est forte). Si les bonnes relations sont très forteset si une alliance peut être constituée pour résoudre le conflit, le trait vert est tracé en gras.Les relations négatives sont représentées par un trait ondulé (plus il est dentelé, plus larelation entre les deux groupes est conflictuelle).

Une fois cette tâche achevée, servez-vous des points suivants pour lancer une discussion entreles participants:

� Que révèle cette activité sur les relations des parties prenantes dans le conflit? comment les4R affectent-ils les relations?

� Si ce n’est pas mentionné, faites observer que les interactions entre les parties prenantes sontbeaucoup plus complexes qu’elles n’y paraissent au premier abord. Discutez le rôle des«histoires communes» (antécédents communs) et de leur incidence sur les relations dans leconflit. Rappelez aussi aux participants que les relations entre les parties prenantes sontdynamiques et évoluent au cours d’un conflit. Cet outil peut être employé pour examiner cetteévolution (dans le cadre du suivi d’un conflit existant, ou en évaluant l’impact d’un conflit passé).

� Encouragez les participants à identifier des alliances potentielles pour renforcer leurs proprespositions.

� L’analyse indique-t-elle qui pourrait remplir le rôle du tiers de confiance pour faciliter leprocessus de gestion d’un conflit?

Adapté de:Dubois, O. 1999. Assessing local resilience and getting roles right in collaborative forest management: some current examplesand a potential tool, with special references to Sub-Saharan Africa. In FAO. Pluralism and sustainable development,proceedings from an international workshop, 9-12 December 1997, Rome, FAO; Charles, T. & Percy, F. (sous presse). Still avaluable tool: using the 4Rs to work out management and benefit sharing at Bimbla Bondadikombo Forest, Cameroun; Worah,S.; Svendsen, S. & Ongleo, C. 1999. Integrated conservation and development: a trainer’s manual. Godalming, UK, WWF UK.

6

5

L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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Pièce jointe 4a: Modèle de fiche du contexte du conflitDans cet exemple, une compagnie forestière étrangère a contacté l’institution forestière nationale envue d’obtenir une concession de sept ans pour exploiter 50 000 hectares de forêt traditionnellementoccupés et utilisés par des communautés autochtones. Cette proposition a déclenché un conflitentre les communautés locales, le gouvernement et les intérêts commerciaux.

Aux termes de la législation en vigueur dans le pays, toutes les terres forestières appartiennent àl’État et l’institution forestière nationale est juridiquement responsable de leur administration et deleur gestion. Cependant, avant la colonisation, la plupart des zones forestières du pays étaientoccupées par des tribus indigènes qui les détenaient en vertu de la coutume. Cette tenurecoutumière n’a jamais été officiellement reconnue par l’État, même après l’indépendance. Les droitsde jouissance et l’autorité de gestion sur les forêts sont depuis toujours une question litigieuse.

La concession proposée se trouve dans une région reculée du pays qui est mal desservie et dépourvued’infrastructures. Le gouvernement n’a ni l’argent ni le personnel nécessaire pour gérer la forêt danscette zone qui est de plus en plus utilisée par des réfugiés d’un pays voisin qui ont franchi illégalementla frontière. Afin de mieux contrôler l’utilisation de la forêt, le gouvernement a lancé un programme degestion participative de la forêt avec l’assistance des communautés locales. Les populationsautochtones ont des liens culturels très forts avec la forêt qui leur fournit aussi des produits essentiels àleur subsistance. Préoccupées par les dégâts des migrants qui brûlent et défrichent la forêt, cespopulations autochtones ont proposé de travailler comme gardes forestiers pour prévenir la dégradationde la forêt en en contrôlant l’accès. Elles ont aussi aidé un institut national de recherche et une ONG deconservation étrangère à effectuer un inventaire de la faune et de la flore forestières et à mettre enœuvre des mesures spéciales pour protéger les espèces végétales et animales en danger.

Le gouvernement est intéressé par la perspective d’augmenter ses recettes grâce à des redevancesd’exploitation forestière et la compagnie a accepté de construire une grande route dans la zone, cequi la rendrait plus accessible pour un développement futur et permettrait de patrouiller la frontièredu pays et de contrôler l’afflux de réfugiés.

La compagnie forestière a insisté sur le fait que, pour des raisons de sécurité, son contrat devraitinterdire l’utilisation de la forêt aux populations locales. Elle est également inquiète de l’oppositionde la communauté à son projet d’exploitation forestière. Le gouvernement a garanti à la compagnieque le programme de gestion participative en cours avait jusque là été utile pour obtenir l’assistancedes communautés et qu’il ne leur conférait aucun pouvoir de décision légal sur l’utilisation des terresforestières et n’accroissait pas leurs possibilités d’accès aux zones forestières.

Deux villages sur trois (villages A et B) se sont opposés à l’exploitation de la forêt, faisant valoir qu’ellelimiterait l’accès aux matériaux, aux aliments et aux plantes médicinales dont ils avaient besoin. Levillage A craint en outre que son cours d’eau, qui est sa seule source d’eau potable, ne soit pollué parles activités d’exploitation forestière pratiquées en amont. Ces villages ont été soutenus par une ONGde développement qui s’occupe de questions sanitaires dans la zone. Sur le plan national, cette ONGmilite en outre pour une reconnaissance accrue des droits des populations autochtones sur les forêts.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Les membres d’un troisième village (village C) sont plus favorables à l’exploitation de la forêt, carcontrairement aux deux autres villages, ils tirent l’essentiel de leurs revenus de la vente de produitssur le marché. Ils estiment qu’avec l’arrivée de la compagnie d’exploitation, ils n’auront pratiquementplus besoin de se rendre sur des marchés éloignés et pensent que l’augmentation des ventes et laréduction des coûts peuvent stimuler l’économie de leur village.

En six mois, on a noté une escalade continue du conflit. Les membres des villages A et C se sontde plus en plus laissés entraîner dans des discussions échauffées et des menaces ont même étéproférées contre le personnel de l’institution forestière. Une institution de formation nationaleayant l’expérience de la gestion des conflits forestiers a été priée d’intervenir pour assurer unemédiation. Avant de réunir les groupes, le médiateur a travaillé avec chacun d’euxindividuellement pour construire une matrice illustrant les droits et les responsabilités des partiesprenantes sur la forêt et sa gestion. Le médiateur a également enregistré les retombées quechaque groupe pensait avoir du projet d’exploitation forestière. Comme plusieurs groupesestimaient qu’ils seraient pénalisés, les médiateurs ont décidé de différencier les retombéespositives des retombées négatives, par le signe + ou -. Cette opération a été suivie d’une analysedes relations entre les parties prenantes.

Pièce jointe 4b: Modèle de matrice des 3R

Partieprenante

Droits Note Responsabilités Note Retombées Note

Institutionforestièrenationale

Supervision

Gestion

4 Administrer laconcession forestière

Garantir l’atteinte del’objectif national decoupe annuelle

Mettre en œuvre lastratégie relative à labiodiversitéconformément auxengagementsinternationaux1

3 + Redevances etrevenus del’exploitation

+ Nouvelle routedans la zone

- Appauvrissementde la biodiversitédans la stationforestière

4

Départementnational desaffairesinternationales2

Pas de droitexclusif sur lazone forestière(mais officegouvernementalpuissant)

1 Sécurité nationale

Contrôle del’immigration

3 + Amélioration del’accès à lafrontière

4

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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Partieprenante

Droits Note Responsabilités Note Retombées Note

Compagnieforestière

Bail exclusifde 7 ans sur50 000 ha deforêt

5 Construction d’uneroute3

3 + Ventes et profitsescomptés dubois

5

Village A Droitsforestierscoutumiersnon reconnus

1 Conserve son rôledans la gestionquotidienne (gestiondes feux, contrôledes entrées demigrants dans laforêt)4

5 - Perte de l’accèsaux produitsforestiersnécessaires

1

Village B Droitsforestierscoutumiersnon reconnus

1 Conserve son rôledans la gestionquotidienne (gestion des feux,contrôle des entréesde migrants dans la forêt)

5 - Perte de l’accèsaux produitsforestiersnécessaires

1

Village C Droitsforestierscoutumiersnon reconnus

1 Néant 0 + Augmentation desrevenusprovenant de lavente desproduits

3

Migrants Néant 0 Néant 0 - Perte de l’accèsaux produitsforestiersnécessaires

1

Institut derecherchenational5

Permis derecherche

3 Communiquer augouvernementl’inventaire sur labiodiversitéAider l’institutionforestière à gérer labiodiversité

3 - Inventaire arrêté,alors que la basede donnéesforestièrenationale étaitincomplète

- Affaiblissementde la protectionde la biodiversité

0

Pièce jointe 4b • (suite)

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Partieprenante

Droits Note Responsabilités Note Retombées Note

ONG deconservation

Permis derecherche

3 Communiquer augouvernementl’inventaire sur labiodiversité

Aider l’institutionforestière à gérer labiodiversité

3 - Inventaire arrêté,alors que la basede donnéesforestièrenationale étaitincomplète

- Affaiblissementde la protectionde la biodiversité

0

ONG dedéveloppement

Pas de droitexclusif sur lastationforestière(mais détientdes droits autitre duprogrammesanitaire dugouvernement)

3 Amélioration desmoyens d’existencelocaux

4 - Pressionsaccrues sur lesressourcescontribuant à lasubsistance despopulationslocales

1

Pièce jointe 4b • (fin)

Notes:1 Bien que l’institution forestière nationale ait un certain nombre de responsabilités officielles (légales) en matière de gestion forestière durable, sa note a été baissée

(en ce qui concerne les responsabilités) en raison de son inaptitude à s’acquitter de ses fonctions. L’efficacité de l’institution, pour l’ensemble de cesresponsabilités, reposait sur l’appui de divers partenariats (notamment avec les communautés, l’institut de recherche et la compagnie forestière).

2 Beaucoup de villageois pensaient au départ que tous les intérêts du gouvernement étaient représentés par l’institution forestière nationale. Or en préparant lamatrice, ils ont réalisé qu’ils devaient aussi faire intervenir le Bureau des affaires internationales, en plus de l’institution forestière nationale. Ces deuxdépartements du gouvernement ont en effet des intérêts, des pouvoirs et des stratégies tout à fait différents.

3 En discutant la matrice, il a été noté que la compagnie avait très peu de responsabilités, en termes de durabilité de la production ou de satisfaction des besoinsfuturs des populations locales. On craignait également que la construction de la route n’ouvre la zone à de nouveaux colons venant d’autres régions et ne soit pasefficace pour contrôler l’afflux de migrants.

4 L’institution forestière reconnaissait qu’elle continuerait à avoir besoin de l’aide des populations locales pour gérer la forêt.5 En discutant la matrice, les communautés villageoises locales opposées à l’exploitation forestière ont décidé d’inscrire sur la matrice le soutien de l’institut de

recherche et de l’ONG de conservation, étant donné que ces deux organismes avaient des droits officiels sur la zone et que leurs intérêts risquaient d’être menacés.

Classement des parties prenantes, selon le poids respectif des 3R

Classement Le plus de droits Le plus de responsabilités Le plus de retombées positives

1 Institution forestière Villages A et B Compagnie forestière

2 Compagnie forestière Institution forestière Institution forestière

3 Institut de recherche/ONG de conservation

Institut de recherche/ONG de conservation

Village C

Pièce jointe 4c: Modèle de carte des relations des parties prenantes

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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�������������������������������������������������

����������

�����������������������������������������������������������VILLAGE A

VILLAGE B

VILLAGE C

INSTITUTION FORESTIÈRENATIONALE

COMPAGNIE FORESTIÈRE

RELATIONS POSITIVES plus la relation est forte, plus le trait est large

CONFLIT plus le conflit est grave, plus le trait est large

LIENS INFORMELS OU INTERMITTENTS

ALLIANCES

PROBLÈME: PROJETD’EXPLOITATION

FORESTIÈRE

INSTITUT DERECHERCHE

ONG DECONSERVATION

ANALYSE DES RELATIONS D’APRÈS LA CARTEProblème: Une compagnie forestière veut exploiter une zone de forêt essentiellement utilisée par lesVillages A et B.

VILLAGE A:

Alliances avec un institut de recherche, une ONG de conservation et le village B.

Conflit important avec la compagnie forestière intentionnée à exploiter une zone de forêt.

Conflit mineur avec le village C qui soutient la proposition de la compagnie.

Bonnes relations avec l’institution forestière dans le passé.

VILLAGE B:

Alliances avec un institut de recherche, une ONG de conservation et le village A.

Forts liens de parenté avec le Village C.

Très peu d’interaction avec l’institution forestière ou la compagnie forestière.

VILLAGE C:

La compagnie promet d’acheter des produits du village C s’il soutient son projet d’exploitationforestière.

INSTITUT DE RECHERCHE/ONG DE CONSERVATION:

Bonnes relations avec l’institution forestière, grâce à un travail en commun sur une stratégie enrapport avec la biodiversité forestière.

Partenariats avec tous les villages pour la réalisation d’un inventaire forestier.

Quelques contacts avec la compagnie forestière, mais peu d’interaction jusqu’à présent.

ACTIONS POSSIBLES (pour renforcer l’influence des villages A et B)

Mettre à profit l’alliance pour faire pression sur l’institution forestière et les parties prenantesexternes.

Le village B peut servir d’intermédiaire entre les villages A et C pour renouveler et renforcer les liens.

L’institut de recherche peut exposer les préoccupations des villages A et B à l’institution forestière.

L’institut de recherche peut expliquer les préoccupations concernant les effets de l’exploitationforestière, au village C.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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OUTIL COMPLÉMENTAIRE 5: LIGNE DE TEMPS DU CONFLIT

OBJET: Aider les parties prenantes à examiner l’histoire d’un conflit et à mieux comprendre laséquence d’événements qui y ont conduit.

APPLICATION: La ligne de temps du conflit sert à clarifier sa dynamique et à décrire de façon préciseses problèmes clés. Cet outil peut en particulier être un exercice d’entraînement utilepour encourager les parties prenantes à s’exprimer et à intervenir dans le processus.Sur la base de la ligne de temps du conflit, on peut ensuite passer à une analyse descauses profondes et à une analyse des parties prenantes.

La ligne de temps du conflit aide à structurer les récits que font les parties prenantesdu conflit et à recenser ce que chaque partie a fait, quand et comment.

La ligne de temps du conflit est particulièrement utile si elle est réalisée avec lesparties prenantes du conflit, au cours de la consultation-navette et/ou del’engagement des parties prenantes. Elle montre que les médiateurs prennent ausérieux les récits des groupes de parties prenantes et aide à structurer la discussionet les flux d’information complexes.

PRÉPARATION: Tableau-papier à feuilles mobilesCrayons de couleurUne photocopie du Modèle de ligne de temps du conflit (Pièce jointe 5a) parpersonne.

POSSIBILITÉS ET CONTRAINTESLa ligne de temps aide les parties prenantes à réfléchir aux différents événements quiont déclenché le conflit et éclaire les médiateurs sur l’enchaînement des événements.

RENVOI INTERNE: Section 5.4.

ÉTAPES

La ligne de temps du conflit peut presque se passer d’explications préalables. Lorsqu’un groupede parties prenantes raconte son histoire, il peut être utile de structurer le flux d’informations. Lemédiateur peut suggérer de noter par écrit la séquence d’événements sur un tableau-papier defaçon à ce que les parties prenantes puissent vérifier si les médiateurs ont bien compris leursexposés des faits.

Sur un tableau de papier, écrire le titre du conflit. Sous ce titre, tracer deux colonnes pour lesdates et les événements. Demandez aux participants de réfléchir aux événements spécifiquesqui ont conduit à ce conflit, et de dire quand ils se sont produits. Expliquez qu’à ce stade, ils nedoivent pas s’inquiéter si les dates sont inexactes, car elles seront vérifiées ultérieurement.

Demandez à un participant de nommer un des événements – en choisissant de préférence undes premiers événements ou une des premières actions dans l’histoire du conflit. Inscrivez ladate et l’événement sur le tableau-papier.

Si certains participants sont analphabètes, utilisez des symboles sur le tableau de papier.Certains points précis doivent cependant être documentés par écrit.

Demandez aux participants de citer un autre événement et de l’inscrire. Continuez ainsi, enprécisant qu’il n’est pas nécessaire de citer les événements dans l’ordre.Vérifiez si les participantsarrivent à se rappeler de quelque chose qui se soit produit avant les premiers événementsrecensés. Les événements seront enregistrés dans l’ordre chronologique, sur la base de la date.

Laissez chaque participant apporter des idées sans poser de questions.

Examinez la ligne du temps et mettez-vous d’accord sur les événements, en vérifiant l’ordre etles dates.

En cas de désaccord sur les faits (date ou événement), évaluez si c’est important pour l’analyse.Si les participants estiment que l’information doit être confirmée, notez-le sur une feuilleséparée, comme «besoin d’information».

Lorsque les participants semblent satisfaits de la ligne du temps, demandez-leur de réfléchirquelques minutes à l’histoire du conflit.

Lancez une discussion avec les questions suivantes:

� Que vous a appris la ligne du temps sur le conflit?

� Quels ont été les événements les plus marquants dans l’escalade ou l’élargissement duconflit? Pourquoi?

� En quoi les événements ont-ils affecté les relations entre les parties?

� Pourquoi pensez-vous que les parties ont agi comme elles l’ont fait? Quels étaient leursintérêts, leurs craintes et leurs besoins sous-jacents dans ces événements?

5

4

3

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Pièce jointe 5a: Modèle de ligne de temps du conflitLes Malawa ont préparé cette ligne du temps avec l’aide d’une ONG de conservation, afin decomprendre les rivalités avec un autre clan (les U’afu).

A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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Date Événements

1975 � Le chef Malawa annonce que des villageois U’afu abattent des arbres revendiqués par les Malawa, pourconstruire des canoés (terres adjacentes au fleuve Ngala).

� Le chef Malawa et son porte-parole se rendent chez les U’afu, qui expliquent que les arbres abattus se trouvaient àl’intérieur du territoire U’afu. Le chef Malawa n’est pas d’accord et demande que les abattages cessent.

1976 � Les U’afu coupent deux autres arbres.� Les villageois Malawa confisquent trois canoés terminés, pour se dédommager des arbres volés par les U’afu.� Les U’afu mettent le feu aux huttes de jardin de trois femmes Malawa.� Des jeunes Malawa volent deux cochons aux U’afu.

1981 � Des forestiers ont une entrevue avec des U’afu pour discuter d’une concession forestière sur la frontièreorientale du fleuve Ngala et la partie du territoire chevauchant les terres Malawa. Les U’afu n’informent pasl’institution forestière du fait que les Malawa revendiquent la terre.

1982 � Les U’afu soutiennent la demande de concession de la compagnie forestière.� Les Malawa font objection à la concession lors d’une réunion sur les droits de coupe.� Les Malawa demandent conseil à un juriste pour bloquer la concession.

1985 � La compagnie forestière se retire. Les U’afu le reprochent aux Malawa.� Les U’afu coupent cinq nouveaux arbres sur la terre contestée.

1993 � Une ONG de conservation qui travaille avec les Malawa discute d’un projet d’aménagement d’un bassin versantsur le fleuve Ngala. Les Malawa n’informent pas l’ONG des intérêts des U’afu.

� Les Malawa reçoivent du projet de protection du bassin versant de l’ONG, des fonds et une assistance pourl’établissement d’un hôtel pavillonnaire pour écotouristes.

1994 � Un représentant Malawa siège au Bureau du Comité d’aménagement du fleuve Ngala.� Les U’afu abattent trois arbres sur la terre contestée.

1995 � L’ONG a une entrevue avec des villageois U’afu pour discuter du projet du fleuve Ngala.� Un U’afu met le feu à un véhicule de l’ONG. Il est arrêté et incarcéré.� Les U’afu menacent de faire d’autres dégâts si leurs droits sur cette terre ne sont pas reconnus.

1997 � Le Département des forêts et l’ONG rédigent un texte de loi sur la protection du bassin versant du fleuve Ngala.� Les U’afu boycottent une réunion publique visant à discuter cette loi.

1998 � Les U’afu décident d’autoriser les villageois Senta à utiliser le fleuve Baenia pour leur production de palmiers à huile.� La loi sur la protection du bassin versant du Ngala est bloquée par un membre du Parlement Senta.

CONFLIT: PROTECTION DU BASSIN VERSANT DU FLEUVE NGALA

Note: les noms des clans et les lieux sont fictifs, par respect pour la vie privée des personnes et descommunautés concernées.

OUTIL COMPLÉMENTAIRE 6: CARTOGRAPHIE DES CONFLITS LIÉSÀ L’UTILISATION DES RESSOURCES

OBJET: Montrer géographiquement les lieux où des conflits liés à l’utilisation des terres ou desressources existent ou pourraient survenir.

Déterminer les principaux problèmes contestés.

APPLICATION: La cartographie est toujours utile pour comprendre la dimension spatiale et les limitesgéographiques des conflits liés aux ressources. Il est bon d’associer les groupes departies prenantes au processus, en structurant la discussion sur les questionslitigieuses et en leur donnant un rôle plus actif dans le processus d’analyse.

La carte du conflit est surtout utile si elle est faite avec les parties prenantes durant laphase de leur engagement (Étape 4). Les médiateurs devraient laisser les membresdu groupe de parties prenantes dessiner eux-mêmes la carte et se contenter destimuler le processus en posant des questions.

L’exercice de cartographie peut être effectué avec un seul groupe de partiesprenantes ou, plus avant dans le processus de gestion du conflit, avec toutes lesparties prenantes principales. Dans ce dernier cas, l’établissement d’une carte duconflit peut aider les différentes parties prenantes à mieux se représenter les limitesspatiales du conflit pour préparer l’évaluation des options.

PRÉPARATION: Tableau-papier

Crayons de couleur

On peut dessiner les cartes à même le sol pour pouvoir les corriger et les modifierplus facilement. La carte finale sera ensuite reportée sur du papier.

POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES:Il peut être essentiel de dessiner des cartes avec les parties prenantes pour stimulerla discussion et faire naître de nouvelles idées sur la meilleure manière de résoudrele conflit. Les cartes peuvent aider à clarifier les problèmes du conflit.

Cependant, un exercice de cartographie peut aussi créer des tensions, quand lesparties ne sont pas d’accord, surtout si les cartes sont établies en présence de toutesles parties prenantes.

RENVOI INTERNE: Sections 4; 5; et 6.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

ÉTAPES:

Expliquez l’objet de cette activité aux participants, en soulignant l’utilité de la cartographie pourexplorer les utilisations des ressources et les valeurs que leur attachent les différentes partiesprenantes, et pour identifier des conflits existants ou latents.

Demandez aux participants de commencer par esquisser une carte sommaire de la zone surlaquelle est centrée le conflit. Cette carte montrera les principales caractéristiques du paysageet les limites des modes pertinents d’utilisation des terres.

Ensuite, demandez-leur de marquer les sites dont les différentes parties prenantes utilisent ou seproposent d’utiliser les ressources. Les utilisations des ressources sont variées: récolte de denréesou de matériaux, délimitation des zones protégées, exploitation commerciale du bois, rites religieuxou culturels sacrés, nidification des espèces en danger et modification des limites d’utilisation.

Quand les participants se sont assurés que toutes les informations pertinentes ont étémarquées sur la carte, demandez-leur d’identifier les endroits où les utilisations des terres oudes ressources sont contestées. Il peut s’agir de conflits entre des utilisations existantes, entredes utilisations existantes et proposées ou entre des utilisations proposées.

Enregistrez les zones de conflit spécifiques, soit en les mettant en évidence sur la carte soit enfaisant une liste des points litigieux spécifiques.

Examinez chaque zone de conflit. Ouvrez une discussion avec les questions suivantes:

� Quels sont les principaux sites de conflit?

� Quels sont les sites d’importance secondaire?

� Quelles seraient les conséquences ou les effets que subiraient les différents groupes de partiesprenantes si l’on mettait un terme ou si l’on modifiait leurs utilisations existantes ou proposées?

� Quelles sont les solutions de rechange ou les autres options d’utilisation des terres ou desressources qui sont suggérées par les informations figurant sur la carte?

Note: On a le choix entre plusieurs méthodes pour établir la carte. On peut la dessiner directementsur le tableau-papier avec des feutres de couleur, ou alors, ce qui peut être plus efficace danscertaines zones rurales, demander aux participants de commencer par dessiner une carte sur unmorceau de terrain nu, si possible dans un village, en se servant de cailloux, de feuilles, de graines,de brindilles, etc. pour symboliser des caractéristiques naturelles ou humaines. Lorsque la carte estachevée, quelques participants la reportent sur le tableau de papier. L’avantage de cette approcheest qu’elle permet à un beaucoup plus grand nombre de personnes d’intervenir dans l’établissementde la carte et dans la discussion sur le conflit.

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A N N E X E IIGuide pratique pour l’analyse des conflits

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Pièce jointe 6a: Modèle de carte du conflitLa carte ci-dessous décrit des conflits relatifs à l’utilisation d’une forêt. Elle identifie trois domainesde conflit entre une zone de régénération de la forêt proposée par un comité d’aménagement dubassin versant et une zone de forêt traditionnellement utilisée par une communauté villageoiselocale. Dans le cadre de leurs discussions, les villageois locaux ont identifié leurs préoccupationsprincipales, à savoir: le manque d’accès à un site important pour la récolte du bois de feu (site 1),la présence de deux sites importants pour la récolte de bois de raclerie à l’intérieur de la zone derégénération proposée, et la récolte de matériaux pour la construction de maisons dans une zoneen amont du village, le long du fleuve. Tout en préparant la carte, les villageois ont décidé que l’unedes zones utilisées pour la récolte de bois de feu (site 3) n’était pas cruciale et ne serait pascontestée. Dans les réunions ultérieures, les villageois sont convenus de laisser se régénérer le sitede récolte de matériaux sur la rive en amont du fleuve, car ils ont compris que cela améliorerait laqualité de l’eau dans le village.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

LÉGENDE

Montagne

Fleuve

Village

12

3

Questions contestées• Site 1 pour la récolte de bois de feu• Deux sites U’afu pour le bois de raclerie• Récolte de matériaux le long du fleuve

Droits d’utilisation traditionnels Ngala

Fermeture proposée de la forêt aux fins de la régénération

Sites utilisés par les femmes Ngala pour la récolte de bois de feu

Sites utilisés par les U’afu pour la récolte de bois de raclerie

A N N E X E III

Etudes de cas

Les deux études de cas qui suivent s’adressent aux professionnels du développement, auxformateurs et aux étudiants spécialisés dans la gestion des conflits liés aux ressources naturellesqui sont à la recherche de matériel analytique basé sur des expériences réelles. Les étudesmontrent comment les médiateurs peuvent appliquer les outils de gestion des conflits dans desnégociations relatives à des conflits sur les ressources naturelles. Ces études reposent sur lesModes alternatifs de gestion des conflits (MAGC) préconisés dans ce guide.

Les deux études de cas documentent les expériences des stagiaires dans un atelier sur la gestionde conflits relatifs aux ressources naturelles au Ghana. Ces études étaient les travaux pratiquesdans lesquels ils appliquaient les connaissances théoriques qu’ils avaient acquises en cours. Lesstagiaires facilitaient, en tant que médiateurs, le processus de gestion de ces conflits tirés de la vieréelle. Les études retracent le contexte des conflits et les approches suivies par les médiateurs pourfaciliter leur résolution.

Chaque étude de cas est articulée en cinq parties:

�Problèmes clés: Quels sont les principaux problèmes qui ressortent de l’étude de cas spécifique?

�Contexte: Où se passe l’étude? Quelles sont les ressources en jeu? Qui sont les partiesprenantes?

�Histoire du conflit: Comment le conflit s’est-il manifesté?

�Processus de gestion et de résolution du conflit: Comment l’équipe de médiation aborde-t-elle lesdifférents problèmes du conflit? Quels sont les outils employés?

�Enseignements tirés: Quels sont les enseignements de ce conflit à appliquer à d’autres cas? Enquoi les outils ont-ils été utiles pour faire avancer le processus?

L’étude de cas numéro 1 montre que des problèmes de chefferie peuvent se combiner avec desproblèmes de droits d’utilisation des ressources forestières. L’étude de cas numéro 2 montre lacomplexité des systèmes d’utilisation des ressources locales et les divers effets que peut avoir ledétournement d’un cours d’eau sur les différentes parties prenantes.

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

Les études de cas visent à enseigner des techniques de gestion des conflits, reposant surune approche participative et équitable. Elles présentent aux lecteurs des descriptionsconcises du contexte, des intérêts et des problèmes, ainsi que les options dont disposentceux qui gèrent les ressources et les autres parties prenantes dans diverses situations. Laméthode des cas est un outil d’apprentissage qui stimule le lecteur par plusieurs moyens:

Par la découverte: de problèmes de conflits liés aux ressources naturelles tels qu’ils se sontmanifestés dans le cas considéré, l’identification des parties prenantes principales etsecondaires, l’étude du contexte historique, l’ analyse des causes qui se sont combinées,l’examen des rôles joués par les institutions et les marchés à l’échelon local et plus large, etl’évaluation des tentatives présentes et passées de gestion et de résolution du conflit.

Par l’exploration: des programmes d’action des parties prenantes, l’analyse des relationssociales et de pouvoir entre les parties intéressées, l’évaluation des coûts-avantages desoptions de gestion et de résolution du conflit pour chaque partie prenante, l’examen desvariables sociales qui influencent la mise en œuvre des processus de gestion et de résolutiondu conflit et l’étude des résultats, selon les points de vue des diverses parties prenantes.

Par la pratique: en aidant les lecteurs à parfaire leurs connaissances en leur fournissant desexemples tirés de la vie réelle sous une forme claire et concise, pouvant servir à aiguiser lescompétences analytiques et techniques (notamment de médiation et de négociation) par desdiscussions, des jeux de rôle et d’autres formes d’apprentissage.

Contraste et comparaison: en présentant des situations propices à une réflexion sur desquestions importantes telles que: comment et pourquoi des personnes s’engagent-elles dansdes processus de gestion et de résolution des conflits? Que se passe-t-il quand elles le font?Les enseignements tirés des cas peuvent-ils être adaptés à ceux qu’affrontera le lecteur?

Source: Castro et Nielsen, FAO, 2003.

POURQUOI DES ÉTUDES DE CAS?ENCADRÉ C

A N N E X E IIIÉtudes de cas

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ÉTUDE DE CAS 1: GESTION DE LA FORÊT COMMUNAUTAIRE DEBAWUMPILAK.S. Nketiah, V. Fumey Nassah, R. Afful et J.S. Adu

Questions servant de guide pour l’étude de cas numéro 1Cette étude de cas décrit-elle un ou plusieurs conflits?

Le conflit portait-il sur les moyens d’existence, la conservation ou le pouvoir politique? En quoi lecadrage d’un conflit influence-t-il la manière de le traiter?

Comment les différentes parties prenantes ont-elles cadré le conflit?

Selon vous, pourquoi les tentatives antérieures de résolution du conflit ont-elles échoué?

Pourquoi l’entrée des médiateurs sur la scène du conflit est-elle si importante?

Quelles techniques les médiateurs ont-ils adoptées pour organiser le processus de gestion du conflit?

Quelles techniques les médiateurs ont-ils adoptées pour faciliter les réunions?

Pourquoi certaines parties prenantes ont-elles recadré le conflit et d’autres pas?

Comment auriez-vous facilité ce processus?

Quelles sont les autres approches de gestion du conflit qui auraient pu être utilisées pourrésoudre cette affaire? Pensez-vous qu’elles auraient produit les mêmes résultats? En quoi lescoûts diffèreraient-ils?

Estimez-vous que c’est une étude de cas réussie? Dans les deux cas, justifiez votre réponse.11

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Jeu de rôle pour l’étude de cas numéro 1Sélectionnez une des réunions facilitées, choisissez des rôles appropriés (médiateur, anciens de lacommunauté, volontaires, membres de la famille royale et autres observateurs) et animez votrepropre réunion.

Après avoir sélectionné les rôles appropriés, conduisez une analyse approfondie du conflit fondée surune analyse des causes profondes, une analyse des relations, une analyse des parties prenantes,une analyse des relations à l’aide des 4R, une analyse du pouvoir, des positions et des intérêts.

Problèmes clésLa présente étude de cas décrit un conflit sur les droits d’utilisation des ressources forestières dansla région de Kumasi, au Ghana. Elle montre que de multiples revendications sur les ressources etdes querelles plus générales sur la légitimité et l’identité sont souvent imbriquées. Ici, le conflit relatifà l’utilisation des ressources coïncide avec un différend sur la chefferie, et la résolution de l’un peutfaciliter le règlement de l’autre. Le différend sur la chefferie crée déjà une tension latente dans lacommunauté, qui favorise l’escalade des conflits relatifs à l’utilisation des ressources. Le cas montreégalement que le pluralisme juridique – co-existence de régimes fonciers coutumiers et moderneset de plusieurs autorités concurrentes compétentes pour délivrer les droits – peuvent créer oufavoriser des conditions génératrices de conflit.

Le conflit est centré sur l’utilisation des ressources forestières. Une puissante famille royale a établides fermes agricoles dans la forêt communautaire, qui est en principe un bien de propriété collectiveutilisé pour la récolte des produits forestiers non ligneux (PFNL). La communauté est contrel’établissement des fermes de la famille royale à l’intérieur de la forêt, car cela réduit lesdisponibilités de PFNL. Les problèmes clés mis en relief par ce conflit sont les suivants:

� La concurrence pour l’accès aux ressources peut dégénérer dans un conflit.

� Il y a un manque d’autorité et de mise en application des règlements du fait que l’on n’a pas nomméde nouveau chef.

� En raison du conflit, les institutions de développement hésitent à s’impliquer dans des projetsreposant sur l’utilisation des ressources forestières.

� La gestion participative de la forêt communautaire exige la résolution des revendicationsconcernant les droits individuels.

� La facilitation nécessite une planification soigneuse, la maîtrise de toute une gamme detechniques et d’outils de gestion des conflits, et une grande patience.

� Il peut être difficile de parvenir à une résolution définitive de tous les problèmes, car certainesparties prenantes ont du mal à recadrer le conflit pour passer d’une négociation fondée sur lespositions à une négociation fondée sur les intérêts.

À première vue, ce conflit semble représenter un cas gagnant-perdant. La communauté veut forcerla famille royale à libérer la terre, alors que cette dernière veut protéger ses moyens d’existence etsa source de revenus, représentés par les fermes établies dans la forêt.

A N N E X E IIIÉtudes de cas

215

ContexteEnviron 16 pour cent des terres du Ghana sont gérées comme des réserves forestières ou

fauniques. Les terres restantes appartiennent à des communautés, à des particuliers et à des

institutions publiques qui les gèrent. La politique nationale de 1994 encourage la conservation et le

développement durable du patrimoine forestier et faunique du pays pour maintenir la qualité de

l’environnement et permettre à tous les segments de la société de continuer indéfiniment à en retirer

des avantages. La politique s’applique aussi bien aux domaines forestiers permanents qu’aux terres

situées en dehors des réserves; avant l’entrée en vigueur de cette politique, les fonctionnaires du

gouvernement n’avaient pas fait grand-chose pour gérer les forêts situées en dehors des réserves.

Les indigènes étaient propriétaires des terres, mais les droits de coupe étaient accordés par la

Commission foncière, qui manquait de moyens pour réglementer les forêts. En 1996, le

Département des forêts de l’époque a pris en charge la réglementation des ressources forestières

extérieures aux réserves. La Commission des forêts a établi une Unité de gestion participative des

forêts pour étudier les possibilités d’associer les communautés à la gestion des forêts, sous sa

supervision. Des programmes pilotes ont été lancés pour découvrir si les communautés avaient la

motivation et les capacités nécessaires pour préparer des plans de gestion pour leurs forêts.

Trois communautés du District d’Assin Tosa ont reçu un appui pour préparer des plans de gestion

des forêts communautaires de Bawumpila et de Balumpan qui leur appartenaient. Ces forêts étaient

les premières du pays à être gérées par des communautés et elles ont reçu le nom de Forêts

réservées1. Le Ministère des Terres et de la Foresterie et la Commission des forêts attachaient une

grande importance à ces sites pilotes. Les chefs et les anciens d’Assin Opropong géraient la

Réserve forestière communautaire de Bawumpila pour le compte de la communauté. Il s’agit d’une

«terre de clan» («stool land» en anglais) qui n’a été allouée à personne pour l’agriculture et n’a été

aliénée d’aucune manière.

Le plan de gestion de 1995 contient une déclaration sur les droits d’usage, qui dit à peu près ceci

(traduction libre): «Conformément à ce qui est stipulé dans notre droit écrit, tous les arbres et toutes

les ressources en bois existant au Ghana appartiennent au clan de propriétaires terriens approprié,

mais ils sont dévolus au Président afin que le gouvernement puisse les gérer au nom du chef de

clan ou de terres approprié. Ainsi, les arbres qui poussent naturellement dans la forêt sont confiés

à la garde du Président dans l’intérêt des populations d’Assin Opropong. Si la forêt obtient un jour

le statut de Forêt réservée, le Département des forêts devrait considérer les arbres issus de la

régénération comme des arbres plantés et par conséquent, comme la propriété exclusive de la

communauté (qui aurait donc le droit exclusif d’abattre et de vendre les arbres) ou considérer la

communauté comme une sorte de «détentrice d’un contrat d’utilisation du bois», ce qui signifie que,

moyennant le paiement d’une redevance, la communauté aurait un droit exclusif d’abattre et de

vendre les arbres» (Plan de gestion, 1995).

1. “Dedicated forest” en anglais: Il s’agit de terres réservées à un usage forestier au Ghana.

Tous les PFNL naturels sont la propriété exclusive des communautés d’Assin Opropong et ne sontdévolus en aucune manière. La communauté plante des arbres supplémentaires pour accroître laproduction de PFNL. Selon le droit coutumier, les PFNL appartiennent à toute personne qui a investison travail pour les planter, de sorte que ces PFNL plantés appartiennent à la communauté. Le chefet les anciens peuvent octroyer des permis payants pour l’exploitation commerciale des PFNL.

Histoire du conflitEn 1992, des membres de la communauté ont demandé au Directeur forestier de district de les aiderà gérer leur forêt. Des missions de terrain ont été envoyées dans la communauté et l’on a pris lespremiers contacts et commencé à étudier la situation. Une petite forêt qui avait été protégée, en tantqu’habitat ancestral des tabous et lieu de sanctions traditionnelles, était en train de disparaître. Desjeunes et des anciens voulaient la protéger et des sanctions ont été instituées, notamment uneamende d’un mouton à l’encontre de toute personne qui empièterait sur cette zone. Mais, avec letemps, ces mesures ont cessé d’être appliquées et les défrichements ont repris de plus belle.

La ville était privée de chef depuis longtemps, et un désaccord dû à l’incapacité de trancher entredeux candidats a conduit à sa division en deux factions principales. Ceux qui souhaitaient au départque la forêt soit protégée étaient membres d’une faction du différend sur la chefferie, si bien que lesmembres de l’autre faction se sont opposés à la protection. A la première réunion avec l’Unité de

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A N N E X E IIIÉtudes de cas

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gestion participative des forêts, chaque faction s’est vivement opposée à ce que disait l’autre, même

si cela ne servait à rien. Notant que le conflit pouvait ralentir l’avancement de ses travaux, l’ Unité a

décidé de rester en dehors jusqu’à ce qu’il soit résolu. Après le retrait de l’Unité, le chef de la famille

royale a organisé une réunion communautaire, où chacun a accepté de contribuer à protéger la

forêt, qui était leur domaine ancestral.

La communauté a informé le Directeur de district et un programme pilote a été mis en route avec un

appui technique et financier de l’United Kingdom’s Overseas Development Agency (actuelle Agence

britannique pour le développement international (DFID)). Plusieurs options ont été examinées pour

protéger la forêt et pour finir, la communauté a accepté de préparer un plan de gestion similaire à

ceux qu’avait établis la Commission des forêts pour les réserves forestières. Une équipe de

volontaires a été constituée. Des volontaires de la communauté et des alentours ont reçu une

formation pour effectuer des inventaires des arbres, des PFNL et des animaux, et apprendre les

techniques de cartographie. Avec l’appui de la Commission des forêts, ils ont rassemblé des

données sur les stocks d’arbres, de PFNL et d’animaux présents dans leurs forêts. Les points de

vue, les intérêts et les craintes de toutes les parties prenantes ont aussi été documentés. Ceci a

constitué la première partie du plan de gestion.

Dans la deuxième partie, les informations réunies ont été utilisées pour faciliter la conception de

programmes de gestion des forêts. Dans le cadre du programme d’amélioration, la communauté a

décidé que tous ceux qui avaient des fermes plantées en cultures vivrières à l’intérieur des zones

forestières devraient les quitter après la récolte suivante. Ceux qui avaient des plantations de cacao

pourraient les conserver pendant un temps plus long, durant lequel l’équipe de volontaires planterait

des arbres. Au bout du compte, tous les agriculteurs forestiers étaient partis, sauf les membres de

la famille Alhassa, qui font partie du royaume Opropong. Ces derniers faisaient valoir que leur oncle,

qui était le dernier chef, leur avait donné la terre. Invités à maintes reprises à discuter de la question,

ils n’ont pas répondu.

Le conflit est devenu manifeste quand:

� les cultivateurs forestiers ont arraché des essences forestières plantées;

� les plantations de cacao ont été agrandies;

� le coordonnateur de projet a été emmené au commissariat de police pour avoir harcelé les

cultivateurs forestiers;

� les cultivateurs forestiers ont menacé de tirer sur tout volontaire qui pénètrerait dans leurs fermes;

� les cultures vivrières plantées par les cultivateurs forestiers ont été récoltées par des volontaires

travaillant dans la forêt.

Il y a eu une escalade du conflit. Les cultivateurs forestiers ont déraciné les arbres que les

volontaires avaient plantés. En guise de représailles, les volontaires ont abattu les cacaoyers des

plantations. Ils ont aussi rappelé à la famille Alhassa qu’il y avait d’autres familles royales à

Opropong et que tout le monde avait accepté d’un commun accord de protéger la zone.

La famille Alhassa a maintenu qu’elle avait le droit de cultiver ces terres et que l’objectif de protectionde la forêt était en fait un prétexte de la communauté pour les isoler. Elle a fait remarquer que toutesles autres familles royales avaient des parcelles de terres à Opropong, et fait valoir que d’autresavaient repris les terres de leurs mères parce qu’ils n’étaient pas résidents de la ville. La terre estcruciale pour la famille Alhassa, car elle tire ses moyens d’existence de ses domaines agricoles.

Après la préparation du plan de gestion, il a été proposé de donner à la zone le statut de réserve defaçon à ce que la communauté puisse exercer son pouvoir de gestion. Cette initiative n’a pas encoreété officiellement approuvée, mais les membres de la communauté s’occupent de la promouvoir auxniveaux ministériel et parlementaire. Jusqu’à ce que le statut juridique de la forêt ait été déterminé,tous les arbres situés à l’intérieur de la forêt (qu’ils soient plantés ou issus de la régénérationnaturelle) peuvent être utilisés par la communauté, en consultation avec la Commission des forêts,qui donne des conseils techniques.

Une fois que le plan de gestion avait été élaboré, les anciens de la communauté ont averti lescultivateurs forestiers qui étaient encore là qu’ils devaient quitter leurs fermes. Lorsque la familleAlhassa a continué à revendiquer la terre, qui lui aurait été léguée par le chef précédent, les anciensont fait valoir que le dernier chef n’avait pas le droit de céder la terre car c’était un site sacré pourtoute la communauté.

Très énervée par l’inertie des anciens, l’équipe de volontaires a décidé de cesser de travailler dansla forêt jusqu’à ce que les anciens aient expulsé la famille Alhassa et repris leurs fermes.

Processus de gestion et de résolution du conflitTentatives antérieures de résolution du conflit: Bien que la Commission des forêts ne soit habilitéeà donner des conseils que pour les zones extérieures aux réserves, elle a encouragé les factions à serencontrer et à résoudre ce problème. Les anciens ayant échoué dans leurs efforts, l’Unité de gestionparticipative des forêts a tenté de résoudre le conflit en invitant toutes les parties prenantes à se réuniravec le Directeur forestier de district et un représentant du Directeur forestier de région. La familleAlhassa a quitté la réunion car elle estimait que toute la communauté était liguée contre elle.L’administrateur en chef du district (DCE) a aussi tenté de trouver une solution. Il a invité toutes lesparties prenantes à prendre part à des discussions mais après un certain nombre de réunions, l’affairea été abandonnée car les anciens avaient l’impression que le DCE soutenait la famille Alhassa.

Plus tard, la Commission agraire a été contactée pour s’occuper de la question. Elle a commencé àtenir des réunions avec les factions et il a été convenu qu’aucune pièce de forêt ne serait plusdéfrichée jusqu’à ce que le problème soit résolu. Mais la Commission agraire a dû laisser tomberl’affaire à mi-parcours, faute de fonds pour aller effectuer des contrôles sur les sites. Certainsmembres de la famille Alhassa assuraient unilatéralement les services d’arpentage et préparaientles plans de leurs fermes. Ils faisaient valoir que cela avait été demandé par la Commission agraireet que par conséquent toute résolution du problème devrait être basée sur les limites qu’ils avaienteux-mêmes définies (unilatéralement) en 2000.

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Mode alternatif de gestion du conflit: La situation se présentait ainsi lorsque le MAGC acommencé. L’équipe de médiation a commencé à intervenir dans l’affaire lorsqu’un membre dupersonnel de l’Unité de gestion participative des forêts a suivi une formation sur la gestion desconflits liés aux ressources naturelles. Deux autres stagiaires sont venus grossir l’équipe qui, ainsiconstituée, a commencé à se préparer pour intervenir dans le processus de gestion du conflit.

L’équipe a animé trois réunions internes durant lesquelles tous ses membres ont partagé lesinformations en leur possession sur le contexte du conflit. Les membres de l’équipe ont préparé unplan d’action (calendrier, objectifs) pour aborder le conflit et entrer dans la communauté. Ils ontsélectionné un coordonnateur communautaire de l’équipe de volontaires (un enseignant) qu’ils ontchargé de prendre toutes les dispositions nécessaires, et ont envoyé un message pour informer lacommunauté de ce qu’ils pouvaient faire pour l’aider à résoudre le conflit en tant qu’équipe demédiation. Malheureusement, des incompréhensions sont apparues lorsque le coordonnateurcommunautaire a déclaré par erreur que l’équipe était déléguée par le ministère. Ceci a compliquéles rapports de l’équipe avec la famille Alhassa, car l’équipe n’était pas considérée comme impartiale.

Premier cycle de réunions: Lorsque l’équipe est arrivée, elle s’est d’abord réunie avec les anciensde la communauté puis avec la famille Alhassa. Elle a ensuite informé l’office forestier de district duprocessus.

Durant la réunion avec les anciens de la communauté, les membres de l’équipe se sont présentéset ont expliqué pourquoi ils avaient décidé d’intervenir et d’offrir leurs services de médiation. Lesanciens semblaient ouverts aux idées de l’équipe, d’autant plus que de nombreuses tentativesantérieures de gestion du conflit avaient échoué. Toutefois, le chef de la familla Alhassa, qui était unpersonnage clé, n’assistait pas à la réunion. Les médiateurs ont expliqué aux anciens qu’ilsrencontreraient les autres parties prenantes du conflit ultérieurement.

Les médiateurs ont ensuite rencontré la famille Alhassa. Là encore, ils ont expliqué ce qui lespoussait à faciliter la négociation. La famille était sceptique sur la réussite du processus et a expliquéce qui l’opposait à la communauté. Les médiateurs ont souligné qu’ils participaient à une formationavec une ONG internationale qui garantirait un processus équitable et leur propre neutralité. Cedernier argument a convaincu la famille Alhassa.

Réunion interne: Après ces réunions, les membres de l’équipe se sont réunis pour conduire uneanalyse préliminaire du conflit et évaluer la situation. Ils ont identifié les parties prenantes principaleset leurs positions.

Deuxième cycle de réunions: Les médiateurs ont d’abord rencontré les anciens de la communautéet les volontaires et répété les objectifs de leur mission – à savoir aider à résoudre le conflit par uneapproche coopérative. Ils ont aussi souligné les avantages qu’il y avait à parvenir à un règlementnégocié du conflit. L’équipe de médiation a posé des questions commençant par «pourquoi» et«pourquoi pas» pour comprendre ce que les anciens et les volontaires pensaient de la partieadverse. Ils ont aussi eu recours à ce type de questions pour identifier les options que semblaient

A N N E X E IIIÉtudes de cas

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

privilégier les anciens et les volontaires pour résoudre le conflit. Un ancien, qui était également unvolontaire, a exposé le point de vue des volontaires sur le conflit. Interrogés sur la manière dont leconflit pourrait être résolu, la plupart des participants ont tout de suite insisté sur le fait que lescultivateurs forestiers devaient s’en aller car la terre appartenait à la communauté. Malgré les effortsdéployés par l’équipe de médiation pour trouver une gamme d’options possibles, les anciens n’enenvisageaient qu’une seule: expulser la famille Alhassa de ses fermes.

Lorsque les médiateurs ont rencontré la famille Alhassa, cette dernière a défendu avec acharnementsa position. Elle estimait que la préparation d’un registre des terres et la possession de titres foncierslégaux permettraient de résoudre le problème. Les médiateurs ont essayé de comprendre pourquoices terres étaient si importantes pour la famille et d’identifier ses besoins. Cet examen a révélé quele conflit foncier était lié à un différend sous-jacent sur la chefferie. Cette discussion a suggéré àl’équipe de médiation l’interprétation suivante:

� Position de la famille Alhassa: Notre revendication sur cette terre est justifiée.

� Intérêt: Sauvegarder les investissements réalisés sur la terre, et assurer un domaine agricole ànos enfants pour leur garantir des revenus.

� Besoins: La famille se sent isolée de la communauté, et bien qu’elle ait perdu son trône, elle veutau moins s’assurer cette terre.

Réunion interne: Les médiateurs avaient besoin de clarifier les questions suivantes:

� Qui semble avoir les positions les plus extrêmes au sein des groupes de parties prenantes? Quisemble le plus disposé à coopérer?

� Quelles stratégies conviendrait-il d’adopter pour chacun de ces deux groupes?

� Quelles sont les relations de pouvoir et les réseaux sociaux?

Troisième cycle de réunions: Les médiateurs ont tenté d’élargir l’engagement des partiesprenantes et contacté d’autres individus, notamment des témoins de l’affaire foncière,l’administrateur en chef de district et d’autres cultivateurs forestiers. Après quoi, ils ont à nouveauréuni les anciens de la communauté et les volontaires. Les volontaires craignaient que les anciensne soient trop conciliants en raison de leurs liens de parenté avec la famille Alhassa. L’équipe aégalement réuni à nouveau les membres de la famille Alhassa qui lui ont montré les maisons destémoins, pour attester que l’ancien chef avait bien légué la terre à la famille. Les médiateurs ontdécidé que le témoignage de ces personnes ne ferait pas avancer le processus de gestion du conflit.

A N N E X E IIIÉtudes de cas

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Quatrième cycle de réunion: Des réunions séparées ont été conduites avec chaque groupe departies prenantes, à savoir:

� la famille Alhassa;

� les femmes de la communauté;

� les volontaires;

� les anciens de la communauté;

� quelques-uns de ceux qui avaient empiété sur la forêt mais avaient déjà quitté la terre, la plupartétant des migrants ayant peu de liens sociaux dans la communauté.

La forêt communautaire de Bawumpila est importante aussi bien pour les propriétaires que pour l’ensemble dupays parce qu’elle contribue à conserver la biodiversité, à créer des emplois et à préserver la culture. C’estpourquoi le conflit a affecté diverses parties prenantes, dans tous les camps. Durant l’analyse du conflit, lesdiverses parties prenantes ont été identifiées:� Parties prenantes principales: anciens de la communauté d’Assin Opropong, l’équipe de volontaires et la

famille Alhassa;� Parties prenantes secondaires: la Commission des forêts, l’Assemblée de district, la Commission agraire et les

communautés environnantes.

Partie prenante Description

Anciens de la communauté d’Assin Opropong etéquipe de volontaires

Communauté propriétaire de la terre

Subinso 1 et 2, Brofoyedur, Ajalo, Nsutam, Fawoman,Dawomanso, Bakaapa

Villages tributaires de la forêt

Famille Alhassa Membres de la famille royale qui ont empiété sur laforêt. Ils sont instruits et relativement riches.

La Commission des forêts Fournit un appui à la communautéDonne des avis aux décideurs, en se fondant sur lesproblèmes découlant de la gestion de cette zone

Assemblée de district Autorité gouvernementale locale

Commission agraire Organisme officiel chargé de la gestion de toutes lesterres

ANALYSE DES PARTIES PRENANTES

À ces réunions des parties prenantes, tous les groupes ont élaboré un certain nombre d’optionspour résoudre le problème. La participation des femmes a contribué à élargir le processus. Ainsi, laReine Mère a fait une proposition qui a été reprise ultérieurement dans un accord préliminaire. Enoutre, le fait de réunir séparément les diverses parties prenantes a permis de mieux comprendre lescauses du conflit et les relations des parties prenantes.

Les options identifiées ont été les suivantes:

� Tolérer le maintien de fermes forestières à l’intérieur des limites définies sur la carte établie en2000, sans extensions supplémentaires.

� Métayage (Abusa): la communauté (équipe de volontaires) fournit le travail, prend un tiers de larécolte et entretient la ferme forestière.

� La communauté procure de nouvelles terres à la famille Alhassa. Les médiateurs cherchent àobtenir une assistance de donateurs pour établir une nouvelle ferme ailleurs pour la famille. Dansl’intervalle, la famille récolte les produits de sa ferme forestière existante.

� Détruire les fermes forestières et indemniser les agriculteurs.

� Détruire les fermes forestières sans verser d’indemnisation.

� Tolérer le maintien des fermes forestières pendant une certaine période, à l’issue de laquelle ellesseront détruites pour faire place à la forêt.

� La famille Alhassa fournit des terres et la communauté l’aide à rétablir ses fermes. Dansl’intervalle, la famille récolte les produits de ses fermes forestières.

Ces options ont été analysées avec les différents groupes de parties prenantes, sur la base de troiscritères élaborés séparément avec les deux parties, à savoir:

� Nécessité de maintenir de bonnes relations.

� Nécessité de gérer la forêt de manière durable.

� Procurer quelques avantages à la famille Alhassa.

Cinquième cycle de réunions: Les médiateurs ont animé deux autres réunions, respectivementavec les anciens de la communauté et avec la famille Alhassa, en vue d’examiner les sept options.Ils ont présenté les options et laissé les parties prenantes élaborer des critères pour les évaluer. Lesparties prenantes ont été invitées à identifier leurs options «irréalisables» et leur meilleure solutionde rechange à un accord négocié (BATNA) et à classer les options sur la base des critères. Cettestratégie de classement a été difficile car les parties prenantes voulaient absolument garderplusieurs options à l’esprit à la fois. Les médiateurs ont ensuite invité la communauté à choisir leursreprésentants dans les négociations. Chaque groupe de parties prenantes devait avoir unreprésentant ayant un point de vue extrémiste sur la manière de résoudre le conflit. Plusieursmembres de la famille Alhassa étaient disposés à accepter différentes options représentant uncompromis. Ceci montrait que la famille n’était pas un bloc monolithique, mais un groupe d’individusavec des intérêts et des besoins différents.

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Réunion de négociation: La première réunion de négociation a eu lieu en dehors de lacommunauté, au bureau de district de la division des services forestiers, dans un souci de neutralité.Les médiateurs ont organisé des transports de la communauté jusqu’au lieu de la réunion. Lesmembres de la communauté se sont d’abord réunis entre eux pour planifier une stratégie, mais lesmembres de la famille Alhassa ne l’ont pas fait.

La réunion de négociation devait durer trois heures. Elle comprenait une prière d’ouverture, uneallocution de bienvenue du directeur forestier de district et une «présentation de soi» par chaqueparticipant. Après avoir défini les règles de base et expliqué les objectifs de la réunion, lesmédiateurs avaient prévu d’inviter les différentes parties à exposer leur version des faits, maiscomme l’atmosphère était tendue ils ont décidé qu’il valait mieux qu’un membre de leur propreéquipe présente chaque cas tel qu’il était compris par les médiateurs. Les parties pourraient ensuitecommenter ces interprétations. Les médiateurs ont présenté une synthèse des options et demandéaux parties d’en ajouter d’autres qui n’avaient pas encore été mentionnées. Cette stratégie semblaitnécessaire pour empêcher les esprits de s’échauffer.

Les parties ont ensuite commencé à négocier à propos des options préférées. Au bout du compte,elles ont décidé de prendre pour référence la situation en l’an 2000 - toutes les fermes établies aprèscette date devant être détruites. Ceci était à quelques détails près la proposition qui avait été faitepar la Reine Mère auparavant.

Cet accord initial a été suivi d’une pause avec des rafraîchissements, que les parties ont mise à profitpour planifier les conditions qu’ils voulaient obtenir s’ils acceptaient l’option. Après cet entracte, les deuxcamps ont commencé à négocier les conditions pour parvenir à l’option convenue. La communautéinsistait sur le fait que tous les cacaoyers établis après l’an 2000 devaient être abattus. La familleAlhassa refusait et demandait qu’on l’autorise à conserver les fermes de cultures vivrières établiesaprès cette date, car elle en avait besoin pour assurer sa subsistance. Les représentants de lacommunauté n’étaient pas prêts à approfondir la négociation sur ce point et ils ont insisté pour que leschamps soient délimités de façon à ce que l’étendue des terres empiétant sur la forêt soit visible avantque l’on parvienne à un règlement définitif. Cette délimitation devait être faite de façon multilatérale.

Exercice de délimitation: Pendant l’exercice de délimitation, un géomètre et des représentants desanciens de la communauté et des volontaires ont rejoint les médiateurs et les membres de la familleAlhassa, ce qui montrait que les deux camps étaient capables de régler directement sur le terraindes différends mineurs de bornage, de façon pragmatique. Toutefois, seules deux fermes ont pu êtredélimitées car certains membres de la famille Alhassa ont refusé de participer à l’exercice. Lesmédiateurs ont supposé que ces membres de la famille avaient fait de gros investissements depuisl’an 2000, et qu’ils avaient peur de les perdre. Cela montrait, une fois encore, que la famille Alhassan’était pas un groupe monolithique, mais que ses membres avaient des intérêts différents et enpartie contradictoires. La majorité des membres de la famille qui participaient à la réunion denégociation ne craignaient pas de perdre grand-chose, avec l’exercice de délimitation.

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Synthèse des réalisations:

� La communauté (les anciens et les volontaires) a accepté de laisser des fermes dans la forêt.

� Deux fermes ont été délimitées et bornées.

� Les relations rompues entre certains membres de la famille Alhassa et la communauté semblentrétablies (les médiateurs étaient très contents d’entendre un membre de la famille bavarder avecquelques anciens, pour se mettre au courant des faits nouveaux récents survenus dans lacommunauté – cela ne s’était pas produit depuis plus de cinq ans.)

Que reste-t-il à faire? À l’heure où nous écrivons, le processus de gestion du conflit se poursuit. Ledéfi est d’arriver à élargir la solution aux membres de la famille Alhassa qui ont refusé de prendrepart à l’exercice de délimitation. Les médiateurs pensent que la résolution de ce conflit devrait êtrecomplétée par des efforts visant à réintégrer la famille dans les réseaux sociaux de la communauté,car les différends liés à l’utilisation des ressources se combinent avec des problèmes de chefferienon résolus et avec une crainte d’une marginalisation et d’une exclusion sociale.

Dans l’idéal, le processus de résolution finale du conflit devrait être le suivant:

� délimitation et bornage des fermes restantes;

� parachèvement des négociations;

� rédaction d’un accord;

� recherche d’un consensus sur l’accord;

� signature de l’accord;

� célébration de l’accord;

� mise en œuvre et suivi de l’accord.

Enseignements tirésL’étude de cas sur la forêt communautaire de Bawumpila nous permet de tirer un certain nombred’enseignements importants pour la gestion d’un conflit:

� Le conflit montre que des revendications concurrentes relatives à l’utilisation des ressourcespeuvent se combiner avec des problèmes sociaux et politiques plus généraux comme le conflit dechefferie et les craintes en matière d’identité.

� Lorsque plusieurs tentatives de règlement du conflit ont échoué, les parties prenantes peuvent semontrer méfiantes ou sceptiques sur toute nouvelle intervention et refuser de s’engager dans leprocessus de gestion du conflit.

� La neutralité des médiateurs est essentielle. Il peut cependant être difficile de la garantir si unmembre de l’équipe de médiation a précédemment été associé au conflit, comme c’est le casavec les membres du personnel de la Commission des forêts.

� La personne qui établit le premier contact avec la communauté doit être choisie avec soin. Si elleest perçue comme partiale, ou si elle n’est pas compétente pour remplir cette fonction, il peut êtredifficile de gagner la confiance des parties prenantes.

� Il est difficile de vérifier les informations sur les causes du conflit, si elles sont exposées par unepartie en présence de ses opposants, car cela peut déclencher la colère et échauffer les esprits.

� Les outils d’analyse des conflits peuvent être utilisés comme des modèles mentaux par lesmédiateurs, quand ils consultent les parties prenantes et explorent différents problèmes. Toutefois,il peut être extrêmement difficile de les appliquer en public avec les parties prenantes du conflit.

� Il est quasiment impossible de traiter avec des individus qui ont des positions extrémistes. S’ilsinterviennent dans le processus de négociation, ils peuvent le faire échouer. S’ils sont laissés endehors, ils risquent de le gâcher plus tard, lorsqu’il faudra appliquer les accords.

� Il est souvent malaisé d’empêcher les parties prenantes de dévier. Les membres extrémistes desdifférents groupes tendent à revenir à des querelles antérieures et à se braquer sur leurs positions.

� Il est difficile de faire intervenir des parties prenantes qui ne résident pas dans la communauté.

� Il peut être utile d’ouvrir la voie au rétablissement de relations sociales ou personnelles, pour faireavancer le processus. Par exemple, en ménageant un espace pour des conversations informellesen prévoyant des pauses durant les réunions à des moments importants, on permettra auxparties prenantes de planifier une stratégie ou de poser des questions informelles.

� Il est parfois difficile de parvenir à une résolution définitive du conflit car certaines partiesprenantes peuvent refuser de passer d’une négociation fondée sur les positions à unenégociation fondée sur les intérêts.

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ÉTUDE DE CAS 2: CONFLIT RELATIF AU DÉTOURNEMENT DU FLEUVEBOSOKO DANS LA ZONE HUMIDE D’AMANSURIJ. Parker McKeown et E. Nitri

Questions servant de guide pour l’étude de cas numéro 2Comment l’introduction du Projet de conservation et de développement intégré d’Amansuri a-t-ilaffecté la gestion du conflit? Selon vous, comment le projet aurait-il été géré sans le projet?

Comment les diverses parties prenantes ont-elles cadré le conflit?

S’agissait-il d’un conflit sur les moyens d’existence, sur les droits des communautés à gérer leurenvironnement ou sur la conservation? En quoi le cadrage d’un conflit influence-t-il la manièredont il est traité?

Pourquoi les populations de Gyamozo ont-elles opposé une telle résistance aux tentatives derésolution du conflit?

Pourquoi l’entrée des médiateurs dans le conflit est-elle si importante?

Quelles techniques les médiateurs ont-ils utilisées pour organiser le processus de gestion du conflit?

Quelles techniques les médiateurs ont-ils utilisées pour faciliter les réunions?

Pourquoi les parties prenantes de Gyamozo ont-elles mis tant de temps à recadrer leur projet?

Êtes-vous d’accord avec la manière dont les parties prenantes secondaires «perturbatrices» ontété traitées? De quelle autre manière aurait-on pu réagir?

Comment auriez-vous facilité ce processus? Pensez-vous que c’était une bonne idée de commencerpar une réunion avec une seule partie au conflit (y compris pour effectuer l’analyse du conflit)?

Pensez-vous que les médiateurs ont bien fait d’obtenir un appui externe pour remplir lesengagements de l’accord? Comment auriez-vous fait vous-même dans une telle situation?

Considérez-vous que cette étude de cas est un succès? Dans les deux cas, justifiez votre réponse.12

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Jeu de rôle pour l’étude de cas numéro 2Sélectionnez une des réunions facilitées, choisissez des rôles appropriés (médiateur, Tufuhene(autorité traditionnelle), membres de la communauté de Gyamozo (l’un ayant des parents dans lesautres communautés, l’autre n’en ayant pas), membres des communautés d’Old et New Nzulezo(l’un ayant des parents dans les autres communautés, l’autre n’en ayant pas), une partie prenantede Nzulezo sceptique sur tout accord qui permettrait à la population de Gyamozo de s’enfuir sansrétribution, un administrateur de projet (distinct du médiateur) et un membre de l’assemblée).

Animez une négociation, en partant du principe que toutes les parties sont venues aux négociations– de bon ou de mauvais gré. Essayez de parvenir à une entente.

Dans le cadre du processus de gestion du conflit, vous pouvez commencer à analyser le conflit sur la based’une analyse des causes profondes, d’une analyse des relations, d’une analyse des parties prenantes,d’une analyse des relations à l’aide des 4R et d’une analyse du pouvoir, des positions et des intérêts.

Problèmes clésLe cas relatif à la zone humide montre à quel point les conflits liés aux ressources peuvent être différentset complexes. Il démontre aussi que de nombreux flux d’avantages différents provenant des ressourcesdes terres humides peuvent être affectés par un conflit. Il nous apprend que, même quand la tension estforte, il peut être utile de faciliter un rétablissement de la communication entre les parties opposées pourrégler un conflit. Des chefs de clans ou des chefs de famille traditionnels respectés peuvent jouer desrôles positifs en incitant les parties à s’engager sincèrement à trouver une solution acceptable et enmettant en route un processus qui permettra de renouer des relations traditionnelles constructives.L’étude montre en outre que toute gestion d’un conflit basée sur la coercition et la force est pratiquementvouée à l’échec. Compte tenu du climat houleux avant l’intervention du médiateur, il a fallu beaucoup detemps pour convaincre toutes les parties concernées de se réunir autour de la table des négociations.

Plus spécifiquement, le cas souligne:

� l’incidence négative que peuvent avoir les conflits liés aux ressources sur les projets dedéveloppement;

� la difficulté de comprendre les multiples effets des mesures de gestion des ressources;

� le nécessité de rétablir des liens de communication pour trouver des solutions avantageuses pourtoutes les parties;

� la complexité des problèmes liés aux ressources, qui sont imbriqués avec des questions d’identitéet avec les relations sociales passées.

Comme dans l’étude de cas numéro 1, il semble que nous soyons ici en face d’un cas «gagnant-perdant». Un village détourne un cours d’eau pour améliorer son propre accès. Ce détournementaffecte les communautés d’aval, qui perdent d’importantes ressources nécessaires à leursubsistance. Au début, la première partie refuse tout compromis et la seconde demande que dessanctions soient prises contre la première qui a commis une action illégale.

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ContexteLa zone humide d’Amansuri se trouve sur la côte occidentale du Ghana, à l’intérieur des Territoirestraditionnels orientaux et occidentaux du Nzema et des Districts d’Est Nzema et de Jomoro dans larégion occidentale du Ghana. La zone se trouve à environ 360 km à l’ouest d’Accra et les grandesagglomérations les plus proches sont Axim et Half-Assini.

La zone a un climat équatorial de mousson et se trouve à l’intérieur de la forêt sempervirente humidedu Ghana. La zone humide couvre avec ses bassins versants plus de 1000 km2, et elle estconstituée de dix sous-bassins versants d’une superficie allant de 18 à plus de 140 km2. La régionforme le bassin versant du Lac Amansuri et englobe les zones de drainage de plusieurs cours d’eau,ainsi que la plaine côtière inondable située au nord de Beyin. La zone humide proprement ditecouvre plus de 100 km2, comprenant de petites étendues d’eaux libres (lac d’Amansuri). La lagunecôtière de la région est reconnue d’importance internationale pour les échassiers. L’écosystème dela zone humide d’Amansuri présente plusieurs catégories de zones humides et contient une grandediversité d’espèces de plantes et d’animaux. C’est la seule forêt de tourbière marécageuse connuedu Ghana, et le meilleur exemple de forêt marécageuse d’eau douce du pays, caractérisée par deseaux humifères noires. La zone humide d’Amansuri a été désignée comme zone d’importancemondiale pour les oiseaux et des préparatifs sont en cours pour l’inscrire sur la liste des sites deRamsar (des zones humides d’importance internationale).

Les populations indigènes vivant dans la zone du conflit sont les Nzéma, mais des pêcheurs Fantiet Éwé se sont installés dans quelques villages côtiers. La zone humide se trouve à l’intérieur duTerritoire traditionnel occidental du Nzema, dont la capitale est Beyin. Dans ce territoire traditionnel,les propriétaires terriens sont des chefs de famille mais le chef suprême décide en dernier ressortsur les problèmes liés à la terre. Il existe plusieurs systèmes de tenure différents. Les membres dela famille ont des droits d’usage sur leurs propriétés. Les individus peuvent louer des terres à des

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colons et à des personnes qui ne font pas partie de la famille dans le cadre d’un système demétayage appelé «abunu» ou «abusa». Il y a environ 19 communautés aux alentours de la zonehumide d’Amansuri et cinq à l’intérieur. À l’intérieur de la zone humide, on se déplaceessentiellement en bateau. Toutes les communautés qui résident dans la zone humide sontfortement tributaires de ces ressources. Leurs principales occupations sont la pêche et latransformation du poisson, l’extraction du vin de palme, la distillation de gin local (Akpeteshie),l’agriculture et les activités agro-alimentaires et le commerce.

L’ONG Ghana Wildlife Society (GWS) met en œuvre en partenariat avec le Conseil traditionnel duNzema occidental le projet ACID (projet de conservation et de développement intégré d’Amansuri),dans la partie occidentale du Territoire traditionnel Nzema de la zone humide d’Amansuri. L’objectifultime du projet est de parvenir à la situation suivante: un écosystème de zone humide préservé,avec des fonctions écologiques et un paysage esthétiquement intact et une utilisation desressources à impact limité, conforme aux principes de la gestion durable.

Histoire du conflitDeux grands fleuves et trois cours d’eau mineurs se déversent dans le Lac d’Amansuri. Le Bosokoest le plus gros, et c’est aussi le chemin le plus court pour relier Old Nzulezo à des villages commeGyamozo et New Nzulezo, à l’intérieur de la zone humide. Les habitants d’Old Nzulezo empruntentaussi le fleuve pour se rendre dans leurs fermes et sur les sites où ils extraient le vin de palme etdistillent de l’alcool. Le fleuve Bosoko est la principale voie d’accès à la grand route de Half-Assini-Sameneye qui relie Gyamozo à Old et New Nzulezo. Le village de Gyamozo se trouve à environ 2 km des rives du Bosoko et les habitants de Gyamozo marchent normalement à travers les maraisjusqu’à leur bateau. Pendant la saison des pluies, il est pratiquement impossible de traverser cettezone à pied à cause des inondations.

Entre la fin 2001 et le début 2002, les habitants de Gyamozo ont détourné une partie du fleuveBosoko à travers un canal naturel, ce qui leur a permis d’éviter de traverser les marais à pied maisa considérablement réduit le volume des eaux qui se déversent dans le lac d’Amansuri. Le Bosokoest le seul gros fleuve qui se déverse dans le lac depuis que les habitants de Sameneye ontdétourné l’autre gros fleuve, l’Ayevula, il y a environ 25 ans.

En mars 2002, les habitants de Nzulezo qui étaient les plus touchés par le détournement ont informéles habitants de Gyamozo de ses effets, et leur ont demandé de rétablir le cours originel du fleuve,mais rien n’a été fait. Les anciens de Nzulezo ont ensuite signalé l’affaire au Comité de gestion duprojet ACID, étant donné que la zone où le cours du fleuve avait été détourné se trouvait à l’intérieurde la réserve naturelle communautaire établie par le projet. En mai 2002, le Comité de gestion duprojet a demandé à trois de ses membres (le chef d’Old et New Nzulezo, le membre de l’assembléede la circonscription de Beyin et le directeur du projet ACID), de se rendre sur les lieux où les eauxavaient été détournées et à Gyamozo pour résoudre le conflit. Ils se sont tous les trois rendus surle site mais les habitants de Gyamozo ont refusé à deux reprises de les rencontrer. Lorsque les

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habitants de Nzulezo ont réalisé que l’intervention du Comité de gestion du projet ne servait pasleurs intérêts, ils ont proféré des menaces et lancé des ultimatums à la communauté de Gyamozo,en insistant pour qu’ils rétablissent le cours du Bosoko.

En août 2002, le Comité de gestion du projet a signalé l’affaire à l’Assemblée du District de Jomoro,qui est administrativement responsable de la zone du conflit. Les règlements en vigueur del’assemblée interdisent le détournement des cours d’eau naturels sans autorisation. Toutefois,même après plusieurs tentatives, l’Assemblée n’a pas réussi à résoudre le problème. Deux officiersde police ont accompagné des agents de l’Assemblée à Gyamozo mais les habitants avaient quittéle village avant afin d’éviter une confrontation avec la police. Lorsque l’assemblée a envoyé unedeuxième fois des officiers de police, il y a eu des bagarres à New Nzulezo entre des parents deshabitants de Gyamozo et la police. En janvier 2003, les tensions se sont ravivées lorsqu’un résidentd’Old Nzulezo a grièvement blessé un habitant de Gyamozo qui refusait de le laisser extraire du vinde palme dans le Territoire traditionnel. Le membre d’Old Nzulezo faisait valoir que l’extraction du vinde palme avait été interdite dans les zones traditionnellement exploitées par les habitants d’OldNzulezo, par représailles contre le détournement du fleuve. Des querelles et des affrontementsviolents entre les habitants des deux villages semblaient éclater pour le moindre prétexte. Certainshabitants d’Old Nzulezo affirmaient que si l’assemblée n’était pas capable de régler le problème, ilsle résoudraient à leur manière (c’est-à-dire par la force).

Processus de gestion et de résolution du conflitC’est dans ces conditions chargées de tension qu’un membre du personnel du projet ACID asuggéré de recourir à une approche de type coopératif pour résoudre le conflit.

Analyse préliminaire du conflit et des parties prenantes: Pour commencer, les membres dupersonnel du projet ACID ont conduit, en tant que médiateurs, une réunion interne pour évaluer lasituation actuelle dans la zone. Ils ont identifié les parties prenantes et planifié une stratégie pour entrersur la scène du conflit, en déterminant notamment qui devait être contacté en premier. L’équipe demédiateurs à peine constituée prévoyait de rencontrer le Tufuhene, la seconde autorité après le chef,qui vit à New Nzulezo. Les membres de l’équipe ont reconnu que, en tant qu’agents du projet ACID, ilsétaient des parties prenantes secondaires car le conflit avait un effet néfaste sur les activités du projet.

Principales Secondaires Parties intéressées

Old Nzulezo

New Nzulezo

Gyamozo

Beyin

Ghana Wildlife Society

Assemblée de district de Jomoro

Mlegyinla

Ngelekazo

Ekebaku

Ebonloa

PARTIES PRENANTES DU CONFLIT

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Consultation des parties prenantes: La première fois qu’ils se sont rendus sur les lieux, lesmédiateurs ont rencontré le Tufuhene pour qu’il les autorise à assurer la médiation dans lerèglement du conflit. Le Tufuhene a accepté, déclarant cependant qu’il doutait que les habitants deGyamozo en fassent autant. Il a fixé une date pour une réunion communautaire. En vue de larencontre avec les habitants de Gyamozo, les médiateurs ont ensuite contacté un ancien de NewNzulezo qui a envoyé un message à Gyamozo. Les habitants de Gyamozo n’étaient cependant pasdisposés à accepter les médiateurs et ils n’ont pas participé à la réunion. Les médiateurs ontsupposé que certains habitants de Gyamozo considéraient qu’ils étaient partiaux à cause de leurintervention précédente dans le conflit, en tant que membres du personnel du projet ACID.

Après cet échec, les médiateurs ont invité les participants à conduire une analyse des causes profondesà Old Nzulezo. Parmi les opinions concernant les raisons potentielles du détournement du fleuve par leshabitants de Gyamozo, deux se sont démarquées: 1) se garantir un accès pendant les périodesd’inondation; et 2) détruire la production de vin de palme, que certains habitants d’Old Nzulezo obtenaientdans des forêts voisines. En détournant le fleuve, ces ressources en vin de palme s’assècheraient, ce quiaurait pour effet de réduire la concurrence, et de revaloriser le vin de palme produit à Gyamozo. Lesmédiateurs sont ensuite passés à une analyse de l’impact du détournement du fleuve et ont identifiéd’autres parties prenantes, telles que les agriculteurs dont les champs étaient inondés, et les pêcheursdes environs de Beyin pénalisés dans leur activité par l’assèchement des marais.

Les médiateurs se sont rendus compte que les familles d’Old Nzulezo, New Nzulezo et Gyamozoavaient des liens de parenté. Beaucoup de résidents de New Nzulezo continuaient, bien qu’ils soientaffectés par le détournement du fleuve, à entretenir des relations étroites avec leurs parents deGyamozo. Les médiateurs ont ensuite divisé les parties prenantes en deux groupes affectés demanière différente par le détournement du fleuve. L’un était constitué d’agriculteurs, de pêcheurs et decommerçants et l’autre de saigneurs de palmiers à vin et de distilleurs d’alcool. A son retour à NewNzulezo, l’équipe de médiation a rencontré séparément les agriculteurs, les saigneurs et les distilleurs,ce qui lui a permis de mieux comprendre comment ces différentes parties prenantes étaient affectées.

Engagement des parties prenantes: Les médiateurs ont présenté leurs premières constatations àune réunion publique à Old Nzulezo. La première réaction des villageois a été de dire que les habitantsde Gyamozo devraient rétablir le cours normal du fleuve et être punis de l’avoir détourné. Aprèsl’analyse, ils ont réalisé qu’ils n’avaient rien à gagner à se braquer sur cette position. À la fin de laréunion, les habitants de Nzulezo ont adouci leur position et suggéré que le seul moyen d’amener lacommunauté de Gyamozo à négocier et à résoudre le conflit était de demander aux anciens de NewNzulezo (qui entretenaient de bonnes relations avec la communauté de Gyamozo) de les persuader.En attendant, les villageois d’Old Nzulezo étaient les plus pénalisés par le détournement du fleuve. Ilsétaient prêts à rencontrer la partie adverse pour tenter de parvenir à un règlement négocié.

Les médiateurs ont ensuite expliqué qu’ils allaient rencontrer les habitants de Gyamozo pour tenterde les convaincre de négocier avec Old Nzulezo. Trois anciens modérés d’Old Nzulezo les ontaccompagnés pour rencontrer les anciens de New Nzulezo. Ces derniers ont accepté facilementd’inviter les habitants de Gyamozo à venir dans leur communauté pour une réunion.

Les habitants de Gyamozo avaient cependant refusé plusieurs fois d’avoir affaire avec lesmédiateurs. Le chef de la famille de New Nzulezo a envoyé un linguiste dans la communauté pourinviter ses membres à se réunir autour d’un terrain d’entente. Cette invitation est lourde deconséquences sur le plan des traditions. Par la suite, trois hommes de Gyamozo ont assisté à cetteréunion. Tous étaient des saigneurs de palmiers, alors que les médiateurs avaient demandé qu’unegamme de parties prenantes différentes vienne de Gyamozo. Les représentants de la commune deGyamozo ont expliqué qu’ils voulaient un accès à la route. Globalement, ils ont exposé les faits avecmodération, en insistant sur le fait que leur village serait pratiquement inaccessible durant la saisondes pluies. Ils ont déclaré que leur but n’était pas de détruire les moyens d’existence de leurs frères,mais qu’ils avaient un besoin urgent d’accéder à la route.

Les médiateurs leur ont demandé s’ils étaient conscients des effets que le détournement du fleuveavait eu sur les autres communautés, en leur montrant les résultats de l’analyse d’impact. Lesmembres de la communauté de Gyamozo ont répondu qu’ils ne s’étaient pas rendus compte de lagravité de ces effets. À ce stade le chef de la famille New Nzulezo les a confrontés à la situationdifficile qui régnait à Old Nzulezo, dont les habitants étaient pénalisés non seulement par ladestruction de leurs moyens d’existence, mais aussi par des problèmes d’accès, À la fin de la réunion,les médiateurs ont demandé aux participants s’ils seraient prêts à négocier si aucun membre de lapolice ou de l’assemblée n’était présent, et ont proposé New Nzulezo comme terrain neutre.

Après cette réunion, les médiateurs ont analysé la situation. Ils ont réalisé que les gens reconnaîtraientles agents du projet ACID qui étaient précédemment intervenus dans le conflit, et qu’ils lesconsidèreraient comme étant de parti pris. C’est pourquoi ils ont invité une tierce personne à se joindreà l’équipe, en tant que médiateur principal. Cette personne n’était jamais intervenue dans le conflit.

Réunion de négociation: Durant la réunion, les médiateurs ont laissé chaque partie faire sa déclaration.Alors que les deux parties étaient censées n’envoyer que dix représentants, une foule énorme se pressaitautour du lieu choisi. Les règles de base étaient très efficaces, en partie parce que le Futuhene et le chefde famille étaient là, de même qu’un représentant de l’assemblée. Les représentants d’Old Nzulezo ontété les premiers à exposer les faits. Ils en sont venus à leur position et ont pris une ligne dure («rétablirle cours normal du fleuve et affronter la sanction»). Le chef de famille a apaisé les esprits en faisantremarquer que les deux parties ne s’étaient pas réunies pour se battre mais pour négocier. Lesreprésentants de Gyamozo ont déclaré qu’ils étaient contents de ce qu’ils avaient fait. Ensuite ils ontressorti une vieille histoire, dans laquelle le chef alors en fonction n’avait pas puni des individus qui avaientenfreint les règles d’utilisation des ressources, et c’était le village de Gyamozo qui avait été pénalisé. Cecileur donnait le droit, affirmaient-ils, d’enfreindre les règles à leur tour. À ce stade, le chef de famille a reprisla situation en mains. L’équipe de médiation a présenté les résultats de l’analyse d’impact, ainsi qu’unschéma des relations mettant l’accent sur les liens de parenté entre les villages opposés. Ils ont invité lesdeux parties à essayer de trouver une solution mutuellement acceptable.

Diverses personnes ont commencé à faire des suggestions. Des habitants de New Nzulezo ont faitvaloir que le cours normal du fleuve devrait être rétabli. Ils ont rejeté la justification de la «vieillehistoire» et ont insisté sur la nécessité de résoudre le problème. Lorsque le médiateur a posé la

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question «À qui appartient l’endroit en question?», tous les représentants des parties prenantes sesont calmés et ont baissé les yeux, la question les avait vraiment frappés. Le chef de famille arépondu qu’il n’appartenait à personne, mais que tout le monde y avait accès pour utiliser sesressources. Le site était destiné aux trois communautés. Une personne de Gyamozo a dit «Nousavons fait plus de mal que de bien. Nous ne nous rendions pas compte de la gravité desconséquences. Nous devrions rétablir le cours normal du fleuve. S’il y a des funérailles à OldNzulezo, nous ne pourrons pas y aller à cause de cette histoire.» Cette déclaration a marqué untournant dans le processus de négociation, et d’autres membres de la communauté de Gyamozol’ont approuvée.

Une fois qu’un consensus a été obtenu sur la nécessité de rétablir le cours normal du fleuve, le chefde famille a suggéré que les trois communautés travaillent ensemble pour rétablir leurs relations. Unmembre d’Old Nzulezo a fait remarquer que le problème de l’accès à Gyamozo n’était toujours pasrésolu. Les participants sont convenus qu’il conviendrait de construire une passerelle pour franchirle fleuve à pied. Les médiateurs ont prié les deux parties de choisir des représentants pour mettrela dernière main aux détails de l’accord.

Accidents de parcours: Après cette réunion, quelques saigneurs de palmiers à vin (principalementdes jeunes gens) d’Old Nzulezo ont commencé à critiquer les habitants de New Nzulezo. Lesmédiateurs sont retournés à Old Nzulezo pour clarifier les problèmes. Quelques personnes se sontplaintes du fait qu’elles aidaient à rétablir le cours du fleuve et à construire la passerelle alors quele problème venait des Gyamozo. La solution proposée avait suscité de la rancœur. Le médiateur aréalisé qu’il y avait eu un défaut de communication à propos du processus et des résultats de lanégociation et il a donné des explications claires. En conséquence, quelques jeunes gens ontcontinué à développer d’autres idées d’activités conjointes avec les autres communautés pourrétablir leurs relations. Lorsque certaines personnes ont réalisé qu’il y avait eu un défaut decommunication, une dispute a éclaté à Old Nzulezo. Les médiateurs ont alors appris qu’une partieprenante puissante de l’extérieur du village avaient fait pression sur certaines personnes pourqu’elles transmettent des informations fausses sur la réunion de négociation et son résultat. Ils ontdécidé de résoudre le problème au cours d’une réunion communautaire avec des représentants deNew Nzulezo et de Gyamozo. À cette réunion, ceux qui avaient transmis le faux message ont étéconfrontés. Le chef de famille les a mis en garde de ne pas alimenter le conflit et de nouveauxreprésentants des communautés ont été choisis.

Rédaction de l’accord: À une réunion ultérieure tenue à New Nzulezo, les parties ont arrêté laprocédure à suivre – d’abord construire la passerelle, puis rétablir le cours normal du fleuve. Ellesont reconnu que l’accord impliquait des coûts pour payer les matériaux, un opérateur de scie àchaîne, le carburant et la main-d’œuvre, et elles ont demandé à l’assemblée de district et au projetACID de mettre des fonds à disposition pour la construction du pont. L’accord est à présent en coursde rédaction, mais les fonds de développement n’ont pas encore été mobilisés, de sorte que lesparties n’ont pas les moyens de le mettre en œuvre. Pendant ce temps, les effets néfastescontinuent à se faire sentir.

A N N E X E IIIÉtudes de cas

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Enseignements tirésLes principaux enseignements à tirer de cette étude de cas sur la zone humide sont les suivants:

� Il peut être difficile de tenter de résoudre des conflits, dans un contexte où règnent la coercition,la violence ou la méfiance.

� Les médiateurs doivent préparer avec soin leur entrée sur la scène du conflit, car la manière dontils seront perçus par les parties prenantes peut dépendre de ce premier contact. Dans certainessituations, une intervention des médiateurs en tant que parties prenantes, peut influencer l’idéeque l’on se fait d’eux, en particulier de leur partialité ou de leur impartialité. Il arrive que desmédiateurs ternissent eux-mêmes leur crédibilité même s’ils sont animés des meilleures intentions.

� Les chefs traditionnels peuvent jouer un rôle important en aidant les médiateurs à instaurer unclimat de confiance avec les communautés locales et en créant une atmosphère propice à desnégociations.

� Un conflit lié à des ressources peut affecter de manière très différente les diverses partiesprenantes. Des parties prenantes externes à la zone du conflit proprement dite peuvent aussi êtreaffectées.

� Lorsque l’on s’efforce de rétablir des relations entre les parties opposées dans un conflit, il peutêtre utile de s’appuyer sur des liens de parenté existants pour les convaincre plus facilementd’examiner les points de vue des autres. Cela permet aussi de trouver plus facilement un terraind’entente pour les négociations.

� Même si une des parties prenantes refuse de négocier, on peut encore parfois conduire desprocessus de gestion des conflits valables avec les autres parties prenantes principales etsecondaires. Il existe des stratégies et des outils, comme l’analyse participative du conflit, quipeuvent donner aux parties des informations importantes pour les guider dans leurs efforts derecadrage du conflit. Toutefois, quand toutes les parties prenantes n’interviennent pas, lesmédiateurs doivent avoir présent à l’esprit qu’ils n’obtiennent qu’un cadrage «sélectif» du conflit,et qu’ils doivent absolument se renseigner sur la manière dont les parties prenantes manquantescadrent le conflit.

� Certaines parties prenantes, notamment secondaires, peuvent avoir l’impression que leursintérêts sont menacés par le processus de gestion d’un conflit et s’évertuer à le faire échouer.

� Les accords qui ne peuvent être résolus qu’avec des fonds ou des ressources externes, sontparticulièrement délicats. Il ne faut pas partir du principe que l’on obtiendra facilement ouautomatiquement cet appui une fois que l’accord aura été atteint, sauf si l’on a obtenu aupréalable des engagements fermes. Si ce n’est pas le cas, l’accord est très fragile et risque fortde s’effondrer (en effet, il peut avoir été obtenu sur de fausses bases, si les parties opposées onteu l’impression que les ressources étaient disponibles alors que ce n’était pas le cas).

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L E S T E C H N I Q U E S D E N É G O C I A T I O N E T D E M É D I A T I O N A P P L I Q U É E S À L A G E S T I O N D E S R E S S O U R C E S N A T U R E L L E S

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Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

Ce guide sur Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

explique comment aider les populations à faire face à des conflits qui compromettent ou désorganisent la gestion des

ressources naturelles, entravent le développement, et provoquent des explosions de violence. Il montre comment on

peut utiliser les techniques de négociation et de recherche d’un consensus pour gérer un conflit et bâtir une

collaboration, et donne des indications pratiques, étape par étape, sur la manière d’établir et de gérer un processus

de négociations consensuelles faisant intervenir de multiples parties prenantes. Le guide s’adresse à des spécialistes

de la gestion participative/conjointe des ressources naturelles et de projets liés aux moyens d’existence ruraux.

Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la

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