Les tarots CLÉS DE MA VOYANCE

Aux mêmes Éditions

Coll. « Autrement »

La voyance autrement par Corinne Morel La numérologie autrement par Marie-Louise

Roth Duquesne La couleur autrement par Brigitte Gautier L'astrologie autrement par Meredith Duquesne La dynamique mentale autrement par Marie-

Louise Roth Duquesne Le magnétisme autrement par Anne van Eiszner

Coll. ABC

ABC de la symbolique du tarot par Colette Silvestre-Haeberlé

ABC des tarots par Colette Silvestre-Haeberlé ABC des sciences occultes par L. Maar et C. H.

Silvestre ABC de la chance par Gaston Schwinn ABC de la géobiologie par Danielle Semelle ABC de la numérologie par Daniel Fermier ABC de la morphopsychologie par

Carleen Binet ABC des expressions du visage par

D' Louis Corman ABC de la radiesthésie par J. L. Crozier et

J. Mandorla ABC du magnétisme par Jacques Mandorla ABC de l'hypnose par E. Barone et J. Mandorla ABC de l'astrologie par Danièle de Caumon

ABC de l'astrologie chinoise par Danièle de Caumon

ABC des prévisions astrologiques par Danièle de Caumon

ABC du yoga par M. F. Lemoine ABC de la géomancie par A. M. Cacciaguerra ABC des couleurs par Daniel Beresniak ABC de la graphologie par Michel Morrachini ABC de la morphochirologie par Michèle

Bouillon et Patrick Rouillier ABC du Yi-King par Bernard Ducourant ABC de la cartomancie par Giovanni Sciuto ABC des rêves par Christian Genest

Coll. L'Oracle

La numérologie au quotidien par J. D. Fermier La numérologie, le symbolisme des lettres par

J. D. Fermier L'oracle de Belline par Colette Silvestre

Haeberlé. 12 meilleures méthodes pour tirer les tarots par

Colette Silvestre-Haeberlé Votre avenir au quotidien par les tarots pat

Colette Silvestre-Haeberlé Numérologie, le livre des cycles par J. D. Fer-

mier Prévisions astrologiques jusqu'à l'an 2000 par

Marie Delambre Le livre des signes et des symboles par Schwarz-

Winklhofer-Biedermann

VIKTOR PICRON

L e s t a r o t s

CLÉS DE MA VOYANCE

A C Q U E S

('RANOtR 98 RUE DE VAUGIRARD

15006 • PARIS

Les lames majeures du Tarot de Marseille reproduites dans cet ouvrage

l'ont été avec l'aimable autorisation de

FRANCE-CARTES B.P. 49

54130 Saint-Max

ISBN : 2-7339-0394-2

@ 1993 by Jacques Grancher, Éditeur, Paris

A V E R T I S S E M E N T A U L E C T E U R

Certaines personnes pourraient être tentées de faire un rappro- chement entre les cas cités dans ce livre et leur propre expérience. Qu'elles se rassurent! En autant d'années de pratique, les mêmes cas se sont présentés avec régularité et les situations décrites ici s'appliquent, dans tous les cas, à un grand nombre de personnes. Je les ai choisies à cause de leur généralité.

Viktor Picron

Le tarologue

Cette première partie s'efforcera de répondre à toutes les questions que l'on se pose au sujet du tarologue : quel genre de personnes consultent le tarot ? Comment le tarologue procède-t- il ? Voit-il vraiment dans les cartes ? Tout le monde peut-il en faire autant ? Y a-t-il un risque de se tromper dans les prédictions et, si oui, à quel pourcentage peut-on évaluer ce risque ? etc.

Un mot à mon sujet

Avant de parler technique, il me semble utile de satisfaire la curiosité du lecteur à mon sujet. Les quelques lignes qui vont suivre le familiariseront avec mon passé et mon présent. Quant à mon futur, j'en connais le chemin mais il ne m'est pas donné de le dévoiler ici.

Je suis né dans un petit village, à la frontière de la Belgique et de la France, dans une région que l'on nomme communément « Les Hauts Pays ». Mes parents menaient la dure vie d'agricul- teurs. Ma mère était une femme gaie, toujours en mouvement. Sa bonne humeur était contagieuse et de nombreux voisins et voisines aimaient entrer chez nous quelques minutes pour

bavarder. Mon père, prisonnier de guerre pendant quatre ans, était revenu malade des camps d'internement où un travail forcé en fonderie et ensuite dans une usine de produits chimiques avait miné ses poumons. Bien que n'ayant pas fait d'études approfon- dies, il était doué pour la mécanique et passait son temps libre à inventer des machines dont il n'avait jamais le temps de mettre les plans à exécution. Il était également sourcier et savait trouver de l'eau sans aucun instrument, rien qu'en se promenant sur les champs. Il était souvent appelé dans le village pour calmer les bêtes malades ou en travail car sa seule présence les calmait et sa voix avait le don de les apaiser.

Mes parents étant trop occupés, j'ai été pris en charge, peu après ma naissance, par mes grands-parents maternels qui habitaient dans le voisinage. Mon grand-père, gazé pendant la guerre 14-18, était Président de l'association régionale des Anciens Combattants et, de par ses fonctions, participait sou- vent à des cérémonies officielles auxquelles il me permettait parfois d'assister. Ma grand-mère était une femme de devoir, d'une profonde intelligence mais sans grande tendresse et d'un abord un peu froid. Elle m'a cependant prodigué des soins attentifs et a veillé sur mon éducation avec une vigilance de tous les instants.

J'étais un enfant calme et plutôt isolé. Je ressentais des choses que je ne comprenais pas très bien et il m'arrivait parfois de pleurer à l'avance pour des malheurs qui allaient frapper des gens que je connaissais. On me disait que c'était des sornettes, que j'étais trop sensible et que je devais arrêter de dire des bêtises. C'est ainsi que j'ai appris à garder pour moi mes pressentiments et à étouffer mes émotions.

Sous des dehors paisibles, le village bruissait d'une vie souterraine où s'entremêlaient les passions et les intérêts pay- sans : antagonismes, vengeances, mauvais sorts, envoûtements, préparations et incantations de toutes sortes. Notre voisine tirait les cartes, ma grand-mère s'amusait à lire l'avenir dans le marc de café. Quelques fermes plus loin se dressait la maison de la sorcière du village, juste à côté de la gendarmerie. Elle était arrivée on ne sait d'où et sa réputation n'avait pas tardé à

franchir les limites du village. Lorsqu'elle se tenait sur le seuil de la maison, les enfants pressaient le pas et les paysans se signaient discrètement. Elle connaissait les herbes qui guérissent et celles qui donnent la fièvre, celles qui rendent fertile et celles qui rendent stérile.

Il m'arrivait de passer de longs moments chez elle, à l'insu de mes parents et grands-parents. Parfois, des gens lui rendaient visite en ma présence. Elle offrait le café et j'ai vu à maintes reprises le sucrier ou les soucoupes se déplacer seuls sur la table, au grand effroi des visiteurs.

Elle me considérait avec attention et je ne comprenais pas toujours le sens de ses paroles. Je me souviens qu'elle me disait que la vie moderne n'était pas faite pour des gens tels qu'elle et moi ; qu'on étoufferait mon don parce qu'on ne me compren- drait pas mais qu'un jour il reviendrait en force et changerait ma vie. Et c'est ce qui s'est passé.

Elle est morte depuis de longues années maintenant, mais j'ai été frappé d'apprendre que quelques heures après sa mort, le curé du village est venu saisir, pour les brûler, la plupart des livres, grimoires et objets qu'elle utilisait. Je me suis toujours demandé s'il l'avait fait.

Après des études sans histoire, je me suis lancé dans la vie active avec une formation de comptable, à rencontre du désir de mes parents qui auraient voulu que je reprenne l'exploitation agricole. J'étais jeune et je désirais quitter la campagne. Je venais de me marier et nous sommes partis habiter Bruxelles que je n'ai plus quitté depuis 1964. J'ai d'abord travaillé dans une société pharmaceutique avant de prendre la direction de la comptabilité d'un hôtel suisse qui venait de s'installer dans un nouveau complexe immobilier, au centre de la ville. Lors de la faillite retentissante du complexe immobilier, l'hôtel dut fermer ses portes et je suis resté au service de la curatelle pour aider à gérer la faillite.

Par la suite, j'ai dirigé pendant quelques mois le service administratif et comptable d'une maison de retraite avant d'accepter l'offre d'une multinationale britannique établie en Belgique et en France. A partir de ce moment, le stress ne m'a

plus quitté et une bonne partie de mon temps s'est passée à faire la navette entre les deux sièges. Une douleur lancinante s'est installée dans mon dos et n'a plus voulu me quitter. Un matin, après avoir avalé mon café à la hâte, j'ai saisi mon attaché-case et mes pieds n'ont plus voulu avancer. Je me suis retrouvé paralysé. Ambulance, hôpital, cure de sommeil et repos obliga- toire.

J'avais deux enfants en bas-âge et devais absolument gagner ma vie. Nous habitions une petite maison en ville. La maison voisine était occupée par une vieille dame qui tenait une librairie poussiéreuse et désirait prendre une retraite bien méritée. Nous avons sauté sur l'occasion.

Les deux années qui ont suivi ont compté parmi les meilleures de ma vie. Nous avons modernisé, tout en restant dans l'esprit du quartier, et bientôt la librairie est devenue le lieu de rencontre des gens du voisinage. Il n'était pas rare que des clients se retrouvent pendant une heure pour bavarder, rire et échanger les derniers potins. Les habitués avaient leur tabouret dans le fond du magasin. Les clients nous envoyaient des cartes postales, nous rapportaient de menus souvenirs de leurs vacances, me confiaient leurs joies et leurs soucis, demandaient des conseils.

C'est pendant cette période que le don est réapparu petit à petit. Il m'arrivait de plus en plus fréquemment de prédire des événements de la vie de mes clients et la rumeur s'est répandue aux alentours. J'ai reçu de plus en plus de demandes et, lorsqu'elles se sont faites trop nombreuses, j'ai dû prendre une décision.

Comme toujours, c'est au moment où vous en avez le plus besoin que le sort vous donne un petit coup de pouce. Ici, il s'est manifesté sous les traits de Madame Jeanne — appelons-la Madame Jeanne — qui s'est chargée d'enlever mes dernières hésitations.

C'était une vieille dame qui portait alertement ses 80 prin- temps, une des clientes les plus assidues de la librairie. Elle en était venue assez rapidement à me tutoyer et je la considérais comme une mamie aimable et charmante.

Elle conduisait une petite voiture dans laquelle elle m'offrit un jour de me véhiculer jusqu'à mon agence bancaire qui se trouvait à 500 mètres. J'acceptai pour lui faire plaisir mais je ne tardai guère à regretter amèrement d'être monté dans la voiture. J'y passai les cinq minutes les plus longues de ma vie. Heureuse- ment, l'avenue était divisée en deux bandes de circulation bien distinctes, séparées par un terre-plein ombragé de cerisiers. Malgré cela, je crus mille fois ma dernière minute arrivée. Je sortis vert de la voiture. Derrière ses lunettes épaisses — car elle était très myope — elle me lança un regard narquois.

— Alors, jeune homme, me lança-t-elle, on supporte mal les cahots de la route ?

Quelques semaines plus tard, alors que nous bavardions, en sécurité dans le magasin, elle me lança soudain :

— Mon garçon, tu dois venir me voir. Je dois te parler. Ai-je oublié de le dire, Madame Jeanne était cartomancienne.

Je pris donc rendez-vous. Ses doigts étaient encore agiles et couraient sur le jeu étalé devant moi.

— C'est bien cela, c'est écrit mon garçon, ici et ici aussi, et encore là. Tu as le don. Il y a longtemps que je l'ai remarqué et il y a longtemps que je t'observe. Mais maintenant, le moment est venu de passer aux choses sérieuses. Installe un cabinet de consultation. Le succès t'attend. Ne tarde pas.

Cette consultation a décidé de mon avenir. J'ai vendu la librairie et ai commencé ma carrière de tarologue-voyant à temps plein, en toute légalité.

Cette décision ne fut cependant pas prise à la légère. Mon épouse et moi discutâmes longuement de l'avenir. Elle avait une très bonne situation qui absorbait beaucoup de son temps. Elle serait le pilier financier de la famille. Je recevrais les clients dans la salle à manger pendant que les enfants étaient à l'école. Pendant les temps morts — car je savais qu'il y aurait des temps morts — je m'occuperais du ménage.

C'est à ce moment que je me suis mis à faire la cuisine : nécessité qui est vite devenue un plaisir et puis ma passion. Encore maintenant, je suis le plus heureux des hommes lorsque je peux m'installer aux fourneaux.

J'ai fait paraître des annonces dans un petit journal « toutes boîtes » et me suis mis à la tâche, heureux comme un enfant lorsque je pouvais annoncer à ma femme qu'une personne avait pris rendez-vous pour le lendemain.

Malgré cela, la clientèle était lente à venir, car il faut se replacer dans le contexte de l'époque où on venait consulter incognito, en se cachant des autres. Nous décidâmes, mon épouse et moi, de nous réunir en cellule de crise.

— Quel est, me demanda-t-elle, le genre de personnes susceptibles de venir consulter un tarologue, les personnes qui rencontrent beaucoup de monde à qui elles peuvent te recom- mander?

Nous tombâmes vite d'accord ; il n'y avait que les filles de bar qui répondaient à cette description. J'irais donc faire la tournée des bars du haut de la ville.

Plusieurs fois par semaine, je me mis en route avec une pile de cartes sur lesquelles figuraient mon nom, mon numéro de téléphone, ma profession et une phrase dont je ne me souviens plus, vantant mes talents et mon savoir-faire.

J'essayai d'abord de placer mes cartes dans les librairies qui épinglaient des petites annonces dans leur vitrine mais je fus partout repoussé avec indignation, voire dédain.

— Ici, nous n'acceptons pas ce genre de publicité ! C'est presque en désespoir de cause que je me résolus à visiter

les bars. Si je franchis la première porte avec hésitation, ce fut plus

facile ensuite. Sans consommer, de façon à n'être pas confondu avec un client, j'approchais l'hôtesse principale, lui expliquais le but de ma visite et lui tendais un carton. Toujours, l'accueil fut chaleureux et, la curiosité aidant, ma carte passait de main en main avant de revenir à l'hôtesse.

Ce fut le début du succès. Des filles, ma clientèle s'étendit à leurs clients et leurs amis et bientôt mon carnet de rendez-vous se remplit plus facilement.

Je participai également à quelques festivals de la voyance afin d'étendre ma notoriété hors de Bruxelles. Le premier se passa à Mons.

J'avais été frappé, quelques années auparavant alors que j'accompagnais un de mes fils dans un hôpital pour enfants, par une des infirmières réceptionnistes et, mû par une impulsion soudaine, je lui avais annoncé :

— Madame, vous quitterez bientôt votre poste pour faire le même métier que le mien.

Il s'agissait de Françoise Florian, aujourd'hui bien connue dans le milieu de la parapsychologie.

Quelle ne fut pas ma joie, un jour, de recevoir un coup de fil de Françoise, m'annonçant qu'elle avait ouvert un cabinet de consultation et qu'elle participait à son premier festival, à Mons. Elle me demandait de l'y accompagner afin de l'encourager de ma présence. J'acceptai en toute simplicité, et également parce que je me sentais un peu responsable du tournant de sa carrière.

Le festival se tenait dans un hôtel. Dans une grande salle étaient dressées des « niches », chacune garnie d'une table et de deux chaises. J'étais arrivé bien avant l'heure et ma voisine, devinant que j'étais quelque peu désorienté, se mit en mesure de me distraire. C'était une dame d'âge mûr, très maternelle et chaleureuse. Tout en bavardant, nous découvrîmes que nous venions de la même région et qu'elle connaissait ma famille. Cela suffit pour qu'elle me prenne sous sa protection et, encore maintenant, je lui en garde une grande reconnaissance. Natcha et moi sommes devenus et sommes restés amis.

On commençait à parler de moi dans le milieu de la parapsychologie et ce premier festival fut suivi de plusieurs autres, à Bruxelles et en province. Ils contribuèrent grandement à étendre ma réputation.

C'est, comme toujours, lorsque vous n'avez plus besoin de publicité que les propositions affluent sans que vous les recher- chiez. La radio et la télévision se sont intéressées à moi.

Ce fut d'abord Françoise Vendemoortel qui me contacta pour son émission débat qui passait le lundi soir à la RTBF. L'émission traitait de la parapsychologie et le panel des invités comportait plusieurs personnalités scientifiques, en plus de représentants des divers arts divinatoires.

Au cours de cette émission, je fus le seul à prédire, en direct

sur l'antenne, qu'il y aurait une guerre du Golfe, allant, en cela, à rencontre de l'avis de célèbres voyants internationaux qui tous avaient prédit que cette guerre n'aurait pas lieu.

Cette soirée figure dans mes meilleurs souvenirs car j'ai découvert en Françoise Vandemoortel une jeune femme sensible et intelligente, une parfaite professionnelle qui savait mettre ses invités en valeur en leur posant des questions judicieuses.

Peu après vint une émission pour une radio privée, pendant laquelle je répondais aux questions des auditeurs et donnais ensuite un cours de tarologie.

Finalement, RTL-TVI m'approcha pour une nouvelle émis- sion qui s'intitulerait « Pour le Meilleur et pour le Vivre » avant de changer de nom et s'appeler « Entre-Nous ».

Le réalisateur de l'émission me demanda si je voulais partici- per bénévolement à l'émission, étant donné que je bénéficierais, en échange, d'une publicité importante. Il est toujours flatteur d'être choisi par les médias et je n'hésitai pas longtemps.

A partir de ce moment, mon téléphone n'arrêta plus de sonner.

Le prix de la « célébrité »

J'ai mis expressément le mot « célébrité » entre guillemets car je n'ai jamais recherché les honneurs et ai toujours préféré les recommandations de bouche à oreille à une publicité tapageuse. C'est pourquoi mon téléphone professionnel est en réalité un numéro privé.

Ma participation à l'émission télévisée de RTL-TVI a boule- versé mon univers bien tranquille en élargissant ma notoriété. Comme toutes choses dans la vie, cela a entraîné des effets positifs et négatifs.

Positif, car l'émission m'a sorti de mon cocon en me rappro- chant des préoccupations et des problèmes quotidiens de gens

qui n'avaient pas les moyens de venir me consulter, en me faisant toucher leurs misères du doigt.

Positif également, le fait d'être reconnu dans la rue, de recevoir un sourire chaleureux ou un salut cordial de personnes que je ne connais pas.

Négatif, car les gens ne comprennent pas toujours que je ne sois pas disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Egalement négatif le fait que la notoriété ou la réussite engendre souvent la jalousie. Je suis devenu une cible pour les journalistes en mal de copie et si, souvent, je hausse les épaules, il arrive qu'un article me mette hors de moi.

Je pense pourtant être tolérant. J'accepte les gens avec leurs qualités et leurs défauts et m'efforce de leur venir en aide du mieux que je peux. Je crois en la beauté de la vie et la bonté du genre humain, même si souvent il m'est donné de faire face au côté sombre de l'âme humaine.

La Continuité

J'ai toujours su que mon fils aîné prendrait un jour ma succession.

Tout petit, il manifestait une sensibilité beaucoup plus vive que les autres enfants de son âge. J'avais remarqué les signes, je savais qu'il avait le don, j'attendais qu'il se manifeste. C'est au cours de la puberté que les premières manifestations ont eu lieu. Elles furent plutôt violentes.

Stephan eut une adolescence perturbée. Sa générosité et sa sensibilité lui faisaient prendre parti pour les démunis et les marginaux et lui rendaient insupportable l'aisance dans laquelle nous vivions.

Nous nous heurtions souvent. Je supportais mal qu'il semblât suivre un autre schéma de vie que celui dans lequel nous l'avions formé. Nous eûmes de violentes disputes. A plusieurs reprises, à

cours d'arguments et saisi d'une profonde colère à mon égard, il me regarda fixement et je me sentis devenir malade. Mon cœur cognait violemment dans ma poitrine, mes tempes battaient, j'étouffais, je me sentais partir. Je criai : « Arrête, Stephan, arrête. » Il s'est alors détourné et mon cœur mit de longues minutes à reprendre son rythme normal.

Quelques années plus tard, après que nos rapports furent redevenus amicaux, il vint me trouver et demanda à me parler. Il était profondément perturbé car une force qu'il contrôlait encore malaisément se manifestait à travers lui. Il « voyait » ce qui allait arriver aux gens autour de lui mais, malheureusement, il ne percevait que des événements dramatiques.

— Encore ce matin, me dit-il, je prenais un café avec un collègue quand je me suis entendu lui demander comment se portait son bébé de dix mois. « Très bien », m'a-t-il répondu, « pourquoi ? ». « Je crois qu'il est malade, tu devrais appeler ta femme. »

Perturbé, il téléphona à sa femme et revint après quelques minutes en me jetant un regard effrayé.

— Ma femme était sur le point de m'appeler. Elle n'a pas pu mettre le petit à la crèche, il a une fièvre violente depuis ce matin.

— De même, reprit-il encore, tu connais Untel. Eh bien, je sais qu'il va recevoir la porte du garage de sa maison sur la tête et qu'il en mourra. Pourtant, il habite un appartement et n'a pas de garage. Je ne sais pas quand cela se produira mais je sais que cela se produira. Me vois-tu le mettre en garde ? Que dois-je faire ?

Il fallait simplement que le don s'exprime, sans le combattre, en le laissant couler comme l'eau coule de la source.

Sans en avoir jamais appris le maniement, il se mit à tirer les cartes bénévolement pour ses amis et ses collègues de travail et, après une bonne année, me dit qu'il se sentait apte à m'épauler.

J'attendais ce moment. Il avait mûri. Il était serein et détaché. Il était prêt.

La Vie après la Mort

Je me suis souvent interrogé sur ce qu'il adviendrait de moi après ma mort. La seule chose dont je suis certain, c'est la mort physique, la désagrégation de ce merveilleux assemblage de cellules qui forme le corps humain.

Mais le reste, l'autre partie de nous-mêmes, notre moi, notre intelligence, notre conscience, notre âme?

Nous sommes venus sur terre avec, dans nos gènes, un bagage hérité de générations d'êtres humains. Toute notre vie, nous augmentons ce bagage et le transmettons à nos descendants par la procréation d'abord et par l'éducation ensuite.

Est-ce la seule façon de nous perpétuer ou emportons-nous avec nous, dans l'au-delà, la somme des connaissances acquises dans notre vie comme on emporte ses valises lors d'un déména- gement? Et si oui, comment, par quel moyen, pour aller où, pourquoi ?

Pourtant, deux expériences personnelles m'ont un temps convaincu de la continuité de notre vie sur terre.

La première expérience eut lieu peu après que j'eus ouvert mon cabinet. J'ai raconté plus haut que, depuis ma brève paralysie, ma colonne vertébrale me faisait par moments souffrir intensément.

Je venais de reconduire une cliente lorsque je me suis affalé sur ma chaise, abattu par une douleur lancinante, en me demandant pourquoi, mais pourquoi devais-je souffrir comme un damné ?

Je pense avoir perdu conscience. Je me suis retrouvé en Russie, dans une propriété près de Saint-Pétersbourg. J'avais vingt-cinq ans, j'étais marié et j'avais deux enfants en bas âge. J'avais été outrageusement gâté par des parents idolâtres et des serviteurs obséquieux et, d'enfant difficile et cruel, j'étais devenu un adulte arrogant, vaniteux et capricieux, ne pensant qu'à mon amusement et mes plaisirs.

Sous les murs hauts et épais de la propriété grondait une foule de paysans et d'ouvriers et moi, je les narguais, les mettant au défi de s'avancer plus avant et ne trouvant pas de mots assez durs pour leur rappeler leur basse condition.

C'était la Révolution ! Lorsqu'ils commencèrent à enfoncer les grilles et que la foule

déferla dans le parc en hurlant à la mort, je m'enfuis lâchement, sans me soucier de ma famille. Quelque chose me transperça le dos. Je perçus une douleur intense, juste à l'endroit qui me faisait mal, et tombai sur le sol.

Je repris connaissance, assis sur ma chaise. Des larmes de honte coulaient le long de mes joues mais je n'avais plus mal. La douleur avait disparu. Elle n'est jamais revenue.

Ma deuxième expérience se passa plus tard, lorsque la période d'adolescence troublée de mon fils eut pris fin et que nos rapports furent redevenus normaux. Je m'interrogeai sur les raisons qui me poussaient à être dur avec lui. Ce n'était pas une rivalité de coqs dans un poulailler mais, pour un observateur non averti, ça pouvait en avoir l'air.

J'étais plongé dans une profonde méditation lorsque Stéphan entra dans la pièce où je me trouvais. Je lui dis alors :

— Stephan, je bâtissais une haute tour et j'en étais le maître d'œuvre. Tu étais sculpteur de pierre. Tes cheveux noirs étaient bouclés et ton front ceint d'un bandeau. Tu portais une courte tunique blanche.

Je t'ai rejoint au sommet de la tour. J'étais très en colère car tu ne voulais pas écouter mes conseils. Tu étais un artisan de génie et j'étais jaloux des compliments que l'on t'adressait. Je trouvais injuste qu'en tant que maître d'œuvre, je ne reçoive pas les éloges qui, pensais-je, m'étaient dévolus.

Je me suis approché de toi et sais-tu ce que j'ai fait? — Tu m'as tué, me répondit-il. Tu t'es approché de moi par

derrière, tu m'as frappé et jeté en bas de la tour pour faire croire à un accident.

Il eut ensuite cette phrase terrible : — Toujours, au cours de nos différentes vies, tu as essayé de

me tuer.

En un éclair, je réalisai qu'il disait la vérité et, lorsque je fus remis du choc, je remerciai mille fois le ciel d'avoir permis cette découverte. Encore un karma que je ne traînerais plus derrière moi !

Que conclure de ces deux expériences ? J'en suis sorti troublé mais heureux, avec la certitude que j'avais déjà eu plusieurs vies et que je reviendrais encore sur terre.

Mais depuis, le temps passant, les interrogations ont repris le dessus : où, comment, par quel moyen, pourquoi ?

Un Homme heureux

Comme je le dis souvent, la vie emploie parfois des moyens bien compliqués pour nous forcer à cheminer sur la voie qui nous a été tracée.

Rien n'est hasard. En y réfléchissant, la moindre rencontre, le plus petit événement apportent de l'eau au moulin de notre existence. Au moment voulu se produit l'événement attendu. Les choses s'enchaînent, les détails arrivent à former un tout, lui- même partie d'un plus grand tout. Chaque action porte en elle le germe d'une autre action, et cela jusqu'à l'infini. Chaque cause produit un effet, qui lui-même sera la cause d'un autre effet. C'est la loi du Karma, mais c'est une bonne loi.

Elle nous oblige à nous interroger, à agir avec circonspection, avec prudence, pour ne pas heurter les autres, pour ne pas faire de mal.

J'accepte le karma, mais je le veux heureux. Je suis un homme heureux. J'ai la joie d'exercer un métier que

j'aime. J'essaie de guider les gens vers le bonheur, je les soutiens, je les réconforte. Je prie souvent pour eux, à n'importe quel moment de la journée, en promenade, entre deux consulta- tions, avant de m'endormir. Pour que la santé d'Untel s'amé-

liore, pour que les ennuis d'un autre s'allègent, pour le bonheur d'une famille...

Il y a tant de raisons de prier !

Voyance et Tarologie

De tout temps depuis que la terre existe, des êtres humains sont nés avec la capacité innée de se mettre en résonance avec les autres, de plonger dans les racines du passé, de capter les éléments du futur, de soigner ou de prévenir le mal, tant physique que psychique.

De tout temps, également, de tels êtres ont été soit honorés et respectés, soit — et c'est le cas le plus fréquent — craints et pourchassés.

On leur a donné le nom de Docteurs de la Science, de Gardiens de la Vérité, de Mages, de Magiciens, de Sorciers, de Devins. On les a regroupés sous la dénomination générale d'occultistes, puisqu'ils recherchaient — dans le secret et pour cause —, des lois incomprises du commun des mortels, donc occultes.

Il fut un temps où le public s'imaginait que tous les occultistes portaient des chapeaux pointus et des robes brodées de sym- boles, et les considéraient avec crainte.

En fait, l'occultisme est une combinaison de philosophie, de religion, de science et de magie. L'occultiste s'intéresse à l'Arcane et explore un monde que l'imagination populaire peuple de toutes sortes de terreurs. Cette conception populaire de l'occultisme fut renforcée, dans des temps pas si lointains, par des mouvements religieux qui laissaient entendre que quiconque s'intéressait à des questions dépassant l'expérience ordinaire, impossibles à percevoir par les sens normaux, se mêlait d'affaires sataniques et faisait un pacte avec le diable.

C'est pourtant le Pape Léon XIII, lors du Concile de Trente,

qui décida de placer au milieu du conclave la Somme de saint Thomas d'Aquin afin « d'en tirer des avis, des conseils et des oracles ».

Et c'est saint Paul qui écrit, dans sa première épître aux Corinthiens, «... l'un reçoit de l'Esprit Saint le don de parler avec sagesse, un autre celui de parler avec science, un autre le don de guérir les maladies, un autre le don de prophétie ».

L'occultiste affirme qu'il existe des forces naturelles d'un pouvoir d'action extraordinaire que l'homme peut invoquer. Elles sont naturelles car liées à des causes connues dont l'homme sait se servir.

Parmi les récompenses du pouvoir occulte se trouve l'aptitude à soulager la souffrance d'autrui et, également, la possession de la faculté de prédiction.

Ceci n'est pas aussi fantastique qu'il pourrait le sembler. Par une connaissance magistrale des causes, nous pouvons les projeter dans l'avenir et en ressentir les effets dès à présent.

Pourquoi, direz-vous, éprouvons-nous alors le besoin d'utili- ser le Tarot s'il nous est possible de puiser directement à la Source de toutes les informations ? Pourquoi prendre le nom de tarologue et non pas tout simplement celui de voyant ?

Naît-on avec le « don » ou est-il possible de l'acquérir par l'étude et la pratique ?

A mon avis, la voyance est une prédisposition, un don de naissance souvent héréditaire. Que ceux et celles qui possèdent la carte du ciel de leur naissance regardent s'il s'y trouve une relation entre Neptune et Pluton *. Des faits étranges, ou que l'on croit étranges, ont amené mon épouse à se pencher sur mon thème astral, sur celui de notre fils aîné et celui de notre petite fille de quatre ans. Tous trois, nous avons un sextile exact entre Neptune et Pluton et tous trois possédons la faculté de ressentir les choses du passé et de voir l'avenir de ceux que nous approchons.

* En astrologie, Neptune représente l'imagination, l'inconscient, et Pluton la faculté de voir les choses cachées, l'intuition.

la Croix 188 l'Etoile 192 les 21 lames 195

ÉPILOGUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

Cet ouvrage a été composé par l'Imprimerie BUSSIÈRE et imprimé sur presse CAMERON dans les ateliers de la S.E.P.C. à Saint-Amand-Montrond (Cher)

en mars 1993

N° d'impression : 105-2665 Dépôt légal : mars 1993

Imprimé en France