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1 Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial Louisa DAHMANI Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER Promotion 2010-2011

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Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement

du bail commercial

Louisa DAHMANI

Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER

Promotion 2010-2011

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Les opinions émises dans le mémoire n'engagent que leur auteur

et non la Faculté Libre de Droit.

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LES STRATÉGIES DU BAILLEUR POUR ABORDER

LE RENOUVELLEMENT DU BAIL COMMERCIAL

Louisa DAHMANI

Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER

Promotion 2010-2011

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REMERCIEMENTS

Je remercie Madame BRUNEAU, intervenante en baux commerciaux et

gestionnaire immobilier, pour m’avoir transmis sa riche expérience des baux commerciaux

et pour avoir dirigé ce mémoire.

Je tiens également à remercier l’équipe du cabinet Triplet et associés pour leur

accueil, leur disponibilité et leur écoute. Je remercie tout particulièrement Maître Bailleul,

avocate spécialisée en droit des baux commerciaux. Elle m’a offert un terrain propice à

l’enrichissement de mes connaissances. Son écoute, sa disponibilité et son

professionnalisme m’ont permis de développer cette étude

J’exprime toute ma gratitude envers Madame Laugier, Directrice du Master 2

Pratique du droit des affaires et Maître de conférences, pour ses conseils et son soutien

permanent.

Je remercie Monsieur Martel et son équipe, Experts immobiliers, d’avoir accepté de

participer à cette réflexion en mettant l’accent sur la pratique des baux commerciaux lillois.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE

PREMIÈRE PARTIE. LES STRATÉGIES PRÉCONTRACTUELLES DU

BAILLEUR COMMERCIAL

CHAPITRE I. La connaissance préalable de l’environnement juridico-économique

du bail commercial

CHAPITRE II. Les stratégies contractuelles de détournement du droit au

renouvellement et du déplafonnement

DEUXIÈME PARTIE. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR COMMERCIAL FACE

AU RENOUVELLEMENT

CHAPITRE I. La limitation statutaire des stratégies du bailleur commercial

CHAPITRE II. Repenser le statut

CONCLUSION GÉNÉRALE

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LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

Act. Jurispr. : Actualité jurisprudentielle

Adde : Ajouter

Administrer : Revue Administrer

AJ : Actualité jurisprudentielle du Recueil Dalloz

AJDI : Actualité juridique, Droit immobilier (Dalloz, à partir de 1998)

AJPI : Actualité juridique, Propriété immobilière (jusqu’à décembre 1997)

al. : Alinéa

Ann. Loyers : Annales des loyers

art. : Article

Ass. plén. : Assemblée plénière de la Cour de cassation

BICC : Bulletin de la cour de cassation

Bull. civ. : Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

C. : Code

C. baux : Code des baux

C. civ. : Code civil

Code de commerce : Code de commerce

CA : Cour d'appel

Cass. ch. mixte : Arrêt de la chambre mixte de la Cour de Cassation

Cass. ch. réun. : Arrêt rendu par les chambres réunies de la Cour de Cassation.

CE : Conseil d’État

CEDH : Cour européenne des droits de l’homme

Chron. : Chronique

Civ. : Chambre civile de la Cour de cassation

Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation

Comp. : Comparer

concl. : Conclusions

Contra : Solution contraire

Conv. EDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales

C. pr. civ. : Code de procédure civile

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Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation

D. : Dalloz

Décr. : Décret

Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois

Doctr. : Doctrine

Esp. : Espèce

et a. : et autre(s)

et s. : et suivantes

fasc. : fascicule

Gaz. Pal. : Gazette du Palais

ibid. : Au même endroit

ICC : Indice Insee du coût de la construction

ILC : Indice des loyers commerciaux

Infra : Ci-dessous

IR : Informations rapides (du Recueil Dalloz)

J : Jurisprudence

JCP : Juris-classeur périodique (Semaine juridique), édition générale

JCP E : Juris-classeur périodique, édition Entreprise

JCP N : Juris-classeur périodique, édition Notariale

JO : Journal officiel

L. : Loi

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

Loyers et copr. : Loyers et copropriété

LPA : Les Petites Affiches

Mod. : Modifié

n° : Numéro

not. : Notamment

Nouv. : Nouveau

obs. : Observations

Ord. : Ordonnance

p. : Page

Pan. : Panorama

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R. : Rapport annuel de la Cour de cassation

rappr. : Rapprocher

RCS : Registre du commerce et des sociétés

RDI : Revue de droit immobilier (Dalloz)

Rect. : Rectificatif

Rép. civ. : Répertoire de droit civil Dalloz

Rép. com. : Répertoire de droit commercial Dalloz

Rép. min. : Réponse ministérielle

Rép. pr. civ. : Répertoire de procédure civile Dalloz

Req. : Requête

Rev. bleue : Revue bleue

Rev. Loyers : Revue des loyers et des fermages

RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil (Dalloz)

RTD com. : Revue trimestrielle de droit commercial

Somm. : Sommaires

Spéc. : Spécialement

ss. : Sous

Supra : Ci-dessus

t. : Tome

TGI : Tribunal de grande instance

TI : Tribunal d’instance

V. : Voir

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

« Il a quelques fois accommodé à ses propres dépens de procès, même

considérables ; et un trait rare, en fait de finances, c'est d'avoir refusé, à un

renouvellement de bail, cent mille écus qui lui étaient dus par un usage établi : il les fit

porter au Trésor Royal pour être employés au paiement de pensions les plus pressées des

Officiers de Guerre ». Cet extrait de l’ouvrage de Bernard le Bouyer de Fontenelle intitulé

« Eloge des membres de l’Académie Royale des Sciences » publié au XVIIIème

siècle fait la

louange de la grande générosité de Monsieur d’Argenson, propriétaire et ancien

académicien, qui offrit l’indemnité reçue du renouvellement d’un bail au Trésor public.1

Pourtant, les auteurs du siècle suivant évoquaient plutôt « l’abus de puissance du

bailleur2 » et relataient leur comportement déloyal à l’égard des preneurs, avec la

complicité parfois des grandes firmes de l’époque. En effet, deux siècles plus tard, la loi du

17 mars 1909 relative au fonds de commerce avait eu pour conséquence d’augmenter leur

valeur. Avec l’apparition des grandes entreprises, celles-ci proposaient aux propriétaires

bailleurs des offres de relocation « à des prix défiant toute concurrence 3» se substituant

aux locataires en place. Les auteurs rapportent que les bailleurs les expulsaient « sans

bourse délier4 » pour profiter de la clientèle développée et des éventuels profits générés

tout en s’assurant pour l’avenir de la solvabilité des nouveaux preneurs : « La morale

n’avait pas gagné à la réforme de 1909 et les commerçants y avaient quelque peu perdu de

leur sécurité 5».

Face à ce rapport de force, la construction du statut des baux commerciaux s’est réalisée

dans le sens d’une protection du preneur présumé être la partie économiquement faible du

contrat de bail commercial6. En effet, au XIX

ème siècle et au début du XX

ème siècle, la

1 DE FONTENELLE (1657-1757), Éloge des membres de l’Académie royale des Sciences, « Éloge

de Monsieur d’Argenson », Académie française des belles lettres de Londres, Nancy, Berlin et Rome, tome

sixie, 1694-1727.

2 RTD Com. 2005 p. 256 « Bail commercial, accord sur les modalités ou le montant du loyer à

payer en cas de renouvellement du bail », J. DERRUPPÉ. 3 Mbotaingar A., Statut des baux commerciaux et concurrence, Litec, décembre 2007.

4 ANZEMA, MUTELET, PRIGENT, Les baux commerciaux, Revue des loyers, octobre 2010,

Lamy, p. 1. 5 Marion, Gaz. Pal. 1960, 2, doctr. p.65

6 Thèse de J. AUBERT, « La fixation des loyers commerciaux : la pratique judiciaire dans les

ressorts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence et du Tribunal de Grande Instance de Marseille », Université

d’Aix-en-Provence, 1976, p. 13. Il nuance ce propos en soutenant que la règlementation sur le fonds de

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valeur économique et patrimoniale du fonds de commerce est mise en valeur et reconnue

par la loi7. C’est ainsi qu’après la Grande Guerre, la loi du 30 juin 1926

8 accordait au

preneur le droit de demander le renouvellement, de réclamer le paiement d’une indemnité

en cas de refus de renouvellement abusif ou d’enrichissement sans cause et de proposer

une conciliation pour conclure un nouveau bail à l’expiration de la première. L’ensemble

du dispositif était déjà frappé d’ordre public. Le décret du 30 septembre 19539 a scellé ce

régime : « En instituant au profit du titulaire d’un bail commercial un droit de principe au

renouvellement de celui-ci le décret vise à assurer aux commerçants la stabilité matérielle

nécessaire à la pérennité du fonds qu’ils exploitent 10

».

C’est ainsi que ce bref aperçu historique révèle que le contrat de bail commercial a pour

dessein depuis 1909 de compenser la perte du droit de propriété du bailleur, tout en

préservant les intérêts économiques des preneurs.

Dans ce contexte, l’évolution des rapports entre bailleurs et preneurs révèle une

ambivalence. En effet, s’ils sont apparemment associés au développement prospère du

local, il existe également un « conflit d’intérêt »11

.

D’une part, ils sont associés dans la mise en valeur du fonds de commerce exploité et a

fortiori du local par le contrat de bail. Toutefois, cette association trouve ses limites au

niveau du calcul du loyer. En effet, le bailleur souhaite rentabiliser le prix d’acquisition du

local et optimiser sa valeur en augmentant les loyers ; le preneur souhaite a contrario

limiter les frais liés à l’occupation du local et acquitter un faible loyer et assumer un

minimum de charges et d’obligations.

D’autre part, le statut est le lieu de confrontation permanente entre les droits respectifs des

parties. Tout d’abord, le bailleur a un droit de propriété sur son immeuble. Le droit de

propriété est un droit inviolable et sacré reconnu par les articles 2 et 17 de la Déclaration

commerce et la propriété commerciale est le « résultat de l’action d’un groupe de pression, représentant une

corporation riche, puissant, et dont la richesse était en pleine expansion ». 7 La loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce a consacré

cette évolution. 8 Loi du 30 juin 1926 qui règle les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le

renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. 9 Décret n° 53-960 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne les baux à

loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal.

S’agissant d’un décret-loi, les dispositions législatives ont été insérées dans le nouveau C. Com. par

l’ordonnance du 18 septembre 2000 et les dispositions règlementaires dans un décret du 27 mars 2007. 10

Sol. Minist. JO déb. A.N 15 août 1994, p. 417, RL. 1994 p. 476. 11

Ibidem p. 2.

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des Droits de l’Homme et du Citoyen12

. Il est également un principe à valeur

constitutionnelle13

. A l’inverse, le preneur s’est vu accordé un « droit à la propriété

commerciale » par le législateur. Cette notion génère de nombreux débats doctrinaux. Sans

remettre en cause sa prégnance dans le statut des baux commerciaux, des auteurs regrettent

cette expression puisqu’il ne s’agit pas de transférer le droit de propriété du bailleur sur la

tête du preneur14

. L’expression est toutefois largement reprise dans les manuels, les

enseignements et en doctrine. Elle signifierait en substance que le preneur disposant d’un

contrat de bail de neuf ans15

et d’un droit au renouvellement16

, protège son fonds de

commerce, le développe dans de très bonnes conditions et bénéficie en définitive du « droit

à la propriété commerciale » ou du droit à l’exploitation commerciale de ces locaux pour

son industrie de façon pérenne. De plus, cette protection est justifiée par le fait que son

exploitation étant liée intimement à l’emplacement de son local, sa perte aurait des

conséquences économiques graves. D’ailleurs, le Rapporteur de la loi à l’Assemblée

Nationale a confirmé cette approche en 1964 : « Il est aujourd’hui reconnu que, pour

assurer l’amortissement de ses investissements, le commerçant locataire doit être assuré

d’une durée suffisante de son bail. […] C’est pourquoi la commission a jugé nécessaire de

fixer à neuf ans la durée minimale du bail commercial 17

».

En conséquence, le noyau dur du bail commercial est l’ajustement entre ces deux

prérogatives et entre les desseins économiques ambivalents des cocontractants. Dans cette

perspective, le moment du renouvellement est au cœur de la réflexion puisque c’est à cette

occasion qu’il peut heurter le droit de propriété absolu et perpétuel du bailleur et/ou

consumer voire anéantir les efforts d’exploitation du preneur : « Le moment du

renouvellement du bail est un temps où s’affrontent des intérêts contradictoires. Ceux du

preneur souhaitant une augmentation modérée du loyer afin de préserver la santé

financière de son activité et ceux du bailleur voulant conserver la rentabilité de son

12 Art. 2 de la DDHC : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels

et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à

l’oppression. »

Art. 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est

lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et

préalable indemnité. » 13

Conseil constitutionnel, décision n° 81-132 du 16 janvier 1982. 14

Certains auteurs nuancent la portée de cette expression : voir supra note 3, p. 1. 15

Art. L. 145-34 du C. Com. 16

Décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 (JO du 1er

octobre 1953, p. 8618 et s.). 17

JO déb. AN 1964, p. 2194.

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immeuble18

». En effet, les ambitions économiques de chacune des parties au moment du

renouvellement sont différentes. Ainsi, la loi a encadré leurs relations et il est intéressant

d’analyser l’ensemble des dispositions et de déceler la marge de manœuvre dont dispose le

bailleur pour optimiser le renouvellement éventuel de son bail commercial. De même, le

preneur pourra prendre connaissance de cette étude pour contrecarrer ou anticiper la

position du bailleur. C’est ainsi que le sujet de ce mémoire s’intitule : « Les stratégies du

bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial ».

À cet égard, il convient de délimiter ainsi l’objet de notre étude en définissant les

termes du sujet.

Tout d’abord, il s’agit de définir l’expression « les stratégies ». Selon le sens

commun19

, la stratégie est « l’art de coordonner l’action des forces militaires, politiques,

et morales impliquées dans la conduite d’une guerre ou la préparation de la défense d’une

nation ». Le second sens, que nous choisirons, définit la stratégie comme « l’art de

coordonner des actions, de manœuvrer habilement pour atteindre un but ». La

caractéristique de la stratégie est « l’habileté », soit l’adresse, l’ingéniosité, la ruse.

L’adresse est l’habileté physique ou intellectuelle. L’ingéniosité se dit d’une personne

pleine d’esprit d’invention, de subtilité. La ruse a une connotation péjorative puisqu’elle

fait référence aux procédés habiles et déloyaux dont une personne se sert pour parvenir à

ses fins. La stratégie peut donc être soumise aux activités les plus diverses dont la matière

juridique fait partie. En effet, les dispositifs juridiques sont un réservoir de contraintes et de

possibilités et ce d’autant plus dans une matière éminemment technique qu’est le droit des

baux commerciaux. De nombreux outils juridiques sont donc mis à la disposition des

parties pour envisager le renouvellement (dispositions législatives et réglementaires,

stipulations contractuelles, jurisprudence, doctrine). Néanmoins, à côté de cette hiérarchie

des normes classique, il y a des espaces libres de toute action ou de toute abstention qu’il

faut aussi exploiter. Or, le contentieux relatif au renouvellement est important étant donné

que la pratique révèle qu’il s’agit d’une matière non maîtrisée ou très peu maîtrisée par les

18 AJDI 2009, p. 289 « Les relations financières entre bailleur et preneur à bail commercial »,

DEJOIE ET PHAN THANH. 19

Encyclopédie Larousse, éd. 2011

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professionnels du droit20

voire inconnue par certains preneurs. Ainsi, choisir une vision

stratégique dans l’optique du renouvellement permet de déterminer les outils juridiques

mobilisables et non mobilisables en fonction des objectifs économiques du bailleur en vue

du renouvellement.

En effet, le point de vue choisi est celui du « bailleur ». On rencontre le terme

« balleour » dès le XIVème

siècle pour désigner celui qui donne à bail. Toutefois, un tout

autre sens familier était répandu pour l’associer au caractère trompeur d’une personne, à

celui qui a l’habitude de dire des choses fausses21

. Dans le contrat de bail, le bailleur est

celui qui s’engage à procurer au cocontractant la jouissance d’une chose mobilière ou

immobilière, contre une rémunération22

. Il peut s’agir d’une personne physique ou morale.

En outre, la loi n’exige pas qu’il ait la qualité de commerçant, contrairement au preneur

titulaire d’un fonds de commerce23

. La pratique distingue les bailleurs privés et les

bailleurs institutionnels, ces derniers étant notamment des banques ou des compagnies

d’assurance. L’autre partie au contrat de bail est le locataire ou preneur qui est celui qui

obtient le droit d’utiliser la chose louée contre le versement d’une somme d’argent appelée

loyer24

.

De plus, il faut se garder de confondre systématiquement le bailleur et le propriétaire de

l’immeuble. Si dans la majorité des cas le propriétaire a la qualité de bailleur, il peut

également déléguer sa prérogative de mise à disposition de la jouissance des locaux à un

tiers. En effet, le propriétaire est celui qui dispose du droit réel sur la chose et de toutes les

prérogatives qui s’y rattachent : le droit d’user et de détenir la chose sans en percevoir les

fruits, le droit d’en percevoir les fruits et le droit d’en disposer. En revanche, le bailleur,

s’il n’est pas le propriétaire, ne peut que mettre à disposition la jouissance des locaux sans

outrepasser ces prérogatives. Le propriétaire dans ce cas n’interviendra pas au contrat de

bail dans le cadre du renouvellement par exemple puisqu’il a délégué le fructus à une tierce

personne, bien que les actes de disposition soient soumis à son agrément. De même, il y a

des cas de démembrement de propriété qui ont pour conséquence cette même distinction et

20 Voir supra note 2 p. 21, par exemple, sur la délégation de la rédaction de la partie technique par

des experts : « Les avocats sont rarement suffisamment spécialistes des problèmes d’évaluation des loyers

commerciaux pour rédiger eux-mêmes des mémoires sur des locaux qu’ils ne connaissent parfois que par

ouï-dire ». 21

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale : http://www.cnrtl.fr/definition/bailleur 22

Lexique des termes juridiques, 16e édition, Dalloz.

23 Art. L. 145-1 du C. Com.

24 Supra note 12.

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que l’on n’étudiera pas. C’est le cas de l’usufruit qui est un droit réel principal qui confère

à son titulaire le droit d’utiliser la chose et d’en percevoir les fruits mais non celui d’en

disposer lequel appartient au propriétaire25

. Ainsi, dans le cadre d’un bail commercial, le

propriétaire a la qualité de nu-propriétaire et le bailleur celle d’usufruitier. Toutefois, pour

des raisons de commodité, ces options ne seront pas envisagées et l’on retiendra que les

qualités de bailleur et de propriétaire se confondent dans une même personne.

Par ailleurs, la perception du bailleur au sein de l’opinion publique est plutôt négative. À

Lille, par exemple, un journaliste rapporte : « Depuis qu'il est propriétaire de

57 commerces, VastNed Retail passe pour le grand méchant loup de l'immobilier à

Lille. 26

» En défense, les bailleurs rappellent qu’ils détiennent un droit de propriété sur

leurs biens et qu’à ce titre le législateur leur a offert des droits dont celui d’augmenter son

loyer conformément à la valeur locative lors du renouvellement.

C’est ainsi qu’il ne faut pas perdre de vue ce dessein économique du bailleur qui agit dans

le but de générer un profit en mettant à disposition la jouissance de son bien. C’est

pourquoi le terme de stratégie est approprié.

En outre, le fil rouge de ce mémoire est l’expression « pour aborder ». Ce terme est

polysémique. Dans le langage marin, il signifie arriver au rivage, atteindre la terre. Dans le

langage commun, il s’agit soit de s’approcher d’une personne, soit d’arriver à un lieu, à un

passage que l’on doit emprunter. Les expressions « aborder un problème, une question, un

sujet » signifient « en venir à les traiter ». C’est ce dernier sens qui est privilégié dans cette

étude. De plus, l’adjonction de la préposition « pour » dénote la destination, le but. Il

s’agira donc d’envisager les stratégies du bailleur en vue du renouvellement, soit dès le

début de la signature du contrat de bail jusqu’à la date du renouvellement.

D’ailleurs, qu’est-ce que le « renouvellement » ?

Dans le langage courant, renouveler signifie remplacer une personne ou une chose

par une nouvelle. Dans un contrat de bail, le renouvellement intervient à l’échéance du

terme contractuel du premier bail de neuf années ou au-delà27

pour procéder à la signature

d’un nouveau bail. Il ne faut pas confondre le renouvellement du bail commercial et le cas

spécifique de la tacite reconduction des baux de plus de 12 ans. En effet, ces derniers font

25 Voir note supra 12.

26 « Qu’y a-t-il derrière les loyers de VastNed Retail ? », Nord Eclair, édition du 7 janvier 2011.

http://www.nordeclair.fr/Locales/Lille/2011/01/07/qui-y-a-t-il-derriere-les-loyers-de-vast.shtml 27

Art. L. 145-4 du C. Com.

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l’objet de ce qui est improprement qualifié de « tacite reconduction »28

29

, à savoir que le

bail se poursuit tacitement, se proroge, se prolonge sous les conditions du bail expiré. Or,

en cas de renouvellement, c’est un nouveau contrat de bail qui remplace le bail initial,

conformément au sens du verbe. Juridiquement, le statut offre un « droit » au

renouvellement au preneur et cette disposition est d’ordre public30

. Toutefois, la

jurisprudence a interprété restrictivement ces dispositions et considère qu’aucune des

règles de fixation du loyer renouvelé n'est d'ordre public, et sont ainsi notamment exclues

les dispositions de l'article L. 145-34 en matière de plafonnement31

.

S’agissant du mécanisme de renouvellement, le preneur ou le bailleur peut être à

l’initiative de celui-ci :

- Le bailleur peut notifier au preneur soit un congé avec offre de renouvellement, soit

son refus exprès avec ou sans indemnité d’éviction ;

- Le preneur peut prendre l’initiative de le demander ou de délivrer un congé pur et

simple32

.

Cette présentation succincte du mécanisme du renouvellement montre qu'il ne faut

pas considérer cet événement comme ponctuel et certain. En effet, le renouvellement est un

processus qui s'anticipe avant la signature du contrat de bail, dont la période de neuf ans

commence à s'écouler à sa signature et dont l'avenir définitif est incertain un an avant la fin

du contrat de bail voire deux trois mois après. C'est ainsi que le renouvellement intègre

parfaitement l'idée de stratégie et les parties ne doivent pas le négliger bien que la durée de

neuf ans puisse paraître lointaine le jour de la signature du contrat.

D'autres évènements sont à distinguer du renouvellement. C'est le cas de la révision dite «

triennale » organisée par l'article L. 145-38 du Code de commerce. Elle consiste à ouvrir la

possibilité au bailleur ou au preneur de demander, au moins trois ans après l'entrée en

jouissance ou après le bail renouvelé, la révision légale du loyer à la hausse ou à la baisse

28Art. L. 145-9 du C. Com.

29 AJDI, 20011, p. 359, J-P BLATTER : « Aussi longtemps que le texte de l'art. L. 145-9 n'aura pas

été modifié pour remplacer définitivement la tacite reconduction par la tacite prolongation, la confusion

restera possible. » 30

Art. L. 145-15 du C. Com. 31

Civ. 3e. 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620 ; CA Versailles, 12

e ch., 2

e sect., 16 octobre 1997, Dalloz

Affaires 1998, p. 100, obs. Y. R. ; 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. J. Derruppé ; CA Paris,

16e ch. B, 12 février 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier.

32 Art. L. 145-9 du C. Com.

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pour atteindre la valeur locative dans la limite du respect d’un plafond sauf dérogation33

.

Toutefois, la révision du loyer ne sera pas le cœur de notre sujet bien qu'il sera parfois

évoqué en soutien aux développements liés au renouvellement.

De même, il convient de définir d'autres notions juridiques qui cohabitent avec le

domaine du renouvellement et dont la compréhension préalable est nécessaire pour

envisager le sujet de mémoire.

Tout d'abord, le renouvellement suppose souvent l’octroi d’indemnités. Elles

peuvent avoir plusieurs destinations. On appelle « indemnité d'éviction » l'indemnité due

par le bailleur qui refuse le renouvellement pour compenser le « préjudice causé par le

défaut de renouvellement34

». L'originalité de cette indemnité est qu'elle est l'expression du

droit de propriété du bailleur qui, en principe, ne doit pas justifier d’un motif de refus de

renouvellement. À l'inverse, elle permet au preneur de réparer cette atteinte au droit au

renouvellement accordé par le législateur. Ce concept illustre l'idée évoquée précédemment

selon laquelle le droit des baux commerciaux est la confrontation permanente entre le droit

de propriété du bailleur et le droit à la propriété commerciale du preneur. De plus, la loi a

prévu des cas où le bailleur pourra se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction bien

qu’il l’ait refusé35

. Le législateur a également prévu une indemnité d'occupation.

Chronologiquement, lorsque le locataire prétend à l'indemnité d'éviction, une instance

judiciaire est en cours pour statuer sur son octroi ou pour en fixer le montant. Si la

prétention est sérieuse, le locataire a un droit au maintien dans les lieux36

dans les

conditions du bail expiré jusqu'à son paiement intégral. Mais, si le preneur est en définitive

débouté de sa demande ou s'il se désiste, il doit payer au bailleur une indemnité

d'occupation puisqu'il a occupé les locaux sans droit ni titre37

.

Ces indemnités ne doivent pas être confondues avec le pas-de-porte. Également appelé

droit d’entrée, il s’agit de « la somme en capital versée par le locataire au bailleur lors de

son entrée dans les lieux. Il est également appelé droit d’entrée ou denier d’entrée. Il peut

être réglé en une ou plusieurs échéances38

». Le pas-de-porte est né de la pratique et est

33 Pour plus de détails sur les règles de plafonnement et de déplafonnement, voir les art. L. 145-33 à

L. 145-40 et R. 145-2 à R. 145-10 du C. Com. 34

Art. L. 145-14 du C. Com. 35

Voir le cas de l’art. L. 145-18 du C. Com. par exemple. 36

Art. L. 145-28 du C. Com. 37

Comm. 20 décembre 1962, Civ. 3e, 17 juillet 1997, Civ. 3

e, 21 janvier 1998.

38 Voir supra note 2, note 210-10, sous l’entrée « pas-de-porte ».

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souvent proportionnel à la qualité de l’emplacement. Il s'agit également d'un élément à

envisager en vue du renouvellement. C'est pourquoi cette notion sera traitée dans ce

mémoire.

Enfin, l’étude s’inscrit dans le domaine spécifique des « baux commerciaux ». Il

s’agit du contrat par lequel une partie, le bailleur, met à la disposition d’une autre partie, le

preneur, la jouissance de locaux pendant une certaine durée en vue de son exploitation

commerciale, artisanale ou industrielle moyennant le paiement de loyers. C’est un contrat

synallagmatique : « le bailleur doit fournir la chose convenue et maintenir en possession,

le preneur doit payer le prix et servir la chose comme le veut l’esprit de la convention39

».

L’article 1709 du Code civil définit plus généralement le louage de choses40

et requiert un

prix41

(les loyers), une durée et l’obligation du bailleur de faire jouir le preneur de la chose

louée42

. L’article L. 145-1 du Code de commerce exige quant à lui la réunion cumulative

de quatre conditions pour conclure un bail de nature commerciale : l’existence d’un bail,

l’existence d’un local, la nécessité d’un fonds en exploitation ou de l’exercice effectif

d’une profession artisanale et la nécessité d’une immatriculation au registre du commerce

et des sociétés ou au répertoire des métiers.

Par ailleurs, une assimilation trompeuse peut être faite entre le droit au bail

commercial et le fonds de commerce. Or, il s’agit de deux concepts juridiques de nature

absolument différente puisque pour bénéficier du statut des baux commerciaux, le preneur

doit justifier de l’existence d’un fonds en exploitation. En d’autres termes, le droit au bail

est une des composantes du fonds de commerce, parmi d’autres éléments. Les

professionnels du droit regrettent l’absence de définition légale du fonds de commerce.

Nous retiendrons la définition proposée par le Professeur Cohen dans son ouvrage intitulé

Traité des fonds de commerce : « universalité mobilière, composée principalement

d’éléments incorporels, accessoirement d’éléments corporels et servant à l’exercice d’une

profession commerciale ou artisanale »43

. C’est ainsi que le droit au bail n’est pas le fonds

de commerce ; le fonds de commerce se compose notamment du droit au bail.

39 Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire scientifique nouveau, volume 2, P. LEROUX et J.

REYNAUD, p. 363. 40

Voir supra note 5 p. 2. 41

CA Lyon, 8e ch. 6 septembre 2005 : Il peut s’agir de loyers mais aussi de la prise en charge par le

preneur d’obligations incombant au propriétaire (taxes, primes d’assurance, charges) à conditions qu’elles

soient suffisamment importantes pour valoir loyers 42

Voir supra note 2, étude 101-03. 43

COHEN A., Traité des fonds de commerce, 2e édition, n° 15.

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C’est ainsi que se clôt la délimitation du sujet de mémoire et la définition des

termes du sujet et que s’ouvre la question des intérêts théoriques et pratiques que présente

ce sujet de mémoire.

D’une part, ce sujet présente un intérêt théorique. En effet, il faut partir du postulat

que le renouvellement des baux commerciaux est un enjeu économique très important pour

le bailleur. Or, il est peu voire mal maîtrisé par une partie des acteurs juridiques et

économiques. S’ils sont présumés être la partie forte au contrat et sont de facto limités dans

leur stratégie par le statut, la méconnaissance d’une règle subtile de procédure peut leur

être économiquement grave. De plus, l’aborder comme un processus est intéressant : en

mettant l’accent sur la période précontractuelle, le champ de la réflexion s’étend aux

périodes de négociation et de rédaction d’actes ; en abordant les périodes contractuelle et

post contractuelle, une réflexion contemporaine est proposée à partir de la loi et de la

jurisprudence. De plus, aborder une matière éminemment juridique dans une optique

stratégique permet de concilier les aspects juridiques et économiques. Enfin, ce sujet

permet de développer la recherche universitaire à travers une optique Droit des affaires. En

effet la plupart des mémoires sur le sujet dans la région sont rédigés par des praticiens

civilistes (notamment dans le cadre du Master 2 Droit notarial dirigé par Monsieur le

Professeur Kherkove à l’université Lille 2).

D’autre part, ce sujet présente des intérêts pratiques. En effet, cette étude pourrait

être à la base de la création d’un outil à destination des bailleurs et des preneurs. Les

bailleurs pourraient l’employer comme un outil de gestion des risques ou de résolution des

litiges alors que le preneur pourra prendre connaissance des stratégies du bailleur et

anticiper éventuellement ses actions. De plus, les développements ont un ancrage local

étant donné les difficultés rencontrées par la ville de Lille suite à l’augmentation

exponentielle des loyers depuis quelques années44

. A cet égard, une plate-forme juridique

va bientôt être mise en place pour absorber une partie des litiges et favoriser l’information

des acteurs des baux commerciaux lillois45

.

Cette étude pluridisciplinaire est en lien avec le stage effectué auprès d’un avocat

spécialisé en droit des baux commerciaux en exercice depuis plus de vingt ans à Lille. De

44 Plus de vingt articles ont été recensés uniquement dans les archives des sites internet des

quotidiens La Voix du Nord et Nord Éclair entre 2009 et 2011.

45 Proposition de Jacques Mutez, adjoint au commerce de la ville de Lille, Première conférence

annuelle des loyers commerciaux, septembre 2011.

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plus, il correspond au Master 2 Pratique du Droit des affaires et aux cours de gestion des

risques suivis en partenariat avec l’EDHEC Business School. L’approche juridico-

économique permet de faire d’une matière juridique un outil au service de la stratégie du

bailleur lors du renouvellement.

Dans ce contexte, la démarche consiste à se fonder sur les socles théoriques du

statut des baux commerciaux pour révéler les opportunités et les risques pratiques pour le

bailleur. Ses objectifs sont facilement identifiables au renouvellement : déplafonner le

loyer, ne pas payer d’indemnité d’éviction, ne pas être piégé par un vice de procédure,

trouver un preneur plus rentable et/ou solvable, augmenter la valeur de son local, transférer

les charges sur le preneur etc. Toutefois, comme il a été évoqué précédemment, ils ne sont

pas visés par l’ordre public de protection qui saupoudre le statut. Sa marge de manœuvre a

été limitée, conditionnée et au-delà de la connaissance de ses droits, il sera pertinent de

trouver les failles du statut ou de la jurisprudence pour en tirer profit, tant au sens courant

qu’économique. À cet égard, on peut se demander si la marge de manœuvre du bailleur est

d’un degré différent en présence de prévisions contractuelles et l’absence de telles

prévisions ? Comment le bailleur peut-il anticiper les conséquences du renouvellement qui

aura lieu en principe neuf ans plus tard ? Dans quelle mesure peut-il l’organiser

contractuellement ? Comment peut-il s’assurer un déplafonnement du loyer de

renouvellement ? Quelles sont les subtilités procédurales piégeuses ? Comment anticiper

les augmentations de loyer ? Quel est le poids de l’intervention judiciaire ?

Pour y répondre, la réflexion sera subdivisée en deux parties qui correspondent

respectivement aux stratégies du bailleur à la signature du contrat de bail (PARTIE I) et

aux stratégies du bailleur après la signature du contrat de bail (PARTIE II)

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21

PREMIÈRE PARTIE. LA GESTION PRÉCONTRACTUELLE DES RISQUES

LIES AU RENOUVELLEMENT

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INTRODUCTION

« Qui veut voyager loin ménage sa monture46

».

Cet adage reflète le comportement de certains bailleurs qui, loin d’être troublés par

la perspective lointaine des neuf ans sonnant l’heure du renouvellement du bail, anticipent

cette date clef. Après avoir interrogé un expert immobilier, un propriétaire bailleur et un

agent immobilier, la distorsion entre la théorie du droit des baux commerciaux et la

pratique des bailleurs est remarquable.

Tout d’abord, les trois professionnels s’accordent à dire qu’il existe plusieurs

profils de bailleurs. Globalement, ils en distinguent trois :

- le bailleur dit « lymphatique » : il ne cherche pas à tirer profit du renouvellement

par ignorance des dispositions légales ;

- le bailleur dit « juste et dynamique » : il cherche à tirer un gain du renouvellement

de manière raisonnable, en respectant une certaine éthique ;

- le bailleur dit « fou » ou « gourmand » : fin stratège, rusé voire de mauvaise foi, il

attend impatiemment tout évènement qui lui permettra de faire pression sur le

locataire ou de multiplier son loyer par dix.

Il ne s’agit pas de dénoncer l’approche stratégique d’un acteur économique

fondamental qu’est le bailleur. Il s’agit uniquement de démontrer jusqu’où il peut monter

une stratégie en amont grâce au statut pour obtenir un renouvellement à son avantage.

Quoi qu’il en soit, les bailleurs, hormis les « lymphatiques », attendent le

renouvellement pour « prendre une louche » et faire en sorte que leur loyer de

renouvellement soit rehaussé et corresponde à la valeur locative. La valeur locative

correspond au montant du loyer au mètre carré. Elle est calculée en fonction du loyer du

bail et du montant du droit d’entrée ou du droit au bail divisé par la surface du bien loué.

En d’autres termes, l’objectif est de faire en sorte que les locaux équivalents dans un même

secteur génèrent un montant de loyer plus ou moins identique. Et, pour juguler les hausses

trop importantes, le juge intervient en cas de désaccord lors du renouvellement pour

corriger ces tendances.

À Lille, on assiste à une explosion des loyers en centre-ville. Loin de dénoncer le

fonctionnement du statut, les interrogés nous enseignent que les loyers ne correspondent

46 Racine, Les Plaideurs, 1, 1, 1669.

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plus à la valeur locative mais sont uniquement fonction de la notoriété de la rue ou du

quartier. La pratique du pas-de-porte entraîne le déclenchement d’un cercle vicieux

puisqu’il est la base d’une surenchère dont seules les grandes enseignes sont capables de

suivre. Dans ce contexte, la disparition du petit commerce de centre-ville est inévitable.

La première partie de la réflexion sera centrée sur les stratégies mises en place par

le bailleur lors de la phase de la négociation précontractuelle en vue du renouvellement :

avant d’entamer une réflexion sur les stratégies de rédaction des clauses du bail

commercial (CHAPITRE II), le bailleur doit prendre connaissance de l’environnement

juridico-économique du contrat de bail commercial (CHAPITRE I).

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CHAPITRE I.

LA CONNAISSANCE PREALABLE DE L’ENVIRONNEMENT

JURIDICO-ÉCONOMIQUE DU RENOUVELLEMENT

INTRODUCTION

Négocier, c’est « discuter avec quelqu’un de quelque chose en vue de l’obtenir »47

.

Appliquée à notre objet d’étude, la négociation précontractuelle du contrat de bail

commercial suppose en principe un échange et des concessions entre le bailleur et le

preneur en vue d’obtenir un renouvellement à son avantage. Or, la doctrine et les

professionnels du droit enseignent deux choses : soit que le bailleur est la partie forte au

contrat et impose les contrats de baux à ses conditions et ses avantages sans que le preneur

n’ait de pouvoir de négociation ; soit que les preneurs économiquement faibles bénéficient

de la protection juridique par le statut.

Pourtant, ces idées communément reçues doivent être repensées. En effet, une

catégorie de preneurs a acquis un pouvoir de négociation important qui justifie le

comportement stratégique du bailleur. Dans ce nouveau cadre de négociation, l’une des

stratégies du bailleur est de prendre du recul par rapport à ces idées reçues afin de mieux

anticiper la négociation et de s’adapter à son adversaire : « l’anticipation rationnelle des

stipulations conventionnelles suppose une parfaite connaissance des textes et de la réalité

économique 48

». Ainsi, il doit repenser le profil juridico-économique des preneurs

(SECTION I) et définir les limites de l’ordre public de protection lié au renouvellement

(SECTION II) pour découvrir dans quel domaine et à quel degré il peut déployer sa

stratégie.

47 www.larousse.fr

48 AJDI 2000, p. 484, « Baux commerciaux : statut ou liberté contractuelle ? », J. MONEGER.

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SECTION I. REPENSER LE PROFIL DU PRENEUR

Dans la mémoire collective, l’idée selon laquelle le bailleur est par essence la partie

forte au contrat et le preneur la partie faible est encore très prégnante. Pourtant, l’évolution

contemporaine de la sociologie des rapports entre bailleur et preneur démontre une

augmentation de leur pouvoir économique et a fortiori de leur pouvoir de négociation dans

le contrat de bail (Paragraphe 1). De plus, il est enseigné que le statut est conçu dans une

perspective « pro-preneur ». Pourtant, une autre lecture permet de nuancer cette idée reçue

(Paragraphe 2). Il ne s’agit pas de substituer des préjugés à de nouvelles opinions mais de

nuancer la portée de ce qui est présenté comme des acquis du droit des baux commerciaux

et de justifier le comportement stratégique du bailleur.

Paragraphe 1. « Un bailleur puissant, un preneur faible » : un postulat remis en

question

La présentation des rapports locatifs est souvent réduite à la domination du bailleur

perçu comme étant le « grand méchant loup de l’immobilier49

». En effet, dans le passé

cette opinion se justifiait pour des raisons législatives et économiques (A). Pourtant, la

pratique contemporaine des baux commerciaux laisse poindre l’augmentation du pouvoir

économique des preneurs (B).

A. Un rapport de domination avéré dans le passé

L’idée selon laquelle le bailleur était la partie économiquement forte au contrat et

détenait un fort pouvoir de négociation à ce titre se justifiait d’une part au regard des

desseins des différentes lois relatives aux baux commerciaux (1) et d’autre part, au regard

de la configuration économique et sociale des bailleurs et des preneurs à l’époque de ces

lois (2).

49 Voir supra note 26.

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1. Le dessein perpétuel de protéger le preneur

La première loi du 17 mars 190950

relative à la vente et au nantissement du fonds de

commerce a permis de reconnaître la valeur économique du fonds de commerce et de

protéger le patrimoine commercial du commerçant. Ainsi, elle n’était pas aboutie étant

donné qu’elle ne protégeait pas les locataires dont la valeur de leur fonds s’amenuisait au

fur et à mesure que courrait le bail. Et, en l’absence de droit au renouvellement sur ce

local, les bailleurs, en situation privilégiée, soit récupéraient le local avec la clientèle, soit

augmentaient les loyers aux motifs de l’augmentation de la valeur qu’avait prise la

clientèle.

Cette pratique a été dénoncée et a incité le législateur à revoir sa copie.

En 1911, un député déposa un projet de loi pour permettre aux preneurs de

compenser la perte de la clientèle en cas de reprise des locaux par le bailleur. Mais, la

guerre ayant commencé en 1914, les débats furent interrompus.

Pendant l’entre-deux guerres, la loi du 30 juin 192651

institua donc le droit au

renouvellement, le paiement d’une indemnité d’éviction en cas de reprise sans motif

légitime du bailleur et la cession du bail commercial entre autres.

Le prolongement de cette loi fut le décret-loi du 30 septembre 1953. Il a fixé la

durée minimale des baux commerciaux à neuf ans et les modalités de la révision triennale.

Le Professeur Jacques Lafond expose en substance que la protection s’est déplacée du

fonds de commerce vers le droit au bail reconnu comme une valeur économique

autonome52

.

La volonté constante de protéger le preneur implique nécessairement que le

législateur présume qu’il est la partie faible du contrat de bail. D’ailleurs, la configuration

économique du marché confirmait cette nécessité de protéger le preneur (2).

50 Art. L. 141-1 et suivants du C. Com.

51 Voir supra note 6.

52 Jacques Lafond, Code des baux, Litec, 2001, p. 438.

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2. La justification de la protection du preneur par la configuration

économique du marché

À l’époque où ces lois ont été votées, la structure du marché justifiait en partie la

nécessité de protéger le preneur. En effet, après la seconde guerre mondiale, la pénurie des

locaux commerciaux a incité le législateur à favoriser le preneur au sein du contrat de bail.

La loi de 1909 a commencé par protéger son fonds de commerce contre les abus des

bailleurs.

En 1953, les preneurs étaient en grande partie des boutiquiers indépendants très

spécialisés dans leur domaine (chapelier, artisan boulanger, tailleur etc.). La prospérité de

leur commerce dépendait principalement de leur emplacement et de la clientèle rattachée.

Les « grands magasins » apparus à la fin du XIXème

siècle sont concernés dans une

moindre mesure étant donné leur faible nombre ou leur localisation ciblée. De plus, rares

sont les petits commerçants qui avaient accès à l’éducation et donc à l’information de leurs

droits et ce d’autant moins dans ce domaine très spécialisé. D’ailleurs, l’exposé des motifs

du décret-loi de 1953 met en avant cette idée : les parties étaient dans « l’ignorance de

leurs droits » et faisaient l’objet « d’intimidations et d’extorsions de fonds »53

. A l’inverse,

les bailleurs étaient considérés comme étant de riches propriétaires, la richesse supposant

l’accès à l’éducation et à la connaissance de la loi. Dans ce cadre, sa protection n’a pas été

jugée nécessaire étant donné son poids économique. Aujourd’hui, la tendance va plutôt

vers un équilibre économique des parties en présence (B).

B. L’évolution contemporaine du pouvoir de négociation de certains

preneurs

Le schéma enseigné « bailleur puissant, preneur faible » doit être nuancé

aujourd’hui. En effet, suite à la mise en place du modèle libéral et aux conséquences de la

crise économique (1), le profil économique du preneur a évolué pour tendre vers un quasi-

équilibre des pouvoirs de négociation (2).

53 Voir supra note 47.

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1. Les causes économiques du changement de profil des preneurs

Le modèle économique occidental est celui du libéralisme. Il s’agit d’une doctrine

économique fondée sur la liberté du marché dont les corollaires sont la liberté

d’entreprendre, la liberté de circulation des marchandises et des hommes et la libre

concurrence entre autres. Hormis les activités dépendantes de la prérogative étatique, les

autres activités sont laissées à la libre initiative des agents économiques.

Au fur et à mesure de son expansion, mais aussi de l’évolution des progrès

technologiques et du développement du transport mondial, un processus de mondialisation

a débuté au début des années 1950 en parallèle de l’avènement de la société de

consommation. Petit à petit, on assiste dans les centres villes à un phénomène

d’uniformisation : « Les banques, agences immobilières, grandes marques de vêtements

fleurissent au détriment des magasins traditionnels. D'où la tendance à l'uniformisation

des centres villes54

». L’évolution subséquente étant la disparition du petit commerce, le

profil économique du preneur de centre-ville a changé pour devenir celui d’un preneur

professionnel ayant acquis un véritable pouvoir de négociation des conditions du bail

commercial (2).

2. Le nouveau profil économique des preneurs

Les effets de la mondialisation sur le commerce des villes françaises sont de

plusieurs ordres. D’une part, on assiste à une disparition du commerce de proximité.

D’autre part, on assiste une standardisation des modes de distribution. En effet, les artères

commerçantes des grandes villes se composent principalement de franchises et de

succursales de grandes enseignes nationales ou internationales : opticiens, banques, prêt-à-

porter, agences immobilière enseignes de téléphonie mobile entre autres.

Certains auteurs ont mis en cause le mécanisme du renouvellement : à la fin du bail,

les bailleurs préfèrent payer une indemnité d’éviction qu’ils répercutent sur le pas-de-porte

en échange d’un preneur solvable et d’un loyer majoré plutôt que de renouveler le bail du

54 « Ces loyers qui affolent les commerçants », La Voix du Nord, édition du jeudi 28 mai 2009, N.

Faucon.

http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2009/05/28/art._ces-loyers-qui-affolent-les-

commercants.shtml

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preneur installé depuis neuf ans. Seules les grandes entreprises sont capables de supporter

ce coût et ce d’autant plus dans une période de crise économique et immobilière ce qui

favorise leur installation et leur expansion.

Dès 2008, des petits commerçants lillois prennent conscience de cette évolution : «

Si les loyers doublent, triplent ou quadruplent comme certains propriétaires le réclament,

on ne peut pas tenir. On ne peut pas équilibrer nos comptes comme les grosses boîtes et on

ne va pas répercuter cette augmentation sur les prix des produits.55

» Sur ce point, le

Professeur Monéger ajoute : « les preneurs sont des commerçants, artisans ou des

industriels normalement attentifs à leurs intérêt et aptes, compte tenu de l’importance de

l’acte, à solliciter l’avis d’un avocat ou d‘un notaire, ou d’un professionnel de

l’immobilier »56

. C’est ainsi que les preneurs de centres villes développent de plus en plus

leur capacité de négociation face à des bailleurs contraints par le temps et les revenus

qu’ils perdent en raison de locaux vacants. La connaissance du statut des baux

commerciaux qui n’était jusque là réservé qu’aux bailleurs ayant accès à l’éducation

favorise l’augmentation du pouvoir de négociation des preneurs.

Devant cette nouvelle grille de lecture des baux commerciaux, les stratégies du

bailleur ont évolué. Le rapport de force a lieu en amont de la signature du contrat et non

plus pendant son exécution ou à son terme. Les bailleurs déterminent jusqu’où le preneur a

la capacité ou non de négocier les dispositions relatives au renouvellement. Et, s’il ne faut

plus prendre pour acquis l’idée selon laquelle les preneurs sont la partie faible au contrat, il

faut également discuter le postulat selon lequel il s’agit d’un statut « pro-preneurs »

(Paragraphe 2).

Paragraphe 2. Un statut « pro-preneurs » ?

Le postulat de départ est que le statut aurait été pensé exclusivement en faveur de la

protection des preneurs (A). Pourtant, une autre lecture des dispositions relatives au

55 « Les petits commerçants lillois veulent faire de la résistance », La Voix éco, édition du 21 mai

2008, C. Descampiaux.

http://www.lavoixeco.com/actualite/Secteurs_activites/Commerces_et_Distribution/2008/05/21/art._

les-petits-commercants-lillois-veulent-f.shtml 56

Voir supra note 49.

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renouvellement laisse entrevoir l’idée de conciliation des intérêts des parties plutôt qu’un

statut rédigé uniquement en faveur des preneurs (B).

A. Le postulat juridique : un statut exclusivement protecteur du preneur

Le domaine de la protection est tel (1) que des auteurs ont hésité entre le qualificatif

de « protection » ou de « privilège accordé (2).

1. Le domaine de la protection

Juridiquement, il est indéniable que le statut des baux commerciaux tel qu’il a été

pensé en 1926 et en 1953 a été pensé pour protéger le preneur et le mettre à l’abri de la

puissance du bailleur. Les dispositions qui concernent le renouvellement sont nombreuses.

Ainsi, le statut prévoit que le bail commercial doit être conclu pour une durée minimum de

neuf années (L. 145-4 du Code de commerce), que le preneur bénéficie d’un droit au

renouvellement (L.145-8), du plafonnement des loyers de renouvellement (L.145-34) et

d’une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement dans certaines conditions (L.

145-14 et s.). L’ensemble de ces dispositions et la mise à disposition de la jouissance des

locaux, essence du contrat de louage, octroient la « propriété commerciale » au preneur.

Des auteurs vont au-delà de cette idée de protection et découvrent un privilège (2).

2. Protection ou privilège ?

En doctrine, le Professeur Aubert s’interrogeait sur le point de savoir s’il s’agissait

réellement d’une protection ou d’un privilège.

Selon lui, la meilleure manière de protéger un agent économique est la « capitis

diminutio » qui consiste en l’interdiction de conclure certains actes ou de déléguer à un

tiers ses pouvoirs comme en matière de tutelle par exemple. Or, l’amputation de la capacité

juridique du commerçant est inconcevable en la matière. Il déduit que « c’est, en fait, le

propriétaire de l’immeuble qui se voit imposer non pas une incapacité : il a toujours la

possibilité d’accepter les offres de son locataire, mais une double obligation : celle de

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renouveler le bail […] et de le renouveler au prix fixé par le locataire ou bien par le

juge. ». En définitive, le preneur se verrait attribuer un « privilège » en raison des

obligations qui pèsent sur le bailleur et non une protection.57

Qu’il s’agisse d’un privilège ou d’une protection, ce postulat de départ n’est pas

totalement faux ; il ne l’est qu’en partie puisqu’une autre lecture des dispositions permet de

démontrer que le statut a été rédigé dans l’intérêt commun des parties plutôt que dans le

dessein exclusif de la protection du preneur (B).

B. Une volonté absolue de protection remise en question

Il faut d’abord s’interroger sur le point de savoir si le dessein profond des

rédacteurs du statut des baux commerciaux était de protéger le preneur (1) avant de

démontrer qu’en réalité la protection des preneurs est relative (2).

1. Une réelle volonté législative de protéger les preneurs ?

Une étude de l’exposé des motifs du décret de 1953 sème le doute sur la volonté

législative de protéger exclusivement les preneurs. L’un des grands penseurs de ce décret

était André Mignon député qui a œuvré « en faveur d'une meilleure prise en compte des

droits des propriétaires » et qui « défend de manière générale les intérêts de propriétaires

de petits commerces, tout en étant en faveur d’une libéralisation du droit des baux »58

.

L’influence de la droite lors des débats a sans nul doute protégé le preneur mais a aussi

concilié les intérêts des parties.

Quoi qu’il en soit, le professeur Aubert critique cette protection, si relative soit elle.

Selon lui, les locataires n’avaient pas besoin de cette protection : en 1923, il rapporte que le

Président de la Commission de la Législation Civile à la Chambre des Députés a dit : « la

propriété du fonds de commerce était celle qui s’était le plus développée, qu’elle

constituait l’une des branches les plus importantes de la richesse nationale, et que dans les

grands centres, et dans certains quartiers, la valeur du fonds de commerce était de

beaucoup supérieurs à la valeur des immeubles ».

57 Voir supra note 6 pages 7 à 8.

58http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/mignot-andre-19011915.asp

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32

Et en 1950 l’auteur révèle que l’accroissement de la consommation passait « pour

sa majeure partie dans les réseaux de commerçants détaillants. Ces commerçants

détaillants constituent l’essentiel des bénéficiaires de la réglementation des baux

commerciaux59

». Ce témoignage du contexte dans lequel le décret-loi a été discuté révèle

que la protection des preneurs est en réalité relative (2).

2. Une protection relative

La pratique actuelle des baux commerciaux révèle que les preneurs ne bénéficient

pas d’une protection absolue malgré les dispositions protectrices du statut.

À Lille par exemple, les locataires commerciaux du quartier du Vieux Lille ont

protesté contre les hausses des loyers déplafonnés60

. Sur cet unique point, cet exemple

local montre que la loi, telle qu’elle a été pensée, peut fragiliser les petits preneurs. En

effet, le bailleur qui prouve une modification notable d’un ou de plusieurs éléments de la

valeur locative fera supporter au preneur le déplafonnement des loyers du bail. Ce dernier,

ayant développé en principe une clientèle stable depuis neuf années, ne peut qu’accepter et

supporter ce nouveau coût pendant neuf ans supplémentaires sous peine de perdre ou

d’amoindrir sa clientèle s’il préfère une nouvelle installation. Cet exemple montre de

quelle manière le statut peut court-circuiter son droit au renouvellement et la protection

sous-jacente.

Quant au droit au renouvellement, il signifie uniquement que le locataire peut

demander le renouvellement de son bail au preneur et qu’en cas de refus il pourra être

indemnisé. Le droit de propriété du bailleur, même s’il suppose une indemnisation du

preneur dans la majorité des cas, retrouve toute sa force.

En définitive, les paradoxes relatifs à la question de la nécessité de la protection des

preneurs ou non sèment le doute sur ce dessein. Sans occulter le poids de cet objectif de

protection, force est de constater que le preneur ne peut pas se sentir en sécurité

uniquement grâce au statut. C’est ainsi que l’ensemble des préconçus économiques et

juridiques sur le droit des baux commerciaux et la position des preneurs doivent être

59 Voir note supra 4 pages 10-11.

60 Voir supra note 55.

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33

repensés. Face à cette nouvelle donne, le bailleur renforcera sa position de domination lors

des négociations précontractuelles et ce d’autant plus s’il sait découvrir les espaces libres

de tout ordre public (SECTION II)

SECTION II. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DES CLAUSES ILLICITES

Il ressort des développements précédents que le bailleur n’est plus forcément la

partie forte au contrat. De plus, des auteurs relèvent souvent la force de l’ordre public de

protection qui touche le droit au renouvellement (Paragraphe 1) pour démontrer que le

contrat est ab initio verrouillé par la loi, empêchant le bailleur de retirer la prérogative

principale du preneur. Or, des bailleurs ont tout de même tenté de rédiger des clauses pour

évincer le droit au renouvellement mais ces tentatives ont été vigoureusement balayées par

la jurisprudence (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. La place de l’ordre public frappant le droit au renouvellement

L’ordre public est un outil fondamental de la protection des preneurs. Le Code

civil émet une définition générale de l’ordre public à l’article 6 : « On ne peut déroger, par

des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ».

Le droit au renouvellement est frappé d’un ordre public de protection limitant les stratégies

précontractuelles du bailleur (A), les sanctions ayant été édictées par la jurisprudence (B).

A. Un ordre public de protection

Pour qualifier les dispositions du bail commercial, les praticiens font référence à la

notion de « statut » dont l’étymologie signifie « décret ». Selon le Professeur Monéger,

« le statut légal, c'est aussi le palliatif de la convention, c'est l'affirmation des points

fondamentaux assurant la naissance de la convention dans l'équilibre et le juste,

permettant le maintien de l'harmonie entre les intérêts réunis et interdépendants, mais

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34

opposés et se répondant les uns les autres ». L’expression « statut des baux commerciaux »

implique l’idée de protection renforcée par le législateur.

Un des outils de création d’un « statut » est l’ordre public qui est l’expression de la

volonté des pouvoirs publics d’imposer une règle pour des raisons d’intérêt général,

économiques (comme en droit de la consommation) ou pour des motifs de protection61

. Le

Professeur Labbée résume ainsi l’intérêt de l’ordre public : « la sécurité des contrats peut

céder le pas devant des raisons sociales ou nationales graves62

». À ce titre, on distingue

classiquement l’ordre public de direction qui protège les intérêts généraux de la

collectivité, de l’ordre public de protection qui protège les intérêts d’un groupe ciblé. Par

exemple, le régime des locations à usage d’habitation principale et à usage mixte

d’habitation principale et professionnelle issu de la loi du 6 juillet 1989 organise en son

article 2 un ordre public de direction : aucune disposition ne peut faire l’objet d’une

dérogation conventionnelle.

Le statut des baux commerciaux se distingue en ce qu’il délivre une liste non

exhaustive des dispositions touchées par l’ordre public à l’article L. 145-15 du Code de

commerce. Cet article dispose : « sont nuls et de nul effet, quelle qu’en soit la forme, les

clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit au

renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L.

145-37 à L. 145-41, du premier alinéa et des articles L. 145-47 à L. 145-5 63

». Ainsi, le

Professeur Blatter a retenu que « l’ordre public du statut des baux commerciaux n’est que

partiel64

», la Cour de cassation pouvant exercer son pouvoir d’interprétation et de

création. Dans la même veine, la réflexion du Professeur Blatter renforce l’idée selon

laquelle le statut ne verrouille pas totalement mais partiellement les possibilités de

négociation précontractuelle et a fortiori les stratégies du bailleur pour imposer certaines

clauses.

La jurisprudence est intervenue pour définir la nature de l’ordre public touchant le

droit au renouvellement du preneur. L’arrêt rendu le 24 mai 2006 par la Troisième

61 G. Cornu, Vocabulaire juridique, P.U.F, éd. 2011.

62 X. LABBEE, Les critères de la norme juridique, Presses Universitaires du Septentrion, septembre

2006, p. 33. 63

Art. L. 145-15 du C. Com. 64

AJDI 2003, p. 396, « L'ordre public du statut des baux commerciaux. Portée et limites en matière

de rédaction », J.-P. Blatter.

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35

Chambre civile de la Cour de cassation penche pour l’ordre public de protection65

s’agissant des dispositions relatives au droit au renouvellement. Elle avait déjà pris une

décision semblable le 24 novembre 198166

sans la publier au Bulletin Civil des arrêts de la

Cour de cassation. Cet ordre public de protection touche donc la communauté des

preneurs. Aussi, la jurisprudence a fixé les règles relatives à la sanction du non-respect de

l’ordre public de protection par le bailleur (2).

B. Une sanction relative

Que risque le bailleur qui stipulerait une clause anéantissant le droit au

renouvellement du preneur ?

L’article L. 145-15 du Code de commerce prévoit la nullité : « sont nuls et de nul

effet ». Cependant, des auteurs se sont interrogés sur le point de savoir si cette nullité

devait se limiter à la clause contraire aux dispositions d’ordre public ou si elle devait être

plus étendue et affecter l’intégralité du contrat de bail.

Une des solutions plausibles se trouve à l’article L. 145-45 du Code de commerce

qui prévoit que la clause qui envisage la résiliation de plein droit du contrat de bail à

l’ouverture d’une procédure collective est « réputée non écrite ». On considère qu’elle n’a

jamais fait partie du contrat de bail de manière rétroactive et ne produit aucun effet. Mais

cette disposition ne joue qu’en présence d’une procédure collective.

En outre, l’article L. 145-15 du Code de commerce n’offre pas de solution assez

explicite. Ainsi, on pourrait se tourner vers l’article 1172 du Code Civil qui dispose :

« toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par

la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ». Mais la nullité absolue serait

une sanction trop sévère dans le cadre d’un contrat de bail qui présente des enjeux

économiques importants. La jurisprudence a donc refusé dès 1972 cette approche, peu

importe le caractère « déterminant » donné à la clause par les parties67

.

65 Civ. 3

e 4 mai 2006 n

o 05-15.151, Bull. civ. III, n

o 110, D. 2006. AJ 1531, obs. Y. Rouquet, AJDI

2006. 736, note J.-P. Blatter, JCP E 2007. 2780, note M.-P. Dumont-Lefrand, RD 2007 p. 1287. 66

Civ. 3e 24 nov. 1981, n° 80-14626, Société Immobilière et Forestière c/ État Français, inédit.

67 Civ. 3

e 6 juin 1972 : Bull. civ. III, n° 369 ; DS 1973,151. ; Civ. 3

e 9 juill. 1973 : Bull. civ. III, n°

467 ; DS 1974, p. 24. ; Civ. 3e 14 juin 1983 : Bull. civ. III, n° 136.

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36

Face à ce vide juridique, la jurisprudence a tranché en faveur de la nullité de la

clause et non pas de la clause non écrite le 23 janvier 200868

au visa de l’article L. 145-15 :

« Viole l'article L. 145-15 du Code de commerce, une cour d'appel qui déclare réputée non

écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement […] alors que

ce texte prévoit expressément à titre de sanction, la nullité de ladite clause ». Cette

solution permet de préserver la nature du contrat de bail et la pérennité souhaitée dès sa

conclusion : « Il est clair que la nullité totale du bail n'est pas une sanction raisonnable en

matière de baux commerciaux.69

».

De plus, le locataire qui souhaite invoquer la nullité peut le faire par voie d’action

ou par voie d’exception. S’il agit par voie d’action, le preneur est enfermé dans le délai de

la prescription biennale qui court à compter de la signature du contrat. La jurisprudence a

confirmé cette position70

. Or, si le preneur n’a pas remarqué la nullité de la clause à la

signature du bail, peu d’évènements vont le ramener à la lecture de son bail au cours des

deux ans suivant la signature du bail. La portée de cette action devient très relative et le

bailleur peut se sentir plutôt en sécurité.

Or, le preneur qui aurait été négligent et qui encourrait la prescription, peut agir par

voie d’exception71

, conformément à l'adage « Quae temporalia sunt ad agendum, perpetua

sunt ad excipiendum72

». Toutefois, le preneur doit être défendeur à l’action : en 1999 la

Cour de cassation a refusé l’action en nullité de la clause par voie d’exception demandée

par le preneur73

. Cette solution permet de rassurer le bailleur encore que la jurisprudence

ait précisé que le preneur qui assigne uniquement en paiement de l’indemnité d’éviction (et

non à la fois en nullité de la clause et en paiement de l’indemnité d’éviction) est recevable

à agir74

. Quels que soient les risques pour le bailleur de rédiger des clauses illicites,

68 Civ. 3

e 23 janvier 2008, n° 06-19.129, Bull. civ.III, 2008, n° 11, RTD Civ. 2008, p. 292, Fages,

Rép. Com. n° 383, Droit et pratique des baux commerciaux, 2011, n° 360-08. 69

J-Cl Bail à loyer, Fasc. 1265, Cote : 02,2002. 70

Civ. 3e 1

er févr. 1978 : Bull. civ. III, n° 66. – 1

er févr. 1983 : Bull. civ. III, n° 31 ; RD imm. 1984,

p. 361. - 19 juill. 1984 : Bull.

civ. III, n° 145. - 16 janv. 1991 : Rev. Layers 1991, p. 253. 71

CA Reims, 30 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-142786 ; JCP E 2001, p. 1406. 72

L'action est temporaire, l'exception est perpétuelle. 73

Civ. 3e 24 nov. 1999 : Juris-Data n° 1999-004065 ; Bull. civ. III, n° 223 ; D. 2000, AJ, p. 51, note

Y. Rouquet ; AJDI 2000, p. 311, obs. Blatter ; Les Petites Affiches 18 sept. 2000, p. 10, note M. Kéita. 74

Civ. 3e 2 juin 1999 : D. affaires 1999, p. 1067, obs. crit. Y. Rouquet ; Rev. Administrer août-sept.

1999, p. 51, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat ; Rev. Administrer avril 2000, p. 27,

note J.-D. Barbier

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37

certains ont rédigé de manière astucieuse des clauses qui évinçaient directement ou

indirectement le droit au renouvellement. Mais la jurisprudence veille (Paragraphe 2).

Paragraphe 2. La traque jurisprudentielle des clauses illicites

Selon le Professeur Blatter, l’ordre public et la liberté contractuelle forment « un

couple qui se disputerait comme si l’un tentait d’absorber l’autre en l’éliminant75

». En

effet, l’imagination des bailleurs est sans limite et, loin de méconnaître les dispositions du

statut sur l’ordre publié lié droit au renouvellement, certains ont tenté vainement d’y faire

échec directement (A) ou indirectement (B).

A. L’échec des clauses tendant directement à éliminer le droit au

renouvellement.

L’une des stratégies du bailleur est de négocier une clause qui fera perdre

directement le droit au renouvellement du preneur. Une étude jurisprudentielle montre

qu’en cas de litige, les tribunaux décèlent ces tentatives de fraude. Plusieurs clauses sont

concernées : la clause limitant le nombre de renouvellements (1), la clause de divisibilité et

d’indivisibilité (2), la clause de résiliation anticipée (3), la clause de renonciation

concomitante à la signature du bail (4), la clause de reprise différée (5). Plus largement,

d’autres clauses ont été déclarées nulles par la jurisprudence (6).

1. La clause limitant le nombre de renouvellements

Par cette clause, le bailleur avait tenté de limiter l’étendue du droit au

renouvellement en le limitant à une seule fois, interdisant au preneur de l’invoquer une

deuxième fois. Deux très anciens arrêts76

ont retenu la nullité de la clause.

75 Supra note 64.

76 Cass. Req. 4 nov. 1936, Gaz. Pal. 1936.2. p. 741. ; CA Amiens, 2 nov. 1934, Gaz. Pal. 1934, 1, p.

70.

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2. La clause de divisibilité et la clause d’indivisibilité

La première ruse du bailleur est de limiter le renouvellement aux locaux

accessoires. Or, le Professeur Derruppé rappelle pertinemment que le renouvellement porte

sur les locaux qui sont inscrits dans l’objet du bail77

. Il en est de même de l’éviction des

locaux accessoires du droit au renouvellement quand « leur privation est de nature à

compromettre l’exploitation du fonds78

».

La seconde ruse du bailleur est de stipuler que la clause illicite, affectant l’ordre

public du droit au renouvellement, et le bail sont indivisibles. Or, le Professeur Auque

révèle que cet « arrangement » de nature à faire échec au droit au renouvellement doit être

frappé de nullité79

.

3. La clause de résiliation anticipée

L’article L. 145-9 alinéa 3 autorise le bailleur à subordonner la durée du bail à un

évènement dont la réalisation l’autoriserait à demander la résiliation. Toutefois, le bailleur

ne peut l’invoquer qu’après l’expiration d’un premier bail de neuf ans et sous réserve que

la condition ne soit pas potestative. Ainsi, les clauses par lesquelles le bailleur se réserve le

droit de résilier le bail pour cause de démolition, de vente de l’immeuble80

ou d’absence de

levée d’option dans le délai imparti d’une promesse de vente81

sont nulles car elles portent

atteinte au droit au renouvellement.

4. La clause de renonciation concomitante à la signature du bail

Il est de jurisprudence constante que la clause faisant renoncer expressis verbis le

preneur à son droit au renouvellement au jour de la signature du contrat est nulle82

83

.

77 Derruppé, Brière de l'Isle, Maus et Lafarge, Les baux commerciaux : Dalloz 1979, n° 292 ; J-Cl.

Notarial Formulaire V° Bail commercial, Fasc. 10, n° 89. 78

Art. L. 145-1 1° du C. Com. 79

F. Auque, Traité des baux commerciaux, théorie et pratique : LGDJ, 1996, n° 96 80

Civ. 24 juill. 1942 : S. 1943, 1, p. 130 ; Com. 16 mai 1950 : D. 1950. p. 468. 81

Voir supra note 79, n° 294. 82

Com. 5 fév. 1962 : JCP G 1962, IV, 42 ; Bull. Civ. III, n° 77; Civ. 3e 25 fév. 1976 : Bull. Civ. III

n° 90; JCP G 1976, IV, 134 ; Civ. 3e 29 juin 1954 : AJPI 1954 p. 248.

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Les bailleurs ont tenté de déjouer cette nullité en délivrant un congé postdaté par le

preneur qui le signait le jour de la signature du bail pour le terme contractuel. Or, cette

pratique a été dénoncée par la Haute Cour dès 198884

.

5. La clause de reprise différée

Cette pratique ancienne consistait pour le bailleur à stipuler qu’il consentait au

renouvellement du bail tout en se réservant la faculté par avance d’exercer son droit de

reprise pour reconstruire dans un délai déterminé85

.

6. Les autres clauses illicites

La jurisprudence foisonne d’exemples : elle a annulé la clause par laquelle le

bailleur contracter un bail précaire uniquement dans le but d’évincer le droit au

renouvellement86

, la stipulation qui prévoyait un renouvellement du bail par période

triennale à défaut de congé notifié par l’une des parties87

et la clause de nivellement88

sauf

si elle prévoit le paiement d’une indemnité.

Si la Haute Cour a annulé des clauses faisant échec directement au droit au

renouvellement, elle a également annulé des clauses qui faisaient indirectement échec au

droit au renouvellement (B).

83 Civ. 25 fév. 1976, Ann. L. 1976-1176 : le bailleur avait demandé à un artisan de renoncer au

bénéfice de la « propriété commerciale ». 84

Civ. 3e 30 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. n° 64 et 183.

85 Civ. 28 juill. 1943 : D 1943, p. 19 ; Civ. 20 mars 1943 : Gaz. Pal. 1943, 1, 239 ; Trib. Marseille,

13 avr. 1959 : cas similaire d’une clause ouvrant droit pour le bailleur de démolir et reconstruire en

réinstallant le locataire dans des conditions plus rigoureuses que l’art. Art. L. 145-18 86

Civ. 9 janv. 1961, Ann. L. 1961-922 ; Com. 15 déc. 1966, Ann. L. 1967-1640. 87

Paris, 1er

oct. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 475, obs. P. et H. Brault ; Adm. Avril. 1997-37, obs.

Boccara ; TGI Bobigny, 22 nov. 1995, G.P. 1996-1 somm. p. 131.. 88

Cass. civ., 3 févr. 1948 : Gaz. Pal. 1948, 1, p. 171 ; Cass. civ., 29 nov. 1961, Gaz. Pal. 1962. 1.

235 ; Paris, 3 oct. 1961, JCP 1962. II. 12759, note Boccara ; Paris, 30 oct. 1962, D. 1963, Somm. 37.

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40

B. L’annulation des clauses tendant à faire échec indirectement au droit au

renouvellement.

Certains bailleurs ont tenté de contourner le droit au renouvellement en insérant des

clauses qui, de manière plus subtile, l’affectaient indirectement. L’étude de la

jurisprudence permet de distinguer les clauses qui concernent les conditions requises pour

exercer le droit au renouvellement (1), des clauses « de déguisement89

» du bail

commercial (2). D’autres types de clauses ayant le même effet ont été annulées (3).

1. Les clauses relatives aux conditions d’exercice du droit au

renouvellement

Plutôt que d’attaquer de front le droit au renouvellement, des bailleurs ont tenté de

déjouer le statut en faisant en sorte que le preneur ne réponde pas aux conditions requises

pour l’application du statut ou du droit au renouvellement90

. Ces clauses concernent les

baux dérogatoires (a), l’interdiction de s’immatriculer au RCS (b) et l’obligation

d’exploiter personnellement le fonds (c).

a. Les clauses concernant les baux dérogatoires

À ce titre, on peut citer la clause qui interdit la mutation automatique du bail

dérogatoire en bail commercial.

Dans la même veine, un bailleur avait interdit dans une clause de prélocation cette

mutation en réservant au preneur un droit de priorité au preneur qui souhaitait continuer ce

bail dérogatoire91

.

De plus, une pratique courante est de réitérer la conclusion de baux dérogatoires

avec le même preneur ou en utilisant un prête-nom. Cette pratique a été vivement dénoncée

par la Cour de cassation ces dernières années92

.

89 Voir supra note 71, LPA 2000, Keita.

90 Sur la distinction, voir B. Boccara, Baux commerciaux : la distinction du champ d’application du

statut et des conditions du droit au droit au renouvellement : JCP N 1979, 2932. 91

Com. 1er

fév. 1966 : Bull. Civ. n° 66

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41

b. Les clauses interdisant l’immatriculation du preneur au

registre du commerce et des sociétés

L’article L. 145-1 du Code de commerce exige que le preneur soit inscrit au R.C.S

pour qu’il bénéficie d’un bail commercial. Il s’agit d’une condition sine qua none pour

bénéficier du statut des baux commerciaux. Un bailleur a, contra legem, subordonné son

inscription à une cause de résiliation du bail. Ladite clause a été annulée dans un arrêt de

199593

.

c. Les clauses exigeant que le preneur exploite

personnellement le fonds

L’article L. 145-8 du Code de commerce exige que le fonds transformé ait fait

l’objet d’une exploitation effective au cours des trois dernières années qui ont précédé la

date d’expiration du bail ou de sa reconduction. Depuis la loi du 16 juillet 1971, il n’est

plus exigé que le preneur ait exploité personnellement le fonds.

Or, des bailleurs ont stipulé que seul le preneur devait exploiter le fonds sous peine de

résiliation du bailleur. La clause a été annulée par la jurisprudence94

. En effet, la lecture

littérale du texte ouvra la possibilité à une autre personne d’exploiter le fonds (le

propriétaire, un locataire-gérant etc.).

2. Les clauses dissimulant un bail commercial

La théorie de la simulation en droit français se présente comme « un accord entre

cocontractants tendant à faire croire à l’existence d’une convention (acte simulé) ne

correspondant pas à leur volonté véritable, exprimée par un autre acte, celui-ci secret. Si

92 Civ. 3

e 30 avr. 1997 : Bull. Civ. III, n° 92, note J. Monéger; Civ 3

e 4 fév. 1998 : Admn. Avr. 1998,

p. 37 ; Civ. 3e 13 janv. 1999 : Juris Data n° 1999-00189 : AJDI 1999 p. 241 ; Admn. Mai 1999 p. 36 ; Civ. 3

e

19 juil. 2000 : Juris Data n° 2000-007680 ; JCP E 2001, p. 465, note M. Keita. 93

Civ. 1ère

4 juill. 1995 : Juris Data n° 1995-003362 ; Loyer et copr. 1995. Comm. n° 523. 94

3e civ. 23 juill. 1986 : Bull. Civ. III n° 131 p. 102 ; JCP G 1986 IV, p. 293 ; Gaz. Pal. 1986, 2,

pan. jurisp. P. 227, RD imm., 1987, p. 291.

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la simulation […] sert à en maquiller la nature juridique, il y a un déguisement95

». C’est

notamment le cas d’une clause justifiant d’un faux motif de précarité pour échapper au

droit au renouvellement du bail commercial96

, ou encore le déguisement du bail

commercial par un autre acte97

tel que l’acte de location-gérance. De même, le bailleur ne

peut pas stipuler, pour des locaux à usage mixte, que les locaux à usage commerciaux

seront soumis au statut des baux d’habitation98

.

C’est ainsi que le bailleur informé des débats autour des postulats économiques et

juridiques est une partie d’autant plus avisée au contrat. Il peut asseoir sa position lors des

négociations. Or, le bailleur peut aller plus loin dans la stratégie puisqu’il existe en réalité

des espaces de liberté, extérieurs à l’ordre public, qui lui permettront, en toute légalité et

conformément à la jurisprudence, de contourner stratégiquement le droit au

renouvellement du preneur et le principe du déplafonnement du loyer renouvelé

(CHAPITRE II).

95 Voir note supra 20, p. 573-574.

96 Com. 15 déc. 1966 : Bull. Civ. III, n° 483 ; Civ. 3

e, 25 mai 1977 : Bull. Civ. III, n° 220 ; CA Paris,

21 juin 1994 : Gaz. Pal. 1995, A, somm. p. 48. 97

Civ. 3e, 13 févr. 1985, Rev. Loyers 1985. 337

98 CA Versailles, 12

e chambre, 10 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-043810

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43

CHAPITRE II. LES STRATÉGIES DE DÉTOURNEMENT DU DROIT AU

RENOUVELLEMENT ET DU DÉPLAFONNEMENT

INTRODUCTION

« Est-il si vrai que cette liberté contractuelle est malmenée par la simple existence

du statut ? 99

» L’interrogation du Professeur Monéger est justifiée. En effet, le bailleur

stratège ne perçoit pas le statut comme un obstacle au déploiement de sa stratégie. Ainsi,

après avoir découvert jusqu’où l’ordre public de protection touchait le droit au

renouvellement, il peut entreprendre une démarche inverse et rechercher les espaces

stratégiques de liberté contractuelle toujours dans l’optique d’optimiser le renouvellement

du bail : « le contrat organisateur, c'est le statut convenu, dans les limites que pose celui-ci

avec l'appui de l'ordre public.100

»

Le Droit est un vivier d’outils permettant aux parties d’atteindre l’objet du contrat

qui est la jouissance du local en échange du paiement des loyers. La connaissance

préalable de ces règles permet aux bailleurs de se prémunir d’un échec financier lors du

renouvellement.

« Science et connaissance, art et anticipation – les deux couples qui se cachent bien

des choses, mais quand ils se comprennent rien au monde ne les surpasse. »101

. Cette

citation littéraire peut s’appliquer au comportement du bailleur stratège qui détient la

science juridique des baux commerciaux et qui, de surcroît, se prémunit des risques en

anticipant les évènements. Ainsi, fin négociateur, le bailleur aura la garantie de faire échec

au droit au renouvellement du preneur (SECTION I) ainsi qu’aux règles du plafonnement

(SECTION II) en toute légalité.

99 Supra note 48.

100 Ibidem.

101 Vladimir Nabokov, écrivain américain, Extrait d'une lettre à Kirill Nabokov, 1930.

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SECTION I. LES CLAUSES ELUDANT LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU

PRENEUR

A priori, le législateur a marqué le droit au renouvellement du sceau de l’ordre

public de protection et aucun accord ne peut y suppléer. Or, « ces idées et ces normes ont

distillé leur suc tout au long du siècle jusqu’à faire croire au caractère impératif de

l’ensemble des normes statutaires102

»Pourtant, le droit commun et la jurisprudence

reconnaissent en la matière la validité de la clause de renonciation (Paragraphe 1) et de la

clause résolutoire (Paragraphe 2) qui permettent, dans des conditions optimales, de

supprimer le droit au renouvellement.

Paragraphe 1. La clause de renonciation : un moyen direct et efficace de faire échec

au droit du renouvellement

Le droit au renouvellement du preneur est frappé d’un ordre public de protection.

La sanction est relative : seule la clause est réputée non écrite et le contrat de bail survit.

Toutefois, l’un des moyens direct d’y échapper est la clause de renonciation. Elle est

admise en matière de baux commerciaux à condition de respecter plusieurs conditions

mises en exergue par la jurisprudence (A). Mais la rédaction de la clause peut être

piégeuse : elle doit donc être soignée et suppose de prendre des précautions envers le

cocontractant (B) afin d’éviter les soupçons de fraude.

A. Les conditions d’admission de la renonciation du preneur

La renonciation est un acte par lequel une personne renonce à un droit. Renoncer

signifie se désister du droit qu’on a sur quelque chose. Selon le Professeur Le Gac-Pech,

c’est un « acte abdicatif d'abandon d'un droit déjà entré dans le patrimoine, il peut s'agir

d'un droit substantiel ou d'une action en justice103

». Étant donné que le statut met en place

un ordre public de protection, la jurisprudence a admis en 2006 que « le droit au

102 Supra note 48

103 S. Le Gac-Pech, Rompre son contrat, RTD Civ 2005 p. 223.

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renouvellement est acquis dès la conclusion du bail par le seul effet de la loi et que l'ordre

public de protection, qui s'attache au statut des baux commerciaux, ne faisait pas obstacle

à une renonciation librement consentie104

». Pour être valable, plusieurs conditions sont

requises : la renonciation doit être certaine et non équivoque (1), expresse ou tacite (2) et

doit porter sur l’existence d’un droit acquis (3).

1. Une renonciation certaine et non équivoque

Tout d’abord, le principe directeur de la renonciation est qu’elle ne se présume pas.

Ainsi, les juges du fond doivent révéler ses caractères certain et non équivoque105

. Ce

caractère a été retenu dans une espèce où des preneurs avaient consenti six baux

dérogatoires successifs, les juges considérant que ce comportement révélait leur volonté de

renoncer au statut du bail commercial106

.

2. Une renonciation expresse ou tacite

La renonciation peut être expresse et résulter d’une clause écrite ce qui est le cas le

plus fréquent. Elle peut également être tacite. Selon Françoise Dreiffus-Netter, reprenant

les propos de Jean Carbonnier, il s'agit « des actions qui n'ont pas été accomplies

spécialement afin de porter à la connaissance d'autrui la volonté de contracter, mais d'où

l'on peut raisonnablement déduire l'existence d'une telle volonté107

». Pour Pierre Godé, il

ne faut « retenir comme renonciation que des volontés certaines [...]. Elle [la

jurisprudence] exige, pour qu'il y ait renonciation tacite, des actes qui l'impliquent ou le

supposent108

».

Un arrêt rendu par la Cour de cassation en 1972 a retenu un cas de renonciation

tacite en ces termes : « la renonciation à un droit n’est assujettie à aucune forme

particulière de preuve, que si elle ne se présume pas, elle peut résulter de faits impliquant

104 Supra note 65.

105 Civ. 3

e 5 oct. 1999, AJDI 1999. 1161 ; Civ. 3

e 25 févr. 2004, AJDI 2004. 552 ; Civ. 3

e 24 nov.

2004, Bull. civ. III, no 211.

106 Civ. 5 oct. 1999.

107 F. Dreiffus-Netter, Les manifestations de volonté abdicatives, LGDJ, 1985, n° 56, p. 66.

108 P. Godé, Volonté et manifestations tacites, PUF, 1977, n° 71, p. 80.

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sans aucun doute la volonté de renoncer 109

». La renonciation peut donc être implicite si

les juges excipent l’intention de son auteur de renoncer.

3. L’existence d’un droit acquis

La renonciation à un droit suppose par essence qu’un droit soit acquis

préalablement. Appliqué au droit au renouvellement, la renonciation doit être postérieure à

la signature du bail. Un arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2006 a retenu dans ce sens :

« Le droit au renouvellement d'un bail commercial est acquis dès la conclusion de ce bail

par le seul effet de la loi et l'ordre public de protection qui s'attache au statut des baux

commerciaux et ne fait pas obstacle à une renonciation librement consentie si celle-ci est

postérieure à la naissance de ce droit, peu important que la prise d'effet du bail ait été

reportée à une date postérieure à la renonciation110

». Quoi qu’il en soit, la jurisprudence

vérifie cette condition d’antériorité strictement dans les baux renouvelés : on ne peut pas

stipuler pour le futur que le preneur refusera également le droit au renouvellement dans les

éventuels baux renouvelés, les parties devront réitérer la clause de renonciation111

.

Il ne suffit pas pour le bailleur de respecter les conditions de fond de la renonciation

pour que celle-ci ait toute sa force. Pour valider la clause, il devra également procéder à la

bonne information du preneur et veiller à rédiger une clause de qualité (B).

A. Une rédaction doublement prudente

Étant donné qu’il s’agit d’un acte d’une grande portée de la part du preneur, le

bailleur doit prendre des précautions sous peine d’être soupçonné de fraude et de supporter

les conséquences de la nullité. Ainsi, il doit informer le preneur par un congé (1). Un

exemple de clause de renonciation sera ensuite proposé (2).

109 Civ. 3

e, 16 mai 1972, n° 71-10.036 : DS 1973, somm. p. 14.

110 Supra note 65

111 CA Besançon, 15 févr. 1951 : Gaz. Pal. 1951, 1, p. 303 ; D. 1951, p. 244. - T. civ. Lyon, 16 avr.

1951 : JCP G 1951, IV, 139, Civ. 3e, 7 févr. 1996, n° 94-11.909, Bull. civ. III, n

o 40 ; 21 nov. 2001, AJDI

2002 p. 31, obs. M.-P. Dumont.

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1. L’information du preneur par un congé

D’une part, le bailleur doit s’assurer que le preneur ait été bien informé des effets

de la clause. Ainsi, le preneur ne pourra pas invoquer un vice du consentement et redonner

sa force au droit au renouvellement.

Ensuite, la jurisprudence autorise le bailleur à ne pas donner congé au locataire à

l’arrivée du terme du contrat de bail. Cette solution a été affirmée expressément par la 3e

Chambre civile de la Cour de cassation le 8 avril 2010 : « Lorsque le locataire commercial

renonce au droit au renouvellement, son bail cesse de plein droit au terme fixé sans que le

bailleur ait à notifier un congé »112

Toutefois, pour s’assurer de la bonne information du preneur et éviter tout litige

potentiel sur la fin du bail et son coût, il est conseillé de délivrer un congé au preneur par

lettre recommandée accusé réception quelques mois avant la fin du bail.

2. Exemple de clause de renonciation

Voici un exemple de clause de renonciation : « Le preneur affirme avoir pris

connaissance de l’ordre public de protection prévu par l’article L. 145-34 du Code de

commerce. Le preneur renonce fermement à invoquer le droit au renouvellement du

contrat de bail. Le présent contrat prendra fin, sauf manquement à une clause résolutoire,

au terme du contrat, soit le …. Le bailleur s’engage à donner congé trois mois avant la fin

du bail, soit avant le [indiquer la date] ».

Une autre méthode contractuelle permet d’échapper indirectement au

renouvellement : la clause résolutoire (Paragraphe 2).

112 Civ. 3

e, 8 avril 2010, n° 09-10.926.

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Paragraphe 2. La clause résolutoire : un moyen indirect d’évincer le droit au

renouvellement

La clause résolutoire est un mécanisme qui permet d'obtenir la résiliation de plein

droit du contrat de bail113

en cas de non-paiement du loyer ou d’inexécution de l’une des

obligations du preneur114

. La clause résolutoire est un enjeu de la négociation : « Compte

tenu de l’intense développement de ce procédé de résiliation115

, les applications de la

clause dépendent de façon étroite de sa rédaction initiale ».

Avant l’heure du renouvellement, elle peut être d’une grande utilité pour le

bailleur : verrouillée, elle permet d’échapper à temps à un renouvellement aux

conséquences incertaines ou de l’utiliser comme moyen de pression avant son arrivée. Elle

peut permettre également d’empêcher au preneur d’invoquer son droit au renouvellement

et de réclamer le paiement d’une indemnité d’éviction116

.

Face au foisonnement des hypothèses de fautes testées dans les contrats de baux, il

convient de déterminer les conditions de validité de ces clauses et les pièges de leur mise

en œuvre (A) puis de dresser un inventaire succinct de l’appréciation de ces clauses par la

jurisprudence (B).

A. Le respect des conditions de validité de la clause résolutoire

Le bailleur doit respecter des conditions de fond (A) et de forme (B) pour que la

clause produise tous ses effets en cas d’infraction du preneur.

1. Le respect des conditions de fond

Les conditions de fond sont doubles : la commission d’une infraction à une clause

expresse du bail (i) mentionnant expressément la sanction encourue (ii).

113 CA Paris, 5 janv. 1996, Loyers et copr. 1996, no 120, note Ph.-H. Brault : l'article L. 145-41 ne

concerne que les baux commerciaux. 114

H. KENFACK, Actualité de la clause résolutoire, Loyers et copr. 2006, étude 19 ; C. DENIZOT,

Pratique de la clause résolutoire stipulée dans les baux commerciaux, Rev. Bleue nov. 2007, p. 72. 115

Depuis la loi n° 89-1008, modifiant notamment l’ancien art. 25 du décret du 30 septembre 1953

devenu l’art. L. 145-41 du C. Com., d’autres fautes que le défaut de paiement peuvent être prévues.

Voir également Civ. 3e, 27 octobre 1993, AJPI 1994.207.

116 Com. 18 déc. 1963, Bull. III n° 467.

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a. Une infraction du locataire à une clause expresse du bail

La clause résolutoire doit être expressément insérée dans le contrat de bail

commercial et ce, de bonne foi117

. Dans la même veine, l’infraction reprochée doit être

prévue expressément dans la clause résolutoire118

.

Ensuite, les fautes qui peuvent être intégrées à la clause sont largement admises En

effet, les obligations légales et contractuelles peuvent faire l’objet d’une clause résolutoire.

Néanmoins, la jurisprudence exige que le bailleur, qui envisage un manquement à une

obligation légale, la reproduise expressément dans la clause sous peine de ne pas pouvoir

l’invoquer119

.

b. Une infraction expressément sanctionnée par la clause

résolutoire

Le bailleur doit stipuler expressément la sanction du manquement à ces obligations

de manière précise120

. Jean Debeaurin précise que le libellé « la violation de l’une ou

l’autre des stipulations du présent bail » est trop large121

.

Outre le respect des conditions de fond, la clause résolutoire doit également

respecter des conditions de forme (2)

117 R. MARTIN, Annale des loyers, 1989-1050.

118 Civ. 3

e 18 mai 1988, D. 1988. IR 154 ; 12 juin 2001, AJDI 2001. 983, obs. J.-P. Blatter , où la

Cour rappelle que la clause résolutoire ne peut être mise en œuvre que pour une infraction à une stipulation

expresse du bail ; Civ. 3e 19 mai 2004, AJDI 2005. 208, obs. M.-P. Dumont.

119 Pour un défaut d'exploitation v. : Civ. 3

e 8 janv. 1985, D. 1985. somm. 236 ; CA Paris, 4 juill.

2007, RG no 2006/1427.

Pour une interdiction de sous-louer v. : Civ. 3e 11 juin 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, pan. p. 179.

Pour le défaut de paiement des intérêts de retard v. : Civ. 3e 13 déc. 2006, n

o 06-12.323, Bull. civ.

III, no 248 ; D. 2007. AJ 158, obs. Y. Rouquet ; Loyers et copr. 2007, 28, obs. Ph.-H. Brault.

120 Civ. 3

e 8 janvier 1985, Civ. 3

e, 18 mai 1988, D. 1988. IR. 154 ; 3 avr. 1996 : RJDA 1996. 896,

Civ. 3e 15 sept. 2010, D. 2010. Actu. 2225, obs. Y. Rouquet.

121 J. DEBEAURIN, Annale des loyers, Guide des baux commerciaux, octobre-novembre 2010, p.

2823.

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50

2. Le respect des conditions de forme

Le bailleur doit notifier par acte extrajudiciaire une mise en demeure visant de

façon précise les manquements auxquels le preneur doit remédier122

. Elle est nécessaire

même si l’infraction présente un caractère irréversible123

.

Aussi, l’ordre public de protection prévu par l’article L. 145-41 du Code de

commerce commande l’effet de la clause : la clause ne peut produire ses effets qu’à

l’expiration du délai d’un mois suite à la notification d’un commandement demeuré

infructueux124

125

. Le bailleur doit mentionner ce délai126

, sa volonté d’invoquer un

manquement127

et indiquer précisément les infractions reprochées à peine de nullité. Par

exemple, un arrêt de 2010 a considéré que la clause résolutoire était nulle en raison de la

subordination de ses effets à un délai de quinze jours128

.

Après avoir envisagé les conditions de fond et de forme de la clause résolutoire, il

est temps de déterminer l’interprétation de la jurisprudence dans une optique stratégique

(B).

B. Anticiper l’interprétation stricte de la jurisprudence

La jurisprudence a dégagé une méthode d’interprétation propre aux clauses

résolutoires (1). Son étude permet de déterminer les fautes qui peuvent faire l’objet de cette

clause (2).

1. Méthodes d’interprétation

En cas de litige, la clause sera soumise au juge. Encore une fois, le législateur a

tenté de protéger le locataire en lui ouvrant la faculté de demander une suspension

122 Civ. 3

e 15 mai 1973 ; Civ. 3

e, 6 mars 1996, Civ. 3

e 30 mai 1996 Bull. civ. III p. 81, Civ. 3

e 4

février 1997. 123

Civ. 3e 24 nov. 2004, n° 003-15.807, Bull. Civ. III, n° 208, Rev. Loyers 2005/853, n° 42.

124 Civ. 28 nov. 1990.

125 La forme de cette mise en demeure est nécessairement un acte d'huissier avec commandement de

payer ou sommation d'exécuter (Civ. 3e 30 mai 1996, JCP N 1996. II. 1592).

126 CA Versailles, 6 octobre 1982, Rev. Loyers 1983, p. 321 ; Civ 3

e 6 mars 1996, n° 93-17.520,

Bull. civ. III, n° 61, Rev. Loyers 1997, p. 41. 127

CA Paris 16e ch. sect. A, 7 mai 2008, n° RG : 06/01427, AJDI 2008 n° 291.

128Civ. 3

e 9 décembre 2010, D.2011, Actu. 9 obs. Rouquet.

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judiciaire sur le fondement de l’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce lui-même

connexe aux articles 1244-1 et 1244-3 du Code civil relatifs aux délais de grâce.

En outre, la jurisprudence a dégagé plusieurs fils directeurs de son appréciation des

clauses résolutoires ce qui laisse augurer une protection du locataire.

Tout d’abord, les juges doivent observer une interprétation stricte des clauses. En effet, les

clauses résolutoires semblent tomber sous le coup d’une présomption de stipulation en

faveur du preneur. Et, les sanctions étant « dangereuses129

» pour les preneurs, la

jurisprudence demande à ce qu’elles soient interprétées strictement130

.

De plus, il a été précisé qu’il appartient au bailleur de la faire constater sans que le juge

n’ait à apprécier la gravité du manquement reproché131

. Son pouvoir se limite à la

constatation qui dépend de la rédaction minutieuse de la clause en amont.

Au niveau procédural, le bailleur doit délivrer une assignation en constatation de la

clause résolutoire (et non pas en prononciation de la résiliation) qui intervient

postérieurement en vue d’édicter l’éventuelle expulsion du locataire. Toutefois, la

jurisprudence reste protectrice des intérêts du bailleur sur un point : elle considère que la

clause selon laquelle le bailleur poursuivra la constatation de la clause « comme bon lui

semble » n’enlève pas à la clause résolutoire son caractère d’automaticité132

. En outre, il est

intéressant d’étudier dorénavant le type de faute susceptible de faire l’objet d’une clause

résolutoire (b).

2. Les fautes admises par la jurisprudence

Au niveau rédactionnel, la clause résolutoire est en liaison avec l’ensemble des

obligations mises à la charge du preneur. Il peut s’agir d’obligations légales telles que

l’obligation de payer les loyers à échéance contractuelle ou encore de l’obligation

d’exploiter les locaux en bon père de famille et conformément à la destination

contractuelle. Mais il peut s’agir également d’obligations supplémentaires de nature

contractuelles comme le défaut de paiement de charges ou d’intérêts de retard, la non-

exécution des travaux et l’interdiction de sous-louer entre autres. De plus, elle peut prévoir

129 Voir supra note 69.

130 Civ. 3

e 11 juill. 1990, n° 88-19.994, Gaz Pal. 1991 , 1, pan. p. 36.

131 Civ. 3e, 9 nov. 2004, AJDI 2005. 382, note C. Denizot.

132 Civ. 3

e, 21 fév. 2006 n° 05-15.776, Administrer 2006, n° 388, p. 41 obs. D Lipman-Boccara.

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la faute du preneur qui refuserait de payer l’indemnité d’occupation due en cas de refus de

renouvellement, sans quoi le bailleur ne pourra pas l’invoquer133

.

En outre, le bailleur sera attentif lors de la rédaction de la clause de destination du

bail qui emporte résiliation de plein droit du bail en cas de manquement134

. En effet, à

l’inverse d’un bail tous commerces, le détail des activités autorisées permet de demander la

résiliation dès la moindre addition d’activité. Il en est de même de la cession irrégulière du

bail. Par exemple, un arrêt de 2006 a décidé que le preneur avait apporté un droit au bail à

une société sans autorisation préalable alors que le contrat requerrait cette autorisation. La

Cour de cassation a considéré que la résiliation était constatée135

.

Après avoir vu les moyens de s’assurer de l’éviction du droit au renouvellement du

preneur à travers l’effet absolu de la clause de renonciation et relatif de la clause

résolutoire, il convient d’étudier les clauses permettant d’optimiser le déplafonnement du

loyer renouvelé (SECTION II).

SECTION II. LES CLAUSES D’OPTIMISATION DU LOYER DE

RENOUVELLEMENT

Les règles relatives au plafonnement et au déplafonnement sont la pomme de

discorde du contrat de bail au renouvellement : le preneur souhaite que le loyer soit

plafonné ; le bailleur souhaite que le loyer de renouvellement soit déplafonné.

L’ordre public de protection ne préserve qu’en partie la pérennité du bail et le droit

au renouvellement puisqu’il ouvre la voie à la négociation concernant la durée maximale

du bail, le loyer du bail initial et la fixation de loyer de renouvellement qui peuvent ainsi

être modulés stratégiquement par le bailleur (Paragraphe 1). De plus, d’autres clauses sont

susceptibles d’avoir une influence positive sur le déplafonnement éventuel du loyer de

renouvellement (Paragraphe 2).

133 Civ. 3

e 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Rev. Loyers 1981 p. 79, note Viatte, Civ. 3

e, 24 févr. 1999, n°

97-11.554, Rev. Loyers 1999 p. 411, Administrer 1999, n° 315, p. 32, AJDI 1999, p. 655. 134

Civ. 3e 25 janvier 2006, n° 04-20.173, Rev. Loyers 2006/866, n° 335, p. 186. V. Civ. 3

e, 30 mai

2007, n° 06-12.853. 135

CA Paris, 14e ch, sect. A, 4 octobre 2006, n° RG : 06/01923, AJDI 2006, p. 906.

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Paragraphe 1. La modulation contractuelle de la durée et du loyer du bail

commercial

L’ordre public de protection laisse deux espaces de liberté stratégiques aux

bailleurs. Le premier concerne la fixation de la durée maximale du bail qui aura des

influences sur le loyer de renouvellement (A). Le deuxième espace de liberté concerne la

fixation des loyers du loyer du bail initial et le loyer de renouvellement (B).

A. De l’opportunité de négocier un bail de plus de neuf ans

Au préalable, il convient de préciser le domaine de la stipulation de la durée du bail

commercial (1). Ensuite, ce sont les effets de la clause qui seront étudiés (2).

1. Le domaine de la stipulation de la durée du bail

La stipulation de la durée du bail est une condition de validité du contrat de bail136

.

Le droit des baux commerciaux fixe un minimum soumis à l’ordre public de protection :

« la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans137

». Cette définition

négative de la durée du contrat est surprenante et rare en droit français. En tout état de

cause, il est interdit de conclure des baux commerciaux de moins de neuf ans138

. En

revanche, rien n’interdit aux bailleurs de conclure des baux de plus de neuf ans dans la

limite du respect du principe de l’interdiction des baux perpétuels139

.

De nouveau, le statut laisse libre cours à la volonté des parties mais surtout à

l’intérêt économique des bailleurs. Il y a une structure commerciale qui profite le plus de

cette liberté : « le recours à une durée supérieure à neuf années est ainsi fort efficace et

fort employé dans les centres commerciaux et les galeries marchandes en raison du

pouvoir de négociation des sociétés foncières propriétaires des lieux et de la forte

demande des preneurs140

». En effet, on observe deux tendances : d’une part, sont conclus

de plus en plus de baux dérogatoires pour « tester » la viabilité de l’activité et libérer la

136 Civ. 3

e 5 déc. 2001, n° 00-14.294.

137 L145-4 du C. Com.

138 Sauf l’exception des baux de courte durée prévus par l’art. L. 145-5 du C. Com.

139 Civ. 3

e 19 fév. 1992, n° 90-16.148, Bull. Civ. III n° 61.

140 RTD Com. 2005 p. 256, note Monéger.

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cellule sans contrainte juridique ; d’autre part, sont conclus des baux de dix ans. Ils

peuvent imposer cette disposition étant donné la qualité de l’emplacement et la garantie

pour le preneur de générer un profit. Au-delà de ces considérations, le principal intérêt

pour tout bailleur est d’échapper à la règle du plafonnement (2).

2. Les effets des baux de plus de neuf ans sur le renouvellement

La négociation de la durée du bail commercial de plus de neuf ans aura des

conséquences importantes sur les loyers de renouvellement futurs. En effet, l’article L.

145-34 du Code de commerce relatif aux modalités de plafonnement des loyers de

renouvellement écarte in fine de son champ d’application les baux de plus de neuf ans :

« le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa

durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de [l’Indice du Coût

de la Construction ou de l’Indice des Loyers Commerciaux] ».

Après quelques hésitations jurisprudentielles et doctrinales sur l’interprétation de

l’expression « du bail à renouveler »141

, il est admis qu’elle correspond au bail venu à

expiration et en déduisent que les baux supérieurs à neuf ans sont un motif de

déplafonnement142

. Un arrêt de la 3 e

Chambre civile de la Cour de cassation rendu le 13

novembre 1997143

retient cette solution et le Professeur Blatter considère qu’il s’agit du

« revirement officiel et silencieux qui était d’ores et déjà acquis »144

.

La stratégie du bailleur consistera donc à négocier un bail de plus de neuf ans pour

s’assurer à l’avenir le déplafonnement des loyers de renouvellement. Toutefois, le

rédacteur du bail veillera à réitérer la durée supérieure à neuf ans pour les baux à

renouveler sous peine de voir le contrat de bail renouvelé soumis à la durée d’ordre public

de neuf ans145

. Une autre stratégie consiste à négocier par avance le montant des loyers de

renouvellement (B).

141 RDI, 1984.244 et 1985.428, J. Derrupé.

142 Civ. 3

e 7 juin 1989, Bull. civ. III, n° 132 ; Gaz. Pal. 1989.2.887, note BARBIER ; RDI 1989.512,

obs. Derrupé. 30 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 44 ; JCP 1991. éd. N.II.265. 20 mars 1991, Bull. civ. III, n° 95 ;

JCP 1991. éd. N.II.334 ; RDI 1991.273, obs. DERRUPE ; D. 1991. Somm. 362, obs. ROZES ; Rev.

Administrer juin 1991.26, note Barbier. 5 avr. 1995, AJPI 1995.587, note Blatter. 143

Civ. 3e 13 nov. 1997, Bull. Civ. III, n° 203, D.1997.IR.254, préc. Civ. 3

e 7 juin 1989, Bull. civ.

III, n° 132. 144

AJDI 1998 p. 180. Pour des précédents, voir note 153. 145

Civ. 3e 2 oct. 2002, AJDI 2003 p. 28, RD 2002 p. 3014, RTD Comm. 2003 p. 277.

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B. Les stratégies relatives à la fixation des loyers du bail commercial

L’expression « loyers » est employée au pluriel puisque le statut ne frappe pas

d’ordre public la fixation du loyer du bail initial (1) et du loyer de renouvellement (2).

1. La fixation stratégique du loyer du bail initial

La fixation du loyer initial par un pas-de-porte complément de loyer (a) ou par une

clause recettes (b) peut avoir une influence positive au jour du renouvellement pour le

bailleur.

a. De l’intérêt financier d’insérer un pas-de-porte qualifié de

complément de loyer

Face à la surenchère d’un emplacement n°1, les bailleurs ont développé la pratique

du pas-de-porte qui est « une somme d’argent versée en une ou plusieurs fois par le

locataire au bailleur au moment de la conclusion du bail146

». Les parties peuvent choisir

de le qualifier de complément de loyer ou de supplément de loyer. Face à cette option, les

bailleurs se tournent plutôt vers la qualification de complément de loyer destinée à

compenser la différence entre le loyer demandé et celui du marché en raison de ses

conséquences sur le renouvellement.

En effet, l’article L. 145-34 du Code de commerce autorise le déplafonnement du loyer

notamment lorsque les éléments qui ont permis de déterminer la valeur locative à l’origine

subissent une modification en cours de bail. Ainsi, il est considéré que ce complément lui

permettait d’obtenir une valeur locative normale pendant le bail expiré mais qui ne se

retrouvera plus au moment du renouvellement : sur le fondement de l’article R. 145-8 du

Code de commerce, est pris en compte «les modalités selon lesquelles le prix

antérieurement applicable a été originairement fixé » et autorise le déplafonnement à ce

titre. Toutefois, le bailleur devra prouver que la modification est notable et qu’elle lui ait

été effectivement versée à lui et non pas au propriétaire cédant du fonds de commerce par

146 Voir supra note 22.

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exemple147

. Une autre technique consistera à donner un caractère mixte, indemnitaire (ou

supplément de loyer) et complément de loyer au pas-de-porte. En effet, en raison de

l’impossibilité de déterminer la part de chaque qualification, le déplafonnement devra être

prononcé sur le même fondement148

. Le bailleur peut également négocier la fixation d’une

clause-recettes (b)

b. La fixation du loyer initial par une clause recettes

Une partie de la doctrine critique le fonctionnement du mécanisme du

plafonnement du loyer initial. Selon elle, elle est inadaptée aux évolutions économiques

puisque la valeur locative judiciaire ne correspond pas à la valeur locative de marché.

Ainsi, la pratique a mis en place la clause recettes se composant d’un « loyer

minimal garanti soumis à indexation et fixé contractuellement à l’origine du bail [et d’un]

loyer qui varie en fonction du chiffre d’affaires du preneur au cours de l’année précédente

et liquidé après application du taux conventionnellement prévu, ce loyer absorbant, s’il

vient à le dépasser, le loyer minimal garanti indexé »149

. En principe, les parties fixent

discrétionnairement le loyer initial et peuvent insérer une clause recettes, validée par un

arrêt du 2 octobre 1984150

. Cette possibilité se fonde sur l’absence d’ordre public frappant

les dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce151

.

Un arrêt du 10 mars 1993 dit « Théâtre Saint Georges » a fixé le sort de cette clause

lors du renouvellement152

. La Cour de cassation retient deux éléments : d’une part, elle

estime que la clause recettes doit s’appliquer au-delà du renouvellement ; d’autre part, elle

147 Civ. 3

e 5 juin 2002, n° 00-21.733, AJDI 2002.606.

148 CA Paris 24 fév. 1978, Gaz. Pal. 1978, 1, 321 ; CA Paris, 18 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980, somm. P.

77. 149

AJDI 1993 p. 710 150

Civ. 3e 2 oct. 1984

151 Civ. 3

e 24 oct. 1979, Bull. civ. III, n° 189 ; D. 1980, IR p. 106 ; Civ. 3

e 11 févr. 1987, D. 1987, IR

p. 39 ; CA Paris 9 sept. 1994, D. 1994, IR p. 227. 152

Civ. 3e 10 mars 1993, n° 91-13.418, Bull. Civ. III n° 30 p. 19, AJDI 1993 p. 710, RD Imm. 1993,

p. 276, RD imm, 1994 p. 511, RD 1994 p. 47, RTD comm. 1993 p. 638, AJPI 1993.710, obs. B. Boussageon;

JCP 1993. éd. E. II.460, note B. Boccara ; JCP 1993.11.22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, p.

1, chron. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 1993.2.313, note J.-D. Barbier, D. 1994.47, obs. L. Rozès ; JCP 1993. II.

22089, note F. Auque ; Loyers et copr. juin 1993, comm. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 3 juillet 1993, comm. J.-D.

Barbier ; Rev. dr. imm. 1993, p. 276, comm. J. Derruppé et G. Brière de L'Isle.

Confirmation : Civ. 3e 15 mars 2000, n° 98-16.771, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé, Loyers et

copr. 2000, n° 141, obs. Brault Ph.-H., RD imm. 2000, p. 402, obs. Derruppé J. ; Civ. 3e 7 mars 2001, Bull.

civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès.

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retient qu’une telle stipulation contractuelle limite le pouvoir du juge qui, en présence

d’une clause claire et non équivoque, ne peut que la constater et l’appliquer153

. C’est ainsi

que la clause recettes permet d’échapper aux dispositions relatives au montant du loyer de

renouvellement qui, en l’absence de stipulation contraire, devrait correspondre à la valeur

locative. Par exemple, un arrêt de la Cour d’appel de Versailles rendu le 9 janvier 1997154

avait ordonné une expertise en vue de la fixation du loyer minimum garanti de

renouvellement à la valeur locative. La Haute Cour a cassé l’arrêt sous le visa de l'article

1134 du Code civil et a réaffirmé le principe posé par l’arrêt « Théâtre Saint Georges » le

27 janvier 1999155

en retenant que : « la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail échappe

aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et n'est régie que par la convention des

parties » La doctrine s’est interrogée sur le sort de cette décision : la stipulation d’un loyer

variable fait elle sortir ce contrat du champ du statut ? Aucun arrêt à ce jour ne penche en

faveur de cette solution. En pareil cas, le preneur perdrait son droit au renouvellement.

La jurisprudence a franchi un nouveau pas dans un arrêt rendu le 10 mars 2004156

.

En effet, elle a censuré un arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes qui avait annulé la

clause de fixation du loyer de renouvellement en arguant de la volonté de dissuader le

preneur d’exercer son droit à renouvellement « à des conditions économiques sans rapport

avec la progression des données commerciales ». Or, la Cour de cassation a censuré l’arrêt

d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil : « rien ne s'oppose à ce que les parties

choisissent d'un commun accord de déterminer à l'avance par une stipulation du bail les

conditions de fixation du prix du bail renouvelé ».

153 Voir particulièrement l’arrêt « Unibail », Civ. 3

e 7 mai 2002 : « que la fixation du nouveau loyer

ne pouvait résulter que de l’accord des parties et que le rôle du juge ne pouvait être que de constater cet

accord, s’il existait, et constater l’absence d’un tel accord quant à la partie fixe du loyer », AJDI 2002.523,

obs. J.-P. Blatter, Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin. 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara

B. et Lipman-Boccara; V. également CA Paris 17 mars 2000, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Ph.-H.

Brault. Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin. 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara B. et

Lipman-Boccara. 154

Versailles 12e ch. 1 9 janvier 1997, JCP G 1997.II.22797 Ph.-H. Brault, Loyers et copr. février

1997. 155

Civ. 3e 27 janv. 1999, n° 97-13.366, Bull. civ. III, n° 22, AJDI 1999. 699, obs. D. Cohen-Trumer

; 15 mars 2000, Loyers et copr. 2000, n° 141, obs. Ph.-H. Brault ; 7 mai 2002, AJDI 2002 p. 523 ; 13 nov.

2002, ibd. 2003 p. 36 ; 29 avr. 2002, AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, RTD com. 1999 p. 368, obs. J.

Monéger ; Dans ce sens, Civ. 3e 15 mars 2000, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé ; Civ. 3

e 7 mars 2001,

Bull. civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès et Civ.

3e, 7 mai 2002, Bull. civ. III, n° 94 ; D. 2002, AJ p. 1906, obs. crit. Y. Rouquet ; AJDI 2002 p. 523, obs. J.-P.

Blatter. 156

Civ. 3e 10 mars 2004, n° 02-14.998, Loyers et copr. 2004, n° 91, obs. Brault Ph.-H., D. 2004, p.

878, obs. Rouquet Y.

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58

Ainsi, en présence d’une clause dépourvue d’ambigüité, la Haute Cour refuse de

contrôler l’éventuelle atteinte indirecte au droit au renouvellement157

. Cette décision a été

critiquée par la doctrine158

.

C’est ainsi qu’il apparaît que la tendance jurisprudentielle va plutôt dans le sens

d’une ouverture du statut à la volonté des parties dès que la disposition n’est pas frappée

d’ordre public. Un autre moyen stratégique du bailleur pour échapper aux contraintes du

dispositif légal du renouvellement est de fixer par avance le loyer de renouvellement (2).

2. La fixation stratégique du loyer de renouvellement

Les parties peuvent négocier par avance le loyer du bail renouvelé159

« sans que

l’ordre public ne leur ferme la voie160

». La jurisprudence l’a admis tant sous le visa de

l’article 1134 du Code civil concernant l’effet relatif des contrats, que sous le visa des

textes d’ordre public du bail commercial.

Ainsi, le bailleur peut fixer par avance le loyer de renouvellement dans une clause

du bail d’origine161

ou dans un avenant sans faire échec au droit à la révision précédent le

renouvellement162

.

Sur la teneur du loyer de renouvellement, il est évident que le bailleur refusera de

convenir du loyer de bail renouvelé aux conditions du plafonnement163

. En revanche, il

tentera d’obtenir qu’il corresponde à la valeur locative hors tout plafonnement164

.

D’ailleurs, les composantes de cette valeur locative sont laissées à la libre appréciation des

parties, l’intérêt étant d’échapper à la fixation judiciaire qui pourrait être défavorable au

bailleur. En effet, le principal intérêt d’une telle stipulation pour le bailleur est d’éviter

l’aléa judiciaire : les juges du fond peuvent, dans le cadre de leur appréciation souveraine,

157 Revue des Loyers 2004, p. 852.

158 Ibidem.

159 Civ. 3

e 10 oct. 2001, Defrénois 2002. 176, note S. Duplan-Miellet, il n’y a pas de forme précise

requise ; CA Amiens, 8 févr. 2005, JCP 2005. II. 10060, obs. F. Auque ; Civ. 3e 10 mars 2004, Bull. civ. III,

n° 52 ; D. 2004. AJ. 878, obs. Rouquet ; Defrénois 2004. 1325. 160

Voir supra note 103 et Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620 ; CA Versailles 12

e ch. 2

e sect., 16

octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs. Y. R. ; 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs.

Derruppé ; CA Paris, 16e ch. B. 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier.

161 Civ. 3

e 10 mars 2004, n° 02-14.998, Defrénois 2004, p. 1325 ; D.2004.878 ; D. 2004, 1090 ; Civ,

3e, 27 oct. 2004, D. 2004.3071.

162 Civ. 3

e 30 janv. 2002, n° 00-15.202, Bull. Civ. III, n° 21.

163 Civ. 3

e 2 juillet 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 462, obs. J.-D. Barbier ; CA Paris 16

e ch. B, 29

juin 1995, Loyers et copr. 1996, comm. n° 78. 164

Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620, obs. J.-P. Blatter.

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appliquer un coefficient d’abattement ou de majoration selon les cas. C’est un risque que

ne prendra pas le bailleur averti et ce d’autant plus que les valeurs judiciaires sont « en

retrait par rapport à la valeur locative de marché puisqu’elle tient compte de l’ensemble

des loyers pratiqués, locations nouvelles, renouvellements amiables et fixations

judiciaires165

». Ces « distorsions166

» les incitent donc à négocier et stipuler dans les

contrats de baux que le loyer renouvelé sera fixé à la valeur locative de marché.

L’une des ruses du bailleur est de préciser que les loyers pris en compte pour le

calcul de la valeur locative seront limités dans le temps. En effet, alors qu’au niveau

judiciaire sont pris en compte les loyers des neuf années précédentes, en matière

contractuelle on peut les limiter aux valeurs actuelles des locaux et obtenir un loyer

majoré. Par exemple, il peut être stipulé que les loyers pris en compte seront ceux des

douze derniers mois. Aussi, le bailleur peut demander de faire référence uniquement aux

locations nouvelles ce qui permet d’obtenir un véritable prix de marché. Il peut également

la limiter à la prise en compte d’éléments stratégiques : la durée des activités, les

surfaces167

, les types de biens loués, la destination des lieux, les loyers des renouvellements

amiables par exemple afin de valoriser au maximum le montant du loyer renouvelé. Pour

aller plus loin et asseoir sa position, le bailleur peut envisager d’écarter expressément les

loyers sous-évalués et de compenser par le montant des travaux ou par les pas-de-porte

éventuels. Toutefois, une clause qui organiserait un loyer trop élevé serait considérée

comme voulant supprimer le droit au renouvellement et sera entachée de nullité. Il en est

de même d’une clause qui ne laisserait aucune échappatoire au preneur lors des deuxième

et troisième renouvellements. Les risques que comporte une telle clause doivent être palliés

par la signature par le preneur d’une reconnaissance de conseils donnés.

De plus, il peut combiner la clause recette à une clause à dire d’expert168

en

stipulant que sa décision sera irrévocable et qu’il devra s’en tenir aux éléments cités pour

le calcul de la valeur locative.

Il peut également la relier à une clause compromissoire qui est une convention par

laquelle les parties à un contrat à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître

165 AJDI 2003 p. 921, Liberté contractuelle dans la rédaction des baux et modes alternatifs de

règlement des conflits, BLATTER. 166

Le loyer déplafonné : Quelle valeur locative ?, Adm. n° 369, août-septembre 2004, p. 11 et s., par

M.-L. Sainturat. 167

CA Paris 16e ch. B, 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999 somm. p. 899.

168 Civ. 3

e 4 mars 1998, Loyers et copr. 1998, n° 159, obs. Brault et Mutelet.

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relativement à ce contrat et qui exclut ainsi l’intervention du juge169

. Elle est admise par la

jurisprudence170

et depuis la loi du 15 mai 2001171

dans les « contrats conclus à raison

d’une activité professionnelle172

».

Les clauses relatives à durée du bail et au loyer du bail renouvelé peuvent avoir des

conséquences très importantes au moment du renouvellement. Il est évident que les

bailleurs s’attardent stratégiquement sur ces deux points pour s’assurer une majoration de

loyer lors du renouvellement. D’autres clauses ont une influence stratégique (Paragraphe 2)

Paragraphe 2. Les autres clauses stratégiques

Les autres clauses qui ont une influence sur le renouvellement sont notamment la

clause de destination (A) et la clause d’accession et de travaux (B)

A. Clause de destination et déplafonnement

« L’usage ou la destination des lieux est déterminée librement par le bailleur et par

le preneur en vertu de la théorie de l’autonomie de la volonté ; théorie d’inspiration

libérale qui régit les contrats173

» La destination des lieux loués est l’usage par lequel la

chose a été donnée. La particularité du bail commercial est qu’au-delà de la stipulation de

la commercialité des lieux loués, ces clauses dressent aussi la liste des activités

commerciales autorisées. Or, dans une économie concurrentielle, les commerçants ont très

souvent besoin d’adapter leur activité à l’évolution des besoins des consommateurs.

La teneur de la clause de destination est importante étant donné qu’elle peut avoir

un impact sur le loyer renouvelé. En effet, le bailleur qui démontre une modification

notable de la destination des lieux174

pourra obtenir le déplafonnement du loyer à la valeur

locative excluant les règles du plafonnement. Rares sont les bailleurs qui concluent

169 Art. 1442 du Nouveau Code de Procédure Civile.

170 CA Paris 13 septembre 1994, Loyers et copr. 1994, n° 479, note Ph.-H. Brault ; J.-P. Blatter,

AJDI 1998, p. 173. 171

Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. 172

Art. 2261 du Code civil. 173

La Semaine juridique, édition notariale et immobilière, n° 11, 13 mars 19, p. 19 à 27. 174

Art. L. 145-33 et L. 145-34 du C. Com.

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aujourd’hui des baux dits « tous commerces » puisqu’ils autoriseraient l’exploitation de

toutes les activités et ils ne pourraient donc pas invoquer un changement de destination lors

du renouvellement.

Il ne faut pas confondre la modification de la destination contractuelle et le

changement d’affectation des locaux. Dans le second cas, ils relèvent de la modification

des caractéristiques propres du local définis aux articles R. 145-3 et R. 145-4 du Code de

commerce et plus particulièrement au changement d’affectation des surfaces affectés à la

clientèle175

comme la transformation d’une surface à usage d’habitation en surface

commerciale.

Dans le premier cas, qui est l’objet de ce paragraphe, le bailleur obtiendra le

déplafonnement du loyer s’il démontre une modification notable de la valeur locative et

notamment de la destination des lieux176

. L’article R. 145-5 du Code de commerce définit

la destination en ces termes : « celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal

dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L145-55 ». Pour y arriver, la rédaction de la

clause en amont sera stratégique : soit le bailleur ne permettra au preneur qu’une activité

très réduite et très précise (vente d’articles de ski par exemple), soit il permettra d’exercer

plusieurs activités qui seront très différentes (café et prêt-à-porter). En effet, si le bailleur

rédige une clause dans laquelle il autorise de manière très large la modification de la

destination et le montant du loyer subséquent, il ne pourra pas l’invoquer comme motif de

déplafonnement177

. De même, le bailleur est tenu par la teneur de cette clause et s’il a

autorisé une activité à l’origine du bail mais que le preneur ne l’a exercé que plusieurs

années après, il ne pourra pas revenir sur sa volonté et demander à ce titre le

déplafonnement178

. Dans ce cas d’espèce, le bailleur voulait profiter de l’augmentation de

capacité du restaurateur après qu’il ait exercé l’activité autorisée par le bail.

175 CA Paris, 16

e ch. A, 6 oct. 1999 n° 1997/18171 : l’abattage d’une cloison pour réunir une

boutique et une salle à manger est un changement d’affectation relevant de l’art. R. 145-3 et R 145-4 et non

de l’art. R 145-5 (relatif à la destination). 176

Art. L. 145-33 du C. Com.

CA Paris, 14 oct. 1993, Administrer, mars 1994, p. 56 ; 27 mars 1997, Loyers et copr. 1997 n° 264. 177

Com. 4 nov. 1998, RDI 1999.161; Civ. 3e, 7 juill. 2004, Bull. Civ. III, n° 145.

178 Civ. 3

e 12 oct. 1988, D.1988, p. 245.

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62

Pour obtenir le déplafonnement, le bailleur devra en outre prouver une modification

« notable »179

que les juges du fond apprécient souverainement. Un arrêt a retenu par

exemple que l’adjonction de la vente de livres à un local destiné aux activités

d’imprimerie, éditions, fournitures de bureau, papeterie a été jugé comme constituant une

modification notable entraînant le déplafonnement180

. En revanche la Cour d’appel de

Nîmes a considéré en 2008 181

que la destination de librairie, papeterie et articles divers,

pouvait s’étendre à la vente de disques vinyles, des CD, des cassettes vidéo et des photos.

Elle estime qu’il existe « un lien entre diverses ces formes classiques et modernes de

diffusion commerciale de culture populaire, ensuite, qu'il s'agit d'une évolution des usages

du commerce et de la technologie, que la clientèle est identique, et enfin, qu'il s'agit

seulement d'une adaptation mineure et nécessaire de la vente d'articles divers englobant

les nouveaux supports182

». Un autre arrêt a retenu que le simple développement du

commerce dans le respect de la destination contractuelle ne suffisait pas à démontrer une

modification notable183

, tandis qu’un autre a refusé le déplafonnement du loyer d’une

pharmacie qui avait ouvert son activité à la parapharmacie puisque la loi et les règlements

l’y autorisaient184

.

L’appréciation de la modification notable est objective : les juges vont vérifier que

les activités sont autorisées dans le bail et ne se réfèrent pas aux activités effectivement

exercées par le preneur. De plus, un arrêt du 4 décembre 1998 rendu par a Cour d’appel de

Paris a retenu que les modifications invoquées doivent être suffisamment notables pour que

l’extension d’activité ait un véritable effet sur l’activité exercée185

. Pourtant un arrêt rendu

un mois avant par la Cour suprême retenait qu’il n’était pas nécessaire d’établir l’effet

qu’elle a eu sur l’activité186

.

179 Civ. 3

e 3 mars 1981, Bull. civ. III, n° 43 ; Civ. 3

e 8 janv. 1997, n° 95-11.482, Bull. civ. III, n° 5,

Gaz. Pal. 1997, 1, 211, Loyers et copr. 1997, n° 175 ; Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191, Administrer, janv.

1998, p. 42 ; Civ. 3e 6 nov. 2001, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; Civ. 3

e 19 mars 2003, AJDI 2003 p. 348.

180 CA Paris 9 fév. 2001, AJDI 2001.341

181 CA Nîmes, 2

e ch. A, 24 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-357134.

182 AJDI 2009, p. 683.

183 CA Paris, 31 mars 1998, Loyers et copr. 1999 n° 68

184 Civ. 3

e 21 mars 2007, Bull. civ. n° 40, AJDI 2007 p. 836.

185 CA Paris, 4 déc. 1998, Loyers et copr. 1999, n° 95.

186 Civ. 3

e, 4 nov. 1998, n° 96-22.251, Priminter c/ Guillot et a.

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63

Dans une optique stratégique, le bailleur peut aller plus loin et réclamer une

indemnisation en raison du changement de destination par un supplément de loyer, puisque

la jurisprudence ne lui interdit pas de requérir par la suite à ce titre le déplafonnement187

.

Dans la même veine de la clause de destination, les clauses d’accession et les

clauses travaux sont également susceptibles d’influencer le montant du loyer renouvelé

(B).

B. Clause d’accession, clause travaux et déplafonnement

Le statut des baux commerciaux ne régit pas la répartition des travaux entre les

parties et les contrats compensent cette lacune. Ainsi, les parties prévoient fréquemment

que les grosses réparations de l’article 606 du Code civil188

189

sont mises à la charge du

bailleur et les menues réparations à la charge du preneur. En matière de baux

commerciaux, l’enjeu se situe au niveau de la qualification des travaux et de leur sort lors

du renouvellement. La jurisprudence et la doctrine distinguent les travaux d’aménagement

(1), des travaux de conformité (2).

1. Le sort des travaux d’aménagement au renouvellement

Les travaux d’aménagement sont ceux qui n’entraînent qu’un agencement intérieur.

La partie règlementaire du Code de commerce permet de distinguer les travaux de

modification des travaux d’amélioration. L’enjeu précontractuel se situe au niveau de

l’absence de rédaction d’une clause transférant les travaux de modification sur la tête du

187 CA Paris, 2 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, A, somm., p. 177 ; Civ. 3

e 16 déc. 1997, n°96-16.779,

RDI 1998, 698 ; Administrer, janv. 1998, n°42, Loyers et copr. 1998, n° 126 ; Civ. 3e 24 févr. 1988, Gaz. Pal.

1988. 2. 798 ; V. cependant, pour la possibilité laissée par le bail au locataire de changer la destination au

cours du bail avec prévision de modification du loyer, Civ. 3e 7 juill. 2004, D. 2004. AJ. 2573.

188 Art. 606 du Code civil : « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le

rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de

clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien ». Structure de l'immeuble et de ses

accès, gros-œuvre, clos et couvert, balcons et terrasses, équipements indispensables à l'utilisation. 189

Cass. 3e Civ., 27 nov. 2002, n° 01-12.816, Bull. civ. III, n° 235 : la liste de l’art. 606 du Code

civil énumère limitativement les grosses réparations. Toutefois, les juridictions du fond y ajoutent les

réfections totales ou les remplacements des éléments d’équipement : pour la réfection totale de l’installation

électrique mise à la charge du bailleur alors qu’il n’était contractuellement redevable que des réparations

visées à l’art. 606 V. CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 2000, AJDI 2000, p. 1060 ; pour les travaux d’adaptation

de la climatisation : CA Versailles, 2 oct. 2001, RJDA 2002, no 230, p. 196.

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64

bailleur (a) et sur l’opportunité financière d’insérer une clause d’accession des travaux

d’amélioration (b).

a. Accession, travaux de modification et renouvellement

D’une part, le sort des travaux entraînant une modification notable des

caractéristiques des lieux loués est organisé et réglé par l’article R. 145-3 du Code de

commerce. Ce type de travaux implique le plus souvent une augmentation de surface. Le

juge doit s'attacher à examiner la proportion d'augmentation de surface, par rapport à la

superficie initiale, de même que sa commodité d'accès et son influence favorable ou non

pour le commerce considéré.

En principe, la charge de ces travaux incombe au bailleur sauf clause contraire. À

ce titre, le bailleur pourra invoquer une cause de déplafonnement du loyer lors du premier

renouvellement successif à la réalisation des travaux. C’est ainsi que l’opportunité pour le

bailleur est de ne pas prendre en charge contractuellement ces travaux puisqu’ils seront

réalisés par le preneur et seront une cause de déplafonnement dès le premier

renouvellement du bail commercial. Les conséquences des travaux de modification sur le

renouvellement sont différentes des travaux d’amélioration (b).

b. Accession, travaux d’améliorations et déplafonnement

L’article 546 du Code civil détermine l’étendue du droit de propriété : « La

propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle

produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement ; ce

droit s’appelle droit d’accession ». L’article 551 dudit Code précise que : « Tout ce qui

s’unit ou s’incorpore à la chose appartient au propriétaire […] ». Or, le droit des baux

commerciaux ne régit que partiellement l’accession.

S’agissant de l’accession des travaux d’amélioration, le bailleur trouvera un intérêt

certain à insérer une clause expresse. Quant à leur sort lors du renouvellement, il est réglé

en partie par l’article R. 145-8 du Code de commerce : « Les améliorations apportées aux

lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si,

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directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur

en a assumé la charge. » La jurisprudence a déterminé le régime de ces clauses.

En premier lieu, le bailleur peut écarter le principe de l’indemnisation de l’article 555 du

Code civil versée par le propriétaire au constructeur en instaurant le principe de la gratuité

de la conservation des améliorations. Le risque pour le bailleur est qu’il ne pourra les

invoquer qu’au second renouvellement190

. L’objectif est que « le locataire puisse

bénéficier au moins de la durée d’un bail entier pour amortir les travaux […] sans subir

d’augmentation de loyer de ce fait.191

» Le bailleur stratège préfèrera participer aux frais et

invoquer ce motif de déplafonnement dès le premier renouvellement192

.

En second lieu, en l’absence de participation financière du bailleur, le bailleur peut

trouver une porte de sortie au regard de la date d’effet de l’accession dans la clause.

- soit le bail indique que « le bailleur deviendra propriétaire des améliorations à la

fin du présent bail » ou ne prévoit rien, et les travaux seront un argument de

déplafonnement lors du deuxième renouvellement qui suit leur réalisation193

. Le

bailleur, même en cas de résiliation deviendra propriétaire des améliorations. En

revanche, il devra attendre le départ effectif du preneur pour demander la remise

des lieux dans leur état d’origine194

. Un risque se profile si les aménagements sont

détruits avant la fin du bail puisque le bailleur, ne pouvant invoquer de droit acquis

sur ces améliorations la fin du bail n’étant pas intervenue, ne pourra pas réclamer

d’indemnisation195

.

- soit elle prévoit une prise d’effet de l’accession « au départ des lieux du preneur »

c’est-à-dire en fin de jouissance. Dans ce cas, le bailleur ne disposera de la

propriété des améliorations qu’au jour du départ effectif du preneur. Or, dans ce cas

190 Civ. 3

e 21 mars 2001, Bull. Civ. III, n° 35 ; AJDI 2001 p. 698 ; D. 2001, AJ p. 2039.

191 Revue des loyers, 2004, n° 850, note M.-C. Martinet.

192 CA Paris, 7 juin 1994, Loyers et copr. 1994, n° 295.

193 Civ. 3

e 30 mai 1990, n° 89-12.061, Bull. civ. III, n° 131, Loyers et copr. 1990. comm. n° 355. –

27 nov. 1990 : Gaz. Pal. 1991, I, p. 308. -CA Paris 5 sept. 2005, Loyers et copr. 2006. 194

Civ. 3e 26 nov. 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, 114 – CA Paris, 11 oct. 2002, n° 2001/15798, AJDI 2003

p. 35. 195

Civ. 3e 2 avr. 2003, n° 01-17.017, Bull. Civ. III, n° 76.

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66

il y aura « neutralisation du déplafonnement196

» puisqu’au jour du renouvellement,

le preneur n’aura pas effectivement quitté les lieux197

.

- Soit la clause prévoit une accession « au fur et à mesure » et cela ne pose pas de

difficultés.198

C’est ainsi que la clause d’accession est très utilisée par les bailleurs pour s’assurer

d’une cause de déplafonnement. La longue durée du bail conforte cette idée étant donné

que l’évolution rapide du commerce amène très souvent les preneurs à réaliser des travaux.

L’inflation règlementaire en matière de travaux de conformité a incité la jurisprudence à

régler son régime (2).

2. Le sort des travaux de conformité

Les travaux de mise en conformité des locaux à la destination contractuelle sont le

troisième type de travaux rencontrés en pratique. Par exemple, l’ouverture d’un

Établissement Recevant du Public est subordonnée au respect de normes incendies

prescrites par l’autorité administrative qui suppose souvent la réalisation de travaux de

conformité. À qui incombe leur réalisation ?

En vertu de l’article 1714 du Code civil, le bailleur est soumis à une obligation de

délivrance de laquelle on tire une obligation d’entretien et une obligation de garantie. La

Cour d’appel de Paris a retenu en 2004 que les travaux de mise en conformité sont de

l’essence même de l’obligation de délivrance du bailleur199

. En principe, il incombe donc

au bailleur de réaliser ces travaux. Mais, l’ordre public ne touche pas cette obligation et la

jurisprudence admet qu’elle puisse faire l’objet d’une stipulation expresse contraire et de

les mettre à la charge du preneur200

. La clause, pour être valable, doit être claire, expresse,

non équivoque201

et indiquer précisément quels types de travaux sont mis à la charge du

preneur.

196 Voir supra note 18.

197 Civ. 3

e 21 mars 2001, n° 99-16.640, Bull. Civ. n° 35, D. 2001 p. 2039 ; AJDI 2001, 698 ; JCP E

2001, 1243. - CA Paris, 16e ch. A, 12 déc. 2001, Administrer, mars 2002, p. 23. - Civ. 3

e 27 mai 2003, n° 02-

11.666, AJDI 2003, p. 668. 198

Droit et pratique des baux commerciaux, 2011, n° 260.400, Dalloz. 199

Civ. 3e 12 déc. 2001, Loyers et copr., 2002, n° 90 ; CA Paris, 23 janvier 2004, n° 2003/05683 ;

Civ. 3e, 18 mai 2005, n° 04-13.798, NP, AJDI 2005, 661.

200 Civ. 3

e 17 avril 1996 ; Civ. 3

e 10 mai 1989 ; Civ. 3

e 17 octobre 1990.

201 Soc. 11 octobre 1962

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67

Toutefois, la portée de cette clause doit être nuancée à deux titres. D’une part, la

jurisprudence récente l’interprète de manière très restrictive. Ainsi, depuis une dizaine

d’années, la Cour de cassation n’hésite pas à sanctionner de nullité les clauses

d’acceptation des locaux « en l’état »202

. D’autre part, elle refuse que lesdits travaux

réalisés par le locataire, s’ils sont nécessaires à « la mise en conformité des lieux à leur

destination contractuelle » constituent des améliorations au sens de l’article R. 145-8 du

Code de commerce susceptibles d’être invoquées au renouvellement pour obtenir une

augmentation de loyer203

. Leur portée est donc très relative au regard du renouvellement

comparé aux travaux d’aménagements.

202 Civ. 3

e 7 octobre 1998, n° 96-22.437, Droit et pratique des baux commerciaux – rédaction des

clauses extérieures au statut n° 260.180 ; Civ. 3e, 27 mars 2002, RJDA 6/02 n° 601 ; CA Paris 16

e ch. section

B 24 mai 2007, n° RG 06/15036, Administrer 2007 n° 403 p. 77 ; Civ. 3e 9 juill. 2008, n° 07-14.631, Bull.

Civ. III, n° 121, AJDI 2008 p. 841, RD 2009.896 ; Civ. 3e 20 janvier 2009, n° 07-20.854, RTD comm. 2009

p. 694. 203

Civ. 3e, 30 juin 1999, n° 97-19.002, Defrénois 1999, 1199 ; Civ. 3

e 31 oct. 1989, Bull. civ. III, n°

203 ; Civ. 3e 19 déc. 2000, n° 99-13.642, Administrer, mars 2001, p. 29 ; CA Paris 13 fév. 2004, Loyers et

copr. 2004, n° 129 ; CA Paris 13 fév. 2004, Loyers et copr. 2004, n° 129 ; CA Poitiers, 17 févr. 2004, JCP E

2005, 649.

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68

PARTIE II. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR FACE AU RENOUVELLEMENT

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69

INTRODUCTION

Après avoir vu que le bailleur peut verrouiller en sa faveur le contrat de bail lors

des négociations précontractuelles, son exécution peut commencer. Pour autant, la stratégie

ne s’arrête pas cette période précontractuelle de libre négociation. Plusieurs évènements

surviennent au cours de son exécution tels que la révision triennale, la réalisation de

travaux par le preneur ou des incidents de paiement entre autres qui peuvent avoir des

effets sur le renouvellement. Quoi qu’il en soit, neuf ans plus tard, l’heure du

renouvellement retentit. Toutefois, les stratégies s’expriment différemment ou ne

s’expriment pas : soit elles sont amputées ou, dans une moindre mesure, fortement

limitées, en raison d’un dispositif légal qui dicte fortement le comportement du bailleur

(CHAPITRE I), soit elles s’expriment mais d’une manière très relative à l’instar de la

période précontractuelle, le tout incitant à proposer une refonte du statut (CHAPITRE II).

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CHAPITRE I. LA LIMITATION STATUTAIRE DES STRATÉGIES DU

BAILLEUR

Contrairement à la phase précontractuelle où les bailleurs pouvaient asseoir leur

domination, la procédure de renouvellement du bail limite ses possibilités de trouver un

avantage. L’hypothèse étudiée dans ce chapitre suppose, dans la majorité des cas, que le

bailleur n’ait pas prévu de clause contractuelle en sa faveur.

L’article L. 145-8 du Code de commerce est un article cœur du statut puisqu’il

consacre le droit au renouvellement du preneur : « le droit au renouvellement du bail ne

peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux ». Face à

ce droit consacré, les parties peuvent envisager schématiquement deux issues : renouveler

le bail ou y mettre fin. Cependant, la loi prévoit des nuances, des possibilités de se

rétracter, de se repentir ou de discuter du loyer renouvelé entre autres. Quelles que soient

les hypothèses, la loi est beaucoup plus présente que pendant la période précontractuelle ce

qui limite les ruses du bailleur qui profiterait d’un vide juridique pour asseoir sa position

économique pendant neuf années supplémentaires.

Dans ce contexte, selon que les parties envisagent d’aboutir au renouvellement

(SECTION I) ou de mettre définitivement fin au bail commercial (SECTION II), le

bailleur est soumis à la contrainte légale ou à l’aléa judiciaire ce qui limite

considérablement son potentiel stratégique.

SECTION I. ABOUTIR AU RENOUVELLEMENT : LE POIDS DES

CONTRAINTES LÉGALES ET JUDICIAIRES

Lorsque le bailleur souhaite renouveler le bail commercial, l’objectif affiché est

d’obtenir le déplafonnement du loyer renouvelé. Au préalable de cette discussion sur le

montant du loyer renouvelé, il faut une demande qui émane de l’une des parties. Que le

bailleur soit actif et demande le renouvellement, ou passif et réponde positivement à la

demande du preneur, il est exposé à des risques procéduraux importants (Paragraphe 1). De

plus, bien qu’il puisse y échapper en respectant scrupuleusement ce dispositif strict, il n’en

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reste pas moins que la preuve d’un motif de déplafonnement soit difficile à rapporter

(Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Les risques de la procédure de renouvellement du bail commercial

Si le droit au renouvellement appartient au preneur, sa mise en œuvre peut être du

fait du bailleur (A) ou du preneur (B). Dans les deux cas, la procédure est contraignante et

expose le bailleur à des risques concernant le devenir du loyer en cas de négligence de sa

part sur les subtilités de la procédure.

A. Le strict respect du formalisme du congé

L’article L. 145-9 alinéa 1 du Code de commerce dispose : « Par dérogation aux

articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent

chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre et au

moins six mois à l’avance ». À la lecture de cette disposition, il en est déduit que le

principe en la matière est que le renouvellement du bail n’est pas automatique et peut être

issu d’un congé à l’initiative du bailleur. Les risques liés au non-respect de la forme (1) et

au contenu du congé doivent être étudiés (2) avant d’analyser ceux liés au non-respect du

moment de sa délivrance (3).

1. Le risque lié au non-respect de la forme du congé

Le congé est un acte au cœur de la procédure de renouvellement. La jurisprudence

l’a défini comme un « acte juridique unilatéral qui, régulièrement délivré, met fin au bail

et à l’obligation de payer le loyer par la seule manifestation de volonté de celui qui l’a

délivré 204

». Il faut se méfier du sens et de la portée de cette définition et garder à l’esprit

que le congé met uniquement fin au précédent bail commercial et ouvre par la même

occasion une période pendant laquelle les parties vont discuter de l’issue du

204 Civ. 3

e 12 juin 1996 n° 1068 P : RJDA 10/96 n° 1164 ; Civ. 3

e 4 fév. 2009 n° 07-20.980 FS-PBI :

RJDA 10/09 n° 815.

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72

renouvellement et plus particulièrement du loyer renouvelé et de la mise en place

d’éventuelles nouvelles conditions.

En tout état de cause, le bailleur qui ne respecterait pas les règles du congé se

verrait exposé au principal risque que le contrat soit conclu aux conditions du bail

précédent par tacite reconduction sans possibilité de modifier le loyer renouvelé. Aucune

perspective de déplafonnement ne serait donc envisageable.

L’article L. 145-9 alinéa 5 dispose : « le congé doit être donné par acte

extrajudiciaire ». Malgré la force de l’intervention de l’huissier de justice dans cet acte, cet

article n’est pas une disposition d’ordre public visé par l’article L. 145-15 du Code de

commerce. Ainsi, le bailleur pourrait être tenté de délivrer une lettre simple, une lettre

recommandée avec accusé réception, ou de faire une annonce verbale afin de troubler le

preneur en faisant courir le délai de prescription et de l’empêcher indirectement d’engager

une action judiciaire en contestation de loyer croyant que la procédure était régulière.

Toutefois, sa stratégie est amputée par la jurisprudence. En effet, elle est intervenue pour

frapper cette disposition d’ordre public. Ainsi, les parties ne peuvent pas se détourner de

cette forme par voie contractuelle205

même si le contrat de bail conserve sa validité206

.

C’est ce que la jurisprudence a appliqué par exemple en 2000 en retenant que le congé

donné par lettre recommandé avec avis réception est nul, nonobstant une clause contraire

insérée au bail207

. Plus précisément, la sanction est la nullité relative. Elle ne peut être

soulevée que par le destinataire de l’acte208

(le preneur) même en l’absence de préjudice

puisque qu’il s’agit d’un vice de fond au sens de l’article 119 du Code de procédure

civile209

. Le bailleur doit également respecter les règles relatives au contenu du congé (2).

205 Civ. 3

e 4 mars 1992 n° 429 ; RJDA 5/92 n° 434 ; Civ. 3

e 13 janvier 1999 n° 42 : RJDA 3/99 .269.

206 Civ. 1

ère 7 avril. 1999 n° 97-10.067 : Loyers et copr. 1999 comm. n° 2111 à propos d’une

résiliation triennale. 207

Civ. 3e 13 déc. 2000: Bull. civ. III, n° 187 ; D. 2001. AJ 551, obs. Rouquet; ibid. 2001.Somm.

3521, obs. Rozès. 208

Civ. 3e 20 déc. 1982, n° 81-13.495 : Bull. Civ. III n° 257 ; Civ. 3

e 19 mai 1993 n° 91-16.254 ;

Civ. 3e 18 mai 1994 n° 906 : RJDA 8-9/94 n° 915 ; CA Paris 29 mai 1998, 16

e ch. B : D. aff. 1998 p. 1306 ;

Civ. 3e 15 septembre 2010 n° 09-15.192 FS-PB : RJDA 1/11 n° 20.

209 Civ. 3

e, 8 juin 1982, n° 1022 : Bull. Civ. III n° 146 ; Civ. 3

e 13 décembre 2000 n° 1680 FS-PB ;

CA Versailles 2 février 1995 12e ch. 1

e section : RJDA 5/95 n° 552.

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73

2. Contenu du congé : la fausse opportunité de proposer le montant

du loyer renouvelé ultérieurement au congé

Outre le fait que le bailleur doit impérativement préciser les motifs du congé

(accepter le renouvellement) et les délais dans lesquels le preneur peut contester ce

montant, il n’en est pas de même de la proposition de loyer.

En effet, en principe le bailleur doit « faire connaître le loyer qu’il propose » selon

les termes de l’article L. 145-11 du Code de commerce. Néanmoins, l’article R. 145-1

dudit Code lui permet de le notifier ultérieurement par acte extrajudiciaire, dans le

mémoire ou par lettre recommandée avec accusé réception.

En revanche, s’il ne propose aucun loyer, la sanction emporte des conséquences

financières importantes au regard de l’article L. 145-11 du Code de commerce puisqu’il

prévoit que « le nouveau prix est dû à compter de la demande qui est faite ultérieurement».

Ainsi, si le bailleur n’a pas tous les éléments en raison du retard de publication de l’indice

de plafonnement par exemple il fixera un loyer provisoire : le nouveau loyer sera

retardé210

, les intérêts également et l’ancien loyer sera appliqué jusqu’à la notification

d’une demande chiffrée. Étant donné que la fixation du loyer renouvelé et l’acceptation du

renouvellement du preneur sont deux phases distinctes, le preneur qui accepte le

renouvellement sans proposition de loyer, c’est le loyer de l’ancien bail qui s’appliquera211

et ce en défaveur du bailleur. En outre, le bailleur peut tenter de troubler le preneur en

délivrant un congé précoce mais cette tentative est également vaine (3).

3. La délivrance précoce d’un congé : la limitation de la seule

véritable stratégie

L’article L. 145-9 du Code de commerce précise que le congé doit être délivré six

mois avant la fin de l’échéance contractuelle avec effet pour le dernier jour du trimestre

civil, soit les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre de l’année. Le bailleur doit

donc être prévenant et anticiper ce délai.

210 CA Paris, 9 juillet 1975, Ann. L. 1976-1110 ; Poitiers, 15 mars 1992, Ann. L. 1992-1077.

211 Civ. 3

e 17 avr. 1996, n

o 94-17.181, AJPI 1996, p. 1014, Rev. Huissiers 1997, p. 496.

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74

Comme la durée du bail, ce délai de six mois n’est qu’un minimum et le bailleur

peut être tenté de délivrer un congé bien avant l’échéance contractuelle. Ainsi, il pourrait

désorganiser les prévisions d’un preneur profane qui oublierait la prescription par exemple.

De cette façon, il pourrait également augmenter ses possibilités de rétracter son offre212

en

fonction de ses intérêts puisque la jurisprudence retient que tant que le preneur n’a pas

accepté le principe du renouvellement et s’agissant d’un acte unilatéral, le bailleur peut

rétracter son offre.

Quoi qu’il en soit, la jurisprudence ne frappe pas de nullité le congé donné pour une

date prématurée213

. Elle limite pourtant ses effets puisqu’elle considère qu’il continue à

produire ses effets à compter de la date à laquelle il aurait dû être donné214

.

De plus, la jurisprudence veille aux procédés frauduleux. Ainsi, un congé délivré sept

années avant le terme du contrat sans offre de renouvellement ni indemnité d’éviction par

le bailleur cédant a été annulé car délivré dans le seul but de faire obstacle au droit au

renouvellement du preneur, non immatriculé lors de la signification et par collusion

frauduleuse entre les bailleurs successifs 215

.

Enfin, si le bailleur a gardé le silence dans les six mois précédant la fin du bail et

que le preneur ne réagit pas, le bail est conduit par tacite reconduction aux conditions du

bail antérieur puisqu’à « défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail se

poursuit par tacite reconduction » selon l’article L. 145-9 alinéa 2. Le bailleur a donc tout

intérêt à respecter la procédure relative au congé.

En définitive, ces illustrations montrent que le bailleur ne peut pas tenter de troubler

le preneur en détournant les règles du congé sous peine de voir son congé annulé et le bail

antérieur reconduit au prix antérieur. De même, le cadre légal limite ses possibilités

lorsqu’il doit répondre à la demande du preneur (B).

212 CA Lyon, 25 avril 1967, Ann. L. 1968-1567.

213 Civ. 3

e 9 nov. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 1, panor. p. 130 ; CA Paris, 16

e ch., sect. B, 16 déc. 2002 :

Administrer mai 2003, p. 27, obs. Boccara. 214

Civ. 3e 10 janv. 2007: Bull. civ. III, n° 1 ; D. 2007. AJ 298, obs. Rouquet ; AJDI 2007. 480, note

Zalewski ; Rev. loyers 2007. 135, obs. Rémy. 215

Civ. 3e 5 mars 2008, Bull. civ. III, n° 38 ; D. 2008. AJ 848, obs. Rouquet; AJDI 2008. 668, note

Denizot ; à propos de cet arrêt, v. aussi Monéger, Loyers et copr. 2008, Repère n° 4 ; v. aussi Com. 2 mars

1960, Bull. civ. III n° 89 ; Com. 11 fév. 1965 ; Civ. 3e, 5 mars 2008, Loyers et copr. 2008, comm. 131.

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75

B. L’adaptation forcée du comportement du bailleur face à la demande de

renouvellement du preneur.

La seconde alternative lors de l’approche du renouvellement est la demande de

renouvellement à l’initiative du preneur. L’hypothèse étudiée est celle dans laquelle le

bailleur répond positivement à cette demande. Toutefois, il doit encore veiller à ce que la

procédure n’entache pas la seconde phase de la fixation du loyer renouvelé. La stratégie

consiste plutôt ici à anticiper les risques du calendrier de la procédure. Ainsi, deux points

sont à approfondir : l’exigence de réponse du bailleur dans les trois mois à compter de la

demande du preneur (1) et l’expression de la réponse du bailleur (2).

1. La confirmation indirecte de la nécessité de respecter les règles

procédures : le cas des actes croisés.

La demande de renouvellement du preneur semble être un « subsidiaire au

congé216

». L’article L. 45-9 du Code de commerce indique de manière très pure que « les

baux ne cessent que par l’effet d’un congé » sans distinguer selon qu’il émane du preneur

ou du bailleur. Néanmoins, l’article suivant semble instaurer une hiérarchie par

l’assertion selon laquelle c’est uniquement « à défaut de congé » que le locataire pourrait

demander le renouvellement. Des auteurs concluent que dans « l’esprit du texte, la

demande du locataire est superflue si le bailleur a pris l’initiative du congé »217

.

Quoi qu’il en soit, la pratique révèle l’utilité pour le preneur de demander le

renouvellement malgré un congé du bailleur. En effet, si le congé du bailleur prend effet à

une date postérieure à l’échéance contractuelle prévue pour l’expiration du bail (si le

bailleur délivre un congé le 31 décembre 2010 prenant effet le 30 juin 2010 pour un bail

qui devrait expirer contractuellement le 1er

avril 2011), le preneur peut toujours demander

le renouvellement pour que son bail se termine à l’échéance contractuelle et non pas

postérieurement. L’utilité pour le preneur, eu égard à la longueur des procédures, est de

provoquer un renouvellement plus rapide et de ne pas subir d’éventuels faits nouveaux qui

auraient des incidences sur le déplafonnement du loyer. Par exemple, si une station de

216 Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz, p. 343.

217 Ibidem.

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76

métro était en construction à proximité du local depuis deux ans et que les travaux ont pris

fin en avril mais que l’affluence de la nouvelle clientèle a eu des effets sur son commerce à

proximité de la fin du bail, le bailleur pourrait l’invoquer en faveur du déplafonnement

alors même que le bail devait être terminé. Or, la Cour de cassation a décidé que le

nouveau bail prenait effet à l’expiration du bail et non pas postérieurement (dernier jour du

trimestre civil) : « en présence d’un congé délivré par le bailleur pour une date postérieure

à celle contractuellement prévue pour l’expiration de la location, le locataire conserve

[…] la faculté de faire échec à la poursuite de son bail au-delà du terme contractuel et

d’en obtenir le renouvellement »218

. Pour mémoire, on notera qu’un revirement partiel de

jurisprudence a distingué ce cas de l’hypothèse d’un congé avec refus de renouvellement

pour une date postérieure à l’échéance contractuelle dans laquelle le preneur ne peut pas

délivrer de demande de renouvellement219

.

Ainsi, la stratégie du bailleur qui aurait consisté à délivrer un congé prenant effet

postérieurement à l’échéance contractuelle pour se réserver des motifs éventuels de

déplafonnement est freinée par la jurisprudence qui protège le preneur. De même, le

bailleur doit être prudent quant à la forme de sa réponse (2).

2. La manipulation prudente de la forme de la réponse du bailleur

L’article L. 45-10 alinéa 4 dispose : « Dans les trois mois de la signification de la

demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au

demandeur, s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut

d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le

principe du renouvellement du bail précédent ». À la lecture de cette disposition, on note

que le bailleur dispose de trois mois pour répondre à la demande du bailleur. Le choix

d’imposer la forme du congé s’explique par le fait que l’objet même du congé est

d’exprimer la volonté de l’une des parties.

Le bailleur doit rester prudent dans son comportement pendant ce délai. On

distingue classiquement l’acceptation expresse de l’acceptation tacite.

218 Civ. 3

e 13 fév. 1980 n° 78-12.522 : Bull. Civ. III n° 38 ; Civ. 3

e 3 nov. 1988, n° 87-15.941 et 21

déc. 1988 n° 87-18.501, JCP 1990, II, 21449 ; Civ. 3e 27 nov. 1990 Loyers et Copr. 1992, n° 76 ;

Civ. 3

e 18

déc. 1991, n° 90-10.109 Bull. Civ. III n° 323 ; Civ. 3e 1er octobre 1997, AJPI 1998, 108.

219 Civ. 3

e 21 février 2007 n° 167 FS-PBR : RJDA 5/07 n° 455.

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77

S’agissant de l’acceptation expresse, si elle ne pose pas de difficulté dans sa

manifestation, son contenu doit être connu. En effet, le bailleur qui veut obtenir une

modification du loyer (soit dans la majorité des cas) doit faire connaître dans sa réponse le

montant qu’il propose. S’il ne le fait pas, il s’expose à un risque de taille puisque le

nouveau loyer ne sera dû qu’à compter de la demande ultérieure comme le permet l’article

R. 145-1 du Code de commerce précédemment évoqué. Ce décalage englobe le loyer dû et

ses intérêts.

Concernant l’acceptation tacite, celle-ci présente encore plus de dangers. La

disposition légale précise expressément qu’en l’absence d’acceptation dans les trois mois

le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. Son

silence équivaut à une « acceptation de principe de cette demande »220

221

. Ainsi, le

bailleur est réputé avoir accepté le renouvellement qui aura lieu aux conditions du bail

antérieur expiré ce qui n’est pas le dessein du bailleur. Si le montant du loyer peut être

discuté et fixé ultérieurement, il n’en reste pas moins que si la prescription biennale est

acquise, c’est le loyer du bail expiré qui s’appliquera en plus de ses conditions.

De plus, la jurisprudence considère que le bailleur qui accepte le renouvellement ne

peut plus alléguer des manquements du preneur antérieurs au renouvellement222

. S’il

conserve la faculté de se rétracter et de refuser le renouvellement, il en est de même

puisque la jurisprudence lui interdit d’invoquer des causes de refus qu’il connaissait au

moment de l’expiration du délai de trois mois223

.

En définitive, que le bailleur demande le renouvellement en vue d’obtenir le

déplafonnement ou accepte la demande du renouvellement du preneur, son potentiel

stratégique est limité par la loi et la jurisprudence. Une négligence de sa part peut être

lourde de conséquences au regard du montant du futur loyer renouvelé. En cas de réussite

de cette étape procédurale et de désaccord sur le montant du loyer, l’avancée de la

procédure ne penche pas en faveur du bailleur qui doit apporter la preuve d’une cause de

déplafonnement (Paragraphe 2).

220 Mémento Expert Francis Lefebvre, Baux commerciaux, 2011-2012, n° 70360.

221 Civ. 3

e 30 janvier 1991 n° 286 P ; Civ. 3

e 17 juillet 1991 n° 90-10.102 : Bull. Civ. III n° 213 ;

Civ. 3e 30 mai 1996 n° 976 : RJDA 8-9/96 n° 1026.

222 CA Paris 2 juillet 2008 n° 06-6576, 16

e ch. A : Loyers et copr. 2008 comm. n° 249.

223 Civ. 3

e 4 mai 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, pan. p. 281.

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Paragraphe 2. L’encadrement de la preuve d’une modification notable d’un motif de

déplafonnement

L’une des causes de déplafonnement des loyers des baux renouvelés est la preuve

d’une modification notable d’un élément de la valeur locative. Ce domaine recouvre une

large part du contentieux des baux commerciaux puisque le juge contrôle ce montant

donnant à ce domaine un caractère « éminemment judiciaire224

».

Dans le sens commun, le déplafonnement est la suppression d’un plafond, de la

limite supérieure, d’un seuil de quelque chose. Appliqué aux baux commerciaux, le

déplafonnement consiste à fixer le loyer renouvelé au-delà des plafonds légaux préconisés

par les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce. L’objectif du bailleur face au

renouvellement est d’augmenter son loyer pour neuf années supplémentaires. Dans cet

optique, la loi ne dénie pas la nécessité de faire corroborer les loyers à la réalité du marché

de par la reconnaissance de la valeur locative. Toutefois, l’interprétation du juge est

déterminante en la matière (B) ce qui oblige le bailleur qui n’a pas organisé

contractuellement ce moment, à se soumettre à la liste légale limitative qui est rigide (A).

Le tout démontre que le champ stratégique probatoire du bailleur est doublement limité

légalement et judiciairement.

A. L’encadrement légal du contenu de la preuve

Sans entrer dans la discussion sur les motifs que la jurisprudence a admis ou non, il

s’agit de démontrer plus largement que la loi a encadré strictement l’objet de la preuve : le

bailleur doit impérativement prouver qu’il y a eu une modification notable d’une ou de

plusieurs causes de déplafonnement listées limitativement et rigoureusement par les

dispositions légales et règlementaires (1). De plus, il doit respecter les conditions

temporelles fixées par la loi (2).

224 Mémento Expert Baux commerciaux Francis Lefebvre 2011-2012 n° 54000 p. 625

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1. Le respect du contenu probatoire

La condition nécessaire à l’intervention judiciaire est l’absence d’accord des parties

(a). Dans ce cas, la loi a mis en place une liste limitative à laquelle doit se soumettre le

bailleur (b).

a. Un prérequis à l’appréciation légale de la valeur locative :

l’absence d’accord des parties

L’article L. 145-33 du Code de commerce dispose : « Le montant des loyers des

baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord cette

valeur est déterminée d’après : 1° les caractéristiques du local considéré ; 2° la

destination des lieux ; 3° les obligations respectives des parties ; 4° les facteurs locaux de

commercialité ; 5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage. » Cette liste n’est

prévue « qu’à défaut d’accord » entre les parties. Or le contentieux en la matière démontre

que la plupart du temps, les parties contestent le montant du loyer renouvelé proposé par le

bailleur. De plus, la Cour de cassation semble favoriser implicitement la multiplication du

contentieux judiciaire. En effet, elle a reconnu le 10 mars 2010 le caractère facultatif de la

saisine de la commission départementale de conciliation prévue à l’article L. 145-35 du

Code de commerce, supprimant ainsi une étape fondamentale qui, si elle était imposée,

inciterait à l’amiable plutôt qu’à la résolution judiciaire du conflit et ce d’autant plus que

ces avis sont souvent repris par les juges du fond malgré leur caractère informatif. En

l’absence d’accord entre les parties, la loi et le juge prennent le relais et le bailleur doit se

référer à la liste légale limitative (b).

b. La référence stricte à la liste légale limitative

La preuve d’une modification notable d’une cause de déplafonnement est encadrée

par une liste limitative légale. C’est une sorte de mémoire à destination des parties et de

leurs avocats mais aussi des juges qui a le mérite de recouvrir tous les éléments

susceptibles d’influer sur la valeur locative d’un local commercial. Il n’en reste pas moins

que le bailleur ne puisse pas invoquer un élément extralégal. À l’inverse, la pratique

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rapporte qu’il est inutile pour les avocats des preneurs d’invoquer « la veuve et l’orphelin »

ou l’abus de faiblesse par exemple dans cette matière hautement technique.

De plus, les bailleurs peuvent invoquer un ou plusieurs éléments, mais encore faut-

il que ceux-ci soit expressément énumérés dans la loi. C’est ainsi que la Cour de cassation

adopte une interprétation restrictive et a considéré par exemple que les juges du fond

avaient violé les textes alors qu’ils avaient admis le déplafonnement au motif de la

commission d’une infraction pour non-respect de la destination du bail. Ce motif n’est pas

inscrit dans la liste légale225

et il ne peut pas être invoqué. Le bailleur doit respecter

strictement cette liste mais également la scène temporelle mise en place par la loi (2).

2. Le respect de la scène temporelle législative

Le droit français a mis en place des baux de longue durée et a accordé de surcroît

un droit au renouvellement au preneur pour les faire perdurer dans le temps et lui permettre

de conserver un élément fondamental de son fonds de commerce. À ce titre, il n’était pas

question pour le législateur d’ouvrir la porte à des motifs de déplafonnement obsolètes

datant d’un voire de deux renouvellement antérieurs.

C’est ainsi que la modification doit être survenue pendant la durée du bail

commercial expiré et avant la prise d’effet du bail. C’est une solution classique retenue

depuis le 19 novembre 1975226

. Les juges prennent en compte toute la durée du bail expiré

jusqu’au jour de son échéance contractuelle227

. C’est là tout l’intérêt pour le preneur de

demander le renouvellement face à un congé du bailleur prenant effet après la période

précontractuelle comme il a été étudié précédemment. A contrario, les modifications du

nouveau contrat de bail ne sont pas prises en compte, ni les modifications prévisibles ou

futures.

En cas d’incertitude sur la date de la modification d’une cause de déplafonnement,

les juges de la Cour d’appel de Paris ont jugé qu’elle ne peut servir à fonder un

déplafonnement du loyer. Encore une fois, les juges procèdent à une interprétation

225 Civ. 3

e 8 janvier 1997, n° 95-11.482, Gaz. Pal. 1997, 1, 211 ; Civ. 3

e 26 nov. 1997, n° 96-11.191,

Administrer, janv. 1998, p. 42 ; CA Paris 16e ch. A. 21 février 2005, n° 2004/05531, AJDI 2005, 575.

226 Civ. 3

e 19 novembre 1975, n° 74-13.168

227 Civ. 3

e 27 juin 2001, n° 99-21.801, Administrer, nov. 2001, p. 32 ; Civ. 3

e 26 sept. 2001, n° 00-

13.924, Administrer, janv. 2002 p. 26.

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restrictive des conditions temporelles posées par le législateur ce qui ne favorise pas la

condition du bailleur.

Qu’en est-il des hypothèses où plusieurs renouvellements ont eu lieu ?

La Cour de cassation considère que les motifs pris en compte lors d’un

renouvellement ne peuvent plus l’être lors des renouvellements successifs. Par exemple,

dans l’hypothèse où les parties en sont à leur troisième renouvellement consécutif, les

modifications survenues pendant le bail n°1 ont été prises en compte pour le

renouvellement n°2 et elles ne pourront plus être prises en compte lors du renouvellement

n°3. La Cour d’appel de Paris est allée plus loin en considérant que, si le bailleur n’avait

pas invoqué ces modifications lors de l’avant dernier bail (soit le bail n°2 dans l’exemple),

il est présumé y avoir renoncé228

.

Deux précisions doivent être évoquées. La première concerne l’exception relative

aux travaux d’amélioration. Le bailleur pourra les invoquer lors du second renouvellement

qui suit les travaux sans considérer qu’il y a renoncé lors du premier renouvellement229

sauf

omission230

. La seconde précision concerne l’appréciation de la date de modification des

facteurs locaux de commercialité. Par exemple, lorsque les avocats plaident l’augmentation

de la population d’un quartier, à un jour près le déplafonnement peut avoir ou ne pas avoir

lieu. Que doit-on prendre en compte ? L’existence de la modification ou ses effets sur

l’activité exercée par le preneur ? Aucune décision n’est claire mais la Cour de cassation a

censuré une Cour d’appel qui a anticipé l’évolution probable de la population231

. En outre,

la casuistique rend d’autant plus aléatoire l’efficacité de la preuve apportée par un bailleur

(B).

B. La preuve d’un motif de déplafonnement à l’épreuve des tribunaux

La preuve d’une cause de déplafonnement n’est pas en soi difficile à établir puisque

la liste légale couvre une grande partie des cas. De plus, avec l’aide des investigations de

l’avocat et éventuellement d’une expertise privée, la preuve d’une modification notable

d’un élément de la valeur locative n’est pas insurmontable bien qu’elle demeure très

228 CA Paris 16

e ch., 2 févr. 2001, AJDI 2001, 339.

229 Civ. 3

e 30 mai 1990 n° 89-12.061.

230 Civ. 3

e 12 juillet 1999 n° 97-21.2000, Administrer, oct. 1999, p. 31 – Civ. 3

e, 22 mars 1995, n°

93-14.282, Administrer, août-sept. 1995. 231

Civ. 3e 4 février 1997 n° 201 : Administrer juin 1997 p. 27, Loyers et copr. 1997 comm. n° 144.

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technique. En revanche, l’intervention du juge dans la procédure peut être fatale pour un

bailleur qui se verrait refuser le déplafonnement. En effet, les juges du fond disposent d’un

pouvoir souverain dans l’appréciation de la preuve des modifications notables qui leur sont

soumises à plusieurs titres ce qui soumet le bailleur à une incertitude latente quant à

l’efficacité de sa démonstration et aux conséquences sur son loyer.

D’une part, les juges apprécient souverainement le caractère « notable » de la

modification. Un raisonnement a contrario laisse percevoir qu’une simple modification

serait insuffisante à prouver un déplafonnement du loyer. Toutefois, aucune définition

juridique de la notion n’existe laissant l’appréciation souveraine des juges du fond

s’exercer amplement232

. En effet, alors qu’il a été prévu en matière de révision un

pourcentage objectif (augmentation de plus de 25 % de la valeur locative), ce sont aux

juges du fond qu’il appartient de reconnaître le caractère notable en matière de

renouvellement. C’est pourquoi des décisions contraires peuvent être rendues233

ou

plusieurs modifications peuvent être retenues comme formant une modification notable234

.

La Cour de cassation exerce tout de même un contrôle constant au niveau de l’importance

et de la caractérisation des modifications et retient qu’elles doivent avoir « affecté

l’équilibre de la convention »235

. De la même manière, les juges du fond disposent d’un

pouvoir souverain d’appréciation sur l’effet potentiel de l’activité sur le commerce

considéré.

D’autre part, les juges du fond apprécient souverainement le lien de causalité entre

la modification notable et l’intérêt pour le commerce effectivement exploité. La Cour de

cassation contrôle cet élément236

. Par exemple, le lien de causalité ne sera pas démontré s’il

y a la démonstration d’une augmentation de la clientèle mais que l’activité exercée par le

preneur n’en dépend pas. La jurisprudence a retenu dans ce sens que l’augmentation de

232 Civ. 3

e 25 juin, 1975, n° 74-13.069, Bull. Civ. III n° 219 ; AJPI 1975,898 ; Civ. 3

e, 25 janv.

1977 : Gaz. Pal. 1977 I pan. p. 164 ; Civ. 3e 3 juin 1992 n° 996 : RJDA 8-9/2 n° 811, Administrer juin 1993

p. 22 ; Civ. 3e 2 décembre 1998 n° 1753 PB : RJDA 2/99 n° 155 ; Civ. 3

e 6 nov. 2001, n° 00-17.220, NP,

AJDI 2002, 215 ; Civ. 3e 24 mars 2004 N° 366 FS-PB : RJDA 6/04 n° 679 ; Civ. 3

e 5 mai 2004, n° 03-

10.477, Bull. civ. III, n° 90 : D. 2004, n° 21, 1526. 233

Déspécialisation : Civ. 3e 3 mars 1981 Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 226 – Civ. 3

e 6 oct. 1981,

Gaz. Pal. 1982, 1, pan. p. 63. 234

Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.967, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; AJDI 2002 p. 216 ; Civ. 3

e 30

juin 2004, n° 03-10.754, Bull. Civ. III, n° 138 ; D. 2004, AJ 2232 ; AJDI 2005, 131. 235

Civ. 3e 5 mai 2004, n° 03-10.477, Bull. civ. n° 90 ; AJDI 2005, 27.

236 Civ. 3

e 30 juin 2004 N° 810 F-PBI : RJDA 10/04 1095.

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83

40% de la population est sans influence sur l’activité d’entrepôt et de location de matériel

pour le cinéma et la télévision237

par exemple.

Enfin, d’autres éléments augmentent l’incertitude des bailleurs quant aux chances

de succès de la procédure. C’est le cas de la possibilité offerte aux juges de solliciter un

expert ayant connaissance du marché en vue de fixer le montant du loyer renouvelé. Il est

un auxiliaire occasionnel du juge auprès de qui il doit rendre compte. À l’issue de ses

recherches et des éventuelles discussions avec les parties, il dresse un rapport qui a la

valeur d’un avis et qui ne lie pas le juge qui conserve son appréciation souveraine. À

l’issue de sa mission, le juge peut soit adopter les conclusions de l’expert, soit les rejeter,

soit demander une expertise complémentaire. Quoi qu’il en soit, l’influence du rapport

d’expertise dans la procédure de fixation du loyer renouvelé est considérable puisque

l’expert, grâce à sa position objective d’arbitre, apporte des éléments objectifs au juge.

Un autre élément de caractère sociologique et économique augmente l’incertitude

des bailleurs. Il s’agit de la tendance générale des décisions des juges du fond qui va plutôt

vers un refus du déplafonnement des loyers ou, du moins, au contrôle de son augmentation.

Par exemple, la ville de Lille assiste depuis quelques années à une augmentation

considérable des loyers de renouvellement suite aux profondes mutations de la ville et aux

déplafonnements accordés légalement par les juges tenus par la lettre du texte. Dans ce

contexte, les praticiens constatent la « tendance baissière238

» des juges du fond. En réalité,

le législateur souhaitait que les juges jouent leur rôle de régulateur économique étant donné

leur ancrage local. La marge accordée à l’appréciation souveraine leur permet ainsi de

juguler les « surloyers » pour plus d’équilibre dans le respect du cadre législatif et

réglementaire. Ce contexte judiciaire augmente toutefois l’incertitude des bailleurs quant à

leur chance de déplafonner le loyer et entrave toute stratégie.

En définitive, le bailleur qui souhaite proposer le renouvellement ou accepter la

demande de renouvellement du preneur est enfermé dans un cadre législatif et

réglementaire strict. Toute tentative de détournement est anticipée et empêche le bailleur

de ruser ou de troubler le preneur. Le poids de la procédure et de l’intervention du juge

jouent leur rôle de garants de la sécurité juridique et de régulateurs de la vie économique.

237 CA Versailles, 21 oct. 1983, Gaz. Pal. Tables 1984, « Baux commerciaux », n° 63.

238 « La justice adoucit le Vieux-Lille », 20 minutes, édition de Lille, 7 octobre 2010,

Lien hypertexte : http://www.20minutes.fr/art./605739/lille-la-justice-adoucit-vieux-lille

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84

De même, lorsque le bailleur souhaite refuser le renouvellement au preneur, son

comportement est encadré strictement par la loi (SECTION II).

SECTION II. REFUSER LE RENOUVELLEMENT : LES RISQUES PESANT SUR

LE BAILLEUR

La seconde option qui appartient au bailleur à la fin du bail commercial est de

refuser le renouvellement et de mettre fin à sa relation juridique avec le preneur. Cette

faculté se justifie au regard du droit de propriété du bailleur qui n’a donc pas besoin de

motiver son refus. Toutefois, la concurrence avec la propriété commerciale du preneur a

entraîné un aménagement du régime. Dans l’hypothèse où il refuse, le problème se déplace

de la fixation du loyer renouvelé au paiement ou non d’une indemnité d’éviction. Ainsi, le

bailleur a une option : il peut refuser le renouvellement de manière discrétionnaire et payer

une indemnité d’éviction (Paragraphe 1) ou, pour échapper au paiement d’une indemnité

d’éviction, invoquer notamment un motif grave et légitime (Paragraphe 2). Dans les deux

situations, la stratégie du bailleur est contrecarrée par des dispositions législatives et

réglementaires strictes qui encadrent la procédure et, surtout, la charge financière des

parties.

Paragraphe 1. Le refus de renouvellement et le paiement d’une indemnité d’éviction

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial au preneur sans motif

à condition de lui verser une indemnité d’éviction. Encore une fois, l’aspect procédural

joue un rôle important même s’il est d’une vigueur moins forte que dans les cas où il

accepte le renouvellement (A). De plus, l’enjeu financier est important puisque l’assiette de

l’indemnité d’éviction peut dissuader le bailleur de refuser le renouvellement (B).

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A. L’atténuation des risques liés à la procédure

La faculté de refuser de renouvellement est organisée par l’article L. 145-14 du

Code de commerce : « le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. ». La loi

subordonne l’exercice discrétionnaire de cette faculté à une obligation : « Toutefois, le

bailleur doit, sauf exceptions […] payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale

au préjudice causé par le défaut de renouvellement ». A cet égard, il convient d’étudier le

fondement de l’indemnité d’éviction (1) et le contenu atténué du congé portant refus de

renouvellement (2).

1. Le fondement de l’indemnité d’éviction

La rédaction de l’article L. 145-14 du Code de commerce a soulevé deux

interprétations possibles. D’une part, certains auteurs ont expliqué l’indemnité d’éviction

par la théorie de l’abus de droit. Selon eux, le bailleur, en refusant sans motif le

renouvellement, abusait de l’exercice de son droit de propriété et devait indemniser le

cocontractant du préjudice de l’éviction discrétionnaire. Or, l’abus de droit suppose

l’intention de nuire et l’absence d’intérêt personnel qui ne sont pas présents dans

l’hypothèse de l’article L. 145-14 du Code de commerce. De plus, l’abus de droit suppose

en règle général un fait fautif et non pas une abstention. Une autre interprétation est plus

plausible.

Les fondements de l’article L. 145-14 du Code de commerce résident dans la

volonté du législateur de concilier deux droits concurrents sur le local : le droit de propriété

à valeur constitutionnelle du bailleur, et le droit à la propriété commerciale du preneur.

Ainsi, le refus de renouvellement n’est qu’une faculté ouverte au bailleur ce qui

implicitement revient à admettre qu’il peut recouvrer la disposition de son droit de

propriété. En effet, le législateur ne pouvait pas porter atteinte au droit de propriété à

valeur constitutionnelle du bailleur en exigeant qu’il accorde le renouvellement de manière

automatique sous peine de violer ce droit mais également le principe absolu de

l’interdiction des contrats perpétuels. De plus, il devait trouver un aménagement afin que la

propriété commerciale du preneur exprime toute sa force au moment le plus opportun, soit

à la fin du contrat de bail étant donné que le local commercial est un élément déterminant

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86

de son fonds de commerce. C’est ainsi que la contrepartie par le paiement d’une indemnité

d’éviction permet de concilier ces deux intérêts.

Dans ce contexte, le droit de propriété du bailleur, en principe absolu, subit une

atteinte frontale par l’exigence de payer une telle indemnité au locataire évincé justifié par

le préjudice causé par l’éviction. Aucune contrepartie à l’atteinte au droit de propriété n’est

envisagée ; pire, l’assiette de l’indemnité d’éviction peut être très importante.

Ainsi, toute stratégie du bailleur est réduite à néant s’il n’a pas été prévu de clause

réglant le montant de l’indemnité ou s’il ne trouve pas d’accord amiable puisqu’il sera le

débiteur d’une indemnité d’éviction à compter du jour du refus de renouvellement239

.

S’agissant d’une dette personnelle au bailleur (et non au propriétaire de l’immeuble), en

cas de vente, il ne sera pas déchargé de son obligation. Qu’en est-il des règles entourant la

communication de l’exercice de cette faculté au preneur ? (2)

2. Le contenu léger du congé portant refus de renouvellement

S’agissant de l’acte par lequel le bailleur manifeste sa volonté de refuser le bail

avec offre d’indemnité d’éviction, il s’agit comme en matière d’acceptation d’un congé

mettant fin au bail. Ce congé doit être donné dans les formes et les délais prévus par

l’article L. 145-9 du Code de commerce à savoir, par acte extrajudiciaire et au moins six

mois à l’avance pour le dernier jour du trimestre civil. Cette disposition est d’ordre public.

S’agissant du motif du refus de renouvellement, il fait l’objet d’une interprétation

jurisprudentielle différente de la lettre de la loi. Alors que l’article L. 145-9 dernier alinéa

du Code de commerce exige à peine de nullité que le bailleur motive le congé, la

jurisprudence estime que cette motivation n’est pas requise pour la validité du congé. Elle

fonde sa décision sur le caractère discrétionnaire du refus et de l’option ouverte au

bailleur240

.

Concernant le contenu du congé, le bailleur doit toutefois impérativement

communiquer son offre d’indemnité d’éviction. Dans le cas contraire, si le bailleur

n’indique ni l’offre d’indemnité d’éviction ni le motif de refus de payer une indemnité

d’éviction, le congé sera frappé de nullité en l’absence de motif. C’est ce qu’a retenu la

239 Civ. 3

e 14 novembre 1968, Bull. Civ. III, n° 462.

240 CA Versailles, 28 avr. 1983, Rev. Loyers 1983, p. 434 – CA Paris 16

e ch. B. 28 avr. 2000, AJDI

2000, 736.

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87

Cour d’appel de Paris le 29 septembre 2004241

. Mais la jurisprudence fait encore preuve de

souplesse à l’égard du bailleur puisqu’elle admet que la reproduction de l’article L. 145-14

du Code de commerce suffise à combler l’exigence d’une offre d’indemnité d’éviction

puisque ces articles organisent le calcul de l’indemnité d’éviction242

.

Il ressort de ce développement que le bailleur ne peut déployer aucune stratégie

puisque la loi subordonne la validité de ce refus au strict respect de règles procédurales.

Bien que celles-ci soient allégées, il n’en reste pas moins que leur existence suffise à

encadrer rigoureusement le comportement du bailleur. De même, la loi encadre l’assiette

de l’indemnité d’éviction due par le bailleur (B)

B. L’importance de l’assiette légale de l’indemnité d’éviction

L’indemnité d’éviction se compose d’une indemnité principale et d’indemnités

accessoires (1) qui sont compensés par l’éventuelle indemnité d’occupation due par le

preneur qui continue à occuper les lieux (2). Malgré cette compensation, les indemnités

alourdissent la charge financière du bailleur due en réparation du préjudice lié à l’éviction

du preneur.

1. Composition de l’indemnité principale : la valeur marchande du

fonds de commerce

L’indemnité principale se compose toujours de la valeur du droit au bail qui est un

élément fondamental du fonds de commerce (a). Pour compléter le calcul de l’assiette de

l’indemnité, une distinction est à opérer selon les possibilités de réinstallation du preneur

(b).

a. La valeur du droit au bail

En vertu de l’article L. 145-14 du Code de commerce, l’indemnité d’éviction

comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce. L’un des éléments les

plus importants du fonds de commerce est le droit au bail. Des auteurs le définissent

241 CA Paris, 29 sept. 2004, AJDI 2005, 33.

242 Civ. 3

e 29 avr. 2002, n° 01-01.497, Loyers et copr. 2002, n° 204 ; AJDI 2002, 522 ; Civ. 3

e, 29

sept. 1999, n° 97-21.171, Loyers et copr. 1999, n° 291.

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88

comme étant « l’élément qui mesure l’intérêt pour un exploitant d’être situé à un

emplacement donné pour exploiter un commerce donné moyennant un loyer donné243

».

Dans le cadre de l’indemnité d’éviction, il s’agit de calculer la perte du droit au bail par le

preneur évincé qui représente le préjudice à indemniser. Pour ce faire, les experts passent

par le calcul de la valeur du droit au bail, c’est-à-dire, sa valeur sur le marché des baux

commerciaux. Si celle-ci est plus importante que le fonds de commerce, la jurisprudence

considère, à la faveur du preneur, que c’est la valeur la plus haute qui doit être retenue244

.

Plusieurs méthodes sont utilisées et le juge apprécie souverainement la méthode la

plus cohérente à appliquer245

. Toutefois, la pratique choisit fréquemment la méthode dite

de « différentiel de loyer » ou de « capitalisation de l’économie de loyer » les expressions

étant synonymes. Elle consiste à multiplier la différence entre la valeur locative de marché

et le loyer du local concerné. La valeur locative de marché est le loyer maximal hors

charges hors taxes pour un loyer libre de location dans l’environnement voisin du local

considéré. Des coefficients de pondération seront appliqués afin de prendre en compte à la

hausse ou à la baisse les différences entre les locaux. Ensuite, il faut calculer la différence

avec le loyer payé s’il avait été renouvelé. Le bail étant expiré, les motifs de

déplafonnement sont pris en compte comme si le bail était renouvelé ce qui conduit à

rechercher l’impact d’un éventuel déplafonnement sur le loyer. Celui-ci pèsera en revanche

sur le bailleur puisqu’en présence d’un motif de déplafonnement, il s’imputera sur

l’indemnité d’éviction qu’il doit payer. À côté de ce calcul de la valeur du droit au bail

présent dans tout calcul de l’indemnité d’éviction on rencontre le calcul de l’indemnité de

déplacement ou de remplacement selon les cas (b).

b. Indemnité de remplacement ou indemnité de déplacement

Au-delà de la valeur du droit au bail, l’indemnité d’éviction se compose également

d’une indemnité de déplacement ou de remplacement. Si le fonds de commerce est amené

à disparaître dans sa totalité il s’agit d’une indemnité de remplacement (i) et, a contrario,

243 Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz, n° 550-130, p. 565.

244 Civ. 3

e 20 mai 1980, Gaz. Pal. 1982, pan. p. 516 ; - 3

e Civ, 16 déc. 1997, n° 96-16.779, RDI

1998, 698 ; Administrer, avr. 1998, p. 39 ; - CA Paris, 12 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, 2, somm. 576. 245

Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. Civ. III, n° 151 ; D. 2008, 1J 2667 ; Rev. Loyers

2008, 542 ; Administrer déc. 2008 ; Loyers et copr., 2008, n° 281 ; RJDA 2008 n° 1232 ; Civ. 3e 25 nov.

2008, Ann. Loyers 2009, 44.

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89

s’il est susceptible d’être transféré dans un autre local on la qualifiera d’indemnité de

déplacement (ii). À ces deux indemnités s’ajoutent des indemnités accessoires qui

alourdissent la charge du bailleur.

i. Indemnité de remplacement et indemnités accessoires

L’indemnité d’éviction sera qualifiée « indemnité de remplacement » lorsque

l’éviction fera perdre au preneur son fonds de commerce et, in extenso, son activité. Elle a

pour fonction d’indemniser cette perte. Par exemple, la jurisprudence l’a qualifiée ainsi

lorsque la clientèle locale du preneur était importante et qu’il rencontrera des difficultés

pour trouver un local de remplacement246

.

S’agissant de l’assiette de l’indemnité de remplacement, elle se compose de la

valeur marchande du fonds de commerce. Pour atteindre sa valeur, la loi fait référence aux

« usages de la profession »247

. Plusieurs méthodes de calcul existent. Certaines d’entre

elles font la moyenne du chiffre d’affaires sur les trois dernières années248

, d’autres sur la

rentabilité du fonds sur la base de l’excédent brut d’exploitation249

ou sur une moyenne des

deux. Il appartient au juge de retenir la méthode qu’il juge la plus cohérente250

. Enfin, le

juge (ou l’expert) peut également se référer à plusieurs autres éléments comme les

bénéfices normaux issus de l’activité commerciale, le chiffre d’affaires moyen hors t.v.a.

ou, plus simplement, le prix d’achat d’un fonds de commerce équivalent251

bien que cette

dernière soit ancienne.

En outre, l’indemnité de remplacement peut s’accompagner d’indemnités

accessoires. Tout d’abord, l’indemnité de remploi peut s’ajouter à la dette du bailleur. Elle

est destinée à indemniser le preneur des frais engagés pour le rachat d’un fonds de

commerce et, notamment, de couvrir les droits fiscaux (dont les droits de mutation) pour

acheter un nouveau fonds, les frais d’agence, de négociation et de conseil. Les tribunaux

246 CA Paris, 12 sept. 1996 Gaz. Pal. 30 mars 1997, p. 26.

247 Civ. 3

e 31 mars 1978, n° 75-15.046, Bull. Civ. III, n° 143, Gaz. Pal. 1978, 2, somm. 267 ; CA

Paris, 16e ch. A., 20 mai 2009, Administrer oct. 2009, somm. 60.

248 CA Paris 26 oct. 1993, Administrer, mai 1994 p. 51.

249 L’excédent brut d’exploitation comprend le résultat d’exploitation, les dotations aux

amortissements et la rémunération du dirigeant. 250

Civ. 3e, 2 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2, pan. 195 ; CA Paris, 6 nov. 1992, D. 1993, IR 41 ; CA

Paris 4 fév. 2009, Administrer, mai 2009, 38 251

Com. 27 déc. 1961, D 1962, p. 146 ; 3e Civ. 13 déc. 1968, JCP 1969, IV, 26.

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90

prévoient en général un forfait à hauteur de 10% de la valeur de l’indemnité principale.

Toutefois, l’indemnité n’est due qu’en cas d’absence de preuve de non-réinstallation252

.

Ensuite, il peut s’agir d’indemnités accessoires de nature diverse. Les frais de

déménagement et de réinstallation éventuels sont cités par l’article L. 145-14 du Code de

commerce. Toutefois, cette disposition légale n’est pas limitative et plusieurs postes

existent à ce titre selon le préjudice réel éprouvé par le preneur. Ainsi, le juge pourra

retenir : les frais de déménagement, les frais de réinstallation et plus particulièrement des

aménagements semblables à ceux qu’il perd253

, le montant des travaux d’adaptation des

nouveaux locaux254

, les frais de double loyer correspondant à l’indemnité d’occupation due

s’il continue à occuper les lieux après le refus de renouvellement et le loyer du nouveau

local, les pertes sur stocks255

, le trouble commercial256

ou encore les indemnités de

licenciement du personnel257

et le pas-de-porte du nouveau bail258

. À l’inverse, et de

manière alternative, il peut s’agir d’une indemnité de déplacement (ii).

ii. Indemnité de déplacement et indemnités accessoires

Comme son nom l’indique, l’indemnité d’éviction sera qualifiée d’indemnité de

déplacement lorsque le preneur pourra transférer son activité à proximité sans perdre sa

clientèle et sans avoir besoin de créer un nouveau fonds de commerce. La charge de la

252 Pour la preuve que le preneur va se réinstaller dans un nouveau fonds, voir : Civ. 3

e 2 déc. 1998,

n° 97-11.791, Bull. Civ. III, n° 228 ; BPIM 1/99, n° 66, p. 26 ; Gaz. Pal. 28-30 mars 1999. Pour la preuve de

la non-réinstallation, voir : Civ. 3e 9 mai 1968, D.1969, somm. 110 ; CA Paris 5 févr. 1981, D. 1981, IR 377 ;

Civ. 3e 9 octobre 1991, n° 90-11.879, Loyers et copr. 1991 n° 474 ; Civ. 3

e 16 juin 1993, n° 91-19.996, JCP

1993, IV, n° 2090, Loyers et copr. 1993 comm. 438 ; Civ. 3e 2 déc. 1998, n° 97-11.791, Bull. civ. III, n° 228,

D. 1999 IR 23, JCP 1999 IV, n° 1114. 253

Civ. 3e 6 nov. 1969, D.1970, somm. 105.

254 Civ. 3

e 2 févr. 2000, n° 98-13.018, AJDI 2000, 433 ; Rev. Loyers 2000, p. 256, Administrer, mai

2000, p. 28 ; Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. civ. III n° 151, D. 2008, AJ 2667, Rev. Loyers

2008, 542, Administrer déc. 2008, 58, loyers et copr. 2008, n° 281, RJDA 2008, n° 123. 255

CA Paris, 16e ch. B. 27 octobre 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 395 – TGI Paris, 18

e ch. 2

e sect.,

13 Juillet 1989, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 340 ; TGI Paris, 18e ch. 1

re sect., 26 sept. 1995, AJPI 1995, 1104.

256 Il peut résulter du préjudice subi du temps nécessaire passé à l’acquisition d’un nouveau fonds au

détriment de son activité (CA Paris, 20 avril 2005, AJDI 2005, 737) et peut correspondre à plusieurs mois de

bénéfices (TGI Paris, 6 mars 1989, AJPI 1990, 146). Il couvre aussi la perturbation du fonds, sa fragilisation

et l’incertitude de la conservation de la clientèle à compter de la réception du congé. 257

Civ. 15 mars 1977, Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 165 ; 3e Civ. 2 févr. 1982, Rev. Loyers 1982, p. 248

; CA Paris 5 févr. 1997, Loyers et copr. 1998, n° 13. 258

Civ. 3e 20 juin 1979, Bull. civ. III, n° 136, Rev. Loyers 1979 p. 478 ; Com. 14 nov. 1962, D.

1963, 305, Gaz. Pal. 1963, 1, p. 44.

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91

preuve de la possibilité de transférer son activité dans un local incombe cependant au

bailleur259

.

L’indemnité de déplacement se compose de la valeur du droit au bail. La

jurisprudence a précisé qu’elle doit notamment correspondre au local duquel il a été

évincé260

et non pas au local qu’il devra acquérir dans le cadre d’une indemnité de

déplacement.261

Dans le cadre de l’indemnité de déplacement, des indemnités accessoires peuvent

également être ajoutées à l’assiette principale. De manière générale, les postes de préjudice

correspondent à ceux de l’indemnité de remplacement (frais de déménagement, frais

d’actes, adaptation des nouveaux locaux). Elles ont la même fonction de réparer le

préjudice lié au rachat d’un fonds de commerce. Elle peut être calculée sur la base du taux

retenu par les usages de la profession en cas de perte de fonds262

ou uniquement sur les

frais liés à la recherche et de prise à bail des nouveaux locaux voire de la seule commission

d’agence263

. Elles comprennent également les indemnités de déménagement évalués par

devis ou sur facture, les frais de réinstallation, le trouble commercial, les frais de double

loyer, la perte sur salaire ou encore les frais de mailing, la modification des en-têtes des

papiers à lettre, les frais de transfert du siège social entre autres. Plus particulièrement, ces

indemnités peuvent couvrir le préjudice subi du fait de la perte partielle de la clientèle.

Enfin, la jurisprudence considère logiquement que l’indemnité de déplacement ne peut pas

être supérieure à l’éventuelle indemnité de remplacement de sorte que le risque financier

est plus important pour le bailleur264

. Le statut prévoit également, et à la faveur du bailleur,

que l’indemnité d’éviction sera compensée par une éventuelle indemnité d’occupation due

par le preneur (2).

259 CA Paris, 11 avriL. 1995, Loyers et copr. 1995, p. 279.

260 CA Paris, 22 févr. 1995, Gaz. Pal. 1995, 2. Somm. 392 ; CA Paris 16

e ch. A 8 déc. 2004, Gaz.

Pal. 15-16 avr. 2005. 261

Pour les méthodes de calcul de la valeur du droit au bail, voir infra p. 73-74. 262

CA Paris, 7 oct. 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 347 ; TGI Paris, 13 sept. 1994, Rev. Loyers

1995, p. 367. 263

TGI Nanterre, 10 juin 1994, Gaz. Pal. 1994, 2, somm. 657 ; TGI Paris, 10 janv. 1997, Gaz. Pal.

1997, 1, somm. 181. 264

Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III, n° 45 ; Civ. 3

e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III n° 69; JCP 1968,

II, n° 15604.

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92

2. La compensation par l’indemnité d’occupation du preneur

En vertu de l’article L. 145-28 du Code de commerce, « aucun locataire pouvant

prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé à quitter les lieux avant de l’avoir

reçue. Jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, il a droit au maintien dans les lieux

aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. » Ainsi, l’éviction consécutive au refus

de renouvellement discrétionnaire du bailleur ne peut, pour des raisons pratiques, avoir

d’effet automatique et contraindre le preneur à quitter les lieux le jour du congé. Ainsi, si

théoriquement la relation contractuelle a cessé à compter du jour du refus de

renouvellement, il n’en reste pas moins que le preneur dispose du droit de rester dans les

lieux jusqu’au complet paiement de l’indemnité d’éviction.

L’indemnité d’occupation doit correspondre à la valeur locative265

et se calcule par

référence à un loyer déplafonné266

. Toutefois, à la défaveur du bailleur, la pratique

judiciaire révèle que les juges appliquent un coefficient d’abattement en raison de la

précarité de l’occupation267

qui peut aller de 10% à 30 % selon la longueur de la procédure

et les inconvénients268

.

En définitive, le preneur quittera les lieux après paiement intégral de l’indemnité

d’éviction du bailleur. Pour faciliter le règlement, les parties peuvent convenir que les

créances seront compensées selon les règles de l’article 1289 du Code civil. La

jurisprudence reconnaît que la compensation peut produire ses effets dès lors qu’une

décision juridictionnelle a reconnu la réciprocité des dettes269

.

L’étude du refus de renouvellement sans indemnité d’éviction révèle que le bailleur

sort affaibli de la lutte entre droit de propriété et droit à la propriété commerciale. Les

montants définitifs des indemnités d’éviction, qu’elles soient de remplacement ou de

déplacement, peuvent atteindre des montants exorbitants incitant parfois le bailleur à

265 Civ. 3

e 21 juin 1972, Bull. civ. III n° 415 ; Civ. 3

e 29 mars 2000, n° 98-11.518, AJDI 2000, 554,

Loyers et copr. 2000, n° 200 ; Civ. 3e 29 nov. 2000, n° 99-12.730, JCP E 2001 n° 17, p. 711.

266 Civ. 3

e 14 nov. 1978, Gaz. Pal., 1979, 1, pan. p. 113 ; Civ. 3

e 13 avr. 1983, JCP 1983, IV, p. 189;

3e Civ. 30 juin 1999, n° 96-21.449, D. 1999, p. 31.

267 Civ. 3

e 6 oct. 1976, AJPI 1977, 468 ; CA Paris, 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68.

268 CA Paris, 1

e ch. B. 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68 ; CA Paris 27 juin 1997, Loyers et

copr. 1998, comm. 273 ; pour un abattement de 50% voir par exemple TGI Nanterre, 25 juin 1996, AJPI,

1997, 257. 269

Civ. 3e, 1

er juill. 1998, n° 96-13.692, Bull. Civ. III, n° 148, D. 1998 IR 205, D. Affaires 1998,

1729, RDI 1998, 698, Loyers et copr. 1999, n° 70.

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93

revenir sur sa décision en exerçant un droit de repentir. Quoi qu’il en soit, la stratégie du

bailleur n’a pas de place puisque l’intervention légale et judiciaire occupe toute la place.

De même, pour échapper au paiement total de l’indemnité d’éviction, le bailleur est limité

par le respect strict des cas énumérés par la loi (Paragraphe 2)

Paragraphe 2. Refus de renouvellement et absence de paiement d’une indemnité

d’éviction

De prime abord, il peut paraître surprenant que le bailleur puisse refuser le

renouvellement sans payer d’indemnité d’éviction. Toutefois, étant donné que l’indemnité

d’éviction se justifie par la réparation du préjudice de l’éviction, le bailleur ne sera pas

débiteur de celle-ci s’il argue de motifs légitimes d’éviction du preneur. La loi et la

jurisprudence règlent minutieusement les cas dans lesquels le bailleur peut invoquer des

motifs graves et légitimes (A) ou invoquer un droit de reprise (B) en étant, selon les cas,

plus ou moins déchargé du paiement d’une indemnité réparatrice. Encore une fois, le

comportement du bailleur est très encadré et empêche toute ruse de sa part.

A. Les cas limités de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction

L’article L. 145-17 I du Code de commerce dispose : « Le bailleur peut refuser le

renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité : 1°. S’il justifie

d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. […] 2°. S’il est établi que

l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité

reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans

danger en raison de son état. » À la lecture de cet article, on en déduit que le critère de

distinction entre le refus de renouvellement avec ou sans paiement d’indemnité d’éviction

est la présence de motifs légitimes qui justifient l’éviction du preneur. Les deux cas légaux

précités emportent absence d’indemnité d’éviction de manière absolue. Pour y accéder, le

bailleur doit respecter le formalisme particulier de la mise en demeure (1) et répondre

strictement à l’un des deux cas légaux (2).

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94

1. Le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes à

l’épreuve du juge

Le propriétaire du local commercial peut refuser le renouvellement sans payer

d’indemnité d’éviction s’il justifie de motifs graves et légitimes à l’encontre du locataire

sortant. Pour ce faire, il doit délivrer une mise en demeure (a) et soumettre la validité du

motif à l’appréciation souveraine du juge (b).

a. La force de la mise en demeure préalable

La loi du 30 juillet 1960 a modifié l’article 9 du 30 décembre 1953 codifié à

l’article L. 145-17 du Code de commerce en insérant le mécanisme de la mise en demeure :

« Toutefois, s’il s’agit, soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans

raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, […] l’infraction commise par le

preneur ne peut être invoquée que si elle est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois

après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. »270

La mise en demeure doit notamment avoir lieu s’il s’agit de l’inexécution des

obligations du preneur. Il peut s’agir de la violation d’obligations contractuelles ou légales

ou du comportement du preneur qui serait contraire au respect de l’ordre public et des

bonnes mœurs.

La particularité de cette mise en demeure est qu’elle intervient au moment du refus

de renouvellement sans indemnité et non pas en réaction à un manquement à une clause

résolutoire en cours de bail par exemple. Or, des auteurs ont craint que des bailleurs

astucieux tentent de laisser courir la reconduction du bail pour échapper à la formalité

supplémentaire de la mise en demeure et préférer invoquer une clause résolutoire après le

renouvellement. Toutefois, le succès de cette ruse est entravé par le pouvoir du juge qui,

s’il ne peut que constater une clause résolutoire, peut également relever l’abus de droit du

bailleur qui détourne volontairement les prescriptions légales. Le second cas concerne la

cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds qui ne présente pas de

difficultés particulières.

270 CA Paris, 5

e ch., 16 sept. 2009, N° RG : 08/10240, AJDI 2010, p. 33.

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La nécessité d’une mise en demeure préalable est dotée d’une grande portée au

regard de ses effets : « Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par

acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent

alinéa »271

. En effet, si le bailleur ne délivre pas une mise en demeure valable, le congé

sera valable mais il devra payer une indemnité d’éviction272

. La bonne communication par

le bailleur des motifs de son refus est une condition sine qua none de la validité de la mise

en demeure et, in extenso, de l’absence d’indemnité d’éviction. Ainsi, la mise en demeure

doit impérativement être transmise par acte extrajudiciaire et reproduire l’alinéa 2 de

l’article L. 145-17273

. Toutefois, sur la forme de l’acte, la jurisprudence s’est assouplie.

Elle a admis que la mise en demeure puisse être faite dans le congé portant refus de

renouvellement274

ou concomitamment275

voire postérieurement au congé276

.

Sur le contenu de la mise en demeure, le bailleur doit mentionner les infractions

reprochées sous peine de devoir payer une indemnité d’éviction277

et de rendre le motif de

refus irrecevable. De plus, elle doit reproduire le premier paragraphe de l’article L. 145-17

du Code de commerce. L’objectif de cette exigence est de prévenir le locataire des risques

qu’il encourt278

s’il ne se conforme pas à ses obligations. L’omission de la mention a une

portée affaiblie puisque l’acte ne sera nul que s’il ne cause un grief au locataire en vertu de

l’article 114 du Code de procédure civile. En revanche, la sommation n’est pas nécessaire

dans plusieurs cas : motifs de dénégation du droit au statut279

, motifs irréversibles280

ou

délictuelles281

.

271 Art. L. 145-17 I C. Com.

272 Civ. 3

e 15 mai 2008, n° 07-12.669, Bull. Civ. III, n° 82, Loyers et copr. Sept. 2008, p. 371,

Loyers et copr. Juill.-août 2008, comm. 163. 273

CA Paris, 30 nov. 2001, Administrer, mars 2002, 22. 274

CA Bordeaux, 2e ch. 17 oct. 2007, n° 06/03928 ; Civ.3

e 7 avril 2002, Administrer, juill. 2002, p.

15 ; Civ. 3e 24 mars 1999, n° 97-16.708, Sté Brasserie des Arts c/ Cts Colombo inédit, AJDI 2000, 45, RDI

1999, 469. 275

Civ. 3e 16 déc. 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, pan., p. 35 ; Civ.3

e 5 mai 1999, n° 97-15.484, Bull. Civ.

III, n° 104. 276

CA Paris, 16e ch. A, 12 janv. 2005, Loyers et copr. 2005, 95.

277 Civ. 5 mars 1980, Rev. Loyers 1980 p. 313.

278 CA Paris, 16

e ch., 25 janvier 1968, Rev. Loyers, 1968, p. 197.

279 Pour la cessation définitive de l’exploitation voir CA Aix en Provence, 4

e ch. Sect. C, 14 déc.

2006, N° RG : 03/15111 ; 3e Civ. 8 janv. 2008, n° 06-14.190.

Pour le changement de destination des lieux voir CA Montpellier, 1ère ch. Sect. B, 9 oct. 2007, n° RG :

0604404.

Pour le défaut d’inscription au RCS voir Civ.3e 5 mars 2008, n° 05-20.200, Bull. Civ. III, n° 41,

AJDI 2008, p. 579 ; Civ.3e 23 févr. 1994, n° 92-15.473, Rev. Loyers 1994, p. 444.

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96

Enfin, le délai d’un mois doit être impérativement respecté282

. Et, si le juge est tenu

par ce délai et ne peut l’aménager, il n’en reste pas moins que s’il constate que l’infraction

a perduré au-delà du délai d’un mois, il apprécie souverainement la persistance de sa

gravité pour en tirer les conséquences sur le refus de renouvellement283

. En outre, les

motifs légitimes sont appréciés souverainement par les juges du fond ce qui renforce l’aléa

judiciaire, constant de la résolution judiciaire du renouvellement(b).

b. L’appréciation souveraine des motifs graves et légitimes

Le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la gravité et de la

légitimité des motifs de refus284

. Il s’agit d’une question de pur fait échappant au contrôle

de la Cour de cassation.

D’une part, le juge peut déclarer recevables les motifs graves et légitimes invoqués

par le bailleur. La jurisprudence est casuistique dans ce domaine mais de grandes

tendances peuvent être dégagées. Il a été jugé que constituent des motifs graves et

légitimes l’abus de jouissance285

, la cession irrégulière du bail286

, les infractions aux

clauses du bail287

, un changement de destination des lieux288

, une inexploitation289

, des

280 Pour une cession irrégulière ou une sous-location auquel le bailleur n’a pas été appelé voir 3

e Civ.

9 juillet 2003, n° 02-11.621, Bull. Civ. III n° 147 ; CA Paris 13 févr. 2004, n° 2003/19749, AJDI 2004, p.

379. 281

Pour les crimes et délits commis par le locataire voir 3e Civ. 5 mars 1980, n° 78-16.198, Rev.

Loyers 1980, p. 313 ; CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janv. 2002, n° RG : 1999/15335 ; 3

e Civ. 6 mars 1996, n°

94-12.162, AJPI 1996, 582. 282

Civ. 3e 23 fév. 1994, n° 92-13.588, Bull. Civ. III, n° 32, Loyers et copr. 1994, 293.

283 CA Rennes, 1

er avr. et 12 juill. 1960, Ann. Loyers, 1961, p. 304.

284 Civ. 3

e, 16 déc. 1998, n° 96-22.232, Bull. civ. III, n° 245.

285 CA Paris, 16

e ch. Sect. A, 16 janvier 2002 ; 3

e Civ. 20 juin 1979, Rev. Loyers 1980, p. 42 ; CA

Paris 16e ch. Sect. A, 26 avr. 2006, n° 05/01903. 286

CA Paris 16e ch. Sect. A 14 janvier 1997, n° RG : 95/11149 ; CA Montpellier, 1ere ch. Sect. B,

14 février 2006. 287

Pour un abandon du commerce voir Com. 31 janv. 1949, Bull. Civ. III, n° 51 ; pour un cinéma

classé commerce de luxe et projetant, sans autorisation, des films érotiques voir CA Paris 29 janvier 1987 D.

1987, IR 33. 288

Pour un cinéma classé commerce de luxe et projetant sans autorisation des films érotiques voir

CA Paris 29 janvier 1987 D. 1987, IR 33.Ca Paris 16e ch. Sect. B, 22 nov. 2007, n° RG : 06/17666; 2 mars

2006 RG : 05/08364 ; pour l’utilisation à usage de chenil d’un local destiné à l’usage de débit de boissons

voir Civ. 3e, 3 avril 2001, n° 99-19.768 Gaz. Pal. 2002, somm. p. 162.

289 Com. 6 juill. 1960 D. 1961, somm. 57 ; Com. 8 févr. 1965, D. 1965. 292 ; CA Montpellier 1

re ch.

Sect. B., 5 juin 2007, n° RG : 06/03501.

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97

loyers impayés après un commandement de payer d’un mois290

, des violences sur la

personne du bailleur291

.

Plus largement la jurisprudence a retenu que des motifs extracontractuels pouvaient

constituer des motifs graves et légitimes de refus de renouvellement sans indemnité. En

effet, le motif grave et légitime ne doit pas forcément être rattaché à une clause du contrat

mais peut seulement avoir un lien suffisant avec l’exécution du bail commercial.

L’interprétation de la jurisprudence est souple à cet égard. À titre d’illustration, on peut

citer le cas de la production de documents gravement inexacts en cours d’opérations

d’expertises292

ou la production auprès d’un nouveau bailleur d’un bail qui s’avère être

faux sur lequel la signature du précédent bailleur a été limitée293

.

D’autre part, étant donné que la preuve du motif grave et suffisant est subordonnée

à l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers peuvent retenir que les motifs

invoqués sont irrecevables. À titre d’exemples, on peut citer l’exercice d’activités

complémentaires non autorisées294

, l’accumulation de retards de loyers et charge expliquée

par un contexte financier difficile, le preneur ayant toujours régularisé sa dette295

,

l’exécution de travaux sans les autorisations requises mais rendus nécessaires par

l’obligation d’adapter le fonds à la nouvelle activité connue et acceptée par le bailleur296

ou

encore l’inexécution de réparations nécessaires au bon entretien de l’immeuble lorsque la

vétusté et la négligence du bailleur sont en partie responsables297

. De plus, le bailleur peut

échapper au paiement d’une indemnité d’éviction s’il invoque un motif de reprise (2).

2. La reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux

L’article L. 145-17 2° du Code de commerce autorise le refus de renouvellement

sans indemnité d’éviction en cas de reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux. Cet

article fait perdre le droit locatif au preneur en cas de perte de l’immeuble vétuste ou

290 Civ. 3

e 12 juill. 1989, n° 88-12.539, Loyers et copr. 1989, n° 484 ; Civ. 3

e 17 févr. 1993, n° 89-

12.597, Loyers et copr. 1993, n° 225 ; CA Paris 16e ch. A, 2 mars 2005, Rev. Loyers 2005, p. 261.

291 Civ. 3

e 28 mars 1995, n° 93-16.657, Rev. Loyers 1995, p. 414.

292 Civ. 3

e 19 déc. 2001, n°00-14.425, Bull. Civ. III n°156 ; BRDA 2/2002, n°10.

293 Civ. 3

e 11 juin 2008, n°07-14.551, Bull. Civ. III, n°103.

294 Civ. 3

e 1

er avril 1998, n°96-14.638, Bull. Civ. III, n°77, Gaz. Pal. 28 août 1998, pan. 228.

295 CA Paris, 21 fév. 2007, Juris-Data n°2007-329400.

296 Civ. 3

e 28 sept. 2004, n°03-12.189, NP, AJDI 2005, 213.

297 Civ. 3

ème 17 avr. 1985, n°83-12.399, Bull. Civ. III, n°304, J-Cl loyer ZF 10-1, n°1

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insalubre. Avant d’étudier le cas particulier du droit de priorité du preneur (b), on reviendra

sur les formalités procédurales que le bailleur doit accomplir (a).

a. Les formalités procédurales

Le droit des baux commerciaux est éminemment procédural. Ainsi, le refus de

renouvellement sans indemnité pour reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux doit

être communiqué au preneur par la signification d’un congé.

S’agissant du moment de la délivrance du congé, il ne peut pas intervenir en cours

d’exécution du bail mais uniquement à son échéance ou éventuellement pendant sa période

de tacite reconduction. Toutefois, si un péril imminent a lieu en cours de bail, le bailleur ne

pourra pas faire usage de l’article L. 145-27 du Code de commerce mais uniquement de

l’article 1722 du Code civil qui ouvre la voie à la résiliation sans indemnité sous réserve

que le péril n’est pas issu de la faute du bailleur298

.

Concernant la forme du congé, il doit remplir classiquement les conditions de

l’article L. 145-9 dernier alinéa du Code de commerce, à savoir, être signifié par un acte

extrajudiciaire. Enfin, si le refus de renouvellement est validé, le locataire devra quitter les

lieux sans percevoir d’indemnité. En revanche, si l’insalubrité ou l’état de péril a été causé

par le bailleur, il devra l’indemnité d’éviction au preneur. Ensuite, à la différence du congé

portant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, le refus pour ce motif doit être

motivé (b).

b. La motivation spéciale

Il est exigé, comme c’est le cas en matière de refus de renouvellement pour motifs

graves et légitimes, que le congé soit motivé. En revanche, les motivations répondent à des

conditions particulières selon qu’il s’agisse d’un cas de reprise pour insalubrité de

l’immeuble ou en raison de l’état de péril.

D’une part, en cas d’insalubrité, la motivation du congé s’accompagne d’une

décision administrative interdisant définitivement l’occupation. Le bailleur ne peut donc

pas invoquer un élément sans apporter la preuve de cette décision. En effet, dès 1966, la

298 Civ. 3

e 21 juin 1995, RJDA 1995, n°951

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jurisprudence décide que ce refus ne peut être valable que si l’autorité administrative a

reconnu cet état d’insalubrité et que le bien-fondé d’un arrêté d’insalubrité échappe au

contrôle des juridictions judiciaires299

. Pour des raisons pratiques, il est admis que le

bailleur invoque dans le congé le refus de renouvellement mais délivre postérieurement la

décision administrative constatant l’insalubrité300

.

D’autre part, s’il s’agit d’un état de péril, une décision administrative n’est pas

nécessaire. Ainsi, le bailleur pourra l’établir par tous moyens, la preuve étant soumise à

l’appréciation souveraine des juges du fond. Si les travaux ne nécessitent pas que

l’immeuble soit libéré, le refus ne sera pas validé. De plus, l’état de péril ne doit pas avoir

été causé par un défaut d’entretien du bailleur sous peine de devoir une indemnité

d’éviction. Par ailleurs, le bailleur doit impérativement respecter le droit de priorité du

preneur (c).

c. Le cas particulier du droit de priorité du locataire en cas

de reconstruction

L’article L. 145-17 II du Code de commerce ouvre un droit de priorité au locataire

uniquement en cas de reconstruction de l’immeuble. Il ne découle pas du congé mais

dépend de l’initiative du preneur qui doit notifier sa demande au propriétaire de

l’immeuble. Il est règlementé aux articles L. 145-19 et L. 145-20 du Code de commerce. Il

ne s’agit pas d’un texte frappé d’ordre public de sorte que le preneur peut y renoncer

contractuellement. La condition principale de l’exercice du droit de priorité est la

reconstruction de l’immeuble. A contrario, s’il n’y a pas de reconstruction ou s’il s’agit de

construire des immeubles d’habitation, le locataire ne pourra pas s’en prévaloir.

Au niveau procédural, le preneur doit notifier son intention d’exercer son droit de

priorité par acte extra-judiciaire dans les trois mois de son départ. Une fois les locaux

reconstruits, le bailleur est tenu de proposer un nouveau bail au preneur par acte extra-

judiciaire. S’agissant du contenu de la notification, le bailleur doit mentionner qu’il est

« prêt » à proposer un nouveau bail sans en préciser les contours, conformément aux

prévisions de l’article L. 145-12 du Code de commerce. En outre, il doit mentionner qu’il

299 Civ. 9 juill. 1973, Bull. Civ. III n°468

300 Civ. 17 avr. 1985, Bull. Civ. III n°63

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100

dispose d’un délai de trois mois pour exprimer son intention d’accepter ou de refuser ou de

saisir la juridiction compétente à peine de forclusion. En effet, si les parties ne concluent

pas d’accord au sujet de la réintégration, il dispose de nouveau d’un délai de trois mois

pour saisir la juridiction compétente. Il convient de préciser qu’il s’agit d’un nouveau bail

qui est conclu et qu’à ce titre le contenu de l’ancien bail ne s’applique pas.

Enfin, si le bailleur méconnaît le droit de priorité du locataire, il ne sera tenu qu’au

paiement de dommages et intérêts. En effet, il ne devra pas payer une indemnité d’éviction

en vertu de l’article L. 145-19 dernier alinéa du Code de commerce. Cependant, rien

n’interdit au juge de se référer à l’article L. 145-14 du Code de commerce pour calculer le

montant des dommages et intérêts. Les risques financiers pour le bailleur sont donc

importants puisque les dommages et intérêts pourront atteindre le montant d’une indemnité

de déplacement. Dans les deux cas d’ouverture présentés, le bailleur peut être tenté de

détourner la loi pour se soustraire au paiement mais il sera vigoureusement sanctionné (B).

B. La sanction des tentatives de fraude du bailleur

Face à ces deux opportunités pour le bailleur de ne pas payer d’indemnité

d’éviction, il pourrait être tenté de détourner la loi aux fins de se soustraire à ce paiement.

En premier lieu, il pourrait être tenté de feindre un motif grave et légitime. Son

objectif serait ainsi de faire perdre les droits locatifs du preneur. Or, la loi et la

jurisprudence veillent âprement à sanctionner cette fraude. C’est ainsi que la loi a consacré

une sanction à l’article L. 145-27 du Code de commerce: « Au cas où il viendrait à être

établi à la charge du bailleur qu’il n’a exercé les droits qui lui sont conférés aux articles

L. 145-17 et suivants qu’en vue de faire frauduleusement aux droits du locataire,

notamment par des opérations de location et de revente, que ces opérations aient un

caractère civil ou commercial, le locataire a droit à une indemnité égale au montant du

préjudice subi ». Le bailleur sera tenu d’une indemnité en fonction du préjudice subi.

En second lieu, il pourrait être tenté de méconnaître le droit de priorité du preneur

alors qu’il avait manifesté dans les délais son intention de l’exercer. Par exemple, si le

preneur reloue le local à une autre personne au mépris du droit de priorité, aucune

réintégration n’est envisageable puisque la cause principale du congé est valable. En

revanche, le bailleur sera tenu de verser des dommages et intérêts en vertu de l’article L.

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101

145-9 dernier alinéa du Code de commerce. Toutefois, les tribunaux pourront fixer les

dommages et intérêts à partir des références de l’article L. 145-14 du Code de commerce et

et l’assiette des dommages et intérêts peut être très importante. De plus, le locataire dispose

d’une action en responsabilité en vertu de l’article L. 145-27 du Code de commerce

précité.

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102

CHAPITRE II.

REPENSER LE RENOUVELLEMENT DES BAUX COMMERCIAUX

INTRODUCTION

Comme le relevait le Professeur Derruppé : « le sentiment de frustration de certains

bailleurs à l'égard de la propriété commerciale les conduit à exploiter avec malice toutes

les failles du statut des baux commerciaux pour retrouver ou conserver les avantages dont

ils s'estiment injustement dépouillés. Le preneur mal informé, mal représenté ou

simplement négligent risque gros, ou, plutôt, purement et simplement son exploitation. Les

droits menacés sont ceux qui constituent l'essence du statut des baux commerciaux et qui,

paradoxalement, selon l'illustre auteur, paraissent les mieux garantis »301

.

Si la stratégie du bailleur est fortement limitée à l’heure du renouvellement, il n’en

reste pas moins que certaines d’entre elles perdurent mais sont contrecarrées par la

jurisprudence (SECTION I). En outre, l’ensemble de ces développements confirme l’idée

de déséquilibre entre les parties et révèle les lacunes du statut et les praticiens réclament à

cet égard une refonte du statut et notamment du droit au renouvellement (SECTION II)

SECTION I. LA PERSISTANCE DES STRATEGIES DU BAILLEUR

Le bailleur qui souhaite accepter le renouvellement et faire perdurer la relation qu’il

entretient depuis neuf ans avec son cocontractant ne perd pas de vue la plus-value de loyer

qu’il peut obtenir pour neuf années supplémentaires. Il n’y a pas de distinction à opérer

selon que le congé émane du bailleur ou du preneur. Le bailleur peut dans les deux cas

adopter une stratégie de dissuasion (Paragraphe 1) ou une stratégie passive d’attente du

dépassement du délai de douze ans (Paragraphe 2) mais celles-ci sont relatives et souvent

subordonnées au manque d’information du preneur.

301 Les pièges du bail commercial en 1984, Études de Juglart, LGDJ 1986, p. 111

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103

Paragraphe 1. La relativité des stratégies de dissuasion

Malgré le carcan législatif présenté précédemment, certains bailleurs résistent pour

dissuader et affaiblir le preneur en brandissant une clause résolutoire non respectée (A) ou

en ayant recours à une expertise privée (B).

A. Brandir une clause résolutoire

La clause résolutoire peut être employée comme un moyen de pression pendant la

négociation des conséquences du renouvellement (1) et après un refus de renouvellement

(2).

1. L’utilisation judicieuse de la clause résolutoire comme moyen de

pression avant l’éventuel renouvellement

La clause résolutoire rédigée en amont peut devenir un outil de négociation lors du

renouvellement. Pour faire jouer la clause résolutoire, le bailleur ne doit pas avoir renoncé

à son bénéfice302

. En effet, en cas d’infraction par le preneur, le bailleur peut toujours

renoncer à son utilisation.

Ce mécanisme de la renonciation peut devenir un outil stratégique de domination

lors des négociations des conséquences du renouvellement. En effet, si la clause résolutoire

est verrouillée et envisage de multiples fautes, il pourra invoquer l’une d’entre elles (et ce

d’autant mieux si elle fait l’objet d’une appréciation subjective telle que l’obligation

d’entretien par exemple) afin de faire pression sur le preneur. Ces méthodes informelles

sont importantes à développer pour comprendre l’état d’esprit du bailleur.

D'ailleurs la jurisprudence fait état de nombreux arrêts dans lesquels elle encadre

cette faculté de renoncer par le bailleur. Ainsi, elle a retenu que la renonciation ne pouvait

résulter du renouvellement d’un bail moyennant un certain loyer dès lors qu’il y a un

pourvoi en cours relatif à la clause résolutoire303

. Le bailleur qui y renoncerait en échange

d’une renégociation des clauses du bail renouvelé en sa faveur par exemple, ne pourra

302 CA Paris, 9 nov. 1995, Administrer févr. 1996, no 275, p. 35, note B. Boccara.

303 Civ. 3

e, 5 juin 2002, BICC, 1

er octobre 2002, n° 931, p. 9, Bull. n° 127, AJ 2534, obs. Y. Rouquet.

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donc plus y renoncer si une instance est pendante. Toutefois, en cas de litige, les juges du

fond veillent : en 1962, les juges ont considéré que la réclamation de nouveaux loyers avec

menace de faire jouer la clause ne valait pas renonciation304

. C’est le caractère plus ou

moins équivoque et certain de son intention qui est le critère. Les cas où la renonciation a

été admise sont plus nombreux : délivrance d’un congé avec offre de renouvellement305

et

du prix déplafonné tenant compte de travaux reprochés au locataire306

, encaissement des

loyers sans réserve et fixation du loyer de renouvellement307

ou, assignation en exécution

de l’obligation violée par le preneur308

.

Ainsi, avant d’engager une procédure judiciaire, le bailleur face à l’arrivée

imminente du renouvellement, peut asseoir sa position et informer le preneur des dangers

que présenteraient la perte totale et définitive du local et son expulsion, par rapport à une

augmentation des loyers pendant au moins trois années suivantes jusqu’à neuf années.

Ainsi, le preneur sera plus enclin à accepter un loyer du bail renouvelé fixé amiablement,

hors toute notion de plafonnement et hors toute contestation judiciaire plutôt que de perdre

son local définitivement pour manquement à une clause résolutoire. C’est ainsi que le

bailleur s’assure de voir le loyer renouvelé à ses conditions. De plus, il peut brandir la

clause résolutoire après un refus de renouvellement (2).

2. L’utilisation judicieuse de la clause résolutoire après un refus de

renouvellement

La deuxième opportunité de négocier une clause résolutoire en faveur du bailleur

est la durée pendant laquelle elle peut être invoquée. En effet, la jurisprudence retient que

le bailleur peut mettre en œuvre la clause résolutoire pendant la période contractuelle mais

aussi postérieurement au bail qui a pris fin suite à un refus de renouvellement. En effet,

pour la période comprise entre le refus de renouvellement et l’expulsion effective du

locataire, le preneur a le droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré, soit

304 Com. 9 octobre 1962, Bull. Civ. III n° 320.

305 CA Douai, 5 juin 1975, Rev. Loyers 1976 p. 19.

306 CA Versailles, 2

e ch., 19 février 1996.

307 Ch. Com. 26 nov. 1986.

308 Civ. 14 décembre 1971, Bull. 3-444.

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105

sous l’empire des stipulations relatives à la clause résolutoire309

négociées neuf ans

auparavant. C’est encore un moyen pour le bailleur qui, selon ses intérêts, voudra expulser

plus tôt le locataire et obtenir des dommages et intérêts qui compenseraient une éventuelle

indemnité d’éviction importante.

Les mêmes effets dissuasifs peuvent se produire par le recours à une expertise

privée (B).

B. Recourir à une expertise privée

Le bailleur peut également avoir recours à une expertise privée. Il peut y procéder

en sus de la dissuasion par la clause résolutoire ou de façon autonome. Par exemple, il

pourra, avant le renouvellement, faire appel à un expert spécialisé dans la fixation des

loyers de renouvellement pour lui demander de démontrer la réalité de l’augmentation des

loyers du secteur. Présenté au preneur, son rapport lui permettra d’influer sur sa décision et

d’imposer subrepticement une négociation amiable qui le fera échapper au risque d’un

déplafonnement absolu et judiciaire. Le bailleur, préfèrera proposer un loyer renouvelé

compris entre le maximum d’un éventuel loyer déplafonné et le maximum d’un loyer

plafonné, en se protégeant du risque de l’aléa judiciaire.

Toutefois, cette expertise n’a pas la force de celle demandée par un juge en référé.

D’ailleurs, la jurisprudence a refusé de recevoir les demandes d’expertises in futurum. La

pratique révélait que les bailleurs « jou [aient] sur deux tableaux » et demandaient, en

cours de l’instance en fixation du loyer du bail renouvelé, la désignation judiciaire d’un

expert en référé310

pour qu’il fixe le montant éventuel de l’indemnité d’éviction et qu’il

envisage selon ses intérêts d’exercer son droit d’option. La jurisprudence a rejeté en

2008311

la demande du bailleur ayant délivré congé avec offre de renouvellement avant

d’exercer son droit de repentir au motif qu’il n’existait pas de litige potentiel, condition

posée par l’article précité. Toutefois, la Cour de cassation a précisé sa portée en rappelant

309 Civ. 3

e 21 nov. 1969, n° 67-14.593, D.1970, somm. p. 135 ; Civ 3

e, 9 avr. 1970, n° 68-14.192,

Rev. Loyers 1970, p. 359 Civ. 3e, 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Bull. Civ. III n° 191, Gaz. Pal. 1981, 1, jur., p.

410, note Ph.-H. Brault ; Civ. 3e, 1

er mars 1995, n° 93-10.172, Bull. civ III n° 66, Administrer 1995, n° 269,

p. 27, note J.-D. Barbier. 310

Art. 145 du Code de Procédure Civile 311

Civ. 3e 16 avril 2008, n° 07-15.486, Bull. civ. III, n° 72; AJDI 2008.843, obs. Blatter; D. 2008.

AJ 1205, obs. Rouquet ; Loyers et copr. 2008, n° 133, obs. Brault.

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que le motif légitime qui doit exister relève de l’appréciation souveraine des juges du fond

et qu’en l’espèce la demande de désignation d’un expert pour qu’il fixe la valeur

marchande du fonds de commerce était recevable puisqu’il avait un motif légitime : il avait

déjà exercé son droit d’option le jour de la saisine du juge des référés312

.

En définitive, le bailleur peut réaliser une expertise privée in limine litis afin de

dissuader le preneur de contester sa proposition de loyer renouvelé. Une autre technique,

passive cette fois, lui permet de s’assurer le déplafonnement du loyer renouvelé mais celle-

ci est très relative (Paragraphe 2).

Paragraphe 2. La stratégie passive du preneur : une opportunité et une incertitude

Une autre ruse des bailleurs, souvent méconnue des preneurs profanes est

d’attendre que le bail ait atteint le délai de douze années. Ce délai dépassé, ses effets sont

ambivalents : il peut s’agir d’une opportunité puisque le bailleur s’assure le

déplafonnement du loyer de renouvellement (A) mais il s’agit surtout d’une ruse incertaine

et relative (B).

A. L’opportunité d’attendre l’arrivée du délai de douze années

Par le biais du mécanisme de la tacite reconduction (1), le déplafonnement du loyer

est automatique passé le délai de douze ans du bail commercial (2).

1. Le mécanisme de la tacite reconduction

Le bail commercial est conclu pour une durée minimale de neuf ans. Mais à l’issue

des neuf ans, en l’absence de manifestation de la volonté des parties, il peut se proroger

jusqu’à la douzième année voire au-delà. Contrairement à la stipulation expresse d’un bail

de plus de neuf ans, la stratégie du bailleur dans le cas d’un bail de plus de douze est, à

l’inverse, la passivité. En effet, l’article L. 145-34 du Code de commerce renferme une

disposition qui peut sembler subtile et surprenante : « Les dispositions de l’alinéa ci-

312. Civ. 3

e, 8 avril 2010, n° 09-0.226, AJDI 2010 p. 720, note Rouquet.

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dessous ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite reconduction, la durée du

bail excède douze ans. ». Elle a été conçue pour attirer l’attention des preneurs et de

dissuader la conclusion de baux trop long. Pourtant, des preneurs négligents ou profanes

tombent dans l’un de ces pièges des baux commerciaux. C’est ainsi qu’en l’absence de

résiliation pendant le cours du bail, de congé notifié dans les formes et délais requis ou de

demande de renouvellement, le bail se poursuit par tacite reconduction.

Ce mécanisme se rencontre à l’article L. 145-9 du Code de commerce qui dispose :

« Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux […] ne cessent que par

l’effet d’un congé […]. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait

par écrit se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat […] »

Cette disposition a de beaux jours devant elle étant donné que la Cour de cassation a

considéré qu’elle ne violait pas le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la

loi et les charges publiques invoqué par un preneur313

. La Haute Cour a considéré que la

question n’était pas sérieuse puisque tous les locataires peuvent demander tout au long de

la tacite prolongation le renouvellement et échapper au déplafonnement automatique.

2. Les effets de la tacite reconduction sur le renouvellement

Trois enseignements peuvent être tirés de la combinaison des articles L. 145-34 et

L. 145-9 du Code de commerce.

D’une part, le contrat de bail initial ne prend pas fin à l’arrivée de son terme. En

effet, le contrat initial se prolonge au-delà de son terme à défaut de congé ou de demande

de renouvellement du bailleur. Il faut impérativement un acte émanant de l’une ou l’autre

partie pour que le contrat prenne fin. Le bailleur a tout intérêt à ne pas agir et à attendre

patiemment l’arrivée de la douzième année.

Le corollaire de cet enseignement est qu’un nouveau contrat de bail n’est pas formé

à l’arrivée du terme du bail initial en l’absence de ces actes314

. À ce titre, une partie de la

313 En effet, depuis le 1er mars 2010, tout justiciable peut, au cours d’une instance judiciaire,

invoquer l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, au moyen d’une question prioritaire de

constitutionnalité. La question, si elle est sérieuse, est transmise à la Cour de cassation par le juge du fond. 314

Cass. 3e civ. 19 février 1975, Bull. cass. III, n° 70 19 févr. 1975 : Ann. Loyers 1975, p. 904 ;

Cass. 3e civ. 18 mars 1998, AJDI 1998, p. 358, note J.-P. Blatter ; Cass. 3

e civ. 30 juin 1999, D. 1999, inf.

rap. p. 211.

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doctrine et de la jurisprudence315

regrettent le terme de « reconduction » employée par le

législateur étant donné que la reconduction suppose la formation d’un nouveau contrat. Or,

ce n’est pas le cas dans les contrats de baux de plus de neuf ans dont le déroulement se

poursuit par l’effet d’une « tacite prolongation »316

.

Enfin, le contrat de bail initial se prolonge indéfiniment et devient un contrat à

durée indéterminée. Les parties pourront le rompre à tout moment en respectant un délai de

préavis raisonnable évalué à six mois environ317

. De plus, le bailleur n’a aucune obligation

d’informer le preneur de l’arrivée fatale de la douzième année.

La stratégie du bailleur consistera en définitive à attendre l’arrivée des douze ans et

à délivrer un congé avec offre de renouvellement avec effet pour la douzième année.

Toutefois, le succès de cette stratégie est très relatif (B).

B. La relativité de la stratégie passive

La vigilance est de mise pendant la période de tacite reconduction, soit entre la

neuvième et la douzième année.

D’une part, si le bailleur délivre un congé avec offre de renouvellement ayant effet

après la douzième année et que le preneur délivre une demande de renouvellement avant

l’échéance de la douzième année ayant effet pour la douzième année, c’est la demande de

renouvellement du preneur qui prévaut318

. En effet, un arrêt rendu le 1er

octobre 1997

retient que le congé du bailleur n’interdit pas au preneur de réagir à temps et délivrer une

demande de renouvellement avant l’arrivée fatidique de la douzième année. La sanction

pour le bailleur est de voir le loyer du bail renouvelé fixé selon les règles du

plafonnement319

. Par exemple, si le bail initial atteint la douzième année le 1

er novembre

2011, le bailleur doit attendre l’arrivée de cette date pour délivrer congé qui prendra effet

le 30 juillet 2012. Si le bailleur délivre le congé avant le 1er

novembre, le preneur peut

315 Pour la jurisprudence voir : Civ. 3

e, 10 juin 1998, Bull. cass. III, n° 119 ; Civ. 3

e, 23 juin 1998,

Loyers et copr. 1998, comm. 233, Civ. 3e, 18 mai 2010, n° 09-15.352 ; 18 janv. 2011, n° 09-71.933.

316 AJDI 1999 p. 1218.

317 Civ. 3

e, 8 avriL. 1992, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jur. p. 4 ; Cass. 3

e civ. 14 octobre 1992, Rev.

Administrer mai 1993, p. 41 ; Cass. 3e civ. 5 mars 1997.

318 Civ. 3

e, 3 nov. 1988, Loyers et copr. 1989, comm. 24 ; Cass. 3

e, 21 déc. 1988, Loyers et copr.

1989, comm. 131 ; Civ. 3e, 27 nov. 1990, Loyers et copr . 1992, comm. 75 ; Civ. 3

e, 18 déc. 1991, JCP éd. G

1992, IV, n° 610 ; Civ. 3e, 21 déc. 1993, AJPI 1994, p. 121, obs. J.-P. Blatter.

319 Civ. 3

e, 1

er octobre 1997, n° 95-21.806, AJDI 1998 p. 109.

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demander le renouvellement jusqu’au 30 octobre 2011 pour le 1er

novembre. Il ne s’agira

pas d’un bail de plus de douze ans et le bailleur perdra le bénéfice du déplafonnement sauf

s’il apporte la preuve d’une modification notable.

D’autre part, la patience du bailleur n’est pas une garantie de déplafonnement. En

effet, il peut être confronté à un preneur professionnel qui dispose d’un service juridique

aguerri sur ces questions. De plus, à l’heure où l’information des preneurs, même des plus

petits, s’est accrue, les chances de succès des bailleurs stratèges s’amoindrissent.

D’ailleurs, la ville de Lille s’inscrit dans cette tendance. En effet, face à l’augmentation des

loyers du centre-ville et du Vieux Lille, elle a créé un Guide des baux commerciaux à

destination des preneurs afin de les informer de leurs droits et des pièges des baux

commerciaux. De plus, une plate-forme juridique va être mise en place les mois prochains

afin de les accompagner tout au long de leur bail commercial. Quoi qu’il en soit, ces

initiatives politiques démontrent implicitement qu’il existe véritablement un déséquilibre

entre les parties ce qui amène à penser que le renouvellement doit être repensé (SECTION

I).

SECTION II. PROPOSITIONS DE REFONTE DU DROIT AU

RENOUVELLEMENT

Le statut des baux commerciaux français est qualifié de système sui generis. Ainsi,

à l’heure où on assiste plutôt à une convergence des droits nationaux, il est d’abord

intéressant de sonder le droit comparé du renouvellement des baux commerciaux

(PARAGRAPHE I) puis d’exposer les propositions des auteurs et praticiens français pour

rénover le statut (PARAGRAPHE II).

Paragraphe 1. Droit au renouvellement et droit communautaire

Le juge communautaire est déjà intervenu pour exprimer sa position sur les baux

commerciaux (A). Comparé au droit communautaire et international, le système français se

distingue (B).

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A. Les baux commerciaux et le juge communautaire

Le droit communautaire influe de plus en plus sur les droits nationaux. Sans porter

atteinte à la souveraineté des États, l’objectif reste celui d’harmoniser les droits. C’est ainsi

que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (Conv. EDH ci-

après) et la Cour du même nom prennent position sur l’organisation des rapports locatifs.

À cet égard, la décision rendue le 22 février 2005 a attiré l’attention des praticiens. En

effet, la CEDH a retenu que le principe de proportionnalité inscrit dans la Conv. EDH ne

peut conduire « à priver les propriétaires d’un bénéfice après paiement des charges et

frais liés à la location de leur immeuble, malgré une politique de logement nécessitant de

une limitation de l’augmentation des loyers 320

»321

. Il semblerait donc que le juge

communautaire n’altèrerait pas le droit de propriété absolu du bailleur. D’un autre côté, le

juge communautaire protège les preneurs en refusant par exemple que les bailleurs les

obligent d’adhérer à une association de commerçants322

. La Conv. EDH ne semble pas

remettre en question la pensée française du renouvellement. Les autres droits nationaux

laissent quand à eux une plus grande place à la liberté contractuelle (B).

B. La pensée du renouvellement en Europe

Les auteurs distinguent classiquement deux catégories de pays européens : les

premiers adoptent un régime ultra libéral ou n’ont pas encadré les baux commerciaux, les

seconds se sont relativement inspiré du droit français323

.

La première catégorie de pays se compose globalement de l’Allemagne, l’Italie,

l’Espagne, la Suisse, la Hongrie, la République tchèque. À cette catégorie s’ajoute les pays

membres de l’Organisation pour l’Harmonisation de Droit des Affaires en Afrique (ci-

après OHADA) a été créée par le Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en

Afrique signé le 17 octobre 1993. Elle regroupe aujourd'hui 16 pays d’expression

française. Le régime des baux commerciaux repose largement sur la liberté contractuelle.

320 Statut des baux commerciaux et concurrence, Abdoulaye Mbotaingar, Litec, déc. 2007

321 CEDH, 22 févr. 2005, (Ré. n°35014/97, Hutten-Czapoza c/Pologne) : Rev. Europe 2005, p. 31

322 Civ. 3

e 12 juin 2003 Bull. Civ. III n°126, p. 113

323 M.-P. Bagneris, Le loyer du bail commercial, droit français comparé et perspectives dans l’Union

Européenne, Rev. internationale de droit comparé, n°49, 1997, p. 720-721

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111

Par exemple, en Suisse le code des obligations organise une application générale à tous

types de baux.

La seconde catégorie de pays se compose globalement de la Suède, le Danemark, la

Grande-Bretagne, l’Irlande, la Grèce, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas. Le droit des baux

commerciaux y est relativement encadré : loi de 1951 en Belgique, loi de 1994 en Espagne,

arrêté de 1992 au Danemark ou Landlord Tenant Act en 1954 en Grande-Bretagne. À

propos du renouvellement, on ne peut pas parler d’un droit aussi protecteur qu’en France.

En Belgique, le renouvellement est limité à trois fois et le bailleur ne peut le refuser que

dans le cas prévus par une liste limitative324

. De plus, le bailleur peut refuser le

renouvellement s’il démontre qu’un tiers lui propose un meilleur prix et que son preneur ne

s’aligne pas sur celui-ci ce qui est interdit en France par l’article L. 145-15 du Code de

commerce. En Grande-Bretagne, si le renouvellement est automatique, ce n’est pas sur le

fondement de la protection du preneur mais sur la liberté contractuelle puisque c’est

seulement en cas de dénonciation par l’une des parties que le bail ne sera pas renouvelé.

D’ailleurs, le Lord Tenant Act permet de se délier très facilement du contrat de bail dont la

durée est fixée librement. Dans le même esprit, l’Espagne organise un droit au

renouvellement uniquement si le preneur se maintient dans les lieux sans réaction contraire

du bailleur, le bail initial se poursuivant dans le cas contraire par tacite reconduction. Par

ailleurs, la durée du bail est libre. Enfin, dans les pays OHADA, le droit au renouvellement

est subordonné à l’exploitation du fonds pendant deux ans325

. Sauf clause contraire, le bail

renouvelé durera trois ans et les cas de reprise sont proches de ceux du droit français (faute

du preneur, reconstruction/rénovation, habitation ou exploitation par le bailleur).

Face à ces éléments de droit comparé, les auteurs disent du statut français qu’il

affirme sa particularité. Toutefois, il a été démontré en première partie que la liberté

contractuelle a une grande place pour qui sait découvrir les failles du statut. Il n’en reste

pas moins que la volonté est de réformer le statut pour affirmer non plus la protection du

preneur mais la liberté contractuelle (Paragraphe 2).

324 B. Louveaux, Le droit du bail commercial, Coll. Droit actuel, De Boeck Université 2002, spéc.

n°118 et s. 325

Art. 91 et s. Livre III, Titre I de l’Acte Uniforme du 17 avriL. 1997

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112

Paragraphe 2. Propositions de refonte du statut des baux commerciaux

Les auteurs et praticiens qui souhaitent rénover le statut arguent principalement de

l’obsolescence du système qui n’a pas été rénové en profondeur par la LME de 2008 (A).

Ainsi, ils émettent des propositions pour enrayer l’augmentation des loyers et faire

correspondre le contrat de bail aux besoins contemporains des commerçants (B). Si les

propositions ne touchent pas directement le droit au renouvellement, elles auront des

conséquences sur celui-ci indirectement.

A. Des barrières statutaires anachroniques326

Le titre est emprunté au Professeur Mbotaingar qui a étudié les relations entre le

droit des baux commerciaux et le droit de la concurrence. Il en déduit que le statut des

baux commerciaux est dépassé au regard de l’évolution du marché et de la société : « les

barrières statutaires empêchent les entreprises de se mouvoir facilement sur le marché.

[…] Le cloisonnement statutaire enlise les entreprises locataires en ne facilitant pas leur

adaptation ».

Dans la même veine, la Confédération Générale des Petites et Moyennes

Entreprises (CGPME ci-après) part de ce postulat pour émettre plusieurs propositions de

réformes : « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, avec

l’apparition du e-commerce et l’ouverture internationale du secteur ont obligé les

différents distributeurs existants à faire évoluer leur manière de commercer. Depuis

quelques temps, la tendance n’est plus à l’homogénéisation mais plutôt de répondre à une

demande individuelle et surtout de proximité. »327

Dans ce contexte propice au changement

du statut, plusieurs propositions sont formulées (B).

B. Les solutions alternatives

La principale proposition est de limiter le nombre de renouvellements (1) à laquelle

s’ajoutent des propositions connexes (2) ayant une influence sur le renouvellement.

326 Expression du Professeur Mbotaingar, supra note 320

327 Les Baux commerciaux, Propositions de l’Union du Commerce et des services, 2011

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1. La proposition de limiter le nombre de renouvellements

Il faut d’abord envisager le contenu et le domaine de la proposition (a) avant de

dégager ses limites (b).

a. Contenu et domaine de la proposition

On a constaté précédemment qu’en droit comparé, notamment en Belgique328

des

législations limitaient le nombre de renouvellements. Cette solution est justifiée par l’idée

que les preneurs ne devraient plus bénéficier d’un loyer réduit après avoir exploité un

fonds pendant dix-huit années pour des baux de neuf ans. Selon le Professeur Kandérian, il

s’agirait donc de « plafonner le plafonnement »329

. Toutefois, le Professeur Robine propose

raisonnablement d’exclure cette disposition des baux dits « tous commerces » qui

permettent par essence aux preneurs d’adapter leur activité à tout moment330

. Cependant,

cette proposition présente des limites (2).

b. Limites de la proposition

Le Professeur Mbotaingar émet des réserves. Selon lui, cette méthode ne permet

pas de résorber les déséquilibres des loyers. De plus, elle créerait une « injustice » entre les

anciens baux et les nouveaux baux. Dans cette optique, le droit transitoire ne permettrait

certainement pas de suppléer cette carence de la proposition étant donné la disparité des

durées des baux commerciaux (baux n’ayant pas encore fait l’objet d’un renouvellement,

baux ayant connu un ou deux renouvellement, baux en cours d’exécution).

Pour y remédier, le Professeur Boccara331

préconisait de supprimer toute référence

au plafonnement à l’égard de tous les baux. Mais la classe politique ne sont pas prêts à

328 Article 13 de la loi du 27 mars 1990, en ce sens B. Louveaux, Le droit du bail commercial, Droit

actuel, 2002, p. 365, spéc. n°369 329

F. Kandérian, L’évolution contemporaine du statut des baux immobiliers d’exploitation, Litec

2003, n°321, spéc. n° 408. 330

.F. Robine, La valeur locative et les loyers commerciaux, in L’impact économique de la propriété

immobilière, AJPI 1996, p. 29 et s. – Adde : J. Monéger qui parle de « déspécialisation par anticipation »,

Code des baux, 18ème

éd. Dalloz 2007 331

B. Boccara, Un statut des baux commerciaux pour quelles raisons ?, AJDI 2000, p.494

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mettre en œuvre une telle réforme refusée en bloc par les locataires332

. La prochaine

élection présidentielle qui aura lieu en mai 2012 confirme l’idée selon laquelle la réforme

n’aura pas lieu en cette période électorale tant le sujet est sensible. C’est ainsi que des

solutions alternatives sont proposées (2).

2. Les autres propositions

La doctrine (a) et les praticiens (b) ont développé plusieurs séries de propositions.

a. Les propositions doctrinales

Le problème majeur du renouvellement étant la distorsion des loyers et

subséquemment de la concurrence, des auteurs préconisent un contrôle plus lourd de la

Cour de cassation. On a révélé précédemment que l’intervention des juges du fond avait

créé un domaine largement casuistique. C’est ainsi que les auteurs subordonnent cette

intervention à la consécration de définitions communes par la Cour de cassation. Or, à ce

jour, la Haute Cour tend à préserver l’appréciation souveraine des juges du fond. Le

Premier Président de la Cour de cassation Bellet ouvre toutefois cette perspective lorsqu’il

précise : « Le fait devient le droit si nous le contrôlons ».

Une solution corollaire serait de redéfinir la valeur locative pour qu’elle prenne en

compte la rentabilité de l’activité lors du renouvellement et non pas uniquement à la

conclusion du bail. La Cour de cassation aurait le rôle de définir cette valeur locative

objective. Institutionnaliser la clause-recettes serait une technique efficace. Elle

permettrait, en plus de fixer le loyer initial, de préciser les conditions et les modalités dans

lesquelles sera déterminé le loyer lors du renouvellement : « Qu’il s’agisse d’un bail

assorti de loyer variable ou d’un bail ordinaire, le problème est le même. Écarter le

plafonnement est bien, mais insuffisant. Il faut y ajouter une référence à la valeur locative

réelle déterminée selon des techniques qui auront fait leurs preuves 333

».

Enfin, une dernière alternative avait été avancée par le Rapport Pelletier. Il

proposait de réévaluer la valeur locative des loyers manifestement « décrochés », c'est-à-

332 J. Derruppé, Faut-il supprimer le statut des baux commerciaux ? Synthèse, AJDI 2000, P. 511 ;

Rapp. Pelletier, Documentation Française 2004, spéc. n°74 333

J. Derruppé, op. citato

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dire manifestement surévalués ou sous-évalués, au nom de l’équité. Actuellement, les juges

fixent la valeur locative selon la méthode de calcul « qui leur apparaît le meilleur 334

».

Ainsi, sur les méthodes de comparaison des références, il serait plus équitable de faire la

moyenne des différents types de loyers en prenant en compte leur spécificité et de leur

rapport avec le local concerné. Ensuite, ce sont les praticiens impliqués au quotidien par les

problèmes liés au renouvellement qui émettent des propositions de réforme (b).

b. Les propositions des praticiens

L’expert immobilier près la Cour d’appel de Douai et du Tribunal de Grande

Instance de Lille, Jean-Jacques Martel, préconise d’institutionnaliser la valeur de

renouvellement. Celle-ci serait définie par comparaison exclusive des références de

renouvellement et serait affectée d’un coefficient de renouvellement établi sur plusieurs

critères macro ou micro-économiques. En définitive, « L’institutionnalisation du loyer de

renouvellement privilégierait le travail sur le capital, limiterait la spéculation et la

concurrence déloyale, récompenserait la longévité de l’exploitation et respecterait l’intuitu

personae du contrat 335

».

La CGPME a également pris position en 2011 et a émis plusieurs propositions. Elle

réclame également la modification des critères de détermination de la valeur locative. Plus

précisément, elle demande que le calcul des prix pratiqués dans le voisinage soit modifié.

Pour ce faire, elle propose de faire référence à l’article 19 de la loi du 6 juillet 1989 qui

exige que le bailleur apporte au minium trois références ou de six dans les communes de

plus d’un million d’habitants. La Confédération propose que la moitié des baux pris en

compte pour le calcul du loyer de renouvellement aient la même destination que le bail

faisant l’objet du renouvellement.

Une autre proposition, réclamée depuis plusieurs années, est la suppression du

déplafonnement pour les baux de plus de 9 ans en raison de l’insécurité juridique pour les

preneurs. Curiosité du statut présenté comme protecteur des preneurs, cette disposition

semble en effet inutile à l’heure où l’information accrue des preneurs tend à neutraliser son

application.

334 Civ. 3

e 3 juin 2004 Bull. Civ. 2004 n°111 p. 101, Defrénois, 2005-02-15, n°3, article 38097, p.

255-257. 335

AJDI 2010, p. 681.

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116

Ces propositions ont toutes pour dessein de pallier les déséquilibres engendrés par

le statut et faire en sorte que le renouvellement ne soit plus un objet litigieux.

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117

CONCLUSION GÉNÉRALE

L’étude approfondie des stratégies du bailleur dans la perspective du

renouvellement révèle deux tendances correspondant à la chronologie du contrat de bail.

Le statut des baux commerciaux est présenté comme un statut protecteur du

preneur. Or, l’étude de la période précontractuelle révèle que la matière est propice au

déploiement de la stratégie des bailleurs qui, par l’insertion de clauses, peuvent asseoir leur

position en vue du renouvellement.

En revanche, au jour du renouvellement, et en l’absence de clause, un carcan

législatif oriente le comportement du bailleur. La place du juge est quasi omniprésente de

sorte que la résistance des bailleurs qui tentent de contourner la voie judiciaire est relative.

En définitive, une refonte globale est nécessaire afin d’harmoniser le cadre législatif aux

droits nationaux de la zone européenne.

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118

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RAPPORTS ET DOCUMENTS OFFICIELS

- Loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce

- Loi du 30 juin 1926 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui

concerne le renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage

commercial ou industriel.

- Loi du 22 avril 1927 tendant à interpréter et à compléter les dispositions de la loi

du 30 juin 1926 sur le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à

usage commercial ou industriel.

- Loi du 12 juillet 1933 ayant pour objet de permettre aux commerçants, industriels

ou artisans, d'introduire une action en revision du prix de leur loyer en vue d'obtenir

une réduction pour les baux antérieurs au 1er juillet 1932.

- Loi du 13 juillet 1933 modifiant les dispositions de la loi du 30 juin 1926,

modifiée par la loi du 22 avril 1937, réglant les rapports entre locataires et bailleurs

en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à

usage commercial ou industriel.

- Loi du 2 février 1937 tendant à compléter la loi du 30 juin 1926 modifiée par les

lois des 22 avril 1927 et 13 juillet 1933, réglant les rapports entre locataires et

bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de

locaux à usage commercial ou industriel.

- Décret du 25 août 1937 tendant à compléter la loi du 30 juin 1926 modifiée par les

lois des 22 avril 1927, 13 juillet 1933 et 2 février 1937, réglant les rapports entre

locataires et bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer

d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel.

- Décret du 1er juillet 1939 ayant pour objet de permettre aux commerçants,

industriels et artisans d'introduire une action en révision du prix de leur loyer,

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122

lorsque, par le jeu d'une clause d'échelle mobile, ce prix se trouve modifié de plus

d'un quart.

- Loi n° 46-744 du 18 avril 1946 modifiant la loi du 30 juin 1926, modifiée par les

lois des 22 avril 1927, 13 juillet 1933, 2 février 1937 et par le décret du 25 août

1937 réglant les rapports entre locataires et bailleurs en ce qui concerne le

renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou

industriel.

- Loi n° 48-1309 du 25 août 1948 permettant la révision du prix de certains baux à

loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial et industriel.

- Loi du 31 décembre 1948 relative à la prorogation de certains baux de locaux ou

d'immeubles à usage commercial industriel ou artisanal modifiée et complétée par

les lois des 29 décembre 1949, 31 mars 1950, 24 mai 1951, 31 décembre 1952 et 15

juillet 1953.

- Loi n° 51-685 du 24 mai 1951 relative à la prorogation de certains baux de locaux

ou d'immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal.

- Loi n° 53-71 du 5 février 1953 modifiant la loi du 25 août 1948 précitée.

- Décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en

ce qui concerne le renouvellement des baux à loyers d’immeubles ou de locaux à

usage commercial ou industriel, JO du 1er

octobre 1953, p. 8618 et s.

- Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 relative à la modernisation de l’économie.

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- Cass. Req. 4 nov. 1936, Gaz. Pal. 1936.2. p. 741

1942

- Civ. 24 juill. 1942 : S. 1943, 1, p. 130 ; Com. 16 mai 1950 : D. 1950. p. 468.

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1943

- Civ. 28 juill. 1943 : D 1943, p. 19 ; Civ. 20 mars 1943 : Gaz. Pal. 1943, 1, 239

1948

- Civ. 3 févr. 1948 : Gaz. Pal. 1948, 1, p. 171

1949

- Com. 31 janv. 1949, Bull. Civ. III, n° 51

1954

- Civ. 3e 29 juin 1954 : AJPI 1954 p. 248

1960

- Com. 2 mars 1960, Bull. civ. III n° 89

- Com. 6 juill. 1960 D. 1961, somm. 57

1961

- Civ. 9 janv. 1961, Ann. L. 1961-922

- Civ. 29 nov. 1961, Gaz. Pal. 1962. 1. 235

- Com. 27 déc. 1961, D 1962, p. 146

1962

- Com. 5 fév. 1962 : JCP G 1962, IV, 42 ; Bull. Civ. III, n° 77

- Com. 9 octobre 1962, Bull. Civ. III n° 320.

- Com. 14 nov. 1962, D. 1963, 305, Gaz. Pal. 1963, 1, p. 44.

1963

- Comm. 18 déc. 1963, Bull. III n° 467.1965

1965

- Com. 8 févr. 1965, D. 1965. 292

- Com. 11 fév. 1965

1966

- Com. 15 déc. 1966 : Bull. Civ. III, n° 483

- Com. 15 déc. 1966, Ann. L. 1967-1640

1968

- Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III, n° 45

- Civ. 3e 9 mai 1968, D.1969, somm. 110

- Civ. 3e 14 novembre 1968, Bull. Civ. III, n° 462

- Civ. 3e 22 févr. 1968, Bull. Civ. III n° 69; JCP 1968, II, n° 15604

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- Civ. 3e 13 déc. 1968, JCP 1969, IV, 26

1969

- Civ. 3e 6 nov. 1969, D.1970, somm. 1

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1970

- Civ 3e 9 avr. 1970, n° 68-14.192, Rev. Loyers 1970, p. 359

- Civ. 3e 14 décembre 1971, Bull. 3-444

1972

- Civ. 3e 6 juin 1972 : Bull. civ. III, n° 369 ; DS 1973,151.

- Civ. 3e 21 juin 1972, Bull. civ. III n° 415

1973

- Civ. 3e 15 mai 1973

- Civ. 3e 9 juill. 1973, Bull. civ. III, n° 467 ; DS 1974, p. 24

1975

- Civ. 3e 25 juin, 1975, n° 74-13.069, Bull. Civ. III n° 219 ; AJPI 1975,898

- Civ. 3e 19 novembre 1975, n° 74-13.168

- Civ. 3e 19 février 1975, Bull. cass. III, n° 70 19 févr. 1975 : Ann. Loyers 1975, p.

904

1976

- Civ. 3e 25 fév. 1976 : Bull. Civ. III n° 90; JCP G 1976, IV, 134, Ann. L. 1976-1176

- Civ. 3e 6 oct. 1976, AJPI 1977, 468

1977

- Civ. 3e 25 janv. 1977 : Gaz. Pal. 1977 I pan. p. 164

- Civ. 3e 15 mars 1977, Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 165

- Civ. 3e 25 mai 1977 : Bull. Civ. III, n° 220

1978

- Civ. 3e 1

er févr. 1978 : Bull. civ. III, n° 66.

- Civ. 3e 31 mars 1978, n° 75-15.046, Bull. Civ. III, n° 143, Gaz. Pal. 1978, 2, somm.

267

- Civ. 3e 14 nov. 1978, Gaz. Pal., 1979, 1, pan. p. 113

1979

- Civ. 3e 24 oct. 1979, Bull. civ. III, n° 189 ; D. 1980, IR p. 106

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125

- Civ. 3e 20 juin 1979, Bull. civ. III, n° 136, Rev. Loyers 1979 p. 478

- Civ. 3e 20 juin 1979, Rev. Loyers 1980, p. 42

1980

- Civ. 3e 13 fév. 1980 n° 78-12.522 : Bull. Civ. III n° 38

- Civ. 3e 5 mars 1980, n° 78-16.198Rev. Loyers 1980 p. 313.

- Civ. 3e 20 mai 1980, Gaz. Pal. 1982, pan. p. 516

- Civ. 3e 9 déc. 1980, n° 79-14.235, Bull. Civ. III n° 191, Gaz. Pal. 1981, 1, jur., p.

410, note Ph.-H. Brault, Rev. Loyers 1981 p. 79, note Viatte

1981

- Civ. 3e 3 mars 1981 Gaz. Pal. 1981, 2, somm. p. 226

- Civ. 3e 3 mars 1981, Bull. civ. III, n° 43

- Civ. 3e 24 nov. 1981, n° 80-14626, Société Immobilière et Forestière c/ État

Français, inédit

- Civ. 3e 9 nov. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 1, panor. p. 130

- Civ. 3e 6 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, pan. p. 63

1982

- Civ. 3e, 2 févr. 1982, Gaz. Pal. 1982. 2, pan. 195, Rev. Loyers 1982, p. 248

- Civ. 3e 4 mai 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, pan. p. 281

- Civ. 3e,

8 juin 1982, n° 1022 : Bull. Civ. III n° 146

- Civ. 3e, 20 déc. 1982, n° 81-13.495 : Bull. Civ. III n° 257

1983

- Civ. 3e 1

er févr. 1983 : Bull. civ. III, n° 31 ; RD imm. 1984, p. 361.

- Civ. 3e 13 avr. 1983, JCP 1983, IV, p. 189.

- Civ. 3e 14 juin 1983 : Bull. civ. III, n° 136

1984

- Civ. 3e 19 juill. 1984 : Bull. civ. III, n° 145

1985

- Civ. 3e 8 janv. 1985, D. 1985. somm. 236

- Civ. 3e 13 févr. 1985, Rev. Loyers 1985. 337

- Civ. 17 avr. 1985, Bull. Civ. III n°63, n°83-12.399, Bull. Civ. III, n°304, J-Cl loyer

ZF 10-1, n°14

- Civ. 3e 26 nov. 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, 114

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1986

- Civ. 3e 11 juin 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, pan. p. 179

- Civ. 3e 23 juill. 1986 : Bull. Civ. III n° 131 p. 102 ; JCP G 1986 IV, p. 293 ; Gaz.

Pal. 1986, 2, pan. jurisp. p. 227, RD imm., 1987, p. 291

1987

- Civ. 3e 11 févr. 1987, D. 1987, IR p. 39

- Civ. 3e 16 déc. 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, pan., p. 35

1988

- Civ. 3e 24 févr. 1988, Gaz. Pal. 1988. 2. 798

- Civ. 3e 18 mai 1988, D. 1988. IR 154 ; 12 juin 2001, AJDI 2001. 983, obs. J.-P.

Blatter

- Civ. 3e 12 oct. 1988, D.1988, p. 245

- Civ. 3e 3 nov. 1988, n° 87-15.941 et 21 déc. 1988 n° 87-18.501, JCP 1990, II,

21449, Loyers et copr. 1989, comm. 24

- Civ. 3e 30 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. n° 64 et 183

- Civ. 3e 21 déc. 1988, Loyers et copr. 1989, comm. 131 ; Civ. 3

e, 27 nov. 1990,

Loyers et copr. 1992, comm. 75

1989

- Civ. 3e 10 mai 1989 ; Civ. 3

e 17 octobre 1990

- Civ. 3e 31 oct. 1989, Bull. civ. III, n° 203

- Civ. 3e 7 juin 1989, Bull. civ. III, n° 132 ; Gaz. Pal. 1989.2.887, note Barbier ; RDI

1989.512, obs. Derruppé. 30 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 44 ; JCP 1991. éd.

N.II.265. 20 mars 1991, Bull. civ. III, n° 95 ; JCP 1991. éd. N.II.334 ; RDI

1991.273, obs. Derruppé ; D. 1991. Somm. 362, obs. Rozès ; Rev. Administrer juin

1991.26, note Barbier.

- Civ. 3e 12 juill. 1989, n° 88-12.539, Loyers et copr. 1989, n° 484

1990

- Civ. 3e 30 mai 1990, n° 89-12.061, Bull. civ. III, n° 131, Loyers et copr. 1990.

comm. n° 355– 27 nov. 1990 : Gaz. Pal. 1991, I, p. 308

- Civ. 3e 27 nov. 1990 Loyers et Copr. 1992, n° 76

- Civ. 3e 11 juill. 1990, n° 88-19.994, Gaz Pal. 1991, 1, pan. p. 36

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127

1991

- Civ. 3e 16 janv. 1991: Rev. Layers 1991, p. 253

- Civ. 3e 30 janvier 1991, n° 286 P ; Civ. 3

e 17 juillet 1991 n° 90-10.102 : Bull. Civ.

III n° 213

- Civ. 3e 9 octobre 1991, n° 90-11.879, Loyers et copr. 1991 n° 474

- Civ. 3e 18 déc. 1991, n° 90-10.109 Bull. Civ. III n° 323, JCP éd. G 1992, IV, n°

610

1992

- Civ. 3e 19 fév. 1992, n° 90-16.148, Bull. Civ. III n° 61

- Civ. 3e 4 mars 1992 n° 429 ; RJDA 5/92 n° 434

- Civ. 3e 8 avril 1992, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jur. p. 4

- Civ. 3e 3 juin 1992 n° 996 : RJDA 8-9/2 n° 811, Administrer juin 1993 p. 22

- Civ. 3e civ. 14 octobre 1992, Rev. Administrer mai 1993, p. 41

1993

- Civ. 3e 17 févr. 1993, n° 89-12.597, Loyers et copr. 1993, n° 225

- Civ. 3e 10 mars 1993 dit « Théâtre Saint Georges », n° 91-13.418, Bull. Civ. III n°

30 p. 19, AJDI 1993 p. 710, RD Imm. 1993, p. 276, RD imm, 1994 p. 511, RD

1994 p. 47, RTD comm. 1993 p. 638, AJPI 1993.710, obs. B. Boussageon; JCP

1993. éd. E. II.460, note B. Boccara ; JCP 1993.11.22089, note F. Auque ; Loyers

et copr. juin 1993, p. 1, chron. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 1993.2.313, note J.-D.

Barbier, D. 1994.47, obs. L. Rozès ; JCP 1993. II. 22089, note F. Auque ; Loyers et

copr. juin 1993, comm. P. H. Brault ; Gaz. Pal. 3 juillet 1993, comm. J.-D. Barbier

; Rev. dr. imm. 1993, p. 276, comm. J. Derruppé et G. Brière de L'Isle

- Civ. 3e 19 mai 1993 n° 91-16.254 ;;

- Civ. 3e 16 juin 1993, n° 91-19.996, JCP 1993, IV, n° 2090, Loyers et copr. 1993

comm. 438

- Civ. 3e 27 octobre 1993, AJPI 1994.207

- Civ. 3e 21 déc. 1993, AJPI 1994, p. 121, obs. J.-P. Blatter

1994

- Civ. 3e 23 fév. 1994, n° 92-13.588, Bull. Civ. III, n° 32, Loyers et copr. 1994, 293,

Rev. Loyers 1994, p. 444

- Civ. 3e 18 mai 1994 n° 906 : RJDA 8-9/94 n° 915

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128

1995

- Civ. 3e 1

er mars 1995, n° 93-10.172, Bull. civ. III n° 66, Administrer 1995, n° 269,

p. 27, note J.-D. Barbier

- Civ. 3e 22 mars 1995, n° 93-14.282, Administrer, août-sept. 1995

- Civ. 3e 28 mars 1995, n° 93-16.657, Rev. Loyers 1995, p. 414

- Civ. 3e 5 avr. 1995, AJPI 1995.587, note Blatter

- Civ. 3e 21 juin 1995, RJDA 1995 n°51

1996

- Civ. 3e 7 févr. 1996, n° 94-11.909, Bull. civ. III, n

o 40

- Civ 3e 6 mars 1996, n° 93-17.520, Bull. civ. III, n° 61, Rev. Loyers 1997, p. 41

- Civ. 3e 6 mars 1996, n° 94-12.162, AJPI 1996, 582

- Civ. 3e 3 avr. 1996 : RJDA 1996. 896

- Civ. 3e 17 avr. 1996, n

o 94-17.181, AJPI 1996, p. 1014, Rev. Huissiers 1997, p. 496

- Civ. 3e 30 mai 1996 Bull. civ. III p. 81, RJDA 8-9/96 n° 1026

- Civ. 3e 12 juin 1996 n° 1068 P : RJDA 10/96 n° 1164

1997

- Civ. 3e 8 janv. 1997, n° 95-11.482, Bull. civ. III, n° 5, Gaz. Pal. 1997, 1, 211,

Loyers et copr. 1997, n° 175

- Civ. 3e 4 février 1997, n° 201 : Administrer juin 1997 p. 27, Loyers et copr. 1997

comm. n° 144.

- Civ. 3e 5 mars 1997

- Civ. 3e 2 juillet 1997, Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 462, obs. J.-D. Barbier

- Civ. 3e 1

er octobre 1997, n° 95-21.806, AJDI 1998 p. 109.

- Civ. 3e 16 octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs. Y. R.

- Civ. 3e 13 nov. 1997, Bull. Civ. III, n° 203, D.1997.IR.254

- Civ. 3e 26 nov. 1997, n° 96-11.191, Administrer, janv. 1998, p. 42

- Civ. 3e, 16 déc. 1997, n° 96-16.779, RDI 1998, 698 ; Administrer, avr. 1998, p.

39, Loyers et copr. 1998, n° 126

1998

- Civ. 3e 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620. J.-P. Blatter, Loyers et copr. 1998, n°

159, obs. Brault et Mutelet

- Civ. 3e 18 mars 1998, AJDI 1998, p. 358, note J.-P. Blatter

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129

- Civ. 3e 1

er avril 1998, n°96-14.638, Bull. Civ. III, n°77, Gaz. Pal. 28 août 1998,

pan. 228.

- Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. cass. III, n° 119

- Civ. 3e 23 juin 1998, Loyers et copr. 1998, comm. 233

- Civ. 3e 7 octobre 1998, n° 96-22.437, Droit et pratique des baux commerciaux –

rédaction des clauses extérieures au statut, n° 260.180

- Com. 4 nov. 1998, n° 96-22.251, RDI 1999.161

- Civ. 3e 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. Derruppé

- Civ. 3e 2 déc. 1998, n° 97-11.791, Bull. Civ. III, n° 228 ; BPIM 1/99, n° 66, p. 26 ;

Gaz. Pal. 28-30 mars 1999, PB : RJDA 2/99 n° 155, D. 1999 IR 23, JCP 1999 IV,

n° 1114

- Civ. 3e 16 déc. 1998, n° 96-22.232, Bull. civ. III, n° 245

1999

- Civ. 3e 13 janvier 1999 n° 42 : RJDA 3/99 .269

- Civ. 3e 27 janv. 1999, n° 97-13.366, Bull. civ. III, n° 22, AJDI 1999. 699, obs. D.

Cohen-Trumer

- Civ. 3e 24 févr. 1999, n° 97-11.554, Rev. Loyers 1999 p. 411, Administrer 1999, n°

315, p. 32, AJDI 1999, p. 655

- Civ. 3e 24 mars 1999, n° 97-16.708, Sté Brasserie des Arts c/ Cts Colombo inédit,

AJDI 2000, 45, RDI 1999, 469

- Civ. 1ère

7 avril 1999 n° 97-10.067 : Loyers et copr. 1999 comm. n° 2111

- Civ. 3e 5 mai 1999, n° 97-15.484, Bull. Civ. III, n° 104

- Civ. 3e 2 juin 1999: D. affaires 1999, p. 1067, obs. crit. Y. Rouquet ; Rev.

Administrer août-sept. 1999, p. 51, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L.

Sainturat ; Rev. Administrer avril 2000, p. 27, note J.-D. Barbier

- Civ. 3e 30 juin 1999, n° 96-21.449, D. 1999, p. 31

- Civ. 3e 30 juin 1999, n° 97-19.002, Defrénois 1999, 1199

- Civ. 3e 12 juillet 1999 n° 97-21.2000, Administrer, oct. 1999, p. 31

- Civ. 3e, 29 sept. 1999, n° 97-21.171, Loyers et copr. 1999, n° 291

- Civ. 3e 24 nov. 1999 : Juris-Data n° 1999-004065 ; Bull. civ. III, n° 223 ; D. 2000,

AJ, p. 51, note Y. Rouquet ; AJDI 2000, p. 311, obs. Blatter ; Petites affiches 18

sept. 2000, p. 10, note M. Kéita

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130

2000

- Civ. 3e 2 févr. 2000, n° 98-13.018, AJDI 2000, 433 ; Rev. Loyers 2000, p. 256,

Administrer, mai 2000, p. 28

- Civ. 3e 15 mars 2000, n° 98-16.771, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé, Loyers et

copr. 2000, n° 141, obs. Brault Ph.-H., RD imm. 2000, p. 402, obs. Derruppé J.

- Civ. 3e 15 mars 2000, RDI 2000, p. 402, obs. J. Derruppé.

- Civ. 3e 29 mars 2000, n° 98-11.518, AJDI 2000, 554, Loyers et copr. 2000, n° 200

- Civ. 3e 13 déc. 2000: Bull. civ. III, n° 187 ; D. 2001. AJ 551, obs. Rouquet; ibid.

2001.Somm. 3521, obs. Rozès.

- Civ. 3e 19 déc. 2000, n° 99-13.642, Administrer, mars 2001, p. 29

- Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.220, NP, AJDI 2002, 215

- Civ. 3e 29 nov. 2000, n° 99-12.730, JCP E 2001 n° 17, p. 711

2001

- Civ. 3e 7 mars 2001, Bull. civ. III, n° 29 ; D. 2001, AJ p. 1874, obs. Y. Rouquet ;

ibid. 2001, Somm. p. 3527, obs. L. Rozès

- Civ. 3e 21 mars 2001, n° 99-16.640, Bull. Civ. III, n° 35 ; AJDI 2001, p. 698 ; D.

2001, AJ, p. 2039, AJDI 2001, 698 ; JCP E 2001, 1243

- Civ. 3e 3 avril 2001, n° 99-19.768 Gaz. Pal. 2002, somm. p. 162

- Civ. 3e 27 juin 2001, n° 99-21.801, Administrer, nov. 2001, p. 32

- Civ. 3e 26 sept. 2001, n° 00-13.924, Administrer, janv. 2002 p. 26

- Civ. 3e 10 oct. 2001, Defrénois 2002. 176, note S. Duplan-Miellet

- Civ. 3e 6 nov. 2001, n° 00-17.967, Administrer, févr. 2002, p. 25 ; AJDI 2002 p.

216

- Civ. 3e 21 nov. 2001, AJDI 2002 p. 31, obs. M.-P. Dumont

- Civ. 3e 5 déc. 2001, n° 00-14.294

- Civ. 3e 12 déc. 2001, Loyers et copr., 2002, n° 90

- Civ. 3e 19 déc. 2001, n° 00-14.425, Bull. Civ. III n°156 ; BRDA 2/2002, n°10

2002

- Civ. 3e 30 janv. 2002, n° 00-15.202, Bull. Civ. III, n° 21.

- Civ. 3e 27 mars 2002, RJDA 6/02 n° 601

- Civ. 3e 7 avril 2002, Administrer, juill. 2002, p. 15

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131

- Civ. 3e

29 avr. 2002, n° 01-01.497, AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, RTD com.

1999, p. 368, obs. J. Monéger, Loyers et copr. 2002, n° 204 ; AJDI 2002, 522

- Civ. 3e 7 mai 2002 « Unibail » : AJDI 2002. 523, obs. J.-P. Blatter, Gaz. Pal. 2002,

2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Administrer 2002, n° 346, p. 14, obs. Boccara

B. et Lipman-Boccara. Gaz. Pal. 2002, 2, p. 972, note Barbier J.-D., Rev. Admin.

2002, n°346, p. 14, obs. Boccara B. et Lipman-Boccara

- Civ. 3e 5 juin 2002, BICC, 1

er octobre 2002, n° 931, p. 9, Bull. n° 127, AJ 2534,

obs. Y. Rouquet

- Civ. 3e 2 oct. 2002, AJDI 2003 p. 28, RD 2002 p. 3014, RTD Comm. 2003 p. 277.

- Civ. 3e 13 nov. 2002, ibd. 2003 p. 36

- Civ. 3e 27 nov. 2002, n° 01-12.816, Bull. civ. III, n° 235.

2003

- Civ. 3e 19 mars 2003, AJDI 2003 p. 348.

- Civ. 3e 2 avr. 2003, n° 01-17.017, Bull. Civ. III, n° 76

- Civ. 3e 27 mai 2003, n° 02- 11.666, AJDI 2003, p. 668

- Civ. 3e 12 juin 2003 Bull. Civ. III n° 126, p. 113

- Civ. 3e 9 juillet 2003, n° 02-11.621, Bull. Civ. III n° 147

2004

- Civ. 3e 10 mars 2004, Bull. civ. III, n° 52, n° 02-14.998, Loyers et copr. 2004, no

91, obs. Brault Ph.-H., D. 2004, AJ p. 878, obs. Rouquet Y., Defrénois 2004. 1325

- Civ. 3e 24 mars 2004 N° 366 FS-PB : RJDA 6/04 n° 679

- Civ. 3e 5 mai 2004, n° 03-10.477, Bull. civ. n° 90 ; AJDI 2005, 27, D. 2004, n° 21,

1526

- Civ. 3e 19 mai 2004, n

o 02-20.243, AJDI 2005.208, obs. M.-P. Dumont

- Civ. 3e 30 juin 2004, n° 03-10.754, Bull. Civ. III, n° 138 ; D. 2004, AJ 2232 ; AJDI

2005, 131, n° 810 F-PBI : RJDA 10/04 1095.

- Civ. 3e 7 juill. 2004, Bull. Civ. III, n° 145. D. 2004. AJ. 2573

- Civ. 3e 28 sept. 2004, n°03-12.189, NP, AJDI 2005, 213.

- Civ, 3e, 27 oct. 2004, D. 2004.3071

- Civ. 3e 9 nov. 2004, AJDI 2005. 382, note C. Denizot

- Civ. 3e, 24 nov. 2004, n° 003-15.807, Bull. Civ. III, n° 208, Rev. Loyers 2005/853,

n° 42

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132

2005

- Civ. 3e, 18 mai 2005, n° 04-13.798, NP, AJDI 2005, 661

2006

- Civ. 3e, 25 janvier 2006, n° 04-20.173, Rev. Loyers 2006/866, n° 335, p. 186. V. 3

e,

30 mai 2007, n° 06-12.853

- Civ. 3e 21 fév. 2006 n° 05-15.776, Administrer 2006, n° 388, p. 41 obs. D Lipman-

Boccara

- Civ. 3e 4 mai 2006 n

o 05-15.151, Bull. civ. III, n

o 110, p. 93, D. 2006. AJ 1531,

obs. Y. Rouquet, AJDI 2006. 736, note J.-P. Blatter, JCP E 2007. 2780, note M.-

P. Dumont-Lefrand ; RD 2007 p. 1827.

- Civ. 3e 13 déc. 2006, n

o 06-12.323, Bull. civ. III, n

o 248 ; D. 2007. AJ 158, obs. Y.

Rouquet ; Loyers et copr. 2007, 28, obs. Ph.-H. Brault

2007

- Civ. 3e 10 janv. 2007 : Bull. civ. III, n° 1 ; D. 2007. AJ 298, obs. Rouquet ; AJDI

2007. 480, note Zalewski ; Rev. loyers 2007. 135, obs. Rémy

- Civ. 3e 21 février 2007 n° 167 FS-PBR : RJDA 5/07 n° 455

- Civ. 3e 21 mars 2007, Bull. civ. n° 40, AJDI 2007 p. 836

2008

- Civ. 3e 8 janv. 2008, n° 06-14.190 ; 1ère ch. Sect. B, 9 oct. 2007, n° RG : 0604404

- Civ., 3e 23 janvier 2008, n° 06-19.129, Bull. Civ.III, 2008, n° 11, RTD Civ. 2008,

p. 292, Fages, Rép. Com. n° 383, Droit et pratique des baux commerciaux, 2011,

n° 360-08.J-Cl Bail à loyer, Fasc. 1265, Cote : 02,2002

- Civ. 3e 5 mars 2008, Bull. civ. III, n° 38 ; D. 2008. AJ 848, obs. Rouquet; AJDI

2008. 668, note Denizot ; Monéger, Loyers et copr. 2008, Repère n° 4

- Civ. 3e 5 mars 2008, n° 05-20.200, Bull. Civ. III, n° 41, AJDI 2008, p. 579.

- Civ. 3e 16 avril 2008, n° 07-15.486, Bull. civ. III, n° 72; AJDI 2008.843, obs.

Blatter; D. 2008. AJD1205, obs. Rouquet ; Loyers et copr. 2008, n° 133, obs.

Brault

- Civ. 3e 11 juin 2008, n°07-14.551, Bull. Civ. III, n°103

- Civ. 3e 9 juill. 2008, n° 07-14.631, Bull. Civ. III, n° 121, AJDI 2008 p. 841, RD

2009.896

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133

- Civ. 3e 15 octobre 2008, n° 07-17.727, Bull. Civ. III, n° 151 ; D. 2008, 1J 2667 ;

Rev. Loyers 2008, 542 ; Administrer déc. 2008 ; Loyers et copr., 2008, n° 281 ;

RJDA 2008 n° 1232

- Civ. 3e 25 nov. 2008, Ann. Loyers 2009, 44

2009

- Civ. 3e 20 janvier 2009, n° 07-20.854, RTD comm. 2009 p. 694

- Civ. 3e 4 fév. 2009 n° 07-20.980 FS-PBI : RJDA 10/09 n° 815

2010

- Civ. 3e 8 avril 2010, n° 09-0.226, AJDI 2010 p. 720, note Rouquet

- Civ. 3e 18 mai 2010, n° 09-15.352 ; 18 janv. 2011, n° 09-71.933

- Civ. 3e 15 sept. 2010, n° 09-15.192 FS-PB : RJDA 1/11 n° 20, D. 2010. Actu.

2225, obs. Y. Rouquet

- Civ. 3e 9 décembre 2010, D.2011, Actu. 9 obs. Rouquet

Cour d’appel

1934

- CA Amiens, 2 nov. 1934, Gaz. Pal. 1934, 1, p. 70

1951

- CA Besançon, 15 févr. 1951 : Gaz. Pal. 1951, 1, p. 303 ; D. 1951, p. 244

1960

- CA Rennes, 1er

avr. et 12 juill. 1960, Ann. Loyers, 1961, p. 304

1962

- CA Paris, 3 oct. 1961, JCP 1962. II. 12759, note Boccara

1963

- CA Paris, 30 oct. 1962, D. 1963, Somm. 37

1967

- CA Lyon, 25 avril 1967, Ann. L. 1968-1567

1968

- CA Paris, 16e ch., 25 janvier 1968, Rev. Loyers, 1968, p. 19

1975

- CA Douai, 5 juin 1975, Rev. Loyers 1976 p. 19

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134

- CA Paris, 9 juillet 1975, Ann. L. 1976-1110

1978

- CA Paris, 24 fév. 1978, Gaz. Pal. 1978, 1, 321

1980

- CA Paris, 18 oct. 1979, Gaz. Pal. 1980, somm. p. 77

1981

- CA Paris 5 févr. 1981, D. 1981, IR 377

1982

- CA Versailles, 6 octobre 1982, Rev. Loyers 1983, p. 321

1983

- CA Versailles, 28 avr. 1983, Rev. Loyers 1983, p. 434

- CA Versailles, 21 oct. 1983, Gaz. Pal. Tables 1984, « Baux commerciaux », n° 63

1987

- CA Paris 29 janvier 1987 D. 1987, IR 33

1992

- CA Poitiers, 15 mars 1992, Ann. L. 1992-1077

- CA Paris, 6 nov. 1992, D. 1993, IR 41

1993

- CA Versailles, 12e chambre, 10 juin 1993 : Juris-Data n° 1993-043810

- CA Paris, 14 oct. 1993, Administrer, mars 1994, p. 56 ; 27 mars 1997, Loyers et

copr. 1997, n° 264.

- CA Paris 26 oct. 1993, Administrer, mai 1994 p. 51.

- CA Paris, 2 nov. 1993, Gaz. Pal. 1994, A, somm., p. 177

1994

- CA Paris 13 septembre 1994, Loyers et copr. 1994, n° 479, note Ph.-H. Brault ; J.-

P. Blatter, AJDI 1998, p. 173

- CA Paris, 7 juin 1994, Loyers et copr. 1994, n° 295

- CA Paris, 21 juin 1994 : Gaz. Pal. 1995, A, somm. p. 48

- CA Paris, 9 sept. 1994, D. 1994, IR p. 227

- CA Paris, 7 oct. 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 347

- CA Paris, 16e ch. B. 27 octobre 1994, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. 395

1995

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135

- CA Versailles 2 février 1995 12ème

ch. 1e section : RJDA 5/95 n° 552

- CA Paris, 22 févr. 1995, Gaz. Pal. 1995, 2. Somm. 392

- CA Paris, 11 avril, 1995, Loyers et copr. 1995, p. 279.

- CA Paris 16e ch. B, 29 juin 1995, Loyers et copr. 1996, comm. n° 78

- CA Paris, 12 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, 2, somm. 576

- CA Paris, 9 nov. 1995, Administrer févr. 1996, no 275, p. 35, note B. Boccara

1996

- CA Versailles, 2e ch., 19 février 1996

- CA Paris, 12 sept. 1996 Gaz. Pal. 30 mars 1997, p. 26

- CA Paris, 1er

oct. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 475, obs. P. et H. Brault ; Adm.

Avril 1997-37, obs. Boccara

1997

- CA Versailles 12e ch. 1, 9 janvier 1997, JCP G 1997.II.22797 ; Ph.-H. Brault,

Loyers et copr. février 1997

- CA Paris 16e ch. Sect. A 14 janvier 1997, n° RG : 95/11149

- CA Paris 5 févr. 1997, Loyers et copr. 1998, n° 13

- CA Paris 27 juin 1997, Loyers et copr. 1998, comm. 273

- CA Versailles 12e ch. 2

e sect. 16 octobre 1997, Dalloz Affaires, 1998, p. 100, obs.

Y. R.

1998

- CA Paris, 1ère

ch. B. 6 févr. 1998, Loyers et copr. 1998, n° 68

- CA Paris, 31 mars 1998, Loyers et copr. 1999 n° 68

- CA Paris 29 mai 1998, 16ème

ch. B : D. aff. 1998 p. 1306

- CA Versailles 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. Derruppé

- CA Paris, 4 déc. 1998, Loyers et copr. 1999, n° 95

1999

- CA Paris, 16e ch. B. 12 fév. 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D.

Barbier

- CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999 n° 1997/18171

2000

- CA Paris, 17 mars 2000, Loyers et copr. 2000, no 141, obs. Ph.-H. Brault.

- CA Paris 16e ch. B. 28 avr. 2000, AJDI 2000, 736

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136

- CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 2000, AJDI 2000, p. 1060

- CA Reims, 30 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-142786 ; JCP E 2001, p. 1406

2001

- CA Paris 16e ch., 2 févr. 2001, AJDI 2001, 339

- CA Paris 9 fév. 2001, AJDI 2001.341

- CA Versailles, 2 oct. 2001, RJDA 2002, n° 230, p. 196.

- CA Paris, 16e ch. A, 12 déc. 2001, Administrer, mars 2002, p. 23

2002

- CA Paris, 16e ch. Sect. A, 16 janv. 2002, n° RG : 1999/15335

- CA Paris, 11 oct. 2002, n° 2001/15798, AJDI 2003 p. 35

- CA Paris, 16e ch., sect. B, 16 déc. 2002 : Administrer mai 2003, p. 27, obs. Boccara

2004

- CA Paris, 23 janvier 2004, n° 2003/05683

- CA Paris 13 fév. 2004, n° 2003/19749, AJDI 2004, p. 379, Loyers et copr. 2004, n°

129

- CA Poitiers, 17 févr. 2004, JCP E 2005, 649

- CA Paris, 29 sept. 2004, AJDI 2005, 33

- CA Paris 16e ch. A 8 déc. 2004, Gaz. Pal. 15-16 avr. 2005

2005

- CA Paris, 16e ch. A, 12 janv. 2005, Loyers et copr. 2005, 95.

- CA Amiens, 8 févr. 2005, JCP 2005. II. 10060, obs. F. Auque.

- CA Paris 16e ch. A. 21 février 2005, n° 2004/05531, AJDI 2005, 575.

- CA Paris 16e ch. A, 2 mars 2005, Rev. Loyers 2005, p. 261

- CA Paris 5 sept. 2005, Loyers et copr. 2006.

2006

- CA Montpellier, 1ere ch. Sect. B, 14 février 2006.

- CA Paris, 2 mars 2006 RG : 05/08364

- CA Paris 16e ch. Sect. A, 26 avr. 2006, n° 05/01903

- CA Paris, 14e ch, sect. A, 4 octobre 2006, n° RG : 06/01923, AJDI 2006, p. 906.

- CA Aix en Provence, 4e ch. Sect. C, 14 déc. 2006, N° RG : 03/15111

2007

- CA Paris, 21 fév. 2007, Juris-Data n°2007-329400

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137

- CA Paris 16e ch. section B 24 mai 2007, n° RG 06/15036, Administrer 2007 n° 403

p. 77

- CA Montpellier 1re

ch. Sect. B., 5 juin 2007, n° RG : 06/03501

- Ca Paris 16e ch. Sect. B, 22 nov. 2007, n° RG : 06/17666

- CA Paris, 4 juill. 2007, RG no 2006/1427

- CA Bordeaux, 2e ch. 17 oct. 2007, n° 06/03928

2008

- CA Nîmes, 2e ch. A, 24 janv. 2008, Juris-Data n° 2008-357134

- CA Paris 16e ch. sect. A, 7 mai 2008, n° RG : 06/01427, AJDI 2008 n° 291. RTD

- CA Paris 2 juillet 2008 n° 06-6576, 16e ch. A : Loyers et copr. 2008 comm. n° 249

2009

- CA Paris 4 fév. 2009, Administrer, mai 2009, 38

- CA Paris, 16e ch. A., 20 mai 2009, Administrer oct. 2009, somm. 60.

Tribunaux de grande instance

1989

- TGI Paris, 18e ch. 2

e sect., 13 Juillet 1989, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 340

1994

- TGI Paris, 13 sept. 1994, Rev. Loyers 1995, p. 367.

- TGI Nanterre, 10 juin 1994, Gaz. Pal. 1994, 2, somm. 657

1995

- TGI Paris, 18e ch. 1

re sect., 26 sept. 1995, AJPI 1995, 1104

1996

- TGI Nanterre, 25 juin 1996, AJPI, 1997, 257

1997

- TGI Paris, 10 janv. 1997, Gaz. Pal. 1997, 1, somm. 181.

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138

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GÉNÉRALE

PREMIÈRE PARTIE. LA GESTION PRÉCONTRACTUELLE DES RISQUES

LIES AU RENOUVELLEMENT

INTRODUCTION

CHAPITRE I. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DE L’ENVIRONNEMENT

JURIDICO-ÉCONOMIQUE DU RENOUVELLEMENT

INTRODUCTION

SECTION I. REPENSER LE PROFIL DU PRENEUR

Paragraphe 1. « Un bailleur puissant, un preneur faible » : un postulat remis en

question

A. Un rapport de domination avéré dans le passé

1. Le dessein perpétuel de protéger le preneur

2. La justification de la protection par la configuration économique

du marché

B. L’évolution contemporaine du pouvoir de négociation de certains

preneurs

1. Les causes économiques du changement de profil des preneurs

2. Le nouveau profil économique des preneurs

Paragraphe 2. Un statut « pro-preneurs » ?

A. Le postulat juridique : un statut exclusivement protecteur du preneur

1. Le domaine de protection

2. Protection ou privilège ?

B. Une volonté absolue de protection remise en question

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139

1. Une réelle volonté législative de protéger les preneurs ?

2. Une protection relative

SECTION II. LA CONNAISSANCE PRÉALABLE DES CLAUSES ILLICITES

Paragraphe 1. La place de l’ordre public frappant le droit au renouvellement

A. Un ordre public de protection

B. Une sanction relative

Paragraphe 2. La traque jurisprudentielle des clauses illicites

A. L’échec des clauses tendant directement à éliminer le droit au

renouvellement

1. La clause limitant le nombre de renouvellements

2. Les clauses de divisibilité et d’indivisibilité

3. La clause de résiliation anticipée

4. La clause de renonciation concomitante à la signature du bail

5. La clause de reprise différée

6. Les autres clauses illicites

B. L’annulation des clauses tendant à faire échec indirectement au droit

au renouvellement.

1. Les clauses relatives aux conditions d’exercice du droit au

renouvellement

a. Les clauses concernant les baux dérogatoires

b. Les clauses interdisant l’immatriculation du preneur au registre

du commerce et des sociétés

c. Les clauses exigeant que le preneur exploite personnellement le

fonds

2. Les clauses dissimulant un bail commercial

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140

CHAPITRE II. LES STRATÉGIES DE DÉTOURNEMENT DU DROIT AU

RENOUVELLEMENT ET DU DÉPLAFONNEMENT

SECTION I. LES CLAUSES ELUDANT LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU

PRENEUR

Paragraphe 1. La clause de renonciation : un moyen direct et efficace de faire échec

au droit du renouvellement

A. Les conditions d’admission de la renonciation du preneur

1. Une renonciation certaine et non équivoque

2. Une renonciation expresse ou tacite

3. L’existence d’un droit acquis

B. Une rédaction doublement prudente

1. L’information du preneur par un congé

2. Exemple de clause de renonciation

Paragraphe 2. La clause résolutoire : un moyen indirect d’évincer le droit au

renouvellement

A. Le respect des conditions de validité de la clause résolutoire

1. Le respect des conditions de fond

a. Une infraction du locataire à une clause expresse du bail

b. Une infraction expressément sanctionnée par la clause

résolutoire

2. Le respect des conditions de forme

B. Anticiper l’interprétation stricte de la jurisprudence

1. Méthodes d’interprétation

2. Les fautes admises par la jurisprudence

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SECTION II. LES CLAUSES D’OPTIMISATION DU LOYER DE

RENOUVELLEMENT

Paragraphe 1. La modulation contractuelle de la durée et du loyer du bail

commercial

A. De l’opportunité de négocier un bail de plus de neuf ans

1. Données juridiques

2. Les effets des baux de plus de neuf ans sur le renouvellement

B. Les stratégies relatives à la fixation des loyers du bail commercial

1. La fixation stratégique du loyer du bail initial

1. De l’intérêt financier d’insérer un pas-de-porte qualifié de

complément de loyer

2. La fixation du loyer initial par une clause recettes

2. La fixation stratégique du loyer de renouvellement

Paragraphe 2. Les autres clauses stratégiques

A. Clause de destination et déplafonnement

B. Le sort des travaux d’aménagement au renouvellement

1. Accession, travaux de modification et renouvellement

2. Accession, travaux d’amélioration et renouvellement

C. Le sort des travaux de conformité

DEUXIEME PARTIE. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR FACE AU

RENOUVELLEMENT

CHAPITRE I. LA LIMITATION STATUTAIRE DES STRATÉGIES DU

BAILLEUR

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SECTION I. ABOUTIR AU RENOUVELLEMENT : LE POIDS DES

CONTRAINTES LÉGALES ET JUDICIAIRES

Paragraphe 1. Les risques de la procédure de renouvellement du bail commercial

A. Le congé : un acte juridique risqué

1. Le risque lié au non-respect de la forme du congé

2. Contenu du congé : la fausse opportunité de proposer le montant

du loyer renouvelé ultérieurement au congé

3. La délivrance précoce d’un congé : la limitation de la seule

véritable stratégie

B.L’adaptation forcée du comportement du bailleur face à la demande de

renouvellement du preneur.

1. La confirmation indirecte de la nécessité de respecter les règles

procédures : le cas des actes croisés.

2. La manipulation prudente de la forme de la réponse du bailleur

Paragraphe 2. L’encadrement de la preuve d’une modification notable d’un motif de

déplafonnement

A. L’encadrement légal du contenu de la preuve

1. Le respect du contenu probatoire

a. Un prérequis à l’appréciation légale de la valeur locative :

l’absence d’accord des parties

b. La référence stricte à la liste légale limitative

2. Le respect de la scène temporelle législative

B. La preuve d’un motif de déplafonnement à l’épreuve des tribunaux

SECTION II. REFUSER LE RENOUVELLEMENT : LES RISQUES PESANT SUR

LE BAILLEUR

Paragraphe 1. Le refus de renouvellement et le paiement d’une indemnité d’éviction

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A. L’atténuation des risques liés à la procédure

1. Le fondement de l’indemnité d’éviction

2. Le contenu léger du congé portant refus de renouvellement

B. L’importance de l’assiette légale de l’indemnité d’éviction

1. Composition de l’indemnité principale : la valeur marchande du

fonds de commerce

a. La valeur du droit au bail

b. Indemnité de remplacement ou indemnité de déplacement

i. Indemnité de remplacement et indemnités accessoires

ii. Indemnité de déplacement et indemnités accessoires

2. Compensation éventuelle avec l’indemnité d’occupation

Paragraphe 2. Refus de renouvellement et absence de paiement d’une indemnité

d’éviction

A. Les cas limités de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction

1. Le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes à

l’épreuve du juge

a. La force de la mise en demeure préalable

b. L’appréciation souveraine des motifs graves et légitimes

2. La reprise d’un immeuble insalubre ou dangereux

a. Les formalités procédurales

b. La motivation spéciale

B. La sanction des tentatives de fraude du bailleur

CHAPITRE II. REPENSER LE RENOUVELLEMENT DES BAUX

COMMERCIAUX

SECTION I. LA PERSISTANCE DES STRATEGIES DU BAILLEUR

Paragraphe 1. La relativité des stratégies de dissuasion

A. Brandir une clause résolutoire

B. Le recours à une expertise privée

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Paragraphe 2. La résistance passive du bailleur : une opportunité et une incertitude

A. L’opportunité d’attendre l’arrivée du délai de douze années

1. Le mécanisme de la tacite reconduction

2. Les effets de la tacite reconduction sur le renouvellement

B. La relativité de la stratégie passive

SECTION II. PROPOSITIONS DE REFONTE DU DROIT AU

RENOUVELLEMENT

Paragraphe 1. Droit au renouvellement et droit communautaire

A. Les baux commerciaux et le juge communautaire

B. La pensée du renouvellement en Europe

Paragraphe 2. Propositions de refonte du statut des baux commerciaux

A. Des barrières statutaires anachroniques

B. Les solutions alternatives

1. Limiter le nombre de renouvellement

a. Contenu et domaine de la proposition

b. Limites de la proposition

2. Les autres propositions

a. Les propositions doctrinales

b. Les propositions des praticiens

Conclusion générale

Bibliographie

Table des matières