Les SSR : Hier, aujourd'hui… et demain

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Victor Schwach

Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?Les soins de suite et de réadaptation

Fondation Arc-en-Ciel

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© Fondation Arc-en-Ciel, 2014ISBN : 978-2-9547173-0-2

Fondation Arc-en-Ciel44A, rue du Bois Bourgeois

25200 MontbéliardFrance

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Avant-propos

Les établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR, anciennement appelés « moyen séjour ») ont entamé en 2008 un nouveau cycle, caractérisé par la mise à plat de l’ensemble du secteur : nouveau cadre réglementaire, amorce d’une nouvelle tarification. Il est encore trop tôt pour distinguer quelle mutation accomplira le secteur sous l’effet de cette double réforme.

Cet ouvrage s’appuie sur le constat qu’aucune étude d’ensemble n’a établi un réel état des lieux préalablement à cette mise en mouvement des SSR. D’ail-leurs aucune étude d’envergure, à notre connaissance, aucune publication n’a jamais été consacrée à cette fraction de l’hospitalisation forte de quelques 90 à 100.000 lits. Dans le champ des hôpitaux, les SSR sont considérés comme un secteur secondaire et peu d’attention y a été consacrée.

La présente étude n’avait, évidemment, pas les moyens d’établir des in-vestigations originales, par exemple des travaux statistiques nouveaux. Elle se limitera à rassembler d’une façon peut-être maladroite mais synthétique une documentation très disparate. Son objectif est de dégager une vue d’ensemble. Elle s’efforce de mettre ces informations en perspective. Car pour l’auteur, issu des sciences sociales, il est toujours nécessaire d’aborder une réflexion avec un esprit critique et en essayant de connaître les lignes de forces à l’œuvre dans l’enchaînement des décisions techniques. Et c’est pourquoi le texte ci-après suit tantôt la préoccupation d’objectivité d’une étude technique et tantôt adopte la tonalité d’un essai.

Le livre est structuré en deux parties. La première présente un survol de l’évolution au cours des décennies précédant les réformes. La seconde établit un état des lieux des SSR actuels en cours de réorganisation et à l’aube d’un nouveau système de financement. Un essai prospectif identifiant les risques pesant sur le secteur apporte un éclairage en guise de conclusion.

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J’adresse mes remerciements à Daniel Jandot, Jean-Pierre Loux et au Dr Jérôme Talmud d’avoir eu la gentillesse d’une lecture critique du manus-crit et à Samuel Guinard d’avoir proposé que la Fondation Arc-en-Ciel édite le manuscrit.

Héricourt, août 2013

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Brève histoire du secteur (1956-2008)

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1956 et après

Le contexte de l’après-guerre

S’il est permis de considérer que la parution du décret de 1956 marque la naissance des futurs SSR, il faut reconnaître que sa parution est plutôt tardive dans le contexte du renouveau d’après-guerre. Le texte prolonge et applique aux établissements privés des dispositions en cohérence avec les grandes réformes engagées. Reprenons les grandes étapes.

En 1941, vichy promulgue la loi sur les hôpitaux. Elle reprend des disposi-tions de 1939, inappliquées en raison de la guerre. Cette loi historique marque un tournant : dorénavant les hôpitaux peuvent admettre des malades payants. Cette évolution réglementaire doit être comprise comme un changement crucial par lequel les hôpitaux abandonnent leur mission sociale d’héberge-ment au profit d’une mission de soins. Est également amorcée la mainmise de l’État. Ainsi la création de la fonction de directeur d’hôpital et sa nomination non plus par le Maire mais par le représentant de l’État. En conséquence, l’hôpital se soustrait à la compétence des municipalités.

En 1945 est créée la Sécurité sociale. L’ordonnance reprend en grande partie les recommandations du Conseil de la Résistance. L’objectif de cette réforme majeure n’est pas de solvabiliser les soins délivrés par la médecine de ville et les hôpitaux ; selon une orientation bismarckienne, la réforme vise à assurer un revenu de remplacement aux malades qui ne peuvent plus travail-ler1. 1 « La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. »

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L’après-guerre est une période de renouveau. En parallèle avec la recons-truction matérielle, le pays connaît un vaste mouvement d’organisation. Le domaine de la Santé n’échappe pas au mouvement général. Le décret du 20 août 1946 institue la commission régionale présidée par le Préfet de Région. Sa mission est d’accorder, de refuser ou de retirer aux établissements privés de cure et de prévention l’autorisation de donner des soins aux assurés sociaux du régime général, aux bénéficiaires salariés et non salariés des législations sociales agricoles et aux bénéficiaires des assurances maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles. Bien entendu, les auto-risations ne sont délivrées que si des conditions administratives et techniques sont remplies.

La période est caractérisée par une frénésie administrative. Les établisse-ments privés négocient chacun leur autorisation, ainsi que le conventionne-ment avec la Caisse Régionale. Pour les établissements existants, l’ensemble du système est en place aux alentours des années 1950-1951.

Le décret de 1956

Le décret n°56-284 du 9 mars 1956 peut être considéré comme l’acte fondateur d’une nomenclature des établissements. Il définit les conditions techniques d’autorisation des établissements privés de cure et de prévention pour les soins aux assurés. Il est signé par Guy Mollet, président du Conseil, ainsi que par les Ministres concernés.

Le décret remplace les dispositions réglementaires antérieures2. En réalité le texte est laconique. Il énonce qu’il existe des conditions pour être autorisé à pratiquer l’activité. C’est tout. Même si le texte vise les seuls établissements privés, il comporte indéniablement une dimension historique.

• Il rassemble un ensemble disparate d’établissements sous un même chapitre : les établissements de cure et de prévention. Il ne distingue pas encore ce qui relèvera de la future segmentation administrative selon les durées de séjour ou même selon la primauté d’un projet autre que le soin.

• Dans ses annexes, il liste les établissements concernés ; le listing hété-roclite constitue une première typologie. Mais la notion est loin d’être approximative, car pour chaque type est rédigée une annexe spécifique qui définit les conditions techniques particulières à satisfaire en vue d’une autorisation. Autrement dit, la reconnaissance du secteur est soigneusement normée.

2 Décret n° 47-1839 du 13 septembre 1947, décret n° 51-1007 du 7 août 1951 et décret n° 52-389 du 8 avril 1952.

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• Enfin, les dites conditions techniques s’imposeront dans chacune des catégories et resteront (théoriquement) en vigueur pendant plus de 50 ans ! Il s’agit donc bien d’un texte de référence. Malgré l’évolution considérable du monde hospitalier, des pratiques médicales, des prises en charges… aucun nouveau texte significatif ne sera promulgué avant 2008 dans le but d’encadrer ce secteur de l’activité hospitalière.

La typologie des établissements de cure et de prévention

Le texte est connu pour ses annexes. L’annexe n°1 définit les conditions administratives. Au nombre de cinq, elles sont générales ; elles concernent la transparence du tarif et l’information des patients et des caisses. Les 30 annexes suivantes déclinent et définissent les types d’établissements.

II. Sanatorium pour tuberculose pulmonaire.III. Établissements de soins privés affectés au traitement de la tuberculose extra-pulmonaire.Iv. Hôtels de cure.v. Cliniques phtisiologiques.vI. Préventoriums privés.vII. Aériums privés.vI. Établissements d’hospitalisation de chirurgie.IX. Maisons de santé obstétrico-chirurgicales.X. Maisons de santé aménagées en vue de la pratique obstétricale et de la chirurgie de l’accouchement.XI. Maisons d’accouchement sans possibilités chirurgicales.XII. Établissements d’élevage des nouveau-nés prématurés.XIII. Pouponnières pour enfants débiles.XIv. Maisons d’enfants à caractère sanitaire (de type permanent).Xv. Maisons d’enfants pour cures thermales.XvI. Colonies sanitaires temporaires.XvII. Centres de placement familial.XvIII. Maisons de santé médicales.XIX. Maisons de repos et de convalescence.XX. Maisons de régime.XXI. Maisons de repos accueillant des mères fatiguées ou convalescentes avec leurs enfants âgés de moins de dix-huit mois.XXII. Maisons de réadaptation fonctionnelle.XXIII. Maisons de santé pour maladies mentales.XXIv. Établissements privés pour enfants inadaptés.XXv. Infirmeries des établissements d’enseignement et d’éducation publics et privés.XXvI. Établissements thermaux privés.XXvII. Centres d’études de pneumoconioses.XXvIII. Dispensaires de soins.XXIX. Cliniques dentaires.XXX. Consultations prénatales.XXXI. Consultations de nourrissons.

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La typologie évoluera au fil du temps. En 1963, une annexe XXXII viendra définir les conditions d’autorisation des centres médico-psycho-pédagogiques, pratiquant le diagnostic et le traitement des enfants inadaptés mentaux dont l’inadaptation est liée à des troubles neuro-psychiques ou à des troubles du comportement susceptibles d’une thérapeutique médicale, d’une rééducation médico-psychologique ou d’une rééducation psychothérapique ou psycho-pédagogique sous autorité médicale.

Les profondes réformes engagées par les lois de 1970 et 1975 ne remet-tront pas en question le décret et sa liste d’annexes. Dans les années 1988-89, l’annexe XXIv relative aux enfants inadaptés sera scindée en plusieurs sous-types en fonction de la déficience prise en charge.

- Annexe XXIv déficience intellectuelle- Annexe XXIv bis déficience motrice- Annexe XXIv ter polyhandicaps- Annexe XXIv quater déficience auditive- Annexe XXIv quinquies déficience visuelle

Les maisons de réadaptation fonctionnelle (Annexe XXII)

Revenons aux annexes parues en 1956. La définition des conditions tech-niques correspond aux idées de l’époque, et particulièrement au contexte d’une France peu évoluée en matière d’hygiène et de confort. La réglemen-tation impose des progrès en contrepartie de l’autorisation. Elle poursuit une ambition de normalisation et d’élévation du niveau général de confort, d’hy-giène et d’efficience des structures et, pour ce faire, formule des conditions qui ne sont en rien spécifiques à l’activité de la réadaptation fonctionnelle.

• L’eau doit être potable et en quantité suffisante : 250 litres au moins par lit et par jour. S’il se trouve à proximité de l’établissement une canalisation d’eau publique, le raccordement sera obligatoire.

• Tous les locaux doivent avoir un sol imperméable, lavable à grande eau et aux désinfectants.

• Les fenêtres doivent être dépourvues de doubles-rideaux. Les chambres ont une profondeur qui n’excède pas deux fois et demie la hauteur sous le linteau des fenêtres.

• L’éclairage électrique est obligatoire, ainsi que le téléphone et le chauf-fage central.

À l’époque ces éléments n’allant pas soi, il était nécessaire de les imposer. Il en va de même pour les toilettes : le nombre minimum des cabinets d’aisances est de deux par quinze personnes (personnels compris). Ils doivent être répar-tis à proximité des chambres et des salles de réunion. Des lavabos sont installés dans les cabinets situés près des salles de réunion.

La réadaptation fonctionnelle doit disposer de locaux spécifiques :

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• une section d’hydrothérapie ;• une section d’électrothérapie ;• une section de kinésithérapie avec gymnase 60 m2  ;• une section de mécanothérapie ;• une salle de plâtre.Il est recommandé de disposer de locaux permettant l’aménagement d’un

atelier d’ergothérapie.Enfin l’encadrement en personnel spécialisé est également défini :• un médecin chargé d’exercer une surveillance sur tous les traitements

assurés ;• un médecin par fraction de 55 malades ;• un rééducateur physiothérapeute pour 10 malades ;• un ergothérapeute pour 20 malades.L’annexe ne contient aucune indication relative au personnel soignant

(infirmières).

Expansion du système hospitalier

À partir de 1956, le secteur des établissements de cure et de prévention connaît le calme réglementaire, à l’exception de quelques points très ponc-tuels. Pourtant l’ensemble du monde hospitalier français va subir de profonds bouleversements. Les établissements du futur moyen séjour n’échapperont pas au mouvement.

Entre 1950 et 1970, le système hospitalier français connaît un âge d’or. L’armement hospitalier dans son ensemble est en forte croissance. En même temps est lancée l’humanisation, dont la face la plus visible est la transforma-tion de l’hébergement collectif3. En effet, l’ouverture de l’hôpital à d’autres catégories sociales fait apparaître des exigences. En 1960 des chambres de six à huit lits étaient encore fréquentes. Selon l’analyse de Jean-Marie Clément, la fin de la guerre d’Algérie a permis à l’État français de financer la construc-tion ou la rénovation de quelques cent mille lits, tandis qu’un nombre iden-tique sera réhabilité aux normes de la médecine moderne. À partir de 1970 le confort est d’un bon niveau : chambres à un ou deux lits, équipées de télé-phone, télévision, armoires individuelles, sanitaires…

Dans le secteur des établissements de cure et de prévention on assiste à une évolution similaire et donc la multiplication des établissements et services. Mais comme on le verra plus loin, il subit une profonde reconfiguration, par suite de l’évolution des besoins, des pratiques et des techniques médicales. Des structures se créent, se transforment, se reconvertissent… L’évolution est 3 La circulaire ministérielle du 5 décembre 1958 porte sur cinq points : 1°) les visites des familles, 2°) la présence d’un membre de la famille auprès d’un enfant, 3°) l’autorisation de garder des effets personnels… (Imbert, p.71).

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essentiellement quantitative. La constellation d’établissements n’est pas struc-turée. L’inventaire à la Prévert des annexes de 56 reste opérant, à défaut de mieux.

Naissance du moyen séjour

Au cours des années 1970-1975, plusieurs lois viennent structurer cet ensemble jusqu’alors indifférencié. La loi du 31 décembre 1970, complétée par la loi du 30 juin 1975, définit un nouveau secteur, appelé médico-social. Est sorti du champ hospitalier un vaste ensemble d’établissements, en parti-culier les structures concernant les enfants, les handicapés, les personnes âgées etc. Cette séparation s’établit sur la même base que la réforme de 1941 : la vocation de l’hôpital n’est plus de fournir un hébergement, mais de délivrer des soins.

Pour les structures conservées au sein du champ sanitaire, la loi hospitalière de 1970 apporte de nombreux changements. Elle met en place la typologie des activités hospitalières :

a. des unités d’hospitalisation pour pratique médicale, chirurgicale ou obstétricale courante ;

b. des unités d’hospitalisation pour soins hautement spécialisés ; c. des unités d’hospitalisation de moyen séjour pour convalescence, cure,

réadaptation ou traitement des maladies mentales ; d. des unités de long séjour assurant l’hébergement de personnes n’ayant

plus leur autonomie de vie et dont l’état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d’entretien.

e. des unités participant au service d’aide médicale urgente appelées SAMU, dont les missions et l’organisation sont fixées par décret en Conseil d’État.

À partir des années 70, la terminologie moyen séjour se met en place, à telle enseigne qu’elle subsistera en dépit des nouvelles dénominations.

Insistons sur ce point : les lois des années 70 mettent fin à l’indifférencia-tion. Elles définissent un nouveau secteur, le médico-social, qui se caractérise par la notion de domicile du résident, donc un hébergement sans limitation de durée. À l’inverse le sanitaire reste un lieu de passage qui accueille des patients en vue de délivrer des soins. L’hébergement est le vecteur de différen-ciation. De plus le sanitaire est lui-même segmenté dans les trois catégories désormais classiques, une nouvelle fois selon un critère (de durée) d’héberge-ment. Cette segmentation apporte une certaine lisibilité. L’inventaire cède le pas à une structuration. Elle permettra à chaque secteur d’évoluer de manière indépendante, d’avoir ses propres règles, ses propres modes de financement, ses propres contraintes. Et donc développer une identité. En prenant congé

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des établissements médico-sociaux, le champ sanitaire développera une cohé-rence de plus en plus forte. Ceci permettra bien des progrès, mais aura au final un inconvénient que l’on découvrira quelques décennies plus tard : la structuration crée l’autonomie des catégories, elle s’effectue en tuyaux d’orgue.

Revenons à la chronologie. Le moyen séjour nouvellement défini est loin d’être homogène. Le décret n°80-284 du 17 avril 1980 relatif au classement des établissements publics et privés assurant le service public hospitalier tente de mettre un peu d’ordre en identifiant des éléments constants et des sous-catégories : « Les centres de moyen séjour sont des établissements composés d’unités de moyen séjour pour convalescence, cure, réadaptation, ou traite-ment des maladies mentales (…) Ils sont destinés à assurer, après la phase aiguë de la maladie, le prolongement des soins actifs ainsi que les traitements nécessaires à la réadaptation en vue du retour à une existence autonome.

Un centre de moyen séjour est classé selon la dénomination des unités qui le composent en :

• centre de convalescence ; • centre de cure médicale ; • centre de réadaptation ; • centre de convalescence et de cure ; • centre de convalescence et de réadaptation ; • centre de cure et de réadaptation ; • centre de convalescence, de cure et de réadaptation. Lorsque ces unités sont spécialisées au sens de l’article 19, le centre est dit

spécialisé. »Ce classement atteste d’un brouillage du secteur. Alors que le décret de

1956 avait dressé un premier inventaire, l’évolution a été telle que 25 ans plus tard le secteur qui a connu un développement sans précédent, a perdu ses repères. Ce constat conduira les autorités de la Santé à mener d’importantes enquêtes à partir des années 1995. En effet la problématique d’une meilleure connaissance va se poser d’une façon triviale, par l’instauration progressive d’une planification de plus en plus rigoureuse mettant un frein vigoureux à l’expansion hospitalière dans son ensemble.

Mise en place de la planification

La croissance hospitalière reste sous le contrôle des autorités. « En 1958 la politique de coordination est instaurée (ou plutôt confirmée). Chaque projet de création ou d’extension d’établissement de soins donne lieu à une étude conduite par les services départementaux ou régionaux de la Santé, puis à un examen par une commission régionale au vu duquel est prise la décision ministérielle qui accorde ou refuse l’autorisation sollicitée  » (Imbert, 1994 p.68). La planification devient régionale.

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La loi de 1970 accentue également la main mise par l’État. Retenons plusieurs éléments décisifs dans leur conséquence.

• La loi instaure le service public hospitalier dont l’exécution est confiée soit à une personne morale de droit public (l’hôpital public) soit à une personne morale de droit privée sous contrôle d’une autorité publique. Cette disposition permettra à des structures associatives (non lucra-tives) d’être associées au service public et d’être quasiment traitées sur un pied d’égalité.

• La loi instaure également la carte sanitaire. Arrêté en 1974, ce décou-page de l’espace géographique en 256 secteurs sanitaires répartis en 21 régions, vise la mise en place d’un plateau technique minimum au sein de chaque secteur et un rééquilibrage sectoriel des équipements hospitaliers. Pour les établissements privés, la carte sanitaire est accom-pagnée d’une procédure renforcée d’autorisation pour les équipements en nombre de lits et les installations d’équipements «lourds».

• Les établissements publics demeurent sous le principe de l’approba-tion par l’autorité de tutelle des décisions de leur conseil d’adminis-tration. Mais la loi du 29 décembre 1979, autorise le ministre à aller contre le vote du conseil d’administration pour supprimer des lits.

Cette planification encore douce s’impose par le constat que la croissance du système hospitalier n’a pas suffisamment tenu compte de l’évolution des techniques médicales. Déjà en 1980 l’on estime qu’environ 50.000 lits de court séjour sont excédentaires. Cet état de choses est la conséquence de la chute des durées de séjour. « En 1975 elle était à Paris de 22 jours, avec un taux d’occupation des lits de 85 % ; dans les centres régionaux hospitaliers, de 16 jours seulement, avec un taux d’occupation de 80 % ; mais dans les hôpi-taux de moins de 100 lits, elle était de 88 jours, avec un taux d’occupation de 93,8 % » (Imbert, 1994, p. 90).

La loi de 1991 : création des SSR

Alors que la loi de 1970 traitait successivement du service public hospi-talier et des établissements privés, la nouvelle législation pose le principe de dispositions communes à l’ensemble des établissements. La loi définit les missions des établissements de santé à savoir assurer les examens de diagnos-tic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes en tenant compte des aspects psychologiques des patients. Les soins sont définis comme suit : les soins de longue durée et les autres soins ; ces derniers sont eux-mêmes subdivisés en soins de courte durée ou concernant des affections graves et en soins de suite ou de réadaptation dispensés dans le but de réinsertion.

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Établissements ou entités juridiques

Lits et places

Catégorie

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PublicCentre hospitalier régional (CHR) 29 97 965 6 763 3 665 108 393Centre Hospitalier (CH) 215 116 165 30 280 3 466 149 911Hôpital (H) 287 58 221 37 809 1 295 97 325Hôpital local (HL) 332 19 544 32 248 - 51 792Centre de moyen et/ou long séjour (CMLS) 106 13 170 6 315 - 19 485Centre Hospitalier Spécialisé en psychiatrie (CHS) 99 57 560 744 11 305 69 609Total public 1 068 362 625 114 159 19 731 494 515PrivéÉtablissement de soins aigus 1 331 163 108 313 716Centre de lutte contre le cancer (CLCC) 20 19 4 254 - 683 113 966Établissement de moyen et/ou long séjour 816 229 55 099 668 2 020 57 787Hôpital psychiatrique privé faisant fonction de public 27 22 13 678 - 2 182 15 860Autre établissement de lutte contre les maladies mentales 302 25 14 200 - 3 091 17 291Traitements et soins à domicile dialyse ambulatoire 257 1 34 - - 34Total privé 2 753 459 195 578 1 384 7 976 204 938Ensemble 558 203 115 543 27 707 699 453

Les établissements hospitaliers par catégorie au 1er janvier 1990 (Couty et Tabuteau, 1993, p. 31).

La loi hospitalière du 31 juillet 1991 renforce le contenu de la carte sani-taire, développe les alternatives à l’hospitalisation et crée le schéma régional d’organisation sanitaire (SRoS). La loi de 1991 prend en compte la dimen-sion régionale en tant que référence sanitaire : le pouvoir de l’État en la matière est pour partie délégué aux instances régionales ou locales. Fait important, la carte sanitaire sera dorénavant établie « sur la base d’une mesure des besoins de la population et de leur évolution, compte tenu des données démogra-phiques et des progrès des techniques médicales. La liste des activités qui ne peuvent être exercées sans autorisation » (L.712-19) comprend la réadaptation fonctionnelle. voilà une première référence réglementaire donnant un statut particulier à cette catégorie du moyen séjour.

La réforme issue de l’ordonnance du 24 avril 1996 met en place les Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et régionalise les budgets avec pour objectif d’améliorer la complémentarité de l’offre de soins au sein d’une même zone géographique. La même ordonnance engage la suppression des petites maternités et des services de chirurgie qui n’ont pas la capacité de satisfaire

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à l’exigence de sécurité (effectif médical). Cette réduction est fréquemment compensée par une augmentation des lits de moyen et long séjour.

À partir de 1997, le gouvernement s’attache à accompagner le mouve-ment de recomposition hospitalière qui doit déboucher sur une coopération et une recherche de complémentarité entre les établissements de santé publics et privés. Elle s’inscrit dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire, qui fixent pour cinq ans le cadre général d’évolution de l’offre hospi-talière.

L’ensemble des textes successifs met en place un dispositif de planification sévère qui produira l’effet attendu : la recomposition de l’offre de soins dans son ensemble.

***

À la fin du XXème siècle, le moyen séjour est dans une situation particulière. • En tant qu’établissements sanitaires, ces structures sont concernées

par l’ensemble des réformes successives. Statut, planification, finance-ment, qualité, PMSI… rien ne leur sera épargné. Autrement dit : ce sont des établissements sanitaires au même titre que les hôpitaux ou les cliniques.

• Sur le plan quantitatif, ils connaissent d’abord l’âge d’or caractéris-tique de l’armement hospitalier dans son ensemble, puis les rigueurs d’une planification croissante, avant d’être frappés par la recomposi-tion de l’offre de soins.

• Enfin sur le plan qualitatif s’amorce le phénomène qui sera décrit plus loin : la diversité des types se réduit au fil du temps ; les nombreux avatars se réduiront à un système bipolaire : d’une part les soins de suite et d’autre part la réadaptation fonctionnelle.

Références• Clément Jean-Marie « La réforme hospitalière » (ordonnance du 24 avril 1996), Les

Études hospitalières, 1998, 228 p.• Clément Jean-Marie « 1900-200 : la mutation de l’hôpital » Les Études hospitalières,

2001, 218 p.• Couty Edouard et Tabuteau Didier « Hôpitaux et cliniques : les réformes hospita-

lières » Berger-Levrault, 1993, 312 p.• Imbert Jean « Les hôpitaux en France » Que Sais-je, PUF, 6ème édition, 1994, 127 p.

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Évolution médicale

Introduction

Le chapitre précédent avait abordé l’évolution du moyen séjour sous l’angle réglementaire et donc administratif. Ceci ne doit pas occulter que l’évolution a également concerné le projet médical. Le profil des patients a été en perpé-tuelle évolution.

La Clinique Médicale Brugnon-AgacheEn 1922, une riche propriétaire fait don du domaine de ce château de

la Haute-Saône à l’association d’hygiène sociale du vIème arrondissement de Paris. L’établissement accueillera une centaine de fillettes de 5 à 15 ans.

Ce préventorium subira un incendie en 1946 nécessitant sa recons-truction complète dans le respect des normes médicales et d’hygiène de l’époque.

En 1955, le préventorium se transforme en sanatorium. Puis le centre se diversifie et traite de nouvelles maladies.En 1971, l’établissement compte 74 lits, dont 29 en maison de santé

médicale, 41 de convalescence et 4 d’infirmerie.En 1977, les lits sont tous dédiés à la convalescence. L’établissement

obtient le statut PSPH.Dans le début des années 2000, l’établissement doit accueillir des

malades plus lourds ; l’établissement se médicalise. Il devient un centre de soins de suite médicalisés. Il accueille surtout des personnes âgées.

En 2009, son nouveau projet d’établissement est construit sur la recon-naissance d’une activité spécialisée en gériatrie et de fin de vie.

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Alors que le décret de 1956 décrit un large éventail, l’on observe au terme d’une lente décantation l’émergence de deux types majeurs : la réadaptation fonctionnelle et les soins de suite plus ou moins médicalisés. Une constellation d’autres structures très spécialisées et de moindre importance s’y ajoute, mais ne contredit pas la segmentation appelée ci-après la bipartition. Cet état de choses résulte à la fois d’une évolution médicale, mais également d’une caté-gorisation administrative. En effet si la planification régionale doit concerner l’ensemble des structures, il est terriblement malaisé de la concevoir à partir d’un spectre large et devient beaucoup plus accessible à partir de la bipartition, même s’il faut y distinguer quelques sous-types et cas particuliers (MECS, alcoologie, par exemple).

Au cours du demi-siècle analysé, plusieurs changements majeurs sont intervenus dans la capacité de la médecine à prendre en charge les patho-logies. Dans les années d’après-guerre l’arsenal thérapeutique et les moyens d’investigation restent limités. Mais progressivement les innovations vont se succéder à un rythme croissant. L’accroissement de l’espérance de vie sera l’un des résultats du progrès médical.

Le cycle de vie des sanatoriums

Dès le XvIIIème siècle est identifiée la nécessité d’éloigner à la campagne les malades des villes. Tel est le principe fondateur du sanatorium. Au XIXème siècle les connaissances sur la tuberculose évoluent grâce à Laennec, ville-min, Koch, Röentgen, Béclère, Calmette etc. De nombreux progrès inter-viennent : les descriptions anatomo-cliniques, la découverte de la contagion inter-humaine, du germe, des rayons X, les descriptions cliniques, le vaccin BCG et la streptomycine. Longtemps l’arsenal thérapeutique restant limité, à l’exception de quelques gestes chirurgicaux, l’on se contente d’isoler les malades et de les soustraire aux miasmes délétères. À côté de principes établis de façon empirique, prévalent les notions hygiénistes ; les craintes du XIXème siècle ne sont pas absentes. De fait la mortalité reste élevée – y compris parmi le personnel soignant.

L’on doit à l’Allemagne le concept du sanatorium (étymologiquement, sanatorius : propre à guérir) : établissement spécialisé dans l’isolement et les soins aux tuberculeux. Cette situation s’explique par le fait que la construction de tels établissements est fortement favorisée par la loi de 1889 sur l’assurance maladie (Bismarck). En 1902 déjà ce pays compte 72 sanatoriums totalisant 7.200 lits et capables d’accueillir environ 30.000 tuberculeux par an.

En France, c’est au lendemain de la première guerre mondiale, que la lutte antituberculeuse se structure. La loi Honnorat (1916) produit ses effets  : elle impose un sanatorium par département. Malgré la crise économique les constructions se multiplient.

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L’âge d’or : 1930-1950

Les établissements sont en général implantés dans des régions éloignées de la pollution, plutôt en montagne, sur des plateaux ensoleillés ou face à la mer pour bénéficier des bienfaits du grand air et du soleil. Une cure de repos particulière, donc.

L’architecture spécifique des sanatoriums suit deux principes.• Le traitement par la cure d’air, de lumière et de soleil. Le bâtiment doit

être adapté à l’entrée du soleil et du grand air. L’on parle d’architecture héliotropique. Il s’agit volontiers de bâtiments déployés en longueur, parfois de faible épaisseur, dans le but de maximiser l’exposition sur le versant ensoleillé ; c’est l’ère des balcons par lesquels chaque chambre s’ouvre sur le grand air et le soleil.

• L’isolement des tuberculeux contagieux : la promiscuité étant facteur de contagion, le parti architectural développe des bâtiments vastes (faible densité) et se tient à l’avant-garde des notions d’hygiène.

En 1950, quelques 250 sanatoriums ont été construits en France.L’essor des sanatoriums est à replacer dans le contexte général de la lutte

contre la tuberculose. La lutte contre ce fléau a permis l’émergence de la médecine sociale. Celle-ci repose sur une idéologie : le service gratuit et de proximité. C’est la naissance des dispensaires d’hygiène sociale et de préven-tion antituberculeuse. Ces structures régies par la loi Bourgeois (1916) ont une mission très large : le soin, le dépistage, la prévention ; elles s’occupent également des problèmes sociaux entraînés par la maladie. À partir de 1935, les compétences des oPHS (offices Publics d’Hygiène Sociale) sont éten-dues à toutes les questions touchant la protection de la santé publique et de l’hygiène sociale. Au cours de cet âge d’or (1930-1950) émerge un corps de santé spécifique : médecins-phtisiologues, médecins-directeurs de sanato-riums, infirmières visiteurs, personnels des dispensaires. Enfin, apparaissent des organisations de malades qui se posent en interlocuteurs des pouvoirs qui prétendent soigner, disposent parfois de moyens de communication, et posent la question de la réinsertion professionnelle et sociale des malades.

À bien des égards, cette organisation apparaît comme moderne. Elle préfi-gure la sectorisation. Ainsi que l’articulation de structures de proximités avec des établissements de soins, au service d’une véritable filière. Tout cela est évidemment très coûteux.

La chute

Après la seconde guerre mondiale, l’on voit décroître le nombre des tuber-culoses. Cette décroissance est d’abord à attribuer aux efforts des hygiénistes

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et à la politique de vaccination ; elle s’accélère avec l’apparition de la strepto-mycine et des antituberculeux4.

La conséquence logique est le démantèlement du dispositif de prévention, de soins et de réinsertion. Les oPHS affaiblis resteront dédiés à leurs autres missions. Quant aux sanatoriums, leur destin sera de se reconvertir ou mourir. voulant survivre, ils recherchent une activité de substitution. Quelques-uns deviendront des centres de réadaptation respiratoires (le plus souvent cardio-respiratoires), d’autres s’orientent vers la convalescence en faisant valoir les arguments de leur vocation première : le repos, le grand air et le soleil.

Progressivement la valeur de la proximité se substituera à l’idéologie du grand air. L’on découvrira alors que ces dinosaures rescapés d’un autre âge sont handicapés, outre l’architecture inadéquate, par leur implantation en-dehors des centres urbains où se trouve la population à accueillir. Une tension se dessine comportant d’importants risques de rupture entre la préservation d’un patrimoine, le maintien des emplois dans des régions montagneuses en voie de désertification et la planification des soins vers une proximité en phase avec les besoins des populations.

Références• Dessertine Dominique : Pour une histoire de la lutte antituberculeuse dans la région

lyonnaise, référence exacte inconnue

La montée de la médecine physique

La réadaptation fonctionnelle ne doit pas être confondue avec la méde-cine physique, même si les deux trajectoires se sont rejointes, puis consoli-dées mutuellement. En effet l’activité préexiste largement à la spécialité. Ses prémices remontent à la fin du XIXème siècle avec la naissance de la kinésithé-rapie5. D’importants développements interviennent au lendemain des guerres successives. L’émergence d’une spécialité médicale a été tardive. En France elle remonte au dernier tiers du XXème siècle. Phénomène remarquable, le dévelop-pement des centres de réadaptation a servi le développement de la spécialité médicale et réciproquement la montée de la médecine physique a permis à la réadaptation de devenir pendant plusieurs décennies la discipline reine au sein du moyen séjour. Revenons sur les grandes étapes.

4 L’incidence de la tuberculose était de 11,2 cas pour 100 000 habitants en 2000 et ne diminue plus depuis 1997. La situation épidémiologique de la tuberculose est principalement inquiétante en Ile-de-France où l’incidence est plus du double de l’incidence nationale. Elle atteint 50 cas pour 100 000 dans la ville de Paris.5 Il faudra attendre la loi du 30 avril 1946 pour une organisation et une réglementation du métier de mas-seur-kinésithérapeute.

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Un cas d’écoleLe CRF Louis Bâches implanté au cœur des Pyrénées, au pied du Pic

du Midi de Bigorre, se situe sur un site volcanique à l’origine des eaux thermales (température 60° - sulfatiques, calciques et magnésiennes…). Une activité de cure thermale existe depuis le XIXème siècle.

1950. Le Dr Bâches lance l’idée d’utiliser les eaux thermales pour traiter les patients porteurs de pathologies rhumatismales. Les anciennes piscines municipales d’eau thermale sont transformées en bassins de rééducation. Les soins sont assurés par un médecin et un seul kinésithérapeute. Les patients, porteurs d’un handicap minime sont logés dans les hôtels bagné-rais.

1962. Pour répondre aux besoins de patients atteints d’un handicap plus «  lourd » le Centre est agrandi (2 médecins, 10 kinés, 2 ergothéra-peutes). Parallèlement, le centre hospitalier est sollicité pour assurer leur hébergement. Les premiers patients “ dépendants ” tétraplégiques, para-plégiques, polytraumatisés etc. sont pris en charge sur le site hôpital. Ils bénéficient de soins de rééducation dans les piscines d’eaux thermales et de soins infirmiers à l’hôpital.

1971 .Le centre hospitalier construit une extension portant la capacité de rééducation-réadaptation de 120 à 220 lits. Les services d’ergothérapie et le gymnase sont installés dans une ancienne fabrique textile jouxtant le site. Parallèlement, les équipes médicale et paramédicale s’accroissent.

Ce n’est qu’en 1997 qu’un plateau technique sera construit sur le site de l’hôpital (CRF Louis Baches). Dès lors, le plateau technique et le plateau d’hébergement sont juxtaposés.

Ce rapide survol atteste la connexion entre la réadaptation fonctionnelle et d’autres activités proches : le thermalisme et la rhumatologie. Il suggère une très forte évolution entre 1950 et 1962 : le passage d’une phase artisanale à une véritable organisation. Le décret de 1956 est intervenu entre-temps. Il entérine la maturité à laquelle est arrivée la réadaptation fonctionnelle.

Essor de la réadaptation fonctionnelle

La naissance de la réadaptation suit la première guerre mondiale, provo-quée par l’afflux des mutilés. Ces infirmes ont bénéficié d’un nouveau regard de la Nation. Héros et invalides à la fois, ils méritent le respect et la considé-ration. Faute d’un savoir permettant des soins techniques, l’aide aux mutilés concernera deux dimensions.

• La réadaptation au sens d’une aide à la réinsertion ; un droit nouveau se fait jour : celui de retrouver une place dans la vie sociale.

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• Le développement de la prothèse. Longtemps l’activité de prothèse restera sous l’égide des Anciens Combattants.

À partir de 1933, le concept acquiert un sens thérapeutique par l’ajout de « fonctionnelle » avec l’apparition des premières techniques telles que les massages, l’électrothérapie, etc.

Le véritable développement de la réadaptation aura lieu au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le contexte de cet essor ne sera plus la prise en charge des mutilés de guerre, mais l’attention portée aux victimes de la longue épidémie mondiale de poliomyélite. L’un des pionniers est André Grossiord, au départ neurologue, appelé à diriger le Centre national de traitement des séquelles de poliomyélite ouvert à Garches en 1949. Citons ses propos  : « L’expérience acquise dans la poliomyélite nous a largement démontré que les séquelles fonctionnelles étaient souvent davantage liées aux déformations qu’aux paralysies elles-mêmes et que ces déformations s’installaient très préco-cement : les dépister au plus tôt, alors que les rétractions en cause sont encore faciles à vaincre, est de la plus grande importance. » La réadaptation fonction-nelle est ainsi intimement liée à l’apparition de nouvelles techniques, d’un corpus de connaissances et de compétences médicales. Autant dire qu’elle a lié son destin à une nouvelle spécialité médicale, créée aux État-Unis à l’Uni-versité de New York, en 1947, sous l’intitulé « Rehabilitation Medicine » à l’initiative de Howard Rusk.

Selon la définition de Claude Hamonet : « La Médecine Physique a rassem-blé, durant cette époque qui débuta juste après la seconde guerre mondiale, une somme considérable, d’apparence confuse, de méthodes et de tech-niques non médicamenteuses, non chirurgicales, qui font, depuis, et désor-mais, inéluctablement partie de l’arsenal de la médecine de rééducation et de réadaptation. Ce fut la prise de conscience de l’importance de l’utilisation des phénomènes physiques en thérapeutique.  » on ajoutera que cette nouvelle approche médicale a pu utilement s’appuyer sur les avancées de la kinésithé-rapie, qui a reçu son organisation et sa réglementation à la même époque (loi du 30 avril 1946).

La médecine physique

En France, il faudra encore patienter plusieurs décennies pour que la spécialité soit pleinement reconnue. Retenons trois étapes :

• 4 août 1965 : publication de l’arrêté portant création du CES de « Rééducation et réadaptation fonctionnelle. »

• 1969 : entrée de la « Rééducation Fonctionnelle»  , dans le Comité Consultatif des Universités et premier concours d’Agrégation.

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• 7 mai 1973 : Décret instituant la spécialité médicale de « Rééduca-tion et Réadaptation Fonctionnelle » en application de l’article 12 du décret du 28 novembre 1955 portant Code de Déontologie médicale.

Une enquête de janvier 1974 fait état de 475 médecins spécialistes. Six mois après la reconnaissance officielle, l’effectif est significatif, mais il est encore trop restreint pour asseoir une réelle audience. L’essor conjugué de la réadaptation fonctionnelle et de la Médecine physique n’interviendra qu’ulté-rieurement.

Le développement de la spécialité

À l’instar de toute discipline médicale, la RRF se dote d’institutions natio-nales et internationales au service de la promotion de la profession, de sa reconnaissance et du développement scientifique, au fur et à mesure que le nombre des praticiens s’accroît. En 2005, la France compte environ 1.750 spécialistes, dont la majorité exerce en établissement.

Les organismes successivement créés deviennent si nombreux qu’il a été nécessaire d’y ajouter une fédération :

• le Collège des Enseignants Universitaires de Médecine de Rééducation (CoFEMER), actuellement composé de trente-cinq Professeurs des Universités ;

• le Syndicat National des Médecins Spécialistes en Rééducation et Réadaptation Fonctionnelle – Médecine Physique (SYFMER) fondé en 1973, il a succédé au Syndicat des Médecins qualifiés en Médecine Physique créé au milieu des années cinquante.

• la SoFMER – Société Française de Rééducation Fonctionnelle, de Réadaptation et de Médecine Physique : société scientifique nationale de la spécialité fondée en 1956 ; publie les Annales de Réadaptation et de Médecine Physique depuis 1958 ;

• l’Association Nationale des Médecins Spécialistes de Rééducation (ANMSR) ;

• la Fédération Française de Médecine Physique et de Réadaptation (FEDMER) fédère les différentes structures.

Sous l’égide de cette dernière a été signé en 1999 un document de réfé-rence : la charte MPR.

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Préambule de la charte MPREn référence à la classification de l’oMS, sur le modèle de Wood, les

patients souffrent de lésions responsables de déficiences. Celles-ci génèrent des incapacités sources de désavantages et de handicap. La MPR est au service des personnes porteuses de déficiences et d’incapacités dont la qualité de vie est altérée, temporairement ou définitivement.

Les médecins de MPR coordonnent les soins après avoir établi le diagnostic, en particulier du déficit fonctionnel, par les examens cliniques et complémentaires nécessaires. Les procédures de soins appliquées doivent être régulièrement revues, évaluées et améliorées en application des résul-tats de la recherche conduite dans la spécialité.

L ’objectif de la MPR est l’amélioration de la fonction pour favoriser l’autonomie, la réinsertion et la qualité de vie, en utilisant tous les moyens humains et matériels nécessaires, selon les règles des bonnes pratiques. Son action respecte une éthique orientée vers l’intérêt du sujet, par la délivrance d’une information adaptée qui lui permettra de faire un choix éclairé.

L’affectation des moyens humains et matériels doit être adaptée aux besoins et aux spécificités de chaque structure : équipes pluridisciplinaires spécialisées, de haut niveau de formation initiale et continue, coordonnées par le médecin MPR, dans des équipements techniques et hôteliers évolu-tifs. Les équipes doivent respecter les objectifs fixés en commun et travailler ensemble pour les atteindre.

Au plan international des institutions analogues existent. La spécialité est désormais reconnue et individualisée dans la plupart des pays développés, depuis qu’en 1968 (Genève), le comité d’experts de la Réadaptation Médicale de l’oMS a déclaré l’existence d’une nouvelle discipline médicale : la spécialité de « Physical Medecine and Rehabilitation  ». Les dénominations fluctuent mais impliquent toujours l’idée de rééducation, réadaptation, réhabilitation ou médecine physique. Les Américains utilisent le terme « physiatrist » (Etats-Unis) ou « physiâtre » (Canada).

Le consensus s’établit pour définir la spécialité de la façon suivante : le médecin de Médecine Physique et de Réadaptation est le spécialiste qui a pour rôle de coordonner et d’assurer la mise en application de toutes les mesures visant à prévenir ou réduire au minimum inévitable, les conséquences fonc-tionnelles, physiques, psychologiques, sociales et économiques des déficiences et des incapacités.

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Une technicité et des compétences

Le développement numérique et organisationnel de la spécialité n’est pas une condition suffisante pour donner une assise sociale à l’activité. Elle s’est affirmée en parallèle avec le développement de compétences nouvelles.

Citons à nouveau Hamomet : « (...) l’on commençait à apprendre comment traiter les nouvelles catégories de patients que procuraient les survies des bles-sés médullaires, des grands brûlés, des polytraumatisés, des anoxies néonatales, des spina bifida, etc. (…) Il en va de même dans la prévention des escarres, dans la vidange bronchique posturale des enfants atteints de mucoviscidose, dans la prévention de la luxation spastique de la hanche de l’enfant IMC (…) Parallèlement, l’électrologie médicale jouait un rôle important dans la prise en charge des paralysies. Sur le plan diagnostique, l’électrodiagnostic convention-nel a longtemps servi de base pour le traitement physique, électrothérapique ou autre, puis les connaissances électrophysiologiques et l’électromyographie firent accéder l’électrologie médicale au rang des sciences respectables. L’hy-dro- et la balnéothérapie, la médecine manuelle et les manipulations verté-brales, les techniques kinésithérapiques, les ressources de l’ergothérapie, en association avec les thérapeutiques précédemment énumérées, participent à l’élaboration du concept de“médecine physique” (...) »

Le développement universitaire avec ses composantes de recherche et d’en-seignement a été l’un des moteurs de la constitution d’un corpus de connais-sances qui s’est concrétisé dès 1981 par un manuel dépassant la description de pathologies singulières et des techniques à mettre en œuvre. L’ouvrage de Grossiord et Held donne à la discipline sa dimension générale et académique. Mais le développement des connaissances est également à porter à l’actif des spécialistes dans l’exercice de leur médecine au quotidien : recherches de nouvelles techniques, confrontation dans des congrès, etc. Grâce à l’ensemble de ces concours, la discipline acquiert une qualité supplémentaire précieuse pour asseoir la reconnaissance sociale : la Médecine physique s’occupe de pathologies plus sévères et surtout elle obtient des résultats.

Une autre contribution d’importance est la théorisation de Philip Wood et qui sera à l’origine de la classification des handicaps, la très controversée CIH. Ce médecin britannique, apportera en 1980 une avancée conceptuelle à la définition du handicap. Il définit en effet le handicap comme la conséquence des maladies sur la personne suivant trois plans :

• la déficience, correspondant à l’altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique ;

• l’incapacité, qui est une réduction partielle ou totale de la capacité d’accomplir de façon normale une activité ;

• le désavantage, conséquence de la déficience ou de l’incapacité sur les conditions d’insertion sociale, scolaire ou professionnelle.

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Les travaux de Wood constituent le fondement de la classification interna-tionale des handicaps élaborée à l’initiative de l’organisation mondiale de la santé et adoptée par la France en 1988 comme référence des nomenclatures statistiques sur le handicap. La principale critique porte sur l’aspect essentiel-lement fonctionnel du handicap ; la classification ne met pas suffisamment l’accent sur l’aspect social. En somme, une classification par trop médicale. L’oMS tentera de rectifier le tir avec la CIF qui fait une meilleure place aux facteurs environnementaux.

Conclusion

La médecine physique a connu son âge d’or à partir du milieu des années 70. Elle a permis à la réadaptation fonctionnelle de se singulariser et d’être reconnue comme une activité à part, du point de vue de la planification. En effet, la loi hospitalière imposera à la carte sanitaire de définir au sein du moyen séjour un indice et donc une planification spécifique pour la RRF.

Pourquoi la médecine physique et la réadaptation ont-elles pu obtenir ce statut remarquable ? Quelles auraient été les alternatives ?

Pour répondre à la première question, plusieurs éléments peuvent être évoqués :

• comparativement aux autres subdivisions, en particulier la convales-cence, la réadaptation est une activité technique, qui nécessite des moyens : un plateau technique et un personnel nombreux ;

• subséquemment, la réadaptation suppose des médecins spécialisés et actifs ; leur rôle ne se limite pas à la surveillance médicale ; les méde-cins MPR pilotent un processus complexe ;

• enfin la réadaptation obtient des résultats parfois spectaculaires avec des patients gravement touchés et ceci confère à l’activité une image sociale forte et positive.

D’aucuns objecteront que la RRF obtient des résultats précisément parce qu’elle sélectionne les patients. Sans doute. Mais le déploiement des moyens si importants n’est réellement justifié que lorsqu’il est réservé à des patients disposant d’un potentiel de récupération significatif. Quoi qu’il en soit, il n’est pas affirmé ici qu’elle produit des miracles mais seulement qu’elle a profité de ses résultats pour convaincre. Et se faire sa place au soleil du moyen séjour.

Longtemps la convalescence n’a été qu’une timide alternative. Cette forme d’hébergement sous surveillance médicale ne pouvait pas obtenir le même statut. Il n’en va pas de même pour les soins de suite parfois qualifiés de médi-calisés pour désigner une activité s’adressant à des patients lourds et générale-ment âgés. Comme on le verra, la gériatrie s’est organisée plus tardivement et n’a pas réussi à constituer la seconde catégorie susceptible d’être reconnue : les

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soins de suite gériatriques. Au total, les soins de suite sont donc restés polyva-lents, ce qui a nui à leur reconnaissance.

Enfin, l’on pourra constater que la réadaptation fonctionnelle a existé avant la création de la spécialité. Elle était alors pratiquée par des rhumatologues, des neurologues,… De fait, ces disciplines ont été évincées pour se redéployer vers l’exercice libéral ou la pratique hospitalière de court séjour.

Pour ce qui concerne l’avenir, la spécialité connaît un problème démo-graphique préoccupant. La profession estime que 40-50 nouveaux médecins sont formés par an, alors qu’il en faudrait au moins le double pour assurer le remplacement des départs à la retraite. À cet élément numérique s’ajouteront les conséquences des réformes 2008 par lesquelles la réadaptation est renversée de son piédestal.

Références • Bardot André : Histoire de la Médecine de rééducation in Bulletin Syfmer, Le Syfmer

fête ses 50 ans, juin 2006 • Charte MPR signée le 15 octobre 1999 à Angers par les composantes de la FEDMER• Grossiord André, La rééducation dans la poliomyélite, 1955• Grossiord André et Held Jean-Pierre, Médecine de rééducation, Flammarion, 1981• Hamonet, site internet• Hamonet Claude, Les personnes handicapées, Que sais-je ?, PUF, Paris, 2004.• Hamonet Claude, notice biographique André Grossiord pour l’AAIHP• oMS, International Classification of Impairments, Disabilities and Handicaps - A

Manual of Classification Relating to the Consequences of Disease, 1980.• Wood Philip (1990), The International Classification of Impairments, Disabilities

and Handicaps of the World Health organization, in R. Leidl, P. Potthoff, D. Schwe-fel (Eds.). European Approaches to Patient Classification Systems, Berlin: Springer-verlag, 1990.

L’absence (provisoire) de la gériatrie

La gériatrie aurait pu connaître une évolution comparable à la RRF. Le moyen séjour se serait alors structuré en trois composantes : la réadaptation, la gériatrie et le reste. on verra plus loin que le planificateur a tourné autour de ce pot, sans franchir le cap. Probablement parce que les esprits n’étaient pas mûrs pour reconnaître la spécificité médicale des personnes âgées et la nécessité non seulement de disposer de médecins avec des compétences parti-culières, mais encore des structures dédiées. Selon l’axiome durkheimien que la loi ne résulte pas de la volonté personnelle du législateur mais de ce que le peuple est disposé à accepter, il faut identifier dans cette absence une sorte de déni social de la problématique gériatrique. Le développement de la gériatrie en SSR est ainsi marqué par la difficulté de surmonter la conjonction de diffé-rents handicaps.

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• Handicap réglementaireÀ différentes reprises l’évolution du monde hospitalier a renforcé de façon

croissante la limitation de la vocation historique d’hébergement. Le décret de 1980 insiste sur la mission du moyen séjour : assurer, après la phase aiguë de la maladie, le prolongement des soins actifs ainsi que les traitements nécessaires à la réadaptation en vue du retour à une existence autonome. La loi de 1991 enfonce le même clou et définit que les soins de suite ou de réadaptation sont dispensés dans le but de réinsertion. Les missions ainsi définies correspondent bien mieux à l’idéal de la réadaptation fonctionnelle qu’à la gériatrie.

• Handicap social propre au secteur de la personne âgée Reléguées dans les structures du médico-social ou du long séjour, les

personnes âgées n’ont pas bénéficié d’un niveau de soins comparable à d’autres pays. Il est fondé d’admettre que les pouvoirs publics n’ont pas voulu y consa-crer les moyens nécessaires.

• Handicap hospitalieron retrouve la même absence de sensibilité - ou de volonté politique-

dans le faible empressement de l’hôpital pour offrir un accueil et une prise en charge adaptée à cette catégorie d’usagers. Pourtant en raison des polypa-thologies, des polymédications, des complications y compris iatrogènes et des atteintes caractéristiques de l’âge, les personnes âgées forment une proportion de patients augmentant avec le vieillissement de la population. Mais l’hôpital, organisé selon une médecine d’organe et le mythe du soin aigu d’urgence est resté sourd et aveugle à la montée des malades chroniques et de la probléma-tique des personnes âgées.

Dans la période qui nous occupe, la société - et partant l’hôpital - n’était pas prête pour s’intéresser à la question de ces patients qui demandent une attention particulière, une approche différente de la médecine d’organe, récla-ment une durée de séjour longue et pour lesquels ni une franche amélioration, ni un retour à l’autonomie ne sont assurés.

D’autres handicaps tiennent à quelques particularités de l’exercice de la gériatrie.

• La reconnaissance tardive de la gériatrie La gériatrie comme corpus de connaissance s’est bien développée au cours

de la seconde moitié du XXème siècle. Pourtant il faudra attendre 2004 pour que la gériatrie soit reconnue comme une discipline médicale. Donc 30 ans après la Médecine physique. Ce retard est symptomatique de la cécité sociale évoquée.

• La dispersion de l’exercice de la gériatrie Enfin les lieux d’exercice des gériatres sont multiples et ceci a probable-

ment handicapé la reconnaissance de spécialité et de la technicité des soins prodigués. En pratique la gériatrie s’exerce dans l’ensemble des secteurs où sont accueillies des personnes âgées : l’hôpital –surtout en moyen et long

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séjour ; les maisons de retraites médicalisées etc. Cette dispersion a rabaissé la gériatrie au rend d’une médecine générale particulière.

La gériatrie n’a pas à son actif des résultats comparables à ceux de la méde-cine physique. L’amélioration de la qualité des soins, la prise en compte de la réadaptation, une prise en charge plus humaine et moins technique à l’hôpi-tal constituent un progrès humain et médical incontestable pour les patients concernés. Mais cela n’a rien à voir avec les récupérations spectaculaires pour les grands traumatisés crâniens ou les accidentés sévères.

Bien plus, en privant les services de gériatrie des soins palliatifs, le légis-lateur a contribué - sans doute involontairement - à maintenir une image faiblement valorisante.

Le parallélisme entre les deux spécialités médicales atteste de la forte dépendance des organisations et de la reconnaissance des activités, non seulement avec l’accumulation de savoirs, de compétences, donc la capacité d’agir, mais également avec les valeurs sociales. La MPR et la réadaptation ont connu un apogée précoce. La gériatrie devra attendre son heure. Elle viendra avec la revalorisation des soins de suite, la prise de conscience sociale des polypathologies des personnes âgées et l’émergence d’une problématique nouvelle et complexe : les troubles cognitifs désignés par le vocable générique Alzheimer.

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Le moyen séjour à la fin du XXème siècle

Recomposition du système hospitalier

En l’espace d’une décennie, entre 1987 et 1996, le système hospitalier connaît une inflexion significative. « En France, les équipements hospitaliers ont beaucoup évolué depuis une quinzaine d’années sous l’effet des progrès techniques, du développement des alternatives à l’hospitalisation tradition-nelle, des contraintes économiques… Cette évolution s’est notamment traduite, sur le plan quantitatif, par une diminution du nombre de lits d’hos-pitalisation pour des soins de courte durée (médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique) de 305 000 à 260 000 entre 1987 et 19966. Dans une moindre mesure, le nombre de lits d’hospitalisation consacrés aux soins de suite (réédu-cation, convalescence) a également connu une baisse de 97 000 à 92 000 lits pendant la même période. Pour les lits d’hospitalisation en psychiatrie, la diminution a été plus marquée puisque leur nombre est passé de 107 000 à 75 000. En revanche, le nombre de lits de soins de longue durée, consacrés à l’hébergement médicalisé des personnes âgées, a fortement augmenté, passant de 59 000 à 81 000 entre 1987 et 1996 . En parallèle la durée moyenne de l’hospitalisation de courte durée est passée de 7,5 à 5,8 jours. » (oRS Alsace, 1999)

Autour de l’année 2000, le paysage hospitalier n’a plus qu’un lointain rapport avec la situation de 1956. Le secteur d’activité revêt une importance croissante aussi bien pour le court séjour qui est entré dans la problématique de raccourcissement des durées de séjour, que pour les patients. Et même pour le système de santé qui y consacre un volume financier loin d’être négligeable. 6 oRS Alsace 1999 ; les chiffres cités sont nationaux.

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Pourtant le secteur reste mal appréhendé, sûrement méconnu et peut-être même mal reconnu.

Par ailleurs le statut juridique des établissements n’est pas unique. L’activité se partage entre les trois statuts : public, privé non lucratif (PSPH ou PNL), privé lucratif. Chacun de ces secteurs a des spécificités et des atouts.

Le tournant du siècle est marqué par l’apparition d’une problématique nouvelle : connaître, mesurer, pour mieux organiser cet important secteur de l’activité hospitalière.

L’étude GAIN SSR

Le Groupe d’Animation et d’Impulsion National a été mis en place par l’Assurance Maladie en 1991. Son premier champ d’investigation a été le court séjour ; successivement l’obstétrique, la médecine et la chirurgie. Consta-tant que les activités SSR représentent 9,5 % des dépenses hospitalières, une double vague d’audit par coupe transversale7 a été décidée pour 1995 et 1996. Les objectifs de l’enquête sont :

• analyse de l’offre existante à partir des indicateurs classiques ;• l’analyse médicale ;• l’évaluation des besoins ;• l’analyse médico-tarifaire des structures existantes.La coupe a concerné l’ensemble du secteur en vue de documenter les établis-

sements, les populations accueillies ; elle a été étendue au court séjour pour identifier les besoins. Cette étude de grande envergure a permis une première photographie nationale extrêmement complète du secteur. Le dépouillement fait apparaître qu’au plan national, les quelques 1.600 structures totalisent 97.392 lits et places.

Groupe de discipline Lits installés Places installées Total

Repos-convalescence-régime 36 382 36 382

Rééducation-Réadaptation fonction-nelle

28 795 3 365 32 160

Autres disciplines SSR 28 531 319 28 850

Total soins de suite et réadaptation 93 708 3 684 97 392

L’activité est inégalement répartie sur le territoire. L’on ne sera pas étonné de l’héliotropisme des implantations : dans le sud et au bord de la mer. Le Centre, la Champagne, les Ardennes… ont un taux faible - l’écart avec le 7 Une coupe transversale consiste à examiner tous les patients (ou seulement leur dossier) d’un établisse-ment, présents un jour donné. L’enquête GAIN a donc concerné tous les patients de tous les établissements.

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Languedoc-Roussillon est d’un rapport supérieur à 3. Dans ce dernier cas, l’explication est à rechercher dans le recrutement interrégional.

Taux de recrutement interrégional pour 100.000 habitants

L’enquête établit une typologie de l’activité et distingue huit catégories. Cette hétérogénéité ne doit pas masquer que 80 % des lits installés appar-tiennent à trois disciplines dominantes.

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Dans son versant MCo, l’enquête fait apparaître des difficultés d’adres-sage pour les patients les plus lourds : « 26 % des malades ne trouvent pas de réponse adéquate à leur état de santé, 6 % attendent au-delà de 28 jours en encombrant les services de court séjour: parmi eux, près de 40 % ont besoin de soins de suite et de réadaptation qui ne peuvent être mis en œuvre dans des délais adaptés à leur état. »

Le volet « patient  » est abordé avec l’objectif de décrire la lourdeur des prises en charge. Un indice est établi, variant entre 0 (patients ne nécessi-tant aucun soin) à 7 (lourdeur maximale). L’enquête découvre que le segment des patients légers représente quelques 22.000 lits - essentiellement dans la catégorie des centres de convalescence/repos. Les auteurs posent immédiate-ment la question de l’utilité d’une prise en charge si peu médicalisée. Enfin, l’enquête met l’accent sur l’âge élevé en soins de suite.

Classification des établissements en fonction des soins donnésÉtude GAIN

1. Hébergement avec soins mesurés faibles.2. Soins techniques infirmiers lourds (selon classification des soins infir-

miers auprès de la personne soignée - SIIPS).3. Soins techniques infirmiers moyens -Soins de nursing d’intensité lourde.4. Service mixte avec soins de suite de type techniques infirmiers lourds

ou moyens, soins de rééducation et réadaptation fonctionnelle d’inten-sité moyenne.

5. Rééducation, réadaptation fonctionnelle d’intensité moyenne.6. Rééducation, réadaptation fonctionnelle avec intensité dominante

lourde.7. Soins de rééducation, réadaptation fonctionnelle et soins techniques

infirmiers d’intensité lourde.

Les promoteurs de la coupe GAIN tirent de ce qui précède la conclusion d’une nécessaire réorganisation de l’offre de soins de suite ou de réadaptation. Deux objectifs d’optimisation sont mis en avant :

• redéployer la quasi-totalité des moyens utilisés pour l’accueil des patients nécessitant peu de soins vers une réponse aux besoins expri-més par des patients plus lourds ou, à l’inverse, vers une réponse de type médico-social ;

• mettre un terme au recrutement hors région, excepté pour les établis-sements à haute spécialisation dont le recrutement ne peut être que plurirégional.

Telle sera l’évolution au cours de la décennie suivante :

é

é

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• la fin des établissements de convalescence - soit la fermeture pure et simple, soit la montée en gamme des soins de suite médicalisés ;

• l’orientation vers une offre de soins de proximité, enjeu des futurs SRoS, et donc la fermeture de lits dans les régions excédentaires pour les rouvrir dans les régions sous-équipées.

L’enquête GAIN a été marquante. Elle a été conduite par l’Assurance Maladie et elle a été exhaustive. Les résultats peuvent cependant être soumis à l’examen critique. Car elle porte l’empreinte de son temps. Ainsi, le cadre méthodologique s’avère plutôt conservateur, car il méconnaît la montée en charge déjà amorcée de la gériatrie, même si l’étude relève que le vieillissement de la population sera un enjeu. Par ailleurs elle aborde le moyen séjour dans une fonction hospitalière de « dégagement », notion déjà en cours d’obsoles-cence. La limite essentielle est donc que l’enquête n’a pas cherché à appré-hender les parcours ou filières de soins. La différence est notable. Dans cette dernière approche le SSR n’est plus au service du court séjour, mais au service du patient auquel il a la vocation d’apporter les soins requis par son état. Il faudra encore attendre quelques années pour une redéfinition en ce sens.

Planification et autorisation

Deux outils réalisent rapidement une recomposition qui constitue un nouveau façonnage du moyen séjour : l’autorisation et la planification (carte sanitaire).

Des indices de besoins

Progressivement l’activité de moyen séjour est de plus en plus encadrée. L’autorisation est délivrée si l’activité répond aux besoins et si l’établissement remplit les conditions techniques - ce dernier point n’est pas une nouveauté depuis le décret de 1956. L’élément nouveau est que l’autorisation est doré-navant délivrée en fonction de la carte sanitaire. Selon l’arrêté du 9 décembre 1988, l’indice de besoins afférents aux moyens d’hospitalisation pour le moyen séjour est fixé de 1 à 1,8 lits pour 1.000 habitants. Au sein de cet indice, l’indice de besoins afférents aux moyens d’hospitalisation pour la réadaptation fonctionnelle est fixé de 0,30 à 0,50 lit pour 1.000 habitants.

La notion d’indice s’avère rapidement trop limitée. D’une part l’indice ne prend pas en compte les subdivisions de l’activité de moyen séjour et d’autre part il n’apporte pas de réponse aux besoins des populations locales au sein d’une même région sanitaire. La loi de 1991 amplifie le processus de planifi-cation en instituant les SRoS (Schéma Régional de l’organisation Sanitaire). Les SRoS ont de ce fait vocation à préciser à la fois l’analyse des besoins et les

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réponses adoptées, au sein de chacune des disciplines, mais également au sein de chacun des secteurs de la région sanitaire. Le SRoS devient alors un réel outil de planification.

Conformément à la loi, les SRoS de première génération, comportent la fixation des indices régionaux. Ces indices sont calculés sur la base de la population comptée au dernier recensement et l’estimation des évolutions en cours. L’indice est d’abord calculé globalement pour l’ensemble du SSR, puis est fournie la précision sur l’équipement en lits de réadaptation fonctionnelle. Ils comportent également le découpage de la région en secteurs. L’activité sanitaire est de fait étagée en activités de proximité qui ont vocation à exister dans chaque secteur et activité régionale, voire nationale réservée à des établis-sements de recours.

«  L’établissement de la carte sanitaire est précédé d’un bilan quantitatif et qualitatif des installations, équipements et activités énumérés à l’article R 712-2, existants ou autorisés dans la zone sanitaire considérée (article R. 712-3). » Ce bilan figure dans le volet « Soins de suite ou de réadaptation » du SRoS.

Depuis 1996, les projets sont préparés par l’ARH, puis ils sont soumis à concertation d’une part aux conférences sanitaires de secteur et d’autre part au CRoSS (L 712-11).

L’une des difficultés de cette planification sera l’absence de lien entre l’auto-risation et le financement. Les promoteurs peuvent donc identifier un besoin non couvert, solliciter une autorisation, l’obtenir,… et rester dans l’incapacité de la mettre en œuvre faute de moyens financiers.

Un exemple : l’Alsace

L’enquête GAIN a situé l’Alsace parmi les régions excédentaires. Comme d’autres régions montagneuses, la crête des vosges est parsemée d’anciens sanatoriums reconvertis. De cette histoire résulte une double problématique : l’Alsace comporte trop de lits et ils sont mal situés, car en-dehors des bassins de population urbains.

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La difficulté du planificateur est de cerner l’activité dans ses composantes principales. L’organisation régionale doit échapper au risque de nivellement et identifier des catégories, des pathologies, des sous-spécialités. En l’absence d’une segmentation fondée sur un texte de référence, chaque SRoS tente de résoudre la difficulté en adoptant sa propre typologie.

Typologie établie par l’ARH d’Alsace pour la révision du SROS

« L’organisation territoriale des moyens d’hospitalisation préconisée par le Schéma repose sur cette typologie médicale, comportant les filières suivantes :

• orthopédie- traumatologie-rhumatologie ;• neurologie ;• comas ;• cardio-vasculaire ;• respiratoire ;• nutrition ;• alcool ;• soins de suite polyvalents et/ou à orientation gériatrique. »

En réalité, la typologie est explicitement structurée selon deux axes complé-mentaires : la médecine physique (les trois premiers items) et les soins de suite.

Pourtant cette indispensable typologie sera imparfaitement utilisée. Ainsi l’état des lieux de 1999, documente une segmentation un peu différente, dans laquelle apparaît une catégorie supplémentaire, fortement représentée : la convalescence. Tout le problème est là ; les orientations de l’enquête GAIN (la reconversion des lits et de repos et de convalescence) restent à mettre en œuvre. Ce sera l’objectif du prochain SRoS.

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La planification régionale ne respecte pas non plus la typologie évoquée. Elle l’adapte en s’appuyant sur la bi-partition classique qui oppose la réadap-tation fonctionnelle aux soins de suite.

Le schéma régional doit aller plus loin. Il doit encore décliner la planifica-tion dans les secteurs sanitaires. S’agissant de la première occurrence, l’exercice est difficile. Le SRoS alsacien élude la question de détail et définit simplement les grandes lignes en spécifiant, comme attendu que certaines activités ont une

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vocation intersectorielle, par exemple régionale, alors que d’autres ont une vocation de proximité.

Le rapprochement pour chaque secteur du nombre de lits installés et des besoins montre des décalages inquiétants. Ainsi le secteur n°3 fort de quelques 1000 lits, voit son besoin évalué à moins de la moitié. En Alsace, la planifi-cation est sur le point de déclencher un bouleversement de grande ampleur.

La fin du recrutement national

L’orientation de proximité, par laquelle le recrutement régional prend le pas sur le recrutement national constitue un changement qui met en péril la survie de certains établissements et malmène particulièrement les régions déjà repérées par l’enquête GAIN. La question comporte inévitablement une dimension politique.

Dans une question écrite8, le sénateur Fernand Tardy « attire l’attention de M. le secrétaire d’État à la santé et à la sécurité sociale sur les graves incidences qu’aura la décision de rendre opposable, en tant que schéma régional d’orga-nisation des soins spécifiques, l’étude réalisée par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales de la région Provence - Alpes - Côte d’Azur. Les objectifs découlant de cette étude portant sur les soins de suite et de réadap-

8 Question écrite n° 14824 publiée dans le Jo Sénat du 04/04/1996 - p. 787.

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tation sont en totale contradiction avec la vocation nationale de nombreux établissements gérés par les dispositions de l’article R. 162-37 du code de la sécurité sociale (issu de l’article 12 du décret no 73-183 du 22 février 1973) qui stipule : ‘‘la règle dite de la limitation à l’établissement le plus proche, en matière de prise en charge des soins dispensés dans les établissements privés conventionnés, n’est pas applicable lorsque l’assuré est hospitalisé dans une maison de repos et de convalescence.’’  » Dans sa réponse, le Ministre9 est inflexible, signe que les temps ont changé ; il rappelle « deux éléments d’infor-mation essentiels : d’une part, c’est au niveau régional que les besoins de struc-tures sanitaires de soins de suite de réadaptation doivent être estimés, d’autre part, en Provence - Alpes - Côte d’Azur, le taux d’équipement régional dépasse très largement l’indice plafond puisqu’il se situe à 2,8 lits au lieu de 1,8 maxi-mum pour 1 000 habitants. De plus, les enquêtes préalables à l’élaboration du schéma d’organisation sanitaire ont mis en évidence un dysfonctionnement majeur dans le dispositif de soins : alors qu’une part importante de l’activité de ces établissements est réalisée au profit de patients ne justifiant pas une hospi-talisation en soins de suite, les établissements de soins aigus rencontrent des difficultés de transfert de leurs malades dans les structures de soins de suite. » La seul issue offerte à ces établissements est une reconversion dans un autre secteur : le médico-social.

Au seuil de l’an 2000, le mouvement est lancé. L’enquête GAIN a cherché à mieux connaître le secteur ; elle a également dévoilé les orientations des pouvoirs publics et annoncé la politique qui sera mise en œuvre par la plani-fication. Après avoir décliné ces orientations régionalement, voire secteur par secteur, dans l’élaboration des SRoS, les ARH seront en charge de leur réali-sation. La recomposition de l’offre de soins SSR est en marche.10

Évolution de l’activité SSR

Au plan national

La DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques – rattachée au Ministère de la Santé) publie une étude sur les établissements de santé en 200411. L’activité SSR se répartit entre les secteurs comme indiqué ci-dessous. Le secteur public est dominant. Mais seul le secteur privé non lucratif a fortement investi les alternatives à l’hospitalisation complète.

9 Réponse publiée le 12.09 1996, Jo du Sénat, p. 2369.10 L’ensemble des structures devront solliciter le renouvellement de leur autorisation en 2001. Ce sera l’occa-sion de rendre les derniers arbitrages pour ceux qui auraient cherché à échapper à l’évolution.11 Les Établissements de santé. Panorama pour 2004, La Documentation Française, 85 p.

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Public PNL Privé Lucratif Total

Hospitalisation complète 38 186 30 411 22 372 90 969

Hospitalisation partielle 1 285 2 789 968 5 042

Total 39 471 33 200 23 340 96 011L’étude comporte, entre autres, des statistiques concernant l’évolution du

paysage hospitalier entre 1992 et 2004. Au cours des années 90, le système hospitaliser a subi une érosion significative de ses capacités ; environ 16 % des lits sont fermés. Tel était expressément l’objectif de la réforme de 1991. La fermeture des lits n’est que partiellement compensée par la montée des alternatives. Les activités SSR n’échappent pas au mouvement général, mais la proportion est moindre – la diminution est à peine de 3%. Toutefois, la situation selon les secteurs est inégale. Les plus fortes pertes concernent les établissements PSPH - le secteur public est touché d’une façon moindre. Dans ce contexte morose, le secteur lucratif tire son épingle du jeu : il se développe et crée 4.000 places SSR.

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Au plan régional : Île-de-France

En juin 2000, l’ARH d’Île-de-France dresse le bilan régional de l’offre en soins de suite et de réadaptation. L’objectif est de faire le point sur la réalisa-tion du SRoSS SSR.

Depuis 1997, les capacités autorisées ont augmenté de plus de 3.000 lits et places, dont les deux tiers correspondent à des reconversions de lits de court séjour. L’essentiel des créations concerne le secteur privé lucratif, mais ce secteur subit également l’essentiel des fermetures. L’APH-HP bénéficie de la plus grande proportion de créations nettes.

L’étude de cette importante région forte de plus de 10 millions d’habitants et disposant d’environ 15.800 lits autorisés butte sur la difficulté d’appréhen-

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der l’activité SRR dans ses composantes essentielles. L’AHRIF entreprend de faire évoluer la typologie GAIN à partir de données du PMSI pour un outil spécifique à la région.

Classification AHRIF (2001)• Gériatrie (80 % RHA > 70 ans)• Pédiatrie (80 % RHA > 16 ans)• Réadaptation (Gain types 5 et 6)• SSR post réanimation (Gain type 7)• Soins palliatifs• Ets de soins de suite selon âge (dominante : adulte/gériatriques) (…)• Ets accueil des traumatisés cérébraux adultes ou mucoviscidose enfant

En Île-de-France, la question des établissements de convalescence et de repos ne se pose déjà plus. En revanche la problématique gériatrique est deve-nue saillante. Elle concerne au premier chef les établissements disposant d’une autorisation de soins de suite. Certains se sont spécialisés : 80 % des résumés hebdomadaires du PMSI concerne des patients âgés ; d’autres peuvent avoir une dominante. Mais la différenciation selon l’âge n’est pas l’unique axe d’ana-lyse. D’autres problématiques apparaissent en raison de leur forte technicité qui impose de fait une spécialisation (traumatisés crâniens).

***

À la fin du XXème siècle les structures SSR ont réalisé leur mutation. Est abandonnée la mission d’hébergement propre à l’idée de repos ou de conva-lescence  : se mettre au vert, respirer le bon air, reprendre des forces après une maladie ou une opération. on peut établir un parallèle schématique avec l’évolution générale des hôpitaux qui ont eux-aussi été confrontés à cette inflexion d’abandonner l’hébergement. La mutation soignante suppose d’un côté d’accueillir des vrais malades et de l’autre une montée en gamme notamment pour ce qui concerne le personnel : médecins, soignants, para-médicaux… mais également pour ce qui concerne l’organisation. Dorénavant l’essentiel des exigences édictées pour le champ MCo s’appliqueront au SSR : l’hygiène, la certification, les droits des patients (loi 2002)…

En réalité, l’évolution va se traduire par l’exigence de prendre en soin de façon croissante des personnes de plus en plus âgées, de plus en plus dépen-dantes, souffrant de maladies chroniques, et enfin de faire face à la désorien-tation (démence). La réadaptation fonctionnelle qui se singularise dans ce tableau par une ambition médicale et un plateau technique spécialisé pourra-

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t-elle tirer son épingle du jeu ou sera-t-elle victime de la remise en question de la bipolarisation qui s’amorce par la montée des soins de suite médicalisés et gériatriques ?

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Un nouveau cadre

La planification ayant porté ses fruits, un autre enjeu arrive au premier plan, celui de la révision de la tarification. Pour aborder ce terrain complexe, la grossière typologie - au demeurant faiblement standardisée - est un outil tota-lement inadéquat. L’heure est à l’invention d’un financement tenant compte des patients réellement pris en charge. Dans l’immédiat le modèle n’est pas encore défini, pas même dans ses grandes lignes. Cependant il est déjà acquis qu’il existe des inégalités et qu’elles doivent être résorbées. Les établissements publics et PSPH bénéficient d’une dotation globale, qui a l’inconvénient d’être figée ; elle constitue un budget historique intéressant pour les uns, péna-lisant pour d’autres. Les établissements privés sous oQN sont restés au prix de journée, avec là encore des rentes de situation ou des difficultés. En particulier la montée en gamme des soins de suite rencontre un problème de finance-ment, même si des marges peuvent y être affectées. Le prochain chantier sera la remise à plat de la tarification. Pour ce faire, il est impératif de se doter d’un nouveau cadre. Tel sera l’objectif du PMSI et de l’ENC.

Le PSMI SSR

L’enquête GAIN a mis en lumière la méconnaissance de l’activité médicale réalisée dans le monde multiforme du moyen séjour. La mise en place du PMSI apportera-t-elle la lumière attendue ? Le PMSI est une vaste entre-prise : Programme de Médicalisation du Système d’Information. Très concrè-tement, cela consiste à recueillir pour chaque patient hospitalisé un ensemble de données (pathologie, âge, mode d’entrée, de sortie, durée de séjour) carac-

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téristiques de son état, ainsi que de sa prise en charge. Autrement dit, le PMSI se présente sous l’aspect d’un outil descriptif, d’un recueil exhaustif d’informa-tions médicales. En fait le projet du PMSI comporte par-delà la description de l’activité hospitalière une visée économique. En cela il transpose un principe déjà appliqué en court séjour.

L’équipe projet est en place depuis 1993 et l’ensemble des travaux aboutit en 1997 à la publication des textes de référence et au lancement des forma-tions. Le PSMI est ainsi un processus de standardisation. Il rappelle différents principes, par exemple le décompte des journées de permission. Le PMSI est plus que cela, c’est un mouvement de formalisation. En effet, pour décrire une activité médicale, il faut disposer d’une classification. Celle-ci définit des composantes en nombre limité, des rubriques à renseigner, et d’autre part pour la plupart d’entre elles le thésaurus des réponses possibles. Pour ce qui concerne les éléments médicaux du diagnostic, le PMSI s’appuie sur la CIM 10 (Classification Internationale des Maladies, version 10), publiée par l’organisation Mondiale de la Santé (oMS). Seuls les temps de rééducation sont des variables métriques ; toutes les autres variables reposent tantôt sur un codage (choix dans une liste), soit une évaluation sur une échelle (degré de dépendance). Donc avant de lancer le recueil des données, il faut que tous les codes soient définis et que le personnel concerné soit formé. Une nouvelle fonction médicale est dorénavant requise : un médecin doit être chargé du « Département d’Information Médicale (DIM) ».

Cette phase d’élaboration a été très importante sur le plan conceptuel, car, pour une fois, le système mis en place n’est pas la transposition d’une méthodologie nord-américaine ; il résulte de travaux spécifiques pour coller aux particularités du moyen séjour français. En contrepartie, la classification retenue repose essentiellement sur des avis d’experts et une expérimentation limitée.

Première originalité, les experts n’ont pas retenu le séjour comme unité d’œuvre, mais la journée. Ce parti-pris se justifie par la durée de séjour qui s’élève en moyenne à 35 jours, mais avec une énorme dispersion. D’un côté il existe encore des séjours de convalescence d’une durée de trois semaines, de l’autre des séjours de réadaptation de traumatisés crâniens sortant du coma qui peuvent dépasser le semestre. La variabilité des séjours est autre difficulté : l’un récupère plus vite, l’autre atteint un palier.

Le recueil est effectué chaque semaine avec pointage des journées de présence. Même si l’état du patient n’a pas évolué. Dans le principe, il s’agit de « coder la prise en charge » : ce dont l’équipe s’est occupée (la consomma-tion de ressources) et non pas les caractéristiques générales du patient et des pathologies qu’il présente.

L’ensemble des informations de la semaine est tracée dans un RHS ou Résumé Hebdomadaire Standardisé. Quelles sont les variables ?

• Quelques variables administratives.

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• Les caractéristiques socio-démographiques ainsi que la filière de soins du patient, la date de l’intervention chirurgicale.

• La pathologie : la morbidité, le diagnostic principal, les diagnostics associés, la finalité principale de prise en charge, éventuellement les affections étiologiques si elles sont connues.

• La dépendance aux actes de la vie quotidienne : locomotion, alimen-tation, toilette, élimination, utilisation du fauteuil roulant ; la dépen-dance relationnelle et cognitive.

• Ainsi que quelques marqueurs de prise en charge, en particulier les actes du CdARR, ainsi que des actes médicaux particuliers.

Le CdARR ou catalogue des actes de rééducation et réadaptation est une autre spécificité du PMSI moyen séjour. En effet si les paramédicaux interve-nant sur le plateau technique sont invités à noter le temps consacré au patient, y compris éventuellement en son absence, la cotation ne s’effectue pas par métier mais selon des catégories d’actes, lesquelles peuvent concerner diffé-rents métiers. Autrement dit, il n’y a pas un décompte du temps kiné ou ergo, mais un relevé du temps passé aux activités de rééducation sensori-motrice.

Les catégories du CdARR• Mécanique• Sensori-motrice• Neuro-physiologique• Cardio-respiratoire• Nutritionnelle• Sphinctérienne et urologique• Réadaptation et réinsertion• Adaptation d’appareillages• Rééducation collective• Bilans• Physiothérapie• Balnéothérapie

L’ensemble des informations est saisi par informatique, puis exploité par un logiciel qui anonymise les données nominatives, puis effectue un traite-ment dénommé groupage. Il s’agit d’un algorithme de classification par lequel le RHS est affecté d’abord à un type médical : la CMC ou Catégorie Majeure Clinique, par exemple la CMC 12 des affections neuro-musculaires. Dans un second temps l’algorithme affecte la semaine à un Groupe Homogène de Journées ou GHJ.

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Liste des Catégories Majeures Cliniques ou CMC

11 Poursuites de Soins Médicaux Cardio-vasculaire/Respiratoire

12 Poursuites de Soins Médicaux Neuro-Musculaire

13 Poursuites de Soins Médicaux Santé mentale

14 Poursuites de Soins Médicaux Sensoriel et cutané

15 Poursuites de Soins Médicaux viscéral

16 Poursuites de Soins Médicaux Rhumato/orthopédique

17 Poursuites de Soins Médicaux Post-Traumatique

18 Poursuites de Soins Médicaux Amputations

20 Soins palliatifs

30 Attente de placement

40 Réadaptation/Réinsertion

50 Poursuites de Soins Médicaux Nutritionnels

60 Autres situations

80 Gériatrie aiguë

90 Erreurs/Sans objet

99 Goupage impossible

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Les GHJ de la CMC 11

001 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge Cliniques Très Lourdes

002 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge Cliniques Lourdes

003 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge de Rééducation-Réadaptation Complexes

004 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge de Rééducation-Réadaptation

005 11 Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dépendance physique<=12

006 11 Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dépendance physique>12

007 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Soins post-chirurgicaux - Dépendance physique<=12

008 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Soins post-chirurgicaux - Dépendance physique>12

009 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Autres - Dépendance physique<=12

010 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Autres - Dépendance physique>12

011 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge Cliniques Très Lourdes

012 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge Cliniques Lourdes

013 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge de Rééducation-Réadaptation Complexes

014 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge de Rééducation-Réadaptation

015 11 Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au vIH - Dépen-dance physique<=12

016 11 Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au vIH - Dépen-dance physique>12

017 11 Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires Chroniques - Dépendance physique<=12

018 11 Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires Chroniques - Dépendance physique>12

019 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance physique<=12

020 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance physique>12

280 11 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Patients opérés depuis moins de 21 jours

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Les ssR : hieR, aujouRd’hui…et demain ?

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Exemple d’algorithme de groupage

La classification se nourrit d’une préoccupation médico-économique. Elle considère que le coût direct moyen d’une journée constitue la variable à expliquer. Elle repose de ce fait sur l’identification des groupes de prises en charge de lourdeur différente selon les caractéristiques des malades. Au sein de chacune des CMC, est opérée une subdivision selon l’âge (adulte/enfant), puis sont définis les mêmes segmentations :

• les prises en charges très lourdes (PCTL) ;• les prises en charges lourdes (PCL) ;• les prises en charges de rééducation réadaptation complexes ou PRRC ;

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BRèvE HISToIRE DU SECTEUR (1956-2008)

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• les prises en charges de rééducation et réadaptation ;• les prises en charges avec dépendance aux AvQ élevée (> 12).Sont ainsi définies des classes selon les lourdeurs. Enfin les données sont transmises aux autorités régionales pour exploi-

tation. Progressivement a été développée une série de tableaux statistiques (tableaux MAHoS) décrivant l’activité médicale des établissements SSR sous un jour jusqu’alors inégalé.

Exemple Tableau MAHOS 7Tableau 7 Prises en charge particulières 2003

(base nationale des établissements publics et PSPH – source ATIH)

Effec

tif

tota

l

Tota

l

Effec

tif

hosp

. co

mpl

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Hos

p.

com

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Effec

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hosp

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Hos

p.

jour

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Effec

tif

séan

ces

Séan

ces

Prises en charge cliniques très lourdes

41536 1,1 39893 1,2 1471 0,4 172 0,3

Prises en charge cliniques lourdes

240017 6,3 213343 6,3 23417 6,1 3257 5,8

Prises en charge en PRRC

116380 3,1 78945 2,3 34157 9,0 3278 5,8

Prises en charge en PRR

490565 12,9 385292 11,4 94102 24,7 11171 19,8

Soins Pallia-tifs - CMC 20

105875 2,8 105844 3,1 31 0,0 0 0,0

Soins Pallia-tifs - Z 51.5

105492 2,8 105487 3,1 5 0,0 0 0,0

Attente de placement - CMC 30

45377 1,2 45327 1,3 50 0,0 0 0,0

Attente de placement - Z 75.1

93821 2,5 92930 2,8 891 0,2 0 0,0

Prises en charge événe-ments aigus

76872 2,0 75910 2,3 926 0,2 36 0,1

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Les ssR : hieR, aujouRd’hui…et demain ?

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Dont RHA affecté à CMC 80

23338 0,6 23300 0,7 36 0,0 2 0,0

Fauteuil roulant

1068124 28,1 988220 29,3 71626 18,8 8278 14,7

Score de dépendance physique > 12

904932 23,8 863893 25,6 35072 9,2 5967 10,6

Score de dépendance relationnelle > 6

382122 10,0 357608 10,6 21321 5,6 3193 5,7

Patients dont l’age < 16 ans

209323 5,5 130701 3,9 69410 18,2 9212 16

Le PMSI est un outil de documentation sans précédent par lequel les autorités de santé accèdent à la capacité de connaître avec précision l’activité de l’ensemble des établissements de soins de suite ou de réadaptation. Ceci en théorie. Car en pratique, l’opération sera à peu près stérile pendant une dizaine d’années.

Pourquoi ce relatif échec ? Tout d’abord le recueil des données n’aura pendant longtemps aucun

enjeu. Tant de travail de collecte pour si peu de résultat finit par découra-ger les bonnes volontés. Les uns omettront d’entrer dans le processus - et cela sans conséquences. D’autres arrêteront d’abord la transmission, ensuite le recueil. D’autres encore ne consacreront plus toute l’attention nécessaire à l’exhaustivité et à la qualité des données. Une autre raison tient aux limites de la méthode. En effet le PMSI ainsi mis en place montre rapidement quelques insuffisances. or malgré ce constat, il ne bénéficie d’aucune amélioration ou mise à jour significative pendant les dix premières années. Enfin, le Ministère a engagé une étude nationale des coûts (ou ENC) permettant de calculer les coûts moyens de chacun des quelques 280 GHJ puis a stoppé la collecte et l’exploitation. Tout porte à croire que l’opération n’était pas soutenue par une volonté politique à toute épreuve.

En dépit de ce manque de crédibilité et de ses limites, l’outil mis en place reste une tentative de cerner l’activité médicale utile à ceux-là même qui la produisent. Même si - malheureusement - aucune utilisation officielle n’a été faite avant longtemps, l’outil PMSI permet aux responsables des établisse-ments, directeurs et médecins, de disposer d’un outil pour analyser les fluc-tuations et notamment la lourdeur des prises en charge. Quant à l’utilisation économique, ce sera partie remise ; elle viendra à son heure.

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BRèvE HISToIRE DU SECTEUR (1956-2008)

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La première ENC SSR

L’ambition ultime du PMSI n’est pas de décrire l’activité médicale. Elle est de concourir au financement selon le principe que « la prise en charge d’un patient atteint d’une affection se manifestant avec une certaine morbidité doit pouvoir être financée d’une façon similaire quel que soit l’établissement où il est reçu. »

La mise en place d’un système de financement médicalisé implique que :1. soit établie une catégorisation des patients par la constitution de

groupes homogènes, tel est le rôle du PMSI ;2. soit connu un coût de revient pour chacun de ces groupes de patients,

tel est le rôle de l’ENC ;3. soit défini un financement, donc un tarif, lequel n’est pas nécessaire-

ment superposable au coût moyen, mais devrait s’en inspirer.Avec le PMSI s’est ouverte la première étape d’un très vaste chantier. Le

second volet a été l’Étude Nationale des Coûts (ENC).Pour la clarté de l’exposé, plusieurs remarques préliminaires doivent être

faites :• L’ENC vise à connaître des coûts moyens. Cela n’a rien à voir avec

le service rendu ou l’efficience de la prise en charge. Elle n’a pas non plus l’ambition de calculer les ressources que l’on pourrait estimer adéquates. Elle est une démarche d’analyse de gestion, un calcul repo-sant sur l’existant.

• À ce stade de l’avancement, le futur système de tarification reste tota-lement dans l’ombre. La mise en place en MCo, d’abord d’un indice synthétique (les points ISA) puis d’une tarification à l’activité, permet d’imaginer un système sur la base d’une transposition, dont les moda-lités demeurent complètement floues.

• En particulier le lien entre un coût moyen calculé et un éventuel tarif reste la grande inconnue. Car le tarif est inévitablement un outil au service d’une politique ; il permet une régulation du marché.

Sur le plan gestionnaire, les deux premières étapes constituent des avan-cées majeures. D’abord le PMSI décrit et par-là permet de comparer l’activité médicale. Ensuite l’ENC, lorsqu’elle livrera ses premiers résultats, permettra d’évaluer la performance économique des établissements, de les comparer entre eux.

La mise en place d’un cadre standardisé

Sur le plan technique, l’ENC est une entreprise qui suppose que de nombreuses questions préalables soient traitées. En premier lieu, elle impose que soit réalisé en amont un travail de standardisation. Un premier pas sera

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Les ssR : hieR, aujouRd’hui…et demain ?

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le retraitement comptable de l’exercice 1998 sur injonction de Marie-Annie Burette, chef de la mission PMSI. Les grands hôpitaux sont déjà entraînés à ce genre de pensum, pour les autres, la lettre précise qu’il y a lieu de l’abor-der comme un « exercice d’entraînement ». Cette indulgence inhabituelle est une précaution indispensable. Car sur le plan technique, beaucoup d’éta-blissements sont mis en difficulté par l’opération. En effet à cette époque, la comptabilité analytique reste une notion d’avant-garde pour l’ensemble des hôpitaux.

Le retraitement comptable aujourd’hui entré dans les mœurs et informa-tisé sous le nom d’ICARE suppose de réaliser les opérations suivantes à partir du compte administratif plus ou moins définitif :

• la neutralisation des charges non incorporables ;• la ventilation entre des sections d’imputation : MCo, SSR… les

sections auxiliaires d’hôtellerie et de logistique… en fait il s’agit d’une ventilation entre les grands chapitres analytiques ;

• la définition de quelques unités d’œuvre élémentaires (la journée pour les repas ou la blanchisserie)…

Cette opération est essentielle. Car elle permet une première étape qui est de calculer un coût complet pour une section d’activité donnée, en l’occur-rence les SSR. En effet dans un hôpital aux multiples activités comment répar-tir les frais généraux entre les urgences, la chirurgie, la maison de retraite, etc ? Il faut des règles précises. Telle est l’ambition du retraitement comptable, qui devient une opération obligatoire et standardisée.

L’ENC doit aller beaucoup plus loin et permettre de rattacher au patient, au cours d’une semaine donnée (PMSI oblige), le coût de l’ensemble des ressources consommées. Ceci suppose un travail encore plus complexe de normalisation. Elle butte sur la difficulté que le PMSI, dans sa version systé-matique et obligatoire, ne collecte pas toutes les informations nécessaires. Aussi les établissements retenus dans l’échantillon doivent-ils s’organiser pour recueillir : les points SIPPS mesurant à la charge de travail soignant, les temps d’intervention individuelle et collective de tous les professionnels etc. En effet le PMSI se contente de recenser les actes selon le CdARR sans se préoccuper du métier - à condition que l’intervenant soit autorisé à les pratiquer. L’ENC doit aller plus loin car l’activité pratiquée par des professionnels de métiers différents peut comporter des écarts de coût non négligeables.

Sur le plan technique, la collecte de données comptables, rapportées ensuite selon des clés d’affectation ou imputées directement aux patients, aboutit à la création de « RHA enrichis ». Le RHA est le fichier établi pour un patient donné au cours d’une semaine unique. Il synthétise en une succession de valeurs l’ensemble des informations : établissement, CMC, GHJ, mode d’en-trée, date de naissance, sexe… pathologie, prise en charge etc. Cette chaîne de caractère dont le format est standardisé par le PMSI, sera complétée par une seconde séquence imputant à la semaine un ensemble de coûts selon des règles

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BRèvE HISToIRE DU SECTEUR (1956-2008)

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précises : salaire des médecins, des infirmières, des médicaments, des interve-nants paramédicaux etc. En fait c’est un petit logiciel qui réalisera la conca-ténation voulue. Et voilà rassemblé pour le patient et la semaine considérés l’ensemble des données médicales, soignantes, rééducatives et économiques.

Pour effectuer ce travail de collecte de données, la mission PMSI recrute des établissements volontaires ; ils seront 40. Ils participent assez largement à la concertation technique nécessaire à la mise en place d’une opération si innovante. Puis au second semestre 2000, l’opération est lancée. Cela ne va pas sans mal, puisque les résultats ne sont rassemblés qu’au début de l’année 2002. Il faudra encore attendre quelques mois pour que les premiers résultats soient publiés.

Entre-temps la collecte des données s’est poursuivie. Mais dès 2001 il y eut des défections. Cela n’empêcha pas la publication d’une nouvelle synthèse consolidant la demi-année 2000 avec 2001. À partir de là, l’opération se ralen-tit puis s’arrête. Curieusement de nouveaux établissements entrèrent dans le dispositif, mais les données ne seront jamais traitées.

Les résultats et retombées

Comme attendu, l’ENC objective une très significative inégalité de ressources entre les établissements. Elle confirme l’anormale diversité des coûts de revient pour la prise en charge de patients similaires. Elle démontre les aberrations des budgets historiques. En effet, si certains écarts entre les budgets des établissements peuvent s’expliquer par des différences d’activité médicale (plus ou moins technique, plus ou moins lourde) d’autres écarts proviennent simplement du fait que les uns sont sous-dotés et les autres sur-dotés à activité comparable.

L’ENC fournit ensuite une matrice des coûts moyens par GHJ.

CMC GHJ Coût moyen

Libellé

11 1 274 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PCTL

11 2 387 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PCL

11 3 221 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PRRC

11 4 236 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PRR

11 5 240 Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dép. physique <= 12

11 6 . Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dép. physique> 12

11 7 267 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - Soins post-chirurgicaux - Dépendance physique <= 12

11 8 406 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - Soins post-chirurgicaux - Dépendance physique> 12

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L’HôPITAL D’HÉRICoURT : UNE HISToIRE CENTENAIRE

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11 9 188 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Autres - Dépendance physique<=12

11 10 393 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - Autres - Dépen-dance physique> 12

11 11 272 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>= 16 ans - PCTL

11 12 246 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - PCL

11 13 213 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - PRRC

11 14 208 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - PRR

11 15 175 Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au vIH - Dépendance physique<=12

11 16 257 Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au vIH - Dépendance physique>12

11 17 181 Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires Chroniques - Dépendance physique<=12

11 18 251 Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires Chroniques - Dépendance physique>12

11 19 169 CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance physique<=12

11 20 239 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance physique>12

11 280 189 Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - opérés depuis moins de 21 jours

D’autres résultats méritent d’être évoqués. L’ENC valide la hiérarchie introduite dans l’algorithme de la classification du PMSI (les prises en charges particulières). À la complexité médicale de la prise en charge correspond une gradation des coûts de revient.

L’ENC fournit ensuite une table de référence du coût de l’unité d’œuvre, par exemple la minute de rééducation/réadaptation ou le point SIPPS.

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Enfin est publié sous forme d’une matrice Excel le tableau de décompo-sition du coût complet moyen par GHJ : coût médecin, infirmière, médica-ments, kiné, ergo, orthophoniste, psychologue... à la journée.

L’on n’a pas manqué de critiquer le résultat à partir d’une mise en cause de la méthode : insuffisance du PMSI, biais et taille de l’échantillon des établis-sements participants… mais le fait est que ces résultats seront pendant près de 10 ans les seules données disponibles. La première ENC est de ce fait une étape majeure.

L’ENC étant l’unique référence médico-économique à ce jour, l’on ne peut que vivement regretter que la collecte se soit arrêtée. Car ces chiffres auraient gagné à être suivis, consolidés, vérifiés. Il est, par ailleurs, très étonnant que les autorités de tarifications aient si peu utilisé ces informations de benchmarking pour réexaminer avant l’heure les budgets historiques.

Références• Guide des retraitements comptables de l’exercice 1998, Ministère de l’Emploi et de la

solidarité, direction des hôpitaux.• Manuel Étude de coûts – Soins de suite et de réadaptation, Ministère de l’Emploi

et de la solidarité, direction des l’Hospitalisation et de l’organisation des Soins, 2ème

édition, 2001.• Étude Nationale de Coût PMSI SSR – exploitation du premier semestre 2000.• Étude Nationale de Coût PMSI SSR – Échelle 2ème édition, ATIH.

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La typologie de la FEHAP

L’étude de Julien Janneau de l’observatoire Économique de la FEHAP (2006) a été rendue possible par la mise à disposition des fédérations des données collectées par deux démarches complémentaires : la SAE (Statistique Annuelle des Établissements)12 qui documente l’activité et les moyens humains et le PMSI qui décrit l’activité médicale. Le croisement de ces deux sources nationales fournit une vue d’ensemble et précise du champ SSR. Toutefois cette vision comporte une limite : les établissements sous oQN n‘ont appli-qué le PMSI que tardivement. L’étude dont il est question ci-dessous, a traité les données SAE collectées pour 2003 et le PSMI collecté pour 2002 – donc sans les oQN.

Un premier objectif a été la description du secteur SSR. Un autre a été de comparer les soins de suite et la réadaptation fonctionnelle, prenant acte de la bi-partition évoquée. Un troisième, le plus original, a été de rechercher une typologie statistique au sens de ce secteur relativement multiforme.

Caractéristiques générales des SSR

Selon la SAE 2002, le secteur SSR comporte 1639 établissements se répar-tissant comme suit entre les trois secteurs.

Statut Nombre d’établissements % Public 769 47 Privés non lucratifs 359 22 Privé lucratif 511 31 Total 1639 100

Si le financement des établissements publics s’effectue nécessairement par la dotation globale et celui des établissements privés lucratifs par l’oQN (objectif quantifié national), les établissements non lucratifs ont le choix entre les deux formules. Seuls 13 ont opté pour la formule de financement par le prix de journée.

La forme des établissements est très variable ; il peut s’agir d’un service adossé à un très grand hôpital, d’un petit établissement de convalescence auto-nome ou d’un centre de réadaptation de plus de 100 lits. Le tableau ci-dessous 12 Les établissements sanitaires fournissent chaque année les éléments statistiques au sein d’un important questionnaire d’une vingtaine de pages intitulé « statistique annuelle des établissements » (SAE). Il s’agit essentiellement de la description de l’établissement, de son statut, de ses capacités, de l’activité de l’année précédente et des effectifs en personnel. Cette masse considérable d’informations est, elle aussi, modeste-ment exploitée.

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fournit quelques informations complémentaires sur la part de marché des différents types. Le public représente environ 42 % de l’activité, le non-lucra-tif le tiers et le lucratif le quart

Cependant des différences attirent l’attention : • le secteur non lucratif a plus fortement développé les alternatives à

l’hospitalisation complète ;• les établissements lucratifs sont moins dotés en effectifs médicaux et

non-médicaux - ceci en tenant compte des différents modes d’exercice (salariés, libéraux).

La bi-partition soins de suite/réadaptation fonctionnelle est produite par la nature de l’autorisation délivrée. La statistique montre que la plupart des structures (les deux tiers) sont des établissements de soins de suite. Le fait que les établissements mixtes soient principalement publics, suggère qu’il s’agit d’hôpitaux qui ont développé des services d’aval.

Répartition des établissements au sein des activités SSR

La réadaptation fonctionnelle

Les données antérieures se retrouvent accentuées : le secteur non lucratif est fortement présent, et plus particulièrement en hospitalisation de jour.

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Les ssR : hieR, aujouRd’hui…et demain ?

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Plus intéressant est de cerner la taille des établissements, car ce facteur sera par la suite un facteur qui pourra se révéler significatif pour assurer la péren-nité des structures.

Le secteur public comporte une forte majorité de très petites unités. Cette particularité n’est pas nécessairement un élément de risque, lorsqu’il s’agit d’un service adossé à un centre hospitalier. La situation des autres PNL (l’UGECAM, la Croix-Rouge) qui disposent d’une proportion de 40 % d’éta-blissements de taille importante est trompeuse, leur nombre est limité (une vingtaine).

La disparité entre les statuts apparaît de façon plus prononcée lorsque l’on aborde la question du personnel. Les établissements non lucratifs ont un taux d’encadrement plus élevé et ceci concerne aussi bien le personnel spécifique des métiers de la rééducation/réadaptation que les soignants. Reste à clarifier

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BRèvE HISToIRE DU SECTEUR (1956-2008)

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s’il s’agit d’inégalités de moyens ou d’orientations différentes. Le constat que le secteur lucratif emploie autant de masseurs-kinésithérapeutes mais moins de médecins, d’infirmières, d’ergothérapeutes... induit l’idée qu’il n’accueille probablement pas les mêmes patients13.

Les soins de suite

La majorité des SSR pratique donc les soins de suite et les structures de statut public sont nettement dominantes. L’hospitalisation de jour reste margi-nale. Comparativement à la réadaptation fonctionnelle, le taux encadrement est très significativement moins élevé. Ceci traduit sans doute un handicap historique, mais également l’orientation médicale :

• le personnel soignant est plus nombreux ;• le personnel du plateau technique de rééducation est très limité.

La question de la taille des établissements est plus saillante encore qu’en RRF. Les structures publiques sont les plus petites - et cela correspond à leur caractéristique d’être une unité au sein d’un hôpital. Plus préoccupant pour leur avenir et l’existence chez les PNL - et notamment parmi les adhé-rents de la FEHAP - une forte proportion de petites, voire de très petites, structures assez souvent autonomes.

13 Une hypothèse est tentante, elle reste à confirmer : que les PL exercent préférentiellement une acti-vité orthopédique standardisée et que les PNL et publics ont une activité diversifiée avec une proportion notable de neurologie.

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Les ssR : hieR, aujouRd’hui…et demain ?

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Le tableau suivant décrit cette réalité institutionnelle.

L’étude de Janneau confirme le morcellement du champ SSR : des petites unités éparpillées sur le territoire. Reste à savoir comment cette dispersion géographique satisfait à l’objectif de proximité, ce qui est depuis l’étude GAIN un critère essentiel de la planification. Reste à savoir aussi comment ces structures, lorsqu’elles sont petites, autonomes et institutionnellement isolées, peuvent satisfaire à l’ensemble des obligations puisque les prescrip-tions en matière d’organisation, de qualité et de sécurité sont communes à l’ensemble des structures depuis les plus grands CHU jusqu’aux plus petits SSR.

Typologie des établissements SSR

Les travaux sectoriels repérant les caractéristiques des SS ou des RRF, des établissements selon les statuts, pour intéressants qu’ils soient sont de portée limitée. Car ils présentent tous le même biais : ils ne tiennent pas compte des disparités du projet médical. Malgré son évolution depuis

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1956, les SSR sont un secteur hétérogène. Et aucune analyse n’a jusqu’ici porté sur le repérage de catégories structurantes. L’étude de Jeanneau est une première.

Elle a consisté à identifier un nombre limité de variables concernant les caractéristiques de l’établissement, le personnel, mais également le PMSI14. En soumettant ces données d’abord à une analyse en composantes princi-pales (ACP) puis à une classification ascendante hiérarchique, il définit 7 types15.

Chacun de ces types est défini par des combinaisons de «  variables actives » et est décrit par des « variables illustratives ». Les tableaux ci-après fournissent des précisions sur la fréquence des types, leur statut, et les variables. Pour faciliter la compréhension, les types ont été dénommés.

• Type 1 : les soins de suite polyvalentsdeux tiers des établissements PNL appartiennent à cette classe qui regroupe des structures de taille modeste et disposant d’un enca-drement peu nombreux, y compris sur le plan médical ; le PMSI montre une faiblesse des prises en charge techniques.

• Type 2 : les soins de suite hospitaliersCes établissements majoritairement publics se caractérisent par leur petite taille (50 % ont moins de 25 lits).

• Type 3 : les soins de suite éducatifsDans ces établissements le personnel éducatif est sur-représenté. Les établissements sont petits et privés. Deux sous-catégories sont à distinguer : les MECS et les centres d’alcoologie.

• Type 4 : Les soins de suite fortement médicalésDe taille plus importante, ces établissements se caractérisent par une forte complexité médicale (PCTL, PCL), un taux d’encadre-ment plus élevé et davantage de médecins.

• Type 5 : Les SSR hospitaliers fortement médicalisésProches du type précédent, ces établissements mixtes SS/RRF se caractérisent par une dépendance élevée, mais une prise en charge médicale moins technique. Présence de spécialistes MPR.

• Type 6 : Les Centres de réadaptation fonctionnelle Ces établissements ont les caractéristiques connues des CRF. À noter une différence entre les PNL et les PL. Alors que les premiers donnent une image plus hospitalière avec un personnel soignant important et un plateau technique diversifié, les PL ont un panel des métiers réduits suggérant une activité plus simple et standardisée.

14 Jeanneau a également étudié le PMSI selon la dichotomie SS/RRF et n’en a rien conclu de très significa-tif - démontrant involontairement que le PMSI est une description assez générale.15 Ce nombre est quelque peu arbitraire. La classification décrit un dendogramme, en fait une arborescence : des divisions se prolongent de subdivisions, etc. Le chercheur doit décider où il s’arrête. Mettre le point d’arrêt plus haut limite les catégories à 2, puis 3 puis 5. Le placer plus bas revient à multiplier les catégories.

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• Type 7 : les CRF avec activité de jourDans cette catégorie curieusement définie par la proportion d’hos-pitalisation de jour, les établissements, de grande taille, ont déve-loppé les prises en charge les plus techniques. La présence de méde-cins spécialistes est plus forte qu’ailleurs.

Les tableaux suivants complètent ces indications schématiques.

Ventilation des établissements de chaque secteur au sein des classes de la typologie

Moyenne des indicateurs issus de l’ACP dans chacune des classes

Classes1 2 3 4 5 6 7 Ensemble

Nombre de lits et places - toutes activités

63 232 46 75 1 242 125 181 240

Lits et places SSR/ lits et places ToTAL

96% 22% 100% 84% 14% 84% 88% 59%

Lits et places RRF/ lits et places SSR

1% 1% 8% 6% 45% 82% 87% 23%

Places RRF/ lits et places RRF 0% 0% 2% 1 % 9% 7% 42% 4%Nombre de médecins (en ETP) 3,0 4,7 2,2 4,8 5,7 4,9 5,3 4,3% de spécialistes de MPR parmi les médecins

0% 0% 3% 0 % 37 % 49% 62% 15 %

Nombre d’infirmiers et aides-soignants (en ETP)*

31,3 56,5 12,6 59,3 60,6 37,9 42,2 45,4

Nombre de personnel de rééducation (en EP)*

2,5 3,3 5,6 4,9 8,6 13e 24,7 66

Nombre de personnels éduca-tifs et sociaux (en ETP)*

0,8 02 20,9 3,4 0,3 0,8 5,8 1,6

% de journées où la dep. physique du patient> 12 **

14 32 0 43 32 16 31 24

% de journées dédiées are PCL/PCTL **

3 4 2 26 6 5 14 6

% de journées dédiées aux PRR/PRRC **

6 2 18 2 21 29 29 11

Source : étude statistique SSR - FEHAP 2006 *Pour 100 lits et places ** hospitalisation complète

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Une étude exemplaire et unique

L’étude conduite par Jeanneau pour la FEHAP confirme le principe de la bipartition. Celle-ci est certes une donnée administrative et un axe de la planification. Mais lorsque l’on examine la physionomie des établisse-ments, leurs moyens humains, leur activité… on retrouve à la racine du fameux dendogramme de la typologie une bifurcation originelle entre SS et RRF. Il s’agit donc bien de deux ensembles distincts. À cette confirmation banale, l’étude ajoute une autre information très importante : chaque type est lui-même un ensemble hétérogène. Ainsi les soins de suite comportent le type 1, qui n’est rien d’autre que la survivance des établissements de convalescence qui peinent à monter en gamme ; prisonniers du budget historique : ils admettent des patients légers parce qu’ils ont des moyens légers. Rien à voir avec les services de pointe développés par les établisse-ments publics qui accueillent les patients lourds avec des moyens plus en adéquation - rien à voir non plus avec les MECS et les centres d’alcoologie.

Cette étude qui n’a été ni utilisée ni complétée apporte pourtant un éclairage décisif dans la perspective annoncée d’une future tarification. Par exemple, l’identification de segments multiples aurait permis de tester de façon plus fine les conséquences du modèle envisagé et vérifier comment la future tarification se répercutera dans chacune des catégories. Autre exemple : la montée nécessaire en gamme des établissements encore proches de la convalescence nécessitera évidemment des moyens. L’identifi-cation du type permet d’évaluer les moyens ou de statuer sur l’opportunité de maintenir ces établissements. Mais toutes ces applications supposent un préalable, que la typologie soit reconnue par la communauté des établisse-ments, les fédérations et les pouvoirs publics, comme étant la segmentation de référence des SSR. Tel ne sera pas le cas. Au contraire, la réforme enga-gée en 2008, et particulièrement le décloisonnement SS/RRF aura pour conséquence de la rendre caduque. Pourtant la typologie décrite restera une réalité pendant quelques années encore.

Référence• Jeanneau Julien Typologie des établissements de Soins de Suite ou de Réadapta-

tion, Supplément à PSS, Lettre de l’observatoire Économique et social, septembre 2006, n° 188.

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Un renouveau réglementaire

La circulaire décret de 1997

Les dispositions de 1956 tombant progressivement en désuétude, un vide s’installe. Les textes généraux et la planification ne répondent plus à la définition médicale de la problématique. D’une façon discrète et laco-nique, une circulaire parue en 1997 apporte une réponse. Elle explicite les fonctions (missions) et les principes organisationnels.

Cinq fonctions :• la limitation des handicaps physiques ;• la restauration somatique et psychologique ;• l’éducation du patient et éventuellement de son entourage ;• la poursuite et le suivi des soins et du traitement ;• la préparation de la sortie et de la réinsertion.Quatre principes d’organisation :• la continuité des soins (coordination avec le court séjour et les

acteurs extrahospitaliers sanitaires et sociaux) ;• la proximité (plus ou moins prévalente selon la nature de l’activité.

et la spécialisation des plateaux techniques) ;• la réinsertion sociale, familiale et professionnelle ;• le développement des alternatives à l’hospitalisation complète.Une circulaire ne saurait combler le vide réglementaire. Néanmoins elle

donne le ton de ce que les pouvoirs publics attendent des SSR. Elle précise le sens du vent. La circulaire préfigure la publication de nouveaux textes, qui ne viendront qu’une dizaine d’années plus tard.

Référence• Circulaire DH/Eo4/97 n° 841 du 31/12/1997

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Tentatives de référentiels

Plusieurs organisations ont tenté de remédier à l’obsolescence des annexes de 1956. S’appuyant sur le postulat indiscuté qu’il existe des conditions techniques à satisfaire pour exercer l’activité de soins de suite et de réadaptation fonctionnelle. Les sociétés savantes (SoFMER) ont posé quelques jalons pour la RRF. Mais la tentative la plus aboutie sera la démarche de la FEHAP. Pilotée par une commission regroupant essen-tiellement des directeurs, mais également quelques médecins, le référentiel proposé balaye l’ensemble des conditions techniques :

• l’immobilier : accessibilité, taille et équipement des chambres… ;• la composition du plateau technique ;• le personnel médical ;• le personnel soignant ;• le personnel paramédical de rééducation/réadaptation.La description générale est complétée par la définition des moyens admis

comme requis pour certaines activités spécialisées telles que la neurologie lourde, les centres pour enfants et adolescents, la rééducation respiratoire, cardiologique ou l’hospitalisation de jour.

Ce référentiel intitulé « Étude quantitative des moyens souhaitables » pêche précisément par son ambition de définir un optimum. Ainsi à côté de données indiscutables comme une surface minimum de 18 m² pour chambre à un lit (cabinet de toilette compris), la disposition d’un chariot d’urgence ou d’un branchement d’oxygène et de vide dans les chambres… il devient une norme généreuse lorsqu’il définit les moyens en personnel. Par exemple la norme de deux médecins pour 30 lits est hors d’atteinte pour la plupart des structures… et la question se pose : un tel encadrement est-il réellement opportun ? De la même manière, les ratios de personnel soignants sont trop élevés pour constituer raisonnablement une référence, voire une norme.

Dans un contexte déjà économiquement tendu, un référentiel aussi luxueux n’avait pas d’avenir. Retenons pourtant la démarche, qui repose sur le consensus que les textes connus sont caducs et que cela crée un vide préjudiciable à l’activité. Un état de choses aussi manifeste ne pouvait pas échapper aux pouvoirs publics. Ils choisiront pourtant un angle d’approche tout à fait imprévu et original.

La circulaire « états végétatifs »

vers l’an 2000, la question des états végétatifs devient une problématique de santé publique, au sens où plusieurs avancées concernent cette question

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que les autorités sanitaires semblent découvrir et pour laquelle des solutions deviennent nécessaires, voire urgentes.

En 1998, l’École des Hautes Études en Santé Publique publie un ouvrage sur les répercussions humaines, les aspects juridiques et éthiques des états végé-tatifs. C’est un état de la question. Cette première connaissance ne débouche encore sur aucune organisation significative à l’échelle du pays.

En 2000, paraît une étude réalisée pour l’Assurance Maladie. Cette enquête réalisée dans le Nord-Pas-de-Calais montre que la durée de vie des EvC/EPR a été fortement sous-estimée. Ceci n’est pas sans poser un problème écono-mique, lorsque la causalité de l’état est imputée à un tiers responsable - puisque l’indemnisation de l’assurance maladie repose sur une estimation de la durée de vie de la personne concernée. Cette étude est symptomatique : derrière une question bassement financière, elle pointe l’ignorance sociale de la probléma-tique. Et celle-ci correspond au fait que la filière n’est pas organisée. Personne ne sait réellement combien il y a d’états-végétatifs, ni où ils se trouvent. Cette situation ne peut pas durer.

L’année suivante, l’ARH Île-de-France lance un appel d’offre. Dans son préambule, est affirmé un projet ambitieux : la création d’une centaine de lits dédiés aux états végétatifs ou pauci-relationnels dans les deux années à venir. Et surtout est explicitée la motivation : « L’absence de projet spécifique de prise en charge a des conséquences multiples : soins inadaptés et très hété-rogènes, sentiment d’abandon et découragement des familles, désintérêt de certains personnels non volontaires pour ce type d’activité, difficultés d’orien-tation de ces patients, impossibilité d’envisager un retour à proximité du lieu de vie des proches. » En fait, l’ARHIF anticipe la création attendue d’unité de soins prolongées, dont la vocation sera d’accueillir l’ensemble des patients hébergés dans le système hospitalier et sans perspective ni d’aval, ni de retour à domicile.

C’est dans ce contexte que paraît la circulaire du 3 mai 2002. La circulaire revient sur la problématique qui est reconnue avec franchise.

« Il n’y a pas globalement de réponse organisée pour ces personnes tota-lement dépendantes sur le plan sanitaire et sur le plan fonctionnel, jeunes pour la majorité d’entre elles, le plus souvent âgées de moins de soixante ans. Certaines propositions locales existent, mais cette réponse est variable, en faible nombre et ne maille pas correctement le territoire.

À défaut, certaines de ces personnes demeurent dans un service hospitalier de court séjour ou de soins de suite et de réadaptation (SSR). Le lit ne peut plus être utilisé pour sa fonction première de soins aigus ou de recherche de réautonomisation et d’aide à la réinsertion, et surtout la personne n’y bénéficie pas d’un projet médical conçu autour de la spécificité de sa situation clinique puisque celui du service relève d’une autre vocation. En outre, s’agissant là de possibilités locales ponctuelles et non institutionnalisées, il y a une inégalité des chances par rapport à ces situations de besoins.

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D’autres sont parfois admises à titre exceptionnel dans un service de soins de longue durée. La charge en soins spécialisés est cependant, en règle géné-rale, trop lourde pour les moyens dont dispose un tel service. En outre, l’hé-bergement dans ces services est à la charge financière des familles. D’autres personnes sont amenées à sortir de l’hôpital, soit par choix de la famille, soit par pression de l’organisation hospitalière ou des systèmes de prise en charge. Les familles se trouvent alors dans l’obligation de mettre en place, avec les acteurs libéraux, une organisation de soins à domicile très lourde, 24 heures sur 24, dans laquelle le plus souvent le conjoint ou le parent doit assumer un rôle d’intervenant de tous les instants.

Certaines sont accueillies dans ces structures médico-sociales de type maison d’accueil spécialisée (MAS), mais les demandes d’admission de ces patients dans ces structures ne peuvent la plupart du temps recevoir une suite favorable du fait de la lourdeur de soins spécifiques. »

Les co-signataires, dont Edouard Couty, directeur des hôpitaux, recom-mandent aux ARH de créer des unités de six à huit lits par bassin de popu-lation de 300.000 habitants. Le Ministère attend lui aussi un éventuel texte sur les soins prolongés16. «  Dans l’attente de l’individualisation d’un cadre plus adapté, la création de ces unités pourra s’imputer sur la carte sanitaire des soins de suite et de réadaptation (SSR), dont ces unités se rapprochent en termes de moyens mis en oeuvre, bien qu’elles ne répondent ni aux objectifs de réinsertion assignés aux soins de suite et de réadaptation, ni aux durées de séjour communément admises. De ce fait, elles dérogeront au fonction-nement habituel des SSR en ce qui concerne les durées de séjour : aucune limitation ne sera posée à cet égard. Il convient de noter que de telles unités peuvent être créées dans les hôpitaux locaux, sous réserve du strict respect du cahier des charges. »

La circulaire apporte encore quelques précisions pertinentes, mais qui détonnent dans un texte sanitaire. « Le projet de service de ces unités doit inclure à la fois un projet de soins et un projet de vie. Une place importante sera réservée à l’accueil des familles, en souffrance, et à leur soutien psycho-logique et social. Le projet spécifique de ces unités doit tenir compte de ces aspects (cf. cahier des charges). La première condition en est déjà que la loca-lisation de ces unités réponde au souci de proximité. » Enfin, la circulaire se prolonge d’une annexe qui constitue un véritable référentiel technique.

Le coup d’envoi est donné à un mouvement à l’échelle du pays. Partout s’élaborent des projets ou des appels à projet. Des équipes se spécialisent. Car la problématique est réelle et urgente. Tous ces projets ne se réaliseront pas comme prévu. Le maillage du territoire se fait attendre, mais une planification est lancée. L’un des obstacles sera financier. Le référentiel a vu large, notam-ment en termes d’effectif en personnel et aucune ligne de crédits appropriée

16 Le texte attendu ne paraîtra pas, mais la circulaire EVC ouvre une brèche. La durée de séjour n’est plus nécessairement limitée.

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ne viendra apporter aux ARH les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ce qui ne sera jamais véritablement une politique nationale, hormis quelques crédits exceptionnels distribués dans le cadre des plans d’urgence.

Cette circulaire comporte une dimension historique. Certes elle cristallise une problématique de santé publique jusqu’alors méconnue. Au-delà de cette dimension méritoire, elle constituera le prototype d’une démarche ministé-rielle nouvelle : la rédaction d’un texte spécifique définissant l’organisation de la prise en charge d’une pathologie. En ce sens la circulaire constitue un tournant. Il ne s’agit plus de réglementer l’activité par secteur, de planifier, d’imposer des équipements et des conditions techniques. Pour la première fois, le texte concerne des malades et définit où et comment il convient de les prendre en charge. Il n’est pas inutile d’observer la simultanéité de cette circu-laire avec plusieurs textes relatifs aux droits des malades : loi de janvier 2002 pour le médico-social, loi du 4 mars 2002 pour le sanitaire.

Références• Boucand M-H, Le Gall J-R, Tasseau F. : États végétatifs chroniques - Répercussions

Humaines, Aspects Juridiques et Éthiques, 1998, HESP, P. verspieren Éditeur• Choquet M, Falaux B, Legal G : Les états végétatifs chroniques post-traumatiques,

une charge sous-estimée pour l’Assurance-maladie, Revue Médicale de l’Assurance Maladie n°1, janvier-mars 2000.

• Prise en charges des états végétatifs et des état pauci-relationnels en Île-de-France, État des lieux, objectif et cahier des charges, ARH d’Île-de-France juin 2001

• Circulaire DHoS/02/DGS/SD5D/DGAS n° 2002-288 du 3 mai 2002 relative à la création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel.

Les circulaires par pathologie

Les AVC

La circulaire AvC parue en 2003 est le premier texte décrivant une filière complète au service d’une pathologie. Cette nouveauté est un changement majeur. Le texte documente la prise en charge depuis la crise aiguë par les urgences jusqu’au retour à domicile ou le transfert vers une structure médico-sociale. Prenant acte de la bipartition du secteur SSR entre d’une part les soins de suite (appelés SSMed ou SS médicalisés) et la réadaptation fonctionnelle improprement appelée MPR (médecine physique et réadaptation), la circu-laire définit le rôle de chacun des services et quelques règles d’orientation. La circulaire prescrit aux SRoS de prévoir un volet particulier dédié à cette problématique.

La circulaire restera sans autre effet significatif que l’ajout d’un développe-ment dans les SRoS. En fait, la création des UNv (unités neuro-vasculaires)

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est un projet ambitieux, complexe dans son organisation et coûteux. Elle sera actualisée par une nouvelle circulaire en 2007. Et même complétée par un plan lancé par le Ministre, Roselyne Bachelot-Narquin, en personne.

Le dispositif rencontre des difficultés d’organisation en amont (depuis les urgences jusqu’aux très exigeantes UNv). Mais également la filière tend à se bloquer en aval. Différentes tentatives (par exemple Trajectoire en Rhône-Alpes et d’autres coordinations) tenteront d’apporter une réponse organisa-tionnelle aux difficultés de placer les patients les plus lourds.

Références• Circulaire DHoS/DGS/DGAS n° 2003-517 du 3 novembre 2003 relative à la prise

en charge des accidents vasculaires cérébraux.• Circulaire DHoS/o4 no2007-108 du 22 mars 2007 relative à la place des unités

neuro-vasculaires dans la prise en charge des patients présentant un accident vasculaire cérébral.

Les blessés médullaires et TC

L’année suivante est publiée une nouvelle circulaire qui regroupe deux filières pourtant différentes : la prise en charge des blessés médullaires et des traumatisés crâniens. Le texte est rédigé sur le même modèle. Il s’agit de constituer des filières de soins en reconnaissant des missions précises à chacun des acteurs, des critères de relais et des moyens souhaitables dans le but d’offrir aux patients une prise en charge adéquate à chaque étape. Comme précédem-ment aucun budget fléché n’est associé à ces recommandations pour mettre à niveau l’existant. Cette absence n’enlève en rien la pertinence des préconisa-tions, mais en affaiblit considérablement la portée.

Références• Circulaire DHoS/SDo/01/DGS/SD5D/DGAS/PHAN/3 B n° 2004-280 du 18

juin 2004 relative à la filière de prise en charge sanitaire, médico-sociale et sociale des traumatisés crânio-cérébraux et des traumatisés médullaires.

La personne âgée dépendante

La prise en compte tardive de la problématique gériatrique a déclenché la publication de plusieurs textes destinés à la mise en place d’une organisation adaptée et cohérente. Ces circulaires décrivent donc, elles aussi, la mise en place de filières spécialisées, les relais et les moyens. Progressivement émerge une préoccupation complémentaire, car elle complique singulièrement toutes les prises en charge : celle des troubles cognitifs dénommés Alzheimer.

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Références• Circulaire DHoS/o2/DGS/SD5D/2002/157 du 18 mars 2002 relative à l’améliora-

tion de la filière de soins gériatriques.• Circulaire DHoS/o2/DGS/SD5D/DGAS/SD2C/DSS/1A/2002/222 du 16 avril

2002 relative à la mise en oeuvre du programme d’actions pour les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées.

• Circulaire DGS/SD5D/DHoS/02/DGAS/SD2C no 2005-172 du 30 mars 2005 relative à l’application du plan Alzheimer et maladies apparentées 2004-2007.

• Circulaire DHoS/o2/2007/117 du 28 mars 2007 relative à la filière de soins géria-trique.

La fin de vie et les soins palliatifs

Le premier texte date de 1986. La loi de 1991 inscrit les SP dans la liste des missions de service public hospitalier. La loi du 9 juin 1999 garantit l’ac-cès aux soins palliatifs. L’ordonnance du 4 septembre 2003 les inscrit dans le SRoS. Fin 2007, on compte, dans la France entière, 4.028 lits et 337 équipes mobiles. En 2008, démarre un nouveau plan de développement des soins palliatifs.

La réglementation impose que les soins palliatifs soient pratiqués par des équipes soignantes spécialisées. Le dispositif envisagé suit la logique désormais habituelle avec une gradation de l’offre de soins.

• Les hôpitaux ont la possibilité de constituer des Unités de Soins Palliatifs où se gèrent des situations de phases terminales complexes ne pouvant se dérouler au domicile ou en milieu hospitalier traditionnel en raison notamment de la survenue de syndromes réfractaires, c’est-à-dire résistants aux traitements habituels, altérant la qualité de vie restante du malade. Ces unités sont des services de médecine financés selon les dispositions usuelles de la T2A, selon le degré de spécialisa-tion de la prise en charge définie (lits banals, lits identifiés SP ou unité de SP).

• Les hôpitaux ont la possibilité de constituer des Équipes Mobiles de Soins Palliatifs qui interviennent soit au sein des services d’un même hôpital, soit au sein de plusieurs établissements, soit à domicile, pour venir appuyer et conseiller les équipes de soins. Elles n’ont pas voca-tion à se substituer à l’équipe soignante.

• Enfin l’HAD, (Hospitalisation à domicile) a la possibilité de dédier des places identifiées pour la pratique des soins palliatifs.

Les textes apportent la nécessaire clarification, mais créent une zone d’ombre incompréhensible. En effet, l’on se trouve dans une situation para-doxale que les établissements SSR n’ont pas, en principe la capacité de déve-lopper une activité de soins palliatifs, mais seulement celle de réaliser des accompagnements de fin de vie ; l’on est tenté de qualifier la nuance séman-

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tique d’hypocrisie. Car force est de constater que le nombre des lits de SP ne sera jamais à la mesure du nombre de personnes en situation de fin de vie. Au surplus, ce positionnement des SP dans le court séjour avec des obligations de médicalisation élevée (2,5 médecins pour 10 lits selon la circulaire 2008) apparaît comme une contrainte disproportionnée avec la mission même qui est d’accompagner des personnes («  care  ») en leur offrant des conditions confortables à défaut d’apporter une perspective de rémission (« cure »). C’est précisément sur cette attention portée à la personne (« care ») que les soins de suite auraient pu avoir un rôle à jouer.

Cette organisation n’a pas d’avenir. À juste titre le plan SP 2008-2011 constate l’insuffisance de la participation des SSR, puisqu’en 2005 sur les 92.000 lits du secteur seuls 400 étaient identifiés comme dédiés aux SP. L’ob-jectif affiché est d’atteindre 1.200 en 2012, par transformation de lits SSR existants. Fort heureusement les crédits (fléchés) nécessaires au renforcement des moyens en personnels sont affectés à l’opération.

Références• la loi du 9 juin 1999.• circulaire DHoS/o2/DGS/SD5D du 19 février 2002.• ordonnance du 4 septembre 2003.• ANAES, conférence de consensus 2004 sur l’accompagne des personnes en fin de vie

et de leurs proches.• Loi Leonetti, loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.• Circulaire DHoS/o2/99 du 25 mars 2008.• Programme de développement Soins palliatifs 2008-2011.

Les addictions

La prise en charge des addictions a connu des évolutions singulièrement compliquées. Lorsque paraît le décret de 1956 et ses annexes ces établissements sont quasiment absents du paysage, à quelques exceptions près (la maison de cure Château Walk signe une convention avec la CRAM en 1951). Par la suite plusieurs établissements verront le jour ; ils concernent dans un premier temps des alcooliques et assurent une prise en charge d’une durée de trois mois. Cette première génération relève de l’annexe XIX, des établissements de repos, convalescence… Une seconde génération d’établissements apparaît au cours des années 70. Ces établissements sont analogues dans leur fonctionnement (alcoologie, séjours de trois mois), mais certains optent pour le régime de l’annexe XXIII d’orientation plus psychiatrique. Parallèlement sont créés des foyers relevant du champ social, le plus souvent spécialisés dans la réinsertion des alcooliques. Enfin apparaissent des cliniques qui optent pour un concept sensiblement différent : séjour de quatre semaines, mixité, médicalisation…

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avec abandon de la référence aux annexes de 1956. La plupart de ces établis-sements ne sont plus associatifs mais appartiennent au secteur privé lucratif.

Ce dernier point permet de souligner le rapport direct de la plupart des structures historiques avec le mouvement associatif, et particulièrement des associations d’anciens buveurs (Croix Bleue, vie Libre), des associations professionnelles (cheminots, police) ou confessionnelles, sans oublier l’ANPA (Association Nationale de Prévention de l’Alcoolisme), qui poursuit d’une manière adaptée à l’époque la mission engagée par la ligue antialcoolique. Cette référence à l’histoire permet de comprendre d’une part la connexion laborieuse avec le système hospitalier et d’autre part la frilosité à l’égard des toxicomanes.

C’est pourquoi se sont développées d’autres structures spécialisées dans l’accueil des toxicomanes (au départ héroïnomanes), souvent de très petites structures (unités de vie) accueillant des usagers sevrés dans des sites plutôt isolés et rustiques. Cette organisation a été grandement mise à mal par la poli-tique de développement des traitements de substitution.

Cette séparation entre deux mondes (l’alcool/la drogue) est un particula-risme français. La jonction n’a été faite que récemment et elle est loin d’être accomplie. Dans le monde de l’alcoologie, largement majoritaire, plusieurs évolutions sont à noter. D’abord le tarissement des buveurs d’habitudes au profit des buveurs à problèmes selon une distinction ancienne. Ensuite l’appa-rition des polytoxicomanes associant à l’alcool des produits variés, historique-ment le tabac, mais aujourd’hui les médicalement, le cannabis… ainsi que des passages des drogues illicites aux produits légaux, par exemple l’alcoolisme comme voie de sortie de la drogue.

Autrement dit, le secteur des addictions a connu un foisonnement de petites structures au statut incertain car apparentées aussi bien à la psychia-trie, aux soins de suite, au social. La parution de nouveaux textes a apporté la nécessaire clarification ou au moins des contours.

Le texte de 2007 constitue une référence, car il décline un dispositif en ligne allant des CHU jusqu’au médico-social. Un plan devrait y apporter quelques moyens.

Dans le secteur sanitaire, si l’essentiel de l’accompagnement reste ambu-latoire (sevrage simple etc.), les hôpitaux sont invités à mettre en place des équipes de liaison, des consultations et des lits de sevrage et ceci en conformité avec leur statut – ce qui implique pour les CHU une activité de recours, par exemple pour les sevrages complexes. Dans l’esprit du texte, ces dispositifs ont la vocation de pendre en charge l’ensemble des addictions, y compris les drogues, y compris les addictions sans produits (jeu…) La MILT enfonce le clou : « Il s’agit pour cela de regrouper les consultations de tabaccologie, d’al-coologie, de toxicomanie et d’addictions sans substance psychotrope au sein d’un même lieu, d’un même pôle pour en faire des consultations hospitalières d’addictologies. Ces consultations seront organisées dans tous les hôpitaux

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ayant un service d’urgence. Cette mesure devrait permettre d’offrir un suivi spécialisé notamment aux jeunes ayant une dépendance à une ou plusieurs drogues (alcool, cannabis, ecstasy, médicaments) alors qu’aujourd’hui la prise en charge se limite trop souvent à un accueil aux urgences sans qu’un véritable suivi soit initié. De même, cette nouvelle organisation devrait permettre aux urgentistes de mieux répondre aux besoins de personnes ayant des problèmes aigus liés à leur addiction (crise, alcoolisation aiguë, surdosage). »

En 2008, cette unification (alcool/drogue) sera transposée aux structures SSR par la création d’une autorisation spécialisée en addictologie. Il est encore trop tôt pour savoir comment ce sous-secteur évoluera.

Références• Circulaire DGS/6B/DHoS/o2 no 2007-203 du 16 mai 2007 relative à l’organisa-

tion du dispositif de prise en charge et de soins en addictologie.• Circulaire N°DHoS/o2/2008/299 du 26 septembre 2008 relative à la filière hospi-

talière de soins en addictologie.• Le plan 2007-2011 de prise en charge et de prévention des addictions.• ANAES, conférence de consensus « objectifs, indications et modalité du sevrage du

patient alcoolodépendant », mars 1999.• ANAES, conférence de consensus « Modalités de l’accompagnement du sujet alcoolo-

dépendant après un sevrage », mars 2001.

Trajectoire : une initiative de coordination territoriale

Les circulaires par pathologie mettent toutes l’accent sur l’organisation de filières fluides permettant d’offrir aux patients des relais et des prises en charge adaptées à l’évolution de leur pathologie.

Les relations entre MCo et SSR n’ont jamais été simples. La mise en place de la T2A a accru la tension en amplifiant le besoin de libérer les lits. Récipro-quement l’élévation du niveau technique des SSR les a rendus plus exigeants : patients stabilisés, affections en rapport avec leur orientation etc. Partout ont été prises des initiatives pour apaiser les conflits et réguler les nécessaires transferts en SSR, tout en recherchant la satisfaction des deux partenaires. Un travail ardu et sans cesse à renouveler.

En 2001, l’ARH Rhône-Alpes prend la décision de créer et financer des coordinations SSR par bassin de santé. Des initiatives sont prises17. Des chartes sont rédigées pour assurer une certaine transparence et par là les bases d’une relation apaisée : la confiance, l’anticipation, la qualité de l’information donnée.

17 Sur le bassin de valence : Mise en place du CEoR (Centre d’Évaluation, d’orientation et de Réflexion), une coordination dotée de 173 000 euros et comprenant : 0,6 ETP Médecin MPR ; 0,5 ETP assistant social ; 0,3 ETP informaticien ; 0,5 ETP secrétaire médicale. Le Réseau associe 13 établissements et services SSR (spécialisés, polyvalents, gériatrie) de statut public, privé commercial et PSPH.

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À l’automne 2005, l’ARH Rhône-Alpes finalise le SRoS 3. Dans cette importante région, chaque année environ 53.000 patients sont orientés du court séjour vers le moyen séjour. Sous le patronage de l’ARH, le docteur Deblasi met en place « trajectoire » qu’il décrit (2006) comme une aide à la décision. L’objectif est clairement d’organiser pour fluidifier en généralisant des expériences locales, par exemple celle de valence.

L’informatique est au cœur du projet.• Création d’un annuaire régional recensant non seulement les struc-

tures et leurs capacités, mais également les moyens spécialisés : les compétences médicales ou paramédicales, le plateau technique, etc. L’établissement dispose-t-il d’une orthophoniste, d’une salle d’explo-ration urodynamique ?

• Définition de l’information à transmettre : formulaire de demande et de dossier d’admission.

• Création d’un logiciel de saisie et de traitement des adressages.Dans un premier temps l’objectif est rationnel : fournir au court séjour

une aide pour orienter le patient vers la structure la plus adéquate, de façon à répondre au besoin du patient. L’établissement SSR reste maître de sa décision, en principe libre d’accepter ou de refuser, mais indiquera le motif du refus qui est enregistré dans la base : charge de travail, inadéquation, etc. L’ensemble est complété par des instances de coordination, qui permettent à l’ensemble de la communauté de suivre la montée en charge du dispositif et de veiller à la défense de ses intérêts.

Ce schéma de principe va monter en puissance. Dès 2007, le bulletin de l’ARH claironne «  Trajectoire, ça fonctionne  ». Il ajoute que désormais la base documentaire est reliée à d’autres systèmes informatiques, notamment la gestion régionale des lits et que Trajectoire sert à réserver des lits.

La parution en 2008 d’une circulaire complétant les nouveaux décrets cite en exemple Trajectoire et recommande que soient mises en place des organi-sations similaires pour structure et fluidifier le passage de MCo en SSR. En effet d’après les nouveaux textes il y a des conditions : adéquation de la struc-ture, définition d’un projet de soins. Le temps d’un simple dégagement est révolu. Dorénavant, dans l’intérêt du patient, il faut veiller à la mise en place de filières rigoureuses. L’affirmation d’exemplarité donne à l’initiative régio-nale une notoriété nouvelle. Il s’en suit que dans plusieurs régions les ARH décideront de rejoindre le dispositif Trajectoire : la Normandie, la Picardie, PACA etc.

Trajectoire est la référence en matière de coordination régionale. Ce statut particulier mérite une attention critique. L’ambition de rechercher le meilleur adressage pour répondre aux besoins du patient est légitime ; elle s’inscrit dans les politiques de santé les plus actuelles (ANAES/HAS) ; elle est une nécessité pour répondre aux besoins du court séjour sans désorganiser l’activité médi-cale des SSR. Comme bien d’autres dispositifs et réseaux mis en place par les

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ARH et soutenus financièrement à grands frais, Trajectoire prête le flan à une critique de principe : la gestion des flux n’est pas suffisamment indépendante des adresseurs. Trajectoire est certes soutenue par l’ARH, mais reste dans le giron du CHU, qui est également le principal adresseur. Le soupçon d’un fonctionnement partisan n’est pas écarté.

Globalement le système reste utile, non seulement pour organiser les trans-ferts vers l’aval, mais aussi pour assurer aux autorités un reporting. Pour que le système fonctionne, il restera d’abord à créer une vraie régulation permettant de traiter les cas difficiles et ensuite d’organiser les flux vers « l’aval de l’aval » : le médico-social. Ces évolutions seraient préparées.

Références• Deblasi Alain « Amélioration de la qualité des soins. L’expérience de la coordination

Rhône-Réadaptation. » Gestion Hospitalière, février, 2006.• Documentation sur le site : https://trajectoire.sante-ra.fr, en particulier les manuels et

supports de formation.• Bulletin de l’ARH Rhône-Alpes, n° 34 (2005), 41 (2007) et 52 (2009).

Crépuscule d’un système

La publication de ces circulaires a involontairement conduit à brouiller les pistes. Alors que leur objectif était d’améliorer l’organisation, l’évolution du système s’est ralentie, voire a été stoppée par l’ampleur des changements à venir dans un contexte d’incertitude organisationnelle et économique.

La mise en place laborieuse d’un nouveau dispositif réglementaire et la perspective d’une réforme du financement dans un contexte de limitation des moyens financiers et d’un remplacement prochain des ARH par les ARS (donc des directeur d’ARH plutôt sur le départ)… tout cela a suscité une ambiance globalement attentiste.

Que conclure à propos de l’évolution générale des SSR ?• La planification a eu un effet brutal de fermeture avec ou sans recon-

version des lits de repos et convalescence. Dorénavant l’offre de soins doit accueillir des patients plus lourds. Les SSR ont une fonction de « dégagement » pour le court séjour, confronté à l’exigence de raccour-cir les durées de séjour. La mission de l’hôpital est de moins en moins l’hébergement ; elle se recentre sur les soins médicaux. Le nécessaire nursing - la prise en charge soignante - est corrélativement reporté sur l’aval : les soins de suite, en particulier. La montée en puissance de la T2A MCo va amplifier le processus. Revaloriser les soins de suite a été une étape, signifiée par l’emploi occasionnel du terme « SSmed » pour exprimer la médicalisation.

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• L’autre résultat de la planification a été de concentrer le secteur en deux pôles : les soins de suite et la réadaptation fonctionnelle. Pendant longtemps a subsisté une indiscutable inégalité de traitement. Les soins de suite plutôt orientés vers la personne âgée n’ont pas bénéficié de moyens et de prestige comparable à la réadaptation fonctionnelle. Alors que les médecins rééducateurs (MPR) ont pu subordonner l’ad-mission à un potentiel de récupération justifiant la mise en œuvre de moyens humains coûteux et d’un plateau technique ; la fonction déga-gement a plombé les soins de suite, d’autant plus qu’elle les confron-tait à des patients parfois lourds et à la prise en charge coûteuse (par exemple en médicaments onéreux tels que les anticancéreux...)

• Les circulaires ont déplacé le point de vue. En globalisant la problé-matique, elles ont porté le focus sur les patients et la qualité, voire le niveau de la prise en charge. Ces textes peuvent s’interpréter comme la reconnaissance d’une valeur ajoutée, mais en contrepartie également d’une exigence. Autrement dit, les SSR prodiguent des soins et n’as-surent pas seulement l’hébergement.

En dépit de ces avancées, les SSR restent un secteur certes significatif mais petit. Les réformes hospitalières nombreuses s’y appliquent, mais la plupart du temps par extension des règles applicables au court séjour. Le secteur souffre de l’absence d’une vision d’ensemble qui lui donnerait un élan et une cohérence. La publication soutenue de circulaires ne réussit pas à palier la difficulté. Pire, déconnectées de la planification et du financement, elle montrent ce qu’il faudrait faire et suscitent la frustration de ceux qui n’en ont pas la possibilité. En dépit des bonnes intentions, la manœuvre est une impasse.

Dire qu’après un demi-siècle le décret de 1956 et ses annexes ont vécu est un euphémisme. Le paysage du début des années 2000 n’a plus rien à voir. Dans ce contexte il était logique et même nécessaire qu’intervienne une véri-table refondation du secteur, sur une nouvelle base. Redéfinition des missions, redéfinition des moyens (les conditions techniques), redéfinition de son finan-cement. Telle est l’ambition des évolutions intervenues depuis 2008. Les SSR sont à l’aube d’une ère nouvelle.

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L’interdisciplinarité, philosophie de la réadaptation

L’interdisciplinarité est un concept à la fois galvaudé, mal défini et problé-matique. Il appartient à un champ sémantique où les termes foisonnent sans qu’aucun texte de référence n’éclaircisse de façon convaincante la différence entre inter- , pluri- ou trans-disciplinarité. Le concept au départ bien accueilli devient rapidement litigieux ; loin de recueillir le consensus, son utilisation révèle que chacun donne au terme une définition différente, volontiers inté-ressée, par exemple en y associant des attentes à l’égard des autres auxquelles ils ne sont pas prêts à souscrire. Selon ce fonctionnement idéologique, chacun se décrit soi-même comme plus interdisciplinaire que les autres, ce qui laisse à penser qu’un important non-dit vient obscurcir cette idée que l’on avait cru lumineuse.

La division et spécialisation du travail

L’organisation du travail dans le système de santé est héritière de l’histoire et ne saurait être séparée du contexte de son émergence, à savoir le double mouvement intervenu au cours du XIXème siècle, la division du travail et l’évo-lution médicale.

Machinisme industriel et organisation sociale

Au moment où Marx décrit les effets de la machine à vapeur et ses consé-quences néfastes sur l’emploi des tisserands, son contemporain Frederick

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Taylor, ingénieur autodidacte, pose les bases d’une nouvelle organisation du travail. Il formalise la méthode fondée sur l’analyse des gestes, le principe du «  the one best way  » et le chronométrage. Quelques expériences datent de 1880, une première mise en œuvre industrielle est attribuée à Ford en 1913 pour la fabrication de la T4 ; elle sera systématisée en 1924 au sein de la même entreprise. La critique du Taylorisme est connue. Il s’agit néanmoins d’un progrès dans la mesure où il passe des connaissances diffuses et empiriques détenues par les ouvriers à leur explicitation, enregistrement, classement jusqu’à l’énoncé de lois scientifiques. L’ensemble de cette démarche conduira à la réussite du projet industriel, dont il tirera sa légitimité.

L’attention portée à la classe ouvrière laisse dans l’ombre que ce mode d’or-ganisation a également concerné la gestion et le travail administratif, jusqu’au contrôle social de l’entreprise. L’oST se traduira par l’apparition de catégories supplémentaires : les cols blancs, chargés de l’analyse, du chronométrage… avec pour effet de complexifier l’organisation au moment même où s’appau-vrit la tâche de celui qui l’exécute. Retenons que le principe de la division touche à la fois l’organisation technique et l’organisation sociale, la produc-tion et la pensée. En définitive, le taylorisme n’est pas que d’ordre technique, il est également d’ordre psychologique, social, politique et moral.

Dans la pensée sociologique

La séparation de la science en disciplines distinctes s’accélère au cours de la même période. Le mouvement touche les sciences humaines, comme si là aussi intervenait un principe d’organisation par segmentation (parcellisa-tion ?). La jeune sociologie accompagne le mouvement et développe très tôt une branche consacrée au travail.

Dans sa thèse « De la division du travail social» , Durkheim décrit la société qu’il appelle « organique » : une solidarité fondée sur la différenciation des individus par analogie avec les organes de l’être vivant. Remplissant chacun une fonction et ne se ressemblant pas, ils sont tous indispensables à la vie. Dans sa pensée, la différenciation sociale est la solution pacifique à la lutte pour la vie : chacun cesse d’être en compétition avec tous les autres et chacun contribue par un apport qui lui est propre à la vie de tous. La différenciation sociale est la condition créatrice de la liberté individuelle. La structure de la société impose à chacun une responsabilité propre. La division implique la complémentarité, voire l’interdépendance.

Depuis Marx est posée la question de la relation entre la technique et l’or-ganisation sociale. Marx lui-même apparaît comme modéré ; il propose de distinguer entre la machine et son emploi capitalistique ; Aron se prononce pour la prééminence de l’idéologie dans la formation des structures sociales ; Friedmann professe l’opinion inverse et condamne cette organisation qui « donne congé à l’homme ».

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L’hôpital, un système régi par la division du travail

Le monde hospitalier est traversé par les mêmes lignes de forces, car elles structurent la société toute entière. C’est la primauté du social, chère à Durkheim.

La médicalisation tardive de l’hôpital

Cette institution est d’abord orientée vers l’accueil des exclus, des pèlerins, des indigents, des malades, des infirmes, des orphelins … dans le but de leur apporter le secours de la religion et d’assurer le salut de leur âme. Ce n’est qu’accessoirement que la population accueillie sera logée, nourrie, et (modes-tement) soignée. Dans ce premier temps qui durera de nombreux siècles, le personnel est congrégationiste (religieuses). Les laïcs sont absents, de même que les médecins. De toute façon le savoir médical était si réduit que cela n’aurait pas changé fondamentalement le sort de ces malheureux.

La révolution se confronte au problème de la qualification des médecins, et cherche à lutter contre le charlatanisme des médecins auto-proclamés. Après plusieurs tentatives et hésitations, la loi du 19 ventôse an XI vient mettre de l’ordre dans le système. Elle instaure une hiérarchie à deux niveaux, les docteurs en médecine et chirurgie, dont la loi précise la formation, et les offi-ciers de santé qui seront autorisés à donner des soins ordinaires après une formation accélérée de trois ans, qui au demeurant n’est pas obligatoire pour celui qui peut attester une expérience pratique.

Il faudra attendre le milieu du XIXème siècle pour que l’hôpital devienne l’un des lieux majeurs de l’exercice de la médecine et que des infirmières complètent et supplantent les religieuses insuffisantes en nombre. Le savoir médical se met progressivement en place au cours du XIXème siècle avec la méthode anatomo-clinique qui améliore d’abord le diagnostic plutôt que le traitement et les grandes découvertes de l’ère pasteurienne (bactérie, vaccin, hygiène…) qui débouchent vers de nouvelles pratiques et une réorganisation technique, sociale, et même architecturale de l’institution hospitalière.

Ce survol historique atteste que la notion de compétence médicale est long-temps aléatoire et l’idée même d’une qualification des personnels impossible jusqu’à une époque historiquement récente, laquelle coïncide avec l’industria-lisation de l’Europe. Ce rapprochement permet de saisir comment l’idée de division du travail qui s’impose dans la société d’alors organisera également l’hôpital.

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L’infirmière, premier des nouveaux métiers

La définition du métier d’infirmière au cours de la seconde moitié du XIXème siècle est marquée par la figure de Florence Nightingale. Sa biographie atteste de la rupture et de la continuité avec le personnel congrégationiste, dont elle partage la motivation religieuse. Malgré sa réticence à l’égard des théories pasteuriennes, elle fait prospérer la propreté (une valeur anglaise) et l’hygiène de l’air, ce qui a pour conséquence de faire chuter à Constantinople le taux de mortalité des blessés de la guerre de Crimée soignés dans le service où elle est affectée ; ce résultat spectaculaire lui vaut de s’imposer aux militaires qui dirigent l’hôpital. De retour en Angleterre, elle développera la formation des « nurses » malgré l’opposition de certains médecins jugeant cette compé-tence inutile.

Dans sa conception, l’infirmière doit seconder efficacement le médecin ; elle est une auxiliaire médicale18. Sa contribution concerne l’idée de compé-tences nécessaires à l’exercice de ce métier, lesquelles ne peuvent s’acquérir que par la formation. En conséquence, le métier acquiert une certaine spécificité, voire une évidente noblesse. « Une infirmière »  disait-elle « ne devrait rien faire d’autre que soigner. Si vous voulez des femmes de ménage, engagez-en. Les soins infirmiers sont une spécialité. »

Dès la fin du XIXème siècle le mouvement diffuse en Europe et des écoles sont créées en France. En 1922 le titre d’infirmier diplômé de l’État français est créé. Il sanctionne une formation de deux ans axée sur le soin somatique19. Au cours de la première moitié du XXème siècle, l’infirmière reste une auxiliaire médicale, missionnée pour soigner le malade selon les indications du médecin. Ce n’est qu’en 1961 que le programme de formation inclura des connaissances sur l’homme sain, permettant l’idée de « globalité de la personne ». Dans les années 70 interviendra la notion de « besoins de la personne ». Ce n’est qu’en 1978 que la législation entérine l’idée de rôle propre de l’infirmière. Plus tard la notion de « diagnostic infirmier » viendra confirmer la relative autonomie de l’infirmière par rapport au médecin, non sans susciter quelque réticence de la part de ces derniers.

Le masseur-kinésithérapeute

Cette autre profession émerge également dans la seconde moitié du XIXème siècle, mais mettra plus de temps pour s’organiser et s’imposer dans sa dimen-sion corporative. L’une de ses origines est la tradition populaire des manipula-tions, du rebouteux, du magnétisme etc. Une autre est l’antique gymnastique

18 Selon certains commentateurs, Nightingale aurait parlé de « soumission » aux médecins.19 La psychiatrie restera provisoirement à l’écart de la recherche de compétences, se limitant à recruter des gardiens sans leur reconnaître de fonction soignante.

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remise au goût du jour par l’orthopédie des enfants malades qui en fera une gymnastique médicale destinée à soigner les déviations vertébrales et autres difformités (Napoléon Laisne). La société de kinésithérapie est fondée en 1889. La première guerre mondiale viendra donner un élan supplémentaire insufflé par l’État qui crée des centres en vue de la prise en charge des blessés.

Il faudra cependant attendre la loi du 30 avril 1946 pour une organisa-tion et une réglementation du métier. La relation, voire la subordination au médecin est manifeste puisque le texte spécifie : « lorsqu’ils agissent dans un but thérapeutique, les masseurs-kinésithérapeutes ne peuvent pratiquer leur art que sur ordonnance. » Au « Conseil supérieur de la kinésithérapie » créé par le même texte siègent neuf médecins, c’est dire leur rôle déterminant à la fois dans la formation et la pratique de la profession. Cette nouvelle profession peut également être qualifiée d’auxiliaire médical.

L’évolution se poursuivra là aussi vers une relative autonomie. Ainsi le décret de 1996 valide la notion de diagnostic en kinésithérapie, si bien que le médecin se limite à indiquer la pathologie du patient confiée au kinésithéra-peute et fixer l’objectif à atteindre ; celui-ci examine son patient, réalise des bilans et des évaluations et décide de la technique mise en œuvre. Néanmoins à bien des égards cette autonomie reste relative.

Le foisonnement paramédical

Le monde de la santé a connu, dans l’après-guerre, un développement considérable non seulement en termes de progrès des techniques, mais égale-ment en termes d’éclosion de métiers nouveaux : les psychologues, ergothéra-peutes20, orthophonistes etc., voire de subdivisions ou spécialisations : infir-mières de bloc, infirmières en anesthésie etc.

Schématiquement, chacune des professions a traversé trois étapes : • l’émergence d’une compétence, donnant naissance au nouveau métier

et à une formation assurée par une école ad hoc ; • les décrets professionnels qui entérinent et figent l’exercice de la profes-

sion, désormais confié aux seuls qualifiés ; • l’extension récente vers une certaine autonomie des métiers paramé-

dicaux et l’introduction de la notion de diagnostic professionnel ; qui peut s’interpréter comme un affaiblissement de la subordination au médecin ; les paramédicaux sont de moins en moins des auxiliaires médicaux.

Dans le secteur sanitaire, cette organisation n’a pas toujours été rigide. Il y a quelques décennies, la fonction d’instrumentiste de bloc pouvait être tenue par la femme du chirurgien ; l’aide-soignante pouvait suppléer à l’absence d’infirmière ou de puéricultrice, sans que cela ne choque, ni n’affecte signi-20 La première école date de 1955 et le diplôme d’État de 1970.

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ficativement l’efficacité du système - du moins dans l’esprit de l’époque. Ce n’est que récemment que le positionnement est devenu plus rigoureux, voire rigide, délimitant à chacun un rôle propre correspondant à sa formation, sa compétence et sa rémunération.

Il en résulte que, sous prétexte d’améliorer la compétence des acteurs, l’hô-pital s’est organisé sur le modèle de la division du travail. Comme dans l’in-dustrie, ce schéma a encore concerné les sphères techniques, administratives et gestionnaires et c’est pourquoi l’hôpital est devenu un système complexe, morcelé, où chaque intervenant réalise une tâche parcellaire. Tout cela illustre les principes de l’analyse de Durkheim : la différenciation implique la respon-sabilité de chacun, la complémentarité et l’interdépendance. Les questions posées plus haut à propos de l’évaluation restent valables, particulièrement doit être examinée la critique de Friedman à propos d’une organisation susceptible de donner congé à l’homme.

Le modèle pluridisciplinaire de la réadaptation

La réadaptation, une disciplinaire pluridisciplinaire

Comme chaque secteur d’activité, la réadaptation fonctionnelle se singula-rise par un champ de compétence et des métiers spécifiques. En l’occurrence est à identifier l’émergence d’une spécialité médicale (la médecine physique) et un métier emblématique de la première période, qui est celle de la rééduca-tion : les masseurs-kinésithérapeutes21. Au fil du temps, la rééducation s’enri-chit et mute en réadaptation, en s’attachant les compétences d’un nombre croissant d’autres professionnels : ergothérapeute, orthophoniste, professeur d’éducation physique et sportive adaptée, psychologue, psychomotricienne, neuropsychologue, orthoptiste, assistante sociale, animateur… jusqu’aux bénévoles et le cas échéant l’aumônier.

Cet enrichissement est ressenti comme pertinent et utile à la prise en charge. Le patient en situation de handicap acquis (paraplégie) déprime, il doit accepter la perte irrémédiable de son autonomie, reconstruire une nouvelle image de soi et un projet de vie : l’intervention d’un psychologue s’impose. Dans le même temps le retour à domicile pose problème, si bien qu’est ressentie la nécessité de faire intervenir l’ergothérapeute qui organisera

21 Au Centre Bretegnier, ancien hôpital MCo reconverti en CRF, cette organisation est flagrante. La reconversion s’est traduite par l’éviction des anciens métiers liés à la chirurgie, l’obstétrique : sage-femmes, chirurgien, infirmières de bloc, puéricultrices, le recalage des resca-pés dans leur rôle propre et surtout l’apparition de nouveaux métiers : médecins spécialisés en médecine physique et réadaptation, kinésithérapeutes, ergothérapeutes etc.

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avec l’assistante sociale les conditions matérielles, sociales et financières de la vie future : aménagement du logement, ressources etc.

Analyse spectrale des besoins du patient

Le concept de la réadaptation est, en quelque sorte par définition, pluridis-ciplinaire. Il repose sur l’idée générale et au départ un peu vague de prendre en charge le patient dans sa globalité ; ceci amène à identifier chez le patient des besoins supplémentaires qui conduisent à envisager comme souhaitable, voire nécessaire, de s’adjoindre des compétences nouvelles. Au fil du temps se constitue le «  bouquet de ressources  », selon l’heureuse formulation de Hesbeen.

Exemple : Jacqueline est atteinte d’un Locked in Syndrom, qui se traduit par le fait de jouir de sa conscience tout en étant enfermée dans son propre corps dépourvu de motricité. L’un des objectifs est de renouer le fil de la communication, puisque cette personne a perdu sa capacité de parler. L’ergo-thérapeute et le kinésithérapeute recherchent un petit mouvement volontaire qui possède suffisamment de stabilité pour être utilisable. Le clignement des yeux habituellement utilisé n’est pas possible ; en revanche un mouvement de faible amplitude du doigt est repéré. Le kinésithérapeute s’attache à réédu-quer ce mouvement alors que l’ergothérapeute se met en quête d’un dispositif technique permettant d’utiliser ce geste, lorsqu’il aura été fiabilisé. Il découvre une synthèse vocale qui fait défiler sur un écran et un haut-parleur des lettres de l’alphabet jusqu’à ce que le clic du doigt indique qu’il s’agit de la lettre voulue. L’orthophoniste intervient ensuite pour l’apprentissage de cette tech-nique jusqu’à sa maîtrise : les lettres s’assemblent en mots qui constituent une phrase. Tout cela nécessite que les intervenants se concertent, se consultent et agissent de façon coordonnée pour atteindre cet objectif si difficile car dépas-sant les compétences de chacun pris isolément. La première phrase librement produite par la patiente fut : «  je veux mourir  ». Cette déclaration ouvrira l’espace à d’autres intervenants : psychologue, famille, voire l’aumônier.

L’extension des compétences et des métiers, permet de résoudre des problèmes de plus en plus nombreux ; le spectre de la prise en charge s’élargit et vise désormais la personne toute entière. Cependant des questions nouvelles surgissent, par exemple : jusqu’où aller dans l’enrichissement de la prise en charge ? Partant du désir d’améliorer l’aide au patient, le système peut déri-ver et devenir totalitaire : on s’occupera alors d’« améliorer » sa vie privée ou familiale. Toutefois dans cet élan le mouvement est freiné par la question économique, car les interventions s’ajoutant les unes aux autres, le coût de la prise en charge s’élève rapidement. Les canadiens ont posé une limite : ramener le patient dans l’état antérieur, sans chercher à améliorer cet état. S’il a été renversé par une voiture alors que sans domicile fixe il déambulait en

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état d’ivresse, l’on ne s’occupera ni d’améliorer son insertion sociale, ni de son alcoolisme. Cette limite paraît sévère ; néanmoins, elle rappelle judicieuse-ment que la réadaptation doit rester à sa place et ne pas se poser comme char-gée de la mission impossible qui consisterait à tout réparer, ce qui exprimerait un désir de toute-puissance.

La notion d’équipe pluridisciplinaire

L’équipe, une notion ambiguë

L’organisation des soins en centre de réadaptation repose sur plusieurs pôles : le médical, les soignants et les réadaptateurs - chacun étant installé dans un espace particulier. Même si la notion d’équipe est très présente dans le discours, le concept est ambigu. Il décrit autant l’équipe professionnelle, par exemple l’équipe des kinésithérapeutes, que le collectif des intervenants de toutes les disciplines prenant en charge les patients. Ce qui manque dans l’organisation traditionnelle, c’est la volonté de constituer l’équipe rassem-blant l’ensemble des intervenants et surtout le moment concret et symbolique qui confère à cette équipe une visibilité, une conscience et une identité. Autre-ment dit, l’équipe reste virtuelle.

Le schéma du tapis roulant

Ce type d’organisation entérine une segmentation, qui s’apparente à un morcellement de la prise en charge et n’est pas sans rappeler la division du travail dans le milieu industriel. Chaque intervenant accomplit une parcelle du travail global selon un modèle séquentiel. Le modèle du tapis roulant décrit de façon sans doute idéal-typique ou caricaturale que le patient reste morcelé entre les dimensions prises en charge par les compétences multiples qui se relaient. Concrètement, à défaut de tapis, c’est en fauteuil roulant qu’il se déplace entre les secteurs allant de sa chambre au plateau technique, de la kiné à l’ergo, passant par la balnéo et la psychologue. Est absent le moment de la synthèse, de la vision globale, où chacun des actes pratiqués s’intègre dans une totalité et trouve son sens. Autrement dit, le patient demeure objet de soin, conformément à l’organisation sanitaire traditionnelle où le patient n’est pas sujet, encore moins acteur de sa prise en charge.

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L’effet fédérateur du modèle de Wood

Tous ces professionnels ont un référentiel commun, par lequel ils sont amenés à penser leur intervention : le modèle de Wood - du nom de ce méde-cin qui organisa pour l’oMS la première classification internationale sur le triptyque : déficience, incapacité, handicap. Ce modèle a eu un succès consi-dérable. Il est devenu l’outil de pensée, d’analyse et d’organisation de l’en-semble des professionnels de la réadaptation.

Pendant longtemps l’idée même de réunions de synthèses des patients rassemblant l’ensemble des intervenants de sa prise en charge est restée une vue de l’esprit plus qu’une réalité - comme si chacun pensait savoir ce qu’il avait à faire et n’avait pas besoin de confronter la progression de sa partie avec les autres - et surtout pas besoin d’eux pour savoir ce qu’il avait à faire.

Le rôle central du médecin

Cette organisation corporatiste a conforté le spécialiste en médecine physique dans sa position de chef d’orchestre. Médecin à la formation réelle-ment transdisciplinaire, il dispose des compétences permettant de prescrire, coordonner, voire évaluer les multiples interventions. C’est donc logiquement à lui qu’incombe le pilotage, car lui seul peut - s’il le veut - considérer le patient dans sa globalité. Ce rôle de pilotage dépasse ainsi les questions habi-tuelles du pouvoir et de la place du médecin dans le système sanitaire.

En définitive, malgré d’évidentes lacunes - rétrospectivement visibles à la lumière de l’interdisciplinarité - ce système ne fonctionne pas trop mal et donne même d’assez bons résultats, y compris du point de vue de la satisfac-tion des patients. Il correspond à une époque et un point de vue, que l’on peut définir comme un humanisme fonctionnaliste. Dans l’histoire de la réadap-tation, il s’agit d’une étape nécessaire correspondant au développement d’un corpus de savoirs et de savoir-faire. Replacer cette conception dans son histoire évite de la dénigrer trop rapidement, sans lui rendre justice de ses qualités.

Le modèle interdisciplinaire (Hesbeen)

Depuis une décennie plusieurs contributions sont venues non pas remettre en question, mais ajouter une dimension nouvelle à la réadaptation. La plus remarquable est documentée dans les écrits de Walter Hesbeen, et les forma-tions de l’Institut de la Source qu’il dirige.

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Prendre soin – la démarche soignante

Le modèle de la Source se fonde sur la distinction sémantique entre « les soins » et « prendre soin ». « Être soignant nous apparaît comme l’expression de notre humanité dans l’humanité, c’est-à-dire le souci de notre présence au monde en vue de contribuer, modestement, de la place occupée, à un univers plus soignant, à une atmosphère plus riche et plus répandue » (Hesbeen, p. 71). Cette compréhension du soin est déclinée en différentes formes : prendre soin de soi, prendre soin des autres, prendre soin des choses et de la technique, prendre soin de la beauté, prendre soin du débat. » voilà une charte, véritable profession de foi de cette orientation qui s’apparente à un humanisme inter-personnel, comme dépassement de l’humanisme fonctionnel décrit plus haut.

Cette philosophie abstraite se concrétise dans la démarche soignante : « La démarche désigne cette capacité de se mouvoir, de se porter vers autrui en vue de marcher avec lui. Le fondement même de la démarche soignante repose sur ces deux mots : une rencontre et un accompagnement. » (ibid. p. 83).

Au centre du modèle est ainsi la question de la rencontre interperson-nelle faite de simplicité, de dépassement du savoir, au profit d’une notion de confiance, d’une écoute personnelle de la souffrance du patient. L’accompa-gnement du patient par le soignant se redéfinit en conséquence : « Le soignant a pour mission de tenter d’aider une personne à se créer un mode de vie porteur de sens pour elle et compatible avec sa situation et ce quel que soit l’état de son corps ou la nature de son affection » (ibid. p. 85).

L’équipe soignante interdisciplinaire

Hesbeen note que le travail en équipe n’est pas facile et qu’il exige une maturité professionnelle importante. C’est pourquoi cette notion relève très souvent de la « bienséance rhétorique » et cache une simple prestation pluri-disciplinaire. Le travail en équipe interdisciplinaire est autre chose. C’est l’ap-plication des principes évoqués plus haut, déclinant l’idée de prendre soin, aux relations en vue d’une coopération. En effet, seule l’interdisciplinarité permet de faire face à la complexité des relations humaines «  en dépassant les approches simplificatrices qui morcellent et où chacun a déterminé son domaine d’intervention. »

Étant donné que c’est la recherche d’humanité qui fonde cette concep-tion, on n’est pas étonné que le souci d’être à l’écoute concerne certes d’abord le patient, mais n’ignore pas les soignants et leurs difficultés. C’est là à la fois l’objet d’une gestion humaine des ressources (plutôt que la gestion des ressources humaines) et l’objet d’un dialogue au sein de l’équipe.

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Le modèle du cercle

En fait, ce modèle introduit un nouveau schéma, synchronique, qui se substitue à l’organisation diachronique précédente : l’image elle aussi idéal-typique de l’équipe réunie en cercle, parlant ensemble du patient, et même du patient non pas au centre du cercle, mais inclus dans le tour de table comme un intervenant qui participe au débat le concernant. Cette image embléma-tique du cercle n’implique en rien l’abandon du système pratique antérieur, (la prise en charge est toujours séquentielle) mais elle ajoute une dimension supplémentaire qui apporte la globalité, le sens et repositionne le patient comme sujet. Ce n’est pas un changement anodin.

Ce modèle a rencontré une belle fortune chez les soignants. Probablement parce qu’il répond à leurs désirs et reconnaît de la valeur à la qualité de la relation humaine.

Évaluation

Deux aspects en constituent néanmoins une limite. Tout d’abord le modèle est une réflexion essentiellement axiologique : il pose une orientation en défi-nissant des valeurs. En revanche la mise en œuvre concrète n’est ni dévelop-pée ni systématisée. La formation dispensée est une sensibilisation, plutôt que l’organisation de l’interdisciplinarité.

Plus problématique est la place du médecin ; elle est peu analysée, discutée, resituée dans la nouvelle perspective22. Cet acteur essentiel du champ sanitaire perd sa visibilité ; il disparaît ou se fond dans l’équipe, où il n’intervient plus que comme un membre parmi tous les autres. Ceci flatte peut-être les autres professions mais ne facilite pas l’adhésion des médecins à la démarche, car elle donne l’impression de faire peu de cas de leurs responsabilités, de leur rôle propre et ne rend pas non plus justice aux longues années de leur formation23.

Les idées théorisées par Walter Hesbeen se sont largement répandues, grâce à de nombreux relais : demandes d’intervention dans des IFSI, créa-tion d’une organisme de formation, interventions régulières aux congrès de l’AIRR (Association des infirmières en rééducation et réadaptation), création d’un organisme international francophone… Une fois de plus la réadaptation fonctionnelle a pris une longueur d’avance, particulièrement sur les soins de suite et la gériatrie.

22 Tout se passe comme si cet auteur connaissait surtout un succès chez les paramédicaux, s’adressant à ce public plutôt qu’au milieu médical.23 Ceci n’est pas sans évoquer le modèle canadien, où la réadaptation est quasiment faite sans médecin.

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Une démarche appliquée : le modèle héricourtois

Le Centre de Réadaptation Fonctionnelle Bretegnier d’Héricourt a tenté de mettre en application l’idée d’interdisciplinarité en définissant un mode d’organisation. L’élaboration et la mise en œuvre ont été progressives, faute de modèle à imiter ; elles sont également restées empiriques, jalonnées de naïvetés, d’enthousiasmes, de déceptions, d’essais, de ratures… Aujourd’hui encore, sous la pression d’éléments adverses, l’application n’est pas optimale.

Améliorer le dialogue interprofessionnel

La première étape a consisté à faire prospérer l’idée et de familiariser les équipes avec l’évolution, tout en créant les conditions psychosociologiques permettant sa mise en application. Paradoxalement cette étape a consisté à former les équipes par métiers, donc séparément : le groupe des infirmières, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes etc. L’objectif poursuivi était de faire réfléchir chaque métier sur son rôle, sa place dans la prise en charge et dans l’institution, son histoire et ce faisant de susciter une conscience profes-sionnelle basée sur la fierté et la reconnaissance du métier. Cette étape parais-sait nécessaire avant l’ouverture au dialogue avec les autres métiers. Pour les uns il s’agissait de valoriser le métier pratiqué, pour d’autres il a fallu y ajou-ter la valorisation et la reconnaissance par les autres professions. Le résultat escompté était d’améliorer la participation et l’écoute au sein des réunions de synthèses déjà inscrites dans les habitudes, mais au rendement parfois incer-tain, faute pour les uns de s’autoriser à parler, faute pour les autres d’être à l’écoute des collègues.

Un outil : le P3I

La seconde étape a consisté à organiser l’interdisciplinarité concrète de la prise en charge. La méthode retenue a été le P3I, ou Plan d’Interdisciplinaire Individualisé d’Intervention. Cette méthode élaborée au Canada par l’équipe du professeur Boulanger24 a nécessité une nouvelle formation de l’ensemble des intervenants, médecins compris, pour créer la compétence avec l’outil. Le P3I est fondé sur le modèle de Wood. Il définit les objectifs et les actions à entreprendre en partant d’une vision globale de la situation du patient, et surtout il associe le patient, voire ses proches, à l’élaboration des objectifs  ; après quoi chacun reçoit en main propre le compte-rendu de la réunion, patient compris, ce par quoi les objectifs écrits acquièrent un caractère quasi

24 Au Québec : Université McGill et Institut de Réadaptation de Montréal.

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contractuel. Sur le plan imaginaire, la réunion du P3I met en scène le modèle du cercle évoqué plus haut ; et le patient est reconnu comme sujet.

Cette méthodologie est assez lourde à organiser (temps, salles, disponi-bilité des équipes), surtout si le P3I doit être répété en cours de séjour, puis évalué à proximité de la sortie. C’est pourquoi cette méthode est réservée aux cas complexes dont les séjours sont relativement longs ou lorsque l’équipe repère une possible difficulté dans le processus de sortie.

La place du médecin

L’organisation a été possible parce que les médecins ont joué le jeu, en participant aux formations, en acceptant, bon gré mal gré, l’évolution. Cepen-dant il a fallu inventer une réponse à la question posée de leur place. La bonne volonté des médecins a probablement également fait écho à l’impression que l’objectif de la manœuvre n’était pas de les priver ou de porter atteinte à leur place, mais seulement d’évoluer collectivement et de faire évoluer l’institution. La question était posée avec d’autant plus d’acuité que le P3I permettait une interchangeabilité des rôles.

Un premier aspect a consisté à reconnaître le médecin dans son rôle propre, notamment tel que défini par la réglementation, par exemple son rôle de pres-cripteur, y compris de la prise en charge des paramédicaux.

Un second aspect, plus culturel, a été de le confirmer dans son rôle d’in-terface : il doit avoir un dialogue, non pas exclusif (ce serait la négation de la dimension humaine propre à l’interdisciplinarité) mais privilégié avec le patient et la famille. Il aurait pu en être différemment, puisque dans la concep-tion globale n’importe quel intervenant peut expliquer au patient ce qui se passe, où l’on va. Mais il a été admis que le patient auquel on aurait assigné tel professionnel dans un rôle de référent, et a fortiori sa famille, aurait mal compris pourquoi il ne pouvait pas s’adresser au médecin et que celui-ci se limite à le renvoyer vers le référent. En dépit de toutes les inflexions, la relation duelle (le colloque singulier) reste l’un des piliers de l’exercice de la médecine.

Enfin, en raison de son statut et de sa formation transdisciplinaire, le médecin a également été reconnu dans son rôle de garant du chemin clinique, supervisant la prise en charge et l’évolution du patient. Ceci a semblé logique, compte tenu de sa fonction de prescripteur, de sa formation et de sa respon-sabilité devant la justice.

Les cadres de santé et l’équipe interdisciplinaire

Reste à préciser et à organiser l’équipe interdisciplinaire. Comme évoqué plus haut, le système de santé a jusqu’ici privilégié les équipes corporatives.

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Ceci est favorisé par la structure spatiale qui sépare l’hébergement (service de soins) du plateau technique. Des éléments réglementaires viennent consolider cette distinction.

La notion d’équipe interdisciplinaire implique dans un premier temps de regrouper au sein d’un collectif unique l’ensemble des intervenants s’occupant d’un patient et au-delà d’un groupe de patients. Pour des raisons pratiques, ce regroupement se fait facilement à partir de l’unité de base qui est le service (ensemble de chambres des patients) et des soignantes (infirmières et aide-soignantes) affectées à ce service ; cependant, il faut poursuivre le découpage en y ajoutant des rééducateurs : kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthopho-nistes, assistantes sociales… Comme on le constate, la constitution d’équipe privilégie les soignantes, dont elle épouse les contours de l’organisation tradi-tionnelle mais éclate les intervenants des plateaux techniques. Il en résulte que les soignantes conservent mieux leur identité de groupe que les rééducateurs. Néanmoins l’organisation de l’hébergement selon des pathologies (création de filières) donne à l’ensemble une indéniable cohérence.

Conclusion : l’interdisciplinarité une utopie ?

La mise en œuvre concrète de cette philosophie a rencontré des difficultés, qui ne tiennent guère à la légitime et habituelle résistance au changement, mais davantage au manque de références (de modèles à imiter). La nécessité d’inventer une organisation au fur et à mesure que des questions se posent est une démarche essentiellement empirique.

Tout cela conforte le sentiment que l’interdisciplinarité est mieux reconnue comme idée (idéologie ?) que comme organisation, et qu’au final la tentative n’outrepasse pas seulement mais transgresse aussi l’ordre social inscrit dans l’organisation traditionnelle. Pourtant selon cette expérience, l’interdisciplina-rité reste une belle et bonne idée. Comme une utopie ? Peut-être. Reste le P3I : une démarche concrète qui rassemble les intervenants, implique le patient, définit des objectifs, fédère le contrat thérapeutique y compris avec la famille. Pour la satisfaction de tous.

Références bibliographiques• Aron Raymond (1967) « Les étapes de la pensée sociologique », NRF, 659p.• Foucault Michel (1963) « Naissance de la clinique », PUF, 214 p• Gille Bertrand (1978) « Progrès technique et société » in « Histoire de la technique »,

sous la direction de Bertrand Gille, pp.1241-1316, Encyclopédie de la Pléiade, NRF.• Hesbeen Walter (1994) : « La réadaptation, du concept au soin », Lamarre, 208p.• Hesbeen Walter (2001) : « La réadaptation, aider à créer de nouveaux chemins », Seli

Arslan, 156p.

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• Schwach victor (2002) « Un regard sur le modèle québécois » Perspectives Sanitaires et sociales, n°156, pp. 31 et suiv., FEHAP editions.

• Schwach victor (2004) « Interdisciplinarité. Principes et méthodes de l’interdisci-plinarité en réadaptation fonctionnelle » Publié dans « Perspective soignante » et « Gestion Hospitalière ».

Une autre philosophie Humanitude de Gineste et Marescotti

La philosophie de soins de l’humanitude basée sur les concepts de bien-traitance, de règles de l’art dans le soin, regroupe un ensemble de théories et pratiques originales pour :

• rapprocher le soignant et le soigné dans leur humanitude ;• améliorer les soins et le prendre soin des personnes en établisse-

ment et à domicile ;• accompagner ainsi les personnes âgées dans la tendresse et le respect

de l’autonomie, debout, jusqu’à la fin. De tout temps, il s’est trouvé des soignants qui se sont occupés des

personnes avec humanité. Mais soigner avec humanité n’est pas prendre soin en humanitude. Le mot humanitude a été créé par Freddy Klopfens-tein (Humanitude, essai, Genève, Ed. Labor et Fides, 1980).

Plus tard, Albert Jacquard, reprend ce terme sur le modèle du mot négri-tude jadis créé par Aimé Césaire, puis popularisé par Léopold Senghor. Ceux-ci avaient ainsi, nous dit Albert Jacquard, utilisé « un mot nouveau pour désigner l’ensemble des apports des civilisations d’Afrique centrale, l’ensemble des cadeaux faits aux autres hommes par les hommes à peau noire : la négritude. »

Les cadeaux que les hommes se sont faits les uns aux autres depuis qu’ils ont conscience d’être, et qu’ils peuvent se faire encore en un enrichissement sans limites, désignons-les par le mot humanitude. Ces cadeaux consti-tuent l’ensemble des caractéristiques dont, à bon droit, nous sommes si fiers, marcher sur deux jambes ou parler, transformer le monde ou nous interroger sur notre avenir.

L’humanitude, c’est ce trésor de compréhensions, d’émotions et surtout d’exigences, qui n’a d’existence que grâce à nous et sera perdu si nous dispa-raissons. Les hommes n’ont d’autre tâche que de profiter du trésor d’huma-nitude déjà accumulé et de continuer à l’enrichir.

Ainsi Jacquard définit une approche écologique de l’humanitude. Plus tard, dès 1989, un gériatre français, Lucien Mias, introduit pour la première fois le terme d’humanitude dans les soins.

Enfin, en 1995, Rosette Marescotti et Yves Gineste décident d’écrire une nouvelle philosophie de soin qu’ils baptisent la philosophie de soin

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de l’humanitude, car toutes les actions soignantes se réfèrent toujours à une philosophie de soin. Une philosophie de soin a entre autres pour objet l’étude des principes fondamentaux d’une activité, d’une pratique, des réflexions sur leurs sens et leur légitimité.

La philosophie de l’humanitude, développée dans le cadre de la métho-dologie des soins Gineste-Marescotti, constitue une réflexion sur les carac-téristiques que les hommes possèdent et développent en lien les uns avec les autres, sur les éléments qui font que chaque homme peut reconnaître les autres hommes comme des semblables. La philosophie de soin de l’huma-nitude tente de répondre à une question : Qu’est-ce qu’un soignant ?

Un soignant est un professionnel qui prend soin d’une personne qui à des problèmes de santé, ou qui se préoccupe de sa santé, dans le but de l’ai-der à l’améliorer, ou la conserver, ou pour l’accompagner jusqu’à la mort. Mais jamais pour la détruire. on ne devient soignant qu’en s’occupant de l’humanitude.

L’humanitude considère l’ensemble des particularités de la personne : le rire, l’humour, l’intelligence conceptuelle, la verticalité, l’habit, la socialisa-tion : famille, repas etc. L’humanitude est l’ensemble des particularités qui permettent à un homme de reconnaître un autre homme comme faisant partie de l’humanité.

on note une évidente parenté entre cette philosophie et celle de Hesbeen. Toutes deux postulent que le soin, avant d’être une technique, suppose l’entrée en relation avec une personne vulnérable. Il ne s’agit donc pas seulement d’apporter une plus-value technique, mais également une réponse humaine. Si la théorie de Hesbeen a largement essaimé en SSR, celle de Gineste et Marescotti a d’abord été reconnue en gérontologie (les EHPAD), avant de s’étendre lentement aux SSR gériatriques.

Source : IGM formation

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Panorama des SSR après la réforme de 2008

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La réforme réglementaire (2008)

Au début des années 2000, les SSR sont dans l’impasse. Sur le plan réglementaire la parution de nombreuses circulaires apporte

certainement un éclairage sur la qualité des filières et des prises en charge, mais ne résout ni la question du financement de cette montée de niveau, ni celle du dépassement des références obsolètes de 1956. Ces circulaires sont autant de vœux pieux.

En théorie du moins, les textes de 1956 sont toujours applicables. Leur révision aurait pu intervenir en 2006. Mais le cinquantenaire des décrets passe, le changement se fait attendre. Les projets sont rédigés, mais les arbitrages traînent. Les nouveaux textes finissent à être publiés au mois d’avril 2008.

Références• Décret n°2008-376 du 17 avril 2008 relatif aux conditions techniques de fonctionne-

ment applicables à l’activité de soins de suite et de réadaptation.• Décret n°2008-377 du 17 avril 2008 relatif aux conditions d’implantation applicables

à l’activité de soins de suite et de réadaptation.• Circulaire DHoS/o1/2008/305 du 3 octobre 2008.• Courrier DHoS du 27 avril 2009 : « Point sur la réforme de l’activité de soins de suite

et de réadaptation. »

Une nouvelle définition

Les décrets apportent des changements notables. D’abord ils mettent fin à la séparation entre réadaptation fonctionnelle

et soins de suite. L’ensemble est désormais réuni sous un même intitulé, avec modification de la conjonction « ou » en « et » : soins de suite et réadaptation.

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L’HôPITAL D’HÉRICoURT : UNE HISToIRE CENTENAIRE

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Il faut entendre par là une inflexion majeure. Le champ n’est plus défini par la réunion de deux sous-ensembles distincts (d’un côté la réadaptation et de l’autre les soins de suite) ; dorénavant l’ensemble des structures doit satisfaire à des conditions générales qui spécifient l’existence d’une équipe pluridiscipli-naire et mettent au premier plan la notion de projet thérapeutique coordonné par un médecin.

Le Code de la Santé Public comporte une nouvelle définition : « L’acti-vité de soins de suite et de réadaptation (…) a pour objet de prévenir ou de réduire les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des patients et de promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion. » (Art R.6123-118).

Les conditions matérielles sont limitées au strict minimum : présence de fluide, dispositif d’appel, chambres à un ou deux lits, espaces de convivialité, chariot d’urgence.

L’activité SSR telle que décrite dans les décrets devient une activité médi-cale à part entière avec la vocation de délivrer des soins. Pour qui sait lire entre les lignes, c’est une réitération de la fin de la convalescence, entendue comme une étape passive avec surveillance médicale, d’attente que l’état de santé du patient s’améliore. L’on peut y voir également, en filigrane, une nouvelle étape d’atténuation de la mission d’hébergement.

Car les SSR ont vocation à prodiguer des soins actifs. Le CSP comporte de ce fait des précisions sous forme d’une liste des missions de référence, que l’établissement devra être obligatoirement en mesure d’assurer : «  L’autori-sation d’exercer l’activité de soins de suite et de réadaptation ne peut être accordée (…) ou renouvelée (…) que si l’établissement de santé est en mesure d’assurer :

1. les soins médicaux, la rééducation et la réadaptation afin de limiter les handicaps physiques, sensoriels, cognitifs et comportementaux, de prévenir l’apparition d’une dépendance, de favoriser l’autonomie du patient ;

2. des actions de prévention et l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage ;

3. la préparation et l’accompagnement à la réinsertion familiale, sociale, scolaire ou professionnelle. » (Art. 6123-119)

Comparativement à l’ensemble des structures SSR existantes, le niveau référencé par les textes s’élève franchement. L’écart entre la situation, les moyens, le projet de maints établissements de soins de suite et les orientations énoncées peut être considérable. Que l’on pense à ces anciens hôpitaux locaux qui n’ont ni médecin salarié, ni équipe paramédicale (ni kinésithérapeute, ni ergothérapeute).

Pour tous, la question des moyens est clairement posée : « Les effectifs du personnel sont adaptés au nombre de patients effectivement pris en charge

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et à la nature et l’intensité des soins que leur état de santé requiert. » (Art D. 6124-177-2).

Pourtant la communauté du moyen séjour ne portera que peu d’attention à cette question. Elle se focalise sur un autre aspect : la reconnaissance d’une spécialisation.

La spécialisation

Après avoir décrit les conditions générales, les décrets précisent deux caté-gories : les établissements non spécialisés (parfois appelés SSR indifférenciés ou polyvalents) et les établissements spécialisés.

La première catégorie est mal définie et la circulaire parue l’année suivante met les pieds dans le plat : « le SSR non spécialisé se définit par défaut par rapport aux prises en charge spécialisées et sans lien avec un critère d’âge. » Et elle ajoute plus loin : «  c’est le niveau de prise en charge qui justifie la mention. » Cette définition n’est pas réellement attractive et se prête à l’inter-prétation d’une différence de valeur : de niveau, de reconnaissance. Et c’est pourquoi la tentation de la spécialisation gagne le secteur.

La première spécialisation possible concerne les enfants. Deux classes d’âge sont identifiées : moins de six ans, plus de six ans. La limite d’âge supérieure n’est pas définie, mais les conditions techniques sont spécifiées, en particulier pour ce qui concerne les compétences médicales, éducatives et soignantes. La place de la famille est un point d’attention particulier.

Ce sont les autres spécialisations qui ont focalisé l’attention. Elles sont les neuf suivantes et concernent la prise en charges des :

a. affections de l’appareil locomoteur ;b. affections du système nerveux ;c. affections cardio-vasculaires ;d. affections respiratoires ;e. affections des systèmes digestif, métabolique et endocrinien ;f. affections onco-hématologiques ;g. affections des brûlés ;h. affections liées aux conduites addictives ;i. affections de la personne âgée polypathologique, dépendante ou à

risque de dépendance.Pour chacune de ces mentions de spécialisation, des conditions techniques

sont décrites en matière de compétences médicales et paramédicales, et d’équi-pement. Quelques surprises ne sont pas évitées, comme la nécessité d’accès à un laboratoire d’analyse du mouvement et de la marche pour les SSR locomo-teurs - des équipements alors rares dont l’utilité a probablement été recom-mandée par quelque sommité universitaire.

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Si l’on reconnaît bien les anciennes spécialités de la réadaptation fonction-nelle, cardio-pneumologique… jusqu’aux conduites addictives (alcoologie et/ou toxicomanie), l’on découvre avec intérêt une nouvelle spécialité de gériatrie dédiée à la prise en charge des affections de la personne âgée polypatholo-gique, dépendante ou à risque de dépendance.

Les décrets sont complétés par une première circulaire (2008). Et comme il reste des zones d’ombre, une lettre explicative est rendue publique quelques mois plus tard. Ces documents cherchent à préciser la notion décrite plus haut : la définition d’une mission qui n’est pas l’hébergement, mais une prise en charge médicale pluriprofessionnelle. La circulaire explicite quelques sous-entendus :

• l’évaluation des besoins médicaux préalablement à l’admission permet-tant de définir un objectif thérapeutique ;

• la mise en place de coordinations territoriales en SSR ;• l’organisation de filières avec des réseaux de partenariat ;• la notion de gradation de l’offre de soins ;• l’admission directe à partir du domicile (sans hospitalisation MCo

préalable).La circulaire conseille aux ARS d’organiser de façon rationnelle le nouveau

SRoS SSR, en anticipant par exemple le vieillissement de la population, en veillant à satisfaire les besoins non couverts, en permettant notamment aux établissements spécialisés d’atteindre une masse critique en volume de façon à « optimiser le fonctionnement du plateau technique et humain de la struc-ture. »

La circulaire comporte d’importantes annexes détaillant la conception de la DHoS à propos des mentions de spécialisation. Pour chaque mention une annexe avec des rubriques précises détaille les objectifs spécifiques, l’orienta-tion (modalité et profil des patients), les compétences requises ainsi que les moyens matériels.

Tout cela part de bons sentiments mais n’est pas assez précis pour induire de vrais effets. Laissons quelques imprécisions ou curiosités pour relever des contradictions. La principale est qu’il n’y a pas de correspondance univoque entre la spécialisation de l’établissement et les patients accueillis. Le critère de proximité demeure. La porte est ouverte à certaines dérives, dont on ignore encore si elles sont provisoires ou non : la concurrence entre des établisse-ments spécialisés (ex-CRF) et polyvalents pour un même patient.

Cet état de choses conduira à examiner avec attention la question du financement et notamment la doctrine qui a été formulée précocement par la DHoS : «  nous n’envisageons pas un financement des autorisations  », en réponse à une proposition formulée par la FHF. Aussi après s’être préci-pités sur les mentions de spécialisation, les établissements (notamment les ex-CRF) s’interrogent-ils sur le financement des contraintes d’équipement et

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de compétences requises par l’autorisation qui leur a été délivrée. Et faute de financement suffisant, n’aurait-il pas valu mieux renoncer à la spécialisation ?

Une mise en mouvement ?

Avant de s’appliquer aux établissements de santé, les dispositions nouvelles obligent à réajuster la planification. Toutes les régions s’engagent à marche forcée dans la révision du volet SSR de leur SRoS, avec l’échéance d’une publication avant 18 mois. La lettre d’avril 2009 a pour but d’apporter les précisions utiles.

Plusieurs changements doivent être pris en considération.• La notion de gradation de l’offre de soins entre établissements non

spécialisés et établissements spécialisés ; la spécialisation étant liée à la lourdeur/complexité des patients pris en charge.

• La notion d’optimisation des structures devant atteindre une masse critique en volume pour justifier leur rôle au sein d’un territoire.

• La fusion des volumes d’activité RF et SS (globalisation avec possibi-lité de différenciation par spécialité).

Les ARS s’interrogent

Les ARS s’interrogent et doutent. Les nouveaux directeurs généraux, encore appelés préfigurateurs, en place depuis quelque mois constatent que leurs moyens (les marges de manœuvre) sont faibles au regard des orientations des SRoS. Le calendrier est très court pour délivrer les nouvelles autorisations (parfois seulement un mois).

Trois conseillers généraux des établissements de santé (CGES) sont missionnés pour un audit national, Loïc Geffroy, vincent Le Taillandier de Gabory et Gérard Decour. Leur mission concerne précisément les modali-tés de révision des SRoS. Ils dressent un constat plutôt sévère : la révision des SRoS a, pour ainsi dire, manqué d’intelligence. Elle a été faite genti-ment, sans que les autorités régionales n’engagent une réflexion de fond. Le pouvaient-elles seulement. La liste des critiques est fournie :

• absence de diagnostic préalable ;• des objectifs proches de l’existant ;• pas de recherche d’efficience ;• des études de l’offre d’aval limitées ;• absence de chiffrage de l’impact financier des volumes autorisés

(oQoS) ;• pas de référence nationale / pas de benchmark.

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Par exemple, les auteurs chiffrent que le développement des SSR permis par les SRoS révisés implique un surcoût de l’ordre de 4 à 8 Mds €. Un chiffre propre à inquiéter les autorités qui tiennent les cordons de la bourse. Une telle analyse ne manque pas de s’accompagner de quelques recommandations. La plus originale est d’introduire une composante économique dans la planifica-tion.

on peut dire que la révolution n’est pas brutale. Et les SRoS révisés se limitent parfois à de simples habillages. La nouvelle réglementation est peu appropriée, les SSR n’ont pas non plus été une priorité. Les résultats se font attendre. Les dispositions sont encore trop récentes pour imprimer une marque et infléchir réellement ce secteur multiforme et souvent sensible.

D’ailleurs à peine promulgué le SRoS SSR révisé 2009, que de nouveaux travaux sont engagés dans le cadre des concertations devant conduire au PRS, dont le SRoS révisé sera une composante. Le premier PRS est une tâche tita-nesque qui mobilise les ARS au bout de leurs forces. Les quelques pages consa-crées aux SSR ne figurent pas parmi les priorités les plus fréquentes. L’analyse des CGES pourrait être répétée en des termes assez proches, à ceci près que les objectifs quantitatifs ont disparu. Provisoirement, chacun pourra faire ce qu’il veut ! Ce n’était pas l’objectif recherché.

Une période d’attente

C’est ensuite aux établissements de déposer le dossier de demande d’une nouvelle autorisation. Celle-ci sera délivrée de façon provisoire, avec un délai de deux ans pour parachever la mise en conformité. Comme évoqué ci-dessus, les nouvelles autorisations ne comportent plus d’indications d’activités. Ce n’est qu’en 2013, soit cinq ans après la parution de la nouvelle réglementation que l’on peut dresser un premier bilan, après les visites de conformité devant confirmer les autorisations provisoires délivrées.

Fondamentalement rien n’a encore vraiment bougé. Les ex-CRF ont obtenu pour la plupart une mention « locomoteur » et « neurologie » ; un certain nombre de soins de suite se sont positionnés sur la mention « personnes âgées. » Tout cela doit encore faire ses preuves et démontrer que les moyens, les prises en charge, les patients admis sont en concordance. Tel n’est pas encore acquis. La mise en mouvement reste à faire pour ce qui concerne la vraie planification.

Il est donc trop tôt pour cerner l’évolution. Plusieurs tendances appa-raissent. Tout d’abord le constat que certaines spécialisations sont problé-matiques, peut-être opportunistes, voire factices. Ainsi la gériatrie. Dans le contexte du vieillissement de la population et la forte proportion de personnes âgées déjà en SSR, tous les SSR n’ont-ils pas vocation à devenir gériatriques ? Et surtout les SSR indifférenciés. La spécialisation résistera-t-elle au long cours ?

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Ensuite, cette confusion déjà évoquée au sujet de la spécialisation conduit tantôt à surestimer cette dimension, tantôt à la diluer dans une vaste soupe. Comment cela se décantera-t-il ? Il faut encore attendre pour le savoir. Tel est l’enjeu des visites de conformité, dont l’argumentaire technique masque encore souvent la dimension politique. Sera-t-il possible aux ARS d’imposer le seul point de vue technique et l’aménagement du territoire ? La question reste ouverte.

Revenons encore sur l’aspect quantitatif. L’administration témoigne ici d’un incontestable flottement. Sur le plan réglementaire, il n’y a plus ni auto-risations de lits ou places, et pas non plus de fourchettes d’activités. L’autorisa-tion délivrée ne mentionne que l’activité SSR dans ses formes (hospitalisation complète/de jour) et les éventuelles mentions de spécialisation. Autrement dit, l’établissement peut exploiter autant de capacités qu’il le veut ou qu’il le peut. Rajouter quelques lits dans un service ? Rien ne s’y oppose s’il y a de la place. Créer quelques places en hospitalisation de jour ? Rien ne s’y oppose s’il y a suffisamment de professionnels. Les structures financées par la DAF n’ont pas toujours intérêt à profiter de cette tolérance. Les structures oQN ont tout à gagner. Plus curieusement encore, maints documents officiels continuent à évoquer des lits et places, et jusqu’au recueil de la SAE qui veut documenter des lits et des journées selon les autorisations. Sur quelle base juridique ?

Une autre mise en mouvement se dessine : la concurrence dans un contexte de crise économique. Par exemple d’anciens hôpitaux locaux tentent de capter des patients neurologiques au sortir d’hospitalisation pour AvC et ce faisant les détournent des ex-CRF spécialisés en neurologie. Il est à craindre que cette concurrence déloyale sur la base de la proximité et de la solidarité de statut ne conduise à des dommages collatéraux. Une fois de plus apparaît au grand jour une lacune de la toute jeune réglementation : il n’y a pas une correspondance complète entre les établissements et les patients. Et comme on le verra, il n’y a pas de garantie de financement des moyens mis en œuvre par les établisse-ments spécialisés.

Alors que la communauté des SSR s’était précipitée sur les mentions de spécialisation, le doute persiste : à quoi cela sert-il d’être spécialisé ? n’aurait-il pas mieux valu s’affranchir des conditions techniques, si ensuite il est permis d’accueillir tous les patients et que le financement sera identique ?

En conclusion, la refonte des textes réglementaires n’a pas produit d’effet notable. Contrairement aux espoirs de la DGoS. Ce n’est que partie remise. Car une nouvelle étape a été engagée. Elle produira ses fruits.

Références• «  Mission d’évaluation des SRoS SSR » Loïc Geffroy, vincent Le Taillandier de

Gabory et Gérard Decour, CGES, février 2010.• « Atlas SSR 2010. outil d’aide à la décision stratégique… », SPH Conseil et Groupe

Montaigne, ed. FHF.

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Réforme du PMSI et modulation IVA

Depuis son origine, le PMSI a pour finalité la description de l’activité en vue d’un financement. Cette préoccupation médico-économique avait été perdue de vue depuis l’arrêt de l’ENC. La démarche a connu un flotte-ment d’origine politique. La T2A était sur la sellette et sa généralisation aux SSR incertaine. Puis, le projet est revenu au premier plan avec des travaux commandés à l’ATIH. Tout est à reprendre.

La T2A SSR est désormais envisagée pour 2012. Le modèle cible comporte quatre compartiments définis comme suit :

• un compartiment financé directement à l’activité sur la base d’une classification et de tarifs ;

• un compartiment relatif aux molécules onéreuses et dispositifs médi-caux (liste identique à celle applicable aux activités MCo avec ajout de quelques molécules spécifiques au secteur) ;

• un compartiment spécifique aux SSR et relatif aux plateaux techniques particulièrement coûteux ;

• un compartiment similaire à celui qui existe en MCo relatif aux missions d’intérêt général, l’aide à la contractualisation et la recherche.

En fait, les pouvoirs publics ont en tête un schéma : la T2A en court séjour et cherchent à le transposer, quitte à l’adapter au champ SSR.

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Construction d’un nouveau système

Les statisticiens sont en première ligne. Ils remettent à plat la description et au premier chef la classification. Depuis 1998, année de création de la classifi-cation en GHJ (groupes homogènes de journées), l’activité médicale a évolué. Charge aux techniciens d’alimenter leurs ordinateurs en données pour recher-cher les variables explicatives des différences de coûts observées une décennie plus tard.

Comme il se doit, les travaux se font en liaison avec le commanditaire, la DHoS, mais également avec les fédérations et les sociétés savantes. La discus-sion porte sur les variables à prendre en compte. Rapidement, elle achoppera à un point connexe : la construction d’un indicateur de performance. Deux notions sont envisagées : la durée de séjour et l’évolution de la dépendance. Tous les partenaires sont opposés, en premier les médecins qui n’imaginent pas que les patients bénéficient d’un séjour standardisé, surtout pour les pathologies les plus complexes. L’opposition est telle que l’indicateur sera mis entre parenthèses.

La classification en GMD

Les travaux se concentrent sur la nouvelle classification. Les travaux statis-tiques conservent les CMC (catégories majeures cliniques) et poursuivent la construction d’une arborescence par des subdivisions en GMD (Groupes de morbidité dominante) obtenues par un critère d’âge et de la morbidité principale. Les diagnostics associés, d’abord pris en compte, ont été retirés de l’algorithme de classification. Ils sont essentiellement considérés comme des facteurs aggravants. La classification comportera 48 GMD adultes et 27 GMD enfants, soit 75 classes.

Exemple CMC11 :11A01 : insuffisance cardiaque et insuffisante respiratoire chronique, âge > à 18 ans11A02 : TM de l’appareil respiratoire et affections respiratoires liées au vIH, âge > 18 ans11A20 : autres affections de l’appareil circulatoire et de l’appareil respiratoire, âge >18 ans11E03 : mucoviscidose11E21 : autres affections de l’appareil circulatoire et de l’appareil respiratoire, âge <18 ans

La matrice des Points IVA

La classification n’est que la première étape. Des travaux statistiques nombreux la complètent pour cerner les facteurs affectant les coûts de revient ; une liste de variables est testée. Le GMD lui-même reste évidemment une

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variable très importante (le coût de base d’une prothèse de hanche est différent d’une tétraplégie), suivie par la dépendance physique etc.

Les travaux conduiront à un système simplifié où seules six variables seront prises en compte avec une PvE à 42 % : le GMD, l’âge, la dépendance physique, le nombre (de catégories) d’activités de rééducation/réadaptation, la finalité principale, le type d’hospitalisation (complète/de jour). Après discus-sion, la dépendance cognitive et les comorbidités (diagnostics associés) seront réintégrées. La PvE ne progresse que très marginalement.

La matrice est constituée en attribuant à chaque variable et pour chaque GMD un coefficient de pondération. Pour chaque résumé hebdomadaire, un total de points est calculé ; il sera à multiplier par le nombre de journées de présence.

Dès lors le PMSI calculera un total de points IvA pour l’activité documen-tée par l’établissement. Ce total divisé par le nombre de journées et venues conduira à un nouvel indicateur très en vogue pendant plusieurs années : le PMJP ou point moyen par journée de présence.

Le PMJP varie fortement selon les activités médicales. Ainsi les établis-sements spécialisés en addictologie ont un score des plus faibles, inférieur à 1000. À l’inverse les établissements gériatriques accueillant des patients très dépendants ont un score très élevé. Pour la paraplégie chaque point de dépen-dance physique au-dessus de quatre (sur une échelle de 16) rapporte 64 points IvA.

Mais le PMJP décrit également beaucoup d’autres dimensions, dont l’ha-bileté à la cotation PMSI, la démographie locale etc. Les établissements simi-laires peuvent avoir des écarts substantiels.

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Tableau : PMJP par région en 2010 (source FEHAP)Le tableau ci-après montre une disparité considérable entre les PMJP par région, allant de

1.038 pour la Bourgogne, jusqu’à 1795 pour la Réunion (activité « enfants »)

Des travaux complémentaires

Une première enquête a lieu en 2006 ; elle concerne les plateaux tech-niques et les médicaments coûteux. Les données ont été considérées comme non exploitables. Le périmètre a été assez mal défini. Seuls un tiers des établis-sements fait état d’un plateau technique. Les montants sont plutôt faibles.

L’enquête suivante est remplie par 86 % des établissements, puis validée par les ARH, parfois au prix d’un ajustement des montants déclarés. Quoi qu’il en soit, l’ATIH dispose des données de 1.352 établissements. Le péri-mètre a été élargi et comprend notamment l’ensemble des professionnels, tels que les kinésithérapeutes. Malgré cette définition très large, seuls 60 % des établissements quel qu’en soit le statut (DAF ou oQN), déclarent disposer d’un tel plateau technique. C’est le premier enseignement de l’enquête.

Le montant moyen est de 411.000 € sous DAF contre 172.000 € sous oQN. Dans les deux cas, il s’agit pour près de 50 % de la seule kinésithérapie. 603 établissements DAF et 241 oQN déclarent un tel plateau. Près de la moitié des SSR ne disposent pas de cette compétence. Pour l’ergothérapie, les

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chiffres descendent à 409 et 152 - pour la balnéothérapie 277 et 125 - pour l’orthophonie : 203 et 71.

La situation décrite s’avère plutôt complexe, avec des dispersions de coûts très importantes. Peu de conclusions peuvent être tirées quant au financement du futur compartiment « plateau technique ».

D’autres enquêtes concernent les médicaments et les dispositifs médicaux afférents à l’appareillage. La problématique est là encore assez variable. La plupart des établissements ne sont guère concernés. Les ex-CRF constatent la progression des achats relatifs au traitement médicamenteux de la spasticité, une activité récente et en fort développement. Quelques établissements sont confrontés à une problématique d’ampleur très supérieure, liée à une activité de soins de suite en cancérologie et particulièrement en oncohématologie.

Si techniquement ces enquêtes laissent à désirer en raison d’un déficit conceptuel (définition fluctuante du périmètre etc.), elles vont connaître une fortune inattendue : la constitution d’un « débasage » dans le calcul de la modulation.

La modulation ou système transitoire

Avec l’ensemble de ces travaux, un système s’est mis en place. L’activité médicale décrite selon une nouvelle classification connaît désormais un barème attribuant une masse de points. Tout est prêt pour aborder la nouvelle étape : l’allocation budgétaire. Car ne l’oublions pas, tout cela a pour visée de réformer le mode de financement.

Le choix méthodologique a été de ne pas convertir ces points directement en euros, mais d’insérer dans l’évolution vers une vraie T2A une étape inter-médiaire où les DAF (dotation annuellement de financement) seraient modu-lées. Nous sommes donc dans une étape dénommée « modèle transitoire ».

Parmi les nombreux calculs, retenons la modalité finale dans sa version destinée aux établissements sous DAF : dans un premier temps l’on calcule un budget théorique en valorisant les points IvA par un coefficient, en l’occur-rence 0,153, auquel l’on ajoute la somme des valeurs acceptées pour les autres compartiments (PT ; Mo). L’indice est obtenu en divisant la DAF (budget réel) par ce total (budget théorique). Il en résulte que si un établissement obtient un indice supérieur à 1, ses ressources seraient surdimensionnées et inversement si l’indice est inférieur à 1, c’est que les ressources sont insuffi-santes : il serait sous-doté.

La situation individuelle des établissements est d’une diversité conster-nante. Dans le secteur non lucratif 90 % se situent dans la fourchette entre

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0,57 et 1,59. L’éventail est large. Mais 5% se situent en-deça du minimum et autant au-delà du maximum. Ce qui souligne l’urgence de traiter les disparités générées par les budgets historiques. Si certains sont dans la misère d’autres ont (apparemment) bénéficié de moyens sans rapport avec leur activité. La rectification de cet état de choses est à la fois nécessaire et urgente.

Raisonnablement les pouvoirs publics n’envisagent pas de changement brutal. Le principe même de la modulation est d’opérer des ajustements progressifs, voire à la marge. L’on commencera par 2 %. Puis les avis diver-geront. La FHF qui vérifie que le système profite aux structures publiques, réclame 20 % pour l’année 2010, alors que le secteur non lucratif plus prudent recommande une limitation à 5 %. Le Ministère opte pour cette valeur. Sauf pour les oQN qui seront peu affectés par le processus, car la modulation sera appliquée aux seules mesures nouvelles ; autant dire que les tarifs seront quasiment bloqués.

Concrètement chaque établissement verra sa DAF modulée en appli-quant le coefficient multiplicateur (5 %) à l’écart entre le budget réel et le budget calculé. Les ajustements seront d’ampleur limitée. Ces modulations s’inscrivent dans un contexte économique devenu plus tendu et s’ajoutent à des mesures d’économie (ou d’efficience), si bien qu’après plusieurs années de ce régime, certains subissent une érosion significative, alors que d’autres profitent année après année d’un petit pactole. La révision des budgets histo-riques est en marche.

Références• « Classification SSR. Travaux 2007-2008. Modélisation des coûts en SSR et construc-

tion de l’indicateur de valorisation de l’activité. » ATIH, mai 2009, 33p.• « Manuel de groupage PMSI Soins de suite et de Réadaptation, version 6 de la classi-

fication, version 4.6 de la fonction groupage. » Bulletin officiel n°2009-1bis.• « Analyse de l’indicateur de valorisation de l’activité », ATIH, 19 janvier 2009.

Évaluation du modèle transitoire

L’évaluation portera sur trois aspects :• la méthode de construction ;• le résultat (la matrice) ;• les effets, c’est-à-dire l’impact budgétaire.Sur le plan de la méthode. Le sérieux des statisticiens ne peut être mis

en cause. Ils ont mis en œuvre des méthodes éprouvées et la concertation avec les fédérations a été réelle. En témoigne la prise en compte de la dépen-dance cognitive, qui, au final, n’apporte rien25. En revanche, les statisticiens

25 Cela satisfait les fédérations et ne mange pas de pain… Cette réalité est fort regrettable pour les soignants que ces patients peuvent épuiser (fugue, agressivité). La dépendance cognitive crée une réelle charge, mais

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ne peuvent que traiter les données disponibles. or l’élaboration du modèle a concerné deux types de données : d’abord le PMSI dont la base de données annuelle traduit l’évolution de l’activité médicale pour l’ensemble des établis-sements SSR et ensuite les données économiques disponibles : essentiellement l’ENC 2000-2001. C’est là que le bât blesse. Ces seules données disponibles sont trop anciennes compte tenu de l’évolution des pratiques et des coûts. Faute de mieux il a fallu s’en contenter. Ce point constitue le péché originel du modèle transitoire.

Sur le plan du résultat : la matrice est une construction plutôt de bon aloi. Deux points ont fait l’objet d’interrogations : le traitement des actes du CdARR et la faible décote de l’hospitalisation de jour. En premier lieu, la communauté a regretté l’absence de prise en compte de la durée de réédu-cation et que seule la diversité des actes avec un seuil faible (de cinq minutes par jour) soit valorisée. Ceci s’explique par une observation déjà ancienne provenant de l’ENC : la durée est une composante tautologique ; ceux qui ont plus de moyens, donc plus de personnel, produisent une prise en charge plus étoffée que les autres. Il n’y a donc pas de liaison forte entre la pathologie (en l’occurrence le GMD) et la durée de rééducation, car elle est masquée par la variable « niveau de budget ». Reste à savoir si le traitement proposé répond à la problématique du juste financement. Le second point s’explique lui-aussi par l’ancienneté de l’ENC ; le volume d’activité de jour y était nettement moins développé et surtout le décompte du coût moyen y était d’environ 15 %. Ce qui est étonnant. La faible décote des points IvA attribués à l’hos-pitalisation de jour en est la conséquence directe.

Sur le plan des effets. La modulation budgétaire a mis au premier plan la problématique des « perdants » et des « gagnants ». Le traitement de cette question constitue un cas d’école, car la situation se reproduira à chaque étape de la mise en place de la future T2A. Le passage d’un financement historique (DAF) à un financement à l’activité implique nécessairement des ajustements, sans quoi le changement est vidé de son sens. Plus importante est la recherche de biais conduisant à des pertes ou des gains pour des catégories particulières. or les travaux d’évaluation font apparaître de tels biais systématisant les ajus-tements au détriment/bénéfice de certains types.

1. La rééducation cardiologique est la première à se plaindre du modèle. Les patients cardiaques pris en charge dans ces centres, par exemple les transplantés, peuvent être des patients plutôt autonomes, relative-ment valides, mais avec des risques imposant la présence d’un cardio-logue. or ces profils n’agrègent que peu de points IvA. Au contraire des personnes âgées souffrant d’insuffisance cardiaque en plus de la polypathologie et surtout d’une dépendance, et qui, elles, peuvent être accueillies dans un environnement gériatrique. Sur ce point, la classi-fication est à reprendre.

elle est mentale (stress) et n’est pas chiffrable en termes économiques ; elle n’engendre pas de surcoût.

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Refonte de la classification en CMC 11L’ATIH, en juin 2009, propose de réviser la classification de la CMC

11 (affections de l’appareil circulatoire et de l’appareil respiratoire en créant quatre nouveaux GMD adultes :

11A03 : rééducation cardiaque (Z 500 en finalité principale )11A04 : affections cardiaques hors rééducation11A05 : affections respiratoires11A06 : affections vasculairesCertains experts consultés proposent une modification de libellé pour

le GMD 11A04 : cardiologie spécialisée (Z500 et Z 450) avec l’argument que la rééducation n’est pas un marqueur discriminant ; en revanche la présence d’un cardiologue est discriminante.

2. Les travaux statistiques sur l’impact des modulations font apparaître que les ex-CRF sont volontiers perdants, alors que les ex-soins de suite plutôt gagnants. À y regarder de près cet effet systémique est à corréler avec la forte valorisation de la dépendance et la valorisation plus faible de la rééducation. Autrement dit, le système apparaît comme compor-tant un biais : il favorise la prise en charge des personnes âgées.

La Réadaptation fonctionnelle : une catégorie surdotée ?« Les tests paramétriques (analyse de la variance) et non paramétriques

(test de localisation et test de dispersion) ont confirmé l’hypothèse que les établissements RF/Mixte et SSM n’avaient pas, en moyenne, des comporte-ments identiques par rapport à l’indice de modulation. Les établissements RF seraient en moyenne surdotés alors que les établissements SSM seraient sous-dotés, avec toutefois sur les deux secteurs (DAF et oQN) une inten-sité de la liaison extrêmement faible amenant à conclure que la catégorie de l’établissement suivant son type d’autorisation n’est pas une variable significative pouvant expliquer la variation de l’indice de modulation.

Lorsque la catégorie d’établissements se base sur les chiffres d’affaires (CA), on a constaté que les établissements de taille financière importante avaient un comportement différent par rapport à l’indice de modulation de celui des établissements de faible taille financière (établissements de taille financière importante en moyenne sur-dotés).

Enfin, la comparaison des tests a montré qu’il existait un lien entre le CA et les catégories d’autorisation et que la catégorisation suivant le CA était plus discriminante que celle suivant l’autorisation. Les établissements avec des chiffres d’affaires importants sont des établissements plutôt RF/MIXTE, alors que les établissements avec des chiffres d’affaires faibles sont

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3. Des travaux plus poussés complètent et fortifient cette analyse. La spécialisation ou la médicalisation sont des facteurs mal pris en compte ; les établissements les plus spécialisés et les plus médicalisés sont perdants. Le modèle transitoire est une construction abrasive, qui rabote les différences.

Indicateurs de technicité médicale

Statut Nb d’éta-blissements

Nb ETP médicaux pour 100 lits/

places

% personnel médical/total des charges

ETP médicaux pour 1000 jour-

nées

Très perdants >1,2257

49 6,0 11,6% 0,28

Perdants >1 53 5,2 9,9% 0,22

Gagnants <1 74 4,4 9,6% 0,16

Très gagnants < 0,7854

69 3,4 8,9 % 0,12

FEHAP-observatoire, 2010

Le faible intérêt porté à ces observations reste un sujet d’étonnement. Si l’on y regarde de près, le PMSI comporte une zone d’ombre : l’activité des

des établissements plutôt SSM. Sur les deux secteurs (DAF et oQN), plus les établissements RF et MIXTE comme les établissements SSM ont un CA élevé plus ils ont tendance à être sur-dotés. Par conséquent la valeur discri-minatoire de la catégorisation selon l’autorisation est à relativiser d’autant plus que les établissements RF et Mixtes sont en général des établissements avec des chiffres d’affaires importants. »

ATIH, janvier 2009

Les CRF étant généralement des établissements plus grands (nombre de lits, activité, personnel, médicalisation…), se pose la question de la justification de leurs moyens : une capacité historique de négocier avec les financeurs qui les ont avantagés ? ou des moyens en proportion avec leur mission ? Le modèle transitoire ne répond pas à la question du juste financement de ces structures mais érode leurs moyens.

Source Fehap, 2009 : quotient budget réel/budget calculé

RRF SSM Mixte

DAF 1,02 0,91 1,07

oQN 1,12 0,90 1,10> 1 = sur-doté ; < 1 = sous-doté

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médecins. Tout se passe comme si là encore le modèle de la gériatrie (ou des soins de suite) était dominant. Les médecins pratiquent les soins médicaux, les bilans, les prescriptions, etc. ils interviennent en cas d’affections intercur-rentes. Un effectif de trois praticiens à temps plein pour 100 lits apparaît comme suffisant. or l’activité des médecins MPR, par exemple, correspond assez imparfaitement à cette image. Mais comme ils ne décrivent pas leur acti-vité interne ou externe, elle n’est pas valorisée par l’attribution de points IvA. Tout comme les cardiologues ou les gardes médicales sur place.

Ces insuffisances sont-elles rédhibitoires ? Pas sûr. Néanmoins rien ne se passe. Les avis critiques se renforcent jusqu’à Madame Podeur, directrice de la DHoS, qui affirme publiquement : « le système est mauvais… » alors que la modulation se poursuit. Ne pouvait-il pas être amélioré ? La proposition de révision de la classification en cardiologie est rejetée par le Ministère : le système ne sera pas révisé ; il sera remplacé. Par quoi ? Nul ne le sait encore et c’est pourquoi la modulation sera maintenue jusqu’en 2012. Il était temps qu’elle s’arrête car elle a entraîné des évolutions suspectes dans la cotation de l’activité de certains établissements dont le PMJP a bondi de plus de 400 points d’une année à l’autre, sans que le recrutement ait été significativement modifié. Autrement dit, le système fonctionnait en roue libre, sans ajustements techniques ni contrôles. En quelques années déjà, il avait perdu sa crédibilité.

Le juste financement de la juste prestation

À ce stade, il est permis de formuler quelques réflexions sur la recherche d’un nouveau système de financement. La T2A est un objectif économique, mais elle suit un dessein éthique qui la rend pertinente et souhaitable : appor-ter le juste financement à la juste prestation.

L’absence d’une représentation partagée a conduit les promoteurs de la T2A à adopter une attitude que l’on osera caricaturer ainsi : la juste rému-nération est celle que fixe le modèle retenu. Une tautologie. La justice est une ambition irréfutable. Cependant elle impose de pouvoir vérifier que le système répond à la problématique de l’intérêt général. Car c’est seulement en son nom que l’on acceptera - éventuellement - de sacrifier quelques intérêts particuliers. L’absence d’une représentation de la juste rémunération prive la communauté dans son ensemble de la capacité d’évaluer globalement la méca-nique d’allocation budgétaire envisagée. Première impasse.

Immédiatement surgit une autre conséquence : les acteurs concernés déplacent leur regard vers l’examen des intérêts particuliers. Et entre en scène le débat à propos des perdants. La discussion se focalise sur la problématique d’établissements souvent importants, de pointe dans le développement d’acti-vités spécialisées, reconnus et donc influents, mais que le modèle malmène,

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parce qu’il les confronte à un douloureux effritement des moyens budgétaires. La justice serait-elle un nivellement vers le bas ? Ceci n’est ressenti ni comme légitime, ni comme acceptable. Et nous voici embarqués dans la recherche de variables mal prises en compte. osons là encore une caricature : la juste rému-nération, c’est la conservation de mon budget. Autrement dit, le refus qu’il y ait des perdants implique la négation du changement ! Seconde impasse.

À son tour, l’attitude défensive, en monopolisant la réflexion sur la question des perdants, a pour conséquence d’écarter la problématique des gagnants. Constater que les établissements de soins de suite polyvalents sont gagnants est un effet attendu. Il répond expressément à l’objectif suivi depuis des années : la médicalisation des soins de suite. La solidité éthique de cette conséquence empêche que soient posées des questions inconvenantes. or la validation de principe de ce flux s’accompagne là encore d’une zone d’ombre. Aucune discussion quant au niveau à viser, donc la juste rémunération de cette activité. Tout se passe comme si intervenait un tabou rendant inconcevable la discussion du bien-fondé de gains parfois conséquents. Quel serait le juste budget de ces SSR ? Et pour quoi faire ? Troisième impasse.

À cela s’ajoute l’absence de référentiel décrivant la « juste prestation ». Quatrième impasse.

Au total, l’absence de conceptualisation théorique n’est pas compensée par la seule affirmation d’ambitions générales. Ces finalités auraient gagné à être traduites en termes conceptuels avant d’aboutir à des calculs tarifaires ou budgétaires.

Une autre limite est économique. Le modèle est conçu indépendamment du financement oNDAM alloué au secteur. Il a vocation à s’appliquer à toute campagne budgétaire - laquelle repose nécessairement sur une enve-loppe fermée. Cette limite budgétaire génère une contradiction. La montée en gamme des soins de suite polyvalents a pour première conséquence de dépla-cer la moyenne vers le haut, donc de renchérir l’activité SSR dans sa globalité. or la contrainte de l’enveloppe limitative - même si elle n’est pas strictement constante dans le temps- suscite à son tour une conséquence : « la moyenne ainsi relevée devra être abaissée pour adapter le total aux moyens disponibles. »

Cette question de l’enveloppe est stratégique. La double contrainte suivante n’est pas suffisamment prise en compte :

• augmentation générale des besoins en SSR entraînée par l’alourdisse-ment des patients accueillis (effet domino des transferts précoces de MCo) ;

• mise à niveau des établissements de soins de suite polyvalents faible-ment médicalisés.

Au total le secteur risque un relatif appauvrissement.

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Quelle représentation des SSR ?

Le modèle de financement n’a pas défini sa représentation de l’activité SSR. Il oscille entre deux points de vue. Tantôt il traite la diversité connue des activités et des établissements comme traversée par un continuum que décrit l’échelle à la fois métrique et ordinale du futur tarif ; tantôt, au contraire, il reconnaît qu’il s’agit d’un univers segmenté en catégories lesquelles imposent la mise en place d’un financement plus complexe car adapté à des cas de figure dont chacun a sa spécificité. Compléter l’IvA par des compartiments signifi-catifs correspond à la seconde démarche, alors que la réduction de ces derniers éléments correspond plutôt à la première approche.

on retrouve le même flou dans les hésitations de la réforme réglementaire : certes elle abolit le fossé entre les soins de suite et la réadaptation, mais en même temps elle introduit une nouvelle partition entre la polyvalence et la spécialisation. S’agit-il d’une césure forte ou seulement de nuances ? Rien ne permet de l’affirmer, car le texte produit la même oscillation. D’un côté il pose des exigences pour prétendre à la spécialisation et de l’autre, il les dilue. Ce n’est donc qu’à l’usage que l’on connaîtra le degré de différenciation réellement opérant. Soit interviendra une segmentation forte d’établissements spécialisés, soit seules seront observées des variations de second ordre, des nuances. Trivia-lement peut-on fourrer tout le SSR dans un seul sac ? ou en faut-il plusieurs ?

L’ensemble de cette argumentation suscite un doute. Les pouvoirs publics pencheraient pour le continuum plutôt que des ruptures et discontinuités. Dans l’ensemble, on notera une propension à l’affadissement des différences plutôt que leur accentuation. À l’appui de cette intuition on pourra encore citer que les premières références aux PTS, faisaient usage d’un terme peu usité dans le champ de tarification sanitaire : les plateaux techniques sophisti-qués, par la suite il n’était plus question que de plateaux spécialisés. C’est un gradient en-dessous. Dans le même registre était envisagée lors des premières discussions, l’idée d’une gradation de l’offre de soins en reconnaissant aux établissements des niveaux différents : proximité, référence, recours. Cette distinction n’a pas été explicitement retenue. Ainsi, à force d’estomper les différences, se construit une vision plus homogène du secteur SSR. Pur arte-fact ou réalité ?

Références• Schwach victor : « T2A en soins de suite et réadaptation » Gestion Hospitalière,

n°485, avril 2009.

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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Le financement des SSR

Depuis 1945 et jusqu’en 1983, tous les établissements étaient financés par prix de journée préfectoral. Lors de la mise en place du budget global dans le secteur public, les établissements privés lucratifs sont restés au prix de journée. Quant aux établissements privés non lucratifs, ceux qui avaient opté pour le statut d’association au service public (PSPH = Participant à l’exécution du Service Public Hospitalier) ont basculé dans le régime du budget global, les autres sont restés sous prix de journée. Ceci évidemment de manière schématique, car il y a eu quelques exceptions. En 1984, la Cour des comptes préconise la généralisation du budget global à l’ensemble des établissements : une recommandation sans effet, ni lendemain.

Offre de soins SSR en 2011

Public ESPIC Privé lucratif Total

Établissements 872 479 446 1797

Lits et places 42 377 33 833 30 398 106 608Source : DREES, Panorama des établissements de santé 2011

L’observation d’ensemble est dominée par un sentiment d’hétérogénéité. Il s’agit d’abord de la diversité des situations et des activités, ce que traduit l’éventail des DMT à la fin des années 90. En effet à la mise en place du PMSI (1998), les auteurs identifient l’existence d’environ 80 disciplines. Ces disciplines ont parfois été créées sans logique de système avec vraisemblable-ment la préoccupation de régler des situations particulières26. En 2013 encore le désordre des DMT est total avec des confusions et des redondances… Et

26 L’attribution des DMT et la fixation des prix de journées initiaux ont été sous la responsabilité des CRAM (Caisses Régionales d’Assurance Maladie) ; cette régionalisation peut expliquer une partie des variations interrégionales.

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aujourd’hui il est impossible de trouver un document explicatif des DMT existantes. À cette carence dans la description de l’activité s’est ajouté l’aléa du budget historique. De façon générale et pour des raisons déjà analysées plus haut, la réadaptation fonctionnelle a été mieux lotie que les soins de suite gériatriques. Mais dans le détail chaque établissement a bénéficié d’un train de vie particulier selon sa capacité de négociation avec l’autorité de tarification. En général les établissements plus récents ont été mieux lotis que les établissements plus anciens ; les plus gros mieux que les plus petits etc. L’on arrive donc à une impasse totale, injuste, parfois insupportable, laquelle motive que soient engagés des travaux en vue de mettre un peu d’ordre dans ce système totalement anarchique. Tel est d’abord l’enjeu du PMSI : décrire l’activité, puis des travaux devant conduire à la T2A SSR. Les multiples reports attestent non seulement d’un flottement politique mais encore de difficultés techniques pour unifier cette diversité sans causer de dommages collatéraux.

Le secteur sous DGF

Résultats de la première ENC (2000/2001)

La première Étude Nationale des Coûts (ENC) se met en place avec quelques difficultés, la collecte ne concerne que les établissements publics et privés PSPH (33 établissements), car les privés lucratifs sont encore dispensés de PMSI. La question posée est d’apparier l’échelle de la classification adop-tée (les GHJ : Groupes homogènes de journées), avec des coûts de revient moyen de production du soin. Le PMSI est donc une condition d’entrée.

Le premier document publié en 2002 concerne les données collectées pour le second semestre 2000. Les résultats sont présentés sous forme d’un fichier Excel et d’un rapport détaillant les méthodes et résultats. L’année suivante paraît une seconde échelle de coûts par GHJ, agrégeant les résultats précédents avec ceux de l’année 2001.

Quels sont les enseignements de cette étude ?1. Les coûts moyens : La moyenne arithmétique des coûts des GHJ est

de 254 €. Le coût moyen par CMC (Catégorie Médicale Clinique = regroupement des pathologies par grandes catégories) de l’échelle 2000/2001 est compris entre 173 € (santé mentale, alcoologie) et 257 € (gériatrie, soins palliatif, neurologie). À noter que ces montants ne comprennent pas les coûts de structure.

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2. Dispersion des coûts : Dans son rapport, l’ATIH recompose le budget des établissements ayant participé à l’ENC avec les moyennes calculées et constate que les budgets réels se dispersent entre +50 % et -50 %. Elle applique la même analyse à une région test où l’ARH avait fourni toutes les informations nécessaires et observe une disper-sion encore plus forte : de -60 % à +80 % (après neutralisation d’une exception à +110 %).

L’ATIH précise que les CRF comptent parmi les établissements les plus fréquemment sur-dotés, à un degré qui varie de +4 à +40 % pour un même

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GHJ. Si la variation liée aux activités particulières est bien prise en compte (PRRC, PCTL…), il apparaît que la sur-dotation est surtout liée aux patho-logies basiques27.

3. Coûts de structure : les fichiers Excel accompagnant les rapports permettent d’effectuer des calculs ; la moyenne des coûts de structure est de 17,76 € ; le 1er quartile : 14,43 €, la médiane : 17,07 € et le 3ème quartile : 20,55 €. Pour la CMC 12 (neurologie), la moyenne est de 19,24 € ; ce qui porte le coût total de cette CMC à 284 € (moyenne arithmétique des GHJ).

4. Hospitalisation de jour : la question est assez mal cernée, car dans l’échantillon les établissements n’ont pas tous réussi à isoler cette acti-vité (?!). Le résultat graphique est assez surprenant, car il montre une faible décote par rapport à l’hospitalisation complète. on peut situer le coût d’une venue en HJ aux alentours de 85% du même GHJ en HC. Un résultat surprenant. Il se répercutera dans le modèle IvA sous la forme d’une survalorisation des activités de jour.

Persistance des inégalités

Malgré les efforts de la modulation appliquée quelques années, la DGF ou DAF reste un mécanisme d’allocation qui ne réussit pas à sortir de l’or-nière. En 2012, la Cour des comptes observe que « cette dotation varie beau-27 En fait, les GHJ étant surtout sensibles au degré de dépendance physique, les CRF sont pénalisés lorsqu’ils prodiguent des soins techniques à des patients autonomes (ex. traumatologie, cardiologie).

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coup d’un établissement à l’autre sans qu’on puisse toujours en discerner les raisons. Une exploitation statistique réalisée par la Cour à partir des données de l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) montre en tous cas qu’il n’y a pas de corrélation entre ces différences et les lourdeurs relatives des prises en charge. Les variations interannuelles sont également d’ampleur très inégale, parfois parce que l’activité des établissements a elle-même connu de fortes variations (par exemple du fait de fermetures de lits), parfois du fait de décisions de la tutelle (par exemple lorsque les mesures nouvelles servent en fait de subvention d’équilibre). Cependant, les causes ne sont pas toujours identifiées par les établissements et l’instabilité de la DAF finit par conférer de l’imprévisibilité à leur financement.

En sens inverse, la DAF est souvent décalée par rapport aux évolutions des structures et notamment à celles de leurs capacités. Il en découle parfois des effets d’aubaine, dont certains établissements savent jouer, puisqu’une diminution du nombre de lits ouverts et donc des charges n’entraîne pas de réduction immédiate de la dotation. »

Le système est aujourd’hui à bout de souffle, dans l’impasse, et la T2A, qui devait remettre l’ensemble à plat, sans cesse repoussée. La crise économique accroît sa pression. Les perspectives apparaissent pour le moins incertaines. Et c’est pourquoi dans ce contexte attentiste, certaines ARS prennent des initiatives pour traiter les anomalies les plus criantes. Mais ces innovations régionales ne sont pas toujours convaincantes.

Le secteur ex-OQN à prix de journée

Avec la réforme hospitalière les établissements privés entrent dans un chapitre particulier de l’oNDAM (objectif National des Dépenses de l’As-surance Maladie) appelé, depuis 1991, oQN (objectif Quantifié National) et depuis la mise en place de la T2A en court séjour : ex-oQN.

Inventaire des tarifs 2010

Un fichier Excel est rendu public décrivant l’éventail des tarifs oQN constatés en 2010. Il documente quatre constructions tarifaires différentes selon les éléments associés :

• le prix de journée associé au forfait pharmaceutique et au supplément pour surveillance du malade ;

• le prix de journée associé au forfait pharmaceutique ;• le prix de journée associé au supplément pour surveillance du malade ;• le prix de journée.

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Dans tous les cas s’y ajoute un forfait d’entrée et une majoration PMSI. Dans certains cas un, voire deux supplément(s) pour chambre particulière peuvent s’ajouter (sur prescription médicale).

Mais cette diversité en cache d’autres : le périmètre des prix de journée n’est pas constant et certaines prestations comme la kinésithérapie sont factu-rées en sus lorsqu’elles sont effectuées par des professionnels libéraux. Pour uniformiser les situations et les rendre comparables, dans certaines régions (par exemple en Île-de-France à partir de 1995) les autorités de tarification appliquent un prix de journée « tout compris » différencié selon un éventail limité d’activité (neuf lignes tarifaires en IdF) ; cette politique se met en place sans réel support réglementaire.

Le point crucial concerne la discipline (DMT). En 2010 la tableau évoqué documente encore 38 DMT utilisées, dont huit ne sont appliquées qu’une fois et sept seulement deux fois.

Tableau des DMT et système de tarification (2010)DMT Libellé PHJ+PJ

+SSMPHJ+PJ PJ+SSM PJ Total

167 Chroniques 1 1 2

168 Repos - convalescence - régime indifférenciés

2 2

169 Repos 3 3

170 Convalescence 137 18 3 158

171 Diététique 12 4 2 18

172 Rééducation fonctionnelle et réadaptation polyvalente

32 2 91 125

178 Rééducation fonctionnelle et réadaptation motrice

1 8 9

179 Rééducation fonctionnelle et réadaptation neurologique

8 25 33

180 Rééducation des affections respiratoires 3 10 13

182 Rééducation des maladies cardio-vasculaires

1 1 28 30

184 Rééducation des affections hépato-digestives

1 1

185 Repos convalescence indifférenciés 45 3 3 51

187 Rééducation fonctionnelle et réadaptation (autre)

2 12 14

189 Cure thermale des voies respiratoires 2 2

194 Cure thermale en dermatologie 2 2

196 Lutte contre l’alcoolisme (y compris alcoologie)

3 3

214 Post-cure pour alcooliques 6 2 4 12

219 Lutte contre la tuberculose pulmonaire 3 3

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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252 Pouponnière à caractère sanitaire (hébergement et soins)

1 1

463 Autre cure médicale spécialisée pour tous âges

16 16

465 Cure médicale spécialisée en pneumologie pour tous âges

1 1

466 Convalescence et réadaptation pour personnes âgées

13 2 39 54

593 Périnatalité : accueil de l’enfant accompagnant la mère convalescente

1 1

594 Périnatalité : repos prénatal 1 1

595 Périnatalité : convalescence postnatale 1 1

604 Cure médicale non spécialisée pour enfants (MECS ouverte en permanence)

1 1

607 Cure thermale pour enfants (MECS ouverte de façon temporaire)

6 6

608 Cure therm. enfants aff. chron. non tub. voies resp. (MECS ouv. perm.)

9 9

609 Cure therm.enfants aff. chron. non tub. voies resp. (MECS ouv. temp.)

2 2

616 Cure médicale pour enfants déficience temp. somato.psycho.(MECS perm.)

2 2

624 Autre cure médicale spécialisée (MECS perm.)

4 4

625 Autre médicale spécialisée (MECS temp.) 1 1

627 Moyen séjour indifférencié 34 64 98

737 Convalescence et réadaptation 24 5 29

739 Rééducation fonctionnelle et réadaptation motrice-orientation traumat.

1 11 12

832 Cure thermale pour troubles du développement chez l’enfant

2 2

957 Soins et accompagnement des malades en phase terminale

23 3 2 28

960 Unité cognitivo-comportementale Alzheimer

2 2

Totaux 355 35 7 355 752

Précisons qu’un même établissement peut disposer de plusieurs tarifs ; par exemple au titre des DMT 172 (rééducation polyvalente), 179 (rééducation neurologique) et DMT 739 (rééducation motrice).

Le même document contient des informations sur l’éventail des tarifs : moyenne, minimum et maximum.

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Tableau des tarifs par DMT (2010)

DMT Libellé PJ Moyenne Min Max

167 Chroniques 1 229,69 € 229,69 € 229,69 €

170 Convalescence 3 211,12 € 125,42 € 329,18 €

171 Diététique 2 155,32 € 155,32 € 155,32 €

172 Rééducation fonctionnelle et réadaptation polyvalente

91 217,69 € 181,34 € 544,09 €

178 Rééducation fonctionnelle et réadaptation motrice

8 231,13 € 182,67 € 324,44 €

179 Rééducation fonctionnelle et réadaptation neurologique

25 344,17 € 207,67 € 470,51 €

180 Rééducation des affections respiratoires 10 186,33 € 180,93 € 210,59 €

182 Rééducation des maladies cardio-vasculaires 28 228,11 € 82,78 € 284,21 €

184 Rééducation des affections hépato-digestives 1 217,56 € 217,56 € 217,56 €

185 Repos convalescence indifférenciés 3 92,11 € 61,43 € 121,61 €

187 Rééducation fonctionnelle et réadaptation (autre) 12 325,51 € 185,62 € 588,21 €

214 Post-cure pour alcooliques 4 190,85 € 179,03 € 202,12 €

252 Pouponnière à caractère sanitaire (hébergement et soins)

1 190,80 € 190,80 € 190,80 €

463 Autre cure médicale spécialisée pour tous âges 16 311,63 € 311,63 € 311,63 €

465 Cure médicale spécialisée en pneumologie pour tous âges

1 202,92 € 202,92 € 202,92 €

466 Convalescence et réadaptation pour personnes âgées

39 217,93 € 217,93 € 217,93 €

593 Périnatalité : accueil de l’enfant accompagnant la mère convalescente

1 274,10 € 274,10 € 274,10 €

594 Périnatalité : repos prénatal 1 274,10 € 274,10 € 274,10 €

595 Périnatalité : convalescence postnatale 1 274,10 € 274,10 € 274,10 €

604 Cure médicale non spécialisée pour enfants (MECS ouverte en permanence)

1 116,65 € 116,65 € 116,65 €

607 Cure thermale pour enfants (MECS ouverte de façon temporaire)

6 81,07 € 69,58 € 100,60 €

608 Cure therm. enfants aff. chron. non tub. voies resp. (MECS ouv. perm.)

9 148,05 € 99,53 € 200,04 €

609 Cure therm.enfants aff. chron. non tub. voies resp. (MECS ouv. temp.)

2 69,58 € 69,58 € 69,58 €

616 Cure médicale pour enfants déficience temp. somato.psycho.(MECS perm.)

2 186,37 € 172,37 € 200,36 €

624 Autre cure médicale spécialisée (MECS perm.) 4 183,77 € 99,53 € 317,30 €

625 Autre médicale spécialisée (MECS temp.) 1 364,83 € 364,83 € 364,83 €

627 Moyen séjour indifférencié 64 155,95 € 60,56 € 224,08 €

737 Convalescence et réadaptation 5 198,97 € 122,35 € 414,82 €

739 Rééducation fonctionnelle et réadaptation motrice-orientation traumat.

11 359,99 € 322,99 € 368,90 €

957 Soins et accompagnement des malades en phase terminale

2 211,24 € 186,54 € 235,93 €

355 215,05 €

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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La moyenne des tarifs financés par le seul PJ et pondérée par le nombre d’établissements concernés est de 221,01 €. Dans les autres catégories la moyenne est nettement plus faible, aux alentours de 160-165 € et les complé-ments ne réussissent pas à hisser le total des produits au niveau de la moyenne calculée pour la première catégorie.

Très étonnante est la dispersion des tarifs dans certaines disciplines, par exemple la rééducation polyvalente (DMT 172) et la rééducation neurolo-gique (DMT 179) : du simple à plus du double.

Remarque : ces indications de fréquence concernent des établissements (nombre de fois où le type de tarif est appliqué). Cela ne préjuge pas de volumes. Car un gros tarif peut s’appliquer à un petit segment (DMT 739) et un tarif « riquiqui » à une forte activité (convalescence).

Analyse des bilans et taux de rentabilité des SSR sous OQN

Toutes les analyses (Eurostaff, MECSS du Sénat, Cour des comptes) confirment la bonne santé financière des établissements SSR du secteur oQN. Dans le passé les taux de rentabilité étaient de l’ordre de 4 à 5 % et cela d’une façon constante sur plusieurs années. Au cours des dernières années, la rentabilité des cliniques privées a connu des aléas. Qu’en est-il des SSR ? La situation s’est effritée, voire dégradée à partir de 2010.

Dans son rapport annuel 2012, la FHP (Fédération de l’Hospitalisation Privée) donne quelques précisions sur le bilan d’un échantillon significatif de cliniques SSR.

Indicateurs Valeurs 2011

Nombre de cliniques 199

CA moyen 6 115

EBE 8,3%

Résultat net retraité 3,5%

Indépendance financière 31 %

CAF moyenne 427

Capitaux propres 1 615

Capital social 263

Dettes à caractère financier 1 100

Investissements immobilisés 320

Trésorerie moyenne 595

Nombre de cliniques déficitaires 39

Pour comprendre ces chiffres, il faut considérer la spécificité qu’en géné-ral ces établissements ne supportent pas l’investissement immobilier qui est

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consenti par le propriétaire (SCI) en contrepartie d’un loyer28. Partant, la dimension « capitalistique » de l’entreprise SSR s’en trouve fortement réduite, contrairement à ce qui se passe dans le public et privé associatif. Inversement cette externalisation peut constituer un point faible allant, en cas extrême, jusqu’à menacer la pérennité de l’activité.

Le rapport annuel de la FHP comporte en outre l’indication d’une renta-bilité par taille d’établissement. Si elle est en moyenne de 3,5 % en 2010, la proportion est la plus forte pour les structures de taille intermédiaire (entre 10 et 15 M€), plus faible pour les petites unités de moins de 5 M€ de CA.

Les perspectives sont moins favorables. Entre 2009 et 2011, le CA se contracte de 6,3  % et le résultat subit une érosion de même grandeur. Quelques cliniques SSR sont en déficit et clairement la pression augmentant, l’on peut craindre que leur nombre puisse progresser.

Comparaison privé/public

Dans son rapport de septembre 2012, la Cour des comptes explicite la différence de prix de revient entre les deux secteurs : « les coûts journaliers apparents obtenus en rapportant les dépenses constatées en 2010 toutes spécialités confondues au nombre de journées réalisées diffèrent de 40  % entre le secteur financé par dotation globale (EPS et ESPIC) et celui financé par prix de journée (247 € et 149 €). »

Résultats de la deuxième ENC (2009-2010)

Les établissements sont-ils comparables, par-delà les différents statuts ? Ils n’ont peut-être pas la même activité, pas les mêmes patients, pas les mêmes pathologies, pas les mêmes prises en charge, pas la même structure des coûts, pas la même fiscalité, ne reçoivent pas les mêmes aides, n’ont pas les mêmes obligations de certification des comptes… Ces différences ont parfois été exagérées ; ainsi dans beaucoup d’établissements du secteur lucratif les méde-cins sont salariés et de plus le SSR privé ne connaît pas les dépassements d’ho-noraires. C’est du côté des ex-hôpitaux locaux (publics) que l’on rencontre (aussi) les praticiens payés à l’acte. L’avantage d’une étude des coûts est qu’elle doit prendre tous ces éléments en compte et, si possible, mettre à plat des notions hétérogènes de manière à les rendre comparables.

Tout en considérant que les résultats publiés portent encore la marque de la nouveauté, car les changements ont été très conséquents et les établisse-28 voir rapport IGAS, 2012 et les réserves formulées sur le mécanisme d’externalisation, la valorisation de l’actif cédé, le mode de calcul du loyer…

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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ments impliqués dans la nouvelle démarche forcément inexpérimentés, l’on peut retenir des informations à caractère général.

Diversité et spécificité de l’activité selon les secteurs

La nouvelle classification décrivant l’activité médicale des SSR compte un peu moins de 700 lignes appelées GME, dont environ 500 concernent l’hos-pitalisation complète et le reste l’hospitalisation de jour. Les établissements participants à l’ENCC appartiennent nécessairement aux deux secteurs. Pour les techniciens de l’ATIH, il est nécessaire d’avoir au moins 30 résumés hebdomadaires pour calculer un coût moyen, ce qui est assez peu. Si la repré-sentativité semble encore faible, elle apparaît pour cette première itération comme honorable, dans la mesure où elle couvre près de 80 % de l’activité en HC des deux secteurs et 95 % en HJ. Ceci pour dire que la représentativité est correcte pour les activités les plus fréquentes.

L’orthopédie-traumatologie représente 38 % des journées et la neurologie 21 % ; ces deux activités, de loin les plus pratiquées, totalisent donc près de 60 %. Comment la représentativité est-elle déclinée dans ces catégories ?

En HC Nb de GME DAF oQN

CM 08 : ortho-traumato 162 75 / 90 % 51 / 87 %

CM 01 : neuro 126 51 / 70 % 16 / 47 %Lire : en CM 08, les établissements DAF participants à l’ENCC ont permis de calculer un coût moyen pour 75 GME sur les 162 existants - ce qui couvre 90 % de l’activité de la CM

08 du secteur DAF (ENCC 2010).

La plupart des GME de la CM 08 (appareil locomoteur) sont décrits par la contribution à l’ENCC des établissements des deux secteurs ; en revanche la situation est différente pour la neurologie. Il y a donc quelques raisons de penser que le secteur oQN est moins présent sur les segments les plus techniques.

Prenons l’exemple de la prise en charge des AvC.

Exemple de coûts moyens par GME (2010)

GME Libellé DAF oQN

0112a1 AvC, age <= 74 , score phy <= 8-niv1 266,37 € 235,89 €

0112a2 AvC, age <= 74 , score phy <= 8-niv2 267,16 € 244,47 €

0112b1 AvC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr <= 90-niv1 291,07 €

0112b2 AvC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr <= 90-niv2 284,53 €

0112c1 AvC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr >= 91-niv1 341,67 € 230,51 €

0112c2 AvC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr >= 91-niv2 355,46 €

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0112d2 AvC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog <= 6 , score arr <= 60-niv2

282,03 €

0112e2 AvC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog >= 7 , score arr <= 60-niv2

417,94 €

0112f1 AvC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog <= 6 , score arr >= 61-niv1

347,54 €

0112f2 AvC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog <= 6 , score arr >= 61-niv2

331,76 € 277,36 €

0112g1 AvC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog >= 7 , score arr >= 61-niv1

427,62 €

0112g2 AvC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog >= 7 , score arr >= 61-niv2

406,37 €

0112h1 AvC, age >= 75 , score phy <= 8-niv1 195,96 € 168,89 €

0112h2 AvC, age >= 75 , score phy <= 8-niv2 276,45 € 251,84 €

0112i1 AvC, age >= 75 , score phy [9,12] , score arr <= 90-niv1 234,84 €

0112j1 AvC, age >= 75 , score phy [9,12] , score arr >= 91-niv1 318,50 €

0112l2 AvC, age >= 75 , score phy >= 13 , score cog >= 5 , score arr <= 60-niv2

307,21 €

0112n1 AvC, age >= 75 , score phy >= 13 , score cog >= 5 , score arr >= 61-niv1

343,67 €

0112n2 AvC, age >= 75 , score phy >= 13 , score cog >= 5 , score arr >= 61-niv2

336,60 €

Clairement, l’activité oQN documentée par les établissements de l’échan-tillon ENCC est moins diversifiée que dans le champ DAF. Les frais de struc-ture ne sont pas compris (en moyenne : 16,2 € pour les DAF et 29,6 € pour les oQN). Au total pour certains GME les coûts complets sont similaires, alors que pour d’autres ils sont très supérieurs en secteur DAF. L’on est surpris par des coûts de revient constatés en oQN très supérieurs aux moyennes misérables évoquées précédemment, par exemple par la cour des comptes.

Les coûts fixes

L’écart entre les frais de structure évoqué ci-dessus rend attentif à la diffé-rence de décomposition des coûts. Pour simplifier considérons les charges que nous appellerons improprement les coûts fixes et qui agrègent les frais de logistique et les frais de structure. Sont donc compris ici toutes les charges sans rapport avec les soins, y compris la blanchisserie, la restauration (qui ne sont pas réellement fixes).

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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Tableau comparatif des coûts fixes par secteur

HC HP

DAF oQN DAF oQN

LGG 96,10 € 68,80 € 89,00 € 52,50 €

structure 14,90 € 23,90 € 15,50 € 22,40, €

Coûts 111,00 € 92,70 € 104,50 € 74,90 € valeurs 2010

L’asymétrie entre les deux secteurs est flagrante. Sous oQN, les établis-sements supportent un loyer qui s’impute en frais de structure. Le total reste néanmoins très inférieur dans le champ oQN. Clairement le secteur DAF n’est pas compétitif. Ces chiffres donnent raison à ceux qui soutiennent que le secteur DAF est encore susceptible de produire des efforts de producti-vité, car l’on ne voit pas quel service (public) est rendu en contrepartie de ce surcoût.

Le coût du soin

Revenons aux GME relatifs aux AvC et communs dans les deux échelles.

GME Coût complet Coûts fixes Coût du soin

Moyenne oQN 264 106 158

Moyenne DAF 298 118 180

Écart en % 13 % 11 % 14 %

L’écart entre les coûts moyens est de 34 €, ce qui représente 13 %. Il est de 11 % sur les coûts fixes et avoisine 14 % sur les soins. L’écart entre les coûts des soins peut être abordé avec plus d’ouverture, car rien n’indique jusqu’ici qu’il s’agit des mêmes patients et surtout du même niveau de prise en charge.

***

Au total, l’analyse des résultats par GME ne confirme pas, pour les catégo-ries médicales les plus fréquentes, une différence de coût de revient du même ordre que celle qui est généralement admise. Problème d’échantillon ? De technicité des prises en charge ? Toutefois, l’écart entre les secteurs, à activité égale, est non négligeable. Il est légèrement moindre lorsque l’on considère ce qui a été appelé « coûts fixes » ; il est nettement plus important dans le soin. Dans tous les cas, lorsque les facteurs de coût sont comparables, l’oQN est plus productif /moins cher. Pour quelques GME étudiés, le coût du soin est proche, pour d’autres les écarts sont anormalement élevés.

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Conclusions

À ce jour, le financement des SSR est extrêmement hétérogène et très inégal. Les écarts inter-sectoriels (DAF/oQN) tout comme les inégalités intra-sectorielles sont considérables.

Rien ne permet de penser que ces écarts vont se réduire. La tendance reste aujourd’hui à envisager une T2A à deux échelles. D’une façon générale, comme en 2013, la campagne budgétaire a pour effet de figer la situation. Tout incite à croire qu’il pourrait en être de même pour les années à venir. La lumière au bout du tunnel est lointaine…

Tant pis pour ceux qui ont été défavorisés et qui craquent, tant mieux pour ceux qui ont été mieux lotis. La lutte pour la survie est engagée. Mais pour les uns et les autres, les moyens sont inégaux.

Des trappes à pauvretéChaque secteur connaît ses soucis. • Pour les DAF, l’enveloppe globale, parfois étriquée, est un carcan

qui n’accompagne ni la progression d’activité ni l’alourdissement des soins. La seule échappatoire à court terme mais à double tran-chant à moyen terme, est de réduire l’activité pour accompagner l’alourdissement ou inversement d’admettre des patients plus légers...

• Pour les OQN, la tarification par DMT comporte un inconvé-nient plus sévère encore car il est difficile d’obtenir un réajustement du tarif - et le changement de DMT est pratiquement impossible, y compris pour les prix de journée inférieurs à 100 €.

Pour tous ces établissements la situation est bloquée. À leur désavantage.

Références• ATIH « Étude Nationale de Coût PMSI SSR » 92p., publié en 202.• ATIH « Étude Nationale de Coût PMSI SSR Échelle 2ème édition » 17p., publié

en 2003.• Cour des comptes : « Sécurité sociale 2012 » Chapitre XII : les soins de suite et de

réadaptation », septembre 2012.• FHP « Rapport 2012 ».• IGAS « Évaluation de la place et du rôle des cliniques privées dans l’offre de soins »

Rapport RM2012-112P - septembre 2012.

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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Vers une T2A ?

Après un certain flottement, le modèle IvA fortement contesté est aban-donné. Les pouvoirs publics se rendent à l’évidence que la description de l’activité SSR est loin d’être calée et que les connaissances nécessaires à l’éla-boration d’une T2A spécifique ne sont pas disponibles. La décision doit dès lors être prise de reporter de plusieurs années la réforme du financement et de diligenter des travaux et des enquêtes pour engranger de la connaissance.

La ligne d’horizon officielle reste le modèle dit à quatre compartiments : l’activité, le plateau technique parfois qualifié de spécialisé (PTS), les médi-caments onéreux et dispositifs médicaux (Mo-DM) et les missions d’intérêt général (MIG).

Le Ministère aborde la T2A SSR avec toujours la même idée préconçue : la transposition du modèle MCo. Cette orientation est effrayante à bien des égards : elle méconnaît la spécificité des SSR et consiste même à faire l’impasse sur l’idée qu’il pourrait y avoir une spécificité. La seconde idée, non moins sujette à caution, est l’application d’un financement au séjour. Bien entendu la communauté des SSR est liguée contre un tel projet. Même là où la protocolisation des soins se prêterait sans risque de dommage à une expé-rimentation : la prise en charge en orthopédie par exemple ou les activités ambulatoires en cardiologie ou en pneumologie, voire l’éducation nutrition-nelle (obésité). Sur ce plan la reculade des pouvoirs publics pourrait n’être que provisoire et l’on verra que sur bien des points techniques cette notion n’a pas été abandonnée.

Avant de définir des tarifs, il s’agit de lister de façon exhaustive les réfé-rences à tarifer. Cette entreprise de taxinomie est complexe mais indispen-sable. Ce faisant la T2A devient un processus de normalisation et de standar-disation. Cette première étape rencontre bien des difficultés.

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L’HôPITAL D’HÉRICoURT : UNE HISToIRE CENTENAIRE

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Nouvelle réforme du PMSI

La nouvelle classification

Le PMSI est en place depuis 1998. Mais il a déjà connu plusieurs évolu-tions, certaines partielles, d’autres plus fondamentales. Sa vocation est de fournir une typologie de l’activité médicale dans une perspective de finan-cement. Il ne s’agit donc pas de tout décrire, mais seulement de cerner les éléments impactant les coûts. Pour simplifier disons que le compartiment activité décompose la prise en charge des patients selon une liste de réfé-rences, chacune devant être appariée à un tarif. Jusqu’ici les fondamentaux de la description n’ont que peu varié, seule la classification (la liste) a subi des ajustements importants. Et c’est à ce sujet qu’une nouvelle évolution majeure est intervenue en 2012.

L’ATIH a été contrainte de reprendre la question à la base. Pour ce faire, elle a adopté une initiative très favorablement perçue : des médecins rencontrent des praticiens sur site dans chacune des grandes disciplines et s’enquièrent de leurs idées concrètes pour catégoriser les patients ; ainsi les cardiologues, pneumologues, médecins MPR pour le locomoteur et la neuro-logie… Les sociétés savantes sont également sollicitées. Peu à peu la clas-sification est dévoilée dans sa construction en cours. Le fin mot reste à la statistique dont les travaux doivent conduire à une segmentation, en principe selon une dimension économique. L’ensemble conserve une structure arbo-rescente à partir d’une typologie issue de la médecine d’organe.

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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Plusieurs nouveautés apparaissent dans les premières moutures de la nouvelle classification :

• la segmentation en GME (groupes médico-économiques) s’établit sur des critères tels que : l’âge, la dépendance physique, la dépendance cognitive, l’intensité de la rééducation ;

• l’affectation des RHS à un GME par la fonction groupage se fait en prenant en compte les 10 premiers RHS du séjour ;

• la classification ne prend en compte que la dépendance à l’admission ;• l’activité de rééducation/réadaptation est prise en compte, mais de

façon très fruste (existence d’un seuil ; limitation à quelques GME).Apparaît la notion de sévérité, selon 3 modalités : 0 = hospitalisation à

temps partiel ; 1 = niveau de sévérité simple et 2 = sévérité élevée. Ce niveau est obtenu par recherche dans une liste fermée, dont la conséquence est d’al-longer la durée de séjour d’au moins 8 jours. Autrement dit, la sévérité n’est pas reliée à un surcoût journalier (ce que les bases encore trop restreintes de l’ENCC ne permettent pas d’expertiser). La démarche reste calée sur le séjour (surcoût induit par le rallongement de la durée).

Pour une même pathologie, le système est inégalement différencié. Par exemple pour l’arthrose du genou avec implantation d’une prothèse il n’y a que 3 racines de GME selon le niveau de dépendance physique. À l’in-verse pour les AvC, la classification opère une démultiplication et compte 14 racines ; une différenciation utilisant tous les critères mentionnés : l’âge, la dépendance physique, la dépendance cognitive et l’intensité de la réédu-cation.

Références• Manuel des groupes médico-économiques en soins de suite et réadaptation, ATIH,

juillet 2013, Bulletin officiel, 3 volumes.

Le CSARR

La seconde innovation majeure concerne l’abandon du CdARR (Cata-logues des actes de rééducation et réadaptation) au profit du CSARR (Cata-logue spécifique des actes de rééducation et réadaptation).

La refonte complète du catalogue est un travail laborieux réalisé en concer-tation avec les sociétés savantes et les ordres professionnels. Pour des raisons mystérieuses, les fédérations ont été tenues à l’écart. Le but est de moderniser l’outil pour le rendre plus précis, évolutif et couvrir un champ technique plus vaste.

Le CSARR se présente donc comme une liste de codes avec des libellés et bien entendu une description documentée dans le guide méthodologique. Exemple : NKR+117 = séance individuelle de rééducation à la marche. Au

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total 525 libellés. Le changement concerne donc le codage, mais surtout la précision de la description.

Le codage ajoute encore d’éventuels gestes complémentaires (ex : ZZB+066  : doublement de la compression d’une orthèse de compression élastique) et surtout des modulateurs décrivant des situations particulières modifiant la réalisation de l’acte (modulateurs de lieux : au lit du patient, en salle de bain, en piscine… ou réalisation fractionnée, nécessité d’un inter-prète…)

Le catalogue repose sur une classification, qui apparaît dans la structure du volume réglementaire publié au Journal officiel. Les premiers chapitres concernent les fonctions (fonctions cérébrales, fonctions sensorielles et douleurs,… fonctions de l’appareil locomoteur et liées au mouvement…) puis l’appareillage, enfin les gestes complémentaires et les modulateurs.

La première nouveauté est de considérer des actes globaux constitués d’actes élémentaires.

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Différentes combinaisons sont possibles : un même professionnel code un ensemble d’actes élémentaires constituant un acte global ou un acte global est constitué par la contribution de plusieurs professionnels qui réalisent chacun une partie de l’acte.

Dans l’ensemble le catalogue est plutôt bien accueilli. Il est testé sur un échantillon d’établissements. Puis des experts sont recrutés pour former des référents dans chaque structure SSR. Du temps est laissé aux établissements pour s’organiser. Mais inévitablement des questions et des imprécisions surgissent. Par exemple l’ATIH se refuse à publier la liste des actes autorisés pour chacun des métiers et se borne à renvoyer aux décrets des compétences professionnelles. Pourtant l’algorithme d’exploitation comporte probable-ment des contrôles. Sur quels critères ? Cela reste secret. Une autre diffi-culté concerne le seuil à partir duquel un acte global réalisé partiellement est compté. Enfin, la plupart des établissements constatent une évaporation des temps d’intervention des professionnels.

Après quelques mois de fonctionnement, les remontées sont nombreuses. À ce stade, il faut considérer que le CSARR est encore évolutif et qu’il connaî-tra des versions successives pour remédier à ces imperfections et clarifier les imprécisions.

Référence• Catalogues des actes spécifiques de rééducation et réadaptation, ATIH, Bulletin offi-

ciel, n°2013/3bis.

La composante économique

Le modèle IvA reposait sur une étude de coût obsolète. Un défaut irré-cupérable. L’urgence est de relancer une étude de coût pour appréhender la composante économique de l’activité. Quant aux autres compartiments ils supposent là encore que soient cernés le contenu et les coûts. Comme le nouveau système à mettre en place s’inscrit dans un contexte économique devenu plus difficile, il est improbable que le volume global consacré aux SSR augmentera. Ce sera donc un « jeu à somme nulle ». Le volume consa-cré aux différents compartiments sera prélevé sur l’enveloppe existante. Il ne s’agit donc pas seulement de pouvoir constater le prix de revient de telle ou telle ligne… mais également d’apprécier le volume à réserver à chacun des compartiments, à prélever sur le total.

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La nouvelle ENCC

La nouvelle ENC, désormais appelée ENCC (Étude nationale des coûts à méthodologie commune) regroupe aussi bien les ex-DAF financés par dota-tion globale que les ex-oQN restés au prix de journée. La constitution de l’échantillon est laborieuse, car les changements ont été importants, depuis la réforme des autorisations, la réforme du PMSI et surtout du CSARR. La participation à l’étude requiert un travail notable, une charge que ne compense pas tout à fait le financement apporté. Les contraintes supplémen-taires sont importantes : cotation des temps de rééducation, saisie des SIIPS, organisation des unités d’hébergement selon les autorisations et les contrôles rigoureux sont perçus comme plutôt sévères.

Comme déjà évoqués les premiers résultats ont été publiés. Et ils donnent quelques enseignements certes provisoires mais déjà utiles.

• L’échantillon constitué ne couvre pas encore tout le champ de la clas-sification et si des coûts moyens ont pu être calculés pour les lignes (GME) les plus usitées, il reste encore pas mal de « trous ».

• Ces « trous » sont plus nombreux dans l’échelle oQN, ce qui montre que le case-mix de ce secteur est réduit comparativement aux ex-DAF.

• Dans les deux secteurs la somme « frais de structure + logistique » représente une quote-part élevée qui est distraite du financement du soin stricto sensu.

Pour l’heure inutile de se focaliser sur ces premiers résultats. D’abord ils sont incomplets, (les « trous ») ensuite ils sont évolutifs. En effet la classifi-cation est susceptible d’être améliorée, ce qui ne manquera pas de perturber des coûts moyens annoncés. De plus le CSARR n’a pas (encore) été pris en compte ni dans la classification (seulement des seuils, par exemple > 60mn - et pas dans toutes les pathologies), ni dans la modulation du coût. Pour l’instant cette complexe construction ne sert encore à rien. L’on peut penser qu’il ne s’agit que de partie remise et que le CSARR interviendra tôt ou tard, éventuellement même par la recherche « d’actes traceurs » qui pourraient être retenus par l’algorithme et donc l’orientation dans des lignes spécifiques de la classification - qui restent à définir.

L’enquête MO

La question du coût de certains traitements médicamenteux traverse le secteur depuis plusieurs années. Lorsqu’ils sont prescrits en court séjour, certains traitements (par exemple des antibiotiques ou des antinéoplasiques) font alors l’objet d’un supplément de financement. Mais en SSR, il n’existe pas de tels suppléments. Ceci va jusqu’à compromettre l’admission des patients concernés. Quelques ARH, puis ARS, acceptent de financer des

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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lignes budgétaires supplémentaires pour arrondir les angles… la solution attendue reste l’ouverture du compartiment Mo (médicaments onéreux) et donc la possibilité de facturer un supplément.

Le traitement médicamenteux de la spasticitéPratiquée en hôpital de jour, par exemple pour le suivi des hémiplégies

spastiques, l’injection de botox requiert un environnement approprié : médecin ayant acquis une formation, assisté d’une infirmière éventuelle-ment formée au Kalinox et parfois d’un kinésithérapeute pour pratiquer l’électrostimulation. La séance est alors facturée au tarif du forfait de soins = 160 €. Mais le seul médicament injecté revient à environ 500 €.

Il s’ensuit que certains SSR considèrent que cette activité n’entre pas dans leurs possibilités tant qu’elle ne bénéficie pas d’un financement spéci-fique. Les patients sont alors renvoyés vers des structures MCo.

Au CRF d’Héricourt en 2012, le budget d’achat du Botox a représenté une dépense de 101.000 € pour 205 séances d’injection, la plupart en hôpital de jour.

Depuis quelques temps le PMSI des seuls établissements sous DAF s’est enrichi d’un fichier annexe destiné à documenter ces frais. L’ENCC dispose d’une base dite de « traceurs ». Une enquête déjà ancienne a été renouvelée, sur une nouvelle base. Elle montre que la problématique est sensible, mais complexe à appréhender. D’abord la liste, n’étant pas réellement arrêtée, reste entr’ouverte. Le manque de standardisation rend difficile de cerner l’enve-loppe à réserver à ce compartiment. Ensuite, les pratiques évoluent assez nettement, de même que le prix d’achat des médicaments. Les résultats de la nouvelle enquête sont très différents des données du PMSI, précisément quant à l’enveloppe nécessaire. De ce côté donc, la lumière se fait attendre.

Enfin, la communauté chipote. Au lieu de se fixer sur une première liste susceptible d’évoluer, elle revient sans cesse sur le périmètre, par exemple en relevant (à raison) qu’il y a des médicaments qui sont chers à l’unité, mais administrés peu fréquemment au patient, alors que d’autres, moins chers à l’unité, sont administrés quotidiennement et par-là représentent un problème économique tout aussi sévère.

Les pouvoirs publics hésitent et reviennent sur leur promesse pourtant formelle. Le compartiment ne sera pas ouvert avant la T2A elle-même. La situation pourrait devenir délétère pour certains, notamment ceux qui ont vocation à accueillir régulièrement des patients aux traitements anticancé-reux, qui peuvent totaliser plusieurs centaines de milliers d’euros.

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Les ssR : hieR, aujouRd’hui…et demain ?

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Enquête MO : répartition des dépenses par classes

Classes ATC (recherche des classes totalisant 80%)

Dépenses totales

% dépenses liste

d’enquête

Nb étab concernés

M03 – Myorelaxants 6 530 766 14,3% 182

B03 – Antianémiants 5 959 533 13,0% 990

J01 - Antibactériens à usage systémique 4 972 329 10,9% 1 026

B05 - Substituts du sang et solutions de perfusion

4 671 739 10,2% 820

B02 – Antihémorragiques 4 220 726 9,2% 77

L01 – Antinéoplasiques 3 068 638 6,7% 640

L03 - Immunostimulants 3 002 694 6,6% 677

J02 - Antimycosiques à usage systémique 1 887 702 4,1% 293

L04 - Immunosuppresseurs 1 794 058 3,9% 632

Les sommes en jeu sont loin d’être négligeables. Mais rien ne permet encore de savoir comment ce compartiment sera abordé. En effet pour reprendre l’exemple du botox la question pourrait parfaitement être traitée au sein du compartiment « activité », à partir des actes CCAM associés (PCLB 002 et PCLB 003) orientant vers des GME (à créer) par exemple « hémi-plégie spastique  ». Pour l’heure, l’ATIH ne cherche qu’à appréhender des informations qu’elle ne trouve pas dans les données de l’ENCC. La question du financement viendra plus tard.

Revenons sur la définition déjà ancienne du compartiment. Il s’intitulait Mo-DM et donc devait également cerner les dispositifs médicaux. Les seuls éléments jusqu’ici collectés et donc disponibles concernent l’appareillage. Car la question achoppe à une limite provisoirement infranchissable : il n’existe pas de thésaurus. En effet si la LPP (Liste des produits et prestations) de la Sécurité sociale documente assez bien les autres sujets : ici l’on s’aventure dans une «  terra incognita  » où tout reste à faire. De fait l’orientation est manifestement prise de laisser la question de côté.

L’enquête « plateau technique »

Le troisième compartiment souffre lui aussi d’une difficulté de définition. La précédente enquête (2008) avait retenu une acception particulièrement laxiste de la notion de plateau technique : les salaires des paramédicaux (kiné, ergo), les fournitures (appareillage, prothèse, orthèses…), les installations. Et pourtant, comme déjà noté, près de 40 % de SSR n’ont déclaré aucun plateau technique.

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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La nouvelle enquête (2011) a pris le parti inverse : ne cerner que les éléments qui ne seront pas captés par l’ENCC. D’où la liste des 16 équi-pements particuliers : balnéo, urodynamique, laboratoire d’analyse du mouvement et de la marche,… jusqu’à l’atelier d’appareillage. Les coûts sont désormais mieux cernés : coûts d’acquisition des équipements, coûts de fonctionnement (salaires, fournitures, prestations de service…), coûts des professionnels médicaux et paramédicaux, nombre d’unités d’œuvre. Pour les établissements concernés les travaux vont dans la direction attendue : cerner le coût complet, y compris l’impact sur les frais de structure et de logistique générale. Mais l’enquête montre encore la rareté de ces équipements.

Enquête PTS : fréquence des équipements et installationsPiscine, balnéothérapie 516Locaux de simulation d’espace de vie 338Plateau d’exploration cardiologique 265Plateau d’exploration fonctionnelle respiratoire 219Exploration de l’équilibre et de la posture 216Appareil d’isocinétisme 163Plateau d’exploration urodynamique 150Laboratoire d’analyse de la marche et du mouvement 77Manipulation et reconditionnement aseptique de produits administrés par voie parentérale

61

Assistance robotisée de la marche 47Salles interventionnelles pour réalisation de pansements complexes 45Appartement d’autonomie 44véhicule adapté pour personne à mobilité réduite 43Rééducation du membre supérieur robotisé 23Simulateur de conduite automobile 14Établissements répondant 1637

Source ATIH, 2013 (Enquête PTS 2011 - valeurs 2010).

Ces chiffres confirment paradoxalement l’importance de la question. Certains PTS sont très peu fréquents et leur impact sur l’enveloppe SSR marginal. Toutefois pour les établissements concernés - et surtout pour les patients accueillis - l’importance d’un juste financement est cruciale pour préserver les soins requis. La pérennité de ces équipements - et du service rendu - a un prix.

Les MIG

La même problématique vaut pour les missions d’intérêt général (MIG). Avant d’enquêter il s’agit de définir quelles activités et particularités pour-raient être éligibles à ce compartiment. Les avis sont partagés. Les uns iden-

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tifient quelques items comme la réinsertion professionnelle jusqu’ici réservée au cercle (fermé) du réseau Comète France. D’autres dressent un inventaire à la Prévert et listent des activités marginales. À l’évidence la question n’est pas mûre.

La problématique pédiatrique

La pédiatrie a vite été repérée comme une zone aveugle. La classifica-tion n’a pas pu prendre en compte cette dimension de façon satisfaite. Ce segment représente environ 3,2 % de l’hospitalisation complète, un volume trop faible, répartis entre les GME et avec d’innombrables cas particuliers, pour espérer des données représentatives au sein de l’ENCC.

Plusieurs solutions techniques seraient possibles pour traiter la problé-matique. La plus simple, à défaut de mieux et rapidement opérationnelle, serait de créer un coefficient de majoration. Un tel coefficient pourrait être soit uniforme, soit, ce qui serait préférable bien qu’un peu plus compliqué, modulé selon des catégories restant à définir. Cette majoration correspond au fait que l’accueil d’enfants implique des contraintes. D’abord il s’agit de les accompagner à toute heure de la journée, donc aussi en-dehors des plages de rééducation. Ensuite la pédiatrie exige des locaux spécifiques d’animation et de scolarité, du personnel complémentaire… À l’évidence la prise en charge des enfants coûte plus cher et rapporte moins de recettes annexes.

Des groupes techniques se mettent en place pour aborder la probléma-tique. À cette occasion se manifeste d’abord une notion embarrassante : les organisations et les pratiques sont parfois éloignées des usages du monde sanitaire. Plus proches du médico-social. Tel établissement finance des ensei-gnants sur le budget sanitaire, alors qu’en principe ce volet relève de l’Éduca-tion Nationale. Tel autre ferme en été. Un autre encore accueille des parents et prend en charge les transports pendant des permissions souvent longues et surtout répétées. Au total les taux d’occupation sont faibles et réciproque-ment les charges par journée d’activité d’autant plus conséquentes. À l’évi-dence, les SSR pédiatriques n’ont pas encore rempli la condition première d’une T2A qui est la standardisation et donc cantonner la prise en charge dans le périmètre de ce qui sera financé.

La Croix-Rouge gère plusieurs établissements pédiatriques, dont l’un, l’hôpital d’enfants de Margency, orienté vers les pathologies les plus lourdes telles que l’oncohématologie. Le fonctionnement de ces structures est plei-nement ancré dans le champ sanitaire. Cet organisme a établi une note très détaillée sur l’ensemble des surcoûts supportés en pédiatrie par rapport aux autres SSR, et constate qu’il est de l’ordre de 15-20 %.

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PANoRAMA DES SSR APRèS LA RÉFoRME DE 2008

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Le modèle se met-il en place ?

Le calendrier et le modèle

Le constat est clair : deux ans avant la date annoncée le modèle n’est pas connu parce qu’il n’est pas prêt. Ceci pose plusieurs questions.

• Les travaux engagés permettront-ils qu’il soit prêt pour la campagne 2016 ? Il n’est pas impossible qu’à cette date les pouvoirs publics imposent un début de T2A SSR, par exemple sur une fraction margi-nale de 2 ou 5  %, en dépit des imperfections et lacunes restant à traiter.

• Quid d’une éventuelle phase de test limitée à quelques établissements volontaires avant application généralisée du modèle ?

• Quid de la période intermédiaire : 2014-15 ? Tout porte à croire que malgré l’ardeur de l’ATIH à aborder toutes ces

questions, la T2A ne sera pas totalement stabilisée en 2016. Prenons l’exemple du CSARR. Les établissements participants à l’ENCC sont entrés dans la démarche au 1er janvier 2013. Les données seront collectées et vérifiées en 2014, et les résultats techniques : révision de la classification, nouveau calcul des coûts moyens ne seront disponibles au mieux qu’en 2015. Ces informa-tions seront alors entachées de nouveauté et d’inexpérience. Avant d’en tirer des conclusions, il vaudrait mieux les consolider. Cela ne sera pas possible. Pas plus qu’une expérimentation autre que la recomposition rétroactive du dernier budget connu.

Mais rien n’indique que la T2A prenne directement le chemin d’une échelle de tarifs. Tout aussi possible et même vraisemblable serait le retour d’une modulation rénovée sous la forme d’une échelle de pondération par points. Avec ou sans débasage, avec ou sans compléments.

Rien n’indique non plus que le financement de l’activité à la journée sera retenu. Pour des raisons évidentes les opérateurs sont intéressés par cette unité d’œuvre très pratique car peu contraignante. Mais elle a l’inconvénient d’être laxiste dans l’organisation des soins et inflationniste. Dans la conjoncture actuelle d’un déficit chronique de la sécurité sociale et de crise économique, l’on peut prévoir que des verrous seront posés : contractualisation de volumes, indicateur de performance, standardisation accrue des pratiques admises, voire définition de forfaits : par séjour, par semaine... Paradoxalement ceux-là mêmes qui préconisent le financement à la journée y ajoutent la question des permissions, souhaitant explicitement que ces journées-là soient également payées, pour ne pas créer de distorsion entre ceux qui les permettent et ceux qui ne les permettent pas. Il semble aujourd’hui peu probable que leur vœu sera exaucé.

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Que faire en attendant la T2A ?

Face à l’affaire de la T2A, la communauté des SSR est dans l’attente que les prémices du modèle soient progressivement dévoilées. Ceci est une situa-tion inconfortable. L’attente inciterait à continuer comme si de rien n’était, mais avec la crainte qu’il n’y aura pas de temps suffisant pour se préparer, s’organiser. Lorsque les établissements publics et privés PSPH sont passés à la dotation globale, le changement n’a alors concerné que la méthodologie technique (suppression des factures), mais n’a pas affecté significativement les moyens alloués. Ceux-ci ont été figés. Avec la T2A, rien de tel. Et c’est pourquoi, malgré l’hypothèse raisonnable que la montée sera progressive, le spectre d’accidents budgétaires n’est pas à écarter. C’est une raison majeure pour s’y préparer.

Comment anticiper une réforme dont on ne connaît rien ?Les éléments suivants ont d’ores et déjà été repérés comme des points

d’impact potentiel. Pour le manager soucieux de préparer son établissement au changement, il s’agit d’une check-list permettant sans délai d’engager le pilotage de cette période qui s’annonce délicate.

Les coûts fixes : Dans l’ensemble des SSR le sous-total frais de structure + charges de logistique et de gestion générale apparaît comme élevé ; c’est un point de fragilité. Il est raisonnable de s’aligner sur les plus efficients. En tout état de cause il pourrait devenir vital de contrôler cette part qui n’est pas contributrice au soin. Par analogie l’on peut rappeler que les CREF (Contrats de retour à l’équilibre financier) des établissements publics comportent régu-lièrement la suppression de postes de personnels administratifs et des services techniques. La productivité des services administratifs et logistiques est un premier élément à auditer.

Connaître ses coûts de production du soin : Dans l’ensemble le système hospitalier est en retard pour ce qui concerne l’analyse de gestion. La comp-tabilité analytique a été longtemps une notion exotique ; elle a d’abord fait son chemin dans les grandes structures soumises à la T2A MCo. Il s’ensuit que les établissements SSR connaissent mal leurs coûts de production : coût par pathologie, coût par service, coût par type d’hospitalisation. En consé-quence, ils sont dépourvus d’instruments de pilotage. Et c’est précisément cette notion qui deviendra centrale avec la T2A. En cas de difficulté, c’est une condition incontournable pour identifier les points faibles et rechercher des solutions.

Confronter ces coûts de revient aux référentiels et à la décomposi-tion publiée. Connaître dès à présent ses coûts permet de les confronter aux premiers résultats récemment publiés. Mêmes s’ils sont encore impar-faits, ils donnent des tendances. Les coûts de revient moyens élevés seront les premiers sur la sellette, par exemple ceux qui dépassent nettement les 300 € par jour ; ils sont à justifier. La publication de la décomposition des coûts est

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également une information très utile, car elle permet d’identifier les compo-santes litigieuses. Si la question de l’efficience a déjà été posée, celle de la sur-qualité est également nécessaire, surtout pour les établissements qui ont eu la chance d’un budget historique élevé. Rappelons l’adage : « la T2A a vocation de financer la juste prestation au juste prix. »

Identifier des segments menacés et faire évoluer le projet médical. Cette première analyse permettra certainement de hiérarchiser les profils accueillis selon le risque financier associé. Dans certains cas, la réponse est gestion-naire : améliorer l’efficience, réduire les coûts… mais d’autres segments pour-raient constituer des branches à élaguer au profit d’autres activités mieux en phase avec les évolutions à venir. L’on comprend bien que pour mener à terme une telle réflexion, et surtout pour mettre en œuvre une inflexion du projet médical, le temps est un atout précieux. Une période de 5-6 années serait confortable, un délai de 2-3 ans est déjà plus serré. Mieux vaut ne pas attendre.

Consolider les compétences : DIM, contrôle de gestion… Maîtriser la T2A exige que l’établissement dispose de compétences jusqu’ici considérées comme secondaires. La parfaite maîtrise du codage des informations médi-cale est un atout, non seulement pour optimiser les recettes, mais aussi pour les conserver après contrôle. Pareillement le contrôle de gestion, une notion absente dans la plupart des SSR permet de disposer des outils et instruments de pilotage évoqués plus haut. Avec un financement par dotation ou le paie-ment par prix de journée, ces fonctions étaient faiblement valorisées ; avec des ressources variables selon les patients, leur rôle deviendra crucial. Alors des questions doivent être abordées : faut-il faire appel à des prestataires de service  ? Mutualiser avec d’autres structures ? ou carrément disposer de compétences internes - ce qui peut nécessiter un recrutement ou des forma-tions ?

Gestion de flux. Le financement par le budget global a libéré ces établis-sements du souci du taux d’occupation. Parfois il est devenu faible par suite d’aléas (fermeture de services en été ou par pénurie de certains profession-nels, permissions …) ou simplement par choix, dans le souci d’optimiser un budget dont les moyens s’effritaient. À cet égard les ex-oQN présentent des taux d’occupation souvent supérieurs, voire très supérieurs. Ils sont mieux préparés à aborder cette mécanique qui fait varier les recettes non seulement selon le type de patients traités, mais également selon le nombre d’unités produites, probablement les journées. Alors que les uns sont encore à rêver d’un financement des permissions, les autres ont parfois dépassé les 100% de remplissage. Passer d’une philosophie de gestion des lits à l’autre constitue un choc de culture. Qu’il vaudrait mieux répartir sur une période de transition suffisamment longue.

Sensibiliser les équipes. La T2A implique une nouvelle philosophie du management. Elle ne concerne pas que l’occupation des lits. Dorénavant les

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recettes et donc les moyens ne sont plus tributaires de l’habileté du directeur à négocier avec les financeurs. Les recettes sont générées par l’activité des services et de la commission d’admission. Pour caricaturer, dans la première optique, le directeur générant le budget se tourne vers les médecins avec le reproche (amical sans doute) : « vos soins me coûtent cher» . Avec la seconde, le point de vue s’inverse et c’est le médecin qui se sentant à l’origine des produits générés par son activité se tournera vers le directeur pour lui repro-cher (non moins courtoisement) : « vos services généraux nous coûtent cher ». En réalité, le management d’un hôpital a toujours besoin d’une collaboration compréhensive entre la direction et l’équipe médicale. Pour aborder le chan-gement, des actions de sensibilisation, d’explication, de formation sont utiles et les notions de changement doivent lentement entrer dans les esprits de toute la communauté.

Gestion du temps et du circuit des informations. Dans un rapport la Cour des comptes avait stigmatisé des hôpitaux mettant plusieurs mois après la sortie du patient pour établir la facture du séjour. En SSR la situation est un peu plus simple, mais la qualité des informations recueillies de l’entrée à la sortie, ainsi que la rapidité de cette collecte sont des paramètres essentiels de la future efficience. Là encore les établissements facturant au prix de journée apparaissent comme ayant une longueur d’avance. Rappelons que l’ATIH avait sollicité les fédérations pour passer à la collecte mensuelle du PMSI et qu’elles avaient répondu que cela n’était pas possible. Cette marge de progres-sion gagnerait à être mise à profit rapidement.

Informatique. La facturation en T2A est exigeante pour l’informatique. D’abord il vaudrait mieux disposer d’un système centralisé autour du patient et susceptible de traiter toutes les données nécessaires à la facturation de l’ac-tivité et des éventuels suppléments : données administratives, PMSI, Médi-caments, facturation des séjours, etc. Parfois ces informations sont traitées par des logiciels différents, avec des interfaces aux performances variables. Le programme « Hôpital numérique » fournit un référentiel d’audit très intéres-sant. Malheureusement certains logiciels n’ont pas d’avenir.

Réviser/différer les investissements. Enfin, la réforme de la tarification apportant un fort degré d’incertitude sur les moyens futurs, il serait peut-être prudent d’attendre avant d’engager des opérations d’envergure, notamment sur le plan immobilier car elles exigent des plans de financement portant sur de nombreuses années, dont précisément on ne sait rien. Sur quelle base asseoir la confiance dans l’avenir nécessaire à une telle décision ?

La T2A, un sujet en soi ?

En SSR encore plus qu’en MCo, la T2A représente une démarche de standardisation. on l’a vu à propos des enfants. Et c’est pour cette raison qu’il

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est utile de ne pas limiter les travaux à la seule statistique, mais de les complé-ter, voir les étayer, sur des réflexions plus larges. Un travail conceptuel. Les questions déjà évoquées dans la critique du modèle IvA restent totalement d’actualité, sans aucun élément de réponse. Qu’est-ce que la juste prestation au patient ? Qu’est-ce que le juste financement ?

Aucun travail conceptuel voire philosophique sur la mission des SSR n’a été fourni. Ni par le Ministère, ni par les fédérations, ni par les sociétés savantes intéressées au premier chef par la réussite de l’activité : la médecine physique ou les gérontologues, par exemple.

Le risque de la statistique est toujours la convergence vers la moyenne. L’on calcule un coût moyen qui sert de référence à la fixation d’un prix stan-dard et qui apporte le financement d’une prestation moyenne. Les écono-mistes et la Cour des comptes critiquent cette méthode pour lui préférer la référence des plus efficients. D’autres choix sont donc possibles.

Prenons deux exemples. Le GME 0828a1 : « lésions articulaires et liga-mentaires de l’épaule - niveau 1 ». Il ne comporte aucune modulation. Il est raisonnable d’en inférer qu’il constituera un forfait pour la prise en charge en hospitalisation complète avec son homologue en hospitalisation de jour. D’aucuns se sont émus que l’intensité de la prise en charge de rééducation ne soit pas prise en compte et que tous seront payés de la même façon. Pour les uns cela pourrait s’avérer suffisant car leur prestation est minimaliste, pour d’autres ce sera insuffisant car leur prestation est peut-être idéaliste. Les premiers vont s’enrichir et les seconds s’appauvrir (un peu). Cette discussion triviale peut prendre un peu de hauteur avec deux remarques.

• Il appartiendra à la HAS avec l’aide de la SoFMER de formuler des recommandations sur ce qu’il faut considérer comme étant la juste prestation.

• Il appartiendrait en revanche au contrôle médical des financeurs de s’assurer que les soins ainsi financés sont effectivement délivrés

Et ceci conduit à s’interroger sur la perspective : vaut-il mieux financer des soins dispensés ou des soins requis ? De facto c’est plutôt cette seconde option qui est retenue, pour ces GME-là. Pour d’autres, lorsqu’il existe un seuil modifiant le groupage c’est plutôt la première.

Un autre exemple concerne la balnéothérapie. Les enquêtes ont montré une très forte hétérogénéité des équipements et des pratiques. Tout d’abord le format des piscines est disparate. Les mieux dotés disposent d’un bassin olympique rempli d’eau de mer. Cet avantage est trompeur. L’équipement coûte extrêmement cher car l’eau de mer s’avère corrosive non seulement pour les parties immergées, mais encore pour le bâtiment. À l’inverse les moins bien dotés se sont équipés d’une pataugeoire de fitness. Bien entendu l’investissement et la maintenance sont plutôt économiques. D’où la ques-tion : quelles caractéristiques peuvent être justifiées ? Que s’agit-il de finan-cer ? L’on n’est donc plus à rechercher ce qu’il y a de mieux, mais seulement

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ce qui est nécessaire. Selon les textes de références (décret de 2008 relatif aux conditions techniques) la balnéothérapie n’est obligatoire que dans la prise en charge des affections de l’appareil locomoteur. En toute rigueur, il faudrait donc écarter du supplément PTS tous les établissements qui ne disposent d’une telle autorisation et pratiquent par exemple la rééducation cardio-pneumologique ou nutritionnelle (obésité). Le maintien de ces SSR comme éligibles au supplément PTS Balnéo revient à appauvrir les établisse-ments spécialisés par saupoudrage d’un financement insuffisant ou à prélever une partie excessive sur le compartiment activité. Rappelons la tyrannie du système à somme nulle. Le dimensionnement devrait bénéficier d’une atten-tion du même ordre. Et être adapté aux patients accueillis. Et c’est pourquoi nous avions préconisé un modèle de financement restrictif et associant une part fixe à une part variable proportionnelle au nombre de passages.

Focus sur le plateau technique : balnéothérapieSource ATIH, 2013 (enquête PTS 2011 – valeurs 2010)

En se basant sur les médianes, un espace de balnéothérapie fait envi-ron 210 m² SHoN, comportant un volume de bassin(s) de 60 m3 et une profondeur maximale de 2 m. La dispersion est considérable et laisse les enquêteurs perplexes.

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Les coûts constatés présentent la même variabilité. La valeur d’acquisi-tion des équipements est fortement dispersée : elle varie pour 150 établis-sements entre 12 000€ et 94 000€. Cela s’explique par la variabilité des bassins construits.

Ces données sont à considérer avec précaution, car la moitié des établis-sements ne déclarent ni consommables, ni maintenance. Ceci démontre la difficulté de cerner les coûts de façon rétroactive, car d’une part l’indivi-dualisation reste difficile sinon approximative et d’autre part la comptabi-lité analytique n’est pas suffisamment répandue.

Distribution du nombre d’actes

L’ATIH considère qu’un équipement moyen effectue environ 3.500 actes par ans, soit 10 par jour. Elle ne s’étonne pas d’une moyenne aussi faible.

Commentaire : comment définir un supplément « balnéo » au vu de ces résultats. Le commentaire de l’ATIH traduit la tentation de la moyenne (médiane). Est-ce la bonne solution pour assurer le juste financement de la juste prestation ?

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Toutes ces considérations débouchent sur l’idée que réussir cette T2A revient à non seulement ajouter une réflexion explicitée aux travaux de la statistique, mais également à ne pas isoler le financement des autres questions : la planification (SRoS), la contractualisation (CPoM), les contrôles. En particulier fait défaut la référence aux autorisations délivrées et à la corres-pondance entre les pathologies accueillies et les moyens disponibles pour leur prise en charge. Pour réussir le système doit gagner en cohérence. Et passer du darwinisme laxiste (chacun fait ce qu’il veut, mais seuls les plus adaptés survivront) à une politique sans doute un peu plus dirigiste, car attribuant à chacun son rôle et lui allouant les moyens nécessaires. Sans doute cette posi-tion pourra-t-elle faire débat.

Annexe Propositions heuristiques d’une T2A SSR alternative

Introduction

Le modèle à quatre compartiments comporte beaucoup d’inconvénients. D’abord il est inflationniste. Ensuite les expériences précédentes ont montré la difficulté d’appréhender certaines composantes comme la spécialisation. Les propositions ci-dessous ont pour objectif de proposer une évolution pour remédier à ces défauts. Elles sont formulées à titre heuristique pour faire « avancer le schmilblic », lancer le débat. Et ne pas cantonner la réflexion dans le petit périmètre de la « pensée unique ».

Principes

Jusqu’ici la tarification a été déconnectée de la réglementation (autorisa-tion) et de la planification (PRS-SRoS). La présente contribution s’efforce de préciser a minima ce lien.

• L’une des nouveautés est d’introduire des compartiments supplémen-taires, par lesquels l’établissement reçoit une allocation de moyens lui permettant de réaliser la mission (contractualisation, SRoS). Il s’agit pour l’essentiel de charges fixes. Ces éléments peuvent alors soit être financés mensuellement par douzième ou faire l’objet d’un tarif asso-cié à un volume d’activité contractualisé/plafonné.

• L’autre nouveauté est de compléter la statistique par des référentiels de prise en charge - à défaut de seuils et de plafonds permettant de situer la juste prestation.

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• La tarification finance le « service fait », c’est-à-dire les soins délivrés plutôt que les soins requis.

• La notion de «  service public  » justifiant une double échelle reste à préciser.

Les frais fixes

• Alignement sur le plus efficient. Les frais fixes (LGG+ structure) sont de notre point de vue trop élevés pour être défendables. Après neutrali-sation des composantes « repas » et « linge » ; alignement sur le moins-disant = oQN. Sur ce point, aucune notion de « service public » ne justifie un double tarif.

• Plafonnement. Si la T2A retient l’Uo de la journée, l’absence de plafonnement conduit à sur-financer les coûts fixes en cas de dépas-sement du point d’équilibre. Il s’ensuit que cette Uo est intrinsè-quement inflationniste. C’est pourquoi ce compartiment peut être plafonné ou faire l’objet d’un forfait contractualisé.

Compartiment médical

Les médecins étant transparents au PMSI, il est nécessaire de créer un compartiment spécifique ; il s’agit essentiellement d’une charge fixe à traiter par voie de contractualisation sur la base d’un barème national. L’on considère que leur activité se décompose comme suit.

• Surveillance médicale : pour un établissement de 80 lits et places finan-cement de 3 postes médicaux pour couvrir la permanence des soins, la participation des médecins à l’ensemble des instances obligatoires (CLUD, CLIN, qualité…) ; un poste supplémentaire par tranche de 20 lits ou 30 places.

• Spécialisation : effectif médical renforcé ; par exemple 1 ETP supplé-mentaire pour 60 lits en neurologie ; facturation des actes (CCAM) internes/externes et des consultations externes.

Exemple : un ex-CRF de 110 lits et 30 places : financement de 5 postes de surveillance médicale ; valorisation de la spécialisation + 2 ETP. Au total financement au forfait de 7 postes médicaux, internes non compris ; finance-ment des actes CCAM internes/externes en sus (liste à établir : bilans urody-namiques…) et des consultations externes.

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Compartiment hébergement et soins

L’Uo reste la journée de présence. Ce compartiment s’appuie sur l’ENCC et prend en compte les charges cliniques directes (médicaments), les soins infirmiers, les charges médico-techniques courantes (labo, imagerie, y compris logistique médicale…) selon une double échelle : la déficience (pathologie) et la dépendance. Il ne comprend ni les médecins, ni la rééducation/réadap-tation. Y sont ajoutées les composantes sorties des charges fixes : repas, blan-chisserie.

Compartiment RR

Pour le financement de la rééducation/réadaptation : retour de la cotation en minutes. Et paiement du service fait dans la limite d’un plafond propre à chaque ligne de la classification. Tarif forfaitaire de la minute de RR. Ce tarif inclut les charges courantes (fournitures...) Éventuellement tarif majoré pour les établissements spécialisés pour tenir compte du surcoût (qualifications, coordination…) : une neuropsychologue coûte plus cher qu’un kiné, la diver-sité des intervenants impose de la coordination.

Charge à l’établissement de démontrer en cas de contrôle qu’il a bien réalisé la prise en charge requise soit par l’état du patient (les référentiels sont encore rares), soit par son autorisation (conditions techniques de la spécialisa-tion). Fixation d’un plafond au « droit de tirage » selon l’état des patients (par groupe nosologique ?).

Compartiment PT/PTS

Deux aspects complémentaires :• Plateau technique : l’intervention des professionnels nécessite une

surface proportionnelle à leur nombre (bureaux, salles de rééduca-tion…) mais également des frais de logistique (ménage, maintenance, chauffage…). Élaboration d’un barème soit par capitation (lits et places ou professionnels) contractualisé, soit à la journée ; il est tenu compte de la spécialisation.

• Plateau technique spécialisé : financement du coût complet (y compris immobilier, ménage…) par composante fixe et une part variable à l‘acte. voir modèle balnéo de la FEHAP.

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Compartiment MO- DM

• Liste n°1 : supplément automatiqueCertains médicaments sont généralement prescrits par les praticiens d’amont (antibiotiques, anticancéreux) ; le SSR n’a pas une réelle maîtrise de la prescription ; les médicaments de cette première liste donnent lieu à supplément automatique sur le modèle Mo.

• Liste n°2 : supplément soumis à contractualisationEx. Traitement de la spasticité ; l’activité est soumise à contractualisa-tion (=accord dans le cadre de la planification).

• Liste n°3 : appareillageIdem

• Liste n° 4 : DM (à préciser)

MIG- AC - MERRI

• Pédiatrie : coefficient correcteur modulé selon la spécialité (15-20% pour les spécialités lourdes : soins palliatifs, oncohématologie) ulté-rieurement remplacée par une Mission d’Intérêt Général (MIG).

• Réinsertion professionnelle (Comète).• Éducation thérapeutique du patient non hospitalisé (à défaut défini-

tion comme une forme particulière d’hospitalisation de jour)

Coefficients correcteurs

• Coefficient géographique… même s’il se discute dans sa forme actuelle (taux, délimitation) ;

• Coefficient correcteur du différentiel de charges sociales ou pour tenir compte d’autres spécificités fiscales, sociales…

Marge

C’est l’aspect le plus délicat. Mais sans marge, il n’y a pas de pérennité des établissements. Si l’ensemble des compartiments est financé au juste prix… proche des coûts, la marge risque d’être rabotée. Comment rétablir la capacité de développement, de modernisation, la profitabilité ? Il faut qu’une marge soit délibérément incluse dans le système, pour ne pas inciter sous prétexte de productivité/d’efficience, de réduire la prestation au patient ou de peser sur les conditions de travail/rémunération du personnel.

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Schéma heuristique d’une T2A SSR alternative

Commentaires

• De nombreux points techniques restent à expertiser. Ainsi la prise en compte de la dépendance cognitive. Rien ne confirme l’existence d’un surcoût économique, même si la désorientation, les troubles phasiques, les troubles du comportement, l’inaccessibilité aux consignes ou à l’édu-cation thérapeutique constituent un vrai problème. Mais la charge est plutôt psychologique : stress, fatigue du personnel. Peut-être que la méthode d’évaluation du coût en soignants ne rend pas justice à un éven-tuel surcoût ; cela reste à démontrer. Plus convaincante est d’ores et déjà la mise en place d’activités spécifiques : soit une rééducation / réadapta-tion majorée en temps et la mobilisation de personnels supplémentaires : neuropsychologues, orthophonistes…

• Un point reste à trancher : le degré de précision - de démultiplication - de l’éventail taxinomique. En effet si un établissement n’a pas la possibilité de sélectionner les patients, alors un tarif moyen grossier est suffisant ; dans ce cas il devra accueillir tous les patients du segment considéré tels que proposés par Trajectoire. Le tarif moyen peut être calculé en concordance avec le case-mix moyen. Cependant si l’établissement peut sélectionner les patients ou s’il y a lieu de penser que se produira prochainement une évolution significative (par exemple perte des patients légers, concurrence entre SSR), alors il vaut mieux disposer d’un large éventail permettant de décrire plus finement l’activité. Il est donc souhaitable d’interconnecter : T2A, planification et prospective ; la connexion entre T2A et autorisation ayant déjà été abordée.

• Il en va de même pour les différentes formes d’hospitalisation, en parti-culier les alternatives qui restent à préciser : journée (ou venue), demi-journée, TCA… éventuellement programmes d’éducation thérapeutique pour des patients externes… Le financement exige une normalisation en vue de la standardisation (homogénéité) des unités d’œuvre et par-là des entités tarifées.

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• Le modèle suppose une démarche un peu plus dirigiste. La contractualisa-tion régionale implique d’un côté des capacités de financement déléguées aux ARS et de l’autre l’explicitation de critères. Dans certaines régions les autorisations de spécialisation ont été délivrées larga manu ; il n’est pas envisageable que les crédits délégués soient saupoudrés. Il y a donc lieu de redéfinir plus clairement le format et de faire reposer la planification régionale sur des règles permettant une relative standardisation nationale.

• Les analyses se focalisent sur la PvE (part de variance expliquée) du modèle, puis les sur-dotés et sous-dotés. or, toutes les tentatives de recons-tituer les budgets des établissements à partir des études de coût ont fait apparaître une formidable dispersion des écarts entre budget historique et budget reconstitué. C’est le but de la manœuvre : remettre le système à plat et réduire les écarts créés par les budgets historiques. Partant, il faut qu’il y ait des gagnants et des perdants … Comme il faut s’attendre à une PvE limitée. S’il en était autrement, toute la réforme devrait être consi-dérée comme inutile.

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Et demain ?

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ET DEMAIN ?

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Prospective

Le panorama serait incomplet sans quelques pistes concernant l’avenir. Peu de travaux ont essayé d’identifier les facteurs susceptibles de forger l’activité de demain. Et lorsque l’on interroge les têtes pensantes, les avis sont habituelle-ment vagues avec l’idée que ce secteur restera nécessaire compte tenu de l’évo-lution en MCo d’une part et du vieillissement de la population d’autre part.

Effectivement l’absence de changement est toujours une hypothèse à examiner. Même si elle n’est pas la plus excitante sur le plan intellectuel. Elle correspond à la reconnaissance du service rendu par les SSR. Elle prend égale-ment en compte une dimension souvent sous-estimée : l’inertie, par laquelle les changements sont moins rapides et moins profonds qu’attendus. Accep-tons donc, pour le principe, ce premier scénario : les SSR poursuivront leur évolution sans à-coups, ni fractures. Les inflexions organisationnelles (auto-risation, planification) et tarifaires ne provoqueront d’accidents que de façon isolée et aucunement de manière systémique.

D’autres horizons sont à envisager. Pourquoi les SSR resteraient-ils en-dehors des mutations du système hospitalier ?

Risquons une métaphore. Le secteur est un rocher sur lequel s’appliquent des coups portés de façon répétitive. Selon leur durée et leur intensité il arri-vera que le rocher se fissure, et même qu’il se fracture. Ceci ne s’effectuera pas au hasard, mais suivra des lignes de fragilité qui préexistent aux coups assénés. Il est tentant de transposer ce raisonnement aux SSR. Selon cette méthode, il s’agit d’identifier des menaces et des lignes de fracture, qui pourraient façon-ner la transformation du secteur.

Il n’est pas indispensable de supposer que les coups relèvent d’une intention ou d’un plan secret. Il n’y a pas lieu de postuler un quelconque machiavélisme des pouvoirs publics. Car les épreuves ne sont ni ordonnées ni cohérentes entre elles. on observe même des tendances contradictoires, par exemple

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entre les positions du Ministère de la santé et celles de la Sécurité sociale. Pour chacune de ces lignes, la fracture est un risque d’autant plus élevé qu’il existe une alternative aux SSR.

Déclassement de l’orthopédie vers les soins de ville

Selon les statistiques, le «  locomoteur  » représente environ 38  % de l’activité SSR. C’est un segment particulièrement exposé au risque. Et déjà plusieurs coups y ont été portés. Après la publication de premiers référentiels de la Haute Autorité de Santé, plutôt inspirés par les masseurs-kinésithéra-peutes libéraux, la Sécurité sociale en recherche d’économie a décidé la mise sous accord préalable de l’admission en SSR pour les suites de chirurgie ortho-pédique. Alors que cette formalité médico-administrative avait été suspendue après la canicule, elle revient avec l’ambition de réguler (freiner) les flux de la chirurgie orthopédique vers les SSR. Jusqu’ici la manœuvre n’a pas été féroce ; la plupart des demandes ont été validées. Ceci n’empêche pas l’autocensure des chirurgiens qui ont parfois renoncé à proposer cette orientation à leurs patients.

Un second coup a été porté par l’extension de la démarche PRADo (retour précoce à domicile) à partir d’une première expérimentation en obstétrique. La sortie rapide de l’hôpital est proposée au patient avec un accompagnement spécifique, pour les jeunes mères : le suivi par une sage-femme libérale, en orthopédie par un kiné.

En février 2012, la SoFMER publie une étude intitulée « Parcours de soins en Médecine physique et réadaptation ». Elle décrit les bonnes pratiques pour la prise en charge des principales pathologies neurologiques (TC, AvC, blessés médullaires) ou orthopédiques (épaule, prothèse de hanche et de genou).

Parcours de soins en MPR : le patient après prothèse totale de genou

Phase 1

sans complications avec complications

reprise de PTG ou 2 arthroplasties en même temps

soins ambulatoires Hospitalisation complète

3-6 semaines 4 semaines

MK 3-4 séances /semaine au moins 2 séances quotidiennes

Bilan MK en début au moins 2 h/jour

Bilan MK en fin Bilan médical MPR et paraméd

CS chirurgien Coordination interdisciplinaire

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ET DEMAIN ?

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Phase 2

sans complications avec complications

réadaptation effort ; projet professionnel réadaptation effort ; projet professionnel

soins ambulatoires Hospitalisation à temps partiel

4 semaines 3-4 semaines

MK 2-3 séances /semaine plus de 1 type de rééducateur

Bilan MK en début au moins 2 séances quotidiennes

Bilan MK en fin au moins 2 h/jour

Bilan médical MPR et paramédicaux

Coordination interdisciplinaire

Clairement la prothèse de genou sans complication n’a plus sa place en SSR, pas même en hospitalisation de jour. Ce référentiel tombe à pic. La Sécurité sociale constate que 69 % des patients vont en SSR et calcule que la prise en charge de cette pathologie revient à environ 4.820 € en SSR (un peu plus dans le public et un peu moins dans le privé lucratif ) contre 860 € en ambulatoire. C’est donc fort logiquement qu’elle se fixe pour objectif de réduire le flux de 20 %

Cet exemple illustre la métaphore de la ligne de fracture. Des coups répé-tés créent un risque. À l’évidence il n’y a aucun rapport entre la démarche de la Sécurité sociale, la Haute autorité de santé, le ministère, les sociétés savantes... Pourtant l’ensemble des initiatives tisse une toile de fonds et précise une tendance. Le vent de l’histoire souffle dans le sens d’une diminution de cette activité. D’autres coups pourront survenir. Pourquoi pas une régulation économique plutôt que médicale, en instaurant une convergence tarifaire entre les soins de ville et les tarifs SSR ? ou plus simplement en faisant sauter les verrous réglementaires imposant au patient un reste à charge plus élevé en ambulatoire qu’en hospitalisation ?

Reste à apprécier la sévérité du processus. À cet égard, il existe également des freins. L’offre de soin libérale n’est pas toujours capable d’absorber ce transfert d’activité. Dans le document engageant la mise sous accord préa-lable (MSAP), les autorités sanitaires publient une double carte figurant d’un côté l’offre de soins SSR et de l’autre l’offre de soins en MK. A l’évidence il existe bien des régions fortement dotées dans les deux secteurs (le sud) ; dans d’autres régions la densité en kinés libéraux est insuffisante.

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Et c’est pourquoi le projet de la CNAMTS pourrait s’appliquer prioritaire-ment dans des régions cibles et épargner temporairement d’autres où l’activité bénéficierait d’une tolérance totale ou relative (par ex. limitée à l’hospitalisa-tion de jour).

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SSR et desserte territorialeLe transfert de l’activité des SSR vers l’ambulatoire est une hypothèse

plausible. Dans certains territoires une alliance existe déjà au sens où les structures dépourvues de personnels qualifiés font appel aux libéraux. C’est une collaboration inégale et donc fragile. Les SSR risquent d’être perdants.

Un autre scénario est gagnant/gagnant : le SSR contribue à la couver-ture d’un territoire en créant en son sein un centre de santé médical où collaborent des salariés et libéraux au profit des patients hospitalisés et non hospitalisés. Le SSR est moins dépendant ; il diversifie sa mission et devient contributeur.

Généralisation aux patients légers

L’orthopédie constitue une activité à risque. À partir de là le processus pour-rait être généralisé. Le critère d’une telle politique est l’évaluation du service rendu. Non pas en termes de satisfaction du client ou de son entourage, mais sur le plan médical. L’ATIH avait évoqué un temps un indicateur mesurant l’écart entre la dépendance physique à l’entrée et à la sortie. C’est une manière un peu brutale de traiter la question. Car le service rendu peut être différent. Et parfois il est opportun d’offrir une chance à un patient, même si le résultat n’est pas au rendez-vous (par exemple un traumatisé crânien grave jeune en phase d’éveil).

Le service rendu par le séjour en SSR doit être apprécié au regard des alter-natives possibles et du coût. Et c’est pourquoi une préoccupation est suscep-tible de se concrétiser et entrer dans le collimateur : le « patient léger ». Consi-dérons que ces patients disposent d’alternatives contrairement aux autres. À cet égard les politiques médicales des SSR ne sont pas toujours convaincantes et des dispositifs comme Trajectoire font apparaître qu’il est parfois difficile de trouver des solutions pour des patients lourds, les places étant déjà réservées à d’autres.

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Les cas légers : situation de la France ComtéEn Franche-Comté, un tableau retraçant l’activité des SSR a été publié

dans le cadre des travaux préparatoires à la révision du SRoS 3. Les données (% de patients avec dépendance > 12) a fait l’objet de la traduc-tion graphique ci-après.

Certains CRF et soins de suite ont un % de patients fortement dépen-dants anormalement réduit. Il peut s’agit d’un CRF privilégiant l’orthopé-die (établissement public) ou d’ex-hopitaux locaux qui ne disposent ni de médecins permanents, ni professionnels de rééducation. La conséquence est l’insuffisance des places pour les patients les plus lourds et à la prise en charge complexe.

: ex-crf ; : ex-soins de suite ; : centre de cardio-pneumologie En ordonnée % de patients avec dépendance physique > 12,

en abscisse rang du SSR dans la liste

La situation de la Franche Comté n’est pas isolée. La région voisine, l’Al-sace, a ajouté dans son SRoSS révisé que les SSR devaient être en mesure de dispenser au moins deux séances de 20 minutes de rééducation par patient par semaine. S’il a fallu préciser ce minimum, c’est probablement parce que certaines structures étaient en-dessous.

L’on voit se dessiner un profil d’établissement particulier qui ne dispose pas toujours d’une équipe médicale permanente, ni de professionnels de rééduca-

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tion et qui s’adapte en accueillant des patients légers qui n’ont de besoins ni sur le plan médical, ni sur le plan de la rééducation, ni même du nursing. Avec quel service rendu ?

Cette analyse permet de cerner la problématique, préciser la notion de « patient léger » et d’en donner une définition selon les critères du PMSI :

• dépendance physique faible ;• dépendance cognitive faible ;• temps de rééducation faible ;• niveau de sévérité 1 ;• …Toutes les structures ont probablement de tels patients. Il peut s’agir de

patients en fin de séjour rencontrant un aléa motivant de différer sa sortie. Ce n’est pas le problème. La question devient sensible dès lors que la proportion de ces patients (ou de journées) dépasse un certain seuil révélant qu’il s’agit d’une politique. C’est cela qui est menacé.

Que faut-il conclure de cette prévision ? Deux options sont possibles : 1. le risque de lits vides et donc la réduction du format général des SSR ;2. la réorientation des lits libérés vers d’autres patients où le service rendu

est supérieur, et surtout qui n’ont pas d’alternative.

Priorité au domicile

Depuis le milieu du XXème siècle, le système hospitalier est sur la ligne d’une réduction de la composante d’hébergement. Elle s’effectue par paliers, mais de façon continue. Ce n’est plus la mission de l’hôpital. Au surplus le séjour hospitalier est décrit comme comportant des risques, notamment d’in-fection nosocomiale. À éviter.

Cette évolution gagnera-t-elle les SSR ? Jusqu’à récemment, les lits libérés par la fermeture d’activités de court séjour (chirurgie, maternité) notamment publiques étaient volontiers reconvertis en lits SSR. Dans le même temps, la part dévolue à l’oQN au sein de l’oNDAM progressait en raison de la créa-tion de lits, voire d’établissements ex-nihilo. Bref, il y a peu encore, le volume national des activités SSR augmentait régulièrement. Mais tout cela connaît désormais un coup d’arrêt. L’armement SSR est à son apogée. À l’instar du champ MCo le nombre de lits d’hospitalisation complète engage sa décrue. La question n’est pas de savoir quand, mais avec quelle intensité cette décrue sera réalisée.

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L’HAD, une alternative aux SSR ?Une étude publiée par l’IRDES en 2008 a comparé la prise en charge en

HAD et SSR, pour des patients ayant le même profil médical et présentant une forte homogénéité, à partir des données collectées en 2005 et 2006. Tout en soulignant des problèmes méthodologiques, elle conclut à des coûts de fonctionnement plus faibles en HAD, avec une différence particu-lièrement marquée chez les personnes âgées dépendantes (coût journalier, pour une activité de même type, de 262 € en SSR contre 169 € en HAD), soit un différentiel de 40 %. (cour des comptes, septembre 2012).

Référence : • Anissa Afrite, Laure Com-Ruelle, Zeynep or, Thomas Renaud : Soins de réhabili-

tation et d’accompagnement : une analyse comparative des coûts d’hospitalisation à domicile et en établissement, 2008, IRDES, 172p.

Les personnes âgées

SSR par tranches d’âge

Séjours HC %HC Journées HC Part ensemble

<18 ans 37 376 50,1 % 1 034 644 3.2 %

Entre 18 et 75 ans

485 656 73.2 % 14 636 093 46.0 %

>75 ans 515 683 94.6 % 16 176 283 50.8 %

Total 1 038 715 81.1 % 31 847 020 100 %Sources ATIH, données 2010

Les personnes âgées génèrent déjà la moitié de l’activité SSR. L’étude du Centre d’analyse stratégique (2011), organisme rattaché au

Premier Ministre, dresse un constat préoccupant de l’ensemble de la situation démographique à venir, et pas seulement sur le plan hospitalier :

• progression des besoins d’aide et de soins avec le vieillissement de la population ;

• diminution des ressources disponibles, non seulement du fait de la crise, mais encore par réduction de la population active ;

• diminution des aidants familiaux comme effet de l’évolution des modes de vie et de la recomposition familiale.

Fort de cette prospective, les auteurs usent d’une terminologie inquié-tante  : la notion de «  care deficit  », qui renvoie à la conjonction de deux phénomènes  : une demande croissante d’aide de la part d’une population vieillissante et une offre de services - institutionnels et informels - en berne.

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Le rapport de l’ATIH laisse entrevoir la même réalité : forte progression de la consommation de soins par les personnes âgées de plus de 80 ans, dans un contexte de limitation des moyens. Bref cela coûte trop cher. Et le rapport ajoute que 37,2 % des lits SSR sont occupés par des personnes de 80 ans ou plus.

Faut-il en déduire que les personnes âgées n’ont plus droit à l’hospitalisa-tion ou que les soins seront rationnés ? Ils seront rationalisés. La distinction entre soins et hébergement peut facilement se concevoir. En effet les personnes âgées au fur et à mesure que les effets de l’âge et des maladies chroniques se répercutent sur l’état de santé sont déjà largement insérées dans un système de soins : aide à domicile, médecine libérale, soins infirmiers à domicile, etc. Quand il ne s’agit pas d’un EHPAD assurant toutes ces fonctions dans un lieu unique. Quel intérêt y a-t-il alors à déplacer la personne âgée pour assurer à l’hôpital ou en SSR des prestations comparables ? Si la question se limite à des prestations de nature complémentaire ou d’intensité supérieure, la réponse peut être inversée : muscler temporairement les soins à domicile ou dans les établissements médico-sociaux au lieu de déplacer le bénéficiaire.

Le Dr Jean-Pierre Aquino, 2013 définit des ambitions pour la géronto-logie : « prévoir l’incidence des maladies invalidantes grâce à l’épidémiologie - prévenir des situations pathogènes en dépistant les facteurs de risque - réha-biliter la perte d’autonomie – compenser toutes les incapacités sur les plans technique, humain et financier – évaluer les actes engagés en termes d’effica-cité pour s’assurer de la bonne utilisation des financements alloués. »

Il est utile de s’interroger sur l’articulation entre ces deux domaines : la gérontologie et la gériatrie. Ne peut-on pas entendre que la gérontologie (médico-social et ville) vise à monter de niveau pour faire face à la progres-sion des besoins ? La question devient stratégique. La gérontologie a-t-elle seulement des attentes à l’égard des SSR gériatriques ? Et ces derniers ont-ils pris connaissance du risque de se faire doubler par les premiers par le simple mécanisme des vases communicants ? Revient au premier plan l’interrogation sur la valeur ajoutée par l’hospitalisation en SSR gériatrique. Une partie de la réponse concerne les bilans, et l’autre partie est contenue dans les missions des SSR telles que définies par les textes de 2008 : soins médicaux, rééducation, réadaptation, éducation thérapeutique… Tous les SSR actuels ne sont pas à la hauteur de cette définition.

Pour terminer avec les personnes âgées, il convient encore de noter que l’hospitalisation de jour spécialisée est peu répandue. La plupart des acteurs peinent à concevoir une telle activité. Pourtant les activités de bilan (cognitif, moteur) et l’éducation thérapeutique pourraient s’y prêter (atelier équilibre, maladies chroniques), tout comme des activités de rééducation. À cet égard, le point faible est toujours l’articulation avec la prestation du domicile et surtout le déplacement du patient : fiabilité du transporteur, planning des soins…

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Au vu de ces quelques éléments l’on retiendra le risque de contraction du volume dédié aux personnes âgées n’est pas à écarter. Cela se traduirait par une baisse globale de l’ensemble des SSR.

Quel profil des PA en SSR gériatrique ?Une hypothèse commence à percer. Les personnes âgées prises en charge

à domicile ou en institution bénéficient d’un niveau de soins antérieure-ment à une hospitalisation en MCo, qui peut être renforcée en cas de nécessité. Ces dispositions sont relativement efficientes pour accompagner une évolution progressive de la dépendance.

Les SSR gériatriques s’adressent à un autre scénario : la variation brutale d’une personne qui n’est pas insérée dans un réseau de prise en charge. Par exemple une brusque et forte dépendance ou une variation moins forte dans un contexte social qui a lui-même évolué (perte/maladie du conjoint). Le transfert en SSR répond au besoin de se donner du temps pour orga-niser le parcours ou l’admission en institution. Autrement dit, les difficul-tés de sortie des SSR sont déjà inscrites dans les motivations d’admission. Et au surplus, la motivation première n’est pas tant de délivrer des soins, que d’organiser la sortie. Si cette hypothèse était exacte, l’amélioration du parcours gérontologique aurait pour conséquence de siphonner l’activité des SSR gériatriques.

Le SSR gériatrique : vraie ou fausse spécialité ?La prospective invite à réfléchir en posant des questions inconvenantes,

mais stratégiques. La spécialité gériatrique (prise en charge des affections des personnes âgées polypathologiques dépendantes ou à risque de dépen-dance) est-elle une spécialisation réelle ou un avatar factice et temporaire ?

• Quel service rendu par ces structures si tous les SSR accueilleront des personnes âgées ?

• Quelle est la plus-value apportée par les SSR spécialisés en géria-trie ?

• Quels sont les marqueurs de cette spécialité en termes d’actes (CSARR, CCAM) ?

Réduction de la mission d’hébergement

Cette évolution n’est pas une régression. Elle est une mutation. Tout d’abord pour être acceptable – même en temps de crise - l’évolution suppose le développement des soins au domicile. Une partie des gains obtenus sur la

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réduction des capacités en SSR pourra être redéployée pour renforcer les pres-tations apportées à domicile, voire dans les établissements médico-sociaux. Une autre partie pourra être laissée à certains SSR pour renforcer leur plateau technique et monter en gamme. Le reste sera sujet à évaporation. Une écono-mie.

Sur cette ligne d’évolution, deux nouveautés (relatives) sont à discerner.1. Plateaux techniques et équipes mobiles : certaines interventions

nécessitent un plateau technique, des équipements et des compé-tences ; dans les établissements ainsi dotés seront pratiqués des actes thérapeutiques et des explorations fonctionnelles spécialisées. D’autres nécessitent peu de matériel et peuvent s’envisager « hors les murs  » de l’hôpital SSR. Dans un avenir proche interviendra la montée de la composante plateau technique au détriment de la composante « hébergement » ; dans un second temps se produira un partage entre les prises en charge nécessitant que le patient soit sur place de façon permanente (hospitalisation) ou partielle et les activités pouvant être déplacées au domicile, comme cela se fait déjà pour les équipes d’éva-luation, les soins palliatifs ou la gériatrie. Tout cela permettra une sensible baisse des lits SSR - ce qui n’équivaut pas à une diminution du rôle de ces structures.

2. Des hôtels SSR ? L’hébergement en SSR ne coûte pas vraiment moins cher que celui en EHPAD ou à l’hôtel ; si l’on ajoute aux 18 € du forfait journalier, les 30 ou 40 € de chambres particulières, les ordres de grandeur sont proches. La différence est que l’hébergement en SSR est pris en charge par les mutuelles, alors que les usagers règlent eux-mêmes les frais dans les structures médico-sociales. Jusqu’à quand ? Tôt ou tard se posera la question des alternatives : soins ambulatoires et à domicile structures de répit en EHPAD, hôtels à proximité des SSR…

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Les hôtels : une utopie ?La notion d’hôtel renvoie trop fortement au modèle américain pour

être perçue comme valable. Notons que des pays à bas coût appliquent déjà ce principe pour des activités telles que la chirurgie esthétique et réussissent à attirer les clients français. Cette ligne peut encore être définie autrement : c’est le mécanisme pratiqué dans le thermalisme : un paiement forfaire pour les soins, parfois quelques aides pour l’hébergement. La transposition à certains segments comme l’orthopédie redonne le choix à l’usager, mais avec un reste à charge plus élevé. Tout dépendra donc de la position du financeur.

En France plusieurs expérimentations vont dans ce sens. En cancéro-logie, l’IGR à villejuif s’est associé avec un hôtel de la chaîne Campanile implanté sur le même site pour l’hébergement de patients bénéficiant de chirurgie ambulatoire et habitant trop loin. L’hôtel-Dieu à Paris propose un service similaire dénommé « hospitel » mais géré directement par l’hôpi-tal. En SSR, le centre Perharidy de Roscoff propose une trentaine de places pour les patients admis en hospitalisation de jour à un tarif défiant toute concurrence : 14 € pour la nuit avec le petit déjeuner et un repas.

Une alternative : les maisons médicalesSi les soins de ville sont une alternative pour certaines pathologies, par

exemple l’orthopédie, il n’est pas impossible que le secteur libéral s’organise mieux. Par exemple en regroupant dans une maison médicale, à côté des généralistes et des infirmières, un médecin rééducateur avec une équipe de kinés et un plateau technique comprenant par exemple une (petite) balnéothérapie.

Hormis l’hébergement, quelle différence avec l’hôpital de jour SSR ? Le niveau du service rendu et la sécurité médicale peuvent valablement rivali-ser. Et si l’on ajoute, sur le modèle du thermalisme la dimension d’héber-gement à proximité… la comparaison avec l’hospitalisation devient soute-nable. Et moins chère.

SSR dans les murs et hors les murs

Reste à définir quels établissements survivront et quelles missions leur seront dévolues. La mutation mettra en première ligne les structures disposant d’un important plateau technique. Celui-ci est entendu comme des installa-tions et des équipements, mais également par l’agrégation de compétences médicales et paramédicales variées. Le service rendu se mesure ici en termes d’actes médicaux (CCAM), de bilans pluridisciplinaires, de prises en charge

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de patients complexes, etc. Il s’agira des ex-CRF disposant de mentions telles que neurologie, locomoteur, cardiologie, brûlés… et éventuellement quelques établissements de gériatrie. Une autre classe sera constituée par les établisse-ments recevant des patients lourds/complexes sans alternatives : trachéotomi-sés, sous assistance respiratoire, relevant de l’onco-hématologie etc.

outre la fonction traditionnelle des soins avec/sans hébergement, ces établissements auront un rôle de pilotage et de coordination. En apportant des prestations « hors les murs » par l’intermédiaire des équipes mobiles, ces structures renforcées quant à leur plateau technique, pourraient jouer un rôle déterminant dans l’organisation des parcours de soins sur un territoire donné. Ce rôle qui sera d’abord d’appui et de conseil en suite d’une hospitalisation peut également déborder vers la prévention d’hospitalisations futures et l’orga-nisation et la coordination des intervenants autour du lieu de vie.

Mais il n’est pas acquis que cette fonction soit dévolue aux SSR. D’une part parce que les SSR sont provisoirement frileux à l’idée de sortir de leurs murs et préfèrent attendre que l’avenir se précise sans bouger ni évoluer. D’autre part parce que des appétits peuvent exister ailleurs, de là le danger réel que les SSR soient pris de vitesse et voient cette mission leur échapper.

Résumons :• La réduction de la mission d’hébergement se répercutera par la ferme-

ture de lits.• La réduction de format se fera au détriment 1°) des patients légers

sans grande rééducation ou avec une rééducation simple (orthopé-die)  : réorientation vers les soins de ville et 2°) des patients lourds sans grande rééducation : réorientation vers le domicile ou le médico-social.

• Le plateau technique deviendra la composante principale : installa-tions, équipements, compétences médicales et paramédicales.

• La prestation technique sera apportée à des patients en soins résiden-tiels, en accueil de jour et non hospitalisés.

• Développement des missions hors les murs : prestations de rééduca-tion, d’appui et de coordination/pilotage des parcours et des interve-nants.

Références sur le vieillissement de la population • virginie Gimbert et Guillaume Malochet « Les défis de l’accompagnement du grand

âge », Centre d’analyse stratégique, 2011.• « vieillissement de la population et évolution de l’activité hospitalière 2007-2010.

Focus sur le prise en charge des 80 ans et plus » ATIH.• Comité « avancée en âge » : Rapport Broussy, 2013 ; Rapport Pinville, 2013 ; Rapport

Aquino, 2013 : « anticiper pour une autonomie préservée ».

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La pression économique

La pression économique constitue une menace sérieuse. L’accroissement de l’oNDAM plusieurs points au-delà de la progression du PIB ne saurait être un processus pérenne. La crise économique ne permettra pas indéfiniment que soit consenti un effort aussi important pour préserver le système de santé. Il n’est plus dans l’air du temps d’imaginer une progression de l’offre de soins en raison de l’accroissement des besoins. En MCo la régulation dite prix / volume fait baisser le tarif des séjours au fur et à mesure que leur nombre augmente ; le développement de la chirurgie ambulatoire a (aussi) pour objec-tif de réaliser d’importantes économies. Jusqu’ici les SSR ont été épargnés. Mais depuis peu l’allocation budgétaire évolue moins vite que les charges, y compris de personnel, ce qui place au premier plan des préoccupations : l’amélioration de la productivité et l’optimisation des achats.

La décroissance des SSR

La baisse des financements appelle des mesures. Dans un premier temps, il s’agit d’exploiter les marges encore disponibles. Dans le domaine de l’op-timisation des charges, les SSR sont largement en retard. La notion d’éco-nomie se concentre sur certains achats (les photocopieurs, les médicaments, les couches…) où les gains sont sans doute appréciables, mais ne permettent même pas de financer un poste d’acheteur. À noter l’apparition d’un nouveau type de consultants : les « costkillers ». D’aucuns se font fort d’obtenir des économies dans les contrats d’approvisionnement, de service ou d’achat  : le gaz, les photocopieurs… D’autres - moyennant une forte commission - proposent d’optimiser des secteurs d’activité et réduire très significativement l’effectif des personnels qui y sont employés. Par ailleurs, les recettes atté-nuatives pourront elles-aussi être optimisées. Parfois, le supplément pour chambres particulières n’a pas encore été mis en place. Des services gratuits (télévisions) pourront devenir payants.

Toutes ces mesures contribueront à réduire l’impasse budgétaire. Ensuite, les établissements devront composer avec la diminution de leur pouvoir d’achat, engager des arbitrages douloureux et accepter la réduction de leur train de vie. Tôt ou tard, il leur faudra s’attaquer aux composantes sanctuari-sées : le personnel et les charges du titre 4.

Les charges fixes

La séquence « Hôpital 2007 » a engagé une vaste modernisation immobi-lière. Cela était sans doute nécessaire. La période suivante, « Hôpital 2012 », a

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déjà été plus difficile et marquée par la disette financière. Un certain nombre d’établissements publics y compris SSR se sont engagés dans l’aventure des BEH, parfois poussés par leur ARH, l’autorité de l’époque, qui n’avait pas la capacité de faire mieux.

BEH : une solution à risqueExtrait du rapport de la chambre régionale des comptes (2012)

« La reconstruction du centre de soins, achevée en juillet 2008, a fait l’objet d’un bail emphytéotique hospitalier (BEH) d’une durée de 30 ans et l’établissement dispose désormais de locaux neufs et adaptés pour accueillir et soigner ses patients dans de bonnes conditions.

Le choix de la procédure, quelques semaines seulement après la publi-cation de l’ordonnance du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé, qui a créé le BEH, a été dicté principalement par l’incapacité financière de l’établis-sement à porter ces travaux à l’aide d’une procédure classique de marché public et d’un emprunt. Le centre était le premier établissement de santé de la région à s’engager dans cette procédure totalement nouvelle, et celle-ci a souffert de quelques lacunes. L’évaluation préalable, obligatoire, n’a pas établi la complexité, l’urgence du projet et les avantages d’une procédure de BEH par rapport à une procédure usuelle de marché public. Elle a été produite tardivement et n’a pas permis d’appréhender dès le départ l’inci-dence financière qu’aurait un tel contrat.

La situation financière et la fiabilité des comptes du centre de soins apparaissent saines. Toutefois, il ne pourrait faire face à ses charges de fonc-tionnement, dont le paiement des loyers de son BEH, sans le concours financier de l’agence régionale de santé de Franche-Comté (ARS) et sans un supplément forfaitaire pour chambre individuelle de 30 € par jour, à la charge des patients.

Ces deux points méritent une vigilance particulière dans la mesure où les aides de l’ARS, d’un montant de 1,29 M€ par an, prendront fin en 2028. L’établissement sera alors confronté à des loyers plus élevés qu’aujourd’hui, car actualisés annuellement et à la nécessité de trouver des ressources en remplacement de celles versées par l’ARS.

L’application d’un forfait pour chambre individuelle de 30 € par jour, dans un établissement dont la plupart des chambres sont individuelles, pose quant à lui la question de l’accès aux soins de suite et de réadaptation pour les patients qui ne disposent pas de mutuelle complémentaire adaptée ou des moyens financiers propres leur permettant de régler ce forfait. »

Pour tous ceux qui ont profité de la période pour mener à bien des opéra-tions immobilières d’envergure, les frais de structure sont le reflet de leur

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dynamisme passé. Particulièrement pour ceux qui ont su contractualiser des aides, la question du maintien dans le temps de ces rallonges se posera. Et ils découvrent déjà que les engagements à long terme pris par les ARH ne résistent pas à la crise, faute de conservation par les ARS des marges de manœuvre antérieures. Le maintien des aides devient tout simplement hors de portée du nouveau financeur.

La question de l’adaptation de ces établissements est entière. S’y ajoute celle des charges de logistique générale, qui n’ont pas non plus été systéma-tiquement maîtrisées, particulièrement dans les établissements publics. Il s’ensuit que les frais de structure et de logistique absorbent une partie dérai-sonnable des budgets, et de ce fait pénalisent la capacité à consacrer aux soins des moyens suffisants. Jusqu’ici l’effet s’est limité à renchérir le coût de revient des journées SSR. Mais à partir d’un certain seuil ce processus de construction budgétaire devient incertain.

La misère généralisée ?

Dans un premier temps les établissements s’adapteront tant bien que mal. Toutes les marges seront mises à contribution, la sur-qualité traquée, puis les remplacements du personnel limités, les achats réduits et les investissements différés. Toutes ces mesures seraient valables pour passer un cap. Elles sont insuffisantes, voire suicidaires, pour s’adapter à une contraction budgétaire durable et sévère.

Dans un second temps, la contrainte financière persistante produira la dégradation de la qualité : dégradation de la qualité de la prise en charge, dégradation de la qualité de la vie au travail, dégradation du niveau de la prise en charge et de la sécurité. La crise produira un recul.

Le troisième temps sera l’heure de vérité. Le risque est que les SSR engagent une lutte fratricide pour assurer leur survie : concurrence pour capter les patients ou les professionnels. Dans une conception darwinienne du système de santé, les plus faibles disparaîtront. Des établissements privés, lucratifs ou non, seront acculés à la faillite. Dans le contexte envisagé, il est peu probable que des repreneurs se manifesteront, les SSR lucratifs ayant perdu leur rentabilité. Quelques établissements non lucratifs ou publics seront renfloués par des enveloppes ministérielles… avant que ces crédits ne s’avèrent sous-dimensionnés par rapport aux besoins. Quant aux établisse-ments publics dont on considère aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas mourir, rien n’indique avec certitude qu’ils survivront. Parfois issus de la fermeture d’hôpitaux MCo, ces structures SSR ne pourront pas non plus se transfor-mer toujours en EHPAD, car la contraction budgétaire touchera également le domaine médico-social. Faute d’issue, si l’évolution arrive à ce stade, il faut

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envisager le plus improbable, la sortie de la fonction publique : l’abandon du statut des personnels, la fermeture sans reconversion et des plans sociaux secs.

La réforme du financement

Le modèle cible de la T2A SSR comporte des aspects incompatibles avec l’assèchement des finances publiques. Il est d’essence inflationniste. Avec une unité d’œuvre à la journée, chacun est en capacité de tirer sur la ficelle et d’accroître ses ressources en augmentant son activité. Sauf ceux qui ont déjà exploité ce filon jusqu’au bout. Tout incite à croire que les pouvoirs publics ne mettront pas en place un mécanisme de financement qui échapperait à leur contrôle. Il faut donc supposer une inflexion significative.

Plusieurs voies sont possibles :• Arrimer l’activité à la planification ; les objectifs d’activités abrogés

sont susceptibles de revenir en jeu, d’abord au niveau régional, puis par contractualisation avec les établissements ; autrement dit, l’activité pourrait être plafonnée.

• L’application de tarifs dégressifs en cas de dépassement des objectifs sont une voie offerte pour maîtriser le volume économique des SSR, avant d’aboutir à un plafonnement pur et simple des recettes suscep-tibles d’être captées – plafond au-delà duquel il n’y a plus de recettes supplémentaires du tout.

• Il n’est pas impossible que des éléments comme les coûts fixes soient l’objet eux-mêmes d’une contractualisation, tout comme les plateaux techniques et les MIG, voire les DM et Mo. Le même processus peut s’étendre à des compétences particulières comme l’effectif médical. Au final, il ne restera qu’un compartiment « activité » réduit.

• Des évolutions plus profondes comme le financement (des enveloppes ARS ?) à la capitation ou le financement forfaitaire des parcours de soins, voire le financement à la performance sont concevables. Ils remettent en cause le principe même du modèle cible envisagé (dit à quatre compartiments).

La contrainte économique n’affecte pas seulement le niveau des budgets alloués ; elle impliquera la transformation des modalités de l’allocation de ressources. Et c’est pourquoi les autres questions doivent aussi être posées. Dans un tel contexte, est-il opportun de maintenir des mécanismes multiples ou ne convient-il pas de tout remettre à plat ? Par exemple l’écart existant entre les établissements publics (secteur DAF) et privés lucratifs (oQN). Le finan-cement protecteur des SSR publics correspond-il à un surcoût défendable ? Quelle est la nature du « service public » rendu par les SSR hospitaliers ? ou ne doit-on pas penser que lorsque la crise se prolongera, l’on risque de s’orien-

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ter vers un alignement forfaitaire sur le moins disant ? Éventuellement avec une modulation pour tenir compte des niveaux de qualité.

Le coût social

La pression économique durable aura des conséquences sur le personnel. Depuis plusieurs années l’évolution des salaires ne suit plus celui du coût de la vie. Le blocage ne touche encore que la valeur du point alors que l’ancienneté continue sa progression. Mais déjà l’érosion du pouvoir d’achat est réelle.

Un second aspect est la contraction des effectifs. Les budgets de remplace-ment seront les premiers touchés - une fréquente variable d’ajustement. Puis sera différé le remplacement des départs : retraites, démissions. Enfin certains départs ne seront plus remplacés du tout. Au total l’effectif se réduira, dans le but de contenir la masse salariale.

Le climat social souffrira de ces évolutions défavorables pesant sur les conditions de travail. Mais dans le contexte social général (la persistance de la crise et le chômage endémique), les salariés des structures hospitalières devront s’estimer bien lotis comparativement aux retraités, chômeurs, salariés de l’industrie ou du commerce.

Une troisième conséquence possible sera de revenir sur les avantages acquis. Les conventions collectives en comportent encore de nombreux. Lais-sons la récupération des jours fériés qui est anecdotique, pour souligner deux régressions majeures : la progression à l’ancienneté et la durée hebdomadaire du travail (35 heures).

***

Ces évolutions ne sont pas certaines. Il existe des paliers où le processus pourra s’arrêter, temporairement ou durablement ; et il y a même des points de bifurcation. Rien n’oblige à penser que la crise durera encore plus d’une décennie. La croissance peut revenir. À vue humaine cela n’est pas assuré.

Ces hypothèses correspondent à une option issue de l’observation rétros-pective : la répartition de la misère sur tous. C’est la leçon du passé. D’autres scénarios sont concevables. Ainsi lorsque des établissements seront poussés à la faillite et à la fermeture, les pouvoirs publics récupéreront des moyens budgé-taires inemployés. Ils pourront alors les réallouer à d’autres, qu’ils choisiront de consolider. Peut-être que la disparition des établissements privés profitera aux établissements publics, qui seuls survivront. Mais ce n’est qu’une hypo-thèse. on peut également imaginer que des catégories particulières d’établisse-ment disparaîtront et que d’autres seront consolidées en fonction du position-nement de leur projet médical. Tout dépendra des choix politiques.

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La robotisation

Les robots ne sont plus du domaine de la science-fiction. Ils ne sont pas non plus réservés aux Japonais et à l’industrie automobile. Dès à présent des processus logistiques ont été automatisés : la lingerie, la pharmacie, plus récemment la cuisine (mis en place des barquettes).

Des robots existent déjà, qui assurent des tâches ménagères simples. Un premier pas sera rapidement franchi vers des tâches de logistique et de service : nettoyage des couloirs, des chambres, service des repas, desserte... Rien n’em-pêchera d’y adjoindre des tâches réservées aux soins : distribution des médica-ments, prise des constantes, en attendant plus : les prises en sang, par exemple.

PIPAME, séminaire du 14 juin 2012.

S’agit-il d’une dépersonnalisation ? Cela n’est pas sûr. Des expériences déjà anciennes ont montré qu’une intelligence artificielle pouvait rivaliser en conversation avec des humains. Et ceci sans compter qu’un robot - sauf en science-fiction - est toujours d’humeur égale, d’une infinie patience et d’une exquise courtoisie. Avec un robot, la bientraitance n’est plus un sujet. La fron-tière entre automatisation et robotisation est mince. De nombreuses socié-tés, et quelques spécialistes en médecine physique, travaillent sur des robots de toute nature. Certains concerneront le domicile, l’handicap, le grand âge, voire les établissements de soins. Ce sont les « robots de service.» 

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Des robots précurseursLe petit Hovis Genie, un robot sur roulettes de 40 centimètres, possède

simplement des bras articulés et deux caméras à la place des yeux. Il est notamment destiné aux personnes âgées. Hovis peut assurer le réveil de son maître, lui rappeler de prendre ses cachets, ou encore lui relever sa tension, et même appeler une personne de confiance si les données médicales sont anormales (prix 1.500 € en 2013).

Nao, robot français conçu par la société Aldebaran, a rencontré un succès de curiosité auprès des chercheurs. Trop petit et coûtant 12.000 € il ne réalise encore aucune aide concrète, pas même ouvrir une porte ou apporter un verre d’eau.

Son grand frère Roméo mesurera 1,43m et devra non seulement savoir monter un escalier, ouvrir une porte, prendre un verre, mais aussi retirer un plat du four sans gants !

Le cahier des charges définissant la mission d’un robot de service est établi : « Un robot de service est un robot en, interaction avec l’humain et/ou l’envi-ronnement. Il s’agit d’un système complexe évoluant avec d’autres systèmes complexes et dynamiques. En plus de l’action principale pour laquelle il est conçu, le robot de service est également doté de caractéristiques supplémen-taires lui permettant d’élargir son champ d’action. Ces caractéristiques sont par exemple :

• la capacité de décision, d’adaptation : le robot perçoit des change-ments et modifie en conséquence son action ;

• la capacité de déplacement voire de repérage : le robot se déplace suivant une trajectoire définie ou qu’il calcule lui-même à partir d’élé-ments de repérage, le robot sait se situer et aller jusqu’à un point parti-culier ;

• la capacité d’autonomie : le robot réalise seul sa tâche, dans le respect de certaines règles ;

• l’inoffensivité (dans tous les cas) : le robot ne doit être dangereux ni pour l’homme ni pour l’environnement. »

(Midi-Pyrénnées Innovation, 2012)Si, comme évoqué ci-dessus, la sortie des SSR d’un certain nombre de

patients notamment âgés devenait une réalité, le service robotisé à domicile offrirait une qualité de service et une sécurité accrue, car disponible en perma-nence. La même prestation peut intéresser l’hôpital, de même que le médico-social. Tout dépend de la qualité de la prestation délivrée et de son coût. Les sciences humaines ont démontré à de multiples reprises que le contact avec une personnes n’était pas systématiquement plus favorable que celui avec un dispositif substitutif.

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L’extension des compétence des robots concerna également les domaines de la rééductaion ; d’abord l’ensemble des processus répétitifs dans le domaine moteur, phonatoire, de la stimulation des fonctions cognitive, etc. Puis des fonctions plus évoluées pourront être automatisées ; par exemple certains bilans . S’appuyant sur un protocole standardisé et servi par l’intelligence arti-ficielle, les bilans psychologiques, neurologiques, moteurs ou cognitifs seront réalisables sans intervention humaine.

Une autre application de la robotique concerne les exosquelettes et l’aide susceptible d’être apportée à la rééducation (kiné).

Tout cela pourrait avoir un impact significatif sur les missions et la struc-ture du personnel de rééducation, aussi bien en centre qu’en libéral ou à domi-cile. Pour l’heure ces techniques restent à mettre au point.

Mise en perspective

Le schéma ci-après propose une vue d’ensemble des risques prospectifs. Tout cela est possible, mais pas certain. L’ampleur reste également difficile à apprécier.

Le changement peut également venir de facteurs positifs pour la popu-lation. Rappelons l’impact dévastateur des antibiotiques sur les structures dédiées à la tuberculose : sanatoriums, dispensaires… Des médicaments sont désormais disponibles pour traiter le «  craving  » des alcooliques ; ils vont probablement être perfectionnés. Quel est l’avenir de la vingtaine de struc-tures spécialisées en addictologie si ces médications gagnent en efficacité ? Il pourrait en être de même pour les pathologies neurologiques évolutives : maladie de Parkinson, ou sclérose en plaques. En cardiologie, l’évolution des traitements de l’infarctus (glissement du chirurgical vers le médical) n’impose désormais plus nécessairement l’hospitalisation pour convalescence et réédu-cation, parfois dans d’anciens sanatoriums reconvertis.

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Les changements ne viennent pas toujours comme attendus. Il y a quelques années, le réajustement de la politique de sécurité routière a fortement dimi-nué le nombre d’accidents graves. Qui peut regretter cet effet bénéfique pour la population ? Ce faisant a été porté un coup à la filière des blessés médullaires. Dans certaines régions les files actives se sont réduites au point de compromettre la pérennité d’équipes spécialisées.

Évolution de la demande ?

Le maintien de la demande n’est pas non plus acquis. Alors qu’à une époque, les usagers ne rechignaient pas à s’éloigner pour

bénéficier des meilleurs soins dans un environnement ensoleillé, à la montagne ou bordure de mer, aujourd’hui l’on recherche la proximité. Y compris en SSR dont quelques-uns ont dû se relocaliser. Et demain ?

Les variations du reste à charge favorisent aujourd’hui l’orientation en SSR. Parfois les familles souhaitent profiter le plus longtemps possible de la gratuité des SSR et retardent la sortie de leur parent en EHPAD. Les soins de ville également sont moins bien pris en charge. L’usager a intérêt à choisir les soins en milieu hospitalier. Tout cela peut évoluer. Et la demande s’infléchir. Rien ne permet d’affirmer que les patients ne préféreront pas un jour rester à domicile si les soins apportés sont suffisants et d’un coût accessible. La montée de niveau des prestations à domicile associée à un meilleur remboursement

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(ou un plus fort reste à charge en cas d’hospitalisation) pourrait déplacer la demande et se répercuter défavorablement sur les SSR.

Les risques selon les filières

Filière Perte Consolidation

Locomoteur orthopédie vers soins de ville AmputésPolytraumatisés

Neurologie Patients légersTransfert en HJ

Les états végétatifs ?

Patients lourds : TC, blessés médullaires, AvC jeunes ou avec potentiel de récupéra-tion…

Cardiologie Baisse de volume (moins d’opérés) ; insuffisance cardiaque absorbée par géria-trie, sauf rééducation ambu-latoire

Transplantés cardiaques …

Pneumologie Manque de pneumologues + absorption par la gériatrie

?

Nutrition obésité ?

Cancérologie orientation vers la ville onco-hématologie

Addicto ? ?

Gériatrie orientation vers gérontolo-gie

?

Autres Grands brûlés

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Trois scénarios pour le futur des SSR

Scénario 1 : les SSR se musclent à l’intérieur d’une enveloppe stable• Sortie des patients légers• Réduction modérée du nombre de lits• Progression du secteur SSR gériatrique • Progression des alternatives• Montée de niveau du PT

Scénario 2 : réduction – mutation• Forte suppression du nombre de lits • Sortie des patients légers, des personnes âgées, • Fort développement du plateau technique et des équipes mobiles• Persistance des ex-CRF avec format réduit et important HJ• Hôtels ?

Scénario 3 : fin des SSR• Disparition de la notion de moyen séjour dans le cadre d’une refonte

complète des catégories de l’hospitalisation avec survie d’une partie des ex-SSR spécialisés sous une forme particulière ;

• Une typologie pourra comprendre une partie de l’activité MCo technique et aïgue (par. ex. cardiologie de pointe, chirurgie trauma-tologique, obstétrique, …) à côté d’un nouveau secteur : gériatrie, maladies chroniques (y compris cardiologie), handicap…

• Avec une dérivation forte vers l’extérieur : Equipe mobile, coordi-nation des parcours de soins,…

Les SSR survivront-ils ?

La question ultime reste à aborder : y aura-t-il encore des SSR dans un avenir lointain ?

Aucune étude n’a pronostiqué un tel cataclysme. Après l’évocation de toutes les éventualités (risques, menaces), l’interrogation est nécessaire. Si tous les risques se concrétisent et s’additionnent, l’activité d’hospitalisation SSR rési-duelle sera limitée en volume et concernera des pathologies complexes mobi-lisant un plateau technique important. Mais les files actives seront réduites. Et c’est ici qu’intervient un risque institutionnel jusqu’ici contourné : l’efface-ment de la frontière entre MCo et SSR.

Les centres hospitaliers auront eux-mêmes réalisé leur mutation. Face à la montée des personnes âgées et des maladies chroniques, il est indispen-sable que les hôpitaux se restructurent et abandonnent leur segmentation

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traditionnelle en spécialités. Sans doute subsisteront de petits services de spécialités adossés à un important plateau technique (des équipements, des compétences) par exemple la neurologie ou la cardiologie. Mais l’essentiel sera occupé par la nouvelle médecine transversale : la gériatrie, les maladies chro-niques…avec intervention des spécialistes en tant que de besoin. Autrement dit, la personne âgée souvent polypathologique ne sera plus hospitalisée en cardiologie ou neurologie, mais le cardiologue ou le neurologue viendra épau-ler le gériatre par un avis spécialisé. Avec une telle évolution, l’hôpital perdra des lits et sera tenté de récupérer des activités jusqu’alors séparées, parfois dans des immeubles différents. Garder les malades.

Les SSR cardiologiques, des précurseurs ?Constatant que la réglementation spécifique pouvait être interprétée de

façon très restrictive en matière de présence d’un cardiologue et de sécu-rité en cas d’urgence, certains opérateurs ont déjà choisi d’abandonner l’implantation sur un site autonome, y compris pour l’activité de jour, et de la relocaliser au sein même d’un centre hospitalier doté d’un service de cardiologie aiguë.

Si l’on peut comprendre cette formule de prudence à court terme, l’on craindra en contrepartie la possibilité de transformer cette proximité géographique et fonctionnelle entre l’amont et l’aval, en incorporation pure et simple. « Le gros mange le petit ». Le processus décrit précédem-ment pourra alors débuter.

La vraie évolution n’est pas de rapatrier le SSR résiduel dans les locaux de l’hôpital. C’est d’en tirer la conséquence. La prise en charge d’une personne handicapée après un traumatisme crânien ou un AvC n’est pas fondamen-talement différente des autres disciplines transversales. Au final le service de rééducation n’est plus qu’une variante particulière des activités de médecine (maladies chronique, gériatrie, soins palliatifs, rééducation, réadaptation…) et l’on retrouve dans toutes ces branches les mêmes missions de soins médi-caux, d’éducation thérapeutique, d’accompagnement en vue d’une meilleure autonomie. Dans cette configuration ultime, le système de santé aura profon-dément changé. Les patients légers seront pris en charge au domicile ou dans des structures intermédiaires. Les patients les plus lourds aussi. Car sans pers-pective de récupération. La mission de l’hôpital sera de délivrer des soins dont le service rendu est éprouvé. La dimension d’hébergement se sera estompée jusqu’à disparaître.

Insistons sur la proximité des branches de la « médecine transversale  ». Tout d’abord elles se rejoignent sur l’abandon de l’idéal de guérison, qu’elles remplacent par un autre idéal, celui de l’autonomie. Il faut que le patient apprenne à « vivre avec » sa maladie chronique, son âge ou son handicap. Ceci

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suppose un accompagnement psychologique d’acceptation. Ceci suppose ensuite la notion d’individualisation de la prise en charge à partir d’un bilan. Et ainsi vient au premier plan le projet du patient : veut-il vivre en institution ou à domicile ? Quels sont ses habitudes, ses loisirs, éventuellement même son travail ? vit-il seul à son domicile ou avec des aidants ? En conséquence de cette approche écologique, c’est avec le patient que doit être défini l’objectif de la prise en charge. Les soins seront ajustés en conséquence. Ces branches se rejoignent donc, pour se situer dans une autre temporalité que la médecine aiguë (de crise). Elles confèrent au patient un rôle actif dans le soin, la maîtrise de sa vie, de sa destinée. Même si au départ le patient s’en remet à ceux qui délivrent des soins, l’éducation thérapeutique, par exemple, aura pour voca-tion de le sensibiliser au rôle qu’il aura à jouer dans la préservation de ses capacités et son autonomie.

La «  médecine transversale  » a la vocation de fédérer ces segments au départ disparates, les maladies chronique, la gériatrie, l’handicap…, parce qu’ils reposent sur une philosophie voisine, assez proche de ce qui a été décrit précédemment sous l’intitulé d’interdisciplinarité (chapitre 5). Et c’est pour-quoi elle pourrait récupérer en son sein, donc dans l’hôpital, l’ensemble des branches que l’histoire a isolé, par une structuration en tuyaux d’orgue.

Conclusion : une ère nouvelle

Faut-il considérer que le futur des SSR est sombre ? C’est une affaire de point de vue. La crise économique, elle-même, est

assurément sombre par ses conséquences sur la vie quotidienne : pouvoir d’achat, chômage, menace sur la protection sociale, l’État-providence.

Pour ce qui concerne les SSR, leur place a déjà fortement évolué depuis les années 90. L’ensemble du système hospitalier n’a pas été en reste. Regrette-t-on aujourd’hui les petites maternité sans pédiatres, ni anesthésistes ? Les anciens sanatoriums éloignés des bassins de vie ? Le système hospitalier est voué à se transformer sans cesse pour s’adapter aux nouveaux besoins, aux contraintes économiques, aux attentes des usagers et des professionnels, ainsi qu’aux progrès de la médecine. L’accessibilité économique est un critère aussi valable que la proximité, elle se mesure en termes d’accessibilité individuelle (reste à charge) ou collective (coût supportable).

Une nouvelle ère se précise. Elle sera moins hospitalière. Les SSR bénéfi-cient d’un indéniable know-how. Ce savoir-faire est le cœur de leur mission. Il est contenu dans la reformulation intervenue en 2008 et désormais inscrit dans le Code de la Santé publique : « prévenir ou réduire les conséquences fonc-tionnelles, physiques, cognitives, psychologiques ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des patients et de promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion » ; et se décline dans la liste des missions que l’on sait : les

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soins (médicaux, de rééducation, de réadaptation), ainsi que la prévention, l’éducation thérapeutique, la réinsertion… sans oublier l’enseignement et la recherche.

Que ce soit dans les murs ou hors les murs, ne change rien à cette mission. Cela ne modifie que les conditions pratiques d’exercice. Cela remet en cause des habitudes et des organisations. Mais rien quant au fond. Si l’évolution se réalise telle que décrite ici, la page de la convalescence, voire du moyen séjour, sera réellement tournée. Les SSR seront devenus une activité technique à part entière, un maillon qui vaudra par les compétences déployées et la valeur ajou-tée à la prise en soins des patients. N’est-ce pas l’essentiel ?

Redisons-le clairement : la survie des SSR dépend de facteurs exogènes. Ils sont politiques et économiques. Les SSR sont un maillon hospitalier qui est modeste, bien réparti sur le territoire national et peu coûteux. La prospective permet d’identifier des risques que les politiques accepteront ou non. Il est également un secteur fragile. La simple modification du reste à charge pour-rait entraîner un effet domino et déstabiliser l’ensemble des SSR.

La survie dépend ensuite de facteurs endogènes. C’est-à-dire des SSR eux-mêmes. La chance leur est offerte de réfléchir à leur rôle, expliciter le service médical rendu… à la condition de ne pas revendiquer un droit de tirage économique déraisonnable (les coûts fixes en orthopédie, par exemple). Les SSR sont invités à saisir leur chance, sortir des murs, élargir leur palette de compétences. Il leur appartient d’évoluer pour survivre.

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Sommaire

Brève histoire du secteur (1956-2008)1956 et après 11Évolution médicale 21Le moyen séjour à la fin du XXème siècle 35Un nouveau cadre 49Un renouveau réglementaire 71L’interdisciplinarité, philosophie de la réadaptation 85

Panorama après les réformes de 2008La réforme réglementaire 103Réforme du PMSI et modulation IvA 111Le financement des SSR 123vers une T2A ? 137

Et demain ?Prospective 161

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