Les Secrets de l'Immortel Nicolas Flamel - Michael Scott

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Les Secrets de l'Immortel Nicolas FlamelAlchimie

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  • NICOLAS FLAMELLIVRE VI

    Traduit de langlais par Frdrique Fraisse

    Pocket Jeunesse

  • LENCHANTERESSE

  • PROLOGUE

    Je suis une lgende. une poque, je prtendais que la mort ne me rclamerait

    jamais, que la maladie ne me frapperait pas.Ce nest plus le cas.Dsormais, je connais la date de ma mort ainsi que de celle

    de mon pouse : aujourdhui.Je suis n en lan de grce 1330, il y a plus de six cent

    soixante-dix ans. Tenace, oui. Immortel, aussi. Mais pasinvulnrable. Pernelle et moi avons toujours su que ce jourviendrait.

    Jai eu une vie bien remplie, longue, sans trop de regrets.Jai t tour tour mdecin et cuisinier, libraire et soldat,professeur de langues et de chimie, homme de loi et voleur.

    Jai surtout t lAlchimiste.Dous dimmortalit moins que ce ft une maldiction

    , Pernelle et moi avons combattu les malfiques Tnbreuxet les avons tenus en chec pendant que nous recherchionsles jumeaux de la lgende, lOr et lArgent, le Soleil et la Lune.Nous avons toujours pens quils nous aideraient dfendrela plante.

    Nous nous tions tromps.Maintenant que la fin arrive, les jumeaux ont disparu. Ils

    se sont rendus dans le pass, sur lle de Danu Talis, il y a dixmille ans, l o tout a commenc.

    Aujourdhui, le monde est proche de sa fin.Aujourdhui, Pernelle et moi mourrons, de la main dun

    An, de la griffe dun monstre, ou des ravages de lavieillesse. Au prix dun terrible sacrifice, ma chre pouse a

  • allong ma vie dun jour.Maigre consolation : nous mourrons ensemble.Mais nous ne sommes pas encore six pieds sous terre.

    Nous ne partirons pas sans nous battre. Pernelle estlEnsorceleuse et je suis limmortel Nicolas Flamel,lAlchimiste.

    Extrait du journal de Nicolas Flamel, Alchimiste

    Rdig en ce jeudi 7 juin San Francisco, ma villedadoption

  • CHAPITRE PREMIER

    Jeudi 7 Juin Le petit miroir en cristal tait ancien.Il prcdait lhumanit, les Ans, les Archontes et mme

    les Anciens avant eux. Cet objet des Seigneurs de la Terreavait t rejet par les vagues quand lle de Danu Talis futarrache de son fond marin originel.

    Pendant des millnaires, le miroir avait orn un mur dunepetite salle du Palais du Soleil sur Danu Talis. Les GrandsAns, puis les Ans aprs eux, staient interrogs sur cerectangle de cristal enserr dans un simple cadre noir quintait ni en bois, ni en mtal, ni en pierre. Bien que ce miroiret lapparence dun vrai, sa surface ne rflchissait pas lesvisages, elle ne montrait que des ombres ; et ceux quivoulaient sadmirer dedans prtendaient avoir entraperuleur crne sous la chair, limpression des os sous la peau. Ende rares occasions, quelques-uns auraient mme vu despaysages lointains, des calottes glaciaires, des tenduesdsertiques, des jungles verdoyantes.

    certaines poques de lanne, lors des quinoxesdautomne et de printemps, des clipses de soleil et de lune,le verre frmissait et prsentait des territoires et des resdpassant limagination, des mondes exotiques faits de mtalet de chitine, des pays sans toiles dans le ciel o gisait unsoleil noir. Des gnrations drudits avaient consacr leurvie entire linterprtation de ces scnes. Mme lelgendaire Abraham le Juif navait pu dchiffrer sesmystres.

  • Et puis un jour, alors quil redressait le verre, lAnQuetzalcatl stait rafl la main contre le cadre. Une gouttede sang tait tombe sur le cristal et soudain, la surfacestait claircie. Tandis que le filet de sang crpitait sur lesondulations, Quetzalcatl avait vu des merveilles :

    lle de Danu Talis au cur dun vaste empire stendantsans interruption sur le globe entier

    Danu Talis en flammes, secoue par des sismes, seslarges rues et ses immenses btiments engloutis par la mer

    Danu Talis peine visible sous une couche de glace,dnormes narvals nageant au-dessus de ses ruines

    Danu Talis slevant, pure et dore, au cur dun dsertsans fin

    Ce jour-l, lAn vola le miroir pour ne jamais lerestituer.

    Dsormais mince et la barbe de neige, Quetzalcatl tendit

    une nappe en velours bleu sur une banale table en bois. Illissa le tissu de sa main aux ongles noirs, ta des grains depoussire. Puis il installa le rectangle de cristal au cadre noirau centre de la table avant de le nettoyer en douceur avec unpan de sa chemise en lin blanc. La surface polie ne refltaitpas son nez recourb mais affichait une brume grise.

    Quetzalcatl se pencha sur le miroir, prit une pingle sur lamanche de sa chemise et lenfona dans la chair tendre deson pouce.

    Par la piqre de ce pouce marmonna-t-il danslancienne langue des Toltques.

    Une perle rubis se forma lentement sur sa peau lisse. quune chose malfique par ici vienne.Il tendit la main au-dessus du cristal. Ds que la goutte

    lclaboussa, sa surface tremblota et miroita. Un arc-en-ciel

  • de couleurs huileuses se dploya, une fume rouge schappadu verre, les couleurs se transformrent en images.

    Une exprience acquise durant plusieurs millnaires et devastes quantits de sang (trs peu du sien) avaient appris lAn comment contrler les images du cristal. Il lui avaitapport tellement de sang quil se demandait parfois si lemiroir ntait pas dou de sensations et de vie.

    Emmne-moi San Francisco.Le miroir sembua, fut balay par une lumire blanche et

    grise, et soudain, Quetzalcatl flotta au-dessus de la ville puisde la baie.

    Pourquoi la cit ne brle-t-elle pas ? scria-t-il.Pourquoi ny a-t-il pas de monstres dans les rues ?

    Il avait donn aux immortels humani Machiavel et Billythe Kid lautorisation de retourner San Francisco afin delibrer les cratures piges sur lle dAlcatraz. Avaient-ilschou ou bien tait-il trop en avance ?

    Limage du cristal se dplaa sur ltroit bout de terre.Quetzalcatl repra du mouvement dans leau. Unesilhouette traversait la baie et se dirigeait droit sur la ville.

    LAn se frotta les mains. Il arrivait pile au moment o unchaos effroyable allait sabattre sur San Francisco. Celafaisait longtemps quil navait pas assist la destructiondune ville et il adorait ce genre de spectacle.

    Tout coup, limage en couleurs se ternit. Quetzalcatl dutse piquer le doigt maintes reprises, verser goutte de sangaprs goutte de sang sur le cristal pour le nourrir avant que lemiroir sanime nouveau. La ville se reforma sous ses yeuxen trois dimensions. LAn se concentra afin que limage leconduise au ras des flots agits. Une grosse crature ondulaitsous les vagues blanches : un serpent de mer. Il plissa lesyeux. Il ne distingua quun seul dtail. Le reptile semblait

  • avoir plus dune tte. Jolie touche, approuva-t-il. Ntait-ilpas logique dexpdier les cratures de la mer en premier ?Son sourire dvoila des dents carnassires tandis quilimaginait le monstre chassant dans les rues.

    Sous le regard intress de Quetzalcatl, le serpent de merfona travers la baie en direction dun des quais quisavanaient dans leau. Le monstre avait choisilEmbarcadero comme hors-duvre. Excellente ide :lartre regorgerait de touristes.

    De la lumire bougeait fleur deau, comme une flaquedessence bleu et rouge Le serpent se dirigeait droitdessus !

    Sans sen rendre compte, Quetzalcatl approcha la tte dumiroir. Son nez recourb touchait presque sa surface.Lodeur de la mer lui chatouilla les narines, mlange saldalgues, de poisson pourri et de Il ferma les yeux, inspiralonguement. Une ville sentait le mtal, les embouteillages,les plats brls, la transpiration absolument pas laigreurde la menthe, la douceur de lanis, les notes florales du thvert.

    Il comprit au moment o la crature monstrueuse appeleLotan surgit hors de leau et que ses sept ttes foncrent versla tache bleu et rouge. Quetzalcatl en connaissait lespropritaires : rouge pour Promthe, bleu pour limmortelhumani, Niten. Quant lodeur curante de menthe, elle nepouvait appartenir qu un seul homme : lAlchimiste,Nicolas Flamel.

    Au mme moment, Quetzalcatl les aperut au bout delembarcadre. Forcment, la femme les accompagnait. Il nela connaissait que trop bien. Sa langue se glissa aussitt danslespace laiss par une de ses molaires. PernellelEnsorceleuse ne lavait pas rat cette fois-l. Ce ntait pas

  • bon signe. Non, la runion de ce rengat dAn et de troisdes humani les plus dangereux et mortels de ce royaume desOmbres ntait pas bon signe du tout.

    Quetzalcatl serra si fort les poings que ses ongles acrscomme des rasoirs senfoncrent dans la paume de sesmains. Le sang coula sur le miroir qui continua de diffuserlimage. Sans ciller, il observa

    le Lotan fondit sur les auras pour sen repatre se dressa au-dessus de leau, en quilibre sur sa queue,

    ses sept ttes avides, ses sept bouches ouvertes lclair vert et lodeur crasante de menthe. Non ! ! ! scria lAn quand le Lotan prit la forme dun

    petit uf vein de bleu.Luf tomba dans la main tendue de Flamel qui le brandit

    dun air triomphant. Une mouette qui passait par l senempara et le goba.

    Non ! Noooooooonnnn !Quetzalcatl ne parvenait pas retenir sa colre. Ses traits

    sombres et dforms navaient jamais autant ressembl limage reptilienne qui avait terrifi les Mayas et lesAztques. Ses dents irrgulires sortaient de sa bouche, sesyeux se plissaient et ses cheveux noirs se dressaient commedes pics autour de son visage. Il frappa du poing sur la table ;le bois craqua et seuls ses rflexes ultrarapides empchrentle miroir de tomber et de se briser en mille morceaux sur lesol.

    Sa rage disparut aussi vite quelle tait apparue.Quetzalcatl prit une profonde inspiration, puis se passa la

    main dans les cheveux pour les aplatir. Il aurait suffi queBilly et Machiavel lchent trois ou quatre autres monstressur la ville. Deux au minimum. Voire un gros avec descailles et des dents effiles. Eh bien non, ils avaient trouv

  • le moyen dchouer. Ils le paieraient cher sils survivaient !Il dcida dvacuer lui-mme les animaux de lle mais

    auparavant, il fallait distraire les Flamel et leurs acolytes. lvidence, lheure tait venue pour Quetzalcatl de

    prendre les choses en main. Un sourire rvla soudain sesdents tranchantes. Il avait recueilli quelques bestioles dansson royaume des Ombres les humani les appelleraient desmonstres. Et sil les laissait jouer ici ? Non. LAlchimiste sedbarrasserait deux comme du Lotan. Il lui fallait quelquechose de plus gros, de plus impressionnant que quelquescratures galeuses.

    Quetzalcatl prit son portable sur la table de la cuisine etcomposa de mmoire un numro Los Angeles. laquinzime sonnerie, une voix grinante lui rpondit.

    Tu as toujours ce sac de dents que je tai vendu il y aplusieurs millnaires de cela ? Jaimerais te le racheterPourquoi ? Je veux donner une leon aux Flamel et surtoutles occuper pendant que jescorte nos cratures hors de lleCombien en veux-tu ? Rien ? Humm Oui, bien entendu, tupourras assister au spectacle Retrouve-moi Vista PointJe massure quaucun humani ne trane l-bas.

    Et il raccrocha. Quune chose malfique par ici vienne marmonna-t-il.

    Elle arrive, Alchimiste ! Elle arrive !

  • CHAPITRE DEUX

    Sophie Newman ouvrit les yeux. Elle tait allonge platventre sur une herbe soyeuse, trop verte pour tre naturelle.Sa joue crasait des fleurs qui ne poussaient pas sur Terre,minuscules crations en ambre et verre fil.

    Elle roula sur le dos et regarda en lair Aussitt, elleferma les yeux. Quelques secondes auparavant, elle setrouvait sur lle dAlcatraz, dans la baie de San Francisco.Lair marin sentait le pouvoir brut et le zoo, typique quandtrop de btes sont runies au mme endroit. L, lair propreet vivifiant regorgeait de parfums exotiques. Chaud sur sonvisage, le soleil imprimait des images rsiduelles sur sartine. Elle rouvrit les yeux ; une silhouette passa devant lesoleil un ovale de cristal et de mtal.

    Elle lcha un oh ! de surprise et donna un coup de coude son jumeau.

    Rveille-toi !Josh tait couch sur le dos. Il ouvrit un il, grogna quand

    le soleil laveugla puis ralisant ce quil venait de voir, il serveilla pour de bon et se redressa.

    Cest une soucoupe volante, complta Sophie.Ils perurent du mouvement derrire eux et firent volte-

    face : ils ntaient pas seuls sur la colline verdoyante. quatre pattes, Dr John Dee fixait le ciel pendant que VirginiaDare tait assise en tailleur ct de lui, ses cheveux noirs dejais ondulant dans la brise.

    Un vimana ! sexclama Dee. Jamais je naurais cru envoir un de mon vivant.

  • Il se tapit sur lherbe, sidr par lobjet qui sapprochait toute vitesse.

    Nous sommes dans un royaume des Ombres ? senquitJosh en regardant Dee et Dare tour tour.

    Non, rpondit celle-ci. Ce nest pas un royaume desOmbres.

    Josh mit la main en visire au-dessus de ses yeux,hypnotis par le vaisseau en cristal laiteux entour par unepaisse ceinture dore. Lorsquelle se posa, la soucoupeemplit lair dun bourdonnement subsonique qui setransforma en un grondement sourd tandis quelle flottait auras de lherbe.

    Sophie se leva et se posta ct de son frre. Il est magnifique, murmura-t-elle. On dirait un bijou.En effet, le cristal opalin ne prsentait aucun dfaut et le

    ruban en or comportait de minuscules inscriptionscuniformes.

    O sommes-nous, Josh ? Pas o, mais quand ? murmura-t-il. Les vimanas

    appartiennent aux plus anciens mythes.Sans un bruit, la moiti suprieure de lovale souvrit et le

    ct du vaisseau se rtracta, rvlant un intrieur dun blancblouissant.

    Un homme et une femme apparurent dans louverture.Grands et minces, la peau trs bronze, tous deux portaient

    une armure blanche en cramique orne de motifs, depictogrammes et de hiroglyphes en une vingtaine delangues. Les cheveux noirs de la femme taient coups trscourt ; lhomme, quant lui, avait le crne ras. Leurs yeuxbleus tincelaient et leurs sourires dvoilaient des dentspetites et parfaitement blanches ; les incisives, par contre,paraissaient dune longueur et dun tranchant peu naturels.

  • Main dans la main, ils descendirent du vimana ettraversrent la prairie. Les fleurs en verre et ambre seliqufirent sous leurs pieds.

    Malgr eux, Josh et Sophie reculrent. Aveugls par lesoleil couchant et larmure flamboyante du couple, ils nedistinguaient pas leurs traits. Pourtant, il y avait quelquechose de terriblement familier chez eux

    Soudain, Dee retint son souffle et rassembla bras et jambescontre lui dans lespoir de se faire le plus petit possible.

    Matres pardonnez-moiLe couple lignora. Ils passrent leur chemin sans quitter

    les jumeaux des yeux. Finalement, leurs ttes masqurent lesoleil et leurs traits furent rvls dans un halo de lumire.

    Sophie ! sexclama lhomme dont les yeux bleusptillaient de joie.

    Josh ! ajouta la femme souriante, nous vous attendions. Maman ? Papa ? scrirent les jumeaux en chur.Ils firent un autre pas en arrire, la fois troubls et

    effrays.Le couple sinclina avec crmonie. Ici, on nous appelle Isis et Osiris. Bienvenue sur Danu

    Talis, les enfants.Ils leur tendirent la main. Bienvenue la maison, ajoutrent-ils.Les jumeaux, abasourdis, se dvisagrent. Sophie serra le

    bras de son frre. Aprs une semaine de rvlationsextraordinaires, celle-ci dcrochait la palme. Elle essaya deformer des mots, de poser des questions, mais elle avait labouche sche, la langue enfle.

    Josh regardait son pre et sa mre tour tour en essayantde comprendre ce qui se droulait sous ses yeux. Le coupleressemblait en tout point leurs parents, Richard et Sara

  • Newman sauf que ceux-ci se trouvaient dans lUtah. Il avaitdiscut avec leur pre au tlphone quelques jours plus tt.Ils avaient parl dun dinosaure cornes du Crtac.

    Ce nest pas facile assimiler, je sais, sexcusa RichardNewman Osiris.

    Mais faites-nous confiance, continua Sara Isis sur unton rassurant. Tout finira par sexpliquer. Le destin vous aconduits jusquici. Votre jour est venu. Vous navez pasoubli notre devise prfre ?

    Carpe diem, rpondirent les enfants par automatisme.Mets profit le jour prsent.

    Quest-ce que commena Josh.Isis leva la main. En temps voulu. Et ce moment viendra bientt. Ce sera

    le meilleur dentre tous. Vous avez remont de dix mille ansdans votre pass.

    Sophie et Josh se regardrent. Aprs toutes ces preuves,ils auraient d se rjouir dtre runis avec leurs parents etpourtant, quelque chose ne tournait pas rond. Alors quunecentaine de questions leur brlaient les lvres, les deuxpersonnes en face deux navaient rpondu aucune dentreelles.

    Le Dr John Dee se redressa tant bien que mal et frotta seshabits avec un soin extrme avant de passer devant lesjumeaux et de sincliner bien bas devant le couple en armureblanche.

    Matres, je suis honor je suis profondment honorde me trouver nouveau en votre prsence.

    Il les dvisagea lun aprs lautre. Vous ne manquerez pas davoir remarqu que jai

    contribu la prsence des jumeaux de la lgende en ceslieux aujourdhui.

  • Osiris toisa Dee, lui dcocha le mme sourire fantomatiquequil avait adress aux jumeaux.

    Ah ! Le trs fiable Dr Dee ! John lopportunisteIl tendit la main droite, la paume vers le bas. Le Magicien

    se hta de la prendre dans les siennes et de dposer un baisersur ses doigts.

    John le dupe.Dee leva vite les yeux et tenta de retirer sa main, mais

    Osiris la serrait. Jai toujours commena le Magicien, inquiet. Tu as toujours t un idiot ! le coupa Isis.Une ombre passa sur le visage dOsiris qui rvla ses dents

    blanches et aiguises. La cruaut incarne, lhomme au crneras prit soudain la tte de Dee entre ses mains, posa lespouces sur ses pommettes et le tira vers le haut jusqu ceque ses pieds dcollent.

    quoi peut donc nous servir un idiot ? Un outildfectueux !

    Les yeux bleus dOsiris se retrouvrent la hauteur deceux du Magicien.

    Te souviens-tu du jour o je tai offert limmortalit,Dee ? murmura-t-il.

    Les yeux carquills par la terreur, celui-ci se dbattit. Non. Quand je tai dit que je pouvais te rendre nouveau

    mortel ? Athanasia-aisanahta.Et il rejeta le Magicien en arrire.Dee vola sur quelques mtres. linstant o il toucha le

    sol, aux pieds de Virginia Dare, il tait un vieillard, un tas dehaillons rabougri et dessch, le visage rid comme unepomme, les yeux laiteux cause de la cataracte, les lvresbleues, les dents se dchaussant. Des touffes de ses cheveux

  • gris couvraient lherbe soyeuse autour de lui.Horrifis, Josh et Sophie reconnurent peine la crature

    devant eux. Dbordant de vie une minute plus tt, Dee tait prsent vieux comme Mathusalem et en mme temps tout fait conscient. Sophie se tourna vers lhomme quiressemblait son pre et prit conscience quelle ne leconnaissait pas du tout. Richard Newman naurait jamais agiavec une telle cruaut.

    Juge-moi quand tu seras en possession de toutes lescartes, lui lana Osiris quand il surprit son regard outr.

    Sophie, apprends que la piti est parfois une faiblesse,ajouta Isis.

    La jeune fille secoua la tte en signe de dsaccord. Bien quela voix ft celle de Sara Newman, jamais ce genre derflexion naurait franchi ses lvres. Sa mre tait lagentillesse et la gnrosit incarnes.

    Le Dr Dee ne mrite aucune piti. Il a tu des milliers depersonnes dans sa qute du Codex ; il a sacrifi des nationsentires son ambition. Cet homme vous aurait assassinstous les deux sans tat dme. Souviens-toi, Sophie, que lesmonstres nont pas tous une apparence bestiale. Ne gaspillepas ta piti pour John Dee et ses semblables.

    Pendant ce discours, Sophie percevait par bribes dessouvenirs de la Sorcire dEndor Celle-ci mprisait aussibien Isis quOsiris.

    Au prix dun effort surhumain, Dee leva la main gauche endirection de ses matres.

    Je vous ai servis pendant des sicles coassa-t-il.Epuis, il retomba sur lherbe. Sa peau ride stait tendue

    sur son front, si bien que lon voyait son crne.Isis lignora et sintressa Virginia Dare qui avait gard

    une immobilit de statue pendant le bref change.

  • Immortelle ! Le monde est sur le point de changer demanire stupfiante. Ceux qui ne sont pas avec nous sontcontre nous. Ceux qui se dresseront contre nous mourront.O vous situez-vous, Virginia Dare ?

    La femme se leva avec grce. Elle fit tournoyer entre sesdoigts sa flte en bois qui laissa une note en suspension dansles airs.

    Le docteur ma promis un monde. Que moffrez-vous ?Isis bougea et le soleil enflamma son armure blanche. Marchanderiez-vous avec nous ? senquit lAine. Vous

    ntes pas en position de ngocier !Dare manipula sa flte. Une complainte doutre-tombe fit

    trembler lair. Autour deux, les fleurs de verre se brisrenten mille morceaux.

    Je ne suis pas Dee, remarqua Virginia sur un ton glacial.Je ne vous respecte pas, je ne vous aime pas et je naicertainement pas peur de vous. Par ailleurs, dois-je vousrappeler le sort du dernier An qui ma menace

    Prenez notre monde, sempressa de suggrer Osiris quiposa la main sur lpaule de sa femme.

    Quel monde ? Nimporte. Nous aurons besoin dun remplaant pour

    Dee.Virginia sapprocha pas dlicats du vieillard sifflant. Pourquoi pas ? Si cest temporaire. Temporaire ? rpta Osiris. Jusqu ce que jaie mon monde moi. Vous laurez. March conclu. Jamais je ne vous reverrai et jamais vous

    ne mimportunerez. Vous avez notre promesse.Isis et Osiris se tournrent vers les jumeaux et tendirent

  • nouveau les mains vers eux. Ni Sophie ni Josh ne bougrentdun pouce.

    Venez ! simpatienta Isis. Nous devons partir. Il y a tant faire.

    Pas de raction. Nous avons besoin de rponses, affirma Josh. Vous ne

    vous attendiez pas ce que nous Nous rpondrons toutes vos questions, promis,

    linterrompit Isis, qui leur tourna le dos.Toute chaleur dans sa voix disparut. Allons-y.Virginia passait devant les jumeaux quand elle sarrta. Si Isis et Osiris sont vos parents qutes-vous ?Elle jeta un coup dil Dee par-dessus son paule, puis se

    rendit au vaisseau de cristal. Josh murmura Sophie. Jignore totalement ce quil nous arrive, petite sur.Une toux sche et rauque attira leur attention. Alors quun

    soleil ardent brillait, Dee, recroquevill sur lui-mme,tremblait violemment. Ils entendaient mme ses dentsclaquer. Sans un mot, Sophie ta sa polaire rouge capucheet la tendit son frre. Il regarda le vtement avant dehocher la tte et de sagenouiller ct du vieil homme. Il lelui noua doucement autour du cou. Le Magicien le remerciadun signe de tte, les yeux mouills par lmotion.

    Je suis dsol, lui murmura Josh.Il connaissait le personnage, savait de quoi il tait capable,

    mais personne ne mritait de mourir ainsi. Josh regardaderrire lui. Isis et Osiris montaient bord du vimana.

    Vous ne pouvez pas le laisser comme a ! leur cria-t-il. Pourquoi ? Tu prfres le tuer, Josh ? ironisa Osiris.

    Cest ton souhait, Dee ? Je peux te supprimer maintenant, si

  • tu veux ! Non, rpondirent Josh et Dee en chur. Ses quatre cent quatre-vingts ans lont rattrap, voil

    tout. Il mourra bientt de mort naturelle. Cest cruel ! sexclama Sophie. tant donn les ennuis quil nous a causs par le pass,

    je me montre assez misricordieux, je dirais.Josh se tourna vers Dee. Ses lvres fltries remurent, les

    mots sortirent entre deux grands haltements : Allez-y.Sa main crochue serra le poignet de Josh. En cas de doute, Josh, suis ton cur. Les mots sont

    trompeurs, les images et les sons se manipulent, mais ceciIl tapota la poitrine de Josh. parle toujours vrai.Quand nouveau il toucha le torse du garon, le papier

    cach sous son T-shirt rouge des 49ers Faithful bruissa. Oh ! Non ! non ! non ! gmit le Magicien, dconfit. Ne

    me dis pas que ce sont les pages manquantes du Codex En effet.Dee clata dun rire qui, trs vite, se transforma en une

    atroce quinte de toux. Pendant tout ce temps, elles taient en ta possession. Depuis le dbut, confirma Josh.Secou par un rire silencieux, Dee ferma les yeux et

    sallongea sur lherbe soyeuse. Quel apprenti tu aurais fait !Josh regardait limmortel lagonie quand Osiris intervint : Josh ! Laisse-le. Nous devons partir sans dlai. Nous

    avons un monde sauver. Quel monde ? senquirent en mme temps les jumeaux. Tous, rpliqurent Isis et Osiris.

  • CHAPITRE TROIS

    Les hurlements transperaient les tympans.Une nue de perroquets verts des conures tte rouge

    rasait lEmbarcadero. Ils frlrent les trois hommes et lafemme debout prs de la rambarde en bois au bord de leau.Les cris stridents rsonnaient en cette fin daprs-midi. Leplus muscl des trois hommes plaqua les mains sur sesoreilles.

    Je dteste les perroquets, grommela Promthe. Ils sontsales, bruyants

    Les pauvres sont contraris par lodeur de nos auras,expliqua Nicolas Flamel.

    Promthe posa une main lourde sur lpaule delAlchimiste.

    Jai failli tre dvor par un monstre marin sept ttes.Je suis un peu contrari, mais ce nest pas pour autant que jehurle.

    Le troisime homme, mince, vtu dun costume noir, lestraits dlicats dun Japonais, regarda le visage aux traitsgrossiers de Promthe.

    Non, mais tu vas ronchonner le restant de la journe. Si nous survivons jusque-l, marmonna Promthe.Un perroquet vola si prs de lui quil bouriffa ses cheveux

    gris. Une claboussure blanche et collante apparut sur lachemise carreaux du colosse.

    Super ! Manquait plus que cela, sexclama-t-il, le visagetordu par le dgot.

    Mais vous allez vous taire, tous les trois ! gronda lafemme.

  • Elle glissa une pice dans la fente sous les jumelles enmtal bleu puis les dirigea vers lle dAlcatraz, pile en facedeux. Elle tourna la molette jusqu ce quelle distingueclairement les btiments.

    Quest-ce que tu vois ? lui demanda Nicolas. Patience, patience.Sa longue natte stait dfaite et ses cheveux noirs et

    argents miroitaient dans son dos. Rien dinhabituel. Aucun mouvement sur terre ou dans

    leau. Aucun oiseau dans le ciel.Elle scarta pour que son poux jette un coup dil. Les

    sourcils froncs, elle rflchit quelques instants. Cest trop calme.Promthe posa ses avant-bras massifs sur la rambarde et

    scruta la baie. Le calme avant la tempte, marmonna Nicolas. Et pourtant, les cellules regorgent de monstres.

    Machiavel, Billy, Dee et Dare sont l-bas. Mars, Odin et Heldoivent tre arrivs, prsent.

    Attendez ! scria soudain Nicolas. Je vois un bateau Qui conduit ? demanda Promthe.Nicolas tourna les jumelles vers la petite embarcation

    mergeant de larrire de lle, des vagues blanches dans sonsillage.

    Niten grimpa sur le bas de la rambarde et se pencha enavant, la main en visire au-dessus de ses yeux marron.

    Je distingue une personne bord. Cest Black Hawk. Ilest seul

    O sont les autres ? sinquita Promthe. Il senfuit ? Ne dshonore pas son nom ! grogna Niten. Ma-ka-tai-

    me-she-kia-kiak est lun des guerriers les plus courageux quejai rencontrs.

  • Les trois immortels et lAn regardrent le bateau quibondissait sur les vagues et prenait la direction de la baie.

    Attendez ! sexclama tout coup lAlchimiste. Il y a quelque chose dans leau ? demanda Niten.Dans les jumelles, une douzaine de ttes dotaries

    surgirent la surface de leau autour du bateau. Nicolasplissa les yeux afin de mieux voir. Mme si sa vue baissait, ilsaperut que les ttes appartenaient en fait des jeunesfemmes aux cheveux verts. Elles taient superbes jusqu cequelles ouvrent des bouches remplies de dents dignes despiranhas.

    Des phoques ? senquit Promthe. Des Nrides, rectifia Nicolas. Il en vient dautres.Bientt, lembarcation se rapprocha assez pour que le

    groupe silencieux sur lembarcadre discerne toutes lescratures qui lentouraient. Lune delles sleva soudain ettenta de grimper bord. Limmortel trapu la peau cuivrevira brutalement de bord ; la coque heurta la femme laqueue de poisson qui plongea dans leau. Black Hawk dessinaautour du groupe un cercle serr au risque de basculer. Leaucumait tandis quelles se regroupaient.

    Il les retient dessein, en conclut Niten. Il les empchedaller sur lle.

    Traduction : Mars et les autres ont des ennuis, remarquaPromthe. Nicolas, nous devons les aider.

    Celui-ci interrogea son pouse du regard.Un sourire dangereux claira le visage de lEnsorceleuse. Attaquons lle. Juste nous quatre ?Pernelle se pencha en avant jusqu ce que son front

    touche celui de son poux. Cest le dernier jour de notre vie, Nicolas. Nous nous

  • sommes montrs discrets, nous avons prfr lombre afindconomiser notre nergie, nos auras. Ce nest plus utile. Ilest temps que nous rappelions ces Tnbreux quautrefoisils nous craignaient.

  • CHAPITRE QUATRE

    Le vimana Rukma trembla, son moteur geignit. Le grandvaisseau volant triangulaire avait t endommag au coursde la bataille devant la tour de cristal dAbraham. Un de sesflancs tait couvert de balafres, les hublots taient briss et laporte ntait plus dans lalignement de la structure. De lairglac entrait en sifflant par les fentes. Les crans et lespanneaux de contrle dun ct taient noirs et de lautre, unsymbole rouge et rond clignotait sur ceux qui fonctionnaientencore.

    Scathach lOmbreuse se tenait derrire Promthe, sononcle. Celui-ci ignorait qui elle tait. Dans ce passagetemporel, elle ntait pas encore ne elle ne natraitquaprs la chute de Danu Talis. LAn bataillait pourmatriser le vaisseau. Les mains jointes derrire elle,Scathach refusait dagripper le dossier de lAn, tout enessayant dsesprment de ne pas vomir.

    Besoin daide ? demanda-t-elle. Tu as dj pilot un vimana Rukma ? grogna Promthe. Un petit, oui. a remonte longtemps, admit Scathach. Quand ? Difficile dire. Il y a dix mille ans, un ou deux sicles

    prs. Alors, tu ne peux pas maider. La technologie a chang tant que cela ?Assis droite de lappareil, prs de Palamde le corpulent

    Chevalier sarrasin, William Shakespeare regardait Scathach.Ses lunettes grossissaient ses yeux bleu vif.

    Tu sais, je suis quelquun de curieux. Certains diront

  • fouineur . Cela a toujours t mon plus gros dfaut etma plus grande force.

    Son sourire dvoila ses mauvaises dents. On apprend tellement en posant des questions. Alors pose la tienne, marmonna Palamde.Shakespeare ignora sa remarque et poursuivit : Lexprience ma appris quon ne devrait pas en poser

    certaines.Il dsigna le symbole circulaire qui rougeoyait sur certains

    crans. Toutefois, jaimerais bien savoir ce que cela signifie.Palamde lcha un rire bref. Je peux te rpondre, moi ! Je ne suis pas expert en

    langues mortes, mais daprs mon exprience, quandquelque chose clignote en rouge, ce nest pas bon signe.

    Quentends-tu par l ? Nous devons abandonner le navire, rpondit Promthe.

    Mais ta place, je ny prterais pas trop attention. Ces vieuxappareils mettent sans arrt des avertissements.

    Le ct gauche plongea, ils entendirent un grand bang ainsiquun bruit draflure sous la coque.

    Jeanne dArc se souleva de son sige pour regarder par lundes hublots casss. Le vimana rasait la cime des arbres,laissant une trane de feuilles et de branches brises dansson sillage. Haussant ses fins sourcils, elle lana un regard encoin son poux.

    Le comte de Saint-Germain eut un geste fataliste. mon avis, dclara-t-il en franais, seules les choses que

    nous pouvons contrler doivent nous inquiter. Commenous ne contrlons pas ce vaisseau, ne nous inquitons pas.

    Trs philosophe, commenta Jeanne. Trs pratique, rectifia Saint-Germain. Que peut-il arriver

  • de pire ? Lappareil scrase et nous mourons, suggra-t-elle. Oui, mais nous mourrons ensemble. Je ne veux pas vivre

    dans ce monde ni dans nimporte quel autre, dailleurs sans toi.

    Jeanne tendit une main quil saisit. Pourquoi ai-je mis autant de temps avant de tpouser ? Tu me prenais pour un fou arrogant, ignorant, vantard et

    dangereux. Qui te la dit ? Toi, rpondit-il. Et javais raison, tu sais. Je sais !Il y eut un deuxime bang et tout le vimana trembla. Des

    feuilles vertes et vernisses pntrrent par la porte malajuste.

    Nous devons nous poser, affirma lOmbreuse. O ? demanda Promthe.Scathach jeta un coup dil par un hublot. Ils survolaient

    toute allure une paisse fort vierge. Dnormes lzards auxailes tannes planaient en spirale dans le ciel, des oiseaux auplumage clatant jaillissaient des arbres dans un feudartifice de couleurs. Des cratures humanodes vaguementsimiesques bien que couvertes de plumes dtalaient sur lacrte. Dans lombre, derrire les feuilles et les branches, degrands yeux fixes scrutaient le vimana.

    Lappareil fit une nouvelle embarde avant de plonger.Laile droite traa un sillon troit dans la canope. La fortentire rsonna de cris et de hurlements de protestationindigne.

    Tte baisse, Scathach regardait de droite et de gauche. Pasla moindre brche visible jusqu lhorizon o les arbres

  • taient avals par de gros nuages moutonneux. Je ne vois nulle part o atterrir, remarqua-t-elle. Je sais, rpliqua Promthe, agac. Ce nest pas la

    premire fois que je passe par ici. On arrive bientt ? Aprs les nuages. Il faut quon tienne le coup quelques

    minutes encore.William Shakespeare se tourna vers eux. Et si on se posait sur les arbres ? Certains ont lair assez

    rsistants pour supporter le poids du vaisseau. On pourraitaussi descendre le long dune corde si on faisait du surplaceassez longtemps.

    Regarde un peu mieux, Barde. Est-ce que tu vois la terreferme ? Ces squoias mesurent plus de cent cinquantemtres. Mme si tu parvenais sur le sol indemne, tu ne feraispas trois pas avant dtre dvor par la premire craturevenue. Et puis, chanceux comme tu es, les araignestauraient dj captur pour pondre dans ton corps.

    Beau programme ! Joubliais, tu seras encore vivant quand les ufs

    cloront. Jamais je nai entendu une chose aussi dgotante !

    marmonna Shakespeare, qui sortit un bout de papier et uncrayon. Il faut que je le note.

    Trois rapaces titanesques dcollrent dimmenses nids lapointe des arbres et longrent le vimana. Aussitt, Scathachsortit ses pes mme si tout combat serait inutile en casdattaque des volatiles.

    On dirait quils ont faim, constata Saint-Germain,pench sur Jeanne pour regarder par le hublot.

    Ils ont toujours faim, rtorqua Promthe. Il en arrivedavantage de lautre ct.

  • Sont-ils dangereux ? demanda Scathach. Ce sont des charognards. Ils attendent que nous nous

    crasions pour se repatre de nos cadavres. Ils attendent ? stonna Scathach.On aurait dit des condors, bien quils fussent trois fois plus

    gros que ceux quelle avait dj rencontrs. Ils savent que tt ou tard, les vimanas se crashent. Cest

    inscrit dans leurs gnes !Soudain, lcran devant Promthe steignit puis, les uns

    aprs les autres, tous cessrent de clignoter. Sauf un. Accrochez-vous ! leur cria Promthe. Attachez vos

    ceintures !Il bascula le manche, le moteur ronfla et le vimana Rukma

    sleva. Toute sa carcasse se mit vibrer et le moindre objetqui ntait pas attach dgringola vers larrire. Au fur et mesure que lappareil prenait de laltitude, les nuages blancsspaissirent. Lhabitacle fut plong dans la pnombre et lesvitres ruisselrent. La temprature chuta et lintrieur futsoudain recouvert de fines gouttelettes deau. Toutes lestrente secondes, le dernier cran en fonctionnementplongeait les occupants dans un halo rouge.

    Scathach se jeta sur un sige qui navait pas t conu pourun corps humain et serra si fort les accoudoirs que le cuircraqua.

    Je pensais que nous descendions ! On va monter le plus haut possible, grommela

    Promthe.Sur son visage, les perles de sueur avaient laspect de

    gouttes de sang et ses cheveux roux taient plaqus sur soncrne.

    Monter ? couina Scathach qui avala sa salive avant dereprendre : Pourquoi ?

  • Cela nous permettra de planer quelque temps aprs quele moteur aura lch.

    Il nous reste combienLa Guerrire fut interrompue par un terrible bang et

    soudain, une odeur infecte de caoutchouc brl envahitlhabitacle. Le lger bourdonnement du moteur cessa.

    Et maintenant ? demanda Scathach.LAn se rassit dans son sige bien trop petit pour lui et

    croisa les bras sur son torse massif. On plane. Et ensuite ? On tombe. Et ensuite ? On scrase. Et ensuite ?Promthe sourit. On verra.

  • CHAPITRE CINQ

    Niten, linterpella Nicolas, toi qui es un stratge horspair, que suggres-tu ?

    Le Japonais ajusta les jumelles et balaya lle en face de labaie. Droite, gauche, droite.

    Tu as lu mon livre ?Sans attendre la rponse, il poursuivit : Il nexiste que trois manires de contrer un ennemi. Tai

    no sen : tu attends quil attaque pour contre-attaquer. Tai taino sen : tu tadaptes lui et vous entrez ensemble dans labataille. Et enfin, il y a

    Ken no sen, complta Promthe. Attaquer le premier.Niten jeta un coup dil lAn par-dessus son paule. Tu as lu mon livre ! Jen suis flatt. Ne le sois pas. Il comporte des erreurs. Et, bien entendu,

    Mars est en total dsaccord avec quasiment tout ce que tu ascrit.

    Normal, rpondit Niten qui retourna aux jumelles. Kenno sen. Je pense que nous devrions attaquer les premiers.Mais avant de nous lancer, nous devons connatre la positionde nos ennemis. Il nous faudrait un espion sur lle.

    Dois-je te rappeler que nous ne sommes que quatre ?linterrogea Promthe.

    Niten se tourna vers le groupe. a, nos adversaires lignorent. Et si nous leur faisions

    croire que nous sommes beaucoup plus nombreux ? Le fantme de Juan Manuel de Alaya est prisonnier de

    lle, dclara Pernelle. tout jamais. Dautres ombres yrdent. Ils mont aide mchapper. Il nous apportera son

  • soutien, cest sr. II ferait nimporte quoi pour protger sonle.

    Les fantmes et les esprits creront certes une diversion,commenta Niten. Toutefois, pour combattre les monstres, ilnous faudra du tangible. Avec des dents et des griffes, deprfrence.

    Lentement, les lvres de Pernelle formrent un sourireterrifiant.

    Areop-Enap ! Elle est sur Alcatraz ! La Vieille Araigne ? sexclama Promthe. Elle nest pas

    morte ? La dernire fois que je lai vue, elle avait t

    empoisonne par la morsure de millions de mouches. Ellesest enferme dans un cocon rigide pour gurir. Mais elle esten vie.

    Si nous pouvions la rveiller murmura Promthe.Cest une guerrire redoutable.

    Cette Vieille Araigne, senquit Niten, est-elle grosse ? Trs grosse, rpondirent ensemble Nicolas et Pernelle. Et dune puissance incroyable, ajouta lEnsorceleuse. Je lai connue quand elle tait belle, confia Promthe,

    avant sa Mutation. En gnral, la Mutation ne fait pas decadeau. Elle a t particulirement cruelle envers Areop-Enap.

    Un groupe important de touristes japonais se posta nonloin et commena photographier lle, leurs voisins, lesperroquets verts tte rouge signe que les immortels et lesAns devaient avancer sur lembarcadre.

    Nous devons contenir les monstres sur lle, dclaraNicolas voix basse. Nous dfendrons plus facilement la villesils sont tous rassembls au mme endroit.

    Tu oublies que ces btes doivent tre dtruites, Nicolas,

  • intervint Promthe. Et le temps joue contre nous. Je suispersuad que toutes les cratures malfiques vivant sur lacte ouest de lAmrique accourent. Sans compter lesTnbreux et leurs serviteurs. Nous ne pourrons pas tous lescombattre.

    Nous ne sommes pas obligs de les affronter, annonaNiten. Concentrons-nous sur un ennemi la fois etoccupons-nous dabord de ce que nous avons en face denous.

    Il fit un signe de tte en direction de lle. Les Tnbreux comptaient que ces cratures sment la

    terreur et le chaos dans San Francisco. Si nous les enempchons, nous aurons contrari leur plan. Dautresarrivent, bien entendu, de toutes parts, mais nous sommesplus que capables de nous occuper deux.

    Je suis sre que des immortels tels que nous, enchritPernelle, fidles aux paisibles Ans et ceux de laGnration Suivante, se rangeront nos cts. Nous devrionsprendre contact avec eux.

    Comment ? linterrogea Promthe. Jai leur numro de tlphone. Tsagaglalal combattra avec nous, affirma Nicolas.

    Personne ne connat ltendue de ses pouvoirs. Cest une vieille femme, leur rappela Niten. Erreur ! Tsagaglalal est beaucoup de choses, rpliqua

    Pernelle. Appelle tes contacts, dcida Niten. Quils viennent tous

    ici. Promthe, tu es le Matre du Feu. Peux-tu envoyer unepluie de flammes sur lle ?

    Lair triste, lAn secoua la tte. Ce serait une pluie fine qui me dtruirait. Je suis vieux,

    mourant, Niten. Mon royaume des Ombres est perdu et il me

  • reste trs peu daura assez peut-tre pour un dernier clatde gloire. Jaimerais la garder pour la toute fin.

    Je comprends, rpondit limmortel japonais. Concentrons donc nos efforts sur lle, annona Nicolas.

    Mais avant, il nous faut savoir ce qui se trame l-bas. On pourrait essayer la divination, suggra Pernelle. Trop limit et trop glouton en temps, rpliqua Nicolas.

    Nous ne verrions quau travers des miroirs et des flaquesdeau. Nous avons besoin dune vision densemble. Eh ! Tu tesouviens de Pedro ?

    Pernelle le dvisagea, perplexe. Puis son visage sillumina. Pedro ! Bien sr que je me souviens de lui ! Qui est-ce ? demanda Niten. Qui tait-ce. Pedro est mort. Il y a presque cent ans. Lempereur du Brsil ? tenta Promthe. Le roi du

    Portugal ? Lexplorateur, linventeur ? Le perroquet, lui apprit Pernelle. Ainsi nomm en

    lhonneur de notre grand ami Periquillo Sarniento. Pendantdes dcennies, nous avons eu un petit cacatos huppe jaunedu Timor. Je dis nous , alors quen vrit il adorait Nicolaset me tolrait tout juste. Il ntait quun oisillon quand nouslavons trouv alors que nous fouillions les ruines de NanMadol dans les annes 1800. Il est rest avec nous quatre-vingts ans.

    Je ne vois toujours pas commena Promthe. Ces oiseaux sont remarquables, continua Nicolas.Il tendit le bras gauche, une pointe de menthe parfuma

    lair marin. Il remua les lvres, mit un lger sifflement etsoudain, dans un battement dailes, un perroquet magnifiqueau corps vert et la tte rouge se posa sur sa main. Il penchala tte dun ct, examina Nicolas dun regard or et argentindcis, et, lentement, il remonta le long de son bras.

  • Lalchimiste lui caressa le poitrail de lindex. Les perroquets ont une intelligence exceptionnelle et

    une vision hors du commun. Chez certaines espces, les yeuxpsent plus lourd que le cerveau. Ils distinguent les rayonsultraviolets, infrarouges et mme les ondes lumineuses.

    AlchimisteMais Nicolas, concentr sur le perroquet, soufflait sur son

    plumage iridescent. Loiseau frotta le sommet de sa ttecontre le front de Flamel et entreprit de toiletter ses sourcilsen bataille.

    Alchimiste, rpta Promthe, lgrement agac. John Dee et ses semblables se servent de rats et de

    souris pour espionner leur place, expliqua Pernelle. Au fildes annes, Nicolas a appris regarder travers les yeux dePedro. Simple processus de transfert. Il enveloppe la craturedans son aura et la dirige calmement.

    Pedro nous a sauv la vie plus dune fois, dclaraNicolas. Il hurlait ds quil sentait lodeur de soufre de Dee.

    A prsent, le conure tte rouge soccupait de ses cheveuxras.

    Promthe, tu veux bien me donner le bras ? Je ne vaispas tarder avoir des vertiges.

    Pourquoi ? voulut savoir Niten. Je vais voler, chuchota lAlchimiste.Il pencha la tte. Le perroquet limita. Ils se regardrent un

    moment dans les yeux. Lodeur de menthe sintensifia, leconure frissonna. Tandis que Nicolas caressait loiseau, sesdoigts laissaient des traces dun vert quasiment invisible surson plumage. Nicolas ferma les paupires, les iris duperroquet devinrent jaune ple, presque incolores.

    Tout coup, dans un brusque battement dailes, le conuresenvola et Promthe rattrapa lAlchimiste alors quil

  • scroulait.

  • CHAPITRE SIX

    tes-vous vraiment nos parents ? demanda Sophie. Quelle question ! sexclama Isis.Assis dans deux siges troits derrire Isis et Osiris, Sophie

    et Josh se dvisagrent. Virginia Dare tait accroupie derrireeux. Josh voulait lui cder sa place mais elle prfrait soi-disant ne pas tre attache. Quand elle lui tapota la joue pourle remercier, une vague de chaleur se rpandit en lui.

    Richard Newman, alias Osiris, pivota dans son fauteuil encuir noir et sourit.

    Oui, nous sommes rellement vos parents, la foisarchologues et palontologues. Du moins, dans votreroyaume des Ombres. Tout ce que vous savez notre sujetest vrai.

    lexception des chapitres Isis et Osiris, souverains deDanu Talis , rectifia Josh. Ainsi que Vieillissement etImmortalit .

    Attention, je nai pas dit que vous saviez tout notresujet ! ironisa Osiris.

    Comment doit-on vous appeler ? senquit Sophie. Comme avant, affirma Isis, qui contrlait le vimana de

    cristal et dor.Ses longs doigts plat sur le panneau en verre, elle

    esquissait de petits mouvements avec le pouce et lindex.Sophie fixa la nuque de cette femme qui ressemblait sa

    mre, parlait et bougeait comme sa mre et pourtant il sedgageait delle quelque chose de diffrent, de faux. Ellelana un regard en coin son frre et sut instinctivementquil prouvait la mme chose. Lhomme qui ressemblait

  • leur pre leur souriait. Ce sourire tait le mme que surTerre, avec ses rides qui plissaient le coin de ses yeux et de sabouche. Il serrait les lvres, comme Richard qui nouvraitjamais la bouche quand il souriait. Il avait toujours t gnpar ses longues canines. Des dents de vampire , lessurnommait-il quand elle tait enfant. Elle riait aux clats lpoque. Aujourdhui, cette expression lui glaait les sangs.

    Je vais vous appeler Isis et Osiris, dcrta Sophie.Josh hocha la tte en signe dapprobation. Daccord, rpondit Osiris. Cela fait beaucoup

    dinformations assimiler. Retournons au palais o vousprendrez un bon repas. Cela ira mieux ensuite.

    Au palais ? rpta Josh. Un petit. Le plus gros se situe dans un royaume des

    Ombres voisin. Vous rgnez vraiment ici ? leur lana Virginia Dare.Une infime lueur de contrarit dansa dans les yeux

    dOsiris. Oui, nous rgnons. Cependant, nous ne sommes pas les

    souverains suprmes. Un autre gouverne. Plus pour longtemps, commenta Isis, qui se tourna vers

    son poux et lui sourit.Cette fois-ci, les incisives pointues dOsiris apparurent

    contre sa lvre infrieure quand il lui rendit son sourire. En effet Nous serons alors les matres de ce monde et

    au-del. Nous sommes bel et bien sur Danu Talis, marmonna

    Josh.Il regarda par le hublot et aperut le cratre dun norme

    volcan. Une fine colonne de fume gristre tourbillonnaitdans le ciel.

    La clbre source de toutes les lgendes dAtlantis.

  • Oui, ceci est Danu Talis. Quand ? demanda Josh.Osiris haussa les paules. Difficile dire. Les humani ont ajust et rajust leur

    calendrier si souvent quune mesure prcise est impossible.Environ dix mille ans avant votre re, je dirais.

    Notre re ! sexclama Josh. Pas la vtre ? Ceci est notre re, Josh. Votre monde nest quune

    ombre de celui-ci. Mais vous viviez galement dans le ntre. Nous avons vcu dans de nombreux mondes, intervint

    Isis, et dans de nombreuses res aussi. Ta mre a raison, continua Osiris. Nous avons march

    entre les mondes pendant des millnaires. nous deux, nousavons probablement explor plus de royaumes des Ombresque nimporte quel autre An.

    Vous tes donc des Ans, remarqua Sophie. Exact. Que sommes-nous, alors ? senquit Josh. Des Ans ou

    de la Gnration Suivante ? Cela reste voir, rtorqua Osiris. cet instant prcis

    dans le temps, la Gnration Suivante nexiste pas. Si tout sedroule comme prvu, il ny aura pas de GnrationSuivante. Ils ne sont arrivs quaprs le naufrage de lle.

    Tout ce qui importe, cest que vous soyez l, veills tousles deux et forms la plupart des magies lmentaires, serjouit Isis.

    Le vaisseau plongea et soudain, la vaste cit circulaire etlabyrinthique apparut au-dessous deux. Le soleil rehaussaitlor et largent des canaux et des voies deau qui encerclaientune immense pyramide dresse en son centre. Les ruestaient noires de monde. Des torches enflammaient le

  • sommet des pyramides plus petites dissmines et l,dautres taient couvertes de drapeaux aux couleurs vives.Maisons, palais, temples et belles demeures voquaient desdouzaines de styles diffrents. Aux abords de la ville, onapercevait une multitude de btiments bas et dlabrs.

    Cest gigantesque, stonna Josh. En fait, cest le centre du monde, dclara Osiris avec

    fiert.Josh dsigna lnorme pyramide autour de laquelle la ville

    semblait avoir t construite et le palais tentaculaire au-del. Nous nous rendons l-bas ? Pas encore, rpondit Osiris. Cest le Palais royal du

    Soleil, actuelle rsidence dAton, le souverain de Danu Talis. On dirait quil y a de lanimation commena Josh.Isis se pencha soudain en avant et le vimana plongea. Epoux ! scria-t-elle, visiblement inquite.Osiris se retourna et regarda devant lui. Le ciel au-dessus

    du palais grouillait de vimanas de toutes les formes et detoutes les tailles. Des ranges de gardes en armure noireprenaient position au sol. Une foule innombrablesagglutinait devant ldifice et des centaines de personnesaffluaient des rues adjacentes.

    Apparemment, il sest pass quelque chose en notreabsence, dit Isis.

    Bastet ! grogna Osiris. Jaurais d men douter !Changement de plan : on se pose. Nous devons nous occuperdelle immdiatement.

    Tu en es sr ? demanda Isis.Le moteur du vimana mit un lger geignement ; le

    vaisseau oscilla doucement au-dessus du grand marchrempli dtals aux bches colores. Les lieux taient envahispar des individus la peau trs mate, petits et trapus. Les

  • femmes portaient de simples robes blanches en laine ou unpantalon et un chemisier blancs. Quelques-uns regardrentle vimana sans lui prter vraiment attention. Deux gardesanpous en armure de cuir, quips dun bouclier et dunelance, coururent vers le vaisseau. Lorsquils dcouvrirent quise trouvait bord, ils firent brusquement demi-tour etdisparurent dans une ruelle. La poussire tournoya quandlappareil se posa au milieu de la place.

    Virginia, je vous confie les jumeaux, dclara Osiristandis que le haut du vaisseau remontait.

    moi ? ! sexclama Virginia, surprise.Osiris hocha la tte. Isis se tourna vers Sophie et Josh. Vous restez avec Virginia. Votre pre et moi allons

    revenir bientt. Nous prendrons ensuite un souper en familleet nous rattraperons le temps perdu. Nous rpondrons toutes vos questions, promis. De grandes choses vousattendent, mes enfants. On vous reconnatra en tant quOr etArgent. On vous vnrera. Vous rgnerez. Allez ! Partez,maintenant.

    Les jumeaux dtachrent leur ceinture et descendirent surla place en fin daprs-midi. Ils prirent une profondeinspiration afin de chasser de leurs poumons lodeur dozone,sche et mtallique, du vimana. Aussitt, un millier deparfums tranges et pas forcment agrables les assaillit fruits (parfois en dcomposition), pices exotiques etbeaucoup trop de corps sales runis au mme endroit.

    O allez-vous ? demanda Virginia Osiris.LAn sarrta dans lencadrement de la porte. Au palais. Je ne veux pas faire courir le moindre danger

    aux enfants.Il dsigna une flche en or qui slevait au-dessus des toits,

    surmonte dun drapeau gonfl par le vent et orn dune

  • espce dil. Nous habitons l-bas. Allez nous y attendre.Il examina la place. La plupart des commerants fixaient le

    grand homme chauve. Peu dentre eux parvenaient dissimuler leur excration. Osiris prit son temps pourobserver les badauds. Aucun ne voulut croiser son regard.

    Personne ne vous blessera, cria-t-il. Personne nessaiera.Ils savent que ma vengeance serait terrible si un malheursurvenait.

    Il se pencha et posa la main sur lpaule de Virginia. Elle larepoussa aussitt.

    Protgez mes enfants, immortelle. Si quelque chose leurarrivait, je ne serais pas content. Vous non plus.

    Virginia Dare fixa les yeux bleus de lAn. Il capitula lepremier.

    Je naime pas les menaces, murmura-t-elle. Ce nen tait pas uneQuand il sortit du vimana, un long gmissement parcourut

    la foule. Avis la population ! Ces trois-l sont sous ma

    protection. Assistez-les, guidez-les, protgez-les et je seraignreux envers vous ! Freinez-les, orientez-les mal, blessez-les et vous connatrez ma vengeance. Vous avez ma parole etma parole fait loi.

    Ta parole fait loi, murmura la foule.Des hommes et des femmes parmi les plus gs tombrent

    genoux et touchrent les pavs du front. Les plus jeunes secontentrent de hocher la tte.

    Osiris lana un regard assassin un groupe dadolescents. Si javais le temps, je leur apprendrais se montrer

    insolents marmonna-t-il.Il recula lintrieur du vimana.

  • Dpchez-vous. Rendez-vous directement au btimentau fanion. Nous vous rejoindrons le plus vite possible.

    Le flanc du vimana Rukma se referma derrire lui et levaisseau senvola, laissant Sophie, Josh et Virginia seuls aumilieu de la place. Le vimana avait peine disparu par-delles toits quune tomate vola au-dessus des ttes et scrasaaux pieds de Josh. Suivie de deux autres.

    Je suis content de voir quIsis et Osiris imposentvraiment le respect, dclara Josh.

    Partons, ordonna Virginia en les prenant tous les deuxpar un bras. a commence par un fruit

    Un gros caillou ricocha non loin. et a finit toujours par des pierres.

  • CHAPITRE SEPT

    Des couleurs.Vives et brillantesDes fils iridescents qui dansent et chatoientDes rais de lumire qui palpitentNicolas sleva au-dessus du quai, de plus en plus haut sur

    les courbes invisibles de lair qui se tordait au-dessous de lui.Il baissa les yeux et se reconnut au milieu de la foule.

    Il volait.Limpression tait extraordinaire. une poque, il volait presque tous les jours et voyait le

    monde travers les yeux de Pedro. Il ne comprenait pas cetattrait pour le vol jusqu ce quil plane au-dessus des junglesdu Pacifique, des rues sinueuses de Rome, des patchworksverts dIrlande Voil pourquoi Lonard de Vinci avaitinvesti tellement de temps dans la cration de machines quipermettraient lhomme de voler. Les rumeurs taient peut-tre fondes : le gnie tait immortel et il avait appris voirle monde par les yeux dun oiseau.

    Mme si la lumire dclinait, le paysage vibrait, flamboyait.LEmbarcadero jaune et or envoyait des traits de chaleurdans leau.

    Nicolas sentait le vent sur son corps, les ondulations surses plumes. Des annes de vol avec Pedro lui avaient appris ne pas rflchir, se concentrer simplement sur unedestination et laisser les rnes au perroquet. Sous lui, desbulles phosphorescentes formaient des nuages dans la mer,vivifie par les courants chauds et froids.

    Alcatraz se trouvait moins de deux kilomtres de la cte.

  • Une broutille pour un perroquet sauvage. Flamel savaitcependant que loiseau napprciait pas de voler au-dessus deleau. La vague pense de la terre ferme fit tourner la tte auconure en direction des lumires clatantes delEmbarcadero. Le perroquet poussa un cri rauque auquelrpondirent les oiseaux multicolores aligns sur les toits.

    Nicolas visualisa la forme typique dAlcatraz ; loiseau fitun cart, presque contrecur, et sloigna de la baie. Il pritde laltitude loin des embruns sals, pour que lAlchimistedtaille lle longue et laide surmonte dune prison blancheet dun grand phare semblable un index point vers le ciel.Derrire lui, droite, il vit Bay Bridge, ruban rouge et blanc,tandis quau loin le Golden Gte Bridge ressemblait unetache horizontale mise en relief par les lignes chatoyantes delair chaud.

    Lle, quant elle, tait plonge dans le noir et aucunechaleur ne se dgageait du sol.

    Tandis quil sen approchait, lAlchimiste se rendit compteque Pernelle avait raison. Aucun autre oiseau ne survolait lacte. Les sempiternels golands dAudubon qui hantaient lesrochers et les maculaient de blanc taient absents. De plusprs, il constata que rien ne bougeait. Il ne distingua nicormorans ni pigeons alors quAlcatraz tait un sanctuairepour les oiseaux. Des centaines y nichaient chaque anne

    Nicolas frissonna. Le petit corps de Pedro frmit lui aussi.Ils avaient servi de repas quelque chose.

    Quand il atteignit la berge rocailleuse, le conure sleva etplongea au gr des courants ariens avant de descendre enpiqu sur le quai. Enfin, il se posa sur le kiosque o lonproposait des guides et des cartes. Nicolas accorda unmoment de repos loiseau. Sautant dun pied sur lautre, ilfit un tour complet sur lui-mme. Les quais taient dserts.

  • Nulle trace du bateau de Black Hawk. Petite consolation : ilne voyait pas dpave non plus. Il esprait juste quelimmortel ntait pas tomb entre les griffes des Nrides.

    Une seule pense de Nicolas, et le perroquet reprit sonenvol. Lentement, il dessina des cercles au-dessus de lalibrairie et du Btiment 64. Il survola galement la maisondu gardien et, pour la premire fois depuis quil avait atteintlle, il repra un minuscule faisceau de lumire. Le conure seposa sur une des poutrelles mtalliques qui soutenaient lamaison en ruine, glissa sur la barre, ses griffes raflant lemtal, et regarda en contrebas. Dans un coin, une massenorme couvrait les murs renverss et le sol bant. On auraitdit une boule de boue durcie. Grce la vue perante dePedro, Nicolas distingua une forme sous la boue, celle dunecrature norme, recroqueville sur elle-mme et ses tropnombreuses pattes. Une araigne ! Elle mettait une lumirelente et rgulire. Areop-Enap vivait toujours.

    Mais o taient passs tous les autres ?Black Hawk avait dpos Mars, Odin et Hel sur lle. Ils ne

    pouvaient pas tous tre morts ! Et o se trouvaient lesmonstres ? Pernelle avait vu des boggarts, des trolls et descluriclauns dans les cellules, ainsi quun bb minotaure, aumoins un Wendigo et un oni. Un autre couloir abritait desvouivres, des dragons cracheurs de feu et autres.

    Le perroquet commenait fatiguer. Nicolas devraitbientt le ramener sur le continent. Un dernier coup dilrapide et il rentrerait avant la nuit tombe. Il vola autour duphare et aperut soudain une tincelle de lumire. Il montaen flche au-dessus de la prison et descendit dans la cour dercration.

    La cour tait inonde dnergie.Les restes spectraux dauras incroyablement puissantes

  • serpentaient sur les grandes dalles, frmissaient telles desvipres. Il distingua de lor pur et de largent tincelant, lejaune puant du soufre et un filet vert ple. Au milieu de lacour, lempreinte dun rectangle encore imprgn dnergiessculaires seffaait. Les contours peine marqus de quatrepes taient gravs dans les pierres.

    Une porte souvrit avec fracas. Aussitt, Pedro senvola.Dans une lumire flamboyante, Odin sortit en courant etdvala les marches. LAn borgne sarrta en bas de lescalieret se tourna vers lencadrement troit, une courte lance lamain.

    Mars apparut ensuite et tint la porte ouverte. Machiavel etBilly the Kid surgirent, soutenant Hel. Elle avait les brasposs sur les paules des deux immortels et ses jambestranaient sur le sol, laissant un liquide sombre dans leursillage. Mars claqua la porte mtallique et sy adossa. Laveste en cuir noir du guerrier tombait en lambeaux et desgouttes bleues tincelaient sur sa dague. Ses yeux brillaientdexcitation. Tout coup, la porte derrire lui trembla sur sesgonds, mais lAn rsista en attendant que Machiavel et Billyaient atteint les dernires marches et quOdin savance pourles protger.

    LAn borgne fit signe Mars qui bondit loin de la portepile au moment o une dfense hrisse de pointestransperait le mtal et le dcoupait, comme une simplefeuille de papier.

    Mars et Odin prirent position en contrebas de manire couvrir Machiavel et Billy qui soignaient Hel sur les marchesde la cour de promenade. Billy ta sa ceinture et la sanglaautour des jambes dchiquetes de lAne. Ses mains taientnoires de son sang.

    Silencieux et invisible, le perroquet volait en cercles au-

  • dessus deux.Nicolas essayait de comprendre ce quil voyait. Mars et

    Odin collaboraient avec Machiavel et Billy, les protgeaientpendant que lAmricain soccupait des blessures de Hel.Nicolas y perdait son latin. LItalien navait jamais soutenules Flamel et leur cause. Au contraire, toute sa vie, il avaitcombattu aux cts des Tnbreux. Machiavel aurait-il duples autres ? LAlchimiste secoua la tte, le perroquet imitason mouvement. Il avait peut-tre russi berner Mars, Helaussi, mais personne ne pouvait abuser de la crdulitdOdin. Machiavel et Billy avaient-ils enfin choisi le boncamp ? Shakespeare navait-il pas crit un jour que lemalheur vous donnait parfois dtranges compagnons decouchage ?

    Il fallut un norme effort de volont de la part delAlchimiste pour obliger Pedro descendre un peu plus bas.Son instinct lui disait de fuir. Lair de la cour tait prsentsatur, entre les auras colores qui bourdonnaient, lodeurpestilentielle du sang de Hel et la puanteur des btes.

    La crature qui apparut dans lencadrement taitgigantesque. Elle ressemblait un sanglier, avait la tailledun taureau et ses dfenses taient longues comme le brasdun homme.

    Phaa ! cria Mars. Laie de Crommyon ! Pas la truieoriginelle, bien sr, car elle a t tue par Thse.

    Lunique il dOdin cligna. Elle est grosse, remarqua-t-il. Et forte.Lanimal descendit les marches pas lents. Il tait si large

    que ses flancs frottaient les murs de chaque ct ; ses soiesraflaient les pierres.

    Elle va charger, le prvint Mars. Et nous ne pourrons pas larrter, ajouta Odin. Jai dj

  • chass le sanglier : il baisse la tte quand il charge et la relveau dernier moment. Les muscles qui entourent son cou etses paules sont particulirement pais. Je doute que nospes et nos lances les transpercent.

    Si nous nous servons de nos auras, prcisa Mars, nousattirerons le sphinx qui se nourrira de nos nergies.

    Il poussa doucement Odin sur le ct. Inutile que nous mourions ici tous les deux. Que la truie

    me choisisse comme cible. Je lattrape par la tte et je nelche pas. Toi, tu vises ses flancs avec tes lances. Vois si tupeux la toucher par-dessous. La chair y est plus tendre.

    Ton plan nest pas mauvais, mais Mais quoi ? Elle risque de tencorner. Probablement. Profites-en pour la poignarder. Tu as vu le sort quelle a rserv la porte en mtal ? Je suis rsistant. Tu tamuses, l, pas vrai ? Je suis rest pendant des millnaires dans une carapace,

    contraint limmobilit.Il remua le poignet et joua avec sa dague. Je ne me suis pas amus autant depuis Eh bien Je ne

    me rappelle pas !Ses sabots descendaient pniblement les marches en

    projetant des tincelles quand soudain, la laie de Crommyonbaissa la tte.

    Il y eut un flash vert et rouge. Apparemment, un petitperroquet venait de foncer devant la bte. Avec ses griffes, illui lacra le groin et la peau entre les oreilles. La truiecouina, ralentit et leva la tte. Ses mchoires claqurent,projetant aux alentours dpais filets de bave. Quand loiseaudescendit une seconde fois en piqu, son bec puissant

  • arracha un morceau doreille poilue de la crature. Dans unmugissement, Phaa se dressa sur ses pattes arrire pourmordre limpudent volatile.

    Aussitt, la lance dOdin senfona dans la gorge exposedu monstre. La laie de Crommyon mourut avant de heurterle sol.

    Bien jou ! beugla Billy. Billy ! Crie donc un peu plus fort, je parie que les

    monstres des cellules du fond ne tont pas entendu, raillaMachiavel.

    LAmricain lui donna un coup dans lpaule. Allez, Mac, lchez-vous un peu, pour une fois !Puis il se tourna vers Hel. Tu as vu la taille de ce truc ? Jai vu bien plus gros, marmonna-t-elle.En quelques battements dailes, Pedro se posa sur le crne

    de la laie de Crommyon. Il pencha la tte sur le ct, regardaMars, puis Odin.

    Qui es-tu, petit oiseau ? demanda Mars avant de dilaterles narines. H ! a sent la menthe ! Nicolas ?

    Le conure claqua le bec et scria : Flamel.Mars le salua avec son pe. Alchimiste ! Quel plaisir de te voir ! Nous sommes en

    vie, comme tu le constates. Nos forces ont t multiplies pardeux, mais la situation est dsespre. Ils sont bien tropnombreux et le sphinx rde.

    Il sinterrompit avant dajouter : Je rve ou je suis en train de faire un rapport un

    perroquet ? Areop-Enap, ppia loiseau.Mars se tourna vers lAn borgne.

  • Il a dit Areop-Enap ?Le perroquet se mit danser dun pied sur lautre. Areop-Enap, Areop-Enap, Areop-Enap.Odin hocha la tte. O ? demanda Mars. Ici ?Loiseau senvola et voleta au-dessus des deux Ans. Ici, ici, ici. La rponse est oui, traduisit Odin. Quelle allie si elle

    peut combattre avec nous !Il donna une grande tape dans le dos de Mars. Allons chercher la Vieille Araigne. Elle ne doit pas tre

    difficile trouver. Mais avant, je vais moccuper desblessures de Hel.

    Il saisit Phaa par une de ses normes dfenses et la tranaen bas des marches.

    Que comptes-tu faire ? Hel nest pas vgtarienne et elle adore le porc ! expliqua

    Odin. Cru ? Surtout cru.puis, le conure tte rouge tomba du ciel crpusculaire

    et se posa sur la tte de lAlchimiste. De son bec ferm, iltapota le crne de Nicolas.

    Celui-ci frmit, prit une profonde inspiration. Promthe lesoutint tandis quil se redressait et secouait ses doigtsengourdis. Enfin il tendit le bras et loiseau se percha sur samain.

    Merci, souffla-t-il.Une brume vert menthe sleva de ses plumes vertes et

    rouges. Loiseau frissonna avant de senvoler en criant : Areop-Enap, Areop-Enap, Areop-Enap. Dici quelques jours, tous les perroquets de

  • lEmbarcadero crieront ces deux mots, commentalAlchimiste.

    Tu as appris quelque chose ? senquit Pernelle. Les monstres sont dans le bloc principal. Jai vu Mars,

    Odin et Hel. Aucun signe de Black Hawk nulle part. Hel estblesse. Apparemment, nous avons deux nouveaux allis :Machiavel et Billy the Kid.

    Pernelle nen crut pas ses oreilles. Machiavel na jamais t notre ami ! Je le sais. Cet homme est un opportuniste. Il sest peut-

    tre rendu compte quil avait tout intrt se ranger du ctdes vainqueurs.

    moins quil nait redcouvert son humanit ? intervintNiten. Quelquun lui a peut-tre rappel quil tait humainavant dtre immortel.

    Tu parles dexprience ? senquit Pernelle. Exact. une poque, jtais sauvage. Que sest-il pass ? Jai rencontr une guerrire irlandaise aux cheveux roux. Et tu es tomb amoureux delle ? le taquina-t-elle. Ce nest pas ce que jai dit ! Inutile !Puis elle sadressa Nicolas : Des nouvelles de Dee ? Voil le plus bizarre : jai senti son aura, trs tnue,

    mle la vanille de Sophie et lorange de Josh. Jaigalement peru une odeur de sauge

    Virginia Dare. Elles taient mlanges lnergie des quatre Epes de

    Pouvoir. mon avis, Dee a quitt lle. Pour aller o ? intervint Niten.LAlchimiste secoua la tte et dessina un carr avec les

  • mains. Il y avait lempreinte des quatre Epes sur le sol On les

    avait mises bout bout pour former un rectangle. On a fabriqu une porte, expliqua Promthe.

    Personnellement, je nai jamais assist une telle cration,mais je sais que cest possible.

    Une porte pour aller o ? demanda Nicolas. Aucune ide, rpondit Pernelle. Nulle part dans ce monde, cest certain, assura

    Promthe. Je parierais pour Danu Talis. Ma main couperque Dee a remont le temps avec les jumeaux.

  • CHAPITRE HUIT

    Voil quoi ressemblait la mort.Le Dr John Dee sallongea sur lherbe soyeuse et

    senveloppa dans la polaire rouge. Il avait tellement froid queses doigts et ses orteils taient engourdis, son estomac nou.Son front lui faisait mal, comme sil avait mang trop deglace. Il sentait son pouls ralentir, les battements devenir deplus en plus faibles et irrguliers.

    Il roula sur le dos. Malgr sa vision diminue, il admira leciel dun bleu impossible, et du coin de lil, lherbe dun vertindcent.

    Il y avait pire faon de sen aller, supposa-t-il.Il avait men une vie tumultueuse au sein de plusieurs

    poques dangereuses, survcu des guerres, des pidmies,des intrigues de cour, des avalanches de trahisons. Il avaitvoyag travers le monde entier, visit quasiment tous lespays du globe part le Danemark, son grand regret etexplor la majorit des royaumes des Ombres.

    Il avait bti et perdu des fortunes, rencontr la plupart desdirigeants, inventeurs, hros et mchants de la plante. Ilavait conseill des rois et des reines, foment des guerres,ngoci la paix, compt parmi la poigne de personnes ayantpouss les humani vers la civilisation. Il avait faonn lemonde de lpoque lisabthaine au XXIe sicle. Il y avait dequoi tre fier de soi.

    Il avait vcu presque cinq cents ans dans le royaume desOmbres terrestre et le mme laps de temps dans dautres.Pourquoi se plaindrait-il ? Pourtant, il restait tant faire,tant dendroits sillonner, tant dunivers explorer.

  • Il tenta de lever les bras, en vain il ne les sentait plus.Comme ses jambes. Sa vue baissait affreusement. Sesmatres avaient condamn son corps, mais son cerveaudemeurait aussi vif quavant. Peut-tre tait-ce l lultimecruaut ? Conserver ses facults mentales dans une coquilleinutile. Il pensa soudain laura de Mars Ultor, pige dansles catacombes de Paris depuis des millnaires, le corpsinerte mais lesprit lucide. Pour la premire fois depuis dessicles, le Magicien anglais prouva une motion nouvelle :la compassion.

    Il se demanda combien de temps il survivrait.La nuit allait tomber sur Danu Talis, une dimension

    parallle o des cratures disparues dans le royaume desOmbres terrestre et des monstres issus dune myriade deroyaumes flnaient en toute quitude.

    Il ne voulait pas servir de plat de rsistance des monstres.Quand il imaginait sa mort et il y pensait souvent, tant

    donn la nature de ses activits et lhumeur capricieuse deses employeurs , il la rvait aurole de gloire, charge designification. Cela lavait toujours contrari que son uvre,pour lessentiel, seffectue dans le secret et que le mondeignore son gnie. Pendant lre lisabthaine, tousconnaissaient son nom. Mme la reine le craignait et lerespectait. Limmortalit lavait plong dans lombre o ilrdait depuis.

    Cela navait aucun sens de croupir l, vieux et rabougri, surune colline de Danu Talis.

    Soudain, il entendit un bruit sourd. Tout prs. sa droite.Il voulut tourner la tte. Impossible.Une ombre apparut.Ctait un monstre venu le manger.Tel serait son destin : tre dvor vivant, seul, sans amis

  • Il tenta dvoquer son aura. Sil parvenait en rassemblersuffisamment, peut-tre russirait-il faire fuir la crature ? moins quil ne se consume dans la manuvre. Ce ne seraitpas si mal, aprs tout. Il ne finirait pas dans lestomac denimporte qui.

    Lombre sapprocha.Pourquoi leffraierait-il ? Pour quelle revienne avec plus

    daplomb ? Il retarderait juste linvitable. Mieux valaitrendre les armes, se souvenir de ses bonnes actions au coursde sa longue vie mme si elles taient rares.

    Lombre sobscurcit. lapproche de la fin, il fut assailli par ses vieilles peurs et

    ses doutes quasiment oublis. Il fredonna un vieil air :

    Regrets, Ive had a few[1] Oui, des regrets il en avait etpas quun. Il aurait pu (d) tre un meilleur pre pour sesenfants, un poux plus gentil pour ses pouses. tre moinsavide dargent, mais aussi de connaissances. Et surtout, ilnaurait jamais d accepter ce don, cette maldiction qutaitlimmortalit.

    Cette prise de conscience le frappa tel un coup de poing. Ilen eut le souffle coup. Limmortalit avait sign sacondamnation.

    Lombre stira au-dessus de lui et il entraperut du mtal.Son assaillant ntait pas un animal, ctait un homme. Un

    brigand. Danu Talis hbergeait-elle des cannibales ? Dpchez-vous, chuchota-t-il. Piti. As-tu jamais eu piti de tes semblables ?Soudain, des bras puissants le soulevrent. Je ne compte pas te tuer tout de suite, Dee. Tu peux

    mtre utile. Qui tes-vous ? haleta Dee, qui cherchait dsesprment

    distinguer le visage de son interlocuteur.

  • Marethyu. La Mort. Mais aujourdhui, docteur, je suiston sauveur.

  • CHAPITRE NEUF

    Lheure avait sonn pour tante Agns de mourir.La vieille femme regardait son reflet dans le miroir de la

    salle de bains. Une personne ge la fixait, le visageanguleux, les pommettes saillantes, le menton prominent etle nez pointu. Ses cheveux gris acier taient ramasss en unchignon serr sur la nuque. Ses yeux ardoise senfonaientdans leurs orbites. Elle ressemblait une femme de quatre-vingt-quatre ans alors quelle tait Tsagaglalal, Celle quiObserve, dun ge incalculable.

    Tsagaglalal avait adopt le dguisement de tante Agns unebonne partie du XXe sicle. Elle stait attache ce corpsquelle trouvait dommage dabandonner. Elle en avait adopttellement au fil des millnaires, lastuce tant de savoirquand seffacer, cest--dire mourir.

    Tsagaglalal avait vcu dans des temps o tre diffrentveillait forcment des soupons. Lhomme possdait descaractristiques merveilleuses mais il stait toujours mfi et se mfierait toujours de ceux qui sortaient du lot.Mme dans les priodes de paix, il restait lafft desdiffrences, de ce qui tranchait de lordinaire.

    certaines poques, on brlait pour sorcellerie deshommes et des femmes quon jugeait tranges ou tropindpendants. Lors de ces terribles annes en Europe et plustard en Amrique, Tsagaglalal avait appris se fondre dans lamasse.

    vieillir de manire approprie.Chaque sicle avait sa dfinition du juste et du convenable.

    Lun considrait un trentenaire g, un quarantenaire snile.

  • Certaines civilisations primitives et isoles vnraient lesanciens et leur sagesse. Elle pouvait alors atteindre lessoixante, soixante-dix ans avant de mourir et passer sonchemin.

    Quand elle vieillissait, elle ne faisait pas les choses moiti : elle modifiait la texture de sa peau, sa posture, samasse musculaire, afin dimiter le passage du temps. Elleavait perfectionn sa technique des sicles plus tt enEgypte ou Babylone ? en dformant ses articulationspour simuler larthrite. Plus tard, elle avait appris ajuster sachair pour que ses veines ressortent, paisses et gonflessous sa peau fine comme du papier cigarette. Elle avaitmatris les techniques qui rendaient flasque la peau de soncou, qui lui jaunissaient les dents. Pour complter lillusion,elle avait dlibrment mouss son oue et sa vue. Commeelle devenait vieille, elle ne souciait pas de feindre chaque instant. Ctait plus sr ainsi.

    Face son reflet dans le miroir de la salle de bains,Tsagaglalal ta les pingles anciennes qui retenaient sonchignon et secoua sa chevelure grise.

    Elle avait beaucoup apprci la deuxime partie duXXe sicle, lre des cosmtiques et de la chirurgieesthtique. Les gens schinaient ne pas vieillir, les stars dela pop et du cinma paraissaient rajeunir danne en anne.

    Tsagaglalal tira sur sa perruque quelle jeta dans labaignoire et frotta son crne lisse avec vigueur. Elle dtestaitce postiche qui la dmangeait.

    Evidemment, il existait des dangers spcifiques ce sicle.Les camras, par exemple : personnelles, de surveillance etmaintenant, la plupart des tlphones portables en taientquips. Ctait aussi lpoque de lidentificationphotographique passeport, permis de conduire, carte

  • didentit. Quasiment tous les papiers affichaient une photo,si bien que les immortels devaient subtilement altrer leurge. La moindre erreur attirait lattention des autorits et lesimmortels en particulier taient trs vulnrables auxenqutes menes sur leur pass. Comme Tsagaglalal navaitpas quitt le pays depuis des annes, son passeport taitprim. Il existait cependant New York un hommeimmortel spcialis dans la reproduction de chefs-duvre dela Renaissance. En parallle, il fabriquait faux passeports etfaux permis de conduire. Elle lui rendrait visite quand ceserait termin. Si elle survivait.

    Tsagaglalal mlangea leau chaude et leau froide et remplitle lavabo. Elle se lava le visage avec le savon au beurre dekarit de LOccitane, ta le maquillage quelle avait appliqupour la runion dimmortels et dAns qui avaient pique-niqu dans son jardin plus tt dans la journe.

    Mourir tait toujours la partie la plus difficile. Elle avaitune telle foultitude de dtails rgler les semaines et lesmois prcdents : payer les factures, lassurance-vie, annulerles abonnements aux magazines et aux journaux, rdiger untestament afin de tout lguer un parent . En rglegnrale, les immortels masculins nommaient un neveu, lesimmortelles une nice. Dautres, comme le Dr John Dee,transmettaient leurs biens des socits. Machiavel avaitchoisi son fils . Les Flamel staient transmis lun lautre. Un neveu nomm Perrier avait hrit deux Tsagaglalal doutait de son existence.

    Elle se regarda dans le miroir. Sans le secours de laperruque et du fard, elle se trouva plus vieille que dhabitude.Elle sapprocha de la glace et, exceptionnellement, laissa unpeu de son aura spanouir dans sa poitrine. Un soupon dejasmin parfuma la pice, se mlant lodeur onctueuse du

  • beurre de karit. La chaleur se diffusa dans tout son corps, lelong de son cou, sur sa face. Elle fixa ses yeux gris. La sclre le blanc de lil tait jaune, strie de veines ; le droitlgrement laiteux, avec une pointe de cataracte. Elle avaittoujours trouv ce dtail seyant.

    Lodeur de jasmin sintensifia. La chaleur spancha danssa gorge et sa bouche, sur ses joues, dans ses yeux. La sclreblanchit.

    Tsagaglalal semplit les poumons et retint son souffle. Lapeau de son visage ondula avant de se lisser. La chairrebondie et douce recouvrit les traits durs et osseux de sespommettes, gonfla son nez, arrondit son menton. Les ridessestomprent, les pattes-doie se comblrent, les ombrescouleur decchymose sous ses yeux disparurent.

    Immortelle, Tsagaglalal ntait pas humaine mais dargile.Elle tait ne dans la Cit sans Nom, au bord du monde,quand laura ardente de Promthe avait imprgn lesantiques statues dargile, leur avait donn vie et conscience.Tout au fond delle, elle portait une minuscule portion de sonaura. Elle la gardait vivante. Son frre, Gilgamesh, et elletaient les premiers du Peuple Premier natre et acqurirune conscience. Chaque fois quelle se renouvelait, elle sesouvenait avec une clart absolue de linstant o elle avaitouvert les yeux et pris sa premire inspiration.

    Elle clata de rire. Semblable au dpart la toux schedune femme ge, son rire devint pur et clair.

    Nourrie par son aura, sa transformation se poursuivit. Lachair se raffermit, les os se redressrent, les dentsblanchirent, loue et la vue saffinrent. Un lger duvet noirpoussa sur son cuir chevelu, spaissit, lui arriva peu peuaux paules. Elle ouvrit et ferma les mains, remua les doigts,les poignets. Les poings sur les hanches, elle se tourna de

  • droite et de gauche, se pencha, effleura le sol de ses paumes.Face au miroir, Tsagaglalal regarda les annes quitter son

    corps. Elle redevenait jeune et belle. Elle avait oubli cessensations. La dernire fois remontait la chute de DanuTalis, dix mille ans plus tt.

    Et si le monde devait tre ananti aujourdhui, elle necomptait pas passer ses ultimes heures terrestres souslapparence dune vieillarde.

    Tsagaglalal traversa le couloir et se rendit dans la petitechambre damis. Elle marchait dun pas lastique, ravie decette nouvelle libert de mouvement. Elle pirouetta aumilieu du palier juste pour le plaisir.

    Du jour o elle avait achet la maison de Scott Street, lachambre lui avait servi de lieu de stockage. Cent ans dedsordre sy accumulaient : valises, livres, magazines,meubles, un fauteuil en cuir cass, un bureau dcor, et unedouzaine de sacs en plastique noir remplis de vieuxvtements quelle navait finalement pas jets, au cas o ilsredeviennent la mode. Il y avait aussi un drapeau amricainorn dun cercle dtoiles, une affiche originale de King Kongencadre et ddicace par Edgar Wallace. Dans un coin, moiti enfouie derrire un tas de numros du NationalGographic dos jaune se trouvait une affreuse armoire enmerisier Louis-XV du XVIIIe sicle.

    Tsagaglalal se fraya un chemin dans le capharnam etpoussa des piles de livres pour y accder. La porte taitferme. Se hissant sur la pointe des pieds, elle ttonna au-dessus de la porte, derrire la frise en bois, et trouva la largecl en bronze accroche un clou tordu. Quand elle senempara, elle fut assaillie par un flot de souvenirs. Elle avaitouvert cette armoire pour la dernire fois son retour deBerlin, la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des larmes

  • perlrent ses yeux, sa gorge se serra. Avant de rentrer New York, elle stait arrte Londres o elle avait vu sonfrre, Gilgamesh. Il ne lavait pas reconnue, ne se souvenaitpas davoir une sur, mme sil en admettait la possibilit.Ils staient assis dans les ruines dune maison bombarde delEast End et elle avait parcouru les dizaines de milliers dedocuments quil y stockait. Cet aprs-midi-l, ils avaientremont le temps, du papier au parchemin, du vlin et lcorce et aux feuilles dor extrmement fines, quasimenttransparentes. Enfin, elle avait devin son nom crit lamain, dans une langue encore inconnue des hommes. Ilsavaient pleur quand elle lui avait rappel tous les endroitso ils taient alls. Je ne toublierai jamais , avait-ilpromis lorsquelle stait leve pour partir. Il avait griffonnson nom sur un bout de papier, mais elle savait quune heureplus tard il ne se souviendrait ni de son visage ni de son nom.Pour son malheur, Tsagaglalal avait une mmoiredlphant ; celle de Gilgamesh tait aussi troue quunepassoire.

    Elle tourna la cl dans la serrure cisele et ouvrit la portede larmoire. Il y eut un relent dair vici et moisi, ml aucuir vieilli, aux pices cres, aux boules de naphtalinedfrachies et un soupon de jasmin.

    Tsagaglalal toucha le tissu de son uniforme dinfirmireaccroch un cintre. Des souvenirs bouleversantslassaillirent. Elle avait servi comme infirmire au cours desdeux grandes guerres et peu prs toutes les autres du sicleprcdent. Elle faisait partie des trente-huit volontaires quiavaient accompagn Florence Nightingale dans les casernesde Scutari lors de la guerre de Crime. Tsagaglalal avait vu et provoqu la mort de tant de personnes au fil des sicles.Cette activit dinfirmire lui avait permis de rparer (un

  • peu) tout le mal quelle avait fait.Luniforme cachait six sicles dhabits costumes en cuir

    et lin, soie et synthtique, fourrure et laine. Larmoirecontenait aussi des chaussures donnes par Marie-Antoinette, la robe en perles quelle avait cousue pourCatherine II de Russie, le corsage quAnne Boleyn portait lejour de son mariage avec Henri VIII. Des vies entires desouvenir. Tsagaglalal sourit, affichant des dents parfaites.Muses et collectionneurs paieraient des fortunes pour avoirces vtements.

    Au fond de larmoire, il y avait un sac en toile de jutepaisse.

    Sans le moindre effort, Tsagaglalal le sortit et le porta danssa chambre. Elle le posa sur son lit et tira sur le cordon. Ilrsista un instant puis le cuir tomba en poussire, rvlantune armure en cramique blanche. Dune lgante sobrit,elle avait t conue spcialement pour elle, telle unedeuxime peau. Elle caressa le plastron lisse. Larmure taitimmacule, comme flambant neuve. La dernire fois quellelavait porte, elle avait t entaille, abme par le mtal etles griffes, mais peu importait, larmure se rparait touteseule.

    Magie ? avait-elle demand Abraham, son poux. Technologie des Seigneurs de la Terre, avait-il expliqu.

    Nous ne reverrons pas sa pareille dici des millnaires.Jamais, jespre.

    Le sac renfermait aussi deux fourreaux en cuir et boisgravs. Tous deux protgeaient un khpesh en mtal, leglaive lame recourbe que prisaient les Egyptiens, bien queson origine ft plus ancienne. Elle en tira un de son tui. Lalame tait si aiguise quelle siffla quand elle trancha lair.

    Tsagaglalal passa ses doigts lisses aux ongles blancs sur

  • larmure impeccable, cadeau que lui avait fait son mari,Abraham le Juif, dix mille ans plus tt, avec les armes.

    Pour ta scurit, avait-il marmonn. Maintenant et jamais. Pense moi quand tu la porteras.

    Je penserai toi, mme quand je ne la porterai pas.Pas un jour ne stait coul sans quelle ait une pense

    pour lhomme qui avait travaill si dur et stait sacrifi afinde fabriquer le monde et le sauver.

    Son souvenir demeurait trs net.Abraham, grand et mince dans une pice sombre au

    sommet de la tour de cristal, la Tour du Roi. Envelopp danslombre, il lui tournait le dos afin quelle ne voie pas leseffets de la Mutation sur lui car elle avait rclam sa chair etlavait transforme en or massif. Tsagaglalal se souvintdavoir oblig son poux pivoter vers la lumire afin de lecontempler une ultime fois. Puis elle lavait treint avecforce, sa chair mtallique contre sa peau frache, et avaitpleur sur son paule. Quand elle avait lev les yeux vers lui,une larme, gouttelette dor solide, avait roul sur la jouedAbraham. Elle stait hisse sur la pointe des pieds et lavaitembrasse avant de lavaler. Elle avait pos les mains sur sonventre. La goutte dor sy nichait toujours.

    Celle qui Observe avait revtu larmure lors du dernier jourde Danu Talis. Il tait temps de la remettre.

  • CHAPITRE DIX

    Le soir tomba et le brouillard sinsinua dans San Francisco.Quelques volutes schapprent dans la baie, roulrent la

    surface de leau et se dissiprent. Une poigne de minutesplus tard, le brouillard rapparut, plus dense. Des bandesgrises et blanches, moiti transparentes, ondulrent au rasdes flots.

    Le brouillard spaissit.Une corne de brume mugit.Un banc de nuages opaque se forma au-dessus du

    Pacifique, presque noir sa base, puis il fona vers les terrestelle une muraille. Il bouillonna sur la berge, se faufila sousle Golden Gte Bridge, se dploya pour lengloutir, toujoursplus haut, jusqu ce que les lumires ambres de ses toursse dcolorent. Les balises rouges clignotantes au sommet decelles-ci, quasiment deux cent trente mtres au-dessus deleau, clairrent brivement le brouillard. Les claboussuresrouge sang se dcolorrent elles aussi. Et tandis que lebrouillard spaississait, les lumires disparurent totalement.

    Les rverbres et les maisons sallumrent. Pendantquelque temps, les phares des voitures trourent lebrouillard ; les btiments semblaient palpiter et luire. Lenuage continua de grossir et de sassombrir, de ternir leslumires avant de les touffer, de leur voler tout leur lustre.Il fallut moins de trente minutes entre lapparition despremires volutes dans la baie et larrive du banc de nuagesimpntrable pour que la visibilit tombe de plusieursdizaines de mtres quelques centimtres.

    Les sons sassourdirent et lentement, toute la ville fut

  • plonge dans un silence ouat. Seul le mugissement de lacorne de brume persista, solitaire et dsespr.

    Le brouillard ne sentait pas le sel et la mer. Il puait lapourriture et la putrfaction.

  • CHAPITRE ONZE

    Sophie hurla.Un homme de couleur trapu, vtu dune robe dun blanc

    sale, jaillit dune ruelle. Il lattrapa par les cheveux et la tiraen arrire. Experte en taekwondo, Sophie ragit sur-le-champ : elle sempara du poignet de son agresseur, pivota dequatre-vingt-dix degrs et dplia la jambe droite en unmagnifique yeop tchagi coup de pied latral. Le talon de salourde chaussure de randonne percuta la rotule de sonassaillant avec une force dvastatrice.

    Les yeux exorbits, il ouvrit grande la bouche, rvlant desdents pourries, la referma. Il neut pas le temps de crier carJosh lui dcocha un coup de poing au plexus. Alors quelhomme se pliait en deux, il en profita pour lassommer.

    Impressionnant, murmura Virginia Dare. Je ne suis passre que vous ayez besoin de ma protection, tous les deux.

    a va ? demanda Josh Sophie.Dune main tremblante, elle se frotta la tte. Des cheveux

    blonds lui restrent entre les doigts. On dirait que toutes ces annes dentranement nont

    pas servi rien tout compte fait. Merci de de mavoirsauve.

    Tu te dbrouillais bien toute seule. Le coup de piedsuffisait, mais je dteste quon touche ma sur.

    Merci. Jai promis de te protger, lui rappela-t-il, les joues

    colores. En effet, mais la dernire fois que je tai vuIl se rembrunit, haussa les paules, mal laise.

  • Je saisLa dernire fois quil avait crois sa sur, elle attaquait

    avec sauvagerie la belle Coatlicue. Horrifi, il lui avait tournle dos.

    Je ne sais toujours pas quoi penserSophie poussa un grand soupir. Moi non plus. Mais ici, dans cet endroit, il ny a plus que toi et moi,

    petite sur. Il ny a jamais eu que toi et moi, lui rappela-t-elle. Mme

    lors de notre enfance sur terre, la maison o que ce soitctait toi et moi contre le monde entier.

    Tu ne crois pas si bien dire !Josh sourit et Sophie le reconnut bien l. Cela me fait plaisir de te revoir, Josh. moi aussi. Je me suis tellement inquite pour toi. Les choses ont tIl sinterrompit pour chercher le mot exact. Dingues ? suggra Sophie. Humm Pire. Tu ne ten approches mme pas. Vos retrouvailles font chaud au cur, les interrompit

    Virginia. Mais pourrions-nous remettre cette conversation plus tard ?

    Elle poussa lhomme terre du bout de sa botte. Ilgrommela.

    Il est clair que