Les réserves d'eau

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Les réserves d'eau Le but de ces réserves est le ravitaillement en eau des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les incendies. Cet article permet de présenter les différentes techniques qui sont proposées à l'ingénieur pour réaliser ces ouvrages . Avant d'aborder ce sujet, il est nécessaire de préciser quelles sont les caractéristiques que doivent avoir ces points d'eau . Leur répartition et leur capacité sont fonction : d'enveloppes financières qui sont des données à priori; de la géographie de la zone à protéger et de l'emplacement des tranchées pare-feu; de la stratégie adoptée pour la lutte; des moyens dont il est prévu à la mise en oeuvre. Lorsque cela est possible, les réserves sont placées à des croisements de tranchées pare-feu ou à proximité d'axes de circulation pour leur permettre de desservir la plus grande surface à un minimum de frais. Cette disposition a aussi pour avantage de protéger les hommes et le matériel lors de l'opération de chargement . Une topographie douce est aussi un élément favorable. Les avis des pompiers sur les caractéristiques des points d'eau sont assez variables . On peut rapporter les suivants : une cuve de 120 m 3 tous les 4 km; - une cuve de 60 m 3 tous les 2 km; - 1 m 3 en moyenne pour 15 ha; 20 cuves de 10 m 3 pour 5 000 ha; Chaque densité est fonction de la zone à protéger, mais lorsque ces réserves doivent arrêter les grands incendies, il semble que la densité d'une citerne de 60 m 3 tous les 2 km de tranchée soit une solution optimum . Ceci correspond à une implantation de tranchées espacées de 2 km et à un éloignement moyen des points à protéger de 1,3 km . Cette capacité peut alimenter deux grosses lances ou quatre petites lances durant une heure. A l'heure actuelle les engins de lutte ont des capacités comprises entre 0,5 et 2 m 3 (le plus souvent 1,5 m 3 ) . Cette réserve de 60 m 3 permet donc d'alimenter un camion pendant plus de 2 heures (2 heures correspondent à 20 rotations de citerne de 1,5 m 3 par heure, donc un remplissage toutes les 3 minutes). Cette capacité de 60 m 3 semble bien être un volume judicieux. Il peut souvent être prudent de prévoir des capacités plus importantes par endroits, surtout lorsque les points d'eau civils sont assez éloignés. Comme on peut le constater, en matière d'implantation et de capacité des réserves, aucune doctrine n'est bien établie . Il faut aussi remarquer que les moyens de lutte peuvent évoluer et modifier les besoins. Ceci est le cas de l'augmentation de la capacité des véhicules et de l'utilisation possible des hélicoptères. Quelle que soit l'évolution de ces moyens, il faudrait connaître la manière dont les points actuels ont servi lors d'incendies . Cette observation est difficile car peu de réserves servent chaque année (2 sur 49 dans les Bouches-du-Rhône en 1974), et que dans ces cas, les pompiers ont d'autres préoccupations que celles de noter le fonctionnement d'un point d'eau . Pour pallier ce manque d'information, il pourrait être envisagé de charger un observateur de noter ce type de renseignements. Décrivons les différents procédés de stockage utilisés dans le cadre de la défense des forêts contre l'incendie . Après avoir évoqué les problèmes posés par les retenues collinaires, nous exposerons le cas des citernes classiques et celui de réserves moins répandues. Les ouvrages du type retenues collinaires ont été développés en Italie sur des terrains argileux étanches et dans le cadre d'exploitations agricoles . Les risques financiers et techniques pris par les maîtres d'ouvrages 308

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Les réserves d'eau

Le but de ces réserves est le ravitaillement en eau des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les incendies.Cet article permet de présenter les différentes techniques qui sont proposées à l'ingénieur pour réaliserces ouvrages . Avant d'aborder ce sujet, il est nécessaire de préciser quelles sont les caractéristiquesque doivent avoir ces points d'eau . Leur répartition et leur capacité sont fonction :

— d'enveloppes financières qui sont des données à priori;— de la géographie de la zone à protéger et de l'emplacement des tranchées pare-feu;

— de la stratégie adoptée pour la lutte;— des moyens dont il est prévu à la mise en oeuvre.

Lorsque cela est possible, les réserves sont placées à des croisements de tranchées pare-feu ou à proximitéd'axes de circulation pour leur permettre de desservir la plus grande surface à un minimum de frais.Cette disposition a aussi pour avantage de protéger les hommes et le matériel lors de l'opération dechargement . Une topographie douce est aussi un élément favorable.

Les avis des pompiers sur les caractéristiques des points d'eau sont assez variables . On peut rapporterles suivants :

— une cuve de 120 m 3 tous les 4 km;

- une cuve de 60 m 3 tous les 2 km;

- 1 m 3 en moyenne pour 15 ha;— 20 cuves de 10 m 3 pour 5 000 ha;

Chaque densité est fonction de la zone à protéger, mais lorsque ces réserves doivent arrêter les grandsincendies, il semble que la densité d'une citerne de 60 m 3 tous les 2 km de tranchée soit une solutionoptimum . Ceci correspond à une implantation de tranchées espacées de 2 km et à un éloignementmoyen des points à protéger de 1,3 km . Cette capacité peut alimenter deux grosses lances ou quatrepetites lances durant une heure.A l'heure actuelle les engins de lutte ont des capacités comprises entre 0,5 et 2 m 3 (le plus souvent1,5 m 3 ) . Cette réserve de 60 m 3 permet donc d'alimenter un camion pendant plus de 2 heures (2 heurescorrespondent à 20 rotations de citerne de 1,5 m 3 par heure, donc un remplissage toutes les 3 minutes).Cette capacité de 60 m 3 semble bien être un volume judicieux.

Il peut souvent être prudent de prévoir des capacités plus importantes par endroits, surtout lorsqueles points d'eau civils sont assez éloignés.Comme on peut le constater, en matière d'implantation et de capacité des réserves, aucune doctrinen'est bien établie . Il faut aussi remarquer que les moyens de lutte peuvent évoluer et modifier les besoins.Ceci est le cas de l'augmentation de la capacité des véhicules et de l'utilisation possible des hélicoptères.Quelle que soit l'évolution de ces moyens, il faudrait connaître la manière dont les points actuels ontservi lors d'incendies . Cette observation est difficile car peu de réserves servent chaque année (2 sur49 dans les Bouches-du-Rhône en 1974), et que dans ces cas, les pompiers ont d'autres préoccupationsque celles de noter le fonctionnement d'un point d'eau . Pour pallier ce manque d'information, il pourraitêtre envisagé de charger un observateur de noter ce type de renseignements.

Décrivons les différents procédés de stockage utilisés dans le cadre de la défense des forêts contrel'incendie . Après avoir évoqué les problèmes posés par les retenues collinaires, nous exposeronsle cas des citernes classiques et celui de réserves moins répandues.

Les ouvrages du type retenues collinaires ont été développés en Italie sur des terrains argileux étancheset dans le cadre d'exploitations agricoles . Les risques financiers et techniques pris par les maîtres d'ouvrages

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Les incendies de forêts

Réserve du type boudin en caoutchoux renforcé

Réserve réalisée au moyen d'une étanchéité du type bâche de camion

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pouvaient être assez importants (une bonne partie de ces ouvrages ont été détruits) et ceci est difficilementconcevable dans le cadre des travaux réalisés ou subventionnés par l'État . Les digues de retenuescollinaires ne présentent plus, actuellement les caractéristiques de rusticité et d'économie qu'elles pou-vaient avoir dans leur pays de naissance.

Une caractéristique essentielle de ces barrages est la petitesse de leur bassin versant . Plusieurs raisonsmilitent en faveur de cette faiblesse :

— limitation du coût des organes évacuateurs de crue;— limitation des risques d'engravement et de détérioration des organes de prise;— augmentation de l'altitude du plan d'eau.

Dans ces conditions, les rivières exploitées ne sont que très rarement pérennes, et se pose le problèmedu maintien du niveau de l'eau durant les périodes sans apport . La réduction des débits de fuite estune opération délicate et onéreuse lorsque les fondations du barrage ne sont pas argileuses . Les volumesd'eau retenus sont souvent faibles et ne peuvent pas tolérer des débits de fuites qui normalement sontacceptables . Dans cet esprit, il faut se souvenir qu'un débit de 1 I/s correspond à un volume de 10 000 m 3en 4 mois.

L'implantation des retenues est tributaire de conditions topographiques et géologiques et ne convientque rarement au dispositif de lutte envisagé . Il faut souvent compléter ce dispositif par une canalisationdont le coût n'est pas négligeable.

Les coûts de ces réserves sont élevés allant de 50000 à 400 000 F, le chiffre de 50000 F correspondantà des conditions géologiques très favorables . Il faudrait rajouter à ces chiffres les dépenses liées à l'entre-tien et à la surveillance des barrages.

Les points d'eau les plus habituels sont ceux réalisés en béton armé.

La plupart de ces cuves ont des capacités de 60 ou 120 m 3 . D'après leur technologie, on peut distinguertrois types :

— les cuves parallélépipédiques;

- les cuves circulaires coulées en place;— les cuves circulaires préfabriquées.

Les premières, si elles permettent l'utilisation de coffrages plans, donnent lieu à une mise en oeuvred'un volume de béton et d'armature nettement plus important que les suivantes . Elles sont aussiplus sensibles à la fissuration car les efforts y sont repris sous la forme de moments . Elles ne conviennentpas à la préfabrication.Les cuves circulaires coulées en place sont les plus classiques et ne présentent pas de particularité notable.Elles sont le plus souvent couvertes et leur remplissage se fait par recueil d'eau de pluie d'un impluvium.Ce dernier peut être préexistant à la cuve ou spécialement réalisé pour celle-ci et, dans ce cas, la surfaceétanchée est de 400 m2 pour une cuve de 60 m 3 (dans les Bouches-du-Rhône).

Dans un marché portant sur 15 cuves, on peut retenir les coûts suivants ramenés à l'unité.— Cuve 27 000 F— Impluvium 11 000 F— Décanteur 3 000 F—

Travaux annexes 9 000 F

50 000 F

Les systèmes de réception des eaux de pluie ne servent pas souvent car le premier remplissage estréalisé par les pompiers lors de la réception provisoire.

Les cuves préfabriquées sont circulaires ou polygonales . L'assemblage de la jupe se fait soit par boulonnagesoit par cerclage, le fond de la cuve étant coulé une fois la jupe mise en place . Les raccords entre lesplaques sont protégés au moyen de joints étanches . Dans le cas d'assemblage au moyen de cerces,le joint peut être placé entre les éléments et rester ainsi comprimé . Dans chacun des systèmes, les organesd'assemblage ne sont pas protégés de la rouille par le béton et il faut en tenir compte dans le choixdes aciers correspondants . La meilleure solution est naturellement un cachetage au mortier de cesaciers . Le coût de telles cuves est du même ordre que celui des cuves coulées en place . Les autres organeset le mode de remplissage sont aussi similaires.

Le transfert de l'eau dans les camions se fait soit par pompage, soit gravitairement au moyen de bornes.Ce dernier dispositif impose des contraintes assez onéreuses et est moins rustique que le premier.

La réalisation des points d'eau de type non classique suppose presque toujours l'utilisation de matériausynthétique du type plastomère ou élastomère . Les premiers, qui sont les plus économiques, perdentde leur caractéristique avec le temps et surtout lorsqu'ils sont soumis à l'action des rayons ultra-violets.Certains produits d'addition peuvent ralentir cette dégradation ainsi que certaines protections mécaniques.

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Ces dernières protègent aussi le matériau des dégâts que peuvent causer des chocs accidentels oudes personnes malveillantes.

Un premier type de réserve très rustique consiste en un trou tapissé d'une feuille étanche . Un ruissellementoccasionnel permet de remplir ce type de bassin . Pour limiter les risques d'apparition des sous-pressionsentraînant la rupture de l'étanchéité, il est préférable d'avoir un terrain d'assise perméable . Lorsquela résistance de l'étanchéité est faible, il est indispensable de la placer sur une forme en sable bien réglée(cas des feuilles butyl, chappe Acco ou matière plastique non armée) . L'emploi de matériaux plusrésistants (plastique armé type bâche de camion) ou épousant mieux le fond de forme (type colétanche),dispense d'une très bonne finition de la cuvette et du lit de sable, mais le rocher d'assise doit être légèrementperméable . Plusieurs ouvrages de ce type ont été réalisés pour des particuliers et donnent satisfactiondu point de vue de leur fiabilité lorsque la feuille étanche a un minimum de résistance mécanique (cequi n'est pas le cas de feuilles polyanes par exemple) . L'utilisation de matériau du type bâche de camionest assez répandue (PVC armé de fibre polyester 1 000 deniers) . Sa résistance mécanique est assezélevée et elle peut être traitée au moyen de produits anti-cryptogamiques et anti-ultra-violets . Son poidsde 630 g/m 2 et son prix de l'ordre de 15 F du m 2 en font un matériau rustique et économique . La bâchepeut être livrée munie d'ceillets qui facilitent son ancrage sur les berges . On peut penser qu'un tel systèmea une durée de vie minimale comprise entre 5 et 10 ans (une bâche placée depuis 4 ans donne actuellemententière satisfaction).

Dans la forêt de la Gardiole, l'Office national des forêts a mis en place 14 citernes en matière plastiquearmée pour une superficie de 5 000 ha . Leur capacité est de 10 m 3 , leur coût de l'ordre de 6 000 F.Elles ont pour objectif l'arrêt des feux à leur naissance, un ensemble plus diffus de grosses réservesétant prévu pour le cas de feux de grande importance . Les pompiers assurent leur remplissage et lemaintien du niveau en période sèche . Selon les capacités, elles sont soit entièrement, soit partiellementpréfabriquées en usine et installées à leur emplacement définitif . Elles peuvent être enterrées, semi-enterrées ou posées à même le sol . L'épaisseur de leur enveloppe leur permet de résister aux plombsde chasse et elles n'ont pas subi de déprédation durant leurs deux années d'existence . On peut remarquerque le coût du m 3 stocké est du même ordre que celui des classiques cuves en béton.

Les pompiers du Var disposent d'une réserve démontable formée d'une armature métallique et d'unebâche (citerne du commandant Rigoulot) . Son rôle essentiel est de permettre la rupture de chargelorsqu'il y a transfert de l'eau des gros porteurs aux engins de lutte.

Sur l'île de Porquerolles ainsi que dans certaines propriétés privées, ont été utilisées des réserves d'eausous forme de boudins en élastomère armé remplis d'eau . Ils sont munis de systèmes de branchementrapide pour le soutirage et le remplissage . Leur capacité peut aller jusqu'à 100 m 3 et, pour ce volume,elles reviennent, toutes installées, à un coût de 13 000 F . Les déprédations sont à craindre sur ce typed'ouvrages, s'ils ne sont pas protégés par une couverture de terre ou un autre système.

La Direction départementale de l'agriculture du Var va créer des réserves d'eau enterrées d'un typeparticulier . Elles consisteront en une fosse tapissée d'une étanchéité mince, remplie de galets et recouverted'une chaussée empêchant le colmatage des galets . Les vides des pierres seront remplis d'eau, et l'exploi-tation du système se fera par pompage dans un puits . Ce système très rustique est peu vulnérable et

PuitsChaussée

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économique . Pour avoir un service équivalant à celui d'une cuve de 60 m 3 , il faut prévoir une fossede l'ordre de 300 m 3 et une dépense de l'ordre de 15 000 F.

On peut citer, pour mémoire, les citernes métalliques qui ne sont pas assez économiques et demandentplus d'entretien.L'examen de ces différents types de réservoir nous a conduit à formuler les quelques remarquessuivantes :

— une réserve du type cuve ne sert au mieux qu'une année sur dix;— dans ces conditions, on peut très bien admettre que l'ouvrage est détérioré après avoir servi,

ce qui serait le cas de boudins enterrés;— le remplissage au moyen de transporteurs est à envisager plutôt que de réaliser des impluviums

coûteux . Le coût du transport de 60 m 3 d'eau sur une distance de 10 km est au maximum de 300 F;— tous ces ouvrages demandent un minimum d'entretien et de surveillance pour être sûr de leur

fiabilité ;— les ouvrages économiques peuvent facilement être détériorés par malveillance, mais ce risque

n'a que très rarement été testé, pas plus que les moyens de protection (clôture, couverture . . .) corres-pondants . La différence de coût des divers systèmes permet peut-être d'envisager de prendre uncertain risque en la matière.

N .B . — Les prix indiqués sont ceux de 1974 .

Francis KERNIngénieur du G .R .E.F.

CENTRE TECHNIQUE DU GÉNIE RURALDES EAUX ET DES FORETS

Groupement d 'Aix-en-Provence

B .P . 92 - Le Tholonet13100 AIX-EN-PROVENCE

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