Les rois de France à Lyon

13
1 Les rois de France à LYON Jean-Jacques TIJET Savez-vous que des voix s’élevèrent fin 1789 pour inciter Louis XVI à quitter Paris et à transférer la capitale de la France à Lyon… afin de prouver qu’il est libre et non retenu prisonnier 1 ? On sait qu’il n’en fut rien mais cela prouve, au moins, la place prépondérante que tenait Lyon sous l’Ancien régime ! Notre cité – aïeule des villes de France - doit sa prospérité à son enviable position : Hier point de départ de 5 grandes voies militaires romaines 2 , vers l’Atlantique (Saintes), vers la Manche et la mer du Nord (Boulogne par Reims), vers le Rhin (Trèves par Langres), vers l’Italie en traversant les Alpes et vers le Sud (Marseille par Arles), Aujourd’hui elle est au confluent de deux « fleuves » (n’évoquons pas le troisième… 3 ) dont l’un - le Rhône - a été qualifié d’ornière du monde par Frédéric Mistral et d’espèce de Rhin français par Théophile Gautier et l’autre - la Saône - relie le nord au sud de la France ; en réalité l’un prolongé de l’autre connecte le « monde des brumes » au « monde des lumières 4 » (l’Europe du Nord aux pays méditerranéens). A toutes les époques, débouché de plusieurs pays ou régions, d’accès facile et sans entrave, il lui sera facile de se situer en place marchande incontournable et de participer à tous les courants de pensées qui animeront l’Europe occidentale durant les siècles. Cependant il faut remarquer qu’elle s’est développée selon un plan urbain complètement atypique puisque sa cathédrale, primatiale des Gaules depuis 1079, n’est pas au coeur de la cité mais à l’écart du quartier économique (la fameuse « presqu’île », entre Saône et Rhône) et présente sa façade à une colline, Fourvière et son chevet à une rivière, la Saône. Sans vouloir remonter au déluge, plusieurs empereurs romains séjournèrent quelques années à Lugdunum 5 du temps de sa première splendeur (les 2 premiers siècles de notre ère – en réalité avant un certain jour de février 197 durant lequel les légions de l’empereur Septime Sévère, vainqueur de celles d’Albin sous les portes de la cité, dévastent, pillent et incendient la riche et célèbre capitale des Gaules) tels Auguste, Caligula et Claude qui d’ailleurs était né dans la cité 6 . Ensuite Lyon a été durant le V e siècle la capitale – en partage avec Genève, dit-on - d’un éphémère royaume burgonde (territoire de Langres à Avignon en passant par Nevers et Grenoble comprenant la Savoie actuelle), « fédéré » à l’Empire romain d’Occident (Rome a choisi cette solution pour contrôler l’installation de ce peuple germanique sur son territoire). Il prendra fin en 534 conquis définitivement par les Francs (une célèbre bataille entre les troupes du roi franc Clodomir I er et celles 1 Lettre de Joseph Mathon de la Cour du 6 décembre 1789 citée par F.M Fortis dans son Voyage historique et pittoresque à Lyon 2 Ce réseau de voies romaines (sauf celle menant vers l’Italie, plus ancienne) est connu sous le nom de Via Agrippa du nom de celui qui les a créées vers 20 av. J.-C. (sous l’empereur Octave Auguste). La voie vers l’Italie rejoignait à Bourgoin celle qui partait de Vienne 3 D’après Léon Daudet qui a écrit que Lyon est une ville arrosée par 3 grands fleuves, le Rhône, la Saône et le Beaujolais… 4 D’après Gilbert Tournier ancien directeur de la Compagnie Nationale du Rhône 5 Lugdunum est la ville romaine (rive droite de la Saône), Condate est la ville gauloise de la tribu des Ségusiaves (rive gauche de la Saône avant le confluent avec le Rhône qui se situait à cette époque beaucoup plus en amont qu’aujourd’hui, vers Ainay) 6 Caracalla est également né à Lyon en 188 (fils de Septime Sévère qui était à l’époque « gouverneur » de la Lyonnaise)

description

Panorama de tous les séjours des souverains français (rois et empereurs) à Lyon

Transcript of Les rois de France à Lyon

Page 1: Les rois de France à Lyon

1

Les rois de France à LYON Jean-Jacques TIJET

Savez-vous que des voix s’élevèrent fin 1789 pour inciter Louis XVI à quitter Paris et à

transférer la capitale de la France à Lyon… afin de prouver qu’il est libre et non retenu prisonnier1 ? On sait qu’il n’en fut rien mais cela prouve, au moins, la place prépondérante que tenait Lyon sous l’Ancien régime !

Notre cité – aïeule des villes de France - doit sa prospérité à son enviable position :

Hier point de départ de 5 grandes voies militaires romaines2, vers l’Atlantique (Saintes), vers la Manche et la mer du Nord (Boulogne par Reims), vers le Rhin (Trèves par Langres), vers l’Italie en traversant les Alpes et vers le Sud (Marseille par Arles), Aujourd’hui elle est au confluent de deux « fleuves » (n’évoquons pas le troisième…3) dont l’un - le Rhône - a été qualifié d’ornière du monde par Frédéric Mistral et d’espèce de Rhin français par Théophile Gautier et l’autre - la Saône - relie le nord au sud de la France ; en réalité l’un prolongé de l’autre connecte le « monde des brumes » au « monde des lumières4 » (l’Europe du Nord aux pays méditerranéens). A toutes les époques, débouché de plusieurs pays ou régions, d’accès facile et sans entrave, il lui sera facile de se situer en place marchande incontournable et de participer à tous les courants de pensées qui animeront l’Europe occidentale durant les siècles. Cependant il faut remarquer qu’elle s’est développée selon un plan urbain complètement atypique puisque sa cathédrale, primatiale des Gaules depuis 1079, n’est pas au cœur de la cité mais à l’écart du quartier économique (la fameuse « presqu’île », entre Saône et Rhône) et présente sa façade à une colline, Fourvière et son chevet à une rivière, la Saône.

Sans vouloir remonter au déluge, plusieurs empereurs romains séjournèrent quelques années

à Lugdunum5 du temps de sa première splendeur (les 2 premiers siècles de notre ère – en réalité avant un certain jour de février 197 durant lequel les légions de l’empereur Septime Sévère, vainqueur de celles d’Albin sous les portes de la cité, dévastent, pillent et incendient la riche et célèbre capitale des Gaules) tels Auguste, Caligula et Claude qui d’ailleurs était né dans la cité6.

Ensuite Lyon a été durant le Ve siècle la capitale – en partage avec Genève, dit-on - d’un éphémère royaume burgonde (territoire de Langres à Avignon en passant par Nevers et Grenoble comprenant la Savoie actuelle), « fédéré » à l’Empire romain d’Occident (Rome a choisi cette solution pour contrôler l’installation de ce peuple germanique sur son territoire). Il prendra fin en 534 conquis définitivement par les Francs (une célèbre bataille entre les troupes du roi franc Clodomir Ier et celles

1 Lettre de Joseph Mathon de la Cour du 6 décembre 1789 citée par F.M Fortis dans son Voyage historique et pittoresque à

Lyon 2 Ce réseau de voies romaines (sauf celle menant vers l’Italie, plus ancienne) est connu sous le nom de Via Agrippa du nom

de celui qui les a créées vers 20 av. J.-C. (sous l’empereur Octave Auguste). La voie vers l’Italie rejoignait à Bourgoin celle qui

partait de Vienne 3 D’après Léon Daudet qui a écrit que Lyon est une ville arrosée par 3 grands fleuves, le Rhône, la Saône et le Beaujolais…

4 D’après Gilbert Tournier ancien directeur de la Compagnie Nationale du Rhône

5 Lugdunum est la ville romaine (rive droite de la Saône), Condate est la ville gauloise de la tribu des Ségusiaves (rive gauche

de la Saône avant le confluent avec le Rhône qui se situait à cette époque beaucoup plus en amont qu’aujourd’hui, vers Ainay) 6 Caracalla est également né à Lyon en 188 (fils de Septime Sévère qui était à l’époque « gouverneur » de la Lyonnaise)

Page 2: Les rois de France à Lyon

2

burgondes de Gondemar a eu lieu à Vézeronce près de Morestel en juin 524 et - à ma connaissance - c’est une des rares confrontations militaires qui ne donne pas lieu à un vainqueur et à un vaincu distincts et reconnus, match nul en quelque sorte… il y a bien eu Qadesh mais c’était il y a bien longtemps !).

Mais la Burgondie n’est pas la France et le premier souverain français de passage à Lyon (qui,

rappelons-le, est encore terre d’Empire germanique) est Philippe II Auguste qui, parti de Vézelay le 4 juillet 1190 et accompagné du roi d’Angleterre Richard Ier, se dirige vers l’Orient pour libérer les Lieux saints (c’est, pour nous aujourd’hui, la 3e croisade et Richard y gagnera le surnom de Cœur de Lion). On ne sait pratiquement rien sur leur séjour ; tout juste s’accorde-t-on pour signaler que les 2 rois descendirent la vallée du Rhône ensemble pour se séparer ensuite, l’un Philippe se dirigeant vers Gênes et l’autre Richard vers Marseille. Seul un terrible accident est resté longtemps dans la mémoire collective lyonnaise : le premier pont sur le Rhône, construit en bois qui aboutissait rive droite dans le prolongement de la rue Confort actuelle …fut tellement ébranlé par le passage des troupes qu’il s’écroula sous le poids des bagages qui suivaient et entraina avec lui les énormes chariots et une quantité d’hommes et de femmes qui furent noyés7… La construction d’un nouveau pont en pierre – un peu plus en aval - fut ainsi décidée, l’ancêtre » du pont de la Guillotière ! Achevé définitivement à la fin du XVIe siècle il sera détruit en 1954 pour laisser la place à celui que nous empruntons aujourd’hui.

Son fils, le prince Louis arrive à Lyon le 19 avril 1215. Ayant fait vœu de croisade, il se rend

dans le Midi rejoindre les barons français réunis à l’appel du pape Innocent III pour combattre les ennemis de l’Eglise (les cathares). Onze ans plus tard (en mai 1226) il passe à Lyon de nouveau – mais il est devenu le roi Louis VIII - à la tête d’une prodigieuse armée pour combattre l’hérésie albigeoise8. C’est à cette occasion que les historiens évoquent pour la première fois comme lieu de résidence de la suite royale, le monastère de Saint-Just (le fameux cloître Saint-Just) où l’église et les vastes bâtiments religieux sont protégés par de hautes murailles et des tours (il sera pillé et en partie rasé par les protestants du baron des Adrets durant l’été 1562).

Son petit-fils quant à lui – Louis IX ou Saint Louis au choix – passe aussi par Lyon pour se

rendre en Terre sainte. La première fois en juin 1248 où – en compagnie de ses frères Robert, Alphonse et Charles - il rencontre le pape Innocent IV qui le bénit solennellement (malgré cela, sa croisade – la 7e pour nous – ne sera pas glorieuse car il y sera fait prisonnier ; le souverain pontife séjourne au cloître Saint-Just pour se protéger des agissements de l’empereur germanique Frédéric II qu’il avait déposé durant le concile de 1245, tenu ici même à Lyon) et une seconde fois fin mars 1270.

Son cercueil, conduit par son fils le nouveau roi, Philippe III , transite par Lyon en avril 1271 (il ne contient que des ossements car, dès sa mort survenue à Tunis le 25 août 1270, le corps du presque saint a fait l’objet d’âpres marchandages, ses chairs et entrailles ont été récupérées par son frère Charles, roi de Sicile et de Naples et entreposées dans un autel de la cathédrale de Monreale près de Palerme).

Philippe IV le Bel séjourne en mars 1312 à Lyon (il loge au cloître Saint-Just) où l’archevêque

(en perpétuel conflit avec les bourgeois qui avaient pris l’habitude de recourir au roi de France) consent à le reconnaître comme suzerain et lui laisse la juridiction temporelle sur le Lyonnais (Lyon devient ainsi terre de France) ; mais le but du voyage est Vienne où a lieu un concile présidé par le pape Clément V ; entouré de ses frères et de ses fils et suivi de toute la cour… et d’une armée, il impose aux souverain pontife, cardinaux, évêques et abbés la condamnation et la suppression pure et simple de l’ordre du Temple (avril 1312).

C’est la deuxième fois qu’il vient à Lyon car il a assisté, le 15 novembre 1305 dans l’église du monastère de Saint-Just, à la cérémonie de sacrement du nouveau pape, l’archevêque de Bordeaux Bertrand de Got, sous le nom de Clément V (ce sera le premier pape à aller se réfugier à Avignon et n’ira jamais ni à Rome ni en Italie). A cette occasion l’histoire d’un fait divers a traversé les siècles. L’usage était que « le nouveau souverain pontife montre publiquement son couronnement

7 André Steyert dans la Nouvelle histoire de Lyon

8 Il meurt de dysenterie, à son retour, au château de Montpensier (en Auvergne) le 8 novembre de la même année

Page 3: Les rois de France à Lyon

3

à tout le peuple ». Les Lyonnais, avides de distraction et conscients de la portée exceptionnelle de l’évènement, se dirigent en masse sur les lieux que doit emprunter le cortège composé à la fois de hauts dignitaires ecclésiastiques et de grands barons. Certains montent sur un mur, reliquat de l’antique enceinte romaine de la ville qui, surchargé, s’effondre juste au moment du passage de la procession. Des morts sont à déplorer dont le propre frère du pape et Jean II, duc de Bretagne… et la tiare – coiffure d’apparat et symbole de la fonction papale - se retrouve par terre (mauvais présage ?) mais, Dieu merci, on retrouvera le magnifique et précieux rubis qui l’ornait9 !

Si le volontaire et autoritaire roi de France s’est déplacé, c’est bien évidemment pour des raisons politiques : il est venu faire pression sur le nouveau pape pour qu’il abroge une bulle de Boniface VIII qui impliquait la sujétion [au pouvoir spirituel] des souverains temporels dans leurs actes de gouvernement ; cette doctrine ne pouvait être acceptée par Philippe soucieux de son indépendance et il obtient satisfaction le 3 février 1306.

Lorsque le fils aîné de Philippe IV le Bel, Louis X le Hutin meurt le 5 juin 1316, son frère puîné

Philippe est à Lyon. Pour s’en retourner à Paris au plus vite afin de régler en sa faveur cette exceptionnelle succession (c’est la première fois depuis l’avènement d’Hugues Capet en 987 qu’un roi décède sans un fils susceptible de lui succéder) il s’empresse d’enfermer – en murant portes et ouvertures - les 23 cardinaux participant au conclave (… il avait la charge officieuse de faire nommer un pape favorable aux intérêts français) dans le monastère des Jacobins (dont les bâtiments s’étendaient de l’actuel place du même nom jusqu’à la place Bellecour) ; il pense ainsi faciliter l’élection du successeur de Clément V mort le 20 avril 1314 ! De retour à Paris, il se fera nommer régent par le Conseil royal le 13 juillet et le 2 février 1317 il devient roi après la mort du fils posthume de son frère, Jean Ier et… en écartant Jeanne, la demi-sœur de Jean et fille aînée du défunt roi, selon le principe que « femme ne succède pas au royaume de France »10. Pour la postérité il est connu sous le nom de Philippe V le Long .

C’est dans la capitale des Gaules que, sous le règne de Philippe VI de Valois, le futur Charles

V (il a 11 ans) accompagné de son père Jean de France (le futur roi Jean II dit par erreur le Bon) devient le premier dauphin de Viennois. Le comte Humbert II, sans héritier et perclus de dettes, se dessaisit solennellement du Dauphiné et des attributs de sa souveraineté le 16 juillet 1349 au couvent des Jacobins. Le titre de dauphin de Viennois sera ensuite porté par le fils aîné du roi de France… ainsi les Dauphinois, jusque là indépendants, gardaient l’illusion de conserver un prince qui ne régnait que sur eux11.

Selon certaines sources12 Jean II le Bon serait passé à Lyon à l’automne 1362 en se rendant

à Avignon afin de s’entretenir avec le pape Innocent VI au sujet d’une croisade contre les Turcs qui permettrait d’enrôler les mercenaires des Grandes Compagnies qui ravagent alors le royaume de France. Certains évoquent aussi d’autres objectifs à ce voyage, le roi demanderait au pape de l’aider à rembourser sa rançon13 et l’autorisation de marier son fils à Jeanne de Naples. Mais Innocent VI meurt quelques jours avant l’arrivée du roi ! A Lyon, selon Marie José de Belgique14 dans son livre La Maison de Savoie il aurait été accompagné par le comte de Savoie Amédée VI15

9 D’après Jean Favier dans son livre Les Papes d’Avignon… qui doit se référer au chroniqueur du XVI

e siècle Guillaume

Paradin 10

Pour plus de détails lire ou relire Les Rois Maudits de Maurice Druon ou n’importe quel livre qui évoque la Guerre de Cent

Ans. 11

Maurice Druon dans son 7e tome des fameux Rois maudits Quant un roi perd la France

12 L’historien lyonnais André Steyert dans sa Nouvelle Histoire de Lyon n’évoque pas cette visite

13 Le traité de Brétigny de mai 1360 signé entre la France et l’Angleterre libère le roi Jean II de sa captivité anglaise mais la

rançon de 3 millions d’écus d’or n’a pas été versée en totalité 14

C’est la dernière reine d’Italie puisqu’épouse d’Humbert II qui régna quelques jours en 1946. Son livre est essentiellement

axé sur les comtes qu’elle nomme les « illustres Amédée » des XIVe et XV

e siècles

15 Pour éviter l’insécurité des routes de France il est passé par la rive gauche de la Saône, territoire appartenant à la Savoie

Page 4: Les rois de France à Lyon

4

(et de sa femme Bonne de Bourbon qui a dû voir son cousin germain16 pour la dernière fois) qui l’aurait logé dans son hôtel particulier près du port du Temple (port sur la Saône, à l’emplacement du quai des Célestins aujourd’hui et sur lequel débouche une rue de Savoie !).

Charles VI entreprend de septembre 1389 à février 1390 un voyage politique et diplomatique

en Avignon – où réside le pape Clément VII – et en Languedoc. Il est accueilli à Lyon le 14 octobre d’une façon remarquable et séduit les Lyonnais par sa fière allure, sa gentillesse et son sérieux à écouter leurs doléances… mais il est vrai que c’était avant sa terrible et impitoyable maladie. Sébastien Charléty dans sa renommée Histoire de Lyon raconte « …le cortège était composé de cinq cents bourgeois à cheval vêtus de rouge et précédés de trompettes ; cinq cents enfants vêtus de tuniques bleues fleurdelisées faisaient la haie… sur le parcours, des fontaines répandaient du vin blanc… On se divertit et on dansa quatre jours ».

C’est sous le règne de Charles VI en 1420 que le futur Charles VII – qui assure la régence

durant les « absences » (en réalité la démence) de son père– de passage à Lyon après le désastreux traité de Troyes (il se rend dans les territoires du sud de la France qu’il contrôle… pour se faire connaître, exalter les fidélités, agréger les rétifs et les hésitants au mouvement qu’il incarnait17) crée 2 foires à Lyon à l’instar de celles de Champagne tombées peu à peu en désuétude. Ensuite en tant que roi, en 1443 il porte ces foires au nombre de 3 et Louis XI en 1462 à 4. Elles ont lieu en janvier (Epiphanie), en avril (Pâques), en août et en novembre (Toussaint) et duraient 15 jours ; elles sont franches c'est-à-dire que les marchandises, soit à leur entrée soit à leur sortie, étaient exemptes de tout impôt et charge. Elles sont le point de départ de la « fortune » et de la prospérité de Lyon. Elles sont aussi à l’origine, dit-on, de deux institutions qui font partie, aujourd’hui encore, du paysage économique : le Change (devenu la Bourse) qui faisait le compte des créances et dettes des marchands et le Tribunal de la Conservation (devenu le Tribunal de commerce) responsable des litiges.

Dans des temps meilleurs – la fin approche, à l’avantage de la France, de l’abominable guerre de Cent Ans - Charles VII reviendra à Lyon, fin 1433 et fin 1436 (il y fête Noël en compagnie du dauphin Louis) à chaque fois sur la route de sa « bonne » province du Languedoc qui … l’avait constamment soutenu, ne ménageant ni les subsides ni les hommes18.

C’est de Lyon que son fils, Louis XI , dirige ses ultimes manœuvres diplomatiques et militaires

contre son « vieil » ennemi le duc de Bourgogne Charles le Téméraire. Il y apprend - avec joie - les victoires de ses alliés, les Suisses, à Grandson et à Morat durant le printemps 1476 ; il y reçoit même le Bon Roi René, son oncle, venu faire amende honorable en consentant à rompre tous liens avec le duc (René d’Anjou a hérité du royaume de Naples… mais n’a jamais réussi à le conquérir ; en réalité il a été un piètre stratège militaire et politique mais un mécène avisé !). Selon S. Charléty la ville aurait reçu le roi de France avec un déploiement de luxe (mais à quelle date ?). On dit aussi qu’il se serait rendu sur la colline de Fourvière afin de prier la Vierge – qu’il vénérait particulièrement - dans la chapelle édifiée en 1168.

A la fin du Moyen Age et au début de la Renaissance (fin du XVe et début du XVIe siècle) l’entrée

solennelle d’un roi et de sa nombreuse suite à Lyon faisait place à tout un ensemble de fêtes et de cérémonies parfaitement organisées… qui peuvent nous étonner aujourd’hui par leur magnificence. Mais à la fin d’une époque tourmentée caractérisée par d’immenses désordres et de profondes misères et durant laquelle la France a failli disparaitre, ces réjouissances représentent une occasion (et elles étaient peu nombreuses) pour toutes les couches de la population de se divertir tout en montrant leur dévouement et leur attachement à leur souverain.

16

Elle était la fille d’Isabelle de Valois, sœur de Philippe VI de Valois, le père de Jean II 17

Georges Bordonove dans son « énorme » livre Les Valois 18

G. Bordonove. Etonnant et remarquable cette fidélité à la cause capétienne quand on connaît la répression que cette

province a subie au début du XIIIe siècle… après la révolte des cathares !

Page 5: Les rois de France à Lyon

5

Ce sont les rois de la dynastie des Valois, « hommes politiques » médiocres, inconséquents et irréfléchis – à l’exception de Charles V et Louis XI – mais épris de faste, qui ont lancé ce rituel d’entrée solennelle dans leurs « bonnes villes » et, à Paris la tradition a perduré jusqu’à la Révolution.

L’entrée a lieu par le nord (si le roi vient de Paris ou de la vallée de la Loire) et par la rive droite de la Saône. Le roi et une partie de sa suite ont pu séjourner la veille dans l’abbaye bénédictine de l’île Barbe encore puissante à cette époque. Il entre dans Lyon – il monte le plus souvent un cheval blanc et porte l’habit royal, rouge et blanc - par la porte Bourgneuf ou Pierre-Scize (et sur laquelle était gravée la devise UN DIEU, UN ROI, UNE FOI, UNE LOI) et reçoit l’hommage des 12 consuls de la ville ; elle est située à peu près où les collines de Fourvière et de la Croix-Rousse sont les plus rapprochées (le rocher de la Thune a été, durant l’époque romaine, « tranché » afin d’aménager une voie, « petra incisa » d’où « pierre encize » puis « pierre scize »). Au dessus se dresse encore le fameux château qui, depuis la fin du XIIe siècle, est la demeure de l’archevêque de Lyon. C’est plutôt une forteresse (flanquée d’un donjon circulaire) qui deviendra une prison au XVIe siècle et ainsi placée elle représente symboliquement le pouvoir sur la cité. Les révolutionnaires lyonnais l’ont bien compris… puisqu’ils l’ont investie, à l’image de la Bastille à Paris en 1789, puis détruite en 1793. Presque en face, rive gauche donc, s’élève un autre bastion, le fort St-Jean (au dessus du grenier d’Abondance actuel) ce qui fait que l’entrée dans la cité devait être étonnante et particulière avec cette gorge étroite entourée de fortifications succédant à de larges rives champêtres et paisibles !

Charles VIII (roi depuis la mort de son père Louis XI en 1483) fait son entrée à Lyon le 6 mars

1494 (il a 24 ans) puis accompagné de sa femme Anne de Bretagne (elle a 17 ans) le 15, c’est une entrée solennelle donc accompagnée des fêtes et des réjouissances habituelles : habits somptueux, chars et litières recouverts de velours, simulacre de combats navals sur la Saône, représentations de jeux et de mystères, etc. La ville se croit obligée de frapper une médaille commémorative avec le roi à l’avers et la reine au revers, on considère aujourd’hui que c’est la première de ce genre.

Louis Bourgeois a raison d’écrire « Lyon a choisi d’éclore à la fin du XVe siècle19 ». On peut dire en effet que, dès ce mois de mars 1494, la cour de France s’installe à Lyon qui devient alors un lieu incontournable de pouvoir… et de plaisir car le roi, pendant 5 mois, pense surtout à s’amuser et va de débauche en débauche d’après G. Minois20. Il part en Italie fin août pour une campagne menée en raison d’hypothétiques droits sur la couronne de Naples et revient à Lyon le 7 novembre 1495 où il fait une entrée triomphale par la porte du pont du Rhône (à l’emplacement de la place Gabriel Péri aujourd’hui et le pont est celui de la Guillotière qui sera le seul pont sur le Rhône jusqu’au XVIIIe siècle avec ses 20 arches et ses 500m de long) qui donne l’occasion de fêtes, tournois, joutes, banquets et célébrations de toute sorte. Son expédition transalpine n’a pas été couronnée de succès mais, au moins, elle a eu le mérite de faire découvrir aux Français une civilisation raffinée et brillante et les artistes italiens du Quattrocento. Quant à l’autre impérissable souvenir – moins prestigieux - ramené par l’armée royale c’est le « mal italien » (appelé « mal français » par les Italiens…) ; c’est ainsi que l’hôpital du Pont du Rhône (à l’emplacement de l’Hôtel-Dieu actuel, où le docteur Rabelais exercera dans les années 1535 ; ses origines remonteraient à la fin du XIIe) devient le premier hôpital spécialisé dans le soin des maladies vénériennes ! Durant les années 1496 et 1497 Charles (qui a toujours la volonté un peu bornée de retourner en Italie reconquérir Naples et ce, jusqu’à sa mort le 7 avril 1498) et Anne font de fréquents séjours à Lyon.

Son cousin Louis d’Orléans lui succède non seulement sur le trône – et devient Louis XII -

mais également dans le lit d’Anne de Bretagne puisqu’il l’épouse le 8 janvier 1499. Lui aussi est atteint de la même « maladie » que son prédécesseur : l’Italie ; il rêve, lui, du duché de Milan qu’il considère être son légitime héritage par sa grand-mère Valentine Visconti, fille d’un duc de Milan à

19 Ainsi commence son livre intitulé Quand la cour de France vivait à Lyon (1491-1551) 20

Dans son livre Anne de Bretagne

Page 6: Les rois de France à Lyon

6

la fin du XIVe siècle. Bien sûr ils résident souvent à Lyon, en 1499, 1500, 1502, 1503, 1505, 1507, 1509, 1511. Le 21 juillet 1500 c’est de Lyon que Louis XII informe les échevins de Troyes qu’il a donné rendez-vous, dans leur cité le 12 août, aux ambassadeurs du Saint Empire ; malheureusement l’entrevue sera annulée et ce n’est que le 15 avril 1510 qu’il fera une entrée solennelle (la dernière effectuée par ce monarque mais d’après le chroniqueur de l’époque, Jean de Saint-Gelais … la plus belle) dans la capitale de la Champagne, une des plus admirables villes de son royaume. Le 17 juillet 1507 – après avoir maté la rébellion des Génois en avril et effectué une tournée triomphale dans le Milanais – il fait une entrée solennelle à Lyon par la porte du Pont du Rhône et est reçu par la population avec tous les égards et honneurs dus à son titre décerné par les Etats Généraux réunis à Tours l’année précédente de « père de son peuple » ! Cependant il faut dire que certains bourgeois lyonnais ont un peu renâclé en laissant clairement entendre que le roi avait déjà connu beaucoup de réceptions et réjouissances… car, bien entendu, ce sont les finances locales qui règlent les notes des décorations, banquets et costumes. D’autre part quel est l’état d’esprit des nombreux « Italiens » de Lyon - Florentins, Génois, Lucquois, Milanais entre autres - qui se sont installés dans la cité pour commercer et qui participent à sa prospérité, obligés de payer pour des réjouissances aux dépens de leurs compatriotes ?

Six mois après avoir remplacé son cousin, François I er s’engage, lui aussi, dans l’aventure

italienne et entre à Lyon le 12 juillet 1515. Il semble que la cité ait reçu le jeune roi (il a 21 ans) avec faste. Après avoir été accueilli solennellement à la porte de la ville, il parcourt la cité où les rues sont recouvertes de sable et toutes les façades décorées de tapisseries et draperies ; à intervalle régulier des colonnes sont disposées et sur chacune d’elles une jeune fille porte une lettre du nom du roi que l’on rapproche à une vertu (F comme Foi, R comme Raison, etc.) et déclame un poème au sujet de celle-ci. Parfois des spectacles mis en scène par les grandes familles de la ville permettent au roi de se divertir et surtout de se reconnaître par l’intermédiaire d’allégories comme ce tableau animé qui le représente en Hercule cueillant les fruits du jardin des Hespérides ! Bien entendu l’itinéraire est parsemé d’arcs de triomphe à la gloire du monarque.

Les nombreux séjours à Lyon (en 1516, 1522, 1523, 1533, 1535, 1536, 1537, 1539 entre autres) de ce « Prince de la Renaissance » étaient toujours intéressés… ou presque ; comme les ressources traditionnelles de la Couronne s’avèrent insuffisantes pour couvrir toutes ses dépenses (guerres, représentation, construction, etc.) il fait appel à l’emprunt et s’adresse particulièrement aux banquiers établis dans la cité (la plupart sont d’origine italienne comme Thomas Gadagne - Guadagni à Florence - mais Jean Cléberger connu sous le surnom de « bon Allemand » fait exception) qui agissaient soit par intérêt politique (gagner le soutien de la France pour leurs projets dans la péninsule) soit par lucre (taux de crédits très élevés, parfois plus de 40%).

C’est à Lyon qu’un héraut se présente le 29 mai 1522 pour déclarer la guerre à la France de la part du roi d’Angleterre Henri VIII ! Durant ses campagnes militaires italiennes (1515 et 1525) sa mère Louise de Savoie assure la régence ; elle s’installe alors au monastère de Saint-Just et apprend ainsi le 1er mars 1525 la défaite de Pavie, elle y restera jusqu'à la libération de son fils en février 1526.

Son séjour début novembre 1533 est particulier. Il revient – avec un cortège évalué à plusieurs milliers de personnes - de Marseille où il a assisté le 28 octobre au splendide mariage de son 2e fils Henri duc d’Orléans avec Catherine de Médicis. Il apprend avec effarement que l’Université de Paris est en effervescence et en plein désordre à la suite d’un sermon prononcé le jour de la Toussaint. S’il a été prononcé par le recteur, son auteur est Jean Calvin. Le texte fait la part belle à la réforme de l’Eglise en mettant en doute la validité des dogmes de la religion catholique. François Ier adresse alors au Parlement de Paris – l’Université était sous sa juridiction – les bulles que lui avait remises le pape Clément VII à Marseille lui donnant tous les droits pour enrayer les progrès de l’hérésie luthérienne. C’est le début des troubles religieux qui vont opposer les tenants d’un catholicisme ancestral aux partisans d’une réforme profonde de l’Eglise (les protestants)21.

21

Voir mon texte sur Wassy, le 1er

mars 1562 pour approfondir les différences entre « les 2 religions ».

Page 7: Les rois de France à Lyon

7

Son fils Henri d’Orléans lui succède sous le nom d’Henri II le 31 mars 1547 (le dauphin François est mort à Tournon le 10 août 1536). Au retour d’un voyage à Turin il est accueilli triomphalement le 23 septembre 1548 à Lyon. En réalité, la cité fait fête à un « trio royal » car si il est accompagné de la reine Catherine de Médicis, il l’est également de sa femme de cœur, Diane de Poitiers. Le grand organisateur de la réception aurait été le chef de file de la poésie lyonnaise du XVIe siècle, Maurice Scève qui aurait aussi dessiné décors et costumes. Il a fait preuve d’originalité en privilégiant la mythologie païenne aux dépens des légendes chrétiennes et en inaugurant un nouveau cérémonial : le souverain ne défile pas mais reçoit, confortablement assis sur un trône, tous les notables de la ville qui viennent lui rendre hommage ! La loge royale était située près du « logis du Mouton » à Vaise (rive droite, place du port Mouton aujourd’hui) ; elle était couverte d’un drap de soie verte, filé d’argent aux chiffres royaux (le fameux et ambigu monogramme, je suppose, où un H majuscule entouré de deux demi-cercles peut s’interpréter aussi bien comme deux C ou deux D entrelacés ! Alors Catherine ou Diane ou les deux ?). Le premier à venir se prosterner est le gouverneur et sénéchal de la ville puis les nobles (peu nombreux à Lyon) dont le comte de Saint-Jean, le clergé, ensuite les représentants de toutes les « nations » présentes dans la ville comme les Génois, les Lucquois, les Florentins suivis par les artisans de toutes les corporations de la cité… 413 imprimeurs, 256 cordonniers, 446 orfèvres, etc.. Parmi les nombreux spectacles et autres saynètes qui suivirent cette réception si particulière l’un, interprété de deux façons, mérite un court résumé : un jour, une superbe Diane chasseresse tient en laisse un lion captif avec une tresse de soie blanc et noir (les couleurs de la favorite) et le lendemain la chasseresse porte les armoiries de la reine ! Comme le remarque avec humour Jean Orieux dans son excellent Catherine de Médicis, Le lion captif représentait-il la ville de Lyon soumise tantôt à la favorite tantôt à la reine ou le roi lui-même ? Le bon peuple de Lyon - qui n’en pouvait plus de s’ébahir - a fait preuve d’un certain équilibre et d’une rare sagesse en suggérant ainsi que le royaume de France avait deux reines ! On dit aussi que Louise Labé, la « belle Cordière » - la célèbre poétesse si chère aux Lyonnais, ainsi dénommée à cause de sa grande beauté et de la profession de son mari - a participé à une scène… et elle aurait regardé le roi avec insistance ; était-ce une façon de lui rappeler leur idylle rocambolesque d’autrefois lorsqu’il était dauphin22 ?

Catherine de Médicis est revenue à Lyon et de quelle manière ! C’est lors de la fantastique migration de propagande monarchique et d’union nationale23 ou le grand tour de France24 ou le grand voyage ou la grande déambulation ou… qui s’est déroulé du 13 mars 1564 au 30 avril 1566 ! Peut-on s’imaginer aujourd’hui ce voyage de 10 000 personnes environ (et 15 000 chevaux, dit-on) accompagnées d’une multitude de carrosses, de litières, de chariots à travers une France ravagée par de violents troubles sociaux (les guerres de religion) et en prenant conscience des moyens de l’époque (des chemins plus que des routes) ! Il a pour but la pacification religieuse et l’union nationale et marquera profondément la mémoire du peuple français… mais n’empêchera pas les massacres de la tristement célèbre Saint-Barthélemy d’août 1572 ! Elle est accompagnée par son fils, le jeune roi Charles IX (14 ans), sa famille (dont ses 3 autres enfants), son Conseil, ses juristes, ses secrétaires, les ambassadeurs, le personnel domestique et tous les Grands du royaume comme le roi de Navarre, le futur Henri IV (il a 11 ans). Ce convoi majestueux mais d’une lenteur pachydermique25 s’arrête à Lyon (la « caravane » s’était embarquée à Chalon et a descendu la Saône sur des barges). Une partie de la cour séjourne au niveau de l’île Barbe (j’ai vu une plaque commémorative de ce passage sur la mairie annexe de St Rambert) avant son entrée solennelle. Mais quel pouvait être l’aspect de la cité en ce mois de juin 1564 après les ravages des protestants deux ans plus tôt ? Et puis la terrible peste sévit depuis avril ! Ce fut un séjour un peu particulier sans magnificence et certainement sans éclat car le roi et sa mère ont visité essentiellement les monastères et les églises saccagés par les huguenots (l’église des Cordeliers, transformée en temple après avoir été en partie détruite et la dépouille de St Bonaventure26 brulée, est rendue au culte

22

Voir les détails dans Quand la cour de France vivait à Lyon de Louis Bourgeois 23

Jean Orieux 24

J’ai tendance à prendre cette dénomination en compte, j’écris en juillet… 25

Jean Orieux 26

Saint Bonaventure, d’origine italienne, théologien franciscain est mort à Lyon en 1274

Page 8: Les rois de France à Lyon

8

catholique) ; il faut retenir, qu’en gage de concorde rétablie, les enfants de Lyon, lors de l’entrée solennelle du roi, ont défilé deux par deux, un catholique donnant la main à un protestant. Mais la peste oblige la cour à quitter Lyon et à s’établir à Crémieu avant de continuer son périple vers le sud début juillet.

Lorsque Charles IX meurt le 30 mai 1574, son frère et successeur Henri (le futur Henri III ) est

roi de Pologne depuis 6 mois ! Il s’échappe de Cracovie et de « sa cour barbare » pour rejoindre la France par… Vienne, Venise, Chambéry (où il est reçu triomphalement) et Lyon où il retrouve une partie de la cour venue l’accueillir27, en particulier Catherine de Médicis, sa mère et régente du royaume mais également Henri de Navarre (le futur Henri IV) accompagné de sa femme d’alors Marguerite de Valois, sa sœur. Celle-ci profite de son séjour pour visiter, un jour, l’abbaye royale des Dames de Saint-Pierre renommée d’être un fort beau couvent. Dans ses Mémoires elle raconte que, à cette occasion, certaines personnes de l’entourage du roi et de la reine-mère ont voulu faire croire qu’elle était en galante compagnie puisque son carrosse, vide, attendait sur l’actuelle place des Terreaux autour de laquelle se situaient, non seulement le fameux monastère mais également de nombreuses demeures de gentilshommes ! Malgré ses propos indignés, l’était-elle ?... car on lui prête dès cette époque une vie privée des plus tumultueuses et comme on considère qu’elle a bien dit ce qu’elle a vu et ce qu’elle a fait, on sait aussi… qu’elle s’est bien gardée de tout dire28 !

Henri III musarde à Lyon et y reste 2 mois (septembre - octobre) ; à la fin de son séjour il y apprend la mort de sa bien-aimée Marie de Clèves (en couches, elle est mariée au prince de Condé, Henri de Bourbon) et reste prostré durant 3 jours ! A la suite de quoi il consent – enfin - à se marier ; il choisit la modeste et soumise Louise de Lorraine-Vaudémont pour mettre fin aux « entreprises » matrimoniales de sa mère !

Le roi Henri IV et Marie de Médicis se sont mariés à Lyon le 17 décembre 1600 dans la

cathédrale St Jean après s’être rencontrés pour la première fois quelques jours auparavant (le 9). En réalité on devrait dire que cette « cérémonie religieuse parachève le mariage par procuration » qui a eu lieu à Florence le 5 octobre précédent, dans un luxe et un raffinement tout florentins ! Des historiens lyonnais prétendent qu’ils auraient passé leur nuit de noces (ils n’ont pas attendu le 17…) dans le château de La Motte (ou La Mothe) qui se situe aujourd’hui dans le 7e arrondissement de Lyon à l’intérieur d’un site de 17 hectares dénommé « Caserne sergent Blandan29 ». C’est Sully qui est l’artisan de ce mariage avec cette riche Florentine (sa dot aurait été de 600 mille écus), nièce du grand-duc de Toscane30 Ferdinand Ier ; les caisses de l’Etat étant vides et voyant qu’Henri hésite et rechigne31, il répétait avec insistance « Hâtez-vous [de vous marier], Sire, hâtez-vous, il ne vous reste que deux chemises ! ». Henri était allé à la rencontre de Marie (elle avait débarqué à Marseille le 9 novembre puis remonté la vallée du Rhône) en revenant de Savoie32 où il avait pris – avec succès - la conduite des opérations militaires contre le duché (le duc Charles-Emmanuel avait profité en 1590 de la faiblesse du roi – sa légitimité ne sera reconnue qu’en juillet 1593 après son

27

Le 6 septembre 1574. D’après André Steyert il serait revenu à Lyon en 1582, 1583 et 1588 mais… incognito et

modestement accompagné 28

Marguerite de Valois (7e enfant d’Henri II et de Catherine de Médicis) – la célèbre reine Margot – a été une des femmes

les plus cultivées de son temps et ses Mémoires sont remarquables. Michelet n’a-t-il pas dit qu’elle a été « le grand historien de

la Saint-Barthélemy » ? 29

Le château, situé à la croisée des routes de l’est et du sud de Lyon, daterait du XVe siècle. Il est englobé, à partir de 1831,

dans une enceinte fortifiée, l’une des 18 construites à cette époque de part et d’autre de la Saône et du Rhône. Par la suite le

fort devient caserne et le château est réservé aux officiers. Le Grand Lyon est propriétaire du site depuis 2007. 30

Elle est la fille de François Ier

de Médicis grand-duc de Toscane décédé (ou plutôt empoisonné par son frère) en 1587 et de

Jeanne d’Autriche, fille de Ferdinand Ier

empereur germanique (frère de Charles Quint). C’est une cousine éloignée de Catherine,

l’épouse d’Henri II ; leur ancêtre commun est Jean de Médicis (1360-1429) le « fondateur » de la dynastie. 31

Il est amoureux d’Henriette d’Entragues qui a remplacé – dans son cœur et dans son lit - Gabrielle d’Estrées décédée

l’année précédente. Sachons aussi qu’il avait obtenu l’annulation de son premier mariage avec Marguerite de Valois. 32

Selon certains historiens il aurait emprunté la voie fluviale pour venir de Chambéry, lac du Bourget, canal de Savières puis

le Rhône (les routes savoyardes terrestres étaient enneigées)

Page 9: Les rois de France à Lyon

9

abjuration solennelle du protestantisme à St Denis - pour essayer de s’emparer du Dauphiné et de la Provence et, en plus, il s’était allié à l’Espagne33. Un traité entre les 2 puissances sera signé à Lyon en janvier 1601). La « petite histoire » prétend que, lors de son passage à Aix-les-Bains, il aurait pris un bain dans les vestiges des thermes romains… un de ses rares bains selon quelques perfides historiens !

Un magnifique tableau allégorique peint - vers 1625 - par Pierre-Paul Rubens immortalise la cérémonie du mariage royal ; entre Henri, représenté en Jupiter et Marie en Junon s’intercale le dieu du mariage, Hymen et la ville de Lyon, stylisée, est représentée en bas du chef d’œuvre. Chacun sait qu’il fait partie d’une commande de Marie de Médicis au célèbre peintre pour retracer ses hauts faits en tant que reine de France ; à l’origine destinées à orner les galeries de son palais du Luxembourg, les 24 toiles consacrées à sa gloire sont aujourd’hui au musée du Louvre.

Henri IV n’est pas un inconnu pour les Lyonnais qui lui avaient réservé lors de son entrée solennelle le 4 septembre 1595 un accueil triomphal. Mais il est vrai qu’ils avaient beaucoup à se faire pardonner ! Lyon avait été une « ville rebelle » et cette manifestation « devait assurer le retour de l’ancienne ville ligueuse à l’autorité du monarque et la perpétuité de son allégeance34 ». En effet la cité avait prêté serment (par l’intermédiaire de ses échevins, membres du Consulat l’institution qui administrait la cité) à la Sainte Ligue (parti ultra catholique) le 5 mars 1589 pour s’en dédire seulement le 7 février 1594 et se soumettre à l’autorité royale d’Henri IV. L’itinéraire royal, de la nouvelle porte de Vaise jusqu’à St Jean, est somptueux et composé de nombreux arcs de triomphe (11 d’après André Steyert) ; la cérémonie doit montrer, dans toutes ses nombreuses manifestations, la réconciliation de la cité avec son roi légitime et naturel. Il en profite cependant pour modifier la « constitution communale » de la cité : le Consulat sera constitué dorénavant de 4 échevins (au lieu de 12) dont le chef, le prévôt des marchands, sera nommé par le roi à partir d’une liste de 3 personnalités élues par les principaux notables de la cité.

Le fils d’Henri IV, Louis XIII , est venu plusieurs fois à Lyon. Son entrée solennelle du 11

décembre 162235, en compagnie de la reine Anne d’Autriche, est restée célèbre par sa grandiose procession de centaines de personnes représentant tous les corps constitués de la cité… « la plus belle que l’on ait vue depuis celle d’Henri II ». Le jour suivant, dans le parc du château de la Motte l’édification d’une loge avec un trône a permis aux Lyonnais de défiler en rendant hommage à leurs majestés.

Cependant son séjour en septembre 1630 a failli être funeste ! Il est en Savoie - que ses armées venaient d’envahir pour préparer une expédition en Italie (encore une) contre les Hispano-Impériaux (à propos de la succession des duchés de Mantoue et de Montferrat…) - lorsque la peste et le typhus y sévissent. Revenu à Lyon, il loge dans le nouvel archevêché de St Jean. Mais le 22 septembre (il avait tenu, le jour même, un conseil de gouvernement à l’intérieur de l’abbaye d’Ainay où réside sa mère Marie de Médicis… qui lui a demandé avec insistance le renvoi de Richelieu – la fameuse « Journée des Dupes » aura lieu dès leur retour à Paris, le 10 novembre) il est pris par une fièvre aigüe et, délirant reste plusieurs jours entre la vie et la mort, même si on le saigne plus que de raison (la saignée est le remède miracle de l’époque). Dans la nuit du 30 septembre le mal atteint son paroxysme mais, subitement et presque miraculeusement, l’abcès crève et « par la porte de derrière » s’évacue une grande quantité de pus sanguinolente et de muqueuses36 ! Le roi est sauvé (il avait 29 ans) et c’est ainsi que la France a manqué d’avoir un monarque qui aurait certainement pris le nom de Gaston Ier (Gaston d’Orléans que l’on nomme Monsieur est le frère cadet du roi ; il a laissé dans l’histoire l’image d’un éternel comploteur).

L’histoire de Fourvière mentionne la venue d’Anne d’Autriche dans la modeste chapelle déjà dédiée à la Vierge ; aurait-elle prié pour la guérison de son illustre mari ou pour avoir un enfant ? Dieu seul le sait ! Cependant Louis XIII, apprenant la grossesse de son épouse, consacre la

33

Pour détails voir mon texte sur Les occupations françaises de la Savoie 34

Yann Lignereux dans Les entrées d’Henri IV à Lyon 35

Il revient du Languedoc qu’il a pacifié… pour quelque temps ; il a signé en octobre avec le duc de Rohan, le représentant

des huguenots, le traité de Montpellier 36

Pierre Chevallier dans Louis XIII

Page 10: Les rois de France à Lyon

10

France à la Vierge37 le 10 février 1638… et leur premier fils Louis, le 14e du nom, nait le 5 septembre suivant.

A la fin du règne de ce roi maladif c’est sur la place des Terreaux que sont décapités ses anciens favoris, Cinq-Mars et de Thou le 12 septembre 1642 (ils étaient emprisonnés au château Pierre-Scize) ; ils avaient comploté contre la sureté du royaume en traitant avec l’Espagne en guerre avec la France depuis 1635. Sous les yeux de Richelieu mourant, ils ont fait preuve d’un grand courage et d’aucune faiblesse car, Lyon n’ayant pas de bourreau professionnel attitré, on a fait appel à un « intérimaire » sans expérience qui s’est repris à plusieurs fois pour effectuer sa besogne (dois-je préciser que la guillotine n’existe pas, c’est « à la hache et la tête sur le billot » que s’effectue la sentence…) ! On doit reconnaître que les gentilshommes de l’époque, pas très sympathiques si on les regarde avec nos conceptions actuelles – audacieux, violents, pleins de morgue, d’un égoïsme absolu pour la plupart, à la recherche constante de pouvoirs et d’honneurs qu’ils mêlaient à un appétit de gloire et d’argent - savaient au moins mourir avec une certaine grandeur38 !

Permettez-moi, un court instant, de quitter les rois de France en évoquant les passages à Lyon

de la très singulière Christine de Suède . Reine à 6 ans, à la suite de la mort de son père - l’illustre et glorieux Gustave-Adolphe - elle abdique en juin 1654 à 28 ans pour ensuite errer de ville en ville, libre mais « traînant » un orgueil démesuré, une rudesse excessive non dénuée de cruauté39 et une volonté implacable. Féministe avant l’heure mais sans aucune féminité, intelligente et érudite elle va susciter crainte et haine. Puisqu’elle a eu l’audace – en abjurant la foi protestante - de se convertir au catholicisme elle se réfugiera à Rome sous la protection des papes d’alors, même si pour la plupart, la présence de cette femme exaltée et indocile deviendra gênante au fil du temps. L’un d’eux aurait déclaré « C’est une femme née barbare, barbarement élevée et vivant avec des pensées barbares » !

La capitale des Gaules la reçoit, une première fois le 14 août 1656 (elle a débarqué d’une galère papale le 29 juillet en rade de Marseille pour se rendre à la cour du jeune roi Louis XIV : elle va quémander l’appui de Mazarin pour obtenir le royaume de Naples) ; elle y reste quelques jours – en occupant le château de Montchat - et rencontre le père jésuite Ménestrier qui lui prouve son extraordinaire mémoire en répétant, dans un sens et dans l’autre, 300 mots difficiles qu’elle lui a lus. Elle y revient au retour le 8 octobre pour se diriger vers la Savoie et Turin. En septembre 1657 elle y passe de nouveau en route vers Fontainebleau et au retour vers Rome en avril 1658. Il semble qu’elle n’ait commis - à Lyon - aucune excentricité ni aucune frasque dont cette âme confuse et tourmentée était coutumière !

Amusons-nous seulement de sa rencontre avec la belle marquise de Ganges40 ; celle-ci se baignant presque nue dans la Saône fut surprise par Christine qui ne put retenir sa fougueuse nature en accostant la jeune femme… elle la baisa partout, sur la gorge, sur les yeux, le front, très amoureusement et même voulut lui baiser la langue et coucher avec elle, ce que la dame ne voulut pas41 ! Quelques jours plus tard elle lui adresse un billet pour le moins enflammé qui commence ainsi « Ah ! Si j’étais un homme, je tomberais à vos pieds, soumis et languissant d’amour ; j’y passerais mes jours, j’y passerais mes nuits pour contempler vos divins appâts et vous offrir un cœur tendre, passionné et fidèle… » La suite est du même genre ce qui prouve que

37

La célèbre mosaïque (du début du XXe) de la basilique de Fourvière rappelle cet évènement avec magnificence !

38 L’époque était féroce car Louis XIII a abandonné son « protégé » Cinq-Mars (qu’il appelait M. le Grand et avec lequel il

avait entretenu des rapports très particuliers) sans la moindre pitié puisqu’il aurait déclaré, à l’heure même où sa tête – ce

visage que le roi avait tant aimé – tombait à terre « Je voudrais bien voir la grimace que M. le Grand doit faire à cette heure »

(d’après André Castelot) ce qui manque, c’est le moins que l’on puisse dire, et de panache et de grandeur d’âme ! Seule, dit-on,

la célèbre courtisane Marion Delorme le pleura. 39 En sa présence, le 10 novembre 1657, elle fait assassiner – dans la galerie des Cerfs du château de Fontainebleau - son

écuyer et favori qu’elle suspecte de trahison ! 40 Cette belle dame, réputée sage, aura une fin tragique puisqu’elle sera assassinée par ses 2 beaux-frères en juin 1667 41

Témoignage anonyme répété par tous les biographes de Christine dont Jacques Castelnau et Bernard Quilliet

Page 11: Les rois de France à Lyon

11

cette femme restée vierge (du moins le dit-on), sans allure et sans charme, a été insatisfaite à la fois par Adonis et par Sappho !

Comme « tout Lyonnais d’adoption » je me suis demandé pour quelles raisons la place

Bellecour est ornée d’une statue équestre de Louis XIV (il est représenté en César donc « à la romaine », c’est la raison pour laquelle il n’a pas d’étriers) alors que ce roi n’est venu à Lyon qu’une seule fois ! Il aurait, en 1708, favorisé l’acquisition de cette place par la ville ; en 1713 celle-ci, reconnaissante, inaugure une statue du roi en bronze ; elle sera renversée et démolie par les sans-culottes (et surtout sans cervelle…) le 28 août 179242, transformée en canons en 1793 (juste retour aux sources ? car ce « grand » roi a beaucoup guerroyé…) puis remplacée en 1825 par celle que nous voyons encore aujourd’hui (œuvre du sculpteur – né à Lyon – François-Frédéric Lemot).

A la fin de l’année 1658 la cour est à Lyon… pour une partie de « poker-menteur » ! Le cardinal Mazarin et la mère du roi, Anne d’Autriche (qui gouvernent alors la France, Louis XIV est bien jeune, 20 ans, il se rattrapera par la suite…) veulent faire croire à l’Espagne que Louis XIV va épouser sa cousine Marguerite de Savoie (fille du duc Victor-Amédée Ier et de Christine de France, sœur de Louis XIII) dont la famille est à Lyon alors que leur objectif est un mariage avec l’infante Marie-Thérèse inclus dans un traité définitif de paix. Le roi d’Espagne, Philippe IV, se laissera prendre par ce stratagème et acceptera de marier sa fille à Louis XIV… plutôt que de donner des places clés que la France réclamait au nord et au sud pour fortifier une bonne fois ses frontières – contre l’Espagne – et s’étendre à ses dépens43. Quant au principal intéressé, Louis XIV, durant cette délicate affaire diplomatique, il file le parfait amour – qui restera, paraît-il, platonique - avec une des nièces du cardinal, Marie Mancini (qui a succédé, dans son cœur, à sa sœur, Olympe44…). D’après plusieurs sites consacrés à l’histoire de Lyon, ils se seraient promenés sous les tilleuls de la place Bellecour ; cette belle image qui se veut romantique et romanesque doit être nuancée : en décembre et en pleine période appelée PAG (Petit Age Glaciaire selon E. Le Roy Ladurie) je doute que ce lieu soit propice à de tendres promenades et à des serments d’amour !

Indéniablement il y a eu de l’affection entre les Lyonnais et Napoléon Bonaparte ! J’en veux

pour preuve cette déclaration de « l’ex-empereur » datée du 13 mars 1815, profondément touché par l’accueil chaleureux de la ville de Lyon et de ses habitants (il séjourne dans la cité du 10 au 13 mars, de retour de l’île d’Elbe et sur la route de Paris durant le fameux vol de l’Aigle) : « … vous avez toujours été au premier rang dans mon affection. Sur le trône ou dans l’exil vous m’avez toujours montré les mêmes sentiments… Lyonnais, je vous aime ». Ceux-ci n’ont pas été, non plus, avares d’éloges si j’en crois cette déclaration lue lors de la session du Conseil général du Rhône du 26 avril 1801 «… Puissant génie que Bonaparte ! … les Romains fondèrent notre ville, tu fis plus … mais il te reste beaucoup à faire … Facilite à ces industrieux citadins tous les moyens de communication, encourage leur commerce et bientôt tu verras reprendre à cette antique cité son ancienne et première place parmi les villes les plus commerçantes d’Europe ». Tout est dit et si on écarte ces relations sentimentales un peu exagérées (mais c’était l’usage de l’époque) on trouve des enjeux économiques, financiers et commerciaux. Le Consul puis l’Empereur compte sur Lyon pour relancer l’économie du pays et veut s’appuyer sur cette cité industrieuse pour réorganiser la France postrévolutionnaire. Lyon est, à la sortie de la période révolutionnaire, une cité traumatisée, humiliée et martyrisée45 et compte sur Bonaparte puis sur Napoléon pour retrouver la prospérité par le redressement de son activité principale, l’industrie textile (fabrique d’étoffes de soie essentiellement mais aussi, passementerie, chapellerie et bonneterie).

42

Louis Trenard dans La révolution française dans la région Rhône-Alpes 43

Claude Dulong dans Mazarin 44

Olympe Mancini se mariera avec un prince des Savoie-Carignan, comte de Soissons. Elle est la mère du fameux Prince

Eugène, reconnu comme l’un des meilleurs capitaines de l’ère moderne. Elle a la réputation d’avoir été une intrigante et,

disgraciée, devra quitter Versailles ; elle se retire à Bruxelles où elle meurt en 1708. Marie, en se mariant avec un prince Colonna

(1661), retourne en Italie et ne reverra jamais Louis XIV. Elle meurt la même année que ce dernier, en 1715 ! 45

D’après le majestueux livre édité sous la direction de Ronald Zins, Lyon et Napoléon… qui me sert de guide.

Page 12: Les rois de France à Lyon

12

Permettez-moi de signaler que, dans l’histoire de notre Ancien régime, rares ont été les souverains qui ont lié l’idée de prospérité à celle de puissance et le bien-être du peuple à leur propre grandeur (peut-être Louis XI et Henri IV ?).

Cet attachement particulier entre l’homme et la cité, a-t-il commencé le 13 octobre 1799 où, de retour d’Egypte, Bonaparte – qui n’est qu’un général, certes victorieux, mais qui a quitté son armée de sa propre autorité – fait halte à Lyon et reçoit de ses habitants un hommage appuyé, sincère et admiratif ? Y trouve t-il déjà une certaine légitimité populaire ?

En tant que Premier Consul, à l’issue de la 2e campagne d’Italie et après la victoire de Marengo, il séjourne 2 jours à Lyon. Le 28 juin 1800 il reçoit toutes les autorités civiles et militaires et le lendemain, dans un geste symbolique (qui annonce la renaissance de la cité) et dans une allégresse générale, il pose la première pierre de la reconstruction des façades de la place Bellecour (détruites par les révolutionnaires en 1793) qui, à l’occasion est « rebaptisée » place Bonaparte !

Du 11 au 28 janvier 1802 il est, en compagnie de Joséphine, de retour à Lyon. Il y reçoit, de la part des 452 députés de la République cisalpine (qu’il avait créée l’année précédente) réunis dans la chapelle de la Trinité (près du lycée Ampère) depuis fin novembre 1801 et chargés de définir une constitution, la présidence de ce nouvel Etat. Durant 2 semaines les fêtes, illuminations et bals se succèdent dans une ambiance extraordinaire qui permet aux Lyonnais de montrer leur attachement au Premier Consul… comme ce message figurant sur un arc de triomphe Les Lyonnais à Bonaparte, pacificateur.

Le mercredi 10 avril 1805 le couple impérial, en provenance de Bourg, est accueilli sur le quai Saint-Clair par une foule enthousiaste aux cris de « Vive l’Empereur ! Vive l’Impératrice ». Comme à chacun de ses séjours il se rend (le soir du 12 avril) au Grand-théâtre (à l’emplacement de l’Opéra actuel) dont la salle est décorée avec la plus grande magnificence pour présider un concert suivi d’un bal. Les voyages de l’Empereur sont toujours très actifs et après de nombreux entretiens avec diverses personnalités de la ville il agit et décide comme l’acquisition de l’Antiquaille pour création d’un asile. Il visite aussi une exposition des produits de l’industrie lyonnaise et honore Joseph-Marie Jacquard, l’inventeur de machines à tisser semi automatiques dont le programme est inscrit sur… des cartes perforées46 ! Le mardi 16 avril dès 7 heures du matin, après avoir reçu les maires des 3 divisions de Lyon, il part à Milan ceindre la couronne de roi d’Italie…

D’après l’académicien Louis Madelin47, la ville la plus napoléonienne de France a réservé une ovation particulière à l’empereur déchu en route pour « son royaume » de l’île d’Elbe en avril 1814 ; alors qu’il désirait passer inaperçu lors de son passage à Lyon - en traversant la cité dans la nuit du 23 au 24 - des centaines de personnes s’étaient massés le long du Rhône et dans les faubourgs de Vaise et de la Guillotière pour l’acclamer et ce, malgré la présence hostile des troupes autrichiennes d’occupation. L’une d’elles aurait même crié « Adieu la gloire de la France ». Paul Bartel48 raconte qu’un ecclésiastique et une vieille dame – en retrait sur une colline à la sortie de la ville - ont regardé passer avec une certaine émotion – de grosses larmes coulent sur leurs joues - la berline à six chevaux de l’ex-empereur, c’est l’ultime adieu de Madame Mère et du demi-frère de celle-ci, l’archevêque de Lyon Joseph Fesch.

Mais l’histoire particulière de Lyon et de Napoléon49 n’est pas finie. En captivité à St Hélène il aurait eu l’intention de prendre un nom d’emprunt, celui de comte de Lyon, afin d’éviter les

46

Pas tout à fait celles que l’on a connues et manipulées en mécanographie et même en informatique dans les années

1965-1985… plutôt des cartons perforés liés entre eux pour former un ruban. 47

Historien spécialiste de la Révolution et du premier Empire (1871- 1956) 48

En réalité c’est le pseudonyme d’un écrivain anglais, Dudley Heathcott, auteur d’un livre-référence Napoléon à l’île d’Elbe

dont j’ai lu un extrait paru sur un Atlas de l’Histoire. Par contre pour André Castelot, Fesch et la « Madre » étaient à cette

époque réfugiés à l’abbaye de Pradines près de Roanne ! On peut supposer que les 2 historiens ont raison et tort en partie : la

scène (selon Bartel) a, peut-être, eu lieu à la sortie de Roanne (selon Castelot)… ! 49

Simple lieutenant en second d’un régiment basé à Valence, il est venu à Lyon du 15 août au 1er

septembre 1786 pour

réprimer une grève suivie d’une émeute qui, en réalité, était terminée depuis la pendaison des « trois meneurs » le 12 août (les

ouvriers-tisseurs demandaient une augmentation de deux sous par façon, voir mon texte 1529, 1786, années d’émeute à Lyon).

Il aurait logé dans une maison du faubourg de Vaise (chemin Montribloud) et aurait été reçu à diverses reprises par un négociant

Page 13: Les rois de France à Lyon

13

rebuffades journalières de son geôlier, le redoutable et sinistre Hudson Lowe qui refusait de le nommer « Sire » ou « Majesté » : en lui déniant le titre d’Empereur il l’appelait systématiquement « général Bonaparte ». Mais cela ne fut pas pour 2 raisons, d’une part le titre « comte de Lyon » était réservé – encore à l’époque - aux chanoines de la cathédrale St Jean (voir mon texte sur L’histoire tumultueuse des comtés de Lyon et de Forez) et d’autre part l’incorruptible gouverneur n’aurait pas accordé cette faveur car elle est la marque et le privilège des personnages royaux et uniquement de ceux-ci (il aurait ainsi reconnu la qualité de souverain à Napoléon, ce qu’il ne voulait absolument pas)50.

Pour l’anecdote, le jeune – il a 9 ans - Napoléon Bonaparte a traversé la ville de Lyon fin décembre 1778 ; accompagné de son frère aîné Joseph il a quitté Ajaccio le 15 et se rend au collège d’Autun pour apprendre le français… c’est chose faite au début de l’année suivante et ainsi il peut intégrer le collège militaire de Brienne, en Champagne méridionale, le 15 mai 1779 ; il y restera jusqu’à son admission à la prestigieuse, et toute nouvelle, Ecole militaire du Champ-de-Mars à Paris le 19 octobre 1784.

Son neveu, Louis-Napoléon puis Napoléon III , a séjourné plusieurs fois à Lyon : comme

prince président d’abord en août 1850 et en septembre 1852 pour inaugurer une statue de Napoléon Ier érigée sur la place… Napoléon (place Carnot aujourd’hui, mais qu’est devenue la statue ?) et, comme empereur en août 1860 (l’accueil des Lyonnais aurait été nettement moins enthousiaste que celui de 185251 ; la véritable destination du voyage est la Savoie dont les habitants viennent de se prononcer massivement pour l’annexion de leur province à la France : le couple impérial sera reçu triomphalement et avec chaleur et enthousiasme tant à Chambéry, qu’à Aix, Annecy etc.) pour inaugurer la rue Impériale (de la République aujourd’hui) et quelques somptueux monuments construits ou rénovés en même temps comme le Palais de la Bourse ; il en profite pour visiter le chantier du premier funiculaire urbain (de France, c’est certain mais du monde ?) situé sur les pentes de la Croix-Rousse que des générations de Lyonnais ont appelé « la Ficelle » (c’est celle de la rue Terme - elle deviendra « la ficelle à 2 sous » pour la distinguer de la « ficelle à 1 sou » - celle de Croix-Paquet - mise en service à la fin du XIXe siècle… dont le tracé est utilisé aujourd’hui par le métro). Lors d’une exposition d’étoffes et de métiers à tisser organisée par la Chambre de commerce, l’impératrice est invitée à passer quelques coups de navettes sur un métier et, au déroulement de l’étoffe ainsi travaillée, on put lire : Tissé par Sa Majesté l’Impératrice à Lyon le 25 août 1860.

En août 1869 l’impératrice – accompagnée du prince impérial – a inauguré (encore !) le boulevard de la Croix-Rousse (sur les emplacements des anciens remparts dont certains avaient été construits dès le XIIIe siècle… sur le tracé de ceux élevés par les Romains !) et un asile nommée Sainte-Eugénie à Saint-Genis-Laval dont elle était la principale « bailleuse de fonds ».

Quant aux derniers Bourbons, le futur Charles X en tant que comte d’Artois52 et le futur Louis

Philippe Ier en tant que duc d’Orléans, ils sont bien venus à Lyon mais début mars 1815 pour essayer de soulever la population lyonnaise contre le retour de Napoléon... avec le succès que l’on connaît53 ! Ainsi - du moins je le suppose - ils n’ont eu aucune envie de revenir dans la cité des Gaules !

lyonnais Dominique Vouty qui possédait le fameux domaine dit de la « Belle Allemande », rive gauche de la Saône (au bas de la

rue d’Ypres actuelle) qui sera guillotiné en 1793. Son fils Alexandre Vouty de la Tour, président de la cour d’appel de Lyon, sera

baron d’Empire. 50

D’après Paul Ganière auteur d’un Napoléon à St Hélène 51

D’après André Steyert dans sa monumentale Nouvelle Histoire de Lyon 52

D’après des chroniques locales le comte d’Artois serait venu à Lyon en septembre 1814 et aurait bu une chope de la

célèbre bière lyonnaise, la « Porter noire », dans une brasserie renommée du cours d’Herbouville, la salle Gayet. 53

Louis XVIII avait aussi envoyé à Lyon le maréchal Macdonald pour arrêter « le brigand » Napoléon ; le 10 mars au matin

sous une pluie diluvienne, ses soldats rangés en carré place Bellecour refusent de crier « Vive le roi » ; ils iront ensuite pactiser

avec ceux de l’empereur lorsque ceux-ci feront leur entrée dans la cité…

Le duc d’Orléans et sa famille étaient passés à Lyon, de retour d’exil en Sicile début septembre 1814 – il avait épousé à Palerme

fin 1809 Marie-Amélie, une fille des souverains de Naples et de Sicile – et avaient dîné avec le maréchal et la maréchale

Augereau à l’archevêché après avoir assisté à un Te Deum à la cathédrale (selon le Journal de Marie-Amélie, reine des Français)