Les réseaux radiophoniques alternatifs

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Origine de l’article : POULAIN Sebastien, « Les réseaux radiophoniques alternatifs » Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°128, avril-juin 2016, http://cohira.fr/category/cahiers/ Les réseaux radiophoniques alternatifs 1 http://www.radiocampus.fr/presentation-du-reseau Résumé : Cet article se propose de revenir sur le rôle économique, technique, politique joué par les « réseaux radiophoniques alternatifs » à trois époques différentes : celle des « radiolibristes », celle de la libéralisation de la FM et celle plus contemporaine des réseaux de radios associatives. 1 Je tiens à remercier Isabelle Abraham, Claude Palmer et Jean-Michel Sauvage pour leurs relectures, critiques et conseils.

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Origine de l’article : POULAIN Sebastien, « Les réseaux radiophoniques alternatifs » Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°128, avril-juin 2016, http://cohira.fr/category/cahiers/

Les réseaux radiophoniques alternatifs1

http://www.radiocampus.fr/presentation-du-reseau

Résumé :

Cet article se propose de revenir sur le rôle économique, technique, politique joué par les « réseaux radiophoniques alternatifs » à trois époques différentes : celle des « radiolibristes », celle de la libéralisation de la FM et celle plus contemporaine des réseaux de radios associatives.

Introduction

1 Je tiens à remercier Isabelle Abraham, Claude Palmer et Jean-Michel Sauvage pour leurs relectures, critiques et conseils.

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Il est difficile d’écouter plusieurs stations de radio à la fois. D’ailleurs, les auditeurs écoutent seulement et alternativement 4,2 stations en moyenne sur 21 jours2. Si les auditeurs ont des habitudes d’écoute concernant les radios qu’ils choisissent en fonction des heures (L’écoute du matin concerne beaucoup l’information sur l’actualité.), des programmes (Certaines chroniques sont susceptibles d’entrainer un zapping temporaire.), des animateurs (Certains animateurs parviennent à se faire suivre par leurs fans quand ils changent de radio ou de média.), des contextes d’écoute (On n’écoute pas les mêmes radios quand on fait du sport, quand on va se coucher ou quand on est en voiture.)…, si l’écoute de la radio peut être individuelle ou collective, chaque radio a son identité, son contrat de communication, son format, son image, ses valeurs… Les auditeurs ont tendance à avoir une relation unique avec un média unique tout en étant conscients qu’ils ne sont pas les seuls auditeurs et qu’ils font partie d’un public qu’ils imaginent plus ou moins nombreux et avec telle ou telle caractéristique, ne serait-ce que parce que ces auditeurs peuvent passer à l’antenne et qu’il est possible de faire des projections à partir des programmes diffusés (y compris les publicités commerciales).

Les modes de production et de distribution leur sont plutôt étrangers tant qu’ils ont accès aux contenus qu’ils souhaitent. Et c’est a fortiori le cas des réseaux de radios qui jouent pourtant un rôle non négligeable dans l’économie radiophonique pour des raisons politiques, financières, journalistiques, programmatiques, publicitaires, techniques, d’audience… La mise en réseau radiophonique est, par exemple, techniquement consubstantielle à la modulation de fréquence car les ondes des émetteurs FM n’ont qu’une petite portée par rapport à la modulation d’amplitude (en cours d’abandon3). 97% du territoire français est recouvert par la FM. Par exemple, France Inter dispose de 625 fréquences pour couvrir 96% du territoire. France Culture en a 508 pour 95%, France Musique 503 pour 95%, France Info 270 pour 88%.

Lorsque l’on pense aux « réseaux radiophoniques », c’est habituellement une référence aux radios dites commerciales. Par exemple, les radios qui se sont constituées autour des anciennes radios dites « périphériques », de NRJ… pour former sur la FM des radios nationales et des groupes radiophoniques. Mais il existe bien d’autres formes de réseaux si on définit le réseau comme une mise en relation entre des entités/nœuds radiophoniques distinctes.

Premièrement, il existe des réseaux de radios publiques. Au niveau international, il y a le réseau « Radios francophones publiques » qui rassemblait Radio France, Radio-Canada, Radio suisse Romande et Radiotélévision belge de la Communauté française jusqu’en janvier 2016 où il a fusionné avec la « Communauté des télévisions francophones » (créée en 1964) pour donner naissance à l'association « Les Médias Francophones Publics »4

(www.lesmediasfrancophones.org/). Le réseau « Radios francophones publiques » avait été créé en 1955 sous le nom de « Communauté des radios publiques de langue française ».

Au niveau interne, il y a eu la Fédération Nationale de la Radiophonie présidée par Georges-Jean Guiraud5 qui luttait contre l’intervention de l’Etat dans les radios d’Etat, et la Fédération Nationale des postes émetteurs d’Etat présidées en octobre 1932 par Charles

2 GLEVAREC Hervé et PINET Michel, « L’écoute de la radio en France. Hétérogénéité des pratiques et spécialisation des auditoires », Questions de communication, 12, 2007, https://questionsdecommunication.revues.org/2435 3 DASSONVILLE Aude, « Fin des ondes longues, fin d’un monde », telerama.fr, 02/12/2015, http://www.telerama.fr/radio/fin-des-ondes-longues-fin-d-un-monde,134282.php 4 BRULHATOUR Frédéric, « Création des Medias Francophones Publics », LaLettre.pro, 7/4/16, http://www.lalettre.pro/Creation-des-Medias-Francophones-Publics_a10297.html 5 Georges-Jean Guiraud est l’auteur d’un texte intitulé Pour un statut démocratique et rationnel de la radiodiffusion imprimé à L'Ouest Eclair à Rennes en 1930. (CHEVAL Jean-Jacques, « Invention et réinvention de la publicité à la radio, de l'entre-deux-guerres aux années 1980 », Le Temps des médias, n° 21, 2004)

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Staehling (déjà président de l'association Radio Strasbourg PTT depuis 19306). Il y a le groupe Radio France qui est issu de l’ORTF, de la RTF, de la RDF, de la Radiodiffusion nationale… Et les autorités publiques françaises réfléchissent à mettre en place un réseau de radios publiques locales dès octobre 1976 via la Commission de développement des responsabilités locales qui est présidée par Olivier Guichard, ancien ministre des présidents Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing. Guichard souhaite la création d’un nouveau réseau radiophonique « départemental » en FM7. Il s’agit de contre-attaquer face à l’arrivée des « radios libres ». Ce sera d’abord en 1980, en modulation de fréquence, Fréquence Nord, Radio Mayenne, Melun FM, et, en ondes moyennes, Radio Bleue (qui émet aussi en FM à Cannes et Valence). Leur fusion donne le réseau « France Bleu » le 4 septembre 2000 qui comprend 44 radios à partir de 2013.

Deuxièmement, il existe plusieurs réseaux de radios commerciales :

- La Fédération Française des Postes Privés d’Emission Radiophonique créée le 21 novembre 1925 et présidé par Paul Dupuy, directeur du quotidien Le Petit Parisien et du Poste du Petit Parisien8. Elle visait à obtenir un statut définitif pour les postes privés.

- Le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI ; www.sirti.info/) est créé le 26 août 1981 par RFM, Génération 2000, le Poste Parisien (Groupe Amaury), Radio Express, Radio Megal'O. Il regroupe plus de 150 radios et télévisions privées indépendantes, locales, régionales et thématiques et 1000 fréquences9.

- Le Groupement « Les Indépendants », qui est un groupement d’intérêt économique (GIE) des radios locales, régionales et thématiques françaises, a été créé en novembre 1992 à l'initiative de Jean-Éric Valli, Président-fondateur de Groupe 1981 (anciennement dénommé Groupe Start puis Sud Radio Groupe) et d'Éric Hauville, fondateur du réseau disparu « Radio Vallée-de-Seine » (RVS). Ce groupement a bénéficié d’un effort de rééquilibrage de la part des autorités publiques face aux développements des groupes NRJ ou Fun Radio dans les années 1990. En 2000, un alinéa est inséré dans la loi « La liberté de la communication » et précise que « le Conseil [Supérieur de l’Audiovisuel] veille au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion d une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d autre part ». Ce réseau a été rebaptisé « Les Indés Radios » en novembre 2010 (https://www.lesindesradios.fr/). Et il n’hésite pas à donner et valoriser l’audience accumulée de ses 127 radios en 2011 (129 en juillet 2015) pour se vanter d’être leader sur la cible 25-49 ans10 grâce à 800 fréquences (contre 600 pour NRJ), leur proximité avec les auditeurs et une grande diversité de stations qui permettent de toucher des publics hétérogènes. « TF1 Publicité Radios » est sa régie publicitaire depuis 2009 alors que c’était Lagardère à l’origine.

- L'Association européenne de radiodiffusion (Association of European Radios ; www.aereurope.org/) a été fondée en 1992 par 9 associations (Syndicat des

6 « Histoire de radio Strasbourg PTT », 100ansderadio.free.fr, http://100ansderadio.free.fr/HistoiredelaRadio/Radio-Strasbourg-PTT/Strasbourg-PTT-1932.html 7 Vivre ensemble, rapport de la Commission de développement des responsabilités locales présidée par Olivier Guichard, La Documentation, Paris, 19778 « 1922-1939 : Les pionniers de la TSF », 100ansderadio.free.fr, http://100ansderadio.free.fr/HistoiredelaRadio/1925.html 9 WOJCIAK Thierry « SIRTI : renouvellement partiel du conseil d’administration », cbnews.fr, 07/06/16 http://www.cbnews.fr/mouvements/sirti-renouvellement-partiel-du-conseil-d-administration-a1028677 10 DANIEL Mélanie et MAHE Tiphaine, L audience des radios locales : le cas particulier des Indés Radios, 2010-2011, http://docplayer.fr/7127700-L-audience-des-radios-locales-le-cas-particulier-des-indes-radios.html

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réseaux radiophoniques nationaux-SRN et Syndicat des radios généralistes privées-SRGP pour la France) et regroupe 4 500 radios privées commerciales. Son bureau est installé à Bruxelles11.

- L'Union européenne de radio-télévision (UER ; en anglais, European Broadcasting Union ; https://www.ebu.ch/fr/home) a été créée en 1950 et comprend 75 membres actifs dans 56 pays d’Europe, d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, et 45 membres associés dans 25 pays d’autres régions du monde12.

Troisièmement, il existe des réseaux de radios ayant un modèle économico-juridique alternatif aux radios publiques et commerciales - ceux des radios privées associatives - que nous appellerons ici les « réseaux de radio alternatifs ».

C’est sur ce type de réseaux que nous allons nous focaliser dans cet article. Nous prendrons le mot réseau dans un sens large du terme : un ensemble interconnecté, fait de composants et de leurs inter-relations13. Et non dans le sens strict en usage dans le monde radiophonique :

1) la mutualisation et la reprise (partielle ou totale) des programmes qui existent dans les radios de catégorie C (services de radio locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale : les radios de catégorie D) mais aussi dans les radios de catégorie A (plutôt des radios associatives religieuses, étudiantes ou musicales)14.

2) les radios de catégorie D appartenant au même propriétaire (ce propriétaire – groupe - ayant des radios de catégorie D ou E) et diffusant le même format.

Il s’agira de se demander en quoi le fait d’établir des relations (de créer et maintenir des liens) de type social/immatériel/symbolique/juridique15 entre des entités radiophoniques (entre des entités/nœuds/composantes radiophoniques) a été et est bénéfique et nécessaire pour les entités/nœuds/composantes radiophoniques.

Les radios sont la plupart du temps étudiées individuellement : il s’agit d’étudier une radio, une émission, un type de programme, une thématique… en analysant les discours, les arguments, les contrats de communication, les « visées »…, c’est-à-dire d’être au plus près de ce qui est diffusé à l’antenne sans doute parce que c’est ce à quoi les chercheurs sont le plus en contact et donc ce qui les « anime » le plus.

On le voit aussi sur des sites internet retraçant l’histoire de la radio : http://100ansderadio.free.fr/, http://www.schoop.fr/, http://www.radiotsf.fr/, la chronologie d’INA Global (http://www.inaglobal.fr/chronologie-embed/6702)... Ou encore dans le Dictionnaire de la radio16 de 656 pages de Robert Prot qui n’a pour entrées que 13 fédérations

11 « Numérisation de la radio en Europe : L’Association Européenne des Radios (AER) ne veut pas de la fixation d’une date d’arrêt de la radio analogique en Europe », sirti.info, 16/02/10 http://www.sirti.info/actualites/numerisation-de-la-radio-en-europe-lassociation-europeenne-des-radios-aer-ne-veut-pas-de-la-fixation-dune-date-darret-de-la-radio-analogique-en-europe/ 12 DELTENRE Ingrid, « Tunisie : "L'UER prête à mettre son expérience au service du secteur de l'information en Tunisie" », allafrica.com, 11/04/14, http://fr.allafrica.com/stories/201404111593.html 13 C’est plus ou moins la définition que donne Pierre Merklé au début de son ouvrage Sociologie des réseaux sociaux (La Découverte, Paris, 2004) : un « réseau social peut être provisoirement défini comme constitué d’un ensemble d’unités sociales et des relations que ces unités sociales entretiennent » (p 4).14 « Composition du paysage audiovisuel français : la radio », clesdelaudiovisuel.fr, http://clesdelaudiovisuel.fr/Connaitre/Le-paysage-audiovisuel/Composition-du-paysage-audiovisuel-francais-la-radio 15 Les radios sont bien entendu dépendantes de réseaux techniques/matériels entre le lieu de production radiophonique (le studio) et le lieu de réception où se trouve l’auditeur : câble, satellite, internet, électrique…16 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998

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(p238-239), 2 associations (APROR p58 et ALO p67), 4 syndicats, 1 « groupes radiophoniques » (dans son premier complément du dictionnaire sur internet17) et par ailleurs seulement quelques radios pirates (Caroline), libres (Alice, Ici et Maintenant, Ivre, Fil Bleu, Riposte), mini-périphériques (Radio K), associatives (Libertaire, Aligre, Courtoisie, Radio Beur, Fréquence Gaie), locales commerciales (Chic FM), nationales commerciales (Chérie FM, NRJ).

Pourtant, une radio ne peut pas se résumer aux contenus diffusés. Les radios ne sont pas des entités hors sol désincarnées qui diffusent tel ou tel type de programme au hasard selon les goûts des animateurs ou du dirigeant de la radio. De la création jusqu’à la mise en ondes, il faut faire des choix stratégiques différenciant : le nom de la radio, son logo, son format, son modèle économique, les ressources humaines à l’antenne et hors antenne, la stratégie de communication… Au-delà, il existe des coalitions, alliances, consortiums, mariages18, groupes, groupements, associations (dont les associations d’amis de radios19), lobbys, mouvements, fédérations, clubs, cercles, salons, colloques20 qui rendent possibles plus ou moins directement et à divers degrés l’existence des radios individuelles et de leurs programmes. Lorsqu’une radio associative « donne » des heures d’antenne à des associations et fait partie d’une fédération appartenant à une confédération, alors cette confédération est un réseau de réseaux de réseaux de réseaux avec toutes les questions de démocratie, de rapport de force, de représentation, de responsabilité que cela implique. La réticularisation21 de la radiophonie a joué un rôle fondamental dans l’histoire et l’économie des radios car la mise en réseau est une question de survie (chez beaucoup de radios associatives) et/ou une possibilité de développement (chez les radios commerciales). En effet, ces réseaux peuvent avoir divers rôles :

- faire du lobbying auprès des différents échelons des institutions publiques pour obtenir des normes et moyens économiques, matériels et humains,

- proposer ou imposer des normes, pratiques, manières de faire au sein des radios via des chartes,

- donner des idées pour améliorer le fonctionnement,- fournir des conseils fiscaux, RH, économiques, juridiques,- réaliser des formations,

17 http://dictionnaire.radio.monsite-orange.fr/page3/index.html 18 Aujourd’hui encore, on peut trouver des radios distinctes qui se partagent la même fréquence : à Paris, il y a les radios Campus Paris et Vivre FM sur 93.9 MHz ; Judaïques FM, Radio J, RCJ et Shalom sur 94.8 ; Néo et Radios Ici et Maintenant sur 95.2 ; France Maghreb 2 et AYPFM sur 99.5 ; Radio Notre Dame et Fréquence Protestante sur 100.7. 19 Les « Amis de Radio Luxembourg » est une association française des auditeurs créée en 1948. Elle avait pour siège social celui de Radio Luxembourg : 22 rue Bayard. Une émission lui était consacrée chaque jour. En 1954, elle comprend 1 300 sections. L’adhésion donnait droit une carte, des sorties, des réductions sur les entrées au Radio Théâtre, au Radio Circus au bulletin Radio-Magazine (8 numéros par an). (PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p49-50) On peut citer aussi l’Association générale des auditeurs de TSF créée en 1924, l’Association Radio famille créée dans les années 1930 par des catholiques, l’Association Radio Liberté créée dans les années 30 par des communistes, l’Association des auditeurs et téléspectateurs créée après 1958, l’association des radiophiles français créée par des collectionneurs de récepteurs, l’Association des auditeurs de France Culture créée en 1984. Ces association rassemblait relativement peu de monde, mais elles bénéficiaient de privilèges (notamment à l’époque des conseils de gérance dans laquelle elles siégeaient (PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p66-67) 20 Le sénateur Gérard Delfau, assisté par Françoise Kraja, organise un « colloque de la FM » à partir de 1989 au Palais du Luxembourg avec les radios locales associatives (PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p168).21 Pour réfléchir sur la place des réseaux dans la société : MUSSO Pierre, Critique des réseaux, PUF, Paris, 2003

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- rétribuer symboliquement des carrières de militants22,- mutualiser des moyens techniques, humains, matériels pour des événements

ou pour la vie courante des radios,- donner et échanger des programmes,- faire des économies d’échelle,- organiser des formes de solidarité,- socialiser les différents acteurs de la radio,- raconter une origine, une histoire, voire une mythologie de la radio23,- étudier les tendances qui se développent en son sein,- inviter des personnalités extérieures comme des chercheurs pour prendre du

recul,- donner une orientation générale,- donner de la visibilité au « tiers secteur radiophonique »,- faire des campagnes de communication pour améliorer l’image des radios

auprès du grand public…

Voici un commentaire de la part de Claude Palmer - un éditeur24 fondateur de la FNRL, aujourd’hui fondateur-président d'honneur CNRA et vice-président FRANC-CP - CNRA et FRANC-CP - à propos du présent article qui montre l’animation, la complexité, l’intérêt d’étudier ce qui se passe non pas derrière le micro, mais derrière le studio et plus loin encore :

Pour vos nombreuses références à Annick Cojan et Eskenazi, comme pour les citations de plusieurs acteurs institutionnels dont Fillioud, Cotta, Galabert, Belot, on a compris plus tard qu'ils étaient de fait hostiles ou méprisants pour le secteur associatif, et ne l'ont admis publiquement que plus tard. (voir émissions sur la radio libre de France Culture25).

Politiquement, il y a eu un processus de lutte sourde du parti socialiste avec les autres obédiences politiques et même contradictoire en son sein entre gauche socialiste et courant "pragmatique" social-démocrate. Cela a beaucoup nui à l'image réelle et non symbolique des radios A évidemment.

Nous allons dans un premier temps voir comment les réseaux radiophoniques ont été utiles aux « radiolibristes » pour obtenir le droit d’émettre alors qu’existait un monopole radiophonique. Nous verrons dans un second temps comment les réseaux radiophoniques ont été utiles aux radios locales privées pour obtenir de la place sur la bande FM, alors qu’il y a saturation. Nous verrons enfin comment les réseaux radiophoniques ont été utiles aux radios associatives pour obtenir des moyens matériels, humains et financiers, alors que faire vivre une radio 24h/24 a un coût important.

1) Les réseaux de « radios libres » : se battre pour avoir le droit d’émettre

22 GAXIE Daniel, « Economie des partis et rétributions du militantisme », Revue française de science politique, vol. 27, n° 1, 197723 Le sigle SNRL contient toujours aujourd’hui les mots « radios libres » alors qu’il doit rester assez peu de « radiolibristes » et de « radios libres » d’avant l’arrivée de Mitterrand au pouvoir dans ce syndicat.24 Il fournit 2000 affichettes orange fluorescentes à Radio Ici et Maintenant où est écrit « Rdio Ici & Maintenant ! (102 Mhz) FM. Guy Skornik. Didier de Plaige. 22h30. A partir de sam. 21 juin. » pour faire de la publicité sur le lancement.25 DE SAINT PULGENT Maryvonne, « Les radios libres : histoire, bilan et perspectives », « La bataille des industries culturelles : les radios libres   », « Une grande traversée », France Culture, 20/08/11, http://www.franceculture.fr/emission-les-grandes-traversees-batailles-pour-la-culture-doc-la-bataille-des-industries-culturelles

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En France, les radios « pirates » / « libres » ont compris très tôt l’intérêt de se rassembler pour devenir plus fort. D’autant plus qu’il s’agit de faire face au gouvernement et de promouvoir des actions jugées « illégales » par ce dernier : émettre des ondes radiophoniques alors qu’il y a un monopole. Beaucoup d’entre elles sont d’ailleurs soutenues ou créées par des associations, syndicats (dans le secteur des médias d’Etat ou dans le domaine de la sidérurgie), partis politiques (soit au niveau national, soit au niveau local)…

La Coordination des radios libres (Corali) voit le jour sur le plateau du Larzac les 13 et 14 août 1977. Jean Ducarroir, qui y participe, tente de prolonger cette coordination technique et politique via le collectif Radio 93. Peu de temps après, en septembre 1977, l’Association pour la Libération des Ondes (ALO) est créée par Antoine Lefébure grâce au soutien d’Umberto Eco, Pierre Jeanson-Ponté, Gilles Deleuze, Félix Guattari (qui soutient le collectif Radio Verte et participe à une émission), Serge July, Jean-François Bizot... Elle vise à coordonner les actions des « radios libres » dans la continuité de la revue Interférences créée en 1975 par Antoine Lefébure avec pour but la « critique des appareils de communication » traditionnels et valorise les expériences de « radios libres ». Une première rencontre entre une dizaine de stations est organisée par l’ALO le 21 décembre 1977 à Paris en l’absence de Radio 93. L’ALO se met en contact avec la Community Communication en Grande-Bretagne et la Fédération des radio-émetteurs démocratiques (FRED) qui associe les radios gauchistes, autonomes et alternatives en Italie26.

Suite à cette journée, le 15 février 1978, 17 stations (8 en Ile-de-France et 9 en province) de radio décident d’émettre simultanément. Guattari souhaite rassembler la FRED et l’ALO sous le nom d’Alfredo 78 fin mars 78 à Paris. Guattari lui-même s’appuie sur ses réseaux. Il dirige le Centre d’études, de recherches et de formation institutionnelles (Cerfi, 1965-1987) et surtout le Centre d’initiatives pour la création de nouveaux espaces de liberté (Cinel, 1977-198127) qui joue un rôle important dans le mouvement des « radios libres » (notamment avec la création de Radio Tomate28 en 1981, elle-même à l’origine de Radio Fréquence Paris Plurielle qui émet toujours aujourd’hui, du moins selon FPP29). Il inspire

26 Tribune, « Les radios libres se coordonnent », Rouge, 15/09/7727 BURNIER Michel, « Faire de la politique sans parti, l'expérience du CINEL », Multitudes, n°29, été 200728 PRINCE Bernard et VIDECOQ Emmanuel, « Félix Guattari et les agencements post-média, l'expérience de Radio Tomate et du Minitel Alter », Multitudes, n°21, été 200529 Sources : JULIETTE, « Brève présentation de Fréquence Paris Plurielle », rfpp.net, 20/11/08 [première publication 11/11/2008], http://www.rfpp.net/spip.php?article2 ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9quence_Paris_Plurielle ; « Radio Tomate (75) », schoop.fr, http://www.schoop.fr/ficheradio.php?id_radio=749. Mais selon Claude Palmer, « Tomate a été évincée du collectif de Radio Lucrèce et était absente de Paris Plurielle (question d'obédience libertaire contre trotskystes courant « Révolution ». » Selon le dictionnaire de Robert Prot, Lucrèce est une association de radios privées - Radio Fil Rouge (née en 1981 à Issy-les-Moulineaux sur 104 MHz et dirigée par Enrique Cézard), Radio Nanterre (qui est dirigée par Claude Palmer et qui émet sur 106 MHz à son début de la Maison du Peuple de Clichy), Radio Sème, Radio Tomate – grâce à un partenariat entre Claude Palmer, Lionel Rousseau (Radio Tomate), Christine Hudin. Radio Lucrèce est « autorisée par la CNCL en août 1987 et partage sa fréquence (106,7) avec Radio Paris et Radio Tomate dont elle accueille les membres. En septembre 1992, Radio Lucrèce ne sera pas ré-autorisée sur Paris, mais obtient deux fréquences en grande banlieue, dans l'Essonne : Dourdan (96,5) et Evry (106,9). Elle cesse ses émissions en 1996. » (« Radio Lucrèce (75) », schoop.fr, http://www.schoop.fr/ficheradio.php?id_radio=434). Christine Hudin (aujourd’hui sur Radio Libertaire) a bien fondé Fréquence Paris Plurielle avec Yvan Jossen (Les Pieds dans le Paf), Jacques Soncin (ex-président de la CNRL), Guy Dardel (qui est passé par Radio Montmartre, mais pas radio Tomate comme on peut le voir sur sa page Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Dardel) et contrairement à ce que dit la page Wikipedia de FPP (https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9quence_Paris_Plurielle)), Annie Simon (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale-CEDETIM). Lionel Rousseau de Radio Tomate semble avoir eu des ambitions commerciales puisque la marque « Radio Lucrèce » est déposée le 12 décembre 1989 à l’INPI Paris par l’association 1901 Radio Tomate (http://marques.expert/loi-1901-radio-tomate/radio-lucrece-1625951.html) au moment où Radio Tomate sort du regroupement sur la fréquence 106.7 MHz. Puis, Rousseau dépose la marque « Radio-Tomate » le 9 juin 1992 à l’INPI Paris (http://marques.expert/rousseau-lionel/radio-tomate-92421852.html).

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d’ailleurs le Collectif A/traverso (créé en avril 1972) qui anime Radio Alice (Bologne) qui commence à émettre le 9 février 1976 et qui joue elle-même un rôle important dans l’imaginaire « radiolibriste »30. Guattari écrit la préface de Radio Alice, radio libre31

(traduction Alice è il Diavolo) : « Des millions et de millions d’Alice en puissance ». Il accueille aussi Franco Berardi, dit Bifo (à l’antenne de Radio Alice), quand le théoricien d’A/traverso fuit l’Italie pour la France.

Lefébure refuse la proposition de Guattari. Des conflits naissent rapidement entre ces deux personnes « radiolibristes » du fait du soutien de Guattari aux actions d’Andreas Baader à travers son avocat – Klaus Croissant – qui se réfugie à Paris tandis que les autorités allemandes demandent son extradition. Un autre conflit survient sur les objectifs que doivent se donner ces radios. Patrick Farbiaz et Jean Ducarroir, fondateurs de Radio Paris 80, souhaitent utiliser la radio comme un moyen de militer alors que Lefébure souhaite une radio professionnelle d’un point de vue technique. D’ailleurs, Interférences donnait des conseils techniques aux « radiolibristes ».

La dernière source de conflit concerne le modèle économique : le mode de financement possible des radios. Il s’agit de s’accorder sur le futur modèle économique des radios, quand elles seront autorisées. Faut-il utiliser la publicité comme sur les radios périphériques françaises ou les radios off shore anglaises ? Ou est-ce que d’autres moyens sont envisageables ? Or, les objectifs de l’ALO de septembre 1977 ne s’opposent pas aux radios commerciales. En effet, le deuxième objectif de l’ALO consiste à « regrouper et coordonner les différents projets intéressés à la communication locale – étant entendu que leur objectif est essentiellement non commercial ». Le troisième objectif vise à « participer à la défense juridique de toutes les expériences de radios libres ainsi qu’à la défense politique de celles à vocation non commerciale et d’assurer leur coordination »32.

Pour marginaliser le point de vue adverse, Lefébure pousse François Chassaing (avocat et journaliste, proche du Parti Républicain et de Valéry Giscard d'Estaing, fondateur de Radio Fil Bleu puis de Radio Cactus) à créer un mouvement « radiolibriste » apolitique. Cela prendra le nom de « Consensus Liberté Radio » le 21 mars 1978.

Mais Alfredo 78, qui se réunit les 26, 27 et 28 mars à l’Ecole spéciale d’architecture, donne naissance au « Comité de soutien aux radios libres » autour de Guattari et de la plupart des fondateurs de l’ALO qui dénonce « l’utilisation publicitaire, modélisante et normalisante des ondes »33. Un tract du 28 mars évoque la future création d’une « Fédération des radios libres ». Lefébure met en garde contre une division du mouvement à quelques semaines du vote de la loi Lecat. En effet, Valéry Giscard d’Estaing a demandé au gouvernement de « proposer immédiatement au Parlement les dispositions législatives nécessaires pour assurer le respect du monopole de la radiodiffusion et de la télévision »34 lors du Conseil des ministres du 10 mai 1978.

Ces collectifs donnent lieu à deux publications. D’une part, La Radio ? mais c’est le diable35 où des membres de l’ALO et de Radio Onz’Débrouille ont repris des articles d’Interférences et proposent un guide de montage pour émetteurs FM artisanaux. D’autre part,

30 DALLE Matthieu, « Les radios libres, utopie ‘deleuzoguattarienne' », French Cultural Studies, vol. 17, n° 1, 200631 Collectif A/traverso, Radio Alice, radio libre, J.-P. Delarge, Paris, 197732 LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p13233 « Texte d’orientation des radios libres », Sonovision, avril 1978, p4734 Cité dans FERENCZI Thomas, « Un coup d’arrêt au développement des radios libres », Le Monde, 12/05/78 ; voir aussi « Radios : Giscard serre la vis du monopole », Libération, 11/05/78 ; « Silence, on replâtre », Le Matin, 11/05/78, « Le gouvernement veut mettre un frein aux radios libres », La Croix, 12/05/78.35 La Radio ? mais c’est le diable, La Radio Technique Compelec (RTC), Paris, 1978

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Les radios libres36 rédigé par le collectif « Collectif radios libres populaires » qui est composé par Guattari, Ducarroir, Farbiaz, Jean-François Lacan et qui souhaite un affrontement avec les autorités publiques.

« Consensus Liberté Radio » et l’ALO se rapprochent fin mai pour donner le « Bureau de liaison ALO/Consensus » et écrire aux parlementaires (leur proposer leur projet de « radio locale et indépendante »), lancer des pétitions et interroger les adhérents sur les objectifs de chacun. De leur côté, la « Coordination parisienne des radios libres » (coalition autour de Radio 93 de Farbiaz et Ducarroir, et Radio Libre Paris) et le « Collectif de soutien aux radios libres » de Guattari dénoncent la « dérive » commerciale et souhaitent organiser un congrès en vue de « créer une Fédération des radios libres non commerciales ». En parallèle, Guattari et une partie de la « Coordination parisienne des radios libres » se rapprochent du « Centre d’études et de réalisations informatiques, audiovisuels, multimédia » (CERIAM)37 qui se situe dans la mouvance communiste et souhaite voir éclore des « radios libres » mais « municipales ». Le congrès a lieu à Lyon le 3 juin. Organisé par Radio Canut et Radio Guignol, il rassemble une cinquantaine de personnes issues de 22 collectifs et radios qui cofondent le 4 juin la « Fédération Nationale des Radios Libres non commerciales » (FNRL) avec pour principe le refus de la publicité.

Après la loi Lecat n° 78-787 du 28 juillet 1978 (parue au JO du 29 juillet 1978), qui constitue un « tournant »38 dans le mouvement des « radios libres », le bureau de liaison communique sur sa déception et continue de négocier avec les politiques. Le « bureau » pousse les partis à faire un recours devant le Conseil constitutionnel qui est effectivement déposé, mais en vain, par Georges Fillioud le 4 juillet 1978.

De son côté, la FNRL souhaite que ses radios continuent d’émettre. Elle organise avec succès une fête de soutien à Yerres les 1er et 2 juillet. Mais la recette est dérobée, ce qui oblige Guattari à « éponger les dettes »39. Pendant ce même mois de juillet, a lieu, pendant trois semaines, l’« université populaire d’été » sur les sciences et techniques de la communication organisée par l’« Association des Rencontres Internationales des Rives de l’Etang de Berre » (ARIREB) où de nombreux intellectuels (dont le CERIAM40) sont présents (trop selon certains « radiolibristes »41) et où s’opposent les partisans des « radios locales » et ceux des « radios libres » selon Claude Collin :

36 Collectif radios libres populaires, Les radios libres, Maspero, n°204, Paris, 197837 Le CERIAM, fondé en 1973 par Jean-Claude Quiniou et Philippe Parmentier (fils du sénateur Bernard Parmentier), est une association de recherche appliquée dans le domaine de la vidéocommunication locale, associative et professionnelle. Il est codirigé par Jean-Claude Quiniou (co-auteur avec Jean-Marc Font de Les ordinateurs, mythes et réalités, Gallimard, Paris, 1968 ; auteur de Telematique, mythes et realites, Gallimard, Paris, 1980 et de Marxisme et informatique, Éditions sociales, Paris, 1971) et sa compagne Ghislaine Azémard (aujourd’hui professeur de science de l’information et de la communication à l’Université Paris 8 Saint-Denis, titulaire de la Chaire UNESCO « Innovation Transmission Edition Numériques » à la Fondation Maison des sciences de l'homme. Le CERIAM comprend une équipe de 15 personnes et travaille pour le Conseil Général du département, la DATAR, la Société d’Economie Mixte de la Ville de Martigues, le Ministère de la Santé et de la Famille. Il participe à l’organisation de séminaires de l’Association des Rencontres Internationales des Rives de l’Etang de Berre (ARIREB), notamment sur la vidéo et les handicaps (avec les professeurs Franco Basaglia (1924-1980 ; spécialiste de psychiatrie à l’Université de Palerme), M. Stoney, Stanislaw Tomkiewicz (1925-2003 ; spécialiste de psychiatrie à l'Université Paris VIII)). (DE LA TORRE Luis, « Le département saisi par la communication », Quaderni, vol13, n°1, 1991).38 LEFEBVRE Thierry, « Radios libres : le tournant de la loi Lecat », in « L’année radiophonique 1978 », Guy Robert (sous la direction de), Cahier d’histoire de la radiodiffusion, n°98, octobre-décembre 200839 LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p20640 Jean-Michel Sauvage collabore avec le CERIAM entre 1977 et 1984, notamment pour la coordination des Rencontres Internationales des Rives de l’Etang de Berre.41 DALLE Matthieu, Les ondes déchaînées : analyse culturelle des radios libres françaises, 1977-1981, sous la direction de Monique Yaari, thèse de doctorat, The Pennsylvania State University, décembre 2002, p34

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« Les radios locales – qui à l’époque, n’existent encore qu’à l’état de projet – sont celles que préconisent les partenaires de l’ex-Union de la Gauche ; elles doivent être bien sûr pluralistes, mais aussi responsables, démocratiques, associtives et fonctionner dans le cadre du service public. Les radios libres – qui, elles, ont l’avantage d’exister… même dangereusement – se veulent totalement sans entraves et voient dans la notion de service public une menace pour leur indépendance. »42

Beaucoup de radios sont découragées par cette loi et la répression qui la suit même si Patrick Vantroyen appelle à une radio de « deuxième génération » via son « association pour le développement des radios libres » (ADLR) fondée le 10 février 1978 à Paris et même si la FNRL se réunit les 20 et 21 janvier 1979 à Toulouse.

En 1979, les organisations « radiolibristes » se rapprochent d’autres organisations militantes - les syndicats - qui sont particulièrement organisées, structurées, financées, et qui luttent :

1) contre les licenciements dans les sociétés de l’ex-ORTF (le Syndicat National des journalistes, le Syndicat Interprofessionnel de la Radio-Télévision, le Syndicat Unifié de la Radio-Télévision…) ;

2) contre le démantèlement de la sidérurgie en Lorraine : la CFDT crée SOS Emploi (La FNRL et l’ALO fournissent du matériel, des émetteurs et une aide logistique.), la CGT fonde Radio Lorraine Cœur d’Acier animée par les journalistes Marcel Trillat et Jacques Dupont (L’ALO-Bureau de liaison des radios libres profite de l’existence de cette radio pour demander aux partis politiques et syndicats de prendre position sur l’arrêt du brouillage et des poursuites judiciaires.) ;

3) contre le traitement médiatique des élections prud’homales (Radio 93 CGT, Radio Action CGT, Radio CGT 76…).

Longwy d’où émettent SOS Emploi et LCA est aussi l’occasion d’un rassemblement international - un italien (Berardi de Radio Alice), des espagnols, allemands, suisses, anglais - et surtout des représentants de toutes les tendances « radiolibristes » et de tous les bords politiques : les principales radios et les principaux acteurs du mouvement (Ducarroir, Farbiaz, Guattari, Lefébure…). Elles parviennent même, non sans difficultés, à un communiqué de presse consensuel :

- un moratoire de 3 ans,- la continuité de l’expérimentation,- la constitution d’associations à but non lucratif pour soutenir les radios,- la limitation de la puissance d’émission,- l’interdiction des réseaux,- la dépénalisation et l’amnistie,- la recherche d’une unité d’action.43

Autre type d’organisation avec qui les « radiolibristes » tentent de s’allier : les partis politiques. Paris-Ecologie de Brice Lalonde soutient ce qui est vite appelé « Radio Verte » aux élections municipales de mars 1975. Une partie du Parti Républicain (parti de Valéry Giscard d’Estaing qui est alors au pouvoir) soutient Radio Fil Bleu en juillet 1977. Les députés communistes déposent un projet de loi visant à autoriser des radios municipales le 28 juin 1978 et un projet de radio municipale est soutenu par l’adjoint au maire de Montreuil Jean-Pierre Brard. Matthieu Dalle recense près d’une quinzaine de « radios libres » ayant

42 COLLIN Claude, Ondes de choc. De l’usage de la radio en temps de lutte, L’Harmattan, Paris, 1982, p27-2843 LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p297

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bénéficié du soutien actif d’une municipalité (la plupart socialistes), matérialisé sous la forme de prêts de locaux, subventions ou déclarations publiques de conseillers municipaux ou du maire entre 1978 et mai 198144. Une partie de PS soutient Radio Riposte en 1979 qui émet depuis le siège au 10 rue Solférino grâce à l’aide d’une dizaine de « radiolibristes » dont Farbiaz et Ducarroir. Ces derniers font donc l’objet d’une information judiciaire aux côtés de François Mitterrand, Laurent Fabius et Bernard Parmentier. Mais il y a dans cette affaire un « étonnant chassé-croisé »45 comme le souligne Thierry Lefebvre. Un émetteur de Radio Riposte est fourni par l’ALO, mais il vient à l’origine de la FNRL (Il appartenait à Radio Fil Rose à l’origine.). L’autre émetteur est prêté par la FNRL, il provient de Radio 100, mais il a été construit par un technicien de l’ALO. Les « radiolibristes » ont aussi le soutien de certains Socialistes, à commencer par Maurice Séveno - journaliste, gérant d’Unitélidis, adhérent du Parti Socialiste et proche de François Mitterrand – qui profite de la comparution d’un animateur de Radio Roquette devant la 17ème chambre correctionnelle le 25 mai 1978, pour déclarer :

 on assistera à une éclosion des radios libres qui se justifiera par le fait même qu’une partie de la

population est exclue de la parole, alors qu’elle a quelque chose à dire46.

Plus tard, en mars 1981, il tente de lancer Canal 75 avec Farbiaz et le soutien du publicitaire Thierry Mendès France (lointain petit cousin de Pierre Mendès France) et bien d’autres (Claude Estier, Bernard Renouvin, Brice Lalonde, Huguette Bouchardeau, Guy Konopnicki, Georges Sarre, Bernard Parmentier…).

Robert Prot fait référence à d’autres organisations qui ont pu soutenir et fonder des « radios libres » :

[…] la ligue de l’enseignement, la Mutualité française, la fédération Léo Lagrange, les grands journaux tels Le Monde, L’Humanité, Libération ou le Groupe Bayard Presse, etc. Quant aux partis politiques, à l’exception du parti communiste et de la fédération anarchiste, ils ne marquent pas un grand enthousiasme pour cette forme d’expression à laquelle leurs militants n’étaient guère préparés. Par contre, les Eglises, déjà rompues aux techniques de communication comme au bénévolat, furent tout de suite sur les rangs dès que la situation commença à s’éclaircir et elles ont persévéré depuis47 […] Enfin, les nombreuses communautés ethniques présentes sur le sol français marquèrent leur intérêt immédiat.48

Mais face à la répression, les « radios libres » et leurs fédérations ou associations sont en difficulté. Ces dernières ne peuvent soutenir que des expériences « radiolibristes » temporaires ou épisodiques. L’ALO soutient Radio Ivre (créée le 19 novembre 1978 par Jean-Marc Keller et Patrick Leygonie et fusionnée fin 1979 avec Radio Noctiluque de Jean-François Aubac et Radio Nid de Coucou de Patrick Vantroyen49) ou Radio Ici et Maintenant (Lefébure fournit un émetteur de 75 watt après une saisie le 30 août 1980). La FNRL, qui a 44 DALLE Matthieu, Les ondes déchaînées : analyse culturelle des radios libres françaises, 1977-1981, sous la direction de Monique Yaari, thèse de doctorat, The Pennsylvania State University, décembre 2002, p6645 LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p25946 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p2047 Nous le verrons plus loin avec les fédérations chrétiennes.48 PROT Robert, « Des radios libres aux radios locales privées », Cahiers d’Histoire de la radiodiffusion, juin-août 1994, p6949 « Radio Ivre - Canal 6 (75) », schoop.fr, https://schoop.fr/ficheradio.php?id_radio=264. Vantroyen était aussi passé par Radio Avoriaz en 1972 et Radio Entonnoir à Jussieu en mars 1973.

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organisé une rencontre nationale juridique les 1er et 2 mars 1980 à Reims, soutient Radio Paris 80 (lancée par des proches de Guattari) qui émet au sein des locaux de l’association Ecoovie pendant le salon « Terre Nouvelle 80 » en mars 1980.

L’ALO et la FNRL n’ont plus de moyens économiques et perdent aussi des ressources humaines. Lefébure est recruté par Havas fin 1980. Guattari, qui va bientôt lancer Radio Tomate, prend ses distances compte-tenu des tensions sur les objectifs au sein de la FNRL entre ceux qui veulent se professionnaliser et s’allier avec le Parti Socialiste (Farbiaz et Sylvain Ricci) et ceux qui donnent la priorité à « l’agit-prop » au « moyen pauvre » et aux « radios en luttes » (Ducarroir, Sylvain Ricci et des radios de province comme Radio Libre Populaire Saint-Nazaire). Ducarroir est totalement opposé à l’arrivée de la publicité tandis que Jean di Sciullo et Patrick Farbiaz sont pour. A la rencontre nationale de la FNRL à Lille des 22 et 23 novembre 1980, Patrick Farbiaz propose « la référence à une loi anti-trust, à une charte correspondants aux aspirations de l’opinion publique », « la sortie de la clandestinité pour les radios libres à l’échelon national », la création d’un « mouvement d’auditeurs » et d’une « radio test » professionnelle à Paris50. Farbiaz souhaite créer une « vraie radio d’information de gauche »51. Elle verra le jour avec Canal 75 en mars 198152, tandis que le même Farbiaz lancera la Fédération nationale des radios et télévisions locales et indépendantes (FNRTLI)53 après l’élection de François Mitterrand. En effet, sa ligne, qui a changé récemment, est mise en minorité au congrès de la FNRL qui se tient à Lyon les 9 et 10 janvier 1981.

La FNRL, l’ALO et la FNRTLI parviennent tout de même à se réunir à Paris le 17 mai - soit une semaine après l’élection de François Mitterrand - lors d’une «  réunion nationale des radios libres » où elles parviennent à s’accorder sur quelques mesures pour négocier avec les nouvelles autorités :

1) « Une instance technique contrôlera la qualité des émetteurs FM, limitera leur portée et répartira les fréquences » ;

2) « les autorisations d’émettre ne pourront être accordées (en plus des collectivités locales) qu’à des associations à but non lucratif » ;

3) « des fréquences sont réservées à des stations de faible portée émettant irrégulièrement, style radio-village ou radio de quartier » ;

4) « la publicité sera autorisée dans la limite de 5 minutes par heure non cumulables (disposition indispensable pour garantir l’indépendance des expériences) ;

5) « l’autorisation d’émettre sera automatique si l’association respecte les critères légaux »54.

Dans la loi n°81-994 du 9 novembre 1981, les mesures 4) et 5) ne sont pas accordées car il y a saturation de la FM qui rend nécessaire le travail de sélection de l’instance prévue à

50 LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p33651 Interview de Patrick Farbiaz par Thierry Lefebvre, 29/08/00, LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p36152 Des journalistes et étudiants sont recrutés (François Loncle, George-Marc Benhamou, Dominique Pouchin, Laurence Simon…) ou encore le « radiolibriste » Patrick Vantroeyen. La publicité y est limitée à 30 minutes par jour et sa tarification modulée en fonction de l’importance des annonceurs. Un appel à souscription est lancé. Mais des problèmes techniques (panne d’un gros émetteur de la Marine nationale, vétusté de l’installation), d’amateurisme et une saisie rapide met fin rapidement aux espoirs.53 « On trouve chez elle des radios implantées dans des villes moyennes, et ayant des prétentions professionnelles. » (PROT Robert, Des radios pour se parler : les radios locales en France, La Documentation française, Paris, 1985, p44)54 LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p389

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la mesure 1) qui prend la forme de la commission André Holleaux (1982), puis de la commission Jean-Michel Gallabert (1982-1985), Bernard Jouvin (1985-198655), mais aussi de la Haute Autorité de la communication et de l’audiovisuel (HACA), de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés (CNCL ; 1986-1989) et du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA ; 1989 à aujourd’hui)56. La publicité, sur laquelle pesait une opposition de principe des socialistes, ne sera autorisée qu’en 1984. Les socialistes décident aussi que les radios devront être très locales en limitant légalement la distance d’émission à 30 km. Les radios dont les émetteurs ont une puissance qui dépasse 500 watts doivent obligatoirement être diffusés par TDF moyennant rémunération.

Les « radiolibristes » et leurs collectifs gagnent la « bataille des radios libres », le monopole tombe, la bande FM s’ouvre. Mais il va falloir organiser collectivement cette dernière.

2) Les réseaux de radios locales privées : se battre pour avoir de la place sur la FM

Dans cette partie de l’article, il s’agit de montrer l’intérêt de se mettre en réseau et d’utiliser la puissance que ce réseau fournit lorsqu’il s’agit d’obtenir et conserver une fréquence. Pour cela, nous allons nous appuyer sur l’exemple d’une radio qui a refusé de se mettre en réseau (de se rapprocher de fédérations, de partis politiques, de syndicats…) ce qui a entrainé un certain nombre de difficultés.

Le 10 mai 1981, François Mitterrand est donc élu Président de la République ce qui donne de l’espoir à tous les « radioteurs » dont les radios sont d’abord tolérées et dont les délinquants sont amnistiés en août 1981. Les « radios pirates/libres » continuent de se développer largement alors que le monopole d’État de la diffusion radiophonique est maintenu. Les animateurs sont amnistiés par le nouveau Président. Mais le brouillage continue jusqu’à août-septembre 1981. Radio Ici et Maintenant garde sa place sur la bande FM. Elle émet depuis le 21 juin 1980. Le problème est que la bande FM est vite saturée. Didier de Plaige, cofondateur de cette radio - souhaiterait que les fréquences soient attribuées à l’ancienneté57, selon le principe énoncé par l’avocat fondateur de Radio Fil Bleu François Chassaing, dans la mesure où sa radio est déjà considérée à l’époque comme une « radio libre » historique.

François Mitterrand fait voter le 9 novembre 1981 une loi58 (dont le décret d’application n’entre en vigueur qu’en janvier 1982) établissant un régime transitoire qui prévoit une dérogation (et non une suppression59) au monopole applicable à la modulation de fréquence (FM) entre 87.5 et 104 MHz (les fréquences 104 à 108 MHz étant réservées à

55 Il est président de la commission d’attribution de l’aide financière à l’expression radiophonique locale en 1985 et président de la commission d’attribution des aides au soutien à l’expression radiophonique en 1988.56 Selon Robert Prot, « on devait noter une préférence pour les radios associatives du côté de la Commission tandis que la Haute Autorité estimait ne pas devoir négliger l’apport des radios commerciales. » (PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, 171)57 LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p388.58 Loi n° 81-994 du 9 novembre 1981 portant dérogation au monopole d’État de la radiodiffusion (Source : JORF du 10 novembre 1981).59 Selon le nouvel article 33 bis, la violation du monopole est punie d’une amende de 4 000 à 500 000 francs, alors que la version de la loi Lecat n° 78-787 du 28 juillet 1978, qui avait ajouté cet article 33 bis dans la loi du 7 août 1974, prévoyait une peine d’emprisonnement d’un mois à un an et une amende 10 000 à 100 000 F (DUVERNIER Marie-Claude, « L'adaptation du droit pénal de la presse à la communication audiovisuelle en France », Revue internationale de droit comparé, vol. 41, n°2, 1989).

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l’armée60) par des autorisations révocables. Ces autorisations prennent d’abord la forme d’« avis » favorables ou défavorables d’abord délivrées par la commission Holleaux61, du nom de son président André Holleaux qui est assisté du rapporteur et de deux experts chargés des dossiers. Les « radios locales privées » détenues par des associations loi 1901 sont autorisées si elles ne sont pas financées par la publicité. Les animateurs de RIM ont déposé leurs statuts d’association à la préfecture le 1er octobre 1981. L’association « Fondation Ici et Maintenant » est située au 45 rue de Leningrad dans le VIIIème arrondissement de Paris (où habite la famille Plaige). Voici l’objet de l’association dans l’article 2 des statuts :

Promouvoir la recherche et les applications de nouveaux moyens de communication. L’association s’interdit formellement toute activité politique.

L’aspect New Age, qui caractérise en grande partie cette radio62, n’est donc pas marqué dans les statuts, mais encore faut-il s’entendre sur la définition de la « communication » car, à RIM, elle peut recouvrir par exemple la « transcommunication » qui est la communication avec les morts. L’autorisation n° 81-2015 de l’association est publiée au J.O. le 14 octobre 1981

Le fait qu’il y ait plus de radios à autoriser (700 à 800 dossiers de toute la France63) que de fréquences disponibles oblige la commission Holleaux à faire des regroupements radiophoniques par thèmes : des « mariages ». La commission Holleaux est surtout constituée par les représentants des « radios libres » fédérées. L’avocat Jean-Louis Bessis représente les radios non fédérées comme RIM. Il n’est pas question de se syndiquer, de se fédérer pour ces libertaires dont l’état d’esprit prend ses sources dans la « beat génération »64. Et il y a des représentants de deux fédérations autour de la table : d’un côté la FNRTLI de Daniel Populus (animateur de Radio G à Grenoble qui a par ailleurs été le seul à avoir réussi une expérience de télévision par câble dans les années 1970) et Patrick Farbiaz et de l’autre la FNRL de Jean Ducarroir. La première a soutenu douze associations dont huit ont été dérogées. La seconde a obtenu des dérogations pour les 52 radios qu’elle représente65. Le jeudi 15 juillet, la commission rend publique une première liste des radios parisiennes susceptibles d’obtenir une dérogation. RIM est absente de cette liste. Mais cette liste doit faire l’objet de discussions et d’amendements avant d’être définitivement votée le jeudi 22 juillet66. Les animateurs de RIM

60 L’armée a abandonné les fréquences 100-104 MHz dans les années 1970 puis 104-108 MHz dans les années 1980.61 Sur 21 membres de la commission de répartition des fréquences, 16 sont choisis sur présentation d’un ministre. Il y a des représentants du Parlement, des ministres intéressés, de TDF, de Radio France, des patrons de presse, des associations culturelles et des fédérations de radios : Philippe Carlier (Coordination Nord des radios libres), Daniel Populus (FNRTLI), Henri de Bodinat (ALO), Jean Ducarroir (FNRL), Jean-Louis Bessis (radios non affiliées). D’autres représentants les rejoignent par la suite comme Claude Palmer à partir de 1982.62 POULAIN Sebastien, « Des médiums dans les médias ou les nouveaux médiateurs du sacré », Esprit Critique. Revue internationale francophone de Sciences sociales, vol. 19, juillet 2014 http://www.espritcritique.fr/publications/1901/esp1901.pdf ; POULAIN Sebastien, « Le réenchantement du récit radiophonique comme réenchantement du monde », in « Radio et narration : de l’enchantement au réenchantement », Recherches en Communication, n°37, 2013, http://sites.uclouvain.be/rec/index.php/rec/issue/view/613; POULAIN Sebastien, « La fabrique des extraterrestres », in Henri Boyer et Michel-Louis Rouquette (sous la direction de), « Rumeurs – rumeur », Mots. Les langages du politique, n° 92, mars 2010, http://mots.revues.org/index19401.html63 BROCHAND Christian, Histoire générale de la radio et de la télévision. Tome III 1974-2000 , La Documentation française, Paris, 2006, p12664 DB Luc, « "Ici et Maintenant" : grève de la faim interrompue. Les deux animateurs qui avaient entamé leur mouvement de protestation le 21 juillet ont décidé de l’interrompre jusqu’aux premiers jours de septembre », Libération, 31/07-01/08/8265 COJEAN Annick, « Les radios libres parisiennes. Les lois de la jungle », Le Monde, 10/07/8266 EDELMANN Frédéric, « Un choix provisoire La commission Holleaux publie une liste provisoire de radios libres parisiennes », Le Monde, 17/07/82

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pensent que « par ordre d’importance – ou de préséance », RIM doit « pouvoir se passer d’influence » grâce à un très bon dossier :

Ce qui, à notre avis, suffisait, c’est tout le travail que nous avons fait depuis deux ans, la façon tout à fait nouvelle de faire de la radio que nous avons amenée en faisant intervenir les auditeurs sur l’antenne, l’alliance avec Pluriel-FM, qui apporte un axe assez peu développé sur Ici et Maintenant, avec Gulliver et leur créativité d’amoureux de la radio…67

Ils estiment avoir déposé à la commission Holleaux le dossier le plus conforme à l’idée qu’ils se font de ce que doivent être les « radios libres » :

On a travaillé sans interruption depuis deux ans, en faisant toujours preuve d’innovation. Nous sommes peut-être le seul projet sincère, non commercial et non politique...68

Le problème est que la bande FM est en train de changer à grande vitesse, comme le remarque Annick Cojean qui s’interroge sur la manière de les appeler :

Comment devra-t-on désormais les appeler ? « Libres » ? Le mot sonne un peu faux lorsqu’il fait allusion à des projets capables d’être soutenus par plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’associations, coopératives, institutions ou sociétés diverses. « Associatives » ? Le terme ne signifie plus grand-chose aujourd’hui, n’importe qui pouvant être en France à l’origine ou à la tête d’une association, et ce statut juridique pouvant masquer n’importe quelle réalité. « Locales privées », alors ? Peut-être faudra-t-il s’y résoudre, bien que l’expression apparaisse un peu institutionnelle, étant utilisée le plus souvent possible par le ministère de la communication, soucieux de ne pas blesser Radio-France par une opposition trop implicite entre les « libres » et les autres... 69

Lorsqu’au 7ème vote, la commission se penche sur le dossier de RIM, les fédérations préfèrent soutenir Radio libre Paris, laquelle doit regrouper toutes les communautés ethniques du nord de la Méditerranée (Arméniens, Turcs, Portugais, Italiens, Pakistanais…)70. Patrick Farbiaz défend Radio Libre Paris qui regroupe au moins 15 radios. Au 14ème vote, pour l’attribution de la fréquence de presse, sont opposés :

Boulevard du Rock (créée en novembre 1981 sur 92.6 MHz par Michel Anselme et fusionne avec Carol FM en 1983 pour devenir ABC qui partage sa fréquence avec Megal’oblique)

+ Oblique (créée par Claude Monnet, fondateur de Radio Ivre, émet de 1981 à 1983 - mais sans

autorisation sur 91.4 MHz - fusionne ensuite avec Radio Megal’O en 1983 pour donner Megal’oblique) + Grand Angle (émet en 1981 sur 92.9 MHz sans autorisation)à Radio Ici et Maintenant + Radio Tomate (radio fondée par Félix et Bruno Guattari qui arrête en 1982).

RIM perd à nouveau et largement face à des radios issues de la presse :

La presse l’emporte largement : en voix si on lui donne 100, Boulevard du Rock obtient 60 et Radio Ici et Maintenant/Tomate 45.71

67 « Radios libres : deux exclus font la grève de la faim. Animateurs d’Ici et Maintenant, ils entendent ainsi protester contre leur exclusion de la liste des dérogations », Entretien de Pierre Chatenier avec Guy Skornik, Didier de Plaige et Philippe Delacroix, Le Matin, 26/07/8268 COJEAN Annick, « La commission Holleaux établit sa liste définitive », Le Monde, 23/07/8269 COJEAN Annick, « La commission Holleaux établit sa liste définitive », Le Monde, 23/07/8270 COJEAN Annick, « La commission Holleaux établit sa liste définitive », Le Monde, 23/07/8271 GAVI Philippe, « Comment radio libre Paris a "tombé" Ici et Maintenant. Qui a voté pour qui  ? Pourquoi ? Georges Fillioud "sauvera-t-il" Ici et Maintenant ? L’armée cédera-t-elle la bande 104/108 qui lui est réservée ?

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Plus tard le tour de RIM revient à nouveau mais il est trop tard.

Nova (créée le 25 mai 1981 par Jean-François Bizot avec des membres de Radio Verte)+ Radio Ivre (fondée en 1979 par Patrick Leygonie, Jean-Marc Keller Jean-François Aubac de

Radio Noctiluque et Patrick Van Troyen de Radio Nid de Coucou, et arrête en 1982)

sont invités à s’associer :

Radio Pluriel FM (le responsable est Philippe de la Croix émet en 1982, la radio s’arrêtera de diffuser en 1985),

+Radio Gulliver (qui s’arrêtera de diffuser en 1982) + Radio Ici et Maintenant (ces trois stations sont invitées à se marier entre elles).

Mais ce n’est qu’une invitation. Or, RIM, Pluriel FM et Gulliver avait été citées dans une première liste de synthèse publiée par la commission Holleaux72.

Au final, il y a des avis favorables pour 18 stations à Paris et une quarantaine en banlieue sur 300 dossiers73. Les fédérations, bien représentées au sein de la commission, semblent, de leur côté, satisfaites :

La F.N.R.L. (Fédération nationale des radios libres), la F.N.R.T.L.I. (Fédération nationale des radios et télévisions locales et indépendantes) et la Coordination régionale du Nord estiment que «  le fait le plus positif est que les exclus de la parole (immigrés, homosexuels, DOM, etc.) trouvent maintenant place sur la F.M. ».

L’ALO Association pour la libération des ondes) estime de même qu’un certain équilibre est réalisé sur la bande F.M., où elle retrouve plusieurs stations correspondant à sa propre conception de la radio (N.R.J., Nova, Gilda, Génération-2000). Les fédérations se retrouvent cependant pour déplorer l’absence d’Ici et Maintenant et du regroupement Boulevard du Rock - Oblique - Grand-Angle.74

Mais la presse s’émeut du résultat et critique les décisions prises par la commission Holleaux. Selon Philippe Gavi de Libération,

tout le monde tresse une somptueuse couronne à la victime reconnue pour être une sinon la radio la plus imaginative et proche de ses auditeurs, avec une audience relativement importante incontestable.75

Gonzague Saint-Bris de Radio Megal’O remet en cause le fonctionnement et la compétence de la commission Holleaux :

le fait que les radios historiques, comme Ici et Maintenant, Radio Megal’O et Carl FM se retrouvent sur la liste d’attente met sérieusement en doute la compétence d’une commission qui, réunie

Bref, les questions qui se posent après le rapport de la commission », Libération, 24-25/07/8272 « Radios libres : deux exclus font la grève de la faim. Animateurs d’Ici et Maintenant, ils entendent ainsi protester contre leur exclusion de la liste des dérogations », Entretien de Pierre Chatenier avec Guy Skornik, Didier de Plaige et Philippe Delacroix, Le Matin, 26/07/8273 BROCHAND Christian, Histoire générale de la radio et de la télévision. Tome III 1974-2000 , La Documentation française, Paris, 2006, p12674 « Les réactions au choix de la commission Holleaux », Le Monde, 26/07/198275 GAVI Philippe, « Comment radio libre Paris a "tombé" Ici et Maintenant. Qui a voté pour qui  ? Pourquoi ? Georges Fillioud "sauvera-t-il" Ici et Maintenant ? L’armée cédera-t-elle la bande 104/108 qui lui est réservée ? Bref, les questions qui se posent après le rapport de la commission », Libération, 24-25/07/82

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précipitamment, à préféré attribuer ses principales fréquences à des radios papier, des projets bidon et des dossiers en carton.76

Un journaliste d’Audiences parle des membres de la commission qui auraient touché des commissions :

On pouvait se douter, en effet, au vu et su des dérogations accordées à un nombre impressionnant de radios fédérées qu’il y avait anguille sous roche. En effet, comment expliquer que certaines radios d’un intérêt plutôt contestable aient pu si facilement franchir le portillon des dérogations, alors que d’autres plus intéressantes ont été délaissées ? Georges Fillioud l’a trop bien dit : « chacun soutient son ami, son proche et il y en a qui restent sur le tapis ». Mais où trouver des excuses, s’il en est, lorsque l’on s’aperçoit que des membres de la commission touchent des commissions.77

Annick Cojean critique le fait que la « commission – qui comprend 21 membres - soit "arbitre, juge et parfois - hélas ! – partie", explique les décisions par des impératifs techniques mais aussi politiques et se demande s’il est possible de trouver quelques traces [des] grandes aspirations du mouvement des radios libres d’antan » : « Liberté, convivialité, hardiesse »78. Frédéric Edelmann souligne le poids des « lobbys »79, à l’image de la Ligue de l’enseignement qui est derrière la fréquence d’éducation populaire80.

Quant aux animateurs de RIM, ils sont « écœurés »81. Ils critiquent le travail de la commission Holleaux en soulignant aussi l’impartialité des « sages » qui sont à la fois juge et partie puisque « quatorze ou quinze représentants de stations » y siègent, tandis que la « cause était entendue depuis un mois ou deux » pour d’autres radios :

On savait qu’elles auraient une fréquence. C’est le cas des radios juives, c’est le cas de la communauté chrétienne. Pour la radio de la presse, ou Service-Tour-Eiffel…82

Plaige et Guy Skornik, cofondateur de RIM, décident de passer à l’action pour protester contre « les magouilles politiques et financières »83 et les abus de la course à la puissance des émetteurs. Ils entament un grève de la faim au domicile de l’avocat Jean-Louis Bessis (boulevard Saint Germain) à partir de mercredi 21 juillet, 15h0084. Ils s’expliquent dans une interview donnée à Pierre Chatenier pour le journal Le Matin quelques jours après :

- Didier de Plaige : Il s’est trouvé que, par une suite d’amendements et de propositions des fédérations de radios libres, la commission Holleaux a été contrainte d’accepter des radios qui n’étaient pas là au début, et on a été éjecté au dernier moment.

- Guy Skornik : La station est en liste d’attente. Ça peut durer trois mois, ça peut durer deux ans. C’est pour cela que l’on est en train de faire du forcing. Pour faire réparer une injustice.

- Pierre Chatenier : Mais à partir du moment où il y avait une instance démocratique, vous devez bien vous attendre à ce qu’il y ait des élus et des exclus ?

76 DUBIN Marie-Claude, « La révolte des radios libres oubliées », France-Soir, 28/07/8277 « Ceux par qui le scandale arrive », Audiences, 09-10/8278 COJEAN Annick, « Paris aura dix-huit radios privées », Le Monde, 24/07/8279 EDELMANN Frédéric, « Un choix provisoire La commission Holleaux publie une liste provisoire de radios libres parisiennes », Le Monde, 17/07/8280 Selon Claude Palmer, « c'était le réseau naissant du PCF piloté depuis la Seine- St Denis par le sénateur Robert Ballanger [1912-1981]- puis de sa fille ».81. COJEAN Annick, « La commission Holleaux établit sa liste définitive », Le Monde, 23/07/8282 « Radios libres : deux exclus font la grève de la faim. Animateurs d’Ici et Maintenant, ils entendent ainsi protester contre leur exclusion de la liste des dérogations », Entretien de Pierre Chatenier avec Guy Skornik, Didier de Plaige et Philippe Delacroix, Le Matin, 26/07/8283 « Ceux par qui le scandale arrive », Audiences, 09-10/8284 GAVI Philippe, « Comment radio libre Paris a "tombé" Ici et Maintenant. Qui a voté pour qui  ? Pourquoi ? Georges Fillioud "sauvera-t-il" Ici et Maintenant ? L’armée cédera-t-elle la bande 104/108 qui lui est réservée ? Bref, les questions qui se posent après le rapport de la commission », Libération, 24-25/07/82

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- Didier de Plaige : Pas d’accord ! Parce que ce que l’on n’a pas dit, c’est qu’il y avait dans la commission quatorze ou quinze représentants de stations. Cette commission est juge et partie. Ce n’est pas un comité des sages. Ce sont des gens qui ont tous une, ou deux ou trois radios à défendre…

- Guy Skornik : Et puis, il y a une façon de s’abstenir, de faire voter des amendements… C’est d’ailleurs ce qui s’est passé. On a été « squeezé » en ayant 4 voix contre 5 à Radio-Libre-Paris. Tous les autres votants s’étant abstenus.

- Pierre Chatenier : Vous pensez donc que la commission n’a pas fait véritablement et honnêtement son travail ?

- Guy Skornik : Il est inutile de dresser un tableau magnifique et propre du travail de la commission. Il est évident que les dossiers n’ont pas été regardés un par un, dans le détail. Ce qui, à notre avis, suffisait, c’est tout le travail que nous avons fait depuis deux ans, la façon tout à fait nouvelle de faire de la radio que nous avons amenée en faisant intervenir les auditeurs sur l’antenne, l’alliance avec Pluriel-FM, qui apporte un axe assez peu développé sur Ici et Maintenant, avec Gulliver et leur créativité d’amoureux de la radio… Tout çà, sur dossier, fait un ensemble qui nous semblait pouvoir se passer d’influence. Aussi, nous ne nous sommes pas fédérés et nous n’avons pas été défendus par les fédérations. Mais je crois que d’autres gens auront à cœur de mettre les bras dans la boue des divers dossiers pour nous sortir de là. Nous, on vise une reconnaissance et on la précipite par une grève de la faim. C’est tout.

- Pierre Chatenier : Toutes les radios qui ont obtenu une fréquence appartiennent-elles à une fédération ?

- Didier de Plaige : Ou elles sont fédérées, ou elles n’en ont pas besoin parce que leur cause était entendue depuis un mois ou deux. On savait qu’elles auraient une fréquence. C’est le cas des radios juives, c’est le cas de la communauté chrétienne. Pour la radio de la presse, ou Service-Tour-Eiffel… C’était évident aussi. D’ailleurs, pour nous, nous avons déjà la dérogation. Il nous manque juste la fréquence.

- Pierre Chatenier : Est-ce que vous n’êtes pas en train d’entretenir un espoir insensé ?- Didier de Plaige : Non. C’est explicite dans le communiqué du ministère de la

Communication, qui dit que par ordre d’importance – ou de préséance, comme on veut -, la liste complémentaire commence par Ici et Maintenant, Pluriel-FM et Gulliver, une entité qui fonctionne déjà assez bien pour mériter cette fréquence. Cela dit, il n’y a prétendument de place… C’est un argument fallacieux, et nous savons bien qu’il reste des places.

- Guy Skornik : Pour Fréquence Gaie, on a trouvé une fréquence en vingt-quatre heures.- Pierre Chatenier : Les techniciens de TDF disent qu’ils ont déjà fait le maximum.- Didier de Plaige : Non, il y a la fréquence qui était réservée à RFM. Et puis, il y a aussi les

fréquences réservées à l’armée, la bande 104-108 MHz. Et puis, il y a les douze fréquences qui ont été gelées pour Radio-France. Elles ne vont pas être utilisées toutes les douze tout de suite. Georges Fillioud a le choix.

- Guy Skornik : Moi, je crois qu’on est en train de nous faire subir une initiation. On n’est pas contre. C’est une expérience de plus. Et, actuellement, on nous fait cadeau d’une promotion insensée.

- Pierre Chatenier : Quoi qu’il arrive, vous continuez à émettre ?- Guy Skornik : Le problème ne se pose même pas. Il est évident que dans le pire des cas, dans

deux mois, avec nous à la morgue, Ici et Maintenant continuera d’émettre.85

Le ministre de la Communication lui-même - ancien journaliste à Europe 1 de 1956 à 1966 (renvoyé par Maurice Siegel à cause de ses activités politiques) - n’est pas indifférent au sort de RIM86, ni aux télégrammes envoyés par les auditeurs, ni à la « flopée de nœuds papillons »87 marqués du sceau de la station qu’il a reçus. Georges Fillioud, ministre de la Communication, interviewé par Ivan Charron sur TF1 le 29 juillet dans le journal de 13h déplore que Radio Ici et Maintenant

85 « Radios libres : deux exclus font la grève de la faim. Animateurs d’Ici et Maintenant, ils entendent ainsi protester contre leur exclusion de la liste des dérogations », Entretien de Pierre Chatenier avec Guy Skornik, Didier de Plaige et Philippe Delacroix, Le Matin, 26/07/8286 GAVI Philippe, « Comment radio libre Paris a "tombé" Ici et Maintenant. Qui a voté pour qui  ? Pourquoi ? Georges Fillioud "sauvera-t-il" Ici et Maintenant ? L’armée cédera-t-elle la bande 104/108 qui lui est réservée ? Bref, les questions qui se posent après le rapport de la commission », Libération, 24-25/07/82 ; LESTROHAN Patrice, « Radios libres : mais de quoi vont-elles vivre ? », Le Quotidien de Paris, 24-25/07/82.87 « Radios libres-service. Ici et Maintenant – Paris 99.4 MHZ », Libération, 02/08/82.

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n’ait pas reçu d’avis favorable de la commission. Cette commission n’est que consultative, ajoutait-il, tant que je n’ai pas signé les arrêtés ministériels délivrant les autorisations légales, rien n’est fixé définitivement.

D’autre part le ministre reconnaît que RIM est une radio de bonne qualité, « une radio historique », de militants et de pionniers. Cependant cela ne lui donne pas un « droit absolu »88. Ce refus donnait une mauvaise image de la gauche selon Skornik, que j’ai interviewé en 2011 :

Du coup, c’était une tache dans cette merveille de la gauche qui passe, qui ouvre les vannes des radios libres et en plus une radio qui s’appelait « Ici et Maintenant ». « Ici et Maintenant », il se trouvait que c’était le titre du bouquin de Mitterrand qui était vraiment sans rapport avec notre concept d’« Ici et Maintenant ». Mais disons que ça tombait mal, disons. Que cette radio soit interdite. Ça faisait pas bien dans le paysage, l’image que voulait se donner la gauche à ce moment-là. Surtout qu’au même moment ils donnaient les autorisations à NRJ qui était une station qui arrivait avec un émetteur mille fois plus fort que tous les autres et faisant que de la musique, donc voulant des affaires. Donc en fait, ça laissait la place, c’est l’aspect un peu bizarre dans cette histoire, nous on a fait la place pour que des organismes communautaires et d’autres strictement commerciaux s’installent sur la bande FM. On a fait le lit de tout ça. On s’est un peu battu pour faire un truc qu’on trouvait génial, et ce qui s’est installé après, c’était un peu l’inverse de… Il y avait encore quelques radios libres. Mais enfin, elles sont surtout libres de faire du business. Et les gens se sont regroupés par communauté : radio Beur, radio machin, radio Jazz, radio truc...

Plaige et Skornik cessent leur grève de la faim, qui a duré 8 jours, après avoir obtenu de Georges Fillioud la promesse d’une intervention auprès de la commission Holleaux89

lorsqu’ils sont reçus au ministère : lors de l’entretien, il se lève de son bureau vient vers eux dans son costume blanc comme s’ils se connaissaient « de longue date », leur demande s’ils n’ont pas trop souffert, puis un conseiller leur annonce que tout est arrangé. Annick Cojean du Monde salue la résistance de la radio, à ce qu’elle appelle une « bavure » de la commission Holleaux :

le soutien officiel du ministre à la radio Ici et Maintenant est loin d’être neutre. Certes, il y avait cette grève de la faim. Mais dans ce cas précis, il ne s’agissait pas de n’importe quels grévistes, de n’importe quelle radio. Et la mobilisation – jour et nuit – des auditeurs de la station a été impressionnante, leur résistance non violente, ferme et réfléchie.90

RIM continue de diffuser des programmes :

Malgré la grève de la faim de Guy Skornik et Didier de Plaige (qui a cessé vendredi soir, avec la promesse de G. Fillioud de réexaminer le dossier de cette radio en septembre), la fréquence 99.4 MHZ, avec la collaboration de Pluriel FM, sa promise, ne reste pas muette : lignes ouvertes tous azimuts et lecture de télégrammes envoyés par les auditeurs solidarisés au ministère de la Communication (qui a en outre reçu une flopée de nœuds papillons marqués du sceau de la station).91

La commission Holleaux reprend ses travaux en septembre. Pour rassurer les radios parisiennes qui se trouvent sur la liste complémentaire, comme RIM, elle publie un avis favorable à leur égard. Philippe Gavi du Monde pense que RIM obtiendra en définitive sa place sur la bande FM :

88 DB Luc, « "Ici et Maintenant" : grève de la faim interrompue. Les deux animateurs qui avaient entamé leur mouvement de protestation le 21 juillet ont décidé de l’interrompre jusqu’aux premiers de jours de septembre  », Libération, 31/07-01/08/82 ; « Radio libre. Fin de la grève de la faim », Le Matin, 31/07-01/08/82 ; Le Monde, 31/07/8289 COJEAN Annick, « La "bavure" d’Ici et Maintenant », Le Monde, 01-02/08/8290 COJEAN Annick, « La "bavure" d’Ici et Maintenant », Le Monde, 01-02/08/8291 « Radios libres-service. Ici et Maintenant – Paris 99.4 MHZ », Libération, 02/08/82

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TDF n’envisage pas de dégager de nouvelles fréquences avant de voir comment cela se passe avec les 17 stations retenues, dont des regroupements qui sont à l’essai. Mais qu’il y a de fortes probabilités pour qu’Ici et Maintenant, tête de liste complémentaire, regroupée avec Pluriel FM et Gulliver, puisse trouver une place.92

Par ailleurs, le jour de l’interview à TF1 est aussi le jour où est votée la loi dite Fillioud93 du 29 juillet 1982 qui complète celle de 1981 et consacre le principe de la communication libre (article 1) et pluraliste (article 2) en abolissant le monopole de la programmation.

Les autorisations d’exploitation seront données après avis de la commission de consultation des radios locales privées, dite commission Galabert qui remplace la commission Holleaux qui a reporté plusieurs fois sa décision94. Le mercredi 27 octobre, quand la commission Galabert se réunit pour examiner à nouveau l’attribution des fréquences parisiennes, trois mois après ses premiers avis, RIM est toujours sur une liste complémentaire devant Boulevard du rock (avec Grand angle et Oblique FM), Carol FM (et Megal’o) et Radio Tomate95. La commission Galabert accorde 22 autorisations aux radios parisiennes le 2 janvier 1983 grâce à de nombreux regroupements qui mécontentent beaucoup de radios96. RIM reprend sa place à Radio Libre Paris :

Rebondissement spectaculaire mercredi matin à la commission Galabert. Deux radios qui avaient obtenu un avis favorable le 23 juillet ont été boulées : Radio Libre Paris et Cité 96. Ici et Maintenant, tête de liste d’attente, prend la place de RLP. Retour en arrière : le 23 juillet, la commission Holleaux ouvre le ciel de la FM parisienne à 18 stations, sous réserve pour plusieurs d’entre elles de procéder à des regroupements. Le mercredi 27 octobre, la commission Galabert réexamine la situation sur Paris. Et entérine 12 stations [...].97

La Haute Autorité publie la liste des radios autorisées début mai98. L’autorisation n° 75-09 de RIM sera publiée au Journal Officiel le 29 mai 1983.

On voit donc à travers les aventures de RIM l’intérêt qu’il y a de faire partie de coalitions. A défaut d’avoir été proche d’une fédération, d’un parti politique, d’un syndicat, les animateurs ont compensé ce manque et sont entrés dans un rapport de force en faisant des

92 GAVI Philippe, « La commission Holleaux reprend ses travaux », Libération, 03/09/82 ; « La Commission Holleaux », Le Monde, 04/09/82 ; « Radios libres : en avant comme avant », Télérama, 08/09/8293 Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (Source : JORF du 30 juillet 1982) loi dite Fillioud du nom de la ministre de la Culture94 FERRE Jean, « Radios libres. La manœuvre », Le Figaro Magazine, 25/09/8295 « Un dernier sursis pour les regroupements », Le Monde, 29/10/198296 Judaïque FM, Radio Shalom, Radio J et Radio Communauté qui sont en désaccord sur la politique israélienne. Radio Classique ne souhaite pas partager sa fréquence avec Radio Montmartre (qui diffuse une musique à base d’accordéon) et Radio Latina.97 GAVI Philippe, « Pas de fréquence pour Radio Libre Paris et Cité 96 ; Ces deux radios qui avaient obtenu un avis favorable se sont vues refuser une fréquence faute de regroupements exigés par la commission Galabert. Ici et Maintenant prend la place de RLP », Libération, 26/11/82 ; « Radio libres. Paris : avis favorable pour "Ici et Maintenant" », Le Quotidien de Paris, 26/11/82 ; « La commission consultative sur les radios libres locales », Le Monde, 28-29/11/82 ; SAINT-BRIS Gonzague, « Le mégaloscope de Gonzague Saint Bris », Pariscope, 08/12/82 ; GAVI Philippe, « Cité 96 et Paris Fréquence Montparnasse réinstallés sur la FM parisienne », Libération, 02/12/82 ; COJEAN Annick, « Les premières autorisation de radios libres », Le Monde, 23/12/82 ; COJEAN Annick, « La Bastille deux fois libérée », Le Monde, 23/12/82 ; « La dérogation pour Ici et Maintenant », La lettre de l’audiovisuel et des médias, 17/12/82 ; « Commission Galabert : Modification de la liste d’attente sur Paris », La Croix, 11/12/82.98 « La Haute Autorité a publié la liste des radios libres autorisées à Paris », Le Monde, 09/05/83.

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coups de communication et en suscitant la compassion des médias et des dirigeants politiques. Ils feront à nouveau une grève de la faim en 1986 contre TDF et la Haute Autorité et en 1996 contre le CSA (en plus de manifestations dans la rue et de saisies du Conseil d’Etat). Mais RIM ne fera pas davantage partie des réseaux par la suite alors que ceux-ci vont se multiplier99 :

- La Fédération des associations de radios d'expression libre (FAREL) est animée par le communiquant Thierry Saussez, adjoint au député-maire RPR de Rueil-Malmaison, Jacques Baumel.

- L’APELIM a pour président le maire de Dunkerque, Claude Pourvoyeur, et pour vice-président le sénateur-maire de Metz, Jean-Marie Rausche, et comprend quarante radios.

- Une Association nationale des radios de pays est créée autour de Radio Alouette FM100, une radio lancée par Philippe de Villiers grâce aux bénéfices générés par le spectacle du Puy-de-Fou qui « soutient allègrement la comparaison avec les radios décentralisées de Radio France » selon Annick Cojean101.

- Une Fédération régionales des radios et télévisions provençales est constituée autour de Radio Centuries (Salon-de-Provence) le 14 octobre 1981 pour définir un plan de fréquence.

- La Fédération des radios associatives d’Alsace (FARA) est créée et dirigée par Christian Laëmelle. En son sein la « radio libre » Radio Verte Fessenheim (première émission le 5 juin 1977) devient radio Dreyeckland en 1981102.

- La Fédération bretonne des radios locales et de pays (FBRLP) est créée en 1981 et dispose d’une vingtaine de radios adhérentes en 1985103. Elle installe son siège social à Lanrivain dans les Côtes-du-Nord (dans un second temps à Rennes104). Elle est dirigée par Fabienne Lecoin qui siège au FSER tandis que Madie Pierret siège à la commission consultative. Elle est opposée à la publicité et souhaite un financement équitable favorisant les radios « les plus associatives ». Ses radios signent la charte de Pontivy qui se donne pour objectif de revitaliser les pays via 5 principes directeurs105 :

1) il doit y avoir une appropriation collective de la radio qui doit être au service de la population de la zone où elle émet,

2) la radio doit promouvoir le développement de l’identité et de l’expression culturelles d’un pays ou d’une zone,

3) la radio doit être un des instruments de participation de la population au développement de la vie locale,

99 Voir PROT Robert, Des radios pour se parler : les radios locales en France, La Documentation française, Paris, 1985, p44-54. Voir aussi BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p51-59100 Cette association ainsi que FAREL et APELIM font partie des rares associations classées à droite de l’échiquier politique.101 COJEAN Annick et ESKENAZI Frank, « Le sous-préfet aux champs », in FM - La folle histoire des radios libres, Grasset, Paris, 1986, p178102 SCHERTZINGER Morgane, "La présence et la promotion de l'identité régionale dans les radios locales privées" Etude de cas de Radio Djiido en Nouvelle-Calédonie et de Radio Dreyeckland en Alsace , mémoire Master professionnel Journalisme de l’UFR Langage, lettres et arts du spectacle, information et communication (LLASIC) sous la direction de Maria Holubowicz, Université Stendhal Grenoble 3, Grenoble, 2014-2015103 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p53104 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p149105 Pour une critique de l’idéal du local des radios locales, lire : DELORMESEM Anne-Claire, « Le rendez-vous manqué des radios locales privées : le local imaginaire », Réseaux, vol. 3, n°15, 1985

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4) la radio sert à amplifier l’information et la concertation entre la population et les institutions d’un pays ou d’une zone,

5) la radio favorise l’apprentissage à la communication et à la maitrise de l’information ainsi qu’à l’utilisation technique du média.- La Fédération nationale des radios et télévisions occitanes (FNRTO) est créée

le 26 juillet 1981. Son siège est à Narbonne et son responsable Francis Fourcou (Il siège à la commission consultative.) et son siège social est installé à Narbonne. Elle compte une douzaine de radios adhérentes106. Elle proclame son opposition à la publicité, la nécessité du bilinguisme et sa non marginalisation de l’occitan dans des tranches horaires-ghettos.

- L’ALO, dirigée par Paul Sigogneau (il représente l’ALO à la commission consultative107), publie une charte le 23 mars 1982 où elle demande « pluralisme, qualité et indépendance » avec des radios ayant des rayons de plus de 30 km, des équipes où le maximum de personnes est rémunéré et le droit à diffuser de la publicité. Elle demande à ce que les radios commerciales puissent bénéficier des aides publiques offertes à toute entreprise, à savoir l’aide à la création d’entreprise et d’emplois assortie de certains dégrèvements fiscaux. Elle réitère ses propositions dans une lettre ouverte à la HACA le 16 février 1983 en les appliquant explicitement à la région parisienne – zone où, à Paris, on est passé de 17 fréquences à 22 en supprimant de radios de banlieue. Elle souhaite aussi la libéralisation des ondes hertziennes pour la télévision. Elle se joint donc à la télévision pirate Antenne 1. En 1985, elle dispose d’une soixantaine d’adhérents108 (1 000 F. de droits d’entrée et 1000 F. de cotisations annuelles) et d’un siège au 58 bis rue de la Chaussée d’Antin dans le 9ème

arrondissement de Paris. Elle adhère au Bureau de la Vérification de la Publicité (BVP) ce qui lui permet de conseiller les stations dans ce domaine et leur permettre d’appréhender la législation en vigueur. Elle adhère aussi au Centre d’Etudes des Supports publicitaires (CESP).

- La FRNL diffuse fin 1982 un document dans lequel elle « se prononce pour le respect strict de la loi du 29 juillet 1982 régissant les activités des radios libres et s’opposera à tout amendement à cette loi permettant l’existence de projets commerciaux », refuse un fonds d’aide aux « radios de presse, de municipalité, de partis, et les radios contrôlées par des institutions privées ou politiques, et par des entreprises commerciales », refuse que les radios qui font de la publicité puisse bénéficier de subventions nationales et « prend acte de la responsabilité manifeste de l’Etat dans la situation actuelle d’extrême précarité financière des radios associatives de communication sociale ». Elle propose la mise en place d’une structure officielle « afin de cerner les données permettant d’éviter un pourrissement de la situation des radios et d’avancer les solutions d’un financement à court terme » ainsi que la réunion « d’états généraux des radios libres afin d’arriver à un processus de regroupement et de fusion, permettant à un grand nombre de radios associatives d’avoir accès à la modulation de fréquence. » La FNRL - dirigée par un collectif de secrétaires nationaux dont Enrique Cézard et Claude Palmer - dispose de peu de radios adhérentes, mais c’est la seule fédération organisée en coordinations régionales.

- La FNRTLI lance le premier syndicat des entreprises de communication locales - le SYCOM - le 9 novembre 1982 mais trop tôt car les premières autorisations datent d’avril 1983. En revanche, elle organise un stage national de

106 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p54107 François Folléa représente l’ALO au FSER.108 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p51

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formation à l’expression radiophonique en mai 1983. Puis elle fusionne avec la Fédération Nord-Pas-de-Calais de radios locales et d’autres fédérations régionales issues de la FNRL109 (Centre, Languedoc-Roussillon, Picardie, Basse-Normandie) et de la FRRTP (Provence-Côte d’azur) en Syndicat National des Télévisions et Radios Locales (SNTRL)110, avec à sa tète Gilles Casanova111 (Jean-Michel Sauvage est cofondateur), lors d’un week-end organisé à la SACEM les 26 et 27 novembre 1983112. Son siège est à Levallois et il comprend 350 radios adhérentes en 1984113 (1 000 F. d’adhésion plus une indexation sur le budget de fonctionnement). Ce syndicat se propose de défendre et promouvoir les intérêts des entreprises de communication audiovisuelle, développer toutes les formes de communication sociale… via des services d’informations, publicitaires, techniques, juridiques. Il crée un code de déontologie, une carte d’identité pour les entreprises, une carte accréditive pour leurs membres, un fonds de création financé paritairement avec la SACEM. Il négocie la 1ère convention sur les droits d'auteurs avec la SACEM et la première convention collective des salariés du secteur des radios et TV privés114. Le SNTRL promeut la concentration, les réseaux, le développement du câble115, 5 minutes de publicité par heure. Mais il crée aussi une branche spécifique pour les radios ne souhaitant pas diffuser de publicité : la Fédération Nationale des Radios Communautaires et Associatives (FNRCA). Par ailleurs, il est rejoint par la Fédération de l’Audiovisuel Indépendant, mais il est dissout dès le 19 octobre 1985116.

- Le Syndicat Professionnel des Radios Indépendantes et des Nouvelles Télévisions (SPRINT) émane de l’ALO117. Son siège est au 33 avenue Montaigne dans 8ème arrondissement Henri de Bodinat (ex-ALO, président de CBS Records France racheté par Sony et rebaptisé Sony Music en 1988) le représente à la Commission Gallabert118. Son responsable est Jean-Paul Baudecroux (NRJ). Il siège à la commission du FSER. SPRINT comprend une soixantaine de radios adhérentes en 1985119 (1 000 F. d’adhésion plus un pourcentage proportionnel au budget de la station). Il encourage le développement du secteur commercial, des

109 D’ailleurs, la FNRL, qui obtient un prêt dans le cadre d'une une convention avec la Banque centrale des coopératives et des mutuelles ainsi qu’un accord prévoyant une enveloppe de crédits de 20 millions de F. destinée à financer les besoins d’exploitation et d’investissement, négocie pour le SNTRL une enveloppe d’intervention par prêts participatifs de 3,5 millions de F., une aide à la formation des responsables et un conseil en matière financière et bancaire.110 « Le nouveau syndicat est arrivé », L’Unité, 02/12/83111 Bernard Clarens représente le SNTRL dans les commissions consultatives.112 La marque est déposée le 17 novembre 1983 à l’INPI à Lille (http://marques.expert/f-n-p-r/s-n-t-r-l-syndicat-national-des-televi-1294058.html).113 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p58114 Le 20 janvier 1984, le SNTRL, la FNRL, l’ALO, le SPRINT-R signent un avenant à la Convention collective nationale des journalistes du 1 er novembre 1976 avec le Syndicat National des Journalistes, le Syndicat des journalistes français-CFDT et le Syndicat national des journalistes-CGT (http://www.snj.cgt.fr/profession/avenant_rlp.html ).115 « Le réseau hertzien est déjà dépassé. Vive le câble », Entretien de Gilles Casanova, L’Unité, 01/02/85, http://62.210.214.184/unite/u-result_frame.php?catalogueID=337&Rubrique=M%C3%A9dias116 COJEAN Annick et ESKENAZI Frank, « Les forces françaises inquiètes », in FM - La folle histoire des radios libres, Grasset, Paris, 1986, p333117 Le même syndicat est créé en Belgique francophone (GOVAERT Serge, « Les radios privées en Communauté française », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1201-1202, 16/1988).118 COJEAN Annick et ESKENAZI Frank, « Les forces françaises inquiètes », in FM - La folle histoire des radios libres, Grasset, Paris, 1986, p193-194119 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p56

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réseaux et souhaite que les puissances d’émission soient calculées en fonction de la population concernée : « Il faut en parler en termes de réception et obtenir le champ minimum requis en stéréo en milieu urbain soit 75 décibels microvolt mètre ».

- Le Syndicat Professionnel des Radios Indépendantes et des Nouvelles Télévisions-Régions (SPRINT-R) est la branche « Régions » de SPRINT. Son siège est à Vouille. Il est dirigé par Claude Fouchier et comprend une quarantaine de radios adhérentes120, dont beaucoup de radios de presse, mais aussi la télé pirate Antenne 1. Il étudie le statut des journalistes de radios locales privées, un barème de salaire pour les journalistes (valeur du point d’indice) et des non journalistes…

- « Ondes Libres » est une fédération fondée en novembre 1984 à l’initiative de Romaric Sulger Buel avec Jean-Luc Mélenchon et avec le soutien de nombreuses personnalités comme Jean-Jacques Queyranne (député du Rhône). Son président est Claude Denret, animateur de Radio Nord-Essonne.

- La Fédération des Européenne des Radios Libre (FERL) est créée en octobre 1986 à l’initiative de François Bouchardeau de Radio Zinzine. Son siège est à Forcalquier. Elle aurait compris prêt de 150 radios adhérentes de France, Belgique, Suisse, Espagne, Grande-Bretagne121. Elle souhaite s’appuyer sur l’expérience italienne et française pour « recommander » aux radios d’Europe « l’autofinancement et le refus de la publicité sur les ondes ».

- Bernard Clarens crée l’Association pour la promotion des radios rurales (APROR) en janvier 1983 à Paris. Elle comprend une centaine de radios adhérentes en 1985122 (300 F d’adhésion et la signature de la charte sont nécessaires). Elle se veut « un outil de développement rural, répondant aux besoin de la population, ouverte à tous, trait d’union, lieu de formation, continue pour les usagers des médias et participant au développement de l’identité et de l’expression culturelles du milieu rural. »123 Elle comprend un service de formation et d’information avec une revue mensuelle Communication rurale, un magazine sonore d’informations « Agri-Radio », un réseau d’informations sur Minitel Resarul, une banque de programmes à vocation agricole, des documents sur la comptabilité, la gestion, le financement… Elle participe aux grandes manifestations agricoles : SIA, SIMA, SIAL, Salon de la montagne. Elle reçoit 30 000 F de subvention pour organiser un colloque sur les radios rurales124. Elle cesse ses activités en 1988125.

120 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p57121 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p239. Soncin et Benetière parlent de 400 radios issues de 14 pays, d’une naissance en avril 1986 et d’un comité de parrainage comportant une trentaine de personnes, dont Claude Bourdet (résistant, écrivain, journaliste, militant politique de l'UGS puis du PSU), Bernard Langlois (journaliste altermondialiste français), Michel Cardoze (militant communiste et journaliste), Huguette Bouchardeau (femme politique, ministre, écrivain, universitaire), Lucie Aubrac (résistante), Jean Ziegler (professeur de sociologie à l'université de Genève et altermondialiste), Lluis Llach (chanteur catalan anti-franquiste), Sean Mac Bride (fondateur d'Amnesty International, prix Nobel de la paix 1974, co-auteur du rapport Voix multiples, un seul monde de 1980 sur le nouvel ordre mondial de l'information), Glyn Ford (député européen travailliste qui dépose une proposition de résolution en faveur des « radios libres » au Parlement européen) (BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p39-40).122 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p59123 « Les pratiques culturelles des ruraux », Bulletin du Service des études et recherches, n°61, février 1985, p2124 « Question au gouvernement » du sénateur Pierre-Christian Taittinger le 21 juin 1984, http://www.senat.fr/comptes-rendus-seances/5eme/pdf/1984/08/q19840809_1232_1269.pdf 125 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p58

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- Le SIRTI, qui est fondé par Patrick Meyer en 1981, est mise à l’écart des instances consultative jusqu’en 1984 car peu de radios y adhéraient (La radio de Meyer – RFM (juin 1981 à Vélizy 2) – étant brouillée jusqu’au 29 décembre 1982.). Il s’appuie dès l’origine sur une charte à vocation professionnalisante et à laquelle doivent adhérer les radios pour adhérer au syndicat :

- promotion de la création artistique en France et conception de programmes originaux et qualité,

- respect de règles déontologiques de la presse,- respect des normes techniques CCIR en vigueur en ma tière de

radiodiffusion,- revendication d’un confort d’écoute stéréophonique sur une zone

économique et culturelle naturelle,- usage de la publicité garante de qualité et d’indépendance.

- La Fédération des Radios Chrétiennes est créée à Lyon et dirigée par Emmanuel Payen (Radio Fourvière) ; les radios chrétiennes sont déjà 27 en 1987126.

- Le Groupement des Radios indépendantes de France (GRIF) est créé en 1984 à Epône dans les Yvelines127, Jean-Michel Sauvage en est le président puis le secrétaire général.

- Le Syndicat National des Radios Privées (SNRP) est créé en juin 1986 par des radios notamment originaires du SNTRL128, dont Jean-Michel Sauvage qui en devient le président. Le SNRP est situé au 38 rue de Berri dans le 8 ème

arrondissement de Paris. Il est présidé par Franck Toubiana en 1991, puis Marc Zenou (dirigeant de Radio Star à Mulhouse et Radio Service à Marseille-Nice et à l’origine de Rire et Chansons).

- le Syndicat des radios généralistes privées (SRGP) a son siège au 22 rue Bayard dans le 8ème arrondissement de Paris, c’est-à-dire à RTL129.

- le Syndicat des réseaux radiophoniques nationaux (SRN) est installé au 28 rue François Ier dans le 8ème arrondissement de Paris, c’est-à-dire au siège d’Europe 1130…

On voit donc se développer de façon exponentielle des réseaux avec des origines, moyens, objectifs divers. Ils sont un peu à l’image des radios qui apparaissent, disparaissent ou se maintiennent à cette époque. La dénomination « radios libres » devient beaucoup moins présente. Les réseaux commerciaux sont de plus en plus importants et puissants pour obtenir le droit de diffuser de la publicité, de constituer des radios FM à l’échelle nationale, d’engendrer des groupes nationaux, voire internationaux, de professionnaliser les nouveaux acteurs de la radio... Nous allons revenir sur l’institutionnalisation de la FM avant de nous focaliser sur les réseaux radiophoniques alternatifs : les réseaux de radios associatives.

3) Les réseaux de radios associatives : se battre pour être financé

126 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p155127 http://arquemuse.free.fr/information/mediatheque/infotheque/donnees/medias/bases/fiches3.html128 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p239129 Quid, n°34, 1996, http://fr.1001mags.com/parution/quid/numero-34-1996/page-1658-1659-texte-integral-0 130 « Associations et organisations syndicales représentées au CSPLA », http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Propriete-litteraire-et-artistique/Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique/Liens-utiles/Associations-et-organisations-syndicales-representees-au-CSPLA

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Autour et à l’intérieur des radios associatives, vit aujourd’hui tout un monde institutionnel fait d’associations, d’institutions publiques, de médias publics, de syndicats, de fédérations… Nous allons essayer d’en rendre compte ici pour voir comment ce tissu institutionnel parvient à faire perdurer ces radios.

a) L’institutionnalisation

Si les radios privées ont obtenu le droit d’exister sur la bande FM (elles sont tolérées depuis 1981, et autorisées par la HACA depuis 1983), ont-elles les moyens (juridiques) d’exister ? Ont-elles un modèle économique viable dans lequel se projeter ? Peuvent-elles prétendre à développer des activités artistiques, politiques, sociales, musicales, journalistiques de qualité et autonomes, donc se considérer et être considérées comme « libres » si le bénévolat et l’amateurisme sont la règle. La question du financement ne cesse de se poser puisque ni les publicités ni les subventions ne sont autorisées.

Le gouvernement Mauroy va commencer à résoudre ce problème, du moins en ce qui concerne les radios commerciales, en autorisant le recours à la publicité et en supprimant l’obligation de se constituer en association pour les opérateurs de radios locales privées dans la loi du 1er août 1984131 (c’est-à-dire sous le nouveau gouvernement Fabius).

Ensuite, le gouvernement va sortir le 1er décembre 1984 le décret d’application n°84-1062 de la loi dite Fillioud qui prévoyait la création d’un « Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique » (FSER)132. Un modèle économique peut enfin se mettre en place pour les radios qui ne souhaitent pas mettre de publicité à l’antenne. Le député Bernard Schreiner avait été chargé d’étudier les modalités de financement au moment de la commission Holleaux. Ce dernier avait déclaré133 qu’il pensait à un fond de péréquation alimenté par une ponction sur les recettes publicitaires des radios périphériques et des sociétés nationales de télévision pour des radios qui diffusent de l’information et des magazines et qui expérimentent un autre type d’expression radiophonique (jusqu’à atteindre 50% de leur budget de financement). Le fond atteindrait 200 à 400 millions de Francs pour 900 radios.

La Commission pour l’attribution du fonds d’aide à l’expression radiophonique locale est finalement inaugurée le 16 septembre 1983. Elle est composée de 11 membres nommés pour 3 ans par arrêté du Ministre de la Culture et de la Communication :

- 1 président (Jean-Michel Galabert est le premier.),- 4 membres représentent l’État,- 4 membres représentent les radios associatives,- 2 membres représentent des régies publicitaires.

A l’origine, le fonds, composé d’une « subvention d’installation »134 et une « subvention de fonctionnement »135, devait être réparti par une commission financière entre

131 Loi n° 84-742 du 1er août 1984132 Décret n° 84-1062 du 1er décembre 1984 appliquant la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982133 Entretien de Bernard Schreiner, Télérama, 14/04/82134 L’association de la radio doit fournir de son autorisation, son budget, ses statuts et RIB au nom de celle-ci. La subvention est donnée à la fréquence. En cas de regroupement, elle est donc à partager entre chaque radio, selon une clé de répartition définie entre elles. (PROT Robert, Des radios pour se parler : les radios locales en France, La Documentation française, Paris, 1985, p109)135 Elle est attribuée, la première fois, l’année suivant l’attribution de la subvention d’installation. Son montant est déterminé par un barème établi par la commission d’attribution. Il est inversement proportionnel au total du compte d’exploitation présenté par la radio pour l’année précédente. Pour l’établissement de ces comptes, les associations de radios peuvent s’adresser aux Boutiques de gestion agréées par le Ministère de la Culture ou le secrétariat d’Etat aux Techniques de la Communication. (PROT Robert, Des radios pour se parler : les radios locales en France, La Documentation française, Paris, 1985, p109)

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toutes les radios locales privées136. Mais la publicité venant d’être autorisée, le gouvernement décide que le FSER ne peut être versé qu’aux radios renonçant à la publicité. Au 10 octobre 1983, la commission du FSER a remis un premier versement de 60 000 F. sur la subvention d’installation à 90 radios ou groupements de radios137. Il s’élève à 70 millions de F. en 1984138. En 1989, Jean Bénetière et Jacques Soncin affirment que « Certaines radios parmi les meilleures, ont ainsi pu obtenir quatre cent mille francs de subvention. »139 Claude Palmer se souvient avoir obtenu entre 400 et 600 000 F. pour Radio Nanterre. En 1992, 383 radios ont obtenu une aide sur 414 demandes. 55 radios ont obtenu une subvention d’installation sur 75 demandes. 84 millions de F. ont été distribués sur les 90 millions rapportés par la taxe parafiscale140.

Au 10 octobre 1983, le secrétariat de la Commission Consultative des Radios Locales Privées et de la télédistribution (CCRLP) a reçu 2 230 dossiers de demandes d’autorisation, la HACA a autorisé 329 associations réparties sur 249 fréquences141. Fin 1984, on compte 1240 radios associatives pour 1010 canaux142. Fin 1985, 1486 radios sont autorisées sur les 3 500 dossiers reçus par la HACA143.

La loi dite Léotard144 du 30 septembre 1986 remplace la HACA par la CNCL (Commission nationale de la communication et des libertés)145. La nouvelle autorité conserve la fonction de délivrer les autorisations d’émettre et planifier les fréquences (sans avoir à consulter TDF qui perd son monopole de diffusion146). Le FSER est pérennisé par l’article 80 de la loi du 30 septembre 1986 (modifiée), mais le décret d’application n° 87-826 date du 9 octobre 1987. Le 9 octobre 1987 est aussi la date où est publié l’arrêté fixant à partir du 1 er

octobre 1987 les taux de la taxe parafiscale alimentant le fonds d’aide. Les travaux de la commission commencent officiellement le 12 février 1988. Ce fonds est alimenté par une taxe parafiscale prélevée sur les recettes publicitaires des radios et télévisions perçues à partir du 9 136 Par la suite, le FSER connaîtra plusieurs modifications en ce qui concerne la distribution (la tranche haute du barème des aides au fonctionnement s’est élargie), la façon d’attribuer des majorations (les critères ont été enrichis) et le type d’aide (les aides à l’équipement des radios sont créés).137 PROT Robert, Des radios pour se parler : les radios locales en France, La Documentation française, Paris, 1985, p126138 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p42139 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p31140 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p248141 PROT Robert, Des radios pour se parler : les radios locales en France, La Documentation française, Paris, 1985, p126142 DELPORTE Christian et D’ALMEIDA Fabrice, Histoire des médias en France. De la Grande Guerre à nos jours, Flammarion, Paris, 2003, p242 et JEANNENEY Jean-Noël (sous la direction de), L’Echo du siècle. Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France , Hachette-Littératures, Paris, 1999, p126. En ce qui concerne les programmes de Radio France, il y a en France métropolitaine 350 émetteurs principaux et 431 réémetteurs en modulation de fréquence au 1er janvier 1984 (PASQUA Charles, Rapport les conditions dans lesquelles sont commandées et élaborées les études techniques qui fondent les expertises de l’établissement public Télédiffusion de France en matière de répartition des fréquences hertziennes, n° 45, 23 octobre 1985, p14, http://www.senat.fr/rap/r85-045/r85-0451.pdf).143 CHEVAL Jean-Jacques, « Des radios locales privées aux radios privées », in Hervé Glevarec (sous la direction de), Histoire de la radio. Ouvrez grand vos oreilles !, SilvanaEditoraile, Milan, 2012, p74144 Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Source : JORF du 1 er octobre 1986), loi dite Léotard, du nom de la ministre de la Culture Philippe Léotard.145 Installée officiellement le 12 novembre 1986, la CNCL est composée de 13 membres dont 2 nommés par le Président de la République, 2 par le Président de l’Assemblée Nationale, 2 par le Président du Sénat, 1 par le Président du Conseil d’État, 1 par le Président de la Cour de cassation, 1 par le Président de la cour des comptes, 1 par le Président de l’Académie française et 3 personnalités qualifiées cooptées par les membres nommés. En 1988, son budget est de 154,8 millions de Fr. et son effectif de 250 personnes.146 D’autres diffuseurs comme TowerCast (créé en 1986 sous le nom de Sogetec par NRJ et qui fait toujours partie du groupe NRJ) et Antalis TV (société, créée en 2001 par Xavier Gouyou Beauchamps qui a présidé TDF, et rachetée en 2006 par TDF) lui feront concurrence.

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octobre 1987. Le fonds est versé seulement fin 1988 aux radios. Seules les radios qui ne collectent pas de ressources publicitaires et ne diffusent pas de messages publicitaires peuvent bénéficier du fonds. Jean Bénetière et Jacques Soncin affirment en 1989 qu’« [e]n moyenne, chaque radio a reçu cent soixante mille francs. »147

A partir de 1986, on entre dans la période de la stabilisation : de nouveaux acteurs s’imposent et les acteurs traditionnels comprennent qu’ils doivent s’investir dans ce nouveau média. Les pouvoirs publics de leur coté se posent désormais le problème de la coexistence de différentes légitimités. Une partie des fréquences disponibles a été attribuée. Les attributions nouvelles se feront au gré des appels à candidatures. Au cours de cette période, le média se concentre et se professionnalise. La loi du 30 septembre 1986 autorise l’utilisation du satellite148 : les réseaux, qui sont autorisés depuis, peuvent se développer. Nombreuses sont les radios locales qui disparaissent, se font racheter (entre 100 000 et 1 millions de Francs en 1985149) ou doivent s’unir au sein d’un réseau à cause de problèmes économiques. NRJ adapte le concept de « franchise » de la grande distribution et développe d’autres réseaux « Chérie FM » et « Rire et Chansons ». Les radios (déjà 20 en 1984150) acceptent de s’appeler NRJ et de suivre sa programmation. En échange, NRJ peut fournir un émetteur et des moyens pour mener des campagnes publicitaires. Par ailleurs, un certain nombre de fréquences FM sont accordées aux radios « périphériques », sous réserve que celles-ci en fassent la demande dans le cadre de la procédure d’appel à candidatures. Celles-ci, voyant leur audience diminuer, ont compris l’attrait que la FM représente pour les auditeurs, compte tenu de la meilleure qualité du son. Progressivement, elles demandent donc la duplication totale de leurs programmes en FM car il y va de leur survie. Elles l’obtiennent en février 1986151.

Mais cela complique encore plus une répartition des fréquences déjà difficile. Europe 1, dont l’auditoire jeune s’est détaché au profit des nouvelles radios (elle est passée, au milieu des années 80, en-dessous des 10 points d’audience), crée un deuxième réseau - Europe 2 - après avoir créé une filiale qui fait de la prestation de services pour des radios locales. RTL (qui crée son RTL 2) et RMC prennent également des participations majoritaires ou rachètent, dès que la loi le permet, des réseaux musicaux sur des cibles d’audience complémentaires. Le service public enfin, outre les fréquences FM qui lui sont réservées pour la duplication de ses programmes, lance en 1987 sur la FM un programme d’information en continu qui obtient un grand succès : France Info. Dans cette période, l’Etat commence à se désengager des sociétés de radio qu’il contrôle via la Sofirad (d’abord Europe 1, puis RTL, Sud Radio, enfin RMC), les prises de contrôle de fréquences se multiplient, au profit des grands réseaux nationaux commerciaux en cours de constitution. Le marché radiophonique passe d’une logique de production à une logique de réception comme le souligne Jean-Jacques Cheval : « à la question initiale "qui parle sur les radios libres ?" se substitue une interrogation d’une toute autre nature, "qui les écoute ?" »152. Ainsi, la pérennité de radios locales indépendantes commerciales et des radios associatives non commerciales se trouve menacée. Et on est loin des idéaux des premiers « radiolibristes » ou des vœux prononcés dans le Matin de Paris du 10 juin 1981 par le tout nouveau ministre de la communication George Filioud :

147 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au coeur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p33148 Le satellite Telecom 1 est commercialisé à partir de décembre 1984.149 BROCHAND Christian, Histoire générale de la radio et de la télévision. Tome III 1974-2000 , La Documentation française, Paris, 2006, p385150 BROCHAND Christian, Histoire générale de la radio et de la télévision. Tome III 1974-2000 , La Documentation française, Paris, 2006, p384151 COJEAN Annick et ESKENAZI Frank, « Les forces françaises inquiètes », in FM - La folle histoire des radios libres, Grasset, Paris, 1986, p333152 CHEVAL Jean-Jacques, « Des radios locales privées aux radios privées », in Hervé Glevarec (sous la direction de), Histoire de la radio. Ouvrez grand vos oreilles !, SilvanaEditoraile, Milan, 2012, p77

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« Ni maintenant ni plus tard, nous ne pourrons tolérer que des stations se dotent d’émetteurs puissants, qu’elles recourent à une publicité massive et qu’elles créent entre elles des réseaux de programmes ou des collectes de messages publicitaires. »153

La loi dite Tasca154 du 17 janvier 1989 remplace la CNCL155 par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)156, la CNCL ayant été très critiquée comme le soulignent Jean Bénetière et Jacques Soncin :

« Lorsque le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel prend ses fonctions, le 20 janvier 1988, aucune voix ne se fait entendre pour regretter la CNCL. Mais, au-delà des péripéties, l’expérience des deux premières institutions de régulation de l’audiovisuel montre que celles-ci ne sont pas arrivées au terme que leur avait fixé la loi. Chaque changement de majorité a entraîné la refonte de l’institution. Dans ces conditions, comment parler d’indépendance ? »157

La nouvelle loi élargit son indépendance, ses compétences et son pouvoir de sanction. Ce pouvoir est d’ailleurs précisé par une décision du Conseil constitutionnel publié ce même 17 janvier158 puis par une décision du 15 janvier 1992159 reconnaissant un pouvoir réglementaire limité160 et sa qualité d’« Autorité Administrative Indépendante ». La loi dite Tasca prévoit également la possibilité de création de Comités Techniques Radiophoniques (CTR) par le CSA pour soutenir le travail de ce dernier, le nombre de radios autorisées étant passé de 8 en 1981161, à 1 800 le 12 avril 1991. Le fonctionnement de ces 12 comités, chargés d’instruire les demandes d’autorisation, sera précisé par un décret du 7 septembre 1989162.

Aux termes de son « communiqué n° 34 » du 29 août 1989, le CSA pose l’existence, aux côtés du service public, de cinq catégories de radios :

 - services non commerciaux ;- services commerciaux à vocation locale indépendants ;- services commerciaux à vocation locale affiliés ou franchisés ;- services commerciaux à vocation nationale thématiques ;- services commerciaux à vocation nationale généralistes.163

153 Entretien avec George Filioud, Le Matin de Paris, 10/06/81154 Loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication (Source : JORF du 18 janvier 1989) loi n° 89-25 loi dite Tasca, du nom de la ministre de la Culture Catherine Tasca.155 Les autorisations de fréquences délivrées en 1987 par la CNCL subissent de nombreuses critiques. La CNCL ferait trop de place aux radios commerciales et pas assez aux radios associatives. Ses choix ne seraient pas assez transparents. Le réseau Liberté de 28 radios évincées se met en lutte contre Michel Droit, Gabriel de Broglie, Yves Rocca. Radio Laser, exclue de la bande FM, intente un procès contre Radio Courtoisie pour corruption de la CNCL. Les membres de la CNCL sont poursuivis pour forfaiture. En 1988, Michel Droit, membre de la Commission particulièrement suspecté, obtiendra un non-lieu par le tribunal de Rennes.156 Le CSA est composé de 9 membres, dont 3 désignés par le Président de la République, 3 par le Président du Sénat, 3 par le Président de l’Assemblée Nationale, renouvelés par tiers tous les 3 ans (mandat non renouvelable).157 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p200158 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.159 Décision n° 91-304 DC du 15 janvier 1992 à propos de la loi n° 92-61 du 18 janvier 1992 modifiant les articles 27, 28, 31 et 70 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.160 Selon la décision du 17 janvier 1989 du Conseil Constitutionnel, qui fait référence à l’article 21 de la Constitution, le CSA ne peut être titulaire d’un pouvoir réglementaire lui conférant la possibilité de fixer les règles déontologiques concernant la publicité et l’ensemble des règles relatives au parrainage et à la communication institutionnelle. Seul le gouvernement est compétent pour une telle réglementation.161 Radio 7, FIP, France Musique, France Culture, France Inter, et trois radios expérimentales en province.162 Décret n° 89-632 du 7 septembre 1989.163 « Politique radiophonique du CSA : définition de cinq catégories de radios », csa.fr, mardi 29 août 1989, http://www.csa.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Politique-radiophonique-du-CSA-definition-de-cinq-categories-de-radios

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 Dans la mesure où le CSA souhaite mettre en place un paysage radiophonique

équilibré et diversifié, la règle posée par le CSA veut que tout changement de catégorie soit impossible pendant la durée de l’autorisation164. Cette doctrine, à quelques adaptations près, sera continuellement réaffirmée après.

En décembre 1989165 est voté l’amendement à la loi dite Léotard de 1986 appelé « amendement Delfau » du sénateur Gérard Delfau, qui ouvre le marché publicitaire aux radios associatives dans la limite de 20% de leur chiffre d’affaires total tout en leur conservant la possibilité de bénéficier du FSER. Trois statuts juridiques s’offrent donc aux radios, selon leur mode de financement. Les radios peuvent choisir :

- un statut associatif sans recours à la publicité avec possibilité de recevoir des subventions et le FSER,

- ou le statut associatif avec recours à la publicité,- ou le statut de société immatriculée au registre de commerce.

Jean Bénetière et Jacques Soncin résument avec un peu d’aigreur l’effet de la publicité sur les radios associatives :

Beaucoup de radios ne survivront pas à leur aventure publicitaire, les annonces allant aux médias pouvant se prévaloir d’un confortable taux d’écoute. Les plus grosses ont racheté des plus petites et les réseaux ont commencé à se constituer. Quant aux radios associatives, elles sont devenues dépendantes du fonds d’aide et de ses caprices…166

Claude Palmer se souvient avoir rencontré Joseph Daniel, chef adjoint puis chef du Service d'Information et de Diffusion-SID (1981-1986) du Premier ministre, pour obtenir la possibilité que les radios associatives puissent diffuser de la publicité de type « communication sociale » (lutte contre les discriminations et le racisme, sensibilisation aux questions environnementales…) car elles sont susceptibles de toucher d’autres publics que les autres médias. Mais le SID puis le SIG (Service d’Information du Gouvernement) ont refusé à cause du manque d’audience de ces radios selon les études de Médiamétrie.

En 1988, il y a, selon Jean Bénetière et Jacques Soncin, environ 400 stations dans le secteur associatif tandis que 600 radios se répartissent entre 8 grands réseaux nationaux (dont la population couverte sera limitée à 150 millions par la loi Carignon de 1994167) et quelques réseaux régionaux168 auxquels il faut ajouter quelques dizaines de radios commerciales indépendantes169.

164 Les radios peuvent en revanche restituer leur fréquence ce qui aboutit à un nouvel appel à candidature, mais c’est risqué.165 GUSSE Isabelle, Diversité et indépendance des médias, PUM, Montréal, 2006, p217166 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p30167 Loi n°94-88 du 1er février 1994 168 On peut citer Réseau de radios locales privées CFM - « d’obédience de gauche » selon Robert Prot (Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p145) - qui a pour origine la société d'exploitation de radio Canal 89 qui émet à partir du 24 novembre 1984 à Paris et dont le capital est partagé notamment entre la Fédération Nationale de la Mutualité Française, la GMF (qui a l'époque possède la FNAC), la Macif et la MNEF. CFM – c’est son nom à partir d'avril 1985 - est animé un temps par Claude Neuschwander (ancien président de l'UNEF, chef de groupe chez Publicis ayant un temps repris LIP en liquidation) et fait diffuser des émissions coproduite avec Europe 1 (des animateurs seront dans l’équipe d’Europe 2), puis RFM en 1986 avant une fusion dans Kiss FM (réseau de Canal +). Kiss FM fusionne avec le réseau du Nord Métropolys en octobre 90, lui-même fusionné en 1992 avec le réseau de RTL, Maxximum, qui devient M40 avant de se transformer en RTL 2 en 1995. (« Histoire CFM 89 », 100ansderadio.free.fr, http://100ansderadio.free.fr/HistoiredelaRadio/CFM/CFM.html)169 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p170

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Michèle Cotta, qui a dirigé la HACA, explique les problèmes auxquels se sont confrontées les radios associatives. Elle explique que les membres de la HACA ont « toujours été hostiles à la dérive commerciale » et avoir « insisté pour maintenir le secteur associatif »170. Mais

la situation était vraiment complexe. Il est vrai que dans beaucoup de cas, l’illégalité a payé. Parfois ceux qui émettaient le plus fort ont réussi, soit à acheter les autres, soit à les faire disparaître. Mais nous avons mis un peu d’ordre. Il n’était pas possible de tout réguler. De temps en temps, le plus insubordonné a été le plus récompensé171. Avec le recul, j’ai trois reproches à faire aux radios associatives. D’abord, elles n’ont pas été capables d’organiser leur solidarité face aux radios commerciales. Ensuite, certaines d’entre elles, se croyant les meilleures, ont pensé qu’elles auraient facilement accès à la publicité. Enfin, elles ne se sont pas rendu compte que la loi qui prévoit un fonds d’aide pour les radios associatives leur donnait une victoire à la Pyrrhus. Cette loi impliquait que, tôt ou tard, il leur faudrait trouver des sources propres de financement.172

b) Le monde des radios associatives

Les fédérations de radios, qui ont été présentes dans les différentes négociations, n’ont donc pas obtenu davantage que la survie des radios associatives via un statut bâtard : elles ne sont ni publiques, ni commerciales, même si ces radios peuvent avoir des activités commerciales, et si elles dépendent en grande partie du secteur public.

Pourtant, les radios associatives constituent une part non négligeable de l’audiovisuel français : plus de 20% d’après une estimation de Claude Palmer. Plusieurs chercheurs comme Jean-Jacques Cheval et Sheila Vanessa Sevilla Zeballos valorisent l’aspect communautaire de ces radios :

 Dans des environnements marqués par des tendances à la concentration, à la simplification de

l’offre, la nature et l’organisation structurelle de ce secteur continuent à présenter une grande diversité laissant une place réelle au pluralisme des acteurs et à leur expression. Elles restent ouvertes à l’expression des groupes et des minorités, que celles-ci soient géographiques, sociales ou culturelles. Numériquement, leur nombre ne décroît pas et, après près de trois décennies d’existence, dans leur globalité, les radios associatives françaises ont acquis une réelle légitimité.173

En effet, elles interviennent « dans des registres abandonnés par les médias plus puissants : l’expression des minorités, l’usage des patois, l’utilisation pédagogique de l’outil radiophonique, l’animation d’un quartier, d’une cité, voire d’un collège et mille autres formes d’expression particulières. »174

Claude Palmer pense avec Jean-Paul Gambier (administrateur de la CNRA175) que cette façon de valoriser les radios est une erreur stratégique des socialistes :

170 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p191.171 Claude Palmer se rappelle quant à lui que Michèle Cotta lui a « avoué plus tard que la HACA ne comprenait rien au sujet et entérinait sans sourciller les ventes de fréquences ».172 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p192-193.173 CHEVAL Jean-Jacques et SEVILLA ZEBALLOS Sheila Vanessa, « Diversité culturelle, interculturalité et radios associatives en France, l’exemple Bordelais », « Radio Communautaire, politique et culture : réflexions théoriques et défis méthodologiques », EPTIC (Economia Política das Tecnologias da Informação e da Comunicação), Observatoire de l’Économie et de la Communication de l’Université Fédérale de Sergipe (Brésil), 2009, http://www.eptic.com.br/arquivos/Revistas/vol.XI,n3,2009/10-JeanJacques.pdf 174 JEANNENEY Jean-Noël (sous la direction de), L’Echo du siècle. Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France, Hachette-Littératures, Paris, 1999, p128175 Jean-Paul Gambier est président de la Fédération des Radios Associatives Non-Commerciales du Languedoc Roussillon (FRANC-LR), administrateur de la CNRA et président de la radio L'eko des garrigues (34072 Montpellier ; slogan : « L'unique alternative aux radios soupes !! »).

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Nous considérions que les pratiques calquées sur les USA comme la volonté assez lâche des politiques de soutenir par peur et calcul électoraliste les groupes de pression apparaissant dans les communautés (arabophones à l'époque), sous interventions par des aides financières pour mieux les contrôler, c’était un mauvais calcul qu'on revoit en ce moment-même en matière de recul de la laïcité.

C’est ainsi qu’en tant que membre de la FNRL, Claude Palmer a refusé formellement une aide financière de l’EPRA (voir plus loin dans le texte) lors de sa création, lui qui appartient à un « collectif Laïcité » en relation avec l'Observatoire de la laïcité (créé en 2007, mais installé en 2013) présidé par Jean-Louis Bianco (l’un des soutiens lorsqu’il était secrétaire général de l'Elysée sous François Mitterrand de 1982 à 1991).

Les radios associatives ont en tout cas bien d’autres atouts : apporter une ou des voix alternatives aux médias publics et commerciaux (le tiers secteur médiatique qui est à la fois critique et constructif), fournir des emplois, développer les compétences des personnes qui y travaillent (à l’antenne ou hors antenne) ou qui y sont invitées (prise de parole en public, apprentissage des outils techniques et audiovisuels, création d’une stratégie de communication, la formation aux différents métiers radiophoniques…), animer un tissus associatif, une localité ou un établissement, rendre « visibles » d’autres revendications, d’autres projets et d’autres idées, faire participer à l’« espace public médiatique » d’autres acteurs (auditeurs, amateurs, enfants, personnes stigmatisées et dévalorisées habituellement dans la société ou n’ayant pas des capitaux symboliques et communicationnels importants), demander aux politiques de rendre des comptes sur leurs actions locales, informer sur l’actualité, valoriser le tissu socio-économique, jouer le rôle de service public (notamment en cas de crise)…

Le plus souvent, elles mettent l’accent sur leur caractère local176 et peuvent se revendiquer comme des radios généralistes à cet échelon. Héritières des « radios libres », du moins se revendiquant comme tel, les radios associatives françaises développent pour beaucoup d’entre elles également un discours alternatif à la communication de masse. Elles se proclament citoyennes, démocratiques, indépendantes et solidaires. Ces préoccupations peuvent rencontrer des prises de positions militantes et politiques en faisant référence à des principes fondamentaux démocratiques, civiques, professionnels, ou sociaux de fraternité, notamment l’antiracisme, la lutte contre l’exclusion et l’intolérance.

Compte-tenu de leur utilité et de leurs besoins de financement, le nombre de radios éligibles au FSER s’accroît considérablement entre 1994 et 2002 comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous : Destructions et créations de radios associatives éligibles au FSER (1994-2002) :Nombre de radiosEligibles en 1994

Disparuesentre 1994 et 2002

Présentesentre 1994 et 2002

Apparuesentre 1994 et 2002

Nombre de radioséligibles en 2002

481 49 432 135 567Source : FSER, DSEDM177

 

176 C’est de toute façon une obligation technique - compte-tenu de la modulation de fréquence - et juridique - compte-tenu du contrat signé avec l’autorité audiovisuelle. Mais il aurait peut-être été utile qu’une radio associative puisse être diffusée à plus grande échelle (dans plusieurs grandes villes par exemple) à la manière des radios publiques et commerciales pour que le tiers secteur médiatique ait un plus grand poids dans l’audiovisuel et dans l’espace public en général. C’est un peu le cas du réseau RCF ou Campus ou encore de Radio Courtoisie. La RNT pourrait offrir ce type de perspective. Mais on se souvient que les télévisions libres/associatives qui devaient donner davantage d’ampleur au tiers secteur ont rencontré beaucoup de difficultés et pas seulement techniques et économiques (CAILLER Bruno, PINEAU Guy et PRADIÉ Christian (sous la direction de), La longue marche des télévisions associatives, L’Harmattan, Paris, 2010). 177 Département des statistiques, des études et de la documentation sur les médias.

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Ainsi, seulement 10% des radios associatives éligibles au FSER ont cessé d’émettre entre 1994 et 2002 ce qui est assez peu compte tenu de leur modèle économique fragile. En 2006, il existe 602 radios locales associatives disposant de 911 fréquences (sur les 3 512 attribuées au secteur privé)178.

Derrière le vocable de radios locales associatives « libres » de catégorie A se cachent des réalités assez diverses. Les radios de catégorie A sont différentes les unes des autres. Leur point commun principal est d’être des radios locales. Mais parmi ces radios locales, il existe :

 - des radios rurales situées dans les montagnes et d’autres situées dans de grandes villes comme

Paris où les auditeurs potentiels se comptent en millions. - des radios locales qui peuvent s’adresser à des communautés immigrées et/ou linguistiques

situées au niveau local, régional (alsacien, basque, occitan, breton, basque…) ou national (arabe, portugais, arménien…),

- des radios qui peuvent militer politiquement ou rester complètement neutres, - des radios qui peuvent être confessionnelles ou laïques, scolaires ou universitaires...

 Le Service Juridique et Technique d’Information-SJTI (remplacé en 2000 par la

Direction du Développement des Médias et en 2009 par la Direction générale des médias et des industries culturelles) du Ministère de la Culture et de la Communication, dispose de nombreuses informations grâce à celles fournies par les radios au FSER. En 1998, il a classé les radios associatives (environ 550) en 7 catégories en fonction de la nature de leurs activités, des publics visés et de leur fonctionnement179 :

 1) Il y a tout d’abord les radios associatives dites « généralistes » à vocation locale qui sont les

plus nombreuses puisqu’elles représentent environ 55% (56% en 2001180) de toutes les radios associatives. Elles diffusent des émissions de divertissement, de service, d’information, de musique et visent un public localisé mais indifférencié.

2) 18,6% (20% en 2001) sont qualifiées de radios confessionnelles. Les radios confessionnelles sont le plus souvent catholiques même s’il existe des radios protestantes ou juives et même œcuméniques dans les grandes villes. Il n’y a pas de radios associatives visant la communauté musulmane, mais il faut savoir qu’il existe des radios commerciales comme Radio Orient ou Radio Beur qui ont des affinités avec ce type de public. Radio Notre-Dame créée en 1981 par l’archevêché de Paris, émet en Ile-de-France sur 100.7 et se vante d’avoir 100 000 auditeurs à l’écoute par jour et plus de 500 000 chaque semaine. C’est la radio associative la plus écoutée d’Ile-de-France. Elle fait partie du CNRA, de la Fédération Française des Radios Chrétiennes (FFRC) et de l’association COFRAC (Communauté francophone des radios chrétiennes).

3) Les radios collégiennes et universitaires représentent 7,4% (7% en 2001). 4) 5,6% (6% en 2001) des radios associatives sont des radios dites communautaires parce

qu’elles émanent d’une ou plusieurs communautés d’origine étrangère, qu’elles diffusent des émissions en lien avec la culture dont sont originaires ces communautés, et emploient souvent les langues de ces pays (on trouve ici des stations arabophones).

5) 5,6% (6% en 2001) des radios associatives ont des radios dites régionales parce qu’elles revendiquent des identités culturelles régionales fortes. Ce sont donc les radios associatives situées dans des régions où existent encore des langues régionales parlées par une minorité importante de la population : au Pays Basque français, en Bretagne ou en Alsace.

6) On peut citer encore les 3% de radios associatives liées aux Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC) ou aux centres sociaux.

7) Enfin, il y a 2% de radios associatives municipales qui sont les moins nombreuses mais qui peuvent vivre très correctement sauf si la municipalité change radicalement de point de vue sur la radio en cas de changement de majorité ou au cas où la municipalité a elle-même des problèmes économiques.

178 BELOT Claude, Rapport d’information, n° 233, Sénat, Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 2006, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’enquête de la Cour des comptes relative au FSER, session ordinaire de 2005-2006.179 Service Juridique et Technique d’Information (SJTI), Info-médias, décembre 1998180 http://89.202.136.71/rap/r05-233/r05-2330.html

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 Dans le tableau ci-dessous, on peut voir l’évolution du nombre de radios en fonction

des différentes catégories du SJTI. Evolution du nombre des radios associatives dans les différentes catégories entre 1994 et 2002181

  Collège-université

Commu-nautaire

MJC-centres sociaux

Municipa-lité

Proximité galiste

Régale Confes-sionnelle

Total

Total en 1994 34 32 25 13 262 31 99 481

Disparues entre 1994 et 2002 4 1 7 3 42 4 3 49

Proportion de disparition 12% 3% 28% 23% 16% 13% 3% 10%

Ont changé de catégorie 1 2 1 2 3 3 1 13

Même catégorie qu’en 1994 29 29 17 8 217 24 95 419

Nouvelle catégorie 1     2 9 1   13

Apparues entre 1994 et 2002 10 6 1 1 91 6 20 135

Total en 2002 40 35 18 11 317 31 115 567Source : FSER DSEDM 

Les disparitions des radios associatives concernent les catégories qui sont les plus dépendantes des subventions publiques à l’image des radios des MJC-centres sociaux, des municipalités, et surtout les radios généralistes de proximité qui sont plus nombreuses. En revanche, les radios associatives qui ont été créées sont, pour les 2/3, des radios plus ou moins généralistes de proximité. Les radios qui disparaissent le moins sont les radios confessionnelles et les radios communautaires grâce à leur forte insertion et leur financement. Elles obtiennent un taux de création supérieur à 20% entre 1994 et 2002. Au sein des radios associatives, les changements de catégorie concernent principalement des radios qui ont été considérées comme confessionnelles après avoir été considérées comme généralistes ou communautaires.

Nous avons déjà parlé du FSER, du CSA, nous allons nous focaliser maintenant sur les syndicats et les fédérations (Il en existe une quarantaine et environ 80% des radios y adhèrent182.).   c) Le syndicat et la confédération

 

181 BELOT Claude, Rapport d’information, n° 233, Sénat, Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 2006, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l’enquête de la Cour des comptes relative au FSER, session ordinaire de 2005-2006182 AVISE (Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Économiques), « La radio associative (autorisée à émettre en FM). Définition, organisation, économie des services, problématiques d’accompagnement », Repère Culture, n° 4, juin 2009, http://fr.calameo.com/read/00085082777601fd495a2, p4

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Un syndicat, régi par la loi du 21 mars 1884, représente les radios associatives : le SNRL (Syndicat National des Radios Libres). Mais la Confédération Nationale des Radios Associatives (CNRA) les représente aussi. Et certaines radios associatives sont affiliées aux deux. Nous allons d’abord parler du SNRL avant d’étudier la CNRA.

Nous l’avons vu plus haut, les deux organismes ont pour lointaine origine l’Association pour la Libération des Ondes (ALO), fondée en 1977, qui avait pour but de défendre juridiquement et politiquement les « radios pirates/libres » et garantir leur indépendance par rapport aux pressions politiques et aux intérêts commerciaux.

La FNRL (Fédération Nationale des radios Libres qui est à l’origine du SNRL et de la CNRA) est créée lors d’une réunion organisée par Radio Canut et Radio Guignol les 3 et 4 juin 1978 à Lyon par des « radios libres » (la Coordination parisienne des radios libres non commerciales et quelques radios de province, soit une vingtaine de radios183) pour mettre fin au monopole de l’Etat. Le 10 janvier 1983, la FNRL se dote à St Nazaire d’une Charte. La FNRL défend le fait que les « radios libres » doivent être un moyen d’expression anti-capitaliste et militant au service des mouvements sociaux, pas un lieu de diffusion de publicités.

Pourtant, au congrès de Clichy du 25 juin 1983, Jean Ducarroir, Pascal Defrance et Yves Daudu proposent un amendement selon lequel il serait possible de collecter des ressources publicitaires jusqu’à 25% du budget. Le FSER y ponctionnerait un pourcentage à destination des radios associatives refusant la publicité. Une majorité du bureau sortant est favorable à cette proposition. Mais 58% des voix s’y opposent, dont Gilbert Galley, Jean Maillet, Claude Palmer avec le soutien de radios de province - Galère à Marseille, Mega à Valence, Oxygène à Bordeaux, Reims FM, Zinzine - et de Paris - Aligre, Nanterre, Fil Rouge, Tomate. Ducarroir annonce la création d’un Syndicat National des radios locales privées qui ne voit pas jour. Le nouveau bureau comprend François Bouchardeau (Zinzine), Enrique Cézard (Radio Fil Rouge), Jean Maillet (Reims FM), Lionel Rousseau (Radio Tomate), Jean Bénetière (Radio Mega), Gilbert Galley (Radio Oxygène), Jacques Soncin (Radio Galère), Claude Palmer (Nanterre), Habib Laïdi (Aligre), Jean-Pierre Gaudin (Radio Gribouille).

En novembre 1983 (lire plus haut), il y a des départs de la FNRL pour créer le Syndicat National des Télévisions et Radios Locales (SNTRL) dirigé par Gilles Casanova184.

Suite à des problèmes de financement, des désaccords à ce sujet fin 1983 (notamment au congrès de Clichy) et le passage de la loi autorisant la publicité, la Confédération Nationale des Radios Libres185 (CNRL) est créée lors d’un congrès FNRL « tumultueux »186 tenu à Bordeaux en mai 1984. Elle est dirigée par Gilbert Galey (Radio Oxygène à Bordeaux) et son siège est à Bordeaux. Selon Soncin et Bénetière, « quelques radios maintiennent la FNRL »187. Selon Claude Palmer, la FNRL reste « majoritaire avec les 8 fédérations les plus fortes ». En 1985, la CNRL regroupe et syndique les moyens de plus de 120 radios associatives, communautaires, laïques défendant les droits de l’homme dans 12 fédérations régionales188.

183 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p33184 « Le nouveau syndicat est arrivé », L’Unité, 02/12/83185 « La Confédération Nationale des Radios Libres (CNRL) », Acrimed.org, lundi 21/07/03, http://www.acrimed.org/La-Confederation-Nationale-des-Radios-Libres-CNRL Claude Parlmer explique les quelques articles sur la CNRL d’Acrimed.org par le fait que ce site internet est issu du groupe trotskyste « Révomiton » d’Henri Malher avec Jacques Soncin et Jean Bénetière.186 GUSSE Isabelle, Diversité et indépendance des médias, PUM, Montréal, 2006, p214187 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p229188 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p52

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Gilbert Galey, dirigeant de Radio Oxygène à Bordeaux, est contraint de démissionner de la CNRL quand NRJ prend le contrôle de sa radio189. Jacques Soncin prend sa place au congrès de Marseille de 1986190 et jusqu’à 1990. Jean Maillet, président la CNRL de 1991 à 1995, représente la CNRL au sein de la commission des radios locales privées191. Pierre-Alain Coïc (Radio Cultures Bourges - Radio Résonance jusqu’en 1995, puis TSF192) lui succède en 1995-1996. Puis c’est au tour de Geneviève Teyssier (Aqui FM à Saint-Germain-d'Esteuil) en 1997 et enfin de Gilbert Andruccioli (Agora Fm à Grasse) jusqu’à 2004.

La CNRL souhaite la reconnaissance du statut d’intérêt collectif, d’utilité sociale ou d’éducation populaire aux radios libres associatives. Selon elles, les radios associatives, fermées à la publicité, doivent bénéficier des fonds publics, de contrats institutionnels, de messages d’intérêt collectif, de dégrèvements fiscaux et tarifaires et du fonds de péréquation. La CNRL n’est pas a priori hostile à la publicité : les radios qui diffusent de la publicité semblent pouvoir adhérer puisqu’elle demande aux radios adhérentes de donner leurs statut, la liste des membres du CA, si la radio est autorisée et si elle diffuse de la publicité193. Elle met en place une banque de programmes et de réseaux télématiques.

Ci-dessous, voici la charte du CNRL adoptée en mai 1986 lors d’un congrès à Marseille (signée par 99 radios selon l’ouvrage de Soncin et Bénetière de 1989194) qui donne une idée de ses objectifs et de ses valeurs :

 Charte de la Confédération National des Radios LibresLa CNRL regroupe des radios associatives, libres, indépendantes, laïques, attachées aux droits de l’homme et attentives à l’environnement. Ces radios sont plurielles et pluralistes.Elles refusent la communication marchande. Elles respectent scrupuleusement la déontologie des journalistes et œuvrent au rayonnement culturel, en permettant l’expression la plus large des artistes de leur bassin d’écoute.Elles ont un statut associatif, un fonctionnement démocratique et un financement cohérent avec le fait qu’elles n’ont pas de but lucratif. Elles sont solidaires entre elles et constituent des communautés de travail permettant à chacune de remplir au mieux sa mission.1) Des radios libres, indépendantes et laïquesLes radios associatives membres de la CNRL sont fidèles à l’esprit initial de la lutte pour la libération des ondes. Elles constituent des médias interactifs qui se destinent à la communication sociale et à l’éducation populaire. Elles sont indépendantes du pouvoir politique - local, régional ou national - et se refusent à être l’organe d’expression d’un parti. Elles ne peuvent avoir aucun lien de subordination avec une puissance financière, une entreprise économique ou autre, tant au niveau des organes de pouvoir de chaque radio que par le truchement de leur financement. Elles respectent la croyance et les choix philosophiques de leurs adhérents et de leurs auditeurs appartenant aux diverses communautés du bassin d’écoute, mais elles ne font pas de prosélytisme religieux et elles ne sont pas sous la tutelle d’une institution confessionnelle.2) Des radios plurielles et pluralistesLes radios adhérentes sont plurielles sur le plan social, communautaire et culturel.

189 La radio NRJ est arrivée dans un premier temps à Bordeaux via Radio Côte d'Argent. Mais la scission entre NRJ et Fun Radio fait perdre à NRJ cette fréquence (Offshore Echos Magazine, n°62, août 1986). L’autorisation accordée à la SARL Radio Oxygène sur la zone de Bordeaux est transférée à la SAS NRJ Réseau en 2005 (JO n° 5 du 6 janvier 2006) (« CSA – Modification de l’autorisation de NRJ Bordeaux ». Radioactu.com, 06/01/06, http://www.radioactu.com/csa-modification-de-lautorisation-de-nrj-bordeaux/) 190 L’équipe dirigeante élue comprend Jean Maillet (Reims FM), Jean Bénetière (Radio Mega), Jacques Soncin (Radio Galère), Habib Laïdi (Aligre), Paul Renty (Radio Visage), Robert-Jean Leclercq (Radio Flotteurs).191 Jean Maillet est impliqué dans les fédérations de septembre 1981 à juillet 2005 selon son profil Linkedin (https://www.linkedin.com/in/jean-maillet-412aa62b). 192 BERLIOZ France, « La radio TSF tente de se refaire une santé », humanite.fr, 05/04/97, http://www.humanite.fr/node/155048 193 BONVOISIN Florence, BENHAIM Jean-Pierre et DUBOIS Raphaël, Les radios locales privées, Edition ESF, Paris, 1985, p53194 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p239-243

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Elles sont un lieu de rencontre et d’échange pour les différentes classes sociales, générations et communautés du bassin d’écoute Elles encouragent et facilitent la production et la diffusion d’émissions dans les langues régionales et minorisées. Sur le plan politique, n’étant pas l’expression d’un seul parti, elles doivent pratiquer le pluralisme et l’expression de tous, dans le cadre fixé par la loi.3) Des radios humanistes, attentives à l’environnementLes différentes équipes du Syndicat sont attachées au respect de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant. Cette attention est universelle et prend donc en compte la condition humaine sur l’ensemble de la planète. Ces équipes soutiennent les efforts de toutes celles et ceux qui se battent contre l’intolérance, le racisme et les diverses exclusions, et qui militent pour les droits de l’homme. Les radios adhérentes affirment le droit à l’existence de toutes les communautés du bassin d’écoute et permettent leur expression. Elles rejettent avec vigueur les discours qui visent à marginaliser ou exclure certaines de ces communautés, et en particulier le racisme, œuvrant ainsi à la convivialité. Les radios appuient aussi le travail de toutes celles et ceux qui veulent protéger l’environnement et qui se battent pour sauver la planète des risques qu’elle encourt.4) Des radios qui respectent la déontologie des journalistesNos radios se veulent des médias alternatifs. Pour jouer ce rôle, les journalistes, bénévoles ou professionnels, respectent les règles de déontologie de leur profession. Ils sont attachés à la pluralité des sources, ils ne lancent pas une information sans en avoir vérifié la consistance. Ils ne portent pas crédit à des rumeurs, ils ne propagent pas des informations portant atteinte à la vie privée ou à la dignité d’une personne. Ils rejettent la logique des scoops et des taux d’écoute, la diffamation et la manipulation. Ils sont motivés uniquement par la volonté d’informer honnêtement leurs auditeurs.5) Des radios soucieuses du rayonnement culturelNos radios s’insèrent dans le tissu local et social comme éléments essentiels de l’affirmation et du développement des cultures de leur bassin d’écoute, dont celles qui s’expriment en langues régionales et vulnérables. Loin de rechercher le « top 50 », elles veulent soutenir les créateurs et les interprètes encore méconnus et être un début d’alternative aux programmateurs des grands médias commerciaux. Elles donnent la préférence aux artistes locaux et aux courants minorisés, soutenant la production de toutes les communautés de leur bassin d’écoute. Elles veulent être des lieux de découverte de talents nouveaux et participer ainsi à l’éclosion du paysage culturel de demain. Elles laissent aux commerciaux le soin de prostituer un art transformé en simple faire-valoir des messages publicitaires.6) Des radios qui refusent la communication marchandeLes différentes équipes de la CNRL cherchent des financements pour un objectif de communication à l’opposé de celui des entreprises commerciales qui utilisent le créneau de la communication pour la réalisation de leurs profits. Le financement de nos radios répond à différents critères qui leur permettent d’être efficaces. Les radios veulent que soient rémunérés les services qu’elles rendent. Elles doivent bénéficier de toutes les aides auxquelles elles ont droit. Elles peuvent assumer une logique commerciale dans le cadre prévu par la loi en ce qui concerne les radios éligibles au Fonds de soutien : messages d’intérêt collectif, campagnes d’intérêt général, petites annonces et dédicaces, messages publicitaires. Cette diversité et cette complémentarité des ressources leur permettent de garder une certaine indépendance par rapport à chacun de leurs financeurs et font que la fidélité à leur mission reste leur objectif et l’argent un moyen.7) Un fonctionnement démocratique pour des radios libresLes radios choisissent comme forme d’organisation juridique « l’association-loi-1901 ». Elles agissent de manière démocratique et collective. Leur fonctionnement est transparent, tant en ce qui concerne la composition de leurs instances de pouvoir que dans leurs choix de programmation ou dans la nature de leurs financements. Chaque adhérent d’une radio doit pouvoir consulter les bilans financiers tels qu’ils sont établis par le comptable, ainsi que la composition précise des instances (conseil d’administration et bureau en particulier) déposée en préfecture. La CNRL doit, lui aussi, avoir accès à ces informations.8) Des radios solidaires

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La CNRL concrétise la volonté des radios d’unir leurs forces. Cette solidarité se manifeste face aux autorités compétentes, ministères, CSA, CTR, etc. Il existe aussi par rapport à ses divers partenaires. Enfin, il doit permettre d’améliorer les moyens de chacun grâce à l’effort de tous.195

En 2003, la CNRL revendique 250 radios adhérentes sur les quelques 650 radios associatives qui existent à cette époque196. Un article d’Acrimed de 2003 donne la liste des radios par département197 :

01 : Radio Tropiques ; 02 : Radio Visages, RFL, Fréquence Laon ; 04 : Fréquence mistral ; 05 : Radio Alpine Meilleure, Drac Radio ; 06 : Radio Ass, Radio Douce France, Agora FM, Grimaldi Fm, Radio Clin d’œil Fm, TSF Côte d’Azur ; 07 : Fréquence 7, Info RC ; 08 : Radio Bouton, Radio Panach, Radio Val de Meuse, Radio Fugi ; 10 : Radio Enfants Vendeuvre ; 13 : Radio Galère, Radio Gazelle, Radio Grenouille, Radio Provisoire, Radio Utopie, Radio Camargue ; 14 : Radio TSF 98 ; 15 : Jordanne FM ; 16 : Radio Quartier Orange ; 17 : Radio Hélène ; 18 : Radio Résonance ; 19 : Radio Pac ; 20 : Radio Balagne, Radio Calvi Citadelle, Radio Corti-Vitu ; 21 : Radio VTI ; 22 : Radio Bonheur, Radio Cormorans ; 24 : Cristal FM, Radio Liberté, Radio Périgueux 103, Radio Plaizance, Radio Vallée Bergerac, Radio Vallée de L’Isle, Radio Orion ; 25 : Radio Suid Besançon, Radio Amitié ; 26 : Radio A, Radio M, Radio Méga, Soleil Fm ; 27 : Ondes FMR ; 28 : Radio des trois vallées ; 29 : Celtic FM, Emeraude ; 30 : Radio 16, RFN ; 31 : Canal Sud, Radio Mon Païs, Radio Plus ; 33 : Aqui FM, Campus Bordeaux, RIG, Radio Sauvagine, Hauts-de-Radio ; 34 : Radio Pays d’Hérault, RPH Sud, Radio Ciel Bleu, Radio Salvetat-Peinard ; 35 : RLK, Radio Rennes ; 37 : Radio Fréquence Luynes ; 38 : Radio Couleurs Fm, Radio Kaléïdoscope, Radio Italienne de Grenoble, Radio Ifm, Radio Cactus, Radio La Tour- du-Pin, Radio Mont-Aiguille ; 42 : Radio Dio, Radio Ondaine, Loire Fm ; 44 : FM Côte d’Amour ; 45 : Radio Arc-en-Ciel, Radio Chalette, Radio Francas ; 47 : Radio Bulle, Radio 4 Cantons, Castel fm ; 49 : Radio Gribouille, Radio Parcay Stéréo ; 51 : Cigale FM, Radio Jeunes Reims, Radio Mau-Nau, Radio Primitive ; 52 : Radio CBE ; 54 : Radio Aria, Radio Graffiti, Canal Myrtille ; 56 : Radio Méduse ; 57 : Radio Studio 1, RPL/ Radio Peltre Loisirs ; 58 : Bac fm, Flotteurs fm ; 59 : Radio Cité vauban, Radio Canal Sambre, Radio Campus Lille, Echo Fm, Radio Rencontre, Pastel FM, RPL, Radio Triomphe ; 60 : Radio Puisaleine ; 61 : Radio Coup de Foudre ; 62 : TSF Calais, Radio P. Fm, Planète Fm ; 63 : Radio Arverne ; 64 : Radio Païs, La Voix du Béarn, Radio Irulegiko Irratia, Radio Mendi-Lilia, Radio Xiberoko Botza, Radio EIPM, Radio Gure Irratia, Radio Oloron, Radio Pau D’Ousse, Radio Orthez 2001 ; 69 : Radio Calade, Sun FM, Radio Italienne de Lyon, Radio Rct, Radio Pluriel Fm, Radio Sol Fm, Radio Val de Reins ; 70 : Fréquence Amitié, Radio Top-Héricourt ; 71 : Radio Bresse ; 72 : Radio Alpes-Mancelles, Radio Contact Fm, Fréquence Sillé, Radio Prévert, Radio Francas, Radio Verte Cedia ; 73 : Radio Ellébore Fm, Magic Radio ; 74 : Radio Samoëns ; 75, 92, 93, 94 : Fréquence Paris Plurielle, Latitude Fm, Radio Tsf, Radio Générations, RGB, Radio Enghien ; 76 : Horizon FM, Radio La Sentinelle, Radio Francas ; 77 : Vallée FM, Radio Oxygene ; 78 : Radio Vexin Val-de-Seine ; 79 : Radio D4B ; 81 : Plus FM, Radio R’d’Autan, Radio Albigès ; 82 : Radio Asso ; 83 : 97.7 FM, Radio Active, Radio Top Fm, Radio Métropole, Radio Verdon ; 85 ; Radio Graffiti ; 86 : Radio Pulsar ; 88 : Radio Gué-Mozot, Radio Vosges Bellevue, Radio Contact ; 89 : Stolliahc Fm, Radio Nord Bourgogne ; 91 : Horizon Fm ; Dom Tom : Guadeloupe : Horizon FM, Radio Transat, Radio Marie-Galante, Radio Vie Meilleure ; Martinique : Radio Inter Tropicale, Radio Campus Fm, Alizés FM, Pelée FM, Radio Banlieue Relax, Radio Actif. Radio Apal, qui milite pour l’indépendance de la Martinique, a approuvé la charte mais n’adhère pas à la CNRL ; Guyane : Radio Pagani, Radio Mig ; Nouvelle Calédonie : Radio Djiido (peut être écoutée en ligne) ; Saint-Pierre-et-Miquelon : Radio Atlantique ; Membre associé de la CNRL, la Fédération des radios associatives de la Réunion (FAR)  : Radio ACB, Arc-en-ciel, Classique Fm, Radio Contact, Radio Dominique, Radio Jujubes, Radsio Kalimé, Kréol Fm, Mixte 9, Radio Pikan, Plus Fm, Rafio Rjl, Radio Rsl, Salazes Fm, Radio Soleil, Radio Sud plus, Radio Taj Mahal, Top Fm, Tropica Fm, Velly Music, Radio Vie.

195 BERGER Patrice, « Pluriel est signataire de la charte du SNRL aux côtés de nombreuses radios dans toute la France. La charte des radios libres. », radiopluriel.fr, dimanche 21 septembre 2008, http://www.radiopluriel.fr/spip/La-charte-des-radios-libres.html 196 « La Confédération Nationale des Radios Libres (CNRL) », acrimed.org, 21/07/03, http://www.acrimed.org/La-Confederation-Nationale-des-Radios-Libres-CNRL ; PINEAU Guy, « Les médias associatifs audiovisuels : bref historique et état des lieux », acrimed.org, 24/01/05, http://www.acrimed.org/article1900.html. 197 « Les radios adhérentes à la CNRL », acrimed.org, 2003, http://www.acrimed.org/Les-radios-adherentes-a-la-CNRL

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Malgré ces nombreuses radios adhérentes, la CNRL connaît en 2004 un dépôt de bilan et une liquidation économique à la suite de plusieurs exercices déficitaires. Mais la disparition de la CNRL n’est pas seulement un problème économique selon Claude Palmer :

« Pour la CNRL et sa conversion au SNRL, çà a été une lutte interne entre représentants des radios moins politisées et l'aile "gauchiste" du CNRL, jusqu'à son éviction totale (mise à l'écart forcée de Jacques Soncin se revendiquant de fonctions qu'il n'avait pas ou plus, faillite des services CORALI de Benetière198 etc.). »

Les 12, 13 et 14 novembre 2004, ont lieu les « Rencontres radiophoniques » de Valence. Emmanuel Boutterin (président de Radio fréquence Mistral) anime une conférence intitulée « Pour une organisation syndicale unitaire des radios libres, associatives et laïques » après une ouverture par Jean Benetière199. C’est ainsi que le Syndicat National des Radios Libres (SNRL) est créé par les représentants de 70 radios associatives. C’est un syndicat professionnel régi par la loi du 21 mars 1884. Ses membres sont 307 en 2009 et toujours plus de 300 en 2014200.

Le SNRL aide les stations à remplir leur mission de proximité et fournit des moyens d’information, représente et défend les intérêts des radios associatives face au FSER, au CSA, aux Ministères et autres organismes comme le SPRE (société pour la perception de la rémunération équitable) ou la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique)… Le SNRL organise des activités de coopération internationale, des formations de personnels, met en place une banque de programmes, publie la revue mensuelle Fréquence libres, lance des campagnes radiophoniques et de terrain… Le SNRL produit des émissions et des CD sur divers thèmes : antiracisme, droits des femmes, environnement, langues régionales…

Lors de son premier congrès des 4 et 5 juin 2005, le SNRL, où Emmanuel Boutterin est élu président et l’est toujours en 2016, s’est donné trois objectifs :

 1) la re-planification et le renouveau technologique liés à la numérisation de la diffusion qui

remet en cause leur place et le dispositif législatif actuel ; 2) le maintien et le renforcement du système public de financement dont bénéficient les

opérateurs de catégorie A ; 3) le soutien à l’exception culturelle en faveur du pluralisme, de la liberté d’expression et des

projets de développement économique et culturel dans le territoire français201.

Le SNRL reprend à son compte la Charte de la CNRL. Ainsi, le SNRL affirme son caractère laïque et celui des radios qui le rejoignent : les radios « respectent la croyance et les choix philosophiques de leurs adhérents et de leurs auditeurs appartenant aux diverses communautés du bassin d’écoute, mais elles ne font pas de prosélytisme religieux et elles ne sont pas sous la tutelle d’une institution confessionnelle. » 202 C’est une différence importante avec la CNRA qui accepte toutes les radios.198 Jean-Bénetière est directeur de Corali (Collectif de radios libres ou Coopérative des radios libres) qui « propose aux organismes associatifs et autres institutions, pour leurs campagnes et leur communication interne ou externe, la réalisation complète de CD (prise de son, mise en onde, duplication), la duplication de CD-roms, la vente de divers matériels (CD, micros, casques, kits de reportage). » (« La Confédération Nationale des Radios Libres (CNRL) », acrimed.org, 21/07/03, http://www.acrimed.org/La-Confederation-Nationale-des-Radios-Libres-CNRL)199 « Rencontres radiophoniques de Valence (novembre) », acrimed.org, 2004, http://www.acrimed.org/Rencontres-radiophoniques-de-Valence-novembre 200 http://www.snrl.fr/ADHESION-2014-ET-SERVICES-SYNDICAUX_a94.html 201 BOUTTERIN Emmanuel, Rapport d’orientation « Ensemble, on est plus fort ! », 1er congrès du SNRL, Paris, 4 et 5 juin 2005, p1-2

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La Confédération Nationale des Radios Associatives (CNRA) est plus récente que le SNRL. Elle a été créée en 1991 et se présente comme : 

- un organe permettant la représentation, la négociation, la concertation et la réflexion du secteur, au niveau national ;

- un outil de travail sur les chantiers décidés collectivement ; - le représentant mandaté des Fédérations face aux partenaires et interlocuteurs extérieurs203.

 Sur son site internet, la CNRA, qui regroupe environ la moitié des radios associatives

françaises, fait état de la complexité de représenter la diversité de ces radios : Depuis sa création en 1991, conformément à ses statuts, notre confédération s’est efforcée de regrouper, avec le soutien des fédérations régionales et nationales françaises, l’ensemble des radios associatives ; des radios de toutes sensibilités, obédiences, confessions ou courants, dès lors qu’elles ont pour but la communication sociale.La réalité plurielle du secteur des radios associatives n’a pas facilité la tâche de la CNRA pour assumer ses objectifs de « rassembleur ». Avec des dirigeants assumant des responsabilités bénévoles ou salariées dans leurs radios, c’est dans la transparence et à l’écoute de la différence que la CNRA a œuvré pour représenter aujourd’hui 18 fédérations de radios associatives, soit la quasi totalité des fédérations existantes en France. Plus de 260 radios implantées dans plus de 80 départements français dont 3 d’Outre-mer, avec près de 10.000 bénévoles et 1.200 emplois salariés.Les élections et décisions qui engagent la CNRA sont prises sur la base de mandats annuels délivrés par écrit par chacune des radios représentées. Ces mandats sont vérifiés, validés et publiés après contrôle du paiement des cotisations.Toutes les radios adhérentes accomplissent des missions de communication sociale de proximité « entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. ».La CNRA n’impose pas de modèle, les radios éligibles aux aides de l’Etat peuvent y adhérer dès lors qu’elles respectent un fonctionnement non commercial. Seules « peuvent être membres de la CNRA les radios ou fédérations qui prônent l’exclusion, la haine et le racisme »204.

Le mode d’organisation de la CNRA permet de la distinguer du SNRL selon Claude Palmer :

« Statutairement le SNRL fonctionne avec un bureau restreint et des « délégués régionaux » sans pouvoirs ni assise, alors que la CNRA est une confédération dont les fédérations régionales délèguent des représentants élus par la base au CA avec des votes et des mandats de radios explicites. »

La CNRA et le CNRL ont pu aussi se distinguer sur la question de la publicité. La FNRL était contre. La CNRL était pour un pourcentage de publicité dès 1984, selon Claude Palmer. La CNRA était contre la publicité sous réserve de compléments de financements institutionnels, notamment du FSER. Autre différence, le SNRL a été tôt pour la mise en place de la RNT aux côtés des radios indépendantes du SIRTI ou WorldDMB205 alors que la CNRA s’en méfie. On retrouve ce type de « ligne de partage » arbitraire tout au long des luttes menées par les associations et fédérations. « Ces divergences, ces oppositions 202 BERGER Patrice, « Pluriel est signataire de la charte du SNRL aux côtés de nombreuses radios dans toute la France. La charte des radios libres. », radiopluriel.fr, dimanche 21 septembre 2008, http://www.radiopluriel.fr/spip/La-charte-des-radios-libres.html 203 http://www.cnra.fr/Les-statuts 204 « Présentation », cnra.fr, mercredi 21 octobre 2009, http://www.cnra.fr/-Presentation-205 FILLIOL Xavier, « Pourquoi la France s’accroche à la bande FM », inaglobal.fr, 13/01/16, http://www.inaglobal.fr/radio/article/pourquoi-la-france-s-accroche-la-bande-fm-8749

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recouvrent souvent des questions d’appareil, de pouvoir, d’étiquette. » selon Claude Collin en 1981206. « Leurs relations conflictuelles portaient presqu'entièrement sur leur représentativité auprès des institutions en dépit des tentatives d'unification de Catherine Tasca et de Jean Maillet » se souvient Claude Palmer. Cela a pu avoir des effets négatifs sur les radios et sur le fonctionnement du Groupement d'intérêt public EPRA (Échanges et productions radiophoniques). Par exemple, la CNRA, après la nouvelle scission créatrice du SNRL, est le seul organisme à être représenté au sein de l’EPRA. Mais de toute façon le « CA de l'EPRA tenait peu compte des organisations et échangeait directement avec des radios » selon Claude Palmer.

La CNRA regroupe des radios autorisées par le CSA en catégorie A et éligibles au FSER. Elles doivent aussi adopter les principes éthiques et déontologiques de la « charte des radios citoyennes » : La charte des radios citoyennes publiée le mardi 3 mars 2009Si le secteur des radios associatives est nécessairement et historiquement pluriel, son évolution impose que soient rappelés certains éléments qui constituent le socle de notre identité.Les Fédérations et radios signataires de la présente charte tiennent à témoigner leur attachement à défendre les principes suivants :Modifiée par l’adoption d’une motion lors du Congrès 2009 à ArrasRadio Locale : Nos associations, nos radios, trouvent leur légitimité dans leur ancrage local. Le programme propre produit en local illustre l’utilité sociale de nos radios. Il constitue la part prépondérante de notre temps d’antenne, même si chacune se réserve la possibilité d’avoir recours à un fournisseur de programmes.Radios Citoyennes : Nos programmes sont conçus, produits et animés par et pour les citoyens et citoyennes de notre territoire (ville, "pays", bassin de vie). La possibilité de ces citoyens, individus et associations, à accéder à l’antenne, à participer à nos émissions, d’exercer leur droit à l’expression, constitue une dimension essentielle de notre projet de communication et contribue à l’exercice de la démocratie locale. Cette contribution au pluralisme de l’expression implique notre vigilance active à combattre les thèses racistes, les discours d’exclusion et la propagation des stéréotypes, notamment ceux concernant le genre.Radios Indépendantes : Emanation de la société civile, nous ne sommes l’appendice d’aucun pouvoir financier, institutionnel ou politique susceptible d’influencer notre projet de communication ou notre ligne éditoriale. A ce titre le Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique contribue à garantir notre indépendance et constitue une part prépondérante de notre financement. Nous sommes fermement attachés à son maintien ainsi qu’à l’accroissement de ses ressources.Radios solidaires : Réunies ou non dans le Conseil National des Radios Associatives, nous entendons, ensemble, défendre et faire reconnaître notre spécificité. Nous nous fixons comme objectif une communication locale solidaire, tant sur un territoire donné qu’au niveau national, et nous nous engageons à en trouver ensemble les moyens207. 

Le regroupement se fait de façon individuelle par les radios, mais à travers la fédération nationale thématique de leur choix ou leur fédération régionale. C’est un espace de représentation indirecte des radios. Par exception et dérogation, des radios peuvent adhérer individuellement et directement en sollicitant le Conseil d’Administration (les « non-fédérées »). Les radios versent leurs cotisations à leurs fédérations ou directement à la CNRA si elles ne sont pas fédérées. Les 4 fédérations de radios associatives thématiques sont confessionnelles :

 - Association des Radios Juives (15 radios en 1997208), - Fédération Française des Radios Chrétiennes, - Radios Chrétiennes Francophones, - Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes.

206 Ondes de choc. De l’usage de la radio en temps de lutte, L’Harmattan, Paris, 1982, p28207 « La charte des radios citoyennes », cnra.fr, mardi 03/03/09, http://www.cnra.fr/La-charte-des-radios-citoyennes.208 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p333

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A noter enfin que la CNRA représentait les radios associatives au sein du Groupement d'intérêt public EPRA avant sa suppression.

 Les deux syndicats ont choisi des chemins divergents et des politiques d’orientations

idéologiques distinctes. Mais quand il s’agit du financement public du secteur des radios associatives, le SNRL et la CNRA se retrouvent : « On a des orientations différentes, mais dans les grands combats on communique, surtout lors des débats sur le FSER », explique René Lavergne, président de la Fédération des Radios Associatives du Nord de la France - FRANF, adhérente à la CNRA et membre de son conseil d’administration quand il est interviewé par Sayonara Leal209.  

En plus des deux grands syndicats nationaux, il existe une multitude de fédérations de radios associatives thématiques et régionales qui sont affiliées aux syndicats.  d) Les fédérations

 En ce qui concerne les fédérations de radios associatives, l’ensemble de ces

fédérations thématiques ou régionales vise à constituer des réseaux avec les radios associatives d’une même région ou dont les programmes portent sur une même thématique. Elles jouent un rôle à la fois de conseil, de soutien et de défense. Elles peuvent aussi militer pour la reconnaissance de l’identité d’une région. Elles peuvent même jouer le rôle de banque de programmes. On peut citer quelques fédérations :

 - URCAF : Union des radios communautaires de langue française - FRANC-LR : Fédération des radios associatives du Languedoc Roussillon - CORREX : Collectif Rhône-Alpes des radios d’expression - FARL : Fédération Aquitaine des radios libres - FRALA : Fédération des Radios Associatives du Limousin et de l’Auvergne - FRANF : fédération des radios associatives du Nord de la France- FERAROCK : fédération des radios rock - Radio Campus France ex-IASTAR France qui était la section française de la fédération

européenne des médias étudiants IASTAR Europe (International Association of Student Television And Radio)

- FRADIF : Fédération des radios associatives d’Ile-de-France

A titre d’exemple, nous pouvons présenter l’une d’entre elles. Le Collectif Rhône-Alpes des radios d’expression (CORREX ; http://correx.blogspot.com/) a été créé en 1996. Le CORREX regroupe 16 radios :

Ain Tropiques FM - Bourg en Bresse radio Zones - Ferney Voltaire Ardèche Info RC - Aubenas Drôme radio Mega - Valence radio M - Montélimar Isère Couleurs FM - l'Isle d'Abeau radio Kaléidoscope - Grenoble Loire radio Dio - Saint Etienne Loire FM - Saint Etienne radio d'Ici - Saint Julien Molin Molette Rhône radio Calade - Villefranche radio Sol - Oullins radio Pluriel - Saint Priest radio Brume - Lyon Savoie - radio Ellebore - Chambéry Haute Savoie - radio Samoëns

Elles ont pour objectifs communs de : 

209 Entretien mené à Lille le 27 mars 2005 par Sayonara Leal (LEAL Sayonara, Les radios associatives en France : des espaces publics d’expression et de reconnaissance des différences socioculturelles ?, mémoire du master 2 de sociologie – mention changement social, Université de Lille, Lille, 2004/2005, p59).

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- Développer la libre expression et la communication sociale et culturelle - Favoriser le développement des radios dans leur démarche de promotion de la vie locale et

associative - Fédérer en Rhône-Alpes les radios locales privées, associatives, laïques et indépendantes.- Représenter ses adhérents auprès des organismes privés ou publics

 Les radios appartenant au CORREX suivent les principes du CSA et du FSER :

 -·Inscription dans les principes de la loi de 1901-·Etre l’expression d’un territoire-·Etre l’émanation d’un projet collectif-·Objectif du programme : information, dialogue, service et culture- La volonté est de promouvoir une politique radiophonique pour favoriser l’expression des territoires et le développement local. Pour ce faire, il s’agit de :

-·Mettre en œuvre une démarche de promotion de la formation professionnelle et de création d’emploi au sein du réseau.

-·Accompagner les partenaires locaux, associations culturelles locales…-·Soutenir l’expression d’une culture régionale en Europe.

La FRADIF (http://www.fradif.org/ ; Fédération des Radios Associatives de l’Ile de France issue de la FIRA), déclarée à la préfecture le 4 juillet 2006, comprend en 2015 Alternative FM, Radio Néo, Radio Soleil, Triangle FM, Vivre FM, Yvelines Radio, Aligre FM, BPM, Radio Mille Pattes, Vallée FM, Radio Sensations (Les cinq dernières radios ont adhéré récemment.). Seules Radio Néo, Radio Soleil, Vivre FM sont parisiennes. La FRADIF ne comprend donc pas toutes les radios associatives de banlieue (IDFM) et de Paris (Radio Ici et Maintenant, Radio Libertaire, Radio Fréquence Paris Pluriel, Radio Notre Dame). La FRADIF vise à faire une synergie entre les radios franciliennes, promouvoir la fonction spécifique de vecteurs de communication sociale et culturelle de proximité des radios associatives, négocier un fonds régional d’aide aux radios auprès du Conseil Régional Ile-de-France, lancer un Club de la Presse, organiser une Banque de programmes, négocier et diffuser des campagnes de messages d’intérêt général.

 Voici la liste des fédérations (et les radios qui les composent) qui appartiennent à la

CNRA en 2005 : 

51210 radios RCF (Radios Chrétiennes Francophones) : Accords 16 16021 Angoulême ; Eaux Vives Lozère 48000 Mende ; Radio To 59700 Marcq en Baroeuil ; Raje - RCF 01 01000 Bourg en Bresse ; RCF 04 04000 Digne ; RCF 26 26000 Valence ; RCF 61 61000 Alençon ; RCF 63 63051 Clermont Ferrand ; RCF 71 71000 Macon ; RCF Accords Charente Maritime 17033 La Rochelle ; RCF Allier 03000 Moulins ; RCF Alpha 35038 Rennes ; RCF Anjou 49052 Angers ; RCF Aube 10000 Troyes ; RCF Belfort-Montbéliard 90000 Belfort ; RCF Besançon 25041 Besançon ; RCF Bordeaux 33200 Bordeaux ; RCF Calvados 14063 Caen ; RCF Clarte 22000 Saint Brieuc ; RCF Corrèze 19004 Tulle ; RCF Corsica 20181 Ajaccio ; RCF Email Limousin 87036 Limoges ; RCF en Berry 18000 Bourges ; RCF Haute Savoie 74004 Annecy ; RCF Hautes Alpes 05000 Gap ; RCF Isère 38028 Grenoble ; RCF Jerico 54 54600 Villers Les Nancy ; RCF Jerico 57 57000 Metz ; RCF Jura 39109 Dole ; RCF L’épine 51000 Chalons en Champagne ; RCF Le Mans 72000 Le Mans ; RCF Le Puy 43000 Le Puy ; RCF Lumières 84023 Avignon ; RCF Lyon Fourvière 69321 Lyon ; RCF Maguelone 34980 Montferrier ; RCF Mediterranee 83041 Toulon ; RCF Nice Cote D’azur 06300 Nice ; RCF Nievre 58000 Nevers ; RCF Parabole 21000 Dijon ; RCF Pays d’Aude 11000 Carcassonne ; RCF Pays Tarnais 81000 Albi ; RCF Reims Ardennes 51100 Reims ; RCF Rivages 29200 Brest ; RCF Rouen 76044 Rouen ; RCF Saint Etienne 42100 Saint Etienne ; RCF Saint Martin 37000 Tours ; RCF Savoie 73000 Chambery ; RCF St Aignan 45001 Orléans ; RCF Ste Anne 56000 Vannes ; RCF Vendée 85006 La Roche sur Yon ; RCF Vivarais 07000 Privas.28 radios FRANC-MP (Fédération des Radios Associatives Non-Commerciales de Midi-Pyrénées) : Albiges 81000 Albi ; Antenne D’oc 46800 Le Boulve ; Antenne D’oc Cahors 46000 Cahors ; Barousse FM 65370 Loures Barousse ; Campus Toulouse 31000 Toulouse ; CFM Causade 82300 Caussade ; CFM Caylus 82160 Caylus ; CFM Cordes 81170 Cordes Sur Ciel ; CFM Rodez 12200 Villeranche ; CFM Villefranche 12200

210 « Qui sommes-nous ? », rcf.fr, 10/08/16, https://rcf.fr/qui-sommes-nous

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Villeranche ; Coteaux 32140 St Blancard ; D’Artagnan 32110 Nogaro ; De La Save 31530 Levignac ; Fréquence Soleil Toulouse 31917 Toulouse ; Gascogne FM 32000 Auch ; Lacaune 81230 Lacaune Les Bains ; Muret 31604 Muret ; Occitania 31500 Toulouse ; Pic FM 65501 Vic en Bogorre ; Plus 31200 Toulouse ; Plus FM 81200 Mazamet ; Présence FM 31300 Toulouse ; R D’autan 81300 Gaillac ; R D’autan 81500 Lavaur ; Radio Radio 31300 Toulouse ; Saint-Affrique 12400 St Affrique ; Transparence 09000 Foix ; VFM (Valence FM) 82400 Valence d’Agen.24 radios FRANC-LR (Fédération des Radios Associatives Non-Commerciales du Languedoc Roussillon) : Radio 16 30160 Besseges ; Radio 48 FM Florac 48400 Florac ; Radio 48 FM Mende 48400 Florac ; Anthracite 30100 Ales ; Arrels 66000 Perpignan ; Ballade 11260 Esperaza ; Ciel Bleu 34490 Lignan Sur Orb ; Clapas 34024 Montpellier ; Contact FM 11000 Carcassonne ; Divergence FM 34000 Montpellier ; EKO 34070 Montpellier ; Escapades 30170 St Hippolyte du Fort ; Inter-Val 30380 Saint Christol ; Lenga D’oc Narbona 11100 Narbonne ; Lenga D’oc 34000 Montpellier ; Lodeve 34702 Lodeve ; Margeride 48310 Termes ; Marseillette 11800 Marseillette ; Pays d’Hérault 34725 St André de Sangonis ; RPH Sud (OC) 34530 Montagnac ; Sommières 30250 Sommieres ; Systeme 30600 Vauvert ; Zygomar 66000 Perpignan ; Radio Campus 30000 Nîmes.22 radios FFRC (Fédération Française des Radios Chrétiennes) : Accords 86034 Poitiers ; Alliance Plus 30900 Nîmes ; Dialogue 13002 Marseille ; Ecclesia 30130 Pont St Esprit ; Espoir 47130 Port Sainte Marie ; Fajet 54000 Nancy ; Fidélité 44185 Nantes ; FM + 34050 Montpellier ; FM Evangélique 66000 Perpignan ; Fréquence Protestante 75017 Paris ; Grand Ciel 28100 Dreux ; Grille Ouverte 30100 Ales ; Jerico 57000 Metz ; Lapurdi Irratia 64480 Ustaritz ; Notre Dame 75015 Paris ; Omega 25400 Audincourt ; Phare FM 38292 La Verpilliere ; Phare FM Montauban 82130 L’honor de Cos ; Plus FM 27000 Evreux ; Présence 31300 Toulouse ; Présence Figeac 46100 Figeac ; Présence Lourdes Pyrénées 65100 Lourdes ; Saint Louis 97200 Fort de France ; Saint-Gabriel 97300 Cayenne.16 radios FRALA (Fédération des Radios Associatives du Limousin et de l’Auvergne) : Altitude 63000 Clermont Ferrand ; Arverne 63360 Gerzat ; Beaub FM 87070 Limoges ; Bram’fm 19000 Tulle ; Breniges FM 19360 Malemort ; Canal Bleu 19130 Objat ; Coquelicot O3250 Ebreuil ; Des Meilleurs Jours 87190 Magnac Laval ; Emergence FM 87000 Limoges ; Kaolin FM 87500 Saint Yrieix La Perche ; Logos FM O3200 Vichy ; Pays d’Aurillac 15000 Aurillac ; Qui Qu’en Grogne 03160 Bourbon l’Archambault ; RJFM 03107 Montluçon ; RTF (Trouble Fête) 87052 Limoges ; Swing FM 87100 Limoges ; Vassivière 23460 Royère de Vassivière.16 radios FAR (Fédération des Radios Associatives de la Réunion) : Radio Acb 97435 St Gilles Les Hauts ; Arc en Ciel 97467 Saint Denis – FFRC ; Classique FM 97467 Saint Denis ; Fréquence Oasis 97480 Saint Joseph ; Hit FM 97427 L’étang Sale Les Hauts ; Kayanm FM 97400 Saint Denis ; Mixte 9 97825 Le Port ; Pikan 97449 Saint Pierre ; Plus FM 97400 Saint Denis ; Radio des Iles (RIL FM) 97441 Saint Suzanne ; Salazes 97433 Salazie ; Soleil 97411 Saint Paul ; Sud Plus 97430 Le Tampon ; Sun Light 97442 Saint Philippe ; Velly Music 97426 Trois Bassins ; Vie 97475 Saint Denis ; Zantak 97413 Cilaos.14 radios FRANC-RA (Fédération des Radios Associatives Non-Commerciales du Rhône Alpes) : Zig Zag 26100 Romans Sur Isere ; Alto 73340 Lescheraines ; Des Boutieres 07160 Le Cheylard ; Fontaine 38601 Fontaine ; Frequence 4 38250 Villard de Lans ; Fréquence 7 07204 Aubanes ; Gresivaudan 38920 Crolles ; Max FM 38321 Eybens ; Mont Aiguille 38710 Mens ; New’s FM 38130 Echirolles ; Royans 26190 Stjean de Royans Franc-Ra ; Samoens 74340 Samoens ; Semnoz 74013 Annecy ; Zones 01210 Ferney-Voltaire.13 radios FRANF (Fédération des Radios Associatives du Nord de la France) : Radio 13 62430 Sallaumines ; Boomerang 59059 Roubaix ; Canal Sambre 59620 Aulnoye Aymeries ; Campus 59650 Villeneuve d’Ascq ; Cité Vauban 59000 Lille ; Club 59135 Wallers Arenberg ; Planète FM 62223 St Nicolas Lez Arras ; Plus 62138 Douvrin ; RBM 99.6 62420 Billy-Montigny ; RPL (Pacot Lambersat) 59130 Lambersart ; Scarpe Sensee 62490 Vitry en Artois ; Transat FM 62230 Outreau ; Uylenspiegel 59670 Cassel.13 radios CRAL (Coordination des Radios Associatives de Lorraine) : Activités 54702 Pont à Mousson ; Aria 54400 Longwy ; Canal Myrtille 54120 Thiaville Sur Meurthe ; Cocktail FM 88400 Gerardmer ; Cristal 88005 Epinal ; Declic 54840 Villey Le Sec ; Des Ballons 88160 Le Thillot ; Gue Mozot 88200 St Etienne Les Rt. ; Meuse FM 55101 Verdun ; Peltre Loisirs 57245 Peltre ; Résonance FM 88250 La Bresse ; Rupt de Mad 54470 Thiaucourt ; Vosges Bellevue 88490 Combrimont.8 radios ARJ (Association des Radios Juives) : Radio 100 Kol Hachalom 38013 Grenoble ; Aviva 34000 Montpellier ; Chalom Nitzan 06000 Nice ; Jm 13177 Marseille ; Judaica Lyon 69605 Villeurbanne ; Judaica Strasbourg 67000 Strasbourg ; Kol Aviv 31000 Toulouse ; Shalom Dijon 21000 Dijon.16 radios FRANC-CP (Fédération des Radios Associatives Non-Commerciales de Charentes-Poitou) : Attitude 16000 Angoulême ; Gatine 79200 Parthenay ; Helene FM 17700 Surgeres ; Pulsar 86035 Poitiers ; Styl FM 86170 Neuville de Poitou ; Terre Marine 17450 Fouras ; Val D’or 79600 Airvault ; Vogue Radio 17320 Marennes ; Cadence Musique 17 270 Cercoux ; Agora – MJC 86500 Montmorillon ; REC 86300 Chauvigny ; Accords 16 16021 Angoulême ; Accords Poitou 86034 Poitiers ; Accords 17 17033 La Rochelle ; Collège 17442 Aytre ; D4B 79500 Melle.

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6 radios FARA (Fédération Alsacienne des Radios Associatives) : Accent 4 67000 Strasbourg ; Azur FM 67600 Selestat ; Bienvenue 67200 Strasbourg ; Eval 67500 Haguenau ; Frequence Verte 67370 Wiwersheim ; Radio Le Coyroye de la Bruche 67130 Schirmeck.6 radios FRAMA (Fédération des Radios Associatives de Maine-Anjou) : Alpa 72000 Le Mans ; Alpes Mancelles 72130 Fresnay Sur Sarthe ; Cartables 72000 Le Mans ; Contact FM 72500 Château du Loir ; Haute Angevine 49501 Segre ; Prévert 72510 Pontvallain.6 radios FRADIF (Fédération des Radios Associatives de l’Ile de France) : Alternative FM 95340 Persan ; Néo 75017 Paris ; Soleil Paris 75020 Paris ; Triangle FM 78041 Guyancourt ; Vivre FM 93100 Montreuil ; Yvelines Radio 78220 Viroplay.5 radios FRTC (Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes) : Arc en Ciel 67025 Strasbourg ; Phare 68058 Mulhouse ; Phare FM 38008 Grenoble ; Phare FM Cornouaille 29900 Concarneau ; Phare FM Fraternite 76490 Louvetot.2 radios FRANC-HN (Fédération des Radios Associatives Non-Commerciales de Haute-Normandie) : Albatros 76620 Le Havre ; La Sentinelle 76100 Rouen. 3 radios Granc’Oise (Groupement des Radios Associatives Non-Commerciales de l’Oise) : Mercure 60134 Villers St Sépulcre ; Puisaleine 60170 Carlepont ; Valois Multien 60802 Crepy en Valois.2 radios D4C (Association Union Départementale) : Chateau 44110 Soudan ; Chrono 44320 St Pere en Retz.1 radio n’appartient pas à une fédération locale : Evangélique de la Martinique 97200 Fort de France.16 radios non-fédérées : Avallon 89200 Avallon ; Booster (Belle Musique) 31500 Toulouse ; Bresse 71500 Branges ; Cultures Dijon 21000 Dijon ; D’oc 82202 Moissac ; Flotteurs 58501 Clamecy ; FM Mende 48000 Mende ; FMR 31000 Toulouse ; Galaxie 31310 Rieux Volvestre ; MDM 40000 Mont De Marsan ; Melody FM 29400 Landivisiau ; Radio 74 74160 Archamps ; RGB 95020 Cergy ; Tele Montaillou 09110 Montaillou ; NTI 44310 St Philbert de Grand Lieu ; Parole de Vie 35405 Saint Malo.

Compte-tenu de la réforme des régions, ces fédérations sont en cours de regroupements en confédérations.

Les radios (et télévisions) chrétiennes sont particulièrement nombreuses (Elles sont déjà 27 en 1987211.), organisées, structurées, financées, professionnalisées :

- Il y a la Fédération Française des Radios Chrétiennes (FFRC ; www.ffrc.fr/) qui regroupe 76 radios associatives sur 225 fréquences et revendique une audience de 3 250 000 d’auditeurs par semaine. Elle est animée par Emmanuel Payen.

- Il y a aussi l’association COFRAC (Communauté francophone des radios chrétiennes ; www.cofrac-media.com/) fondée par Radio Notre Dame, Radio Fidélité (Nantes), Radio Ecclésia (Nîmes), Radio Jerico (Metz) et Radio Salve Regina (Bastia) en 1996. La COFRAC est un système d’échanges de programmes pour promotion des radios chrétiennes en France et à l’étranger avec 15 réseaux ou radios chrétiens (dont 13 diocésains) en France et 49 radios en Afrique, au Québec, dans les Dom Tom. La COFRAC offre à ses membres des formations, un suivi, du matériel et une grille de programmes clé en main (religion, éducation, vie en société, santé, culture). En 2008, la cotisation va de 5 000 à 16 500 €212.

- Radios Chrétiennes en France (RCF) a été créée en 1986 lorsque 11 radios chrétiennes du Rhône-Alpes se sont fédérées. RCF comprend 40 radios en septembre 1996213. En 2005, elles sont 53 radios reliées par satellite avec 200 fréquences dans 54 départements et déclarent une audience fusionnée de 900 000 auditeurs par jour214. En 2016, RCF dit disposer de 4h de programme local chaque jour, 4 modes de diffusion (FM, mobile, internet, podcast), 63 radios locales, 250 fréquences en France et en Belgique, 300 salariés et 3 000 bénévoles pour 500 000 auditeurs chaque jour et 2,5 millions d’audience nationale globale215.

211 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p155212 Communauté Francophone des Radios Chrétiennes, Communiqué de presse, 2008-2009, http://www.cofrac-media.com/DPCofrac-2008-2009.pdf, p6.213 PROT Robert, Dictionnaire de la radio, PUG/Ina, Grenoble/Brie-sur-Marne, 1998, p155214 quid.fr, 2007, http://www.quid.fr/2007/Information/Radios_Generalistes/2 215 « Qui sommes-nous ? », rcf.fr, 10/08/16, https://rcf.fr/qui-sommes-nous

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- Il y a enfin la FRTC (Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes) créée en 1985 par des protestants évangéliques qui rassemble une vingtaine de radios. La cotisation est de 80 € soit 0,5% de la somme versée par le FSER.

En dehors des fédérations, d’autres organismes sont ou ont été susceptibles d’aider les radios associatives. Ainsi des radios associatives qui s’adressent aux immigrés :

 1) La banque d’Échanges et Productions Radiophoniques (EPRA) était un

groupement d’intérêt public (GIP) qui a été fondée en 1992 par le Fonds d’action sociale. Elle mutualisait et diffusait des émissions de proximité produites par environ 130 radios associatives (environ 110 en métropole, environ 10 à la Réunion et environ 10 en Afrique contre 50 radios en 1993) et Radio France Internationale. Elle a été liquidée fin 2013 alors qu’elle comprenait 10 000 heures de programme216. L’INA a décidé de prendre en charge ces archives217.

2) Radio France International met à disposition des radios associatives par internet ou satellite ses journaux d'actualité et des programmes concernant la santé, la religion, la musique, l’immigration et l’intégration des communautés étrangères en France en direct de façon gratuite218 (auparavant via l’EPRA). En 2007, c’est le cas de 126 radios associatives et communautaires, dont 13 dans les DomTom qui ont obtenu 367 programmes, soit 122 heures219. Les radios associatives ont simplement l’obligation de signaler clairement l'origine des émissions lors de chaque diffusion, informer RFI et le cas échéant Monte Carlo Doualiya (MCD) de la diffusion des programmes repris, ne pas modifier, ni interrompre, ni morceler les émissions de RFI/MCD lors de leur diffusion.

3) Sophia a été lancé en 1996220 par Radio France suite à l’arrêt de la banque de programme BBC Infos. Sophia produit un programme musical complet (24/7) en partie animé. Le programme est complété par des chroniques et des rendez-vous d'information. Les radios sont libres de reprendre les éléments qu'elles désirent diffuser sur son antenne. Radio France souhaite céder Sophia depuis 2015221. C’est un échec à ce jour et Radio France conserve des programmes à destination de 80 radios associatives.

4) L’Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances (l’ACSE ; ex-Fonds d’action sociale-FAS, FASILD) visait à contribuer à des actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d’insertion sociale ou professionnelle. La loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a transféré à l’État les activités de l’ACSE. Le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui est une nouvelle administration créée le 31 mars 2014 sous tutelle du Premier ministre, est issu du regroupement de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar), du Secrétariat général du comité interministériel des villes (CIV) et de l’ACSE. Conformément aux mesures du Comité interministériel à l’Égalité et la Citoyenneté

216 « Liquidation de l’Epra : des milliers d’archives radiophoniques réduites au silence », radyonne.fr, 9/12/13, http://radyonne.fr/liquidation-de-lepra-des-milliers-darchives-radiophoniques-reduites-au-silence/ 217 BORDE Thierry Borde, « L’INA, l’EPRA et la mémoire des radios associatives », mediascitoyens.eu, 1/12/14 http://www.mediascitoyens.eu/2014/12/lina-lepra-et-la-memoire-des-radios-associatives/ 218 http://partenariat.rfi.fr/Default.aspx?ReturnUrl=%2f 219 CSA, « Bilan de la société nationale de programme RFI (Radio France internationale) Année 2007 », les bilans du CSA, octobre 2008, p17220 « 51 radios bénéficient des programmes de Radio France », liberation.fr, 05/01/96, http://www.liberation.fr/medias/1996/01/05/51-radios-beneficient-des-programmes-de-radio-france_160950 221 « Banque de programmes publique : Avenir de Sophia : une concertation nécessaire », snrl.fr, 10/02/16, http://www.snrl.fr/Banque-de-programmes-publique-Avenir-de-Sophia-une-concertation-necessaire_a284.html

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(CIEC) du 6 mars 2015, le ministère de la Culture et de la Communication souhaite relancer avec ampleur le soutien aux médias de proximité et aux médias citoyens sous forme d’un appel à projets doté d’un budget d’un million d’euros. Le CGET a lancé un « Appel à projets national « Médias de proximité » » en 2015 qui s’adresse à tous les médias locaux et qui a un budget d’un million d’euros. Mais les radios associatives bénéficiant du FSER (c’est-à-dire une très grande partie) ne peuvent pas candidater. Voici les critères :

- Soutenir les actions innovantes en termes éditoriaux, numériques ou de diffusion ;

- Accompagner la professionnalisation des médias de proximité et citoyens pour favoriser la production d’informations et de programmes de qualité ;

- Favoriser des passerelles entre ces médias et les médias traditionnels locaux, régionaux ou nationaux dans le but de : Développer des coopérations dans un souci de formation réciproque ; Échanger ou qualifier des productions éditoriales ;

- Favoriser les programmes d’information et de débat valorisant les territoires « oubliés ou mal traités par l’information » ;

- Permettre la participation des citoyens au débat démocratique en accompagnant la mise en partage de leur parole sous forme de productions médiatiques ;

- Mettre en œuvre des actions à destination des jeunes, sur le hors temps scolaire, depuis l’éducation à l’information et à la liberté d’expression jusqu’à la pré-professionnalisation. Dans ce cadre l’accueil de service civique pourra être envisagé.

114 dossiers ont été retenus en 2015222 par le comité de pilotage national ad hoc constitué de représentants du Secrétariat général, de la DGMIC et des DRAC, de représentants du CGET, et de « personnalités qualifiées ».

Conclusion

Le tissu institutionnel autour des radios associatives françaises est plutôt bon d’un point de vue politique. En effet, l’environnement juridique, économique et institutionnel des radios associatives est sans doute l’un de meilleurs du monde comme l’avait affirmé Jacques Soncin dans la revue des radios associatives Fréquence libre223 de 1999, en tout cas l’un des meilleurs d’Europe comme on peut le voir dans le rapport The State of Community Media in the European Union224 du Parlement Européen. Le soutien des politiques est plus discret, « voire désordonné ou hostile » selon Claude Palmer. Sans doute, ceux-ci ne connaissent pas ou ne s’intéressent pas beaucoup à ces radios qui n’ont pas beaucoup d’audience, qui ne sont pas très « visibles » et qui ne sont peut-être « pas assez soumises selon leurs critères » pour Claude Palmer. Alors que ces radios reçoivent souvent les politiques. On peut donner

222 WOJCIAK Thierry, « 114 dossiers retenus pour l'appel à projets 'Medias de proximité' », cbnews, 16/07/15, http://www.cbnews.fr/medias/114-dossiers-retenus-pour-lappel-a-projets-medias-de-proximite-a1021581 223 SONCIN Jacques, Fréquence libre, n° 94, juillet 1999224 EUROPEAN PARLIAMENT, The State of Community Media in the European Union, report by Kern European Affairs for Directorate General Internal Policies of the Union, Policy Department Structural and Cohesion Policies, Culture and Education, september 2007, http://www.europarl.europa.eu/activities/expert/eStudies/download.do?file=17791

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l’exemple de Radio Campus Paris qui a reçu les candidats aux municipales 2014 en faisant passer un entretien de stage225. Certaines radios sont même animées par des politiques, comme Radio Courtoisie226 (Henry de Lesquen227, Paul-Marie Coûteaux, Alain Griotteray…) qui invitent de nombreux politiques :

 Christine Boutin, Bruno Gollnisch, Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen, Philippe de Villiers,

Alain Madelin, Xavier Deniau, Arthur Conte, Charles Pasqua, André Santini, François Bayrou…

En ce qui concerne les institutions qui tournent autour des radios associatives, nous avons vu qu’elles sont nombreuses et diverses :

 - une autorité indépendante : le CSA qui délivre les fréquences.- des financeurs publics à divers échelons territoriaux : le FSER, les Ministères (Jeunesse et

sport, Culture et communication, solidarité, emploi, Affaires étrangères…), les collectivités territoriales, les entreprises ou institutions locales, la Commission européenne…

- des organismes spécialisés sur l’aide à l’intégration CGET228 (auparavant l’ACSE229, FASILD230, FAS231, et l’EPRA232).

- des deux syndicats : le SNRL233 et la CNRA234.

225 Radio Campus Paris a reçu Danielle Simonnet du Front de gauche dans la matinale de 19h00 le mardi 28 janvier 2014, puis Christophe Najdovski d’Europe écologie les verts le mardi 4 février, Wallerand de Saint-Just du Front National le mardi 11 février. Les deux principaux candidats n’ont pas pu être présents. Anne Hidalgo s’est fait remplacer le 11 mars par Ian Brossat, conseiller municipal élu dans le 18e arrondissement et soutien d’Anne Hidalgo du Parti Socialiste. Nathalie Kosciusko Morizet de l’UMP a annulé sa venue 24h avant l’émission mais a accepté de faire un entretien de 20 minutes depuis son QG de campagne. De plus, Agnès Evren de Fressenel, adjoint au maire du 15eme arrondissement, est venue la représenter. Pour les deux partis de droite et celui très à gauche, l’équipe de Campus a invité des politistes pour analyser, contextualiser et critiquer : Gaël Brustier (docteur en science politique), co-auteur avec Jean-Philippe Huelin de Voyage au bout de la droite (Fayard/Mille, Paris, 2011) pour Wallerand de Saint-Just du Front National ; Denys Pouillard directeur de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire (OVPP) pour Nathalie Kosciusko Morizet, Ismaïl Ferhat, doctorant en science politique avec pour titre de thèse Le parti socialiste et le monde enseignant, années 1960-1980 pour Danielle Simonnet. Entre les invités, l’équipe de Campus a fait des « focus » sur les enjeux du scrutin à Paris. (http://www.radiocampusparis.org/muni_invites/)226 Radio Courtoisie est une radio fondée par Jean Ferré en 1987 à Paris. Elle est portée par l'association « Comité de défense des auditeurs de Radio Solidarité » (CDARS) ce qui a fait d’elle une radio de catégorie A (http://www.csa.fr/var/ezflow_site/storage/csa/rapport2007/donnees/decisions/2007-643.pdf). Mais exception dans le paysage radiophonique français, Courtoisie a vu son dossier retenu en catégorie E (RNT1-E-001) le 26 mai 2009 suite à l’appel du CSA du 26 mars 2008 pour la RNT (http://www.csa.fr/upload/decision/radio_numerique_dossiers_recevables_2.pdf). Elle a été placée dans la même catégorie que pour Sud radio, RMC, Europe 1 et RTL sans doute parce qu’elle diffuse ses programmes dans plusieurs villes : Chartres, Le Mans, Le Havre, Caen, Cherbourg-Octeville et l’Ile-de-France. (POULAIN Sebastien, Les auditeurs de Radio Courtoisie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2004).227 En 2016, Henry de Lesquen, président de Radio Courtoisie, annonce qu’il souhaite se présenter pour les présidentielles 2017. Cela entraine des conflits au sein de la radio et l’appel à sa démission de la part de responsables d’émission comme Jean-Yves Le Gallou, Bernard Antony, Paul-Marie Coûteaux… sur le site internet Le Salon Beige le 11 juin. (PIQUARD Alexandre et FAYE Olivier, «  Raciste déclaré, le président de Radio Courtoisie, Henry de Lesquen, est prié de démissionner », lemonde.fr, 02/07/16, http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/07/02/raciste-declare-le-president-de-radio-courtoisie-henry-de-lesquen-est-prie-de-demissionner_4962459_823448.html)228 Commissariat général à l'égalité des territoires229 Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances230 Fonds d'Action et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations231 Fonds d'Action sociale232 Échanges et productions radiophoniques233 Syndicat National des Radios Libres234 Confédération Nationale des Radios Associatives

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- des fédérations de radios associatives régionales : FARA235, FRALA236, FRAMA237, FAR238, FRANF239…

- des fédérations de radios thématiques : étudiantes240 (Campus France (ex-IASTAR), rock (FERAROCK241), cultuelles (radios chrétiennes comme RCF242, FRTC243 et FFRC244 ou juives comme ARJ245)…

Nous l’avons vu, d’autres organisations/réseaux - partis politiques, syndicats, tiers secteur - ont pu jouer un rôle dans l’histoire des réseaux radiophoniques alternatifs, mais les radios qu’ils ont voulu mettre en place directement et contrôler n’ont eu des réussites qu’éphémères, c’est-à-dire le temps d’une lutte : Radio Riposte de Mitterrand en 1979 contre la monopolisation des ondes par le gouvernement, les radios CGT pour avoir un autre traitement médiatique des élections prud’homales de 1979... Les organismes qui ont souhaité mettre en place des radios à leur service pour simplement se valoriser et valoriser leurs revendications sans donner une réelle autonomie et personnalité à ces radios ont connu des échecs. Donnons l’exemple de Radio Service Tour Eiffel, lancée le 7 décembre 1981, qui était surnommée Radio-Chirac car elle dépendait étroitement de la mairie de Paris via « l’Association pour le développement de la communication à Paris » (85% des subventions étaient issues de la mairie de Paris). Elle est définitivement arrêtée en 1999, après de multiples relances car son audience n’a jamais « décollé » malgré des émissions étoffées, une trentaine de salariés et le passage en 1985 au statut commercial par la société Paris-Média246.

Aujourd’hui, les réseaux de radios associatives se situent aussi au niveau international avec l’AMARC-Asociación Mundial de Radio Comunitarias247 (www.amarc.org) Créée au Canada lors d’une assemblée du 7 au 12 août 1983 par 600 participants dont une centaine de délégués français, l'Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires réunit aujourd’hui plus de 4 000 radios communautaires et une centaine de fédérations de radios dans près de 140 pays248. C'est la seule organisation non-gouvernementale de radios reconnue par les grandes agences des Nations Unies telles l'Unesco, l'Unicef, la Fao, l'Union Internationale des Télécommunications. Plusieurs gouvernements, autorités de régulations et

235 Fédération Alsacienne des Radios Associatives236 Fédération des Radios Associatives du Limousin et de l’Auvergne237 Fédération des Radios Associatives de Maine-Anjou238 Fédération des Radios Associatives de la Réunion239 Fédération des Radios Associatives du Nord de la France 240 Sur les radios universitaires et étudiantes, lire : CHEVAL Jean-Jacques, « La radio universitaria en Francia », in ORTIZ Miguel Angel et PENA Daniel Martín (sous la direction de), Las Radios Universitarias en América y Europa, Editorial Fragua, Madrid, 2014 et POULAIN Sebastien, « Radios étudiantes / radios universitaires : le choc des cultures ? », (en cours de publication).241 Fédération des radios rock242 Radios Chrétiennes Francophones243 Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes244 Fédération Française des Radios Chrétiennes245 Association des Radios Juives246 « Il y a trente ans démarrait Radio Service Tour Eiffel », le-transistor.com, 7/12/11, http://le-transistor.com/2011/12/07/il-y-a-trente-ans-demarrait-radio-service-tour-eiffel/ 247 AMARC, Community Radio Social Impact Assessment - Removing Barriers, Increasing Effectiveness: Challenges, Findings, Reflections, Experiences, Lines of Action for Community Radio stakeholders , AMARC Global Evaluation, 2007, http://evaluation.amarc.org/evaluation.php?p=Evaluation_The_Process&l=EN&nosafe=0 ; FRASER Colin et RESTREPO ESTRADA Sonia, Manuel de la Radio Communautaire, UNESCO, Paris, 2001 ; BERRIGAN Frances, Access : Some Western Models of Community Media, UNESCO, Paris, 1977 ; BERRIGAN Frances, Les moyens de communication communautaires – Le rôle des medias communautaires dans le développement, Etudes et documents sur la communication, n° 90, 1981 ; LEWIS Peter, Le rôle des médias en zones urbaines, UNESCO, Paris, 1984.248 Notons le grand rôle des réseaux en Amériques du Sud (une nécessité compte-tenu des distances) : ceux des radios communautaires ou universitaires par exemple (ORTIZ Miguel Angel et MARTIN-PENA Daniel, Las Radios Universitarias en América y Europa, Editorial Fragua, Madrid, 2014).

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centre de recherches font appel à l’AMARC pour faire évoluer leur législation en faveur des radios communautaires. Un bureau européen (AMARC-Europe) est créé en 1992 lors du congrès d’Oaxtapec au Mexique. Emmanuel Boutterin, président du SNRL, en est le Président depuis août 2015. L’AMARC est la plus importante, mais on peut en citer d’autres comme :

- Community Radios Worldwide (www.radiorobinhood.fi), - ReR (Réseau Africain des radios rurales et locales, www.radios-rurales.net), - Réseau des radios rurales des pays en développement (www.farmradio.org), - RURANET (Réseau des radios rurales et centres d’information pour le développement et des

partenaires au Niger http://membres.lycos.fr/nigeradio), - URCAF (Union des Radios Communautaires de l’Aire Francophone, www.urcaf.org), - URTNA (Union des radiodiffusions et télévisions Nationales d’Afrique, www.urtna.net)...

Mais une fédération, un syndicat, un groupement… ne suffit pas pour avoir :

- la meilleure audience (PDA, DEA, DEI, AC…) ou notoriété, - les meilleurs animateurs ou journalistes, - des ressources humaines formées et professionnalisées,- le plus grand nombre d’appels d’auditeurs, - les invités les plus prestigieux, - les concepts d’émission les plus intéressants et innovants, - le plus d’annonceurs et de publicités à l’antenne, - le plus gros chiffre d’affaires...

Mais ces objectifs - promus parfois et en partie par les fédérations - concernent surtout les radios publiques et commerciales. La plupart des radios associatives ne s’y retrouvent pas. C’est ce qu’indique le rapport d’Emmanuel Hamelin (inspecteur général des affaires culturelles) publié en 2009 :

 On peut […] penser, qu’héritières des radios libres des années 70, la logique fondatrice des

radios associatives françaises demeure une logique de l’expression – dont l’expression des différences, des particularités – plutôt qu’une logique d’audience.

Ainsi, elles justifient l’espace qu’elles occupent par leur capacité à donner la parole, à fournir un accès direct à l’expression radiophonique plus que dans la compétition avec les autres secteurs radiophoniques dans les sondages d’écoute.249

Les défis quant à l’avenir de ces radios, compte tenu de leur mode de fonctionnement et le contexte médiatique actuel, sont davantage ceux-ci :

 - déficits en moyens financiers, matériels et humains (manque de personnel, de bénévoles, de

formation250 et de management251),

249 HAMELIN Emmanuel, Mission de contrôle du Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique locale (F.S.E.R.), Ministère de la Culture et de la Communication, 2009, p2250 Pour pallier ces difficultés, plus de 100 radios associatives ont bénéficié à partir de 2004 d’un accompagnement dans le cadre des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA) qu’Opale anime via le Cnar Culture (Centre national d’appui et de ressources sur le secteur culturel pour les DLA). Il s’agit de prestations d’appui-conseil pour améliorer le fonctionnement des radios (Certaines radios ont bénéficié de plusieurs.) dont voici la répartition : 22% pour la consolidation, le développement et l’emploi, 20% pour la recherche de financement, 13% pour les études d’audience, 9% pour la comptabilité et la gestion, 9% pour la communication et internet, 9% pour l’organisation interne, 6% pour des diagnostics, 6% pour des conseils juridiques, 5% pour développer des réseaux et la vie associative, 1% pour la création. (AVISE (Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Économiques), « La radio associative (autorisée à émettre en FM). Définition, organisation, économie des services, problématiques d’accompagnement », Repère Culture, n° 4, juin 2009, http://fr.calameo.com/read/00085082777601fd495a2, p10).251 AVISE (Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Économiques), « La radio associative (autorisée à émettre en FM). Définition, organisation, économie des services, problématiques d’accompagnement », Repère

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- économie de la survie au jour le jour sans stratégie de développement à moyen et long terme, - concurrence des webradios252 (par exemple les radios associatives musicales), des radios

étrangères (pour les radios d’immigrées) et des radios locales commerciales locales de catégorie B ou les radios de France Bleu (pour l’événementiel et l’information locale253),

- coût du passage au numérique et incrédulité très forte sur cet avenir, - incertitudes croissantes quant à la pérennisation du FSER.

Nassim Fenjiro souligne aussi les problèmes de communication – qui ont pour conséquence un manque de visibilité et d’image dû à des problèmes de communication - à propos de la radio associative R.I.G. :

 - communication externe :

- un site internet exclusivement dirigé vers les jeunes, - Le journal « R.I.G. Connexion » qui n’est pas allé au-delà du premier numéro, - absence d’une équipe chargée de la communication,

 - communication interne :

- « Il n’a en effet pas été rare que, dans le cadre d’un travail journalistique, deux voire trois personnes dans les cas extrêmes se retrouvent à réaliser la même tâche, indépendamment, parce qu’il n’y avait pas eu de communication verticale ou horizontale » 254

- « aucune promotion n’est faite entre ces différentes émissions », - « rétention d’information », - « Il n’est pas rare pour la direction de devoir "batailler" avec ses bénévoles pour obtenir des

informations sur les partenaires de l’émission d’un bénévole »255, - « la radio organise ou participe à un événement mais ne relaie pas pour autant sur son antenne

ces informations »256.

L’essentiel, pour beaucoup de radios, c’est que des choses « associatives » peuvent y être dites et faites. Des choses alternatives à celles qui peuvent être dites et faites sur les radios publiques et commerciales ou ailleurs. C’est la conclusion de la recherche faite par Nassim Fenjiro :

Culture, n° 4, juin 2009, http://fr.calameo.com/read/00085082777601fd495a2, p11-12.252 Les webradios sont elles-mêmes prises dans des difficultés financières semblables malgré l’attrait du web pour les investisseurs publicitaires. Monter une webradio est peu onéreux, mais diffuser de la musique en ligne pose la question de la protection des droits d’auteur. Puisque les artistes sous contrat ne peuvent céder leurs catalogues aux sites amateurs, ces derniers doivent payer une contribution à la SACEM. Or, si le site internet souhaite disposer d’un matériel performant (une bande passante de qualité) et, pour cela, se fait financer par la publicité, son versement à la SACEM s’accroit énormément ce qui implique de trouver encore plus de publicité. Donc les webradios amateurs doivent rapidement se « professionnaliser », changer de statut ou réduire les ambitions (BEUSCART Samuel, « Le devenir des innovations non marchandes sur l’Internet. Une étude des modèles économiques des webradios », Réseaux, n° 125, 2004). 253 Radio France (Jean-Luc Hees), CNRA (Claude Palmer) et le SNRL (Emmanuel Boutterin) ont d’ailleurs signé le 15 juin 2012 à la Maison Radio France une charte où ils s'engagent concrètement à collaborer selon un code précis de bonne conduite sur l'ensemble du territoire national (http://www.cnra.fr/sites/cnra.fr/files/images/File/charte_radio_france.pdf). 254 FENJIRO Nassim, Pour une radio associative aussi, l’argent est-il le "nerf de la guerre" ? L’exemple de la radio girondine R.I.G., sous la direction d’Hélène Arzeno, DUT Communication des Organisations, option Plurimédias, Pôle Information Communication de l’INFOREC, Université Bordeaux III Michel de Montaigne, septembre 2007, p23255 FENJIRO Nassim, Pour une radio associative aussi, l’argent est-il le "nerf de la guerre" ? L’exemple de la radio girondine R.I.G., sous la direction d’Hélène Arzeno, DUT Communication des Organisations, option Plurimédias, Pôle Information Communication de l’INFOREC, Université Bordeaux III Michel de Montaigne, septembre 2007, p25256 FENJIRO Nassim, Pour une radio associative aussi, l’argent est-il le "nerf de la guerre" ? L’exemple de la radio girondine R.I.G., sous la direction d’Hélène Arzeno, DUT Communication des Organisations, option Plurimédias, Pôle Information Communication de l’INFOREC, Université Bordeaux III Michel de Montaigne, septembre 2007, p25

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 Nous nous sommes aperçus tout au long de notre réflexion que le fonctionnement de la radio

R.I.G., et de toutes les radios associatives, faisait qu’elles sont en premier lieu une association de loi 1901 avant d’être un média. Il apparaît en effet que les contraintes qui sont les leurs au quotidien privilégient l’aspect associatif. En effet dans le cas de R.I.G. comme de ses consœurs, la première chose qui vient à l’esprit, après avoir parlé de leurs modes de fonctionnement, lorsque l’on évoque leurs noms n’est pas le fait qu’elles soient un média mais bel et bien une association.

 L’Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Économiques aboutit à la même

conclusion lorsqu’elle fait un état des lieux et enjeux liés aux radios associatives : 

En réalité, la radio associative est avant tout une association. Elle regroupe bien souvent des bénévoles impliqués dans d’autres associations ou activités, notamment culturelles. Ainsi, la radio associative agit en catalyseur de liens transversaux sur son territoire. En remplissant sa mission de communication sociale de proximité, elle ne prend pas toujours le temps de valoriser son action, ni de communiquer sur elle. Parfois, elle ne sait pas comment faire.257

Selon Claude Palmer, c’est une vision ancienne des radios associatives. C’est « un cas de figure commun à certaines radios, notamment MJC et Centres sociaux ou scolaires » et les radios associatives sont bien des « médias à part entière ». D’ailleurs, la « CNRA a participé aux commissions du CSA en faveur d'une meilleure perception du milieu associatif par tous les médias audiovisuels. »

Néanmoins, les radios associatives, qui sont portée par des associations, ne sont ni des radios ni des associations comme les autres. Ce sont plus des fédérations d’individus, de collectifs, de groupes et d’associations qui ont des intérêts pluriels et parfois contradictoires. Comme j’ai pu l’observer au sein de l’émission « Cause toujours » de la radio associative Fréquence Paris Pluriel, certains animateurs souhaitent faire de « l’associatif », du militantisme, donc prendre leur temps, laisser les personnes s’exprimer, donner différents points de vue... D’autres espèrent un jour travailler dans les radios commerciales ou publiques et utilisent les radios associatives comme des tremplins où ils peuvent « se faire la main » et montrer leurs talents d’animation en envoyant des enregistrements de leurs prestations aux radios commerciales ou publiques. Il n’est pas évident de parvenir à rassembler et donner une ligne directrice à un grand nombre d’individus ayant des intérêts divers tout en leur laissant une grande marge de liberté quant à leur programmation : invités, sujets, musiques... Certains animateurs n’ont pas forcément envie qu’on leur donne des indications sur la manière d’améliorer leur émission, ce qui serait vécu comme une ingérence indigne du fonctionnement associatif. Mais pour Claude Palmer, tout se passe bien « dés lors qu'il y a une direction, un bureau cohérent sur les objectifs que respectent animateurs et journalistes ».

Reprenons l’exemple de la radio associative Radio Ici et Maintenant. RIM a de nombreux points communs avec les radios associatives décrites ici, mais aussi des différences. Les points communs viennent du fait que RIM partage avec les autres radios associatives le même modèle juridique, économique et social. Elle partage aussi la même idéologie associative dans la recherche d’information et de communication authentique, pure, idéale, désintéressée… Mais il existe aussi des différences importantes. Contrairement à beaucoup de radios associatives, RIM est très peu institutionnalisée. Elle n’est pas liée à une mairie, à un collège, un lycée, une université, un hôpital, une mairie, une région, une communauté immigrante, une communauté linguistique, une MJC, un centre social. Elle n’a pas eu de lien avec l’ACSE ou l’EPRA. Elle n’a jamais fait partie de fédération ou syndicat. On peut dire simplement qu’elle s’était rapprochée de l’ALO en 1980 au moment où RIM

257 AVISE (Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Économiques), « La radio associative (autorisée à émettre en FM). Définition, organisation, économie des services, problématiques d’accompagnement », Repère Culture, n° 4, juin 2009, http://fr.calameo.com/read/00085082777601fd495a2, p11

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avait été saisie et où elle avait un besoin vital de matériel de remplacement, notamment d’un émetteur qui venait d’être saisi par la police258. Deux animateurs de RIM font une apparition remarquée au Congrès de l’AMARC à Montréal en août 1983, et animent l’atelier « Radio & Informatique »259. RIM signe la charte de la CNRL adoptée en mai 1986 lors d’un congrès à Marseille260. De plus, RIM lance le réseau Liberté avec 28 radios dont Aligre ou Jazzland le 24 juillet 1987261 après avoir donné son antenne aux radios saisies en 1983. RIM a passé un accord avec le Centre Georges Pompidou pour y installer son studio en échange de la valorisation à l’antenne des événements organisés par le Centre. Mais ce type d’association n’est jamais allé au-delà d’alliances temporaires dues à des circonstances exceptionnelles. RIM, comme d’autres radios associatives telles Radio Courtoisie ou Radio libertaire, a une forte identité culturelle et a toujours gardé ses distances vis-à-vis des autres radios associatives et des institutions gravitant autour d’elles. En revanche, contrairement à ces deux radios, RIM est beaucoup moins animée par des personnes qui disposent de réseaux politiques, associatifs, culturels… D’un point de vue interne, RIM ne fonctionne pas non plus comme les autres radios associatives puisqu’elle ne donne pas du temps d’antenne à des associations en leur laissant une pleine liberté quant au contenu de l’émission. RIM recrute avant tout des animateurs, c’est-à-dire des individualités (et non des groupes), en fonction de leurs caractéristiques, de leurs personnalités, de leurs qualités, et notamment de leur capacité à susciter des appels des auditeurs (car les appels surtaxés font partie du modèle économique de la radio). Didier de Plaige, président de RIM, m’a expliqué qu’il doit faire une grande sélection parmi les nombreuses lettres de motivation et CV que reçoit la radio. Il faut un minimum de compatibilité, d’affinité, de cohérence avec la ligne éditoriale de RIM qui est élaborée par Plaige depuis la fondation de la radio. L’identité de RIM est d’ailleurs totalement liée à la personnalité de Plaige qui donne la ligne éditoriale depuis 35 ans. C’est une différence importante par rapport aux autres radios associatives. Parmi les personnes qui participent à la production d’émissions de radios associatives, comme l’ex-émission « Cause toujours » de radio Fréquence Paris Pluriel, il existe beaucoup de personnes qui n’ont que peu d’idées sur la personne qui dirige la radio et comment. Ils sont recrutés d’une manière ou d’une autre par le responsable de l’émission et n’ont de relation qu’avec lui. Ce n’est pas le cas à RIM où Plaige est totalement incontournable.

RIM n’est pas la seule radio à vouloir rester indépendante par rapport aux réseaux radiophoniques alternatifs compte-tenu des droits mais aussi des obligations que cela implique. Environ 20% des radios associatives n’adhèrent pas aux fédérations262. Ce que les réseaux font aux radios est d’ailleurs en grande partie invisible. C’est pourtant non négligeable et parfois nécessaire. Donnons un exemple très pratique. L’achat de matériel radiophonique et leur entretien occupent une part importante dans le budget des radios (de 20 000 à 30 000€ de matériels techniques au minimum). La subvention d’équipement du FSER peut réduire de moitié ce coût. Le coût d’utilisation d’un émetteur sur un site précis ou via des stations relais peut atteindre 30% du budget d’une radio. La création d’une radio sur la bande

258 Interview de Didier de Plaige par Thierry Lefebvre, 29/08/00, LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres. 1977-1981, Nouveau Monde Editions/Ina, Paris, 2008, p350259 POULAIN Sebastien, Les radios alternatives. L’exemple de Radio Ici et Maintenant, thèse de doctorat de Science de l’information et de la communication sous la direction de Jean-Jacques Cheval, Laboratoire MICA labellisé comme Equipe d'Accueil (EA 4426), Ecole doctorale « Montaigne Humanités », Université Bordeaux Montaigne, 2015 ; POULAIN Sebastien, « Radio Ici et Maintenant, pionnière en expérimentations », in Thierry Lefebvre (sous la direction de), Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°121, juil.-sept. 2014260 BENETIERE Jean et SONCIN Jacques, Au cœur des radios libres, L’Harmattan, Paris, 1989, p241261 COJEAN Annick et HAURILLE Eric, « Après les choix de la CNCL concernant les radios parisiennes L’angoisse des "provinciaux" », Le Monde, 29/07/87262 AVISE (Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Économiques), « La radio associative (autorisée à émettre en FM). Définition, organisation, économie des services, problématiques d’accompagnement », Repère Culture, n° 4, juin 2009, http://fr.calameo.com/read/00085082777601fd495a2, p4

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FM – et aujourd’hui sa numérisation et le multiplexage - est très coûteuse : investissements en matériel, entretien et formation. Comme pour tout support technologique complexe, il faut des personnes compétentes pour installer et mettre en marche. Cela engendre un coût supplémentaire car ce type de travail doit être fait par des professionnels. Lorsque le matériel a été installé, il y a régulièrement des problèmes techniques. Pour mutualiser leurs moyens en ce qui concerne le matériel, les locaux et le personnel, les radios associatives peuvent constituer des associations nouvelles et ainsi s’échanger des services et faire des économies. Ces « groupements de moyens »263 sont le plus souvent des associations ou des Groupements d’Intérêt Economique (GIE) à l’image du GIE des indépendants – « Les Indés Radios » - pour les radios locales commerciales de catégorie B. Le partage de matériel ou de locaux entre plusieurs radios associatives peut être organisé au travers d’une association commune. Il est possible de constituer une association dont les membres soient des personnes morales (c’est le cas par exemple des Fédérations).

Entre une radio fondée dans une « chambre de bonne »264, dans un village ou un collège, et une « périphérique » comme RTL, Europe 1, RMC, il y a forcément deux poids et donc deux mesures d’un point de vue économique et socio-politique. Donnons l’exemple de la Radio Numérique Terrestre (RNT) dont le développement est largement freiné par le groupe de radios publiques Radio France et « Le bureau de la radio » qui comprend RTL, NRJ, Europe 1, Nostalgie, Fun Radio, RMC, Virgin Radio, RTL 2, RFM, Chérie FM, Rire & Chansons, BFM265, c’est-à-dire des radios nationales commerciales qui font partie de groupes et réseaux qui font la plus grande partie de l’audience et de chiffre d’affaires radiophoniques. Donnons aussi l’exemple du Comité radio et du CA de Médiamétrie où les radios associatives et les radios commerciales locales sont absentes266. Mais la CNRA a obtenu une étude adaptée aux radios associatives : « Le public des associatives » créée en 2004267.

263 BECQUART Alexis et CAROFF Xavier (Cabinet d’avocats Delsol et Associés), Guide juridique et fiscal des radios associatives, Paris, avril 2007, http://www.culture-proximite.org/doc/radios/PDF/guideradio.pdf, p78264 C’est une baignoire qui a servi d’écrin au premier émetteur de NRJ.265 WOJCIAK Thierry, « Le Bureau de la radio charge la RNT », cbnews.fr, 16/06/2014, http://www.cbnews.fr/medias/le-bureau-de-la-radio-charge-la-rnt-a1013434 266 POULAIN Sebastien, « La 55 000 ou l’avènement de la radiométrie moderne », in Thierry Lefebvre (sous la direction de), Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, juil.-sept. 2016267 « Le public des associatives » est une étude expérimentée avec l’aide de la CNRA (Confédération Nationale des Radios Associatives) en 2004 puis reconduite et généralisée à partir de 2005. Il s’agit d’une réaction aux autres études de Médiamétrie, jugées peu adaptées aux radios associatives qui sont « pour la plupart, des radios de rendez-vous, certaines dans des zones rurales ou périurbaines à faibles populations » et dont « bon nombre de programmes sont réalisés par des bénévoles ». Prêt de 50 radios de communication sociale de proximité ont bénéficié de cette étude en 2007. En 2015, elle est accessible aux radios à 1 000€ HT si entre 250 et 400 interviews, 1 100€ HT si entre 401 et 600 interviews, 1 250€ HT si entre de 601 à 1000 interviews 1 450€ HT si entre 1001 à 2000 interviews. Les radios adhérentes à la CNRA peuvent bénéficier d’une réduction de 10% sur le tarif, ce qui fait un tarif de base de 900€ HT soit 1080€ TTC pour une étude portant sur un nombre d’interviews compris entre 250 et 400 (http://www.cnra.fr/notre-partenariat-avec-mediametie-le-public-des-associatives). Cette étude permet à ces radios de connaître leur notoriété, de quantifier leur auditoire global, régulier, par semaine, et plus occasionnel, d’établir le profil des individus déclarant avoir l’habitude de les écouter en les classant sur différents critères de fréquence d’écoute sur une semaine moyenne. Les interviews sont réalisées sur la zone de diffusion de la station (communes choisies par la station). L’enquête se fait sur un an comme voici pour celle de 2016 : mi-octobre 2015 ouverture des souscriptions pour le dispositif, mi-décembre 2015 clôture des souscriptions, terrain d’enquête du 4 janvier 2016 au 26 juin 2016, mise à disposition des résultats mi-août 2016. Les questions sont intégrées « 126 000 » / « Médialocales » de janvier à juin grâce à un échantillon interrogé représentatif de la composition réelle de la population de la zone étudiée (base INSEE). Sur l’audience des radios associatives : POULAIN Sebastien, «°What can be known about French community radio audience?°», ECREA, Barcelona, 25-28/11/2008, http://fr.slideshare.net/SebastienPoulain/what-can-be-known-about-french-community-radio-audience

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Sans réseau, il y a dispersion, atomisation, précarisation, désocialisation, morcellement, cloisonnement des radios. Or, selon la loi de Robert Metcalfe268, « [l]’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs. » On peut donner l’exemple des téléphones : un téléphone unique est inutile, deux téléphones sont utiles pour une relation, 3 téléphones pour 3 relations, mais 4 téléphones pour 6 relations, 5 pour 10 et ainsi de suite. A chaque nouvel appareil, le nombre total de relations augmente en fonction du nombre de téléphones présents dans le réseau, soit à n points de contact (ou nodes) correspondent n(n - 1)/2 liens, suivant une fonction convergeant asymptotiquement vers n2/2 David Reed269 ajoute en 1999 qu’un membre du réseau est relié également à beaucoup de sous-ensembles significatifs du tout. Or, ces sous-ensembles ajoutent de la valeur à l’individu comme au réseau lui-même. D’un point de vue qualitatif, la valeur d’un réseau peut se calculer selon différents critères valorisants les liens :

- l’intermédiarité (le nombre de gens auxquels une personne est connectée de façon indirecte, via ses liens directs),

- la proximité (le degré de proximité d’un individu avec tous les autres d’un réseau social),

- le prestige (le degré d’importance d’un nœud dans le réseau), - la cohésion (le degré auquel les acteurs sont connectés directement les uns

aux autres par des liens cohésifs), - la centralisation (la différence entre le nombre de liens pour chaque nœud

divisé par le nombre maximum possible de liens), - la multiplicité (la capacité d’un réseau à donner accès à plusieurs ressources à

la fois), - l’agglomération (la vraisemblance que deux associés à un nœud soient

associés entre eux),- la radialité (le degré auquel un réseau accède à de l’information hors du

réseau et fournit de l’information à son propre réseau).270

Autrement dit, on pourrait multiplier le nombre de radios, mais ce serait moins utile que de les mettre en relation car chaque personne qui s’ajoute au réseau ajoute de multiples liens possibles avec l’ensemble des personnes déjà dans le réseau.

La nécessité des réseaux est devenue plus visible depuis la création des systèmes télécommunicationnels, d’internet et des réseaux sociaux numériques. Aujourd’hui il est difficile de ne pas parler des effets du numérique sur la radio271 et donc des réseaux sociaux numériques qui créent une vie en partie parallèle à la radiophonie mais qui ont plusieurs utilités pour les radios :

268 Robert Melancton Metcalfe est depuis 2011 professeur et directeur de l'innovation à l'Université du Texas à Austin, et fondateur de l'équipementier réseau 3Com (acquis par HP en 2009). Au sein du MIT dans les années 1970, c'est lui qui connecte le célèbre institut à ARPAnet, l'ancêtre d'Internet. C'est en 1973, alors qu'il vient d'intégrer le célèbre laboratoire Xerox PARC, qu'il invente Ethernet avec David Boggs.269 David Reed a fait ses études au MIT et soutenu une thèse de doctorat en sciences informatiques. Il a participé à différents travaux de recherche, collaboré avec Lotus, IBM, Sofware Arts (création de Visicalc, le premier tableur sur PC) et participé à la normalisation de TCP/IP dans les années 1970.270 HUET Jean-Michel, « Quel avenir pour les réseaux dans le management ? », L'Expansion Management Review, n° 133, 2/2009. Lire aussi : MAATI Jérôme, « Réseaux d’administrateurs d’entreprises et performance financière des grandes entreprises en France : une revue de la littérature », Revue française de gouvernance d’entreprise, 1er semestre 2008271 POULAIN Sebastien, « Postradiomorphoses : petit bilan des mutations radiophoniques à l’ère du numérique », Radiography, 15 octobre 2013, http://radiography.hypotheses.org/906 ; « Postradiomorphoses : enjeux et limites » (article en cours d’évaluation), RadioMorphoses, n°2, 2016

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- se démarquer des autres radios en étant plus réactif, notamment sur l’information272,

- augmenter son audience273,- montrer son poids (en comptant le nombre de personnes qui suivent les

comptes),- susciter des réactions à travers des commentaires, petits sondages, jeux,

concours,- transcrire et rendre visibles des propos qui étaient jusqu’à présent oubliés

assez vite après avoir été prononcés,- avoir davantage d’interaction avec les auditeurs274,- valoriser les animateurs, invités, auditeurs,- créer des partenariats,- mettre en place du storytelling,- diffuser des contenus journalistiques, communicationnels, marketing,- faire la promotion de ses actions, programmes, podcasts…

Si les réseaux de radios associatives sont d’une autre nature, ils se servent aussi de ces réseaux sociaux numériques pour promouvoir certaines actions et programmes des radios qui les composent et leurs propres actions de lobbying ou leurs idées. C’est ainsi que le compte Twitter de la FRADIF (https://twitter.com/lafradif) a par exemple :

- soutenu RadioDebout (http://mixlr.com/radio-debout/?ref=tc/) place de la République le 17 avril 2016275,

- publié une lettre pour Valérie Pécresse (Présidente du Conseil Régional d’Ile-de-France) le 25 mars 2016276,

- retweeté la promotion d’une émission sur les radios associatives277 de Radio Campus Paris du 13 février 2016 à l’occasion de la « Journée Mondiale de la Radio »278,

- publié le 1er décembre 2015279 la réponse de Pierre Laurent (secrétaire du Parti communiste français) à la lettre ouverte de la FRADIF aux candidat(e)s aux élections régionales d’Ile-de-France elle-même tweetée le 18 novembre 2015280,

- retweeté la revue LaLettrePro qui reprenait le propos de Rachid Arhab, ex-conseiller du CSA, « la radio associative fait partie du Service Public » prononcé le 19 novembre 2015 au congrès de la SNRL des 18, 19 et 20 novembre à Rennes281…

272 POULAIN Sebastien, « La webradiophonie journalistique : les grandes radios ont du retard mais elles se soignent ! », Radiography, 25 septembre 2013, http://radiography.hypotheses.org/793273 POULAIN Sebastien, « La 55 000 ou l’avènement de la radiométrie moderne », in Thierry Lefebvre (sous la direction de), Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, juil.-sept. 2016274 POULAIN Sebastien, « Du paradigme de « l’interactivité » à celui du « journalisme participatif » ? L’exemple de l’interview du Président de la République à RMC/BFMTV », RadioMorphoses, n°1, 2016275 https://twitter.com/lafradif/status/721668021958217728 276 https://twitter.com/lafradif/status/713461411859546112 277 Nicolas Horber, Emile Palmantier, Sebastien Poulain, Frédérique Rangon, « Journée Mondiale de la Radio : Emission spéciale Radios Associatives » de Martin Bodrero, Radio Campus Paris, Le Pavillon des Canaux, 19h00-20h00 le 13 février 2016, http://www.radiocampusparis.org/emission-speciale-radios-associatives-au-pavillon-des-canaux/#volume 278 https://twitter.com/campusparis/status/698577081815400448 279 https://twitter.com/lafradif/status/671774240459374592 280 https://twitter.com/lafradif/status/666920969202700289 281 https://twitter.com/LaLettrePro/status/667364841766694912

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Nous l’avons vu, la question des réseaux radiophoniques est plutôt riche et comporte de nombreuses dimensions : politiques, économiques, sociales, religieuses, technologiques… Nous n’avons abordés que certains aspects, certaines périodes historiques, certaines zones géographiques, certains acteurs, certains réseaux, certaines radios. L’histoire des réseaux radiophoniques et en particulier l’histoire des « réseaux radiophoniques alternatives » restent à écrire. Elles ne l’ont pas fait elles-mêmes, contrairement aux vœux de Robert Prot en 1985 :

« Il y a des pages et des pages à écrire sur les fédérations et leur avatar, les syndicats. Elles ont incontestablement joué leur rôle depuis 1981, lorsqu’il s’agissait de définir ce que seraient les radios locales privées282. Aujourd’hui, les problèmes ont évolué et il faut de nouvelles structures. Il appartient aux intéressés, les radios, de lire leur besoin en la matière. Quoi qu’il en soit, l’histoire de ces associations d’associations est à écrire par elles. On la lira avec intérêt, même s’il s’y glisse un brin de narcissisme ! »283

Et c’est un travail considérable compte-tenu de la dimension éphémère, instantanée, éclatée, plurielle, changeante, polymorphe, fragile de la vie radiophonique. L’avantage des réseaux pour l’écriture de cette histoire provient de leur plus grande stabilité, de leur obligation d’intervenir publiquement pour se faire entendre, de laisser des traces archivistiques, d’avoir des acteurs plus connus…

282 Claude Palmer souhaite ajouter que les fédérations « continuent à défendre leurs intérêts auprès des institutions très contraignantes par la perception des politiques et de leurs fonctionnaires face à la société civile ».283 PROT Robert, Des radios pour se parler : les radios locales en France, La Documentation française, Paris, 1985, p53-54