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par Christopher Naudie, Mary Paterson, Sonia Bjorkquist et Éric Préfontaine

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Table des matières

Introduction

Développements dans les questions de pratique visant les recours collectifs

Instructions des questions communes

Recours collectifs au Québec

Recours collectifs en matière de valeurs mobilières

Recours collectifs en matière de concurrence

Recours collectifs sur la responsabilité du fait du produit

Recours collectifs en matière de franchise

Recours collectifs dans le domaine de l’emploi

Conclusion

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Introduction En 2012, la profession juridique et la magistrature canadiennes ont de nouveau connu une année mouvementée sur le plan des recours collectifs. Les avocats de demandeurs ont intenté de nombreux nouveaux recours dans la foulée d’affaires nationales et internationales fortement médiatisées (comme l’affaire SNC-Lavalin et celle du livre électronique) et ils ont obtenu de nombreux règlements établissant des records (y compris un accord de principe sur le règlement historique avec Ernst & Young LLP dans l’affaire Sino-Forest, pour un montant de 117 millions $). En outre, dans un certain nombre d’affaires contestées dans les provinces de common law, les tribunaux ont réaffirmé encore une fois que le niveau de preuve requis, à l’étape de la certification (appelée au Québec « autorisation »), pour établir les questions communes et pour établir que le recours collectif constitue la meilleure procédure, est un critère assez peu exigeant. Au Québec, les tribunaux ont certifié un certain nombre d’importants recours collectifs, y compris l’un des plus grands recours collectifs en matière environnementale au Canada. Il y a toutefois eu, en 2012, de nombreux développements importants (et parfois surprenants) qui ont été favorables aux défendeurs, dont l’issue de plusieurs instructions relatives aux questions communes et un certain nombre de décisions clés, notamment en matière de certification. Ces développements laissent présager que 2013 pourrait constituer une année charnière pour l’évolution de la jurisprudence en matière de recours collectifs au Canada.

Plus particulièrement, les avocats de défendeurs au Canada ont assisté aux développements favorables suivants :

• Les tribunaux de l’Ontario ont rendu un certain nombre de décisions importantes au sujet des questions communes qui se sont conclues par le rejet catégorique des réclamations des demandeurs. De même, la Cour d’appel du Québec a renversé une décision de la Cour supérieure sur le bien-fondé d’un important recours collectif concernant l’applicabilité de la législation sur la protection des consommateurs à des institutions financières sous réglementation fédérale. Ces affaires constituent un rappel important que le succès obtenu à l’étape de la certification n’est pas nécessairement garant d’une victoire au procès.

• La Cour suprême a procédé à l’audition des arguments sur le niveau de preuve nécessaire à la certification dans trois appels en matière de certification provenant de la Colombie-Britannique et du Québec. En outre, la Cour suprême a accordé la permission d’en appeler à l’égard d’un autre appel en matière de certification provenant du Québec et concernant les droits à des prestations de retraite.

• En dépit du niveau de preuve peu élevé à établir qui avait été fixé par de nombreux tribunaux en matière de certification, les tribunaux de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont réaffirmé qu’ils examineront rigoureusement la viabilité des allégations d’un demandeur au stade de la requête en certification. De fait, dans de nombreuses causes très médiatisées,

les tribunaux ont refusé la certification en se fondant sur le fait que le demandeur n’était pas parvenu à faire valoir une cause d’action valable en droit.

• Dans un recours collectif majeur traitant du marché secondaire des valeurs mobilières, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a réaffirmé qu’elle exercera une importante fonction de filtrage des demandes au stade de la certification et à celui des autorisations de poursuivre en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario.

• La Cour d’appel de l’Ontario a rendu une trilogie de décisions qui remettaient en question le caractère approprié du recours collectif pour certains types de litiges en matière d’emploi.

• Dans un jugement qui fait autorité en matière de franchisage, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a confirmé qu’il y a des opportunités stratégiques de présenter des requêtes parallèles pour jugement sommaire et en certification.

L’impact global de ces développements suggère que les demandeurs et les défendeurs continueront d’être tout aussi occupés en 2013, mais que les parties pourraient avoir à réévaluer leur plan de match en matière de recours collectifs, notamment en ce qui a trait à la présentation des actes de procédure, à la stratégie entourant la certification et aux requêtes préliminaires, particulièrement à la lumière de la décision que doit rendre la Cour suprême dans trois appels en matière de certification, qui sera vraisemblablement rendue au cours du printemps 2013.

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Développements dans les questions de pratique visant les recours collectifs Il est à noter d’emblée qu’en 2012, les tribunaux ont rendu un certain nombre de décisions importantes relativement aux développements relatifs aux questions procédurales en matière de recours collectifs, y compris sur des questions aussi diverses que les délais pour soumettre une défense, le traitement des délais de prescription, l’approbation de dispositifs de financement par des tiers, l’utilisation de lettres rogatoires dans le cadre de recours collectifs transfrontaliers et la pertinence des nouveaux protocoles transfrontaliers de l’Association du Barreau canadien. Bien que ces développements ne jouent pas exclusivement en faveur des demandeurs ou des défendeurs, il n’en reste pas moins qu’ils semblent ouvrir la porte à une gamme de requêtes importantes et déterminantes par les défendeurs avant le stade de la certification. Ces développements ont également simplifié le processus d’approbation du règlement dans les cas de litiges multi-juridictionnels, dans l’intérêt à la fois des demandeurs et des défendeurs.

Les déLais pour soumettre une défense

Pendant une période de quinze ans, soit de 1996 à 2011, la convention qui a prévalu en matière de pratique dans le domaine des recours collectifs au Canada était qu’un défendeur n’était pas tenu de soumettre une défense ou un exposé de la défense jusqu’à ce que le tribunal se soit prononcé à l’égard de la certification du recours collectif. En d’autres termes, tandis qu’un défendeur qui est partie à un litige civil ordinaire est tenu à l’obligation générale de soumettre un exposé de la défense dans un délai précis suivant la signification de la demande du demandeur, dans le cas d’un recours collectif, le défendeur est habituellement exempté de cette obligation jusqu’à ce que le tribunal ait rendu une décision sur la certification. En pratique, comme le processus de certification des groupes est long dans la plupart des provinces canadiennes, cette convention faisait en sorte que les parties qui se défendaient dans des procédures collectives n’étaient pas obligées de présenter leurs arguments sur le bien-fondé d’une demande - ou de se conformer à leurs obligations en matière de communication préalable — pendant quelques années suivant la signification. Le raisonnement qui sous-tendait cette pratique était que tant que le tribunal n’avait pas identifié les questions communes (le cas échéant) pouvant faire l’objet d’un procès sur des questions communes, il n’était pas utile d’exiger que le défendeur plaide sur le fond d’une demande qui pouvait ne jamais être certifiée ou qui pouvait être certifiée dans une forme très différente par le juge chargé de la certification.

En 2011, le juge Perell de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a remis en question cette pratique répandue dans l’affaire Pennyfeather c. Timminco. Dans sa décision, le juge Perell a laissé entendre que le législateur ontarien avait en fait voulu que les défendeurs soumettent normalement une défense avant la certification et qu’un exposé de la défense pourrait en fait faciliter le processus de certification1. En 2012, le juge Perell a réaffirmé cette conclusion dans la décision LPFCEC c. Sino-Forest Corporation et a élaboré le fondement pour l’obligation de soumettre un exposé de la défense avant la certification. Il a conclu que l’obligation de fournir un exposé de la défense répond aux objectifs de la Loi sur les recours collectifs et [traduction] « atteste de la maturité de la jurisprudence en matière de recours collectifs » au Canada2. Il a en effet observé que de nombreux défendeurs peuvent profiter de cette pratique puisqu’un plaidoyer solide peut [traduction] « enlever du mordant aux arguments du demandeur » au moment de la certification.

Les décisions jumelles du juge Perell dans les affaires Pennyfeather et Sino-Forest ont provoqué un débat animé au sein de la communauté juridique œuvrant dans le domaine des recours collectifs au Canada, avec d’importantes ramifications pour les défendeurs, surtout si des plaidoiries au début du processus ouvrent la porte à l’examen du bien-fondé des allégations. Toutefois, la pratique prévalant au Canada dans la foulée de ces décisions continue d’être idiosyncrasique. Dans bien des cas, les demandeurs du groupe continuent de ne pas insister sur la présentation de plaidoiries avant que la requête sur la certification ne soit tranchée, et dans d’autres cas, il arrive que des défendeurs soumettent volontairement leurs plaidoiries.

1 Pennyfeather c. Timminco, 2011 ONSC 4257.2 LPFCEC c. Sino-Forest Corporation, 2012 ONSC 1924.

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Dans la mesure où l’approche du juge Perell pourrait avoir un effet d’entraînement dans d’autres provinces, les défendeurs devront se concentrer sur leur stratégie à l’égard du bien-fondé du recours à un stade précoce des procédures. D’autre part, ces décisions pourraient ouvrir la voie à une variété de requêtes qui sont plutôt associées avec les plaidoiries sur le fond – y compris des requêtes pouvant décider de l’issue du litige, telles des requêtes en radiation ou pour un jugement sommaire. En d’autres termes, ces décisions pourraient permettre aux défendeurs de s’attaquer à un stade précoce au fond du litige, avant le début du processus coûteux en certification3.

Les déLais de prescription sont appLiqués

En 2012, les tribunaux ont également rendu des décisions qui réitèrent l’importance continue des délais de prescription dans la pratique en matière de recours collectifs.

La plupart des lois canadiennes sur les procédures en matière de recours collectifs contiennent une disposition générale qui prévoit que les délais de prescription sont suspendus dans l’attente d’une décision concernant la certification (c.-à-d. que les membres putatifs d’un groupe n’ont pas à se presser pour déposer des recours individuels afin de protéger leurs droits dès le moment où un recours collectif a été déposé). Toutefois, certaines lois prévoient par ailleurs des délais de prescription applicables à des sujets particuliers et la question de l’interprétation législative demeure à savoir si les dispositions générales des lois sur les recours collectifs prendront le pas sur les délais de prescription particuliers stipulés dans d’autres lois.

Ce problème a récemment été souligné dans un certain nombre de recours collectifs qui faisaient valoir des demandes au titre de la responsabilité quant aux obligations sur le marché secondaire en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario). La Loi sur les valeurs mobilières stipule qu’une personne qui a acheté des valeurs mobilières sur un marché secondaire a potentiellement un droit d’action pour réclamer des dommages-intérêts d’un émetteur ayant fait une présentation inexacte des faits dans un document

d’information continue. Cependant, le régime mis en place par la Loi sur les valeurs mobilières prévoit qu’aucune action ne peut être intentée sans l’autorisation du tribunal, et qu’aucune action ne peut être intentée plus de trois ans après la date à laquelle le document contenant la présentation inexacte des faits a été publié.

Dans l’affaire Sharma c. Timminco, la Cour d’appel de l’Ontario a décidé que sur le plan de l’interprétation de la loi, le délai de prescription énoncé à l’art. 138.3 n’était suspendu par l’entrée en jeu de la Loi sur les recours collectifs qu’après que le tribunal avait accordé l’autorisation de poursuivre – ce qui implique que si le processus de demande et d’obtention de l’autorisation de poursuivre a duré plus de trois ans, l’action sous-jacente serait prescrite4. Comme de nombreux plaideurs avaient supposé (à tort) que le délai de prescription de trois ans avait été suspendu du fait des dispositions en matière de suspension de la Loi sur les recours collectifs, la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Timminco a conduit à de nombreuses requêtes pour rejet et/ou en précision concernant le délai de prescription de trois ans, ce qui a ultimement conduit à des décisions contradictoires.

Par exemple, dans l’affaire Green c. CIBC, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a décidé que même si le requérant avait par ailleurs satisfait au test imposé pour l’autorisation de poursuivre et la certification, cette autorisation n’avait pas été obtenue dans le délai de trois ans et sa demande était prescrite5. Dans l’arrêt Silver c. IMAX, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a estimé que le requérant était la victime de circonstances échappant à son contrôle et lui a accordé l’autorisation de poursuivre en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières nunc pro tunc – avec pour effet rétroactif de contourner le délai de prescription6. Dans l’affaire TMRCOPFT c. Celestica le tribunal a conclu à l’existence de circonstances spéciales et a également accueilli la demande d’autorisation de poursuivre nunc pro tunc7.

Comme l’affaire Timminco a d’importantes répercussions pour les membres du groupe et étant donné l’approche incohérente des tribunaux dans l’application des délais de prescription en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières est, il est presque certain

3 À noter qu’au Québec ces questions ne se posent pas de la même façon considérant les règles du Code de procédure civile.4 Sharma c. Timminco Ltd., 2012 ONCA 107. La Cour suprême a par la suite rejeté la requête pour permission d’en appeler à l’automne 2012

Cf. 2012 CanLII 43819 (SCC).5 Green c. CIBC, 2012 ONSC 3637.6 Silver c. Imax, 2012 ONSC 4064.7 Trustees of the Millwright Regional Council of Ontario Pension Fund Trust c. Celestica Inc., 2012 ONSC 6083.

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que les tribunaux d’appel interviendront pour mieux éclairer les plaideurs. Et d’ici là, les demandeurs et les défendeurs continueront de tester les limites des dispositions suspensives de la Loi sur les recours collectifs, en particulier dans les cas où le déroulement des requêtes et des procédures préliminaires approche l’expiration des délais de prescription fixés par la loi.

Les dispositifs de financement par des tiers

En 2012, les tribunaux ont également formulé des directives importantes sur la légalité et sur le processus d’approbation d’ententes de financement par des tiers en matière de recours collectifs. Selon le régime encadrant les recours collectifs de nombreuses provinces (mais pas toutes), un demandeur représentant le groupe qui se lance dans un procès et n’obtient pas gain de cause s’expose à se faire condamner à des dépens particulièrement onéreux. Dans ces ressorts où « le perdant paie la note », si le demandeur représentant perd au stade de la certification ou au procès sur le fond, il peut être condamné à payer une partie des frais et débours du défendeur – et ces frais peuvent être élevés lorsqu’ils font suite à une requête en certification contestée. Bien qu’il y ait certains moyens d’atténuer les lourdes conséquences d’une condamnation à payer les dépens8, les avocats de groupes de demandeurs ont exploré dans quelques litiges récents la possibilité d’obtenir une protection financière par le biais d’un financement privé par des tiers.

En termes simples, ces conventions de financement proposées entre un avocat d’un groupe de demandeurs et un tiers investisseur prévoient que l’investisseur accepte généralement de couvrir les frais associés à certains déboursés importants, et d’assumer le risque d’une condamnation à payer les dépens, en échange d’un pourcentage ou d’une partie fixe du recouvrement alloué éventuellement à l’issue du recours collectif. Dans le passé, les tribunaux canadiens ont été réticents à autoriser de tels arrangements financiers en se fondant sur le fait que cela constituait une forme « d’ingérence » dans le litige, ce qui pouvait donner lieu à une poursuite fondée sur les délits traditionnels de soutien abusif (maintenance) et de champartie (champerty). Mais avec l’apparition des ententes modernes pour parer aux éventualités, les tribunaux

au Canada en sont venus graduellement à accepter ces conventions. Dans l’affaire Metzler c. Gildan Activewear, la juge Leitch de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a examiné une convention de financement par des tiers dans un recours collectif en matière de valeurs mobilières, mais elle a finalement décidé qu’elle n’avait pas le pouvoir d’approuver la convention avant la certification9. Dans l’affaire Dugal c. Manulife Financial, le juge Strathy s’est penché sur une entente du même genre et, après avoir analysé avec soin la législation applicable, il a conclu qu’il avait le pouvoir d’approuver la convention avant la certification. Il a en outre conclu que la convention proposée n’était pas contraire aux principes modernes sur la champartie et qu’en fin de compte elle répondait au mieux aux intérêts des membres du groupe10.

Dans une décision importante rendue en 2012, le juge Perell réaffirmait, dans l’affaire Fehr c. Sun Life, que le tribunal est compétent pour approuver une convention de financement par un tiers avant la certification et que de tels arrangements, en soi, ne portent pas atteinte à l’ordre public11. Cependant, dans son jugement, le juge Perell soulignait la nécessité pour les membres du groupe des demandeurs d’obtenir l’approbation du tribunal pour ces ententes d’une manière ouverte et transparente, en divulguant entièrement aux défendeurs l’arrangement sous-jacent. Tout en soulignant qu’un défendeur pouvait ne pas avoir la qualité pour contester plusieurs aspects de la convention, un défendeur a le droit de prendre connaissance de la teneur de l’entente et de déposer des documents et des éléments de preuve pour s’y opposer s’il est potentiellement préjudiciable à ses intérêts.

En résumé, dans l’affaire Fehr et dans une décision subséquente au même effet, LPFCEC c. Sino-Forest12, le juge Perell semble avoir avoir tracé la voie à suivre pour l’approbation des conventions de financement par des tiers futures, et ses décisions encourageront certainement les demandeurs à demander l’approbation d’ententes similaires dans d’autres recours collectifs. Bien que ces décisions reflètent une libéralisation des principes traditionnels relatifs au soutien abusif et à la champartie, elles soulèvent par ailleurs d’importantes préoccupations de politique sur le rôle proposé de tiers

8 Par exemple, il est possible dans certaines provinces d’avoir recours à des sources de financement offertes par des organismes publics.9 Metzler Investment GMBH c. Gildan Activewear Inc., [2009] OJ No. 3315 (SCJ). 10 Dugal c. Manulife Financial Corp., 2011 ONSC 1785.11 Fehr c. Sun Life Assurance Company of Canada, 2012 ONSC 2715.12 LPFCEC c. Sino-Forest, 2012 ONSC 2937.

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investisseurs dans la conduite de recours collectifs. En outre, le risque d’une condamnation aux dépens a traditionnellement joué un rôle important afin de dissuader les demandeurs de se lancer dans des poursuites douteuses en vertu de lois sur les recours collectifs. Si ces risques sont impartis à des tiers, on craint que les demandeurs soient libérés de certaines conséquences néfastes liées à une mauvaise sélection des litiges, ce qui entraînerait davantage de recours collectifs stratégiques au Canada.

La coLLecte de preuves transfrontaLières

En 2012, la Cour d’appel de l’Ontario a aussi rendu une décision importante sur des questions de pratique visant les recours collectifs transfrontaliers. Dans l’arrêt Treat America c. Leonidas, la Cour d’appel a largement reconnu que les demandeurs parties à des recours collectifs aux États-Unis étaient habilités à recueillir des éléments de preuve auprès de témoins canadiens au Canada, même dans des cas où des demandeurs canadiens parties à un recours collectif seraient empêchés de recueillir des éléments de preuve semblables en vertu des règles canadiennes en matière d’interrogatoire préalable13.

Dans l’affaire Treat America, déclenchée par l’annonce d’une grande enquête en matière antitrust au Canada, les demandeurs des deux côtés de la frontière ont déposé parallèlement des recours collectifs contre un certain nombre de sociétés manufacturières. À l’appui de leur requête en certification et pour prouver le bien-fondé de leur recours, les demandeurs d’un groupe américain ont tenté de contraindre un résident canadien (l’ancien chef de la direction de l’un des fabricants) à faire une déposition au Canada en vue de recueillir des éléments de preuve concernant un complot présumé en matière de collusion sur les prix. Les demandeurs américains ont obtenu une ordonnance de lettres rogatoires du tribunal concerné aux États-Unis et ont par la suite cherché à exécuter cette ordonnance au Canada. L’ancien chef de la direction s’est objecté à l’exécution de l’ordonnance au Canada en soutenant que (i) les demandeurs du groupe américains cherchaient à obtenir une sorte d’interrogatoire au préalable sur le fond de l’affaire lequel n’était généralement pas autorisé au Canada

avant le stade de la certification du recours, et que (ii) la déposition violerait potentiellement ses droits constitutionnels au Canada, parce qu’il continuait de faire l’objet d’une enquête criminelle et qu’il disposait du droit au silence clairement garanti par la Charte.

La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’objection de l’ancien chef de la direction et maintenu une ordonnance qui donnait droit à la demande. La Cour a conclu que l’argument selon lequel les règles en matière d’interrogatoire préalable sont plus strictes au Canada ne pouvait servir de fondement pour contester l’ordonnance. La Cour a en outre conclu que l’ordonnance était assortie de mesures de protection suffisantes afin de protéger les droits conférés à l’individu par la Charte dans le cadre d’une poursuite criminelle ultérieure au Canada. En tranchant ainsi la question, la Cour a clarifié les règles de base pour les demandeurs qui font partie d’un groupe américain qui cherchent à obtenir des éléments de preuve auprès de résidents canadiens à l’appui de recours collectifs intentés devant les tribunaux américains. Cette décision souligne également l’importance de la courtoisie internationale lors de l’examen de demandes de collecte d’éléments de preuve dans des recours collectifs transfrontaliers.

protocoLe de gestion de recours coLLectifs muLtijuridictionneLs de L’aBc

En 2012, les avocats spécialisés en recours collectifs au Canada ont eu l’occasion, pour la première fois, de mettre en œuvre le Protocole de gestion de recours collectifs de l’ABC dans le cadre de règlements complexes et multijuridictionnels.

Il y a environ deux ans, l’ABC a constitué un groupe de travail chargé d’examiner la possibilité d’élaborer un protocole qui faciliterait la gestion de recours collectifs multijuridictionnels à travers le Canada, répondant en particulier à un litige très médiatisé en matière de conduite de l’instance qui était susceptible de mener à des jugements contradictoires et à un chevauchement de jugements dans de nombreuses provinces. Le groupe de travail avait au départ élaboré une proposition de protocole de gestion de dossiers très ambitieuse, qui a dû par la suite se faire plus modeste en raison d’une forte opposition des avocats et d’inquiétudes persistantes en matière constitutionnelle. Cette nouvelle version a mis l’accent sur une simplification du processus

13 Treat America Limited c. Leonidas, 2012 ONCA 748.

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conduisant à l’approbation d’un règlement – en particulier dans les dossiers où un demandeur et un défendeur cherchaient à mettre en œuvre un règlement pancanadien et pour lequel l’accord des tribunaux de plusieurs provinces était requis.

L’ABC a approuvé un protocole officiel relatif aux approbations de tels règlements en août 2011. En somme, une partie qui demande l’approbation d’un règlement national dans plusieurs provinces peut déposer une requête devant tous les tribunaux en vue de l’adoption du protocole. Si la requête est accueillie favorablement par chacun des tribunaux, le protocole donne le pouvoir aux tribunaux concernés de communiquer afin d’examiner le règlement, de fixer des audiences simultanées dans plusieurs provinces par téléconférence et/ou vidéo-conférence, ainsi que de superviser le processus pour décider du contenu des ordonnances d’approbation, pour déterminer la forme et la façon de notifier les membres du groupe et pour mener à terme l’administration du règlement.

En 2012, les tribunaux ont eu l’occasion, pour la première fois, de mettre en œuvre le protocole dans le cadre de règlements complexes et multijuridictionnels et, à ce jour, le protocole a très bien fonctionné : dans l’affaire Osmun c. Cadbury Adams14, les tribunaux de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique ont approuvé l’application du protocole dans le cadre d’un règlement complexe aux termes de recours collectifs sur le chocolat visant la société Hershey Canada, y compris l’imposition d’une ordonnance d’interdiction de recours applicable dans plusieurs provinces qui empêchait les défendeurs qui n’étaient pas parties au règlement de demander des contributions. Dans l’affaire Osmun, les tribunaux ont organisé une audience commune et le processus simplifié a facilité

l’approbation du règlement et la résolution des objections en une seule comparution, de sorte que les coûts à la charge des diverses parties ainsi que le risque de jugements contradictoires ont été fortement réduits.

L’utilisation et l’approbation réussies du protocole dans l’affaire Osmun a mené et continuera de mener à son utilisation dans d’autres cas de règlements multijuridictionnels, car ce processus permet aux demandeurs et aux défendeurs qui décident de régler de gérer les coûts efficacement. Malheureusement, le protocole est d’une utilité limitée en dehors du contexte du règlement. Toutefois, son adoption réussie pourrait inciter les décideurs à envisager des protocoles élargis pour les recours collectifs contestés.

14 Osmun c. Cadbury Adams Canada Inc., 2012 ONSC 3837.

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Instructions des questions communesEn 2012, les tribunaux ont continué de démontrer leur capacité à gérer des instructions longues et complexes des questions communes. Selon une récente enquête, les tribunaux ont mené à ce jour plus de 90 instructions dans le cadre de recours collectifs depuis l’adoption des lois sur les recours collectifs au Canada, la majorité d’entre elles au Québec15. En 2012, les tribunaux ont rendu six nouvelles décisions aux termes d’instructions qui sont venues enrichir cette jurisprudence. Parmi ces décisions rapportées, quatre provenaient de l’Ontario, une du Québec et une d’un tribunal de Terre-Neuve.

Les quatre décisions rendues aux termes d’instructions en Ontario illustrent les deux positions extrêmes de la pratique en matière de recours collectifs. Trois des quatre affaires ont pris plus de 10 ans pour qu’une décision soit rendue au terme de l’instruction et ont conduit à un rejet catégorique des demandes sous-jacentes. Le quatrième dossier a été réglé en quatre ans, a nécessité une instruction de deux jours des questions communes et a abouti à l’établissement de la responsabilité pour certains motifs à l’égard de l’ensemble du groupe, sous réserve d’autres instructions sur des questions individuelles à l’égard de la responsabilité et des dommages-intérêts.

La première décision – dans l’affaire Andersen c. St. Jude – a révélé l’ampleur et la complexité potentielles d’une instruction des questions communes16. Les demandeurs représentants ont déposé leur réclamation en 2000; l’instruction s’est tenue en 2010 et 2011; des arguments ont été présentés verbalement et par écrit à l’automne 2011; et la juge Lax de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu sa décision sur le fond de l’instruction des questions communes en juin 2012. Au cours de l’instruction des questions communes, 40 témoins dont 23 témoins-experts ont été interrogés pendant 138 jours. Les parties ont soumis en preuve plus de 2 200 documents et ils ont remis « des plaidoiries écrites volumineuses ». La décision de la juge Lax s’étend sur près de 600 paragraphes, sans compter les annexes. Après avoir examiné les

nombreux éléments de preuve du dossier, la juge Lax a rejeté en entier la demande des demandeurs – démontrant encore une fois que le fait de gagner à l’étape de la certification ne garantit pas le succès sur le fond du litige. Les demandeurs représentants ont déposé un avis d’appel. Jusqu’à maintenant, les procédures judiciaires dans l’affaire St. Jude ont duré douze ans, et aucune conclusion n’est à portée de vue pour l’instant.

La seconde instruction des questions communes – l’affaire Berry c. Pulley – a aussi donné lieu à des procédures longues et complexes17. La demande a été déposée en 1997, le recours a été certifié en 2001 et a mené à au moins 14 décisions publiées par des tribunaux de divers niveaux avant le début de l’instruction des questions communes. La juge Pepall de la Cour supérieure de justice de l’Ontario décrit que le dossier de la preuve contenait 43 caisses de documents, d’éléments de preuve provenant de 30 transcriptions et des témoignages d’environ 20 témoins lors de l’instruction. La décision de la juge Pepall fait plus de 550 paragraphes et conclut de la même manière au rejet des demandes des demandeurs.

La demande qui était à l’origine de la troisième décision – dans l’affaire Mandeville c. Manufacturers Life18 – a été soumise en 2001 et certifiée en 2002. Il a fallu dix ans à compter de la certification pour aboutir à l’instruction des questions communes, qui a nécessité à son tour 29 jours d’audience au printemps 2012. En août 2012, le juge Newbould de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté les demandes des

15 Voir J. Foreman et al., “Class Action Trial Decisions in Canada” (OBA Class Action Colloquim, décembre 2011). D’après cette enquête, les tribunaux du Canada avaient conduit 90 procès de première instance relatifs à des recours collectifs à la fin de 2011, dont plus de 60 avaient été tenus au Québec et 16 d’entre eux concernant des questions communes s’étaient déroulés en Ontario.

16 Andersen c. St. Jude Medical, Inc., 2012 ONSC 3660.17 Berry c. Pulley, 2012 ONSC 1790.18 Mandeville et al c. Manufacturers Life Insurance Company, 2012 ONSC 4316.

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demandeurs. Il a conclu que Manufacturers Life n’était pas tenue à une obligation de diligence envers les membres du groupe ni n’avait d’obligation fiduciaire à leur égard. Il a aussi commenté expressément la difficulté de statuer sur des questions de fait à l’égard d’événements qui ont eu lieu il y a plusieurs années, soulignant qu’il est [traduction] « difficile de se souvenir des événements passés ». Les demandeurs ont porté la décision en appel.

Contrastant avec ces longues instructions des questions communes, la quatrième affaire ontarienne, Ramdath c. George Brown College, a démontré qu’il est possible de juger une cause impliquant un groupe de demandeurs sans devoir y consacrer des années de temps d’audience19. L’instruction, dans l’affaire George Brown College, s’est terminée environ quatre ans après le dépôt de la demande et environ deux ans et demi après la certification du recours collectif. La preuve et les arguments ont été entendus en deux jours, car les parties avaient versé les éléments de preuve par le biais d’affidavits et de transcriptions.

En bout de ligne (et aussi en contraste avec les trois autres instructions en Ontario), le juge Belobaba de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a retenu la responsabilité de George Brown College en raison de manquements aux dispositions sur les « pratiques déloyales » énoncées à la Loi sur la protection du consommateur, en se fondant sur le fait que l’assertion en litige était inexacte, trompeuse et mensongère. Le tribunal s’est également prononcé sur certains éléments de la demande du demandeur ayant trait à une déclaration fausse faite par négligence, mais a conclu qu’il pourrait être nécessaire de procéder à des instructions individuelles afin d’établir la responsabilité en raison du fait que des individus se seraient fiés à la déclaration. En d’autres termes, bien que la cour ait supervisé un processus efficace pour l’instruction de certaines demandes visées par la loi, elle doit encore faire face à une série d’instructions individuelles avant de pouvoir déterminer si la responsabilité de George Brown College est engagée en raison de fausses déclarations par négligence et de quantifier les éventuels dommages subis par les membres du groupe.

Au Québec, la Cour supérieure a rendu une décision historique dans un recours collectif en matière environnementale. Dans Spieser c. Procureur général du Canada20, la cour s’est penchée plus précisément sur le bien-fondé d’une demande d’indemnisation collective suite à la contamination des eaux et aux préjudices liés à la santé prétendument subis à la suite de la contamination environnementale. La cour a tenu une longue instruction – l’instruction a duré 115 jours au cours desquels 74 témoins, dont 23 experts, ont été entendus. La cour a ultimement jugé le défendeur était responsable, mais uniquement en ce qui a trait avec la contamination des eaux.

Finalement, une première instruction des questions communes, tenue par la Cour suprême de Terre- Neuve-et-Labrador, nous est parvenue de la côte est. Dans l’affaire Sundance Saloon c. Newfoundland and Labrador Liquor Corporation, les demandeurs ont intenté un recours collectif alléguant que les droits prélevés auprès des détenteurs de permis de débits de boisson dans la province constituait soit une taxe indirecte qui était ultra vires des pouvoirs de la province, soit une taxe directe qui était illégale21. Le recours a été certifié en 2007 et l’instruction s’est déroulée en 2011 et a porté en grande partie sur un exposé conjoint des faits. L’instruction a duré une semaine et demie en décembre 2011 et les plaidoiries finales ont occupé deux jours en janvier 2012. Le juge a rendu sa décision oralement le 30 janvier 2012 rejetant la demande à l’encontre des deux défendeurs. Il a conclu que les droits imposés n’étaient en fait pas une taxe, mais plutôt une augmentation du prix que la Newfoundland and Labrador Liquor Corporation pouvait légalement imposer dans l’exercice de son monopole. Les demandeurs ont interjeté appel auprès de la Cour d’appel.

L’issue de ces instructions a conduit de nombreux observateurs à se demander si le processus de certification et d’instruction qui avait mené à ces décisions avait fait progresser la poursuite des objectifs de la législation en matière de recours collectifs, compte tenu des coûts très élevés et de l’importance des ressources judiciaires en comparaison des résultats mitigés obtenus par les demandeurs. Il reste un certain nombre d’instructions importantes qui doivent être entendues en 2013, y compris l’un des plus grands recours collectifs intentés à ce jour au Canada – une

19 Ramdath c. George Brown College, 2012 ONSC 6173.20 Spieser c. Canada (A.G.), 2012 QCCS 2801.21 Sundance Saloon c. Newfoundland and Labrador Liquor Corporation, 2007 01T 0748 CP.

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demande d’indemnisation s’élevant à 27 milliards $ à l’encontre de quelques fabricants de tabac dont la Cour supérieure du Québec est saisie. L’instruction a débuté en mars 2012 et devrait durer au moins deux ou trois ans.

En résumé, les tribunaux canadiens ont démontré leur capacité à gérer d’importantes et complexes instructions des questions communes. Mais la durée et la taille de ces affaires imposent d’énormes contraintes à la magistrature et il est permis de douter qu’elles réussissent à faire ultimement progresser les trois objectifs de la législation sur les recours collectifs : l’accès à la justice, l’économie judiciaire et la modification des comportements. Compte tenu de l’envergure des instructions en cours au Québec et ailleurs, nous pouvons nous attendre à une autre année décisive pour la jurisprudence sur les recours collectifs en 2013.

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Recours collectifs au QuébecLe caractère particulier du régime québécois de recours collectifs justifie l’attention spéciale accordée à l’unique ressort de droit civil au Canada. Tout d’abord, en août 2012, la Cour d’appel du Québec a rendu une décision importante en août 2012 dans l’appel de l’instruction d’un recours collectif fortement médiatisé au Québec22. Dans l’arrêt Banque de Montréal c. Marcotte, la Cour supérieure du Québec s’était d’abord prononcée en faveur du remboursement de près de 300 millions $ en frais de conversion de devises par neuf banques importantes et la Fédération des caisses Desjardins aux détenteurs de cartes de crédit. Les procédures initiales ont été déposées en 2003, les recours collectifs ont été autorisés en 2006 et l’instruction sur les questions communes s’est déroulée pendant plus de trois mois en 2008. Saisie de l’affaire en appel, la Cour d’appel du Québec a renversé la décision de la Cour supérieure, laquelle avait qualifié de « frais de crédit » des frais de conversion de devises en vertu des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur du Québec. Dans ses motifs, la Cour a conclu qu’étant donné que certaines dispositions de la loi n’avaient pas été violées, il n’y avait pas lieu d’examiner les questions constitutionnelles sous-jacentes (les banques à charte fédérales contestaient aussi la constitutionnalité de l’application de la législation provinciale sur la protection des consommateurs à leurs activités). Toutefois, dans un obiter, la Cour a indiqué que si l’examen des questions constitutionnelles avait dû être mené, elle aurait conclu à un conflit opérationnel entre les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur et la Loi sur les banques ainsi que le Règlement sur le coût d’emprunt (banques).

En 2012, les tribunaux du Québec ont aussi rendu un certain nombre de décisions importantes confirmant le seuil relativement peu élevé de l’« autorisation » d’un recours collectif en vertu du Code de procédure civile. Dans l’affaire Deraspe c. Zinc Électrolytique du Canada, la Cour supérieure du Québec a autorisé un recours collectif dans un dossier environnemental où des dommages-intérêts de 900 millions $ étaient réclamés suite à des émissions de gaz toxiques provenant d’une grande raffinerie – un des plus grands recours collectifs environnementaux jamais autorisés au Canada23. La Cour d’appel du Québec a également autorisé un important recours collectif en matière de prestations de pension dans la cause Dell’Anielo c. Vivendi Canada24.Dans ce cas, une décision de la Cour supérieure a été renversée par la Cour d’appel, qui a autorisé le recours collectif relatif au versement de prestations de santé à des retraités du Québec après leur départ à la retraite. Vivendi a demandé à la Cour suprême l’autorisation d’interjeter appel de cette décision, autorisation qui

22 Banque de Montréal c. Marcotte, 2012 QCCA 1396.23 Deraspe c. Zinc Électrolytique du Canada Ltée, 2012 QCCS 1043. 24 Dell’Aniello c. Vivendi Canada Inc., 2012 QCCA 384.

a été accordée par le plus haut tribunal du pays en août 2012. En raison de cet appel et d’un autre appel distinct émanant du Québec en matière de concurrence (abordé ci-après), la Cour suprême aura l’occasion unique en 2013 de se pencher sur les critères et le seuil à satisfaire pour l’octroi d’une autorisation au Québec.

Comme nous l’avons noté ci-dessus, les tribunaux du Québec sont aussi saisis actuellement de l’un des plus grands recours collectifs jamais autorisés au Canada - soit un recours collectif de 27 milliards $ intenté contre des fabricants de tabac. Par conséquent, 2013 promet d’être une année décisive qui fournira l’occasion de tester la capacité institutionnelle de la magistrature, tant au Québec que dans d’autres ressorts, de gérer et de trancher des recours collectifs d’envergure exceptionnelle.

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Recours collectif en matière de valeurs mobilièresEn 2012, les avocats spécialisés en recours collectifs ont été passablement occupés par des litiges en matière de valeurs mobilières au Canada. Il y a eu un certain nombre de nouvelles affaires traitant de prétendues non-divulgations importantes (comme dans l’affaire Agnico-Eagle), ou qui ont été intentées dans la foulée d’enquêtes menées par des organismes de réglementation (comme dans l’affaire SNC-Lavalin). Dans le contexte de ces dossiers, les tribunaux ont rendu d’importantes décisions en matière de certification et de conduite de l’instance ainsi que sur des questions relatives à des arrangements de financement par des tiers et à des délais de prescription. Les avocats spécialisés en recours collectifs ont également été témoins de plusieurs règlements importants, dont l’accord de principe sur le règlement historique avec Ernst & Young se chiffrant à 117 millions $ dans l’affaire Sino-Forest. Outre ces développements, les tribunaux ont également rendu deux décisions majeures sur la question de la juridiction et sur les exigences en matière d’autorisation de poursuivre dans la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario.

En particulier, dans l’affaire Abdula c. Canadian Solar, la Cour d’appel de l’Ontario s’est penchée sur la question de savoir si un émetteur dont les titres sont cotés uniquement sur une bourse étrangère constitue un émetteur responsable au sens de la Partie XXIII.125. La Cour a conclu que compte tenu des faits particuliers (Canadian Solar était une société régie par la LCSA dont le siège social et les principales opérations commerciales étaient situés en Ontario), Canadian Solar remplissait la définition d’« émetteur responsable ». La Cour a déterminé que la demande était essentiellement celle émanant d’un « demandeur ontarien cherchant à faire appliquer une loi ontarienne à un défendeur exerçant des activités en Ontario.» La Cour a en outre accordé une grande importance au fait que certains documents contenant les prétendues fausses déclarations provenaient de l’Ontario. La Cour a estimé que cet ensemble de faits suffisait pour conclure à un lien entre l’Ontario et le défendeur et qu’il était suffisant pour potentiellement assujettir le défendeur à une cause d’action prévue par la loi en vertu de la Partie XXIII.1.

En ce qui concerne l’exigence d’autorisation de poursuivre, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu une décision importante dans l’affaire Gould c. Western Coal Corporation, qui a redonné espoir aux défendeurs de voir l’exigence d’autorisation de poursuivre énoncée à la Partie XXIII.1 de la Loi sur les valeurs mobilières jouer un rôle fonctionnel de filtrage de demandes clairement frivoles26. Dans sa décision dans l’affaire Western Coal, le juge Strathy a adopté le seuil peu exigeant qui avait été établi dans l’arrêt Silver c. IMAX – soit qu’il suffit au demandeur d’établir une « simple » possibilité de succès à l’instruction pour obtenir l’autorisation de poursuivre. Toutefois, le juge Strathy a souligné que ce seuil peu exigeant imposait néanmoins un fardeau de preuve significatif aux demandeurs d’un recours collectif. Dans l’affaire Western Coal, les parties avaient déposé des témoignages d’experts contradictoires et le juge Strathy a procédé à une analyse rigoureuse de cette preuve. À la lumière du dossier qui lui avait été soumis, le juge Strathy a conclu qu’il n’existait [traduction] « pas de possibilité raisonnable » qu’un juge d’instruction accepte la preuve d’expert présentée par le demandeur plutôt que celle soumise par l’expert des défendeurs. En ce qui a trait aux autres aspects de la demande, soit les allégations de conspiration, le juge n’a pas accepté de certifier le recours au motif que le demandeur n’avait pas réussi à établir [traduction] « une base probante suffisante à l’existence des questions communes ». Bien qu’il ait reconnu que [traduction]

25 Abdula c. Canadian Solar, 2012 ONCA 211.26 Gould c. Western Coal Corporation, 2012 ONSC 5184.

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« une requête en certification est de nature procédurale et ne se prête pas à une analyse du bien-fondé du recours », il a par ailleurs conclu qu’il lui était impossible [traduction] « d’ignorer le fait que le noyau de la demande avait été analysé et qu’il avait été jugé déficient ». Western Coal nous sert un rappel opportun que les tribunaux exerceront une importante fonction de filtrage aux stades de l’autorisation de poursuivre et de la certification, et que cette fonction de filtrage peut s’accompagner d’une analyse minutieuse de la preuve d’expert et de l’évaluation, sous un certain seuil, du bien-fondé du recours. Bien qu’il y ait eu, en 2012, un cas notable de recours collectif concernant des valeurs mobilières où les défendeurs ont acquiescé à l’autorisation de poursuivre et à la certification27, la décision rendue par le juge Strathy dans l’affaire Western Coal sera susceptible de conduire à la contestation des requêtes en autorisation de poursuivre et en certification en 2013, et vraisemblablement à un rythme accéléré, compte tenu de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Timminco (que nous avons analysée ci-haut).

27 The Trustees of the Drywall Acoustic Lathing and Insulation Local 675 Pension Fund c. SNC-Lavalin Group Inc., 2012 ONSC 5288.

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Recours collectifs en matière de concurrence Au cours de la dernière année, les avocats de demandeurs ont été très actifs dans la conduite de recours collectifs en matière de comportement anticoncurrentiel au Canada. Les avocats des demandeurs ont intenté de nombreux recours collectifs à la suite d’enquêtes internationales nouvelles et en cours en matière antitrust (sur des sujets tels que des pièces automobiles, des livres électroniques et des batteries à lithium-ion). Par ailleurs, les avocats des demandeurs ont réussi à obtenir quelques règlements importants pour des membres de groupes canadiens (y compris un paiement de 17 millions $ effectué par Micron en règlement de l’affaire des DRAM et un montant de 9 millions $ payé par Nestlé Canada pour régler le dossier du chocolat). Toutefois, ces développements ont été éclipsés par trois appels provenant de la Colombie-Britannique et du Québec entendus par la Cour suprême du Canada en octobre 2012 ayant trait (i) à la viabilité de réclamations d’acheteurs indirects au Canada et (ii) au test en matière de certification en vertu de la Loi sur les recours collectifs.

À la fin de l’année 2010, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rendu deux décisions importantes sur des appels en matière de certification dans les affaires Microsoft et Sun-Rype28. Dans les deux cas, des demandeurs cherchaient à représenter un groupe incluant des acheteurs indirects (c.-à-d. les membres d’un groupe prétendument lésés par l’achat du produit auprès de vendeurs au détail ou de vendeur en gros, sans lien contractuel direct avec le fabricant)29, et les tribunaux de première instance avaient certifié les recours. En appel, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a infirmé la certification en se fondant partiellement ou entièrement sur le fait que les acheteurs indirects ne disposaient pas de cause d’action en droit – ce qui aurait pour conséquence d’empêcher les consommateurs de réclamer des dommages-intérêts en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans un cas distinct d’appel de certification au Québec dans l’affaire Infineon, la Cour d’appel du Québec est arrivée à la conclusion contraire30. En raison de l’importance de l’enjeu et de l’apparente contradiction entre les cours d’appel, la Cour suprême a accordé l’autorisation d’interjeter appel31, et les trois causes ont été entendues simultanément en 2012.

Ces appels étaient particulièrement importants étant donné que c’était la première fois depuis la décision de la Cour suprême dans l’affaire Hollick32 que la Cour entendait des arguments portant sur le fardeau de preuve requis en matière de certification. Les juges ont entendu des arguments musclés de toutes les parties et ont pris le tout en délibéré. Selon la pratique, nous pouvons nous attendre à ce que le jugement de la Cour suprême soit rendu en mars ou avril 2013, bien que le moment où la décision sera rendue soit à l’entière discrétion de la Cour.

Compte tenu de l’incertitude créée par l’appel, nous avons assisté en 2012 à la présentation d’un certain nombre de requêtes contestées soulevant la question de savoir si les recours collectifs en matière antitrust en instance à travers le pays devraient être « mis en suspens » en attendant la résolution des appels. Dans plusieurs décisions, les tribunaux ont conclu que de manière générale les demandeurs d’un recours collectif étaient dans leur droit lorsqu’ils continuaient de faire pression pour obtenir la certification de ces recours en instance.33 Toutefois, en dépit de ces décisions, les demandeurs ont choisi avec soin les dossiers dans

28 Sun-Rype Products Ltd.c. Archer Daniels Midland Company, 2011 BCCA 187; Pro-Sys Consultants Ltd. c Microsoft Corporation, 2011 BCCA 186 (CanLII), 2011 BCCA 186.

29 Dans le cas Microsoft, le groupe proposé incluait uniquement des acheteurs indirects, tandis que dans l’affaire Sun-Rype, il s’agissait à la fois d’acheteurs directs et indirects.

30 Option Consommateurs c. Infineon Technologies, 2011 QCCA 2116 (CanLII).31 Sun-Rype Products Ltd. c. Archer Daniels Midland Company, 2011 CanLII 77189 (SCC); Pro-Sys Consultants Ltd. c. Microsoft Corporation,

2011 CanLII 77282 (SCC); Samsung Electronics Co. Ltd. c. Option Consommateurs, 2012 CanLII 26718 (SCC).32 Hollick c. Toronto (City), [2001] 3 SCR 158.33 Voir p. ex., Osmun c. Cadbury Adams Canada Inc. (non publié, direction daté du 20 sept., 2011) ; Watson c. Bank of America Corporation,

2012 BCSC 146.

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instance. Si par contre la Cour suprême devait débouter les demandeurs, les défendeurs se verraient offrir la chance de présenter une grande variété de requêtes en jugement sommaire et de requêtes en radiation, et les demandeurs seront alors forcés de remettre en question plusieurs de leurs recours en instance. Quelle que soit l’issue des appels, nous pouvons nous attendre à une activité accrue cette année dans le domaine des recours collectifs en matière antitrust au Canada.

lesquels ils feront pression pour obtenir la certification en raison des coûts et des autres risques associés à Zune décision défavorable de la Cour suprême. Plus particulièrement, les demandeurs ont continué à se montrer insistants dans leur quête de la certification des recours collectifs en matière de cartes de crédits intentés en Colombie-Britannique, et la date de l’audition en certification a été fixée au mois d’avril 2013.

Dans un autre développement jurisprudentiel, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rendu un important jugement en matière juridictionnelle dans l’affaire Fairhurst34. La Cour est arrivée à la conclusion qu’elle pouvait exercer une compétence personnelle, dans le contexte d’un recours collectif en matière antitrust, sur un certain nombre de défendeurs étrangers qui n’avaient aucune présence au Canada et qui n’y effectuaient pas de ventes directes, étant donné que les demandeurs avaient plaidé l’existence d’un complot international susceptible de porter préjudice aux consommateurs sur les marchés en aval au Canada. Les défendeurs ont déposé une demande d’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada.

Compte tenu de ces développements en appel, l’année 2013 promet d’être une année marquante pour l’application des normes antitrust par des parties privées au Canada. Si la Cour suprême se prononce en faveur des demandeurs, nous pourrions voir une nouvelle vague de jurisprudence déferler en réaction à la reprise des pressions exercées par les demandeurs pour obtenir la certification des nombreuses causes en

34 Fairhurst c. De Beers Canada, Inc., 2012 BCCA 257.

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Recours collectifs sur la responsabilité du fait du produitEn 2012, il y a également eu une forte activité judiciaire en matière de recours collectifs sur la responsabilité du fait du produit. Entre autres décisions, les tribunaux ont donné des directives sur le fardeau de preuve requis pour certifier un recours collectif sur la responsabilité du fait du produit (Martin c. AstraZeneca), ont déterminé s’il existe une cause d’action viable pour compenser une perte économique subie du fait du produit conçus négligemment, mais non dangereux (Arora c. Whirlpool) et ont établi s’il existe une cause d’action viable dans le contexte de la renonciation à un délit civil (waiver of tort) dans un cas de responsabilité du fait du produit (Koubi c. Mazda Canada et Andersen c. St. Jude Medical). Certaines de ces décisions ont été portées en appel et nous pouvons nous attendre à ce que les tribunaux continuent à nous éclairer sur ces questions en 2013.

Dans la cause AstraZeneca, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a refusé de certifier un recours collectif sur la responsabilité du fait du produit relatif à un produit pharmaceutique35. Plus particulièrement, la juge Horkins a conclu qu’il était clair et évident que les demandeurs n’avaient pas réussi à démontrer qu’ils avaient une cause d’action viable. À la face même de leur réclamation, les demandeurs avaient allégué généralement que la responsabilité des défendeurs devait être retenue du fait de leur négligence, de leur omission de mettre en garde, du fait d’une conspiration et en application de la doctrine de la renonciation à un délit civil ou « waiver of tort » (ce dernier motif étant invoqué au titre de redressement). La juge Horkins a statué que ces demandes étaient vouées à l’échec parce que les demandeurs avaient produit des actes de procédure déficients en ce que leurs allégations se confondaient, et que leurs causes d’action n’étaient pas suffisamment détaillées. Plus précisément, elle a jugé que les demandeurs avaient regroupé certains défendeurs dans leur réclamation, qu’ils avaient combiné des allégations de conception négligente avec des allégations de fabrication négligente, qu’ils n’avaient pas soulevé les faits nécessaires à l’appui de chaque type de négligence et avaient omis de soumettre des précisions sur la nature des mises en garde fournies par les fabricants, sur ce qui les rendait inadéquates et sur la manière dont elles auraient pu être étoffées.

En résumé, la juge Horkins a estimé que les actes de procédure étaient si déficients qu’il ne s’en dégageait pas une cause d’action viable. En dépit de cette conclusion déterminante, la juge a poursuivi son examen des autres critères applicables à la certification – et elle a statué qu’aucune de ces autres exigences n’était remplie. Elle a rejeté la requête et, dans une décision subséquente, a condamné les demandeurs à des dépenses s’élevant à 475 000 $ plus taxes et débours. Les demandeurs ont interjeté appel à la fois du rejet de la certification et des dépenses.

Dans l’affaire Whirlpool, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a pareillement refusé de certifier un recours collectif sur la responsabilité du fait du produit quant à un bien de consommation36. Dans cette cause, les demandeurs prétendaient que Whirlpool avait fait preuve de négligence dans la conception d’une série de machines à laver à chargement frontal et souhaitaient représenter un large groupe de consommateurs canadiens. À l’étape de la requête en certification, la question centrale consistait à déterminer si les demandeurs avaient présenté une cause d’action viable. Après avoir longuement passé en revue la jurisprudence applicable, le juge Perell a conclu qu’il ne pouvait y avoir de cause d’action pour des pertes purement économiques liées à la fabrication d’un produit qui n’est pas dangereux. Il a plus précisément statué que des raisons de politique publique militaient contre l’existence d’un devoir de diligence dans de telles circonstances, puisque le dédommagement pour des pertes financières de cette nature est mieux régi par

35 Martin c. Astrazeneca, 2012 ONSC 2744.36 Arora c. Whirlpool, 2012 ONSC 4642.

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preuve peu exigeant à l’étape de la certification pour établir le caractère commun des questions et le caractère préférable du recours, les tribunaux n’en continuent pas moins d’exercer une importante fonction de filtrage lorsqu’ils évaluent la viabilité des actes de procédure du demandeur. Dans le cas où la revendication des demandeurs membres d’un groupe revêt un caractère de nouveauté ou que la demande n’est pas suffisamment détaillée, les tribunaux disposent encore de moyens pour déterminer si le recours collectif proposé justifie une instruction sur les questions communes, compte tenu en particulier du coût et des exigences élevés d’une telle instruction.

Par ailleurs dans d’autres causes où le demandeur avait plaidé une cause d’action viable et démontré le caractère suffisamment commun des questions en jeu, les tribunaux n’ont pas hésité à certifier les recours collectifs sur la responsabilité du fait du produit. Par exemple, dans les affaires Stanway c. Wyeth Canada et Bartram v GlaxoSmithKline, la Cour d’appel et la Cour suprême de Colombie-Britannique ont respectivement certifié des recours liés à des allégations d’effets secondaires néfastes causés par des médicaments38. À mesure de la progression de ces causes dans le système judiciaire de Colombie-Britannique, les tribunaux seront confrontés à la question de l’approche à suivre pour se prononcer sur la causalité générale (c.-à-d. la question de savoir si un médicament est susceptible de causer le préjudice allégué) et la causalité individuelle (c.-à-d. si le médicament visé a effectivement causé le préjudice subi par chacun des membres du groupe) dans le cadre d’une instruction sur des questions communes.

Comme nous l’avons souligné ci-dessus, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a également rendu un jugement important dans un recours collectif en responsabilité du fait du produit dans l’affaire Andersen c. St. Jude39. Dans sa décision, la juge Lax a donné des indications utiles sur un certain nombre de questions qui se posent régulièrement dans les causes en responsabilité du fait du produit, incluant :

• Lien de causalité : se fondant sur la preuve d’expert qui lui avait été soumise, la juge Lax a utilisé un ratio de risque de 2.0, exigeant que la probabilité de complications thérapeutiques soit deux fois plus élevée

le droit des contrats et le droit des biens. Concluant à l’absence de cause d’action viable, le juge Perell a rejeté la requête en certification.

Dans l’affaire Koubi, les demandeurs ont intenté un recours collectif contre Mazda Canada et ses concessionnaires en Colombie-Britannique en alléguant que le mécanisme de verrouillage des portes des modèles de véhicules Mazda 3 était défectueux37. À l’appui de leur demande, les demandeurs ont invoqué un certain nombre de recours prévus par la législation sur la protection des consommateurs de la Colombie-Britannique. À l’étape de la requête en certification, la Cour suprême de Colombie-Britannique a d’abord certifié le recours, puis elle a accordé des modifications pour permettre aux requérants d’invoquer une question commune liée à la renonciation à un délit civil (waiver of tort). En appel, la Cour d’appel de Colombie-Britannique a renversé et annulé l’ordonnance de certification. La Cour a examiné le contexte historique ainsi que l’application de la doctrine de la renonciation à un délit civil au Canada et a pris note de la controverse qui l’entoure. La Cour a souligné que bien que de nombreux tribunaux aient accordé la certification à des recours basés sur la renonciation à un délit civil, l’incertitude persistait sur la question de savoir s’il s’agissait d’une cause d’action appropriée. Néanmoins, au vu de l’incertitude en droit persistante, la Cour a finalement admis que l’allégation suivant laquelle la doctrine existe bien en tant que cause d’action à part entière était défendable. Mais elle a ajouté que la doctrine ne pouvait être invoquée comme moyen d’ obtenir la certification quand le législateur a déjà institué un régime complet de redressements privés en vertu de la législation sur la protection des consommateurs. Sur la base de ce raisonnement, la Cour d’appel a rejeté la requête en certification pour absence de cause d’action. La Cour suprême a refusé d’accorder l’autorisation de faire appel.

Les décisions rendues dans les affaires AstraZeneca, Whirlpool et Koubi sont peut-être un signe avant-coureur des futures requêtes en autorisation au Canada. Dans les trois cas, le tribunal a refusé de certifier le recours collectif sous-jacent au motif que les actes de procédure ne révélaient pas une cause d’action raisonnable. Ces trois affaires renforcent la tendance selon laquelle, en dépit d’un fardeau de

37 Koubi c. Mazda Canada, 2012 BCCA 310. Pour plus d’informations sur ce sujet, veuillez consulter les Actualités, please see Osler, Class Actions Development: B.C. Court of Appeal Slams the Door on Waiver of Tort in Statutory Cases (July 20, 2012), by Christopher Naudie, Craig Lockwood, Kelly Osaka and Geoffrey Grove.

38 Stanway c. Wyeth Canada Inc, 2012 BCCA 260; Bartram c. GlaxoSmithKline Inc., 2012 BCSC 1804.39 Andersen c. St. Jude Medical, Inc., 2012 ONSC 3660. Pour plus d’informations sur ce sujet, voir les Actualités Osler (en anglais),

Andersen c. St. Jude Medical: Whither Waiver of Tort? (June 29, 2012), by David Morritt, Sonia Bjorkquist, Lauren Tomasich and Patrick Welsh.

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en utilisant le produit qu’en utilisant un autre produit pour établir une présomption de causalité. Cette approche aurait permis au défendeur de présenter des preuves individualisées pour réfuter la présomption si l’affaire avait procédé jusqu’à l’instruction des questions individuelles.

• Norme de diligence : au vu de la preuve qu’elle avait à examiner, elle a conclu que St. Jude avait vérifié et mesuré de manière adéquate l’utilité potentielle du produit ainsi que les risques en découlant. En outre, elle a estimé que les demandeurs n’avaient pas démontré que des essais additionnels auraient été possibles ou que de tels essais auraient eu un effet sur l’évaluation du risque et de l’utilité.

• Norme de diligence : la juge Lax a conclu que St. Jude avait procédé à la surveillance du produit, avait mis en garde contre les risques d’événements indésirables éventuels, avait conduit des examens sur des préoccupations soulevées et maintenu un dialogue ouvert avec Santé Canada et la FDA.

• Renonciation au délit civil : ayant conclu que la responsabilité de St. Jude n’était pas engagée, la juge Lax n’avait pas besoin d’analyser l’existence et la portée de la doctrine de renonciation à un délit civil. Elle a néanmoins observé qu’il n’aurait pas été nécessaire de soumettre un dossier complet sur les faits s’il avait été indiqué de se prononcer sur la doctrine, puisque celle-ci soulève des questions plus vastes sur la nature du droit de la responsabilité délictuelle (tort law) et que la question de l’existence et de la portée de la doctrine relève ultimement des politiques publiques.

Ces décisions attestent de la complexité des questions juridiques, factuelles et procédurales que soulèvent les recours collectifs sur la responsabilité du fait du produit, tant à l’étape de la certification que dans le cadre de l’instruction des questions communes. Compte tenu du fait que ces décisions sont en appel et des commentaires de la juge Lax sur la doctrine de la renonciation à un délit civil, les avocats spécialisés en recours collectifs peuvent s’attendre à obtenir un meilleur éclairage sur ces questions complexes en 2013.

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Les recours collectifs en matière de franchiseEn 2012, les tribunaux ont rendu deux décisions particulièrement importantes dans des recours collectifs en matière de franchise. Ces décisions fournissent un éclairage sur le droit substantif de la franchise et sur la procédure en matière de recours collectifs40.

Le devoir d’agir de Bonne foi et L’oBLigation d’agir équitaBLement

La principale décision rendue en matière de franchise en 2012 est la décision de certification et de jugement sommaire du juge Strathy dans le cadre d’un recours collectif de 2 milliards $ intenté contre Tim Hortons. Dans l’affaire Fairview Donut c. The TDL Group, le juge Strathy a examiné le bien-fondé de deux requêtes de fond au cours de la même audience – soit la requête en certification soumise par les demandeurs ainsi qu’une requête en jugement sommaire présentée parallèlement par les défendeurs. En ce qui a trait à la requête pour jugement sommaire, le juge Strathy a accueilli la demande de Tim Hortons et a rejeté le recours collectif41. Bien que cela ne fût plus nécessaire, le juge a formulé des motifs détaillés sur la requête en certification des demandeurs. Il a indiqué qu’il aurait certifié le recours collectif sous réserve d’observations supplémentaires sur la compétence du demandeur représentant.

Dans sa décision, le juge Strathy a fourni des orientations sur le devoir d’agir de bonne foi et l’obligation d’agir équitablement incombant à un franchiseur. Le juge a en particulier :

• répété que le devoir d’agir de bonne foi et l’obligation d’agir équitablement prévus par la loi ne remplacent pas ou ne modifient pas les modalités explicites de la convention de franchisage.

• souligné la nécessité d’examiner la bonne foi et le caractère équitable du comportement d’un franchiseur dans le cadre de l’ensemble de la relation et de considérer l’ensemble de la conduite et du contrat.

• s’est prononcé sur l’importance d’exiger de tous les franchisés qu’ils se conforment au système de franchise, y compris à ses aspects impopulaires.

• a noté que le devoir de bonne foi et l’obligation d’agir équitablement n’exigent pas des franchiseurs qu’ils fournissent des produits aux prix les plus bas disponibles sur le marché ou qu’ils assurent à leurs franchisés qu’ils fassent un profit sur chaque produit vendu.

• a statué que le franchiseur était autorisé à modifier le système de franchise (en accord avec la convention de franchisage) même si le changement procure un plus grand avantage financier au franchiseur qu’à ses franchisés.

• a souligné que des consultations étendues avec les franchisés au sujet d’une proposition de modification du système seraient bénéfiques au franchiseur dans le cas où un litige impliquant le devoir de bonne foi et l’obligation d’agir équitablement naîtrait.

• a souligné que les modifications au système de franchise dans ce cas étaient des décisions d’affaires rationnelles prises pour des motifs économiques et stratégiques valides, ce qui illustre l’importance pour les franchiseurs de développer et de diffuser des arguments commerciaux à l’appui de leurs décisions qui se répercutent sur les intérêts des franchisés.

Les demandeurs ont porté la décision du juge Strathy en appel. En décembre 2012, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel et confirmé la décision du juge Strathy.

40 Pour plus d’informations sur ces sujets, veuillez consulter les Actualités Osler (en anglais), Franchise and Competition Class Actions: Dismissal of Tim Hortons Class Action Is Good News for Franchisors (March 6, 2012), par Jennifer Dolman, Christopher Naudie, Evan Thomas et Lia Bruschetta, ainsi que les Actualités Osler (en anglais), 1250264 Ontario Inc. c. Pet Valu Canada Inc.: In or Out? A Bold Re-Opening of the Opt-Out Period in a Franchise Class Action.

41 Fairview Donut Inc. c. The TDL Group Corp., 2012 ONSC 1252 (CanLII).

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42 1250264 Ontario Inc. c. Pet Valu Canada Inc., 2012 ONSC 5029.

Le choix de participer ou de se retirer des procédures de recours coLLectifs

Dans une deuxième décision importante ayant trait à un recours collectif en matière de franchise – l’affaire 1250264 Ontario c. Pet Valu Canada – le juge Strathy a eu l’occasion d’examiner l’étendue et les limites du rôle du tribunal dans la supervision d’un processus de retrait au stade dans le cadre d’un recours collectif certifié42.

Le juge Strathy avait certifié le recours collectif intenté contre Pet Valu en janvier 2011. Dans l’avis au groupe, les membres du groupe ont été avisés que le processus de retrait se tiendrait du 15 juillet au 15 septembre 2011. L’ordonnance de certification prévoyait également que les communications avec les membres du groupe seraient limitées avant la fin de la période de retrait.

Peu de temps avant l’expiration de cette période, un nombre important de membres du groupe ont décidé de se retirer du recours collectif. La preuve dont disposait le juge Strathy indiquait qu’un groupe de franchisés (le « CPVF ») avait eu recours à une campagne téléphonique et à un site Web pour encourager les membres du groupe (et faire pression sur eux) afin qu’ils se retirent du recours. Le juge a aussi constaté que certaines informations fournies par le CPVF aux franchisés étaient trompeuses et ajoutaient à la confusion sur le recours collectif ressentie par les franchisés. Il a remarqué que Pet Valu ne s’était pas pour sa part ingéré dans l’intégrité du processus de retrait et n’avait pas encouragé directement le CPVF dans ses initiatives.

Le juge Strathy a conclu ultimement que les agissements du CPVF avaient perverti le processus de retrait et avaient porté atteinte au droit d’accès à la justice des membres du groupe. Il a par conséquent accordé le recours extraordinaire requis par les demandeurs, a annulé tous les retraits reçus après le lancement de la campagne du CPVF et a reporté le processus de retrait à une date postérieure à la décision du tribunal sur la requête en rejet de l’action sur le fond.

Comme le démontre ce cas inhabituel, le tribunal est prêt à intervenir pour protéger l’intégrité de son propre fonctionnement, même si l’ingérence vient d’une partie qui ne prend pas part à l’affaire. Compte tenu du nombre important de recours collectifs en matière de franchise présentés devant les tribunaux, nous pouvons nous attendre en 2013 à recevoir plus d’éclairage sur les questions de procédure qui se posent dans le cadre de recours collectifs en matière de franchise.

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Recours collectifs dans le domaine de l’emploiEn 2012, les tribunaux du pays ont rendu plusieurs décisions importantes dans le cadre de recours collectifs dans le domaine de l’emploi43. Dans cet article qui se veut une synthèse de la jurisprudence, nous nous concentrons sur la trilogie de décisions émises par la Cour d’appel de l’Ontario traitant de la certification de recours collectifs et soulevant des questions d’heures supplémentaires – soit les arrêts Fulawka c. Bank of Nova Scotia44, Fresco c. CIBC45 et McCracken c. CN46. Dans cette trilogie la Cour d’appel de l’Ontario a certifié un recours collectif fondé sur la « classification inappropriée » (Fulawka) mais n’a pas accepté de certifier un second recours traitant de classification inappropriée, expliquant que les affaires de classification inappropriée ne se prêteront à la certification que dans des circonstances limitées. La Cour a également certifié les deux affaires traitant d’heures supplémentaires effectuées « en dehors des heures normales ». La Banque de Nouvelle-Écosse et la CIBC ont interjeté appel de ces décisions à la Cour suprême.

43 Par exemple, en mars 2012, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a certifié un recours collectif très médiatisé dans l’affaire Dominguez c. Northland Properties Corp. concernant des travailleurs étrangers qui avaient obtenu un emploi au Canada en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires : 2012 BCSC 328.

44 Fulawka c. Bank of Nova Scotia, 2012 ONCA 443. Pour plus d’informations sur ce sujet, veuillez consulter les Actualités Osler (en anglais), Takin’ Care of Business and Working Overtime: Ontario Court of Appeal Releases Key Decisions on Overtime Class Actions (27 juin 2012), par Laura Fric, Mary Paterson, Adam Hirsh et Karin Sachar, et les Actualités Osler, Overtime Claim by “Investment Advisors” and “Analysts” Cannot Proceed as a Class Action: Judge Had Earlier Certified a Different Overtime Claim (30 avril 2012) par Laura Fric.

45 Fresco c. Canadian Imperial Bank of Commerce, 2012 ONCA 444.46 McCracken c. Canadian National Railway Company, 2012 ONCA 445.

Jusqu’à ce jour, les recours collectifs concernant du temps supplémentaire intentés au Canada peuvent être regroupés en deux grandes catégories : les cas de « classification inappropriée des postes » et les cas de « travail en dehors des heures normales ». Dans les cas de classification inappropriée, tels que McCracken, on allègue que l’employeur avait classé des employés qui étaient prétendument admissibles au paiement d’heures supplémentaires de manière inappropriée en les qualifiant de cadres. En revanche, les cas impliquant du travail « en dehors des heures normales », comme l’affaire Fresco, mettent l’accent sur la contestation d’une pratique caractérisée par des heures supplémentaires non rémunérées et ne soulèvent pas de question d’admissibilité à la rémunération des heures supplémentaires. L’affaire Fulawka appartient aux deux catégories de cas.

Les cas de cLassification inappropriée sont rarement reconnus appropriés comme recours coLLectifs

Dans l’affaire McCracken, le demandeur a allégué que les employés du CN qui étaient des supérieurs de première ligne avaient été classés de manière inappropriée comme cadres et s’étaient vu refuser le paiement d’heures supplémentaires qui leur auraient été dues par ailleurs en vertu du Code canadien du travail (le « Code »). Le CN a répliqué qu’il existait une telle diversité de rôles parmi les superviseurs de première ligne que le statut de gestionnaire des membres du groupe ne pouvait pas être déterminé pour l’ensemble du groupe. Le juge saisi de la requête en certification a reconnu que le statut de gestionnaire de chaque employé devait être examiné individuellement, mais il a tout de même conclu à la certification de la question commune : « Quelles exigences minimales sont requises pour être considérées comme un employé exerçant des fonctions de gestion au CN ? ».

La Cour d’appel a rejeté ce raisonnement en statuant que l’absence de caractère commun faisait fatalement échec à la certification. La Cour a décidé que les cas de classification inappropriée ne devraient être certifiés que si les membres du groupe exercent des emplois

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similaires, ce qui leur confère un point commun fondamental. En outre, les fonctions et les responsabilités des membres du groupe doivent être suffisamment similaires pour permettre de répondre à l’allégation de classification inappropriée de la demande sans avoir à considérer la situation de chaque membre du groupe.

En avril 2012, avant la trilogie de la Cour d’appel, le juge Strathy de la Cour supérieure de justice de l’Ontario s’est prononcé de manière quelque peu prémonitoire en refusant de certifier un cas de classification inappropriée intenté contre la CIBC47. Le juge Strathy a conclu que les membres du groupe proposé avaient peu de choses en commun sauf leurs titres et que la question de fait clé, à savoir si un employé détenait des responsabilités de gestion, ne pouvait être déterminée pour l’ensemble du groupe. Les demandeurs ont fait appel de la décision et la date d’audition de l’appel a été fixée au mois de février 2013.

En revanche, dans la trilogie des décisions rendues par la Cour d’appel, celle-ci a accordé la certification dans un cas de classification inappropriée d’un sous-groupe d’employés dans l’affaire Fulawka, en tant que question commune. La Cour a conclu que les membres de ce groupe détenaient suffisamment de responsabilités similaires pour justifier la certification. Au point où en sont ces affaires, on en conclut que l’obtention de la certification dans un cas de classification inappropriée n’est possible que si les membres du groupe exercent des responsabilités similaires, cette similarité étant démontrée de manière suffisante par la preuve déposée par le demandeur au soutien de la requête en certification.

Les poLitiques et pratiques en matière d’heures suppLémentaires : comment La simiLarité est-eLLe traitée par Les triBunaux?

Dans les deux affaires Fresco et Fulawka, les demandeurs alléguaient que leurs employeurs respectifs avaient systématiquement négligé de rémunérer les heures supplémentaires d’employés admissibles, en dépit des obligations énoncées tant dans le Code du travail applicable que dans leurs contrats de travail. Ils soutenaient en outre que les politiques applicables en matière d’heures supplémentaires de chaque employeur étaient contraires aux dispositions du Code puisqu’elles exigeaient que les heures supplémentaires soient approuvées au préalable par la direction.

Dans ces causes, les juges saisis de la certification sont arrivés à des résultats contraires. Dans l’arrêt Fresco, la juge Lax a statué que la politique sur les heures supplémentaires de la CIBC n’était pas contraire au Code et a conclu que les preuves soumises pour démontrer une omission systématique de payer les heures supplémentaires étaient insuffisantes. En revanche, le juge Strathy a certifié un certain nombre de questions communes, telle la question de savoir si la banque était tenue de noter les heures effectuées par les employés.

Saisie des appels, la Cour d’appel a accordé la certification dans les deux cas en soutenant que les questions communes proposées satisfaisaient au seuil requis pour établir le caractère commun aux fins de la certification. Ce faisant, le tribunal a favorisé l’approche du juge Strathy sur le caractère commun, soulignant la nature systémique sous-jacente des allégations. Dans l’affaire Fresco, la Cour a conclu qu’elle ne pouvait dire si manifestement et de toute évidence la politique de la banque en matière d’heures supplémentaires était conforme au Code et a laissé le tribunal de première instance trancher la question.

Comme la Banque de Nouvelle-Écosse et la CIBC ont interjeté appel à la Cour suprême et que les demandeurs dans l’affaire Brown c. CIBC ont intenté un appel à la Cour d’appel, il se pourrait que nous obtenions des précisions de la part des tribunaux sur la certification de recours collectifs dans le domaine de l’emploi en 2013.

47 Brown c. Canadian Imperial Bank of Commerce, 2012 ONSC 2377.

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ConclusionLes tribunaux canadiens ont rendu un certain nombre de jugements significatifs en matière de recours collectifs en 2012 couvrant notamment les domaines des valeurs mobilières, de la concurrence, de la responsabilité du fait du produit, du franchisage et de l’emploi. Au vu des modestes résultats obtenus en 2012 dans plusieurs recours collectifs longs, complexes et d’envergure, et compte tenu de l’importance de quelques décisions rendues en matière de contestation d’actes de procédure, de requêtes susceptibles de mettre fin au litige, de fardeau de preuve à satisfaire pour la certification, de délais de prescription et de convention de financement par des tiers, l’année 2013 semble se présenter comme une année phare pour la pratique juridique en matière de recours collectifs au Canada. Un des principaux juges canadiens dans le domaine des recours collectifs a observé que les avocats spécialisés en la matière et la jurisprudence avaient connu une évolution qui aurait des répercussions sur la pratique et les cas futurs. À la lumière de ces développements, il se pourrait que les demandeurs et défendeurs revoient leurs stratégies à l’égard de la certification et que le système judiciaire révise sa position sur l’accessibilité aux recours collectifs et l’efficacité de ceux-ci, compte tenu en particulier de l’énorme fardeau que les procès sur les questions communes imposent à des ressources judiciaires limitées. Enfin, l’année 2013 promet d’être intéressante pour les avocats spécialisés dans les recours collectifs et les entreprises du fait des décisions de la Cour suprême attendues dans trois appels significatifs en matière de certification.

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Le groupe de pratique en matière de recours collectifs d’Osler a défendu avec succès de nombreux clients dans le cadre de recours collectifs importants et complexes intentés au Canada. Notre équipe possède une expérience vaste et approfondie permettant d’accompagner les clients dans le cadre d’enjeux commerciaux particulièrement complexes et cruciaux.

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