Les quelques curieux qui osèrent s’aventurer à la lisière ... · Les quelques curieux qui...

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A partir de ce jour, le vieillard fût tenu en plus grand respect et plus personne dans le Monde du Peuple Invisible ne se ria de lui. Les quelques curieux qui osèrent s’aventurer à la lisière de la Forêt Enchantée rapportèrent qu’ils avaient aperçu non pas un vieil ermite mais un être beau et lumineux dansant sur le vent, mur- murant dans les branchages feuillus les secrets d’un autre temps. Fin

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Page 1: Les quelques curieux qui osèrent s’aventurer à la lisière ... · Les quelques curieux qui osèrent s’aventurer à la lisière de la Forêt Enchantée rapportèrent qu’ils

A partir de ce jour, le vieillard fût tenu en plus grand respect et plus personne dans le Monde du Peuple Invisible ne se ria de lui.

Les quelques curieux qui osèrent s’aventurer à la lisière de la Forêt Enchantée rapportèrent qu’ils avaient aperçu non pas un vieil ermite mais un être beau et lumineux dansant sur le vent, mur-murant dans les branchages feuillus les secrets d’un autre temps.

Fin

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Il était une fois, dans un pays très lointain appelé « Monde du Peuple Invisible », un vieux tailleur de bois. Celui-ci vivait dans une pe-tite maison, toute aussi âgée que lui, dans une forêt enchantée, non loin de la ville d’Agma. Le vieil ermite portait une robe crasseuse et trouée, surmontée d’une grande capuche qui lui dissimulait le visage. Il sillon-nait le sol végétal de la forêt depuis des siècles, aussi en connaissait-il les moindres recoins. En hôtesse généreuse, celle-ci lui apportait tout ce qu’il pouvait espérer : fruits, baies, racines et plantes pour le nour-rir, eau pour l’abreuver, air pour respirer et branchages pour le protéger.

Bien qu’il lui plût de vivre à l’écart de toute civilisation, il n’en était pas moins connu de tous à Agma. Dans chaque foyer, les aînés se plaisaient à conter son histoire, devenue légende. Chacun ima-ginait les détails de sa vie à travers son propre regard, car, en réali-té, l’on ne savait que peu de choses à son sujet. Tantôt Elfe à l’Est de la ville, tantôt Nain au Nord, les Agméiens étaient loin de la réalité.

Le vieux tailleur avait la plus belle des missions : il aidait la forêt à maintenir son équilibre et la débarrassait, toujours avec son approbation, de ses vieilles branches décrépies. De cette façon, la lumière pouvait être filtrée à travers les feuilles, réchauffant ainsi les nids et terriers des petits habitants que les arbres abritaient et invitant les innombrables va-riétés de fleurs qui tapissaient son humus mousseux à éclore librement.

De ses mains sèches et rugueuses, le vieil ermite sculptait d’in-croyables œuvres dans le bois qu’il avait pris l’habitude de récolter.

Ceux qui s’aventurèrent dans ce sanctuaire magique racontèrent que des milliers de statuettes étaient disposées dans les bois et, que les unes à côté des autres, elles semblaient former une histoire ! Certains le surprirent même à parler seul aux arbres, ce qui paraissait grotesque.

Certaines nuits, le vieillard marchait jusqu’à Agma et déposait une ou plusieurs sculptures de bois devant la porte de certains habitants. De très grandes pour les Elfes, de plus petites pour les gnomes et les nains, de mi-nuscules pour les trolls et les fées. Lorsque le phénomène se produisit les premières fois, certains furent touchés de ce présent, pensant qu’il s’agis-sait d’objets décoratifs, mais la plupart se rirent de lui, le traitant de vieux fou, de vieillard sénile ! D’autres allèrent jusqu’à brûler les statues de bois… Mais voilà, celles-ci ressortaient toujours intactes du brasier. Alors, de peur du maléfice, les habitants se résignèrent à conserver ces œuvres étranges.

Des décennies se passèrent avant qu’un jeune Elfe botaniste ne réalise que la statuette qu’il s’était vu offrir n’était autre qu’une vi-sion claire et précise de son propre avenir ! Il en informa donc le conseil des douze sages qui s’empressa de s’enquérir des différentes déclarations des Agméiens et de rencontrer le vieux tailleur de bois.

Personne ne sut exactement ce qu’il s’était dit ce jour-là. Mais le vieil-lard fût proclamé Prophète et Messager des Arbres par les Sages. Tout ce qu’il avait créé dans le bois devait rester méconnu de tous, à jamais. Ainsi, les maîtres interdirent strictement l’accès à la forêt et prirent soin de l’entourer d’un sortilège qu’eux seuls et l’ermite pourraient franchir !