Les quatre leviers de la logistique durable€¦ · logistique, jusqu’aux années 1970,...

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Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 1 Les quatre leviers de la logistique durable Thierry JOUENNE, Professeur associé de Logistique Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) 5, rue du Vertbois 75003 Paris Tél. : 01 53 01 80 61 E-mail: [email protected] Sommaire 1. Introduction 2. Définition et rôle de la logistique 3. Situation actuelle 4. Les quatre leviers de la logistique durable 4.1. Fiabilité logistique 4.2. Efficience logistique 4.3. Réactivité logistique 4.4. Eco-logistique 5. Vers une chaîne logistique durable 6. Conclusion Mots-clés : Logistique durable, levier logistique, supply chain management, optimisation des flux, collaboration interentreprises, développement durable

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Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 1

Les quatre leviers de la logistique durable Thierry JOUENNE, Professeur associé de Logistique

Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)

5, rue du Vertbois

75003 Paris

Tél. : 01 53 01 80 61

E-mail: [email protected]

Sommaire 1. Introduction

2. Définition et rôle de la logistique

3. Situation actuelle

4. Les quatre leviers de la logistique durable

4.1. Fiabilité logistique

4.2. Efficience logistique

4.3. Réactivité logistique

4.4. Eco-logistique

5. Vers une chaîne logistique durable

6. Conclusion

Mots-clés

: Logistique durable, levier logistique, supply chain management,

optimisation des flux, collaboration interentreprises, développement durable

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Résumé

A l’heure où les initiatives se multiplient pour préparer le monde d’après, cet article

revisite les fondements de la logistique moderne et dresse un état des lieux des

forces et faiblesses de la supply chain face aux exigences du développement

durable. Le plus souvent sous-exploitée et réduite aux moyens d’entreposage et de

transport, la logistique représente d’abord une fonction stratégique à fort potentiel

pour optimiser les flux de marchandises dans les filières et tenter d’en réduire

l’impact sur l’environnement. Son influence sur la compétitivité des entreprises et le

développement des territoires est également méconnue. A travers l’analyse des

leviers de la logistique durable et des programmes ambitieux menés par les

entreprises sous l’impulsion des organismes internationaux, le présent document

montre comment la logistique constitue un facteur-clé pour relever les défis du

développement durable en complément des solutions d’éco-conception, d’éco-

industrialisation et d’éco-production utilisées dans l’industrie.

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1. Introduction

La logistique joue un rôle vital dans la société en assurant la mise à disposition des

produits et des services aux consommateurs tout en synchronisant la chaîne de

l’offre avec la demande à satisfaire

Parmi ses principales ressources, elle utilise le transport pour assurer la liaison

entre les différents maillons de la supply chain. Or celui-ci fait l’objet de nombreuses

critiques du fait de son impact négatif sur l’environnement. Il

.

consomme globalement

70 % du pétrole importé en Europe et représente 21 % des émissions de gaz à effet

de serre dont 45 % est imputable au transport routier de marchandises. Au-delà de la

pollution atmosphérique, le transport engendre d’autres inconvénients non moins

dommageables tels que le bruit

La situation est d’autant plus alarmante que l’on prévoit une augmentation de

60 % des échanges entre 2005 et 2015 dans l’Union Européenne alors que les gaz à

effet de serre doivent être réduits selon le protocole de Kyoto de 5,2 % entre 2008 et

2012 par rapport aux niveaux de 1990.

, la congestion des voies de circulation et l’emprise

des infrastructures sur l’environnement.

Compte-tenu de son rôle dédié à l’optimisation et au pilotage des flux, la

logistique suscite beaucoup d’intérêt et de nombreuses attentes pour optimiser la

supply chain et réduire ainsi l’impact du transport sur l’environnement. Plus

largement, sa dimension la place au rang des facteurs clés pouvant contribuer de

façon transversale au développement durable en agissant non seulement sur la

diminution des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur la compétitivité des

entreprises et le développement des territoires.

Partant du constat où de nombreux progrès restent à accomplir, l’objet de cet

article est de montrer comment la logistique contribue significativement aux trois

piliers économique, social et environnemental du développement durable au moyen

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de quatre leviers d’action. Mis en évidence à travers l’étude des fondements de la

logistique et des perspectives d’évolution de la chaîne logistique, ces leviers portent

sur la fiabilité, l’efficience, la réactivité et le respect de l’environnement comme

composantes clés de la logistique durable. Après la description des quatre leviers

mis en exergue, nous verrons que la logistique durable nécessite aussi de partager

la même vision de la chaîne logistique du futur, d’adopter de nouvelles pratiques

« vertes » et de collaborer entre fournisseurs, industriels, distributeurs et prestataires

logistiques pour l’atteinte d’objectifs communs au profit des entreprises, des citoyens

et de l’environnement.

2. Définition et rôle de la logistique

Ayant fait l’objet de plusieurs définitions au cours des 40 dernières années, la

logistique dite moderne est aujourd’hui appréhendée comme une fonction de

planification, d’exécution et de maîtrise des flux et des stocks dans l’entreprise

étendue. Elle s’appuie sur la mise en œuvre de systèmes d’information et de

communication de plus en plus sophistiqués et prend place dans la supply chain

définie par Mentzer « comme un ensemble de trois entités ou plus (entreprises ou

individus) traversées par des flux amont et aval de produits, de services,

d’informations et de finance, depuis un fournisseur jusqu’à un client »1

La démarche logistique est globale et s’applique à l’ensemble des acteurs de la

chaîne logistique tout au long du cycle de vie des produits. Elle s’inscrit dans la

stratégie de l’entreprise qu’elle soutient.

.

La norme NF X 50-600 précise que la finalité de la fonction logistique est de

« satisfaire des besoins exprimés ou latents, internes ou externes, aux meilleures

1 MENTZER J. T. et al., Defining Supply Chain Management, Journal of Business Logistics, Vol. 22, N°2, 2001

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conditions économiques pour un niveau de service déterminé »2

. Cette définition met

en lumière les coûts associés à la satisfaction de la demande dans un système où

les frontières s’étendent au-delà de l’entreprise.

Figure 1 : Types de chaînes relationnelles

Source : Mentzer et al. (2001)

Pour bien comprendre les évolutions des dernières années, rappelons que la

logistique, jusqu’aux années 1970, privilégiait les techniques liées au traitement

physique des flux de marchandises (gestion des stocks, optimisation des tournées de

livraison, calcul d’ordonnancement). Depuis une vingtaine d’années, ses missions se

sont considérablement élargies. Aux flux physiques se sont rajoutés les flux

d’informations associés. La fonction logistique s’étend désormais de la conception du

système industriel et logistique – nécessaire à la fabrication, à la distribution, au

soutien après-vente et au retrait des produits en fin de vie – au pilotage et à

l’optimisation des flux d’approvisionnement, de production, de distribution, de soutien

et de logistique inverse.

De la même manière, on notera que les indicateurs de performance sont

passés d'une philosophie de gestion centrée sur la performance locale à une 2 AFNOR, NF X 50-600, Logistique – fonction et démarche logistiques, AFNOR, 2005

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philosophie de gestion globale de la supply chain comme levier de création de valeur

pour l’ensemble des parties prenantes.

Sous l’impulsion du Supply Chain Management (SCM) – concept apparu au

début des années 1990 et se définissant comme le management intégré du

processus logistique selon un flux coordonné entre les entreprises solidaires de la

même chaîne de valeur –, la logistique a accru son champ d’intervention et ses

capacités de pilotage. Elle bénéficie aujourd’hui de toutes les avancées liées au

développement de l’informatique et surtout, puisqu’il s’agit de traiter une chaîne

d’interfaces, des progrès des technologies de l’information et de la communication.

La logistique est par nature une fonction transversale, pluridisciplinaire,

comptant d’après l’AFNOR pas moins de 25 métiers différents et 600 activités

réparties tout au long de la chaîne de valeur. Elle joue un rôle de premier plan qui

accompagne le quotidien comme les grands projets d’entreprise. Son champ d’action

a augmenté, ses missions se sont diversifiées – elles sont plus complexes

qu’auparavant –, ses compétences ont évolué, de même que la panoplie de ses

méthodes et outils s’est considérablement enrichie. Cette mutation s’est opérée au

cours des 15 dernières années sans qu’elle soit d’ailleurs terminée.

Le Supply Chain Manager a pour mission de piloter la supply chain en fonction

d’un niveau de service fixé aux meilleures conditions économiques et écologiques.

Cet exercice fait appel à des qualités de planificateur, de coordinateur et de

gestionnaire sans oublier le nécessaire effort de pédagogie et de médiation pour

amener tous les acteurs internes et externes à collaborer en dépit des conflits

d’intérêt. Son approche est globale et vise l’intérêt général de l’entreprise et de la

supply chain dans un esprit de collaboration intra et interentreprises.

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3. Situation actuelle

L’industrie fait aujourd’hui face à des problèmes endémiques qu’elle n’a pas réussi à

surmonter malgré les progrès technologiques. Par exemple, faute de maîtrise et de

synchronisation suffisante des flux, on évalue la proportion des ruptures en linéaire à

10 % en moyenne dans les hypermarchés, ce qui correspond à un manque à gagner

estimé à 200 millions d’euro par trimestre3. Paradoxalement, le taux de service des

industriels sur les plates-formes de la distribution est souvent supérieur à 98 %. Le

taux de remplissage des véhicules en transport routier de marchandises – évalué à

60-70 % en moyenne – est également problématique. On estime aujourd’hui que 20

à 25 % des parcours sont effectués à vide et que ce taux passe à 35 % pour le

transport pour compte propre4. Des pratiques individualistes engendrent aussi des

situations préjudiciables allant à l’encontre du développement durable. Par exemple,

la recherche des coûts de production les plus bas dans les pays dits low cost –

dictée par des objectifs de rentabilité à court terme – entraîne une explosion des

coûts logistiques et des émissions de CO2

3 Cf. baromètre ECR France IRI mesurant les ruptures de 61 catégories de produits dans 1449 hypermarchés en France

, ainsi qu’une perte de réactivité pourtant

essentielle pour répondre aux fluctuations de la demande. Evoquons aussi les

pratiques de certains donneurs d’ordres en matière de taux de service dont les

pénalités – pouvant s’élever jusqu’à 25 % de la valeur des produis en cas de retard

de livraison – peuvent décourager toute tentative d’optimisation globale de la chaîne

logistique. L’e-commerce est également mis en cause au niveau du dernier kilomètre

s’avérant coûteux et polluant. De telles pratiques à n’en pas douter ont une incidence

sur le prix des produits, les marges de rentabilité des entreprises et bien entendu sur

l’environnement. La situation est aggravée par le fait que les entreprises n’ont pas

4 PASI S., Chargements moyens, distances et parcours à vide dans le transport routier de marchandises en 2005, Eurostat, 2007

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toutes la même maturité logistique ni les mêmes capacités d’optimisation. Par

exemple, les petites et moyennes entreprises ne disposent généralement pas de la

taille critique, de l’organisation et des outils nécessaires pour optimiser leurs flux.

Dans ce cas, la livraison fréquente de petits lots (commandes atomisées) à des

clients éloignés alourdit considérablement la facture de transport et le bilan carbone.

Parallèlement, les zones urbaines sont saturées et ne permettent plus une

distribution efficace des marchandises faute d’aménagement de hubs logistiques en

nombre suffisant en périphérie des villes. On relève aussi des déséquilibres

fréquents entre l’offre et la demande de transport routier se traduisant par la pénurie

de véhicules sur certains axes à certaines périodes de l’année auxquels il est difficile

de substituer des modes d’acheminement alternatifs. Ajoutons enfin l’insuffisance

d’autoroutes et d’infrastructures maritimes et ferroviaires et le manque

d’harmonisation du transport de marchandises au niveau européen pour comprendre

les difficultés structurelles auxquelles sont confrontés aujourd’hui les acteurs de la

supply chain.

Ce constat inquiétant, mais aussi source d’opportunités pour les entreprises et

l’environnement, appelle une mutation des modèles économiques à tous les niveaux

de la chaîne de valeur vers plus de responsabilité, d’équilibre, de transparence et de

collaboration entre les parties prenantes. Des sauts organisationnels et

technologiques sont indispensables pour réduire significativement les émissions de

CO2, la congestion des routes, les coûts logistiques, ainsi que les ruptures de stock

en linéaire. Le Grenelle de l’Environnement en octobre 2007 a permis de mettre

l’accent sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux des activités

humaines en général, et du transport en particulier. Les conséquences à terme sur

l’organisation de la production, les réseaux de distribution, le stockage et la

circulation des marchandises seront considérables. Pour aider les entreprises à

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relever les défis du développement durable et à traduire leurs objectifs stratégiques

en actions concrètes, la logistique offre quatre leviers essentiels au service de la

croissance économique, du développement social et de la protection de

l’environnement.

4. Les quatre leviers de la logistique durable

La logistique s'étend de bout en bout de la chaîne de valeur où son rôle consiste à

relier les deux pôles de l'économie en synchronisant efficacement et aux meilleures

conditions économiques la chaîne de l'offre avec la demande réelle des

consommateurs, aussi complexe, incertaine et fluctuante soit-elle. Alignée sur la

stratégie de l’entreprise, bien orchestrée et intégrée, elle permet selon la devise de

Christopher (2005) de faire « mieux, plus vite, moins cher et plus proche » pour

l’obtention d’avantages concurrentiels5

- mieux, en livrant des commandes parfaites ;

:

- plus vite, en réduisant les délais et en éliminant les activités inutiles qui

entravent la circulation des flux ;

- moins cher, en réduisant les stocks, les coûts d’exploitation et les coûts de

structure qui alourdissent la chaîne logistique ;

- plus proche, en fidélisant les clients à travers l’offre de services à valeur

ajoutée tels que personnalisation des produits, la réactivité à la

demande, la traçabilité des flux, le suivi de commande via Internet, etc.

Cette vision séduisante est cependant difficile à atteindre. Elle demande une

démarche progressive et de longue haleine, et dépend surtout de la capacité des

entreprises à moderniser leurs méthodes de travail, à intégrer le processus

logistique, à comprimer les coûts et les délais, à mesurer les performances, à

5 CHRISTOPHER M., Supply Chain Management, Créer des réseaux à forte valeur ajoutée, Village Mondial, 2005

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automatiser les échanges d’information (Echanges de Données Informatisés (EDI) et

interfaçage des ERP (progiciels de gestion intégrés)), à coordonner les activités et à

partager des informations, des ressources et des moyens entre partenaires.

L’intégration du développement durable fait émerger deux nouvelles

dimensions – sociale et environnementale. Celles-ci s’ajoutent au défi économique

des supply chain managers qui, notons-le, ne disposent pas encore d’une logistique

compétitive – notamment dans les petites et moyennes entreprises – qu’ils doivent

maintenant intégrer de nouvelles exigences environnementales et sociales. Par

chance, les trois axes à concilier ne sont pas antinomiques – l’économique allant

dans le sens de l’environnemental et du social – bien que cette affirmation reste à

démontrer.

Nous introduisons ici la notion de leviers logistiques faisant le lien entre la

supply chain et les objectifs de développement durable. Ces leviers d’action sont

alignés sur la finalité de la logistique définie par Hesket (1977) : « Répondre à la

demande à un niveau de service fixé à moindre coût » et recoupent également la

devise de Christopher. Au nombre de quatre, les leviers de la logistique durable se

répartissent comme suit :

- la fiabilité logistique ;

- l’efficience logistique ;

- la réactivité logistique ;

- l’éco-logistique.

Loin d’avoir une action limitée, la logistique offre quatre leviers au service du

développement durable. Dans les sections suivantes, nous allons tenter de montrer

comment la logistique peut concilier les attentes des actionnaires, des clients, du

personnel, des citoyens et de l’environnement en étant plus fiable, efficiente, réactive

et soucieuse de la préservation de l’environnement.

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4.1. La fiabilité logistique

Une organisation est dite fiable lorsque la probabilité de remplir sa mission sur une

durée définie correspond à celle spécifiée dans le contrat ou le cahier des charges.

Dans le cas de la logistique, la fiabilité se traduit par la capacité à livrer des

commandes parfaites conformément aux attentes des clients. Symbolisée par un

levier à l’équilibre, la fiabilité logistique recouvre les notions de respect des

engagements de moyen et de résultat par rapport aux spécifications et aux objectifs

prédéfinis. Elle nécessite des ressources, des compétences et des connaissances

fiables et précises tout au long de la chaîne logistique en adéquation avec les

compétences requises. De même, l’information doit être symétrique aux produits. Par

exemple, les fiches-produits doivent correspondre aux produits, ainsi que les stocks

informatiques doivent refléter les inventaires physiques.

Figure 2 : Levier « Fiabilité logistique »

L’application de procédures et l’utilisation d’équipements et de

conditionnements conformes à la réglementation et/ou aux bonnes pratiques pour la

manutention et le transport sécurisés des produits contribuent également à respecter

la qualité et l’intégrité des marchandises comme d’en limiter les impacts sur

l’environnement. Le langage global utilisé par les acteurs de la supply chain, à savoir

les standards internationaux de codification et de marquage des produits et des

unités logistiques, ainsi que les messages EDI, sont également un moyen de

Besoins

Correspondance entre :

Produits

Attentes client

Ressources

Informations

Service client

Etc. Etc.

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produire et d’échanger des informations fiables, précises et complètes. Pour contrer

les risques d’incident et de crise, d’erreur de saisie, d’erreur de réception,

d’étiquetage, de préparation, d’expédition, de facturation, mais aussi les retards de

livraison, les malveillances éventuelles, etc., des programmes de sécurisation des

informations et des flux, des solutions de traçabilité, des outils de suivi en temps réel

des stocks et des flux, des technologies utilisant la radiofréquence pour la

localisation des produits (RFID) et la géo-localisation des véhicules, ainsi que des

systèmes de Supply Chain Event Management (SCEM) et de mutualisation des

risques sont déjà à l’œuvre.

Les mesures de fiabilité logistique aux différents stades de la supply chain

portent principalement sur le taux de service client, le taux de service des

prestataires logistiques et le taux de service fournisseur, ainsi que sur la qualité des

fiches-produits, la précision des stocks, des nomenclatures et des gammes, le taux

de non-conformité, le taux d’obsolescence, la fiabilité des prévisions de vente, le taux

de respect des plannings de production, le taux de respect des procédures, le taux

d’incident, le taux d’absentéisme, la formation du personnel, la certification des

compétences, le nombre de contrats d’assurance, etc. Les enjeux pour les parties

prenantes se chiffrent en économies financières, de temps, de ressources et en

qualité d’image. La stricte application des procédures et des règlements permet de

réduire les risques de défaillance pouvant être préjudiciables notamment dans le cas

du stockage, de la manutention, du transport et de l’utilisation de matières

périssables et/ou dangereuses. « Livrer le bon produit au bon endroit au bon moment

du premier coup dans le respect des spécifications » permet aussi de réduire les

surcoûts et les pollutions liés au retard ou au redoublement des livraisons. Aucune

étude chiffrant le coût de la non-fiabilité dans la supply chain n’existe à ce jour, mais

nous pouvons d’ores et déjà affirmer que celui-ci est considérable. Enfin, la fiabilité

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des opérations ne se limite pas à un levier de réduction des coûts et des nuisances ;

elle représente aussi un levier d’accroissement du volume d’affaires lié à la

satisfaction et à la fidélisation des clients. Ce point est particulièrement important

dans un contexte économique marqué par la crise du pouvoir d’achat et l’hyper

concurrence.

4.2. L’efficience logistique

L'efficience est le rapport « Efficacité / Coût ». Elle désigne le fait de réaliser un

objectif avec le minimum de moyens engagés possibles. Elle ne doit pas se

confondre avec l'efficacité qui ne mesure que l'atteinte d’un objectif sans précision

des moyens utilisés. Les principes de l'efficience industrielle et logistique font appel

aux économies d’échelle, à la standardisation des produits et des process, à

l’automatisation des opérations, à l’amélioration de la visibilité, à l’organisation en

flux, aux systèmes tirés par la demande, à l’optimisation des ressources, à la

mutualisation de moyens logistiques et d’applications informatiques, à la mise en

commun d’une fonction d’entreprise (par exemple : gestion des commandes,

élaboration des prévisions de vente, pilotage des flux, etc.) et à la collaboration

interentreprises. Ils recourent également aux techniques de Qualité Totale pour la

rationalisation des produits et des processus, la réduction des coûts et l’élimination

systématique des gaspillages dans une démarche d’amélioration continue (démarche

lean, kaizen, etc.). On représente l’efficience logistique par un bras de levier

démultipliant l’effort fourni pour l’obtention d’un résultat optimal.

Être efficient, c'est être efficace en faisant une bonne utilisation des ressources

(humaines, informationnelles, matérielles, financières, etc.) avec un impact positif sur

la rentabilité et la trésorerie des entreprises et sur l’environnement dès lors que la

consommation des ressources est minimisée.

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Figure 3 : Levier « Efficience logistique »

La recherche de leviers d’optimisation internes est une première étape. Celle-ci

consiste par exemple à définir la politique de stock et de service par segment de

produits/marché et à dimensionner des variables clés telles que les tailles de

commande, les lots de fabrication, les stocks de sécurité et les fréquence de

lancement/livraison en fonction des exigences des clients et des compromis

économiques et environnementaux à trouver. Les répercutions sur la baisse des

stocks et des coûts de transport à qualité de service égale sont généralement

spectaculaires. Dans une approche systémique, « le tout étant plus important que la

somme des parties », les acteurs de la supply chain cherchent à aller plus loin pour

l’obtention d’optimisations globales supérieures à la somme des optimisations

locales. Celles-ci nécessitent une collaboration entre les partenaires économiques.

D’abord appliquée au développement des produits dans les industries automobiles et

aéronautiques (ingénierie simultanée), la pratique de la collaboration interentreprises

a fait son apparition en logistique dans le milieu des années 1990 avec la Gestion

Partagée des Approvisionnements (GPA) dans le secteur des produits de grande

consommation. Véritable processus collaboratif interentreprises, ce modèle de

gestion révolutionnaire a permis de réduire de 50 % les stocks dans les entrepôts

des distributeurs et de diminuer significativement les coûts de transport par la

maximisation du remplissage des véhicules tout en garantissant un taux de service

Economies d’échelle, réduction de l’incertitude et des gaspillages, optimisation des ressources, mutualisation, collaboration interentreprises

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supérieur à 98,5 % de la part des industriels. Il a été complété en 1999 par le CPFR

(Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment)6 désignant une technique

de collaboration client-fournisseur sur les plans commerciaux, les promotions et les

prévisions de vente. Cherchant désormais à s’étendre dans le tissu industriel, les

techniques de gestion collaborative de la supply chain s’adressent à un nombre

croissant d’acteurs tels que les transporteurs, les entrepositaires et les petites et

moyennes industries à travers la mise en œuvre conjointe de techniques de

mutualisation des approvisionnements et des livraisons. Ces approches sont

nouvelles pour la plupart des entreprises qui accusent un certain retard dans leurs

modes de fonctionnement et les investissements technologiques. Cependant, elles

représentent les leviers de l’efficience globale capables de réduire à un niveau

jamais atteint les stocks, les coûts de transport, le nombre de tonnes-kilomètres et

les émissions de CO2

Les mesures d’efficience font appel à différents indicateurs de performance

principalement basés sur les coûts. On trouve par exemple le taux de possession de

stock, la rentabilité des produits, le résultat d’exploitation, la valeur économique

ajoutée, etc., ainsi que les variables liées à la productivité, au lissage de l’activité, à

la visibilité de la demande, à la taille des commandes, au délai et à la fréquence de

dans l’environnement sans nuire à la fiabilité, c’est-à-dire au

service client. Elles ont assurément un impact sur le compte d’exploitation

et la croissance du chiffre d’affaires. Par exemple, en optimisant les stocks

dans la supply chain, les entreprises peuvent réduire leurs immobilisations et

augmenter d’autant leur trésorerie pour financer la croissance, diminuant du même

coup le recours aux banques. Il en est de même pour l’entreposage et le transport

que la mutualisation permet d’optimiser.

6 Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment Voluntary Guidelines ; Roadmap to CPFR, VICS, 1999

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livraison, au remplissage des véhicules, au taux de palettes hétérogènes, aux

barèmes quantitatifs, aux taux horaires, etc.

4.3. La réactivité logistique

Une entreprise réactive est dotée de moyens flexibles qui, s'ils sont assez légers, lui

permettent d'être agile. La réactivité est la capacité d’adapter rapidement les

volumes de production et la variété des produits aux fluctuations de la demande,

ainsi que d‘accélérer la mise sur le marché d’un nouveau produit. Dans une optique

d’agilité, c’est la flexibilité et l’adaptabilité des processus, des ressources, des

organisations et des chaînes logistiques qui sont recherchées pour faire face à des

environnements instables, turbulents, incertains et risqués, ainsi qu’à des

opportunités de marché. L’une des clés de la réactivité est la réduction systématique

des délais de conception, d’approvisionnement, de fabrication, de changement de

série (SMED) et de distribution face aux évolutions de la demande. Pour les produits

hybrides (mi-génériques, mi-personnalisés), la différenciation retardée est une autre

technique qui permet la personnalisation de masse en offrant plus de variété au

client pour un coût total inférieur. Cette stratégie consiste à profiter des avantages de

la standardisation en termes de réduction des coûts (production à bas coût des

composants et des modules génériques, stocks génériques plus flexibles, prévisions

génériques plus fiables) tout en maximisant l’offre commerciale par la

personnalisation des produits sur le marché local. Les indicateurs de réactivité font

typiquement référence au time-to-market, au time-to-volume, à la rotation des stocks,

à la vitesse d’écoulement des produits, au ratio de tension des flux, aux temps de

cycle, de transit, d’attente, d’indisponibilité, etc., aux tailles de lot, au cycle order-to-

cash, au cycle cash-to-cash, etc. Les différentes stratégies basées sur le temps

offrent également des perspectives de développement durable en permettant aux

industries locales d’être plus réactives tout en maintenant moins de stock pour

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satisfaire une demande plus difficile à prévoir. En répondant mieux, plus vite et moins

cher à la demande, le chiffre d’affaires, la rentabilité et le fonds de roulement

augmentent tandis que les impacts sur l’environnement s’en trouvent diminués,

notamment au niveau des surstocks et des produits obsolètes à recycler. Pour

illustrer la réactivité logistique, nous représentons un levier flexible capable de

répondre aux-à-coups de la demande, comme l’illustre la figure 4.

Figure 4 : Levier « Réactivité logistique »

4.4. L’éco-logistique

Selon Martinet et Reynaud (2000), « les entreprises sont amenées à internaliser une

part des coûts d’environnement et des coûts sociaux qu’elles auraient [auparavant]

rejetés à l’extérieur. La prise en compte du développement durable devient alors un

élément de différenciation »7

7 REYNAUD E., Développement durable et entreprise : vers une relation symbiotique ?, CNRS, 2003

. Aujourd’hui, l’application de plusieurs programmes de

développement durable est possible tels que la certification ISO 14001 concernant le

management environnemental, l’utilisation d’énergies renouvelables, la réduction de

la consommation d’eau, le tri et le recyclage des emballages (programme Eco-

Emballages), l’aménagement du territoire grâce notamment au développement des

produits du terroir, le développement du commerce équitable, l’intégration de

travailleurs sociaux, etc. Mais ces projets doivent être équilibrés avec la recherche de

performances économiques et financières pour perdurer et se développer.

Agilité, flexibilité, vitesse de réaction

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Au plan de la logistique durable, les programmes concernent plus

spécifiquement la formation des chauffeurs à l’éco-conduite, l’utilisation de modes de

propulsion hybrides, la mutualisation des entrepôts et du transport ou le

développement du transport multimodal combinant la route, le fer, le fluvial, l’aérien

et le maritime pour réduire la consommation énergétique, les émissions de gaz à

effet de serre et la congestion des axes routiers. La limitation des emballages et

l’augmentation du taux de recyclabilité des produits représentent également des

mesures concrètes pour réduire l’empreinte environnementale des marchandises. À

ce titre, la logistique inverse permet la collecte, le tri, le démantèlement et la

récupération de valeur des produits usagés. D’autres axes concernent la certification

des plates-formes et des bâtiments logistiques selon la démarche HQE (Haute

Qualité Environnementale) promue par l’association AFILOG en France. Existant

sous d’autres formes dans différents pays d’Europe, cette norme passe en revue

différents critères tels que l’impact des flux sur l’environnement immédiat, le recours

au transport combiné, la consommation d’énergie des bureaux et des entrepôts, la

gestion de l’eau (réduction de l’imperméabilisation de la parcelle, traitement paysager

des bassins, économie d’eau pour les systèmes d’extinction incendie, etc.), le

traitement des matières dangereuses, la qualité sanitaire de l’air et les conditions de

travail. Enfin, les métiers de la logistique offrent un gisement d’emploi important.

Selon une étude du Centre d’analyse stratégique, la profession dans son ensemble

proposerait quelque 700.000 nouveaux postes entre 2005 and 2015 sur un total de 2

millions d’emplois dédiés aux activités de la logistique en France8

Compte tenu de son approche tournée vers les objectifs sociaux et

environnementaux alliés aux performances économiques, le levier éco-logistique est

.

8 Centre d’Analyse Stratégique, Les Métiers en 2015, DARES, 2007, p. 123/179

Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 19

représenté par une boucle vertueuse associant les trois piliers du développement

durable appliqués à la logistique (figure 5).

Figure 5 : Levier « Eco-logistique »

La mesure de la performance éco-logistique utilise potentiellement plusieurs

indicateurs tels que la consommation d’énergie, le nombre de tonnes-kilomètres, le

nombre de tonnes de CO2

Combiné aux trois leviers de fiabilité, d’efficience et de réactivité logistique –

sources d’avantages économiques, sociaux et environnementaux –, le levier éco-

logistique renforce la contribution de la supply chain aux aspects sociaux et

environnementaux du développement durable.

émis par les plates-formes logistiques et le transport

(selon le poids transporté, le mode utilisé et la distance parcourue), la part des

modes de transport alternatifs à la route, le taux de congestion du trafic , etc.

La maîtrise des quatre leviers logistiques est le garant d’un service client

optimum sans rupture ni surstock aux meilleures conditions économiques, sociales et

environnementales. Toute la question réside désormais dans la capacité des acteurs

de la supply chain, en particulier des petites et moyennes entreprises, à mettre en

œuvre ces leviers et à les actionner en résonnance avec l’ensemble des partenaires

pour l’obtention d’effets de levier significatifs sur le développement durable.

Economique Environnemental

Social

Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 20

5. Vers une chaîne logistique durable

Suite à la révision de la Stratégie européenne de développement durable en 2006,

les Etats membres ont réaffiché leur volonté de favoriser le transport durable par une

série de mesures concernant :

- les comportements ;

- la politique de développement de l’inter-modalité ;

- l’aménagement des infrastructures ;

- la tarification et la gestion des infrastructures ;

- les améliorations technologiques.

Le guide édité par la Commission européenne en 2007 met notamment en

avant le programme Marco Polo9

9 European Commission, A Sustainable future in our hands ; Guide to the EU’s sustainable development strategy, European Communities, 2007

qui vise à encourager l’utilisation du transport

combiné et à développer des chaînes de transport plus efficientes et durables. Celui-

ci a pour objet de lutter contre la congestion, la dégradation de l'environnement, les

accidents et le danger d'une perte de compétitivité pour l'industrie européenne qui a

besoin de s'appuyer sur des systèmes de transport rentables et fiables pour la

gestion de ses chaînes d'approvisionnement. Or les prévisions en matière

d'accroissement du fret routier en 2013 dépassent 60 % dans l'Union européenne, et

un doublement est prévu pour les dix nouveaux États membres en 2020. Dans ce

contexte, un recours plus fort à l'inter-modalité est nécessaire. Il contribue à une

meilleure utilisation des infrastructures existantes et des ressources de service grâce

à l'intégration du transport maritime à courte distance, du rail et du transport fluvial

dans la chaîne logistique. Les autoroutes de la mer en sont l’illustration avec le

lancement en 2009 de la liaison maritime entre la côte atlantique française (Nantes)

et le nord de l'Espagne (Gijón).

Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 21

D’autres initiatives en faveur d’une logistique orientée vers les exigences du

développement durable sont prises. Par exemple, dans le secteur des produits de

grande consommation, le Global Commerce Initiative (GCI) a défini les changements

clés à opérer en vue de la future supply chain 201610

- la logistique du point de vente : inclut la visibilité de la demande, la

disponibilité des produits en linéaire, l’interaction avec le consommateur ;

. Sept domaines d’amélioration

ont été identifiés au niveau de :

- la distribution collaborative : inclut les transports, les entrepôts et les

infrastructures mutualisés ;

- la logistique inverse : inclut le recyclage des produits, des emballages et des

actifs ;

- la gestion collaborative de la demande : planification, exécution et contrôle

conjoints ;

- l’identification et le marquage des produits ;

- des actifs efficients : formes alternatives d’énergie, véhicules hybrides,

bâtiments HQE ;

- des business plans et tableaux de bord partagés.

Dans cette perspective, les acteurs de la supply chain sont appelés à jouer leur

rôle pour accomplir les changements qui recouvrent pour partie des challenges

existants, mais aussi de nouveaux défis liés au développement durable. Selon les

estimations du GCI, « l’impact global de la reconfiguration de la supply chain peut

permettre de réduire les coûts de transport de plus de 30 % par palette, les coûts de

manutention de 20 % par palette, les délais de 40 % et les émissions de CO2

10 Future Supply Chain 2016, Serving consumers in a sustainable way, Global Commerce Initiative, Cap Gemini, 2008

de

25 % tout en améliorant le taux de service en linéaire. Ceci n’inclut pas les

Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 22

économies d’énergie provenant de l’utilisation d’infrastructures plus efficientes telles

que les bâtiments HQE et les véhicules moins énergivores ». Ces améliorations

passent par la maximisation des chargements, la réduction des trajets à vide, la

formation des chauffeurs à l’éco-conduite, le renouvellement des parcs de véhicules

et les transferts du fret routier vers le combiné. Outre les innovations éco-

technologiques, la collaboration entre les acteurs de la supply chain est la condition

sine qua non pour la réussite de ce programme. Alors que la collaboration client-

fournisseur se développe avec succès depuis une quinzaine d’années sous

l’impulsion combinée des organisations ECR (Efficient Consumer Response), VICS

(Voluntary Interindustry Commerce Solutions) et GS1 selon différents modèles (GPA,

CPFR, massification des flux, mutualisation du transport, traçabilité des flux, etc.),

elle doit être renforcée et désormais englober les transporteurs, les entrepositaires et

les petites et moyennes industries jusqu’alors non intégrés en général dans ce type

de démarche. Pour ce faire, le partage en temps réel des informations et notamment

des données de vente (sorties-caisses ou données de consommation) selon des

formats standardisés doit se généraliser entre les fournisseurs, les industriels, les

prestataires logistiques et les distributeurs. Cette évolution a pour objet d’améliorer la

visibilité de la demande et des événements dans la supply chain en vue de limiter les

ruptures et de mieux optimiser l’emploi des ressources. Afin de réduire les stocks, les

coûts de transport et les émissions de CO2, l’émergence d’entrepôts et de hubs

mutualisés – sur lesquels les flux en provenance de plusieurs industriels et de

plusieurs distributeurs pourront être massifiés et éclatés avant d’être distribués de

façon optimale aux consommateurs (dans des magasins de proximité, des relais ou

par des livraisons à domicile via des moyens mutualisés) – révolutionnera la manière

dont la supply chain fonctionne aujourd’hui. Selon le Global Commerce Initiative, une

mutation complète de la structure et de l’articulation de la supply chain doit être

Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 23

anticipée et préparée par les acteurs de la chaîne de valeur. Elle est d’ailleurs en

marche. Pour autant, les entreprises ne sont pas démunies. Plusieurs technologies

et outils de support sont aujourd’hui disponibles tels que les standards globaux de

communication (codes-à-barres, RFID, EDI), les solutions de Supply Chain

Management, les outils de traçabilité des flux, l’optimisation des unités d’expédition,

des emballages secondaires et tertiaires, etc. Le véritable challenge est ailleurs : il

consiste à adopter à l’unisson de « nouveaux modèles de collaboration dans la

supply chain incluant la gestion des investissements, des capacités de production,

des ressources humaines, des performances, des rétributions, des conditions de

travail, etc. »11

. Pour ce faire, le principal facteur clé de succès est de convaincre des

dizaines de milliers de petites et moyennes entreprises de rejoindre la supply chain

du futur afin d’obtenir la masse critique nécessaire à la diminution de 20 à 40 % de

l’impact des activités de la supply chain sur l’environnement. Bien entendu, cet

objectif doit être concilié avec les impératifs de croissance économique et de partage

des gains entre les acteurs tout en soutenant le pouvoir d’achat et le développement

des territoires.

11 Future Supply Chain 2016, Serving consumers in a sustainable way, Global Commerce Initiative, Cap Gemini, 2008

Revue Française de Gestion Industrielle, Vol. 29, n°1, 2010 24

6. Conclusion

Représentant une fonction essentielle dans les échanges commerciaux, la logistique

est un système complexe composé d’une multitude d’acteurs et d’interrelations entre

les fournisseurs, les industriels, les prestataires logistiques et les distributeurs

chargés de délivrer au consommateur final le produit et/ou le service demandé aux

meilleures conditions économiques, sociales et environnementales. Dans le même

temps, son impact sur l’environnement est important compte tenu des nombreuses

nuisances générées par le transport routier – principal mode de livraison aujourd’hui

utilisé.

Dans cet article, nous avons rapporté les principales initiatives lancées en

Europe de manière que les systèmes logistiques rencontrent les besoins socio-

économiques et environnementaux des territoires tout en réduisant les impacts

négatifs du transport routier. Mais le défi le plus important semble venir de la difficulté

à faire collaborer l’ensemble des acteurs de la supply chain sur les trois volets du

développement durable. Pour les aider à travailler ensemble, nous avons rappelé la

finalité de la logistique dite moderne et souligné l’existence de quatre leviers

logistiques vecteurs de performance individuelle, conjointe et collective. Pris

individuellement, les leviers permettent d’améliorer la fiabilité, l’efficience, la réactivité

et les relations de l’entreprise avec l’environnement. Mis en œuvre collectivement, ils

s’avèrent être de puissants relais de performance au service de la croissance

économique, du développement social et de la protection de l’environnement.

Finalement, on remarque que les aspects économiques, sociaux et

environnementaux de la logistique sont indissociables et participent tous trois à

l’émergence de cette fonction stratégique au service du développement durable en

complément des solutions durables d’éco-conception, d’éco-industrialisation et d’éco-

production utilisées dans l’industrie.