Les protagonistes tamouls du conflit

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Sri Lanka: Les protagonistes tamouls du con- flit Papier thématique Helena Lisibach Décembre 2007

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Sri Lanka:Les protagonistes tamouls du con-flitPapier thématique

Helena Lisibach

Décembre 2007

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A propos de l’auteur:

Helena Lisibach a terminé en 2007 des études bachelor d’ethnologie (Major) et de droit pu-

blic (Minor), à l’Université de Berne. De juillet à décembre 2007, elle a suivi un stage à la

section analyse pays de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés.

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AUTEUR Helena Lisibach

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COPYRIGHT © 2007 Organisation suisse d’aide aux réfugiés, Berne.Copies et impression autor isées sous mention de la source.

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Sommaire

1 Préambule ................................................................................................... 1

2 Le Mouvement des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) ........... 2

2.1 Aperçu général .................................................................................... 2

2.2 L’aile politique et administrative des LTTE............................................ 32.2.1 Organisation De Réhabilitation Tamoule (ORT) ......................... 52.2.2 L’Etat dans l’Etat ...................................................................... 52.2.3 L’Alliance nationale tamoule (ANT) ........................................... 6

2.3 L’aile militaire des LTTE....................................................................... 72.3.1 Les Sea Tigers ......................................................................... 82.3.2 Les Air Tigers ........................................................................... 82.3.3 Les Black Tigers ....................................................................... 82.3.4 Tiger Organization Security Intelligence Service (TOSIS) .......... 9

2.4 Les violations des droits humains commises par les LTTE .................. 102.4.1 Groupements et personnes d’origine tamoule menacées par les

LTTE ...................................................................................... 11

3 Groupements paramilitaires anti-LTTE..................................................... 12

3.1 Karuna............................................................................................... 123.1.1 Aperçu général ....................................................................... 123.1.2 Tamil Makkal Vidusthalai Pulikal (TMVP)................................. 143.1.3 Collaboration entre le TMVP et les forces de sécurité

srilankaises ............................................................................ 143.1.4 Groupements et personnes d’origine tamoule menacées par le

TMVP ..................................................................................... 153.1.5 La fuite du colonel Karuna en Angleterre; scissions au sein du

groupement Karuna ................................................................ 16

3.2 Eelam People’s Democratic Party (EPDP) .......................................... 173.2.1 Groupements et personnes d’origine tamoule menacées par

l’EPDP ................................................................................... 18

4 Autres groupements tamouls ................................................................... 19

4.1 People’s Liberation Organization of Tamil Eelam (PLOTE) ................. 19

4.2 Tamil Eelam Liberation Organization (TELO) ...................................... 19

4.3 Eelam National Liberation Front or Three Stars (ENDLF) .................... 20

4.4 Eelam People’s Revolutionary Liberation Front (EPRLF) ..................... 21

4.5 Revolutionary Eelam Organization (EROS) ......................................... 22

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1 Préambule

La cause du conflit qui déchire le Sri Lanka depuis 1948 est un désaccord perma-nent de toutes les parties en présence sur l’organisation de l’Etat. La populationsrilankaise est composée d’environ septante-quatre pourcent de Cinghalais boud-dhistes, de quelque dix-huit pourcent de Tamouls hindouistes1 et de huit pourcent deMusulmans2. Après 1956, les Tamouls ont été peu à peu écartés de l’administrationde la majorité cinghalaise jusqu’à l’adoption, en 1972, d’une nouvelle Constitution3

qui en fixait la position prépondérante dans le pays. Une résistance tamoule se mitalors très rapidement en place contre la cinghalisation du Sri Lanka et la discrimina-tion du peuple tamoul. Peu de temps après, elle revendiquait un Etat tamoul indé-pendant.4

Actuellement, l’accord de cessez-le-feu conclu sous l’égide de la Norvège, en 2002,entre le gouvernement srilankais et le Mouvement des Tigres de libération del’Eelam Tamoul (LTTE), est officiellement encore en vigueur. Mais après l’électionde Mahinda Rajapakse à la tête du pays, en 2005, le conflit s’est une nouvelle foisembrasé. Mahinda Rajapakse est issu d’une ligne dure qui a remporté le scrutin enpromettant de ne pas céder à l’exigence d’un Etat autonome revendiqué par la mino-rité tamoule, et de lutter contre les rebelles au moyen de toutes les forces militairesà sa disposition.

Le conflit entre Tamouls n’est pas sans avoir joué un rôle essentiel dans le dé-chaînement des violents affrontements qui ont eu lieu en 2005 et 2006. Depuis lesannées 1980, les LTTE ne cessaient d’affirmer leur rôle dominant et de s’imposercomme le seul porte-parole de l’ensemble de la population tamoule. Dans cette luttede pouvoir, ils se sont attaqués avec brutalité à d’autres groupements tamouls aveccertains desquels ils collaboraient auparavant, et liquidé quasiment tous les cadresmilitaires d’autres mouvements opposants. Depuis lors, les LTTE n’ont plus cesséd’enlever, de torturer et d’assassiner d’innombrables Tamouls qui avaient des opi-nions politiques divergentes. L’accord de cessez-le-feu de 2002 n’a fait en outrequ’envenimer ce conflit entre les différentes factions tamoules. Les LTTE, qui for-ment de facto une sorte d’Etat dans la région de Vanni, se sont vus en effet légiti-més par leur reconnaissance en tant que partenaire à la table des négociations,

1Cf. Université de Hambourg, Arbeitsgemeinschaft Kriegsursachenforschung und ForschungsstelleKriege, Rüstung und Entwicklung, Sri Lanka – Bewaffneter Konflikt / Groupe d’étude sur les causesdes guerres, centre de recherches sur les guerres, l’armement et le développement; Sri Lanka, con-flit armé, 2005. Source:www.sozialwiss.uni-hamburg.de/publish/Ipw/Akuf/kriege/157bk_srilanka.htm.

2Cf.International Crisis Group, Sri Lanka’s Mulims: Cought in the Crossfire, Executive Summary andRecommandations, Mai 2007. Source: www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=4868&l=1.

3La Constitution de 1972 qui avait été élaborée par la nouvelle coalition de gauche, l’United Frontsous la direction du Sri Lanka Freedom Party, a vécu une seconde césure en 1976 avecl’intégration du bouddhisme comme religion d’Etat, laquelle prima dorénavant sur toutes les autresreligions pratiquées dans le pays. C’est ainsi que le Sri Lanka vécut une dégradation des droits desminorités et vit se développer le droit d’hégémonie du nationalisme cinghalais, qui fut égalementfixé au texte de la Constitution. Suedasien.info, Frieden Jetzt / La paix, maintenant, avril 2004,page 6. Source:http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/savifadok/volltexte/2007/69/pdf/nr4_lkfrieden_1.pdf.

4Cf. Université de Hambourg, Groupe d’étude sur les causes des guerres et centre de recherches,idem.

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alors que les groupements anti-LTTE se sont vus complètement marginalisés et te-nus à l’écart du processus de paix.5

Au cours des années qui ont précédé le cessez-le-feu, les LTTE étaient beaucoupplus actifs militairement que politiquement. Avant les élections parlementaires de2001, ils soutenaient la Tamil National Alliance (TNA), union de plusieurs groupe-ments tamouls, déjà établie au Parlement à cette époque. Le résultat ne fut de loinpas une démocratisation de la représentation tamoule, bien au contraire. La TNA sevit bientôt contrainte de suivre la ligne politique des LTTE; il était donc évident queces derniers allaient continuer de se considérer comme les seuls représentants desdroits et des intérêts de la population tamoule.6

Le groupe de Karuna,7 qui s’était séparé en 2004 des LTTE, a largement contribuéà leur affaiblissement dans les régions de l’est du Sri Lanka. On sait aujourd’hui quece groupe s’est plus ou moins associé au gouvernement, de même que l’Eelam’sPeople’s Democratic Party8 (EPDP) qui coopère également avec l’Etat et lutte contreles LTTE. Pendant toute la durée du cessez-le-feu, la persistance des actes de vio-lence commis par les LTTE n’a pas réellement incité les autres mouvements sépara-tistes tamouls à rendre les armes et à limiter leurs activités au seul plan politique.D’après l’International Crisis Group, tous ces groupes auraient dû être intégrés auprocessus de réconciliation si on avait voulu éviter qu’un accord avec les LTTE neles autorise à opprimer tous les autres mouvements tamouls et par conséquent, àprovoquer de nouveaux conflits entre factions.9

2 Le Mouvement des Tigres de libération del’Eelam Tamoul (LTTE)

2.1 Aperçu général

Les LTTE se sont constitués en mai 1976. Ils sont issus de la section jeunesse desTamil New Tigers (TNT), aujourd’hui menés par Vellupillai Prabhakaran. Leur ob-jectif est de créer un Etat tamoul indépendant dans les districts nord et est du pays,soit Jaffna, Kilinochchi, Mullaitivu, Batticaloa, Trincomalee et Ampara.10 Les LTTEsont divisés en deux fractions, l’aile politico-administrative et l’aile militaire, la pre-mière étant clairement subordonnée à la seconde. Environ deux tiers des membresdu mouvement font partie de l’aile militaire, seul un tiers de l’aile politique. Sous

5International Crisis Group, Sri Lanka: The Failure of the Peace Process, novembre 2006, page 13 f.Source: www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=4523.

6International Crisis Group, novembre 2006, idem, page 14.

7Cf. chapitre 3.1 sur la division du groupe de Karuna et des LTTE.

8Cf. chapitre 3.2 sur l’EPDP.

9International Crisis Group, novembre 2006, idem: «Tamil democrats have also had little opportunityto speak in favour of both peace and a democratic solution. Eventually, such groups must be part ofa process of reconciliation within the Tamil polity. Otherwise, the only outcome of a political settle-ment with the LTTE might be violent reprisals among rival Tamil parties or the development of semitotalitarian regime in the north east.»

10International Strategic Studies Association, Defense & Foreign Affairs Special Analysis, Terrorist;Insurgancy Group Record, juillet 2007. Source: LexisNexis.

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l’autorité de Vellupillai Prabhakaran, un comité central surveille l’ensemble de leursactivités.11

Les combattants des LTTE doivent prêter serment, jurer fidélité et sacrifice à lacause et à son dirigeant. Lors de leur prestation de serment, ils renoncent à leuridentité civile et prennent un nom de guerre. Ils ne perçoivent aucune solde et leuravancement dans la hiérarchie ne dépend pas de leur âge mais de leurs actes. Lescombattants sont contraints de mener une vie extrêmement disciplinée. Tous reçoi-vent une capsule de cyanure et s’engagent, s’ils sont arrêtés, à la prendre et à mou-rir pour ne pas devoir dévoiler ce qu’ils savent sur le mouvement. Depuis 1997, ilexiste une règle non écrite selon laquelle chaque famille doit donner un enfant à lasection militaire du mouvement. Et selon une autre disposition datant de 1999, toutepersonne qui a combattu dans les LTTE n’a plus le droit de les quitter. Tous ceuxqui s’en étaient séparés avant 1999 ont souvent été recrutés une nouvelle fois.12

Le 8 octobre 1997, l’US Department of State a interdit les LTT en les qualifiantd’organisation terroriste étrangère, puis le 2 novembre 2001, d’organisation terro-riste mondiale.13 En avril 2006, le Canada,14 puis en mai de la même année, l’Unioneuropéenne (UE)15 ont condamné le mouvement avec effet immédiat, le qualifiantégalement d’organisation terroriste. Cette désignation officielle de l’UE, et par con-séquent sa délégitimation en qualité de cosignataire de l’accord de cessez-le-feu de2002, est considérée comme l’un des facteurs ayant contribué à l’échec du proces-sus de paix.16

2.2 L’aile politique et administrative des LTTE

Les deux tâches principales de l’aile politique des LTTE sont la propagande interna-tionale et l’administration de l’organisation. Les cadres sont généralement d’ancienscombattants. Le siège de l’administration se trouve à Kilinochchi.17

Après la mort, en décembre 2006, d’un premier personnage important des LTTE,Anton Balasingam, conseiller politique de longue date, c’est maintenant S.P. Tha-milchelvan, autre puissant représentant de l’organisation, qui est décédé le 2 no-vembre 2007 au cours d’une attaque aérienne de l’armée de l’air srilankaise. Diri-geant de l’aile politique jusqu’à récemment, il était par conséquent numéro deux desLTTE après Vellupillai Prabhakaran. S.P. Thamilchelvan était très connu par sa pré-sence dans les médias. Il donnait des interviews et participait aux négociations de

11Commission des Recours des Refugiés, Sommaire Sri-Lanka, mai 2006, page 50. Source:www.commission-refugies.fr/IMG/pdf/Sri_Lanka.pdf.

12Commission des Recours des Refugies, idem, page 53.

13TamilNet, USA frieren TRO-Gelder ein / Les USA gèlent les fonds de la Tamil Rehabilitation Orga-nisation, 15. novembre 2007. Source: www.tamilnet.de/art.html?catid=13&artid=23782.

14Public Safety Canada, Canada's new government lists the LTTE as a terrorist organization, avril2006. Source: www.publicsafety.gc.ca/media/nr/2006/nr20060410-en.asp.

15Bulletin EU 5-2006, Espace de liberté, de sécurité et de justice (6/10), Lutte contre le terrorisme,mai 2006. Source: http://europa.eu/bulletin/de/200605/p119006.htm.

16Frieden in Sri Lanka, Der Krieg in Sri Lanka – und die Verantwortung der EU unter der deutschenPräsidentschaft / La paix au Sri Lanka, la guerre au Sri Lanka et la responsabilité de l’UE sous laprésidence allemande. Source:www.friedenfuersrilanka.de/index.php?option=com_content&task=view&id=13&Itemid=1.

17Commission des Recours des Refugies, idem, page 50. Source:www.commission-refugies.fr/IMG/pdf/Sri_Lanka.pdf.

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cessez-le-feu et de paix. Ce décès illustre une fois de plus que l’objectif déclarédu gouvernement srilankais est la destruction des organes dirigeants desLTTE. Avec l’assassinat de S.P. Thamilchelvan, c’est bien une tête de l’organisationqu’on a fait tomber.18 Il a récemment été remplacé par P. Nadesan, chef de la policedes territoires contrôlés par le LTTE, dans le nord de l'île.19 Il continuera d’ailleurs àoccuper cette fonction pour l’ensemble de la région de Vanni.20

Les LTTE veulent un Etat indépendant et leur message est clair: une cohabitationpacifique entre Cinghalais et Tamouls est impossible au sein d’une même nation.Les Tamouls étant perpétuellement victimes de discriminations et d’oppression de lapart des Cinghalais, ils ont tout simplement besoin de leur propre Etat. Cette décla-ration de l’organisation est diffusée partout au Sri Lanka, mais aussi dans cin-quante-quatre autres pays où les LTTE ont des bureaux. Au Sri Lanka, le mouve-ment dispose d’un réseau de propagande très étendu, auquel appartiennent égale-ment quelques éditeurs de presse et plusieurs stations de radio et de télévision.Dans la région de Vanni, le Département culturel des LTTE oblige toutes les écolesà participer aux préparations des fêtes et manifestations qu’ils organisent, et à célé-brer ainsi la lutte pour l’indépendance des Tamouls. Le travail de propagande dansles écoles est effectué par la section jeunesse de la Students’ Organisation of theLiberation Tigers (SOLT). La SOLT recrute en outre la plupart des combattants dumouvement.21

La propagande internationale est assurée par des organisations comme la Interna-tional Federation of Tamils (IFT) avec siège à Genève, la Fédération française desassociations tamoules, le World Tamil Mouvement (WTM), la World Tamil Associa-tion (WTA), et bien d’autres encore.22 Les LTTE disposent en outre de sites internettrès bien documentés. La station de radio officielle des LTTE, Voice of Tigers (VoT),qui se trouve à proximité de Kilinochchi, a été entièrement détruite le 27 novembre2007 par un raid aérien des Sri Lankan Air Force (SLAF). Cette attaque a causé lamort de huit civils et de trois employés de la station. Quinze personnes ont en outreété blessées. Il y a un an, le 17 octobre 2006, les SLAF avaient déjà bombardé unepremière fois l’émetteur principal de la station.23

Dans leur lutte pour l’indépendance, les LTTE ont sans cesse besoin de beaucoupd’argent. Le financement du mouvement est assuré par des collectes auprès de lapopulation tamoule, au Sri Lanka, mais aussi par l’importante diaspora qui s’est ins-tallée en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie pendant la guerre civileet dont les contributions sont aujourd’hui vitales. Certains de ses membres envoientdes fonds de leur plein gré aux LTTE, mais on sait que le mouvement exerce aussides pressions et la contrainte pour obtenir de l’argent. Ceux qui refusent de payer

18Tages-Anzeiger, Die Tamil Tigers verlieren ihr «Gesicht» / Les Tigres tamouls perdent la face,3 novembre 2007.

19Tamilnet.com, Thamilchelvan laid to rest, 25 000 attend funeral, 5 novembre 2007. Source:www.tamilnet.com/art.html?catid=13&artid=23689.

20BBC News, Tamil Rebels vow to strike back, 4 novembre 2007. Source:http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/7076288.stm.

21Commission des Recours des Refugies, idem, page 50 ff.

22Commission des Recours des Refugies, idem, page 50.

23Tamilnet.com, SLAF bombs VoT radio station in Vanni, 11 killed, 15 wounded, 27 novembre 2007.Source: www.tamilnet.com/art.html?catid=13&artid=23871.

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voient les membres de leur famille restés au Sri Lanka menacés, voire même agres-sés.24

2.2.1 Organisation De Réhabilitation Tamoule (ORT)

Depuis février 2002, l’Organisation De Réhabilitation Tamoule (ORT) surveille toutesles mesures de reconstruction et de réhabilitation dans les régions contrôlées parles LTTE. Elle avait élaboré quelques projets en faveur de la protection des enfantstouchés par la guerre, projets soutenus par la Banque Mondiale et l’UNICEF, qui aessuyé de vives critiques sur ce point.25 Au cours des dernières années,l’Organisation De Réhabilitation Tamoule a été régulièrement soupçonnée d’avoirdétourné des fonds humanitaires pour soutenir les activités militaires des LTTE etcontribuer ainsi à leur fournir des armes.26 C’est pourquoi l’an dernier, le gouverne-ment srilankais a gelé les avoirs bancaires de l’organisation. Le 21 novembre 2007,ses activités ont été officiellement interdites au Sri Lanka. Dr Murugan Vinayaga-murthi, dirigeant d’ORT international, a été arrêté avec son épouse aux Etats-Unis,où il est soupçonné d’avoir transféré des fonds à la marine de guerre des LTTE.27

Depuis mi-novembre 2007, tous les virements bancaires destinés à l’ORT sont blo-qués et ses avoirs gelés aux Etats-Unis. On lui reproche d’avoir agi comme un orga-nisme de front visant à promouvoir la recherche de fonds et la livraison d’armes enfaveur des LTTE.28

2.2.2 L’Etat dans l’Etat

Vers la fin des années 1990, les LTTE ont obtenu quelques victoires militaires quileur ont permis de prendre le contrôle de certains territoires, au nord et à l’est dupays. A ce jour, ils dominent encore la région de Vanni, au nord, où sont situées lesprovinces de Vavuniya, Kilinochchi, Mullaitivu et Mannar. Passer la ligne de démar-cation entre les secteurs contrôlés par le gouvernement srilankais et ceux des LTTEéquivaut à traverser une frontière réelle. Dans la région de Vanni, le parti a de factoconstruit son propre Etat qui coexiste avec les structures du gouvernement srilan-kais. Autrefois, Jaffna était le centre des territoires tamouls. Depuis sa reprise parles forces gouvernementales, c’est maintenant Kilinochchi qui en est devenu le chef-lieu. Dans la région de Vanni, les LTTE ont entre autres mis en place leur propresystème de justice avec des tribunaux de district, une force de police, ainsi qu’unsystème fiscal.29

24Human Rights Watch, Funding the Final War, LTTE Intimidation and Extortion in the Tamil Diaspo-ra, mars 2006, page 10 ff. Source: www.hrw.org/reports/2006/ltte0306/ltte0306web.pdf.

25International Crisis Group, Sri Lanka’s Human Rights Crisis, juin 2007, page 6. Source:www.crisisgroup.org/library/documents/asia/south_asia/135_sri_lanka_s_human_rights_crisis.pdf.

26Commission des Recours des Refugies, idem, page 52.

27Asian Tribune, Sri Lanka bans Tamil Rehabilitation Organization, 22 novembre 2007. Source:www.asiantribune.com/index.php?q=node/8345.

28TamilNet, USA frieren TRO-Gelder ein / Les USA gèlent les fonds de la Tamil Rehabilitation Orga-nisation, 15. novembre 2007. Source: www.tamilnet.de/art.html?catid=13&artid=23782.

29Kristian Stokke, Third World Quarterly, Building the Tamil Eelam State: emerging state institutionsand forms of governance in LTTE-controlled areas in Sri Lanka, vol. 27, No.6, 2006, page 1022 f.

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Mise en place d’un système judiciaire et d’une force de police

En 1994, un code pénal et un code de procédure civile de l’Eelam tamoul ont étéintroduits. Le système judiciaire de l’Eelam tamoul comprend des tribunaux de dis-trict qui traitent des procédures civiles et pénales, ainsi que deux Hautes Cours, àKilinochchi et Mullaitivu, qui s’occupent plus particulièrement des dossiers pourhaute trahison, viol et assassinat. Il existe en outre à Kilinochchi une Cour d’appel,ainsi que la Cour suprême qui agit comme instance absolue.

En 1991, les LTTE ont également mis en place une force de police, active dans tousles territoires qu’ils contrôlent. Son chef est le nouveau leader politique du mouve-ment, B. Nadesan, autrefois policier de l’Etat srilankais et aujourd’hui directementsubordonné aux ordres de Vellupillai Prabhakaran. Au cours de ces dernières an-nées, des postes de police locaux, dont les activités sont cordonnées à Kilinochchi,ont été mis en place dans toute la région de Vanni. Pour développer le sentiment desécurité et de confiance, mais aussi éviter les conflits entre Tamouls, les dirigeantsLTTE attachent une très grande importance à ce que cette police soit proche de lapopulation. Relevons toutefois que nombre de ces policiers ont été victimesd’agressions ou d’attaques par les forces de sécurité srilankaises.30

Régime fiscal

Le régime fiscal des LTTE concerne les régions qui sont placées sous leur contrôle.Toutefois, ils lèvent aussi partiellement des impôts dans les territoires gouverne-mentaux. Avant l’accord de cessez-le-feu, le recouvrement des impôts était secrè-tement effectué, ce qui n’est plus le cas depuis 2002. Les fonctionnaires tamouls,ainsi que les entreprises de services et de production doivent verser chaque moisune partie de leurs gains aux LTTE à titre d’impôt sur le revenu ou sur les entre-prises. Les paysans et les pêcheurs peuvent régler leur dû en espèces, mais aussisous forme de marchandises. Toute personne qui souhaite introduire des biensétrangers dans les territoires LTTE doit également payer une sorte de taxe àl’importation. D’une manière générale, le régime fiscal des LTTE est difficilementcompréhensible et d’ailleurs très controversé. Les termes de «war tax» et de «taxa-tion without representation» sont caractéristiques de l’opacité du système.31

2.2.3 L’Alliance nationale tamoule (ANT)

En 1989, les LTTE avaient fondé le parti politique People’s Front of Liberation Ti-gers (PLFT). Ce parti n’a jamais pris part à un scrutin. Il n’est plus actif non plus.Avec le soutien de l’Alliance nationale tamoule (ANT), les LTTE ont actuellementpour objectif de relancer et de renforcer leur influence politique dans le pays.

En 2001, l’Organisation de libération de l’Eelam tamoul (TELO), le Congrès tamoulde tout le Ceylan (ACTC), le Front uni de Libération tamoul (TULF) et le Front deLibération Révolutionnaire Populaire Eelam (EPRLF, faction Suresh32) sont devenusl’Alliance nationale tamoule (ANT). En 2004, celle-ci a remporté vingt-deux sièges

30Kristian Stokke, Third World Quarterly, idem, page 1027 ff.

31Kristian Stokke, Third World Quarterly, idem, page 1034 ff.

32Cf. chapitre 4.4.

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aux élections législatives.33 L’Alliance suit toutefois clairement la ligne politique desLTTE qu’elle a d’ailleurs reconnus comme seuls représentants légaux de la popula-tion tamoule. La plupart de ses membres n’osent pas s’opposer aux LTTE. Seuleexception, le président du TULF, Veerasingham Anandasangaree, qui lors desélections de 2004, a refusé d’apporter son appui à l’ANT et s’est régulièrement mon-tré très critique à l’égard des LTTE, lesquels ne se sont pas privés de lui envoyerd’innombrables menaces de mort.34 En juin 2007, Veerasingham Anandasangaree aécrit une lettre ouverte à Vellupillai Prabhakaran, dans laquelle il critiquait sa per-sonne et condamnait sévèrement ses actes.35

2.3 L’aile militaire des LTTE

La faction militaire des LTTE est composée d’unités d’infanterie et d’artillerie, dechars, de forces navales (les Sea Tigers) et aériennes (les Air Tigers), d’un com-mando suicide (les Black Tigers) et d’un service de renseignements (TOSIS). Vellu-pillai Prabhakaran est le chef de l’aile militaire, dont le quartier général se trouvedans la jungle du district de Mullaitivu.

Le nombre des soldats est estimé à dix mille. Leur noyau est constitué de trois àquatre mille cadres. Depuis 1987, il y a des enfants dans quasiment toutes les uni-tés et pas seulement dans les babies brigades, contrairement à ce que l’on croitgénéralement. Dans toutes les troupes, il y a des hommes, mais aussi des femmescombattantes, fréquemment appelées Freedom Birds.36

Les LTTE ont perdu plusieurs milliers de combattants lors de la scission du groupede Karuna, en mars 2004, puis entre sept cent et deux mille d’entre eux dans le tsu-nami de décembre de la même année. Ces deux vagues de pertes ont été peu à peucompensées par l’amplification du recrutement des enfants soldats, en particulier lesorphelins du tsunami, que les LTTE ont accueillis dans un premier temps puis for-més à des activités paramilitaires.

En dehors des soldats formés au combat, le fonctionnement des unités militaires estsurtout assuré par de très nombreux bénévoles civils. Dans les territoires contrô-lés, toutes les personnes âgées de plus de treize ans doivent obligatoirement appor-ter leur contribution à lutte pour l’indépendance, c’est-à-dire accomplir un serviceobligatoire, consigné dans un livret que chaque famille doit pouvoir présenter. Lesbénévoles civils sont formés aux interventions d’urgence et doivent effectuer un en-traînement aux stratégies de survie. Ils ont en outre pour tâche des services degarde, la surveillance de certains secteurs, le contrôle des frontières, la constructionde bunkers, le terrassement de tranchées et le transport des blessés. Les mères etles personnes âgées ont surtout pour mission de coudre les uniformes et de prépa-rer des paquets de vivres pour les combattants. Depuis 2005, des troupes dites po-

33Kristian Stokke, Third World Quarterly, page 1036.

34DailyNews, Sri Lankas National Newspaper, Anandasangaree to Prabhakaran: Eelam not feasible,26 juin 2007. Source: www.dailynews.lk/2007/06/26/pol06.asp.

35DailyNews, idem. Dans une lettre ouverte au chef des LTTE, Vellupillai Prabhakaran, Anandasan-garee écrit: «[…] You should be held responsible for the deaths of over 70 thousand people of allfaiths, of all age groups, of both sexes of all communities in Sri Lanka not only at the battle frontbut also in land and claymore mine attacks, hand grenade and bomb attacks and also massacres ofinnocent ones in buses, trains etc. […].»

36Commission des Recours des Refugies, page 52 f.

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pulaires ont également été formées pour mener des attaques contre l’armée et lesforces de police srilankaises. Une de ces troupes porte le nom de High SecurityZone Resident’s Liberation force.37

2.3.1 Les Sea Tigers

L’unité d’hommes des Sea Tigers est menée par Thillayambalam Sivanesan, aliasSoosai, celle des femmes par Makkal Viduthalai. Leur quartier général se trouvedans le district de Mullaitivu, à proximité de Mathalan et Salai (ou Chalai). Les SeaTigers ont perdu une grande partie de leurs effectifs dans le tsunami. Des désac-cords de plus en plus fréquents sont en outre apparus entre le dirigeant de l’unitédes hommes, Soosai, et Vellupillai Prabhakaran.38

2.3.2 Les Air Tigers

Le 26 mars 2007, les Airs Tigers ont lancé leur premier raid sur la base aérienne dugouvernement, à Katunayake, près de Colombo. Trois membres de l’armée de l’airsrilankaise ont perdu la vie dans l’attaque, dix-sept autres ont été blessés. Avec ceraid, les LTTE ont voulu montrer l’accroissement de leur potentiel d’armes deguerre. Ils ont également confirmé des rumeurs qui circulaient depuis longtemps surl’existence d’une force aérienne LTTE. Cette attaque de nuit sur Katunayake a étéleur première intervention militaire aérienne avec les avions qui entraient clandesti-nement sur le territoire srilankais depuis la fin des années 1990.39 Mais elle n’a pasété la dernière. Certains observateurs s’accordent à dire que ces attaques ont don-né une nouvelle dimension à cette guerre civile qui dure depuis vingt ans. Non seu-lement l’accord de cessez-le-feu a été rompu une nouvelle fois, mais les LTTE ontfait la preuve qu’ils sont aussi en mesure de bombarder les forces armées srilan-kaises et de les prendre ainsi par surprise.40

2.3.3 Les Black Tigers

Les Black Tigers sont le redoutable et redouté commando suicide des LTTE. Ils sontplacés sous les ordres du commandant en chef, Vellupillai Prabhakaran et sont ac-tifs dans toutes les unités de l’organisation. Beaucoup de soldats souhaiteraientfaire partie des Black Tigers, mais seul un petit nombre de ces volontaires est admisdans leurs rangs.41 Partant du principe qu’elles peuvent plus facilement s’approcherdes cibles sans être inquiétées, l’organisation forme de préférence les femmes auxattentats suicides. Les attaques des Black Tigers ont généralement lieu en dehorsdes territoires contrôlés par les LTTE. Depuis leur constitution, les Black Tigers ontdéjà commis plus de deux-cent cinquante attentats suicides. Si un de ses membres

37Commission des Recours des Refugies, page 55 f.

38Commission des Recours des Refugies, page 54.

39Tagesschau.de, LTTE-Rebellen greifen erstmals aus der Luft an / Les rebelles LTTE mènent pourla première fois des attaques aériennes, 26 mars 2007. Source:www.tagesschau.de/ausland/meldung46732.html.

40NZZ, Tiger mit Flügeln/ Des Tigres ailés, 1er avril 2007. Source:www.nzz.ch/2007/04/01/al/articlef2a0u_1.136862.html.

41TIME, How Sri Lanka's Rebels Build a Suicide Bomber, 12 mai 2006. Source:www.time.com/time/world/article/0,8599,1193862,00.html.

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survit à une attaque, il a pour consigne d’avaler immédiatement la capsule de cya-nure qu’il a toujours sur lui. Parmi les attentats les plus connus des Black Tigers, oncompte l’assassinat du Premier ministre indien, Rajiv Gandhi, en mai 1991, lemeurtre du Président Ranasinghe Premadasa, en mai 1993, la destruction de laCentral Bank of Sri Lanka, en 1996, et l’attaque du World Trade Center, à Colombo,en 1997.42 Au cours des dernières années, d’autres attentats suicides ont été menéscontre des personnalités politiques srilankaises: en août 2005, le ministre des Af-faires étrangères, Lakshman Kadirgamar, est tombé sous les balles d’un tireurd’élite, probablement membre des LTTE. Le 25 avril 2006, le commandant en chefdes armées, Sarath Fonseka, a été très grièvement blessé au cours d’une attaquequi a également coûté la vie à neuf autres personnes. La kamikaze était parvenue àpénétrer dans le quartier général des forces armées, pourtant placé sous très hautesurveillance.43. Le 1er décembre 2006, le ministre de la Défense, Gotabhaya Raja-pakse (frère du président Mahinde Rajapakse) a été la cible d’un attentat suicidedont il est sorti indemne.44 Le plus récent de tous ces crimes a eu lieu le 28 no-vembre 2007. Il visait le responsable du parti EPDP et ministre des Affaires so-ciales, Douglas Devananda. Ce dernier ne se trouvait pas sur le lieu de l’attaque etne fut donc pas touché.

Le 22 octobre 2007, les Black Tigers ont mené l’attentat le plus sanglant de leurhistoire. Vingt-et-un de leurs commandos d’élite ont réussi à pénétrer au cœurmême de la base aérienne gouvernementale d’Anuradhapura. Ils ont détruit huitavions et hélicoptères, dont un avion de reconnaissance et un avion d’entraînement.Pour appuyer l’action des commandos au sol, le mouvement a en outre bombardé labase avec ses Air Tiger. Cette attaque a porté un coup sérieux au gouvernementsrilankais qui n’a toutefois pas fait attendre sa riposte avec le meurtre de SuppiahParamu Thamilchelvan.45

2.3.4 Tiger Organization Security Intelligence Service (TOSIS)

Le Tiger Organization Security Intelligence Service (TOSIS) est dirigé par Shanmu-ganathan Sivasankaran, alias Pottu Amman. Les membres de ce service de rensei-gnements des LTTE opèrent dans tout le pays et sont plus particulièrement encharge du contrôle des territoires occupés.46 Le groupe de Karuna s’est longtempsopposé à l’hégémonie du leader du TOSIS et a demandé son limogeage à plusieursreprises. Après l’accord de cessez-le-feu de 2002, Vellupillai Prabhakaran s’est misà infiltrer des agents du TOSIS dans les districts d’Ampara et de Batticaloa, à l’estdu pays, pour observer les opérations des troupes du colonel Karuna et s’immiscerdans sa vie privée. Lorsque celui-ci a compris que Vellupillai Prabhakaran cherchaità l’éliminer, il ordonna immédiatement l’arrestation des agents du TOSIS et com-mença à mettre en place ses propres services secrets.47

42The Economist, Martyrdom and Murder – Suicide Terrorism, 10 janvier 2004. Source: LexisNexis.

43BBC News, Bomb targets Sri Lanka army chief, avril 2006. Source:http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/4941744.stm.

44BBC News, idem.

45Tamilnet.com, LTTE: Erfolgreicher Abschluss von «Operation Ella'lan», acht Flugzeuge inAnuradhapura zerstört / Fin de l’opération Ella'lan menée avec succès avec la destruction de huitavions à Anuradhapura. Source: www.tamilnet.de/art.html?catid=13&artid=23570.

46Commission des Recours des Refugies, page 54 f.

47AG Friedensforschung an der Universität Kassel: Kein Weg zurück, Spaltung der Befreiungstigeroffenbar unwiderruflich / Aucun retournement possible de la situation; la scission des Tigres de li-

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2.4 Les violations des droits humains commises par les

LTTE

Le conflit entre le gouvernement srilankais et les LTTE est marqué par des viola-tions massives des droits de l’homme. Même l’accord de cessez-le-feu n’a pas em-pêché les deux parties de poursuivre leurs atrocités.

Après l’accord de 2002, les forces de sécurité gouvernementales se sont effondréesdans les territoires contrôlés par les forces des LTTE. Les délits commis par cesderniers, s’ils étaient dénoncés à la police, ne faisaient que rarement ou pas du toutl’objet d’une enquête par la justice du gouvernement srilankais. Les craintes de re-présailles ou de procédures longues et compliquées qui auraient pu compromettrel’accord de cessez-le-feu étaient beaucoup trop fortes. La Sri Lankan MonitoringMission (SLMM) a été ensuite mise en place pour consigner et documenter les viola-tions de l’accord par les deux parties.48 La SLMM ne pouvant que constater les inci-dents et n’ayant aucun pouvoir d’ouvrir des enquêtes, toutes ses observations sontrestées pratiquement sans effet.

Les LTTE ne s’en prennent pas seulement aux soldats, mais aussi de manière ci-blée aux civils et aux Tamouls ayant d’autres opinions politiques. Selon l’U.S. De-partment of State, les LTTE se sont rendus responsables de la mort de 531membres de la police et des forces armées srilankaises en 2006. De nombreux an-ciens membres et membres actifs des groupements paramilitaires anti-LTTE, descadres proches du groupe de Karuna, des indicateurs tamouls (pour le gouverne-ment srilankais) et des civils ont également été assassinés. Les attaques ont aussieu pour cible d’anciens partisans, mais aussi des membres actifs de certains partisanti-LTTE. L’U.S. Department of State rapporte qu’en 2006, cinquante-six membresactifs et anciens du Eelam’s People’s Democratic Party (EPDP), ainsi que trentesympathisants du groupe de Karuna ont été tués49. L’Organisation suisse d’aide auxréfugiés ayant déjà informé de ces actes et pratiques dans diverses publications,nous renonçons à y revenir ici en détail.50

bération est apparemment définitive, mars 2004. Source:www.uni-kassel.de/fb5/frieden/regionen/Sri-Lanka/spaltung.html.

48International Crisis Group, Sri Lanka’s Human Rights Crisis, juin 2007, page 6.

49Cf. U.S. State Department, Sri Lanka - Country Reports on Human Rights Practices 2006. Source:www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2006/78875.htm, citation: «During the year [2006] there were crediblereports that the LTTE killed 531 members of the police and military, more than 34 members of anti-LTTE Tamil paramilitary groups such as the Eelam People's Democratic Party (EPDP), LTTE cadresloyal to the Karuna faction, alleged Tamil informants for the security forces, and civilians. The LTTEtargeted both current and former members of anti-LTTE Tamil political parties. During the year 59current and past anti-LTTE EPDP members were killed. Credible sources indicated that the LTTEkilled 30 members of the breakaway military leader Karuna's group. There was also credible evi-dence that the LTTE killed 10 members of the military intelligence apparatus in a targeted cam-paign.»

50La dernière mise à jour sur le Sri Lanka de Florian Lüthy contient un résumé détaillé des violationsdes droits humains commises par les LTTE: Sri Lanka –Situation actuelle, novembre 2006. Source:www.osar.ch/2006/11/28/srilanka0611_update.

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2.4.1 Groupements et personnes d’origine tamoule menacées par les

LTTE

Menaces envers les personnes et groupements dissidents d’origine tamoule

Les LTTE mènent une politique systématique d’intimidation et de persécution. Mêmeaprès l’accord de cessez-le-feu, ils n’ont jamais cessé d’éliminer les opposants etles personnes considérées comme tel. Lorsqu’en mars 2004, le groupe de Karunas’est séparé des LTTE, le nombre de meurtres a explosé des deux côtés. La plupartdes victimes avaient eu des relations, soit avec le groupe de Karuna soit avec lesLTTE. Mais on a également constaté une augmentation du nombre des victimesparmi les civils des deux camps.51

Les LTTE continuent de persécuter les Tamouls qui ont d’autres opinions politiques.Ils sont responsables de l’enlèvement et du meurtre de plusieurs responsables etmembres, anciens ou actifs, d’organisations d’opposition. Il s’agit notamment del’Eelam People’s Democratic Party (EPDP), l’Eelam People’s Revolutionary Libera-tion Front (EPRLF: faction Varathar) et de la People’s Liberation Organization ofTamil Eelam (PLOTE). La Srilankan Monitoring Mission (SLMM) et Human RightsWatch ont enregistré de très nombreux incidents au cours desquels des partisans degroupements tamouls anti-LTTE, et d’autres organisations opposées à ce que lesLTTE soient les uniques représentants du peuple tamoul, ont fait l’objet de menacesou ont été assassinés.52 Human Rights Watch a recensé en mars 2006 plus de deuxcent meurtres de Tamouls commis par les LTTE depuis l’accord de cessez-le-feu.Parmi les victimes, on compte des enseignants, des journalistes, des universitaires,des personnes entretenant des contacts avec un parti d’opposition et d’une manièregénérale, tous les opposants aux LTTE.53

Recrutement forcé des enfants

Depuis les débuts du conflit au Sri Lanka, les LTTE recrutent des enfants dans leursrangs et on en outre toujours accepté ceux qui voulaient adhérer librement àl’organisation. Pendant toutes ces années, ce sont surtout des enfants de famillespauvres, des enfants déscolarisés ou des orphelins qui ont rejoint volontairement lesLTTE. Pour beaucoup d’entre eux, les violations massives des droits humains com-mis par l’armée srilankaise (viols, torture, exécutions, disparitions, interrogatoires),auxquelles ils ont quotidiennement assisté ou eux-mêmes vécu, étaient une raisonbien suffisante pour vouloir s’engager. Après la signature de l’accord de cessez-le-feu de 2002, le recrutement des enfants n’a pas cessé pour autant. Les LTTE ontcontinué d’aller dans chaque famille tamoule pour les sommer de mettre un de leurs

51Amnesty International, Sri Lanka: A Climate of Fear in the East, février 2006, page 3. Source:http://web.amnesty.org/library/pdf/ASA370012006ENGLISH/$File/ASA3700106.pdf: «While most ofthose killed immediately following the split had clear links either to the LTTE or the Karuna faction,increasingly many of those killed are civilians with little or no evident connection to armed activity,including journalists, academics, teachers and farmers, as well as former members of Tamil armedgroups who have not been involved in armed activities for a long time.»

52Commission des Recours des Refugies, page 41 f.

53«Some apparently have been killed solely working in educational, social or religious programs fun-ded by the Sri Lankan government. For many Tamils in the West with family members remaining inSri Lanka, the message was that any act of disloyalty may result in death.» Cf. Human RightsWatch, Funding the Final War, LTTE Intimidation and Extortion in the Tamil Diaspora, mars 2006,page 14. Source: http://hrw.org/reports/2006/ltte0306/.

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enfants à disposition du mouvement. Les familles qui refusent sont victimesd’intimidations et de menaces. Mais de toute façon, les enfants sont aussi recrutésde force ou tout simplement enlevés.54

Les LTTE affectent les enfants recrutés à toutes sortes de fonctions et n’hésitentpas à les former comme kamikazes, indicateurs ou fantassins. Tous les enfants sol-dats de l’organisation reçoivent également une capsule de cyanure ou une grenadepour pouvoir se suicider s’ils sont pris par les forces srilankaises de sécurité.55

Par crainte d’éventuelles conséquences, de nombreuses familles taisent que l’un deleurs enfants a été recruté de force. En 2002, l’UNICEF a commencé à encouragerles familles à dénoncer tous ces enrôlements forcés. Entre janvier 2002 et décembre2006, elle a ainsi enregistré 5956 enfants recrutés par les LTTE. Dans plus de millecas, il s’agissait d’enfants âgés de moins de quinze ans.56 Toutes les personnes quiprennent position contre le recrutement d’enfants sont menacées par les LTTE.

Représailles envers les déserteurs et les collaborateurs

De nombreux Tamouls qui d’une façon ou d’une autre avaient collaboré avec le gou-vernement srilankais l’ont payé de leur vie.57 Déserter les rangs des LTTE est éga-lement considéré comme une grave violation des règles de discipline du mouve-ment, punie par la torture, de longues périodes d’emprisonnement dans des condi-tions dégradantes et cruelles, ainsi que par la peine capitale.58

3 Groupements paramilitaires anti-LTTE

3.1 Karuna

3.1.1 Aperçu général

En mars 2004, Vinayagamoorthy Muralithan, ancien commandant en chef LTTE desrégions de Batticaloa et d’Ampara, plus connu sous son nom de guerre, ColonelKaruna Amman, s’est séparé des LTTE en emmenant avec lui plusieurs milliers decombattants.59 Dans une de ses rares interviews, accordée en l’occurrence à laBBC, Karuna a expliqué son action par le nombre disproportionné de cadres «sacri-

54Human Right Watch, Complicit in Crime: State Collusion in Abductions and Child Recruitment bythe Karuna Group, janvier 2007, page 73 ff. Source: http://hrw.org/reports/2007/srilanka0107/: «Wefound that the LTTE routinely visited Tamil homes to inform parents that they must provide a childfor the ‘movement’. Families that resisted were harassed and threatened. Parents were told that ifthey did not comply their child would be taken by force, other children in the household or their pa-rents would be taken instead, or the family would be forced to leave their home. In numerouscases, after a family refused to voluntarily hand over a son or daughter, a child was abducted fromtheir home at night, or picked up by LTTE cadres while walking to school or attending a temple fes-tival.»

55Cf. Human Right Watch, idem, page 73.

56Human Right Watch, janvier 2007, idem, page 75 f.

57Commission des Recours des Refugies, page 41.

58Voir également l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés: Sri Lanka – Désertion d’un membre desLTTE, mai 2007. Source: www.osar.ch/2007/10/29/lka_ltte_desertion.

59Human Right Watch, janvier 2007, idem, page 18.

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fiés» dans les combats menés dans les régions de l’est, tandis que les rebelles desprovinces du nord (faction de Vanni) contrôlaient les LTTE et se tenaient à l’abri.60 Ildéclara en outre qu’aucun représentant des districts de Batticaloa et d’Amparan’occupait l’un des trente postes clés de l’organisation61 et que le dirigeant desLTTE, Vellupillai Prabhakaran, n’avait jamais pris au sérieux les négociations depaix. Il s’agissait au contraire pour lui de les faire durer le plus longtemps possiblepour avoir le temps de s’armer et de se préparer à la final war.62

Avant l’accord de cessez-le-feu, les combattants LTTE placés sous le commande-ment de Karuna se sont rendus coupables des pires exactions. En juin 1990, quatreà six cent policiers ont été torturés sous ses ordres. Tous les Cinghalais et Musul-mans parmi eux ont été ensuite assassinés. En juillet, les troupes de Karuna ontarrêté un convoi d’hommes et femmes musulmans. Septante-cinq d’entre eux ontété exécutés, parmi eux des femmes et des enfants. En août de la même année, sessoldats ont tué plus de deux cent civils dans le district de Batticaloa.63

Le départ de Karuna et de ses partisans a considérablement affaibli les LTTE. Laperte de milliers de combattants, mais aussi du contrôle de secteurs importantsdans l’est du pays, a radicalement changé la constellation politique du Sri Lanka.L’affaiblissement des LTTE a fini par convaincre l’armée srilankaise que relancer lescombats pourraient faire regagner de nombreux territoires et entraîner cette fois-ciune victoire définitive contre les rebelles.64

Les LTTE considèrent Karuna comme un traître et le traquent, lui et ses soldats. Enavril 2004, leurs forces ont attaqué des combattants du groupe de Karuna dans l’estdu pays. Dans les deux camps, de nombreuses personnes ont perdu la vie dans lescombats qui ont suivi. D’innombrables meurtres, attentats et attaques ont ensuiteété commis. Après quatre jours, Karuna a finalement dissous ses troupes et est en-tré la clandestinité avec quelques fidèles.

Durant toute sa période en tant que commandant des LTTE, Karuna était connu pours’occuper très activement du recrutement d’enfants. Au cours d’une action qui luiavait permis de gagner la sympathie de la population locale, il avait libéré deux milleenfants soldats en les encourageant à rentrer chez eux.65 Toutefois, quelques tempsaprès, nombre d’entre eux ont été recrutés de force une nouvelle fois par lesLTTE.66

Par son action, le groupe de Karuna a permis une fois encore au gouvernement des’en prendre aux LTTE. En 2006, il s’est mis à appuyer l’offensive militaire del’armée gouvernementale contre cette organisation et à contribuer aux interventionsdes services de renseignements.67

60BBC News, A date with a renegade rebel Tiger, 4 avril 2007. Source:http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/6524869.stm.

61AG Friedensforschung an der Universität Kassel, idem.

62BBC News, A date with a renegade rebel Tiger, 4 avril 2007.

64Human Right Watch, Complicit in Crime: State Collusion in Abductions and Child Recruitment bythe Karuna Group, janvier 2007, page 19. Source: http://hrw.org/reports/2007/srilanka0107/.

65Human Right Watch, janvier 2007, page 18.

66Human Right Watch, janvier 2007, page 75.

67Human Rights Watch, Return to War, Human Rights Under Siege, août 2007, page 100. Source:http://hrw.org/reports/2007/srilanka0807/.

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3.1.2 Tamil Makkal Vidusthalai Pulikal (TMVP)

En 2004, Karuna a fondé un parti politique, le Tamil Makkal Viduthalai Pulikal (TamilPeoples Liberation Tigers ou TMVP). En 2006 et 2007, il a ouvert des bureaux àColombo et dans les chefs-lieux des districts ouest de Batticaloa, Trincomalee etAmpara.68 Karuna dirige les ailes politique et militaire du TMVP. Son mouvementopère dans toutes les régions contrôlées par le gouvernement.69 En coopérationavec les forces de sécurité, le mouvement a pu combler le vide laissé par les LTTE.Des membres armés du TMVP ont été régulièrement vus en train de patrouiller surla route qui longe la côte ouest et dans la ville de Batticaloa. Les attaques, commeles recrutements forcés d’enfants, se sont en outre multipliés.

En 2004, l’Eelam National Democratic Liberation Front (ENDLF) a fait alliance avecle TMVP. Les deux partis luttent depuis lors pour leur reconnaissance politique parle gouvernement srilankais. Comme les LTTE, le TMVP revendique un Etat tamoulindépendant, mais il se montre disposé à négocier avec l’Etat srilankais en tant quereprésentant de la population tamoule. Il planifie également sa participation auxélections législatives de 2010 et aux élections présidentielles de 2011.70

3.1.3 Collaboration entre le TMVP et les forces de sécurité srilankaises

L’existence du groupe de Karuna a rendu difficile le maintien du cessez-le-feu obte-nu en 2002. Après sa scission des LTTE, Karuna a exigé d’être intégré aux négocia-tions de paix en qualité de partenaire, ce que les LTTE ont refusé. Le qualifiantd’organisation paramilitaire, ils ont au contraire demandé le désarmement du groupede Karuna en tant qu’organisation paramilitaire.71

Jusqu’ici, le gouvernement srilankais n’a rien entrepris contre les violations mas-sives des droits humains commises par le groupe de Karuna. Au contraire, dans salutte contre les LTTE, il est apparu de plus en plus clairement qu’il se servait del’aide que celui-ci lui procurait. Depuis qu’il a repris le contrôle des territoires del’est du Sri Lanka, l’influence du groupe de Karuna a considérablement augmentédans les districts d’Ampara, de Trincomalee et de Batticaloa. Au cours de l’année2007, le groupe a également commencé à opérer dans le district de Vavunyia avecl’appui du gouvernement.72 Le président Mahinda Rajapakse et d’autres membres ducabinet ont promis à plusieurs reprises qu’une éventuelle complicité entre le groupede Karuna et le gouvernement ferait l’objet d’une enquête et que les coupables se-raient punis. Jusqu’ici, rien de concret n’a été entrepris dans ce sens et aucune en-quête pénale pour collaboration n’a été ouverte contre des membres des forces desécurité.73

68Human Right Watch, janvier 2007, page 19.

69International Strategic Studies Association, Defense & Foreign Affairs Special Analysis, InsurgentGroup Reports: Sri Lanka, août 2007. Source: LexisNexis.

70International Strategic Studies Association, idem.

71Human Right Watch, janvier 2007, idem, page 18.

72Human Rights Watch, août 2007, idem, page 100.

73Human Rights Watch, août 2007, idem, page 101.

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3.1.4 Groupements et personnes d’origine tamoule menacées par le

TMVP

Les enfants (recrutements de force)

Peu de temps après la scission de Karuna des LTTE, les rapports sur le recrutementde force d’enfants et de jeunes gens par le TMVP se sont multipliés. En juin 2006,leur nombre a atteint des sommets. Rien que pour cette période, des familles ta-moules ont en effet signalé plus de quarante enlèvements. A propos des recrute-ments d’enfants, Human Rights Watch fait état d’une complicité avérée entre le gou-vernement srilankais et le groupe de Karuna. On sait notamment que dans un cas,les soldats srilankais ont eux-mêmes préparé le recrutement pour l’organisation: ilsont commencé par photographier quelques enfants durant la journée, ont pris leuridentité et la nuit qui a suivi, quatre d’entre eux ont été enlevés par les combattantsdu TMVP. Ces derniers kidnappent garçons et jeunes gens chez eux, sur leur lieude travail, dans les temples, dans la rue, dans les camps de déplacés internes etmême dans des cérémonies de mariage.74

Entre décembre 2006 et juin 2007, l’UNICEF a documenté cent quarante-cinq casd’enfants recrutés de force par le groupe de Karuna. On suppose d’ailleurs que leschiffres actuels sont beaucoup plus élevés, de nombreux parents n’osant pas dé-noncer l’enlèvement de leur enfant.75 Le groupe recrute surtout dans les famillespauvres et analphabètes qui ont déjà vus l’un de leurs enfants enlevé par les LTTE.Il s’agit pour la plupart de garçons dès quinze ans et de jeunes hommes jusqu’àtrente ans. Des cas d’enlèvements de jeunes filles ont également été signalés.76

Les nouveaux bureaux politiques du TVMP et le nombre de recrutements forcéssemblent être en lien direct. Des enlèvements ont lieu en effet à proximité, notam-ment à Batticaloa et Trincomalee, où les enfants et les jeunes gens ont été emme-nés après avoir été enlevés. Lorsqu’en octobre 2006, Human Rights Watch a visitéces deux villes, la présence des partisans du groupe de Karuna était manifeste. Onvoyait partout les emblèmes et des graffiti du TVMP. Les habitants de la région ontpar ailleurs rapporté que les cadres du groupe de Karuna surveilleraient de tempsen temps les checkpoints en compagnie de l’armée srilankaise ou de la police, les-quelles veilleraient parfois de leur côté à la sécurité des bureaux du TVMP.77

Les enfants qui réussissent à fuir les camps de formation du TVMP sont particuliè-rement menacés. Ils prennent notamment le risque d’être enlevés par les LTTE enraison de ce qu’ils savent sur le groupe de Karuna. Pour les protéger, de nom-breuses familles envoyaient autrefois leurs enfants à Colombo. Mais depuis que lesinformations sur les enlèvements et les déportations de Tamouls s’y multiplient,elles y ont renoncé. On rapporte en outre qu’un enfant qui était parvenu à se libérer

74Human Right Watch, janvier 2007, idem, page 22: «Soldiers gathered seven boys and young men ina nearby field, […] checking their IDs and taking their photographs. Members of the Karuna group,who arrived that night, abducted four of these seven boys and young men, as well as four othersfrom this village.»

75Human Rights Watch, août 2007, page 103.

76Human Right Watch, janvier 2007, page 28.

77Human Right Watch, janvier 2007, page 24 f.

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et avait cherché protection auprès de soldats de l’armée srilankaise a été immédia-tement ramené par ceux-ci dans un des camps du TVMP.78

Allan Rock, le Special Advisor on Children and Armed Conflict de l’ONU n’a quant àlui aucun doute sur l’existence d’une collaboration entre le gouvernement et legroupe de Karuna puisque, dit-il, sur les routes où passent les enfants emmenésdans les camps de formation, l’armée et la police sont en charge de dizaines depostes de contrôle.79 L’International Crisis Group confirme également la coopérationentre les forces gouvernementales et le TVMP, dont les membres sont engagés pourcontrôler les nouveaux arrivants dans les camps de déplacés internes et identifierles éventuels cadres LTTE qui se seraient enfuis. Par ailleurs, le gouvernement sri-lankais a accordé au TVMP le plein accès à certains des camps qu’il gère, ce qui apermis à l’organisation de recruter en toute liberté et impunité.80

Chantages, enlèvements et meurtres de sympathisants des LTTE et de richeshommes d’affaires.

Depuis sa scission des LTTE, le groupe de Karuna s’est rendu coupabled’innombrables meurtres, enlèvements et actes de torture. Parmi les victimes, oncompte toutes les personnes soupçonnées d’être membres des LTTE, voire mêmed’y combattre. Les hommes d’affaires tamouls fortunés font également partie despersonnes visées. A Colombo, mais surtout à Vavuniya, ce type de criminalité estdevenu entre-temps une véritable industrie. Quelques uns de ces hommes d’affairesn’ont pas survécu, certains parce que leurs familles n’ont pas voulu ou n’ont pas étéen mesure de payer les rançons, d’autres parce que le TVMP a voulu montrer qu’ilne plaisantait pas.81

3.1.5 La fuite du colonel Karuna en Angleterre; scissions au sein du

groupement Karuna

Il y a peu de temps encore, le lieu de résidence du colonel Karuna était inconnu. Le2 novembre 2007, il a été arrêté en Angleterre où il était entré avec de faux papiersd’identité et aurait déposé une demande d’asile.82 Certains observateurs pensentque le gouvernement srilankais l’a probablement aidé à fuir. Il disposait en effet d’un

78Human Right Watch, janvier 2007, page 31 f. La mère de deux enfants enlevés a déclaré ce qui suitsur leur possible retour: «I want to say that if our kids escaped they will have problems comingback home. They can’t be protected at home. In addition to that, if our kids escaped, the Karunagroup would come home and take our other kids.»

79Statement from the Special Advisor on Children and Armed Conflict, Allan Rock, the Special Advi-sor to the United Nations Special Representative for Children and Armed Conflict on Sri Lanka, hasconcluded his 10 day mission to the country, novembre 2006. Source:www.un.org/children/conflict/pr/2006-11-13127.html, citation: «The mission also discovered a dis-turbing development involving the Karuna abductions. It found strong and credible evidence thatcertain elements of the government security forces are supporting and sometimes participating inthe abductions and forced recruitment of children by the Karuna faction. The mission met with theparents of many of the abducted children in Batticaloa district. As a result, it learned of eye-witnessevidence that links the Karuna faction abductions to certain government elements. Based on theevidence as a whole, the mission concluded that some government security forces are actively par-ticipating in these criminal acts.» Voir également Human Right Watch, janvier 2007, page 38.

80International Crisis Group, juin 2007, page 8.

81Human Rights Watch, août 2007, page 103.

82Hindustan Times, LTTE Rebel Karuna detained in Britain, 3 novembre 2007. Source: LexisNexis.

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passeport, établi d’ordinaire uniquement pour les membres importants du gouver-nement.

Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits de l’hommedemandent que le colonel Karuna soit présenté à la justice pour répondre des nom-breux crimes dont il s’est rendu coupable.83

Au Sri Lanka, Karuna était un homme traqué. Depuis la scission des LTTE, il vivaitdans la clandestinité. Au cours des derniers mois, un conflit avait éclaté au seinmême du TVMP. Pillayan, l’homme qui représentait Karuna sur le terrain, avait finipar le lâcher. Quelques cadres du parti ont aussi perdu la vie dans ce conflit. Tandisque Karuna se cachait et perdait petit à petit tout pouvoir et considération, Pillayanest devenu l’un des interlocuteurs privilégiés du gouvernement srilankais.84

L’attaque de la faction Pillayan du 6 novembre 2007 contre un camp du groupe deKaruna, surveillé par la police srilankaise, est l’un des exemples récents du conflitqui oppose les deux ailes du parti. Trois combattants Karuna ont été fait prisonnierspar la faction Pillayan. Des soldats des forces d’interventions spéciales srilankaisesont été en outre stationnés dans d’autres camps du TVMP, à Batticaloa.85

Certaines activités de la faction Pillayan indiqueraient que celle-ci coopère aussiavec le gouvernement srilankais. Le 18 novembre 2007, quelques uns de sesmembres armés ont pénétré dans la maison du député TNA, T. Kagagasabai, àKa'luthaava'lai, maison pourtant surveillée par la police srilankaise, et ont enlevéson beau-fils. La faction a ensuite menacé de le tuer si T. Kagagasabai votait pourle projet de budget du gouvernement Rajapakse qui serait traité le lundi suivant auParlement. Au même moment, d’autres députés recevaient des menaces du mêmeordre. Depuis lors, la police a cessé toute protection des maisons des députés TNAdu district de Batticaloa, ce qu’il faut considérer comme une tentative d’intimidationmanifeste envers la TNA.86

3.2 Eelam People’s Democratic Party (EPDP)

De 1988 à 1994, ce mouvement a porté le nom d’Eelavar Democratic Front (EDF).Douglas Devananda qui avait cofondé le Eelam People’s Revolutionary LiberationFront (EPRLF) quitta l’organisation et créa par la suite le Eelam People’s Democra-tic Party (EPDP). L’EPDP est un parti politique, mais aussi un groupement paramili-taire, qui collabore étroitement avec le gouvernement srilankais et s’oppose politi-quement et par les armes aux LTTE.87

83Human Rights Watch, UK: Investigate Sri Lankan Rebel Leader for Atrocities, Karuna Case Impor-tant for Bringing Justice for International Crimes, 16 novembre 2007. Source:http://hrw.org/english/docs/2007/11/16/slanka17355.htm.

84Hindustan Times, LTTE Rebel Karuna detained in Britain, 3 novembre 2007. Source: LexisNexis.

85Tamilnet.de, Paramilitärische Pillayan-Fraktion greift Karuna Camp an / La faction paramilitaire dePillayan attaque un camp du groupe de Karuna, 6 novembre 2007. Source:www.tamilnet.de/art.html?catid=13&artid=23701.

86Tamilnet.com, Drohungen gegen tamilische Abgeordnete wegen Haushaltsabstimmung, Schwieger-sohn entführt / Menaces contre des députés tamouls autour de l’adoption du budget gouvernemen-tal; enlèvement du beau-fils. Source: www.tamilnet.de/art.html?catid=13&artid=23805.

87International Strategic Studies Association, Defense & Foreign Affairs Special Analysis, InsurgentGroup Reports: Sri Lanka, août 2007. Source: LexisNexis.

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3.2.1 Groupements et personnes d’origine tamoule menacées par

l’EPDP

Chantages, enlèvements et meurtres de sympathisants des LTTE

A Jaffna surtout, où le TMVP n’est pas présent, des factions appelées «groupeshybrides», sont responsables de l’assassinat de très nombreuses personnes soup-çonnées de collaborer avec les LTTE. Ces groupements sont généralement compo-sés de membres des forces de sécurité srilankaises et de paramilitaires tamouls,comme par exemple l’EPDP. D’autres sources indiquent que d’anciens partisansEPDP se sont ralliés au gouvernement et opèrent dorénavant sous son commande-ment.88 Cette coopération est particulièrement manifeste à Jaffna, où l’on peut cons-tater que dans une région sévèrement contrôlée par l’armée srilankaise, les enlève-ments sont néanmoins monnaie courante.89

D’après un journaliste cité par l’International Crisis Group, les kidnappings avecdemande de rançon sont opérés par le TMVP, mais aussi par l’EPDP. Dans certainscas, les deux organisations agissent même de concert.90

Les journalistes

Dans le district de Jaffna, les forces de sécurité srilankaises travaillent étroitementavec l’EPDP, dont les membres font partie des escadrons de la mort. Ceux-ci s’enprennent aux gens de la presse considérés comme indésirables. La plupart des at-taques contre les journalistes ont lieu dans des secteurs hautement sécurisés. Dou-glas Devananda, chef de l’EPDP, prétend que la seule volonté de son parti est deprotéger la population tamoule des attentats des LTTE. On sait toutefois que depuisune dizaine d’années, l’EPDP, appuyée en cela par le gouvernement srilankais, serend régulièrement coupable d’innombrables violations des droits de l’homme.91 Desmembres du parti sont notamment soupçonnés d’avoir assassiné en 2000 le journa-liste Mylvaganam Nimalarajan, ainsi que trois collaborateurs d’Uthayan92 en 2006.93

88International Crisis Group, juin 2007, idem, page 10.

89Human Rights Watch, août 2007, idem, page 48.

90International Crisis Group, juin 2007, idem, page 11.

91International Press Freedom Mission, Fact-Finding Mission to Sri Lanka, Jaffnas Media in the Gripof Terror, août 2007, Source:www.reliefweb.int/rw/RWB.NSF/db900SID/EMAE-76DS5Y?OpenDocument.

92Uthayan est un éditeur tamoul de journaux connu dans le district de Jaffna.

93Tamilnet.de, RSF verurteilt Mord an Journalisten in Jaffna /RSF condamne l’assassinat d’un journa-liste à Jaffna, mai 2007. Source: www.tamilnet.de/art.html?catid=13&artid=22033.

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4 Autres groupements tamouls

4.1 People’s Liberation Organization of Tamil Eelam

(PLOTE)

De 1977 à 1980, Karthiragamar Uma Maheswaran, alias Mukundan, a été unmembre haut placé des LTTE. Il a ensuite quitté le mouvement en raison des luttesde pouvoir avec Vellupillai Prabhakaran et fondé la People’s Liberation Organizationof Tamil Eelam (PLOTE). Maheswaran a été tué en 1989. Le Eelam National Libera-tion Front or Three Stars (ENDLF) a certes revendiqué l’assassinat, mais il n’est pasexclu que le gouvernement ou les LTTE en soient également les responsables.Après la mort de Maheswaran, la direction de l’organisation a été confiée à un an-cien combattant des LTTE, Dharmalingam Sidarthan. En 2002, celui-ci rendu lesarmes de la PLOTE au gouvernement srilankais.94

Cette organisation est constituée d’une aile politique (Democratic People’s Libera-tion Front, DPLF) et d’une aile militaire, bien qu’elle soit officiellement inactive de-puis qu’elle a rendu les armes au gouvernement srilankais. Dans les premières an-nées de son existence, l’organisation défendait un point de vue séparatiste, maisentre-temps, elle s’engage en faveur de l’égalité des Tamouls au sein d’un Sri Lankafédéral.95

Depuis 1982, la PLOTE est combattue par les LTTE qui en tant que groupementséparatiste se revendiquent comme les seuls représentants légaux de la populationtamoule. 1986 a toutefois été une grande année pour la PLOTE. Au cours de cettepériode, de nombreux combattants ont été formés en Inde et au nord-est du Sri-Lanka.96 La DPLF (l’aile politique) travaille entre-temps officiellement avec le gou-vernement. Selon certaines informations, la PLOTE collaborerait également avec lesmilitaires srilankais dans leur lutte contre les LTTE. Dans son rapport de 2005 sur leSri Lanka, l’U.S. Department of State estime qu’à l’instar du groupe de Karuna et del’EPDP, la PLOTE aurait participé à quelques attaques à main armée avec l’appui dugouvernement.97

4.2 Tamil Eelam Liberation Organization (TELO)

Issue d’un groupe radical d’étudiants, la Tamil Eelam Liberation Organization (TE-LO) a été officiellement mise sur pied en 1979 par Nadarajah Thangathurai et Selva-rajah Yagachandran, alias Kuttimanni, tous deux membres de la Revolutionary Ee-lam Organization (EROS). Nadarajah Thangathurai et Kuttimanni ont été arrêtés en1981, au cours de l’attaque d’une banque. Pendant leur détention, ils ont été tortu-rés puis tous deux assassinés. La direction de la TELO est ensuite passée à Sri

94International Strategic Studies Association, idem.

95International Strategic Studies Association, idem.

96International Strategic Studies Association, idem.

97U.S Department of State, Country Reports on Human Rights Practices 2005, Source:www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2005/61711.htm.

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Sabaratnam. Durant cette période, au début des années 1980, Vellupillai Prabhaka-ran a brièvement adhéré à la Tamil Eelam Liberation Organization après quelquesdésaccords au sein des LTTE. En 1982, il a toutefois réintégré les rangs de sonmouvement.

En 1984, la TELO, l’Eelam People’s Revolutionary Liberation Front (EPRLF) et laRevolutionary Eelam Organization (EROS) se sont alliées en une seule organisa-tion, le Eelam National Liberation Front (ENLF), lequel adhéra aux LTTE la mêmeannée. Cette alliance permit aux différents groupes séparatistes tamouls de repous-ser les forces de sécurité srilankaises des territoires tamouls de l’est et du nord dupays. En 1986, les LTTE quittèrent l’ENLF. En avril de la même année, ils attaquè-rent la TELO et tuèrent en quelques jours son dirigeant Sri Sabaratnam et quasi-ment tous les membres de sa section militaire. Après la destruction del’organisation, les LTTE déclarèrent que la TELO avait été pour l’Inde une tentativede prendre le contrôle des territoires tamouls et de gagner à sa cause les mouve-ments séparatistes. Tous les efforts de l’Indian Peace Keeping Force (IPKF) visant àremettre sur pied la TELO et d’isoler ainsi les LTTE ont finalement échoué en 1987.Jusqu’en 1990, l’aile militaire de l’organisation s’est fortement réduite et exceptéquelques petits accrochages avec d’autres groupes militants, elle n’a plus menéaucune attaque importante.98

Après le décès de Sri Sabaratnam, Selvan Adaikkalanathan est devenu le nouveauleader de la Tamil Eelam Liberation Organization. Lorsque l’Indian Peace KeepingForce s’est retirée en 1990, Adaikkalanathan a décidé de concentrer ses efforts surle travail politique de l’organisation. Celle-ci a donc été enregistrée comme parti ets’est présentée à un scrutin pour la première fois, en 1994/95.99 Depuis lors, lemouvement n’a plus été mêlé qu’à quelques accrochages.

En 2001, la TELO s’est ralliée à la Tamil National Alliance (TNA). Malgré un passélourd de conflits entre les LTTE et la TELO, cette dernière a aujourd’hui adopté lespositions des LTTE au niveau politique. Elle est également membre de la TNA.100

4.3 Eelam National Liberation Front or Three Stars (ENDLF)

D’anciens membres de la PLOTE, de la TELO et du EPRLF se sont alliés en 1987.Groupement militant, ils ont choisi pour nom Eelam National Democratic LiberationFront (ENDLF), aussi connu sous le nom de Three Stars. La direction du mouvementa été partagée entre G. Gnanasekaran, alias Paranthan Rajan, (ancien membre dela PLOTE), Douglas Devananda (ancien membre de l’EPRLF et actuel président del’EPDP) et T. Eeswaran (également ancien membre de la PLOTE). L’ENDLF s’estalors complètement détaché de ses partis d’origine et s’est même mis à les com-battre. Un exemple: l’assassinat de l’ancien leader de la PLOTE, Uma Maheswaran,en 1989.101

98International Strategic Studies Association, idem.

99International Strategic Studies Association, idem.

100International Strategic Studies Association, idem.

101International Strategic Studies Association, idem.

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Depuis sa constitution, l’ENDLF a bénéficié de l’appui de l’Indian Peace KeepingForce (IPKF) et du Research and Analysis Wing (RAW, services indiens de rensei-gnements extérieurs). En tant qu’organisation militante pro-indienne et séparatistetamoule, l’ENDLF mène des opérations contre les LTTE. Lorsqu’en 1990, l’IPKF aquitté le Sri Lanka, une grande partie des membres ENDLF l’a suivi en Inde. Le partia ensuite réduit ses activités militaires pour se concentrer sur le travail politique. Ilmaintient aujourd’hui encore des liens très étroits avec l’Inde et continue sa luttecontre les LTTE depuis les régions indiennes de Tamil Nadu et Orissa. Par ailleurs,le parti serait toujours soutenu par les Research and Analysis Wing. Bien quel’ENDLF se soit constitué comme parti séparatiste tamoul, il n’a pas cessé ces der-nières années de lutter à la fois contre d’autres mouvements séparatistes et contrel’armée srilankaise.102

En 2002, l’ENDLF a également signé l’accord de cessez-le-feu et rendu les armesau gouvernement srilankais. Depuis lors, le mouvement a officiellement abandonnétoute activité paramilitaire. En 2004, il s’est rallié au Tamil Makkal Viduthalai Pulikal(TMVP) de Karuna et mène aujourd’hui son action en tant que partenaire du TMVP.Comme lui, il revendique un territoire tamoul indépendant au sein du Sri Lanka.103

4.4 Eelam People’s Revolutionary Liberation Front (EPRLF)

L’Eelam People’s Revolutionary Liberation Front (EPRLF) s’est constitué en 1981,en tant que mouvement séparatiste tamoul. A l’origine, il s’agissait du sous-groupeestudiantin des LTTE, l’Eelam Revolutionary Organization of Students (EROS), le-quel s’était divisé en 1980 en deux factions, dont une devint alors l’EPRLF. Pendantles années 1980, cette organisation a bénéficié du soutien de l’Indian Peace Kee-ping Force (IPKF). Dans un premier temps, elle était alliée aux LTTE, mais en 1986,ces derniers, en compagnie de la TELO, ont mené une attaque contre l’organisation.Ses effectifs ayant alors gravement diminué, le mouvement n’a survécu que grâce àl’appui de l’IPKF jusqu’au retrait de celle-ci en Inde. L’EPRLF s’est ensuite vu obligéde concentrer ses activités au niveau politique. Certaines parties de la section mili-taire se sont ralliées aux forces armées srilankaises pour soutenir leur lutte contreles LTTE. Un commandant de l’EPRLF, Muthulingam Ganeshkumar, alias Razeek,forma de son côté sa propre faction, le Razeek Group. De 1990 à la mort de sonleader dans un attentat suicide, en 1999, ce groupe a également lutté contre lesLTTE.104

En 2000, l’aile politique de l’EPRLF s’est divisée en deux groupes, la factionEPRLF-Suresh d’une part, dirigée par Suresh Premachandran, et la faction EPRLF-Varathar d’autre part, dont le chef est Varadarajaperumal, alias Perumal. Les deuxgroupes continuent toutefois chacun de revendiquer le nom d’origine del’organisation. Après sa scission de la TNA (ligne pro LTTE), la faction Suresh s’estassociée à la faction Varathar de l’EPDP (ligne anti LTTE) et c’est également en tantqu’alliance qu’ils se sont présentés aux dernières élections de 2004.105

102International Strategic Studies Association, idem.

103International Strategic Studies Association, idem.

104International Strategic Studies Association, idem.

105International Strategic Studies Association, idem.

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4.5 Revolutionary Eelam Organization (EROS)

La Revolutionary Eelam Organization (EROS) a été fondée en 1975 par EliyathabyRatnasabapathy, Shankar Rajee et V. Balakumar en tant que groupe séparatiste etpro-marxiste. L’EROS, mouvement plus connu à ses débuts sous le nom de EelamRevolutionary Organization of Students, est rapidement entré en contact avecl’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et a envoyé des séparatistes ta-mouls dans ses camps d’entraînements, notamment Vellupillai Prabhakaran.L’EROS a également entretenu de bonnes relations avec l’Inde, où ses membres ontlongtemps bénéficié d’entraînements militaires. En 1985 et 1986, les combattantsd’Eros menèrent plusieurs attaques, dont l’enlèvement d’un soldat britannique en1986. Mais d’une manière générale, le nombre de leurs offensives armées est restéplutôt limité.106

De 1980 à 1989, l’EROS a activement soutenu les LTTE en tant que conseiller poli-tique. Les LTTE lui ont demandé ensuite de se rallier à leur mouvement. Les pres-sions exercées en ce sens ont alors provoqué une scission de l’organisation.Quelques membres d’EROS rejoignirent effectivement les rangs des LTTE sous ladirection de V. Balakumar, d’autres quittèrent le mouvement et formèrent une petiteunité, l’actuelle EROS, menée par Shankar Rajee, leader du mouvement jusqu’à samort, en 2005. Depuis lors, son fils, Nesan Shankar Rajee, l’a remplacé dans sesfonctions. Jusqu’aux dernières élections de 2004, le mouvement était tenant d’uneligne clairement pro-EPDP et anti-LTTE. Depuis que qu’il est devenu un parti poli-tique qui apporte aussi son soutien au gouvernement srilankais, l’EROS est combat-tu par les LTTE.107

106International Strategic Studies Association, idem.

107International Strategic Studies Association, idem.