Les Prophètes en Ephésiens et dans les Actes.doc

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Les prophètes : de l’Epître aux Ephésiens aux Actes des Apôtres Michel COCHAT 2009 1

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Les prophètes   : de l’Epître aux Ephésiens

aux Actes des Apôtres

Michel COCHAT

2009

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INTRODUCTION

En 1982, Wayne Grudem publie ‘The Gift of Prophecy in 1 Corinthians’, ouvrage dans lequel

il expose sa thèse au sujet de la description dans les Ecritures, et plus particulièrement le

Nouveau Testament, de deux types de prophéties. L’une d’autorité divine absolue, infaillible,

et dans ce cas le prophète prononce les véritables paroles de Dieu, comme le faisaient les

prophètes de l’Ancien Testament. L’autre d’autorité moindre, faillible, où le prophète reporte

dans ses propres mots, ce que Dieu a placé dans sa pensée, et qui nécessite d’être évaluée par

la congrégation (1 Cor.12-14). Ainsi, le premier type sera qualifié d’apostolique, car les

apôtres sont les seuls successeurs des prophètes vétérotestamentaires revêtus de l’autorité et

de l’inspiration divine absolues, d’après Ephésiens 2 :20 et 3 :5. L’autre type est qualifié de

prophétie « congrégationnelle ». De nombreux articles et ouvrages sont parus où les

détracteurs de la thèse émettent plusieurs critiques, et Grudem ne manquera pas de leur

répondre lors de la réédition révisée intitulée ‘The Gift of Prophecy in the New Testament and

Today’ en 2000.

La présente étude s’attache à examiner la validité des arguments avancés aussi bien en

faveur de la thèse de Grudem, que celle de ceux qui lui sont opposés, à la lumière des données

du récit lucanien des Actes des apôtres. La problématique est par conséquent celle-ci : quelle

interprétation le livre des Actes confirme-t-il ou infirme-t-il ? Celle de Grudem ou celle de ses

contradicteurs ? Il conviendra dans une première partie, d’examiner les différentes lectures

qui sont proposées pour définir qui sont les prophètes mentionnés dans l’épître aux Ephésiens.

Ensuite, au cours de la deuxième partie, nous nous pencherons sur la thèse répandue dans les

milieux charismatiques, à savoir tous les croyants sont-ils prophètes ou potentiellement

prophètes ? Dans les troisième et quatrième parties, nous tenterons de répondre à deux

questions déterminantes pour le débat : Y a-t-il deux niveaux de prophéties décrits par Luc ?

Les prophètes des Actes participent-ils tous du fondement évoqué en Ephésiens 2 :20 ? Enfin,

s’imposera sous forme de synthèse la mise correspondance entre les réponses proposées et

l’interprétation retenue d’Ephésiens 2 :20. Bien qu’il soit certainement la source de

présupposés exégétiques induits par le contexte ecclésial et cultuel des auteurs référés, le

débat contemporain de la cessation-continuation des dons spirituels, en l’occurrence ici, le

don de prophétie, ne sera pas abordé.

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I Les prophètes dans l’épître aux Ephésiens

A) Le fondement correspond aux prophètes de l’Ancien Testament

Les prophètes sont mentionnés dans trois passages par Paul1 :

Ep2:20 Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l'angle.epoikodomhyentev epi tw yemeliw twn apostolwn kai profhtwn ontov akrogwniaiou autou cristou ihsou

Ep3:5 Ce mystère n'avait pas été porté à la connaissance des fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l'Esprit à ses saints apôtres et prophètes:o eteraiv geneaiv ouk egnwrisyh toiv uioiv twn anyrwpwn wv nun apekalufyh toiv agioiv apostoloiv autou kai profhtaiv en pneumati

Ep 4:11 C'est lui qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs,kai autov edwken touv men apostolouv touv de profhtav touv de euaggelistav touv de poimenav kai didaskalouv

Quatre lectures ont été proposées quant à la signification de l’expression « le fondement des

apôtres et des prophètes » en Ephésiens 2 :20 : tw yemeliw twn apostolwn kai profhtwn.

La première hypothèse conçoit les prophètes mentionnés comme étant ceux de l’Ancien

Testament, auxquels les apôtres ajoutent leur témoignage au sujet de la révélation reçue

antérieurement concernant Christ. De plus, l’ajout des Gentils aux Juifs de l’Ancien

Testament est suggéré par l’image de la fondation de l’édifice. Mais cette lecture apparaît

improbable du fait que, d’une part, selon Ephésiens 3 :5, le mystère de Christ révélé aux

apôtres et prophètes n’avait pas « été manifesté aux fils des hommes dans les autres

générations » ; Farnell précise que le mystère ne se rapporte pas au fait que les païens seraient

bénis, ce qui était annoncé dès l’Ancien Testament2, mais qu’ils seraient cohéritiers avec les

Juifs au sein du corps de Christ3. D’autre part, il serait plus logique que les prophètes

vétérotestamentaires soient cités avant les apôtres dans cette perspective4, et il faudrait les

distinguer des prophètes d’ Ephésiens 4 :11.

1 Les références bibliques sont extraites de la Bible à la Colombe, 1978.2 (Gn 12 :3 ; Es 9 :1-7 ; 11 :10 ; 42 :1-6 ; 49 :1-8).3 David FARNELL, «The Gift of Prophecy in the Old and New Testament », BSac 149, 1992, p.407.4 Wayne GRUDEM, The Gift of Prophecy in the New Testament and Today, Wheaton, Crossway Books, Ed. révisée 2000, p.331.

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B) Le fondement correspond à l’enseignement des apôtres

La seconde hypothèse estime que l’expression twn apostolwn kai profhtwn doit être

envisagée comme génitif subjectif. De ce fait le fondement, yemeliw, se réfère non aux

apôtres et prophètes, mais à leur enseignement, leur prédication (Jésus Christ étant

effectivement la pierre d’angle). C’est notamment la lecture privilégiée par Calvin1. C’est

aussi l’option de John Penney2 qui s’appuient sur une image parallèle en 1Corinthiens 3 :10-

113. Penney souligne que l’autorité de la prédication de Paul n’est en aucun cas basée sur une

révélation prophétique continue, mais uniquement sur la révélation du chemin de Damas,

kérygme révélé une fois pour toutes. Ainsi, Ephésiens 2 :20 ne peut servir d’argument pour

établir le rôle de fondation de la prophétie néotestamentaire, puisque centré sur le rôle unique

de Paul quant à la pose du fondement doctrinaire et non sur les prophètes en général 4.

Grudem répond de manière convaincante en spécifiant qu’en 1 Corinthiens 3 :10-11, il

est question des œuvres mêmes des personnes pour l’édification de l’Eglise5, alors qu’en

Ephésiens 2 :20, le contexte se rapporte à l’inclusion des Juifs et des Gentils, à l’incorporation

de « personnes » à l’édifice, sur les fondations constituées de personnes, Christ et les apôtres 6

(prophètes). La cohérence de la métaphore ne tient que dans cette optique. Il semble de plus

délicat d’imaginer un édifice vivant constitué de doctrines ou d’œuvres impersonnelles et en

même temps habitation de Dieu7 (Ep 2 :21-22).

1 Calvin considère cependant qu’il s’agit des écrits des prophètes de l’A.T., ainsi qu’en Ep 3  :5 ; alors qu’il estime qu’en Ep 4 :11, les prophètes sont « des gens qui étaient excellents dans l’interprétation des prophéties, en sorte qu’ils pouvaient les accommoder aux choses présentes, par un don singulier de révélation », p.195 in Jean CALVIN, Commentaires Bibliques, Epîtres aux Galates, Ephésiens, Philippiens, et Colossiens, Ed. Kerygma & Farel, 1978.2 John PENNEY, « The Testing of the New Testament Prophecy », JPT 10, 1997, p.65-67. Penney fait référence à l’ouvrage de Sandness, Paul, One of the Prophets ?, Coronet Books, 1990, p.227-29.3 1 Corinthiens 3:10 : Selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée, comme un sage architecte, j'ai posé le fondement et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ.4 Ibid, p.67. 5 Farnell souligne que ces œuvres seront exposées à la lumière du trône du jugement, art. cit., p.409.6 GRUDEM, op. cit., p.332.7 Farnell ajoute que le participe pluriel epoikodomhyentev se réfère naturellement, non à l’édifice construit, mais au « vous » impliqué par le este du verset précédent (v.19), art. cit. p.408.

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C) Le fondement correspond aux apôtres-prophètes

La troisième hypothèse est celle défendue par Grudem, qui lit le texte ainsi : le fondement des

apôtres qui sont aussi prophètes. Jones1 comprend l’hendiadys twn apostolwn kai

profhtwn comme « les apôtres prophétiques ». Cothenet2 pour sa part lit « les apôtres en tant

que prophètes ». Enfin, ajoutons que la Bible d’étude du Semeur, a traduit « les apôtres, ses

prophètes », précisant en note qu’il « s’agit ici des apôtres dans leur rôle de dépositaires des

révélations divines »3, (comme en Ep 3 :5 alors qu’il faut distinguer deux groupes en Ep

4 :11). Toutes ces traductions considèrent que Paul ne se réfère qu’à un seul groupe : les

apôtres. Nous nous intéresserons aux arguments les mieux étayés avancés par Grudem.

En premier lieu, la construction grammaticale utilisée par l’apôtre permet de considérer

« apôtres et prophètes » en tant qu’unité. L’expression est en effet élaborée selon le modèle

article [nom] kai [nom] twn apostolwn kai profhtwn (Ep 2 :20)4

comme c’est le cas en Ep 4 :11 :

touv de poimenav kai didaskalouv (pasteurs

enseignants)

Grudem affirme que si l’auteur avait envisagé deux groupes distincts, il aurait construit

l’expression ainsi : article [nom] kai article [nom]. Grudem fournit une douzaine d’exemples

(extraits du N.T.), tout en qualifiant son interprétation non de nécessaire, mais de légitime5.

En second lieu, Grudem estime que la révélation concernant l’inclusion des Gentils a été

accordée aux apôtres (dans leur rôle prophétique), mais jamais à un prophète ou à un groupe

quelconque de prophètes6.

Le troisième argument est en rapport avec la métaphore du fondement, qui

impliquerait qu’il faille considérer comme prophètes tous ceux qui ont le don de prophétie

dans le monde méditerranéen de l’époque et les ajouter au fur et à mesure de leur apparition,

d’où il s’ensuivrait un édifice en constante évolution sans fondement établi définitivement.

Alors que l’image d’une fondation « Christ et apôtres » serait parfaitement appropriée, et de

1 Peter JONES, « Y a-t-il deux types de prophéties dans le Nouveau Testament ? », La Revue Réformée 123, 1980/3, p.309, mais pour lui le fondement correspond à la prophétie apostolique (deuxième hypothèse).2 Edouard COTHENET, Exégèse et Liturgie, « Les prophètes chrétiens comme exégètes charismatiques de l’Ecriture », Lectio Divina 133, Ed. du Cerf, Paris, p.64. 3 Bible d’étude, Semeur 2000, Ed. Excelsis, 2001, p.1810.4 La construction est similaire pour Ephésiens 3 :5, toiv agioiv apostoloiv autou kai profhtaiv. 5 GRUDEM, op. cit., pp. 334-335.6 Ibid, p.335.

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plus corroborée par la vision de la cité céleste par Jean : « La muraille de la ville avait douze

fondements, et sur eux les douze noms des douze apôtres de l'Agneau. » (Ap 21 :14).

Enfin, selon Grudem, en envisageant deux groupes distincts (apôtres et prophètes), une

question doit s’imposer : où sont tous ces prophètes et leurs prophéties ?

S’il y a en effet un groupe aussi important que cette position le suggère, un groupe de prophètes qui n’étaient pas aussi apôtres mais qui parlaient les véritables paroles de Dieu avec une autorité divine absolue, et étaient partie du « fondement » de l’église universelle, alors ne devrions-nous pas espérer trouver quelque report venant d’eux dans les pages du Nouveau Testament ? Mais il n’y a pas de tels reports. 1

La thèse de Grudem n’a pas manqué de faire l’objet de nombreuses critiques, dont nous

reprendrons les principaux contre arguments.

En ce qui concerne le premier argument, l’omission de l’article devant « prophètes »,

D.B. Wallace prend d’abord pour exemple touv de poimenav kai didaskalouv (Ep

4 :11), en concédant que le lien des deux par un seul article les place à part par rapport aux

autres dons cités, et qu’il ne faut par conséquent pas envisager une distinction absolue. Il

suggère qu’il faut plutôt considérer poimenav comme une sous catégorie de

didaskalouv. Ainsi, si tous les pasteurs (ou anciens) peuvent être enseignants, tous les

enseignants ne sont pas pour autant pasteurs. Wallace affirme ensuite que la règle de

Granville Sharp2 (sur laquelle s’appuie Grudem) ne s’applique jamais quand deux noms

pluriels sont concernés. Or, parmi les exemples avancés par Grudem, aucun ne comporte deux

noms pluriels, mais des participes pluriels tenant lieu de substantifs. Wallace considère de fait

les apôtres comme une sous catégorie des prophètes, et lit « apôtres et [autres] prophètes »3.

Pour Gentry, supposer que Paul se réfère à deux groupes distincts en Ephésiens 4 :11,

mais ne voir qu’un seul groupe en Ephésiens 2 :20 et 3 :5, nécessiterait «  an anti-contextual

leap of logic »4. Gaffin partage cet argument et souligne que le seul autre passage où Paul

1 Ibid, p.339, italiques dans le texte.2 Cf. Farnell pour un développement détaillé in « Faillible New Testament Prophecy/Prophets ? A critique of Wayne Grudem’s Hypothesis », The Master’s Seminary Journal, 2.2, 1991, 162-69.3 Daniel B. WALLACE, Greek Grammar Beyond the Basics, Grand Rapids, Zondervan, 1996, pp.284-286. Dans sa réponse à Wallace, Grudem estime peu crédible d’imaginer le lecteur capable d’établir la distinction entre noms pluriels, et participes pluriels ou adjectifs pluriels tenant lieu de substantifs et combinés à des noms pluriels, et refuse l’argument. En outre, l’interprétation proposée par Wallace pour les pasteurs-enseignants lui paraît particulièrement ambiguë, d’autant que nombreux sont ceux qui n’y discernent qu’un seul groupe. (Op. cit., pp.345-346). D.B. Mc Williams pense qu’il n’y a pas lieu de faire appel à la syntaxe pour comprendre « pasteurs et enseignants », mais plutôt à la façon dont Paul envisage l’office pastoral (Cf. 1Ti 5 :17). D. B.WILLIAMS, « Something New Under the Sun », WTJ 54, n°2, 1992, p.322.4 Kenneth L. GENTRY, The Charismatic Gift of Prophecy : a reformed response to Wayne Grudem, Eugene, Wipf and Stock, 2000, p.30.

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mentionne apôtres et prophètes ensemble, 1 Corinthiens 12 :28, les présente clairement

comme deux groupes séparés1.

En réponse au second argument, relatif à la révélation (l’inclusion des Gentils) dont

seuls les apôtres auraient été les bénéficiaires, Williams avance que Jacques, généralement

non qualifié d’apôtre, est un contre exemple suffisant (Ac 15 :13) et souligne que l’inclusion

des Gentils est une conséquence de la croix. De plus Ephésiens 3 :8-9 ne précise pas que cette

réalité ait été révélée exclusivement aux apôtres. Il faut considérer l’accomplissement des

prophéties de l’A.T. relatives à cette inclusion à cet égard comme la progression de l’histoire

de la rédemption2. Thomas quant à lui signale que 9 des 13 passages cités par Grudem, ont été

écrits par Luc, qui n’était pas un apôtre3. Cette contre argumentation nous apparaît peu

satisfaisante4 et nous reviendrons sur ce thème dans la quatrième partie de ce travail.

Concernant l’argument se référant à la métaphore du fondement, Gentry démontre

que Grudem pousse l’image trop loin. Le fait que Paul, pourtant partie essentielle de la

fondation, ne se convertisse qu’en Actes 9 et ne devienne apôtre que bien après que l’édifice

ait été entrepris, avec l’addition de nombreux convertis (Ac 2 :41,47 et 4 :4), suffit à le

prouver5. Gentry souligne aussi qu’il n’est pas possible de s’appuyer sur Apocalypse 21 :14,

pour confirmer la thèse de Grudem :

En fait, la symbolique requise par le Livre de l’Apocalypse, (impliquant une symétrie entre les tribus de l’Ancien Testament et les apôtres du Nouveau Testament) semblerait plutôt être l’enjeu plutôt que la limitation par Jean d’une fondation de douze apôtres avérés. Plus importante est l’objection fatale à la position de Grudem. Les pierres en Apocalypse 21 :14 ne correspondent pas du tout à la fondation de pierres de la cité, mais au mur extérieur : « La muraille de la ville avait douze fondements, et sur eux les douze noms des douze apôtres de l'Agneau ». Ephésiens 2 et Apocalypse 21 se rapportent à deux fondations différentes de deux structures différentes.6

1 Richard B. GAFFIN, « La cessation des dons extraordinaires », La Revue Réformée 188, 1996/1-2, p.36. 1 Corinthiens. 12:28 : Et Dieu a établi dans l'Église premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des docteurs; ensuite il y a (le don) des miracles, puis les dons de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses sortes de langues ( kai ouv men eyeto o yeov en th ekklhsia prwton apostolouv deuteron profhtav ). Argument que Grudem concède, op. cit. p.343, mais estime toutefois que la signification voulue dans un cas n’implique pas obligatoirement la même signification ailleurs.2 WILLIAMS, art. cit. p. 323.3 Robert L. THOMAS, « Prophecy Rediscovered ? A Review of The Gift of Prophecy in the New Testament and Today », BSac 149, 1992, p.89.4 Grudem démontre aisément que Jacques peut être considéré comme un apôtre (op. cit. pp.231-232), cf. Ga 1 :19. Ephésiens 3 :8-9 ne précise pas grand-chose si ce n’est que Paul fut bénéficiaire d’une révélation et chargé de mettre en lumière le mystère caché de toute éternité en Dieu. Luc fait œuvre d’historien et rapporte des révélations effectivement concédées aux apôtres. 5 GENTRY, op. cit. p.34.6 Ibid, pp.31-32. Fowler White rajoute que Paul, bien qu’ayant aussi un rôle de fondation, ne fait pas partie des douze apôtres en Apocalypse 21 :14. Fowler WHITE, « Gaffin and Grudem on Eph 2 :20 : In Defense of Gaffin’s Cessationist Exegesis », WTJ 54, 1992, p.311.

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Reste le quatrième argument avancé par Grudem, qui fera l’objet de la quatrième partie.

D) Le fondement correspond aux apôtres et aux prophètes du Nouveau Testament

La dernière hypothèse distingue deux groupes, quant à l’interprétation d’Ephésiens 2 :20, et

correspond à la lecture proposée par Gaffin, pour qui « les prophètes mentionnés en 2 :20 et

3 :5 (cf. 4 :11) sont comme les apôtres : un don du Christ exalté à l’Eglise, mais un don

différent 1». Ainsi, l’omission de l’article avant le mot ‘prophètes’, « manifeste combien Paul

les associe aux apôtres dans l’activité fondatrice de l’Eglise, en tant que témoins du Christ et

du « mystère » révélé en lui ». Gaffin précise que les apôtres ne sont jamais désignés comme

prophètes par Paul, et que la fonction fondatrice des apôtres et prophètes est temporaire,

appelée à disparaître 2.

Gaffin fait cependant un pas herméneutique supplémentaire en postulant la

signification d’Ephésiens 2 :20 comme règle d’interprétation, affirmant que « le texte

d’Ephésiens 2 :20 recouvre toutes les affirmations du Nouveau Testament relatives à la

prophétie. »3

E) Conclusion

Quelle lecture retenir après cette présentation qui s’est voulue concise mais néanmoins

suffisamment précise ? Les interprétations relèvent-elles d’exégèses sereines ou ces exégèses

ne sont-elles que le fruit de présupposés théologiques ? L’épître aux Ephésiens mentionne –

elle deux types de prophètes (prophètes canoniques et prophètes ‘congrégationnels’) dans

chacun des trois passages concernés, ou un seul type (prophètes canoniques), ou encore un

type en Ep 2 :20 et 3 :5 (= apôtres), et un autre type en Ep 4 :11 (prophètes

‘congrégationnels’) ?

1 GAFFIN, art. cit., p.36, italiques dans le texte. Pour Gaffin, « le choix entre une compréhension personnelle et impersonnelle du fondement est, du point de vue exégétique, un faux problème. Le fondement est constitué par les apôtres qui témoignent, et par les apôtres qui ont reçu une révélation et en parlent », p.34.2 Ibid, pp. 36-37.3 Ibid, p.38.

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Si la première interprétation semble exclue, la seconde est toutefois retenue, notamment par

Penney, théologien charismatique. Cette lecture lui permet d’exclure Ephésiens 2 :20 du débat

concernant un type de prophétie d’autorité moindre, non infaillible, toujours d’actualité. Sa

vision non cessationiste en sort par conséquent confortée, à moins qu’elle ne soit à l’origine

même de sa propre interprétation ?

Pour Grudem, considérer que seuls les apôtres dans leur rôle prophétique de fondation

sont cités en Ephésiens 2 :20 et 3 :5, alors qu’en Ephésiens 4 :11, il s’agit du commun des

chrétiens ayant reçu le don de prophétie, peut paraître indispensable pour soutenir l’idée qu’au

contraire des apôtres dont l’office a cessé, celui de prophète perdure aujourd’hui. Sa thèse a

évidemment été accueillie avec enthousiasme dans les milieux charismatiques (et a même

séduit d’autres théologiens). Elle semble toutefois buter sur l’argumentation syntaxique de

Wallace. La question demeure : est-ce le contexte cultuel vécu par le théologien qui influence

sa théologie ou l’exégèse biblique et son contexte historique ?

Quant à Gaffin, son postulat herméneutique est-il valide ? G. Fee (théologien

pentecôtiste) émet de sérieux doutes sur la méthodologie employée, qualifiant la thèse de

Gaffin d’exemple d’herméneutique inadéquate, où la logique précède l’exégèse1. La

perspective cessationniste de Gaffin aurait-elle induit un pas de trop dans la démarche

exégétique ?

Pour appuyer leur thèse, chacun s’en réfère d’une part à la première épître aux

Corinthiens (1Co 12-14), et d’autre part au livre des Actes des Apôtres. Nous avons choisi

d’approfondir les données relatives aux Actes et de les confronter avec les deux

interprétations majeures (Gaffin et Grudem) proposées. La remarque qui sous-tend ce travail

étant celle énoncée par Grudem :

Si Ephésiens 2 :20 et 3 :5 parlent de deux groupes distincts, apôtres et prophètes, alors les ‘prophètes’ mentionnés-là devraient être ceux qui partagent une autorité similaire aux apôtres – et devraient par conséquent être différents des prophètes ordinaires dispersés au sein des nombreuses premières congrégations chrétiennes, décrites en détail dans les autres parties du Nouveau Testament. Il doit être

1 Gordon D. FEE, Gospel and Spirit : Issues in New Testament Hermeneutics, Peabody, Hendrickson, 1991, pp.75-77. «  The basic problem I have with Gaffin’s book…is his subtle use of the analogy of scripture, which is both predisposed toward a given theological system and intermixed with skillful theological logic and the exegesis of texts so as to arrive at a predetermined conclusion », p.76.Bien que Fee axe son développement sur le parler en langues (5 points), il est suffisant de rapporter la démarche de Gaffin qu’il décompose en trois points quant à la prophétie :

(1) Prophecy and tongues function similarly, both being what he (Gaffin) terms “revelatory gifts.”(2) On the basis of Ephesians 2:20 he argues that apostolicity and prophecy are also to be understood as

“foundational gifts”.(3) Since apostles ceased after their function of being “foundational” for the church, so too, did the

prophets.

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souligné que Richard Gaffin prête beaucoup d’attention à Ephésiens 2 :20, et affirme que cela décrit tous les prophètes dans toutes les nouvelles églises du Nouveau Testament, mais il donne peu d’analyse des véritables données dans le reste du Nouveau Testament afin de démontrer que cela est vrai – c'est-à-dire que la prophétie dans ces autres contextes accomplit en fait le même rôle de ‘fondation’.1

Il conviendra de s’intéresser d’une part, à l’option défendue par Grudem, à savoir,

peut-on discerner au sein des Actes, des données confirmant l’idée d’une prophétie à deux

niveaux d’autorité ? Et d’autre part, à examiner si la thèse de Gaffin est supportée par ces

mêmes données, à savoir les prophètes et prophéties des Actes possèdent-ils le rôle de

fondation attribué aux prophètes d’Ephésiens 2 :20 ? L’une et l’autre optique correspondront

respectivement aux sujets de la troisième et quatrième partie de ce travail. Mais auparavant, il

nous paraît important d’aborder et d’évaluer une vison des prophètes du Nouveau Testament

caractéristique de la tradition pentecôtiste : l’idée que tous sont potentiellement prophètes. En

effet, si cette perspective se trouvait confirmée, il s’ensuivrait une compréhension nouvelle

des textes mentionnant les prophètes dans l’épître aux Ephésiens.

II Le livre des Actes décrit-il une vocation prophétique universelle ?

1 GRUDEM, op. cit., p.345, italiques dans le texte.

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La thèse pentecôtiste qui considère qu’une communauté de prophètes est née à la Pentecôte, et

que chaque chrétien est potentiellement un prophète mérite qu’on s’y attarde quelque peu.

C’est Roger Stronstad1, théologien des Assemblées de Dieu, qui a su développer de manière

cohérente ce qui demeurait souvent à l’état latent dans la mentalité et la perspective

charismatiques de nombre croyants pentecôtistes.

Pour Stronstad, la pneumatologie de Luc doit s’interpréter par rapport à l’arrière plan

de l’A.T., notamment à partir de l’analogie du transfert de l’Esprit charismatique d’un leader

envers ses successeurs (de Moïse aux anciens, d’Elie à Elisée). L’Esprit sur Jésus est avant

tout l’Esprit de prophétie2 qui lui donne la puissance pour réaliser sa mission, et le récit de

Pentecôte correspond à l’histoire du transfert de l’Esprit charismatique de Jésus aux disciples.

Ainsi, les Actes décrivent l’accomplissement de l’espérance de Moïse (Nb 11 :10-30, l’Esprit

est transféré aux anciens qui se mettent à prophétiser). L’Esprit charismatique du jour de

Pentecôte est par conséquent paradigmatique pour l’expérience du peuple eschatologique de

Dieu, qui constitue une communauté de prophètes, une communauté charismatique, d’où la

notion de ‘prophethood of all believers’3. Stronstad ne tente aucune adéquation entre la

pneumatologie de Luc, qu’il qualifie de charismatique, et celle de Paul, plus sotériologique.

C’est à la condition de cette indépendance lucanienne que le théologien peut conférer une

cohérence à sa thèse.

En effet, l’expression ‘rempli de l’Esprit’, employé neuf fois en Luc-Actes4

correspond, il est vrai, au don de l’Esprit promis et reçu le jour de Pentecôte, mais ne

constitue pas un événement isolé et limité à Pentecôte car avant et après ce jour, que ce soit

individuellement ou collectivement plusieurs ont été remplis de l’Esprit. Ainsi, l’expérience

de Zacharie (Lc 1 :67) ne diffère en rien de celle de Pierre (Ac 2 :4 ; 4 :8 ; 4 :31). Le fait que

1 Roger STRONSTAD, The Charismatic Theology of St Luke, Peabody, Hendrickson, 1984.2 L’Esprit conféré à Pentecôte correspond à ce que le Judaïsme intertestamentaire nomme « l’Esprit de prophétie », une expression qui, outre son utilisation régulière dans les targums, était aussi employée dans Jubilées et par Philon, pour désigner l’Esprit de Dieu. Ainsi, pour Max Turner : « C’est l’évidente congruence entre les dons spécifiquement attribués à l’ ‘Esprit de prophétie’ dans les targums, et ceux usuellement attribués à l’Esprit partout ailleurs dans le Judaïsme (même si le terme n’est pas employé), qui peut-être justifie la spécificité d’une compréhension Juive traditionnelle de l’Esprit en tant qu’ ‘Esprit de prophétie’ ». Max TURNER, Power from on High, JPTS 9, Sheffield : SAP, 2000, p. 88. 3 Roger STRONSTAD, The Prophethood of All Believers, JPTS 16, Sheffield: SAP, 1999.4 Lc 1 :15, 41, 67 ; Ac 2 :4 ; 4 :8 ; 9 :17 ; 13 :9 ; 13 :52.

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sept fois sur neuf l’expression soit à l’aoriste de l’indicatif favorise la conception d’une

expérience répétitive. Enfin, et surtout, l’expression décrit toujours une inspiration

prophétique1. Stronstad identifie trois types de prophéties : d’adoration, de jugement, et de

témoignage. Le don de l’Esprit promis par le prophète Joël présente trois caractéristiques : il

est eschatologique (Ac 2 :17), mais l’âge eschatologique a déjà débuté avec le renouvellement

de l’inspiration prophétique dans les récits de l’enfance. Ensuite, il est prophétique, Pierre

identifie la glossolalie à de l’inspiration prophétique (Ac 2 :17), dont le contenu célèbre les

merveilles de Dieu (Ac 2 :11). Et enfin, il est universel, offert à tous (Ac 2 :17-18), et non

plus réservé à une élite de leaders charismatiques comme dans l’A.T. Cette universalité

comporte une dimension temporelle (de génération en génération, Ac 2 :39) et sociale. Cette

disponibilité universelle est celle même du don de grâce (Ac 2 :39). Pour Stronstad, « il est

d’une signification capitale pour l’interprétation du don de l’Esprit au jour de Pentecôte que

Pierre ne fasse pas appelle à Esaïe ou Ezéchiel, qui annoncent le renouvellement intérieur de

l’Esprit, mais plutôt à Joël, qui annonce la restauration de l’activité prophétique de l’Esprit »2.

Pour le théologien pentecôtiste, tous ont le potentiel pour devenir prophètes.

D’une certaine manière, comme le souligne Gaffin, de même que tous sont prêtres

dans l’optique de la Réforme, de même tous peuvent être qualifiés de prophètes au sein de la

nouvelle communauté de l’alliance, « dans le sens où les paroles de Dieu sont accessibles à

tous, et que par l’œuvre de l’Esprit, les lois et statuts de l’alliance sont un témoignage écrit

dans les cœurs et manifesté dans les vies de tous. »3 Mais, contrairement à la lecture de

Stronstad, Gaffin affirme qu’ « apparemment, sans exception, toutefois, le vocabulaire relatif

à la prophétie du Nouveau Testament n’est pas utilisé dans ce sens.»4. Mettre ces deux

perspectives en dialogue est évidemment impossible et la démarche s’avérerait stérile. Nous

estimons pour notre part plus pertinent d’évaluer la thèse de Stronstad à l’aide de théologiens

partageant les mêmes présupposés charismatiques.

1 “To be filled with the Spirit invariably results in one of several speech patterns. The Iconium disciples being ‘filled with joy and with the Holy Spirit’ (Acts13:52) is only an apparent exception, for in Luke’s perspective joy is as much a matter of inspiration as is prophecy (Luke 10:21). Twice Luke identifies the speech pattern which results from being filled with the Spirit. First Zacharias is filled with the Holy Spirit and prophesies (Luke 1:67), and second Peter identifies tongues-speaking with prophecy (Acts 2:4;2:17). Guided by these identifications, we can also identify the other speech patterns as prophetic”. STRONSTAD, The Charismatic, p.54.2 Ibid, p.563 Richard B.GAFFIN, Perspectives on Pentecost, Phillipsburg, P&R, 1979, p.59. Cf. Es 59 :21 ; Je 31 :33 ; Ez 36 :27 ; 2Co 3 :3s ; 1Jn 2 :27. A noter que l’article de Gaffin, cité précédemment est extrait de cet ouvrage.4 Ibid.

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Penney, théologien pentecôtiste cité dans la première partie, n’ira pas jusqu’à affirmer

que tous sont prophètes, mais intègre tous les croyants au sein d’une nouvelle communauté

prophétique. Il estime que Luc décrit Pentecôte comme un événement eschatologique qui

renouvelle la vocation missionnaire d’Israël, et pour lui tous reçoivent la puissance de l’Esprit

non pour prophétiser, mais pour témoigner1. Max Turner, est un théologien charismatique,

qui, bien qu’acceptant l’accentuation prophétique de la pneumatologie de Luc, s’oppose à

l’idée que le Nouveau Testament présenterait tous les croyants comme prophètes2 ou comme

témoins remplis de puissance3. Considérons trois des arguments qu’il développe.

Premièrement, si l’Esprit a suscité de puissants leaders charismatiques, dans la continuité du

ministère prophétique de Jésus, des exemples héroïques, il ne faut point les ériger en

paradigme pour tous les croyants, car rien dans le récit lucanien ne suggère que tous

prophétisent 4. Quand Luc fait mention de prophètes, il s’agit de groupes restreints, les

mettant ainsi à part des autres croyants (cf. Ac 11 :27 ; 13 :1 ; 15 :32 ; 21 :10). Préciser que

les quatre filles de Philippe prophétisent n’aurait que peu d’intérêt si une telle pratique était

commune à tous (Ac 29 :9).

Deuxièmement, la promesse de l’Esprit dont Pierre parle en Actes 2, qui est une

version christianisée de l’Esprit de prophétie annoncé par Joël, et l’ajout répétitif de

l’expression « et ils prophétiseront » (Ac 2 :18)5, pourraient induire l’idée que tous sont

prophètes. Cependant le terme « Esprit de prophétie » d’une part n’est pas lucanien, et d’autre

part appartient à la conception relative à l’Esprit du Judaïsme intertestamentaire, laquelle ne

limite en aucun cas l’activité de l’Esprit à l’inspiration prophétique6.

1 John PENNEY, The Missionary emphasis of Lukan Pneumatology, JPTS 12, Sheffield : SAP, 1997, p.120. Pour Penney, “the prophetic call of the Old Testament was transformed into the Apostolic Great Commission, and the essential continuity of those who proclaim this good news with the prophets of the Old Testament is explicit in Stephen’s sermon where his opponents conform to their forebears who persecuted the prophets (Acts 7:51). This background also underlies the similarity between Paul’s defence of his apostleship and the call narratives of the Old Testament prophets. The Spirit of prophecy in Luke, then is not to be understood as a universal capacity for receipt and delivery of revelations but of participation in a prophetic community in which missionary proclamation is the paramount activity, and within which particular gifts and ministries such as prophecy have their function.” Ibid, p.58. 2 Max TURNER, Does Luke Believe Reception of the ‘Spirit of Prophecy’ makes all ‘prophets’? Inviting Dialogue with Roger Stronstad, texte transmis par l’auteur.3 Max TURNER, « Every Believer as a Witness in Acts ? - in Dialogue with John Michael Penney » , Ashland. Theological Journal 30 (1998), 57-71.4 Max TURNER, Does Luke Believe Reception of the ‘Spirit of Prophecy’ makes all ‘prophets’?5 La citation de Joël met l’accent sur l’aspect prophétique du don, et Pierre renforce cette caractéristique en ajoutant « kai profhteuousin » (Actes 2 :18) à la citation du prophète.6 En fait, cette activité recouvre cinq catégories correspondant à ce que le théologien nomme les « dons prototypiques de l’Esprit de prophétie, c’est à dire : 1. Révélation charismatique et guidance 2. Sagesse charismatique 3. Parole prophétique inspirée 4. Louange ou adoration charismatiques inspirées 5. Acte de puissance (miracle).

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Enfin, troisièmement, le fait que Luc ne se réfère pas à Ezéchiel 36 :26 pour définir

Pentecôte ne présume en rien que l’action de l’Esprit soit considérée uniquement comme un

donum superadditum à une conversion préalable, dénuée d’orientation sotériologique. En

effet, la promesse d’Actes 1 : 8 rappelle au lecteur celle de Luc 24 :49 : « Et voici: j'enverrai

sur vous (ef umav) ce que mon Père a promis, mais vous, restez dans la ville, jusqu'à ce que

vous soyez revêtus de la puissance d'en haut, (dunamin ex uqouv) ». Luc 24:49 et

Actes1 :8 reposent à l’évidence sur Esaïe 32 :15a (LXX « Jusqu'à ce que l'Esprit soit répandu

d'en haut sur vous », ewv an epelyh ep umav pneuma af uqhlou), qui appartient à un

passage relatif à la restauration d’Israël lors du Nouvel Exode et à sa transformation

intérieure1.

Il reste à traiter des manifestations prophétiques associées aux manifestations

glossolales. Deux sont explicitement décrites en Actes (le jour de Pentecôte Ac 2 : 11,17-18 ;

et 19 :6), les deux autres sont implicites (Ac 8 :17-18 et Ac 10 :44-46). Nous nous

intéresserons uniquement aux disciples d’Ephèse : « Lorsque Paul leur eut imposé les mains,

le Saint Esprit vint sur eux, et ils parlaient en langues et prophétisaient » (Ac 19 :6). Pour

Stronstad, cet événement, en association avec celui de Samarie, l’expérience de Paul et celle

de Corneille, poursuit deux desseins, l’un historique en illustrant l’accomplissement de

l’œuvre missionnaire confiée par Jésus à ses disciples en Actes 1 :8 ; l’autre théologique en

démontrant l’universalité du don prophétique de l'Esprit, au-delà de Jérusalem et des chrétiens

juifs2. Gaffin serait sans doute d’accord avec le dessein historique, en tant

qu’accomplissement d’Actes 1 :8 (vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée,

dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre) développé dans le livre des Actes. Mais,

pour lui les événements rapportés en Actes 8,10 et 19 ne font pas partie d’une série appelée à

être répétée indéfiniment, mais sont « des éléments de la propagation fondationnelle initiale

de l’évangile, en corrélation avec les événements d’Actes 2 et font partie d’un unique, non

répétable (i.e. non typique, non modulable) complexe d’événements »3. Mais cependant, il

nous semble difficile de placer Ephèse et « les disciples » concernés dans ce programme

géographique. Faut-il considérer que l’événement d’Ephèse était nécessaire pour valider

l’entrée dans la communauté de l’alliance des disciples qui n’ont connu que le baptême de

Jean ? Gaffin le pense mais trouve la situation ambiguë. Il avait pourtant souligné très

1 TURNER, Power…, pp.300-01. 2 STRONSTAD, The Charismatic Theology…, p.68.3 GAFFIN, op.cit., p.24.

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justement que l’annonce d’Actes 8 fut adressée uniquement aux apôtres et non à tous les

croyants, les plaçant de fait dans leur ministère de fondation1. De même remarque-t-il que

cette implication des apôtres est mentionnée par Luc : « Quand les apôtres, qui étaient à

Jérusalem, apprirent que (les habitants de) la Samarie avaient reçu la parole de Dieu, ils leur

envoyèrent Pierre et Jean » (Ac 8:14), « les apôtres et les frères qui étaient dans la Judée

apprirent que les païens avaient aussi reçu la parole de Dieu (Ac 11 :1). Turner va plus loin en

suggérant que l’événement d’Ephèse pourrait très bien servir à justifier l’apostolat de Paul, en

pendant de l’événement de Samarie, démontrant que le même Saint Esprit qui avait été

accordée par les mains de Pierre et Jean, le fut aussi par Paul2, le dernier des apôtres. Mais

pour le théologien charismatique, l’incident d’Actes 19 :6, ne peut être qualifié de

paradigmatique. Par ailleurs, il souligne que Luc ne précise pas si tous ont effectivement parlé

en langues ou si tous ont effectivement prophétisé, ou s’il y a une mixture des deux

phénomènes.

Il nous apparaît possible de conclure que la perspective de Stronstad, que tous

reçoivent une vocation prophétique, ou ont le potentiel pour, n’est pas fondée sur les données

scripturaires lucaniennes. Si Luc pose un paradigme, il est plus en rapport avec l’aspect

sotériologique de sa théologie. Actes décrit peu de prophètes, et les manifestations

prophétiques notables s’intègrent au développement géographique de l’histoire de la

rédemption, en marquent les grandes étapes, mais ne peuvent soutenir l’idée d’une

« prophethood of all believers ».

1 Ibid, pp.23-24. 2 TURNER, Power, p.397.

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III Le livre des Actes décrit-il deux niveaux de prophétie et des prophètes fondateurs ?

A) Définition de la prophétie et de la problématique

L’Ancien Testament donne ce qui pourrait être qualifié de définition vétérotestamentaire

suffisante de la prophétie en Nombres 12 :6-8 et Deutéronome 18 :15-18. La perspective

néotestamentaire est plus particulièrement mis en évidence en Actes 2 :17-18 et en

1Corinthiens 14 :24-32 1. Pour Aunes, qui a étudié la prophétie dans le christianisme primitif,

« la caractéristique de la parole prophétique ne réside pas tellement dans son contenu ou sa

forme, mais dans son origine supernaturelle »2. Grudem lui reproche de mesurer en quelque

sorte à la même aune, prophétie païenne et prophétie inspirée par le Saint Esprit, comme

phénomène religieux semblable3. Gaffin pour sa part distingue deux caractéristiques dans la

prophétie : d’une part, c’est un don concédé à quelques uns dans l’église, non à tous ; d’autre

part, c’est un don de révélation, par lequel les mots de Dieu sont rapportés à l’église selon

leur sens originaire4. Pour Grudem aussi, deux spécificités qualifient la prophétie : c’est une

révélation du Saint Esprit (sa source) qui nécessite un report public de cette révélation (la

prophétie elle-même)5. Il est possible dès lors de discerner l’existence d’une nuance entre les

deux théologiens : alors que pour Gaffin il n’y a pas de différence entre la parole source et la

parole rapportée, Grudem laisse ouverte la possibilité d’un décalage entre la révélation et son

report6. A noter que selon Forbes, la prophétie, aussi bien chez Paul que chez Luc apparaît

comme :

1 1 Corinthiens 14:29 : Pour les prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres jugent. profhtai de duo h treiv laleitwsan kai oi alloi diakrinetwsan .30 Un autre assistant a-t-il une révélation, que le premier se taise. ean de allw apokalufyh kayhmenw o prwtov sigatw. Turner définit de ce fait la prophétie chez Paul comme «  the reception and subsequente communication of spontaneous, divinely given apokalupsis….the declaring of a revelatory experience ». Max TURNER, « Spiritual Gifts Then and Now », Vox Evangelica, Vol. XV, 1985, pp.10-11.2 David E. AUNES, Prophecy in Early Christianity and the Ancient Mediterranean World, Grand Rapids, Eerdmans, 1983, p.338.3 GRUDEM, op. cit., p.289.4 GAFFIN, op. cit., p.59.5 GRUDEM, op. cit., pp.113-114.6 Toutefois les deux théologiens s’accordent pour distinguer la prophétie de la prédication ou de l’enseignement, par sa composante révélationnelle spontanée.

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La proclamation publique d’une expérience de révélation, et essentiellement à prédominance verbale. Les révélations pour une seule personne ne sont normalement pas dénommées prophétie…..Pour Paul, le prophétie est normalement ‘immédiatement inspirée’ : c'est-à-dire que dans des circonstances normales, la proclamation publique devrait suivre immédiatement la réception de la révélation.1

Au cours de cette partie, nous questionnerons le livre des Actes, afin de déterminer si la

position d’une part, de Grudem, s’avère fondée. Ce dernier ne discerne en effet dans le récit

lucanien que des situations de prophéties congrégationnelles, de qualité moindre par rapport

aux prophéties apostoliques fondatrices. Il conviendra par conséquent d’évaluer si deux

niveaux de prophéties sont attestés par Luc. Et d’autre part, si la position de Gaffin, c’est à

dire l’idée qu’Ephésiens 2 :20 s’applique à « toutes les affirmations du Nouveau Testament

relatives à la prophétie »2, et confère une fonction fondatrice à tous les prophètes

néotestamentaires, est confirmée par les données scripturaires. Ce qui permettrait de répondre

à la question de Grudem : Où sont tous ces prophètes fondateurs et leurs prophéties ? Nous

nous pencherons par conséquent sur le rapport entre le contenu des prophéties et

l’inscripturation éventuelle de ce contenu.

Quatre situations retiendrons notre attention : les prophéties des croyants non désignés

comme prophètes le jour de Pentecôte et à Ephèse, les filles de Philippe, la valeur des

déclarations par l’Esprit, et le cas d’Agabus, le seul prophète non apôtre aux prophéties

connues. Nous terminerons en nous interrogeant sur la manière dont le débat est posé, et sur la

possibilité d’une alternative au dilemme Gaffin-Grudem.

B) Actes 2 :17-18 & 19 :6 : Les fils et les filles prophétisent

Actes 2 : 17. « Dans les derniers jours, dit Dieu, Je répandrai de mon Esprit sur toute chair; Vos fils et vos filles prophétiseront Vos jeunes gens auront des visions, Et vos vieillards auront des songes. 18. Oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, Dans ces jours-là, je répandrai de mon Esprit; Et ils prophétiseront ».

K.Gentry entend répondre à la question qui fait l’objet de cette partie de façon péremptoire,

en notant que si ce passage décrit l’accomplissement de la prophétie de Joël (Joël 2 :28-29),

alors « un véritable prophète de l’Ancien Testament parle de la venue de l’Esprit à Pentecôte

accompagnée de l’apparition des mêmes phénomènes que ceux associés aux prophètes de

1 Christopher FORBES, Prophecy and Inspired Speech in Early Christianity and its Hellenistic Environment , Peabody, Hendrickson, 1997, p. 220. Forbes élimine ainsi les rêves et visions rapportés ultérieurement pas Paul (Actes 18 :9 ; 23 :11 ; 27 :23-24) considérés par Aunes comme des oracles d’assurance. Cf. Aunes, op. cit., p.320.2 GAFFIN, art. cit., p.38.

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l’Ancien Testament »1. Et d’établir la connexion avec Nombre 12 :6, « Il dit: Écoutez bien

mes paroles! Lorsqu'il y aura parmi vous un prophète, c'est dans une vision que moi, l'Éternel,

je me ferai connaître à lui, c'est dans un songe que je lui parlerai ». En se référant auparavant

à 12 :6-8, Gentry affirme que ce verset démontre que le prophète peut recevoir une révélation

prophétique, divine et revêtue d’autorité, aussi sous bien forme de paroles que de rêves ou

visions. La démonstration paraît convaincante, mais pourquoi dans sa référence à Nombres

12 :6-8, quelques lignes plus tôt, Gentry ne cite-t-il que le verset 62 ?

P. Jones, entrevoit différemment le lien entre le passage des Nombres, la prophétie de

Joël et le récit de Luc. Il y discerne même le fondement de deux types de prophéties dans

l’Ancien testament3. Mais remédions à l’omission de Gentry 4 :

Nombres 12:7-8 Il n'en est pas ainsi de mon serviteur Moïse. Il est fidèle dans toute ma maison. Je lui parle de vive voix, je (me) fais voir sans énigmes, et il contemple une représentation de l'Éternel. Pourquoi donc n'avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur, contre Moïse?

Une distinction est établie entre la manière dont Dieu se révèle à Moïse, le prophète, en lui

parlant de ‘bouche à bouche’, de façon claire, et lui permettant de contempler une

représentation, et celle visiblement plus énigmatique, par vision ou songe, employée envers

les autre prophètes. De fait, Jones voit dans ce passage « l’esquisse de deux types de

prophéties, l’une charismatique et énigmatique, l’autre mosaïque5 et génératrice d’une parole

sûre et donc éventuellement des écritures saintes ».6

Qu’en est-il de l’opinion de Grudem, qui trouve en Jones un allié pour sa thèse ? Pour

lui, Moïse demeure unique et aucun prophète ne peut lui être égalé. La prédiction de

Deutéronome 18 :15 7, ne recevra qu’un accomplissement partiel avec tous les prophètes

vétérotestamentaires qui prononceront les paroles de Dieu, car elle ne sera accomplie qu’en 1 GENTRY, op. cit., p.6 . Robertson suit la même logique. Cf. O. Palmer ROBERTSON, The Final Word : A Biblical Response to the case for Tongues and Prophecy Today, Carlisle, Banner of Truth, 1993, p.12.2 Ibid, p.5.3 JONES, art. cit., p.310 s.4 Cette omission n’est que temporaire, car Gentry cite entièrement les deux versets une trentaine de pages plus loin et concède : « does not God himself suggest differing levels of clarity among those whore were Old Testament prophets ? », p.37.5 Cette prophétie mosaïque inclut « la lignée des ‘prophètes-comme-Moïse’, car le canon documentaire de l’alliance grandit au fur et à mesure que les ‘prophètes-comme-Moïse’ exercent un ministère semblable ». JONES, art. cit., p. 315.6 Ibid. Jones appuie sa démonstration avec l’examen d’1 Corinthiens 13 :8-12 en parallèle de Nombres 12 :6-8, en soulignant leur vocable commun, soit énigme / ainigmati, bouche à bouche / face à face et vision traduit miroir dans la LXX. Il retrouve en 1 Corinthiens 14, la prophétie charismatique soumise à l’autorité de l’apôtre. S. Romerowski s’oppose correctement à cette interprétation, en remarquant qu’en 1 Corinthiens 13, la prophétie « n’est pas mise en contraste avec la prophétie apostolique, mais avec la connaissance que nous aurons dans l’au-delà futur… La connaissance apportée par l’enseignement apostolique demeure partielle et indirecte (« au moyen d’un miroir ») par rapport à la connaissance parfaite qui est à venir. Ce texte ne peut donc servir de soutien à la thèse d’une distinction entre la prophétie charismatique et la prophétie canonique  ». Sylvain ROMEROWSKI, « La prophétie dans l’Ecriture », Hokhma 72, 1999, p.34.

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Christ 1. Grudem juge sans doute prudent de ne pas s’avancer sur ce terrain, et c’est aussi

l’avis de S. Romerowski, pour qui le texte de Nombres 12 n’a pas pour visée de distinguer

deux types de prophètes, distinction qui n’apparaît pas dans l’histoire d’Israël. Aussi :

Visions et songes ne sont cités ici qu’à titre d’exemples faisant contraste avec l’accès privilégié et unique de Moïse à la révélation divine, et non pas comme seuls modes par lesquels le Seigneur se révélerait à d’autres prophètes. Ainsi le but du texte est de souligner le rôle unique de Moïse, en tant que fondateur de l’ancienne alliance.2

Grudem fait toutefois une distinction entre les prophètes établis et les prophètes

secondaires, souvent en groupes (cf. 1S 10 :5 ; 1R 18 :4 ; 2 R 2 :3, 5, 7 ; 4 :38), et considère

que « cette large distribution de prophéties à ces bandes de prophètes est l’ombre de la

dispensation de la prophéties aux ‘fils et …filles…serviteurs et…servantes’ (Ac 2 :17-18) de

la nouvelle alliance »3. Grudem perçoit de la sorte en Actes 2 :17-18 un second niveau de

prophétie ne possédant pas l’autorité absolue des paroles divines, déjà présent dans l’Ancien

Testament, et aboutit à une conclusion identique à celle de Jones. Et c’est ce même type de

prophétie que rapporte l’événement d’Ephèse (Ac 19 :6) 4.

Le théologien estime que ces prophéties, n’étant pas celles de prophètes revêtus

d’autorité divine absolue, ne peuvent avoir un rôle de fondation. Concernant les douze

disciples d’Ephèse, il souligne qu’ « il n’y aurait nul besoin d’ajouter douze sources de

« paroles de Dieu » quand Paul lui-même était présent avec eux »5. John Hilbert apporte une

réponse que nous estimons suffisante :

Les prophéties de Pentecôte déclarent les merveilles de Dieu. Non seulement ce contenu est pleinement significatif, mais il correspond aussi à l’expression prophétique des psaumes canoniques de louange, aussi bien dans l’Ancien Testament, que dans les récits de l’enfance de Jésus. L’extatique parole prophétique en Actes 2 est en continuité avec l’infaillible parole prophétique de l’Ancien Testament. Un phénomène similaire se produit en Actes 10 :46 (parler en langues et exalter Dieu) et probablement en Actes 19 :6 (parler en langues et prophétiser).6 

Le fait que le contenu de ces prophéties n’ait pas été inscripturé, ne nous semble pas

être une preuve suffisante pour dénier l’autorité des paroles prononcées. Il faut rappeler que si

l’accomplissement de la prophétie de Joël correspond au souhait ancestral de Moïse

7 Deutéronome 18:15 : L'Éternel, ton Dieu, te suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous l'écouterez !1 GRUDEM, op. cit., p.273. 2 ROMEROWSKI, art. cit., p.34.3 GRUDEM, op. cit., p.275.4 Ibid, pp.74-75.5 Ibid, p.75.6 John W. HILBERT, « Diversity of OT Prophetic Phenomena and NT Prophecy », WTJ 56, 1994, p.255.

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(Nb11 :29), les prophéties des 70 ne nous ont pas été rapportées non plus (Nb11 :25). Ceux

qui proclament ainsi les merveilles de Dieu participent-ils au rôle de fondation d’Ephésiens

2 :20 ? Selon Gaffin, « d’une façon générale, la prophétie se rapporte toujours à des

‘mystères’, qui, chez Paul, sont toujours de nature historico-rédemptive »1. Or, si nous tentons

d’appliquer cette remarque aux prophéties des Actes, il nous faut bien reconnaître que rien ne

permet d’être aussi catégorique. Les merveilles de Dieu se rapportent sans doute à l’histoire

de l’alliance, et le mystère nous semble plutôt révélé dans l’événement lui-même, c’est à dire

l’acte même de prophétiser et la nature, l’origine, de ceux qui prophétisent (par les 120,

Corneille et sa famille, les Ephésiens) et qui ne sont pas nommés prophètes par ailleurs.

C) Actes 21 :9, Les filles de Philippe prophétisent

Actes 21: 8. Partis le lendemain, nous sommes arrivés à Césarée. Étant entrés dans la maison de Philippe l'évangéliste, qui était l'un des sept, nous avons demeuré chez lui. 9. Il avait quatre filles vierges qui prophétisaient.

Grudem souligne que le participe présent utilisé, profhteuousai, milite en faveur d’une

activité prophétique continue de la part des filles de Philippe2. Mais ces femmes, tout comme

les disciples d’Ephèse, ne sont pas qualifiées de prophétesses ; Luc rapporte seulement dans

les deux cas leur activité prophétique.

J. Riddle, qui consacre un article3 aux quatre filles de Philippe, pense que Luc a

souhaité souligner l’accomplissement de la prophétie de Joël, en décrivant d’une part que les

fils (les Ephésiens) et d’autre part, les filles (les filles de Philippe) mentionnés en Actes 2  :17

prophétisent effectivement, sans pour autant leur attribuer le statut de prophète, office réservé

à certains seulement4. Il rejoint Grudem dans sa tentative de donner de la cohésion au rôle de

1 GAFFIN, art. cit., p.40.2 GRUDEM, op. cit., p.283. Gaffin estime que pour ces deux exemples, l’activité devait sans doute être temporaire. Cf. art. cit., p.59.3 Jeffrey T. RIDDLE, «Are the daughters of Philip among the Prophets of Acts? », JBMW 11/1, Spring 2006, 20-29. Riddle expose trois vues concernant les filles de Philippe, la première qu’il juge naïve, la perspective égalitaire, qui confère un rôle de leardership aux femmes des Actes, et considère les filles de Philippe comme prophétesses ordonnées par les apôtres. La seconde vue, perspective subordinationiste, tombe dans l’excès inverse, estimant que Luc désapprouve tacitement le rôle prophétique des femmes. La troisième vue, la perspective libérationiste qui affirme que Luc subvertit volontairement la compréhension patriarcale du rôle de la femme dans le christianisme naissant. Riddle oppose à ces trois vues sa perspective ‘complémentaire’, qui accorde la possibilité aux femmes de prophétiser, mais réserve le titre de prophète et le leadership (prédication et enseignement) de l’Eglise aux hommes. Tous peuvent prophétiser, mais tous ne sont pas pour autant prophètes (Cf. 1Co 14 :31).4 En fait, huit personnes au maximum sont qualifiées de prophètes dans le livre des Actes, parmi les croyants de la nouvelle alliance : Agabus (Ac 11 :27 ; 21 :10), cinq prophètes et docteurs à Antioche (Ac 13 :1), Barnabas, Siméon Niger, Lucius de Cyrène, Manahen et Paul, sans qu’il soit possible d’affirmer que tous sont effectivement prophètes ; et enfin Judas et Silas (Ac 15 :32).

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la femme lors du culte en conciliant les données de 1 Corinthiens 11 :5 et celles de

1 Corinthiens 14 :33b-35. Exposons brièvement cette thèse avant de mettre en évidence le lien

avec le verset qui nous préoccupe d’une part, et la notion de différents degrés dans l’autorité

divine des paroles prophétiques d’autre part. Paul précise que la femme a le droit de

prophétiser (1Co 11 :5) à condition d’avoir la tête voilée, mais un peu plus loin dans l’épître,

il exige que les femmes se taisent dans l’assemblée (1Co 14 :34). Grudem suggère de lire

cette recommandation dans le prolongement de celle de 1Corinthiens 14 :29 : « Pour les

prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres jugent ». Ainsi, les femmes reçoivent

l’admonition de se taire pendant l’évaluation de la prophétie1. Le rôle de leadership reste

conféré aux hommes et si les femmes peuvent prophétiser2, c’est bien en raison du caractère

secondaire de ce type de prophétie : un report sous forme de paroles humaines d’une pensée

que Dieu met à l’esprit humain. La femme ne peut proférer les véritables paroles revêtues de

l’absolue autorité divine, car ces dernières sont réservées aux apôtres dans l’optique de

Grudem (Ep 2 :20). Et c’est ce même type de prophéties que pratiquent les filles de Philippe 3,

dans la « maison de Philippe » (Ac 21 :8) et par conséquent sous l’autorité de leur père4. Le

problème demeure toutefois en raison du fait que le contenu des prophéties prononcées par les

filles de Philippe ne nous est pas accessible. De plus, l’affirmation de Grudem qu’il agit là

d’un exemple de l’exercice libre du don de prophétie dans l’église5, c'est-à-dire lors du culte,

reste purement spéculative, et repose sur l’idée que la prophétie de second ordre doit être la

prophétie ‘congrégationnelle’ (1Co 14).

Tout aussi spéculative nous semble l’idée de leur attribuer une quelconque

participation au fondement d’Ephésiens 2 :20, qui ne peut être acceptée que s’il elle est

déduite de la règle herméneutique stricte posée par Gaffin.

D) Actes 21 :4 & Actes 11 :28, Déclarations ‘par l’Esprit’

Actes 21:4 Ayant trouvé les disciples, nous sommes restés là sept jours. (Poussés) par l'Esprit, ils disaient à Paul de ne pas monter à Jérusalem.

1 GRUDEM, op. cit., pp.188-189.2 Femmes et hommes étant cependant égaux et tous appelés à rechercher le don de prophétie (1Co 14 :1,39).3 Ibid, p77.4 RIDDLE, art. cit., p.27.5 GRUDEM, op. cit., p.183.

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Selon Grudem, nous sommes en présence ici d’un exemple significatif de prophétie dénuée

d’ autorité divine absolue, caractéristique des prophéties ‘congrégationnelles’ du Nouveau

Testament1. En effet, le verset 5 précise : « Mais, quand ces jours furent écoulés, nous

sommes partis et, accompagnés de tous avec leurs femmes et leurs enfants, nous sommes allés

jusqu'en dehors de la ville. Nous nous sommes mis à genoux sur le rivage, pour prier ». Paul

n’aurait jamais désobéi s’il avait estimé que ces disciples rapportaient les véritables paroles de

Dieu. Ces derniers ont sans doute reçu une sorte de révélation relative aux souffrances qui

attendaient Paul, révélation attestée par l’expression ‘(poussé) par l’Esprit’ (dia tou

pneumatov) qui suffit pour supposer que nous sommes bien en présence d’une prophétie.

Mais leur report de la révélation s’est couplé avec leur propre interprétation, erronée,

consistant à avertir Paul de ne pas partir. Et Grudem cite le point de vue de Gaffin en

constatant qu’il ne semble pas très éloigné du sien2. La différence d’appréciation des deux

théologiens ne dépendrait-elle que d’une question de terminologie ? Grudem nomme

prophétie, parole rapportée dans ses propres mots d’une pensée que Dieu met à l’esprit, ce que

Gaffin désigne par “the impaired validity and unreliability of their speech”.

Pour Grudem, Paul a évalué les paroles des disciples selon ses propres préceptes

fournis en 1 Corinthiens 14 :30 et 1 Thessaloniciens 5 :19-21. Il semble que Aune aille dans le

même sens :

Alors que cet oracle est seulement un extrait sans aucun doute condensé, Luc le comprend comme une interdiction délivrée par l’Esprit à travers le prophète à Paul. Et à la lumière de la ‘désobéissance’ de Paul à l’oracle, laquelle n’est pas considérée par Luc comme une violation de la volonté de Dieu (Actes 21 :14), cela pourrait très bien être un exemple où la parole prophétique est ‘évaluée’.3 

D’autres alternatives sont proposées par Gentry. Premièrement, d’une part Paul n’est

pas infaillible dans son comportement, et subissant les effets de la chute comme tout un

chacun, il peut faire des erreurs de jugement ; et d’autre part, des désaccords entre apôtres

sont rapportés dans l’Ecriture (Ac 15 :38-39 ; Ga 2 :13-14). Aussi, « la théologie Evangélique

se doit de défendre l’inerrance du message apostolique, mais pas nécessairement les conduites

des apôtres eux-mêmes »4. Deuxièmement, Paul est peut-être, comme Abraham le fût en son

temps, mis à l’épreuve, testé, vis-à-vis du martyre qui l’attend. Quant à sa troisième

1 Ibid, pp.75-76.2 Ibid, p.76. “Luke’s point is not the impaired validity and unreliability of their speech, in which nevertheless the Spirit had revealed to them of Paul’s future. That revelation and their response to it must not be confused or merged in their speech-act.” Cf. GAFFIN, Perspectives, p.66.3 AUNES, op.cit., p.264.4 GENTRY, op. cit., p.39.

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proposition, Gentry reconnaît que « la révélation de l’Esprit se rapporte au fait historique du

danger, non à l’obligation morale de l’éviter »1 et estime que les disciples ont averti Paul sur

la base de ce qu’ils ont appris de son futur ! La boucle semble bouclée ! Si la connaissance du

danger futur provient de la révélation, alors, d’où provient l’exhortation à éviter ce danger ?

La thèse de Grudem ne sera pas déstabilisée par ce verset, mais est-on vraiment en présence

d’une prophétie dénuée d’autorité divine pour autant ? L’expression dia tou pneumatov

mérite sans doute un examen plus approfondi, et c’est ce que nous allons aborder avec le cas

d’Agabus.

Deux prophéties du prophète Agabus sont rapportées dans le livre des Actes, deux

prophéties dont Agabus aurait été surpris des débats ultérieurs qu’elles provoqueront. Grudem

discerne dans les ceux cas l’illustration de son second niveau de prophétie : une révélation est

donnée par Dieu, mais le report humain ne doit pas être considéré comme paroles divines.

Intéressons-nous à la première prophétie :

Actes 11 :27-28 : 27 En ces jours-là, des prophètes descendirent de Jérusalem à Antioche. 28 L'un d'eux, du nom d'Agabus, se leva et déclara par l'Esprit (dia tou pneumatov) qu'il y aurait une grande famine sur la terre entière. Elle eut lieu, en effet, sous Claude.

Grudem avance que l’expression dia tou pneumatov (expression déjà rencontrée en

Actes 21 :4) n’est jamais employée dans la LXX pour se référer à une parole prophétique, et

exprime une relation plutôt « lâche » entre le Saint Esprit et le prophète, laissant à ce dernier

une certaine part d’influence personnelle sur le contenu délivré2. A cela s’ajoute le fait que le

verbe grec eshmainen (traduit ici par le verbe ‘déclarer’), quand il est utilisé dans la

littératuregrecque extrabiblique indique de manière vague un événement à venir3. Or, cette

dernière affirmation apparaît difficilement conciliable avec les emplois du terme que nous

trouvons dans le Nouveau Testament, signifiant une prophétie, pour ne citer que les cas où

Jésus ‘prédit’, ‘indique’ l’avenir (Jn 12 :33 ; 18 :32 ; 21 :19), ou encore les prédictions

prophétiques communiquées à Jean (Ap 1 :1)4. Il est donc judicieux de conclure avec

Robertson qu’il ne faut certainement pas discerner un quelconque flou, ni une autorité

moindre dans la prophétie d’Agabus qui « correspond exactement au modèle des prophéties

1 Ibid, p.41, italiques dans le texte. Gentry se réfère à Gaffin, note 33 p.40. Par ailleurs, Robertson remarque semblablement : “It was not that the Spirit or prophecy erred at this point. Instead, it was simply that the disciples’concern for the well-being of their mentor limited their apprehension of the good that might come from Paul’s suffering for Christ’s sake.” Cf. ROBERTSON, op. cit., p.111.2 GRUDEM, op. cit., p.72.3 Ibid.4 ROBERTSON, op. cit., p. 108.

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de l’Ancien Testament mentionnées dans les premiers chapitres du livre des Actes. Bien que

n’étant pas un apôtre, le prophète Agabus prédit le futur avec une pleine autorité divine ».1 

Il devient envisageable de considérer l’expression dia tou pneumatov comme

indiquant le report d’une révélation empreinte d’autorité divine. Et de revenir sur le

questionnement précédent relatif aux prophètes de Tyr (Ac 21 :4). En effet, de même que Luc

souligne l’accomplissement de la prophétie d’Agabus, nous suggérons qu’il n’aurait pas

manqué de noter la désapprobation de Paul envers les disciples de Tyr, si ce dernier avait

évalué, discerné (certes, le don de discernement ne devait pas faire défaut à l’apôtre), jugé

fausse ou à moitié erronée leur prophétie. Or, il n’en est rien2. Mais, comme le relève

pertinemment S. Romerowski, il semble dans cette perspective qu’il y ait contradiction entre

d’une part l’exhortation par l’esprit des disciples à Paul de ne pas se rendre à Jérusalem, et

les propos de l’apôtre, tenu de s’y rendre car lié par l’Esprit (Ac 20 :22 :)3. Le théologien

propose une explication pour résoudre ce dilemme :

Nous croyons au contraire que l’Esprit voulait que les disciples de Tyr s’adressent à Paul comme ils l’ont fait. Il faut alors s’interroger sur la nature, ou la fonction, de leur parole. Il ne s’agit pas nécessairement d’un impératif. On peut penser que Dieu a voulu que cette recommandation soit adressée à Paul, non comme un ordre, mais comme l’expression d’un désir motivé par la sollicitude fraternelle et suscité par l’Esprit chez les disciples … On peut aussi penser que Dieu a voulu donner à Paul l’occasion d’affirmer le caractère volontaire de sa démarche, en pleine connaissance de cause…de mûrir pleinement sa décision.4

Ainsi, lorsque le temps des souffrances viendra, Paul se souviendra alors de son

engagement volontaire. Ces propositions sont plausibles, et il est de toute manière difficile

d’aller au-delà.

E) Actes 21 : 10-11, Agabus s’est-il trompé ?

Actes 21:10-11. 10 Comme nous étions là depuis plusieurs jours, un prophète, du nom d'Agabus, descendit de la Judée et vint chez nous.11 Il prit la ceinture de Paul, se lia les pieds et les mains et dit: Voici ce que déclare le Saint-Esprit: L'homme à qui cette ceinture appartient, les Juifs le lieront de cette manière à Jérusalem et le livreront entre les mains des païens.

1 Ibid, p.109. Robertson rajoute : «  The broadly varied significances of this Greek preposition (dia) make it highly inappropriate to be used as a basis for a precise significance which would outweigh contextual considerations as well as the other uses of the term ‘predict’ throughout the New Testament », p.109.2 Au contraire, Paul confirme en quelque sorte la prophétie quand il déclare en Actes 20 :23,  « seulement, de ville en ville, le Saint-Esprit atteste et me dit que des liens et des tribulations m'attendent ». Les disciples de Césarée manifesteront les mêmes prévenances envers Paul (Cf. Ac 21 :12).3 ROMEROWSKI, art. cit., p.45. Actes 20:22 « Et maintenant voici que lié par l'Esprit, je vais à Jérusalem, sans savoir ce qui m'y arrivera ». Des différents auteurs consultés, Romerowski est le seul à affronter cette apparente contradiction.4 Ibid, pp.45-46.

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Pour Grudem, même si l’expression « voici ce que déclare le Saint Esprit » (tade legei to

pneuma to agion) veut suggérer une certaine ressemblance avec les prophètes de l’Ancien

Testament, Agabus serait qualifié de faux prophète selon la norme vétérotestamentaire

(Dt 18), car en vérité, aucune de ses prédictions ne s’accomplit. En effet, selon Actes 21 :27-

35, d’une part, ce sont les Romains qui ont enchaîné l’apôtre et non les Juifs (Ac 21 :33, Cf.

aussi Ac 22 :29), d’autre part, les romains ont arraché Paul des mains des Juifs qui tentaient

de le tuer (Ac 21 :31) alors qu’Agabus avait prédit que les Juifs leur livreraient l’apôtre1.

Grudem ajoute que Luc reste silencieux sur l’accomplissement de cette prophétie (ce qui

contraste avec la confirmation de la famine prédite, Cf. Ac 11 :28). Il ne voit que trois

hypothèses pour expliquer l’emploi par le prophète de « voici ce que déclare le Saint

Esprit » : soit Agabus confère véritablement une autorité divine à ses paroles, soit

l’expression signifie seulement que le contenu de la prophétie est dans l’ensemble révélé par

le Saint Esprit (prophétie de second niveau), soit Agabus use maladroitement et de manière

inappropriée de la formule en essayant d’imiter les prophètes de l’Ancien Testament, ignorant

la réelle nature de son don prophétique. Le théologien rejette la première au vu de ses erreurs

selon l’étalon de Deutéronome 18 :22, et la troisième car il lui paraît peu probable qu’un

prophète aussi actif qu’Agabus puisse ne pas distinguer la différence existant entre l’autorité

de sa prophétie et celle de la prophétie apostolique. La seconde hypothèse est par conséquent

privilégiée par Grudem, d’autant plus que des exemples similaires apparaissent dans l’épître à

Barnabé 2. Il a le soutient de D. Carson qui remarque ne connaître aucun « prophète de

l’Ancien Testament, dont les prophéties soient aussi fausses dans les détails »3.

Le cas d’Agabus, est devenu l’argument de référence au sein des milieux

charismatiques pour défendre l’hypothèse d’une prophétie de niveau d’autorité secondaire.

Considérons à présent la contre argumentation avancée.

Avec Farnell, il nous paraît envisageable de discerner dans le cas d’Agabus, la

démonstration de la continuité entre la prophétie vétérotestamentaire et celle du Nouveau

Testament, comprenant réminiscence des modalités aussi bien en actes qu’en paroles4. D’une

part, la formule rappelle le « ainsi parle le Seigneur » qui introduit les oracles des prophètes

de l’Ancien Testament5. Formule qui introduit aussi les paroles de Jésus envers les sept 1 GRUDEM, op. cit., p.78s.2 Ibid, p.82. Grudem signale aussi un exemple parallèle dans l’épître aux Philadelphiens d’Ignatius.3 D.A. CARSON, Showing the Spirit, Carlisle, Paternoster, 1987, p.98.4 FARNELL, “The Gift of prophecy…”, p.395.5 Ibid, Cf. Es 7 :7 ; Ez 5 :5 ; Am 1 :3,6,11,13 ; Mi 2 :3 ; Na 1 :12 ; Za 1 :3-4.

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églises dans l’Apocalypse (Ap 2 :1,8,12,18 ; 3 :1,7,14)1. La substitution du « Saint Esprit » à

la place de « Seigneur » » étant tout à fait consistante avec l’orientation du livre des Actes à

attribuer l’oeuvre divine au Saint Esprit2. D’autre part, l’usage d’une gestuelle symbolique

dramatique, s’apparente lui aussi aux actions symboliques de certains prophètes

vétérotestamentaires (1R 11 :29-40 ; 22 :11 ; Es 20 :1-6 ; Je 13 :1-11 ; Ez 4 :1-17 ; 5 :1-17)3.

Ainsi, au niveau de la forme, aucun élément ne permet de conclure à une autorité prophétique

inférieure à celle des prophètes de l’Ancien Testament. Qu’en est-il du contenu ?

Plusieurs réponses ont été proposées, nous pouvons les réduire à trois, en examinant

les arguments d’un représentant respectif pour chacune. Pour Robertson, il n’est en fait pas si

évident de déduire du récit que les Juifs n’ont pas ‘lié’ Paul, et qu’il ne l’ont pas ‘livré’ aux

Romains, le manque de clarté du texte pouvant implicitement donner raison aux propos

d’Agabus4. Il met ensuite en garde contre le piège de la trop grande précision parfois attendue

des prophéties, citant comme exemple la référence de Philippe en Actes 8 :32-35, aux

souffrances de Christ prédites par le prophète Esaïe (Es 53 :9). Esaïe annonce la mort du

Serviteur en compagnie des riches, et sa tombe avec les pauvres. Or, c’est l’inverse qui s’est

produit. « Doit-on conclure que le prophète Esaïe s’est fourvoyé dans les détails de sa

prédiction ? Ou n’est-il pas dans la nature de la prophétie biblique de ne pas être aussi précise

dans son contenu ? »5. Si Robertson nous paraît intéressant dans cette dernière remarque, son

premier argument, en fait argument par le silence, est trop spéculatif et loin d’être

convaincant.

Gentry avance pour sa part, quatre propositions6. Premièrement, Agabus a déjà prouvé

qu’il pouvait être digne de confiance car sa prédiction de la famine s’est avérée juste (Ac

11 :28). Deuxièmement, si Agabus prophétise de manière erronée, pourquoi Paul, qui n’a pas

hésité à reprendre Pierre (Ga 2 :14), ne le contredit-il pas (Ac 21 :13) ? Et pourquoi Luc

termine-t-il le récit en confirmant en quelque sorte les dire du prophète : « Que la volonté du

Seigneur se fasse ! » (v.14) ? Troisièmement, la thèse de Grudem « relève d’une vision

simpliste et pédante de la prophétie et de l’accomplissement » (Cf. La prophétie de l’Elie qui

devait venir, Mal 4 :5 et Mt 17 :11-12). Gentry cite notamment un exemple similaire : les

1 THOMAS, art. cit., p.91.2 HILBERT, art. cit., p.255.3 FARNELL, art. cit., p.396.4 ROBERTSON, op. cit., pp.113-114.5 Ibid, p.114. Cf. le texte hébreu pour Esaïe 53 :9. 6 GENTRY, op. cit., pp.42-43.

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apôtres et d’autres, rapportent que ce sont les Juifs qui ont crucifié Jésus (Ac 2 :22-23 ; 3 :13-

15 ;5 :30 ;7 :52 ;1Th 2 :14-15) alors que selon l’Evangile de Jean, c’est bien Pilate qui « Le

livre » à la crucifixion (Jn 19 :13-16). Quatrièmement, fondamentalement, la prophétie s’est

quand même réalisée, car Paul fut lié à cause des Juifs et de leur acharnement (cf. Ac 21 :27-

31,35). Cette argumentation est selon nous tout à fait plausible, si ce n’est que l’exemple de

Jésus livré par Pilate (très souvent cité1), relève d’un récit à posteriori et non d’une prophétie,

c’est à dire de la précision des Ecritures de manière générale et non de l’accomplissement

prophétique.

S. Romerowski présente une autre perspective, basée sur le fait que le sort de Paul

serait en quelque sorte calqué sur celui de Jésus, qui fut arrêté, lié et livré aux Romains et qui

l’avait prédit (Mc 10 :33). De ce fait, « Luc (ou Agabus lui-même) a pu donner à la prophétie

d’Agabus la forme que nous lui connaissons dans le but d’indiquer un parallélisme entre les

souffrances de Paul et la passion de Jésus »2. Cette approche ne peut évidemment être

confirmée que par Luc lui-même (ou Agabus).

Clowney réalise en quelque sorte la synthèse de ces trois approches3, en ajoutant ce

qui apparaît comme un argument capital : Paul lui-même confirme l’accomplissement de la

prophétie d’Agabus en Actes 28 :174. En effet, selon ce verset :« Au bout de trois jours, il

convoqua les notables des Juifs; et, quand ils furent réunis, il leur adressa ces paroles: Frères,

sans avoir rien fait contre ce peuple ni contre les coutumes de nos pères, j'ai été mis en prison

et, de Jérusalem, livré entre les mains des Romains ».

Citons Clowney : « On pourrait accuser Paul de ne pas être très précis en rapportant ces

faits. Il plaide sa cause et se déclare non coupable d’avoir offensé les Juifs ; or, il fut bien livré aux

romains, et il apparaît donc clairement qu’il considère que les Juifs sont responsables de cette

arrestation ».5 Il est de plus à noter que les phrases grecques d’Actes 21 :11 et 28 :17 sont très

proches :

Actes 21 :11, dhsousin en ierousalhm oi ioudaioi kai paradwsousin eiv ceirav

eynwn.

Actes 28 :17, desmiov ex ierosolumwn paredoyhn eiv tav ceirav twn rwmaiwn.

Dans le second verset, il n’est pas fait mention des Juifs, Jérusalem est mentionnée, le verbe

‘livrer’ est identique, et les ‘Romains’ sont substitués aux ‘païens’ du verset 11. Si nous avons

1 Cf. Victor BUDGEN, The Charismatics and the Word of God, Darlington, Evangelical Press, 1989, p.270.2 ROMEROWSKI, art. cit., p.44. « Il nous présenterait ainsi un apôtre qui, en bon disciple souffre comme son maître, ou qui ‘achève en son corps les souffrances de Christ’». 3 Edmund P. CLOWNEY, L’Eglise, Cléon d’Andran, Excelcis, 2000.4 Budgen utilise cet argument (op. cit., p.270s), pour en quelque sorte parachever son développement. Gaffin lui, se limite à cet argument, qu’il doit par conséquent considérer comme décisif (op. cit., p.65).5 CLOWNEY,op. cit., pp.284-285.

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bien là confirmation de l’accomplissement de la prophétie d’Agabus, la thèse de Grudem est

mise à mal. Or, ce dernier conteste une telle interprétation. Il affirme que Paul fait référence à

son transfert de Jérusalem (ex ierosolumwn) effectué en Actes 23 :23-35, en tant que

prisonnier (desmiov), livré aux mains des Romains, c'est-à-dire :

à la juridiction romaine, au processus du système juridique Romain, auquel il fut confié par le tribun Romain au gouverneur Félix comme cela est rapporté en Actes 23 :26-30. Le texte ne dit pas et je ne le déclare pas on plus, qu’il fut déplacé hors du système judiciaire Juif, mais seulement ‘hors de Jérusalem’.1

Nous ne partageons pas l’avis de Gaffin qui estime que cette remarque passe à côté de l’esprit

de synthèse que l’on doit conférer aux propos de Paul au vu du contexte immédiat2. Un

examen précis du contexte confirme l’idée que Paul pourrait bien faire ici mention de son

transfert et l’explication de Grudem demeure solide.

Que conclure ? Certes, ce fut bien à cause des Juifs qu’Agabus fut fait prisonnier, et

donc lié. Certes, il fut bien en un certain sens ‘livré’ aux mains des Romains. Toutefois il nous

semble délicat de spéculer au-delà des informations fournies : chercher trop de précision dans

l’accomplissement de la prophétie, ou voir dans les propos de Paul la confirmation de cet

accomplissement, relève selon nous de deux lectures sous-tendues par des présupposés

théologiques. Toutefois, si l’accomplissement du contenu de la prophétie ‘à la lettre’ peut

poser débat, il nous paraît difficile de classer Agabus dans la catégorie des prophètes

faillibles, en raison des remarques relatives à la forme précédemment avancées : paroles

introduites par une formule autoritaire et accompagnées d’acte symbolique fort, réminiscence

vétérotestamentaire évidente.

Qu’en est-il de la participation du prophète Agabus au fondement d’Ephésiens 2 :20 ?

Gaffin affirme que les prophéties d’Agabus font partie du cadre de l’histoire de l’alliance,

ainsi :

En Actes 11 :28, la prophétie a pour objet la consolidation des liens de communion fraternelle entre Juifs et Gentils dans l’Eglise. La prophétie sert à persuader les Grecs à Antioche (v.27, cf v.20) de faire une collecte pour les frères Juifs en proie à la famine en Judée (v.29). Autrement dit, elle est directement liée à un aspect important du mystère révélé en Christ. En Actes 21 :10s, la prophétie a trait au déploiement du ministère apostolique de Paul auprès des Gentils .3

1 GRUDEM, op. cit., p.310. Et il rajoute : “ Nor do I think this verse is speaking of any ‘handing over’ by the Jews, for it specifically refers to Paul being delivered ‘out of Jerusalem’, which was carried out by Roman soldiers to foil a plot against Paul’s life”.2 GAFFIN, op. cit., p.66.3 GAFFIN, art. cit., p.40.

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Par conséquent, bien que se rapportant parfois à des situations individuelles, la prophétie n’en

reste pas moins liée à des mystères de nature historico-rédemptive1.

Turner demeure très critique vis-à-vis de l’interprétation fournie par Gaffin. Pour le

théologien charismatique, Luc ne dépeint à Antioche qu’un petit groupe de Gentils, la

majorité des croyants étant certainement des Juifs Helléniques. Rien ne concret n’apparaît

quant à la consolidation supposée entre églises de Juifs et églises de Gentils dans cette

description. La prophétie concernant Paul quant à elle, reste une prophétie individuelle, sans

rapport théologique avec le ministère apostolique, et encore moins avec le salut2. Le débat

ainsi posé ne peut qu’aboutir à un dialogue de sourds. Certes, les prophéties d’Agabus

participent intrinsèquement de l’histoire de l’alliance et de la progression de cette histoire.

Faut-il pour autant classer Agabus avec les apôtres et prophètes d’Ephésiens 2 :20 et 3 :5 ?

Fait-il partie de ce fondement d’apôtres et prophètes dont Christ est la pierre angulaire ?

Fondement sur lequel tous les croyants passés, présents et à venir ont été, sont et seront

édifiés ? Le fait d’être rapportées, inscripturées, donne-t-il aux prophéties d’Agabus ce

caractère de révélation exigé par Ephésiens 3 :5 ? Nous ne serions pas aussi affirmatif que

Gaffin.

Nous estimons en conclusion qu’Agabus est un authentique prophète proférant des

paroles infaillibles, mais ses prophéties n’en font pas un rapporteur de mystère théologique

déterminant pour l’histoire de la rédemption. Agabus est un exemple intéressant : nous le

savons prophète, et avons connaissance de deux de ses prophéties. C’est donc tout à la fois

son office et ses dires que nous avons soumis aux thèses respectives de Grudem et Gaffin.

Or, Agabus ne semble satisfaire ni l’une, ni l’autre, par conséquent ce questionnement nous

amène à soulever le problème de la pertinence du débat et peut-être nous orienter vers une

autre alternative.

F) Où sont les prophètes et leurs prophéties ?

1 Ibid.2 TURNER, Spiritual Gifts, p.218. Turner fait sans doute allusion ici aux propos de Gaffin : «  Le salut, sujet central de la révélation, n’est pas limité à un aspect particulier de la vie, ni même au cœur de notre existence  ; il affecte tout. Il n’y a pas de place dans la vie du chrétien pour une révélation qui ne serait pas liée avec, ou qui irait ‘au-delà’ de ce qui est nécessaire pour le salut dans toute sa plénitude selon l’alliance », cf. Gaffin, art. cit., p.40.

29

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C’est cette question de Grudem que nous allons à présent considérer1. Les prophètes et

prophéties examinés précédemment ne semblent pas satisfaire à la spécificité

d’Ephésiens 2 :20, à savoir, participer à la révélation du mystère de l’intégration des Gentils

dans l’Eglise. Il nous paraît intéressant de relever la réponse de l’un des principaux

détracteurs de la thèse de Grudem, David Farnell, qui estime que les prophètes d’Ephésiens

2 :20 ne doivent pas être assimilés aux apôtres mais leur sont associés comme co-fondateurs

de l’église quant à la réception de la doctrine révélée et du contenu canonique2.

La présence des Gentils dans une telle relation ne fut pas révélée avant l’ère du Nouveau Testament (Ep 3 :5), mais vint aux apôtres et prophètes en tant que paroles et écrits inspirés tel le livre canonique des Ephésiens. La réception et la propagation d’une telle révélation constitua la fondation de l’église universelle jusqu’à aujourd’hui. Les prophètes néotestamentaires furent les véhicules de ces révélations et tiennent de ce fait un rôle important parmi les premiers chrétiens.3

Nous ne trouvons rien à objecter à ces affirmations, si ce n’est qu’elles représentent en

général la seule réponse proposée à la question de Grudem : Où sont ces prophètes dans le

livre des Actes ? Non moins édifiante est la réponse offerte par Fowler White dans un maigre

paragraphe intitulé « La recherche vaine des prophètes néotestamentaires fondateurs », où il

se contente d’affirmer que l’on peut tout à fait « argumenter de manière plausible que les

prophètes qui sont l’objet de la recherche de Grudem, sont en fait dans le Nouveau

Testament »4. C’est bien un dialogue de sourds qui s’installe. Tout aussi bien le principe

herméneutique posé par Gaffin, que l’idée avancée par Grudem que seuls les apôtres furent

les dépositaires de la révélation destinée à être inscripturée, nous dirigent également vers une

impasse.

Il convient d’ailleurs de revenir sur cette thèse de Grudem. Ce dernier fournit pour

l’appuyer 13 passages des Ecritures5. Or, Robert Thomas souligne que 9 des 13 passages

furent écrits par Luc, qui n’était pas un apôtre et ne possédait par conséquent pas le don de

‘prophétie apostolique’, mais qui néanmoins fut l’auteur, le véhicule, d’écrits inspirés6.

Ce contre exemple suffirait ainsi à lui seul à démentir la thèse de Grudem. Grudem

reconnaît que cinq livres ne proviennent pas directement des apôtres (Marc, Luc, Actes,

Hébreux et Jude), mais précise que Marc, Luc et Jude peuvent se prévaloir de la proximité et

1 Cf. citation p.8 de la présente étude.2 David FARNELL, «When Will the Gift of Prophecy Cease? », BSac 150, 1993, p.188.3 David FARNELL, « Does the New Testament Teach Two Prophetic Gifts? », BSac150, 1993, pp.79-80.4 WHITE, art. cit., p.315.5 GRUDEM, op. cit., pp.335-336 : Mt 28 :19 ; Lc 24 :46-47 ; Ac 1 :8 ; 10 :15 ; 10 :34-35 ; 10 :46 :48 ; 11 :2-18 ; 15:6-29; 22:21; 26:17-18; Ga 1:16; 2:7-8; Ep 2:11-3:21.6 THOMAS, art. cit., pp.89-90.

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donc du témoignage et de l’autorité respectivement de Pierre, Paul et Jacques. Pour Hébreux,

c’est à l’Eglise de rendre son jugement quant à l’auto-attestation de l’autorité divine de l’écrit.

Grudem concède que ces auteurs ont reçu de Christ l’habileté par le Saint Esprit d’écrire les

propres paroles de Dieu et par conséquent d’être intégré au canon1. Une argumentation qui ne

convainc selon nous que celui qui l’est déjà, et révèle un grain de sable non négligeable dans

les rouages de la « machine grudémienne ».

Nous estimons qu’il existe une possibilité de sortir de l’impasse engendrée par cette

problématique, en nous appuyant sur certains éléments de la réflexion de Max Turner d’une

part, et sur une étude plus fine du livre des Actes d’autre part, pour découvrir une solution

alternative.

IV Vers une solution alternative

A) Prophéties et paroles inscripturées

Concernant Ephésiens 2 :20, Turner estime qu’il ne faut pas tenter d’extraire de ce passage

plus que ce que le contexte ne le permet. Pour lui, Ephésiens 3 :2-13 implique tout

simplement que les apôtres, ensemble avec les prophètes, fournissent la fondation qui fait des

Gentils des cohéritiers des Juifs, au sein du corps de Christ. De ce fait, « la lettre n’a pas pour

but d’élucider quelque affirmation générale sur le rôle de la prophétie dans le développement

1 GRUDEM, op. cit., pp.245-246.

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de la théologie ».1 Turner voit par conséquent en Ephésiens 2 :20, deux groupes, et se

démarque sur ce point de Grudem. Pour lui, la question ne se pose donc pas de déterminer qui

sont ces prophètes.

Mais Turner remet aussi en cause la perspective de Grudem de considérer la prophétie

de type vétérotestamentaire revêtue d’une autorité divine absolue, fondée sur la

présupposition que les prophéties inscripturées des prophètes canoniques de l’Ancien

Testament constituaient une sorte de ‘norme’ pour la prophétie, alors que plusieurs exemples

révèlent une prophétie où la question de l’inerrance verbale s’avère inadéquate2. Le

théologien fait référence ici à l’existence en Israël de prophètes autres que les prophètes

canoniques, souvent en groupe ou troupe, tels les 70 anciens auprès de Moïse (Nb 11 :25,26),

les prophètes auxquels Saül s’est mêlé (Cf. 1 Sa 10 :5,6,10-12 ; 19 :20-24 ), ceux nommés ‘les

fils des prophètes’ (2 R 2), et ceux qui accompagnaient David dans la louange (1 Ch 25 :1-7).

Si nombre de prophéties vétérotestamentaires n’avaient pas ‘pour vocation’ d’être

inscripturées, il est concevable d’estimer qu’il en est pareillement pour certaines prophéties

néotestamentaires3. Certes, comme nous l’avons mentionné précédemment (Cf. III, B)

Grudem discerne dans ces exemples la preuve d’une prophétie d’autorité divine moindre, et

n’attribue de fait à ces prophéties aucune valeur canonique, mais les associe aux paroles

prophétiques mentionnées en Actes 2 et 19, pour confirmer sa thèse. Mais, comme le souligne

Thomas, « même s’ils étaient subordonnés à un maître prophète d’autorité supérieure, ils

étaient agents d’oracles prophétiques, recevaient la révélation d’événements futurs, et

parlaient eux-mêmes avec grande autorité (Cf. 1Rois 20 :35-42 ; 2 Rois 2 :3, 5 ; 9 :1-13) ».4

Nous pouvons par conséquent accepter l’idée que toute prophétie n’est pas destinée à

devenir Ecriture, mais même si elle est inscripturée, cela n’implique pas que son auteur

participe à une révélation théologique d’importance nationale, dans le cadre

vétérotestamentaire de l’alliance, ou au fondement posé par les apôtres et prophètes, Christ

étant la pierre angulaire de l’édifice, dans le cadre néotestamentaire. Mais la question inverse

mérite attention, à savoir, toute Ecriture résulte-t-elle d’une parole prophétique ?

Aucune indication ne permet de qualifier Luc de prophète, pourtant il fut sans aucun

doute dans son œuvre d’historien, un rédacteur, rapporteur, compositeur inspiré par le Saint

1 TURNER, Spiritual Gifts, pp.217-218.2 Ibid, p.195.3 Citons Turner : «  As for the view that prophecy elsewhere in the New Testament was exclusively concerned with providing soteriologically necessary revelation, we should surely resist the implied picture of witnesses feverishly attempting to record, from the multitude prophesying in the manifold congregations, ‘revelations’ which they might convey hot-foot to their nearest apostolic ‘centre’ for possible inclusion in the forthcoming ‘Holy Scriptures’». Ibid, p.219.4 HILBERT, art. cit., p.248.

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Esprit. Qu’en est-il de Paul, prophète confirmé s’il en est ? Selon Turner, l’autorité de la

parole prophétique de Paul réside en son Evangile, fondé sur l’événement du chemin de

Damas, mais :

Paul ne soutient pas que l’ensemble de son enseignement et de ses écrits, consiste en une longue procession d’oracles prophétiques empreints de pleine autorité (même s’il peut en contenir quelques uns)…Les lettres Pauliniennes ne sont pas des ‘prophéties’, mais un enseignement apostolique ; et le don de prophétie ne fut en aucun cas nécessaire afin d’écrire ce qui est devenu reconnu comme les Ecritures du Nouveau Testament (cf. Les Evangiles et les Actes…).1

Turner se détache ainsi du point de vue partagé par Grudem et Farnell2.

B) Les prophètes fondateurs, non apôtres, du livre des Actes

La question de Grudem est-elle destinée à demeurer sans réponse ? Nous répondrons

négativement, car bien qu’il n’ait pas été possible de rapporter de prophéties présentant les

spécificités souhaitées pour que son auteur rentre dans le cadre des prophètes fondateurs

d’Ephésiens 2 :20, il n’est pas à exclure que de tels prophètes soient présents dans le récit

lucanien qui pourraient posséder le profil requis.

Trois passages du livre des Actes méritent quelque attention. Ce sont en effet les seuls versets

mentionnant le terme « prophète(s) » en tant que prophète de l’Eglise primitive :

Actes 11:27 : En ces jours-là, des prophètes descendirent de Jérusalem à Antioche. Actes 13:1 : Il y avait, dans l'Église qui était à Antioche, des prophètes et des docteurs: Barnabas, Siméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manaën qui avait été élevé avec Hérode le tétrarque, et Saul. Actes 15:32 Jude et Silas, qui étaient eux-mêmes prophètes, exhortèrent les frères et les affermirent par de nombreux discours.

Nous apprenons en Actes 11 :27 l’existence d’un groupe de prophètes (qui ne sont pas

apôtres) à Jérusalem, dont fait partie Agabus. Le fait que ce dernier se soit distingué par des

prophéties à caractère prédictif, ne saurait être suffisant pour limiter son champ d’activité à ce

1 TURNER, Spiritual Gifts, p.219.2 Nous sommes conscients d’empiéter là sur un tout autre domaine : celui de l’inspiration des Ecritures. Nous ne nions évidemment pas que les Ecritures soient pleinement inspirées, mais nous accordons avec Turner pour affirmer que cette inspiration ne relève pas en totalité du don prophétique. Tout en soulignant la continuité prophétique des prophètes de l’Ancien Testament et des apôtres, Paul Wells décrit l’inspiration biblique, comme ‘théopneustie’, « un don spécial qui s’exerce uniquement dans «l’inscripturation » des textes qui sont Parole de Dieu. Elle est accordée à des personnes choisies dans ce but, au moment de la rédaction des Ecritures sous l’action du Saint Esprit », italiques dans le texte. Cf. Paul WELLS, Dieu a parlé, Québec, La Clairière, 1997, p.74. Wells distingue l’inspiration des passages prophétiques de celle des récits de Luc, l’historien, ou de celle d’orientation sapientiale comme l’épître de Jacques, soulignant que « dans tous ces cas, l’opération de l’Esprit et la participation humaine ont varié », p.75. Il n’apparaît par conséquent pas nécessaire de réduire la Parole écrite inspirée à des oracles prophétiques ‘successivement rapportés’ pour reprendre l’expression de Turner dans la citation ci-dessus.

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type de prophétie. De plus, comme nous l’avons remarqué, Agabus utilise une gestuelle

prophétique habituelle dans l’Ancien Testament.

La présence de plusieurs prophètes à Antioche est spécifiée en Actes 13 :1, bien qu’il

soit difficile de déterminer si les cinq personnages nommés sont effectivement tous

prophètes1. Il y a par conséquent des prophètes non apôtres à Antioche. D’autres prophètes,

Jude et Silas sont envoyés dans cette ville (Actes 15 :22,32), par décision du Concile de

Jérusalem.

La question qui nous préoccupe est de savoir si les prophètes mentionnés par ces trois

versets pourraient être participants de la fondation (tw yemeliw twn apostolwn kai

profhtwn), dont Christ est la pierre angulaire. Certes, aucune prophétie émanant de ces

prophètes (hormis Agabus) ne nous est rapportée, mais nous pouvons déduire malgré tout que

s’ils sont qualifiés de « prophètes », cela indique sans doute un office permanent. Par contre,

une fonction apparaît similaire au cours de leurs activités pour quatre d’entre eux : celle liée

aux termes parakalew / paraklhsiv, habituellement traduit par exhorter / exhortation. Ainsi

pour Barnabas2 et Paul (Ac 11 :23 ; 14 :22), Paul et Silas (16 :40), Paul seul (20 :1,2), Jude et

Silas (16 :40). Pour Ellis, « dans la pensée de Luc, paraklhsiv est une manière par laquelle

les prophètes chrétiens exercent leur ministère et, dans ce contexte, c’est une forme de

prophétie »3. Nous ne suivrons pas Ellis qui lie l’enseignement, l’explication de l’Ecriture à la

prophétie, faisant des prophètes des exégètes charismatiques du Nouveau Testament4, mais

nous retiendrons que cette tâche, paraklhsiv, est fortement associée aux prophètes. Il

apparaît en outre vain de spéculer sur la signification des « nombreux discours », logou

pollou, prononcés par Jude et Silas à Antioche5, même si des oracles prophétiques peuvent

être sous-entendus par cette expression.

Au vu de ces constations et des trois versets cités, trois remarques s’imposent à nous :

premièrement, il nous semble raisonnable de suggérer que Barnabas, Jude et Silas, furent des

1 Il nous semble inutile d’entrer dans le débat de déterminer qui est docteur et qui est prophète, ou qui possède les deux dons. 2 Le surnom même de Barbabas est directement lié à cette fonction en Actes 4 :36 : Joseph, surnommé par les apôtres Barnabas, ce qui signifie fils d'exhortation, iwshf de o epiklhyeiv barnabav apo twn apostolwn o estin meyermhneuomenon uiov paraklhsewv.3 E. Earle ELLIS, « The Role of the Christian Prophet in Acts », Apostolic History and the Gospel. Biblical and Historical, Essays Presented to F.F. Bruce, W. Ward Gasque & Ralph P. Martin (Paternoster,1970), p.58. 4 C’est aussi la thèse de Cothenet in Exégèse et Liturgie, « Les prophètes chrétiens comme exégètes charismatiques de l’Ecriture », Lectio Divina 133, Ed. du Cerf, Paris, 1988. Cette thèse est incompatible avec la conception de la prophétie présentée dans cette étude, cf. p.15.5 Actes 15:32 : Jude et Silas, qui étaient eux-mêmes prophètes, exhortèrent les frères et les affermirent par de nombreux discours. ioudav te kai silav kai autoi profhtai ontev dia logou pollou parekalesan touv adelfouv kai epesthrixan.

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prophètes et ont dû prophétiser (même si ces prophéties ne nous sont pas rapportées), qui

participèrent à l’activité missionnaire et furent investis dans la paraklhsiv1. Deuxièmement,

nous pouvons aussi supposer que Lucius de Cyrène, sans doute prophète, pourrait être de ceux

dont il est fait mention en Actes 11 :20, « il y eut cependant parmi eux quelques hommes de

Chypre et de Cyrène, qui, venus à Antioche, parlèrent aussi aux Grecs et leur annoncèrent la

bonne nouvelle du Seigneur Jésus », et dont l’œuvre fut fructueuse (v.21,22). Troisièmement,

ces prophètes nous paraissent désignés pour appartenir à la fondation, « au fondement des

prophètes et des apôtres » sur lequel « vous avez été édifiés » (Ep 2 :20), ainsi que le déclare

Paul aux Ephésiens. Une remarque supplémentaire peut être avancée car parmi ces Ephésiens,

certains furent probablement les anciens auxquels Paul s’est adressé dans son discours d’adieu

(Actes 20 :17-35). Des anciens dont font sans doute partie certains des douze d’Actes 19 :1-6,

comme Actes 20 :17 peut le laisser entendre, et dont il nous est rapporté qu’ils prophétisaient.

Or, rien n’interdit de penser que certains ont pu continuer de prophétiser, doté d’un office de

prophète, et participer au fondement, associés à Paul, sur lequel les autres ont été édifiés.

CONCLUSION

Il convient à présent de rassembler les différentes ‘pièces’ de notre réflexion, afin d’élaborer

une synthèse qui se veut cohérente. Synthèse qui s’articulera autour de trois points : ce qu’il

nous semble permis d’énoncer, ce qu’il nous semble permis de postuler et ce qu’il nous

semble permis de suggérer.

Il nous paraît raisonnable d’énoncer que :

Premièrement, le « fondement » mentionné en Ephésiens 2 :20, correspond

vraisemblablement aux personnes mêmes, aux acteurs premiers du christianisme : les apôtres

1 Cette paraklhsiv fait intégralement partie de l’office de prophète, comme Paul le signale en 1 Corinthiens 14 :3 : Celui qui prophétise, au contraire, parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console. o de profhteuwn anyrwpoiv lalei oikodomhn kai paraklhsin kai paramuyian. Gaffin en conclut « qu’il n’y a aucune raison d’établir une distinction entre les prophètes Corinthiens et ceux des Actes, ou entre les prophéties de prédictions inspirées et les prophéties d’exhortations non inspirées » (op. cit. p.68). Bien que Gaffin fasse ici référence à Grudem, il est à noter que Grudem ne fait point de telles distinctions, puisqu’il associe au contraire prophètes Corinthiens et prophètes des Actes, comme Agabus, conférant à leurs prophéties respectives un degré d’autorité moindre !

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et prophètes du Nouveau Testament, Christ étant la pierre angulaire. L’expression twn

apostolwn kai profhtwn pouvant être comprise comme « les apôtres et [autres] prophètes »,

apôtres devenant une sous catégorie de prophètes, dans le sens où, si tous les apôtres sont

prophètes, tous les prophètes ne sont pas apôtres.

Deuxièmement, contrairement à certaines thèses pentecôtistes, tous les croyants ne

sont pas prophètes, ni même potentiellement prophètes, ni même potentiellement appelés à

prophétiser1. Certes, il est vrai que plusieurs prophétisent, sans être qualifiés de prophètes.

Mais l’idée même que tous pourraient potentiellement prophétiser, même temporairement, ne

nous paraît pas justifiée par le récit des Actes.

Troisièmement, les données d’Actes 2 :17 et 19 :6 ne permettent pas d’établir comme

fondée la conception d’un type de prophétie de niveau moindre d’autorité divine, le contenu

doxologique des paroles énoncées doit être reconnu comme parole revêtue de l’autorité

divine, même s’il n’est pas inscripturé. Mais rien non plus ne peut inciter à intégrer leurs

auteurs dans le fondement d’Ephésiens 2 :20. Les mêmes remarques s’imposent pour les filles

de Philippe, les déclarations « par l’Esprit » d’Actes 21 :4 et 11 :28, et les prophéties

d’Agabus. Ce dernier présente toutes les caractéristiques du prophète vétérotestamentaire, et

sa prophétie peut être considérée comme accomplie, dans la finalité de l’action prédite, même

si les modalités annoncées n’apparaissent pas strictement respectées.

Ces trois remarques nous conduisent à déduire que ni la thèse de Grudem, arguant

d’un type de prophétie « secondaire », dont l’autorité divine serait atténuée ; ni la thèse de

Gaffin consistant à appliquer la règle herméneutique qu’il dégage d’Ephésiens 2 :20 et 3 :5, à

tout prophète et à toute prophétie néotestamentaire, ne sont justifiées par le livre des Actes.

Il nous paraît raisonnable de postuler que :

a) Toute prophétie, qu’elle soit rapportée ou non dans les Ecritures, doit être considérée

comme revêtue de l’autorité divine absolue.

b) Le contenu d’une prophétie peut varier considérablement : de la révélation

personnelle, prédictive ou exhortative, à la révélation de nature historico-rédemptive

concernant le peuple de l’alliance.

c) Toute prophétie n’est pas « destinée » à être rapportée, inscripturée.

d) Toutes les paroles inscripturées ne proviennent pas uniquement d’une accumulation

d’oracles prophétiques antérieurs.

1 Dans la théologie pentecôtiste, il faut comprendre le terme « potentiellement » comme relatif au versant humain, c'est-à-dire non dans le sens où Dieu pourrait établir prophète potentiellement chacun d’entre nous, selon Son bon vouloir, mais dans le sens où Dieu donnant à tous, c’est à chacun d’oser se servir !

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Il nous paraît raisonnable de suggérer que :

Pourquoi ne pas considérer le « fondement » d’Ephésiens 2 :20, comme étant constitué

de personnes, apôtres et prophètes (Christ étant la pierre angulaire), qui seraient les membres

véritablement « fondateurs » de l’édifice, c'est-à-dire ceux dont le rôle dans l’édification de

cet édifice humain est premier : premier pour certains par le fait d’être dépositaire de la

révélation reçue (Ep 3 :5), cachée aux générations antérieures, mais premier aussi pour

d’autres car indispensables dans l’édification de l’édifice (Ep 2 :20 et 4 :11) ?

Nous estimons d’une part, que l’erreur de Gaffin provient du fait qu’il règle Ephésiens

2 :20 et 4 :11 d’après Ephésiens 3 :5, tous les prophètes devenant dépositaires d’une

révélation de nature historico-rédemptive. D’autre part, nous pensons que Grudem a tort de

séparer les prophètes d’Ephésiens 4 :11 de ceux d’Ephésiens 2 :20 (liant ces derniers à ceux

d’Ephésiens 3 :5, c'est-à-dire les restreignant aux seuls apôtres), pour en faire des prophètes

« congrégationnels » de seconde zone. Nous suggérons au contraire de rapprocher Ephésiens

2 :20 et Ephésiens 4 :11. En effet, dans les deux cas, ces prophètes participent à l’édification

(cf. 4 :12), et dans les deux cas la métaphore utilisée est proche : le fondement dont Christ est

la pierre angulaire (Ep 2 :20), le corps dont Christ est le chef ( Ep 4 :15). De plus, il s’agit

d’un chef dont le rôle est comparable à celui de la pierre angulaire, car « de lui, le corps tout

entier bien ordonné et cohérent, grâce à toutes les jointures qui le soutiennent fortement, tire

son accroissement dans la mesure qui convient à chaque partie, et s'édifie lui-même dans

l'amour », (Ep 4 :16).

Dans cette perspective, c'est-à-dire en limitant les prophètes d’Ephésiens 3 :5 à ceux

qui furent dépositaires de la révélation, il devient possible d’intégrer les prophètes

d’Ephésiens 4 :11 dans le cadre d’Ephésiens 2 :20, et ainsi d’intégrer des personnages dont le

rôle fut crucial au sein de l’Eglise primitive, tels que Barnabas, Jude, Silas ou Lucius de

Cyrène, mais aussi Agabus, tous prophètes ayant de par leur office reçu des révélations,

certainement relatives à l’exhortation et l’édification de leurs frères et sœurs dans la foi1.

Nous estimons par conséquent que ces énoncés, postulats et suggestions, qui peuvent

s’articuler entre eux sans générer de contradiction, nous invitent à répondre par l’affirmative à

1 Activité typiquement prophétique selon 1 Corinthiens 14 :3, « Celui qui prophétise, au contraire, parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console ; o de profhteuwn anyrwpoiv lalei oikodomhn kai paraklhsin kai paramuyian ».

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la question qui a motivé cette étude : « Les prophètes mentionnés dans l’épître aux Ephésiens

sont-ils ceux du livre des Actes ? ».

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