Les principales pathologies de la thyroïde et leur traitement

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12 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 515 Avril 2012 U ne diminution ou une absence de production des hormones thyroïdiennes provoque une hypothyroïdie tandis qu’une imprégnation excessive des tissus en hormones thyroïdiennes génère une hyperthyroïdie. L’hypothyroïdie L’hypothyroïdie résulte de la diminution ou de l’absence de production des hormones thyroïdien- nes par la glande thyroïde. Elle peut être due soit à une affection de la thyroïde (hypothyroïdie dite périphé- rique), soit, plus rarement et dans un contexte particulier, à un déficit de stimulation hypophysaire (hypo- thyroïdie dite centrale). La prévalence de l’hypothyroïdie varie de 3 à 10 % avec une prédo- minance féminine (sex-ratio 2 à 3). Elle est élevée après la ménopause ou en cas d’antécédents thyroïdiens ou encore de traitements médicamen- teux à risque (amiodarone, lithium, interféron). Le diagnostic de l’hypothyroïdie est réalisé à un stade précoce de la maladie. C’est ainsi que le coma myxœdémateux est devenu une compli- cation exceptionnelle d’une hypothyroïdie non traitée. Le diagnostic Les signes cliniques d’une hypothyroïdie sont peu spécifiques. Aussi, le diagnostic est généralement fondé sur le dosage des hormones thyroïdiennes, mais surtout sur celui de la TSH. L’hypothyroïdie est dite clinique (ou patente, ou encore avérée) lorsque les signes cliniques sont francs, la TSH augmentée et la thyroxine (T4) libre (ou T4L) abaissée. L’hypothyroïdie est dite infraclinique (ou fruste, ou asymptomatique, ou occulte) lorsque les signes sont minimes ou absents, avec une TSH augmentée confirmée par un deuxième dosage à 1 mois, et une T4 libre normale. Les principaux signes et symptômes de l’insuf- fisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes sont les suivants : fatigue, lassitude, épuisement, lenteur intellectuelle ; – sécheresse cutanée, fragilité des ongles, perte de cheveux ; – frilosité ; – constipation ; – prise de poids ; – douleurs musculaires, syndrome du canal carpien ; – voix basse et rauque ; – dépression ; – troubles menstruels, infertilité ; – goitre (augmentation de volume de la glande thyroïde). Les principales pathologies de la thyroïde et leur traitement Il existe deux types de dysfonctionnements thyroïdiens : les hypothyroïdies et les hyperthyroïdies. Par ailleurs, la glande thyroïde peut, bien évidemment, être le siège d’un processus cancéreux. Le rôle du pharmacien est d’expliquer le traitement au patient, notamment l’importance de sa bonne observance. Les causes de l’hypothyroïdie sont multiples Environ 50 % des hypothyroïdies périphériques sont d’origine auto-immune, dont la thyroïdite de Hashimoto. Environ 40 % d’entre elles sont secondaires au traitement d’une hyperthyroïdie par l’iode radioactif, la chirurgie ou les antithyroïdiens de synthèse. Environ 10 % ont pour origine une mauvaise observance de l’hormonothérapie thyroïdienne substitutive, une radiothérapie cervicale ou thoracique, ainsi que la prise de certains traitements médicamenteux (lithium, amiodarone, interféron). L’hypothyroïdie d’origine centrale est liée à un déficit en TSH (thyreostimulin hormone) hypophysaire. © BSIP/Ingram La thyroïde.

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Une diminution ou une absence de production des hormones thyroïdiennes provoque une hypothyroïdie tandis qu’une imprégnation

excessive des tissus en hormones thyroïdiennes génère une hyperthyroïdie.

L’hypothyroïdieL’hypothyroïdie résulte de la diminution ou de l’absence de production des hormones thyroïdien-

nes par la glande thyroïde. Elle peut être due soit à une affection de la thyroïde (hypothyroïdie dite périphé-rique), soit, plus rarement et dans un contexte particulier, à un déficit de stimulation hypophysaire (hypo-thyroïdie dite centrale). La prévalence de l’hypothyroïdie

varie de 3 à 10 % avec une prédo-minance féminine (sex-ratio 2 à 3). Elle est élevée après la ménopause ou en cas d’antécédents thyroïdiens ou encore de traitements médicamen-teux à risque (amiodarone, lithium, interféron). Le diagnostic de l’hypothyroïdie

est réalisé à un stade précoce de la maladie. C’est ainsi que le coma

myxœdémateux est devenu une compli-cation exceptionnelle d’une hypothyroïdie non traitée.

Le diagnosticLes signes cliniques d’une hypothyroïdie sont peu spécifiques. Aussi, le diagnostic est généralement fondé sur le dosage des hormones thyroïdiennes, mais surtout sur celui de la TSH. L’hypothyroïdie est dite clinique (ou patente,

ou encore avérée) lorsque les signes cliniques sont francs, la TSH augmentée et la thyroxine (T4) libre (ou T4L) abaissée.

L’hypothyroïdie est dite infraclinique (ou fruste, ou asymptomatique, ou occulte) lorsque les signes sont minimes ou absents, avec une TSH augmentée confirmée par un deuxième dosage à 1 mois, et une T4 libre normale. Les principaux signes et symptômes de l’insuf-

fisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes sont les suivants :– fatigue, lassitude, épuisement, lenteur intellectuelle ;– sécheresse cutanée, fragilité des ongles, perte de cheveux ;– frilosité ;– constipation ;– prise de poids ;– douleurs musculaires, syndrome du canal carpien ;– voix basse et rauque ;– dépression ;– troubles menstruels, infertilité ;– goitre (augmentation de volume de la glande thyroïde).

Les principales pathologies de la thyroïde

et leur traitement

Il existe deux types de dysfonctionnements thyroïdiens : les hypothyroïdies

et les hyperthyroïdies. Par ailleurs, la glande thyroïde peut, bien évidemment,

être le siège d’un processus cancéreux. Le rôle du pharmacien est d’expliquer

le traitement au patient, notamment l’importance de sa bonne observance.

Les causes de l’hypothyroïdie sont multiples

Environ 50 % des hypothyroïdies périphériques sont

d’origine auto-immune, dont la thyroïdite de Hashimoto.

Environ 40 % d’entre elles sont secondaires au traitement

d’une hyperthyroïdie par l’iode radioactif, la chirurgie

ou les antithyroïdiens de synthèse.

Environ 10 % ont pour origine une mauvaise observance

de l’hormonothérapie thyroïdienne substitutive,

une radiothérapie cervicale ou thoracique, ainsi

que la prise de certains traitements médicamenteux

(lithium, amiodarone, interféron).

L’hypothyroïdie d’origine centrale est liée à un déficit

en TSH (thyreostimulin hormone) hypophysaire.

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La thyroïde.

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Les pathologies de la thyroïde

“fruste” ?Une maladie est dite

“fruste” lorsqu’elle est

très atténuée, au niveau

de son intensité

ou de ses symptômes.

L’hypothyroïdie peut également entraîner une éléva-tion du taux de cholestérol. Si l’hypothyroïdie est confirmée, les anticorps

antithyroperoxydase (anti-TPO) doivent être dosés en absence d’étiologie évidente, afin de diagnos-tiquer une éventuelle thyroïdite auto-immune ou thyroïdite de Hashimoto (encadré 1).

Le traitementLes patients qui doivent être traités sont ceux dont l’hypothyroïdie est confirmée et symptomatique, ceux atteints d’hypothyroïdie fruste lorsque la TSH est supérieure à 10 mUI/L et/ou avec un taux d’anti-corps anti-TPO fortement positifs (leur taux élevé étant prédic tif d’une évolution vers l’hypothyroïdie).Le traitement de l’hypothyroïdie a pour but de corriger les principaux symptômes et de normaliser la TSH. Le traitement consiste le plus souvent en un

apport de lévothyroxine. Il est indiqué à vie dans toutes les hypothyroïdies cliniques ne comportant pas de caractère transitoire.Sa mise en route doit se faire par palier jusqu’à la dose efficace de 100 à 150 μg/jour pour les hypo-thyroïdies primitives et un peu moins dans les hypo-thyroïdies secondaires. Chez le sujet jeune, la dose initiale peut être de 50 μg et atteindre rapidement 100 μg/jour. La posologie initiale de lévothyroxine est variable

suivant le poids et la sévérité des symptômes, mais la dose cible de 1,6 μg/kg/jour peut être donnée d’em-blée, soit généralement 50, 75 ou 100 μg par jour.Elle peut parfois être minime (25 μg) dans les hypo-thyroïdies frustes.En cas de thyroïdectomie (sub)totale, la dose cible peut être administrée d’emblée.

La posologie cible de lévothyroxine doit, dans le cas de la substitution, normaliser la TSH. Il existe une variabilité interindividuelle, mais la posologie moyenne varie entre 100 et 150 μg par jour. Elle peut être inférieure à 100 μg par jour, notamment chez le sujet âgé et en cas d’hypo-thyroïdie fruste.

Les hormones thyroïdiennes sont susceptibles d’engendrer des perturbations cardiovasculaires : aggravation des cardiopathies ischémiques latentes et apparition de troubles du rythme.En effet, chez un sujet souffrant d’une hypothyroïdie, le “travail cardiaque” est diminué. Le traitement substitutif par la lévothyroxine augmente ce travail, ainsi que les besoins en oxygène du cœur. Ainsi, les sujets de plus de 70 ans et les patients atteints ou à risque de patho-logies cardiaques (antécédents coronariens, troubles du rythme ou insuffisance cardiaque) sont à risque. Chez ces personnes, la posologie initiale est de 12,5 ou 25 μg par jour en fonction de la gravité du risque ou de la pathologie cardiaque. L’augmen-tation des doses doit s’effectuer progressivement sous surveillance clinique et électrocardiographique régulière. La surveillance du traitement est principalement

clinique et biologique, la TSH étant le paramètre le plus important.

Les modalités de traitement particulièresDans quelques cas précis d’hypothyroïdie, la prise en charge est spécifique. L’hypothyroïdie fruste

Ce type d’hypothyroïdie se définit par un taux de TSH supérieur à 4 mUI/L, confirmé par un deuxième dosage après 1 mois avec une thyroxinémie libre (T4 libre) normale.L’évolution vers l’hypothyroïdie avérée n’est pas inéluc-table puisqu’elle ne concerne qu’un tiers des cas.Lorsque la TSH reste inférieure à 10 mUI/L, les réper-cussions cliniques sont inconstantes, non spécifiques et généralement négligeables.En revanche, lorsque la TSH est supérieure à 10 mUI/L ou en présence d’anticorps anti-TPO à un titre élevé, le traitement substitutif par la lévothyroxine est recommandé, à doses progressives. La cible de ce traitement est la normalisation de la TSH.L’existence d’une coronaropathie doit faire reconsidé-rer les modalités du traitement. Les femmes enceintes doivent faire l’objet d’une prise en charge spécifique.

Dans certaines situations cliniques, le dépistage ciblé

des hypothyroïdies frustes est recommandé :

– chez les femmes après la ménopause ou ayant

des antécédents thyroïdiens ;

– lorsqu’il existe des anticorps antithyroïdiens ;

– quand un sujet a des antécédents de chirurgie ou d’irradiation

thyroïdienne ou cervicale ;

– lors des traitements à risque thyroïdien (amiodarone, lithium,

interféron).

À noter

La thyroïdite de Hashimoto est définie par l’association

d’un goitre et la présence d’auto-anticorps antithyroïdiens.

Une hypothyroïdie vient souvent compléter le tableau.

La thyroïde peut avoir involué et être atrophique.

Certaines formes sont asymptomatiques, mais l’hypothyroïdie

est fréquente et le plus souvent définitive. La thyroïdite

d’Hashimoto peut évoluer vers un lymphome thyroïdien.

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Les principales pathologies de la thyroïde et leur traitement

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L’hypothyroïdie d’origine thérapeutiqueCertains médicaments sont connus pour perturber la fonction thyroïdienne, notamment :– les traitements de l’hyperthyroïdie par les anti-thyroïdiens de synthèse, par l’iode radioactif, par la chirurgie, etc., qui peuvent dépasser l’objectif prévu et entraîner une hypothyroïdie ;– les traitements des cancers de la thyroïde qui génè-rent souvent une hypothyroïdie ;– les traitements par le lithium ou l’amiodarone qui peuvent causer une anomalie de libération des hormones thyroïdiennes.Si le traitement en cause ne peut être arrêté, l’hypo-thyroïdie sera traitée pendant toute la durée de celui-ci, puis réévaluée après l’arrêt du traitement en cause. L’hypothyroïdie de la femme enceinte

Lors de la grossesse, les besoins en hormones thyroï-diennes sont augmentés jusqu’à 50 %.Une hypothyroïdie au cours de la grossesse peut être associée à une augmentation du risque d’hématome rétroplacentaire, de prématurité, de détresse respiratoire néonatale et de retard psychomoteur pour l’enfant.Les dosages de TSH et T4 libre sont effectués régu-lièrement pour l’adaptation du traitement tout au long de la grossesse avec, pour cible thérapeutique, une TSH inférieure à 2,5 mUI/L.Le dépistage ciblé (TSH, T4 libre et anticorps anti-TPO) est indiqué chez toute femme enceinte lorsqu’il existe certains signes évocateurs :– un contexte thyroïdien personnel ou familial ;– des antécédents de dysthyroïdie ;– une intervention chirurgicale sur la thyroïde ;– une notion d’élévation des anticorps antithyroïdiens, une maladie auto-immune.Une TSH supérieure à 3 mUI/L doit amener à renfor-cer la surveillance thyroïdienne par un contrôle de la TSH à 1 mois et un dosage des anticorps anti-TPO.

Dès que la TSH dépasse 4 mUI/L, le traitement peut être justifié. L’hypothyroïdie du nouveau-né

L’hypothyroïdie du nouveau-né concerne 1 nouveau-né sur 3 500.L’hypothyroïdie congénitale peut être une cause de retard mental et de développement.La principale cause est une dysgénésie thyroïdienne mais d’autres origines sont retrouvées, par exemple une exposition fœtale aux antithyroïdiens de synthèse pris par la mère dans le cadre d’un traitement contre l’hyperthyroïdie.C’est le dépistage systématique à la naissance qui permet un diagnostic et un traitement précoces.En cas d’hypothyroïdie confirmée, le traitement par la solution buvable dosée à 5 μg de lévothyroxine par goutte doit permettre de normaliser rapidement la TSH (inférieure ou égale à 2) en maintenant la T4 libre dans les valeurs hautes de la normale. Le suivi de l’enfant doit être rigoureux tout au long de la petite enfance, avec ajustement des doses fréquent. Un sous-dosage s’accompagne nécessairement d’un ralentissement de la croissance et du développement, tandis qu’un surdosage s’associe essentiellement à des troubles du sommeil.Le pharmacien doit sensibiliser les parents à l’impor-tance de l’observance du traitement. L’hypothyroïdie de l’enfant

Les deux situations les plus fréquentes chez l’enfant décrite plus haute sont l’hypothyroïdie congénitale et la thyroïdite auto-immune. Cette dernière peut revêtir différents tableaux cliniques.La thyroïdite sans goitre est souvent fruste (TSH modérément élevée, T4 libre normale, anti-corps anti-TPO positifs). Dans la majorité des cas, la TSH se normalise ou reste stable. L’évolution vers l’hypo thy roï die est rare (moins de 5 %). Le traitement n’est nécessaire que si la T4 libre est inférieure à la normale.Dans la thyroïdite avec goitre, les anticorps sont élevés. Il s’agit d’une thyroïdite de Hashimoto qu’il faut traiter s’il existe une hypothyroïdie. Le cancer de la thyroïde

Après une thyroïdectomie totale, le traitement doit être freinateur, ce qui conduit à adopter des posolo-gies élevées de 150 à 200 μg par jour afin d’obtenir une TSH à la limite inférieure de la normale. L’hypothyroïdie d’origine centrale

Ce type d’hypothyroïdie est la conséquence d’un déficit hypophysaire en TSH dans le cadre d’une pathologie hypophysaire. Son diagnostic repose sur la baisse de la T4 libre avec une TSH basse, normale ou peu élevée. L’ajustement des doses de lévo-thyroxine s’effectue sur les taux de T4 libre.

hypothyroïdiens“simple”, il est toutefois nécessaire de déterminer la bonne posologie.

sous-dosage thérapeutique tout comme les signes d’hyperthyroïdie éventuels apparaissant

en cas de surdosage. Ainsi, le patient pourra participer activement au suivi de son

traitement ; il s’agit d’une sorte d’éducation thérapeutique.

mieux, doit être soulignée.

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Les pathologies de la thyroïde

L’hyperthyroïdieUne imprégnation excessive des tissus en hormo nes thyroïdiennes provoque leur hyper-métabolisme ainsi qu’une augmentation de la consommation en O2 expliquant la symptomato-logie cardiaque. La prévalence de l’hyperthyroïdie serait de 1 à 2 %

et celle de l’hyperthyroïdie infraclinique de 1 à 4 %, jusqu’à 6 % chez les plus de 60 ans.L’hyperactivité sécrétoire de la glande thyroïde est dangereuse par les troubles, notamment cardiaques et parfois neuropsychiques, qu’elle entraîne. La prise en charge doit également traiter la maladie qui est la cause de l’hyperthyroïdie. L’hyperthyroïdie peut générer des compli-

cations, principalement cardiaques (troubles du rythme, insuffisance cardiaque) ou liées à l’altéra-tion de l’état général (asthénie et amaigrissement majeur).Les bêtabloquants non cardiosélectifs, en l’absence de contre-indications, sont utiles quand les symptô-mes cardiaques sont sévères pour prévenir ou trai-ter les troubles du rythme : le nadolol, l’oxprénolol, le pindolol et le propranolol sont indiqués dans le traitement des manifestations cardiovasculaires des hyperthyroïdies.

Le diagnosticLe diagnostic d’une hyperthyroïdie est réalisé devant un tableau clinique associant de l’asthé-nie, une thermo phobie, une perte de poids avec appétit conservé, voire augmenté, des palpitations cardiaques, une tachycardie, des tremblements et une nervosité.

Deux types d’hypothyroïdie peuvent être distingués :– l’hyperthyroïdie clinique (ou patente, ou avérée), qui associe des signes cliniques francs à une biologie perturbée (TSH plasmatique effondrée, T4 libre ou triiodothyronine, ou T3, libre augmentées) ;– l’hyperthyroïdie infraclinique (ou fruste, ou asymp-tomatique), où seule la biologie est perturbée (TSH inférieure à la normale, T4 libre et T3 libre normales).

Elle est en rapport, dans la très grande majorité des cas, avec une atteinte thyroïdienne primitive. La plupart des signes restent non spécifiques ou peuvent être discrets. L’hyperthyroïdie peut se manifester par tout ou

partie des signes suivants :– perte de poids malgré un appétit conservé (poly-phagie) ;– chaleur ressentie comme insupportable (thermo-phobie), avec soif ;– asthénie ;– signes cardiaques, palpitations, tachycardie, pouls irrégulier pouvant correspondre à une fibrillation auriculaire ;– diarrhée ;– diminution de la force musculaire (myopathie endo-crinienne) avec, parfois, diminution de la taille des muscles (atrophie musculaire) ;– tremblements fins des extrémités ;– dépression ou irritabilité ;– peau luisante, chaude et humide, mains moites, perte de cheveux, démangeaison isolée ;– impuissance chez l’homme ou troubles des règles chez la femme.

L’hyperthyroïdie, des causes diverses La maladie de Basedow

(60 % des cas) avec anticorps

antirécepteurs de la TSH positifs.

Le nodule toxique et le goitre

multinodulaire toxique.

L’hyperthyroïdie

induite par l’amio -

darone.

La thyroïdite de

De Quervain (virale).

La thyroïdite subaiguë lymphocytaire (auto-immune) et celle

du post-partum qui peuvent évoluer vers une hypothyroïdie

avec anticorps antiperoxydases ou anti-TPO positifs.

La maladie de Hashimoto peut se révéler également

par une hyperthyroïdie transitoire.

© P

hanie

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P. M

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zzi/S

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Augmentation de volume de la glande thyroïde ou goitre.

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L’hyperactivité sécrétoire de la glande thyroïde est dangereuse par les troubles, notamment cardiaques et parfois neuropsychiques, qu’elle est susceptible d’entraîner. La prise en charge, indispensable, doit également intéresser la maladie causale. Le traite-ment de l’hyperthyroïdie a pour but de faire dispa-raître les symptômes et de prévenir les troubles du rythme éventuels.

Le traitement La maladie de Basedow (Graves’ disease)

La maladie de Basedow consiste en un hyperfonc-tionnement thyroïdien de nature auto-immune. Cette affection, à prédominance féminine (8 femmes touchées pour 1 homme), représente la cause la plus fréquente d’hyperthyroïdie. Dans 15 % des cas, elle peut avoir un caractère familial. Certains gènes du système HLA, marqueurs génétiques du système immunitaire, favoriseraient l’auto-immunité.Cliniquement, la maladie de Basedow se caractérise par l’association d’un goitre, d’une hyperthyroïdie et d’une ophtalmopathie (exophtalmie, atteinte inflam-matoire de l’œil et des annexes, atteinte musculaire, atteinte du nerf optique). La dermopathie est très rare mais spécifique (myxœdème prétibial, hippocratisme digital).Le diagnostic de l’hyperthyroïdie repose sur une TSH indétectable et des hormones thyroïdiennes très éle-vées. Le diagnostic étiologique repose, quant à lui, sur la recherche des anticorps antirécepteurs de la TSH qui est positive dans plus de 90 % des cas. La scintigraphie n’est pas nécessaire, sauf en cas de goitre nodulaire.L’évolution de la maladie de Basedow est variable, la poussée pouvant guérir sous traitement par anti-thyroïdiens de synthèse ou ATS (durée recomman-dée de 12 à 18 mois). Malheureu sement, le risque de récidive concerne 50 % des patients et justifie une surveillance après l’arrêt du traitement. Un traitement radical peut s’envisager en cas d’évolution chronique (dans 15 % des cas). L’évolution de l’atteinte ocu-laire et sa sévérité ne sont pas corré lées au degré et à l’évolution de l’hyperthyroïdie. Elles justifient une prise en charge spécifique par des ophtalmo logistes expérimentés.Le traitement initial de la maladie de Basedow fait appel aux ATS tels que le carbimazole, le thia-mazole ou le propylthiouracile per os. Les doses de l’ATS choisi sont adaptées en fonction de la symptomatologie clinique et du bilan thyroïdien avec pour objectif la normalisation de la TSH et de T4 libre.En cas de symptômes sévères et en l’absence de contre-indications, il convient d’associer un bêta-

bloquant non cardiosélectif tel que le propranolol 20 à 40 mg, 3 à 4 fois par jour, par exemple.Parfois, un traitement par lévothyroxine peut être introduit pour compenser l’hypothyroïdie induite par les ATS.À l’arrêt du traitement, le dosage des anticorps anti-récepteurs de la TSH a une valeur pronostique : en cas de forte positivité, le risque de récidive est élevé. Une surveillance clinique et biologique annuelle est nécessaire pendant 2 à 3 ans en raison du risque de récidive.Un traitement chirurgical ou par l’iode radioactif (désir de grossesse, goitre volumineux, récidive…) peut être envisagé.Les effets secondaires immuno-allergiques induits par ce traitement antithyroïdien sont d’autant plus fréquents que la posologie est élevée. Le risque d’agra-nulocytose est bien connu : le diagnostic repose sur le dépistage (information du patient sur la conduite à tenir en cas de fièvre) et parfois sur le contrôle de la numération-formule sanguine (NFS) tous les 10 jours pendant les 2 premiers mois. Le nodule toxique ou goitre multinodulaire

toxiqueLe nodule toxique représente 20 % des hyper-thyroïdies et affecte la femme dans 80 % des cas. Le diagnostic est évoqué devant l’association d’une hyperthyroïdie et d’un nodule thyroïdien. La scinti-graphie thyroïdienne montre la fixation exclusive du marqueur scintigraphique au niveau du nodule avec extinction du reste du parenchyme (nodule chaud extinctif).Le traitement doit être radical : chirurgie, souvent, après traitement médical permettant d’obtenir l’euthy-roïdie. En cas de refus de la chirurgie par le patient ou de contre-indication chirurgicale, un traitement par l’iode radioactif reste possible. L’hyperthyroïdie infraclinique

L’hyperthyroïdie infraclinique se caractérise par l’absen ce de symptomatologie clinique, une TSH basse et des T4 libre et T3 libre normales. Elle entraîne, en cas de méconnaissance du diagnostic, un risque élevé d’arythmie complète par fibrillation auriculaire, avec une morbimortalité élevée (risque d’accident vasculaire cérébral ischémique) chez le sujet âgé.L’attitude thérapeutique dépend de l’âge et de l’asso-cia tion à un goitre :– soit surveillance clinique et biologique ;– soit traitement de l’hyperthyroïdie par bêta bloquant ou ATS à faible dose, voire par iode radioactif. L’hyperthyroïdie, la grossesse et l’allaitement

Mal contrôlée, l’hyperthyroïdie est responsa-ble de complications obstétricales (prématurité,

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retard de croissance intra-utérin, fausse couche spontanée).Le traitement repose sur les ATS à dose mini-male en maintenant des taux de T4 libre à la limite supérieure de la normale. Le traitement par le propylthiouracile (PTU) est préféré au cours de la grossesse.Le passage transplacentaire des ATS expose éga-lement au risque d’hypothyroïdie et de goitre fœtal. Mais, il a été montré que le risque d’hypothyroïdie fœtale était diminué lorsque la T4 libre maternelle sous traitement était maintenue dans les valeurs hautes.

Un taux élevé d’anticorps antirécepteurs de la TSH peut être à l’origine d’hyperthyroïdie fœtale et de goitre fœtal, qui sera recherché systématiquement à l’échographie fœtale. À la naissance, l’hyperthyroïdie régresse en quelques semaines ; seules les formes sévères nécessiteront un traitement.Quant à l’allaitement, il doit être évité en raison du passage de l’ATS dans le lait maternel. Certains experts estiment qu’avec de faibles doses d’ATS (20 mg de carbimazole ou 300 mg de PTU) et la prise du médicament à distance de la tétée, il est possi-ble d’autoriser l’allaitement. Toutefois, l’utilisation du propyl thiou ra ci le doit être préférée (passage faible dans le lait maternel), avec une surveillan ce régulière de l’enfant (incluant le dosage de la TSH). L’hyperthyroïdie induite par l’amiodarone

Avant de prescrire l’amiodarone, la recherche d’une hyperthyroïdie préexistante est impérative et condi-tionne le traitement.En cas de survenue d’une hyperthyroïdie sous amio-darone, l’arrêt de ce traitement, s’il est possible, est nécessaire. En effet, le traitement de l’hyperthyroïdie est difficile en dehors de cet arrêt. Les ATS sont peu efficaces et le PTU est préféré pour son action inhibi-trice de la conversion de T4 en T3. La corticothérapie peut être efficace, ainsi que le perchlorate de potas-sium (préparation magistrale réalisée par une phar-macie hospitalière), qui bloque la captation de l’iode par la thyroïde. La thyroïdectomie peut être discutée avec les cardiologues en cas d’hyper thyroïdie sévère et non contrôlée. L’iode radioactif est inefficace. Les thyroïdites

Les thyroïdites correspondent à des affections inflam-matoires ou infectieuses du corps thyroïde.Les thyroïdites subaiguës sont des affections inflammatoires réversibles mais parfois récidivan-tes de la thyroïde dont la durée d’évolution peut s’étendre sur quelques mois : au tableau clinique d’hyperthyroïdie s’ajoutent des douleurs au niveau du cou.

allaitement

une euthyroïdie, voire une légère hyperthyroïdie

maternelle, de façon à limiter le risque d’hypothyroïdie

fœtale. En effet, une supplémentation maternelle en

L-thyroxine s’avérerait inefficace pour le fœtus puisque

cette hormone passe très peu le placenta.

Un diagnostic prénatal (échographique) sera envisagé

de manière à surveiller la thyroïde fœtale.

Un bilan thyroïdien néonatal doit être pratiqué.

Les données relatives au suivi d’enfants allaités sont

pauvres, mais aucune conséquence néonatale ne

semble avoir été décrite. En conséquence, par mesure

de prudence, en raison du manque d’expérience clinique,

il est préférable d’éviter d’allaiter ; néanmoins, en cas

d’allaitement, une surveillance régulière du nouveau-né

devra être mise en route.

Source : RCP Vidal 2012.

amaigrissement, thermophobie), mais également psychiques (anxiété), qui céderont au traitement.

de récidive.

Les patients traités par antithyroïdiens doivent être conscients du risque d’agranulocytose et de la nécessité d’interrompre aussitôt

le traitement en cas de fièvre ou d’angine, de contrôler la NFS (numération-formule sanguine) et de consulter.

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Les principales pathologies de la thyroïde et leur traitement

Actualités pharmaceutiques n° 515 Avril 2012

La thyroïdite subaiguë de De Quervain fait souvent suite à un épisode infectieux viral de la sphère ORL. Une douleur semblable à celle des thyroïdites infec-tieuses est le maître-symptôme. S’y associent un syndrome grippal et, dans la moitié des cas, des signes fugaces d’hyperthyroïdie. La palpation thyroï dienne met en évidence un goitre doulou-reux de volume modéré, ferme et généralement asymé trique. Les adénopathies ne sont que rare-ment présentes.Un syndrome inflammatoire (VS > 100 mm) et des globules blancs modérément élevés avec inversion de formule sont retrouvés. Il est possible d’observer, au début, les signes d’hyperthyroïdie avec hormones thyroïdiennes augmentées et TSH effondrée. Les anti-corps antithyroïdiens sont faiblement positifs. L’hypo-thyroïdie succède à l’hyperthyroïdie dans trois quarts des cas.La guérison spontanée est obtenue dans un délai de quelques semaines ou moins ; elle est parfois émaillée de récidives. Le traitement est essentielle-ment sympto matique à base d’anti-inflammatoires stéroïdiens ou non, et de bêtabloquants si besoin.Dans le cas de thyroïdites auto-immunes et du post-par-tum, l’abstention thérapeutique ou un traitement symp-tomatique (bêtabloquants), ainsi qu’une surveillance de l’évolution (risque d’hypothyroïdie) sont requis.

Les cancers thyroïdiensLes cancers thyroïdiens (2 à 3 % de l’ensem-ble des cancers) sont révélés par la clinique et l’échographie. Ils sont classés selon la structure histologique :– les carcinomes papillaires sont les tumeurs les plus fréquentes (60 % des cancers thyroïdiens) ;– les carcinomes vésiculaires (30 % des cancers thyroïdiens) surviennent surtout autour de la quarantaine ;– les carcinomes indifférenciés ou anaplasiques constituent des tumeurs rares (moins de 5 %), d’évo-lution particulièrement rapide, aussi bien locale que régionale, ganglionnaire ou métastatique ;– les cancers médullaires, également rares (5 à 10 % des cancers de la thyroïde), se développent aux dépens des cellules C parafolliculaires thyroïdiennes responsables de la sécrétion de calcitonine.Le dépistage précoce des cancers thyroïdiens offre au patient de grandes chances de survie, cela grâce à des traitements et une surveillance actuellement bien codifiés.Le traitement des cancers de la thyroïde fait appel à la chirurgie, la radiothérapie externe, l’iode radioactif et parfois la chimiothérapie. L’hormonothérapie y est associée.

Ces dernières années, la généralisation des métho-des de marquage immuno-histochimique a permis une meilleure caractérisation de ces tumeurs et une prise en charge plus adaptée des patients.L’iode 131 reste, chaque fois que cela est possible, le traitement de choix des métastases. Les récidives et métastases très tardives nécessitent une surveillance à vie.

ConclusionLes dysfonctionnements thyroïdiens à type d’hypo-thyroïdie et d’hyperthyroïdie bénéficient actuel-lement d’une bonne prise en charge avec une stra-tégie théra peutique particulièrement standardisée. Toutefois, l’usage des médicaments tels que les hormones thyroï diennes ou les antithyroïdiens de synthèse nécessite un suivi régulier du patient par le médecin. �

Lise Duranteau

Praticien hospitalier – Endocrinologie

Hôpitaux Paris Sud, Bicêtre (94)

[email protected]

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Jacques Buxeraud

Professeur des Universités,

Faculté de pharmacie, Limoges (87)

[email protected]

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Pour en savoir plusAbalovich M, Amino N, Barbour LA, Cobin RH, De Groot LJ,

Glinoer D, et al. Management of thyroid dysfunction during pregnancy

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Vidal Recos. www.vidalrecos.fr