Les premiers métallurgistes en Afrique occidentale

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LES ORIGINES DE LA MÉTALLURGIE EN AFRIQUE

OCCIDENTALE

Danilo GRÉBÉNART

Préface du professeur Gabriel Camps Université de Provence

ÉDITIONS ERRANCE

Les Nouvelles Editions Africaines

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I l l u s t r a t i o n d e c o u v e r t u r e :

Forgerons africains autour d 'un foyer.

D u m ê m e a u t e u r :

Le Capsien des régions de Tébessa et d' Ouled-Ojellal (Algérie). Contribution à son étude.

Université de Provence, 1976, 335 pages.

La région d'In-Gall - Tegidda n'Tesemt (Niger). Programme archéologique d'urgence, 1977-1981, t. II. Le Néolithique final et les débuts de la métallurgie.

Études Nigériennes, n° 49, 1985, 418 pages.

En collaboration :

La région d'In-Gall - Tegidda n'Tesemt (Niger). Programme archéologique

d'urgence, 1977-1981, Atlas. Études Nigériennes, n° 47, 1983, 89 pages et 10 cartes h. t.

ISBN 2-903442-65-7 '--,

@ Nouvelles Éditions Africaines, Abidjan-Editions Errance, Paris 1988

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TABLE DES MATIERES

Préface 7 Introduction 9

l « e p a r t i e : LA MÉTALLURGIE. GÉNÉRALITÉS 13

Chapitre I : Métallurgie du cuivre 15 - Travail du cuivre natif 15 - Extractions réductrices 16 - Extractions oxydantes 17 - Maîtrise des alliages intentionnels 19

Chapitre II : Métallurgie de l'étain 21 Chapitre III : Métallurgie du fer 22

- Techniques de fabrication du fer 22 - Différents types de bas-foumeaux 23 - Différents types de soufflets 28 - Le combustible 28 - L'atelier du forgeron et ses outils 29 - Le travail du fer 31

Chapitre IV : Etudes techniques des métaux 36

2e p a r t i e : LES MÉTAUX DANS LA VALLÉE DU NIL ET AU M A G H R E B 3 7

Chapitre 1 : Les métaux en Égypte et en Nubie 39 - Métallurgie du cuivre 39 - Métallurgie du fer 41 - Techniques de fabrication des métaux dans la vallée du Nil 42- - Progression des influences égyptiennes et nubiennes vers l'Afrique de l'ouest . 47

- Le groupe C de Nubie et l'Age du cuivre 48 - La Nubie et l'Age du fer 49

Chapitre II : Les métaux au Maghreb 51 - Chalcolithique et Age du bronze 51

- Les objets en métal 53 - Représentations d'armes en métal 55 - La céramique campaniforme 59 - Les anciennes exploitations minières 60 - Conclusion 60

- Age du fer 62 - Le mobilier des sépultures berbères 63 - L'armement carthaginois et romain 66 - Anciennes exploitations minières et fabrication du fer 66 - Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

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3e partie : ORIGINES DE LA MÉTALLURGIE EN AFRIQUE OCCIDENTALE 69

Les textes 71 Chapitre I : Les textes antiques 72

- Les Libyens au XIIIe siècle av. J.-C 72 - Les navigations antiques sur la côte d'Afrique occidentale 72 - L'or de l'ouest africain pendant l'Antiquité 73 - Les chars garamantiques 75 - La connaissance de l'intérieur de l'Afrique 75

Chapitre II : Les textes arabes 77 - Le commerce de l'or 77 - Le commerce du cuivre 78 - Le fer 79 - Métaux divers 80

Les apports linguistiques 81 Chapitre 1 : L'or 82 Chapitre II : L'argent 84 Chapitre III : Le cuivre 85 Chapitre IV : Le fer 87 Chapitre V : L'étain 89

Les figurations rupestres 91 Chapitre 1 : Les chars sahariens et les chevaux 92

- L'attelage par barre de traction et de soutien 95 - Construction des chars 96 - Résultats expérimentaux 96 - L'attelage en quadrige avec timons 97 - La cavalerie saharienne 98

Chapitre II : Les représentations d'armes 100 - L'armement des limites orientales 100 - L'armement du Sahara central et occidental 102 - L'armement en fer et les figurations camelines 103

Conclusion 104

Les données archéologiques : 1. Les ressources minières de l'ouest africain et leurs exploitations anciennes 107 Chapitre 1 : Fabrication du cuivre près d'Agadez (Niger) 108

- Les minerais de cuivre 109 - Age ancien du cuivre ou Cuivre I 110 - Les fours 110 - Fonctionnement des fours 120

- Age récent du cuivre ou Cuivre II 121 - Les bas-foumeaux 123 - Analyses des scories 124 - Estimation de la production de cuivre 126

- Fabrication du cuivre au Moyen Age à Azelik wan Birni 129 Chapitre II : Fabrication du cuivre près d'Akjoujt (Mauritanie) 130

- Les minerais de cuivre 130 - La mine dite « Grotte des Chauves-souris » 131 - Fabrication du cuivre 133

Chapitre III : Sites cuprifères divers 137 - Tessalit (Mali) 137 - Nioro-du-Sahel (Mali) 137 - Petits sites divers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

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Chapitre IV : Le fer 141 - Fabrication du fer au Niger près d'Agadez 142 - Fabrication du fer au Nigéria autour du plateau de Jos 143

Chapitre V : L'or 145 Chapitre VI : Minerais divers : étain, zinc, argent et plomb 147

Les données archéologiques : 2. Les habitats et les sépultures 149 Chapitre 1 : Niger 151

- La région d'Agadez 152 - Néolithique Saharien et Age du cuivre, ancien ou Cuivre I et récent ou Cuivre II 152 - Néolithique sahélien de la falaise de Tigidit et Age ancien du fer ou Ferl . . . . 160 - Relations entre néolithiques et métallurgistes près d'Agadez avant l'ère chrétienne 164 - Age récent du fer ou FerII : Marandet, la sidérurgie près d'Agadez et la fabrication du cuivre à Azelik wan Birni 165

- Le massif de Termit et le Sahel : Massif de Termit ; Kareygoru près de Niamey 170 Chapitre II : Mauritanie 174

- Le contexte archéologique 174 - Les objets en métal : armes, outils, bijoux, lingots et fragments de métal, analyses

spectrographiques 174 - Conclusion 181

Chapitre III : Sahara central 186 - Le tombeau d'Abalessa 186 - Objets divers protohistoriques en métal 189

Chapitre IV : Sénégal 191 - Podor, découvertes de 1958 ; description des objets, composition chimique des bijoux 191 - Fouilles de Saré-Tioffi à Podor ; datations par le carbone 14 194 - Tioubalel 195 - Sintiou-Bara 195 - Ogo ; le travail du fer ; le travail du cuivre 196 - Les monuments funéraires de Rao 198 - Conclusion 200

Chapitre V : Le Mali et la boucle du Niger 201 - Les habitats : Jenné-Jeno, sites de l'Age du fer du Mema, sites de la falaise de

Bandiagara, sites divers 201 - Les monuments funéraires : tertres funéraires, caveaux en forme de silo . . . . . 204 - Conclusion 205

Chapitre VI : Bassin du Tchad 208 - Le Djourab et la région de Koro-Toro (Tchad) 208

- Le Néolithique 208 - L'Age du fer : le Fer ancien, le Fer moyen, le Fer récent . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

- Magda (Tchad) 217 f e r 218 - Le cuivre et ses alliages 218

- Daima (Nigéria) 218 - Bornu 38 (Nigéria) 220 - Kursakata (K ou Bomu 24, Nigéria) 220 - Shilma (Bomu 70, Nigéria) 220 - Conclusion 222

Chapitre VII : Plateau de Jos (Nigéria) 224 - Abri de Rop ; industrie lithique ; céramique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 - Abri de Dutsen Kongba 225 - Abri de Ezi-Ukpa 225 - La « Nok culture » et la métallurgie du fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226

- Historique des découvertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226

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- Style des terres cuites de Nok 227 - Age des statuettes de Nok et leurs relations avec la métallurgie du fer : Samun Dukiya ; Taruga 227

- Conclusion 228 Chapitre VIII : du Sahel à la forêt ombrophile 232

- Abri de Kintampo (Ghana) 232 - Abri de Bosumpra (Ghana) 233 - Abri de Mumute (Ghana) 233 - Abri de Yenguena (Sierra Léone) 233 - Abri de Kokasu (Libéria) 234 - Abri de Sopie (Libéria) 234 - Abri de Yagala et Kamabai (Sierra Léone) : Yagala ; Kamabai ; l'outillage lithique ; la céramique ; les objets en fer ; datations par le carbone 14 234 - Abris de Rim et de Wairegaigu (Burkina-Faso) 237 - New Buipe (Ghana) : les objets en fer ; les objets en cuivre ; la céramique ; l'outillage lithique 237 - Dawu (Ghana) : les objets en métal cuivreux ; les objets en fer ; l'outillage lithique 240 - Hani, Aban, Amuowi 1 et Begho (Ghana) 243 - Kapebli (Libéria) 243 - Conclusion 243

Chapitre IX : amas coquilliers et site littoraux atlantiques 246 - Amas coquilliers du Sénégal 247 - Sites du Cap Vert 247 - Amas coquilliers de Côte d'Ivoire 248

C o n c l u s i o n g é n é r a l e 2 4 9

Le Sahara et le Sahel 250 - Le cuivre : Cuivre I ; Cuivre II 250 - Le fer : Fer I ; Fer II 253

L'or en Afrique occidentale 257 Le fer et le cuivre du Sahel à la forêt ombrophile 257 Origines des métallurgies en Afrique occidentale 258 Évolution des techniques 261

Annexes - Fabrication artisanale du cuivre au Maroc 263 - Décor à la cire perdue (Podor, Sénégal) 264 - Fabrication d'une clochette durant l'époque médiévale (Sintiou-Bara, Sénégal) . 265 - Métallurgie artisanale contemporaine en Afrique occidentale : l'atelier d'un forgeron et la fabrication du fer en pays Nupé (Nigéria) 266

Bibliographie 269 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285

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PREFACE

En 1976 sortait de presse un premier ouvrage de DaniJo Grébénart. Ce livre, édité par l'Université de Provence, traitait des industries capsiennes que, plus que tout autre, il avait contribué à faire connaître par ses fouilles dans les Némenchas et les régions des Ouled Djellal et de Djelfa. Ce n'était pas le premier contact de D. Grébénart avec les régions steppiques du Maghreb. Seize ans plus tôt, après son service militaire, ce Périgourdin, devenu instituteur à Ferkane, avait mis à profit ses temps libres pour effectuer de premières recherches sur la Préhistoire et la Protohistoire de ces mêmes régions. C'est ainsi qu'en 1960, il découvrit et fouilla un tumulus de type rare, connu jusqu'alors que par deux autres exemplaires, le tumulus à chapelle de l'Oued Djerch. Fouille qui fut à l'origine d'une collaboration entre ce chercheur et moi-même, d'abord au sein du Centre de recherche anthropologique, préhis- torique et ethnologique d'Alger puis au Laboratoire d'anthropologie et de préhistoire d'Aix-en-Provence : collaboration ininterrompue depuis près d'un quart de siècle.

Après l'Algérie qu'il quitta en 1971. D. Grébénart exerça un moment ses talents dans le Sud marocain. Là aussi, avec le même bonheur dans la recherche, il met en lumière un nouveau faciès épipaléolithique dans la région de Tarfaya. Puis, prenant désormais le Sahara à revers, il explore pendant de longues années la région d'Agadez, en particulier cet accident majeur de la zone sahélienne du Niger qu'est l'immense falaise de Tigidit ; ce qui ne l'empêche pas, dans les intervalles de ses longues missions, de participer à l'exploration archéologique du Yémen du Nord et d'être appelé au Gabon en vue d'une organisation des recherches préhistoriques en ce pays.

D. Grébénart puise certainement dans ses origines, à la fois serbe et péri- gourdine, cette soif d'aventures, ce goût pour les terres lointaines, mais ce préhistorien des steppes est aussi un spéléologue. Cet homme habitué aux larges horizons s'enfonce volontiers dans les étroitures et pénètre dans les gouffres. Mais l'engagement physique, voire sportif, ne va pas sans une remar- quable application scientifique, appuyée sur un solide bon sens, peu soucieux des modes, aussi fugaces que puériles, auxquelles sont sensibles tant de chercheurs.

Entreprenant, courageux, D. Grébénart est aussi un chercheur heureux. Partout où il fut appelé, autant par des circonstances imprévues que par une décision délibérée, sa présence agit comme un révélateur des richesses préhis- toriques : enfant, dans son Périgord natal, il jouait dans une petite grotte inconnue située près de Saint-Astier, dans laquelle il se glissait par un trou de renard ou de blaireau, adulte il y découvre et fouille pendant plusieurs années un ensemble funéraire néolithique : c'est la Grotte des Barbilloux. Nous avons vu qu'à Ferkane ses loisirs de jeune enseignant le conduisirent à une belle découverte, chercheur confirmé il révolutionne, en quelques années, nos connaissances sur le Capsien, cette brillante civilisation du Maghreb préhistori-

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que. Pointant sur la carte quelques 200 gisements nouveaux sur une surface de 2000km 2 il révèle la densité de ces « escargotières » et surtout il montre que le Capsien typique n'est qu'un faciès régional -non chronologique- et que le Capsien dit supérieur peut être plus ancien que ce faciès.

Mais c'est sur un terrain nouveau, celui du Sahel, que D. Grébénart devait le mieux exercer ses talents. Associé à la Recherche coopérative sur programme du Niger sous la responsabilité de M. Bemus et à une entreprise collective de sauvetage de régions menacées, il applique aux recherches les méthodes qui avaient fait leur preuve en Algérie et au Maroc. Il révéla, à la suite d'explora- tions rigoureuses et de nombreuses fouilles et sondages dans la région à l'ouest et au sud d'Agadez. l'existence d'une vieille métallurgie du cuivre, antérieure à celle du fer et plus ancienne que celle reconnue précédemment en Mauritanie. dans la région d'Akjoujt. Le compte rendu de ces travaux fait l'objet d'un ouvrage séparé.

Celui que nous préfaçons a une toute autre ambition. L'auteur a voulu, tout en faisant connaître les résultats spectaculaires de ses propres recherches, donner une vue d'ensemble des débuts de la métallurgie dans l'Ouest africain, mais comme il ne pouvait négliger l'épineux problème des relations avec les autres régions africaines et des emprunts supposés, il lui fallait élargir son propos à l'ensemble africain au nord de la forêt ombrophile, englobant aussi bien le Maghreb que la vallée du Nil et le Sahara. Ce fut une vaste entreprise, pour la mener à bien D. Grébénart fut tributaire des chercheurs, trop peu nombreux en Afrique occidentale. auxquels il rend un hommage mérité : R. Mauny en premier, B. Fagg, Mme N. Lambert, mais aussi R.J. Mc Intosh, J.P. Roset, G. Quéchon... Pour les autres régions, que ce soit le Maghreb, ou la Vallée du Nil, la Cyrénaîque ou le Hoggar, l'auteur sait montrer la prudence et parfois la réserve critique qui s'imposent, n'hésitant pas à dégonfler les baudru- ches d'une archéologie à sensation, remettant, par exemple. Méroë. ce « Bir- mingham de l'Afrique » à sa juste place qui est bien plus modeste quant à son rôle dans la propagation de la métallurgie du fer.

L 'archéologie, la première, comme il se doit, la critique des textes, aussi bien des Anciens que des Modemes, la linguistique certes et la technologie même (et on lira avec le plus grand intérêt cette première partie qui explique sobre- ment et intelligemment les différents procédés anciens pour obtenir le métal) ont été mis tour à tour à contribution, faisant de ce livre, judicieusement illustré. un ouvrage indispensable à la connaissance de l'Afrique.

G. Camps

Janvier 1986.

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INTRODUCTION

L'exceptionnel intérêt des découvertes archéologiques réalisées le long des marges saharo-sahéliennes du Niger (Grébénart, 1985) m'a conduit à étudier les problèmes de l'âge des métaux dans un cadre plus vaste. En raison de la rareté des documents, j'ai été amené à étendre mon enquête à toute l'Afrique occidentale, des confins saharo-soudanais à l'Atlantique, Sahara compris. Une partie de la Libye est ainsi examinée, de même que l'ensemble du Nigéria, avec, proche du lac Tchad, le nord du Cameroun. En revanche, le reste de ce pays et la république Centrafricaine, trop éloignés, ne sont pas abordés.

L'absence d'ouvrage de référence et le petit nombre de publications sur le sujet m'ont également incité à entreprendre ces recherches.

Parmi les travaux antérieurs, il convient de citer un Essai sur l'histoire des métaux en Afrique occidentale publié en 1952 par R. Mauny, qui a parfaite- ment saisi la place historique et l'importance des principaux métaux, notam- ment le fer et le cuivre. Les grandes lignes tracées demeurent, trente ans après, encore acceptables : le cuivre est toujours étrangement rare, voire absent des régions forestières avant les importations arabo-berbères. La date proposée d'introduction du fer : 300 ans environ avant J.-C. (aucune datation radiomé- trique n'avait encore été obtenue en Afrique Noire) n'est pas très éloignée de ce que l'on sait aujourd'hui. A l'exception de centres privilégiés comme le plateau de Jos au Nigéria et la région d'Agadez au Niger, ce métal était probablement ignoré ailleurs ou seulement peu utilisé. Par la suite, en 1961, dans son Tableau géographique de l'ouest africain au Moyen Age R. Mauny rassemble les données acquises sur les débuts de l'usage des métaux, mais, comme le titre l'indique, l'ouvrage concerne plus particulièrement la période médiévale.

A ce travail d'ensemble ont fait suite des recherches de caractère régional. Celles de N. Lambert et de B. Fagg au Nigéria abordent la fabrication des métaux réalisée au cours de périodes très anciennes pour l'Afrique : aube du dernier millénaire pour le cuivre, 700 à 600 avant J. -C. pour le fer.

Dans le massif de Termit, au Niger, pas très loin d'Agadez, les prospections de G. Quéchon et J. -P. Roset concernent un âge du fer aussi vieux que celui du Nigéria.

Les autres recherches se rapportent à des périodes plus récentes. Au Tchad, dans la région de Koro Toro, les travaux de Y. Coppens et surtout

de F. Treinen-Claustre, touchent des populations du Néolithique final et de l'Age récent du fer attesté à partir du début de l'ère chrétienne. Les plus anciens habitats de la vallée du Sénégal semblent remonter à la même période (Cha- vane, 1980), de même que ceux du delta intérieur du Niger et de la falaise de Bandiagara au Mali (Bedaux, 1971,1980), bien que, pour certains, la présence de métal puisse dater du IIIe-IIe siècle avant J. -C., comme probablement au Tchad au début de l'occupation de buttes « Sao ».

Tous les sites examinés appartiennent au Sahel et sont des habitats de plein air. Toutefois, plus au sud, en savane et dans la forêt ombrophile, on rencontre parfois des abris sous roche contenant des dépôts anthropiques dans lesquels le métal apparaît, en stratigraphie, au-dessus de niveaux néolithiques ou de la période finale de l'Age de pierre.

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Etablis à partir de l'étude des représentations rupestres, se détachent les travaux de H. Lhote et notamment ceux de P. Huard, qui a cherché à retrouver, vers l'ouest, les influences nilotiques.

L'origine de la métallurgie, en Afrique Noire, est souvent abordée dans une perspective ethno-historique fondée sur des vestiges dont l'ancienneté re- monte seulement à quelques siècles. C'est pourquoi j'ai délibérément renoncé à utiliser les traditions orales. Malgré sa richesse, cette source de documenta- tion, guère fiable au-delà de quelques centaines d'années, est totalement inutilisable pour les périodes plus éloignées. Souvent aussi l'histoire des mé- taux se limite à certaines époques principalement caractérisées par l'aspect esthétique des objets qu'elles ont livrés. Je pense aux célèbres « bronzes » du Bénin, dont l'origine africaine ne fait plus de doute, mais qui sont beaucoup plus récents qu'on ne le croyait (probablement la fin de notre Moyen Age) et notamment très postérieurs aux débuts de la métallurgie dans les régions où ils ont été réalisés.

Comme la fabrication des métaux répond à des impératifs physico- chimiques très stricts, indépendants des situations géographiques, un histori- que de la métallurgie rappelant ses différentes étapes à partir de celles recon- nues au Proche Orient et en Europe est nécessaire. En raison de l'importance de la sidérurgie en Afrique de l'ouest, je me suis assez longuement étendu sur les principes généraux de la fabrication du fer, en me référant souvent aux procédés primitifs encore en usage, pour aborder ensuite les techniques de la forge. Ces dernières, comme celles du traitement des minerais, ne peuvent être étudiées isolément en Afrique occidentale où leur apparition est tardive. Il est donc nécessaire, au préalable, de passer en revue l'état des connaissances des métaux dans la vallée du Nil et au Maghreb afin de pouvoir examiner les éventuelles influences de ces régions, bien lointaines toutefois, sur l'Afrique de l'ouest.

C'est seulement ensuite que sont abordées les questions spécifiques à l'Afrique occidentale.

Je ne me suis pas limité aux seuls problèmes posés par le cuivre et le fer. J'ai étudié tous les métaux utilisés par l'homme. L'or, parmi eux, occupe une place particulière, car, malgré son importance au Moyen Age, il semble, auparavant, curieusement ignoré.

En Afrique, les sources archéologiques sont essentielles, mais il en existe d'autres, examinées successivement, qui se rapportent aux textes antiques et médiévaux, à la linguistique et aux figurations rupestres.

Par sa situation géographique l'Afrique de l'ouest se trouvait au-delà des marges du monde antique. Toutefois, il n'est pas impossible que certains voyageurs aient pu l'atteindre. Malheureusement, si elles se réalisèrent, ces entreprises furent individuelles, sans conséquence visible, et les textes parve- nus jusqu'à nous n'ont pas livré l'écho de ces exploits. C'est seulement avec les ouvrages arabes, dont les plus anciens remontent au VIIIe siècle, que l'Afrique occidentale, sous le nom de Bilad Al-Sudan, entre dans l'histoire. Nous attei- gnons aussi, en partie, les limites chronologiques fixées à nos recherches. Dans ces écrits, de valeur inégale, mais apportant des renseignements de première importance sur l'organisation sociale, politique et économique des états du Sahel, il est très souvent question des métaux. L'Afrique livrait de l'or ; en échange elle recevait du cuivre. Il est certain que c'est à partir de ces importa- tions que se développa, au sud du Sahara, l'utilisation du cuivre ; mais il est

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également probable qu'il existait, un peu avant celui des Arabes, un petit commerce de ce métal. Marandet, près d'Agadez, notamment, en apporterait la preuve.

La linguistique peut fournir d'importants renseignements sur l'origine des métaux. Il s'agit même d'un très vaste champ de recherches qui devrait être mieu4 exploité. Pour le cuivre les conclusions semblent nettes : ce serait, au sud du Sahel, un métal d'importation. Partout, pour le désigner, on retrouve un radical étranger : arabo-berbère ou européen. Quant au fer, l'interprétation est beaucoup plus délicate en raison des multiples termes employés.

Les représentations rupestres sont limitées aux régions sahariennes. Les images permettent de pallier l'absence d'objet. Très souvent, elles manquent de réalisme, sont d'interprétation difficile et surtout ne peuvent être datées. Elles sont toutefois un des principaux indices marquant les influences qui ont pu s'exercer à partir de la vallée du Nil ou du Maghreb. On comprend leur importance pour la connaissance de l'utilisation des métaux.

L'étude des plus anciens vestiges de la métallurgie implique enfin la prise en considération du Néolithique final qui parfois se poursuit parallèlement à l'usage des métaux. Cette particularité se rencontre dans les zones saharo- sahéliennes du Tchad, du Niger et de Mauritanie. Malheureusement, là où une stratigraphie existait (Daïma au Nigéria, Kamabai en Sierra Léone) les rensei- gnements furent plutôt décevants par suite de l'imprécision des fouilles et de la nature des objets réduits à quelques fragments de métal oxydé. Il fallut donc prendre en considération des sites plus récents dont les phases d'occupation s'achèvent à l'époque médiévale, tels New-Buipe et Dawu au Ghana.

La fin du premier millénaire de notre ère, limite basse théorique des recher- ches au Sahel, ne peut convenir aux régions plus méridionales. On sait que les chroniqueurs arabes ou leurs informateurs n'ont connu du Soudan que la partie sud-saharienne, lieu d'arrivée des caravanes venant du nord et sièges de royaumes plus ou moins islamisés. Il est donc vraisemblable que pendant cette période, le métal, en forêt, n'était pas partout utilisé ou fabriqué, comme de nos jours chez les Pygmées du bassin du Congo, aussi le Moyen Age final marque- t-il mieux, ici, l'achèvement de cette enquête.

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Première Partie

LA METALLURGIE : GENERALITES

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La métallurgie est l'ensemble des opérations permettant d'obtenir un métal à partir de son minerai. La connaissance des lois physico-chimiques qui les régissent est nécessaire pour comprendre la chaîne opératoire aboutissant au métal. Leur découverte remonte seulement au XVIIIe siècle avec la naissance de la chimie et les travaux de Lavoisier.

Auparavant, tous les progrès techniques étaient réalisés empiriquement par certains artisans gardant jalousement leur secret.

Fondeurs et forgerons, deux catégories professionnelles indifférenciées à l'origine, sont les héritiers directs du potier. C'est la maîtrise du feu, acquise par ce dernier et constamment perfectionnée par ceux-là, qui permit la fabrication des métaux.

Les travaux de référence introduisant cette première partie peuvent être groupés en deux catégories. D'une part les ouvrages généraux dans lesquels les problèmes spécifiques aux métallurgies anciennes sont abordés (notam- ment Cohen, 1952, Gilles 1966, et Hocheid 1970), d'autre part ceux, plus spécialisés, traitant essentiellement de paléo-métallurgie (principalement For- bes 1950, France-Lanord 1952, 1956 et 1963, Maréchal 1956, 1972 et 1983 et enfin Tylecote 1979).

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CHAPITRE I

METALLURGIE DU CUIVRE

La classification des minerais de cuivre par ordre d'importance serait diffé- rente pour les métallurgistes protohistoriques et pour ceux de notre époque, car les plus riches sont généralement les plus difficiles à traiter, et ce sont bien entendu les plus faciles que l'homme a commencé à utiliser. On retiendra donc seulement quatre catégories : le cuivre natif, qui n'est pas à proprement parlé un minerai, les oxydes, les carbonates et enfin les sulfures.

Une synthèse des différentes étapes techniques de la métallurgie du cuivre a récemment été tentée (Gallay, Lahouze, 1976). Quatre phases distinctes apparaissent dans l'évolution de cette industrie.

T r a v a i l d u c u i v r e n a t i f

Le cuivre est un des rares métaux rencontrés à l'état natif. C'est sans doute sous cette forme qu'il était exploité à Chypre pendant l'Antiquité. Dans les roches encaissantes, il peut se présenter sous des dimensions très variables, depuis les grains microscopiques jusqu'à des masses de plusieurs tonnes. Les seules mines exploitées à l'époque moderne, situées en Amérique du Nord sur les rives du Lac Supérieur, sont actuellement épuisées (Cohen, 1962, p. 15).

Travail du cuivre natif par martelage à froid A ce stade le métal est considéré comme une roche malléable. Cette pre-

mière étape ne paraît pas pratiquée dans l'ouest africain, notamment autour d'Agadez, au Niger, où le cuivre natif est pourtant abondant.

Travail du cuivre natif par martelage à chaud Les températures nécessaires sont nettement inférieures à 1000° et le métal

est seulement plus malléable qu'à froid. Cette seconde étape n'a pas non plus été reconnue autour d'Agadez.

Fonte du cuivre natif Le métal peut être fondu et coulé dans des moules. La température doit au

moins atteindre celle de la fusion du cuivre : 1083°. C'est le stade du Cuivre I d'Agadez, absent toutefois de la région d'Akjoujt, en Mauritanie, malgré la présence d'un peu de cuivre natif (Lambert, 1971).

Curieusement, les deux premières étapes ne sont bien individualisées qu'au Moyen-Orient (Mésopotamie, Turquie), en Egypte et dans les Balkans. Très anciennes en Turquie et dans le nord de la Mésopotamie (fin du 8e et début du

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7e millénaire), elles sont plus récentes en Egypte : 4500 à 4000 avant J. -C. [Les datations radiométriques non calibrées ou obtenues par thermoluminescence sont indiquées par les abréviations B.C. et A.D., respectivement, en anglais : « Before Christ » et « After Date ». Les expressions « Avant Jésus-Christ » et « Après Jésus-Christ » sont réservées aux datations radiométriques calibrées ou aux datations historiques. ]

E x t r a c t i o n s r é d u c t r i c e s

Réduct ion des carbonates-oxydes sans fonte Les minerais utilisés sont les plus faciles à traiter : oxydes et carbonates,

notamment azurite et malachite. La réduction du cuivre nécessite une température de l'ordre de 700".

L'opération s'applique toujours à de petites quantités de minerai d'où le métal est extrait par grillage, sans fonte réelle. Le cuivre est travaillé par martelage à chaud et par abrasion. Ce stade ne permet pas d'obtenir des objets moulés.

Réduct ion des carbonates-oxydes avec fonte La température des fours doit être de l'ordre de 1 000° pour obtenir du

cuivre fondu et procéder au moulage. Il devient possible de refondre les anciens objets.

Cette seconde étape, métallurgie véritable, est celle, en Afrique, du Cuivre II du Niger et de Mauritanie. Malgré l'absence d'objet moulé, on a retrouvé plusieurs petits lingots obtenus par coulage du métal liquide. Le stade B1 aurait peut-être été pratiqué au Cuivre I dans certains fourneaux.

Le préalable des opérations de fonte est le concassage du minerai afin de concentrer les parties riches, éliminer partiellement les déchets et faciliter ainsi la réduction. Autour d'Agadez, cette opération ne devait pas être effectuée sur les lieux de fonctionnement des fours. Les fragments de minerai n'ont jamais été trouvés à proximité de ces derniers.

Au Niger encore, ce stade technique B2 peut également s'appliquer au cuivre natif, car les petits nodules, forme sous laquelle il se présente , sont le plus souvent oxydés. Il s'ensuit que l'opération permettant l'obtention du métal est une réduction. Le réducteur peut être le charbon de bois, mais aussi un morceau de bois vert qui, remué dans la matière en fusion, produit l'élimi- nation de l'oxyde. Le procédé est connu sous le nom de perchage . [La technique du perchage était utilisée il n'y a pas si longtemps en Europe. « La charge liquide, écrit B. Hocheid, est ensuite désoxydée au cours de l'opération de « perchage » qui consiste à y plonger des troncs d'arbres verts. Il en résulte un dégagement d'eau, d'hydrogène et d'hydrocarbures qui réduisent partielle- ment l'oxyde de cuivre Cu 20 (1970, p. 109). ]

La présence de marne calcaire en poudre jouant le rôle de fondant dans certains fourneaux du Cuivre I pouvait faciliter la réduction en abaissant la température de fusion.

Dans les fours du Cuivre II, il n'y a pas de système d'évacuation des déchets. Surnageant par suite de leur densité plus faible que celle du métal, ceux-ci pouvaient être partiellement évacués par écumage ; mais il en restait une partie qu'on enlevait après avoir brisé le fourneau, seule façon de récupérer la loupe

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de métal déposée au fond. Le perchage, avec des morceaux de bois de forme appropriée, permettait à la fois l'élimination d'une partie des déchets et la réduction du minerai en complétant l'action du charbon servant de combusti- ble.

Un second chauffage complétant la première réduction était indispensable pour purifier le bloc de métal. Nous, ne savons pas si, autour d'Agadez, cette opération s'effectuait dans les mêmes types de four. Peut-être était-elle réalisée dans les constructions directement posées sur le sol ? Ces fours existent sur tous les sites du Cuivre II et sont contemporains de ceux à base partiellement enterrée, car le niveau du sol est partout à la même hauteur. Toutefois, les creusets nécessaires à la fonte du métal sont absents.

Avec un oxyde, minerai le plus facile à traiter, telle la cuprite, les différentes réactions chimiques seront donc, selon le réducteur employé : - c h a r b o n d e b o i s : 2 C u 0 2 + C —» 4 C u f C O 2

- bois vert : 2CU 0 zf C+ H 20 —» 4Cuf CO 2+ H 20 On sait que le soufre peut servir de réducteur, mais il est peu probable qu'il

ait été utilisé, de même que la chalcosine, minerai sulfureux. Dans ce cas on serait en présence d'un mélange de minerais. C'est une opération possible, à la portée des fondeurs préhistoriques, la réaction chimique est alors : 2CU 0 2-f- Cu 2S ---> 6Cuf SO 2

Avec un minerai carbonaté les opérations sont plus complexes. Il faut passer théoriquement du carbonate à l'oxyde et de l'oxyde au métal. La malachite se transformera en cuivre de la façon suivante : - o b t e n t i o n d e l ' o x y d e p a r g r i l l a g e : C u C O a f C h a l e u r s 2 C U O t - H 2 O t - C O 2

- Réduction de l'oxyde : 2CU Ot- C —» 2Cuf CO 2 En pratique ces opérations s'effectuaient successivement dans le même

four : le charbon de bois fournissant la chaleur nécessaire au grillage et le carbone provoquant la réduction de l'oxyde conjointement au perchage qui permettait aussi une évacuation des déchets. On avait donc une première fusion transformant le carbonate en oxyde avec une élimination partielle des scories, puis une seconde fusion accompagnée de perchage, au cours de laquelle d'autres déchets étaient évacués et l'oxyde transformé en métal.

Ces opérations nécessitaient une certaine habileté pour évacuer correcte- ment les déchets sans pour autant perdre de la matte. La dernière fusion devait être renouvelée plusieurs fois pour que le métal acquière une pureté satisfai- sante.

E x t r a c t i o n s o x y d a n t e s

C'est le procédé d'extraction le plus complexe, car il s'applique aux minerais de cuivre contenant du fer sous forme de composés sulfureux, comme la chalcopyrite. Dans le monde ces minerais sont d'ailleurs les plus nombreux et les plus riches : 35% de cuivre dans la chalcopyrite, jusqu'à 80% dans la chalcosine. L'élimination du fer étant nécessaire, les opérations sont les suivan- tes :

- grillage partiel (oxydation partielle du fer) ; - fusion pour matte (première fusion avec adjonction de silice et de chaux) ; - convertissage de la matte (oxydation totale du fer) ;

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- affinage du cuivre brut (fusion en atmosphère oxydante, puis réduction au moyen de charbon de bois et de bois vert). Cette technologie nécessite un parfait contrôle de températures atteignant

10000 et une connaissance totale des phénomènes d'oxydo-réduction. Ce type d'extraction n'a peut-être pas été pratiqué autour d'Agadez, mais

peut concerner Akjoujt où la chalcopyrite est abondante ainsi que les déchets ferreux résultant vraisemblablement du traitement de ce minerai.

Une bonne description de l'obtention du cuivre à partir d'un minerai sulfu- reux, reproduite par R.J. Forbes (1950) a été faite, vers 950 de notre ère, par Théophile l'Ancien. C'est une opération complexe qui comprend trois phases : - On grille le minerai pour éliminer l'excès de soufre et des oxydes volatils, tels que l'arsenic, et pour oxyder partiellement le sulfate de fer. Le grillage rend le minerai plus facilement broyable ; - On fond le minerai après addition de divers fondants. C'est la « fusion pour matte ». Le matériau, dans le creuset, se sépare en deux couches : laitier au-dessus, matte au-desous. Le but de l'opération est d'obtenir une matte de sulfure de cuivre aussi pure que possible. Si cette opération n'est pas bien surveillée le cuivre peut passer dans le laitier et celui-ci se répandre dans la matte en y apportant un excès d'impuretés ; - Cette dernière phase est une oxydation partielle. La matte est fondue, on laisse flotter le charbon de bois à sa surface et on souffle de l'air au-dessus. Le fer restant, le plomb et les autres métaux à potentiel négatif, sont ainsi oxydés, provoquant l'oxydation d'une partie du sulfure de cuivre.

L'interaction du sulfure de cuivre restant et du sulfure oxydé produit du cuivre brut selon les réactions : 2 C U 2 S f 3 0 2 —» C u 2 0 f 2 S O 2

2 C U 2 0 + - C u 2 S —> 6 C u f S O 2

La phase C doit être poussée très loin pour éliminer toutes les impuretés. Cette méthode permet d'obtenir un cuivre très pur, de l'ordre de 99%.

Forbes précise que la technique du perchage devait être connue des métal- lurgistes romains. Pline la signale. Mais la référence la plus sûre à cette méthode est encore donnée dans le texte de Théophile l'Ancien « On prend un récipient de fer enduit d'argile à l'intérieur et à l'extérieur ... Ce récipient est mis sur la forge... de telle façon que le soufflet puisse envoyer l'air au-dessus de lui. Placer des petits morceaux de charbon de bois autour du récipient, placer le cuivre à l'intérieur et le recouvrir de charbon. Lorsque la fusion commence, découvrir le cuivre et jeter dessus de fines cendres de charbon. Agiter le contenu du récipient avec une tige de bois sec : on voit aussitôt le « plomb » brûlé coller aux cendres. L'enlever, placer d'autres charbons et souffler de nouveau, puis recommencer comme précédemment. Refaire encore l'opération jusqu'à ce que tout le « plomb » ait disparu. Verser alors le cuivre dans un moule pour vérifier sa pureté. Lorsqu'il est encore chaud, prendre le lingot avec des pinces et le marteler fortement sur l'enclume. S'il se casse, le refondre comme précédemment ; s'il résonne, le tremper à l'eau et le marteler ».

Le mot « plomb » ne doit pas être pris au sens strict, car, à cette époque, les divers métaux et leurs oxydes étaient mal différenciés.

Les observations finales sur la fragilité du métal, note Forbes, sont entière- ment jusitifiées.

Aujourd'hui on ne fabrique plus artisanalement le cuivre en Afrique occiden- tale, semble-t-il. Le témoignage recueilli au Maroc (cf. Annexe I) correspond à

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une technique qui aurait pu être celle en usage durant le Cuivre II du Niger et de Mauritanie.

Maîtrise des alliages intentionnels

La température doit toujours être de l'ordre de 1000°.

Cuivre à l'arsenic Il ne s'agit pas à proprement parler d'un alliage intentionnel, mais d'une

sélection de minerai dont on avait eu l'occasion de vérifier la qualité. La présence d'arsenic, décelée seulement à l'analyse, donne une grande dureté au cuivre. A. Gallay et M.N. Lahouze indiquent une teneur de 3 % d'arsenic pour le stade Dl. Ce pourcentage n'est jamais atteint en Afrique de l'ouest. Il est au maximum de 2,5 % autour d'Agadez et inférieur en Mauritanie : 1 % seulement. Toutefois ce taux semble avoir une valeur locale, corrélative à la teneur moyenne des minerais. C'est ainsi que dans les cuivres d'Europe centrale l'arsenic dépasse rarement 1,5 % alors qu'il est de 3 à 4 % à El-Argar en Espagne. Dans des petits objets servant d'ornement, il peut même dépasser 20 % (Selimkanov et Maréchal, 1965). Il est donc hasardeux, notent ces auteurs, de bâtir des théories diffusionnistes en utilisant le cuivre à l'arsenic comme traceur unique. J. Maréchal (1956 p. 128) signale en outre que l'étude micrographique des objets en cuivre à l'arsenic laisserait supposer la pratique d'un forgeage à chaud que le bronze à l'étain ne permet pas à cause de sa fragilité au rouge.

Bronze Les bronzes d'étain contiennent environ 10 % de ce dernier métal, mais

cette teneur est souvent inférieure. Ce sont des alliages supérieurs au cuivre pour leur fusibilité, leur facilité de moulage, résistance mécanique, dureté et sonorité (Cohen, 1952, p. 19).

Le bronze, en se solidifiant, se dilate légèrement, tandis que le cuivre se contracte. Ainsi épouse-t-il mieux tous les détails et toutes les finesses d'un moule.

Le bronze peut se marteler à froid, mais ne peut être forgé au rouge. Les auteurs sont unanimes pour considérer que la fabrication du bronze

résulte de la fusion simultanée des minerais de cuivre et d'étain et non du mélange de ces deux métaux préalablement fondus. On suppose, écrit G. Cohen (1952, p. 25) que le plus souvent l'ouvrier garnissait son foyer d'une pierre verte, le minerai de cuivre, et d'une pierre noire et pesante, la cassitérite . La masse liquide obtenue était d'une fluidité telle qu'elle pouvait facilement couler dans des moules.

Dans l'ouest africain, les seuls objets en bronze antérieurs au Moyen Age proviennent d'Agadez. Ils datent de l'Age ancien du fer, soit la seconde moitié du dernier millénaire ; mais la fabrication de cet alliage, accidentelle peut-être, pourrait remonter au Cuivre I et se situer aux alentours de 1500 B.C. Un nodule de bronze fut en effet trouvé dans une scorie provenant du fourneau n° 6, Afunfun site 175 (infra p. 116). On imagine très bien dans ce four en forme de cuvette, la fabrication du bronze telle que G. Cohen l'a décrite.

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Les bijoux en bronze, d'Agadez, ont tous été fabriqués par martelage et décorés de ciselures. Le coulage du métal ne sera pratiqué que plus tard. Il apparaît seulement à partir du XI-XIIe siècle dans la région de Mopti, au Mali (Bedaux, 1978), à Mdaga, au Tchad (Lebeuf, Treinen-Claustre et Courtin, 1980) et probablement dans la vallée du Sénégal (Chavane, 1980) qui a livré les premiers témoignages de l'utilisation de la technique de la cire perdue.

Laiton Alliage de cuivre et de zinc, le laiton peut contenir jusqu'à 40% de ce dernier

métal. Les propriétés des laitons sont semblables à celles des bronzes, mais leur fabrication plus complexe.

Le zinc, isolé au XVIe siècle, fut ignoré des métallurgistes de l'Antiquité et du Moyen Age. Toutefois, la fabrication du laiton remonte au dernier millénaire avant J.-C. D'après Forbes (1950), la plus ancienne référence à cet alliage est une inscription du VIlle siècle provenant du palais du roi assyrien Sargon II.

Le zinc est principalement extrait de la blende qui est un sulfure (Zn S). Les laitons étaient obtenus par cémentation. Une température élevée (1 300° environ) est indispensable pour extraire le zinc de son minerai en présence de charbon de bois. Si l'on chauffe du cuivre dans une poudre faite d'un mélange de minerai de zinc et de charbon de bois, une partie du zinc dégagé au voisinage du cuivre se diffusera dans celui-ci pour donner le laiton.

Cet ancien procédé de fabrication du laiton par cémentation est comparable à celui de l'obtention de l'acier par diffusion du charbon dans le fer. [Un cément est la matière que l'on chauffe au contact d'un métal et qui, en se décompo- sant, permet de faire diffuser, à haute température, un ou plusieurs de ses éléments dans la partie superficielle du métal. ]

Les grands centres producteurs de laiton, en Europe, au début de l'ère chrétienne, étaient l'Etrurie, dans la Péninsule italienne, et la région de Stol- berg, près d'Aix-la-Chapelle. Des objets romains en laiton étaient, d'après Forbes, exportés en Egypte, puis de là réexpédiés vers d'autres parties de l'Afrique où cet alliage était hautement estimé, notamment dans le royaume d'Axoum. On sait l'importance que prendra le laiton en Afrique occidentale où il deviendra, au Moyen Age, le principal produit d'importation du commerce arabe transsaharien à partir du Maghreb.

Autour d'Agadez la fabrication du laiton est contemporaine de celle du bronze. Les bijoux fabriqués dans ces deux alliages étaient souvent portés par le même personnage inhumé. Toutefois, il manque les témoins matériels attestant la fabrication sur place du laiton : scories, dépôts sur parois de four et surtout creusets dans lesquels aurait pu se réaliser la cémentation. On trouve seulement un peu de minerai de zinc dans l'Air et l'Adrar des Iforas.

Il existait, près d'Agadez, un grand retard technique et chronologique com- paré au monde eurasiatique et à la vallée du Nil. Cette situation s'est traduite, malgré l'originalité de certains fours du Cuivre I, par la persistance de procédés rudimentaires se rapportant au cuivre natif, dont l'abondance explique peut- être la particularité de la région. Les grandes possibilités technologiques offer- tes par le bronze resteront inconnues. Autour de l'ère chrétienne il sera, comme le laiton, travaillé par martelage. Les moulages complexes sont ignorés, et la pratique de la « cire perdue » n'apparaîtra, semble-t-il, en Afrique occidentale, que pendant le Moyen Age.

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CHAPITRE II

METALLURGIE DE L'ETAIN

En raison de la présence d'objets en bronze près d'Agadez, l'utilisation locale de la cassitérite (oxyde d'étain, Sn 0 2) est une certitude dès le milieu du dernier millénaire, malgré l'absence de vestige d'exploitation et de traitement de ce minerai. Cette industrie était d'ailleurs tout à fait à la portée des métallurgistes anciens.

D'après Forbes (1950), pour obtenir l'étain à partir de la cassitérite on peut employer deux méthodes.

Si la cassitérite est d'origine fluviatile et se rencontre sous forme de pépites dans les alluvions, elle est assez facile à travailler : une simple fonte au charbon de bois suffit pour en extraire le métal.

Lorsque le minerai se trouve en veine et provient d'une exploitation minière, il faut procéder à un premier grillage à 600°, puis à la fonte dans un four avec du charbon de bois et de la chaux utilisée comme fondant. Cette opération, distincte de la première, permet à la fois l'évaporation des constituants volatils (arsenic, soufre) et la réduction de l'oxyde qui se transforme en étain.

Le premier procédé est celui qui devrait le mieux convenir au minerai d'étain de l'Aîr, encore ramassé aujourd'hui, en surface, dans les alluvions.

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CHAPITRE III

METALLURGIE DU FER

Les premiers indices de la fabrication du fer remontent à peu près à la même période, autour de 600 B.C., sur le plateau de Jos (Nigéria), dans le massif de Termit et au sud d'Agadez (Niger). Ces trois régions sont actuellement, en Afrique occidentale, les seules où une sidérurgie, bien antérieure au début de l'ère chrétienne, est prouvée par des documents variés et irréfutables.

C'est vers la fin du IIIe millénaire, quelque part au sud du Caucase, que la métallurgie du fer aurait été inventée ; mais, malgré l'habileté des bronziers familiarisés depuis longtemps avec les arts du feu et l'abondance du minerai de fer, ce nouveau métal ne s'imposa que très lentement. Il ne devint d'usage courant qu'autour du milieu du dernier millénaire en Europe occidentale et même plus tardivement en Egypte (Leclant, 1955).

Les spécialistes s'accordent pour expliquer ce retard par deux raisons princi- pales. D'abord la difficulté d'obtenir de hautes températures, c'est-à-dire de passer des 900-10000 requis par la métallurgie du cuivre, aux 1100-1200" nécessaires à la réduction des minerais ferreux. Cette différence, minime en apparence, est, en pratique, considérable. Ensuite, apparaît le passage du simple travail de coulage, suffisant pour le bronze, au forgeage nécessaire pour transformer en métal utilisable la loupe spongieuse et incandescente retirée du bas-fourneau. Toute l'histoire de la métallurgie du fer, indique A. France- Lanord, est liée au problème de la température et de la quantité de chaleur.

Quelle que soit l'époque considérée et le four utilisé, trois éléments entrent en jeu : le minerai, le combustible et l'air, pour obtenir trois catégories de produits que l'on appelle fer, fonte ou acier en fonction des quantités de carbone combinées avec le métal au cours de ces opérations. [Rappelons que le fer, parfois appelé fer doux, contient de 0 à 0, 1 % de carbone, l'acier de 0,2 à 1,5 % et la fonte de 2,5 à 6 %].

T e c h n i q u e s d e f a b r i c a t i o n d u f e r

Les minerais de fer les plus fréquents, la magnétite et surtout l'hématite, oxydes entourés d'une gangue siliceuse, étaient utilisés pendant la protohis- toire. Ils sont les plus abondants en Afrique de l'ouest, notamment dans les formations latéritiques riches en hydroxydes de fer.

Les fours primitifs étaient construits à peu près sur le même modèle. On obtenait le fer par le procédé direct que voici. Après un tri et un concassage, les

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fragments de minerais, accompagnés d'un fondant généralement calcaire, étaient disposés dans un four, entre des couches de charbon de bois, exacte- ment comme pour le cuivre. Le feu était ensuite allumé et la combustion entretenue en permanence pendant une durée plus ou moins longue attei- gnant parfois deux à trois jours. Le tirage pouvait être renforcé artificiellement grâce à des orifices ou, mieux encore, par des soufflets. Au terme de l'opération on retirait à la base du foyer une masse spongieuse inutilisable telle quelle en raison des nombreuses impuretés contenues. Cette masse incandescente était portée à plusieurs reprises sur l'enclume pour y être vigoureusement cinglée après réchauffages successifs. Les qualités du métal obtenu étaient très irrégu- lières ; ce pouvait être un fer presque pur, ou bien un acier.

Cette technique, utilisée en Europe jusqu'au XVe siècle, est encore pratiquée en Afrique. C'est la méthode directe, encore appelée « catalane », réalisée dans des bas-fourneaux, à l'intérieur desquels, variant entre 900 et 1150°, la tempé- rature est bien inférieure à celle de la fusion du fer pur : 1550°.

Le second stade de l'histoire de la sidérurgie est celui de la fabrication du fer selon la méthode indirecte, dans des hauts-fourneaux atteignant des tempéra- tures de l'ordre de 1200 -1300°, températures qui n'ont pu être atteintes que par un perfectionnement des procédés de ventilation : remplacement de l'an- cien soufflet à main par un système de soufflerie mécanique actionné par l'énergie hydraulique. Le résultat de ces opérations est une coulée de fer en fusion semblable à celle du bronze : la fonte, que l'on pouvait utiliser telle quelle par moulage ; mais surtout que l'on décarburait pour obtenir différentes qualités de fer et d'acier. Ce procédé ne concerne pas l'Afrique et fut d'ailleurs ignoré de l'Antiquité, Grèce, peut-être, exceptée. A Athènes, au IVe siècle avant J. -C., la fabrication de la fonte pourrait être reconnue dans l'interpréta- tion de certains textes (Halleux, 1974, pp. 189-198).

[La distinction entre un bas-fourneau et un haut-fourneau ne repose nulle- ment sur les dimensions de ces constructions, mais essentiellement sur la nature des procédés de ventilation utilisés et surtout sur celle des produits obtenus. C'est donc à tort, quand il est question de métallurgie primitive, que le terme de haut-fourneau est souvent employé. ]

D i f f é r e n t s t y p e s d e b a s - f o u r n e a u x

Il est possible qu'initialement certains métallurgistes n'aient pas utilisé de four. C'est ce qui se pratiquait encore, en forêt équatoriale, au milieu du siècle dernier, chez les Fans de l'actuel Gabon. Si l'on en croit P. du Chaillu, la réduction du minerai de fer se faisait simplement en grillant ce dernier dans un grand feu de bois. « Pour extraire le fer, ils (les Fans) dressent un énorme bûcher sur lequel ils entassent une grande quantité de minerai concassé, qu'ils recouvrent encore de bois, jusqu'à ce qu'on aperçoive, à certains signes, que le fer est en liquéfaction ; alors ils laissent refroidir la masse et le fer est coulé. Pour le rendre malléable et le tremper, ils lui font subir ensuite toutes sortes d'opéra- tions prolongées de chauffage au charbon de bois et de martelage... « P. du Chaillu, Voyages et aventures dans l'Afrique équatoriale, Michel Lévy frères, Paris, 1863, 546 p., p. 167. S'agit-il vraiment de la totalité des opérations nécessaires à l'obtention du fer ? L'Auteur ne décrirait-il pas seulement le

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« grillage », initialement pratiqué en vue de transformer en oxyde un minerai, un sulfure notamment, et faciliter ensuite la réduction proprement dite ? Néan- moins, les premiers bas-foumeaux de l'ouest africain sont mal connus.

On n'a pu reconstituer ceux de l'Age ancien du fer d'Agadez, mais tous se sont révélés avoir été directement posés sur le sol. C'est pourquoi, après leur destruction nécessaire pour récupérer la loupe de métal, il ne restait que l'empreinte circulaire de la base, durcie par la cuisson du sol argilo-sableux. Il semble qu'il en a été de même dans le massif de Termit (Quéchon, Roset, 1974). En revanche, les fours de Taruga ont pu être reconstitués (fig. 29). Ce sont des constructions de même aspect que celles du Cuivre II : partiellement enterrés, elles sont cylindriques et la combustion était activée par un jeu de tuyères reliées à des soufflets. Ces fours, eux-aussi, ne servaient qu'une fois et devaient être brisés pour permettre la récupération de la loupe de métal déposée au fond.

P r è s d ' A g a d e z , l e s f o u r n e a u x d ' A f e n o u k ( V e s i è l c l e A . D . ) e t d e J o l a ( X I I I e -

XIVe siècle A. D) sont semblables à ceux de l'Age ancien du fer à l'exception d'une base partiellement enterrée doublée d'une cuvette centrale (fig. 28). Un système d'évacuation des scories existait autour de l'an mille, à Ogo, dans la vallée du Sénégal (Chavane, 1980 p. 255) et, à la même époque, au Tchad, près de Koro-Toro (F. Treinen-Claustre, 1982, pp. 154-55). Les scories s'écoulaient par un orifice situé près du niveau du sol. Une fois solidifiées, leur aspect est celui d'un cylindre de 10 à 30cm de haut pour 15cm environ de diamètre, fréquemment rencontré dans la moyenne vallée du Sénégal, au point d'en constituer, selon B. Chavane, un vestige caractéristique.

Sur tous ces sites antérieurs de un ou deux siècles à l'an mille, ou dépassant un peu ce point de repère chronologique choisi pour sa commodité, les déchets de fabrication du fer sont peu volumineux. Les scories dispersées à la surface du sol forment seulement de faibles concentrations résultant de quelques opérations de transformation de minerai.

C'est à une période postérieure, d'âge médiéval ou sub-actuel, que doivent appartenir les volumineux vestiges de fabrication du fer répartis un peu partout dans l'ouest africain, plus particulièrement au Burkina-Faso. Ceux de la région de Méma (Mali), évalués à 30 000 m 3, peuvent être mis en relation avec l'empire du Ghana (Haaland, 1979). Ce sont les plus anciens, tout comme ceux des alentours de Koro-Toro au Tchad (F. Treinen-Claustre, 1982).

Dans un travail bien documenté, CI. Francis-Bœuf donne une vue d'ensem- ble de « l'industrie autochtone du fer en Afrique occidentale française » (1937). Bien qu'il ne soit pas de notre propos d'aborder la métallurgie actuelle, il demeure qu'étudier les techniques des forgerons est du plus grand intérêt pour comprendre celles de leurs lointains prédécesseurs dont les gestes ne devaient pas être très différents de ceux que l'on peut encore voir de nos jours. En fait, bien que le fer soit toujours travaillé selon des techniques archaïques par tous les forgerons de villages, la fabrication du métal a pratiquement disparu en raison de l'abondance du fer de récupération : carcasses de véhicules notam- ment.

Tous les fours employés sont en réalité des bas-fourneaux. Le principe de fonctionnement étant toujours le même, ce sont les formes, les dimensions et l'implantation de ces constructions qui changent, parfois à l'intérieur d'une même région. Certaines, semi-enterrées, peuvent mesurer près de 4m de haut et d'autres seulement quelques décalitres de capacité.

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Fig. 1 Bas-fourneaux contemporains d'Afrique occidentale. 1 : région de Télé-Nugar (d'après CI. Francis-Bœuf) ; 2 : région du Lobi (d'après CI. Francis-Boeuf) ; 3 : nord du Ghana (d'après M. Pole) ; 4 : région de Dédougou (d'après R. H. Forbes).

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Ces différences de dimensions sont en rapport avec la quantité de métal, mais nullement avec sa qualité.

Le système le plus simple, le plus primitif aussi, celui dont il ne resterait que très peu de traces, a été signalé à Télé-Nugar, au Tchad, où il était encore en usage avant 1937 (Francis-Bœuf, 1937, p. 424). Le corps du four, de forme tronconique, est monté séparément. Il mesure lm de hauteur, 0,30m de diamètre à l'ouverture et 0, 60m à la base où est adapté un petit conduit destiné à l'écoulement du métal (fig. 1, n° 1 ). Le mélange de minerai et de charbon est ensuite disposé en tas, puis le four est posé par dessus. On introduit des soufflets à la base et enfin on met le feu. La combustion est entretenue pendant une durée non précisée. A la fin de l'opération le fer s'écoule par le conduit dans un creuset d'argile où il se refroidit.

Ce type de four ressemble tout à fait à ceux, directement posés sur le sol, utilisés durant l'Age ancien du fer au sud d'Agadez.

Un autre procédé, encore plus simple, était en usage chez les Kassoufras où, signale CI. Francis-Boeuf, ce n'est plus un four particulier en argile qui est utilisé, mais une simple poterie en forme d'outre, contenant minerai et charbon de bois dont la combustion est activée par deux soufflets à pot (p. 424). L'auteur n'indique pas si le courant d'air est dirigé par le haut, dans l'ouverture de la poterie, ou bien à la base grâce à un ou deux orifices préalablement aménagés. Il semblerait néanmoins que la ventilation se fasse par le haut comme dans les fourneaux de certaines populations du Cameroun. Ceux-ci se caractérisent par un système qui doit ne pas avoir son pareil en Afrique, bien que la soufflerie d'une forge Sénoufo ait, selon un dessin de CI. Francis-Bœuf, une disposition semblable (p. 438).

On trouve en effet chez les Sukur (fig. 2, n° 2), les Matakan (fig. 2, n° 3) ainsi qu'en pays Nupé (annexe IV) un bas-fourneau très particulier. La ventilation est assurée, à travers le corps du four, par un long tuyau dont l'une des extrémités atteint presque le bas de la cheminée tandis que l'autre, dépassant le niveau de remplissage, est fixée à des soufflets actionnés par un ou deux opérateurs. Le chargement en combustible et en minerai s'effectue par un orifice latéral d'où s'échappent les fumées (Wente-Lukas, 1977).

Assez voisins des précédents par la particularité du dispositif de soufflerie est celui des Fali du Cameroun (fig. 2, n° 1). C'est une construction mesurant environ 2m de haut, formée par deux cylindres superposés dont l'inférieur est allongé vers la base, son grand axe dirigé vers l'ouest. Une ouverture latérale permet le chargement et l'évacuation des fumées. Le sommet étant fermé par une couverture en chaume (on voit mal ce matériau résister à la chaleur intense qui se dégage vers le haut), la ventilation est assurée par deux soufflets reliés à un conduit aboutissant derrière le foyer comme le montre le dessin (Wente- Lukas, 1977).

Un autre système, différent des précédents, était en usage au Burkina-Faso, pays Lobi (Francis-Bœuf, p. 423). Il en existe plusieurs variantes dans le nord du Ghana (Pole, 1975). Ce sont des fourneaux cylindriques inclinés sur leur base. Leur hauteur varie entre 1,50 m et 1,60 m pour un petit diamètre de 0,40 m environ. A la base sont aménagées deux ouvertures : l'une pour l'évacuation du métal, l'autre pour l'adaptation de deux tuyères reliées à des soufflets à pot dont chacun repose sur un support (fig. 1, n° 2-3). Il est intéressant de constater qu'une telle inclinaison de la cheminée existait déjà sur de petits fourneaux du Cuivre I d'Agadez (infra p. 111).

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Fig. 2 Bas-fourneaux contemporains. 1 : région des Fali du Peske-Bori, hau- teur de la partie en argile : 1,60 m (d'après J. -P. Lebeuf) ; 2 : région des Sukur, A : mur-écran, B : paire de soufflets, C : paire de tuyaux menant à la tuyère, D : tuyère, E : centre du fourneau, F : ouverture pour l'échappement des gaz (d'après Sassoon) ; 3 : région des Matakan (d'après Gardi).

Signalons enfin les bas-fourneaux les plus volumineux de l'ouest africain rencontrés à Dedougou, Burkina-Faso. Décrits par R. H. Forbes (1933) et Francis-Boeuf (1937) ce sont des constructions partiellement enterrées (fig. 1, n° 4), implantées dans des fosses profondes de 2,50 m. Leur hauteur est d'environ 4m. On atteint la base par un escalier, et le gueulard, qui dépasse le

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niveau du sol de un mètre environ, est accessible par une plate-forme circu- laire. La ventilation est produite par six tuyères de 10cm de diamètre dépassant à l'extérieur et dirigées obliquement vers l'intérieur du foyer. Ce système évite l utilisation des soufflets : le courant d'air s'établit lui-même et sa puissance suffit à entretenir la combustion.

Le principe du bas-fourneau est toujours le même, quelles que soient la forme utilisée [Ainsi L. Carl et J. Petit (1955, p. 78) signalent que chez les forgerons Bana, du nord-Cameroun, région de Mokolo, les pots de soufflets sont incorporés dans la masse du fourneau et que la fusion se réalise dans un creuset suspendu à l'intérieur du four. ] et la nature des cérémonies magiques accompagnant son fonctionnement : un premier foyer est allumé, puis, par couches successives ou mélangées, le minerai et le charbon de bois sont jetés dans le feu. Suivant le volume du four la combustion dure de 12 h à 4 jours au bout desquels la loupe de fer est recueillie. C'est à ce moment que le travail de la forge commence.

D i f f é r e n t s t y p e s d e s o u f f l e t s

Accessoire utile mais non nécessaire au fonctionnement du four, le soufflet permet d'activer la combustion et d'élever fortement la température. Pour le travail de la forge, il est indispensable.

Il existe plusieurs types de soufflets en Afrique de l'ouest. On ne connaît pas ceux utilisés à l'aube de la métallurgie. Le plus simple est le chalumeau, soufflet à bouche constitué par une tige creuse. Sur une empreinte de sceau provenant de S use et datant du IIe millénaire, on voit un ouvrier en train de souffler directement dans la tuyère d'un four. Ce travail, très pénible, ne pouvait être effectué que par plusieurs ouvriers se relayant. En Egypte, c'est dans un chalumeau de bouche paraissant mesurer 1,50 m de long que soufflent cha- cun des deux fondeurs représentés sur le mur du tombeau de Ti (2600 av. J.-C. ). Le conduit est relié à un petit fourneau cylindrique auquel il paraît fixé (Dictionnaire, 1964, p. 664). Le soufflet à pied constitué par des peaux de cuir tendues entre les tambours de poteries n'apparaîtra qu'à partir du Nouvel Empire. Il fonctionnait par paire : l'ouvrier pesait alternativement sur l'un et l'autre tambour tout en tirant la ficelle fixée sur le cuir au fur et à mesure qu'il levait le pied. Il est curieux de constater que le soufflet à outre, qui paraît beaucoup plus simple et efficace, n'ait pas été utilisé en Egypte antique. C'est actuellement le plus répandu, de la mer Rouge à l'Atlantique, vallée du Nil comprise, vraisemblablement parce qu'il convient mieux à des populations nomades ; mais à partir du Sahel, dans l'ouest africain, les deux types sont utilisés conjointement. Il s'en ajoute même un troisième, simple variante du soufflet égyptien, avec un pot en bois.

L e c o m b u s t i b l e

Le charbon de bois est le combustible couramment utilisé. Son pouvoir calorifique varie avec les essences employées pour sa fabrication. On com- prend que les fondeurs aient dû, très rapidement, sélectionner leur bois en vue d'obtenir le maximum de chaleur.

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INDEX DES PRINCIPAUX NOMS DE LIEUX ET SITES

Abakaliki 148 Abalessa 148,186 Abam 43 Achakar 59 Adrar Bous 154 Adrar des Iforas.. 20,92,147 Adrar Metgourine 58 Afenouk 24,143,168 Afunfun site 162 33,123,126 Afunfun site 175 110 à 121,259 Afunfun site 216. 121 Agadez (région) 15,22,31,36,102,110,

* ..231,250,262,110 à 129,152 à 169 Agbandi 148 Aghtauzu site 178 121 Aïn Dahlia 53,182 Ain Farah 216 Aïn Gueddara . . „ 54 Ain Khanga 103 Aïn Smen 54 Aïr 20,21,76,105,147 Akjoujt (région) 15,36,79,200,250, . . 130 à 135,174 à 185

Akrech (oued) 53 Aladian 193 Amkourmdjo 222 Amuowi 1 243 Aouzou ,101 Arguin (baie) 74 Assongo 204 Athènes 23 Axim 139 Axoum 20,41 Azelik site 210 123,126,135 Azelik wan Birni 79,110,129,166,168 Azib N'Ikkis 61

Bamako 205 Bambouk 145 Bandiagara (falaise) . . . . . . . . . 183,202,256 Basumpra. 233 Bath el Haggar 49 Bauchï (plateau) (voir Jos) Bé 222 Begho 243 Beni Messous 63,54 Beni Snassen 54 Bida 266 Bomu 220 Bougouni 205 Bouïa 65,178 Buhen 40,44

Cap Vert 247 Car thage . . . . . . . . 62,66,103 Caucase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Chaaba Arkouya 189 Chado 229 Chauves-Souris (grotte des). 129,130 à 135 Chech (erg) 190 Chénoua(cap) 54 Chercheli 54 Chin Tafidet 154,155 Chin Wasararan site 117 160 Chypre 15 Colonnes d'Hercule 73,98,104 Columnata .54

Daïma 218 à 220,222,257 Dakka 40 Dar es-Soltane 59 Darfur 216 Dawu 240 à 242 Dédougou 27,141 Dioron Boumak 246 Djourab 208,222,256 Do Dimmi 143,170,253 Dohone 50 Dutsen Kongba 225

Effey Washran site 149 161 Egui Zoumma 50 Ekne Wan Ataran site 119 162 El Argar 19 El Hoffra 103 El Khenzira 65 El Kiffen 61 El Menzeh 59 El Oualadji 205 El Ouar (erg) 190 Ennedi 49,100,102,103 Enneri Togosé 223 Etrurie 20 Ezi-Ukpa 225

Fati 26 Faros 216 Ferkane 63 Fes (région) 54 Fezzan 76,92,98

Gaf Taht el Gar 59 Gaoua 139 Gara Maloueva 178,183 Gar Cahal 59 Garet el Hamra . 189 Gélélé 126,127 Ghana (royaume du) 77 Gibraltar (voir colonnes d'Hercule) Gorgol Noir. 139,197 Goudam 204 Guelb Moghrein . . . . . . . . . 130,133,252,259

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Hadjar Bir Humeid 42 Hani. : 243,258 Haut-Atlas 51,55,100 Hofrad en Nahas 140 Hoggar.. 100

Ibizar 66 Idéles 91 lté : 257 )gbo-Ukwu 257 Ikawateri 110,182 . Ikawaten site 193 123,126 l n G a l l . . . . ' . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . : . 8 6 ln Taylalen 1 154 In Taylalen II... 142,162 Issaouane Tifernine 190

Jema 229 Jenne-Jeno 142,201 Jibo site 136 187 Jola 24,169 Jos (plateau) 80,141,147,173,231,262, ..224 à 231

Juby (cap) 73,74

Kagara 227 Kalmara 141 Kamabai 31,234,257 Kaouar 76,77,105 Kapebli.. 243 Kareygoru 171,231,256 Karkarichinkat 207 Karnak 72 Karrouba 54 Kataban 42 Katsina Ala 226,229 Kawu 229 Kef el Baroud 53,61 Kerma 41,44,48 Kintampo 232,257 Koi Gourey 205 Kokasu 2 U Kordofan 50 Koro-Toro24,50,104,208,260,262,209 à 217 Koufey 141 Koumbi Saleh 183 Kouroussa 146 Koush 49 Kuchanfa 229 Kurki 103 Kursakata 220

La Caze 53 Lac Supérieur 15 Lamoricière 5 4 Larache 53 S t i d i a . 54 Lamdena 135,181 Lobi (pays) 26 Loukkos (oued) .-73.

Maftden Ijafen . . , . 181, M e h d i a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - . . . 5 9

Maitumbi 229 Marandet 129,148,253,257,165 à 168 Massar 198 Matakan (pays) 26 Mdaga 20 , 31,142,217,222 Medinet Sbat 174 à 185 Mema 24,201,207,256,262 Méroë 41,47,104,258 Mers .54 Merzeg (oued) 59 Mésopotamie .40,129 Midelt. 66 Mio site 169 33,161 Mogador 67 Mokolo (région) 28 Mopti 20 Mumute 233

New Buipe 257,237 à 240 Nguiguela 198 Niamey 171,231,256 Niani 207 Niger (fleuve) 98,104,201 Nioro du Sahel 79,137 Nokara 204 Nubie 40,41,47,49,214 Nupé (pays) 26,266

Ogo 24,141,196, t97,200,256,262 Orub 154,155 Oualata 199 Oueddane 190 Ougarta Bouarga 139 Oulmès 60

Palestine 75 Podor 191,264 Proche-Orient 33

Rao 198,205,256 Raserement 183 Reghaïa 63 Rhar oum Fernan 59 Rim 237 Rivegate 216 Roknia 67 Rop 224

Saïda (oued) 59 Saint-Eugène 54 Samun Dukiya 228 Sare Tioffi 183,194,200,256,261 Sékiret (vallée) 110,121,126,154 Sénégal (fleuve) 20,29,73 Shilma 220 Sidi Messaoud 53,182 Sinaï 39,42 Sintiou Bara 195,265 Sirakoro .79,139 Songo-Dagbé 247 Sopie ' . . . . . 234 Sous 200 St,olbeig (région) . . . . . . . . . . . . . . . . , . . 20 Sukur (pays) 26