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    LES PRATIQUES PDAGOGIQUESEFFICACES

    Mewtow,

    21 juillet 2014

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    Table des matires1 Introduction 5

    2 Comprendre et mmoriser 72.1 Du bon usage des exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    2.1.1 Exemples, contre-exemples, et variation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    2.1.2 Concepts concrets versus abstraits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

    2.2 Faire des liens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

    2.2.1 Comprendre : une forme de mmorisation comme une autre . . . . . . . . 102.2.2 Connaissances antrieures : la matire premire . . . . . . . . . . . . . . 13

    2.2.3 Catgoriser pour mieux comprendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

    2.2.4 Advances organisers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    2.3 Tu dois dsapprendre tout ce que tu as appris ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    2.3.1 Conceptions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    2.3.2 Changement conceptuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

    2.3.3 Implications pdagogiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

    2.4 Transfert dapprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

    2.4.1 Transfert lointain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

    2.4.2 Transfert proche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

    3 Les portes dentre de la mmoire 253.1 On est assez limits, quand mme ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

    3.1.1 Charge cognitive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

    3.1.2 Diminuer la charge cognitive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

    3.2 Exercices et exemples : comment rendre la pratique efficace? . . . . . . . . . . 31

    3.2.1 Exercices goal-free . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

    3.2.2 Exemples travaills . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

    3.3 Supports pdagogiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    3.3.1 Texte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    3.3.2 Images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373.3.3 Animations et vidos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    4 Mmorisation et mthodes de rvision 434.1 Rptition et mmorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

    4.1.1 Apprentissage mass versus distribu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

    4.1.2 Rptition de maintien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

    4.1.3 Rptition de rappel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

    4.2 Elaboration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

    4.2.1 Gnrer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

    4.2.2 Organiser. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

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    1 IntroductionQuelle mthode pdagogique utiliser pour rendre un cours facile comprendre et mmoriser?

    Beaucoup de rponses ont ts formules.

    La premire mthode pdagogique invente nest autre que la pdagogie traditionnelle, celle

    laquelle vous avez normalement eu droit quand vous tiez lcole. Dans cette vision, si

    llve ne mmorise ou ne comprend pas, cest quil na pas t assez attentif, ou na pas assez

    travaill. Avec cette pdagogie, un chapitre de cours est aborde avec un cours magistral, suivi

    dune phase dexercice et de devoirs (souvent nombreux).

    Transmettre du savoir est le leitmotiv de ces professeurs. Cette ide de lducation comme

    transmission considre que linstruction consiste faire acqurir des connaissances et les

    faire mmoriser le plus possible. Rien de mal en soit, au contraire : on verra que cest une trs

    bonne chose. Simplement, les moyens mis en uvre par les professeurs traditionalistes sont

    remettre en question.

    Dans les annes 1920, la dcouverte de lapprentissage par conditionnement a remis en cause

    cette vision de lapprentissage. Diverses pdagogies se sont bases sur lapprentissage par

    conditionnement, afin de faciliter les apprentissages. Ces mthodes considrent les lves

    comme de simples boites noires, sur laquelle des techniques de conditionnement permettent

    de consolider et renforcer des comportements. Dit comme cela, les mthodes bhavioristes

    semblent relativement barbares, mais il nen est rien, rassurez-vous.

    Cette vision de lenseignement a t remise en cause dans les annes 1930/40, avec lav-

    nement des premiers travaux scientifiques sur le sujet. Ces travaux sont ceux de Piaget, un

    scientifique qui a tudi le dveloppement de lintelligence et de la pense chez lenfant. Leur

    application la pdagogie a donn naissance un grand nombre de mthodes dites piag-

    tiennes.

    Lvolution de ces mthodes a donn naissance aux pdagogies actives. Dans ces pdagogies

    actives, lenfant doit redcouvrir par lui-mme ce quil faut apprendre : on apprend en faisant,

    par sries dessais et derreurs, par ttonnements exprimentaux, par des projets, des mises

    en activits, etc.Nombreux sont les professeurs qui considrent que ces pdagogies actives sont fuir comme

    la peste. On verra dans ce document quils ont malheureusement raison sur le principe. Cela ne

    signifiera toutefois pas que les traditionalistes ont raison, loin de l.

    Dans les annes 1970, B. Rosenshine, un psychologue a adapt une mthode bhavioriste, le

    direct instruction, partir dobservations dans les classes. Il cra une nouvelle mthode pda-

    gogique : la pdagogie explicite. Celle-ci incorpore les techniques de la pdagogie bhavio-

    riste, avec quelques ajouts provenant les thories psychologiques sur le fonctionnement de la

    mmoire. Depuis, les confirmations exprimentales sont arrives : la pdagogie explicite est

    clairement suprieure toutes les autres approches, aussi bien actives que traditionnelles.

    Cest aussi dans ces annes 1970/1980 que la thorie de lassimilationa fait son apparition.

    Cette thorie, cre par Ausubel, a t cre sur la base de travaux sur le fonctionnement de la

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    1 Introduction

    mmoire. Cette thorie suivait les traces des thories de Piaget, mais sans pour autant tre une

    pdagogie active. Cette thorie na malheureusement pas eu le succs quelle mritait.

    Par la suite, dautres thories ont fait leur apparition : la thorie de la charge cognitive, ainsi

    que les travaux de Sweller et de ses collgues, ont notamment une utilit assez impressionnante.

    Avec le temps, dautres thories pdagogiques ont vu le jour. De nombreux travaux en sciencesde lducation ont vu le jour, quil sagisse de travaux anglo-saxons ou franais (plus rares).

    Dautres travaux plus rcents ont une utilit pdagogique dans certains apprentissages spci-

    fiques : on peut citer les travaux de Rmi Brissiaud sur lacquisition de la numration.

    Les thories modernes de lapprentissage se basent maintenant sur des bases scientifiques

    solides. Les neurosciences et la psychologie cognitive forment le socle de base de ces thories,

    et elles donnent des conseils judicieux aux enseignants. Ces thories mettent laccent sur le

    fonctionnement de la mmoire, ainsi que sur certaines de nos capacits cognitives.

    Dans ce tutoriel, nous allons voir comment un lve apprend, et les conseils pdagogiques que

    nous allons en tirer. Nous allons beaucoup parler du fonctionnement de la mmoire et de lacognition, afin den tirer parti le plus possible.

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    2 Comprendre et mmoriser

    2.1 Du bon usage des exemples

    2.1.1 Exemples, contre-exemples, et variation

    On est tent de croire que donner une dfinition et quelques explications suffit. Mais dans la

    ralit, il nen est rien : les catgories ne sont donc pas reprsentes dans notre cerveau sous

    la forme dune dfinition.

    En effet, quand on vous voulez savoir quelle catgorie appartient un objet, vous nallez pas

    vrifier la prsence de chaque proprit : ce genre de chose ne peut se faire que consciemment,

    et utilise votre attention. Or, cela ne permet pas une catgorisation rapide, qui est monnaie cou-

    rante dans de nombreuses situations. Et cette catgorisation rapide est clairement importante

    dans diverses situations.

    Cest notamment le cas en mathmatiques ou en physique. Ces deux domaines sont bourrs

    dexercices dans lesquels on doit reconnaitre une catgorie de problme bien prcise, et ap-

    pliquer la mthode qui va bien : reconnaitre quon peut utiliser le thorme de Thals pour

    rsoudre un problme, reconnaitre une situation qui se rsout avec une addition, reconnaitreune quation diffrentielle, etc.

    Et ce genre de chose permet dexpliquer la plus ou moins grande facilit rsoudre des exercices

    de mathmatique ou de physique chez de nombreux lves : un lve qui reconnait tout de

    suite la catgorie de problme qui se cache derrire un exercice sait directement comment le

    rsoudre, alors quun lve qui ne le fait pas devra rflchir pour trouver la solution.

    Pour en donner un autre exemple, on peut citer la fameuse tude de Chi et al. (1981). Leur

    tude a montr que les tudiants en physique ont tendance baser les problmes sur des dtails

    prsents dans lnonc : coefficients numrique, vocabulaire utilis, prsence de plans inclins,

    etc. En comparaison, les professeurs ont tendance penser en fonction de principes abstraitsqui permettent de rsoudre les exercices : la loi de conservation de lnergie, la quantit de

    mouvement, etc. Au fur et mesure que les tudiants progressent dans leurs tudes, il classent

    de plus en plus ces exercices en fonction des principes abstraits.

    Mais comment faire pour que cette catgorisation soit la plus rapide possible? Pour cela, il faut

    que notre cerveau mmorise des catgories autrement que via une simple dfinition. ####

    Exemples Si llve a vu peu dexemples de la catgorie, le cerveau reprsentera cette catgorie

    comme un simple ensemble dexemples, qui contient les exemplaires dj rencontrs. Il ny a

    aucune abstraction, aucune forme de conceptualisation, rien

    Pour vrifier quun objet peru appartient une catgorie, lobjet en question est compar tous les exemplaires de la catgorie : si un exemplaire ressemble globalement lobjet peru,

    le cerveau suppose que lobjet appartient la catgorie.

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    2 Comprendre et mmoriser

    En consquence, donner des exemples est primordial : cest la premire tape vers la formation

    de concept. Et ce, peu importe que la catgorie soit concrte ou abstraite. Mais si on sarrte l,

    llve saura juste reconnaitre des situations familires, mais sans plus : cest un premier essai

    quil faut transformer. #### Features Mais cette reprsentation des catgories nest pas fige.

    Plus on devient familier avec la catgorie, plus le cerveau dgage des rgularits partir des

    exemples. Il remarque que certaines proprits reviennent souvent dans les exemples, et endduit quil sagit de proprits importantes. Plus un objet possde ces proprits, plus il aura

    de chance dtre considr comme un membre de la catgorie.

    Gnralement, les proprits sont des proprits sensorielles, qui provient de la vision, de lau-

    dition, ou des autres sens. Dautres de ces proprits sont des proprits lies aux actions que

    peuvent faire les objets : on sait si tel objet peut flotter, si tel animal peut nager, etc. Mais le

    cerveau peut aussi grer les proprits abstraites, non lies aux sens.

    Certaines de ces proprits sont des points communs, que tous les membres de la catgorie

    possdent. Il sagit de caractristiques essentielles. Dautres sont plus des proprits frquentes

    chez les membres de la catgorie, mais qui ne sont pas vraiment des points communs. #####Effet de variation Il est possible de faire voluer une liste dexemples en catgories en ajoutant

    des exemples relativement varis. Par varis, on veut dire que les proprits communes ces

    exemples doivent tre limites au minimum : seules les proprits vraiment dterminantes,

    spcifiques la catgorie sont communes entre tous les exemples. Le but est que llve dgage

    les points communs des diffrents exemples : des proprits ne doivent pas tre prises pour

    des points communs de la catgorie alors quelle nen sont pas.

    En effet, il arrive frquemment que les lves classent les problmes quils doivent rsoudre en

    utilisant les mauvaises proprits. Pour donner un exemple, les lves de primaire ont souvent

    des difficults pour rsoudre des problmes de ce genre :

    Simone a 25 billes, elle a 5 billes de plus que Pierre : combien Pierre a de billes ?

    Dans ce cas, les lves de primaire utilisent une stratgie assez simple : ils entendent plus

    dans lnonc, donc ils additionnent 25 avec 5 et rpondent 30 Cette stratgie fonctionne dans

    des cas spcifiques, mais qui choue dans des cas un peu diffrents.

    Lefficacit de cette variation a t vrifie par John Bransford et ses collgues, en 1979, en com-

    parant deux groupes dlves. Un premier groupe recevait des exemples similaires, et lautre

    des exemples trs diffrents. Dans un test ultrieur, portant sur un contexte dutilisation ja-

    mais vu auparavant lors des exemples, les chercheurs ont vrifi quel tait le pourcentage de

    russite : 84% dans le second groupe contre 64% dans le premier.

    Consquence : le professeur doit varier les exemples pour permettre un lve dabstraire

    progressivement les points communs entre divers exemples, et ne pas rester bloqu sur des ca-

    ractristiques de surface. ##### Contre-exemples On peut aussi utiliser des contre-exemples :

    cela permet llve de ne pas confondre des proprits spcifiques de certaines exemples avec

    des proprits partages par tous les membres de la catgorie.

    Ainsi, si on donne un contre-exemple qui contient des points communs de la catgorie, on peut

    rapidement en dduire que ceux-ci ne sont pas des conditions ncessaires et suffisantes : ces

    points communs seuls ne sont pas suffisants pour ranger lobjet dans la catgorie enseigne.

    #### Prototypes Mais ce mcanisme base de slection de proprits ne marche pas pourles concepts abstraits, ou certains concepts concrets. Pour eux, tout se passe comme si le

    cerveau effectuait une moyenne de tous les exemples connus de la catgorie : les catgories

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    2.1 Du bon usage des exemples

    sont reprsentes par un objet idal qui dfinit quoi doit ressembler un objet de la catgorie,

    le prototype.

    Lorsquon veut savoir si un autre objet appartient cette catgorie, celui-ci est compar au

    prototype : plus celui-ci est proche, plus on considrera que lobjet appartient la catgorie.

    Pour donner un exemple, on peut citer lexprience de Lupyan (2012), dans laquelle un premiergroupe de sujets devait dessiner un triangle, et le second une figure trois cots. Le triangle

    tait isocle dans 91% des cas pour le premier groupe, compar 50% pour le groupe trois

    cots. La proprit isocle est un bon exemple de ces proprits non-ncessaires, mais qui

    sont trs frquentes chez les membres connus de la catgorie.

    Pour gnrer ces prototypes, l encore, lusage dexemples donne de bons rsultats. ####

    Rcapitulatif Lensemble des conseils donns plus haut peut tre utilise en utilisant une stratgie

    bien prcise, cre par Alessi et Trollop (2001). Cette stratgie se base sur le fait que certaines

    exemples ou contre-exemples sont assez peu vidents, tandis que dautres sont plus ambigus.

    Celle-ci progresse encore une fois par tapes :

    donner des exemples simples, qui contiennent un maximum de points communs ;

    donner des contre-exemples simples, qui contiennent un points communs ;

    donner des exemples difficiles classer, avec peu de points communs;

    donner des contre-exemples difficiles classer, avec peu de points communs.

    2.1.2 Concepts concrets versus abstraits

    Apprendre un concept consiste donc donner la liste de ses points communs, en premier lieu :

    il suffit de donner une dfinition de la catgorie. Mais lextraction de ces points communs peutse faire de deux manires : soit en partant de labstrait pour dduire un concept plus concret,

    ou inversement. #### Concret et abstrait La premire mthode consiste driver un concept

    partir dun concept plus gnral, en ajoutant des proprits. Cette approche est inductive par

    principe, et va des catgories les plus concrtes au catgories plus gnrales.

    La seconde mthode consiste abstraire une catgorie partir de catgories moins gnrales.

    Elle utilise fatalement des exemples, et cherche montrer llve les similitudes de ceux-ci.

    Cette approche est dductive par principe, et va des catgories les plus gnrales au catgories

    plus concrtes. #### Niveaux dabstraction Savoir quelle mthode utiliser dpend en ralit

    du nombre de proprits de lobjet apprendre. Gnralement, on divise les catgories en trois

    grands niveaux dabstractions :

    un niveau super-ordonn, trs abstrait ;

    un niveau basique, mi-chemin entre abstrait et concret;

    un niveau supra-ordonn, dont les objets sont trs concrets.

    Les catgories basiques sont celles dont les membres partagent peu de proprits. Commencer

    par ce niveau est donc la voix royale : les dfinitions seront plus courtes, et plus simples. Les

    catgories du niveau le plus bas peuvent tre drives partir des catgories du niveau de base

    en ajoutant quelques dtails.

    Par contre, les objets abstraits nont pas beaucoup de points communs, et ne peuvent pas tredfinis par des ensembles de proprits partages. Tenter de dfinir ces catgories risque donc

    dtre compliqu : on doit partir des catgories de base pour abstraire ces catgories.

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    2 Comprendre et mmoriser

    2.2 Faire des liens

    2.2.1 Comprendre : une forme de mmorisation comme une autre

    Nos concepts sont des connaissances comme les autres : celle-ci sont stockes dans notremmoire. Quand je dis mmoire, il faut prciser que la mmoire nest pas unique, et quelle est

    compose de plusieurs sous-mmoire distinctes. Lune dentre elle est spcialement ddie au

    stockage de nos connaissances : cest la mmoire smantique. #### Des connaissances bien

    relies La mmoire smantique est intgralement constitue dun rseau dinformations, relies

    entre elles par des relations : un mot sera associ au concept qui lui correspond, plusieurs ides

    seront relies entre elles par un lien logique, etc.

    Lensemble des faits que lon connait consiste simplement en un ensemble de liens qui relient des

    concepts entre eux. Les concepts sont donc la matire premire du savoir, la base sur laquelle

    on construit les faits. Contrairement ce que lon peut penser, les concepts et abstractions

    prcdent les faits.

    Lensemble des relations et des concepts prsents dans notre mmoire forme ce quon appelle

    un rseau smantique.

    La recherche de linformation rappeler se fait en parcourant ce rseau dinterconnexions de

    proche en proche, ce qui est relativement rapide. Ces associations sont autant de routes qui

    permettent daccder linformation, et donc de sen rappeler quand le besoin sen fait sentir.

    Pour dtailler un petit peu plus, le processus de rappel consiste activer les catgories en m-moire : plus lactivation est forte, plus la probabilit de rappel est grande. Cette activation va se

    propager dans le rseau smantique travers les relations, ce qui peut potentiellement dclen-

    cher le rappel des informations voisines. A certains endroits, un concept reoit de lactivation

    en provenance de plusieurs relations, ce qui fait quil peut tre rappel encore plus facilement.

    Cest ce qui explique que donner un indice facilite le rappel dune information que lon croyait

    avoir oublie : lactivation de lindice se propage jusqu la connaissance rappeler. Dailleurs,

    tout mcanisme de rappel, aussi subtil soit-il, fait intervenir des indices.

    La simple perception dun mot ou dune image va activer sa reprsentation en mmoire, qui

    servira dindice, de point de dpart pour lactivation. Ces points de dpart dailleurs sont appe-ls des indices de rcupration. Ce mcanisme est tellement efficace que Proust a crit un

    livre rien qu partir de la perception dune seule odeur, cest vous dire! #### Limpact de la

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    2.2 Faire des liens

    comprhension sur lapprentissage Le rsultat est que lorganisation de la mmoire dun lve a

    une grande influence sur ses rsultats scolaires : cest ce qui permettra llve de mmoriser

    facilement, ou dviter doublier ce quil sait.

    Si la quantit dinformations mmorise est cruciale, leur interconnexion lest tout autant : de

    bons rsultats scolaires ne proviennent pas seulement de laccumulation dune liste isole defaits. Comme le dit Develay : Le sens vient des liens construits entre les savoirs et non pas

    de leur empilement. [] apprendre, ce nest pas amasser, mais cest relier des notions pour en

    construire dautres plus abstraites (1996, cit par Tardif, 1998 : 47) .

    Si un concept nest pas reli dautres informations, il sera totalement isol dans la mmoire

    smantique, et ne pourra tre tre rappel, faute dtre accessible : llve naura pas appris.

    Loubli peut donc venir dune mmorisation mal faite, qui ne permet pas aux indices de rcup-

    ration de fonctionner de manire optimale. Par contre, plus un concept a un grand nombre de

    voisins dans ce rseau associatif, plus il peut tre rappel facilement : chacun des voisins peut

    servir de voie daccs.

    Pour tre mmorise, les informations apprendre vont doivent donc se connecter des

    connaissances dj prsentes en mmoire smantique : apprendre, cest crer des associations

    et des relations.

    Ce mcanisme dassociation a souvent lieu inconsciemment, et de nombreuses associations se

    crent sans que lon en prenne conscience. Pour donner un exemple, essayez dapprendre par

    cur ces deux suites de lettres :

    Liste 1 :

    XRZ

    KSZ MPL

    NES

    JOZ

    MPO

    NRS

    SZE

    Liste 2 :

    MAE

    POR RES

    PLU

    RIS

    ZAR

    TAM

    XES

    La deuxime liste est bien plus facile apprendre, parce que les suites de lettres ressemblent

    des morceaux de mots, des suites de lettres courantes dans notre langue. De plus, le fait que

    ces suites de lettres soient prononables aide crer des associations inconscientes avec dessons dj connus. Cet exemple montre que ce mcanisme dassociation peut seffectuer sur du

    matriel qui na pas vraiment de sens, et qui doit tre appris par cur.

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    2 Comprendre et mmoriser

    On peut reproduire ce genre dexprience non pas avec des pseudo-mots, mais avec des dessins.

    Pour les expriences sur des dessins, on prsentait des dessins sans signification aux sujets.

    Un premier groupe se faisait poser des questions sur les couleurs du dessin, et lautre devait

    inventer une signification pour ce dessin. Le second groupe passait devant, avec un taux de

    rappel double.

    Il existe diverses techniques pour faciliter la cration de connections et de relations logiques

    dans la mmoire de llve. Cela passe par la cration de progressions organises suivant des

    critres assez prcis, ou par une modification du plan ou des explications dun cours.

    Par exemple, diverses tudes ont montr que les lves qui rvisent leurs leons par cur

    ont des rsultats scolaires nettement moins bons que leurs camarades qui prfrent reformuler,

    rsumer ou synthtiser leurs leons. Et oui, je suis dsol pour vous si vos mthodes de rvisions

    favorites reposent sur le par cur et la simple relecture de vos cours, mais va falloir changer

    de mthode

    Dans les grandes lignes, il existe deux grands moyens pour crer des associations :

    soit par apprentissage par cur ;

    soit en reliant le matriel apprendre avec des connaissances antrieures. ##### Assi-

    milation Relier le matriel apprendre des connaissances antrieures implique souvent

    du matriel qui a un sens : celles-ci sont destines la mmoire smantique. Ds que lon

    souhaite apprendre des concepts, des catgories, des faits, etc; on ne fait que crer des

    associations avec des connaissances en mmoire long terme.

    Avec lassimilation, les liens sont souvent des relations logiques, qui relient deux informations

    sur un critre qui a du sens.

    Ces relations permettent :

    de classer les informations, en les reliant une catgorie;

    de relier des informations qui se ressemblent, ou qui sont totalement opposes;

    de relier deux objets via des liens logiques, qui relient deux informations sur un critre qui a

    du sens.

    Les relations qui permettent de classer les informations, de les relier une catgorie sont des

    relations catgorielles. On peut notamment citer :

    les relations dinclusion : tel concept est un sous-ensemble dun concept plus gnral, ou un

    sur-ensemble dun concept plus concret;

    les relations dappartenance : tel exemple est un membre dune catgorie ; les relations descriptives : tous les membres dune catgorie possdent telle ou telle proprit.

    On peut aussi ajouter des relations de ressemblance et dopposition. Les relations de res-

    semblances vont relier des informations qui se ressemblent. Par exemple :

    liquide sera reli avec fluide ;

    vomitif sera reli avec dgoutant;

    simple sera reli avec facile ;

    etc.

    Les relations dopposition vont relier des informations qui sopposent. Par exemple :

    chaud sera reli froid;

    dur sera reli avec mou;

    12

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    13/5

    2.2 Faire des liens

    etc.

    A cot, on trouve les associations logiques, qui relient deux objets via des liens logiques. Les

    plus importantes sont les associations de causalit qui relient une cause son effet, et naissent

    quand on explique le pourquoi des choses.

    Le processus qui se cache derrire lassimilation est donc lencodage smantique: deux in-formations sont relies parce quelles ont un lien logique ou catgoriel entre elles. ##### Ap-

    prentissage par cur A cot de ces relations, on trouve des associations, qui naissent quand

    deux informations sont souvent prsentes en mme temps. Ces associations nous permettent

    dapprendre des informations qui nont pas de sens : listes de chiffres, listes de lettres, etc. Cet

    apprentissage par co-occurence sappelle lencodage spcifique.

    Ces associations naissent force de rptition, et se forment essentiellement par apprentissage

    par cur. Les expriences ont clairement montr que la rptition par cur sert uniquement

    maintenir le matriel apprendre en mmoire de travail plus longtemps, permettant ainsi de

    crer quelques associations rsiduelles.

    Par exemple, essayez de rciter lalphabet lenvers : vous aurez nettement plus de mal quen

    le rcitant dans lordre. Cest du au fait que lon a appris lalphabet dans lordre, en commenant

    par la premire lettre A. Dans ces conditions, les associations qui se sont cres ont reli des

    mots proches, prsents en mme temps dans la mmoire de travail.

    Ce mcanisme est cependant nettement moins efficace que lencodage smantique : l o lenco-

    dage smantique cre un grand nombre dassociations, lencodage spcifique donne naissance

    un trs faible nombre dassociations. La consquence est que lapprentissage par cur est

    nettement plus fragile : le matriel appris par cur est relativement isol et est difficilement

    accessible.

    Cela permet aussi dexpliquer pourquoi les connaissances comprises semblent plus facilement

    rutilisables dans des situations non-familires que les informations apprises par cur : voir

    ce sujet ltude nomme Rote memorization, understanding, and transfer : an extension of

    Katonas card-trick experiments, ou ltude de Hilgard, Ernest R., Irvine et Whipple (1953).

    2.2.2 Connaissances antrieures : la matire premire

    Lensemble des connaissances antrieures, ainsi que des associations qui les relient est aujour-

    dhui appel la mmoire smantique. Et son contenu est dterminant pour lapprentissage.

    Avec ce que lon vient de voir, il est facile de dduire que lapprentissage est un processus

    cumulatif dans lequel le savoir appelle le savoir : plus on sait de choses, plus on pourra facilement

    relier de nouvelles informations des connaissances antrieures.

    Apprendre de nouvelles dfinitions, ou de nouveaux concepts est ainsi plus facile dans un do-

    maine familier. L o un novice aura du mal apprendre des dfinitions ou des connaissances

    de base, lexpert pourra facilement retenir de nouvelles informations en les reliant facilement

    ce quil sait dj.

    Une grande partie des mauvais rsultats des lves proviendrait dailleurs dune mmoire s-

    mantique trop pauvre, qui empcherait llve dassocier efficacement de nouvelles informa-tions des concepts dj connus. Ce fait est bien illustr par les tudes dAlain Lieury, qui

    montrent que la corrlation entre moyenne scolaire et connaissances encyclopdiques en classe

    13

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    2 Comprendre et mmoriser

    de 5me est de 0.72. La corrlation est la mme avec le taux de redoublement 4 ans plus tard,

    ce qui est plus lev que les corrlations avec les tests de QI ou de raisonnement (0.50).

    Cette importance des connaissances antrieures nous dit donc quapprendre beaucoup de choses

    permet de donner une bonne base aux apprentissage futurs[2][3]. Le professeur doit donc

    donner un cours magistral bien rempli, fournir des explications complmentaires, multiplierles anecdotes, voir chaque notion dans le dtail au lieu de survoler, etc. #### Pr-requis Si

    toute nouvelle notion doit tre associe des connaissances antrieures, encore faut-il que ces

    notions pralables soient l. Il est donc vident que chaque explication ou chaque notion a des

    pr-requis, ncessaires pour la comprhension.

    Pour viter de construire sur des fondations qui ne sont pas l, le professeur doit imprativement

    faire en sorte de construire ses progressions pour viter de faire rfrence des pr-requis non

    abords. Et cest parfois plus facile dire qu faire, avec certains programmes scolaires. ####

    Rappels Ceci dit, il ne faut pas croire que les lves vont relier automatiquement ce que lon

    souhaite leur apprendre avec leurs connaissances antrieures : nombreux sont ceux qui, mme

    sils disposent des connaissances requises, ne les utilisent pas en situation dapprentissage.Il faut dire que crer des associations entre deux concepts demande souvent (pas toujours)

    davoir ces deux concepts dans la mmoire de travail. Si les connaissances antrieures ne sont

    pas suffisamment actives, elles ne pourront pas facilement tre voques, rappele : elles

    auront du mal passer en mmoire de travail quand ce sera ncessaire.

    Pour viter ce genre de situation, il est ncessaire d activer les connaissances antrieures par

    des rappels, histoire que les lves comprennent que les notions rappeles ont de liens avec ce

    qui va suivre. Ces rappels sont aussi utiles pour les lves qui ont oubli ou qui nont pas russis

    mmoriser les pr-requis : pour associer des connaissances antrieures, encore faut-il que

    celles-ci soient prsentes en mmoire.

    Ces rappels sont malheureusement trop souvent ngligs par les professeurs traditionalistes.

    Or, dans lidal, ces rappels doivent tre systmatiques : on doit y avoir droit chaque cours.

    Cette technique donne de bons rsultats daprs les mta-analyses faites sur le sujet[4]. Un

    bon cours commence donc fatalement par des rappels de pr-requis. #### Explications La

    premire tape de lapprentissage consiste simplement apprendre des catgories et concepts

    relativement gnriques, qui seront utiliss comme base des apprentissages futurs. Pur cela, il

    suffit dutiliser les conseils donnes dans le chapitre prcdents, afin denseigner ces catgories

    de manire optimale.

    videmment, cette phase dapprentissage des concepts est suivie dune phase durant laquelle

    le vocabulaire est introduit : il faut bien nommer les concepts en question pour pouvoir lesrutiliser plus facilement pas la suite. Les concepts nomms peuvent ainsi tre tiquets par

    des noms, ces noms pouvant faire rfrence un concept directement.

    Assimiler des faits est ltape suivante de lapprentissage. Les faits en question sont simplement

    des ensembles composs de connections entre plusieurs catgories ou faits pr-existants. Il va

    de soit que les faits sont donc des informations qui ne doivent pas prcder lapprentissage des

    concepts et catgories, mais les suivre.

    La forme la plus labore dassimilation consiste extraire de nouvelles informations partir de

    connaissances antrieures. En clair, cela consiste dduire ou expliquer des concepts, des faits,

    ou des relations partir de ce qui est dj connu. Ces explications mettent souvent laccentsur les relations de cause effet, et permettent donc de crer des associations de causalit,

    des associations qui naissent quand on explique pourquoi les choses sont ce quelles sont, do

    14

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    2.2 Faire des liens

    sortent les faits appris dans le cours, quelles sont les raisons et les principes physiques derrire

    les choses, comment les dduire partir de principes de base, etc.

    Les explications qui laborent le plus possible sont opposer aux explications typiques des

    professeurs traditionalistes : ces dernires sont trs descriptives, admettent beaucoup, et nex-

    pliquent pas le pourquoi les choses. En effet, faire des liens est une ncessit, trop souventnglige par les professeurs traditionalistes, pour qui le processus de mmorisation et la com-

    prhension sont considrs comme spars. Ceux-ci considrent quil faut mmoriser des faits

    avant de les comprendre, et cela donne des cours qui admettent beaucoup, qui sont descriptifs,

    acadmiques .

    2.2.3 Catgoriser pour mieux comprendre

    Organiser le plan dun cours est une tche qui peut sembler assez peu technique. Il ne semble

    pas y avoir de rgles spcifiques qui permettent de crer un bon plan de cours. Toutefois, on

    vient de voir que la progression devait faire attention aux pr-requis des notions abordes : lespr-requis dune notion doivent prcder celle-ci. #### Catgoriser Mais il existe une seconde

    recommandation, qui consiste organiser son pan autour dune hirarchie de catgorie. Le but

    est de classer le matriel apprendre, de lorganiser en suivant des critres de classification

    prcis.

    Prenons un exemple particulirement stupide, pour introduire le concept : essayez de deviner

    laquelle des deux listes suivante fonctionne le mieux.

    Liste 1 :

    vache

    cheval poney

    poulain

    cochon

    rat

    souris

    lzard

    Liste 2 :

    vache

    cochon poulain

    souris

    cheval

    lzard

    poney

    rat

    Les expriences en laboratoire nous disent que la premire est nettement plus facile mmori-

    ser, denviron 80%. Lastuce, cest que les mots de la premire liste sont classs par catgories :

    cela permet la cration dassociations catgorielles lors de la mmorisation.

    Techniquement, plus le matriel apprendre est organis autour dune structure cognitive,

    meilleur est son rappel et sa comprhension : comprendre, cest classer.

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    2 Comprendre et mmoriser

    Et ce genre de chose fonctionne pour tout type de matriel, et pas seulement pour des listes de

    mots : on peut appliquer ce principe pour concevoir la progression dun cours. Toute cration

    de plan ou de progression doit tenir compte de cette organisation hirarchique, et doit tenter

    de la respecter au maximum. Dans le pire des cas, le professeur peut donner directement cette

    taxonomie aux lves, sous la forme de schmas.

    Pour comprendre comment organiser le matriel sur ce genre de principe, nous allons devoir

    regarder comment les concepts sont classs dans la mmoire. #### Structures cognitives Selon

    la thorie dAusubel, les concepts sont classs dans des hirarchies de catgories, spcifiques

    un domaine. Lensemble forme une hirarchie base sur des relations dinclusion : une catgorie

    est relie une autre si elle est une sous-catgorie ou une sur-catgorie. Une telle hirarchie,

    une fois construite en mmoire smantique, est appele une structure cognitive.

    On peut voir le tout comme un systme de poupes russes : les catgories plus spcifiques sont

    incluses, emboites dans les catgories plus gnrales du niveau suprieur de la hirarchie.

    Cette organisation hirarchique diffrencie progressivement les concepts vus du gnral vers le

    concret.

    Assimiler consiste simplement arrimer les nouvelles connaissances au bon endroit dans cette

    hirarchie : il faut arrimer chaque nouveau concept des catgories qui ne soient ni trop gn-

    rales ni trop spcifiques. Choisir lendroit o placer un nouveau concept dans cette structure est

    la base de la cration dun plan ou dune progression : cela demande de convenablement classerchaque concept, de le catgoriser. #### Dduction contre induction Daprs la thorie dAusu-

    bel, il existe deux manires pour assimiler une telle hirarchie. La premire mthode consiste

    16

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    17/5

    2.2 Faire des liens

    commencer tout en haut, et redescendre progressivement : on commence par aborder les

    concepts les plus gnraux, avant de progressivement passer aux dtails et aux concepts plus

    concrets.

    Cette mthode demande de diffrencier progressivement des concepts gnraux en concepts

    plus concrets : elle demande daborder un concept gnral avant de montrer les diffrencesentre sous-concepts associs. Cest la technique de la diffrentiation progressive.

    Une autre mthode possible consiste partir du bas, et remonter progressivement : on part

    alors des concepts les plus concrets, et on tente dabstraire des concepts plus gnraux. Cette

    mthode demande de montrer des similarits entre concepts pour en abstraire un concept plus

    gnral. Cest la mthode de la rconciliation-intgration.

    2.2.4 Advances organisers

    Pour faciliter relier de nouvelles informations aux connaissances antrieures, Ausubel a inventce que lon appelle des advances organisers. Lide de ces advances organisers est dintroduire

    le cours par une sorte de petite introduction, introduction qui donnerait des informations cls.

    Pour former un advance organiser, ces informations doivent :

    permettre de mieux organiser les nouvelles informations;

    servir dindice de structuration pour les prochaines notions ;

    et servir de liant pour la suite du cours. #### Expositives advances organisers Le premier

    type dadvances organisers sutilise pour introduire des domaines ou concepts totalement

    nouveaux, et qui sont difficiles associer une structure cognitive pr-existante. Le principe

    est simplement denseigner le concept le plus haut de la structure cognitive en premier. Celaconsiste introduire le contexte du domaine, introduire les concepts les plus abstraits et

    gnraux en premier.

    Il sagit le plus souvent dune ide relativement gnrale. Ces ides gnrales sur lesquels on

    peut ancrer de nouveaux concepts facilement, et permettent de voir lunit, la cohrence dun

    domaine particulier : ils permettent de structure la structure cognitive autour dun concept

    central, situ tout en haut de la hirarchie. Ce sont souvent des concepts relis beaucoup

    de voisins, contrairement aux dtails qui sont plus isols : ceux-ci sont donc plus accessibles.

    Consquence : structurer les informations autour dune ide gnrale permet de favoriser le

    rappel, et donc la mmorisation.

    Linfluence des ides gnrales sur la mmoire et la comprhension peut se montrer avec

    quelques expriences sur leffet intgrateur du titre. Dans celle-ci, lexprimentateur consti-

    tua trois groupes de sujets, qui devaient tous lire un mme texte compliqu : un des groupes

    de sujets connaissait le titre aprs avoir lu le texte, tandis que lautre avait accs au titre avant la

    lecture. Le groupe qui avait eu accs au titre avant le texte russissait mieux que lautre groupe.

    Cela vient du fait que le titre donne lide gnrale du texte, ide sur laquelle les informations

    du texte vont venir sassocier progressivement. Le fait que le titre doit tre plac avant le texte

    pour avoir un effet le montre : il ny a pas beaucoup dassociations retardes, rebours.

    On peut sinspirer de cette exprience en trouvant quelque chose qui soit un cours magistral ce

    que le titre est un texte. Ce quelque chose, ce sont des ides gnrales, sur laquelle viendrontsagglomrer des dtails. Ces informations gnrales donnes en dbut de cours sont appeles

    des expositives advances organisers.

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    2 Comprendre et mmoriser

    Pour donner un exemple dexpositives advance organiser, on peut prendre celui que jai utilis

    pour introduire ce cours : Apprendre, cest avant tout une question de mmoire : si un lve

    ne retient pas ce qui a t vu en classe, il napprend pas. A ce petit jeu, les recherches sur la

    mmoire permettent de donner des conseils directement applicables en classe

    Ces expositives advances organisers donnent de bons rsultats daprs les mta-analyses faitessur le sujet[7]. La littrature sur les expositives advances organisers est relativement fournie, et

    sen inspirer serait une bonne chose pour nombre denseignants. #### Comparative advance

    organiser Quand llve est relativement familier, et possde suffisamment de connaissances

    antrieures, une autre forme dadvance organiser peut tre utilise : le comparative advance

    organiser. Celui-ci est simplement un concept dj connu avec lequel on va comparer le concept

    apprendre. Ce processus de comparaison peut prendre la forme dune analogie, dune mta-

    phore, ou dune comparaison plus classique.

    Lanalogie (et sa cousine, la mtaphore) est un processus mental qui permet de relier une

    situation cible et une relation source. Ces deux situations sont reprsentes mentalement par

    des ensembles dlments relis entre eux par des relations.Pour faire une analogie parfaite, les lments des deux situations doivent tre connects de la

    mme manire dans les deux situations : si deux lments dune situation source sont relis

    entre eux, alors les deux lments correspondant dans la situation cible doivent aussi tre

    connects entre eux par une relation similaire. Les deux problmes ont donc la mme structure,

    que lon peut reprsenter sous la forme de cases relies entre elles dune manire bien prcise.

    Daprs la structure mapping theory, lanalogie consiste :

    mettre en correspondance chaque lment de la situation cible avec un lment de la situation

    source (et rciproquement) ;

    mettre en correspondance chaque relation de la situation cible avec une relation de la situationsource, en gardant la mme structure.

    Toutefois, cette mise en correspondance nest jamais parfaite : certains lments ne peuvent pas

    tre mis en correspondance, par exemple. De mme, la structure des deux situations nest pas

    forcment identique, ce qui nempche que les deux structures sont partiellement analogues.

    Dans ces conditions, il est important dexpliciter les diffrences entre situation cible et source :

    leur structure peut ne pas tre la mme, sans compter que certaines lments peuvent ne pas

    avoir de ressemblances.

    Sans cela, les lves vont croire que les deux situations ont la mme structure, et vont mal

    transfrer : en pensant que la structure de la situation cible est identique celle de la source, ils

    vont faire des dductions errones. Ces erreurs peuvent donner lieu des transferts ngatifs,

    qui auront tendance faire comprendre la situation cible de travers.

    2.3 Tu dois dsapprendre tout ce que tu as appris !

    2.3.1 Conceptions

    Lerreur a une place spciale en pdagogie, et nombreux sont les livres crits sur le sujet. En

    effet, il est trs frquent que des connaissances antrieures inadaptes perdurent dans le tempset ne soublient pas. Dans la littrature anglaise, ces connaissances antrieures inadaptes sont

    appels des mis-conceptions, alors que les auteurs franais parlent de conceptions. ####

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    2.3 Tu dois dsapprendre tout ce que tu as appris !

    Types de conceptions Ces conceptions peuvent tre classes en plusieurs types. ##### Erreurs

    de comprhension Ces conceptions peuvent tre de simples erreurs de comprhension.

    Dautres conceptions sont des gnralisations abusives dapprentissages antrieurs, des ana-

    logies boiteuses : on rutilise une notion ressemblante au matriel prsent alors que lon ne

    devrait pas.Lexemple le plus classique : les faux amis en anglais! Demandez ce que veut dire actually en

    anglais un lve qui ne connait pas ce mot : il vous rpondra actuellement, alors que actually

    veut dire en fait. L encore, le professeur peut prendre les devants et concevoir son cours de

    manire viter ces erreurs. ##### Connaissances naves Mais certaines causes derreurs

    sont nettement plus subtiles, et proviennent du vcu mme de llve. Et ces erreurs ont une

    grande importance en pdagogie. Ce chapitre se propose de voir plus en dtail ce que sont ces

    erreurs, et quoi faire pour les corriger.

    Les conceptions dues au vcu de llve sont des ides reues, des connaissances naves, ti-

    res de lexprience. Ces connaissances intuitives naissent spontanment, par observation de

    lenvironnement ou lors dun apprentissage.

    Gnralement, quand un lve arrive lcole, il a derrire lui plusieurs annes durant lesquelles

    il sest construit des modles implicites du monde, sur les quantits, le poids et la chute des

    corps, les nombres, etc.

    En clair : ces conceptions naissent dun apprentissage par dcouverte naturel, dans lequel

    lenfant apprend seul comment se comporte lenvironnement qui lentoure. Comme quoi, la

    thorie constructiviste elle-mme dit explicitement que laisser un lve construire son savoir,

    par dcouverte autonome, est une bonne manire de lui faire gnrer des conceptions qui

    parasiteront sa mmoire et son intelligence.

    Pour donner un exemple, je vais citer une exprience faite par Laurence Viennot : celle-ci ainterrog des lves de terminale S, de DEUG (oui, ltude date), et de maitrise, en leur

    posant la question suivante :

    Quand on lance une balle en lair, quelle forces sappliquent quand celle-ci monte et

    descend, frottements mis part?

    Au final, 55% des lves de terminale et 33% des tudiants de DEUG pensaient quil y avait

    deux forces : ils utilisaient un modle de force naf, qui relie fortement la force la vitesse.

    En ralit, il ny a quune seule force : la pesanteurPourtant, ces tudiants connaissaient la

    dfinition technique dune force et savaient lutiliser dans des exercices acadmiques. Mais dansla situation de linterrogation, ctait la conception qui tait la plus automatise et prenait le

    dessus.

    Autre exemple, un peu plus complexe : le courant lectrique est souvent mal compris. Par

    exemple, si vous posez la question suivante aux lves : on branche une dizaine dampoules

    en srie, et une autre dizaine en parallle : quel est le montage qui claire le mieux?, les

    lves rpondront souvent que ce sera le montage srie : les lves pensent que le courant

    ne se sparera pas en deux (ce qui arrive avec les bifurcations dans le montage parallle), ce

    qui est faux. Le problme dans ce cas prcis, provient de la conception du courant lectrique,

    considr comme un ensemble matriel produit par la pile dbit constant.

    Et on trouve un grand nombre de conceptions du genre, dans lenseignement.

    Pour lexemple de la physique :

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    2 Comprendre et mmoriser

    un kilo de plomb est plus lourd quun kilo de plume (confusion poids densit),

    si une fuse spatiale qui voyage dans le vide coupe ses moteurs, la fuse va freiner (mauvaise

    comprhension du principe dinertie),

    les corps tombent dans le vide une vitesse qui dpend de leur poids,

    les lasers sont faits dondes sonores,

    les lectrons sont plus grands que les atomes,

    le Soleil tourne autour de la Terre (pour les plus jeunes),

    le jour et la nuit sont causs par la rotation de la Terre autour du Soleil (pour les moins

    jeunes),

    lespace a un haut et bas absolu : ceux qui sont au pole nord devraient tomber vers le pole

    sud sil ny avait pas le sol sous leur pied,

    les quatre saisons proviennent de lloignement de la terre par rapport au soleil,

    etc.

    Pour ce qui est des mathmatiques :

    une division entre deux nombres donne un rsultat plus petit que le dividende,

    une multiplication donne toujours un rsultat plus grand que le multiplieur et multiplicande,

    etc.

    En biologie, aussi :

    le sexe de lenfant est dtermin par les gnes de la mre,

    les premiers humains ont cohabit avec les dinosaures,

    etc.

    On trouve des misconceptions pour lenseignement des quations, dautres pour lenseignement

    des quations stchiomtriques, etc. En consquence, il vaut mieux connaitre ces conceptionspour les corriger, et prendre les devants. Si vous voulez vous renseigner sur le sujet, tapez

    dans Google : misconceptions , suivi du nom anglais du concept que vous souhaitez aborder.

    Vous verrez que de nombreux documents sont disponibles sur le net. #### a sert quoi

    de le savoir? Certaines de ces conceptions sont rcurrentes, prsentes chez un grand nombre

    dlves. Par exemple, nimporte quel lve assez jeune croit que les corps tombent dans le

    vide une vitesse qui dpend de leur poids (alors quen fait, tous les corps tombent la mme

    vitesse dans le vide).

    De nombreuses recherches en didactiques cherchent identifier les erreurs de comprhensions

    courantes. Il faut dire que si le professeur connat les conceptions les plus courantes, il peut

    prendre les devants.Sauf que corriger ces erreurs est nettement moins facile que prvu!

    2.3.2 Changement conceptuel

    Les situations o les connaissances antrieurs vont venir perturber lapprentissage de nouvelles

    informations sont appeles des interfrences. Les pdagogies constructivistes donnent de nom-

    breuses recommandations pour rsoudre ces interfrences le plus efficacement possible.

    Par exemple, les mthodes Piagtiennes ont clairement fait la preuve de leur efficacit de ce

    point de vue : de nombreuses tudes, rsumes dans les mta-analyses de Hattie ont claire-ment montr que ces mthodes sont dune grande utilit pour les premiers apprentissages en

    mathmatique (sens du nombre, calcul, mathmatiques lmentaires, etc).

    20

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    2.3 Tu dois dsapprendre tout ce que tu as appris !

    Le processus de rsolution de ces interfrence est appel laccommodation. Et celui-ci ne sur-

    vient pas tout seul : il ne suffit pas de corriger lerreur pour que la situation soit rgle. En effet,

    ce mcanisme daccommodation fait intervenir loubli. #### Interfrences Au tout dbut de

    lapprentissage, les connaissances antrieures empchent la mmorisation de nouvelles ides :

    llve a du mal assimiler de nouvelles informations, ce qui ralentit lapprentissage. On parle

    dinterfrence pro-active. Cette interfrence peut empcher la correction de faire son uvre.

    Par la suite, cette interfrence pro-active se fait de plus en plus faible, et leffet inverse se pro-

    duit : des connaissances rcentes ont tendance favoriser loubli danciennes informations. On

    parle alors dinterfrence rtro-active. A ce moment, les connaissances inadaptes soublient

    progressivement et sont progressivement remplaces par leur correction.

    Ces interfrences ont souvent lieu entre informations assez semblables, que lon peut

    confondre : linterfrence est trs faible entre informations trs diffrentes ou trs res-

    semblantes. On peut viter ce genre dinterfrence en explicitant les diffrences entre concepts

    semblables, montrer en quoi ils diffrent. Cela demande dutiliser correctement les relations

    dopposition et de ressemblances. Insister sur les diffrences est notamment trs importantlors de lusage danalogie ou lors de lapprentissage de concepts ressemblants.

    Pour comprendre lorigine de linterfrence, il faut faire un petit dtour du cot du fonctionne-

    ment de la mmoire. Pour rappel, celle-ci est compose dun rseau dinformations, qui sont

    actives pour tre rappeles. #### Causes de linterfrence Les conceptions ne seffacent pas

    du cerveau, mme aprs correction, et gardent leur place dans la mmoire smantique. Dans

    ce rseau, la correction et lerreur sont accessibles partir des mmes indices de rcupration

    et entrent en comptition pour le rappel. A partir de l, le cerveau va devoir faire un choix pour

    dcider quelle est linformation quil va choisir, ce choix pouvant tre plus ou moins pertinent.

    Et gnralement, cest linformation la plus consolide en mmoire smantique qui ressort : la

    correction passe derrire.

    Cela a t plus ou moins montr dans ltude de Andrew Shtulman et Joshua, publie dans le

    journal cognition. Dans leur tude, 200 sujets devaient dire si des affirmations taient vraies ou

    fausses le plus rapidement possible, et les temps de raction tant mesurs. Parmi ces affirma-

    tions, certaines taient conues de manire voquer des conceptions : les temps de raction

    et le taux derreur taient plus levs pour les affirmations qui voquaient des conceptions.

    Cet effet dinterfrence est de confirm par des observations dimagerie crbrale. Dans une

    tude[1], les chercheurs analysaient le cerveau de novices et dexperts en lectricit. Ces deux

    groupes devaient rsoudre deux types dexercices : certains taient conus de manire forcer

    lutilisation dune conception, et les autres non.Cette tude montre que chez le novice, les informations incohrentes avec la conception sont

    dabord interprtes par le cerveau comme des erreurs et sont passs sous le tapis. Par contre,

    les zones du cerveau qui sactivaient chez les experts sont celles qui servent empcher le

    rappel dune connaissance depuis la mmoire long terme. En clair, la conception tait encore

    prsente dans le cerveau des experts, mais le cerveau se chargeait den empcher le rappel et

    lutilisation.

    2.3.3 Implications pdagogiques

    Premire dduction : il faut absolument viter lapparition derreurs et de conceptions, et faire

    en sorte que les connaissances des lves soient les plus fiables possibles : toute connaissance

    21

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    22/5

    2 Comprendre et mmoriser

    apprise ne doit pas interfrer avec des apprentissage ultrieurs. Ce qui est appris doit tre

    fiable ds le dpart et ne doit pas tre remis en cause dans les apprentissages ultrieurs (mme

    plusieurs annes aprs).

    Les pdagogies actives sont toutes une vritable catastrophe de ce point de vue : les lves pro-

    cdent par sries dessais et derreurs, chaque erreur tant mmorise. La progression est donctrs lente, les lves assimilant des connaissances boiteuses, des erreurs de comprhension et

    des erreurs procdurales par paquets.

    Une autre solution ce petit problme pourrait tre de corriger au plus vite des erreurs et mis-

    conceptions : il ne faut pas laisser lerreur sinstaller. Pour cela, le professeur doit se rserver

    une priode de feedback, qui permet aux lves didentifier leurs erreurs de comprhension et

    de les corriger. Dans cette phase, le professeur va tester les lves avec des questions de com-

    prhension, voire par une srie dinterrogations crites. La solution privilgie est lutilisation

    massive dinterrogation crites frquentes.

    Pour corriger les conceptions, la recherche recommande dutiliser une stratgie assez spcifique,

    compose de quatre tapes :

    expliciter la conception aux lves, la faire merger;

    donner des exemples o cette conception est mise en dfaut;

    donner la correction, et aborder la connaissances qui doit remplacer cette conception ;

    montrer en quoi cette connaissance permet de rsoudre les problmes abords dans la se-

    conde tape.

    Une dernire stratgie de correction a dj fait ses preuves : lanalogie. En effet, si un nouveau

    concept est mal compris cause dune conception quelconque, on peut faire une analogie entre

    ce nouveau concept et une situation dj connue (qui na pas de conception). Dans cette situa-

    tion, cela permet ainsi llve de bien voir que ce quon souhaite lui apprendre est cohrent

    avec ce quil sait dj, et donc que cest la conception qui pose problme.

    2.4 Transfert dapprentissage

    2.4.1 Transfert lointain

    Pour ce qui est des transferts entre domaines diffrents, cela semble douteux. De manire

    gnrale, il nexiste pas de transferts lointains, dans lesquels un apprentissage dans un domaineinfluence des apprentissages dans un autre domaine trs diffrent.

    Les expriences sur le sujet nous disent clairement quil nexiste pas de comptences gnrales :

    toute pense se base sur des connaissances spcialises. La rigueur, la logique, la concentra-

    tion, labstraction, la capacit rsoudre des problmes, la capacit lire un texte, etc : il y

    a de bonnes chances que ces comptences nexistent pas. Ou alors, ces comptences ne sont

    pas vraiment ce que lon croit. #### Expriences Les tudes faites sur lapprentissage de la

    programmation[1][2] montrent que celui qui apprend programmer apprend juste program-

    mer, et nacquiert pas de mthodes de rsolution de problmes, de capacit raisonner ou

    abstraire, ni quoique ce soit dautre.

    Mme chose pour le latin[3][4], qui, contrairement aux ides reues, ne permet pas de favoriser

    la mmoire, ou de structurer lesprit.

    22

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    23/5

    2.4 Transfert dapprentissage

    Diffrents programmes ducatifs ont ainsi tent denseigner le raisonnement en mettant for-

    tement laccent sur la logique mathmatique, avec ses implications, modus tollens, etc. Mal-

    heureusement, les rsultats de ces programmes furent dcevants : les lves navaient pas

    vraiment appris mieux raisonner, et les amliorations taient au mieux marginales. Ces ex-

    priences ne furent pas les seules tentatives pour entrainer des lves ou des adultes mieux

    raisonner.

    Mais les rsultats concernant ce genre dentrainement sont clairs : cela ne permet pas dacqurir

    des comptences de raisonnement transfrables dans des situations diffrentes de celles abor-

    des lors de lapprentissage. Ceux qui pensent quun entrainement spcifique au raisonnement

    pourrait permettre dentrainer une capacit gnrale raisonner font fausse route.

    Et des tudes dans le genre, on en a des tonnes. #### Pourquoi si peu de transferts lointains ?

    Pourquoi il y a-t-il aussi peut de transferts lointains? Il y aurait bien une raison : quand on

    rflchit, pense, ou raisonne, on utilise diverses stratgies de raisonnement ou de rsolution de

    problme. Il existe bien des stratgies de raisonnement ou de rsolution de problme gnrales,

    applicables dans des classes trs gnrales de problmes ou de raisonnements.Mais manque de chance, ces stratgies ne sapprennent pas vraiment : nimporte quel tre

    humain sait dj les utiliser naturellement, sans quon aie besoin de les lui apprendre. On ne peut

    pas vraiment entrainer ces stratgies gnrales pour les rendre plus efficaces ou les appliquer

    plus facilement.

    Si lon regarde ce qui se passe chez les experts dans un domaine ou sous-domaine, on remarque

    que le transfert se base sur des stratgies et connaissances apprises, spcifiques un domaine

    ou une classe de problmes. On rentre dans le cas du transfert spcifique, dans un domaine,

    voire sous-domaine.

    2.4.2 Transfert proche

    Lorsquune connaissance spcifique est rutilise pour comprendre une situation dans un mme

    domaine ou un domaine voisin, on parle de transfert proche. #### Connaissances transf-

    rables De manire gnrale, les connaissances qui se transfrent ne sont pas des dtails ou

    des informations qui ont peu de sens : ce sont des connaissances abstraites, des principes, des

    ides, des informations gnrales.

    Pour en donner un exemple, on peut citer la fameuse tude de Chi et al. (1981). Leur tude a

    montr que les tudiants en physique ont tendance baser les exercices sur la base de dtails

    prsents dans lnonc : coefficients numrique, vocabulaire utilis, prsence de plans inclins,etc. En comparaison, les professeurs ont tendance les classer en fonction dides gnrales

    et de principes abstraits : loi de conservation de lnergie, etc. Au fur et mesure que les

    tudiants progressent dans leurs tudes, il classent de plus en plus ces exercices en fonction

    des caractristiques gnrales. ##### Transfert catgoriel Le premier exemple de transfert

    de ce type se base sur le transfert de catgories : quand on reconnait quun lment dun

    problme appartient une catgorie dj connue, on peut transfrer les informations relies

    cette catgorie et les attribuer llment en question. En consquence, plus on dispose de

    catgories et de concepts bien forms dans notre mmoire smantique, mieux cest.

    Varier les exemples travaills et les exercices permet ainsi de crer des connaissances gn-

    riques, facilement rutilisables dans de nombreuses situations. Cest ce que lon nomme leffetde variabilit. ##### Transfert par analogie Autre forme de transfert : le transfert par ana-

    logie : on repre des ressemblances entre une situation source et une situation cible, ce qui

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    2 Comprendre et mmoriser

    permet dlaborer une analogie entre ces deux situations. Ce mcanisme de transfert par ana-

    logie est utilis inconsciemment chez les experts : ceux-ci rsolvent tout nouveau problme par

    analogie avec des problmes dj connus. #### Accessibilit en mmoire Si les connaissances

    et stratgies sont une base du transfert, les possder ne suffit pas : il faut sen rappeler au

    moment voulu. Pour transfrer des informations acquise avec une situation source dans une

    situation cible, linformation doit tre accessible partir des indices de rcuprations prsentsdans la situation cible.

    Cest ce quon observe chez de nombreux experts : leur mmoire smantique est configure de

    manire accder le plus rapidement possible aux informations pertinentes pour rsoudre le

    problme donn, ou effectuer la tache demande.

    Leurs rseaux smantiques sont particulirement bien labors, contiennent beaucoup de

    connaissances, beaucoup dassociations, et celles-ci sont particulirement pertinentes. A ce

    petit jeu, apprendre par cur donne videmment de moins bons rsultats que la comprhen-

    sion[5] : comprendre est une des premire base du transfert.

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    3 Les portes dentre de la mmoire

    3.1 On est assez limits, quand mme !

    3.1.1 Charge cognitive

    Plus une information apprendre est compose dun grand nombre de sous-lments qui inter-

    agissent entre eux, plus elle aura tendance saturer la mmoire de travail. Le nombre dl-

    ments prsents en mmoire de travail sappelle la charge cognitive : plus elle est leve, moinsla tache ou le concept abord est facile.

    Pour prendre un exemple, un calcul compliqu demande toujours de maintenir temporairement

    trop de rsultats temporaires. Pour vous en rendre compte, essayez avec 4565 * 891 : votre

    mmoire de travail ne peut pas stocker tous les rsultats temporaires ncessaires pour mener

    bien ce calcul.

    Les performances en calcul mental peuvent sexpliquer partiellement par la gestion de la charge

    cognitive. Par exemple, le calcul de 45 * 37 sera trs facile pour quelquun qui a mmoris

    toutes les tables jusqu celle de 100, et qui connait des raccourcis de calcul. Les spcialistes

    en calcul mental ont tous mmoris un grand nombre de rsultats spcifiques quils peuvent

    rutiliser au besoin sans avoir besoin de les recalculer.

    Et cela joue aussi sur lacquisition du calcul mental chez les lves de primaire ou les co-

    liers : leurs performances en calcul mental dpendent fortement de la mmorisation dun grand

    nombre de faits mathmatiques fortement relis entre eux.

    De plus, les informations mmoriser ne sont pas les seules utiliser la capacit de la mmoire

    court terme : les relations que ces informations entretiennent entre elles vont aussi prendre

    de la place. Par exemple essayez de dire si la phrase suivante est vraie ou fausse :

    Le grand-pre des frres de mon pre est-il le fils du frre de mon grand-pre?

    Difficile, non ? Cest parce le nombre dlments et de relations quil entretiennent est suprieur ce que peut supporter la mmoire de travail.

    Or, la mmoire de travail est utilise pour comprendre ce que raconte un professeur, un texte,

    etc. Lors de cette comprhension, les informations apprendre sont maintenues en mmoire

    de travail, afin dtre associes et relies des connaissances antrieures, et de faire des d-

    ductions.

    Plus il y a de place en mmoire de travail, plus llve peut faire de connections et dinfrences.

    En consquence, si une tache dapprentissage sature la mmoire de travail, lapprentissage se

    passe mal, voire na pas lieu.

    Par exemple, comprendre la transitivit (A -> B -> C) demande de maintenir en mmoire detravail A, B, C, et les relations A->B, et B->C. Les enfants de 4 6 ans ont du mal dans cette

    situation parce que leur mmoire de travail est la moiti de celle des adultes. Dailleurs, de

    25

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    26/5

    3 Les portes dentre de la mmoire

    nombreuses expriences ont relies lvolution de la pense chez lenfant avec la capacit de la

    mmoire de travail[1].

    Ces dernires annes, quelques tudes ont montr que la russite scolaire est fortement corrle

    la capacit de la mmoire de travail : cette dernire est un bon indicateur de la russite scolaire

    ultrieure pour les enfants de 5 ans[2]. De mme, il existe une forte corrlation entre faiblecapacit de la mmoire de travail et chec scolaire[3].

    Les pdagogies actuelles ne tiennent pas en compte la mmoire de travail : suivant le cours ou

    le professeur, on peut obtenir du trs bon, ou du trs mauvais. Les pdagogies actives, dans

    lesquelles llve doit rflchir de manire autonome, sont une catastrophe de ce point de vue,

    ce qui explique que les tudes sur le sujet montrent clairement quelles ont des rsultats assez

    mauvais[4].

    Ces constatations rcentes remettent sur le devant de la scne une ancienne thorie pdago-

    gique : la thorie de la charge cognitive. Cre par Sweller dans les annes 1970, cette thorie a

    reue de nombreuses vrifications exprimentales. Assez mal connue en France, cette thorie

    commence avoir une grande influence dans les pays anglo-saxons.

    3.1.2 Diminuer la charge cognitive

    La thorie de la charge cognitive nous dit quil existe diffrents types de charge cognitive :

    tout apprentissage possde une charge cognitive minimale, compose des lments indis-

    pensables pour comprendre le matriel apprendre : la charge intrinsque ;

    a cot, on trouve une charge superflue, inutile pour lapprentissage : la charge extrinsque.

    On peut intuitivement diminuer la charge extrinsque en allant lessentiel et en liminant les

    informations superflues. Une exprience faite par Richard Mayer permet dillustrer ce phno-

    mne. Lexprience a compar deux versions dun texte scientifique, dont lune tait expurge

    des informations quantitatives : cette dernire tait nettement mieux retenue et comprise.

    La charge intrinsque est relativement difficile manipuler. Mais contrairement ce que lon

    pourrait penser, ce nest pas impossible. Et la thorie de la charge cognitive fournit quelques

    conseils ce sujet. #### Segmentation Premire solution : segmenter les explications. Pour

    rsumer, le plan du cours et des explications doivent tre dcoupes en petites units notion-

    nelles, chacune de ces unit devant respecter les limitations de la mmoire de travail, qui tourne

    autour de 3 4 informations, mmorise durant 20 secondes maximum.

    Concrtement, comment dcouper les explications pour tenir compte de la charge cognitive?Pour cela, jai une technique, qui demande toutefois dcrire le cours sur papier ou sur ordina-

    teur :

    lors de la rdaction, il faut dcouper le texte du cours en paragraphe de 4/5 lignes (parfois

    moins);

    chaque paragraphe doit tre centr autour dune seule et unique ide bien prcise ;

    les phrases dans ce paragraphe doivent senchainer, chaque phrase poursuivant lide de la

    phrase prcdente;

    les paragraphes doivent senchainer, chaque paragraphe devant suivre lautre dans un ordre

    logique.

    En utilisant ce dcoupage en paragraphes cohrents trs courts, on devrait obtenir un dcoupage

    suffisant.

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    27/5

    3.1 On est assez limits, quand mme !

    Cette technique de segmentation sapplique aussi pour enseigner les procdures de rsolution

    de problmes : on peut dcomposer les procdures en petites units procdurales pour mieux

    grer la charge cognitive. Par exemple, il vaut mieux segmenter une procdures en 8 sous-

    procdures trs simples quen 2 sous-procdures complexes.

    Par exemple, regardons lapprentissage de la multiplication. Les cours actuels abordent celle-cidun seul bloc : dabord on apprend les tables, et ensuite on apprend multiplier deux nombres

    entre eux. Il ny a pas dtapes intermdiaires. Un professeur doit chercher dcouper lalgo-

    rithme de multiplication en sous-tapes quil combinera ensemble :

    Il commencera avec les tables de multiplication.

    Puis il expliquera comment multiplier un nombre par une puissance de dix.

    Puis il utilisera les deux tapes prcdentes pour obtenir lalgorithme qui permet de multiplier

    un nombre un chiffre par un autre nombre plusieurs chiffres.

    Puis il rutilisera les deux tapes prcdentes pour indiquer comment calculer un produit

    partiel.

    Et enfin, il terminera avec ltape de multiplication proprement dite : calculer plusieursproduits partiels, et les additionner. #### Sparation thorie/pratique Une autre solution

    consiste sparer lapprentissage des connaissances thoriques et lacquisition des rgles

    de production (comment faire). Ainsi, les explications du cours doivent tre coupes en deux

    grandes parties :

    la partie thorique transmet des connaissances thoriques, abstraites, pourtant sur des ides

    gnrales, des principes, des ides ;

    la partie pratique aborde les informations ncessaires pour rsoudre des problmes, travers

    des exercices ou exemples.

    Ce conseil vient du fait que les connaissances qui portent sur les connaissances thoriques ont

    souvent une forte charge cognitive : voir ces connaissances en mme temps que les connais-sances lies aux procdures risque de faire saturer la mmoire de travail. Diverses expriences

    faites par Sweller et ses collgues, ont montr que cette sparation augmentait la comprhen-

    sion et la mmorisation. #### Isolated/interacting element effect Cependant, il existe un autre

    principe pdagogique recommand par la thorie de la charge cognitive, qui permet de crer

    des progressions et explications nettement plus simple comprendre. L encore, le but est de

    diminuer la charge intrinsque du matriel apprendre.

    Cette recommandation se base sur le fait que les limites de la mmoire court terme semblent

    svanouir quand on est face une situation familire. Par exemple, les experts dans un domaine

    peuvent retenir de grande quantits dinformations et traiter celle-ci plus facilement, mais cette

    capacit est limite leur domaine dexpertise.

    Par exemple, quand on prsente une configuration de jeu un joueur dchec expert, il a ten-

    dance mmoriser 4 5 fois plus de pices quun novice. Mais cela ne vaut que pour des

    configurations familires : devant une configuration alatoire, trs peu courante dans le jeu,

    lexpert en chec tombe au mme niveau que le novice. Cette constatation a t vrifie dans

    une grande quantit de domaines diffrents, comme lexpertise mdicale, la programmation, la

    conception de circuits lectronique, ou lexpertise mathmatique. ##### Chunking Cela vient

    du fait que les experts ont tendance faire des regroupements : ils peroivent des motifs qui

    permettent de regrouper plusieurs lments en une seule entit dans la mmoire court terme.

    Toute information prise comme un tout en mmoire court terme est appele des chunks.

    Ce mcanisme de regroupement a toutefois des limites : il ne fonctionne que quand le regrou-

    pement forme une entit dj prsente en mmoire long terme. Ce mcanisme de chunking

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    3 Les portes dentre de la mmoire

    fonctionne uniquement parce que toute connaissance prsente en mmoire long terme, est

    prise comme un tout en mmoire de travail.

    Cest ce qui explique quil est plus facile dapprendre une liste de vrais mots que de faux mots.

    Par exemple, mmorisez les suites de mots suivantes :

    shampoing, voiture, champ, bal, lance-roquette rata, scronno, munu, carrac, shullp

    On voit bien avec cet exemple que les mots sont traits un tout, tandis que des concatnations

    de syllabes peu familires ne le sont pas.

    Comme autre exemple, essayez de vous souvenir de ces deux phrases, mot pour mot :

    le chasseur a tu un lapin, et a fini par le manger

    lapin le a chasseur tu un, fini a et par manger le

    Plus dur pour la seconde, non? Pourtant, les deux comportent les mmes mots. Simplement,

    le fait dassembler les mots dans une phrase a permit au processus de regroupement de fonc-

    tionner : la phrase est traite comme un tout, contrairement la liste de mots.

    Ce concept de chunk a ensuite t observ dans dautres situations, qui montrent que ces chunks

    peuvent parfois avoir un sens plus ou moins cach.

    Dans les faits, nimporte quel assemblage de connaissances familire, dj prsente dans notre

    mmoire, est un chunk. On peut se reprsenter ces chunks par des ensembles de cases, chaque

    case reprsentant un lment de lobjet ou du systme. Fait intressant, un tel chunk a une

    organisation plus ou moins hirarchique : chaque cases peut contenir des des chunks plus

    lmentaires, qui sont eux-mmes potentiellement constitus de sous-chunks, et ainsi de suite.

    Pour donner un exemple, on peut prendre les recherches dEgan and Schwartz (1979) sur la

    mmorisation dun circuit lectronique . Tandis que les novices se rappelaient de chaque pice in-

    dpendamment, les experts regroupaient rsistances, condensateurs, et bobines dans un sous-

    circuit qui correspond un amplificateur de tension ou de courant. Je ne vous cache pas que

    lon peut en dduire quelques conseils pour lenseignement de llectronique

    Ces regroupements peuvent non seulement rassembler plusieurs informations, mais ils vont

    aussi encapsuler les liens logiques entre ces informations : les relations logiques et les associa-

    tions dides qui relient les diffrents lments du chunk font partie du chunk.

    Ces chunks volus sont simplement des portions actives de la mmoire smantique : tout

    ensemble dinformations qui est activ en mmoire par le mcanisme de rappel constitue un

    tel chunk. Ces chunks sont simplement un ensemble dinformations relies entre elles dans lammoire smantique : les informations du chunk sont fortement relies entre elles, mais ne sont

    presque pas connectes avec des informations situes hors du chunk (ou alors, ces liaisons sont

    faibles).

    Ces liens peuvent alors tre utiliss dans des taches de raisonnement ou de dduction sans

    utiliser de mmoire de travail supplmentaire : ces liens sont dj mmoriss et sont rcuprs

    tels quels, sans avoir besoin dutiliser de la puissance de calcul en mmoire de travail. Cela

    facilite comprhension, rflexion, raisonnement, et rsolution de problmes.

    Par exemple, un chimiste qui reconnait une fonction Amine ou Carboxyle dans une molcule

    saura immdiatement en dduire un grand nombre dinformations : les ractions chimiquespossible avec telle ou telle molcule, par exemple. Ces fonctions Amine ou Carboxyle sont rel-

    lement des chunks comme les autres dans notre cerveau.

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    3.1 On est assez limits, quand mme !

    Dans le cas de la rsolution de problme, ces regroupements permettent de catgoriser des

    problmes, sous-problmes, ou tapes de problmes. Qui plus est, ces regroupements sont

    attachs une procdure ou stratgie qui indique le meilleur coup jouer pour arriver jusqu

    la solution : ces procdures ou stratgies permettent de passer ltape suivante ou de rsoudre

    totalement le problme. On nomme ces entits des schmas.

    On peut citer lexemple des joueurs dchec auxquels on demande de mmoriser une configura-

    tion de jeu : les novices ne se rappellent que de 3 4 pices, tandis que les experts regroupent

    les pices en blocs de 3 5 pices. Mieux : ces chunks permettent de catgoriser des ensembles

    de pices suivant leur sens stratgique, chaque bloc tant associ au meilleur coup jouer qui

    correspond cette situation. ##### Lien avec la comptence et les rsultats scolaires Dans

    tout les domaines, experts et novices (bons et mauvais lves, dans notre cas) sont limits

    se rappeler et traiter le mme nombre dlments simultans en mmoire de travail : l o un

    novice remplira sa mmoire de travail avec des chunks simples, lexpert rassemblera ces chunks

    simples en un seul chunk trs complexe.

    Un novice ne dispose pas de motifs ou de catgories familires quil peut utiliser pour regrouperde grandes quantits dinformations, et doit se dbrouiller avec des informations lmentaires

    quil doit traiter individuellement. Dans ces conditions, la mmoire de travail surcharge.

    Comme le dit Mislevy : [] compars aux novices, les experts dominent plus de faits et

    tablissent plus dinterconnexions ou de relations entre eux. Ces interconnexions permettent

    de surmonter les limitations de la mmoire court terme. Alors que le novice ne peut travailler

    quavec au maximum sept lments simples, lexpert travaille avec sept constellations incarnant

    une multitude de relations entre de nombreux lments .

    Et on observe des phnomnes similaires dans des domaines trs divers, comme la programma-

    tion, la conception de circuits lectroniques, etc. Daprs les expriences, toutes les diffrencesentre experts et novices dans un domaine proviennent uniquement de la mmorisation dun

    grand nombre de chunks spcifiques ce domaine.

    Tout le challenge dun professeur est de faire en sorte que llve acquire ces motifs, ces chunks,

    dans un ordre qui permette ces chunks de diminuer la charge cognitive des apprentissage ul-

    trieurs. Apprendre rsoudre des problmes, cest donc acqurir ces chunks qui permettent

    de rsoudre des problmes spcifiques. ##### Isolated/element Effect Le fait que certains

    chunks sont des regroupements de sous-chunks plus lmentaires a des implications pdago-

    giques assez intressantes. Ainsi, pour enseigner des ensembles dinformations trs complexe,

    il vaut mieux commencer par enseigner dabord les chunks les plus lmentaires, avant de les

    rassembler progressivement. Cela donne des progressions qui sont dcoupes en petites unitsnotionnelles, qui sont assembles progressivement pour former des concepts de plus en plus

    complexes : le rsultat est le plus souvent une progression qui va du simple au complexe ,

    avec une granularit trs fine.

    Par exemple, il vaut mieux apprendre toutes les correspondances du type Cu = cuivre, Fe =

    Fer, etc du tableau priodique avant daborder les quations de raction chimique, plutt que

    dintgrer des explications sur ces correspondances dans des explications sur ces quations.

    Commencer par les atomes, poursuivre par les liaisons chimiques, et assembler le tout pour fa-

    briquer des fonctions, elles-mmes assembles pour donner des molcules complexes (suceres,

    alccols, etc).

    Dans le mme genre, un cours de neurosciences devrait commencer par aborder les notions

    anatomiques et dcrire les aires crbrales qui seront utilises dans les explications ultrieures.

    29

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    3 Les portes dentre de la mmoire

    Ce genre de chose est trs utile lors de lapprentissage de concepts composs dun grand nombre

    de composants/sous-concepts interagissant entre eux. Dans ce cas, la thorie de la charge

    cognitive recommande daborder chacun des composants indpendamment, avant de montrer

    comment ceux-ci interagissent ensemble. En faisant cela, la charge cognitive sera rpartie dans

    le temps, amliorant lapprentissage : on parle dIsolated element effect.

    Premier exemple : les dmonstrations qui utilisent des lemmes. Dans certains de mes cours

    duniversit, les professeurs commenaient la dmonstration du thorme, et linterrompait au

    fil de leau pour dmontrer les lemmes dont ils avaient besoin. Au lieu de faire cela, ils auraient

    du dmontrer les lemmes avant de commencer la dmonstration.

    Autre exemple : si vous voulez expliquer le fonctionnement du circuit anatomique du rflexe du

    genou, il est prfrable de dcrire ce circuit, en voyant chacun de ses composant indpendam-

    ment, avant de montrer comment ce circuit fonctionne lors de lexcution du rflexe.

    Autre exemple : vous voulez enseigner comment fonctionne un processeur simple. Celui-ci

    contient plusieurs composants bien prcis : une unit de calcul, un squenceur, des registres,

    etc. Certains professeurs commencent directement leur cours par montrer comment une ins-truction sexcute sur ce processeur : ils abordent chaque composant au fil de leau, quand ils

    en ont besoin. Lutilisation de lisolated element effect recommanderait de voir indpendamment

    chaque composant du processeur un par un, avant de montrer le droulement de lexcution

    dune instruction avec cet ensemble de composants.

    Attention toutefois : si il faut voir chaque sous-concept indpendamment, il ne faut pas ngliger

    le fait que donner une vision densemble du concept final est ncessaire. Il faut notamment

    montrer comment le concept de base se dcompose en composants, en sous-lments. Donner

    des indications gnrales sur le rle de chaque lment, ainsi que des informations structurelles,

    avant de voir chacun des lments fond est une chose ne pas ngliger. #### Automatisation

    Il est parfois possible dautomatiser certains processus de faon ce quils utilisent trs peu de

    mmoire de travail. Par automatisme, on veut dire : procdures qui ne prennent presque pas

    dattention lorsquon les applique.

    Fait intressant, ces automatismes auraient une mmoire ddie, localise dans des zones du

    cerveau totalement diffrentes de celles utilises pour la mmoire smantique. Cette mmoire

    nest donc pas une mmoire ddie aux connaissances, mais sexprime dans la performance, la

    rapidit.

    La mmoire implicite, et lautomatisation qui va avec, nest pas trs intressante pour la pda-

    gogie de manire gnrale : et seuls certains enseignements spcifiques doivent la prendre en

    compte. En effet, la mmoire implicite gre les conditionnements de Pavlov, ainsi que quelquesformes limites dautomatismes. ##### Exemples dautomatismes Par exemple, un professeur

    de sport (cest bien un professeur, quoi quon en dise) va inculquer des automatismes moteurs

    ses lves, et leur faire acqurir des mouvements spcifiques (positions de karat, mthode

    de service au badminton, etc).

    Comme autre exemple, on peut citer les divers automatismes perceptifs. Lapprentissage de la

    lecture en est un bon exemple : reconnaitre des mots dj connus est en effet un vritable

    automatisme. Les expriences sur montrent clairement que la lecture sautomatise progressi-

    vement : llve devient capable de reconnaitre les mots de plus en plus vite.

    Plus llve apprend lire, plus il lit sans gaspiller son attention. Les ressources attentionnelleslibres peuvent alors servir mieux comprendre le texte lu : plus un enfant sait dchiffrer vite

    et bien, plus il sera capable de comprendre le texte quil lit.

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  • 5/21/2018 Les Pratiques Pedagogiques Efficaces

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    3.2 Exercices et exemples : comment rendre la pratique efficace ?

    On trouve aussi des automatismes cognitifs, qui consistent en lapplication de rgles, de proc-

    dures. Ainsi, toutes les stratgies, mthodes et procdures sont mmorises dans la mmoire

    implicite. Il peut sagir de rgles de grammaire, les algorithmes laddition ou de multiplication,

    les mthodes de calcul mental, etc.

    Un exemple dautomatisme cognitif est lapprentissage des rgles de grammaire et de la syntaxedune langue. En effet, quand vous parlez ou crivez vous appliquez ces rgles quasiment sans

    y penser.

    Cela joue un rle important dans