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© Karine Vieux-Fort, 2019 Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d'étudier dans un cégep anglophone: une étude rétrospective Thèse Karine Vieux-Fort Doctorat en administration et politiques de l'éducation Philosophiæ doctor (Ph. D.) Québec, Canada

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© Karine Vieux-Fort, 2019

Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d'étudier dans un cégep anglophone: une étude

rétrospective

Thèse

Karine Vieux-Fort

Doctorat en administration et politiques de l'éducation

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d’étudier dans un cégep anglophone : une étude rétrospective

Thèse de doctorat

Karine Vieux-Fort

Sous la direction de :

Annie Pilote (Université Laval), directrice de recherche

Marie-Odile Magnan (Université de Montréal), codirectrice de recherche

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RÉSUMÉ

Cette thèse porte sur les parcours scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones qui

ont choisi d’étudier dans un cégep anglophone au Québec. La thèse s’inscrit dans un contexte social

où les langues française et anglaise n’ont pas le même poids démographique, économique, politique

et culturel et une liberté de choix quant à la langue de scolarisation à l’enseignement supérieur s’opère.

Nous nous intéressons plus particulièrement à comprendre les raisons de poursuivre des études

collégiales en anglais, les expériences d’études collégiales en anglais et les impacts sur les parcours

scolaires, professionnels et personnels chez de jeunes francophones du Québec.

Nous nous inscrivons dans une perspective constructiviste de la sociologie de l’éducation, en adoptant

deux cadres théoriques qui permettent de rendre compte de la capacité interprétative de l’acteur et du

rôle des structures sociales. En ce sens, nous mobilisons la sociologie de l’expérience sociale (Dubet,

1994b, 2017) pour comprendre les expériences de choix du cégep anglophone et des études

collégiales en anglais, et l’approche processuelle (Bidart, Longo, & Mendez, 2013; Mendez, 2010),

pour comprendre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire,

professionnel et personnel.

Pour rendre compte de ces parcours, 37 entrevues de type récit de vie ont été menées auprès de

francophones qui ont réalisé des études collégiales en anglais et qui, au moment de l’entrevue, sont

sur le marché du travail. C’est donc à travers un regard rétrospectif sur les parcours que nous avons

cherché à comprendre le sens que donnent les acteurs à leurs actions.

Les résultats de la thèse concernent, en premier lieu, une typologie des expériences de choix du cégep

anglophone. Trois types d’expérience de choix ont émergé de nos données : le choix stratégique, le

choix de développement personnel et le choix par défaut. Ces résultats montrent que le cégep

anglophone est choisi essentiellement pour des raisons stratégiques liées au marché du travail et pour

des raisons liées à l’accomplissement personnel. De manière plus marginale au sein de notre corpus,

le choix du cégep anglophone s’explique aussi par des raisons extérieures à la langue anglaise.

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Dans un deuxième temps, nous présentons des résultats concernant les expériences d’études

collégiales en anglais. Cinq types d’expérience d’études collégiales en anglais se dégagent des

données : l’expérience d’intégration facilitée, l’expérience d’intégration sélective, l’expérience

d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration sous tensions et l’expérience de rupture. Cette

typologie montre que l’expérience d’études collégiales en anglais s’articule au regard de logiques de

l’action sociale et d’une adhésion différenciée sur le plan scolaire et sur le plan social. Nos résultats

mettent en exergue que différentes expériences sont vécues au regard de cette articulation.

Enfin, dans un troisième temps, une typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite

du parcours montre l’entrecroisement des pratiques linguistiques dans la sphère scolaire,

professionnelle et personnelle. Sept types ont émergé de nos données : le parcours d’anglicisation, le

parcours de continuation dans des sphères anglophones, le parcours de navigation entre l’anglais et

le français, le parcours de retour à des sphères francophones, le parcours de maintien de l’anglais

dans la sphère personnelle, le parcours de détachement face à l’anglais et le parcours de déplacement

vers l’espagnol. Malgré la diversité de parcours, il s’avère que la majorité des francophones qui ont

réalisé des études dans un cégep anglophone naviguent, dans la suite de leur parcours de vie, entre

l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons

que l’identité linguistique francophone se maintient en dépit d’études collégiales en anglais et de la

suite du parcours, que celle-ci soit marquée ou non par la langue anglaise dans les diverses sphères

de vie. Les identités civiques se maintiennent elles aussi, bien qu’une minorité de participants s’ouvrent

à une identité canadienne.

La thèse se conclut par un retour sur les lignes directrices qui ont structuré et guidé la thèse. Une

discussion de nos résultats de thèse au regard de recherches antérieures est également réalisée.

Finalement, les retombées sociales de la thèse ainsi que des pistes de recherche sont proposées.

Sur le plan scientifique, notre thèse contribue à l’avancement des connaissances dans le champ de

recherche sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en considérant la langue d’études au

prisme des analyses. Sur le plan social, elle génère des connaissances au débat sociopolitique sur

l’accès aux cégeps anglophones, sur les rapports aux langues anglaise et française chez de jeunes

Québécois francophones, pour les établissements d’enseignement collégial anglophones et pour les

acteurs de l’orientation scolaire et professionnelle.

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ABSTRACT

The present dissertation focuses on the educational, professional and personal pathways of young

francophones who chose to attend English-language CEGEP in the Province of Quebec. The

dissertation is taking place in a social context where French and English languages have different

demographic, economic, political, and cultural weight and where the liberty of choice in regard to higher

education schooling language operates. We are particularly interested in understanding the reasons

behind the pursuit of English Collegial Studies; the experiences of English Collegial Studies; and, the

impacts on the educational, professional and personal pathways of young Quebec francophones.

We are acting in accordance with a constructivist approach of the Sociology of Education by adopting

two theoretical frameworks which allow us to report on the interpretative capacity of the actor and of

the role of social structures. In this regard, we are mobilizing the sociology of social experience (Dubet,

1994b, 2017) to understand the experiences behind the choice of attending an English-language

CEGEP, as well as the experiences of English Collegial Studies; and, the processual approach (Bidart

et al., 2013; Mendez, 2010) to understand the socialization processes to English in the educational,

professional and personal pathways.

To report on these pathways, 37 narrative type interviews were conducted with francophones who

accomplished English Collegial Studies whom, at the time of the interviews, had joined the labour

market. It is, therefore, through a retrospective lens we look upon their pathways and set out to

understand the meaning the actors attribute to the rationale behind their action.

Firstly, the findings of the thesis relate a typology of choice experiences of the English-language

CEGEP. Three types of choice experiences emerged from our data: the strategic choice, the personal

fulfillment choice and the default choice. These results demonstrate that the English-language CEGEP

is essentially chosen for strategic reasons linked to the labour market and for personal fulfillment

reasons. Selection of an English-language CEGEP based on reasons other than linguistics are

peripherally found within our corpus.

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Secondly, our findings refer to a typology of English Collegial Studies experiences. Five types of

English Collegial Studies experiences emanate from the data: the facilitating integration experience;

the selective integration experience; the strategic integration experience; the stress driven integration

experience; and, the rupture experience. These types divulge that the English Collegial Studies

experience is articulated by social action dialectics and accession differentiates in regards to scholastic

and social life. Our findings highlight a diversity in experiences associated to this axis.

Lastly, a typology of socialization processes to English show a crossroad in the linguistic practices of

the academic, professional and personal spheres. Our findings establish seven emerging types from

our facts: anglicization; continuation within English spheres; navigation between French and English;

a return to francophone spheres; retention of English skills in personal sphere; separation from English;

and, transition to Spanish. Despite the diversity in these pathways, it turns out that the majority of

francophone who pursued studies at English-language CEGEP live using both English and French

languages in their educational, professional and personal spheres. Moreover, we demonstrate that the

French linguistic identity is independently maintained despite English Collegial Studies and whether or

not English is present in any aspect of their lives. Civic identity is also well-preserved even thought a

minority of participants were opened to a Canadian identity.

The thesis concludes by offering a look back to the guidelines that structured and acted as cicerone of

our work. A discussion of our findings in regards to previous research is also presented. In conclusion,

we expand on the social impact of the present thesis and offer suggestions for further research.

Our work contributes to the advancement of scientific knowledge in the field of student pathways

research in regards to higher education with an analysis prism based on language of studies. Socially,

this thesis adds understanding to the sociopolitical debate surrounding the access to English-language

CEGEP; to the interactions between English and French languages of young Quebec francophones;

to the English educational collegiate institutions; and, for practitioners in the field of education and

career guidance.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ............................................................................................................................................. iii

ABSTRACT .......................................................................................................................................... v

TABLE DES MATIÈRES ..................................................................................................................... vii

LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................... xii

LISTE DES FIGURES ........................................................................................................................ xiv

REMERCIEMENTS .......................................................................................................................... xvii

INTRODUCTION ................................................................................................................................. 1

PREMIÈRE PARTIE PROBLÉMATIQUE, RECENSION DES ÉCRITS ET CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE .......................................................................................................................... 6

CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE ........................................................................................................ 7

1.1 Le français et l’anglais au sein du marché des langues ....................................................... 8

1.2 La Charte de la langue française au Québec : protection linguistique, affirmation identitaire et modulations éducatives .................................................................................................. 11

1.3 L’accessibilité au réseau d’enseignement collégial anglophone au Québec : un débat sociopolitique ...................................................................................................................... 20

1.4 Portrait statistique de la fréquentation des cégeps anglophones ........................................ 23

1.5 Les cégeps anglophones : historique, missions et défis ..................................................... 26

1.6 Question générale de recherche ........................................................................................ 35

CHAPITRE 2 RECENSION DES ÉCRITS ......................................................................................... 36

2.1 Les parcours étudiants à l’enseignement supérieur ........................................................... 37

2.1.1 L’accès et le choix ................................................................................................. 38

2.1.2 La première année d’études, la persévérance et la réussite scolaire .................... 40

2.1.3 Les expériences d’études ...................................................................................... 42

2.2 Les langues dans les parcours étudiants à l’enseignement supérieur ................................ 44

2.2.1 Les parcours à l’enseignement supérieur des francophones en situation minoritaire au Canada ............................................................................................................. 46 2.2.1.1 Les facteurs de choix ................................................................................ 46

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2.2.1.2 L’identité linguistique et l’appartenance à la communauté francophone ... 48 2.2.1.3 La transition vers le marché du travail ...................................................... 49

2.2.2 Les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec ........... 50 2.2.2.1 Les facteurs de choix ................................................................................ 52 2.2.2.2 Les rapports entre les groupes ethnolinguistiques .................................... 56 2.2.2.3 Le rapport aux langues et les pratiques linguistiques ............................... 58

2.2.2.4 Les expériences étudiantes ...................................................................... 59 2.2.2.5 L’identité et les rapports identitaires aux communautés linguistiques ....... 60 2.2.2.6 La transition vers le marché du travail ...................................................... 61

2.3 Question et objectifs spécifiques de recherche .................................................................. 64

CHAPITRE 3 CADRE THÉORIQUE .................................................................................................. 68

3.1 La sociologie de l’éducation et la socialisation ................................................................... 68

3.1.1 Le pouvoir de l’institution ....................................................................................... 69

3.1.2 Le déclin de l’institution .......................................................................................... 72

3.1.3 Les institutions face aux identités .......................................................................... 75

3.2 La sociologie de l’expérience sociale ................................................................................. 79

3.2.1 La logique de l’intégration ...................................................................................... 80

3.2.2 La logique de la stratégie ....................................................................................... 82

3.2.3 La logique de la subjectivation ............................................................................... 83

3.2.4 La sociologie de l’expérience sociale appliquée au choix et au vécu des études collégiales en anglais............................................................................................. 84

3.3 Les parcours de vie comme des processus........................................................................ 86

3.3.1 Les ingrédients ...................................................................................................... 90

3.3.2 Les séquences ...................................................................................................... 92

3.3.3 Les moteurs ........................................................................................................... 93

3.3.4 Les bifurcations ..................................................................................................... 96

3.3.5 Les parcours de vie au regard des processus de socialisation à l’anglais ............. 97

3.4 Cadre d’analyse.................................................................................................................. 98

CHAPITRE 4 CADRE MÉTHODOLOGIQUE ................................................................................... 101

4.1 Épistémologie constructiviste ........................................................................................... 101

4.2 Recherche qualitative ....................................................................................................... 103

4.3 Récit de vie ....................................................................................................................... 104

4.4 Déroulement et caractéristiques de la cueillette des données .......................................... 107

4.4.1 Échantillon ........................................................................................................... 107

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4.4.2 Recrutement ........................................................................................................ 110

4.4.3 Entretiens individuels semi-dirigés....................................................................... 114

4.4.4 Transcription ........................................................................................................ 117

4.4.5 Considérations éthiques ...................................................................................... 118

4.5 Méthodes d’analyse .......................................................................................................... 118

4.5.1 Analyse préliminaire ............................................................................................ 118

4.5.2 Analyse diachronique .......................................................................................... 120

4.5.3 Analyse de contenu ............................................................................................. 121

4.5.4 Analyse processuelle ........................................................................................... 123

4.5.5 Analyse classificatoire ......................................................................................... 125

4.5.6 Analyse typologique............................................................................................. 126

DEUXIÈME PARTIE ANALYSE DES RÉSULTATS ET DISCUSSION ........................................... 128

CHAPITRE 5 PRÉSENTATION DU CORPUS ................................................................................. 129

5.1 Contexte familial : origines et rapports aux langues ......................................................... 129

5.1.1 Origine ethnolinguistique des parents .................................................................. 130

5.1.2 Origine sociale des parents ................................................................................. 131

5.1.3 Importance de la langue française pour les parents ............................................ 134

5.1.4 Importance de la langue anglaise pour les parents ............................................. 136

5.1.5 Rapport des parents à la Charte de la langue française ...................................... 139

5.2 Scolarité obligatoire en français et apprentissage de l’anglais ......................................... 141

5.3 Identité linguistique et civique dans l’enfance et à l’adolescence ..................................... 145

5.4 Profil ethnolinguistique des amitiés dans l’enfance et à l’adolescence ............................. 149

5.5 Profil linguistique des pratiques culturelles dans l’enfance et à l’adolescence ................. 150

5.6 Études collégiales en anglais ........................................................................................... 152

5.7 Parcours scolaires après le cégep anglophone ................................................................ 154

5.8 Parcours professionnels, langues et lieux géographiques ................................................ 156

5.9 Conclusion ........................................................................................................................ 158

CHAPITRE 6 FAIRE L’EXPÉRIENCE DU CHOIX D’UN CÉGEP ANGLOPHONE .......................... 161

6.1 Choix stratégique .............................................................................................................. 163

6.2 Choix de développement personnel ................................................................................. 168

6.3 Choix par défaut ............................................................................................................... 174

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6.4 Conclusion ........................................................................................................................ 177

CHAPITRE 7 EXPÉRIENCES DES ÉTUDES COLLÉGIALES EN ANGLAIS .................................. 179

7.1 Expérience d’intégration facilitée ...................................................................................... 181

7.2 Expérience d’intégration sélective .................................................................................... 185

7.3 Expérience d’intégration stratégique ................................................................................ 189

7.4 Expérience d’intégration sous tensions ............................................................................ 194

7.5 Expérience de rupture ...................................................................................................... 199

7.6 Conclusion ........................................................................................................................ 202

CHAPITRE 8 PROCESSUS DE SOCIALISATION À L’ANGLAIS DANS LA SUITE DU PARCOURS DE VIE ............................................................................................................................................. 206

8.1 Identité linguistique et civique après les études collégiales en anglais ............................. 207

8.1.1 Maintien d’une identité linguistique francophone ................................................. 207

8.1.2 Maintien et modification des identités civiques .................................................... 211

8.2 Parcours de socialisation à l’anglais suivant les études collégiales .................................. 215

8.2.1 Parcours d’anglicisation ....................................................................................... 215

8.2.2 Parcours de continuation dans des sphères anglophones .................................. 217

8.2.3 Parcours de navigation entre l’anglais et le français ............................................ 221

8.2.4 Parcours de retour à des sphères francophones ................................................. 224

8.2.5 Parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle ............................ 227

8.2.6 Parcours de détachement face à l’anglais ........................................................... 231

8.2.7 Parcours de déplacement vers l’espagnol ........................................................... 233

8.3 Conclusion ........................................................................................................................ 236

CONCLUSION GÉNÉRALE............................................................................................................. 239

I. Rappel de la problématique et des objectifs de recherche ............................................... 239

II. Résumé de la démarche théorique et méthodologique .................................................... 242

III. Résumé et discussion des résultats ................................................................................. 245

a. Les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais .............................. 246

b. Les expériences des études collégiales en anglais ............................................. 249

c. Les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel ................................................................................... 253

d. Croisement des trois typologies ........................................................................... 258

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IV. Retombées sociales ......................................................................................................... 263

V. Pistes de recherche .......................................................................................................... 266

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................................................ 269

ANNEXE 1 Charte canadienne des droits et libertés, article 23 ....................................................... 300

ANNEXE 2 Charte de la langue française, la langue d’enseignement ............................................. 302

ANNEXE 3 Formulaire de consentement ......................................................................................... 308

ANNEXE 4 Message de recrutement, version française .................................................................. 311

ANNEXE 5 Message de recrutement, version anglaise ................................................................... 312

ANNEXE 6 Guide d’entretien ........................................................................................................... 313

ANNEXE 7 Questionnaire sociodémographique .............................................................................. 318

ANNEXE 8 Canevas de synthèse d’entrevue .................................................................................. 322

ANNEXE 9 Exemple de fiche de parcours ....................................................................................... 323

ANNEXE 10 Grille d’analyse des raisons d’étudier dans un cégep anglophone (objectif 1) ............ 327

ANNEXE 11 Grille d’analyse de l’expérience des études collégiales en anglais (objectif 2) ............ 328

ANNEXE 12 Grille d’analyse du processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours (objectif 3) ........................................................................................................................................ 329

ANNEXE 13 Croisement des trois typologies .................................................................................. 331

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Établissements d’enseignement collégial anglophones et établissements d’enseignement collégial francophones offrant des sections anglophones .................................................................. 30

Tableau 2. Origine ethnolinguistique des parents ............................................................................ 130

Tableau 3. Scolarité des parents où au moins un des deux a effectué des études supérieures ...... 131

Tableau 4. Scolarité des parents n’ayant pas effectué d’études supérieures .................................. 132

Tableau 5. Langue(s) de scolarisation des parents ......................................................................... 133

Tableau 6. Langue(s) de travail des parents .................................................................................... 134

Tableau 7. Importance de la langue française pour les parents ....................................................... 136

Tableau 8. Importance de la langue anglaise pour les parents ........................................................ 139

Tableau 9. Rapport des parents à la Charte de la langue française (Loi 101) ................................. 140

Tableau 10. Type d’école de langue française fréquentée au primaire et au secondaire ................ 141

Tableau 11. Apprentissage de l’anglais dans le cadre scolaire ........................................................ 142

Tableau 12. Apprentissage de l’anglais dans un contexte hors-scolaire .......................................... 143

Tableau 13. Connaissances en anglais « autorapportées » par les participants ............................. 144

Tableau 14. Connaissances en français « autorapportées » par les participants ............................ 145

Tableau 15. Identité linguistique dans l’enfance et à l’adolescence ................................................. 146

Tableau 16. Identité civique dans l’enfance et à l’adolescence ........................................................ 149

Tableau 17. Profil ethnolinguistique des amitiés dans l’enfance et à l’adolescence ........................ 150

Tableau 18. Langue(s) des pratiques culturelles dans l’enfance et à l’adolescence ........................ 152

Tableau 19. Cégep anglophone fréquenté ....................................................................................... 153

Tableau 20. Programmes d’études au cégep anglophone ............................................................... 154

Tableau 21. Langue(s) de scolarisation dans le parcours scolaire suivant le cégep anglophone .... 156

Tableau 22. Langue(s) de travail dans le parcours professionnel .................................................... 157

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Tableau 23. Lieu(x) géographique(s) de travail dans le parcours professionnel .............................. 158

Tableau 24. Identité linguistique après les études collégiales en anglais et dans la suite du parcours de vie ............................................................................................................................................... 211

Tableau 25. Identité civique après les études collégiales en anglais dans la suite du parcours de vie ......................................................................................................................................................... 215

Tableau 26. Croisement des types de choix du cégep anglophone et des types d’expérience d’études collégiales en anglais ....................................................................................................................... 259

Tableau 27. Croisement des types de choix du cégep anglophone et des types de parcours de socialisation à l’anglais .................................................................................................................... 261

Tableau 28. Croisement des types d’expérience d’études collégiales en anglais et des types de parcours de socialisation à l’anglais ................................................................................................. 263

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LISTE DES FIGURES

Figure 1. Trois temps du parcours de vie ........................................................................................... 99

Figure 2. Typologie des choix du cégep anglophone ....................................................................... 162

Figure 3. Typologie des expériences d’études collégiales en anglais .............................................. 181

Figure 4. Types d’expérience des études collégiales en anglais selon l’adhésion scolaire et l’adhésion sociale ............................................................................................................................. 204

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À mes parents et à François, pour leur amour et leur soutien inconditionnels

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If you can’t fly then run, if you can’t run then walk,

if you can’t walk then crawl, but whatever you do you have to keep moving forward.

Martin Luther King Jr.

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REMERCIEMENTS

La réalisation d’une thèse de doctorat est sans conteste le fruit d’un travail de longue haleine, constant

et acharné. Il serait faux de dire que mon parcours n’a pas été parsemé d’embûches et d’épreuves de

toutes sortes, mais, aujourd’hui, je ressens une grande fierté d’avoir réussi à les surmonter.

L’avancement et l’achèvement de ce projet sont dus à la présence et à l’appui de ma direction de

recherche. C’est pourquoi j’aimerais tout d’abord remercier Annie Pilote, ma directrice de recherche,

qui a cru en moi tout au long de ces années remplies de hauts et de bas. Merci Annie pour ta

disponibilité, tes encouragements ainsi que ton regard critique et constructif sur mon travail. J’aimerais

aussi remercier Marie-Odile Magnan, ma codirectrice de recherche, pour ses encouragements, son

souci du détail et ses bons conseils. Toutes les deux, vous avez formé une superbe équipe pour

m’accompagner dans mon parcours doctoral. Merci pour tout!

Je tiens également à remercier les membres du jury. Plus particulièrement, Claire Lapointe, pour sa

prélecture minutieuse et précise qui m’a permis de bonifier mon travail. Je remercie France Picard et

Sylvie A. Lamoureux pour leur lecture attentive de ma thèse.

J’aimerais aussi remercier sincèrement les participants qui ont accepté de participer à ma recherche

en me livrant avec générosité le récit de leur vie. Grâce à vos récits, j’ai réussi à mieux comprendre

les parcours de jeunes francophones qui ont réalisé des études collégiales en anglais au Québec.

Au fil de ces années, plusieurs collègues ont marqué mon parcours doctoral. D’abord, Claudia Prévost,

qui a été mon acolyte durant mon doctorat, mais avec qui, surtout dans les dernières années, s’est

développée une réelle et sincère amitié. Claudia, je te remercie pour ton authenticité, ta bonne humeur,

ton écoute et ton appui. Je souhaite aussi remercier Sofia Arsenii, avec qui j’ai développé une relation

d’amitié et de complicité qui m’a aidée à garder le droit chemin. Mes remerciements vont également à

Andy Dimitri Veilleux, avec qui j’ai partagé les plus intéressantes et apaisantes conversations

spontanées à la bibliothèque. Enfin, je remercie mes collègues-amies de la revue INITIO, Stéphanie

Bauer, Amélie Groleau, Isabelle Skakni, Marianne St-Onge et Anne Thériault, avec qui j’ai vécu une

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superbe expérience d’édition scientifique. Vous avez su être présentes et encourageantes lors de la

rédaction de ma thèse.

Un immense merci à Louise Trudel, avec qui j’ai développé une belle relation amicale. Nos

conversations m’ont divertie, fait rire et réfléchir, mais tes encouragements sincères et ta générosité

m’ont permis de faire avancer ma thèse dans les derniers mois.

Merci aussi à Lorraine O’Donnell et à Jeanne Valois qui m’ont aidée dans l’avancement de certaines

étapes de ma recherche, mais qui ont aussi su me faire comprendre avec plus de justesse les

communautés québécoises d’expression anglaise.

J’aimerais également remercier les organismes subventionnaires qui m’ont fourni un soutien financier

important : le Fonds de Recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC), le Quebec City Women’s

Club (QCWC) et le Fonds Desjardins en développement de carrière.

Le mot de la fin est destiné à des personnes de mon réseau familial et amical qui m’ont épaulée dans

cette aventure intense en émotions. Un immense merci à mes parents qui m’ont encouragée, comprise

et soutenue plus que tout pendant mes années d’études. Merci de m’avoir encouragée à me dépasser

et à aller au bout de mes rêves. Je remercie aussi ma sœur Kristelle pour ses encouragements.

François, il n’y a pas de mots assez puissants et justes pour te dire à quel point ton amour, ta

compréhension, ton écoute et tes encouragements m’ont enveloppée et nourrie pendant ces dernières

années. Merci de m’avoir donné l’énergie et la force de terminer ce projet d’envergure. Ta patience et

ton aide, qui se sont avérées si précieuses et salvatrices tout au long du sprint final, m’ont aidée à

surmonter toutes les difficultés rencontrées en informatique.

Enfin, merci à mes fidèles amies qui, au fil des années, ont tenté au mieux de m’encourager, de

m’écouter et de me comprendre : Isabelle Émond-Alarie, Mélissa Giroux et Catherine Guillemette (qui

a réalisé si minutieusement la relecture finale de ma thèse). Pour leur amitié et leur compréhension

quant à mon manque de disponibilité ces dernières années, je remercie Nathalie Angers, Isabelle

Berrigan-Couture, Myriam Boivin-Villeneuve, Éric Boucher, Michel Dion, Nathalie Dion, Véronic Dufour,

Roxanne Gingras, Mégane Girard, Émilie Giroux, Vincent Labonté, Andrée-Anne Lacasse, Pierre

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xix

Laflamme, Natacha Matte, Carole Mongbé, Ingrid Pruneau, Amira Sassi, Caroline Savoie, Jonathan

Simard, Fun-Qun Tom et Patrick Turner (qui a si bien traduit le résumé en anglais de ma thèse).

Page 20: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

1

INTRODUCTION

Au Québec, les rapports de force entre le français et l’anglais structurent l’histoire et les enjeux

contemporains de la province. En 1977, le Québec s’est doté d’une politique linguistique, la Charte de

la langue française (communément appelée Loi 101), faisant du français la seule langue officielle de

la province et obligeant, en éducation, une scolarisation primaire et secondaire en français. Si la Charte

vise à préserver le français et la culture francophone dans la province, force est d’admettre que le

Québec demeure une « majorité fragile » (Mc Andrew, 2010)1 au sein d’un environnement nord-

américain dominé par l’anglais. Plus encore, l’attrait pour l’anglais demeure présent chez les jeunes

Québécois (St-Laurent, Maraillet, Chastenay, & Tessier, 2008) alors que le français et l’anglais

s’inscrivent dans un marché où les langues n’ont pas le même poids, notamment sur le plan

économique et culturel (Calvet, 2002, 2005). Cet attrait pour l’anglais se manifeste aussi dans les

parcours à l’enseignement supérieur2, alors que les niveaux d’enseignement collégial3 et universitaire

ne sont pas soumis à la Loi 101. Ainsi, de plus en plus de jeunes, qui ont réalisé leurs études primaires

et secondaires en français, choisissent de poursuivre leurs études à l’enseignement supérieur en

anglais (Office québécois de la langue française, 2017b).

Alors que le champ de recherches scientifiques sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur

foisonne, peu de recherches se sont consacrées à considérer la langue d’études (Lamoureux, 2007,

2011). Au Québec, celles qui se sont intéressées aux parcours étudiants à l’enseignement supérieur

en anglais se concentrent essentiellement, mais pas exclusivement, sur les jeunes allophones ou les

jeunes issus de l’immigration qui sont soumis à la Loi 101 (Girard-Lamoureux, 2004). Les recherches

actuelles nous éclairent donc peu sur les jeunes francophones qui font le choix du cégep anglophone.

1 Dans cette thèse, les références présentées dans le texte et en liste bibliographique sont conformes aux normes de l’American Psychological Association, 6e édition.

2 Les termes « enseignement supérieur » et « enseignement postsecondaire » sont généralement synonymes et ils renvoient aux études suivant celles effectuées au secondaire. Dans un effort de cohérence dans la thèse, nous optons pour le terme « enseignement supérieur ».

3 Dans notre thèse, les termes collège et cégep renvoient tous les deux au collège d’enseignement général et professionnel, institution d’enseignement supérieur spécifique au Québec.

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Dans ce contexte, nous souhaitons mieux comprendre les parcours de jeunes francophones qui

choisissent d’étudier dans un cégep anglophone. En quoi ce choix colore-t-il ou non la suite de leur

parcours de vie ? Nous posons donc la question de recherche à savoir : quels sont les parcours

scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones qui ont fréquenté un cégep de langue

anglaise au Québec ? À cette question sont attachés trois objectifs spécifiques de recherche : 1)

identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais; 2) identifier les expériences

d’études collégiales en anglais; 3) dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du

parcours scolaire, professionnel et personnel; 3a) déterminer si le cégep anglophone contribue ou non

à moduler les identités linguistiques et civiques dans la suite du parcours de vie.

Pour répondre à cette question et à ces objectifs de recherche, nous mobilisons une approche

constructiviste de la sociologie de l’éducation qui considère la capacité interprétative de l’acteur

(Lapassade, 1996). Nous adoptons également une épistémologie constructiviste (Fourez & Larochelle,

2004) et nous privilégions une approche qualitative qui, toutes les deux, permettent de comprendre le

sens que les acteurs donnent à leurs actions (Paillé & Mucchielli, 2012; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004).

Plus concrètement, notre thèse est constituée de deux parties. La première présente la problématique,

la recension des écrits et le cadre théorique et méthodologique. La seconde présente l’analyse et la

discussion des résultats.

Le chapitre 1 présente la problématique de la recherche. Nous introduisons d’abord la notion de

marché des langues qui structure les rapports de pouvoir et de force entre le français et l’anglais. Ces

rapports teintent l’histoire du Québec, notamment au travers de la Charte de la langue française. Si

l’éducation a particulièrement été touchée par la Loi 101, rendant obligatoire la scolarisation primaire

et secondaire en français, la liberté de choisir la langue d’études s’opère à l’enseignement supérieur.

Cette situation génère un débat sociopolitique qui perdure depuis de nombreuses années quant à

l’accès aux cégeps anglophones alors qu’une augmentation de la fréquentation de ces établissements

se remarque chez les jeunes qui proviennent du réseau d’enseignement primaire et secondaire

francophone et qui ont le français comme langue maternelle. Face à cela, les cégeps anglophones se

caractérisent par un historique d’accueil, d’aide et de valorisation de populations étudiantes non

anglophones. Au terme de ce premier chapitre, nous formulons une question générale de recherche.

Page 22: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

3

La recension des écrits scientifiques fait l’objet du deuxième chapitre. Si le champ de recherche sur

les parcours étudiants à l’enseignement supérieur est composé d’écrits sur des populations étudiantes

et des thématiques diversifiées, force est d’admettre que la langue d’études est peu considérée. Or,

au Canada, des recherches ont été menées sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur

chez les francophones en situation minoritaire ainsi qu’auprès d’étudiants qui réalisent des études à

l’enseignement supérieur en anglais au Québec. Nous montrons donc en quoi les écrits sur les

parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais nous éclairent peu sur les jeunes

francophones. Ce chapitre se conclut avec la formulation d’une question et d’objectifs spécifiques de

recherche.

Le chapitre 3 présente le cadre théorique. Dans une approche constructiviste de la sociologie de

l’éducation, nous mobilisons plus particulièrement la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b,

2017) et l’approche processuelle (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010). Ces deux cadres théoriques nous

permettent de rendre compte à la fois de la capacité interprétative de l’acteur, mais aussi du rôle des

structures sociales. La sociologie de l’expérience sociale – au travers de l’articulation des logiques

d’action que sont l’intégration, la stratégie et la subjectivation – est le cadre théorique mobilisé pour

comprendre les expériences de choix du cégep anglophone (premier objectif) et les expériences

d’études collégiales en anglais (deuxième objectif). L’approche processuelle est le second cadre

théorique qui – en mettant en saillance la temporalité dans sa finesse et sa complexité – nous permet

de comprendre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours (troisième objectif).

Le cadre méthodologique constitue le quatrième chapitre. Nous y présentons notre posture

épistémologique constructiviste ainsi que notre approche qualitative qui placent l’acteur comme

l’auteur de son expérience et de son parcours. Nous avons réalisé 37 entretiens de type récit de vie

(Bertaux, 2010) auprès de jeunes francophones qui ont fréquenté un cégep anglophone et qui, au

moment de l’entrevue, sont sur le marché du travail. À travers ce regard rétrospectif, nous avons

documenté leur parcours. Plusieurs niveaux d’analyse ont été réalisés pour parvenir à effectuer trois

analyses typologiques correspondant à nos trois objectifs spécifiques de recherche.

La deuxième partie de la thèse est consacrée à l’analyse et à la discussion des résultats. Le chapitre

5 ouvre cette partie par une présentation descriptive du corpus. Ce chapitre permet de dresser un

portrait des participants à la recherche. Nous y présentons d’abord un portrait de la famille au regard

Page 23: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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de l’origine ethnolinguistique et sociale ainsi que des rapports aux langues française et anglaise et à

la Loi 101 chez les parents. Ensuite, nous portons notre attention sur les participants au travers

d’éléments liés à leur scolarisation obligatoire en français et à leur apprentissage de l’anglais. Nous

focalisons aussi notre intérêt sur l’identité linguistique et civique, les relations amicales au regard des

langues et les pratiques culturelles et linguistiques dans l’enfance et à l’adolescence. Par la suite, nous

présentons un portrait des études collégiales en anglais pour terminer avec un portrait de la suite du

parcours scolaire et professionnel.

Le sixième chapitre présente une typologie des expériences de choix du cégep anglophone. Cette

typologie est une réponse au premier objectif spécifique de la recherche. Au regard de la sociologie

de l’expérience, nous montrons que trois types d’expérience de choix émergent de nos données : le

choix stratégique, le choix de développement personnel et le choix par défaut. Nos résultats exposent

donc que le choix du cégep anglophone se fait surtout, d’un côté, dans une perspective stratégique

liée au marché du travail et, d’un autre côté, dans une perspective d’accomplissement personnel. Or,

ce choix de développement personnel s’articule aussi, dans un sous-type hybride, dans des

considérations stratégiques liées à des perspectives professionnelles. Le choix par défaut, quant à lui,

renvoie au choix du cégep anglophone qui se fait d’abord et avant tout pour une raison extérieure à la

langue anglaise. Nos résultats montrent enfin l’absence, dans le choix du cégep anglophone, d’un désir

d’intégration à la communauté anglophone ou d’adoption des valeurs transmises par les cégeps

anglophones.

Le chapitre 7 expose une seconde typologie portant cette fois sur les expériences d’études collégiales

en anglais comme réponse à notre deuxième objectif spécifique de recherche. Cinq types d’expérience

ont émergé de nos analyses qui entrecroisent les logiques d’action de la sociologie de l’expérience

(l’intégration, la stratégie et la subjectivation) et une adhésion différenciée sur le plan scolaire et sur le

plan social. Ainsi, ces cinq types sont l’expérience d’intégration facilitée, l’expérience d’intégration

sélective, l’expérience d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration sous tensions et l’expérience

de rupture. Notre typologie montre que différentes expériences d’études collégiales en anglais sont

vécues par des étudiants francophones, allant d’une expérience facilitée sur le plan scolaire et social

à une expérience marquée par l’abandon des études collégiales en anglais.

Page 24: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

5

Le chapitre 8 présente une troisième typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite

du parcours scolaire, professionnel et personnel. Nous portons d’abord notre attention sur les identités

linguistiques et civiques. Cela nous permet de montrer que le passage par le cégep anglophone ne

modifie pas l’identité linguistique francophone qui était présente dans l’enfance et à l’adolescence.

Aussi, même si la majorité des identités civiques demeurent identiques, pour une minorité de

participants, il y a une ouverture à une identité canadienne. La typologie des processus de socialisation

à l’anglais est ensuite présentée. Les types montrent l’entrecroisement des pratiques linguistiques

dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle dans la suite du parcours. Sept types ont

émergé de nos analyses : le parcours d’anglicisation, le parcours de continuation dans des sphères

anglophones, le parcours de navigation entre l’anglais et le français, le parcours de retour à des

sphères francophones, le parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle, le parcours de

détachement face à l’anglais et le parcours de déplacement vers l’espagnol.

La conclusion générale de la thèse présente d’abord un rappel de la problématique sociale et

scientifique qui nous a conduite à formuler notre question et nos objectifs spécifiques de recherche.

Un rappel de la démarche théorique et méthodologique est ensuite fait. Nous nous attardons par la

suite à présenter un résumé ainsi qu’une discussion des résultats de chacun de nos objectifs au regard

des recherches antérieures. Nous concluons avec les retombées sociales de la thèse sur quatre plans :

le débat sociopolitique sur l’accès aux cégeps anglophones, les rapports aux langues chez les jeunes

franco-québécois, l’apport de connaissances utiles pour les établissements d’enseignement collégial

anglophones ainsi que les nouvelles connaissances scientifiques pour les acteurs de l’orientation

scolaire et professionnelle. Des pistes de recherche, qualitatives et quantitatives, sont finalement

présentées en ce qui a trait à des recherches sur les rapports de force entre les langues dans d’autres

contextes : provincial, national et international. Ces propositions de recherche concernent à la fois les

étudiants à l’enseignement supérieur, mais aussi les acteurs du système de l’éducation.

Page 25: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

PREMIÈRE PARTIE

PROBLÉMATIQUE, RECENSION DES ÉCRITS ET

CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE

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7

CHAPITRE 1

PROBLÉMATIQUE

Notre problématique décrit le problème social qui guide notre thèse doctorale. L’existence d’un marché

des langues mondial, où le français et l’anglais n’ont pas le même poids démographique, économique,

politique et culturel, n’est certainement pas sans impacts sur la province francophone du Québec qui

évolue au sein d’un Canada et d’une Amérique du Nord majoritairement anglophones. Dans ce

contexte, l’histoire du Québec est empreinte de tensions linguistiques entre francophones et

anglophones depuis la Conquête britannique (1759-1760). L’adoption de la Charte de la langue

française (Loi 101) en 1977, dont le but était d’« assurer la qualité et le rayonnement de la langue

française » (Éducaloi, 2018) dans cette province, représente un effort de régulation des tensions

linguistiques au Québec en faisant du français la langue officielle unique. Cette législation a eu un

impact majeur en éducation, créant une obligation de scolarisation en français au primaire et au

secondaire4. Toutefois, l’accès aux études à l’enseignement supérieur (collégial et universitaire) en

anglais n’est pas soumis à la Loi 101. Cette accessibilité alimente, depuis des décennies, un débat

sociopolitique sur l’accès aux établissements collégiaux de langue anglaise, opposant des tenants du

libre choix à ceux qui souhaitent le prolongement de la Loi 101 à l’enseignement collégial. L’enjeu

principal concerne l’équilibre démolinguistique entre le français et l’anglais dans la province. Sur le

plan statistique, les pourcentages de jeunes Québécois qui accèdent aux études collégiales en anglais

tendent à augmenter (Office québécois de la langue française, 2017b). Face à cela, les cégeps

anglophones ont un historique lié à la diversité qui permet l’accueil et la valorisation de populations

étudiantes non anglophones, mais qui n’est pas sans présenter certains défis. Dans ce contexte, nous

avons choisi de nous pencher sur les parcours à l’enseignement supérieur ainsi que sur les parcours

professionnels de jeunes francophones qui réalisent des études collégiales en anglais au Québec.

Le premier chapitre de cette thèse doctorale, présentant la problématique de recherche, est composé

de six sections. La première section discute de la place du français et de l’anglais au sein du marché

4 Précisons que cette obligation de la scolarisation en français au primaire et au secondaire s’effectue sous réserve de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi 101 elle-même. Nous reviendrons et préciserons plus loin dans ce chapitre l’application de la Loi 101 en éducation.

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des langues. La deuxième section dresse un portrait historique et actuel de la Charte de la langue

française au Québec au travers des questions de protection linguistique, d’affirmation identitaire et des

modulations éducatives. Ensuite, nous présentons le débat sociopolitique qui a cours au Québec

concernant l’accès aux établissements collégiaux de langue anglaise. Nous dressons par la suite un

portrait statistique de la fréquentation des cégeps anglophones au regard de différents indicateurs.

S’ensuit une présentation des cégeps anglophones afin de mieux comprendre leur historique, leurs

missions et leurs défis. Finalement, ce chapitre se conclut avec la présentation de la question générale

de recherche. Dans l’ensemble, il nous permet de situer la pertinence sociale de la recherche.

1.1 Le français et l’anglais au sein du marché des langues

Au regard de la sociologie, les langues ne sont pas neutres. En effet, une compétence linguistique ne

constitue un capital linguistique que lorsque cette compétence est en relation avec d’autres langues

au sein d’un marché où elles possèdent des valeurs diverses. Les rapports qui hiérarchisent les

langues se comprennent au travers des rapports de force économiques et culturels (Bourdieu, 1977,

1982, 2001). Si, pour Bourdieu, les langues s’équivalent linguistiquement parlant, il n’en est pas ainsi

sociologiquement, puisque le capital linguistique contribue au capital symbolique de l’individu (c’est-à-

dire à son capital économique et culturel). Le degré de connaissances et de compétences linguistiques

que détient un individu lui confère dès lors un pouvoir et un prestige donnant accès à des ressources,

entre autres sociales, éducationnelles et matérielles, et ce, selon les statuts des langues en question.

La langue contribue ainsi au pouvoir symbolique des individus tout en exposant les rapports sociaux

(Bourdieu, 1977, 1982, 2001).

Si les langues ne sont pas neutres et s’inscrivent dans un marché des langues (Calvet, 2002, 2005),

de nos jours, l’anglais y figure comme la lingua franca à l’échelle mondiale (Oakes & Warren, 2009).

En effet, l’anglais est vu comme la seule langue hypercentrale, considérant son statut officiel dans

plusieurs pays puissants, sa place importante dans les relations internationales et son rôle

prépondérant dans de nombreux pays (Calvet, 2002; de Swaan, 2001). Toutefois, l’anglais est aussi

vu comme un instrument d’une nouvelle forme de domination et de colonialisme culturel – plus

Page 28: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

9

particulièrement états-unien – qui entrave la diversité linguistique et culturelle5 (Phillipson, 1992, 2008;

Tollefson, 1991). Ceci étant dit, il n’en demeure pas moins que l’anglais est une langue fortement

présente, tant à l’échelle internationale que nationale et locale, et sa valorisation demeure manifeste

(Ferguson, 2006; Hamel, 2010; Truchot, 2005). Quant au français, il occupe une place seconde –

supercentrale – à une échelle internationale6. En effet, c’est une langue officielle dans plusieurs pays

importants et il est largement diffusé à l’international (Calvet, 2002; de Swaan, 2001). Selon Hamel

(2010), le bilinguisme qui peut découler de l’apprentissage ou de la maîtrise de plusieurs langues est

soit horizontal, lorsqu’il concerne des langues du même niveau (ex. : la maîtrise de deux langues

supercentrales), soit vertical, lorsque les langues ne sont pas du même niveau (ex. : la maîtrise d’une

langue supercentrale et d’une langue hypercentrale).

Au Canada, il existe deux langues officielles : l’anglais et le français. Or, ce bilinguisme légal n’est que

théorique, puisque l’anglais domine le paysage linguistique et que le français est la langue de la

majorité uniquement au Québec. Si le Québec est la seule province canadienne à avoir le français

comme unique langue officielle7, les francophones y demeurent une « majorité fragile » (Mc Andrew,

2010) au sein d’une Amérique du Nord majoritairement anglophone. Plus encore, des communautés

anglophones en situation linguistique minoritaire sont présentes dans la province de Québec. Au cours

des dernières décennies, marquées par l’affirmation identitaire de la nation franco-québécoise, les

anglophones en seraient venus à se définir comme une minorité au Québec, et non plus comme une

majorité au Canada et en Amérique du Nord (Caldwell & Waddell, 1982; Vieux-Fort, 2009a), les

positionnant alors comme une « minorité dans une minorité » (minority within a minority) (Dobie, 2008;

Quebec Community Groups Network, 2009)8. Considérant le statut de l’anglais à l’échelle nationale et

5 Pour Phillipson (2008), considérer l’anglais comme la lingua franca devrait faire référence à un instrument de communication neutre. Or, l’anglais serait tout sauf neutre et devrait davantage être qualifié de lingua economica (langue des affaires économiques), de lingua emotiva (langue de consumérisme), de lingua academica (langue universitaire et de savoir scientifique), de lingua cultura (langue culturelle) et de lingua bellica (langue d’ingérence politique et militaire). Ce faisant, il serait plus adéquat de parler de lingua americana en référence à la forte présence des États-Unis à l’échelle internationale.

6 D’autres langues que le français sont considérées comme supercentrales : l’espagnol, le portugais, le chinois, le japonais, le russe et l’allemand (Hamel, 2010).

7 Soulignons que le Nouveau-Brunswick et le Nunavut ont également le français comme l’une de leurs langues officielles.

8 Précisons ici que, pour les anglophones du Québec, les marqueurs identitaires sont multiples et que tous ne se définissent pas forcément comme une minorité au Québec (Magnan, 2008).

Page 29: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

10

internationale, il semble juste de parler ici d’une « minorité forte » (powerful minority) (Groff, Pilote, &

Vieux-Fort, 2016a, 2016b)9.

Alors que les politiques linguistiques sont généralement imposées par le « haut » (Kaplan & Baldauf,

1997), elles sont souvent négociées, interprétées et vécues différemment à un niveau plus local dans

les institutions et par les individus (Canagarajah, 2005; Ricento & Hornberger, 1996). Au Québec, la

Charte de la langue française, adoptée en 1977, a fait du français la langue officielle de cette province.

Or, cette loi n’empêche pas l’attrait pour d’autres langues, dont la langue anglaise. En effet, chez les

francophones et les allophones du Québec, l’attrait pour la langue anglaise est sans conteste,

considérant la position et l’influence de cette langue en Amérique du Nord (Commission des États

généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 2001). En outre, chez les jeunes

Québécois se manifestent, depuis des décennies, des attitudes favorables face à la langue anglaise

(Boulé, 2002), une conscience de l’importance de l’anglais (Locher, 1993; St-Laurent et al., 2008), tout

comme des motivations à apprendre l’anglais (Clément, 1976; Kirilova, 2016).

Sur le plan identitaire, le Québec se trouve donc à une sorte de croisée des chemins, où la protection

de la langue française est fondamentale pour une continuité identitaire et linguistique, mais où les

réalités de la mondialisation, où l’anglais domine, amènent le Québec et les Québécois à entretenir

des relations avec l’anglais (Arcand, 2012; Lamarre & Lamarre, 2006; Veillette, 2005). Une distinction

peut alors s’opérer entre l’anglais comme lingua franca et l’anglais comme langue identitaire (Frangini,

2013; Heller, Lamarre, & Mc Laughlin, 2009) :

Sans pour autant devenir neutre, l’anglais devient en certaines situations une langue coupée de son association avec l’identité linguistique des interlocuteurs. Pour les francophones du Québec, la mondialisation oblige un jeu difficile : continuer de veiller à limiter l’utilisation de la langue anglaise dans le milieu du travail québécois [entre autres] tout en y développant les ressources humaines nécessaires pour communiquer avec l’extérieur, surtout en anglais, mais aussi en d’autres langues. (Lamarre & Lamarre, 2006, p. 66)

9 Dans sa thèse de doctorat, Jean-Pierre (2016) s’est intéressée aux croyances, aux attitudes et aux pensées d’étudiants franco-ontariens et anglo-québécois lors de leurs études postsecondaires en ce qui concerne leur identité linguistique, mais aussi la culture, leur éducation et le rôle du bilinguisme. Les résultats de sa recherche qualitative montrent que pour les anglo-québécois, il importe d’être pleinement acceptés comme Québécois ne craignant toutefois par pour l’anglais au Québec dans le futur tandis que les franco-ontariens s’inquiètent davantage pour le futur de leurs communautés. Cela montre le poids distinctif et divergent de l’anglais et du français au Canada.

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Également, dans le contexte de mondialisation et d’économie du savoir, si l’éducation constitue un

capital humain, les connaissances linguistiques contribuent certainement à ce dernier, tant pour les

individus que pour les entreprises (Commissariat aux langues officielles, 2009; Dubois, LeBlanc, &

Beaudin, 2006). La langue occupe une place centrale sur le marché du travail, puisque le bilinguisme

et le plurilinguisme renvoient aujourd’hui à une image de performance de l’individu sur le plan

professionnel et à une donnée économique, où le capital linguistique est vu comme un facteur de

rentabilité (Canut & Duchêne, 2011). En somme, les langues représentent assurément une ressource

au sein de la nouvelle économie (Heller, 2005; Heller & Boutet, 2006; Mc Laughlin, Bagaoui, & LeBlanc,

2013)10. Les compétences linguistiques recherchées sur le marché du travail peuvent toutefois

apparaître comme un outil de discrimination « légitime » face à certains groupes linguistiques qui ne

maîtrisent pas suffisamment certaines langues, en l’occurrence le français et l’anglais en contexte

québécois et canadien (Mc All, 2003). Toujours dans le contexte actuel de mondialisation, le

bilinguisme et le plurilinguisme peuvent aussi être considérés comme un signe d’ouverture sociale et

de respect des différences (Canut & Duchêne, 2011; Commissariat aux langues officielles, 2009; St-

Laurent et al., 2008).

Ainsi, dans le marché des langues, le français et l’anglais ne possèdent pas le même poids sur les

plans démographique, économique, politique et culturel. À une échelle nationale et provinciale, les

rapports de force entre le français et l’anglais structurent l’histoire du Canada et du Québec depuis des

siècles. L’adoption de la Charte de la langue française au Québec est un effort de régulation des

rapports de force entre ces langues.

1.2 La Charte de la langue française au Québec : protection linguistique,

affirmation identitaire et modulations éducatives

L’histoire du Québec est empreinte d’enjeux et de tensions linguistiques entre le français et l’anglais

depuis la Conquête de 1759-1760, qui marque la fin de la colonie française qui passe aux mains des

Britanniques11. Même si la colonie demeure plus que majoritairement francophone et que les efforts

10 L’économie des langues est un champ de recherche scientifique qui explore notamment le pouvoir des langues sur le plan économique (Duchêne & Heller, 2012; Grin, 1997).

11 C’est en 1763 que la Nouvelle-France devient officiellement une possession britannique lors du Traité de Paris. La même année, la Proclamation royale officialise l’implantation des lois et des institutions britanniques (Dickinson & Young, 2003).

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d’assimilation sont plutôt vains (Leclerc, 2010), les anglophones détiennent néanmoins le pouvoir

politique et économique12. En effet, une bourgeoisie capitaliste britannique se met alors en place,

favorisant les locuteurs anglophones et faisant de l’anglais la langue principale du commerce et de

l’industrie. Cette situation amène les francophones à être confinés dans une position de domination

socioéconomique pour de nombreuses décennies (Martel & Pâquet, 2010, 2016). Si l’anglais domine,

un unilinguisme ne s’opère pas forcément dans la sphère politique alors qu’un bilinguisme législatif est

mis en place dès 1774 (Acte de Québec) pour se poursuivre à la formation de la fédération canadienne

en 186713 (Leclerc, 2010). Toutefois, ce bilinguisme législatif ne signifie pas la reconnaissance d’un

statut égal pour le français dans les milieux politiques et économiques. En outre, au fil des 19e et 20e

siècles, un renversement de pouvoir politique s’opère puisque les francophones en viennent à acquérir

une autonomie parlementaire longtemps détenue par les Britanniques (Couturier, Johnston, &

Ouellette, 2000; Lacoursière, Provencher, & Vaugeois, 2011; Robert & Tondreau, 2011)14.

Au Québec, la période de l’après-Deuxième Guerre mondiale, soit après 1945, est marquée par des

changements sociaux comme la montée de l’individualisme, le développement des technologies de la

communication, une nouvelle vague de mouvements de migrations internationales et une

démocratisation de l’accès à l’éducation (Martel & Pâquet, 2010). Cette période de changements mène

notamment à l’émergence d’une classe moyenne francophone (Heller, 2002).

Dans cette mouvance sociale, la Révolution tranquille, qui a cours au Québec durant les années 1960

et 1970, mène à des transformations radicales de la société15. Le slogan « Maîtres chez nous » montre

l’importance des changements mis en place par les élites francophones de la province. L’État adopte

12 Rudin (1986), dans son ouvrage sur l’histoire du Québec anglophone, souligne que des disparités importantes sont présentes à l’époque dans le groupe dit des « anglophones ». En effet, si plusieurs Anglais sont présents dans l’administration, l’industrie et le commerce, tous ne le sont pas. De surcroît, la situation diffère de beaucoup pour les Irlandais, qui occupent souvent des emplois précaires et non spécialisés.

13 Le bilinguisme législatif a été suspendu en 1841 pour être restitué en 1848 dans le cadre de l’Acte d’Union (Leclerc, 2010).

14 De nombreux événements historiques encouragent ce renversement du pouvoir politique des mains des Britanniques par les francophones, entre autres les rébellions de 1837-1838, la pendaison de Louis Riel en 1885, la victoire du Parti national d’Honoré Mercier en 1887, les lois antifrançaises, notamment en éducation, dans l’ensemble du Canada et les mouvements de pensées de journalistes francophones des années 1930 (Couturier et al., 2000; Lacoursière et al., 2011; Robert & Tondreau, 2011).

15 Ce mouvement de modernisation de l’État s’instaure avec l’élection du gouvernement libéral de Jean Lesage en 1960, moment qui marque aussi la fin de la « grande noirceur » associée au gouvernement précédent de l’Union nationale de Maurice Duplessis.

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13

une vision plus interventionniste au nom des intérêts de la collectivité, ce qui conduit à des

changements sociaux, économiques et culturels majeurs (Couturier et al., 2000)16. En outre,

l’affirmation d’une langue, d’une culture et d’une identité distinctive devient fondamentale (Dickinson &

Young, 2003; Martel & Pâquet, 2010). Un passage s’opère alors dans les marqueurs identitaires de

Canadien français à Québécois et de minorité dans le Canada à majorité au Québec (Couturier et al.,

2000).

L’un des aboutissements les plus significatifs de la Révolution tranquille est l’adoption de la Charte de

la langue française (Loi 101)17 en 1977 qui officialise le statut de la langue française au Québec, tout

comme l’affirmation d’une identité québécoise francophone. Cette loi est notamment une réponse à :

La lecture que font les responsables québécois de la situation particulière qui prévaut alors : un climat tendu, exacerbé par le rapport de force entre une majorité francophone qui conteste de plus en plus l’ordre socioéconomique et le statut défavorable de sa langue, une minorité anglophone préoccupée par son maintien et des groupes d’immigrants cherchant à s’intégrer le mieux possible. (Martel & Pâquet, 2010, p. 188)

L’adoption de la Loi 101 s’explique par des facteurs multiples (Martel & Pâquet, 2010), mais l’éducation

en demeure l’une des principales. Comme à l’arrivée de la première vague d’immigration non

britannique au début du 20e siècle, l’économie du Québec se déroule principalement en anglais, l’attrait

pour l’éducation en langue anglaise18 est dès lors manifeste pour les immigrants non francophones,

qui voient la connaissance de l’anglais comme une source de mobilité économique et sociale. À

l’époque, les francophones sont peu préoccupés par l’intégration linguistique des immigrants à la

langue anglaise. Une prise de conscience d’un déséquilibre démographique entre le français et

l’anglais apparaît toutefois dès 1957 avec la sortie du rapport du Comité catholique du Conseil de

l’instruction publique19. Le rapport souligne qu’à Montréal, près de 70 % des élèves20 issus de

16 Parmi ces changements majeurs, notons dans la sphère économique la nationalisation des compagnies d’électricité avec la constitution de la société d’État Hydro-Québec et la création de la Caisse de dépôt et placement, et dans la sphère sociale, la création d’un ministère de l’Éducation (Couturier et al., 2000).

17 La Charte de la langue française est adoptée sous le gouvernement péquiste de René Lévesque.

18 En 1998, la division confessionnelle (catholique et protestante) du système d’enseignement québécois est remplacée par une division linguistique entre réseaux francophone et anglophone, bien que la division linguistique entre les deux réseaux existait implicitement avant la restructuration de 1998.

19 Ce Conseil est remplacé par le Ministère de l’Éducation en 1964.

20 Les enfants, les adolescents et les adultes qui fréquentent un établissement d’enseignement où une formation à temps plein ou à temps partiel est suivie sont considérés comme des « élèves ». Or, de manière plus précise, au primaire et au secondaire, le mot « élève » est d’usage tandis qu’au cégep et à l’université, le mot « étudiant » est davantage d’usage (Office québécois de la langue française, 2018). Nous faisons usage de cette distinction dans la thèse.

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l’immigration fréquentent une « école anglaise ». Une mise en garde est donnée par le Conseil quant

à l’éventuelle rupture du rapport de force entre francophones et anglophones au Québec (Proulx,

D’Arrisso, & Charland, 2018). À l’époque, un taux de fécondité inférieur au seuil de remplacement chez

les francophones s’observe. De plus, ce taux est combiné à l’absence d’accueil des immigrants au sein

de la communauté francophone. Ces derniers choisissent fortement de s’intégrer aux institutions de la

communauté anglophone – dont les écoles – puisque l’anglais est toujours vu comme une source de

mobilité sociale et économique (Linteau, Durocher, Robert, & Ricard, 1989; Martel & Pâquet, 2016;

Proulx et al., 2018; Rocher, 2002), mais aussi de mobilité géographique à une échelle nationale et

continentale (Bourhis & Lepicq, 2002). La réforme majeure du système d’éducation, enclenchée par la

Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (1963-1964) (mieux

connue sous le nom de Commission Parent), n’aborde toutefois la question que de manière sommaire

en invitant à une meilleure politique d’accueil des immigrants dans les écoles de langue française

(Proulx et al., 2018). Quelques années plus tard, les chiffres sur la fréquentation des établissements

d’enseignement de langue anglaise demeurent préoccupants alors que 82,7 % des allophones

fréquentent toujours une école de langue anglaise (Proulx, 1989; Proulx et al., 2018)21. Plusieurs

acteurs sociaux et politiques croient qu’une intervention législative en éducation pourrait réduire le

déclin du français au Québec, et surtout à Montréal, région principale d’accueil des immigrants (Martel

& Pâquet, 2010). L’éducation apparaît dès lors comme un puissant vecteur de protection et de

promotion linguistique et identitaire.

C’est à la suite de plusieurs lois progressives sur la langue française qui ont rencontré plus ou moins

de succès (Lois 63, 23 et 22)22 (Bourhis & Landry, 2002; Paillé, 2002; Proulx et al., 2018) que la

province de Québec adopte, en 1977, la Charte de la langue française qui fait du français la seule

langue officielle de l’État et la langue normale et usuelle utilisée au travail, dans l’enseignement, les

communications, le commerce et les affaires (Dickinson & Young, 2003). Ainsi, le Québec proclame

l’unilinguisme sur son territoire avec le français comme langue officielle.

21 À titre d’exemple supplémentaire, en 1974, plus de 25 000 francophones sont toujours scolarisés en anglais (Proulx, 1989; Proulx et al., 2018).

22 La Loi 63, la Loi pour promouvoir la langue française au Québec, est d’ailleurs associée à l’un des événements en éducation les plus distinctifs de cette mouvance linguistique et politique : la crise de Saint-Léonard. Cette crise se produit : « [e]n 1968, [alors que] la commission scolaire [catholique de Saint-Léonard] mit le feu aux poudres dans les communautés allophones et anglophones en proposant de remplacer les classes bilingues par une instruction donnée exclusivement en français au primaire » (Dickinson & Young, 2003, p. 357).

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15

La mise en place de la Charte de la langue française conduit à des modifications dans le système

d’éducation du Québec. En effet, des changements d’accessibilité aux établissements francophones

et anglophones de niveaux primaire et secondaire s’opèrent. La scolarisation en français est rendue

obligatoire dans les écoles publiques et les écoles privées subventionnées par l’État, pour tous les

élèves, à l’exception de ceux de la minorité anglophone historique. De plus, les élèves francophones

et allophones qui fréquentent une école primaire ou secondaire anglophone au moment de l’adoption

de la Loi 101 conservent leur droit d’accès23. Ainsi, les cheminements scolaires sont dorénavant

régulés afin de restreindre le choix d’un établissement anglophone. L’impact de cette loi est manifeste

(Bouchard & Bourhis, 2002; Paillé, 2002), notamment chez les allophones (Girard-Lamoureux, 2004).

De 1971-1972 à 2015, le pourcentage d’élèves allophones scolarisés en français est passé d’à peine

5 % à près de 90 % (Magnan & Larochelle-Audet, 2018; Proulx et al., 2018). Chez les élèves de langue

maternelle française, le pourcentage est demeuré relativement stable alors que de 1971-1972 à 2003-

2004, le pourcentage d’élèves de langue maternelle française qui étudie en anglais est passé de 2 %

(Paillé, 1981) à 2,3 % (Office québécois de la langue française, 2008)24.

À l’époque, la Charte de la langue française est généralement bien reçue par les milieux francophones.

Cependant, certains acteurs croient que l’accès à l’éducation de langue anglaise devrait être encore

plus limité (ex. : Mouvement Québec français). D’autres acteurs, dont les Chambres de commerce,

émettent des doutes quant à la capacité de Montréal de demeurer une métropole économique. Du côté

de la communauté anglophone, alors que certains acteurs sont ouverts au dialogue avec les instances

politiques francophones, d’autres décrient l’application de la Charte, la voyant comme une atteinte à la

liberté de choix des parents pour l’éducation de leurs enfants et une source de conséquences

négatives pour l’économie de la province (Martel & Pâquet, 2010).

Soulignons que l’adoption de la Loi 101 met en saillance une vision diamétralement opposée du bien

commun et des politiques linguistiques entre le Québec et le Canada. En effet, si le Québec proclame

le français comme seule langue officielle de la province en 1977, quelques années auparavant au

Canada, le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau avait adopté la Loi sur les langues officielles (1969)

23 Ce droit d’accès aux établissements anglophones de niveaux primaire et secondaire se transmet de génération en génération. Les personnes y ayant accès sont des ayants droit tels que définis par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

24 Ce léger accroissement des francophones dans les écoles du réseau scolaire de langue anglaise est lié notamment à la présence plus importante d’unions exogames (anglais et français) au sein de la population (Jedwab, 2004).

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qui officialisait le bilinguisme (anglais et français) au pays. Cette politique linguistique plaçait les droits

individuels devant les droits collectifs, sous l’égide que le bien individuel permet d’établir un bien

commun. Cette politique ne trouve toutefois pas écho au Québec – notamment au travers de la Charte

de la langue française – alors que le bien commun trouve son fondement dans les droits collectifs qui

permettent d’assurer les droits individuels (Martel & Pâquet, 2010). L’adoption de la Loi

constitutionnelle, en 1982, enchâsse les droits linguistiques au Canada dans la Charte canadienne des

droits et libertés qui, au travers de l’article 2325, donne des droits et des libertés aux minorités

provinciales de langue officielle (les anglophones au Québec et les francophones hors-Québec). Le

droit à l’instruction dans la langue de la minorité en français ou en anglais dans des établissements

primaires et secondaires, où le nombre d’enfants le justifie, est théoriquement assuré. Dès lors, la

Charte canadienne des droits et libertés, via l’article 23 et son impact en éducation, viendra entraver

des principes de la Charte de la langue française (Martel & Pâquet, 2010) :

En tant que minorité au Canada, les francophones, qu’ils vivent au Québec ou ailleurs au pays, peuvent réclamer, de la part de la majorité anglophone qui contrôle les décisions au niveau des institutions fédérales ou au niveau provincial dans les provinces majoritairement anglophones, le respect des droits de la personne et des protections minoritaires spéciales garantis par les instruments internationaux et par la Constitution canadienne. En tant que majorité exerçant le pouvoir politique au Québec, les francophones se verront par ailleurs réclamer le respect des mêmes droits par les personnes et les groupes présents sur le territoire québécois et n’appartenant pas à la majorité. (Woehrling, 2010, p. 32)

L’adoption de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés est une réponse à l’adoption

de la Loi 101, et plus particulièrement à l’article 73 qui porte sur l’instruction en langue anglaise au

Québec (Déry, 2005; Doucet, 2013). Devant les demandes des francophones à l’extérieur du Québec,

quant au besoin de reconnaissance et d’égalité en matière d’éducation et des inquiétudes de la

communauté anglophone du Québec suivant les conflits linguistiques hérités de la Révolution tranquille

et l’adoption de la Charte de la langue française, le Canada ne pouvait « rester sourd » à cette situation.

L’adoption de l’article 23 n’a toutefois pas le même écho auprès des deux minorités provinciales de

langue officielle. Pour les communautés francophones à l’extérieur du Québec, l’article 23 constitue

davantage : « un outil qui a servi à contrer leur assimilation progressive et à favoriser leur

développement et leur épanouissement » (Doucet, 2013, p. 1077) et pour les anglophones du Québec,

25 Les énoncés de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés se trouvent en annexe 1.

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il aura essentiellement permis la contestation de dispositions de la Charte de la langue française

(Doucet, 2013).

Ce faisant, des contestations juridiques de la Charte de la langue française au regard de la Charte

canadienne des droits et libertés ainsi que d’organismes internationaux se manifestent dès 198226

(Martel & Pâquet, 2010; Woehrling, 2010). Plus spécifiquement en éducation, un arrêt de la Cour

suprême du Canada de 1984 vient modifier la Loi 101 quant à l’accessibilité aux écoles primaires et

secondaires de langue anglaise. Dorénavant, les personnes qui y ont accès ne sont pas que celles qui

ont réalisé leur scolarité obligatoire en anglais au Québec, mais bien au Canada. C’est donc au regard

de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés que le changement s’opère. En effet, la

Charte de la langue française donne maintenant accès aux écoles primaire et secondaire de langue

anglaise au Québec aux personnes répondant à ces critères (Woehrling, 2008) :

• Les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et a reçu un enseignement primaire en anglais au Canada, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire reçu au Canada;

• Les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et qui ont reçu ou reçoivent un enseignement primaire ou secondaire en anglais au Canada, de même que leurs frères et sœurs, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire ou secondaire reçu au Canada.27

D’autres contestations juridiques ont eu cours par la suite (Martel & Pâquet, 2010). Toujours en

éducation, la Loi 104 (Loi modifiant la Charte de la langue française), adoptée en 2002, visait à invalider

une pratique liée aux écoles passerelles de langue anglaise. Ces écoles privées, non subventionnées

par l’État, ne sont pas assujetties à la Charte de la langue française et peuvent accueillir tous les profils

linguistiques d’élèves. Des parents ont alors demandé un accès à l’école publique de langue anglaise

après que leurs enfants aient effectué un passage dans ces écoles passerelles, renvoyant ainsi aux

critères d’accessibilité aux établissements primaires et secondaires de langue anglaise de la Charte

de la langue française. Cette loi a néanmoins été jugée inopérante en 2009 par la Cour suprême du

Canada au regard de la Charte canadienne des droits et libertés (Bérard, 2017; Forcier, 2011; Power,

2013; Proulx et al., 2018). Le Québec doit dorénavant rendre compte du « parcours authentique » de

l’élève qui ne renvoie pas uniquement à une stratégie pour contourner la Loi 101. En 2010, l’Assemblée

26 Martel et Pâquet (2010) donnent un titre sans équivoque à cette période : « Le droit comme nouvelle donne linguistique ».

27 Les énoncés de la Charte de la langue française en matière d’éducation se trouvent en annexe 2.

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nationale a modifié la Charte de la langue française pour que le gouvernement détermine un cadre

d’analyse des demandes d’admission à l’école de langue anglaise publique et privée subventionnée

par l’État (Proulx et al., 2018).

Ainsi, deux ordres symboliques différents – l’un canadien, basé sur l’égalité entre le français et

l’anglais, le multiculturalisme ainsi que les droits individuels devant le bien commun, et l’autre

québécois basé sur le français comme langue commune dans une société distincte ainsi qu’un bien

commun devant les droits individuels – permettent de comprendre les différences qui s’opèrent quant

aux politiques d’aménagement linguistique et aux contestations juridiques qui ont cours au Canada

(Martel & Pâquet, 2016). C’est dire ici que :

Ces politiques d’aménagement linguistique transforment les références identitaires des différentes communautés. Même si ces politiques visent à établir l’égalité de traitement en matière de droits linguistiques, elles entraînent la stabilisation des rapports de force sur des territoires donnés entre une majorité et une minorité qui se considèrent maintenant comme telles. Dans un Canada dorénavant anglophone qui se représente officiellement comme bilingue et multiculturel, les minorités francophones disposent maintenant de moyens juridiques pour faire valoir leurs droits, leur vitalité et leur capacité de maintenir leur existence collective. Au Québec, les francophones peuvent désormais se considérer comme la majorité par rapport à une nouvelle minorité, celles des Anglo-Québécois. (Martel & Pâquet, 2010, p. 217)

Actuellement, au Québec, même s’il y a une restriction d’accès au réseau d’enseignement de langue

anglaise, l’apprentissage de l’anglais langue seconde dans les écoles primaires et secondaires de

langue française constitue une priorité et une obligation jusqu’à la cinquième secondaire. Cette priorité

a été réaffirmée au cours des dernières années, puisque l’anglais est maintenant enseigné dès la

première année du premier cycle du primaire (anciennement la première année) (Ministère de

l’Éducation du Loisir et du Sport, 2006)28. Si le Québec a enclenché, en 2011, un projet d’enseignement

intensif de l’anglais en deuxième année du troisième cycle du primaire (anciennement la sixième

année) pour l’ensemble des écoles primaires de la province – une pratique déjà en cours dans

certaines écoles depuis des décennies et parfois appelée le « bain linguistique » ou le 60-40, qui

signifie que 40 % du temps d’enseignement est destiné à l’apprentissage de l’anglais29 (Gentile, 2013)

28 L’obligation de l’enseignement de l’anglais langue seconde dès la première année du primaire est effective depuis 2006. Entre 2001 et 2006, l’enseignement de l’anglais commençait en troisième année alors qu’avant 2001, il commençait en quatrième année (Conseil supérieur de l’éducation, 2014).

29 Plusieurs autres modèles d’organisation du temps d’enseignement de l’anglais langue seconde existent dont celui du cinq mois/cinq mois – qui est présent dans 60 % des écoles qui offrent un programme d’enseignement intensif de l’anglais

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– le projet a été abandonné en 2015-2016, l’imposition n’ayant plus cours sans pour autant en interdire

la pratique (Conseil supérieur de l’éducation, 2014). En ce qui concerne le premier et le deuxième

cycle du secondaire, l’anglais langue seconde est enseigné dans le cadre d’un programme de base ou

d’un programme enrichi. Ainsi, une importance accordée à l’enseignement de l’anglais lors de la

scolarisation primaire et secondaire demeure présente au sein des programmes de formation de l’école

québécoise. Ceci étant dit, l’enseignement de l’anglais à l’école renvoie à des enjeux liés à l’efficacité,

à l’équité et à l’identité :

Au Québec, l’enseignement de l’anglais, langue seconde, touche cependant une corde d’autant plus sensible qu’elle fait résonner une certaine ambivalence. En effet, en tant que parent […] chacun veut un enseignement efficace de l’anglais pour ses enfants. En même temps, comme citoyen d’un État où la majorité linguistique est fragile, plusieurs craignent que l’apprentissage de l’anglais se fasse au détriment du français. (Conseil supérieur de l’éducation, 2014, p. 86)

Si la Charte de la langue française s’applique à l’enseignement primaire et secondaire, il n’en est pas

ainsi pour l’enseignement supérieur (collégial et université). En effet, à ce stade, un libre choix s’opère

quant à la langue d’études. Bien que les francophones, les allophones et les anglophones aient accès

sans restrictions aux établissements de langue anglaise et française, la mobilité entre les réseaux

linguistiques d’enseignement constitue un phénomène plutôt marginal sur le plan statistique (Bourhis

& Lepicq, 2002; Côté, 2005; Office québécois de la langue française, 2017a). Une continuité

relativement significative s’observe entre la langue d’enseignement au secondaire (c’est-à-dire celle

soumise à la Loi 101) et la langue choisie à l’enseignement supérieur (Conseil supérieur de la langue

française, 2011; Office québécois de la langue française, 2017a). Malgré tout, ce phénomène mérite

notre attention, puisqu’il concerne une portion de la population étudiante au Québec qui utilise sa

marge de manœuvre en faisant des choix linguistiques différents de la majorité des étudiants qui

accèdent à l’enseignement supérieur. De surcroît, l’accès aux établissements d’enseignement

supérieur anglophones au Québec, essentiellement en ce qui concerne le niveau collégial, nourrit un

débat sociopolitique depuis quelques décennies.

– où l’enseignement de l’anglais se fait pendant les cinq premiers mois alors que l’enseignement des autres matières se fait durant les cinq derniers mois (Conseil supérieur de l’éducation, 2014).

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1.3 L’accessibilité au réseau d’enseignement collégial anglophone au Québec :

un débat sociopolitique

Au Québec, l’accès au réseau d’enseignement collégial anglophone constitue, depuis plusieurs

décennies, un débat récurrent dans les sphères publiques et politiques (Commission des États

généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 2001; Conseil supérieur de la

langue française, 2011; Forcier, 2011; Poirier & Rousseau, 2015; Proulx et al., 2018). La question est

discutée de manière relativement fréquente dans la presse30, où différents éléments concernant

l’accessibilité du cégep anglophone sont abordés. Parmi les aspects traités dans les écrits

journalistiques, citons par exemple les positions politiques et partisanes en faveur du prolongement de

la Loi 101 au collégial (Lacroix, 2017b; Lavallée, 2017; Marois, 2012), les positions politiques et

partisanes contre l’application de la Loi 101 au collégial (Breton, 2011; Dion-Viens, 2011; Lessard &

Chouinard, 2012; Pilon-Larose, 2017; Plante, 2017) et la croissance des demandes d’admission dans

les cégeps anglophones chez les francophones et les allophones de l’ensemble du Québec31 (Cloutier,

2016; Labbé, 2017; Lacoursière, 2011; Meloche-Holubowski, 2016; Pratka, 2013; Valiante, 2017).

Le débat s’articule essentiellement autour de l’enjeu du maintien de l’équilibre démolinguistique entre

le français et l’anglais au Québec. Il soulève des points de vue divergents, tant chez les acteurs

syndicaux, étudiants, patronaux, politiques et citoyens (Forcier, 2011) que scientifiques (Baril, 2001;

Bourdon, 2011; Langlois, 2012; Poirier & Rousseau, 2015; Proulx, 2000). Deux positions principales

se dégagent de ce débat : étendre la Loi 101 au collégial et maintenir le libre choix quant à la langue

d’études au collégial.

La première position propose d’étendre la Loi 101 au collégial afin de restreindre l’accès aux cégeps

de langue anglaise aux francophones et aux allophones. Cette position est notamment avancée par

30 Nous n’avons pas effectué une revue de presse « exhaustive », l’idée étant de montrer la diversité et la récurrence des publications journalistiques sur la question.

31 Il est pertinent de préciser que l’article de presse de Labbé (2017) fait certes état de l’augmentation du nombre de demandes d’admission au cégep anglophone par des francophones, mais également de la situation inverse, c’est-à-dire de l’augmentation du nombre de demandes d’admission au cégep francophone par des anglophones. Les articles de presse de Cloutier (2016), pour la région de Québec, et de Lacoursière (2011), pour la région de Montréal, soulignent que si les cégeps anglophones reçoivent davantage de demandes d’admission, il en est de même pour les cégeps francophones de manière générale.

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21

des membres du Parti Québécois32 dont Pierre Curzi (2010, 2011) – ex-député de Borduas, des

groupes militants et indépendantistes comme la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (Préfontaine,

2012), Charles Castonguay (Bourdon, 2011) – professeur retraité de l’Université d’Ottawa, la Centrale

des syndicats du Québec (Forcier, 2011), l’Institut de recherche sur le français en Amérique (Sabourin,

Dupont, & Bélanger, 2010a, 2010b) ainsi que des journaux dits « alternatifs » comme L’Aut’Journal

(Dubuc, 2017; Lacroix, 2017a). Selon les tenants de cette position, la scolarisation collégiale en anglais

serait un tremplin vers une scolarisation universitaire et une intégration future dans un marché du travail

en anglais. Ce point de vue s’articule autour de la proposition suivante :

Le passage par le cégep anglais est beaucoup plus qu’une expérience temporaire permettant de perfectionner sa connaissance de l’anglais avant de revenir à un environnement à prédominance francophone. De ce passage résultent des effets anglicisants notables autant chez les allophones que chez les francophones, et cela, tant au plan de la langue d’usage privé que public. En somme, étudier en anglais, travailler en anglais, consommer en anglais et entretenir un réseau social anglophone facilitent grandement l’anglicisation. (Curzi, 2011, p. 4)

Ainsi, selon cette première position, l’application de la Loi 101 au collégial pourrait freiner l’anglicisation,

plus spécifiquement à Montréal, et préserverait la langue française et la culture franco-québécoise33

(Curzi, 2011). En outre, selon les tenants de cette position, la proportion de places disponibles dans le

réseau d’enseignement supérieur de langue anglaise du Québec dépasserait le nombre d’anglophones

en âge de fréquenter ces établissements. Si les universités anglophones34 peuvent être fréquentées

par une population nationale et internationale, les cégeps sont une spécificité québécoise. Ce faisant,

selon Sabourin et ses collaborateurs (2010a), les places vacantes sont dès lors occupées par des

francophones et des allophones.

Une autre position favorise le maintien du statu quo en revendiquant le principe du libre choix aux

études à l’enseignement supérieur. Cette position a notamment été mise de l’avant par la Commission

des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec (2001), le Conseil

32 Cette position n’est pas soutenue par l’ensemble des membres du Parti Québécois qui, eux-mêmes, divergent sur la question (Lavallée, 2017; Lessard & Chouinard, 2012).

33 Les arguments présentés par Pierre Curzi, ex-député de Borduas, sont tirés des travaux réalisés par Sabourin, Dupont et Bélanger (2010a, 2010b) pour l’Institut de recherche sur le français en Amérique. Nous ferons état de ces travaux dans la recension des écrits (Chapitre 2).

34 Au Québec, trois universités sont anglophones : l’Université McGill (Montréal), l’Université Concordia (Montréal) et l’Université Bishop’s (Estrie).

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supérieur de la langue française (2011) et la Fédération des cégeps (2011). Parmi les arguments

avancés par la Fédération des cégeps (2011), notons celui selon lequel les études collégiales ne

s’inscrivent plus dans la formation scolaire obligatoire. Au collégial, les étudiants sont également

devenus de jeunes adultes en mesure de choisir l’établissement qui répond le plus adéquatement à

leurs aspirations. De plus, il ne peut à lui seul régler l’enjeu du maintien de la vitalité de la langue

française au Québec. Enfin, pour la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la

langue française (2001) :

Sur le plan idéologique, la Commission considère que cette question présente une dérive potentielle, car le débat est mal engagé lorsqu’il fait reposer surtout sur l’attitude d’une minorité d’étudiants au collégial, fils et filles de nouveaux arrivants pour la plupart, le sort du français au Québec. Il est mal engagé lorsqu’il envisage d’imposer une mesure draconienne à l’ensemble des citoyens, en en faisant porter l’odieux à cette minorité de jeunes. Pour la Commission, le libre de [sic] choix de la langue d’enseignement n’est pas à remettre en question, comme en font foi les statistiques de fréquentation des cégeps qui suivent. La question principale est de savoir si le réseau collégial de langue française et de langue anglaise répond efficacement aux besoins de formation et aux attentes des jeunes et des adultes en ce qui concerne l’acquisition de leurs compétences linguistiques en langue française, en langue anglaise ou dans une autre langue. (Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 2001, p. 58‑59)

En ce sens, au lieu de favoriser une mesure coercitive, des acteurs proposent plutôt la mise en place

d’outils, comme celui d’augmenter le nombre d’heures d’enseignement du français dans les cégeps

anglophones et le nombre d’heures d’enseignement de l’anglais dans les cégeps francophones,

l’obligation de réussir une épreuve uniforme dans la langue seconde (en français dans les cégeps

anglophones et en anglais dans les cégeps francophones), le rehaussement du niveau de la formation

en français offerte dans les cégeps anglophones et la mise en place de programmes de jumelage entre

les cégeps anglophones et francophones35 (Bourdon, 2011)36.

Le débat sociopolitique sur l’accès aux établissements d’enseignement collégial anglophones au

Québec renvoie donc à l’enjeu du maintien de l’équilibre démolinguistique entre le français et l’anglais

dans la province. Il se cristallise autour de la politique linguistique qu’est la Loi 101 comme outil de

35 À ce jour, des programmes de jumelage entre des cégeps francophones et des cégeps anglophones ont été mis en place, par exemple à Québec entre le cégep Limoilou et le campus St-Lawrence du Collège Champlain (Cloutier, 2018) ainsi qu’entre le Centre d’études collégiales de Sainte-Marie et le campus St-Lawrence du Collège Champlain.

36 Ces outils sont proposés par Gagné, professeur de français au Collège Vanier, un cégep anglophone (Bourdon, 2011).

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maintien de cet équilibre. Au-delà du débat, qu’en est-il réellement, sur le plan statistique, de la

fréquentation des établissements collégiaux de langue anglaise au Québec ?

1.4 Portrait statistique de la fréquentation des cégeps anglophones

Afin de dresser un portrait de la fréquentation des cégeps anglophones par les francophones et les

allophones, les données statistiques les plus récentes proviennent du ministère de l’Éducation et de

l’Enseignement supérieur et elles ont été analysées par l’Office québécois de la langue française

(2017a, 2017b). Ces données nous donnent des informations selon deux indicateurs : la langue

d’enseignement au secondaire37 et la langue maternelle38.

Selon l’indicateur de la langue d’enseignement au secondaire, la majorité des étudiants du secteur

français continue leurs études à l’enseignement supérieur dans la même langue. Quatre-vingt-neuf

virgule neuf pourcent des nouveaux inscrits au cégep francophone proviennent du secondaire

francophone, ce qui signifie que la majorité des étudiants du secteur français continuent leurs études

à l’enseignement supérieur dans la même langue. Or, le nombre de nouveaux inscrits39 provenant du

secondaire francophone et se dirigeant vers le collégial anglophone a doublé entre 1995 et 2015,

passant de 4,9 % à 10,1 %. Selon les régions du Québec, la situation varie alors que sur l’Île de

Montréal, ce pourcentage atteint 22,9 % et dans les autres régions de la province, elle ne concerne

que 4,6 % (Office québécois de la langue française, 2017b).

Ces données doivent toutefois être nuancées et précisées, puisqu’elles ne nous indiquent pas si les

élèves provenant du secondaire francophone ont tous le français comme langue maternelle. En effet,

37 Pour l’Office québécois de la langue française (2017b), la langue d’enseignement au secondaire est la : « Langue de l’établissement scolaire fréquenté par l’élève en 5e secondaire. Les données croisées avec la langue d’enseignement au secondaire excluent les élèves ayant étudié dans une langue autochtone au secondaire ou ceux dont on ignore la langue d’enseignement au secondaire » (p. 4).

38 Selon l’Office québécois de la langue française (2017b), la langue maternelle est la : « Dernière langue maternelle déclarée par les parents lors de l’inscription annuelle de l’élève au secondaire. Cette donnée est recueillie par les organismes scolaires et transmise au MEES [ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur] le 30 septembre de chaque année. Le système de données du MEES ne permet qu’une seule réponse à cette variable. Aux fins de ce document, le concept de langues tierces s’applique aux élèves n’ayant ni le français ni l’anglais comme langue maternelle. Les données excluent les élèves pour lesquels on ignore la langue maternelle. À partir de 2002, cette variable a été enrichie par l’attribution de la langue maternelle déclarée au moment de l’inscription au collégial aux étudiants dont la langue maternelle au secondaire était inconnue » (p. 4).

39 Pour l’Office québécois de la langue française (2017b), un nouvel inscrit est un : « Étudiant inscrit pour la première fois à un programme à l’enseignement ordinaire conduisant à l’obtention d’un diplôme d’études collégiales (DEC) » (p. 4).

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en 2015, 31,3 % des élèves allophones qui ont étudié en français au secondaire ont décidé de

poursuivre leurs études collégiales en anglais (Office québécois de la langue française, 2017b). De

plus, on sait que des ayants droit, dont certains ont l’anglais comme langue maternelle, sont scolarisés

dans les établissements primaires et secondaires francophones (Lamarre, 2012; Mc Andrew & Eid,

2003a, 2003b; Mc Glynn, Lamarre, Laperrière, & Montgomery, 2009). Selon un rapport de l’Office

québécois de la langue française (2017b), 60,6 % des élèves dont la langue maternelle est l’anglais et

qui proviennent du secondaire francophone se dirigent vers le cégep anglophone.

Selon l’indicateur de la langue maternelle, il s’avère qu’une forte corrélation entre la langue maternelle

et la langue d’enseignement au collégial s’opère. Si, en 2015, 94,3 % des francophones décident de

fréquenter un cégep de langue française, le pourcentage des nouveaux inscrits au cégep anglophone,

qui ont le français comme langue maternelle, a néanmoins augmenté entre 1993 et 2015, passant de

2,6 % à 5,7 %. Ainsi, en 2015, dans les cégeps anglophones de la province, la composition de la

population étudiante était à 38,5 % d’étudiants de langue maternelle anglaise, 33,2 % d’étudiants de

langue maternelle tierce et de 28,2 % d’étudiants de langue maternelle française. Plus encore, entre

2002 et 2015, la proportion des nouveaux inscrits de langue maternelle française et tierce a augmenté

alors que celle de langue anglaise a diminué (Office québécois de la langue française, 2017b).

Ces chiffres varient toutefois selon les régions. Au regard des données collectées par le Conseil

supérieur de la langue française (2011), dans la région de Montréal, entre 1991 et 2000, le nombre

d’étudiants anglophones dans les cégeps de langue anglaise a diminué de 20 % et celui des étudiants

francophones est demeuré relativement stable. Néanmoins, en nombre absolu, les étudiants

anglophones demeurent les plus nombreux. Dans les collèges anglophones des régions extérieures à

Montréal, la situation est différente. Alors qu’en 1991, les étudiants anglophones étaient plus nombreux

(48,3 %) que les étudiants francophones (36,3 %) et allophones (15,4 %), les proportions ont changé

au fil du temps pour certains groupes linguistiques. En 2000, les étudiants francophones étaient plus

nombreux (45,6 %) que les étudiants anglophones (39,6 %) et allophones (14,8 %). Ajoutons que cette

présence accrue d’étudiants francophones se constatait de manière encore plus marquée dans

certaines régions. À Québec (campus St-Lawrence du Collège Champlain), les francophones

représentaient presque 80 % de l’ensemble des étudiants. Il en est de même à Sherbrooke (campus

Page 44: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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de Lennoxville du Collège Champlain), où 75 % des étudiants inscrits étaient des francophones

(Jedwab, 2004)40.

Ces données sur la langue maternelle doivent ici aussi être nuancées et précisées, alors qu’il est

difficile de savoir quelle proportion d’étudiants de langue maternelle française provient spécifiquement

d’un établissement secondaire francophone. En effet, certains étudiants dont le français est la langue

maternelle sont des ayants droit41 diplômés d’un établissement secondaire anglophone. Ces étudiants

poursuivent majoritairement leurs études collégiales en anglais (Béland, 2006; Commission de

l’éducation en langue anglaise, 2010; Jedwab, 2004, 2007).

En somme, le présent portrait statistique permet de constater qu’il y a une augmentation du nombre

de nouveaux inscrits passant du secondaire francophone vers le cégep anglophone et que le nombre

de nouveaux inscrits de langue maternelle française augmente au sein des cégeps anglophones.

Certaines précisions nous amènent à nuancer les chiffres précédemment présentés ou, du moins, à

illustrer la réalité sociale qui permet de mieux les interpréter. Il nous semble alors pertinent de tenter

de comprendre ce phénomène du passage entre le secondaire francophone et le cégep anglophone

chez les jeunes francophones du Québec.

Les cégeps anglophones apparaissant de plus en plus comme un choix privilégié par les étudiants

québécois pour les études supérieures, dressons maintenant un portrait de ces établissements

d’enseignement qui les accueillent au regard de leur historique, de leurs missions et de leurs défis.

40 Des pourcentages plus récents sur le profil linguistique des étudiants dans les différents cégeps anglophones de la province ne semblent pas être diffusés, tant dans les données provenant du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et analysées par l’Office québécois de la langue française (2017a, 2017b) que sur les sites Web des cégeps anglophones.

41 Cette situation s’explique notamment par la présence de plus en plus marquée de couples exogames (français-anglais) et endogames francophones dont le droit acquis à l’instruction en anglais découle d’une scolarisation en anglais avant l’adoption de la Loi 101 (Magnan et al., 2013; Pilote, Magnan, & Vieux-Fort, 2010; Vieux-Fort, 2009b; Vieux-Fort & Pilote, 2010, 2013), par la présence d’enfants de militaires qui, eux, ne sont pas soumis à la Loi 101 en éducation (Proulx et al., 2018) et par celle d’enfants liés à la clause de droits acquis ou clause d’antériorité (aussi appelée la clause grand-père) dont les parents québécois n’ont pas été scolarisés en anglais, mais les grands-parents l’ont été (Jugement de la Cour suprême du Canada, 2003).

Page 45: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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1.5 Les cégeps anglophones : historique, missions et défis

Sous l’impulsion de la Révolution tranquille et de la Commission Parent, la réforme de l’éducation en

cours au Québec dans les années 1960 amène à la formulation d’une proposition novatrice : la création

d’une nouvelle institution qui promulguerait un enseignement préuniversitaire (deux années d’études

menant aux études universitaires) et professionnel (trois années d’études menant au marché du

travail)42. L’appellation proposée est celle d’« Institut », qui voulait se distinguer du collège « canado

étatsunien » (dont les junior college et les community college) qui renvoie davantage à l’éducation

universitaire (Proulx et al., 2018; Rocher, 2008). En fin de compte, l’appellation de « Collège

d’enseignement général et professionnel » (CEGEP)43 est privilégiée. La création des cégeps amène

alors à une réorganisation du système d’éducation à l’enseignement supérieur en place à l’époque et

qui est caractérisé par une diversité et une indépendance de chacune de ses entités44. Ce nouvel ordre

d’enseignement s’inscrit dans l’éducation à l’enseignement supérieur, mais précède la formation

universitaire. Dans ce contexte, dès l’été 1967, les premiers établissements d’enseignement collégial

– à ce moment uniquement de langue française – ouvrent leurs portes à travers la province (Proulx et

al., 2018). La constitution rapide des cégeps (Dassylva, 2004) est notamment possible parce qu’ils

remplacent, physiquement dans plusieurs cas, les établissements d’enseignement supérieur existants,

appartenant souvent à des diocèses ou des communautés religieuses (Proulx et al., 2018).

À l’époque, l’établissement des cégeps renvoie à deux aspirations collectives au Québec : l’une de

justice sociale et l’autre de développement économique, grâce à un plus grand accès à l’enseignement

supérieur (Denis & Lipkin, 1972, 1973)45. Ces aspirations collectives touchent davantage les

francophones pour qui les taux de fréquentation scolaire sont assez faibles (Robert & Tondreau, 2011).

42 Si la constitution des cégeps telle que nous les connaissons aujourd’hui remonte à 1967, l’histoire de l’enseignement collégial serait aussi longue que celle du Québec avec la fondation du Collège de Québec en 1635 qui, bien entendu, évoluait sous une autre organisation du système d’enseignement (Proulx et al., 2018).

43 L’acronyme « CEGEP » sera remplacé par « cégep(s) » lorsque : « [l]’Office de la langue française recommandera plus tard de faire du mot ″cégep″ un substantif avec un accent aigu sur le ″e″ et s’accordant en nombre » (Proulx et al., 2018, p. 259). Nous employons dans la thèse l’acronyme tel que proposé par l’Office québécois de la langue française.

44 À l’époque, on retrouve notamment des écoles normales, des écoles d’infirmières, des instituts de technologie, une école de pêcherie, des instituts familiaux, l’École polytechnique, l’École des hautes études commerciales, une école des beaux-arts, deux conservatoires de musique et des collèges classiques privés confessionnels (Proulx et al., 2018).

45 La création des cégeps a permis une démocratisation de l’enseignement supérieur en ce sens qu’en 1961, moins de 5 % des étudiants se retrouvaient dans des établissements d’enseignement supérieur comparativement à 20 % au début des années 1980. En outre, au niveau collégial, il y avait 25 000 étudiants en 1956, 90 000 étudiants en 1971 et près de 160 000 étudiants en 1986 (Conseil supérieur de l’éducation, 1988).

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C’est dans une période de critique sociale nord-américaine quant aux inégalités d’accès à

l’enseignement supérieur que les cégeps apparaissent comme un moteur de démocratisation de la

société québécoise de sorte que : « The CEGEPs would be tuition-free, universally accessible colleges

of general and specialized education without competitors at the pre-university level, the college system

would play an important role in the democratization of Québec society » (Nemiroff, 2017, p. 26). Les

cégeps deviennent donc des établissements d’enseignement spécifiques et uniques à l’échelle

nationale et continentale.

Si la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel n’émet pas d’énoncés de mission

pour le cégep – comme c’est le cas avec la Loi sur l’instruction publique pour l’éducation préscolaire,

primaire et secondaire – une mission se trouve certainement en filigrane à son appellation (Proulx et

al., 2018). En effet, une mission éducative incombe assurément aux cégeps alors qu’une formation

fondamentale se présente dans le cursus préuniversitaire (« exploration progressive des fondements

historiques et critiques, des concepts de base, des grands problèmes et des grands défis ») et dans le

cursus technique (« exploration des fondements historiques et socioéconomiques, des concepts et

techniques de base, des principaux problèmes et défis, des perspectives de développement »)

(Després-Poirier & Dupuis, 1999, p. 211). Autrement dit, la transmission d’une culture générale est

fondamentale dans l’ensemble des cursus, que ceux-ci mènent aux études universitaires ou au marché

du travail (Proulx et al., 2018). Toujours dans la mission éducative des cégeps, une formation

professionnelle est aussi présente alors que la scolarité vise à la transformation de l’individu par la

maîtrise d’une technique, d’une discipline et d’un champ de savoir (Després-Poirier & Dupuis, 1999).

D’autres missions incombent au cégep, comme celle d’offrir des programmes d’études menant à

l’obtention du diplôme de spécialisation d’études techniques (DSET) et au diplôme de l’attestation

d’études collégiales (AEC). Des missions complémentaires concernent l’appui à la recherche

appliquée, aux innovations technologiques, aux services à la communauté et au développement

international et régional (Proulx et al., 2018).

Du côté anglophone46, dans les premiers instants du développement d’un réseau d’enseignement

collégial, les acteurs de la communauté anglophone manifestent peu « d’enthousiasme » (Dassylva,

46 À notre connaissance, la documentation scientifique sur les cégeps anglophones est peu nombreuse et peu récente. Nous avons donc constitué notre portrait des cégeps anglophones au mieux de la documentation existante.

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2008; Nemiroff, 2017). Non seulement le système d’éducation de langue anglaise au Québec est bien

établi, de la scolarisation primaire à la scolarisation universitaire (Barber, 1981), et les taux de

fréquentation scolaire des anglophones sont plus élevés que ceux des francophones (Robert &

Tondreau, 2011), mais à la différence de plusieurs établissements collégiaux de langue française qui

se sont vus concéder des bâtiments religieux, il n’en est généralement pas de même dans le réseau

de langue anglaise47. Par exemple, la mise en place du premier cégep anglophone (le collège Dawson)

est compliquée alors qu’aucun établissement existant n’accepte de se regrouper pour constituer le

cégep (Dassylva, 2008). Ainsi, au tout début, la création des cégeps anglophones se fait souvent de

manière improvisée, précipitée et temporaire (Blott & Keller, 1991; Burgess, 1971; LeBlanc, 1972;

Nemiroff, 2017).

Pour des raisons démographiques et considérant la nécessité de répondre aux attentes

gouvernementales en matière d’éducation à l’enseignement supérieur (Barber, 1981), la mise en place

du réseau d’enseignement collégial anglophone nécessite la collaboration entre les différents cégeps

de langue anglaise (LeBlanc, 1972). En effet, cette collaboration permet d’abord de veiller à assurer

une reconnaissance de la formation collégiale par les universités anglophones, puisqu’un arrimage

entre les ordres d’enseignement est nécessaire (Burgess, 1971; Nemiroff, 2017). Un nouveau corps

enseignant doit également être constitué et, pour ce faire, un recrutement s’effectue dans les écoles

secondaires et dans les universités de langue anglaise (LeBlanc, 1972). Aussi, un travail commun est

réalisé pour élaborer et statuer du contenu de certaines matières48. L’exemple de la philosophie est

significatif, puisqu’aucune tradition d’enseignement de cette matière n’existe dans le réseau

anglophone comparativement au réseau francophone (Nemiroff, 2017). Ainsi, l’enseignement de la

philosophie est structuré autour d’une approche interdisciplinaire des sciences humaines afin de

constituer des cours appelés Humanities. Ce faisant, la philosophie qui est enseignée dans les cégeps

anglophones diverge de celle enseignée dans le réseau francophone (Dunleavy et al., 1974; LeBlanc,

1972)49.

47 Soulignons que le collège anglophone privé Marianopolis a remplacé l’Institut collégial Notre-Dame qui était un collège catholique classique pour filles. Huntley-Maynard (1992), dans sa thèse de doctorat, en montre les évolutions et les transitions administratives.

48 Le programme de base d’enseignement de l’anglais, à la différence des autres matières enseignées dans les cégeps anglophones, a été développé de manière assez indépendante (Syndicats des professeurs, 1992) et est sujet à un pluralisme selon chaque cégep (Keller, 1991).

49 Un historique de la mise en place des cours de Humanities dans les cégeps anglophones Dawson et Vanier a été produit par Dunleavy et ses collaborateurs (1974).

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Alors qu’en 1969, 30 cégeps de langue française sont déjà en activité dans la province, le premier

cégep de langue anglaise, soit le Collège Dawson, accueille sa première cohorte d’étudiants en

septembre de la même année50. En 1970, le Collège Vanier ouvre ses portes et l’année suivante, c’est

au tour du Collège John Abbott. Cette « consolidation du réseau de langue anglaise », qui à ce moment

se concentre uniquement sur l’Île de Montréal, se poursuit en 1971 avec la mise en place de trois

campus régionaux sous la bannière Champlain Regional College. Ainsi, en 1972, un campus ouvre

dans la région de l’Estrie (le campus de Lennoxville), un autre dans la région de la Capitale-Nationale

(le campus St-Lawrence) et un troisième dans la région de la Montérégie (le campus de Saint-

Lambert). Plusieurs années plus tard, en 1988, le Collège Heritage est mis sur pied à Gatineau, dans

la région de l’Outaouais (Dassylva, 2008). Ces sept établissements anglophones font tous partie du

réseau d’enseignement collégial public. Du côté des établissements collégiaux anglophones privés

subventionnés par l’État, le Collège Marianopolis (Île de Montréal) est créé en 1969. En 2010, le

Collège TAV (Île de Montréal) devient une institution indépendante qui était autrefois une entité

rattachée au Collège Champlain. En outre, si des établissements entiers sont destinés à

l’enseignement collégial en langue anglaise, des cégeps francophones offrent des sections

anglophones afin de répondre à la population de langue anglaise de la région. Il est donc possible de

réaliser un programme d’études complet en anglais au Cégep de Gaspésie et des îles et au Cégep de

Sept-Îles. Quant à eux, des établissements privés et publics offrent des formations bilingues, par

exemple le Collège O’Sullivan (Québec et Montréal), le Collège LaSalle (Montréal), le Collège Mérici

(Québec) et le Cégep Limoilou (Québec).

Le tableau qui suit présente un récapitulatif des établissements d’enseignement collégial anglophones

et des établissements d’enseignement collégial francophones offrant des sections anglophones.

50 Gallagher et MacFarlane (1977) ont présenté un historique de la fondation et des premières années du collège Dawson.

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Tableau 1. Établissements d’enseignement collégial anglophones et établissements d’enseignement

collégial francophones offrant des sections anglophones

Établissement d’enseignement collégial anglophone

Public ou privé Région

Collège Dawson Public Montréal

Collège Vanier Public Montréal

Collège John Abbott Public Montréal

Campus Lennoxville du Collège Champlain Public Estrie

Campus St-Lawrence du Collège Champlain Public Capitale-Nationale

Campus Saint-Lambert du Collège Champlain Public Montérégie

Collège Heritage Public Outaouais

Collège Marianopolis Privé Montréal

Collège TAV Privé Montréal

Établissement d’enseignement collégial francophone, section anglophone

Public ou privé Région

Cégep de Gaspésie et des îles Public Gaspésie-Îles-de-la-

Madeleine

Cégep de Sept-Îles Public Côte-Nord

La mise en place des cégeps anglophones, durant les années 1960 et 1970, est favorisée par un travail

de collaboration entre les établissements. En outre, cette coopération a généré le développement d’un

sentiment d’identité partagé entre les cégeps anglophones (LeBlanc, 1972). Ce travail de coopération

et ce sentiment identitaire s’inscrivent cependant dans un contexte où une idéologie nationaliste est

présente au Québec, qui conduit les cégeps anglophones à : « une prise de conscience de la nécessité

de pourvoir aux besoins de la population anglophone de la province, ce qui contribua à la coopération

des cégeps anglophones dans un objectif commun » (LeBlanc, 1972, p. 367). Les cégeps anglophones

se voient collectivement investis d’une mission de répondre aux membres des communautés

anglophones (entre autres les étudiants anglophones). De surcroît, par la présence de différents

cégeps ou sections anglophones dans l’ensemble de la province, et pas uniquement sur l’Île de

Montréal, les cégeps contribuent à la vitalité ethnolinguistique51 des communautés anglophones

51 Si le concept de vitalité ethnolinguistique renvoie à plusieurs définitions, de manière générale, la vitalité ethnolinguistique d’une communauté se mesure au regard de différents facteurs, notamment démographique, politique, économique et

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(Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011), en favorisant notamment la rétention des

jeunes dans leur région (Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011; Syndicats des

professeurs, 1992)52. Il est donc ici question de complétude institutionnelle53 (Breton, 1964; Cardinal &

Léger, 2017; Landry & Allard, 1996; Thériault, 2014) des communautés anglophones au travers des

cégeps anglophones :

A number of witnesses hoped to see greater access to and promotion of vocational and technical training programs in English. As the QCGN [Quebec Community Groups Network] said, this kind of training « will allow English Quebecers to integrate into the job market and allow the community to retain its youth and young families, and keep its communities alive and vital ». (Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011, p. 32)

Alors qu’une mission de complétude institutionnelle et de vitalité ethnolinguistique se présente pour les

cégeps anglophones, des valeurs éducatives communes en tant qu’institution d’enseignement les

rassemblent également. Des valeurs comme l’excellence de l’enseignement et la réussite étudiante

sont présentes. Sont aussi valorisées l’intégrité, la collaboration et la promotion du développement

personnel des étudiants et de leurs contributions à titre de citoyens et de travailleurs. Si certains

établissements font la promotion de la diversité de leur population étudiante et valorisent les actions à

l’intérieur et à l’extérieur du cégep, d’autres mettent en exergue l’anglais comme langue

d’enseignement. Dans les cégeps anglophones, l’innovation est aussi valorisée pour nourrir la

pédagogie et les disciplines enseignées (Nemiroff, 2017).

culturel (Corbeil, 2005). Le degré de vitalité d’une communauté ethnolinguistique a une influence sur sa survie (Allard & Landry, 1987).

52 LeBlanc (1972) donne un exemple significatif à ce propos : « Cette coopération a pris un tournant intéressant quand demanda à y participer le Collège Marianopolis, une institution privée régie par la Loi 56. Cette initiative de la part d’un collège privé fut la bienvenue car elle restait fidèle au désir de servir une communauté à l’échelle provinciale » (p. 368).

53 La complétude institutionnelle permet : « d’étudier les conditions de pérennisation des minorités ethnoculturelles et linguistiques, ce qui comprend les groupes issus de l’immigration tout comme les minorités historiques et nationales. De façon plus précise, le fait de détenir des institutions – une école, un hôpital, un journal ou un théâtre – est considéré comme une condition qui contribue à l’épanouissement des minorités. La notion de complétude institutionnelle comporte aussi une dimension politique indéniable, car ces institutions que possède la minorité doivent dans la mesure du possible être gérées par et pour cette dernière » (Cardinal & Léger, 2017, p. 3). En outre, le concept de complétude institutionnelle a été élaboré par Breton (1964) d’abord pour étudier les populations immigrantes. Ce concept a ensuite été mobilisé pour étudier les populations minoritaires, notamment les francophones hors-Québec au Canada (Cardinal & Léger, 2017; Thériault, 2014). La complétude institutionnelle des francophones hors-Québec est néanmoins fondamentalement différente de celle des anglophones du Québec, pour qui les institutions sont bien établies et protégées depuis la Conquête même si des enjeux sont aussi présents (ex. : diversité et éloignement des communautés québécoises d’expression anglaise dans la province) (Jedwab & Maynard, 2012).

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Selon des acteurs du réseau d’enseignement anglophone, les cégeps anglophones partagent

également des visions communes qui pourraient se distinguer sur certains aspects des cégeps

francophones. D’abord, la vision de l’intégration des étudiants à la société québécoise différerait, une

approche visant la « majorité forte » étant privilégiée, c’est-à-dire une intégration à la vie dans une

majorité anglophone d’Amérique du Nord et non dans un Québec français (Fontaine, 1991; Groff et

al., 2016b, 2016a). Ensuite, la composition du corps enseignant serait marquée par la pluriethnicité,

alors que plusieurs enseignants sont originaires et ont réalisé leur formation scolaire ailleurs au Canada

ou à l’international (Syndicats des professeurs, 1992). Selon Fontaine (1991), les curriculums et

l’enseignement seraient ainsi colorés d’un accent ethnoculturel. Enfin, la population étudiante des

cégeps anglophones n’est pas uniquement issue des communautés anglophones historiques. En effet,

une forte diversité ethnique, religieuse et linguistique se remarque au sein de ces établissements, avec

la grande présence d’allophones et de francophones54 qui est valorisée par les établissements

d’enseignement (Chiras, 2011; Chiras, Brown, & Miller, 2006; Fontaine, 1991). À ce propos, le Comité

sénatorial permanent des langues officielles a indiqué dans son rapport de 2011 que :

At the St. Lawrence campus of Champlain Regional College, 65 percent of students come from French-language schools. « The [A]nglophones come because it is their college, but the [F]rancophones come, I am convinced, to be better members of the [F]rancophone community ». At the Lennoxville campus, about 40 percent of students come from majority community schools. Students attending the college have a high knowledge of both official languages. At Dawson College, nearly half of the student population does not have English as a first language. A representative of the college said: « This is interestingly problematic because it poses fairly important pedagogical issues when our teachers are trying to work in an English environment and the linguistic capacities of the incoming students are not always able to cope with what we expect of them ». (Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011, p. 30)

Comme observé par le Comité sénatorial permanent des langues officielles (2011), si la diversité de la

population étudiante est notable dans les cégeps anglophones, elle amène toutefois un lot de défis

pour ces établissements. Les connaissances linguistiques en anglais varient entre les étudiants qui ne

proviennent pas tous du réseau d’enseignement de langue anglaise. La mission première des cégeps

anglophones étant de mener chaque étudiant à la réussite de ses études collégiales, dans les

curriculums des cégeps anglophones, l’enseignement des langues occupe tout de même une place

importante. L’enseignement de l’anglais s’effectue au travers de cours obligatoires. La réussite de ces

54 Cette diversité serait rendue encore plus visible au travers des associations monoethniques et pluriethniques regroupant les étudiants dans les cégeps anglophones (Fontaine, 1991; Lamarre et al., 2004).

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cours d’anglais semble cependant problématique pour plusieurs étudiants. En effet, la diversité de la

population étudiante qui caractérise plusieurs cégeps anglophones engendre une variation dans les

connaissances en anglais, puisque chaque étudiant possède un niveau de maîtrise de l’anglais

différent. Ces difficultés en anglais dépassent les cours d’anglais, car elles concernent l’ensemble des

cours qui sont donnés dans cette langue ainsi que la vie collégiale dans son ensemble. Des mesures

ont donc été prises par les établissements pour améliorer la qualité de l’anglais des étudiants : des

tests de classement pour accéder aux différents niveaux de cours d’anglais, des cours d’appoint

centrés sur la langue, des centres d’aide en anglais55 (ex. : Tutoring & Academic Success Centre au

Collège Vanier et English Writing Workshop au campus St-Lawrence du Collège Champlain), des cours

de rattrapage estivaux (Conseil des collèges, 1990) et la valorisation de la littératie dans l’ensemble

du curriculum (Literacy across the Curriculum) (Chéhadé, Lemay, Antoniadès, Armand, & Lamarre,

2000; Conseil des collèges, 1990).

Si l’anglais est la langue d’enseignement et d’étude des cégeps anglophones, l’enseignement du

français56 est obligatoire dans ces établissements depuis le Renouveau de l’enseignement collégial de

1993 (Boisvert, Lacoursière, & Lallier, 2008). Ainsi, deux cours obligatoires en français doivent être

complétés par tous les étudiants. Les centres d’aide en français (souvent appelés CAF) apparaissent

comme un lieu de soutien fondamental pour les étudiants ainsi que pour le personnel enseignant et

non enseignant (Gagné & Lemay, 2012, 2013). Ces centres d’aide en français offrent même, dans

certains établissements, des occasions de socialisation à la langue française au travers de

l’apprentissage de la langue (Gagné & Murchison, 2012)57. Ajoutons qu’au regard de la Loi 104 (2002),

les établissements d’enseignement supérieur de langue anglaise doivent se doter d’une politique

linguistique de valorisation du français (Bérard, 2017; Proulx et al., 2018).

55 Par exemple, Boulle, Gilmore, Jones et Wehden (1986) présentent, dans un document d’information du Collège Dawson, les différents services offerts par le Learning Centre afin d’aider les étudiants à mieux réussir leurs études. Il semble pertinent de souligner ici qu’une section du document, écrite en français, est destinée aux étudiants francophones afin de mieux les accompagner dans les parcours d’études collégiales en anglais. Si ce document date de plusieurs années, il montre qu’une préoccupation était déjà présente face aux étudiants non anglophones dans le cégep.

56 Plus spécifiquement, il est question de l’enseignement du français langue seconde (FLS).

57 Il semble que l’apprentissage du français, pour plusieurs étudiants du cégep anglophone qui proviennent du secondaire anglophone, soit généralement vu de manière négative et que leur niveau de connaissances et de compétences à la fin des études collégiales ne leur permet pas de travailler en français. Les résultats d’une recherche menée par Gagné et Popica (2017) dans les cégeps anglophones de la province montrent que plus les étudiants ont des perceptions positives des cours de français langue seconde, plus la motivation augmente. Le nombre d’amis francophones et le nombre d’heures à parler en français ont un effet significatif sur les perceptions des répondants quant à l’apprentissage du français, à l’attitude face au français parlé, à l’anxiété et à la perception de compétence.

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Également, des pratiques d’éducation interculturelle dans les curriculums enseignés sont mises de

l’avant par les cégeps anglophones, en vue d’une inclusion et d’une valorisation de la diversité

étudiante (ex. : diversité dans les contenus enseignés, prise de position institutionnelle quant à

l’interculturel) (Bertrand, 1994; Chiras, 2011; Chiras et al., 2006; Fontaine, 1991).

Si la diversité de la population étudiante est bien présente et valorisée dans les cégeps anglophones,

elle entraîne néanmoins des questionnements sur la complétude institutionnelle de ces derniers. D’un

côté, comment les cégeps anglophones arrivent-ils à maintenir une certaine vitalité de la communauté

anglophone si les étudiants qui les fréquentent sont – majoritairement dans certaines régions –

allophones et francophones ? D’un autre côté, dans certaines régions – généralement à l’extérieur de

Montréal – les établissements doivent leur « viabilité » à la présence de ces étudiants : « Les cégeps

situés dans les régions sont fortement dominés par les élèves francophones de langue maternelle,

sans lesquels la viabilité même des établissements serait sans nul doute très menacée » (Jedwab,

2004, p. 40).

Enfin, alors que les cégeps anglophones sont investis de missions communes en matière d’éducation

et de complétude institutionnelle, ils possèdent néanmoins des singularités, une identité propre et un

modus operandi distinct (Nemiroff, 2017), et ce depuis les tout premiers débuts :

Cette indépendance se reflète également dans le style de fonctionnement propre à chaque collège. Être à Dawson ne signifie pas la même chose qu’être à John Abbott ou à Champlain, et ainsi de suite. Cette différence entre les institutions est ressentie autant de l’extérieur que de l’intérieur. Elle est due en partie aux personnalités que l’on y rencontre, en partie à leur clientèle étudiante, et en partie à leurs installations physiques. Bien que toutes les causes de cette différenciation soient difficilement identifiables, il faut néanmoins admettre la situation. (LeBlanc, 1972, p. 370)

Les cégeps anglophones de la province ne sont donc pas similaires. Ceux de Montréal sont les plus

populeux et ils offrent forcément des programmes d’études plus variés rejoignant davantage la diversité

de la population montréalaise (ex. : études juives au Collège Dawson). Les cégeps situés à l’extérieur

de la métropole misent davantage sur des formes de coopération avec le milieu (ex. : programmes

coop et partenariats avec des cégeps francophones) (Nemiroff, 2017).

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1.6 Question générale de recherche

La problématique dont nous venons de tracer les contours souligne d’abord que les langues française

et anglaise s’inscrivent dans un marché des langues, où chacune possède un poids différencié sur le

plan démographique, économique, politique et culturel. Dans ce contexte, l’anglais détient un fort

pouvoir d’attraction, tant à l’échelle mondiale que nationale et provinciale. Au regard de ces rapports

de force entre les langues et des tensions historiques entre le français et l’anglais, la province du

Québec a adopté une mesure législative, la Loi 101, afin de protéger et de valoriser la langue française.

Cette loi a eu des impacts considérables en éducation, en rendant la scolarisation en français

obligatoire au primaire et au secondaire pour une partie importante de la population. À l’enseignement

supérieur, un libre choix quant à la langue d’enseignement continue néanmoins de s’opérer. Cette

situation génère un débat sociopolitique sur l’accessibilité des cégeps anglophones, qui renvoie à un

enjeu de maintien de l’équilibre démolinguistique entre le français et l’anglais. À ce débat s’ajoute une

certaine augmentation de la fréquentation des cégeps anglophones par les jeunes Québécois. Cette

situation amène son lot de défis pour les cégeps anglophones, malgré leur historique d’accueil, de

valorisation et d’aide destinés aux différentes populations étudiantes.

Dans ce contexte, nous nous intéressons à l’expérience de jeunes francophones qui font le choix des

études collégiales en anglais au Québec. Le phénomène mérite notre attention, puisqu’une portion de

la population étudiante effectue des choix linguistiques différents de la majorité quant à la langue

d’études à l’enseignement supérieur. Nous posons donc la question générale de recherche suivante :

Quels sont les parcours de vie des jeunes francophones qui ont fréquenté un cégep de langue anglaise

au Québec ?

Le chapitre qui suit recense la littérature scientifique sur les parcours étudiants à l’enseignement

supérieur. Nous portons plus spécifiquement notre regard sur les langues dans ces parcours en

focalisant notre attention sur le cas du Canada. Au terme de cette recension des écrits, nous formulons

la question et les objectifs spécifiques de recherche.

Page 55: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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CHAPITRE 2

RECENSION DES ÉCRITS

Le champ de recherche sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur58 est vaste et diversifié

au regard de la masse des écrits scientifiques qui est produite à l’échelle internationale. Si plusieurs

populations étudiantes et thèmes de recherche sont étudiés, la langue d’études à l’enseignement

supérieur ne constitue pas un aspect très développé dans ces recherches. Le cas du Canada est

particulièrement intéressant, puisque des recherches y ont été menées dans un contexte où deux

langues officielles (le français et l’anglais) sont inégalement présentes sur le plan national et ne

détiennent pas le même poids dans un marché linguistique. Des chercheurs se sont penchés sur le

cas des étudiants francophones en situation minoritaire au Canada, où la langue d’études à

l’enseignement supérieur constitue un enjeu de vitalité des communautés francophones hors-Québec.

Au Québec, un intérêt scientifique se manifeste aussi pour les parcours étudiants à l’enseignement

supérieur en anglais. La situation s’y présente néanmoins de manière différente, puisque la Loi 101

vient réguler les parcours scolaires au primaire et au secondaire, mais pas à l’enseignement supérieur.

C’est ainsi que la plupart des recherches concernent les étudiants allophones, issus de l’immigration

ou francophones qui, pour plusieurs, proviennent du réseau d’enseignement francophone en vertu de

la Loi 101. Au regard des recherches scientifiques menées sur les parcours étudiants à l’enseignement

supérieur en anglais au Québec, il est possible d’en venir à la conclusion que l’intérêt des recherches

se porte essentiellement sur les jeunes allophones ou les jeunes issus de l’immigration. Ce faisant, la

majorité des recherches concernent la région de Montréal59. Si les jeunes francophones ne sont pas

complètement absents des écrits scientifiques, nous croyons que l’intérêt pour mieux comprendre leur

réalité s’avère pertinent au regard du pouvoir attractif que détient l’anglais et auquel les jeunes

francophones ne sont pas imperméables. Également, la majorité des recherches, tant récentes que

plus anciennes, nous éclairent sur les choix de la langue d’études ainsi que sur différents aspects des

58 Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction, les termes « enseignement supérieur » et « enseignement postsecondaire » sont généralement synonymes et ils renvoient aux études suivant celles effectuées au secondaire. Dans la thèse, nous optons pour le terme « enseignement supérieur ». Ceci étant dit, dans ce chapitre de recension des écrits, nous renvoyons généralement à la formulation privilégiée par les auteurs des recherches dont nous discutons.

59 Depuis plus d’un siècle, Montréal est la principale région d’accueil des immigrants au Québec.

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études à l’enseignement supérieur en anglais. Or, très peu de recherches se sont intéressées aux

impacts de la scolarisation à l’enseignement supérieur en anglais dans la suite du parcours de vie.

C’est ainsi que nous en venons, au regard des écrits scientifiques, à centrer notre thèse doctorale sur

les parcours de jeunes francophones qui ont réalisé des études collégiales en anglais.

Cette recension des écrits se divise en trois sections. La première aborde les parcours étudiants à

l’enseignement supérieur et elle dresse un portrait – certes non exhaustif – des recherches menées

sur des thèmes particulièrement saillants dans ce champ, soit l’accès et le choix, la première année

d’études, la persévérance et la réussite scolaire ainsi que les expériences d’études. La deuxième

section porte plus spécifiquement sur les langues dans les parcours étudiants à l’enseignement

supérieur et c’est au regard de la situation canadienne que nous précisons notre questionnement

scientifique. Nous portons d’abord notre attention sur les étudiants francophones en situation

minoritaire au Canada au travers des thèmes de recherche abordés dans la littérature que sont les

facteurs de choix, l’identité linguistique et l’appartenance à la communauté francophone ainsi que la

transition vers le marché du travail. Cela nous conduit ensuite à présenter les écrits sur les parcours

étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec, notre centre d’intérêt. Ces recherches

abordent les thèmes des facteurs de choix, des rapports entre les groupes ethnolinguistiques, des

rapports aux langues et des pratiques linguistiques, des expériences étudiantes, de l’identité et des

rapports identitaires aux communautés linguistiques ainsi que de la transition au marché du travail. La

troisième et dernière section de ce chapitre pose la question et les objectifs spécifiques qui guident

notre recherche doctorale.

2.1 Les parcours étudiants à l’enseignement supérieur

Notre thèse doctorale s’inscrit dans le champ de recherche des parcours étudiants à l’enseignement

supérieur. Ce champ est riche d’écrits scientifiques traitant de différentes populations étudiantes et

focalisant leur attention sur différentes thématiques de recherche. En effet, les écrits sur les parcours

étudiants à l’enseignement supérieur concernent plusieurs populations étudiantes qui sont étudiées

selon différentes caractéristiques : l’origine sociale (dont les étudiants de première génération à

l’université) (Finnie, Lascelles, & Sweetman, 2005; Frenette, 2007; Groleau, 2015; Pascarella, Pierson,

Wolniak, & Terenzini, 2005), la mobilité internationale (Ennafaa, 2008; Maïnich, 2015; Yan & Sendall,

2016), l’appartenance à des minorités ethnoculturelles ou la génération d’immigration (première

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génération et deuxième génération) (Finnie & Mueller, 2009; Gallop & Bastien, 2016; Joncas, 2018;

Kamanzi, Bastien, Doray, & Magnan, 2016; Ratel & Pilote, 2017), le handicap (Barbosa Dos Santos,

2015; Duquette, 2000), la parentalité (Tanguay, 2014; Van Rhijn, Quosai, & Lero, 2011) et le genre

(Evers, Livernois, & Mancuso, 2006; Murdoch, Guégnard, Imdorf, & Koomen, 2017). Les parcours

étudiants à l’enseignement supérieur sont également étudiés selon différents thèmes de recherche.

Une importante partie des recherches scientifiques concerne notamment l’accès et le choix à

l’enseignement supérieur, la première année d’études, la persévérance et la réussite scolaire ainsi que

les expériences d’études. Si ces thèmes de recherche s’entrecroisent généralement dans les écrits

scientifiques, pour les fins de la présentation de notre recension des écrits, nous les discutons de

manière distincte.

2.1.1 L’accès et le choix

L’accès à l’enseignement supérieur et le choix de poursuivre des études à l’enseignement supérieur

constituent un thème majeur des recherches portant sur les parcours étudiants. Dans le contexte de

la massification de l’enseignement supérieur qui a cours depuis les années 1960 dans les pays

occidentaux, une augmentation et une diversification des populations étudiantes se remarquent.

Toutefois, la massification ne signifie pas de facto une démocratisation de l’enseignement supérieur et

une meilleure égalité scolaire et sociale (Beaud, 2008; Kamanzi, Goastellec, & Picard, 2017; Murdoch,

Doray, Comoé, Groleau, & Kamanzi, 2012). Nombre de recherches montrent la persistance

d’inégalités sociales qui se traduisent dans cet accès et dans le choix des études à l’enseignement

supérieur. En ce sens, les recherches de Ball et ses collaborateurs montrent, qu’en contexte

britannique, les choix de poursuivre des études à l’enseignement supérieur sont soumis à la position

sociale et ethnique. Ces choix conduiraient à la reconstitution et à la reproduction des inégalités, tant

dans l’enseignement supérieur que dans la société (Ball, Davies, David, & Reay, 2001; Ball, Macrae,

& Maguire, 1999). Ces résultats sont confirmés par ceux de Kamanzi et Pilote (2016) qui, à partir des

données de l’Enquête auprès des jeunes en transition (EJET), montrent que les élèves québécois

originaires de milieux sociaux favorisés s’inscrivent davantage dans les curriculums enrichis qui

conduisent à de meilleures performances scolaires, à des aspirations scolaires plus élevées et à un

engagement plus important dans les études que les étudiants provenant de milieux moins favorisés.

Ces élèves sont aussi plus enclins à accéder à des études à l’enseignement supérieur (ici,

universitaires).

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Ainsi, si l’accès aux études à l’enseignement supérieur demeure soumis aux structures sociales, selon

certains chercheurs, le choix associé à une idée de liberté de l’individu n’est qu’une impression, voire

une illusion (Blanchard & Cayouette-Remblière, 2011; Hodkinson & Sparkes, 1997). Selon Blanchard

et Cayouette-Remblière (2011), pour bien comprendre le choix, les dimensions objectives et les

dimensions subjectives doivent être considérées. Autrement dit, le choix ne s’effectue et ne se

comprend jamais au travers d’une lecture uniquement objective ou subjective, mais plutôt par la

relation qui unit ces deux dimensions (Blanchard & Cayouette-Remblière, 2011; Doray, Picard, Trottier,

& Groleau, 2009; Hodkinson & Sparkes, 1997) :

La question du choix interroge la discipline [de la sociologie] dans son ensemble, dans la mesure où elle engage la représentation que donne cette discipline de l’individu et de son autonomie face aux structures sociales. L’enjeu reste toujours de dépasser l’alternative entre individualisme et déterminisme, en articulant stratégies subjectives et contraintes objectives. (Blanchard & Cayouette-Remblière, 2011, p. 7)

Plusieurs recherches se sont attardées à déceler les facteurs explicatifs du choix des études à

l’enseignement supérieur (Dubois, 2002; Tomkowicz & Bushnik, 2003). L’un des facteurs qui semble

les plus significatifs dans plusieurs recherches – tant qualitatives que quantitatives réalisées au

Québec et au Canada – est celui de la famille et de son rôle dans la décision de poursuivre ou non des

études à l’enseignement supérieur (Christofides, Hoy, Milla, & Stengos, 2015; Milani, 2006; Noël, 2014;

Statistique Canada, 2015). Si la famille est un facteur déterminant, d’autres facteurs sont aussi

importants à considérer. En effet, la recension des écrits produite par Diallo, Trottier et Doray (2009),

sur les études à l’enseignement supérieur auprès des jeunes Canadiens, révèle des facteurs

d’influence qui concernent certes la famille, mais aussi les pairs, les résultats scolaires obtenus lors de

la scolarisation primaire et secondaire, le type d’école fréquentée ainsi que la participation en classe

et aux activités parascolaires. Pour sa part, le Conseil canadien sur l’apprentissage (2009) identifie

des facteurs similaires qui influencent la poursuite des études postsecondaires, soit l’attitude et la

scolarité des parents ainsi que le rendement scolaire et l’engagement durant les études secondaires.

Toujours selon le Conseil canadien sur l’apprentissage (2009), d’autres facteurs – qui ne figurent pas

dans la recension des écrits de Diallo et ses collaborateurs (2009) – ont également une importance

dans la poursuite ou non d’études postsecondaires : les ressources financières, les compétences en

littératie et la proximité entre le lieu de résidence et l’établissement d’enseignement supérieur.

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2.1.2 La première année d’études, la persévérance et la réussite scolaire

Les recherches sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur concernent aussi la

persévérance et la réussite des études (Fontaine & Peters, 2012; Michaut, 2012), qui renvoient, pour

nombre de chercheurs, à la réussite de la première année d’études (Freshman Year Experience ou

First Year Experience) (Coulon, 2005; Picard, Kamanzi, & Labrosse, 2013; Sauvé, Debeurme, Martel,

Wright, & Hanca, 2007; Upcraft, Gardner, & Barefoot, 2005). Cette première année à l’enseignement

supérieur serait vue comme une année décisive dans la réussite des études, puisque c’est lors de

cette période de transition qu’un apprentissage du métier d’étudiant s’effectue.

La première année d’études à l’enseignement supérieur a été abondamment étudiée dans la littérature

scientifique et nombre d’écrits mettent l’accent sur l’intégration intellectuelle et sociale dont doit faire

preuve l’individu – ce qui correspond à la capacité d’être étudiant – pour réussir les études. Tinto (1993,

2006) est l’un des chercheurs incontournables sur la question de la réussite des études à

l’enseignement supérieur. Pour ce dernier, une socialisation adéquate lors de la transition aux études

à l’enseignement supérieur contribuerait à expliquer la persévérance et la réussite (et a contrario le

décrochage). Les difficultés d’intégration intellectuelle et sociale des étudiants, c’est-à-dire la difficulté

à s’intégrer à l’établissement d’enseignement ainsi que l’isolement face à la vie quotidienne dans

l’établissement d’enseignement, illustrent la difficulté de certains étudiants à s’intégrer au modèle

scolaire. Ces étudiants sont plus susceptibles de décrocher.

L’intégration institutionnelle et sociale renvoie – de manière plus précise chez Boyer (2000), qui a

étudié la première année d’études universitaires en France – à la capacité d’appropriation de l’espace,

des codes et des routines, mais aussi d’une nouvelle temporalité qui régule les études et de nouvelles

conditions de vie (ex. : un nouveau réseau social et une potentielle mobilité géographique) qui

caractérisent les études à l’enseignement supérieur. Cette intégration institutionnelle et sociale, qui

correspond à l’adoption du métier d’étudiant, modulerait également l’identité (Boyer, 2000).

Coulon (2005), pour qui la réussite des études à l’enseignement supérieur renvoie également à un

apprentissage formel et informel des nouveaux codes relatifs aux études, s’attarde surtout à détailler

les trois temps d’affiliation institutionnelle et intellectuelle qui permettent l’acquisition du métier

d’étudiant chez les étudiants universitaires français. Le temps de l’étrangeté est la période où l’étudiant

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entre dans un univers inconnu et rompt, d’une certaine manière, avec le monde familial. Ce temps dit

de « forte déstabilisation » se manifesterait dans les premières semaines du premier trimestre. Il serait

caractérisé par trois types de confrontations, soit entre l’université et le lycée60, entre l’université et le

monde professionnel, où un déphasage se produit, et avec les nouvelles pratiques du monde

universitaire. Le temps de l’apprentissage se caractérise par une adaptation et une « conformisation »

graduelles au monde universitaire; il se produit quelques semaines après le début des études61. C’est

une période où les repères se placent et les routines s’installent graduellement sans que tout soit bien

ancré. Le temps de l’affiliation correspond à une relative maîtrise du métier d’étudiant, où une capacité

interprétative des règles, voire une transgression de ces dernières, se manifeste. Une aisance marque

donc ce temps où l’étudiant est affilié à la fois sur le plan institutionnel et intellectuel.

L’apprentissage du métier d’étudiant se traduit aussi dans les rapports avec les enseignants et les

enseignements universitaires, ce qui a été étudié par Coridian (2000) auprès d’étudiants français. Les

résultats de la recherche montrent que, dans la découverte des enseignants et des enseignements

universitaires, des différences dans les rapports entretenus avec le corps professoral entre le lycée et

l’université se remarquent alors qu’une distance semble plus grande. Pour les étudiants, un flou

pédagogique quant aux attentes et aux objectifs visés dans les cours rend ardue la compréhension

des modalités d’enseignement et d’évaluation. Les différentes compétences acquises par les étudiants

durant la scolarité antérieure ne les placent pas tous dans les mêmes conditions alors que pour

certains, la prise de notes et la compréhension des attentes d’une évaluation ne sont pas les mêmes.

Si certains vont déployer des efforts pour acquérir ces compétences, d’autres n’y arrivent pas.

Autrement dit, des étudiants voient cette adaptation comme une stimulation liée à la découverte de

nouvelles compétences alors que d’autres sont plutôt découragés par rapport à la quantité de savoirs

à assimiler, menant certains à remettre en question leurs études universitaires (Coridian, 2000).

Les recherches dont nous venons de discuter montrent comment l’intégration institutionnelle et sociale

semble fondamentale dans la réussite de la première année d’études à l’enseignement supérieur, mais

aussi dans la persévérance et la réussite des études dans leur ensemble. D’autres recherches se sont

surtout attardées à documenter les facteurs contribuant à la réussite des études à l’enseignement

60 En France, le lycée correspond sensiblement aux études secondaires au Québec.

61 Coulon (2005) mentionne que la durée des temps varie selon les individus et les établissements, surtout pour le deuxième temps, celui de l’apprentissage.

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supérieur (Michaut, 2012; Sauvé, Debeurme, Martel, Wright, Hanca, et al., 2007). La recension des

écrits de Diallo, Trottier et Doray (2009) montre que différents facteurs influencent la réussite aux

études postsecondaires. D’un côté, des facteurs financiers concernent l’accessibilité à de l’aide

financière durant le cheminement, ce qui vient contribuer à la persévérance aux études. D’un autre

côté, des facteurs non financiers permettent également de comprendre ce qui facilite ou ce qui entrave

la persévérance. Diallo et ses collaborateurs (2009) dressent un portrait de l’étudiant qui persévère

aux études postsecondaires au regard de ces facteurs non financiers :

Les facteurs non financiers influençant la persévérance scolaire, que nous venons de présenter, laissent entrevoir un portrait du persévérant […] selon lequel l’étudiant qui persévère est de sexe féminin, jeune, célibataire, inscrit à temps plein et poursuit des études en continuité. Les difficultés rencontrées par ceux qui persévèrent sont associées au degré d’adaptation aux études universitaires, à l’adaptation travail/études et à l’institution scolaire. Ceux qui poursuivent des études à distance sont confrontés à des difficultés liées à la transition collège-université ou au retour aux études; ce sont principalement l’adaptation des stratégies d’apprentissage, l’autorégulation en fonction de nouvelles consignes et la compréhension des exigences. (Diallo et al., 2009, p. 30)

Ainsi, plusieurs facteurs concourent à expliquer la persévérance et la réussite des études à

l’enseignement supérieur.

2.1.3 Les expériences d’études

Les expériences d’études à l’enseignement supérieur sont un autre thème de recherche dans la

compréhension des parcours étudiants. Les expériences étudiantes renvoient entre autres à l’étude

des manières d’étudier (Lahire, Millet, & Pardell, 1997), aux conditions de vie des étudiants (Galland,

Verley, & Vourc’h, 2011; Grignon, 2000; Ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de

la Science & Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, 2015) et aux rapports aux études (Dubet,

1994a; Hamel, Méthot, & Doré, 2008, 2010). Elles sont de plus en plus documentées dans la littérature

scientifique, comme en témoignent les recherches menées par l’Observatoire national de la vie

étudiante (OVE).

Les recherches sur les expériences étudiantes nous renseignent notamment sur les investissements

des étudiants dans leurs études. Ces investissements renvoient, d’une part, aux représentations et

aux valeurs associées aux études et à la vie universitaire et, d’autre part, aux pratiques en matière

d’apprentissage (Erlich, 2000). Dans ce sens, une recherche menée auprès d’universitaires français

Page 62: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

43

(Erlich, 2000) a montré que, pour la plupart des étudiants, les représentations qu’ils entretiennent de

leurs études universitaires sont centrées sur la recherche d’un « bon métier » – ici vues comme des

représentations utilitaires – même si un attrait intellectuel est présent. Les investissements liés à la vie

universitaire pour les étudiants débutants semblent assez faibles. L’université est considérée comme

un lieu d’études et non pas comme un lieu de vie et de socialisation. Les engagements sportifs,

culturels, politiques et étudiants sont donc peu présents. Erlich (2000) propose trois profils types

d’investissements chez les étudiants. Le type des étudiants « apprenants » se situe dans une logique

d’apprentissage où la recherche d’instruction prime. Ce sont des étudiants qui sont accoutumés avec

les valeurs et les normes scolaires qui continuent, en partie, d’être présentes à l’université. Ils

proviennent souvent de milieux sociaux favorisés. Plus encore, ils éprouvent peu de difficulté dans

l’organisation de leur travail en tant qu’étudiants universitaires, ils donnent généralement sens à leurs

études en y accordant beaucoup – mais pas tout – leur temps et, enfin, ils se mobilisent peu à l’extérieur

de leurs études. Le deuxième type, qui est d’ailleurs le plus fréquent, est celui des étudiants

« utilitaires », où l’utilité sociale est considérée dans la promotion sociale. Si l’intérêt pour les études

se manifeste, c’est un intérêt stratégique et instrumental où les études doivent rapporter des bénéfices.

Ce type se décline en deux sous-types : les utilitaires proches de la « réussite » qui travaillent peu,

mais qui arrivent à avoir des résultats « assez honorables » et qui s’investissent autant dans le temps

des études que dans le temps des activités parascolaires; les utilitaires qui peuvent basculer dans

l’« échec » fournissent beaucoup d’efforts dans leurs études, mais c’est souvent la qualité de leurs

méthodes de travail ainsi que la compréhension des attentes des enseignants et des enseignements

qui posent problème. Le troisième type est celui des « désinvestis », qui est caractérisé par des

étudiants qui ne sont pas mobilisés pour leurs études et qui sont désorientés, les menant à des

difficultés et à des échecs. Plusieurs éléments concourent à comprendre ces difficultés, dont un

mauvais choix de programme d’études, des problèmes de gestion du temps et un travail rémunéré

parallèle aux études. Dans ce type, ces étudiants ne se reconnaissent pas dans l’expérience d’études

qu’ils vivent, ce qui les conduit souvent à un abandon (Erlich, 2000).

Au Québec, Hamel, Méthot et Doré (2008, 2010) ont étudié les rapports aux études de cégépiens et

d’universitaires. Les résultats montrent que les étudiants ont généralement un rapport à leurs études

qui renvoie à des valeurs expressives, c’est-à-dire la recherche d’acquisition de connaissances et le

désir de réalisation de soi par la formation. Si les valeurs instrumentales sont moins présentes, elles

Page 63: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

44

se manifestent tout de même au travers de la recherche de compétences de travail qui seront utiles

sur le marché de l’emploi. Comme conclusion principale, il ressort de cette recherche québécoise que

le rapport aux études à l’enseignement supérieur des étudiants s’inscrit davantage dans une valeur

expressive que dans une valeur instrumentale et que cela va à l’encontre d’autres recherches –

notamment françaises – qui mettent davantage de l’avant l’idée de l’étudiant consommateur associé à

des valeurs instrumentales.

En somme, cette première section de notre recension des écrits montre que les recherches sur les

parcours étudiants à l’enseignement supérieur sont nombreuses et diversifiées quant aux populations

étudiées et aux thèmes de recherche investigués. Néanmoins, il s’avère que la langue d’études figure

très peu dans les recherches menées sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur. Ainsi, les

questions de l’accès et du choix, de la première année d’études, de la persévérance et de la réussite

scolaire ainsi que des expériences étudiantes ne sont que rarement analysées au regard de la langue

d’études (Lamoureux, 2007, 2011). La prochaine section cherche à mettre en évidence les quelques

recherches qui ont abordé les langues dans les parcours étudiants à l’enseignement supérieur.

2.2 Les langues dans les parcours étudiants à l’enseignement supérieur

À l’échelle internationale, la prise en compte de la langue dans la compréhension des parcours

éducatifs semble se poser davantage au niveau de l’enseignement obligatoire lié à la scolarisation

dans l’enfance et à l’adolescence qu’au niveau de l’enseignement supérieur. En effet, dans une logique

néolibérale, marchande et consumériste qui module les systèmes d’éducation de plusieurs pays

industrialisés depuis les années 1980 (Mons, 2007), une dérégulation plus ou moins grande s’observe

quant au choix des établissements d’enseignement (Merle, 2012; Mons, 2007; Van Zanten & Obin,

2010). Cette logique est saillante dans les établissements d’enseignement de niveau primaire et

secondaire, où une concurrence se manifeste entre les établissements et où les familles ont davantage

de pouvoir quant au choix d’un établissement pour leurs enfants (Felouzis, Maroy, & Van Zanten, 2013)

(ex. : le choix d’un établissement public ou privé (Merle, 2010; Turmel, 2014)).

Dans le marché scolaire de certains pays, où plusieurs langues officielles et régionales sont présentes,

la question de la langue d’enseignement se pose notamment dans une perspective où les langues

n’ont pas le même poids à l’échelle locale, nationale et mondiale. Il en est ainsi dans un contexte

Page 64: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

45

national comme la France, où le français est la seule langue officielle, mais où plusieurs langues

régionales évoluent. Dompmartin-Normand (2002) a montré comment l’occitan, dans le sud de la

France, est présent dans différentes écoles. Les parents choisissent ce type d’école afin de permettre

la valorisation d’une langue régionale dans un environnement social où le français prédomine, mais

aussi parce que plusieurs de ces écoles présentent de meilleures conditions et des avantages sur le

plan pédagogique en étant des « écoles sur-mesure ». D’autres contextes nationaux, comme la

Belgique et la Suisse, présentent plusieurs langues officielles qui ne détiennent pas le même poids

dans le marché des langues. En Belgique – avec le néerlandais, le français et l’allemand comme

langues officielles – le système d’éducation est particulièrement régulé selon les régions et les langues

officielles. Or, dans les écoles de la communauté néerlandophone, les élèves ayant une autre langue

maternelle sont acceptés, ce qui permet notamment aux familles francophones d’y inscrire leurs

enfants (Côté & Mettewie, 2008). La fréquentation de ces écoles et, en conséquence directe,

l’apprentissage du néerlandais, entraînent l’acquisition d’une langue dont le prestige et le pouvoir ne

cessent de croître en Belgique. Ces établissements reçoivent un financement plus grand que ceux de

langue française, ce qui peut expliquer leur réputation recherchée par les familles francophones (Mc

Andrew, 2010). Dans le cas de la Suisse – où quatre langues officielles existent : l’allemand, le français,

l’italien et le romanche – l’apprentissage de plus en plus précoce de l’anglais comme langue étrangère

à l’école, au détriment des langues officielles du pays, est grandement souhaité par la communauté

germanophone. La communauté linguistique germanophone est associée à la puissance économique

et démographique du pays et l’apprentissage de l’anglais au détriment du français, de l’italien ou du

romanche y est vu dans une perspective économique et mondiale. Les autres communautés

linguistiques officielles du pays voient autrement l’apprentissage de l’anglais, c’est-à-dire comme une

source potentielle de nuisance à la cohésion nationale (Plumelle, 2003).

À l’enseignement supérieur, la logique néolibérale a également cours alors que le choix d’un

établissement d’enseignement s’étend généralement à une échelle plus nationale, voire internationale

(Felouzis et al., 2013). Il semble néanmoins que la question des langues d’études dans la

compréhension des parcours étudiants à l’enseignement supérieur ne soit pas beaucoup étudiée. Plus

encore, dans des contextes nationaux où plusieurs langues sont présentes, comme la Belgique et la

Suisse, le thème des langues dans les parcours étudiants à l’enseignement supérieur semble peu

abordé par les chercheurs (Bégin, Michaut, Romainville, & Stassen, 2012). À notre connaissance, dans

Page 65: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

46

un contexte comme celui de la Suisse, où certaines des universités du pays sont officiellement

bilingues, comme l’Université de Fribourg avec l’allemand et le français, la question de la langue

d’études chez les étudiants semble faire l’objet de peu d’investigations scientifiques.

Dans ce contexte, le cas du Canada semble particulièrement significatif, puisqu’un intérêt scientifique

s’y exprime de plus en plus quant à la langue d’études à l’enseignement supérieur, tant chez les

francophones en situation minoritaire au Canada que chez les étudiants optant pour des

établissements d’enseignement supérieur de langue anglaise au Québec.

2.2.1 Les parcours à l’enseignement supérieur des francophones en situation minoritaire au

Canada

Les recherches sur les parcours à l’enseignement supérieur des étudiants francophones en situation

minoritaire au Canada se concentrent surtout autour d’enjeux liés à la vitalité des communautés

francophones hors-Québec. En effet, considérant leur statut de minorité linguistique officielle au

Canada, les jeunes francophones y représentent la génération montante permettant d’assurer une

certaine continuité linguistique (Pilote & Magnan, 2008). En ce sens, plusieurs recherches se

concentrent sur les facteurs qui influencent la poursuite des études au sein d’établissements

d’enseignement supérieur de langue française ou dans des programmes d’études en français. D’autres

recherches s’attardent à l’identité et au sentiment d’appartenance à la communauté francophone.

Enfin, l’étude des parcours étudiants à l’enseignement supérieur renvoie aussi à des considérations

sur l’intégration professionnelle et linguistique des jeunes francophones en situation minoritaire au

Canada.

2.2.1.1 Les facteurs de choix

Plusieurs recherches sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur des francophones en

situation minoritaire au Canada se sont attardées à déterminer les facteurs qui influencent la poursuite

d’études en français. Ces recherches montrent la complexité des facteurs et des motivations qui

expliquent le choix de la langue d’études postsecondaires chez les jeunes francophones en situation

minoritaire (Boissonneault, 2016; Vieux-Fort, 2011). Des recherches montrent plus spécifiquement que

différents obstacles entravent le choix de la langue française aux études postsecondaires. L’enquête

statistique pancanadienne menée par Allard, Landry et Deveau (2009) auprès de jeunes francophones,

Page 66: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

47

tout comme l’enquête statistique auprès de jeunes franco-ontariens dirigée par Labrie, Lamoureux et

Wilson (2009, 2011) ainsi que la recension des écrits produite par Lalonde et Lortie (2014) sur de

jeunes francophones et francophiles montrent que les principaux obstacles à la poursuite d’études

postsecondaires en français sont d’ordre linguistique et géographique. Les obstacles linguistiques

concernent les faibles résultats en français durant le secondaire, le peu d’intérêt pour les études en

français et la préférence pour la langue anglaise. Les obstacles géographiques concernent la distance

d’un établissement d’enseignement supérieur, où des programmes en français sont offerts ainsi que

les coûts engendrés par une mobilité géographique pour les études et l’accessibilité à des bourses

pour étudier en français (Allard et al., 2009).

Les résultats de la recherche quantitative menée par Samson et ses collaborateurs (2016a, 2016b)

nous éclairent sur des facteurs similaires qui mènent au choix de poursuivre des études

postsecondaires en français ou en anglais chez des élèves de 12e année de l’Ontario. Selon un ordre

d’importance, le choix des études en français se fonde sur le sentiment de compétence en français, la

qualité de l’offre de programmes d’études, la possibilité de se trouver un emploi pertinent exigeant le

bilinguisme, le sentiment d’appartenance à la francophonie et la proximité d’un établissement

d’enseignement postsecondaire bilingue ou de langue française. À l’inverse, les facteurs qui

influencent le choix de réaliser des études postsecondaires en anglais concernent, selon un ordre

d’importance, le prestige d’un établissement d’enseignement anglophone, le manque de programmes

d’études en français, la faible possibilité de trouver un emploi satisfaisant, le manque de compétences

en français ainsi que – dans certains cas – l’éloignement géographique des établissements bilingues

ou francophones (Samson et al., 2016a, 2016b). Or, les résultats de cette enquête montrent que le fait

de poursuivre des études postsecondaires en français est le prolongement de la construction identitaire

et vocationnelle opérée chez l’élève (Sovet, DiMillo, & Samson, 2017). Les résultats de la recherche

de Samson et ses collaborateurs semblent alors corroborer les résultats d’une recherche menée il y a

plus de deux décennies sur les jeunes de la minorité francophone en Ontario (Frenette & Quazi, 1994)

qui montraient que, malgré les choix individuels qui se posent pour les jeunes francophones en

situation minoritaire, un attachement à des valeurs collectives domine dans les considérations

individuelles liées au choix de la langue aux études postsecondaires.

Page 67: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

48

2.2.1.2 L’identité linguistique et l’appartenance à la communauté francophone

D’autres recherches, moins nombreuses, se sont intéressées aux modulations de l’identité linguistique

et à l’appartenance à la communauté francophone lors des études à l’enseignement supérieur chez

les francophones en situation minoritaire au Canada.

Si les résultats d’une recherche menée auprès d’étudiants francophones et anglophones à l’Université

d’Ottawa montrent que les francophones manifestent un plus grand sens d’appartenance à leur

communauté linguistique que leurs pairs anglophones (Gingras, 2005), d’autres recherches ont surtout

montré les modulations identitaires qui ont cours durant le parcours à l’enseignement supérieur.

L’étude ethnographique critique de Lamoureux (2007, 2011) sur la transition du secondaire de langue

française vers le postsecondaire de jeunes Ontariens montre que la majorité a choisi de poursuivre

ses études dans une des universités anglophones situées plus près du domicile alors qu’une minorité

a choisi un programme d’études en français dans l’une des deux universités bilingues de l’Ontario

situées plus loin du lieu de résidence. La recherche nous apprend que, sur le plan identitaire, des

repositionnements de l’identité linguistique se produisent, peu importe que la transition s’effectue vers

un établissement universitaire anglophone ou bilingue. Les jeunes en viendraient à s’identifier plus à

une communauté qui dépasse celle des frontières linguistiques de la communauté francophone en

situation minoritaire. Conséquemment, une ouverture sur le plan identitaire s’effectuerait alors que les

jeunes revendiqueraient une identité linguistique francophone, mais aussi d’autres identités, comme

celle d’être un jeune adulte ou un citoyen du monde. Lamoureux souligne également que les jeunes

ne comprennent pas pourquoi leur passage vers l’université anglophone ou bilingue leur est reproché

par leur milieu d’origine et leur école secondaire, puisqu’ils demeurent francophones, mais s’ouvrent à

d’autres identifications.

La recherche qualitative menée par Pilote et ses collaborateurs (Pilote & Canuel, 2013; Pilote,

Garneau, Vieux-Fort, & Molgat, 2016; Pilote & Magnan, 2012) auprès de jeunes ayant été scolarisés

en français au secondaire nous renseigne sur leur identité linguistique durant leurs études

universitaires. D’abord, des modulations identitaires lors des études universitaires ont été observées.

En effet, la majorité des jeunes interrogés s’identifient à une minorité francophone en rapport aux deux

groupes majoritaires que sont les francophones du Québec et les anglophones du Canada. Seule une

Page 68: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

49

minorité des jeunes participants revendique une identité plurielle qui remet en question la vision

dichotomique62 exprimée par la majorité (Pilote & Magnan, 2012). Plus encore, toujours dans le cadre

de cette recherche, pour les étudiants qui effectuent plus spécifiquement une mobilité géographique

vers le Québec pour les études postsecondaires, des transformations identitaires se produisent au

contact des Québécois francophones. En effet, lors des contacts avec l’Autre québécois, certains

francophones tendent à rechercher une reconnaissance de leur identité linguistique alors que d’autres

font plutôt usage de stratégies (omission d’une facette de leur identité ou acceptation de l’identité

attribuée par les Québécois francophones) (Pilote & Canuel, 2013). Enfin, cette même recherche

montre aussi que les études universitaires génèrent des expériences différentes au regard du rapport

aux études (instrumental ou expressif63) et du rapport au temps (incertain, engagé dans le présent ou

prospectif) entretenus par les étudiants. Ces parcours universitaires mettent en exergue que les jeunes

francophones articulent la langue française à des facteurs professionnels. Cette articulation montre

que la langue ne s’associe pas uniquement à des considérations identitaires et que le travail ne renvoie

pas uniquement à des considérations instrumentales (Pilote et al., 2016).

2.2.1.3 La transition vers le marché du travail

La compréhension des parcours étudiants à l’enseignement supérieur des francophones en situation

minoritaire au Canada concerne également la transition vers le marché du travail. Cette transition

renvoie, ici aussi, à des enjeux quant à la vitalité ethnolinguistique des communautés francophones en

situation minoritaire au Canada. Des recherches scientifiques ont interrogé les intentions

professionnelles des jeunes francophones alors que d’autres se sont surtout intéressées aux

expériences de bilinguisme une fois sur le marché du travail.

Les recherches menées auprès des jeunes quant à leurs intentions professionnelles nous informent

sur différents éléments. D’abord, les représentations sociales du travail chez les finissants franco-

ontariens montrent entre autres que, sur le plan identitaire, l’avantage que peut procurer la

connaissance du français sur le marché du travail nourrirait une affirmation plus forte de l’identité

62 Pour Pilote et Magnan (2012), la vision dichotomique renvoie à : « une vision où les Anglophones canadiens s’opposent aux Francophones minoritaires ou [à] une vision où les Francophones québécois s’opposent aux Francophones minoritaires » (p. 184).

63 Le rapport instrumental aux études est l’utilité des études tandis que le rapport expressif aux études renvoie à l’accomplissement et à la réalisation de soi dans les études (Pilote et al., 2016).

Page 69: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

50

francophone (Negura & Samson, 2008). Ensuite, les intentions de retourner travailler dans la région

d’origine après les études à l’enseignement supérieur seraient modérées chez les élèves

francophones. Les obstacles à de telles intentions concernent la confiance en la possibilité de trouver

un travail dans la région, mais aussi la situation économique et les possibilités d’avancement dans le

domaine professionnel désiré (Allard et al., 2009).

D’autres recherches ont été menées sur les expériences professionnelles et linguistiques des

francophones en situation minoritaire. Elles montrent comment le bilinguisme (français et anglais)

présente des avantages, mais aussi des limites sur le marché du travail. Les recherches de Lozon

(2001) et de Dubois, LeBlanc et Beaudin (2006) montrent que le bilinguisme présente des avantages

sur le marché de l’emploi, puisqu’il permet l’accès à des emplois où des connaissances linguistiques,

tant en français qu’en anglais, sont requises. Ainsi, le bilinguisme rend accessibles des emplois

auxquels les anglophones unilingues n’ont forcément pas accès. Ces milieux de travail, où le

bilinguisme serait requis, sont aussi, dans certains cas, des lieux favorables pour communiquer en

français. Or, la recherche sociolinguistique et ethnographique menée dans un centre d’appels auprès

de jeunes franco-ontariens montre que le bilinguisme en emploi peut présenter des limites (Roy, 2001).

En effet, un certain niveau de bilinguisme est demandé chez les employés, mais tous les franco-

ontariens ne le détiennent pas. De plus, pour ceux qui détiennent les compétences linguistiques

demandées, seuls les postes au service à la clientèle demandent un bilinguisme alors que pour les

postes supérieurs, l’anglais domine. Ainsi : « Les jeunes bilingues qui veulent faire usage de la langue

française restent donc marginalisés économiquement » (Roy, 2001, p. 58).

En définitive, la langue française est centrale au sein des recherches menées sur les parcours

étudiants à l’enseignement supérieur des francophones en situation minoritaire au Canada, qu’elle

concerne les facteurs de choix, l’identité linguistique et l’appartenance à la communauté francophone

ou la transition vers le marché du travail. La langue française dans les parcours étudiants renvoie à

l’enjeu de vitalité de ces communautés francophones en situation minoritaire.

2.2.2 Les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec

Au Québec, des travaux se sont intéressés aux parcours étudiants à l’enseignement supérieur au

regard de la langue anglaise. Si la majorité des parcours au collégial et à l’université se réalise en

Page 70: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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français, c’est-à-dire dans la langue officielle de la province, une proportion d’étudiants opte pour

l’anglais comme langue d’études, compte tenu du libre choix qui s’opère à l’enseignement supérieur

(Conseil supérieur de la langue française, 2011; Office québécois de la langue française, 2017a). En

revanche, à la différence des travaux sur les francophones en situation minoritaire au Canada, l’intérêt

de ces recherches ne porte généralement pas sur les étudiants anglophones associés à la minorité

linguistique officielle du Québec, mais plutôt sur les jeunes allophones ou les jeunes issus de

l’immigration et les jeunes francophones qui optent pour les études en anglais à l’enseignement

supérieur. Elles s’inscrivent donc dans des enjeux liés au maintien de l’équilibre démolinguistique entre

le français et l’anglais dans la province de Québec, province souvent caractérisée par l’existence d’une

« majorité fragile » au sein d’un environnement canadien et nord-américain anglo-dominant (Mc

Andrew, 2010).

Les recherches qui ont été menées sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais

au Québec se concentrent sur les thèmes des facteurs de choix, des rapports entre les groupes

ethnolinguistiques, des rapports aux langues et des pratiques linguistiques, des expériences

étudiantes, de l’identité et des rapports identitaires aux communautés linguistiques ainsi que de la

transition vers le marché du travail. La plupart concerne les jeunes allophones ou les jeunes issus de

l’immigration qui sont, depuis 1977, soumis à la Loi 101 (Girard-Lamoureux, 2004).

Ces recherches se divisent aussi, selon notre regard, entre celles conduites avant et après les années

2000. Celles menées avant les années 2000 s’inscrivent dans un contexte d’adoption de la Loi 101

(1977) et de la conduite de deux référendums sur la souveraineté du Québec (1980 et 1995), et elles

ont davantage été menées par les institutions d’enseignement supérieur de langue anglaise. Les

recherches conduites depuis les années 2000 s’inscrivent quant à elles davantage dans un contexte

de débat sociopolitique sur l’accessibilité aux établissements d’enseignement collégial anglophones et

elles ont généralement été menées par des chercheurs universitaires, des organismes

gouvernementaux (ex. : Conseil supérieur de la langue française) et des groupes indépendants (ex. :

Institut de recherche sur le français en Amérique).

Page 71: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

52

2.2.2.1 Les facteurs de choix

Plusieurs recherches sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec se

sont attardées à documenter les facteurs qui influencent le choix de la langue d’études, et ce, tant chez

les étudiants anglophones, allophones ou issus de l’immigration que chez les étudiants francophones.

▪ Les étudiants anglophones

Chez les étudiants anglophones provenant du réseau d’enseignement primaire et secondaire de

langue anglaise, le choix des études à l’enseignement supérieur en anglais s’effectue au regard de

plusieurs facteurs. Or, il s’avère que les recherches n’abordent pas le facteur de la langue d’études à

l’enseignement supérieur chez ces étudiants. En effet, au début des années 1990, Isherwood (1991)

a étudié, par le biais d’un sondage, les facteurs explicatifs du choix du cégep auprès d’élèves en

dernière année d’études au secondaire anglophone dans la grande région de Montréal. Les résultats

montrent que le choix de l’établissement d’enseignement était64 guidé par sa réputation et son

emplacement géographique ainsi que par la moyenne scolaire de l’élève et son attitude face à l’école

secondaire. L’influence des pairs était la plus significative dans le choix des études collégiales devant

celle des parents et des conseillers d’orientation. En contrepartie, les résultats montraient que l’origine

socioéconomique des parents, des aspirations professionnelles des élèves, des enseignants au

secondaire, des proches, des visites dans les différents cégeps ainsi que du coût du cégep n’étaient

pas des facteurs qui influençaient le choix des études collégiales. Plusieurs années plus tard, le rapport

de la Commission de l’éducation en langue anglaise (2004) sur les transitions postsecondaires des

élèves provenant du secondaire anglophone au Québec s’est aussi intéressé aux facteurs de choix.

Les résultats de la consultation auprès de huit étudiants de cégep montrent que le choix du cégep et

du programme d’études s’établit souvent vers la fin des études secondaires au regard de l’influence

des pairs, des pressions familiales pour poursuivre des études à l’enseignement supérieur et de la

frénésie liée à la transition vers l’enseignement supérieur. Ainsi, les facteurs de choix des études à

l’enseignement supérieur en anglais chez les étudiants anglophones se comprennent au regard de

plusieurs facteurs, mais la langue d’études n’a pas été traitée.

64 Dans cette section de notre recension des écrits, nous employons des temps de verbe au passé pour discuter des recherches menées avant les années 2000. Cela nous permet de marquer et de distinguer encore plus clairement la temporalité.

Page 72: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

53

▪ Les étudiants allophones ou issus de l’immigration

Des recherches récentes, tant qualitatives que quantitatives, se sont intéressées aux étudiants

allophones ou issus de l’immigration et aux facteurs de choix de la langue d’études à l’enseignement

supérieur (anglais ou français). Les recherches qualitatives menées par le Conseil supérieur de la

langue française (2002) auprès de jeunes adultes allophones ainsi que celle menée par Magnan et

ses collaborateurs (Magnan, Grenier, & Darchinian, 2015) auprès de jeunes issus de l’immigration à

Montréal montrent que le choix de la langue de scolarisation à l’enseignement supérieur est

essentiellement stratégique et fonctionnel en lien avec l’insertion professionnelle. Il serait donc peu lié

à l’appartenance linguistique identitaire (Magnan et al., 2015). Plus précisément, selon le Conseil

supérieur de la langue française (2002), les études postsecondaires sont réalisées en français ou en

anglais pour « ouvrir le plus grand nombre de portes possible sur le marché du travail » (p. 20) afin

d’acquérir des compétences linguistiques importantes dans le cadre des études. Plus spécifiquement,

le choix du cégep francophone est généralement fait pour mieux maîtriser le français, qui est vu comme

nécessitant davantage d’efforts que l’anglais. Pour le choix du cégep anglophone, l’emplacement

géographique, le choix du programme d’études, le souhait de suivre le groupe de pairs ainsi que

l’intention d’améliorer les connaissances en anglais ou d’éviter les difficultés rencontrées en français

écrit lors des études secondaires sont les raisons évoquées par les jeunes allophones. En ce qui

concerne le choix de l’université, l’Université McGill détient la réputation prestigieuse et mondiale que

lui attribuent les parents et les enfants allophones, ce qui conditionne le choix de fréquenter cette

université. Enfin, pour les jeunes allophones, peu importe la langue choisie pour les études

postsecondaires, la connaissance de l’anglais est considérée comme nécessaire pour certains types

d’emplois (Conseil supérieur de la langue française, 2002). Ajoutons que, selon Magnan et ses

collaborateurs (Magnan & Darchinian, 2014), pour les jeunes issus de l’immigration qui choisissent les

études postsecondaires en anglais, le rapport développé à l’école de langue française durant le

primaire et le secondaire ainsi que la culture d’établissement65 attribuée par les pairs et les parents –

qui favorise les établissements de langue anglaise – ont un impact sur le choix de réaliser des études

postsecondaires en anglais.

65 La culture d’établissement fait référence à l’idée que « l’expérience informelle des établissements scolaires influence les aspirations et choix aux études supérieures des jeunes » (Magnan & Darchinian, 2014, p. 379).

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54

Dans une perspective longitudinale, une enquête quantitative (Ledent, Mc Andrew, & Pinsonneault,

2016; Pinsonneault, Mc Andrew, & Ledent, 2013) sur les facteurs de choix de la langue d’études à

l’enseignement supérieur s’est plus particulièrement intéressée aux enfants issus de l’immigration en

général – et pas seulement sur les allophones – afin de considérer les jeunes de première génération

et de deuxième génération scolarisés en français au secondaire66. Ces résultats montrent que les

jeunes issus de l’immigration favorisent davantage le français comme langue d’enseignement au

collégial. Pour ceux qui optent pour le collégial en anglais, les facteurs explicatifs sont les suivants :

leur origine géographique et leur région de provenance linguistique (c’est-à-dire une origine et une

région de provenance plus francophone ou anglophone influencerait le choix de la langue à

l’enseignement supérieur au Québec), leur langue maternelle et leur langue d’usage ainsi que leur

région de scolarisation au Québec (c’est-à-dire entre Montréal et les régions hors de Montréal, où la

présence d’établissements d’enseignement de langue anglaise est moindre). Par exemple, être un

étudiant qui vient d’Australie, qui a l’anglais comme langue maternelle et qui étudie à Montréal

augmenteraient la probabilité de fréquenter un cégep anglophone. Les résultats de cette enquête

montrent que les jeunes issus de l’immigration favorisent davantage le français comme langue

d’enseignement au collégial. Les mêmes facteurs, c’est-à-dire ceux pour le choix du cégep

anglophone, auraient une influence sur le choix de la langue à l’université, même si les choix

linguistiques sont généralement maintenus entre le cégep et l’université (Ledent et al., 2016;

Pinsonneault et al., 2013).

▪ Les étudiants francophones

Les étudiants francophones ont aussi fait l’objet d’investigation quant aux facteurs de choix de la langue

d’études à l’enseignement supérieur. Dans un premier temps, différentes recherches ont été menées

avant les années 2000 et elles ont privilégié une approche quantitative. Ces recherches s’avèrent

pertinentes, bien qu’elles soient plus anciennes, parce qu’elles portent plus particulièrement sur les

étudiants francophones. Ces trois recherches, dont l’une a été menée au campus St-Lawrence du

collège Champlain (Talbot, 1998), une autre au Collège John Abbott (Veltman, 1981) et l’autre à

l’Université McGill (Johnson, 1979), nous apprennent que les jeunes francophones choisissaient de

66 Selon les auteurs, la prise en considération des jeunes issus de l’immigration permet de constituer un portrait différent de la situation du choix de la langue lors des études collégiales puisque le choix du cégep francophone serait plus élevé en considérant les élèves issus de l’immigration (Ledent et al., 2016; Pinsonneault et al., 2013).

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55

poursuivre des études à l’enseignement supérieur en anglais afin d’améliorer leurs connaissances

dans cette langue. La recherche de Veltman (1981) précise que les facteurs de choix du cégep

anglophone pour les étudiants francophones étaient le désir d’apprendre davantage l’anglais, la

proximité géographique de l’établissement d’enseignement et l’offre intéressante de programmes

d’études. En outre, les étudiants sondés avaient entendu parler du Collège John Abbott de manière

informelle par des amis et des connaissances. La recherche de Johnson (1979), quant à elle, met de

l’avant l’idée que l’université anglophone avait été choisie par les francophones pour apprendre

davantage l’anglais, mais aussi parce que ces étudiants s’étaient vu refuser une demande d’admission

dans une autre université (16,6 % d’étudiants francophones comparativement à 0,6 % d’étudiants

anglophones67).

Dans un deuxième temps, quelques recherches plus récentes nous informent sur les étudiants

francophones68 et sur leur choix de la langue de scolarisation à l’enseignement supérieur. L’Institut de

recherche sur le français en Amérique69, un organisme de recherche indépendant, a mené une

enquête quantitative sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial (Sabourin et al.,

2010a). Cette enquête nous éclaire sur les facteurs qui orientent des étudiants allophones et

francophones vers une langue d’enseignement (français ou anglais). Parmi les résultats qui se

dégagent de cette enquête et qui concernent les francophones, le premier a trait au choix de la langue

anglaise au collégial qui ne pourrait pas, selon les auteurs, statistiquement s’expliquer par une

quelconque forme de contingentement des établissements francophones. Ensuite, des facteurs

culturels, c’est-à-dire, la langue parlée à la maison et la langue des études secondaires, permettent de

comprendre ce qui « prédispose » au choix de la langue d’enseignement au collégial. Selon la langue

d’études au secondaire, 8 % des élèves francophones du secondaire français se dirigeraient vers le

cégep anglophone. En ce qui concerne la langue parlée à la maison, 10 % des étudiants parlant

français à la maison poursuivraient des études collégiales en anglais. Des facteurs personnels sont

67 Johnson (1979) ne donne pas d’informations à savoir si pour ces étudiants francophones, le premier choix d’établissement d’enseignement universitaire était de langue anglaise ou de langue française.

68 La recherche de Sabourin et ses collaborateurs (2010a) concerne des étudiants allophones et francophones. À des fins de simplification et surtout pour éviter des doublons dans l’information, nous avons classé cette recherche sous l’onglet « étudiants francophones » et nous n’avons sélectionné que les informations portant sur ce groupe linguistique.

69 L’Institut de recherche sur le français en Amérique dit se développer : « selon trois grandes orientations étroitement imbriquées : la recherche scientifique (enrichissement du savoir), la formation (constitution d’une relève scientifique) et la diffusion de l’information (développement de l’esprit critique des citoyens relativement à la question linguistique) » (Institut de recherche sur le français en Amérique, 2008).

Page 75: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

56

aussi évoqués pour expliquer le choix de l’établissement collégial : la localisation du cégep, la

disponibilité d’un programme d’études, la présence d’amis et la qualité perçue du cégep. D’autres

facteurs sont mentionnés selon un ordre d’importance, soit la possibilité de pratiquer un sport,

l’ambiance générale et l’influence de la famille. Quant à la langue d’enseignement, il s’agit du facteur

le plus déterminant du choix du cégep anglophone. Le questionnaire comprenait des questions

ouvertes qui ont permis aux étudiants d’expliciter leur choix de la langue d’études collégiales. Une

facilité ou une difficulté avec l’anglais ou le français, une préférence personnelle face à l’anglais, la

continuité d’un parcours scolaire en français ou en anglais, le désir de perfectionner l’anglais ou le

français et le plan de carrière sont les principales raisons évoquées. D’autres raisons ont également

été mentionnées comme relever un défi, la pression des parents et le désir de faire un changement.

Les francophones qui choisissent le cégep anglophone soulignent, par ordre d’importance, le

perfectionnement souhaité de l’anglais, la carrière, la facilité avec l’anglais ou la difficulté avec le

français, la préférence personnelle face à la langue anglaise et la continuité d’un parcours scolaire en

anglais.

Enfin, la seule recherche qualitative (Magnan, Pilote, & Vieux-Fort, 2013) qui a porté sur les jeunes

francophones s’est plus particulièrement intéressée aux jeunes ayants droit provenant de familles

francophones, mais qui ont fréquenté le réseau d’enseignement anglophone au secondaire à Québec.

L’un des résultats probants de la recherche concerne l’effet que génère la fréquentation

d’établissements anglophones sur les choix d’orientation scolaire – c’est-à-dire du cégep et de

l’université anglophone – ainsi que sur l’identité linguistique, le souhait d’effectuer une mobilité

géographique et l’intention de travailler en anglais. Ainsi, même si ces jeunes proviennent de familles

francophones, le fait de réaliser une scolarité secondaire en anglais modulerait leur orientation scolaire

vers des établissements anglophones.

2.2.2.2 Les rapports entre les groupes ethnolinguistiques

Les rapports entre les groupes ethnolinguistiques constituent un thème présent au sein des recherches

sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec. Dans le contexte

sociohistorique entourant l’adoption de la Loi 101 en 1977, une étude quantitative (Johnson, 1979) a

exploré les contacts entre les étudiants francophones et anglophones à l’Université McGill. Les

résultats montrent que les francophones et les anglophones tendaient à rester au sein de leur groupe

Page 76: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

57

linguistique. Des contraintes liées au temps, à la barrière linguistique, aux caractéristiques

personnelles des répondants, à l’environnement physique de l’Université McGill et aux différences

culturelles étaient les éléments avancés pour expliquer les faibles contacts entre les groupes.

À la différence des résultats de Johnson (1979) qui s’inscrivent dans le contexte sociohistorique des

années 1970, Côté (2005; Côté & Mettewie, 2008) a étudié, dans un contexte plus récent, les rapports

intergroupes d’étudiants francophones et anglophones de quatre cégeps de langue anglaise (dont trois

à Montréal). Les principaux résultats de cette recherche quantitative révèlent que si les expériences

de contact relevées se situent sur un continuum de la plus négative à la plus positive, dans l’ensemble,

les contacts entre les deux groupes linguistiques sont généralement positifs. Ainsi, des conditions

favorables aux contacts entre les étudiants francophones et anglophones sont présentes, notamment

par le biais de l’établissement qui les favorise par des normes qui sont adoptées par les membres de

la direction et du corps professoral et par un sentiment d’égalité entre les deux groupes linguistiques.

La recherche montre également, que plus il y a d’occasions de contacts (c’est-à-dire des amis, la

fréquence d’utilisation de l’autre langue, le nombre d’heures partagées en classe avec des étudiants

de l’autre langue), plus la qualité des contacts (c’est-à-dire la profondeur dans la relation et l’aisance

dans les contacts avec les étudiants de l’autre groupe linguistique) est présente. Une grande quantité

et une grande qualité de contacts mènent alors à une plus importante proximité sociale avec les

membres de l’autre groupe linguistique, à une plus importante identification à l’autre groupe et à un

souhait de contacts ultérieurs avec le groupe. Néanmoins, cela ne mène pas les membres de chaque

communauté linguistique à un sentiment de vivre une assimilation à l’autre groupe, puisque chacun

conserve une préférence à son groupe d’origine quant à l’usage de la langue et à la composition du

réseau social. Enfin, l’élément qui apparaît le plus significatif de la quantité et de la qualité des contacts

avec l’autre groupe linguistique est l’auto-évaluation que font les collégiens de leur compétence dans

la langue seconde. Plus le sentiment de compétence dans l’autre langue est grand, plus la quantité et

la qualité des contacts avec les membres de l’autre groupe linguistique sont élevées. Par extension à

la question des rapports intergroupes, une étude comparative a été menée par Amireault (2002) sur

les facteurs d’influence des représentations culturelles de la langue française et les Québécois

francophones chez des étudiants de cégeps anglophones publics montréalais fréquentant les cours

de français de niveaux débutant, intermédiaire et avancé. Les résultats de sa recherche quantitative

montrent que plus la connaissance du français est grande (étudiants de niveaux intermédiaire et

Page 77: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

58

avancé en français), plus les représentations culturelles sont positives. Ce faisant, il est possible pour

nous de lier ce résultat à celui de Côté (2005; Côté & Mettewie, 2008) quant à la relation entre la

confiance en langue seconde et le désir d’entrer en contact avec l’autre groupe.

Enfin, une recherche ethnographique70 (Lamarre, Paquette, Ambrosi, & Kahn, 2004) détaille les types

de regroupements étudiants dans deux cégeps de Montréal, un anglophone et un francophone. Cette

recherche, dans des cégeps montréalais reconnus pour leur diversité ethnoculturelle, a été menée

auprès de jeunes immigrants ou non-immigrants qui, selon la Loi 101, ont été scolarisés en français.

Les résultats mettent en lumière le fait que dans le cégep anglophone, les regroupements étudiants

s’établissent principalement selon l’origine ethnique. La même origine ethnique, des référents culturels,

religieux et linguistiques similaires ainsi qu’une provenance géographique similaire sont des éléments

constitutifs de ces regroupements. Les étudiants se regroupent alors dans une association étudiante

« ethnique » et investissent des lieux précis dans le cégep anglophone, parfois renommés

« officieusement » en référence à l’origine ethnoculturelle du groupe. À ce propos, les auteurs

soulignent qu’il existe la cafétéria italienne, asiatique, grecque-arabe et afro-américaine. Au sein de

l’ensemble de ces lieux « ethniques » se retrouvent des étudiants « Québécois de souche ». Si les

regroupements des étudiants s’établissent beaucoup selon l’origine ethnique, des regroupements

existent aussi selon les programmes d’études. Au fil des années, il semble que les regroupements

ethniques et par programme d’études se remarquent aussi dans les représentations entretenues et les

discours véhiculés par les administrateurs et les cégépiens. C’est dire que les distinctions ethniques

tendent à se reproduire dans le temps (Lamarre et al., 2004)71.

2.2.2.3 Le rapport aux langues et les pratiques linguistiques

Le rapport aux langues et les pratiques linguistiques ont également été étudiés dans les recherches

sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais. Ces recherches montrent que les

étudiants qui, dans ces recherches sont tous allophones, entretiennent des rapports différents avec la

langue française, la langue anglaise et leur langue maternelle (Lamarre & Paredes, 2003; Tokita,

2004).

70 En plus de la recherche ethnographique, des discussions informelles avec des étudiants, deux entrevues avec des administrateurs ainsi qu’une analyse de publications institutionnelles et étudiantes ont été réalisées.

71 Dans le cégep francophone, où la majorité des étudiants sont des « Québécois de souche française », les regroupements ne se font pas sur la base de l’ethnicité, mais des intérêts et des affinités (Lamarre et al., 2004).

Page 78: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

59

La recherche de Tokita (2004) auprès d’étudiants allophones du Collège Vanier a plus précisément

étudié les attitudes et la motivation face au trilinguisme. Les résultats de sa recherche mixte montrent

que le français représente un instrument pour vivre au Québec, puisque cette langue est essentielle

socialement et économiquement. L’anglais génère des attitudes positives, une motivation intégrative

et instrumentale liée à l’intégration sociale, une ouverture sur le monde ainsi qu’une source d’ascension

socioéconomique. La langue d’origine est liée à une utilisation dans la famille et les attitudes et la

motivation à en faire usage varient selon chaque étudiant.

Les pratiques linguistiques au sein même des cégeps anglophones ont également été étudiées. Une

recherche qualitative (Lamarre & Paredes, 2003) auprès d’étudiants allophones d’un cégep

anglophone de Montréal montre que pour ces étudiants, si le cégep est vu comme une place

anglophone (« English place »), l’usage fréquent d’autres langues demeure présent et l’alternance

codique72 est pratiquée. Dans le cégep, le français est plus utilisé que la langue maternelle des

étudiants allophones, puisqu’il permet de parler avec des amis, d’aider des étudiants francophones ou

de pallier un oubli d’un mot en anglais (« stuck for a word in English »). Quant à l’utilisation de la langue

maternelle, elle est moins employée, puisque tous ne la comprennent pas dans l’établissement

collégial (Lamarre & Paredes, 2003). Ces résultats font écho à l’enquête ethnographique menée par

Lamarre, Paquette, Ambrosi et Khan (2004), dont nous avons précédemment fait état. Dans cette

enquête, les pratiques linguistiques ont également été observées dans un cégep anglophone. Si la

langue anglaise semble dominer dans les échanges informels entre étudiants, cette pratique varie

selon les lieux de socialisation où plusieurs langues peuvent être parlées. Cette situation peut mener

à de l’alternance codique, ce qui est généralement bien perçu par les étudiants. De plus,

l’administration du cégep anglophone semble valoriser et encourager la diversité ethnoculturelle et

linguistique, ce qui pourrait expliquer les pratiques linguistiques variées.

2.2.2.4 Les expériences étudiantes

Des recherches se sont aussi intéressées aux expériences étudiantes, c’est-à-dire à la manière dont

les études à l’enseignement supérieur en anglais sont vécues sur le plan scolaire. Ces recherches sont

peu nombreuses et elles ont été conduites avant les années 2000. Néanmoins, elles montrent qu’un

72 En sociolinguistique, l’alternance codique (code-switching) renvoie au passage d’une langue à l’autre chez les personnes bilingues et plurilingues (Dagenais, 2017).

Page 79: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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ajustement est requis pour les étudiants francophones, tant sur le plan scolaire que sur le plan

linguistique, pour bien réussir leurs études collégiales en anglais.

L’enquête quantitative de Talbot (1998) s’est penchée sur l’expérience scolaire d’étudiants lors de la

première session d’études au campus St-Lawrence du Collège Champlain situé à Québec. Mobilisant

une théorie de la motivation, les résultats montrent que la charge de travail n’explique pas les difficultés

qui pouvaient être vécues lors des premiers mois d’études. Ainsi, les étudiants étaient invités à prendre

conscience qu’un ajustement de leurs compétences linguistiques et de leurs stratégies d’études était

à faire tout au long de la scolarité afin de s’adapter aux études collégiales en anglais.

Au Collège John Abbott, la recherche quantitative de Veltman (1981), menée auprès d’étudiants

francophones dont certains proviennent du secondaire francophone et d’autres du secondaire

anglophone, montre que tous les étudiants évaluaient leurs habiletés en anglais comme « moyennes »,

bien que ceux provenant du secteur anglais considéraient leurs habiletés plus élevées. Plus encore,

pour l’ensemble des étudiants francophones, les problèmes éprouvés en anglais ne semblaient pas

avoir beaucoup d’effets sur leur performance scolaire, même si les étudiants provenant du secteur

français se sentaient plus touchés par la situation. L’environnement social du collège anglophone était

considéré comme invitant par l’ensemble des étudiants francophones. Quant à l’utilisation des services

offerts aux étudiants, ils semblaient relativement mobilisés, bien que les étudiants francophones

provenant du secteur anglais en faisaient davantage usage (Veltman, 1981).

2.2.2.5 L’identité et les rapports identitaires aux communautés linguistiques

Les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec ont aussi été étudiés sous

l’angle de l’identité et des rapports identitaires aux communautés linguistiques. En effet, des étudiants

ayant des profils linguistiques divers (anglophone, allophone et francophone) se trouvent à jongler

avec les identités anglophone et francophone présentes au sein d’un Québec francophone et d’un

établissement d’enseignement anglophone.

Pour des jeunes issus de l’immigration rencontrés dans le cadre d’une recherche qualitative menée à

Montréal (Magnan, Darchinian, & Larouche, 2016), il s’avère que les interactions vécues dans un

établissement collégial puis universitaire anglophone mènent au maintien d’une identité liée au pays

d’origine et à l’ajout d’une identité canadienne ou montréalaise, alors que pour les étudiants issus de

Page 80: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

61

l’immigration qui ont réalisé une scolarité collégiale puis universitaire en français, le contact avec des

étudiants francophones permet d’amenuiser les tensions entre les groupes linguistiques et l’identité

tend à devenir plurielle et non dichotomique.

Une recherche qualitative (Groff et al., 2016a, 2016b) a été menée au campus St-Lawrence du Collège

Champlain à Québec auprès de jeunes appartenant à des minorités linguistiques (entendu ici comme

des jeunes qui parlent une langue autre que le français à la maison). Cette recherche nous amène à

bonifier notre compréhension des rapports aux groupes linguistiques et à la structuration identitaire qui

en découle. En effet, en examinant les expériences et les discours de ces jeunes, il appert que les

tensions entre les groupes linguistiques qui peuvent s’observer dans la région de Québec sont

entretenues chez des étudiants du cégep anglophone. Au travers des discours recueillis auprès de

jeunes de minorités linguistiques, il s’avère qu’une image de fermeture d’esprit est associée aux

francophones, tandis qu’une image de supériorité liée à la connaissance de l’anglais est associée aux

étudiants non francophones. Ces jeunes, de minorités linguistiques officielles (pour les jeunes

anglophones) et non officielles (pour les jeunes allophones), s’identifient à un groupe « majoritaire »

en invoquant des sphères nationale et internationale où l’anglais domine et en rejetant une identité

« minoritaire » au sein d’une sphère régionale et provinciale73.

2.2.2.6 La transition vers le marché du travail

Les recherches sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec ouvrent

la voie à la question de la transition professionnelle et à la place des langues dans les parcours

professionnels des jeunes qui ont réalisé des études collégiales et universitaires en anglais.

D’un côté, deux recherches datant d’environ quarante ans nous informent sur les intentions

professionnelles d’étudiants des établissements d’enseignement de langue anglaise à cette époque.

La recherche quantitative de Greenblatt (1982) auprès d’étudiants du Collège John Abbott montre que

le choix de carrière n’était souvent pas arrêté au moment des études collégiales et que ce qui

influençait les choix de carrière concernait les ressources mises à la disposition des étudiants, les

73 Il est intéressant de souligner qu’une recherche analogue menée auprès de jeunes provenant du secondaire anglophone à Québec montre que le passage par l’université francophone et la rencontre de l’Autre francophone génère des reconfigurations identitaires. Or, si une traversée des frontières linguistiques se produit pour le parcours scolaire, cela ne signifie pas qu’une traversée des frontières identitaires se produit, ce qui laisse penser que l’école secondaire de langue anglaise demeure un ancrage identitaire fort (Magnan, 2010).

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62

parents, les amis, les enseignants ainsi que les expériences de travail vécues. Il semble que la langue

n’était pas forcément considérée dans l’examen des choix de carrière des étudiants. L’étude

quantitative de Johnson (1979) auprès d’étudiants francophones et anglophones de l’Université McGill

indique, quant à elle, que dans les intentions de travail – et plus spécifiquement dans les intentions

quant au type de milieu linguistique préféré – les francophones souhaitaient davantage travailler dans

un environnement bilingue tandis que les anglophones privilégiaient un environnement uniquement

anglophone.

D’un autre côté, des recherches plus récentes nous éclairent sur les réalités actuelles de la transition

vers le marché du travail d’étudiants ayant réalisé des études en anglais à l’enseignement supérieur.

D’abord, il s’avère que tant chez les anglophones que chez les allophones et les francophones, le fait

de réaliser des études à l’enseignement supérieur en anglais augmenterait la probabilité de s’intégrer

à des sphères anglophones. C’est ce que conclut Maheu (2010) dans ses analyses réalisées à partir

de données de l’Enquête nationale sur les diplômés de Statistique Canada. En effet, l’obtention d’un

diplôme d’un établissement d’enseignement supérieur de langue anglaise augmenterait sensiblement

les chances, une ou deux années après la fin des études, de travailler en anglais et/ou de travailler à

l’extérieur du Québec (dans le reste du Canada). Ce constat serait le même chez tous les groupes

linguistiques (francophone, allophone et anglophone). Ainsi, chez les francophones qui ont étudié dans

un cégep anglophone, 67 % travaillent en français comparativement à 95 % chez ceux qui ont étudié

dans un cégep francophone. Chez les francophones qui ont étudié en anglais à l’université, 53 %

travaillent en français comparativement à 93 % chez ceux qui ont étudié dans une université

francophone.

Des travaux ont été menés de manière plus précise auprès des jeunes allophones ou issus de

l’immigration. La recherche de Béland (2009), réalisée à partir des données du recensement canadien

de 2001, montre que la langue maternelle ou le pays de naissance des allophones74 ont davantage

d’influence sur les pratiques linguistiques que la langue d’études au collégial75. Les résultats indiquent

74 L’auteur explique que si les francophones fréquentent aussi les cégeps anglophones, leur proportion serait trop faible comparativement à celle des allophones. Ainsi, seuls les allophones ont été retenus aux fins des analyses.

75 Béland (2009) reprend alors la terminologie proposée par Castonguay (1994) afin de distinguer les allophones dont la langue maternelle est l’anglais ou dont le pays d’origine est davantage associé à l’anglais (ex. : Inde) comme étant des allophones « anglotropes » et les allophones dont la langue maternelle est le français ou le pays est plus associé à la langue française comme étant des allophones « francotropes » (ex. : Maroc).

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63

que pour les allophones qui ont fréquenté le cégep anglophone, les transferts linguistiques vers

l’anglais, dans les pratiques liées à la vie privée et dans le marché du travail, ne s’expliquent pas par

leur langue d’études, mais plutôt par leur origine.

Dans sa thèse doctorale, Darchinian (2018) a étudié les parcours d’orientation linguistique et

professionnelle de jeunes adultes issus de l’immigration vivant à Montréal et dont la majorité est

considérée comme faisant partie des minorités visibles. Ces jeunes adultes qui proviennent du

secondaire français ont choisi de réaliser des études postsecondaires en français ou en anglais et, au

moment de l’entrevue, sont sur le marché du travail. Les résultats de la recherche montrent que les

frontières linguistiques majoritaire et minoritaire les conduisent à vivre des rapports de discrimination

et d’exclusion qui teintent leurs choix d’orientation professionnelle. En effet, ceux qui ont vécu des

expériences de discrimination dans les milieux de travail francophones tendent à se diriger vers les

milieux de travail anglophones, et ce, même si le français est leur langue maternelle.

Enfin, du côté des étudiants francophones et allophones, l’Enquête sur les comportements

linguistiques des étudiants du collégial réalisée par l’Institut de recherche sur le français en Amérique

(Sabourin et al., 2010a) nous renseigne également sur des facteurs prospectifs. Lors de l’enquête –

qui a eu lieu au moment des études collégiales – les intentions quant à la langue des études

universitaires ont été documentées et il s’avère que 80 % des francophones inscrits dans un cégep

anglophone souhaitaient étudier en anglais à l’université. Pour les auteurs, la scolarisation dans un

cégep anglophone s’inscrit dans un projet sur la durée où l’anglais occupe une place importante. En

outre, en ce qui concerne les intentions des étudiants francophones du cégep de langue anglaise quant

au marché du travail, 73 % souhaitent travailler au Québec, 17 % planifient travailler à l’extérieur du

Québec et 10 % pensent travailler à la fois au Québec et à l’extérieur de la province. Pour 54 % des

francophones, la langue de travail anticipée est l’anglais, 19 % choisissent le français et 25 % pensent

utiliser les deux langues (anglais et français). Ces données amènent les auteurs à avancer que :

Dans l’ensemble, on peut donc soutenir que la fréquentation d’un cégep anglais, du moins dans l’esprit des répondants, est un prélude à une vie publique qui se poursuivra en anglais au moins la moitié du temps chez plus de 90 % des allophones et 80 % des francophones. (Sabourin et al., 2010a, p. 44)

Des nuances sont tout de même émises par les auteurs, puisqu’il n’est ici question que d’intentions,

que les données concernent presque exclusivement la région de Montréal alors que les autres régions

Page 83: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

64

sont absentes de l’Enquête et, enfin, qu’il ne s’agit que d’une analyse descriptive qui ne permet d’isoler

que les facteurs qui sont les plus importants.

En somme, cette sous-section de notre recension des écrits, qui porte sur les parcours étudiants à

l’enseignement supérieur en anglais au Québec, montre que les parcours ont été étudiés sous l’angle

des facteurs de choix, des rapports entre les groupes ethnolinguistiques, des rapports aux langues et

des pratiques linguistiques, des expériences étudiantes, de l’identité et des rapports identitaires aux

communautés linguistiques ainsi que de la transition vers le marché du travail du point de vue

linguistique. Il nous semble maintenant pertinent de clarifier notre question et nos objectifs spécifiques

de recherche.

2.3 Question et objectifs spécifiques de recherche

Au regard de notre recension des écrits, nous précisons la question générale de recherche qui a

émergé de notre problématique sociale (Chapitre 1) – Quels sont les parcours de vie des jeunes

francophones qui ont fréquenté un cégep de langue anglaise au Québec ? – en question spécifique de

recherche : Quels sont les parcours scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones

qui ont fréquenté un cégep de langue anglaise au Québec ?

Les connaissances scientifiques mises au jour dans la recension des écrits nous amènent à préciser

d’abord que nous privilégions d’étudier la réalité des jeunes francophones. Les recherches qui portent

sur les parcours à l’enseignement supérieur en anglais au Québec nous éclairent surtout sur les jeunes

allophones ou les jeunes issus de l’immigration. Si ces jeunes étaient et sont toujours touchés par la

Loi 101, les jeunes francophones du Québec ne sont pas imperméables au pouvoir et à l’attraction de

la langue anglaise. Or, les connaissances scientifiques sur les jeunes francophones qui fréquentent un

établissement d’enseignement supérieur en anglais au Québec sont plutôt rares et elles nous informent

peu sur la réalité actuelle, puisque ces recherches ont généralement été menées il y a plusieurs

années.

Nous favorisons ensuite une approche qualitative afin d’explorer en profondeur le sens que les acteurs

donnent à leurs actions. En effet, la réalité des étudiants francophones fréquentant un établissement

d’enseignement supérieur en anglais n’a été étudiée que de manière quantitative. Il nous semble alors

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65

pertinent de nous attarder à documenter de manière plus fine et interprétative les parcours des jeunes

francophones. C’est donc au travers de leur propre récit qu’il nous semble pertinent d’explorer les

parcours étudiants au cégep de langue anglaise de jeunes Québécois francophones.

La compréhension fine des parcours scolaire, professionnel et personnel des francophones qui ont

étudié dans un cégep anglophone au Québec passe en premier lieu par l’exploration des choix de

réaliser des études en anglais. Notre recension des écrits montre que plusieurs facteurs concourent à

comprendre ces choix. Ces recherches nous éclairent surtout sur les jeunes allophones ou les jeunes

issus de l’immigration. Pour les jeunes francophones qui décident de poursuivre des études en anglais,

les recherches plus anciennes et récentes mettent en saillance le désir d’améliorer les connaissances

en anglais. Si cette raison est fort plausible, est-elle la seule ? Il nous apparaît pertinent d’approfondir

la question du choix de la langue d’études à travers les discours de francophones qui en ont fait

l’expérience. Autrement dit, pour quelles raisons des francophones en viennent-ils à considérer le

cégep anglophone comme un choix pour le commencement de leurs études à l’enseignement

supérieur ? Également, par sa nature qualitative, notre recherche permet d’aller au-delà des données

statistiques, en approfondissant le sens que donnent les acteurs à leur choix. Notre thèse doctorale

vise donc, comme premier objectif spécifique, à identifier les raisons qui motivent des jeunes

francophones du Québec à poursuivre des études collégiales en anglais.

En deuxième lieu, nous souhaitons approfondir notre compréhension des expériences collégiales en

anglais des étudiants francophones. Les connaissances scientifiques nous éclairent quant à

l’importance des expériences de socialisation et à l’apprentissage du métier d’étudiant par l’intégration

des normes institutionnelles et intellectuelles attendues. Dans le cas précis du Québec, les écrits

recensés nous informent sur les rapports vécus entre les groupes ethnolinguistiques, les rapports aux

langues et les pratiques linguistiques, les expériences étudiantes ainsi que l’identité et les rapports

identitaires vécus au sein des établissements d’enseignement supérieur. Or, encore une fois, la plupart

des recherches concernent les jeunes allophones ou les jeunes issus de l’immigration, n’offrant que

peu de connaissances sur les jeunes francophones. Nous documenterons alors les expériences

d’études collégiales en anglais de jeunes francophones en portant plus spécifiquement notre attention

sur leurs expériences scolaires et linguistiques et leurs expériences sociales au regard des groupes

ethnolinguistiques et de la vie collégiale. Notre deuxième objectif spécifique de thèse vise alors à

identifier les expériences d’études collégiales en anglais de jeunes francophones du Québec.

Page 85: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

66

Les impacts de la scolarisation collégiale en anglais sur la suite des parcours scolaire, professionnel

et personnel des étudiants francophones se comprennent, en troisième lieu, au travers des parcours

réels qui sont vécus par les étudiants. Les écrits sur la transition vers le marché du travail de jeunes

ayant fréquenté un établissement d’enseignement supérieur en anglais au Québec font état d’impacts

sur les pratiques linguistiques, parfois favorables à l’anglais, dans le cadre professionnel et personnel.

Ici aussi, les recherches portent plus sur les jeunes allophones ou sur les jeunes issus de l’immigration

et très peu de données concernent les jeunes francophones. En outre, il s’avère que peu de recherches

ont documenté – dans le cadre d’un processus qualitatif – ce qu’il advient réellement sur le plan

professionnel, certaines abordant les intentions alors que notre recherche vise à comprendre ce qu’il

en est véritablement une fois sur le marché du travail. Notre projet est construit de manière à

documenter et à comprendre de manière rétrospective les parcours de socialisation à l’anglais dans la

sphère scolaire, professionnelle et personnelle. Nous souhaitons comprendre comment le passage par

le cégep anglophone structure, ou non, la suite du parcours de vie des jeunes francophones en termes

de socialisation à l’anglais. Notre troisième objectif spécifique est donc de dépeindre les processus de

socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel de jeunes

francophones du Québec qui ont étudié au cégep de langue anglaise. Un objectif secondaire se

présente également et il a pour objectif de déterminer si le cégep anglophone contribue ou non à

moduler les identités linguistiques et civiques76 dans la suite du parcours de vie.

En résumé, notre thèse de doctorat porte une vue d’ensemble sur les choix des études collégiales en

anglais, les expériences d’études collégiales en anglais et les processus de socialisation à l’anglais

dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel chez des jeunes Québécois

francophones. En ce sens, elle représente une contribution au champ de recherche sur les parcours à

l’enseignement supérieur en considérant la langue d’études au prisme de notre question et de nos

objectifs de recherche. Notre recherche apportera également un éclairage à la compréhension des

réalités liées aux études à l’enseignement supérieur en anglais au Québec. De surcroît, elle permettra

de mieux comprendre le rôle du cégep anglophone dans la suite du parcours de vie de jeunes

76 Si la thèse porte principalement sur les langues, la considération de l’identité civique – c’est-à-dire le sentiment d’appartenance au Québec et au Canada – nous semble pertinente en ce sens qu’au Québec, les identités linguistiques (être francophone, être anglophone, etc.) sont souvent pensées en lien avec les identités civiques (être Québécois, être Canadien, etc.) (Létourneau, 2002).

Page 86: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

67

francophones, notamment comme socialisateur à l’anglais et comme contributeur à des pratiques et

des usages linguistiques.

À titre de rappel, notre question de recherche spécifique est la suivante : Quels sont les parcours

scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones qui ont fréquenté un cégep de langue

anglaise au Québec ? Pour répondre à cette question, nous proposons trois objectifs spécifiques de

recherche :

• identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais;

• identifier les expériences d’études collégiales en anglais;

• dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel;

o déterminer si le cégep anglophone contribue ou non à moduler les identités linguistiques et civiques dans la suite du parcours de vie.

Afin de bien répondre à la question et aux objectifs spécifiques de recherche, nous mobilisons un cadre

théorique constructiviste qui est présenté dans le prochain chapitre de cette thèse.

Page 87: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

68

CHAPITRE 3

CADRE THÉORIQUE

Notre cadre théorique se décline en quatre volets. Nous dressons d’abord un portrait de la sociologie

de l’éducation et du concept de socialisation au regard du pouvoir et du déclin de l’institution, ce qui

nous amène à discuter des institutions face aux identités (Dubet, 2002). Dans une perspective

constructiviste, cela nous conduit ensuite à présenter et à discuter plus précisément les deux cadres

théoriques que nous utilisons pour nous aider à répondre à nos objectifs spécifiques. La sociologie de

l’expérience sociale est mobilisée pour les deux premiers objectifs spécifiques de la thèse afin de

mettre au jour les expériences de choix du cégep anglophone (objectif 1 : identifier les raisons de

poursuivre des études collégiales en anglais) et les expériences d’études collégiales en anglais

(objectif 2 : identifier les expériences d’études collégiales en anglais) (Dubet, 1994b, 2008, 2017, Dubet

& Martuccelli, 1996a, 1998). Pour continuer, l’approche processuelle nous permet de comprendre les

parcours de vie (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010) afin de dégager les processus de socialisation à

l’anglais dans la suite du parcours (objectif 3 : dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans

la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel). Enfin, nous proposons une synthèse de notre

cadre d’analyse afin de mettre en exergue les lignes directrices qui guident notre analyse.

3.1 La sociologie de l’éducation et la socialisation

En sociologie, le concept de socialisation est central à la discipline. Nombre de sociologues, des

précurseurs aux contemporains, se sont attardés à comprendre comment une société se maintient,

mais aussi comment l’action des individus est guidée (Cabin, 2000).

La socialisation est un concept sociologique étudié sous divers angles (ex. : familial, politique) (Lahire,

2013). Le point focal qui nous intéresse ici est celui de l’éducation. Nous tâchons donc de discuter de

la socialisation au sein de l’évolution historique et épistémologique des grands courants en sociologie

Page 88: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

69

de l’éducation77. Pour y parvenir, nous nous appuyons sur les réflexions de Dubet (2002) sur

l’institution, dans son pouvoir et dans son déclin, afin d’exposer les courants sociologiques et leurs

réflexions sur la socialisation. C’est au regard de cette discussion que nous en arrivons à aborder la

question des institutions face aux identités.

3.1.1 Le pouvoir de l’institution

Les décennies 1950 à 1970 voient évoluer des théories macrosociologiques et déterministes – que

sont l’approche fonctionnaliste et les théories critiques – où l’individu est largement soumis aux

structures sociales, dont l’école (Duru-Bellat & Van Zanten, 2006). Si ces théories n’ignorent pas

l’interaction dans leur compréhension du social, elles mettent surtout en saillance l’idée que l’individu

est le produit de la société (Lapassade, 1996). Il s’agit donc de théories sociologiques qui mettent de

l’avant le pouvoir de l’institution (Dubet, 2002, 2017).

Dans un premier temps, l’approche fonctionnaliste s’est déployée aux États-Unis dans le contexte

d’après-guerre des années 1950, où le nouvel État-providence cherchait à accroître son

développement économique et sa redistribution des richesses (Dandurand & Ollivier, 1987). Si les

travaux réalisés dans une perspective fonctionnaliste s’inspirent de Durkheim, cette approche se

structure surtout autour des idées de Parsons (1959; Parsons, Bales, Olds, Zelditch, & Slater, 2007)

qui est considéré comme l’une des figures de proue avec le structuro-fonctionnalisme dont les postulats

deviendront rapidement les plus prééminents au sein du courant théorique.

Selon cette perspective de pouvoir de l’institution, la socialisation des individus est vue comme

essentielle au maintien de l’ordre social. Cette socialisation est d’abord proposée par le père de la

sociologie, Émile Durkheim, en 1922 dans ses propos sur l’éducation par les « générations adultes »

sur « celles qui ne sont pas encore mûres » pour la vie sociale (2012, p. 51). Il y a donc ici une idée

essentielle pour l’approche fonctionnaliste de transmission des valeurs et des normes d’une génération

à l’autre afin de lui assurer une intégration et une place dans la société (Schmitt & Bolliet, 2008). En

d’autres mots, la socialisation est intégration (Van Haecht, 2006). La société doit se préserver et se

77 Nous référons ici à Berthelot (2000) qui souligne qu’il est impossible d’effectuer une cartographie de la sociologie qui soit consensuelle. Dans les sous-sections 2.1.1 et 2.1.2, nous présentons le concept de la socialisation au sein de grands courants théoriques en sociologie de l’éducation sans prétendre à une recension complète ni unanime.

Page 89: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

70

maintenir à travers cet ordre social, où les besoins de la société deviennent dès lors les besoins des

individus (Mitchell, 2012).

Le concept de socialisation à l’école s’inspire largement des réflexions de Durkheim (1990) sur

l’éducation, au sein desquelles l’école est vue comme une institution qui unifie et qui divise à la fois.

Dès lors, deux fonctions sont attribuées à l’école contemporaine : la socialisation aux valeurs

communes de la société pour y tenir des rôles propres et la sélection des individus selon les aptitudes

et motivations (Forquin, 1997; Robert & Tondreau, 2011; Sadovnik, 2011). L’école est considérée

comme une institution qui vise à répondre aux besoins fonctionnels de la société afin d’y maintenir une

stabilité sociale (Dandurand & Ollivier, 1987; Davies & Guppy, 2010). Parsons et ses collaborateurs

proposent, au milieu des années 1950, une théorie de la socialisation qui repose sur l’idée selon

laquelle les sociétés, pour survivre, doivent reproduire leur culture et leur structure sociale. Par

l’intériorisation tout au long de la vie au sein de la famille et de l’école, les individus sont socialisés et

deviennent forcément des socialisateurs (Dubar, 2010)78.

Dans un deuxième temps, les théories critiques qui se développent dans les années 1960 s’opposent

radicalement à l’approche fonctionnaliste. Dans un nouveau contexte, teinté de crises sociales révélant

des inégalités et des formes de domination dans plusieurs pays occidentaux (ex. : mai 1968 en France,

ou encore, la guerre du Vietnam) (Dandurand & Ollivier, 1987), la socialisation n’est plus pensée dans

les mêmes termes (Dubar, 2010).

Suivant le marxisme, les théories critiques soutiennent que la société, qui est divisée en classes

sociales inégales, s’explique par les différentes structures de pouvoir et de contrôle qui agissent sur

les individus (Martuccelli, 2005). C’est dans une fausse conscience des réalités de classe (Mitchell,

2012) ou dans une illusion objective de l’action (Martuccelli, 2005) que le maintien de la société se

produit.

La théorie de l’habitus de Bourdieu (1979) est l’une des théories critiques de la domination et de la

reproduction les plus connues. À travers le concept d’habitus, Bourdieu propose une socialisation dite

différenciée. L’habitus peut être compris comme l’ensemble des dispositions incorporées par l’individu

78 Il a entre autres été reproché à l’approche fonctionnaliste de produire, à la suite de la théorie de Parsons, des individus sursocialisés (oversocialized) (Wrong, 1961).

Page 90: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

71

qui guide ses manières de penser, d’agir et d’être (Schmitt & Bolliet, 2008). L’habitus présente une

double dimension, institutionnelle et individuelle. D’abord, par la socialisation au travers des

institutions, dont l’école, la reproduction des structures sociales s’effectue. Ensuite, par la socialisation

familiale, qui se produit par la transmission de l’habitus de classe, la reproduction de la société

s’effectue également sur le plan individuel (Dubar, 2010; Schmitt & Bolliet, 2008).

Dans ce contexte, l’école est vue comme un appareil idéologique de l’État servant principalement aux

intérêts des groupes sociaux dominants (Snyders, 1976; Wotherspoon, 1998). Elle serait un lieu de

contrôle (Duru-Bellat & Van Zanten, 2006) et de reproduction des inégalités sociales (Bourdieu &

Passeron, 1983; Jourdain & Naulin, 2011). Plusieurs stratégies seraient mises en œuvre par les

groupes dominants afin d’assurer la reproduction sociale par l’école, par exemple la division

automatique entre bourgeois et prolétaires à l’école chez Baudelot et Establet (1979) ou la violence

symbolique chez Bourdieu et Passeron (1983).

De manière globale, cette lecture de la socialisation et de l’école par les théories macrosociologiques,

ici fonctionnalistes et critiques, où l’intégration sociale et la reproduction sont respectivement mises de

l’avant, pourrait représenter une valeur heuristique pour la thèse. En effet, le choix du cégep

anglophone, l’expérience d’études collégiales en anglais et le processus de socialisation à l’anglais

dans la suite du parcours chez des francophones du Québec pourraient s’étudier au travers des idées

fonctionnalistes d’intégration sociale et linguistique, tandis qu’en termes marxistes, la thèse traiterait

des mécanismes de reproduction sociale par le cégep anglophone. Or, dans ces théories, l’individu –

qui est au cœur de la thèse – demeure confiné aux structures sociales alors que la perspective de

l’acteur est peu présente. Autrement dit, au sein de l’approche fonctionnaliste et des théories critiques

« l’individu n’est que l’envers du système social » (Martuccelli, 2005), ne devenant qu’une « pâte à

modeler » pour la société (Schmitt & Bolliet, 2008). En effet, dans ces théories macrosociologiques, la

socialisation est définie en tant qu’intégration sociale et culturelle rendue possible par un

conditionnement plutôt inconscient (Dubar, 2010). Ce faisant, l’identité de l’individu se structure par

l’intériorisation et l’incorporation des normes (Martuccelli, 2005). En outre, sont niées les différentes

affiliations et appartenances qui caractérisent l’individu, mais aussi sa capacité à effectuer des choix,

à être réflexif et à négocier son identité (Schmitt & Bolliet, 2008). Au regard de ces critiques, les

approches compréhensives apportent un nouvel éclairage sur la socialisation et, plus largement, sur

la sociologie de l’éducation, en rendant compte du déclin de l’institution.

Page 91: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

72

3.1.2 Le déclin de l’institution

Alors que le fonctionnalisme et le marxisme se sont principalement attardés aux structures sociales et

au système, les théories qui leur succèdent ont davantage porté leur attention sur les interactions et

les processus sociaux (Plaisance & Vergnaud, 2001; Wotherspoon, 1998). C’est le retour de l’acteur79

(Touraine, 1984) dans des modalités de compréhension différentes de la socialisation et du système

scolaire en s’intéressant maintenant à la capacité interprétative de ce dernier (Lapassade, 1996) ainsi

qu’à la « boîte noire » que représentent l’école et ses processus internes (Ferréol & Noreck, 1993).

Cette sociologie considère certes les structures sociales, mais elle donne la primauté de la

compréhension du social par le biais de l’existence et du sens qu’en donnent les acteurs au quotidien

(Lapassade, 1996). Ici, la socialisation devient un « processus de construction, déconstruction et

reconstruction d’identités » avec lequel l’individu doit apprendre à composer afin de devenir un acteur

(Dubar, 2010). Plus encore, ces approches mettent de l’avant l’hétérogénéité du Moi social (Lallement,

2012) et montrent le déclin de l’institution des différents appareils de socialisation, notamment de

l’école. Les modalités de production des individus par les institutions ne relèvent plus du « clonage »

devant la montée de l’individualisme de plus en plus marquée (Dubet, 2017). On regroupe donc ces

théories sous les appellations constructivistes (Duru-Bellat & Van Zanten, 2006), interprétatives,

compréhensives ou microsociologiques (Forquin, 1997).

Dans ce contexte, où les individus ne sont pas que des agents des structures sociales mais bien des

acteurs de leur socialisation (Schmitt & Bolliet, 2008), Boudon (1985) propose une réponse critique

aux théories précédemment discutées. Sa théorie de l’individualisme méthodologique est basée sur

l’acteur et ses motivations pour expliquer les phénomènes sociaux. En éducation, notamment, un

calcul des coûts et bénéfices permet de justifier les choix scolaires d’acteurs qui ne possèdent pas les

mêmes ressources, c’est-à-dire une rationalité limitée (Duru-Bellat & Van Zanten, 2006; Farmer &

Heller, 2008). Plus précisément, le calcul des coûts et des bénéfices passe par la considération de

paramètres qui concernent les avantages et les désavantages présents et futurs, tout comme les

risques. Ces paramètres possèdent toutefois une valeur différenciée au regard du contexte social dans

79 Si le concept d’« acteur » possède des significations multiples en sciences humaines et sociales et s’associe ou se dissocie de l’« individu » selon les approches théoriques (Gaudin, 2001), nous renvoyons ici à l’idée d’un acteur telle que Touraine (1984) la présente. L’acteur, ou le sujet, est un individu qui n’est plus complètement soumis aux structures sociales, mais qui possède une réflexivité critique de la vie sociale. En d’autres mots, il s’agit d’un acteur qui possède une marge de manœuvre (Angers, 2003).

Page 92: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

73

lequel s’inscrit chaque individu. L’individu doit donc faire des arbitrages, non seulement face à des

choix « inégalement risqués » mais aussi « inégalement rentables » (Duru-Bellat & Van Zanten, 2006).

Ainsi :

Mais même si formellement tous les individus font preuve de rationalité, les choix effectifs restent très divers, car ces arbitrages raisonnables s’effectuent dans des contextes de contraintes sociales et scolaires variés, qui recoupent l’appartenance à tel ou tel groupe social. Dans cette perspective, le milieu social est avant tout un point de référence à partir duquel l’agent [l’individu] s’efforce de mesurer les avantages, les désavantages et les risques qu’il prend en choisissant tel ou tel type d’orientation. (Duru-Bellat & Van Zanten, 2006, p. 211)

C’est dans les travaux de Berger et Luckmann (2012) que l’on voit des évolutions théoriques

significatives dans la compréhension du concept de socialisation. En effet, la socialisation n’y est plus

vue comme l’incorporation des manières d’être associées à un groupe ainsi que l’intégration sociale et

culturelle, mais bien comme l’interaction et l’incertitude d’un monde vécu qui est construit et reconstruit

tout au long de la vie par l’individu, qui devient dès lors un acteur (Dubar, 2010). Ce changement de

conception de la réalité sociale s’opère notamment par la distinction entre socialisation primaire et

socialisation secondaire. À l’instar de Dubar (2010), le concept de socialisation dépasse maintenant

l’enfance et l’école pour intégrer de nouvelles sphères sociales, comme le monde du travail. Les

socialisations sont ainsi maintenant multiples (Martuccelli, 2005).

La socialisation primaire se produit dans l’enfance et elle permet la mise en place de structures

mentales qui mènent à une certaine intégration de l’individu dans sa société. Cette acceptation,

présente tant dans les théories macrosociologiques que microsociologiques, constitue une forme de

lieu commun en sociologie (Darmon, 2010; Schmitt & Bolliet, 2008). Dans une perspective

constructiviste, si la socialisation primaire est vue comme une socialisation de l’enfant qui a lieu dans

la famille, la famille n’est pas vue comme un agent de socialisation homogène, puisque l’héritage des

parents n’est pas le même en tout point. Cela conduit forcément à des impacts différents sur les enfants

(Lahire, 2013). Aussi, la famille n’est pas le seul agent de socialisation constitutif de la socialisation

primaire. Darmon (2010) discute notamment de la présence de deux théories opposées quant au

monopole de la famille dans la socialisation familiale. La première réfère aux travaux d’Elias (2002)

pour qui la famille arrive, au fil de l’histoire, à acquérir le monopole de la socialisation familiale qui était

auparavant détenu, entre autres, par les couches supérieures sur les couches inférieures de la société,

les domestiques. La deuxième théorie souligne la pluralité de la socialisation primaire, relevant la

Page 93: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

74

présence de plusieurs agents de socialisation à l’enfance. Ceci conduit à ne pas considérer la famille

comme unique socle de la socialisation primaire alors que l’école et les pairs, entre autres, influencent

largement l’individu dès son plus jeune âge. Ce faisant, l’école, les pairs, les sphères culturelles – pour

ne nommer que ceux-ci – deviennent tout aussi importants que la famille dans l’enfance (Darmon,

2010). L’intériorisation de la société et de l’identité qui se produit lors de la socialisation primaire n’est

toutefois pas un point final dans le parcours de vie de l’individu. Selon Berger et Luckmann (2012), elle

a cours tout au long de la vie puisqu’elle n’est jamais totale et achevée et qu’elle se renouvelle

constamment.

La socialisation secondaire se produit dans des espaces sociaux plus spécialisés, des sous-mondes

institutionnels, comme le monde scolaire et le monde du travail. Ce qui induit forcément une

continuation dans la construction de l’identité avec l’incorporation de nouveaux modèles et

l’endossement de nouveaux rôles (Berger & Luckmann, 2012; Schmitt & Bolliet, 2008). Cette

reconstruction de l’individu ne se fait pas ex nihilo de la socialisation primaire déjà produite. En effet,

durant la socialisation primaire, l’enfant intériorise le monde de ses autruis significatifs, qui devient dès

lors son seul référent. Cela rend la socialisation primaire si forte qu’elle laisse des traces durant les

socialisations secondaires qui ont lieu plus tard dans le parcours de vie (Berger & Luckmann, 2012).

L’articulation entre socialisation primaire et secondaire devient alors particulièrement importante

(Berger & Luckmann, 2012). La socialisation secondaire est d’abord diverse, puisqu’elle s’articule au

sein de plusieurs institutions (formation scolaire et professionnelle, marché du travail, couple, pairs,

etc.). Elle est ensuite concomitante, puisque différentes sphères de socialisation peuvent agir en même

temps, soit dans la congruence ou la concurrence. Enfin, elle se produit dans le temps au regard de la

socialisation primaire. Elle doit donc être vue de manière continue au fil du parcours biographique de

l’individu (Darmon, 2010).

À cet effet, Darmon (2010) propose trois mouvements de socialisation secondaire en lien avec la

socialisation primaire. Les socialisations de renforcement modèlent – fixent – fortement l’individu sans

le transformer. Les socialisations de conversion, à l’inverse, modifient radicalement et totalement

l’individu. Les socialisations de transformation présentent une transformation à un degré ou à un autre

de l’individu et sur un plan ou un autre. Elles se distinguent des socialisations de conversion en ce

Page 94: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

75

sens qu’elles n’impliquent pas une transformation radicale et totale. Elles peuvent aussi être limitées

dans le temps et à certains domaines sur lesquels elles agissent.

Ce changement dans la conception de la socialisation se manifeste dans ce que Dubet (2002) appelle

le déclin de l’institution80. Ce passage entre le pouvoir institutionnel – entendu ici comme le programme

institutionnel, c’est-à-dire une structure ou un cadre symbolique – et le déclin de l’institution se traduit

entre autres dans les identités individuelles et collectives.

3.1.3 Les institutions face aux identités

En amont du déclin de l’institution que propose Dubet (2002) se trouvent des réflexions sociologiques

sur la modernité avancée81 (Giddens, 1991). En effet, les sociétés modernes avancées ne se

comprennent plus entièrement au regard de la sociologie classique82. La montée de l’individualisation,

qui amène une séparation de plus en plus grande entre le système et l’acteur, conduit à une remise

en question du rôle de socialisation des institutions traditionnelles :

La modernité contemporaine n’est plus définie comme l’unité de l’acteur et du système, mais, au contraire, comme la séparation progressive de l’action sociale et de la subjectivité individuelle. La programmation de l’individu n’étant plus considérée comme totale, le problème de la socialisation devient celui de la réflexivité, de la critique, de la justification et de la distanciation. (Dubet, 2002, p. 69)

La montée de l’individualisation, suivant la modernité avancée, influence dès lors les identités83 (Dubar,

2002; Giddens, 1991; Kaufmann, 2004; Taylor, 2008). À une identité collective du « Nous » se

substitue maintenant – en partie du moins – une identité individuelle du « Je » (Elias, 1991; Pilote &

Magnan, 2008). Ce rapport entre un « Nous » et un « Je » est particulièrement saillant au sein de

80 Dubet (2010) précise ce qu’il entend par « institution » : « Si le mot institution est synonyme d’organisation, la thèse du déclin n’a pas de sens. Si on entend par le mot institution tout fait social construit, comme le proposait Durkheim, alors la thèse du déclin est absurde. Si on conçoit l’institution comme un système de régulation et de prise de décision légitime, l’idée de son déclin est des moins vraisemblables. En revanche, si on conçoit l’institution comme un dispositif symbolique et pratique chargé d’instituer des sujets, alors la thèse du déclin de l’institution peut être défendue » (p. 17).

81 Pour Giddens (1991), la modernité avancée correspond à l’ère actuelle des pays dits industrialisés. S’il ne parle pas de « postmodernité », mais bien de « modernité avancée », c’est parce que cette nouvelle phase n’est pas en rupture, mais bien en radicalisation avec la modernité (Halpern, 2004).

82 Nous renvoyons ici au pouvoir de l’institution discuté dans la section 3.1.1 de ce chapitre.

83 L’individualisation se présente dans plusieurs sphères de vie, dont celle de la construction identitaire (Gallant & Pilote, 2013).

Page 95: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

76

l’institution qu’est l’école. Au regard de la modernité avancée, l’école tente de maintenir l’identité

collective tout en se modulant à l’action des individus (Dubet, 2002; Pilote & Magnan, 2008).

Cette montée en puissance de l’individualité correspond à un retour de l’individu comme sujet réflexif.

Cette « ère des identités »84 résulte de la présence d’identités qui ne vont plus de soi, qui sont multiples

et à construire (Halpern, 2004). L’individu se voit maintenant contraint de faire ses propres choix (Pilote

& Magnan, 2008), devenant ainsi l’auteur de sa propre construction identitaire. C’est dire que :

Parler de construction identitaire veut simplement dire que, dans ces sociétés, à des degrés divers, les statuts sociaux et les identifications personnelles ne sont plus principalement (ou uniquement) transmis, de génération en génération, par simple reproduction mais sont aussi, de plus en plus souvent, construits, par les individus, sur la base de leurs activités et notamment de leurs performances scolaires, ludiques, corporelles, professionnelles ou autres. Les processus d’ascription cèdent la place à des dynamiques d’achievement ou, comme l’écrit Norbert Elias, « dans les identités Nous-Je, l’identité des Je prends le pas sur l’identité des Nous ». (Dubar, 2002, p. non paginé)

Si les identités sont maintenant construites par les individus, ces derniers restent, dans une certaine

mesure, soumis aux structures sociales. Ce faisant, les identités demeurent en partie le produit des

institutions (Halpern, 2004). La construction identitaire résulte donc d’une dialectique entre l’individu et

la société puisque l’identité est « inintelligible tant qu’elle n’est pas située dans un monde » (Berger &

Luckmann, 2012, p. 273). C’est dire ici que, d’un côté, l’identité se comprend au regard des structures

sociales alors qu’elle est formée, cristallisée, modifiée et même reformée au fil des relations sociales.

D’un autre côté, les identités influencent la structure sociale en la maintenant et en la transformant

(Berger & Luckmann, 2012). Ainsi, les identités sont le produit de socialisations successives (Dubar,

2010) qui ont cours tout au long de la vie de l’individu. Elles sont donc loin d’être fixes et immuables

puisqu’elles s’actualisent durant le parcours de vie (Dorais, 2004; Dubar, 2010; Kaufmann, 2004).

L’identité se (re)construit tout au long du parcours de vie au regard de deux dimensions qui

s’entrecroisent et sont interdépendantes, ce que Dubar appelle un processus à « double transaction

identitaire » (2002). D’abord, l’identité pour soi renvoie à des actes d’appartenance au regard du

84 Plusieurs auteurs (Dorais, 2004; Dubar, 1998, 2010; Kaufmann, 2004; Tajfel, 1981) font état de discussions et de débats autour du concept d’identité. En effet, des usages plus généraux du concept renvoient souvent à des interprétations essentialistes tandis que dans la sphère scientifique, le concept est utilisé de manière si généralisée, diversifiée, mais aussi imprécise que le concept en perd parfois sa valeur et son sens (Kaufmann, 2004). Il n’en demeure pas moins que nous avons ici tenté d’en souligner les éléments les plus constitutifs aux fins de notre cadre théorique.

Page 96: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

77

processus biographique. Il s’agit d’un processus d’intériorisation à partir des trajectoires sociales liées

à l’individu. Les identités sont alors prédicatives et revendiquées par l’individu selon des catégories

socialement disponibles et légitimes (Dubar, 2010). Les identités pour soi sont des identités réelles

(Goffman, 1975). Ensuite, l’identité pour autrui est liée à des actes d’attribution selon un processus

relationnel. Les identités sont attribuées par les autres, c’est-à-dire les institutions et les agents sociaux

qui sont en interaction avec l’individu. Ce processus concerne les systèmes d’action liés à l’individu et

mène à l’usage d’étiquettes (Dubar, 2010). Ces identités pour autrui sont des identités virtuelles

(Goffman, 1975). La construction identitaire s’effectue ainsi dans un processus d’articulation, de

négociation et de stratégie entre identité pour soi et identité pour autrui, où la concordance entre les

deux dimensions n’est pas forcément toujours réussie (Dubar, 2010).

Selon Taylor (2008), l’identité ne concerne pas que les individus, puisque les identités collectives sont

socialement construites et reconstruites au fil de l’histoire par les individus au travers des relations

qu’ils entretiennent entre eux. Pour Breton (1994), d’un côté, les individus se définissent en partie par

des éléments caractérisant les groupes auxquels ils appartiennent (ex. : groupe linguistique, groupe

national). D’un autre côté, l’identité collective d’un groupe se constitue selon les relations entre les

individus qui s’y identifient. Ainsi, l’identité individuelle induit une identification et une appartenance à

des collectivités (Dorais, 2004) :

L’identification est un des éléments importants de cette dynamique. Si des individus s’identifient à un groupe, s’ils sentent qu’ils y appartiennent, c’est qu’ils perçoivent que certaines de leurs caractéristiques personnelles correspondent à celles qui fondent l’identité du groupe; que leur condition sociale est semblable à celle du groupe ou lui est liée, ou encore qu’ils partagent certains traits culturels avec ceux qui se définissent ou qu’ils considèrent comme membres du groupe. L’identification est la perception d’une affinité entre l’identité et la situation d’un individu et celle d’une collectivité. (Breton, 1994, p. 59)

L’identification à des collectivités se produit au regard de socialisations vécues tout au long du parcours

de vie, ce qui conduit – dans le contexte de pluralité ethnique et linguistique actuel – à de nouvelles

socialisations, voire à des dé-socialisations (Breton, 1994). En effet, le parcours de vie de l’individu est

appelé à varier selon les environnements sociaux et les circonstances, menant alors à des

changements dans l’identité et dans les identifications à des collectivités (Breton, 1994; Dorais, 2004;

Tajfel, 1981).

Page 97: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

78

Si nous reconnaissons la multiplicité des identités possibles, dans la thèse, nous nous intéressons plus

particulièrement aux identités linguistiques (c’est-à-dire au sentiment d’être francophone, anglophone,

bilingue, plurilingue, etc.) et aux identités civiques (c’est-à-dire au sentiment d’appartenance au

Québec et au Canada) de jeunes Québécois francophones qui ont réalisé des études collégiales en

anglais. Considérant la complexité conceptuelle des questions identitaires au Québec (ex. :

Létourneau (2002), Seymour (2006) et Thériault (2008)), nous n’avons pas la prétention d’inscrire notre

contribution dans une perspective théorique spécifique. Plus simplement, nous avons cherché à

documenter l’évolution au fil du parcours de vie des identités linguistiques et des identités civiques et

à comprendre le sens que les acteurs en donnent.

En somme, si la socialisation ne se comprend plus exclusivement comme la modulation de l’individu

par les structures sociales, c’est-à-dire le programme institutionnel, elle met aujourd’hui de l’avant

l’acteur et sa capacité à être l’auteur de sa construction identitaire et de son expérience. C’est au

travers des expériences, mais surtout de la construction des expériences comme mécanisme même

de socialisation, que le déclin du programme institutionnel se manifeste. S’il rejoint l’école, d’autres

sphères sociales sont aussi touchées par ces changements des processus de socialisation (Dubet,

2002, 2017). C’est dire que l’individu est un acteur de plus en plus singulier de sa propre socialisation

(Martuccelli, 2010).

De surcroît, le déclin des institutions, comme celui de l’école, amène l’individu à être un auteur de plus

en plus actif de sa socialisation et de sa resocialisation, qui a cours tout au long de sa vie. Dans ce

contexte, les biographies individuelles se voient éclatées, multiples, non linéaires et incertaines

(Bessin, 2009; Longo, 2011, 2016; Sapin, Spini, & Widmer, 2007; Widmer & Ritschard, 2013). En outre,

la période que représente la jeunesse, par son allongement, sa diversification et sa complexification

(Galland, 1996, 2002; Gaudet, 2013), est « particulièrement riche en transitions d’un statut vers un

autre, en renouvellement des articulations entre le biographique et le social, en intrication des diverses

sphères de la vie, en transformations personnelles, en encadrements sociaux également » (Bidart,

2008, p. 211).

Les deux prochaines sections approfondissent ces idées au travers de la sociologie de l’expérience

sociale et des parcours de vie en tant que processus. Ces deux cadrages sont ceux que nous

Page 98: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

79

mobilisons plus particulièrement pour nous permettre de répondre à nos objectifs spécifiques de

recherche.

3.2 La sociologie de l’expérience sociale

La sociologie de l’expérience sociale est le cadre théorique que nous mobilisons pour analyser nos

données afin de répondre à nos deux premiers objectifs spécifiques qui sont, premièrement,

d’identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais et, deuxièmement,

d’identifier les expériences d’études collégiales en anglais.

Dubet (1994b, 2017) propose une sociologie de l’expérience sociale qui trouve son fondement dans

l’incapacité de la société contemporaine à offrir des rôles et des codes pour déterminer pleinement

l’action, ce qui renvoie au déclin de l’institution (Dubet, 2002). Pour comprendre l’action sociale, le

principe de départ est-il de considérer l’acteur comme soumis au social ou comme producteur du

social ? Selon Dubet, la compréhension heuristique de l’action sociale doit dépasser cette dualité,

puisque l’expérience sociale embrasse à la fois l’influence des structures sociales et le rôle des acteurs

sociaux. En effet, l’action sociale n’est jamais complètement réductible à une seule « théorie pure »,

c’est-à-dire à une seule logique (Dubet, 2009; Lallement, 2000). Dubet (1994b) s’appuie sur la

« stratégie intellectuelle » de Weber – théoricien de l’action significative et de la sociologie

compréhensive – pour qui l’activité sociale s’oriente rarement selon un seul type, mais bien plusieurs,

tel qu’il le propose dans sa typologie des types d’action et de légitimité. Weber (1995) propose en effet

quatre types d’action « purs » : l’action traditionnelle (c’est-à-dire l’action par coutume), l’action

rationnelle par rapport aux moyens (c’est-à-dire l’action par les attentes du comportement des objets

ou des hommes dont l’exploitation est vue comme des conditions ou des moyens pour parvenir aux

fins souhaitées), l’action rationnelle par rapport aux valeurs (c’est-à-dire l’action liée à la croyance de

la valeur intrinsèque qui ne concerne pas le résultat) et l’action affectuelle (c’est-à-dire l’action

émotionnelle liée à des passions et à des sentiments). C’est dans cet agencement que se trouve la

cohérence théorique pour comprendre adéquatement l’activité sociale (Dubet, 2009, 2017).

La sociologie de l’expérience sociale de Dubet présente l’avantage de définir et de comprendre

l’expérience comme étant l’articulation plus ou moins cohérente, par l’acteur (ou le groupe), de logiques

d’action qui représentent des dimensions du système (Dubet, 1994b, 2017). Ces logiques sont

Page 99: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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imposées à l’acteur comme des épreuves qu’il ne choisit pas (Dubet & Martuccelli, 1996a), mais c’est

plus précisément à travers leur combinaison et leur hiérarchisation par l’acteur que celui-ci se constitue

en tant que sujet (Dubet, 1994b, 2017) d’une expérience articulée (Martuccelli & de Singly, 2009). En

effet, chacune des expériences sociales se caractérise par une singularité suivant les histoires et les

conditions de vie uniques de l’acteur (Dubet, 2017), car ce sont les représentations de l’acteur sur la

société et sur lui-même qui importent (Dubet, 2009). Cette subjectivité, qui caractérise l’expérience, ne

doit toutefois pas se faire au prix de croire qu’elle est déconnectée du système social. Au contraire, les

expériences sociales s’inscrivent dans un social dit plus « objectif » (Dubet, 1994b). L’expérience

sociale fait donc état, notamment à travers les logiques d’action, des liens entre les acteurs et les

structures sociales (Dubet, 1994b, 2017). En d’autres mots, les expériences sociales nous renseignent

sur les acteurs au sein des structures sociales.

Pour Dubet, trois logiques d’action constituent l’expérience sociale et elles se fondent, sans se

confondre, sur les rationalités de l’action de Weber (1995) : 1) l’intégration, qui est l’appartenance à

une communauté; 2) la stratégie, qui amène à défendre ses intérêts sur un ou plusieurs marchés85; 3)

la subjectivation, qui constitue le développement d’une activité critique par l’acteur qui va au-delà de

l’intégration et de la stratégie (Dubet, 1994b; Martuccelli & de Singly, 2009). Nous décrivons chacune

de ces logiques dans les sous-sections suivantes.

3.2.1 La logique de l’intégration

La première logique d’action est celle de l’intégration qui s’inspire de l’action traditionnelle de Weber

(1995). Cette action traditionnelle doit être comprise comme étant conduite par un attachement aux

coutumes. Partant de cette idée, Dubet redéfinit l’action traditionnelle en logique d’intégration par le

principe selon lequel chaque individu est le produit d’une socialisation largement ancrée et

inconsciente. Cela s’explique par le fait que la société précède et constitue l’individu en lui attribuant,

par une socialisation, des modèles culturels de pensée et de conduite, des normes, des valeurs, des

rôles et des identités que l’individu intériorise (Dubet, 2009, 2017) dès son plus jeune âge et qui seront

bonifiés au fil de son parcours de vie (Dubet & Martuccelli, 1996a). L’identité apparaît alors comme le

85 Dubet (1994b) souligne que l’idée de marché n’est pas réductible à la sphère économique. Nous reviendrons plus loin sur cette idée lorsque nous expliciterons ce qu’est la logique de la stratégie.

Page 100: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

81

versant subjectif de l’intégration, puisqu’elle est définie comme un « Moi » constituant la base de

l’individu. Or, cette identité ne va pas forcément de soi et elle doit être réactualisée par l’acteur à travers

un jeu avec le « Eux » afin de conserver sa valeur et sa pertinence (Dubet, 1994b, 2009). Ainsi, c’est

surtout à travers la différence entre le « Nous » (in-group) dans lequel le « Moi » s’inscrit et le « Eux »

(out-group) que l’identité prend son sens et, surtout, sa stabilité (Dubet, 1994b, 2009; Dubet &

Martuccelli, 1996a). Si la logique de l’intégration est considérée comme ancrée et inconsciente, elle se

manifeste lorsque l’équilibre est perturbé (Dubet, 2017), lorsque les valeurs en place dans la société

sont bouleversées (Dubet, 1994b). C’est alors que l’acteur travaille à réaffirmer son intégration et à

retrouver l’ordre (Dubet, 1994b, 2009) en rétablissant les frontières entre le « Moi » et le « Eux »

(Dubet, 2009). C’est donc en termes fonctionnalistes et durkheimiens, c’est-à-dire selon des théories

macrosociologiques, que la logique de l’intégration se déploie dans les concepts de socialisation,

d’appartenances et d’ordre social (Dubet, 2009), en déterminant la place que chaque acteur occupe

ainsi que la forme et le niveau de son intégration (Dubet, 2017).

La logique de l’intégration se traduit de manière plus concrète dans le monde scolaire à travers l’idée

que l’on étudie parce que l’on doit étudier. Loin d’être une tautologie, cela révèle plutôt l’effet d’une

socialisation familiale et scolaire (Dubet, 1996, 2008), c’est-à-dire – pour certaines classes sociales –

d’un habitus, pour reprendre Bourdieu (Bourdieu, 1980; Dubet, 2009). Les études apparaissent alors

comme une étape du parcours de vie pour garantir une certaine intégration sociale (Dubet, 1996). Mais

encore faut-il avoir compris et intériorisé les normes proposées par l’institution scolaire pour y arriver

(Dubet & Martuccelli, 1996a, 1998). En d’autres mots, pour que l’étudiant86 soit un étudiant, il doit

adopter le statut, c’est-à-dire une place et un rôle dans les hiérarchies existantes, mais aussi apprendre

à se socialiser au sein des groupes d’appartenance et de référence (Dubet & Martuccelli, 1996a). Or,

l’intégration ne se fait pas toujours sans heurts alors que des tensions peuvent surgir lorsque les

appartenances et les normes véhiculées par la famille et l’école ne s’accordent pas (Dubet, 2008;

Dubet & Martuccelli, 1996a, 1998).

86 Dans cette explication théorique, on pourrait très bien parler d’élève, mais par souci de simplicité, nous avons choisi de n’employer que le mot « étudiant » alors que notre recherche porte sur des étudiants du collégial.

Page 101: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

82

3.2.2 La logique de la stratégie

La logique de la stratégie se fonde sur l’action rationnelle en finalité (ou l’action rationnelle par rapport

aux moyens) dans laquelle l’action est orientée selon les fins, les moyens et les conséquences (Weber,

1995). C’est en partant de cette idée que Dubet propose sa deuxième logique d’action qui ne fait pas

état de nouveaux objets sociaux par rapport à la logique de l’intégration, mais plutôt à une manière

différente dont l’acteur se les approprie (Dubet, 2017). Ce faisant, la société n’est plus associée à

l’intégration ni aux rôles attribués, mais plutôt à un marché (Dubet & Martuccelli, 1996a), qui n’est

toutefois pas pur (Dubet, 1994b, 2009) ni même réductible à la seule sphère économique. La société

comprend plutôt plusieurs marchés sociaux, dont le marché scolaire, le marché professionnel et le

marché linguistique. Dans ce contexte, plus l’acteur arrive à détenir des ressources d’action comme

de l’information, de l’influence et de la légitimité, plus il parvient à atteindre une position dominante et

à augmenter sa marge d’initiative (Dubet, 1994b, 2017). Plus encore, les normes et les valeurs sont

maintenant vues comme des règles du jeu et des ressources (Dubet, 2009). C’est par la capacité

stratégique de l’acteur, à travers une socialisation, de prendre une distance face aux différents rôles

et appartenances, qui sont pourtant centraux dans la logique de l’intégration, qu’il est possible d’y

parvenir (Dubet & Martuccelli, 1996a). L’acteur a donc une identité qui se fonde sur ses ressources et

ses intérêts (Dubet, 1994b; Dubet & Martuccelli, 1996a), mais surtout sur sa capacité à la mobiliser

(Dubet, 2009, 2017). Le « Moi intégré » se combine à un « Moi stratégique » qui, lui-même, s’inscrit

dans un « Nous » vu comme une ressource. Le « Moi » demeure en relation avec autrui, mais ce

dernier est maintenant un allié ou un concurrent (Dubet, 2009), ce qui conduit à des alliances ou à de

la concurrence (Dubet & Martuccelli, 1996a). Or, chaque acteur n’a pas une pleine liberté d’action

stratégique, car il doit composer avec une rationalité limitée, puisque les conditions en place, c’est-à-

dire ses objectifs, ses ressources et sa position, ne sont pas toujours choisies (Dubet, 2017; Dubet &

Martuccelli, 1996a).

Selon la logique stratégique, l’espace scolaire est vu comme un marché compétitif au sein duquel

l’étudiant doit percevoir l’utilité (ou non) des études en réalisant un calcul des coûts et des bénéfices

(Dubet, 1996; Dubet & Martuccelli, 1998). C’est dire ici, à l’instar de Boudon (1985), que les études

représentent, pour certains étudiants, un investissement de temps et de travail menant à l’acquisition

de qualifications et de diplômes qu’ils jugent profitables sur des marchés sociaux (Dubet, 2008). La

logique stratégique gagne en importance dans un monde scolaire où se manifestent la massification

Page 102: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

83

et la concurrence à diverses échelles (établissements, programmes, étudiants) (Dubet & Martuccelli,

1996a, 1998). Toutefois, l’utilité des études n’est pas toujours si claire aux yeux des étudiants issus de

classes sociales défavorisées ou aux parcours scolaires fragilisés. Également, l’utilité des études peut

être remise en cause par les individus, vu l’écart temporel qui s’agrandit entre les études et l’insertion

sur le marché du travail (Dubet, 1996, 2008) dans une société où la période de la jeunesse se prolonge

(Dubet, 2008; Galland, 1996, 2002).

3.2.3 La logique de la subjectivation

L’action rationnelle en valeur de Weber (1995) est le fondement de la logique de la subjectivation.

Cette action rationnelle renvoie à une forme d’accomplissement qui, elle, ne tient pas compte des

finalités stratégiques. Pour Dubet, si l’expérience sociale peut s’expliquer par l’intégration et la

stratégie, sa compréhension demeure incomplète, dans la mesure où l’expérience sociale est aussi le

produit de la capacité de l’acteur à être un sujet87, c’est-à-dire à être l’auteur de ses actions. La logique

de la subjectivation permet donc d’expliquer chez l’acteur – tant dans un versant positif que dans un

versant négatif – son activité critique, sa distance à soi, sa réflexivité et son authenticité (Dubet, 1994b,

2009, 2017). L’acteur peut se sentir davantage un sujet dans la tension ou dans la « théologie

négative » (Dubet, 1994b, 2009). C’est dire que ce qui est irrationnel, voire aliénant, dans les

phénomènes sociaux est mis en lumière par cette logique, car c’est dans cette irrationalité et cette

aliénation que le sujet se retrouve amputé de sa capacité à être un sujet (Dubet, 1994b). Dans la

logique de la subjectivation, la société est vue comme un système minant l’autoréalisation de l’acteur

(Dubet, 2017) et où les normes et les valeurs deviennent dès lors des principes éthiques de réflexivité

et d’authenticité (Dubet, 2009). L’identité de l’acteur devient alors un « Je » qui, elle, permet de

maintenir son unité face à un « Moi intégrateur » (logique de l’intégration) et à un « Moi stratégique »

(logique de la stratégie) (Dubet, 2017; Dubet & Martuccelli, 1996a) afin que l’acteur ne soit pas

totalement réductible aux structures sociales et aux rôles sociaux (Dubet, 1994b, 2009). Pour arriver à

composer avec les divers rôles sociaux, l’acteur peut en venir à ne s’identifier à aucun d’eux et ainsi à

exprimer son authenticité (Dubet, 1994b).

87 Dubet souligne que l’acteur n’est pas un sujet « réel », mais plutôt un souhait de s’en rapprocher. C’est pourquoi Dubet privilégie l’usage du terme « subjectivation » plutôt que « sujet » qui renvoie davantage à un processus, un type de rapport et une tension entre l’acteur et les autres qu’à un être (Dubet, 2009, 2017).

Page 103: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

84

Dans le monde scolaire, la logique de la subjectivation met de l’avant à la fois un versant positif et un

versant négatif. Le versant positif renvoie notamment au développement intellectuel de soi, à un

engagement par rapport à l’école et au contenu scolaire, ce qui est une manière d’être un sujet de sa

vie au travers d’une « activité qui fait, qui a et qui donne du sens ». Le versant négatif renvoie à une

réflexion critique et négative par rapport à son rôle à l’école et à l’utilité du savoir scolaire (Dubet, 1996,

2008; Dubet & Martuccelli, 1996a; Robert & Tondreau, 2011, p. 180). Par ses études, l’étudiant en

arrive à se former comme sujet qui dépasse l’utilité des rôles. Une scission entre la vocation et l’utilité

des études, et donc entre l’intérêt pour soi et l’intérêt social, se manifeste (Dubet & Martuccelli, 1996a,

1998). La capacité de l’étudiant à être sujet de son expérience lui permet d’éprouver de la passion ou

de l’ennui pour ses études, c’est-à-dire de la subjectivation ou de l’aliénation (Dubet & Martuccelli,

1996a), car dans les différents processus d’orientation scolaire, la plupart des étudiants ne sont pas

forcément maîtres de leur choix (Dubet, 2008). Cette logique leur permet de se créer un espace de

réflexivité autonome face à leurs études.

3.2.4 La sociologie de l’expérience sociale appliquée au choix et au vécu des études

collégiales en anglais

L’expérience scolaire, en tant que dimension de l’expérience sociale88, nous permet de comprendre

de manière plus fine comment les étudiants, en tant qu’acteurs scolaires, en arrivent à être les sujets

de leurs études (Dubet, 1996, 2008; Dubet & Martuccelli, 1996a). Dans le cas précis qui nous

concerne, il s’agit de comprendre les expériences de choix du cégep anglophone ainsi que les

expériences d’études collégiales en anglais de jeunes Québécois francophones.

La sociologie de l’expérience sociale articule trois logiques d’action qui rendent possible, dans un

premier temps, la compréhension des expériences de choix du cégep anglophone. La logique de

l’intégration met en saillance les socialisations qui ont cours quant à l’adoption d’une identité

anglophone et le désir d’intégration à la communauté anglophone en choisissant de réaliser des études

collégiales en anglais. La logique stratégique met de l’avant les stratégies et les bénéfices escomptés

88 Dubet (2008) souligne que l’expérience sociale se décline sous plusieurs dimensions qui peuvent notamment être étudiées par la sociologie du travail et la sociologie de la famille.

Page 104: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

85

par le choix du cégep anglophone. La logique de la subjectivation souligne l’aspect plus expressif89 et

de développement personnel lié au choix. Dans un deuxième temps, la sociologie de l’expérience

sociale nous permet de comprendre les expériences d’études collégiales en anglais. La logique de

l’intégration concerne les socialisations qui ont cours dans la famille et à l’école ainsi que les

appartenances liées à l’identité et à l’intégration durant les études collégiales. La logique de la stratégie

considère les conditions du contexte des études, les ressources mobilisées ainsi que le but des études

collégiales. La logique de la subjectivation soulève l’esprit critique face aux études collégiales en

anglais, dans le versant positif ou négatif. La sociologie de l’expérience sociale articule trois logiques

d’action qui sont similaires dans les deux expériences étudiées et qui se déploient tout de même de

manière distincte au regard des expériences de choix et d’études collégiales que nous étudions. Ces

expériences se modulent de manière distincte sous l’influence de plusieurs variables, dont celle du

temps et de la position sociale et scolaire qui sont particulièrement significatives. D’abord, le temps fait

évoluer l’expérience de manière unique selon l’âge et le niveau d’études. En effet, l’expérience scolaire

sera différente entre un élève de l’école primaire et un étudiant « jeune adulte » du cégep, puisque la

nature des épreuves change au fil du parcours scolaire90. Ensuite, la position sociale et scolaire fait

varier l’expérience puisque les épreuves n’ont pas le même poids sur chaque acteur qui ne possède

pas les mêmes ressources (Dubet, 2008; Dubet & Martuccelli, 1998) :

La tâche est beaucoup plus facile pour les élèves favorisés parce qu’ils s’appuient sur des habitus plus accordés aux modèles scolaires, parce que les utilités escomptées sont plus fortes et les coûts plus faibles, parce que l’espace de leurs choix intellectuels est plus vaste. À l’opposé, le travail de l’expérience est plus difficile quand les élèves sont issus de milieux éloignés de l’école, quand leurs ressources économiques et scolaires sont faibles, et leurs choix culturels plus limités. (Dubet, 2008, p. 36)

C’est dire que les étudiants ne sont pas tous égaux devant l’expérience scolaire vécue. Ce

déterminisme n’est toutefois guère une règle, puisque tous les favorisés n’excellent pas et que tous

les défavorisés n’échouent pas. C’est ici que le jeu de l’acteur, qui articule les épreuves, laisse place

à une marge de manœuvre, à une certaine liberté (Dubet, 2008).

89 La conception expressive est reprise de Hamel, Méthot et Doré (2008) pour qui elle renvoie à un « sentiment » et plus encore à des symboles d’accomplissement personnel et d’identité (p. 92).

90 Les travaux de Dubet et Martuccelli en contexte scolaire français (1996a, 1998) montrent qu’à l’école élémentaire, les élèves s’inscrivent davantage dans une logique de l’intégration alors que cette logique est délaissée, mais pas abandonnée, au fil du parcours scolaire au profit de la logique de la subjectivation.

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Bien que la sociologie de l’expérience scolaire se concentre sur l’expérience de chaque acteur, sa

compréhension nous informe aussi sur ce que « fabrique » l’école en matière d’acteurs et de sujets.

En d’autres termes, il est possible de comprendre le système qui se met en place et sa nature,

puisqu’en construisant leur expérience, les acteurs construisent aussi l’école (Dubet, 2008; Dubet &

Martuccelli, 1996a). Dans ce sens, avec l’analyse des expériences d’études collégiales en anglais, une

remontée théorique vers une dimension plus macrosociale liée aux champs institutionnels linguistiques

au collégial nous éclaire sur le travail de socialisation du cégep anglophone au Québec (Dubet, 2008).

Finalement, si la sociologie de l’expérience sociale et scolaire nous permet de comprendre les

expériences de choix et d’études collégiales en anglais, ce cadre théorique s’inscrit surtout dans une

temporalité courte. En effet, les changements sociaux qui s’inscrivent sur des temporalités de moyenne

et de longue durées ne sont pas suffisamment perceptibles (Doray, 2012). Pourtant, il nous semble

pertinent de comprendre comment les études dans un collège anglophone transforment ou non la suite

du parcours de vie des francophones qui y ont réalisé des études collégiales. Comment les études

collégiales en anglais socialisent-elles ou non à l’anglais au regard des pratiques linguistiques et des

identités ? Pour rendre compte adéquatement du mouvement des phénomènes sociaux dans le temps,

il nous semble pertinent de convoquer, comme deuxième cadre théorique, le concept de parcours de

vie tel que proposé par l’approche processuelle (Mendez, 2010).

3.3 Les parcours de vie comme des processus

L’approche processuelle pour comprendre les parcours de vie est proposée par Mendez et ses

collaborateurs (2010). Ce cadre théorique permet d’analyser nos données pour répondre à notre

troisième objectif spécifique qui vise à dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans

la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel.

Pour étudier le temps, plusieurs conceptualisations sont utilisées, souvent comme synonymes, pour

parler du devenir biographique. Or, tous les concepts – notamment ceux de trajectoire, de carrière, de

cheminement, de biographie et de parcours de vie – n’ont pas la même signification théorique et

épistémologique (Passeron, 1990).

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87

Le concept de trajectoire est utilisé en sociologie selon différentes modalités de compréhension

(Bourdieu, 1979, 1986; Strauss, 1992). Retenons qu’au regard des théories de la reproduction de

Bourdieu (1979, 1986), le concept réfère aux trajectoires individuelles, de classes et de fractions de

classe – au sein des champs sociaux (Doray et al., 2009) – où l’origine sociale détermine l’orientation

(Doray, 2012; Picard, Trottier, & Doray, 2011). Les trajectoires s’inscrivent alors dans une temporalité

plus large et permettent de rendre compte des structures sociales (Longo, 2011) et du poids des

relations objectives sur l’individu (Longo, 2016). Ainsi, les trajectoires sont soumises à un certain

déterminisme social (Doray et al., 2009) et à une certaine linéarité (Caradec, Ertul, & Melchior, 2012).

Associé au courant interactionniste, le concept de carrière visait initialement à comprendre les carrières

professionnelles (Becker & Strauss, 1956; Hughes, 1958, 1996). La mobilisation du concept s’est

étendue à d’autres sphères, notamment la déviance chez Becker (1985) et la maladie chez Goffman

(1968). Trois éléments concourent à la compréhension du concept : la prise en compte du temps au

travers des étapes successives qui caractérise la carrière; l’articulation de dimensions objectives (ex. :

opportunités, contraintes) et de dimensions subjectives (ex. : attentes, représentations) de la vie

sociale, qui permettent de comprendre comment les événements objectifs sont subjectivement vécus

par les acteurs et où la considération des dimensions formelles et informelles qui se présentent dans

la vie est donc centrale (Doray, 2012; Longo, 2011, 2016; Picard et al., 2011)91.

Le concept de cheminement, associé à l’individualisme méthodologique de Boudon (1985), renvoie

notamment, dans le domaine scolaire (Massot, 2000; Sylvain, Laforce, Trottier, & Georgeault, 1988),

aux étapes successives du parcours au regard des structures scolaires préétablies. Cette conception

théorique laisse peu ou pas de place à la divergence face à ce qui est prescrit. Ainsi, un cheminement

ne peut pas être atypique puisqu’il est linéaire, prévisible, normalisé et prédéterminé (Doray et al.,

2009).

La biographie constitue un concept qui accorde une place fondamentale à la subjectivité de l’individu

(Bessin, 2009). En effet, au travers des récits de vie comme matériaux de collecte des données

91 Pilote et Garneau (2011) proposent une conceptualisation de la carrière qui considère la dimension du temps, mais au-delà de la linéarité à laquelle renvoie souvent la conception initiale de la carrière (Becker & Strauss, 1956; Hughes, 1958, 1996). Ainsi, l’intérêt du concept se trouverait moins dans l’identification des étapes de la carrière, mais plutôt en repérant « ce va-et-vient entre le micro et le macro, le subjectif et l’objectif, et le mode de vie ″étudiant″ en train de se faire » (Pilote & Garneau, 2011, p. 4).

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(Bertaux, 2010), la biographie92 se concentre sur les continuités et les ruptures chez l’individu (Picard

et al., 2011). Bourdieu (1986) et Passeron (1990) critiqueront, à leur manière, le concept de biographie

qui, selon eux, serait trop axé sur les individus.

Le concept de parcours de vie (life course), qui peut être considéré comme un paradigme

multidisciplinaire dans la littérature (Bessin, 2009; de Montigny Gauthier & de Montigny, 2014; Lalive

D’Épinay, 2012; Lalive D’Épinay, Bickel, Cavalli, & Spini, 2005), renvoie à une succession

d’événements qui composent l’ensemble de la vie d’un individu (Picard et al., 2011). À l’origine du

concept se trouvent les analyses sur les cycles des âges, c’est-à-dire les phases de vie allant de la

naissance jusqu’à la mort. Cette conception est davantage associée à une socialisation

programmatique (Lalive D’Épinay et al., 2005) au regard de l’approche fonctionnaliste. Or, les dernières

décennies ont vu naître le concept de parcours de vie qui considère la vie humaine et son

développement comme une « totalité » prenant place dans des temporalités diverses et dans des

sphères biologiques, historiques, sociales et psychologiques (Bessin, 2009; Gaudet, 2013; Lalive

D’Épinay et al., 2005). Dans ce contexte, cinq principes fondent le concept (Elder, Kirkpatrick, &

Crosnoe, 2003; Elder & Shanahan, 2006)93 :

• Lifelong processes, les changements dans le parcours se produisent tout au long de la vie;

• Space-time location, la présence de différents temps historiques, de différentes temporalités dans le parcours;

• Timing, les événements prennent sens de manière singulière selon le moment du parcours où ils surviennent;

• Linked lives, le parcours se comprend par la prise en compte des sphères de vie qui sont interconnectées;

• Human agency, l’individu construit son parcours par ses actions et ses choix au regard des considérations sociales. (Lalive D’Épinay et al., 2005; Picard et al., 2011)

Donc, différentes temporalités et différents ancrages sociaux et historiques interagissent et

déterminent le parcours de vie. Malgré la prédominance des structures sociales, l’individu n’est pas

complètement soumis à ces dernières, puisque le concept de parcours de vie est loin d’ignorer la

92 Le récit de vie est l’outil méthodologique que nous avons mobilisé pour la collecte de nos données. Nous reviendrons plus en détail, dans le chapitre 4, sur les fondements théoriques et méthodologiques de cette approche.

93 Le texte d’Elder de 1998 propose quatre principes qui fondent le concept alors que le texte d’Elder, Kirkpatrick et Crosnoe de 2003 ajoute le principe de Lifelong processes, principe qui était déjà implicitement présent dans les écrits scientifiques sur les parcours de vie.

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perspective de l’individu; les parcours de vie rendent compte de l’objectif et du subjectif, du social et

de l’individu (Bessin, 2009; Doray, 2012) :

Le paradigme du parcours de vie représente justement une façon d’expliquer sociologiquement l’individu au carrefour de l’histoire et de sa réalité subjective. L’unité de base des analyses est le temps et plus particulièrement l’articulation des différentes temporalités : les temps biographiques et subjectifs, les temps sociaux qui régissent nos emplois du temps et les temps qui s’inscrivent dans l’évolution des institutions sociopolitiques et économiques des sociétés dans lesquelles nous évoluons. Parce que le temps est une unité dynamique, l’analyse porte nécessairement sur les transformations et le processus de continuité et de discontinuité qui caractérisent les vies à l’échelle de l’individu et de la société dans laquelle il évolue. (Gaudet, 2013, p. 15‑16)

Ce faisant, la notion de parcours de vie94 nous semble porteuse, en ce sens qu’elle permet de déceler

les différents agencements de facteurs et de temporalités pour comprendre les parcours avec

davantage d’acuité. Cela permet de dépasser les compréhensions extrêmes liées aux déterminismes

et aux individualismes (Longo, 2016) pour comprendre la relation entre un axe objectif et un axe

subjectif, mais aussi un axe actant lié aux autruis significatifs (Bidart, 2008). La notion de parcours

considère également la variété des échelles de facteurs, les liens entre les temps historiques et les

temporalités de vie, l’interdépendance des vies et des groupes sociaux ainsi que les expériences des

sujets (Longo, 2016).

Sur la base de ce qui précède, nous privilégions d’étudier les parcours de vie comme des processus.

Si le concept de processus95 n’est pas nouveau au regard des concepts discutés auparavant,

l’approche processuelle qui lui est associée permet d’étudier les parcours de vie en proposant une

opérationnalisation théorique et méthodologique différente de ces concepts et qui rend compte de la

complexité des phénomènes sociaux et des temporalités étudiés (Bidart, 2008). Ce faisant, un

processus est considéré comme une histoire qui permet de mettre en lumière les relations entre les

éléments plutôt que la causalité qui les lie (Becker, 2002; de Coninck & Godard, 1990; Mendez et al.,

2010b). Il faut donc se concentrer plus sur le « comment ? » que sur le « pourquoi ? » afin de déceler

94 La notion de parcours de vie constitue, pour plusieurs auteurs (Bessin, 2009; de Montigny Gauthier & de Montigny, 2014; Lalive D’Épinay, 2012; Lalive D’Épinay et al., 2005), un paradigme dont le foisonnement de spécificités théoriques et méthodologiques ne permet pas de déterminer l’ensemble des contours. Dans ce contexte, nous nous attachons à mieux comprendre les parcours de vie au regard de la compréhension théorique qu’en propose l’approche processuelle (Bidart, 2008; Longo, 2016; Mendez, 2010).

95 L’approche processuelle s’inscrit au croisement des disciplines de l’économie, de la sociologie et de la gestion.

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les étapes qui structurent le processus étudié plutôt que les facteurs qui conduisent à un tel état de

fait :

Considérez que ce que vous étudiez n’est pas le résultat de causes, mais le résultat d’une histoire, d’un récit, de quelque chose comme « d’abord ceci s’est produit, puis cela, puis cela encore, et c’est comme ça qu’on en est arrivé là ». Cette approche nous fait comprendre l’apparition d’un phénomène en nous montrant les étapes du processus qui l’ont engendré, plutôt qu’en nous montrant les conditions qui en ont rendu l’apparition nécessaire. (Becker, 2002, p. 109)

Dès lors, l’approche processuelle présente l’avantage d’étudier l’imbrication entre le mouvement des

phénomènes sociaux et le temps. Cette approche vise tout sauf l’aplatissement, la simplification et

l’unification du mouvement. Elle a plutôt pour objectif de « prendre le temps de le dérouler et de

l’analyser » (Mendez et al., 2010b, p. 6). L’apport de cette approche est d’aller bien au-delà du « point

final » où en arrivent les individus dans leur parcours – ici, scolaire, professionnel et personnel – pour

comprendre la suite logique de l’enchaînement et de l’imbrication des événements entre eux. Plus

encore, il s’agit de dépasser les étapes prescrites du parcours de chacun (ex. : scolarité obligatoire,

cégep anglophone, études universitaires et marché du travail) pour comprendre de manière plus

intelligible et heuristique comment les événements du parcours prennent sens entre eux. En d’autres

mots, comment le parcours d’un individu peut-il être défini sans que cela renvoie à la présentation

séquentielle d’événements selon une logique de synchronicité et où les événements ne présentent pas

forcément de liens entre eux (Bidart et al., 2013; Mendez et al., 2010b) ?

Cette approche repose sur quatre concepts : les ingrédients, les séquences, les moteurs et les

bifurcations, qui sont généralement considérés de manière indépendante, mais dont l’association fait

l’originalité de la définition (Bidart et al., 2013; Mendez et al., 2010b). Ainsi, un processus est : « Un

ensemble de phénomènes organisés dans le temps qui combine des ingrédients et des moteurs dont

le changement éventuel permet de déterminer des séquences. Lorsque ces changements modifient

l’orientation même du processus, ils correspondent à des bifurcations » (Mendez et al., 2010b, p. 7).

Dans les sous-sections suivantes, nous détaillons chacun de ces quatre concepts.

3.3.1 Les ingrédients

Pour bien comprendre le processus à l’étude, celui de la socialisation à l’anglais dans la suite du

parcours scolaire, professionnel et personnel de jeunes Québécois francophones ayant choisi de faire

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leurs études collégiales en anglais, en déterminer le contexte est essentiel. Pour ce faire, la mise au

jour des éléments constituant le contexte doit être faite. Mais tous les éléments du contexte ne sont

pas pertinents pour comprendre le processus étudié. Il est impossible et impertinent de tenter de

décrire le contexte dans son entièreté (Bidart et al., 2013) en souhaitant relever l’ensemble des

éléments du parcours, ce qui ne peut que mener à une « illusion de la pan-pertinence », où le parcours

devient résolument indescriptible (Longo, 2016; Passeron, 1990). Seuls les éléments du contexte qui

sont pertinents pour comprendre le processus étudié sont à relever et ces derniers deviennent ainsi

des ingrédients (Mercier & Oiry, 2010).

Les ingrédients sont de divers ordres. Des ingrédients objectifs interviennent sur le processus, comme

l’origine sociale et la scolarité. Ces ingrédients entrent en relation avec d’autres plus subjectifs qui

relèvent de l’interprétation qu’en fait chaque individu (Bidart, 2008; Bidart & Longo, 2010). C’est dire

ici qu’un même élément objectif, comme celui du diplôme d’études collégiales en anglais, peut être

interprété de manière différente – c’est-à-dire subjectivement – par les francophones constituant notre

corpus. En outre, à ces ingrédients objectifs et subjectifs, s’ajoutent des ingrédients actants qui relèvent

des environnements, des cadres sociaux ou des entourages, pour reprendre les termes de Bidart

(2008). Ces ingrédients actants, ou ces autruis significatifs, interviennent dans la socialisation de

l’individu puisqu’il s’agit de parents, d’amis, de collègues ou de conjoint par exemple (Bidart, 2008).

Repérer et déterminer, au mieux96, les ingrédients objectifs, subjectifs et actants constituent, pour le

chercheur, un travail itératif de changement d’échelles d’observation (Lahire, 1996), puisque les

éléments du contexte se retrouvent à différents niveaux. L’approche processuelle reprend les trois

échelles d’action et d’analyse que propose Grossetti (2004, 2006b). L’échelle des masses permet de

préciser la massivité et l’agrégation des processus. En considérant des unités de différentes tailles –

comme les individus, les organisations, voire la société dans son ensemble – il est possible de

dépasser les limites classiques des échelles micro et macro. L’échelle du temps permet d’expliquer,

dans les phénomènes sociaux, la durée, qu’elle soit éphémère ou durable, les rythmes, qu’ils soient

intenses ou calmes, et la nature des temporalités, entre autres biographique et historique. L’échelle de

spécialisation permet de considérer les divers contextes d’activité ou les diverses sphères de la vie qui

96 Lahire (1996) souligne qu’il n’y a aucun niveau d’analyse ou d’échelle du contexte qui permettrait d’accéder complètement au réel. Les changements d’échelle permettent au mieux de s’en rapprocher.

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92

ont un impact sur le processus étudié. C’est donc en considérant les éléments du contexte qui se

trouvent dans ces trois échelles que la mise au jour des ingrédients pertinents pour comprendre le

processus se dévoile.

La méthode dite de la permutation est privilégiée pour déterminer adéquatement les ingrédients du

contexte qui interviennent réellement dans le processus étudié97 (Mercier & Oiry, 2010). Pour y

parvenir, une simple question doit être posée : « Ce processus se serait-il déroulé de la même manière

si cet élément était absent ? » (Mendez et al., 2010a, p. 227). Autrement dit, il s’agit d’éléments, ici

d’ingrédients, qui agissent sur le parcours (Brochier et al., 2010). Une lecture éclairée du processus

étudié selon les échelles de masse, de temps et de spécialisation est nécessaire, c’est-à-dire la prise

en considération des éléments provenant d’unités de différentes tailles, de temporalités diverses et de

multiples sphères de la vie. Également, une centration bien précise sur le processus étudié est

essentielle, puisqu’un individu est forcément caractérisé par plusieurs processus en même temps. Par

exemple, si le processus étudié est celui de la socialisation à l’anglais dans la suite du parcours, celui

de la parentalité peut interférer dans notre mise au jour des ingrédients. Aussi, un élément récurrent

dans le discours du sujet peut ne pas être pertinent pour le processus étudié alors qu’un élément

considéré comme plus banal – donc moins discuté par le sujet – peut être plus révélateur du processus

étudié (Mercier & Oiry, 2010).

3.3.2 Les séquences

Si un parcours est tout sauf linéaire et homogène, c’est parce qu’il est constitué d’étapes qui diffèrent

l’une de l’autre (Brochier et al., 2010). Rappelons que la compréhension d’un parcours ne concerne

pas seulement la détermination du point de départ et du point d’arrivée. En effet, le parcours est

constitué de situations sociales diverses – notamment dans les sphères familiale, scolaire,

professionnelle et personnelle – qui concourent à son développement (Longo, 2016). Ces situations

sociales hétérogènes sont considérées comme des séquences qui sont vues comme des unités

constituant le parcours (Abbott, 1990, 1995). Le dévoilement des séquences permet de comprendre

finement l’évolution et l’orientation du parcours (Longo, 2011).

97 Il s’agit d’une méthode développée en linguistique (Mercier & Oiry, 2010).

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93

Dans l’approche processuelle, une séquence se caractérise par trois éléments (Bidart et al., 2013).

D’abord, elle est constituée d’ingrédients du processus qui suivent un agencement particulier et unique

(Longo, Mendez, & Tchobanian, 2010) selon leur association et leur dissociation (Longo, 2010). La

séquence se présente aussi comme un segment temporel du processus qui est caractérisé par son

inscription dans des temporalités multiples (en référence aux échelles de Grossetti). Enfin, chaque

séquence – qui est une unité d’analyse dans le processus – n’évolue pas indépendamment des autres

dans un processus, mais plutôt en relation interactive et dynamique qui s’oppose à une vision inerte et

linéaire (Longo et al., 2010).

Ainsi, la détermination des séquences d’un processus permet de dépasser les temporalités prescrites,

soit les segments prédéterminés dans le guide d’entretien (dans notre cas, la scolarité obligatoire, le

cégep anglophone, les études universitaires et le marché du travail) (Longo, 2010; Longo et al., 2010)

pour laisser émerger des segments provenant des données empiriques (Longo, 2010).

3.3.3 Les moteurs

Chaque séquence est propulsée par un moteur qui génère et oriente son mouvement. Le moteur

représente le mécanisme génératif du mouvement des ingrédients ainsi que de leurs assemblages et

de leurs reconfigurations dans le temps. La complexité du lien existant entre les ingrédients et leurs

transformations peut être rendue compréhensible en dépassant le lien de cause à effet pour en arriver

à comprendre les mécanismes de changement à l’œuvre. Lesdits mécanismes sont multiples et

contradictoires, ce qui produit un mouvement singulier dans le processus. Ce faisant, un processus,

voire une séquence, ne peut jamais être le résultat d’un seul moteur (Pérocheau & Correia, 2010).

Quatre archétypes de moteurs sont mobilisés dans l’approche processuelle. Ils s’inspirent des travaux

sur le changement de Van de Ven et Poole98 (1995) et permettent de comprendre la nature du

mouvement des différentes séquences qui forment le processus.

98 « La revue de la littérature réalisée par Van de Ven et Poole (1995) sur plus de 200.000 articles puisés dans des revues traitant de psychologie, de sociologie, d’éducation, de gestion, d’économie, mais aussi de biologie, de médecine, de météorologie et de géographie propose une analyse particulièrement stimulante des moteurs qui produisent le mouvement dans une trajectoire. Ils ont identifié une vingtaine de théories explicatives du changement qu’ils ont synthétisées en quatre moteurs archétypiques » (Brochier et al., 2010, p. 87).

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94

Le moteur programmatique, ou de cycle de vie, permet de comprendre que le changement est inscrit

dans un programme normatif et prescriptif qui guide le processus et l’enchaînement des séquences

qui le constituent. L’état final du processus ainsi que les séquences qui évoluent vers cet état sont

donc connus (Brochier et al., 2010; Pérocheau & Correia, 2010; Van de Ven & Poole, 1995). En

sciences sociales, le moteur programmatique se retrouve dans des évolutions biographiques, où

l’avancement en âge correspond à certains statuts. Même si l’individu possède une marge de

manœuvre, ce dernier reste parfois soumis à ces statuts par des normes sociales fortes selon les

contextes (ex. : fonder une famille après s’être marié). Même si des événements extérieurs peuvent

influencer le parcours, le moteur filtre lesdits événements pour mener à l’état final (Brochier et al., 2010;

Pérocheau & Correia, 2010).

Si le moteur évolutionniste est généralement associé aux sciences de la vie, en sciences sociales il

permet de rendre compte du changement grâce à trois mécanismes : 1) des variations se produisent

dans un parcours; 2) ces variations sont conservées ou rejetées par des mécanismes de sélection; 3)

ces variations sont conservées ou reproduites par des mécanismes de rétention (Brochier et al., 2010;

Pérocheau & Correia, 2010; Van de Ven & Poole, 1995). Dans les processus biographiques, ce moteur

trouve un écho dans les idées fonctionnalistes et critiques d’intériorisation des normes et

d’incorporation d’habitus (Pérocheau & Correia, 2010). Pour déceler un moteur évolutionniste, il faut

souvent procéder à un changement d’échelle d’analyse et d’action (Grossetti, 2006a). Ce changement

permet, par exemple, de constater l’institutionnalisation d’une pratique dans le parcours de vie d’un

individu, où un rêve devient un projet professionnel (Pérocheau & Correia, 2010).

Un moteur peut aussi être dialectique alors que l’idée de tension est présente entre différents

ingrédients du parcours (Van de Ven & Poole, 1995). Cette tension est créée par l’instabilité entre des

ingrédients du contexte. La stabilité revient lorsqu’une des forces en présence l’emporte ou que la

présence d’un nouvel ingrédient dans le processus mène à la synthèse des forces contradictoires

(Brochier et al., 2010; Pérocheau & Correia, 2010). En sciences sociales, le moteur dialectique se

rapproche du courant marxiste, où des rapports de force sont omniprésents (Pérocheau & Correia,

2010). Or, le moteur dialectique ne fait pas uniquement état d’instabilité alors que la tension entre des

ingrédients peut aussi mener à la stabilité, équilibrant et annulant les forces. C’est dire ici qu’un moteur

dialectique peut être présent dans une séquence d’un processus où il ne semble rien se passer, mais

où un conflit est larvé. Il ne faut donc pas associer trop simplement moteur dialectique avec crise alors

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95

que l’analyse fine du processus permet de comprendre les moments de tension précédant, entre

autres, une crise (Brochier et al., 2010; Pérocheau & Correia, 2010). Par exemple, ce moteur se

présente dans un parcours professionnel de promotion sociale, où des tensions se remarquent entre

les valeurs du milieu d’origine et les nouvelles valeurs du milieu professionnel (Pérocheau & Correia,

2010).

Le moteur téléologique est guidé par un objectif commun et par la tentative d’y parvenir. Des finalités

fortes sont présentes et orientent les décisions de l’individu. Ainsi, le « projet » qui est visé, même s’il

peut changer et qu’il est exprimé de manière plus ou moins claire, mène à prendre des décisions

conséquentes pour l’atteindre. Or, un moteur téléologique ne signifie pas que le processus a une

finalité bien ancrée sans que cela puisse changer, mais plutôt que des finalités sont présentes et

influencent le processus et que celles-ci guident en partie les acteurs dans leurs décisions et leurs

actions. Il présente donc des finalités et une influence sur le processus (Brochier et al., 2010;

Pérocheau & Correia, 2010; Van de Ven & Poole, 1995). À titre d’exemple du moteur téléologique, le

parcours professionnel d’un individu peut être sinueux et ponctué de plusieurs choix professionnels en

apparence incohérents, mais qui permettent à l’individu d’atteindre un objectif de carrière clair

(Pérocheau & Correia, 2010).

Les moteurs expliquent le mouvement des séquences qui forment le processus. Les types de moteur

présentés précédemment montrent d’ailleurs que le mouvement ne représente pas qu’une forme

d’avancement, car les moteurs mettent en saillance la stabilité et la régression, voire la contrainte dans

le processus. Si les moteurs mettent de l’avant différents mouvements, la combinaison de ces

mouvements présente une richesse pour la compréhension du processus. En effet, un processus n’est

jamais l’œuvre d’un seul moteur. S’il est le résultat de plusieurs séquences qui sont en relation entre

elles, chacune est guidée par un ou des moteurs qui se lient selon de nombreuses modalités. D’abord,

des moteurs s’enchâssent lorsqu’un moteur principal a cours dans le processus et que d’autres

moteurs se présentent pour rendre intelligibles certaines séquences ou bifurcations. Des moteurs

peuvent ensuite être en opposition, ce qui permet de montrer les effets contraires, différents,

contradictoires, voire ambigus, d’ingrédients présents dans une séquence. Enfin, des moteurs peuvent

aussi créer du mouvement dans la même direction, ce qui augmente la compréhension liée à un

événement, à une période temporelle d’une séquence. Les effets des moteurs ne s’en tiennent pas

qu’aux trois modalités précédemment citées, puisque d’autres combinatoires sont possibles au regard

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96

du travail du chercheur. Ainsi, c’est le chercheur qui identifie les moteurs dans le processus étudié afin

de rendre intelligible et compréhensible son objet d’étude (Bidart et al., 2013; Pérocheau & Correia,

2010).

3.3.4 Les bifurcations

Alors que l’enchaînement des séquences d’un processus induit forcément une nouvelle configuration

des ingrédients, une bifurcation99 – ou turning point – se produit lorsqu’un changement radical et

intense affecte l’ensemble du processus, tant dans l’agencement de ses ingrédients que dans les types

de moteurs à l’œuvre, menant ainsi à un changement dans l’orientation du parcours (Abbott, 2001,

2010; Bidart & Brochier, 2010; Bidart et al., 2013; Brochier et al., 2010; Grossetti, 2004, 2006a). La

bifurcation possède un caractère relativement imprévisible qui la distingue de la transition

biographique, où le changement est généralement prévisible (ex. : la fin des études), ainsi que du

carrefour, où les issues demeurent encadrées et délimitées (ex. : choix d’orientation scolaire) (Bidart,

2006).

Si la bifurcation n’est pas présente dans tous les processus, lorsqu’elle se manifeste, elle se présente

à la frontière entre deux séquences, permettant de comprendre le changement d’orientation qui

caractérise la séquence qui suit la bifurcation. Dans ce contexte, la bifurcation est liée à un événement

particulier qui, lui-même, est précédé par une crise qui mène à des bouleversements. Elle se manifeste

dans une temporalité courte, mais dont les prémisses et les conséquences s’inscrivent sur une

temporalité plus longue. Cette « épaisseur » du changement se saisit par le repérage de prémisses et

de conséquences liées à la bifurcation dans les différentes échelles, notamment biographique et

professionnelle, du parcours, mais aussi dans les contextes, notamment scolaire et géographique. Ce

faisant, la bifurcation peut se présenter comme liée à un événement déclencheur – où les prémisses

de la crise apparaissent de prime abord comme inexistantes – ou à un événement résolutif – où une

situation de crise est déjà connue et l’événement apparaît comme l’issue (Bidart & Brochier, 2010;

Bidart et al., 2013).

99 Aux fins de la présentation théorique sur l’approche processuelle, le concept de bifurcation est présenté en cohérence avec les concepts d’ingrédients, de séquences et de moteurs. Le concept de bifurcation renvoie à une littérature scientifique foisonnante (Bessin, Bidart, & Grossetti, 2010a, 2010b; Grossetti, 2004) qui ne doit pas sembler être réduite dans sa valeur et sa portée dans notre travail.

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97

3.3.5 Les parcours de vie au regard des processus de socialisation à l’anglais

Le processus que nous étudions ici est celui de la socialisation à l’anglais100. Prenant comme point de

départ la fin des études dans un cégep anglophone, l’idée est de comprendre la suite du parcours des

francophones qui y ont réalisé des études. C’est ainsi qu’il est possible de comprendre avec davantage

d’acuité comment le passage par le cégep anglophone colore, ou non, la suite du parcours.

Si la socialisation, ici secondaire, se distingue par son caractère pluriel, concomitant et continu dans

le temps (Darmon, 2010), il semble alors heuristiquement pertinent de mobiliser l’approche

processuelle qui permet, de manière fine, de cerner le temps. En effet, cette approche présente

l’avantage de comprendre de manière intelligible et dynamique l’enchaînement et l’imbrication des

événements du parcours de vie afin de dépasser l’énonciation détachée du point de départ, des étapes

prescrites et du point d’arrivée du parcours sans comprendre la finesse, la complexité et la richesse

des liens qui les unissent (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010). Plus encore, pour rendre compte du

caractère pluriel et concomitant de la socialisation (Darmon, 2010), nous nous attardons à trois sphères

du parcours de vie : scolaire, professionnelle et personnelle.

Selon Lahire (2013), l’étude de la socialisation se traduit plus concrètement par la compréhension des

expériences, des pratiques, des compétences et des institutions101. C’est : « [l]’objet d’étude [qu’est la

socialisation] qu’il faudrait s’efforcer au contraire de ramener sur le sol raboteux des dispositifs

institutionnels, des pratiques, des compétences, des habitudes et des dispositions » (p. 120). Ainsi,

afin de bien cerner la socialisation à l’anglais, nous nous sommes efforcée plus particulièrement à

déceler et à comprendre les pratiques linguistiques (Lahire, 2013) – surtout celles liées à l’anglais sans

exclure celles liées au français ou à d’autres langues – qui ont cours au sein des sphères scolaire,

professionnelle et personnelle du parcours de vie des francophones. Au travers de ces pratiques

100 Tout un champ de recherche, celui de la socialisation langagière (language socialization), s’intéresse à l’acquisition de la langue maternelle ou d’une langue seconde. La prémisse est de comprendre la socialisation à travers le langage et à son utilisation (Schieffelin & Ochs, 1986). Ce champ de recherche ne nous apparaît toutefois pas heuristiquement pertinent pour notre thèse doctorale puisqu’il se focalise sur l’acquisition linguistique chez les jeunes enfants et les novices – même si durant les dernières années les populations étudiées se sont élargies aux adultes – au travers d’un regard sociolinguistique et ethnographique (Schieffelin, 2007).

101 Lahire (2013) discute, par exemple, de l’étude de la socialisation européenne qui peut rester vague dans sa signification si elle ne renvoie pas à l’étude des expériences, des pratiques, des compétences et des institutions spécifiquement européennes.

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98

linguistiques, il ressort des éléments liés aux interactions entre les individus ainsi qu’entre les individus

et les institutions, dimension fondamentale au concept de la socialisation (Mitchell, 2012).

3.4 Cadre d’analyse

Notre thèse s’inscrit dans une sociologie de l’éducation constructiviste qui considère à la fois le rôle de

l’individu et des structures sociales, laissant davantage de place à la capacité interprétative de l’acteur

(Lapassade, 1996). Les socialisations, qui s’actualisent tout au long de la vie (Berger & Luckmann,

2012) et qui s’inscrivent dans différentes sphères de vie (Darmon, 2010), montrent un acteur qui n’est

plus entièrement soumis aux institutions (Dubet, 2002). L’individu devient alors davantage l’auteur de

son expérience (Dubet, 2002) et de son parcours de vie (Longo, 2016). Pour rendre compte du rapport

entre l’individu et les structures sociales dans la compréhension des expériences et des parcours de

vie, deux cadres théoriques sont mobilisés.

La sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b) montre l’articulation par l’acteur des dimensions

du système que sont la logique de l’intégration, la logique de la stratégie et la logique de la

subjectivation. Ce cadre théorique nous permet de répondre au premier objectif de la thèse, soit

d’identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais, et au deuxième objectif, soit

d’identifier les expériences d’études collégiales en anglais.

Si ce cadre théorique permet de comprendre les expériences de choix et d’études collégiales, c’est

parce que celles-ci s’inscrivent dans des temporalités relativement courtes. La compréhension de

temporalités plus longues est plus difficilement possible (Doray, 2012). Nous avons donc mobilisé un

deuxième cadre théorique permettant la prise en compte de plus longues temporalités et des

différentes sphères de vie.

L’approche processuelle (Mendez, 2010) est le second cadre théorique que nous mobilisons afin de

répondre à notre troisième objectif, qui est de dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans

la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel. Cette approche permet d’appréhender les

parcours de vie dans leur finesse, leur richesse et leur complexité. C’est par les ingrédients, c’est-à-

dire les éléments du contexte qui sont pertinents, les séquences, les moteurs et, dans certains cas, les

bifurcations que la mise au jour des processus de socialisation à l’anglais est possible. Nous sommes

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99

plus particulièrement attentive à trois sphères de socialisation à l’anglais : scolaire, professionnelle et

personnelle. C’est par la compréhension des pratiques linguistiques (Lahire, 2013) dans ces trois

sphères qu’il est possible d’éclairer les processus de socialisation à l’anglais.

Les deux cadres théoriques que nous mobilisons s’inscrivent donc dans une sociologie constructiviste

mettant en relation l’individu et les structures sociales – les individus n’étant ni complètement soumis

aux structures ni complètement libres.

C’est ainsi que nous nous focalisons sur trois « temps » du parcours de vie, soit l’expérience de choix

du cégep anglophone, l’expérience des études collégiales en anglais et le processus de socialisation

à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel. Ces trois temps sont illustrés

dans la figure suivante.

Figure 1. Trois temps du parcours de vie

Le cadre d’analyse guide la présentation de nos résultats qui constitue les chapitres 5, 6, 7 et 8. Le

chapitre 5 présente de manière plus descriptive les données du corpus. Le chapitre 6 se concentre, à

Parcours de vie

Expérience

de choix du

cégep

anglophone

- Logique de

l’intégration

- Logique de la

stratégie

- Logique de la

subjectivation

Processus de socialisation à l’anglais dans

la suite du parcours scolaire, professionnel

et personnel

- Ingrédients

- Séquences

- Moteurs

- Bifurcations

Expérience

des études

collégiales

en anglais

- Logique de

l’intégration

- Logique de la

stratégie

- Logique de la

subjectivation

Page 119: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

100

l’aide de la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b, 2017), sur le premier objectif spécifique

de notre recherche qui vise à identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais.

Toujours au regard de la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b, 2017), le chapitre 7 répond

au deuxième objectif spécifique qui est d’identifier les expériences d’études collégiales en anglais. Le

chapitre 8 vise à répondre au troisième objectif spécifique qui est de dépeindre les processus de

socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel en faisant appel

à l’approche processuelle pour comprendre les parcours de vie (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010).

Le chapitre suivant présente le cadre méthodologique qui nous a permis d’orienter notre démarche, de

recueillir nos données et de réaliser nos analyses.

Page 120: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

101

CHAPITRE 4

CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Les cadrages théoriques que nous privilégions – et que nous avons présentés et discutés dans le

chapitre précédent – teintent notre posture épistémologique ainsi que nos choix méthodologiques,

créant ainsi un ensemble cohérent (Albarello, 2012; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004; Soulet, 1987). Dans

ce chapitre méthodologique, nous faisons état de la posture épistémologique constructiviste dans

laquelle nous inscrivons notre recherche, de l’approche qualitative que nous adoptons et de la méthode

du récit de vie que nous mobilisons. Nous décrivons également le déroulement de notre cueillette des

données ainsi que les méthodes d’analyse que nous avons utilisées afin de répondre à nos objectifs

de recherche.

4.1 Épistémologie constructiviste

Selon Savoie-Zajc et Karsenti (2004) et Poisson (1991), les sciences humaines et sociales se

structurent autour de deux grands courants épistémologiques, c’est-à-dire autour de deux rapports au

savoir et à sa production102. Le premier courant est celui du positivisme – aussi appelé objectivisme

ou réalisme – qui présente une vision de la réalité externe, un rapport au savoir généralisable, une

finalité de la recherche qui renvoie à la vérification par une relation causale et, enfin, des rapports

neutres et objectifs avec la recherche. Il est d’usage d’associer l’épistémologie positiviste à la

recherche quantitative (Poisson, 1991; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004) bien qu’il n’en soit pas toujours

ainsi (Pires, 1997a). Historiquement, l’épistémologie positiviste conditionnait fortement les recherches

macrosociales et déterministes associées aux paradigmes fonctionnaliste et marxiste des années 1960

et 1970 (Anadón, 2004; Horth, 1986). Aujourd’hui, cette posture épistémologique demeure présente

dans les recherches scientifiques, même si de nouveaux paradigmes ainsi que de nouveaux cadres

théoriques et épistémologiques, plus axés sur l’acteur, ont gagné en importance.

102 Soulignons que d’autres courants épistémologiques sont présents en sciences humaines et sociales. Par exemple, en sciences de l’éducation, des auteurs comme Savoie-Zajc et Karsenti (2004) ainsi que Poupart (1997) font état d’un autre courant dit critique qui reflète des rapports de force entre les individus et qui fait appel davantage à la recherche-action.

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102

Dans les années 1980, des critiques de la société, considérée comme inégalitaire à plusieurs égards,

se manifestent de plus en plus (Anadón, 2006). Ce contexte social conduit à l’émergence de nouveaux

paradigmes, moins centrés sur les structures sociales, où plus d’importance est accordé à l’individu

comme source d’influence dans l’explication du social. Le paradigme de l’acteur et son postulat

constructiviste menèrent à des changements épistémologiques et méthodologiques (Anadón, 2004).

Sans pour autant les déclarer antinomiques (Archambault & Hamel, 1997; Pires, 1997a), la posture

constructiviste diverge sur plusieurs points de la posture positiviste. D’abord, le constructivisme

appréhende la réalité sociale comme étant construite par les acteurs d’une situation. Cette réalité est

vue comme globale et dynamique; c’est ce que le chercheur tentera de comprendre (Archambault &

Hamel, 1997; Fourez & Larochelle, 2004; Gingras, 1993; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004). Ensuite, le

savoir produit est perçu comme étroitement associé aux contextes desquels il émane. Ce savoir doit

aussi être transférable à d’autres contextes. La recherche a comme finalité la compréhension par

l’accès privilégié à l’expérience de l’Autre. Le chercheur déclare établir des rapports subjectifs à sa

recherche, puisqu’il est conscient de ses valeurs et de ses idéaux (Savoie-Zajc & Karsenti, 2004).

Cette subjectivité doit être vue comme un apport à l’« objectivation » du phénomène étudié (Poupart,

1997)103. En somme, l’épistémologie constructiviste cherche à comprendre le sens de la réalité des

individus puisque : « la connaissance humaine est processus avant d’être résultat; elle se forme dans

l’action et dans l’interaction » (Le Moigne, 2012, p. 118). C’est donc en adoptant une perspective

interactive qu’il est possible d’ancrer le savoir produit dans une culture, un contexte et une temporalité

(Gingras, 1993; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004, p. 126).

Notre thèse s’inscrit dans une épistémologie constructiviste. Nos choix théoriques, c’est-à-dire une

approche constructiviste qui place l’acteur comme l’auteur de son expérience et de son parcours de

vie, nous amènent à privilégier une posture qui met l’accent sur le sens que les acteurs donnent à leur

réalité. De plus, elle a pour objectif de comprendre les choix du cégep anglophone, les expériences

d’études collégiales en anglais et les impacts sur la suite du parcours de vie. Ces choix, ces

expériences et ces parcours de vie s’inscrivent aussi dans un contexte spécifique que constituent le

réseau d’enseignement collégial anglophone ainsi que l’environnement local, provincial, national,

continental et mondial, où les langues française et anglaise n’ont pas le même poids démographique,

103 La prise en compte de la subjectivité des scientifiques, qui caractérise l’épistémologie constructiviste, origine en partie dans les recherches féministes des années 1980 (Champagne & Clennett-Sirois, 2016).

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103

économique, politique et culturel. À travers cette posture, nous faisons actes de nos subjectivités

comme des forces pour la recherche, ce qui renvoie au fait d’être une étudiante aux cycles supérieurs,

mais aussi d’être à la fois franco-québécoise ainsi que créolophone et d’origine martiniquaise, c’est-à-

dire d’être consciente par notre propre vécu des rapports de force sociaux et linguistiques divergents

selon les contextes.

4.2 Recherche qualitative

Une épistémologie constructiviste tend généralement à s’associer à la recherche qualitative104 (Savoie-

Zajc & Karsenti, 2004). Alors que la recherche qualitative est souvent pensée et décrite en opposition

à la recherche quantitative, les deux approches se distinguent plus particulièrement par leur regard sur

la réalité sociale (Poisson, 1991). La recherche qualitative vise principalement la compréhension et la

description du sens que les acteurs et les collectivités donnent à l’expérience, à l’action et à la vie

quotidienne telle qu’ils les ont vécues (Deslauriers, 1991; Horth, 1986; Mucchielli, 1994; Paillé &

Mucchielli, 2012; Poisson, 1991; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004). C’est en partant du propre cadre de

référence des individus, c’est-à-dire en portant un regard de l’intérieur (Horth, 1986), que le chercheur

pourra comprendre la nature et la complexité des interactions entre les sujets à l’étude et

l’environnement global (Flick, 2006; Savoie-Zajc, 2004). La recherche qualitative se distingue aussi

par sa souplesse, puisque l’étude des individus ou des collectivités engage une part d’imprévisibilité

face à la réalité sociale étudiée à laquelle et par laquelle le chercheur et sa recherche doivent s’adapter,

s’ajuster et se transformer (Deslauriers, 1991; Poisson, 1991). La méthode de recherche est ainsi

modulée au regard de la réalité et non le contraire (Bertaux, 2010). Pour reprendre Blumer (1978) :

Reality exists in the empirical world and not in the methods used to study that world; it is to be discovered in the examination of that world and not in the analysis or elaboration of the methods used to study that world. Methods are mere instruments designed to identify and analyze the obdurate character of the empirical world, and as such their value exists only in their suitability in enabling this task to be done. In this fundamental sense the procedures employed in each part of the act of scientific inquiry should and must be assessed in terms of whether they respect the nature of the empirical world under study – whether what they signify or imply to be the nature of the empirical world is actually the case. (p. 24)

104 Cette association entre l’épistémologie constructiviste et la recherche qualitative n’est toutefois pas automatique (Archambault & Hamel, 1997; Pires, 1997a).

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104

À l’instar de Savoie-Zajc (2004), qui souligne la multiplicité des définitions possibles de la recherche

qualitative, nous reprenons sa définition synthèse qui découle du travail de Potter (1996). Ce dernier

avait répertorié une vingtaine de définitions de la recherche qualitative et les avait classées en cinq

catégories : les définitions formelles, qui se trouvent dans les manuels de recherche qualitative, les

définitions de contrastes, qui privilégient l’opposition entre les recherches qualitative et quantitative,

les différentes typologies de recherches qualitatives, les définitions de type procédural, qui mettent

l’accent sur les étapes de la recherche et, enfin, les définitions qui portent sur les finalités de la

recherche qualitative. La définition synthèse que propose Savoie-Zajc (2004) est la suivante :

[La recherche qualitative est] une forme de recherche qui exprime des positions ontologiques (sa vision de la réalité) et épistémologiques (associé aux conditions de production du savoir) particulières dans la mesure où le sens attribué à la réalité est vu comme étant construit entre le chercheur, les participants à l’étude et même les utilisateurs des résultats de recherche. Ces derniers, en prenant connaissance des résultats de recherche, se mettent en position de délibération, de critique et questionnent son applicabilité et sa transférabilité dans leur propre contexte. Dans cette démarche, le chercheur et les participants à la recherche ne sont pas neutres : leurs schèmes personnels et théoriques, leurs valeurs influencent leur conduite et le chercheur tente de produire un savoir objectivé, c’est-à-dire validé par les participants à la recherche. Le savoir produit est aussi vu comme dynamique et temporaire, dans la mesure où il continue d’évoluer. Le savoir est également contextuel, car les milieux de vie des participants colorent, orientent les résultats. (p. 128)

Pour cette thèse, le choix d’une méthode qualitative s’inscrit dans une continuité logique avec la

posture épistémologique constructiviste que nous adoptons et où les contours – tant de l’épistémologie

constructiviste que de la recherche qualitative – s’imbriquent l’un dans l’autre. Privilégier la conduite

d’une recherche qualitative nous permet en effet de comprendre et de décrire les choix du cégep

anglophone, les expériences d’études collégiales en anglais et les impacts sur les parcours de vie tels

que vécus par des jeunes francophones. C’est aussi être consciente que la construction de la réalité

sociale se fait au travers d’une relation entre les participants et la chercheuse.

4.3 Récit de vie

Dans cette thèse, la méthode d’enquête qualitative du récit de vie, une des approches biographiques,

est privilégiée, car elle permet d’appréhender le temps qui renvoie à la prise en compte des différentes

temporalités des phénomènes humains (Burrick, 2010). L’approche biographique recouvre plusieurs

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105

terminologies – biographie, histoire de vie, récit de vie et autobiographie105 – dont le sens varie et se

recoupe selon les disciplines et les auteurs (Angrosino, 1989; Archambault & Hamel, 1997; Bertaux,

1980, 2010; Burrick, 2010; de Gaulejac & Lévy, 2000; Desmarais, 1986; Houle, 1997; Peneff, 1990;

Poirier, Clapier-Valladon, & Raybaut, 1993; Smith, 1994). Dans cet éventail terminologique, nous

retenons la définition du récit de vie proposée par Bertaux (2010), un des principaux auteurs sur la

méthode des récits de vie :

[Le récit de vie est] un entretien narratif particulier au cours duquel un chercheur demande à une personne, qui est le sujet, de lui raconter tout ou une partie de son expérience vécue, le récit témoignant toujours de l’expérience vécue. (p. 10)

Afin de prendre en compte la dimension du temps dans la thèse, nous aurions pu avoir recours à une

méthode d’enquête longitudinale. Cette méthode implique toutefois une cueillette ponctuelle sur

plusieurs années; elle est donc plus coûteuse sur les plans temporel et financier (Nimal, Lahaye, &

Pourtois, 2000). En contrepartie, la méthode d’enquête du récit de vie présente les avantages d’une

seule cueillette des données et d’un regard rétrospectif sur le parcours de vie. Il nous semblait ainsi

une méthode d’enquête tout indiquée pour répondre à nos objectifs de recherche. Dans le cadre de

notre projet de thèse, nous avons choisi de documenter « une partie » de l’expérience vécue par des

jeunes francophones qui ont fait le choix de réaliser leurs études collégiales en anglais. Cette « partie »

correspond à la période entourant, au sens large bien entendu, les études collégiales en anglais et,

plus précisément, la période du choix du cégep anglophone, la période des études collégiales en

anglais et la période suivant les études collégiales en anglais, et ce, jusqu’au moment de l’entretien.

Puisque nous nous inscrivons dans une posture constructiviste et que nous adoptons une approche

qualitative, nous avons fait preuve, dans le cadre des entretiens, de souplesse et de fluidité quant aux

périodes étudiées, qui varient en fonction de chaque récit. En outre, la « partie » du récit qui a été

documentée s’est concentrée autour des espaces familial, scolaire, professionnel, personnel,

linguistique et identitaire.

105 Les distinctions terminologiques sont variées et ne sont pas forcément consensuelles dans la communauté scientifique. Voici une distinction terminologique proposée par Angrosino (1989) : « Biography will refer to the narrative account of one person’s life as written or otherwise recorded by another, reconstructed mainly, though not exclusively, from records and archives. Autobiography will pertain to the narrative account of a person’s life that he or she has personally written or otherwise recorded. Life history will refer to the account of one person’s life "as told to" another, the researcher. The term life story will be used to distinguish narratives (which may belong to the biographical, autobiographical, or life history categories) that purport to record the entire span of a life from those that tend to highlight a few key events or focus on a

few significant relationships or dwell on perceived "turning points" » (p. 2-3).

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106

Comme la reconstruction du récit de vie commence à partir de la situation actuelle du sujet (Peneff,

1990), cette méthode d’enquête présente les avantages de la réflexivité et du regard a posteriori sur

le parcours de vie. Cette vision rétrospective engage de facto certains décalages dont le chercheur

doit tenir compte sans pour autant les considérer strictement comme des limites. Ces décalages – ou

ces « médiations » – peuvent s’effectuer à différents niveaux : d’abord, entre l’événement réel et la

façon dont il a été vécu par le sujet, ensuite, entre la mémorisation de l’événement et son évocation

plus tard dans le temps et, finalement, entre ce que le sujet a vécu et ce qu’il consent à divulguer lors

de l’entretien (Bertaux, 2010). Autrement dit, le récit de vie n’est pas un récit du passé, mais une

restitution présente du passé au regard de l’avenir (Van der Maren, 2010). Plus encore, une certaine

opération de lissage du récit (Bidart, 2006) peut s’opérer par le sujet qui veut bien paraître devant le

chercheur ou même, comme Bourdieu (1986) l’avance dans une certaine critique de l’approche

biographique, par le sujet qui se fait « l’idéologue de sa propre vie » (p. 69). Ainsi, pour la thèse, le

regard a posteriori sur le parcours de vie entourant les études collégiales en anglais génère la limite

de ne pas pouvoir rendre compte de l’expérience dans l’immédiateté et, conséquemment, d’en obtenir

un propos moins détaillé. Néanmoins, ces « reconstructions subjectives » – ou cette coloration comme

l’appelle Bertaux (2010) – doivent être vues comme des forces puisqu’à travers ses propres

interprétations, le sujet organise et produit, lors de la mise en récit, une cohérence dans son vécu.

Certes, le sujet peut écarter, volontairement ou involontairement, des éléments qui auraient pu être

pertinents pour le sujet de la recherche, mais compte tenu d’une telle réalité, il faut y voir une sorte de

travail produit par le sujet en tentant de comprendre les choix qu’il fait pour expliquer son vécu. Le récit

de vie engage donc une réflexivité accrue (Bertaux, 2010).

Le récit de vie présente aussi l’avantage de permettre une remontée théorique, puisque toute

expérience de vie comporte une dimension macrosociale (Bertaux, 2010; Le Gall, 1987; Schütz, 2008).

La méthode d’enquête privilégiée permet de rendre compte de l’expérience vécue d’un sujet, mais

également de son récit en société (Chanfrault-Duchet, 1987; Desmarais, 1986; Houle, 1997). Cette

remontée est possible en mettant en rapport plusieurs récits sur une expérience de vie sociale

commune et d’en constater les récurrences dans les faits, les événements et/ou les phénomènes.

Cette quête de récurrences permet de dépasser les histoires individuelles pour en arriver à faire

émerger des traits communs – voire généralisables – aux parcours de vie étudiés (Longo, 2016). Il est

alors possible d’obtenir une représentation sociologique des composantes sociales (ou collectives)

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107

d’une situation spécifique et d’en comprendre le fonctionnement et les dynamiques internes (Bertaux,

2010; Deslauriers, 1991; Le Gall, 1987), puisqu’il y a passage du sens commun vers le sens

sociologique, passage de la subjectivité du chercheur à l’objectivité à construire (Houle, 1997). En

somme, le récit de vie est une sorte de miroir subjectif, mais non moins révélateur à certains égards,

de la société (de Gaulejac & Lévy, 2000). Dans cette thèse, la remontée théorique est opérationnalisée

dans les analyses typologiques que nous avons effectuées.

4.4 Déroulement et caractéristiques de la cueillette des données

Les précisions méthodologiques de cette thèse sont présentées au travers de la description du

déroulement et des caractéristiques de la cueillette des données. L’échantillon, le recrutement, les

entretiens, la transcription et les considérations éthiques sont ici discutés afin de rendre compte de

l’adaptation et de la souplesse que nous avons mobilisées tout au long de la cueillette des données et

qui sont des caractéristiques de la recherche qualitative (Deslauriers, 1991; Pires, 1997b).

4.4.1 Échantillon

Notre échantillon est constitué de 37 sujets106 et il repose sur deux critères : la diversification et la

saturation empirique (Pires, 1997b). Le critère de la diversification ne suppose pas une représentativité

statistique comme dans les enquêtes quantitatives, mais plutôt la recherche de la plus grande variété

de cas selon le phénomène choisi. Deux déclinaisons de la diversification existent. La première est

externe ou intergroupe et s’établit en fonction de la population générale; conséquemment, elle implique

un groupe plus hétérogène. La seconde déclinaison – celle privilégiée pour la thèse – est interne ou

intragroupe. Ce type de diversification vise à produire un portrait global d’un groupe homogène et,

conséquemment, plus restreint. Comme l’indique Pires (1997b), il est alors possible de parler d’une

étude « exhaustive et en profondeur » (p. 155) alors que le chercheur essaie de trouver les participants

ayant des (sous)profils les plus divers.

Puisque nous avons privilégié de procéder à une diversification intragroupe parmi le groupe homogène

à l’étude, soit des francophones qui ont effectué leurs études collégiales en anglais au Québec,

106 En réalité, 39 personnes ont participé à des entrevues dans le cadre de notre recherche. Au terme de l’entrevue, deux cas ont dû être exclus, car ils ne répondaient pas à l’ensemble des critères de la constitution de l’échantillon.

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108

certains critères de sélection ont été pris en compte afin de constituer adéquatement notre échantillon.

Premièrement, les participants à l’étude devaient être de jeunes adultes socialisés en français dans

leur famille. Nous cherchions des individus nés au Québec et ayant le français comme la ou l’une de

leurs langues maternelles107; l’anglais ne devait pas être l’autre langue maternelle, puisque c’est le

récit de francophones n’ayant pas eu de socialisation familiale en anglais qui était recherché.

Deuxièmement, ces mêmes individus devaient avoir été socialisés en français à l’école en ayant fait,

en vertu de la Loi 101, leur primaire et leur secondaire en français au Québec. Troisièmement, ils

devaient avoir étudié dans un établissement collégial anglophone des régions de Montréal ou de

Québec afin de nous permettre de dresser un portrait des parcours étudiants à l’enseignement

supérieur en anglais au regard de deux contextes démolinguistiques différents. Le choix de Montréal

s’est « imposé », puisque cette région constitue un contexte multilingue où le français, l’anglais et

d’autres langues se côtoient dans nombre de sphères publiques. L’anglais est aussi, dans la région

métropolitaine de Montréal, nettement plus présent dans la population. Conséquemment, la demande

d’institutions anglophones (Breton, 1964; Cardinal & Léger, 2017; Landry & Allard, 1996; Thériault,

2014), dont les établissements d’enseignement collégial, y est importante. Le choix de Québec est

basé sur le fait que la région représente un cas contrasté avec Montréal, un certain miroir des autres

régions de la province et c’est le deuxième pôle urbain de la province, après Montréal. Québec a un

profil démolinguistique relativement homogène, présentant une prédominance du français dans

l’environnement social de la région. Conséquemment, la demande d’établissements collégiaux

anglophones y est moindre. Les participants devaient également avoir complété minimalement un an

d’études collégiales en anglais afin de pouvoir livrer un discours suffisamment riche sur leur

expérience. Quatrièmement, pour comprendre l’impact de l’expérience d’études collégiales en anglais

sur la suite de leur parcours de vie, nous avons interrogé les participants actifs sur le marché du travail.

Initialement, nous souhaitions qu’ils soient sur le marché du travail depuis au moins deux ans, mais

nous nous sommes rapidement rendue compte que le recrutement était particulièrement difficile et que

ce critère était possiblement trop restrictif, puisqu’une personne peut nous livrer un discours très riche

sur son expérience professionnelle après seulement quelques mois sur le marché de l’emploi. Nous

107 Au départ, nous avions pensé que le critère de la langue maternelle ne concernait que le français. Lors de notre recrutement de sujets ayant étudié dans un cégep anglophone dans la région de Montréal, nous avons rapidement fait face à une population plus multiethnique où le français et une langue autre que l’anglais sont les langues maternelles. Nous avons donc procédé à un ajustement de nos critères de recrutement pour faire état de cette réalité plus montréalaise qui n’est toutefois pas absente de certains cas étudiés dans la région de Québec.

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109

avons également révisé ce critère afin qu’au moment de l’entrevue, la personne soit ou avait été sur le

marché du travail afin de considérer les cas de retour aux études.

Au-delà des critères de base à la constitution de notre échantillon, nous avons tenté de diversifier les

profils selon le sexe, le programme d’études collégiales, la région d’études collégiales et, pour le cas

de Montréal, le cégep anglophone fréquenté108. Précisons que si nous avions l’intention de diversifier

notre échantillon selon le type de formation, c’est-à-dire technique et préuniversitaire, nous nous

sommes rapidement rendue à l’évidence que plusieurs cégeps anglophones n’offrent pas ou peu de

formations techniques109.

Le second critère est celui de la saturation empirique ou de connaissance. Ce principe représente le

moment où le chercheur juge que l’ajout de données n’apportera rien de nouveau à la recherche en

matière d’informations nouvelles ou différentes (Pires, 1997b). C’est à ce moment que le chercheur

peut cesser la cueillette des données. Comme déjà mentionné, pour la thèse, 37 entrevues ont été

réalisées, ce qui représente un nombre d’entretiens jugé adéquat pour une recherche de type qualitatif

concernant deux régions d’étude. Au moment de la cueillette des données, nous avions l’objectif de

mener une étude comparative entre les régions de Montréal et de Québec110. Cet élément nous a

amenée à réaliser un nombre conséquent d’entrevues afin d’obtenir un profil substantiel relatif à

chacune des régions, c’est-à-dire 17 pour la région de Montréal et 20 pour la région de Québec. En ce

qui concerne la région de Montréal, nous avions aussi tenté de réaliser des entrevues avec des

personnes ayant fréquenté différents cégeps anglophones. C’est aussi à l’aide des critères de

diversification des profils à l’étude que nous avons tenté de chercher des cas différents dans l’univers

des possibles, et ce, dans la mesure où ceux-ci respectaient les critères de base de la constitution de

l’échantillon. Pour y parvenir, nous avons constitué un tableau dans lequel nous avons consigné des

108 La région de Québec possède un seul établissement d’enseignement collégial anglophone alors que la région de Montréal en possède six, dont deux sont privés. Nous n’avons pas cherché à distinguer les établissements privés et publics, mais considérant l’accessibilité du réseau d’enseignement public, la presque totalité de nos sujets a étudié dans ce type d’établissement. Aucun participant n’a étudié au Collège TAV, mais rappelons-le – comme nous l’avons abordé dans la problématique (Chapitre 1) – le Collège TAV a été créé en 2010 et était auparavant une entité du Campus Saint-Lambert du Collège Champlain. Enfin, nous n’avons pas retenu des établissements qui offrent des formations bilingues (français-anglais) ou uniquement en anglais dans un établissement francophone (ex. : Collège O’Sullivan), car nous cherchions à documenter l’expérience d’études collégiales dans un établissement entièrement anglophone.

109 Rappelons que selon l’enquête statistique de Sabourin, Dupont et Bélanger (2010a), seulement 20 % des étudiants des cégeps anglophones optent pour une formation technique comparativement à 80 % pour une formation préuniversitaire.

110 Dans la sous-section 4.5.2 sur l’analyse diachronique, nous expliquons le choix d’abandonner l’objectif de comparaison entre les régions de Montréal et de Québec.

Page 129: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

110

informations sociodémographiques relatives au sexe, à l’âge, à l’origine sociale (scolarité des parents),

au cégep anglophone fréquenté, au(x) programme(s) d’études suivis au cégep, au(x) programme(s)

d’études subséquent(s) suivis à l’enseignement supérieur, à la langue d’études à l’enseignement

supérieur, aux emplois occupés, aux lieux géographiques des emplois et aux langues de travail de

chacun des participants111. Au fil de la réalisation des entretiens, une meilleure connaissance et une

redondance dans les éléments discutés par les participants – qui présentaient des profils différents sur

le plan de l’origine sociale, du cégep anglophone fréquenté, du programme d’études au cégep et de la

suite du parcours – se sont présentées. Cela nous a permis de clore notre recrutement avec le

sentiment d’avoir documenté suffisamment les différents parcours à l’étude.

Finalement, notre échantillon (37 cas) est constitué de 21 femmes et 16 hommes âgés, au moment de

l’entrevue, de 23 à 36 ans. Vingt participants ont fréquenté le cégep anglophone de la région de

Québec, c’est-à-dire le campus St-Lawrence du Collège Champlain, 17 ont fréquenté un cégep

anglophone de la région de Montréal, c’est-à-dire le campus Saint-Lambert du Collège Champlain (5),

le Collège Dawson (2), le Collège Vanier (5), le Collège John Abbott (4) et le Collège Marianopolis

(1)112.

4.4.2 Recrutement

Notre recrutement a commencé en octobre 2012 et s’est terminé en janvier 2014. Il s’est donc déroulé

sur une période temporelle particulièrement longue, considérant les difficultés auxquelles nous avons

dû faire face pour arriver à constituer notre échantillon.

À cette fin, nous avons fait appel à la méthode dite de filière, de cascade, de proche en proche, de

réseaux ou, plus couramment « boule de neige » (Blanchet & Gotman, 2007; Fortin & Gagnon, 2010;

Pires, 1997b). Cette méthode d’accès indirect permet de recueillir des données difficilement

accessibles, notamment si les personnes recherchées sont dispersées ou peuvent avoir vécu des

mobilités (Pires, 1997b). Cette réalité nous concernait tout particulièrement, puisque nous cherchions

des individus qui ont comme point commun d’avoir étudié dans un cégep anglophone, mais qui, au

111 La plupart des informations sociodémographiques sur les participants se trouvent dans différents tableaux du chapitre 5 de présentation du corpus.

112 Le Collège Marianopolis est le seul établissement collégial anglophone privé de notre échantillon.

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111

moment de l’entrevue, ont terminé leurs études. Nous avions donc à identifier des personnes qui

pouvaient se trouver dans différents lieux géographiques. Pour y arriver, nous avons fait appel à des

regroupements sur les réseaux sociaux comme les anciens diplômés (Alumni). Soulignons que, dès le

départ, nous savions que le recrutement par le biais de ce type de regroupement peut mener à la

sélection d’individus ayant un profil similaire et précis, c’est-à-dire qui peuvent montrer, à un certain

niveau, un sentiment d’appartenance à l’établissement fréquenté (Bertaux, 2010). Nous étions donc

déjà consciente de la nécessité de faire appel à différents mécanismes de « boule de neige », c’est-à-

dire à différents regroupements. Nous verrons plus loin que cette nécessité est rapidement devenue

une obligation. Nous avons également fait appel à des informateurs-relais (Blanchet & Gotman, 2007)

qui sont :

Des personnes que l’on sait intégrées au cœur des réseaux sociaux plus vastes […] et en mesure d’indiquer le nom et l’adresse des personnes potentiellement concernées par l’enquête. Ces personnes sont suffisamment en contact pour ménager une introduction, mais en même temps assez distantes pour que les personnes ne se sentent pas dans l’obligation (rapport d’obligation). Le biais réside dans le critère de notoriété sur lequel les informateurs-relais s’appuient pour désigner les interviewés. (p. 54-55)

Ces informateurs-relais nous ont mis en contact, de près ou de loin, avec des personnes

potentiellement admissibles à la recherche. Il s’agit d’informateurs-relais de notre réseau personnel,

universitaire et professionnel qui possèdent eux-mêmes un vaste réseau de connaissances, mais ce

sont aussi des informateurs-relais impliqués dans des associations diverses liées aux communautés

francophones et anglophones du Québec.

Concrètement, notre recrutement est caractérisé par des hauts et des bas, où nous avons dû

constamment renouveler nos stratégies afin d’arriver à constituer un échantillon suffisant et diversifié

pour réaliser notre thèse doctorale. Après avoir obtenu l’approbation du Comité d’éthique de la

recherche avec des êtres humains de l’Université Laval, nous avons d’abord diffusé notre annonce de

recrutement sur notre page personnelle du réseau social Facebook afin de déclencher un effet « boule

de neige ». Cela nous a permis de générer une première série d’entrevues. Soulignons qu’à la fin de

chaque entrevue de cette première série, mais aussi pour toutes les autres entrevues menées durant

notre recrutement, nous avons demandé la coopération de chaque participant afin de diffuser notre

annonce dans son réseau et de nous transmettre, lorsque possible, les coordonnées de participants

potentiels. Nous avons alors tenté de contacter ces participants potentiels avec un succès variable. Si

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112

nous savions que d’autres stratégies devaient être déployées, c’est plus rapidement que prévu que

nous avons constaté que cette première stratégie s’était essoufflée.

Toujours dans l’objectif de générer un effet « boule de neige », nous avons envoyé par messagerie

électronique notre message de recrutement en français et en anglais113 aux associations d’anciens

diplômés ainsi qu’à la direction des cégeps anglophones des régions de Québec et de Montréal114.

Les réponses obtenues étaient très variables. En effet, si certains établissements ont accepté de

diffuser notre annonce sur leurs réseaux sociaux (Facebook et Twitter) et à leurs listes d’envoi, nous

avons surtout reçu des réponses négatives liées à l’absence de listes d’anciens diplômés ou nous

n’avons tout simplement pas reçu de réponses. Bien qu’il soit difficile de savoir par quels moyens de

recrutement chaque participant à la recherche a été interpellé, il n’en demeure pas moins que cette

stratégie ne semble pas avoir eu les effets escomptés. Parallèlement, nous avions reçu une réponse

du Collège Dawson indiquant qu’une demande à leur comité d’éthique à la recherche (Research Ethics

Board) devait leur être adressée afin de passer par leur établissement pour le recrutement (c’est-à-

dire pour avoir « accès » à leurs listes d’anciens diplômés). Nous avons procédé à cette demande pour

laquelle nous avons obtenu une réponse favorable. Or, des exigences différentes de celles de

l’Université Laval quant à la durée de conservation des données ainsi que l’obligation de faire remplir

leur formulaire de consentement en plus de celui de notre université d’attache nous a amenée à

questionner la pertinence de poursuivre nos démarches en ce sens alors que ces exigences

semblaient alourdir et compliquer le processus de recrutement, sans offrir de réelles garanties de

succès. Nous avons donc décidé de retirer notre projet de leur processus éthique au terme de

discussions avec notre direction de thèse.

Une nouvelle stratégie a alors été mise en place pour user davantage des médias sociaux par la

création d’une page Facebook qui pouvait être aisément diffusée pour notre recrutement. Cette page,

intitulée « Expériences collégiales en anglais de francophones », contenait l’ensemble des critères de

recrutement présentés à la fois en français et en anglais ainsi que les coordonnées pour nous

contacter. Nous avons diffusé notre annonce de recrutement avec le lien vers ladite page Facebook

113 Les annexes 4 et 5 présentent les messages de recrutement en français et en anglais.

114 Nous avons soumis un amendement au projet quant au message de recrutement que nous avons décidé de traduire en anglais en vue d’une diffusion dans les cégeps anglophones.

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113

sur le réseau social professionnel LinkedIn, considérant que nous cherchions des personnes ayant

étudié dans un cégep anglophone, mais qui étaient sur le marché du travail.

La fin de l’année 2012 a été le moment pour faire le point sur la situation avec notre direction de thèse.

Nous avons ébauché de nouvelles stratégies de recrutement. C’est ainsi que notre message de

recrutement a été envoyé par messagerie électronique à la communauté de l’Université Laval

(étudiants et employés) afin de générer une nouvelle « boule de neige ». Cette stratégie a connu un

certain succès, bien que nous étions consciente que le recrutement ne devait pas se faire strictement

au sein de la communauté universitaire. Nous avons parallèlement pris de l’information afin de faire

diffuser notre annonce au sein d’autres universités québécoises, mais sans succès puisque nous n’y

réalisions pas d’études. De plus, les personnes ayant déjà participé à la recherche ont été contactées

de nouveau, par messagerie électronique, afin qu’elles diffusent une nouvelle fois notre annonce dans

leur réseau. Nous avons aussi profité de chaque participation à des événements scientifiques et

sociaux – incluant les événements amicaux et familiaux – pour diffuser notre annonce, croyant que

toutes les occasions pouvaient nous permettre de bonifier notre échantillon. Nous en avons profité

pour rediffuser notre annonce sur les réseaux sociaux Facebook et LinkedIn, cette fois en portant une

attention particulière à la région de Montréal, où nous avions à réaliser davantage d’entrevues pour

bonifier et mieux équilibrer notre échantillon, sans pour autant délaisser la région de Québec.

Au printemps 2013, une autre rencontre avec notre direction de thèse nous a permis de réfléchir plus

attentivement à des informateurs-relais pertinents et actifs au sein de réseaux sociaux et

professionnels, à la fois des communautés francophones et anglophones du Québec. Si plusieurs

références nous ont été données, ces dernières n’ont pas toutes forcément répondu à notre appel.

À l’automne 2013, nous avons demandé un prolongement de notre certificat d’éthique pour l’année à

venir afin de poursuivre et, nous le souhaitions, compléter notre recrutement. Dès lors, nous avons

continué de mobiliser des efforts par le biais des réseaux sociaux et d’informateurs-relais. Des

entrevues ont alors été réalisées de manière sporadique jusqu’en janvier 2014, mois marquant la

réalisation de notre dernière entrevue.

Les obstacles au recrutement ont été multiples. En effet, même si nous avons déployé plusieurs

stratégies, elles n’ont pas toutes été couronnées de succès. Ainsi, notre calendrier d’entrevues a été

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114

parsemé de périodes creuses, où nous n’arrivions à réaliser aucune entrevue malgré nos efforts. Si

trouver des participants potentiels acceptant de prendre part à notre recherche sur une base volontaire

a représenté une tâche ardue, il a également été difficile pour certains participants d’arriver à aménager

du temps dans leur vie personnelle, professionnelle et, parfois, familiale. Si l’intérêt à participer à notre

recherche est difficile à déterminer pour chaque participant, nous pouvons émettre l’hypothèse que

leur participation pouvait être souvent reléguée en second plan des priorités. C’est pourquoi, au terme

de quelques relances courtoises s’échelonnant sur des semaines, voire des mois, plusieurs

participants en sont venus à aménager du temps pour réaliser une entrevue. Cela n’a toutefois pas

empêché certains à finalement annuler leur participation, faute de temps. Pour tenter d’accommoder

au mieux les participants potentiels, nous avons donc fait preuve de patience, de compréhension avec

des disponibilités très flexibles (jour et soir de la semaine et de la fin de semaine) et d’ouverture quant

à la réalisation de l’entretien, en permettant à certains de la réaliser en deux temps. Ainsi, l’inventivité,

la persévérance et la souplesse ont été les mots d’ordre du recrutement qui s’est réalisé sur 16 mois.

Malgré les multiples embûches lors du recrutement, nous avons consigné au fur et à mesure les

informations sociodémographiques comme le sexe, l’âge, le cégep anglophone fréquenté et le

programme d’études afin de diversifier au mieux le profil des participants. Force est d’admettre que

nous n’avions pas vraiment de marge de manœuvre pour refuser des participants, à l’exception de

ceux ne répondant pas à nos critères de sélection. Heureusement, au terme de notre recrutement,

notre échantillon s’est avéré assez diversifié sur le plan des profils.

4.4.3 Entretiens individuels semi-dirigés

Chaque participant ayant manifesté un intérêt à participer à notre recherche a d’abord et avant tout

pris connaissance et signé le formulaire de consentement115. Pour les participants avec lesquels nous

avons réalisé une entrevue en personne, nous avions prévu du temps pour cette formalité éthique

avant de commencer l’entrevue, alors que pour les participants avec lesquels nous avons réalisé une

entrevue à distance, nous avons envoyé le formulaire de consentement par messagerie électronique

avant la date de l’entretien. Ils devaient l’imprimer, le signer et nous le retourner en format numérique.

La chercheuse et le participant ont chacun conservé une copie du formulaire de consentement. Sur

115 Le formulaire de consentement se trouve en annexe 3.

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115

notre échantillon de 37 participants, nous avons réalisé 16 entrevues en personne dans un lieu à la

convenance du participant (café, domicile du participant, bureau à l’Université Laval) et 21 entrevues

à l’aide de Skype116, dont l’usage nous a permis une meilleure flexibilité pour entrer en contact avec

les personnes n’habitant pas la ville de Québec. Toutes les entrevues ont été réalisées à un moment

convenant au participant. Ainsi, nos entrevues ont été menées autant en journée qu’en soirée et autant

la semaine que la fin de semaine.

Nous avons réalisé des entretiens individuels de type semi-dirigé. Dans une épistémologie

constructiviste, l’entretien de type qualitatif permet de rendre compte de la réalité des acteurs et du

sens qu’ils en donnent (Gingras, 1993), car qui de mieux que les acteurs eux-mêmes pour faire état

de leur propre situation (Poupart, 1997) et de leur propre parcours de vie (de Montigny Gauthier & de

Montigny, 2014). Pour mener à bien un récit de vie, l’entretien semi-dirigé117 est privilégié, puisqu’il

permet au chercheur d’intervenir plus fréquemment que dans un entretien libre, où il ne le fait que très

peu, mais où il intervient certainement moins que dans le cadre d’un entretien standardisé

(questionnaire) (Clapier-Valladon & Poirier, 1984). Cette intervention « modérée » permet de parler de

la notion de « filtre » entendue au sens de Bertaux (2010). Bien que l’entretien semi-dirigé de type récit

de vie laisse majoritairement la parole au participant, le chercheur se doit de mettre préalablement le

participant au courant des intentions de la recherche118. Ensuite, au fil de l’entretien, c’est de nouveau

au chercheur d’user de ce filtre pour amener le participant à ne parler, principalement du moins, que

des sujets désirés; c’est ainsi qu’il sera amené à ne divulguer que certaines informations de son

parcours de vie. C’est dire ici que le filtre oriente l’entretien (Bertaux, 2010) sans toutefois le restreindre.

Notre guide d’entretien119 comporte cinq grandes sections suivant une trame biographique pour

comprendre les différents événements du parcours et leurs enchaînements. Il nous a été possible de

documenter les parcours familial, scolaire, professionnel, personnel, linguistique et identitaire de

chaque participant. Plus particulièrement, l’entrevue permettait d’abord de dresser un portrait de

l’enfance et de l’adolescence au Québec (lieu de résidence, famille, passage à l’école primaire et

116 Skype présente l’avantage de pouvoir réaliser des appels téléphoniques gratuitement par le biais de l’ordinateur ou du téléphone cellulaire. Nous ne voulions surtout pas que les participants aient à débourser des coûts pour participer à notre recherche. Cela aurait probablement nui à notre recrutement.

117 Les caractéristiques de l’entretien dit « semi-dirigé » divergent en fonction des appellations choisies (Poupart, 1997).

118 Rappelons-le, les intentions de la recherche ont été divulguées lors du recrutement ainsi qu’au début de l’entretien.

119 Le guide d’entretien se trouve en annexe 6.

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116

secondaire, réseau d’amis, pratiques culturelles, identités et événements significatifs). Ensuite, le choix

des études collégiales en anglais était abordé (cheminement entre le secondaire francophone et le

collégial anglophone, les raisons d’étudier dans un cégep anglophone et plus précisément dans ce

cégep anglophone et les raisons de choisir le programme d’études). La troisième section portait sur la

transition scolaire et linguistique et la vie collégiale (adaptation au cégep anglophone, adaptation au(x)

programme(s) d’études, vie scolaire, vie sociale et étudiante, pratiques culturelles et identités). La

section suivante documentait la suite du parcours (parcours scolaire, parcours professionnel, pratiques

culturelles et identités). Enfin, la dernière section avait pour objectif d’aborder leurs projets (études,

travail, famille, mobilité géographique et place des langues).

Les entrevues ont duré en moyenne deux heures (120 minutes)120. Ainsi au départ, si nous avions

prévu des entrevues d’environ une heure et demie (90 minutes), comme stipulé dans le formulaire de

consentement, nous avons rapidement compris que documenter finement le parcours de vie d’adultes

demande du temps. Plus encore, la mise en contexte de la recherche qui précède proprement

l’entrevue au regard du guide d’entretien ainsi que la conclusion de l’entrevue, où des remerciements

à l’égard de la participation à la recherche et, généralement, des discussions informelles ont eu lieu

ont allongé la durée initiale prévue. Ces éléments sont considérés comme essentiels dans le

déroulement d’une entrevue qui se doit de dépasser l’aspect technique (Boutin, 2000). Toutes les

entrevues se sont déroulées en français, cette considération semblant aller de soi et pour eux et pour

nous.

À la fin de chaque entrevue, un questionnaire sociodémographique121 a été rempli par chaque

participant. Il nous a permis de documenter de manière systématique des données factuelles sur le

profil du participant et de sa famille immédiate ainsi que sur son parcours de mobilité géographique,

scolaire et professionnel. Il nous était alors possible de comparer les informations tirées de l’entrevue

et du questionnaire, et même de demander des précisions en cas d’incohérence.

120 Ceci exclut le temps consacré à remplir le questionnaire sociodémographique.

121 Le questionnaire sociodémographique se trouve en annexe 7.

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117

4.4.4 Transcription

Au fur et à mesure de la réalisation des entretiens, nous avons procédé à leur transcription sous forme

de verbatim. Cette double tâche génère plusieurs avantages. D’abord, l’écoute des entretiens après

leur réalisation permet de constater de possibles erreurs à ne pas répéter lors des entretiens ultérieurs,

mais aussi de constater les bons modes d’approche et les questions porteuses (Le Gall, 1987).

Ensuite, des éléments inattendus peuvent ressortir des entretiens. Cela nous a permis de nous adapter

à la réalité sociale étudiée en prenant mieux compte de ces éléments lors des prochains entretiens

(Bertaux, 2010). D’ailleurs, dès les premières entrevues, quelques sous-thématiques ont émergé

naturellement dans le discours des personnes interrogées, sans que celles-ci figurent dans le guide

d’entretien. Nous avons alors procédé à une révision de notre guide d’entretien pour tenir compte de

cette réalité sociale. L’étape de la transcription constitue enfin une première étape d’analyse

préliminaire (Deslauriers, 1991; Pires, 1997b), où s’amorce le « lent processus de maturation mentale,

largement subconsciente, du "modèle" en construction » (Bertaux, 2010, p. 74).

Nous avons réalisé nous-même les trois premières transcriptions. Deux personnes ont ensuite été

embauchées pour réaliser la transcription des autres entrevues122. Bertaux (2010) souligne que

l’essentiel pour le chercheur est de réaliser la transcription intégrale des trois ou quatre premiers

entretiens afin de procéder aux ajustements nécessaires pour les prochains entretiens, mais aussi

pour s’imprégner le plus rapidement possible de son objet de recherche. Si nous n’avons pas réalisé

l’ensemble de la transcription, les avantages liés à cette tâche n’en sont pas moins absents. Après

chaque réception de verbatim, nous avons réécouté attentivement l’entrevue en synchronisme avec la

lecture du verbatim. Il nous a été possible de corriger les erreurs de compréhension qui pouvaient

s’être glissées lors de la transcription, mais surtout de nous imprégner de chaque entrevue et de

commencer l’analyse préliminaire.

122 Ces deux personnes ont signé des contrats de confidentialité des données.

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118

4.4.5 Considérations éthiques

Nous avons conduit notre collecte des données avec un souci constant d’éthique de la recherche123,

comme l’exige le Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval.

D’abord, tous les documents officiels, c’est-à-dire les formulaires de consentement et les

questionnaires sociodémographiques, sont conservés dans un classeur sous clef au bureau de la

chercheuse pour une période de cinq ans. Les entrevues ont été enregistrées à l’aide d’un

magnétophone numérique audio. Après chaque entretien, le fichier audio a été téléchargé sur notre

ordinateur privé, avec code d’accès et chaque fichier a été supprimé du magnétophone. Nous avons

attribué un pseudonyme à chaque participant dès la fin de l’entrevue. Chaque verbatim et les données

provenant de chaque questionnaire sociodémographique ont été codés afin d’assurer la confidentialité

des participants. La chercheuse est la seule à avoir accès à la liste de correspondance des codes, liste

qui sera détruite après cinq ans. Enfin, chaque document audio a été écouté en vue de la transcription

sous forme de verbatim, dans lequel le pseudonyme est utilisé, et qui sera conservé pendant 10 ans.

Comme nous l’avons indiqué dans la sous-section précédente, les deux personnes qui ont été

embauchées pour réaliser la transcription ont signé un contrat de confidentialité relative aux données.

4.5 Méthodes d’analyse

La présentation méthodologique de notre recherche doctorale se termine avec les méthodes d’analyse

des données que nous avons mobilisées pour en arriver à répondre à nos objectifs spécifiques. De

manière plus précise, nous avons effectué de manière évolutive une analyse préliminaire,

diachronique, de contenu, processuelle, classificatoire et typologique des données.

4.5.1 Analyse préliminaire

La première méthode d’analyse appliquée à nos données est l’analyse préliminaire, qui se décline en

trois étapes. D’abord, dans une première étape, après chacune des entrevues, nous avons consigné

123 L’éthique dans la recherche concerne le volet de la cueillette des données, mais elle concerne aussi et surtout l’ensemble de la recherche, c’est-à-dire des premières réflexions quant à un projet de recherche à la diffusion des résultats (Johnson & Christensen, 2014; Miles et al., 2003). Nous avons tenté au mieux de suivre une rigueur scientifique tout au long de notre recherche.

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119

dans un journal de bord l’ensemble des informations que nous avons jugées pertinentes ou, dit

autrement, le « ressenti » lié à l’entrevue et à son contenu (Bertaux, 2010; Savoie-Zajc, 2004). Dans

ce journal de bord, nous avons également ajouté des informations découlant de nos discussions avec

notre direction de thèse au fil de la cueillette des données. Ces discussions et réflexions nous ont

permis de bénéficier d’un autre angle de préanalyse (Bertaux, 2010). Dans l’ensemble, les notes

consignées dans le journal de bord sont à la fois distinctives à chaque participant et communes à

l’ensemble du corpus; elles permettent une « première distanciation » face aux données (Laperrière,

1997).

Ensuite, lors de la deuxième étape, après chaque entrevue, nous avons réalisé une synthèse

d’entrevue124 afin d’y conserver – « à chaud » – l’essentiel de chaque thème discuté. Cela nous a

permis de dresser un portrait rapide et relativement « standardisé » de chaque cas au regard de nos

objectifs de thèse. Selon Miles, Huberman et Bonniol (2003), la fiche de synthèse d’entrevue :

Est une façon rapide et pratique d’opérer une première condensation des données, sans rien perdre des informations de base (la transcription) auxquelles elle réfère. Elle permet de fixer des impressions et réflexions, elle rassemble les données dans « l’ordinateur humain » – le cerveau du chercheur de terrain – et les rend disponibles pour une réflexion et une analyse ultérieures. (p. 108)

Enfin, la troisième étape a été la transcription des entretiens qui s’est déroulée de manière

sensiblement parallèle à la cueillette des données. En effet, la transcription des entrevues est un

moment tout indiqué de la recherche scientifique pour effectuer une analyse préliminaire des données

(Deslauriers, 1991; Pires, 1997b). L’écoute des entretiens aux fins de la transcription ainsi que la

lecture et la relecture des entretiens ont permis de faire émerger des éléments de la réalité sociale

étudiée qui concernent les parcours de vie de jeunes francophones scolarisés dans un cégep

anglophone.

Cette analyse préliminaire, qui s’est effectuée en articulation avec la cueillette des données, a permis

d’entrevoir la saturation empirique des données, c’est-à-dire le moment où nous avons jugé que la

cueillette des données était complète au regard des nouvelles connaissances (Pires, 1997b)125.

124 Le canevas de la fiche synthèse d’entrevue se trouve en annexe 8.

125 Rappelons que la sous-section 4.4.1 aborde de manière plus détaillée la question de la saturation empirique des données.

Page 139: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

120

4.5.2 Analyse diachronique

L’analyse diachronique est la deuxième méthode que nous avons mobilisée. Cette méthode vise à

replacer les événements du parcours de vie de chaque participant sur une trame chronologique.

Puisque la thèse porte un regard rétrospectif sur les parcours de vie de francophones qui ont fait le

choix du cégep anglophone et qui au moment de l’entrevue sont sur le marché du travail, l’analyse

diachronique telle que proposée par Bertaux (2010) nous semblait tout indiquée. Grâce à une logique

« avant-après », l’analyse diachronique a pour objectif de relever les événements et les actes

structurants qui ont marqué le parcours. Alors que l’entretien de type récit de vie s’inscrit dans une

logique chronologique, il n’en demeure pas moins que même si le sujet raconte les événements

importants de sa vie126 dans un ordre relativement cohérent et linéaire, il y a toujours des retours en

arrière et des sauts en avant, puisque le récit « vagabonde ». C’est donc au chercheur de reconstituer

minutieusement le récit de chaque sujet.

Ce travail d’analyse diachronique nous a permis d’approfondir notre compréhension de chaque cas à

l’étude à l’aide des lectures répétées, mais toujours plus détaillées, des entretiens, puisque : « [c]haque

lecture "révèle" de nouveaux contenus sémantiques » (Bertaux, 2010, p. 87). Ainsi, la reconstitution

de la structure diachronique de chaque récit permet d’atteindre une autre compréhension du

phénomène étudié en éclairant les mécanismes sociaux sous-jacents aux actions. Le temps historique,

si primordial chez Bertaux (2010), y prend tout son sens, car il est rattaché au temps biographique.

C’est dire ici que le parcours biographique s’inscrit dans une temporalité historique et sociale externe

dont nous avons tenu compte dans la constitution de la structure diachronique et surtout dans son

analyse.

Concrètement, nous avons procédé à la reconstruction diachronique de chaque récit sous forme de

fiches de parcours127. Les fiches sont construites selon la trame chronologique suivante : 1) scolarité

obligatoire, 2) choix du cégep anglophone, 3) expérience collégiale en anglais, 4) orientation scolaire

suivant le cégep anglophone, 5) orientation professionnelle et 6) distinctions régionales entre Montréal

et Québec. Cette sixième et dernière catégorie était liée à l’objectif comparatif qui a néanmoins été

126 Soulignons que le sujet raconte les événements de sa vie en fonction des intentions de la recherche et du filtre qui permettent de centrer le récit (Bertaux, 2010).

127 Un exemple de fiche de parcours se trouve en annexe 9.

Page 140: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

121

remis en question durant la cueillette des données et officiellement évacué au terme de la constitution

de notre échantillon, puisque des distinctions entre les régions n’ont pas émergé de nos analyses. De

plus, chaque fiche de parcours présente – sur une première page – un portrait du participant (une

citation significative du parcours, les caractéristiques sociodémographiques, l’origine sociale,

l’importance des langues pour les parents et l’identité linguistique et civique) ainsi que – sur une

dernière page – les éléments principaux du parcours au regard de la fiche (« attentes implicites et

explicites », « expérience », « qu’est-ce qui reste ? »). Dans chaque fiche, nous avons aussi ajouté

des extraits significatifs ainsi que les numéros de ligne où se retrouve chaque information dans le

verbatim afin de pouvoir retourner à l’entrevue aisément. C’est ainsi que les fiches sont devenues une

synthèse organisée, cohérente et détaillée du parcours de vie de chaque participant.

Si l’analyse diachronique permet de replacer les informations du parcours sur une trame

chronologique, la constitution de ces « temporalités » a tout de même été faite dans un souci de

souplesse et de fluidité au regard des événements de chaque récit.

4.5.3 Analyse de contenu

Une fois les entretiens réalisés et retranscrits et les fiches de parcours constituées, nous avons

procédé à une analyse de contenu128. Celle-ci a comme objectif d’étudier et de comparer les sens des

discours afin d’en arriver à une mise au jour des systèmes de représentation transmis par ces discours.

L’analyse de contenu permet de dépasser les analyses préliminaire et diachronique qui précèdent, en

ce sens qu’elle ne vise pas une lecture endogène des entrevues ayant comme visée une certaine

fidélité liée à l’entrevue129. Elle vise plutôt une lecture exogène liée aux objectifs de l’analyse. Cette

analyse mène à la simplification des contenus conduisant à l’intelligibilité et à l’interprétation (Blanchet

& Gotman, 2007).

Plus spécifiquement, nous avons effectué une analyse de contenu de type thématique horizontal qui

découpe, de manière transversale en fonction de thèmes, l’ensemble du corpus (Blanchet & Gotman,

2007). Pour la thèse, ces thèmes correspondent – pour les deux premiers objectifs spécifiques – aux

128 L’analyse de contenu est un sous-ensemble de l’analyse du discours qui est généralement privilégiée en sociologie (Blanchet & Gotman, 2007).

129 Blanchet et Gotman (2007) font ici référence au résumé d’un texte qui se distingue de l’analyse de contenu.

Page 141: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

122

logiques d’action de la sociologie de l’expérience sociale et scolaire (Dubet, 1994b; Dubet &

Martuccelli, 1996a) et – pour le troisième objectif spécifique – aux pratiques linguistiques dans le

parcours de vie suivant les études collégiales en anglais130 (Lahire, 2013; Mendez, 2010).

Pour procéder à l’analyse de contenu thématique, la constitution de grilles d’analyse est fondamentale.

La grille est un outil explicatif et une version « logifiée » de l’entretien (Blanchet & Gotman, 2007). C’est

à partir de la théorie et des questions de recherche (Miles et al., 2003), mais aussi de la lecture et de

la relecture des entretiens, que les thèmes de la grille se développent et se précisent dans un travail

itératif entre les questions de recherche, la théorie et le corpus (Blanchet & Gotman, 2007). C’est dire

ici qu’au regard des données, les questions de recherche sont constamment retravaillées. Ainsi, pour

chacun des deux premiers objectifs, nous avons élaboré une grille d’analyse dont chacune est

constituée de thèmes principaux – qui renvoient aux trois logiques d’action de la sociologie de

l’expérience sociale que sont la logique de l’intégration, de la stratégie et de la subjectivation – et de

thèmes secondaires, ou sous-thèmes, qui s’inscrivent sous chacune de ces logiques et qui ont émergé

de la lecture de nos entrevues (Paillé & Mucchielli, 2012). La première grille d’analyse131 renvoie au

premier objectif spécifique qui porte sur les raisons d’étudier dans un cégep anglophone. La

deuxième132 porte sur les expériences d’études collégiales en anglais. Ces deux grilles ont été

constituées au regard de la théorie mobilisée – en l’occurrence la sociologie de l’expérience sociale –

et des éléments contenus dans nos entrevues.

À partir de chacune de ces grilles, nous avons ensuite procédé à la codification des données à l’aide

du logiciel de traitement des données qualitatives QDA Miner. Ce découpage du contenu de chaque

entretien est fait dans le souci de bien conserver le sens des idées malgré la fragmentation du récit

(Bertaux, 2010), et ce, bien que le codage s’effectue selon l’interprétation du codeur (Blanchet &

Gotman, 2007). Ajoutons que la codification nous a permis de peaufiner nos sous-thèmes à travers un

autre travail itératif entre les données et la théorie.

130 Nous reviendrons sur cette codification dans la section 4.5.4 sur l’analyse processuelle.

131 La grille d’analyse de notre premier objectif spécifique (les raisons d’étudier dans un cégep anglophone) se trouve en annexe 10.

132 La grille d’analyse de notre deuxième objectif spécifique (les expériences d’études collégiales en anglais) se trouve en annexe 11.

Page 142: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

123

Finalement, nous avons constitué une fiche d’analyse spécifique pour chacun des participants et pour

chacun des deux premiers objectifs de la thèse. Ainsi, nous avons constitué 37 fiches d’analyse des

raisons d’étudier dans un cégep anglophone et 37 fiches d’analyse des expériences d’études

collégiales en anglais.

4.5.4 Analyse processuelle

Comme mentionné au chapitre 3, le troisième objectif de notre thèse renvoie à un cadre théorique

différent de celui utilisé pour les deux premiers objectifs, soit l’analyse processuelle (Mendez, 2010).

Celle-ci, telle que détaillée par Mendez et ses collaborateurs (2010), concerne à la fois l’élaboration

d’une cadre conceptuel et méthodologique. Dans le cas qui nous concerne, nous n’avons mobilisé

l’analyse processuelle que pour un objectif spécifique de notre thèse. Ce faisant, nous avons évacué

certains éléments d’analyse proposés pour être en cohérence avec notre thèse, ses objectifs, son

cadre théorique et sa méthodologie133.

Selon Mendez et ses collaborateurs (2010a), le travail d’analyse processuelle concerne la production

d’une représentation provisoire du processus dans son intégralité qui se validera au fil de l’analyse et

d’une itération avec la théorie. L’analyse permet le passage de la maîtrise de la représentation du

processus à la compréhension du processus. Pour y parvenir, la sélection des éléments pertinents du

contexte doit d’abord être effectuée. Par la méthode de la permutation, où se pose la question « Ce

processus se serait-il déroulé de la même façon si cet élément était absent ? », il est possible de

relever les éléments du processus qui deviendront des ingrédients au fil de l’analyse. La mise au jour

des éléments se fait aussi dans un ou plusieurs contextes du parcours de vie. Dans notre cas, les

contextes pertinents qui se sont révélés au fur et à mesure de l’analyse des différents processus de

133 Selon Mendez et ses collaborateurs (2010), pour mener une analyse processuelle les données doivent à la fois provenir de données documentaires et de données tirées des entretiens avec des personnes en lien direct avec la totalité ou une partie du processus étudié. Dans notre cas, nous n’avons pas collecté beaucoup de données dites documentaires, à l’exception d’un questionnaire sociodémographique rempli par chaque participant à la fin de l’entretien. Nous nous sommes essentiellement concentrée sur les discours recueillis dans le cadre des entretiens de type récit de vie. Nous ne croyons pas que cette situation diminue la valeur de notre analyse processuelle en ce sens que, dans un objectif de validation des sources, nous avons attentivement comparé les données recueillies dans les récits de vie et celles recueillies dans les questionnaires sociodémographiques. Dans les quelques cas où des disparités se sont révélées, nous nous sommes permis de contacter de nouveau les participants à la recherche afin de leur demander des précisions sur des « incohérences » biographiques et factuelles.

Page 143: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

124

socialisation à l’anglais sont les contextes scolaire, géographique, professionnel et personnel. Dans

l’ensemble, non seulement :

Ce travail de tri est un enjeu essentiel, car il va conditionner la suite de l’analyse […]. S’il sélectionne trop d’éléments, le chercheur court le risque de « se noyer » dans ses données. À l’inverse, s’il en élimine trop, il risque de « rater » des points importants. (Mendez et al., 2010a, p. 227)

Ensuite, la délimitation des frontières du processus permet de cadrer le processus étudié par un début

et une fin. Dans notre cas, nous avons choisi d’analyser le processus de socialisation à l’anglais de la

fin des études collégiales en anglais jusqu’au moment de l’entrevue, c’est-à-dire généralement lorsque

le participant est sur le marché du travail134. Or, le cadrage du processus étudié dans le temps ne doit

pas se faire au détriment d’une vision plus globale qui peut et qui doit se situer au-delà et en deçà des

bornes temporelles. S’ensuivent la datation des faits et l’identification des phases dans le processus

au regard des ingrédients qui font sens entre eux. C’est ainsi que s’effectue la mise en saillance des

phases du processus, qui deviendront des séquences au fil de l’analyse (Mendez et al., 2010a). C’est

grâce à un travail itératif entre les données et la théorie qu’il est possible d’y parvenir :

Comme il n’existe jamais de définition objective des bornes des séquences d’un processus, le chercheur doit impérativement justifier les choix réalisés pour établir des séquences à l’intérieur du processus qu’il analyse. Ce travail de justification contribuera de plus à vérifier qu’il reste bien dans le cadre conceptuel et dans le processus identifié au départ. (Mendez et al., 2010a, p. 229)

À cette étape, la constitution d’une matrice temporelle dans une forme graphique est encouragée pour

visualiser le processus étudié et permettre aux temporalités de se dessiner135. Le repérage des

moments de « concentration » des changements s’effectue ensuite et est rendu plus intelligible par la

visualisation de la matrice temporelle. Ici encore, il est possible de repérer les phases de stabilité et

d’instabilité du processus, dont certaines pourraient mener à des bifurcations. L’identification des

raisons d’avancer permet, au fil de l’analyse, de mettre au jour les moteurs et de comprendre le

mouvement dans le processus (Mendez et al., 2010a).

134 Nous indiquons « généralement sur le marché du travail » dans la mesure où nous avons recruté des participants qui étaient ou qui avaient été sur le marché du travail. Ainsi, notre échantillon est constitué en majorité de participants qui étaient sur le marché du travail au moment de l’entrevue, mais quelques-uns faisaient un retour aux études après une période professionnelle.

135 En annexe 12 se trouve un exemple de matrice temporelle que nous avons constituée et qui se trouve en version définitive dans cette annexe.

Page 144: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

125

Afin de mettre au jour le processus de socialisation à l’anglais de chacun des 37 participants, nous

sommes retournée aux verbatim et aux fiches de parcours. C’est au fil de plusieurs tentatives

d’articulation que nous en sommes arrivée à déceler les ingrédients (au regard de la socialisation :

objectifs, subjectifs et actants136), les séquences, les moteurs et, le cas échéant, les bifurcations dans

le parcours de socialisation de chacun des participants. L’idée étant, au regard de l’approche

processuelle, de laisser parler les ingrédients du parcours afin de dégager un processus heuristique

qui dépasse – dans certains cas – les étapes prescrites du parcours (Mendez et al., 2010a). Une grille

d’analyse a été constituée pour chaque participant137. Ensuite, nous avons procédé à une codification

– à l’aide du logiciel QDA Miner – des données afin de dégager les pratiques linguistiques en anglais

dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle. Cela nous a permis de valider et d’enrichir

chaque grille d’analyse processuelle.

4.5.5 Analyse classificatoire

Au terme des analyses précédentes, nous en sommes arrivée à la constitution de fiches d’analyse

pour chacun des trois objectifs spécifiques et pour chacun des participants, c’est-à-dire 37 fiches des

raisons d’étudier dans un cégep anglophone, 37 fiches des expériences d’études collégiales en anglais

et 37 fiches des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours138.

Pour chaque objectif spécifique, nous avons procédé à une analyse classificatoire des fiches ou

méthode des « tas », qui est en fait un prélude à l’analyse typologique à laquelle nous voulions

arriver139. La méthode d’analyse de la classification vise à regrouper des unités autour d’un petit

nombre d’entre elles considérées comme les noyaux de la typologie qui suivra. Cette classification

s’effectue au regard d’un travail de regroupement qui nécessite un certain temps, mais permet de

s’approprier davantage le contenu du corpus (Schnapper, 2012). Cette méthode des « tas » est

possible par la constitution de fiches dont le contenu est le produit d’une analyse objective et non pas

136 Nous faisons référence à la grille d’analyse en annexe 12 pour un détail concernant les ingrédients objectifs, les ingrédients subjectifs et les ingrédients actants.

137 L’annexe 12 présente notre canevas de grille d’analyse processuelle.

138 Rappelons que les canevas des fiches d’analyse de chacun de nos objectifs spécifiques se trouvent en annexes 10, 11 et 12.

139 Si Schnapper (2012) voit des distinctions fondamentales entre la classification et la typologie, soulignons que pour Mucchielli (1994), la classification et la typologie se ressemblent et sont vues de manière plus commune que distinctive.

Page 145: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

126

d’une synthèse subjective. La répartition en tas des fiches qui font sens entre elles, selon l’objectif qui

y est associé (Demazière & Dubar, 2004), permet d’en arriver à une classification. Précisons qu’à cette

étape, les données ne sont soumises qu’à un classement et non encore à une typologie (Schnapper,

2012).

4.5.6 Analyse typologique

L’analyse typologique, en tant qu’instrument de clarification du réel et d’intelligibilité des relations

sociales, nous a permis de constituer trois typologies pour répondre aux trois objectifs spécifiques de

la thèse.

La typologie amène à aller au-delà de la description des données en développant une interprétation et

une compréhension de la réalité. Elle permet aussi d’établir des liens entre les phénomènes observés

lors de l’enquête et certaines caractéristiques sociales. Dépasser la description pour se rendre à

l’élaboration d’une typologie avec des types idéaux permet d’atteindre une explication sociologique de

l’objet étudié; c’est aller au-delà de la structure interne des discours pour en arriver à relier ces discours

aux structures sociales. La typologie ne vise donc pas à classer les individus puisque, théoriquement,

elle ne porte pas sur eux, mais bien sur les situations et les relations. L’originalité de la compréhension

sociologique, comme la nomme Schnapper (2012), réside dans ce mouvement entre le pôle

expérimental (l’expérience vécue) et le pôle historique (le social) (Schnapper, 2012).

La typologie et ses types idéaux sont décrits dans une forme pure qui ne se retrouve jamais

concrètement dans l’expérience140 des individus. Ces expériences s’en rapprochent plus ou moins,

mais n’en sont jamais la copie parfaite puisque les individus et leur expérience ne se confondent pas

avec la relation « intellectuellement pure » qui, elle, est construite par le chercheur. Qui plus est,

comme l’expérience évolue, l’acteur social n’est jamais enfermé dans un type. L’analyse typologique

est donc loin d’être statique, puisqu’elle permet de rendre compte de la souplesse et de la mobilité de

l’expérience (Schnapper, 2012).

140 Ici, le mot « expérience » ne renvoie pas à l’expérience scolaire entendue par Dubet et Martuccelli (1996a), mais bien l’expérience au sens large, entendue par Schnapper (2012).

Page 146: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

127

Comme le risque est présent de demeurer ou de retourner à l’analyse classificatoire, pour parvenir à

une analyse typologique, Schnapper (2012) explique que la première étape est de répartir les « tas »

au-delà des critères objectifs, c’est-à-dire au-delà des « individus concrets ». C’est en analysant les

formes d’interaction sociale à partir des données empiriques recueillies qu’il est possible de

commencer une analyse typologique. L’élaboration de thèmes et de leur sens s’effectuera dans un

processus de va-et-vient entre les « tas » et le social; entre les données et la théorie; entre le subjectif

et l’objectif. Cette « confrontation » permet progressivement de faire jaillir des types idéaux. C’est ainsi

qu’il est possible, non pas de classer les individus mais d’établir une relation entre les individus et

« l’épreuve dont ils font l’expérience » (p. 108). En fin de compte, la typologie doit se trouver à mi-

chemin entre la pure abstraction et l’explication trop proche des réalités concrètes pour en tirer toute

sa valeur heuristique et, conséquemment, sa portée scientifique.

Ainsi, nous avons constitué trois typologies pour répondre à nos trois objectifs spécifiques : une

typologie des raisons d’étudier dans un cégep anglophone141, une typologie des expériences d’études

collégiales en anglais142 et une typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du

parcours scolaire, professionnel et personnel143.

141 La typologie des raisons d’étudier dans un cégep anglophone se trouve au chapitre 6 de la thèse.

142 La typologie des expériences d’études collégiales en anglais se trouve au chapitre 7 de la thèse.

143 La typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel se trouve au chapitre 8 de la thèse.

Page 147: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

DEUXIÈME PARTIE

ANALYSE DES RÉSULTATS ET DISCUSSION

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129

CHAPITRE 5

PRÉSENTATION DU CORPUS

La deuxième partie de cette thèse, qui présente les résultats de recherche et la discussion, prend

d’abord ancrage dans une présentation du corpus qui permet de dresser un portrait de ses principales

caractéristiques. Si ce qui nous intéresse plus particulièrement, ce sont les parcours de jeunes

francophones qui ont réalisé des études collégiales en anglais, il faut d’abord et avant tout présenter,

au regard des langues, le portrait familial, scolaire, professionnel et personnel des participants. Cela

rend possible la compréhension heuristique des caractéristiques de notre corpus et, conséquemment,

les analyses qui suivent dans les chapitres 6, 7 et 8.

Rappelons que notre corpus est constitué de 37 participants âgés de 23 à 36 ans. Parmi ceux-ci, 21

sont des femmes et 16 des hommes, 17 ont étudié dans un cégep anglophone de la région de Montréal

alors que 20 ont étudié dans le cégep anglophone de la région de Québec. Nous présentons d’abord

un portrait de l’univers familial des participants en portant une attention particulière à l’origine

ethnolinguistique et sociale des familles, mais également au rapport des parents aux langues française

et anglaise ainsi qu’à la Charte de la langue française (Loi 101). Ensuite, nous dressons un portrait

plus précis des participants en présentant des informations sur leur scolarisation obligatoire (primaire

et secondaire) en français et leur apprentissage de l’anglais. Nous abordons ensuite, dans l’enfance

et l’adolescence, leur identité linguistique et civique, leurs relations amicales au regard des langues

ainsi que leurs pratiques culturelles et linguistiques. S’ensuit la présentation de quelques éléments

factuels sur leurs études collégiales en anglais. Les parcours scolaires qui suivent leurs études dans

un cégep anglophone sont aussi présentés et il en est de même pour leur parcours professionnel.

5.1 Contexte familial : origines et rapports aux langues

Notre description du corpus commence par un portrait du contexte familial au regard des origines et

des rapports aux langues.

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130

5.1.1 Origine ethnolinguistique des parents

En ce qui concerne l’origine ethnolinguistique des familles, 32 participants sur 37 ont des parents

québécois francophones. Cinq participants ont des parents d’une origine autre. Nous avons retenu ces

participants aux fins de la recherche parce que le français demeure l’une de leurs langues maternelles

(l’anglais n’est jamais la seconde langue maternelle) et qu’ils ont été essentiellement socialisés en

français dans la famille. C’est ainsi que trois participants ont un parent québécois francophone et un

parent d’une autre origine, soit un parent immigrant allophone, un parent immigrant de deuxième

génération francophone et un parent anglo-canadien144. Deux autres participants ont deux parents

immigrants allophones. Ces cinq participants, dont l’un des parents ou les deux parents sont originaires

de l’étranger, sont tous nés et ont grandi au Québec145. Dans l’ensemble, une socialisation en français

a eu lieu dans les familles de ces participants au travers de la langue maternelle et de la principale

langue d’usage à la maison.

Le tableau qui suit présente un récapitulatif de l’origine ethnolinguistique des parents des participants.

Tableau 2. Origine ethnolinguistique des parents

Origine ethnolinguistique des parents

Québécois francophone Autre

Nombre de participants

32

5

Un parent Québécois francophone + un parent ayant une origine autre (3)

Deux parents immigrants

allophones (2) - Immigrant allophone (1) - Immigrant de deuxième génération

(1) - Anglo-Canadien (1)

144 Soulignons que ce cas est le seul de notre corpus où l’un des deux parents est anglophone. Cela étant dit, pour le participant, le français est la seule langue maternelle et dominait à la maison comme langue d’usage durant la jeunesse.

145 Deux participants – dont l’un a deux parents immigrants allophones et l’autre a deux parents Québécois francophones – nous ont indiqué être nés à l’étranger, mais être arrivés au Québec moins de trois mois après leur naissance. Aussi, une participante de parents québécois francophones est née dans une autre province canadienne, mais est revenue au Québec quelques jours après sa naissance.

Page 150: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

131

5.1.2 Origine sociale des parents

La scolarité des parents nous informe sur l’origine sociale des participants à l’étude. Trente-et-un

participants sur 37 proviennent d’une famille où au moins un parent a effectué des études supérieures.

De manière plus détaillée, 23 participants sur 31 ont deux parents qui ont réalisé des études

supérieures (collégiales ou universitaires). Parmi ceux-ci, 15 ont deux parents qui détiennent un

diplôme d’études universitaires (tous les cycles confondus146), six ont un parent qui a complété des

études universitaires et l’autre des études collégiales et deux participants ont deux parents qui ont

terminé des études collégiales. Ensuite, huit participants sur 31 ont un de leurs deux parents qui a

réalisé des études supérieures, tandis que l’autre a un diplôme d’études professionnelles (DEP) (1),

un diplôme d’études secondaires (DES) (3), des études secondaires non complétées (3) et une

scolarité primaire complétée (1).

Une synthèse de la scolarité des parents où au moins un des deux a effectué des études supérieures

est présentée ci-dessous.

Tableau 3. Scolarité des parents où au moins un des deux a effectué des études

supérieures

Scolarité des parents où au moins un des deux a effectué des études supérieures

Nombre de participants

31

Deux parents (23) Un des deux parents (8)

Universitaire (15)

Universitaire et collégial

(6)

Collégial (2)

Études sup. + DEP (1)

Études sup. + DES (3)

Études sup. + Études

secondaires non

complétées (3)

Études sup. +

scolarité primaire

complétée (1)

146 Nous faisons référence au certificat, au baccalauréat, à la maîtrise, au doctorat et au postdoctorat.

Page 151: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

132

Six participants sur 37 ont deux parents qui n’ont pas fait d’études supérieures147. Plus spécifiquement,

un participant a deux parents qui ont fait leurs études secondaires (DES), deux autres participants ont

deux parents qui ont obtenu un diplôme d’études professionnelles (DEP), deux participants ont un de

leurs parents qui a complété un diplôme d’études professionnelles (DEP) alors que l’autre parent n’a

pas terminé ses études secondaires et, finalement, un participant a un parent qui a terminé ses études

secondaires (DES) tandis que l’autre parent ne les a pas terminées.

Le tableau qui suit présente la scolarité des parents n’ayant pas effectué d’études supérieures.

Tableau 4. Scolarité des parents n’ayant pas effectué d’études supérieures

Scolarité des parents n’ayant pas effectué d’études supérieures

Nombre de participants

6

DES (1) DEP (2) DEP + Études

secondaires non complétées (2)

DES + Études secondaires non complétées (1)

Il s’avère donc que la majorité des participants proviennent d’une famille dont l’un des deux parents a

réalisé des études supérieures.

Au regard des informations recueillies lors des entrevues en ce qui concerne la langue de scolarisation

des parents, la majorité a réalisé des études en français (31 sur 37). Cinq participants ont un de leurs

parents qui a effectué une partie de ses études en anglais au Québec ou à l’étranger. Un seul

participant a des parents qui ont réalisé des études dans une langue autre que le français et l’anglais.

147 Au regard de la littérature et d’une définition dite « stricte », ces six étudiants pourraient être considérés comme des étudiants de première génération (EPG) dans la mesure où ils sont issus d’une famille où aucun des parents n’a fréquenté d’établissement d’enseignement supérieur (Auclair et al., 2008).

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133

Le tableau ci-dessous présente la ou les langues de scolarisation des parents.

Tableau 5. Langue(s) de scolarisation des parents

Langue(s) de scolarisation des parents

Français pour les deux parents

Français pour l’un des parents + français et une

partie en anglais pour l’autre parent

Autre langue pour les deux parents

Nombre de participants

31 5 1

La langue de travail des parents nous éclaire également, dans la mesure où il est possible de

comprendre la place qu’occupent le français et l’anglais dans la vie professionnelle des parents. Dans

l’ensemble, le français domine comme langue de travail chez les parents des participants. En effet,

pour 18 participants sur 37, le français est la seule langue de travail des deux parents : « Autant mon

père que ma mère c’est ce qu’on appelle des yes, no, toaster. Ils parlent pas vraiment anglais, ils

comprennent pas l’anglais non plus » (Annabelle, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Quinze participants affirment que le français est l’unique langue de travail de l’un de ses parents alors

que le français et, de manière variable, l’anglais sont les langues de travail de l’autre parent : « Mon

père, lui, vu qu’il s’est promené beaucoup dépendamment des contrats. Il a eu des contrats qui avaient

beaucoup d’anglais, des contrats qui avaient beaucoup plus de français » (Audrey, campus St-

Lawrence du Collège Champlain). Enfin, quatre participants soulignent que le français et l’anglais sont

les deux langues de travail de leurs parents : « Donc les deux se débrouillaient assez bien. J’ai toujours

considéré mes parents comme bilingues » (Mathieu, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

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134

Le tableau suivant présente un récapitulatif de la ou les langues de travail des parents.

Tableau 6. Langue(s) de travail des parents

Langue(s) de travail des parents

Français pour les deux parents

Français pour l’un des parents + Français et, de manière variable, anglais

pour l’autre parent

Français et anglais pour les deux parents

Nombre de participants

18 15 4

5.1.3 Importance de la langue française pour les parents

Afin de compléter notre portrait du contexte familial, l’importance qu’occupent les langues française et

anglaise pour les parents ainsi que leur rapport à la Charte de la langue française (Loi 101) ont été

documentés dans les entrevues. Il est essentiel de souligner que ces informations sur les parents

s’établissent uniquement au regard des souvenirs des participants.

En ce qui concerne le français, selon la grande majorité des participants (31 sur 37), les parents

accordaient une importance quant à la bonne maîtrise de la langue. Cette importance se présentait

néanmoins de manière diverse et variable. En effet, plusieurs participants soulignent que leurs parents

– ou un de leurs parents – maîtrisaient bien, voire très bien, le français :

Je me souviens souvent de repas à la table, très jeune déjà, le dictionnaire était souvent sorti. Donc pour mes parents, c’était important d’utiliser les bons mots… le bon sens des mots […] Mais ma mère écrivait très, très bien, mais… mes deux parents finalement! Une très grande connaissance de la langue. (Laurence, Collège Vanier)

Une valorisation de pratiques culturelles en français était aussi présente dans la famille comme une

manière de valoriser le français et d’améliorer les connaissances et les compétences linguistiques :

Elle me faisait sentir l’importance d’avoir un bon français puis je me souviens aussi qu’elle me disait « lis des livres, lis des romans, tu vas voir ça va améliorer ton écriture à coup sûr ». Fait que dès ma jeunesse j’ai commencé à lire […] Mais c’était pas une pression

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135

constante de ma mère, mais je sentais que pour elle, c’était quand même assez important. (Justine, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Toujours dans un souci de maîtrise du français, des participants soulignent que leurs parents

corrigeaient leur français : « Ils ont toujours incité à l’excellence si on veut. À pas se laisser aller puis

à toujours... On apprend notre français, on l’apprend comme il faut, on l’écrit comme il faut. Oui, on se

faisait corriger puis reprendre » (Julie, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Pour d’autres,

des règles face à l’usage adéquat du français étaient présentes dans la famille : « Mais pour eux

autres, bien parler c’était important. Il y avait pas ″Tsé″, de ″genre″, de ″style full comme″. Ça existait

pas chez nous » (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Plus encore, pour certains parents, l’amour de la langue française était présent dans la famille et était

transmis aux enfants, ce qui éveillait une curiosité et un intérêt à bien maîtriser la langue :

Mes parents parlaient très bien [le français]. Jouer avez les mots, l’importance des mots, le mot juste, j’avais eu… ma mère m’avait donné, c’était de Pef, Le dictionnaire des mots tordus. Je devais avoir six ou sept ans… Puis c’était un plaisir de parler des petites billes puis des petits glaçons au lieu des petites filles puis des petits garçons. Ça, c’était un plaisir de changer la racine des mots. Pourquoi ? C’est quoi ? D’où ça vient ? Pourquoi c’est comme ça ? Pourquoi chat ça s’écrit avec un « t » ? Ah, parce qu’au féminin, ça va être chatte… Toutes les choses… « allumer la lumière, pas l’ouvrir ». La notion juste. Je me rappelle pas d’avoir été corrigée, mais si eux parlaient comme ça, moi je l’ai… c’est un calque dans le fond. Puis, je sais qu’au secondaire, il y a des gens qui pensaient que ma sœur et moi étions Françaises parce qu’on parlait bien. (Sabrina, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Le français était également considéré par certains parents comme une langue identitaire et culturelle

dont les Québécois francophones devaient être fiers :

Chez nous, ça a toujours, toujours, toujours parlé français. Puis pour mes parents, mes parents sont de la génération du type qui font que le français, c’est excessivement important puis qu’il ne faut pas se faire envahir par l’anglais. C’est ce type de personnes, les personnes francophones très fières qu’il faut que tout soit en français. Fait que ça a été ça le discours pas mal toute mon enfance. (Pénélope, Collège Vanier)

Dans quelques cas (6 sur 37), les participants soulignent ne pas avoir de souvenirs que leurs parents

manifestaient un discours explicite sur l’importance de la langue française. Pour certains parents, le

français renvoyait principalement à la sphère scolaire. Il s’agissait donc d’une matière scolaire qui

devait être réussie comme toutes les autres :

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136

Je pense pas qu’il y avait vraiment une importance qui avait été définie. Ma mère, son importance, c’était vraiment que je finisse mon secondaire 5 avec des bonnes notes puis qui me fassent passer, avoir mon diplôme. Je pense c’était vraiment ça l’importance. Il y avait pas vraiment de défini sur les langues. Mais que j’obtienne mon diplôme d’études secondaires, c’était vraiment quelque chose qui était important. (Noémie, Collège Dawson)

Aussi, pour des parents, un discours sur l’importance de la langue française pouvait apparaître moins

pertinent dans un environnement social et scolaire où le français constituait la langue principale :

Je pourrais pas dire qu’ils avaient une importance particulière, dans le sens que mes parents m’ont jamais parlé de l’importance du français comme langue parlée. Sans dire que c’était pas une bonne langue, ils m’ont jamais dit que c’était important de m’exprimer en français ou tout ça. J’ai parlé en français parce que j’avais pas le choix. Je connaissais rien d’autre que ça. Mais non, mes parents m’ont… ils étaient pas très… comment je pourrais dire ça ? Protecteurs de la langue française. Je peux pas dire pour quelle raison. Peut-être parce que, je veux dire, on habitait dans un endroit où est-ce que tout le monde parlait français puis c’était pas menacé comme on pourrait dire à Montréal. Là j’aime pas le mot « menace », mais bon. Donc c’était ça. Ils m’ont pas dit que c’était important, ils m’ont pas fait sentir comme de quoi le français était plus important ou moins important ici. Ils m’en parlaient pas vraiment. Ça a jamais été débattu chez nous. Puis ça a jamais été un point de discussion non plus. (Xavier, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Le tableau ci-dessous présente la synthèse de l’importance de la langue française pour les parents

des participants.

Tableau 7. Importance de la langue française pour les parents

Importance de la langue française pour les parents

Discours variés sur l’importance de la langue française

Pas de souvenirs de discours sur l’importance de la langue française

Nombre de participants

31 6

5.1.4 Importance de la langue anglaise pour les parents

Quant à l’importance de l’anglais pour les parents, nous relevons une variété de discours chez les

participants. Certains (9 sur 37) soulignent ne pas avoir de souvenirs d’un quelconque discours de

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137

leurs parents sur l’importance de la langue anglaise. Dans ce cas, l’anglais représentait – comme le

français – uniquement une matière scolaire qui devait être réussie comme toutes les autres : « La

priorité était plus de passer dans tous les cours puis d’avoir les meilleures notes possible dans tout. Il

y avait pas un domaine plus important que l’autre » (Étienne, Collège John Abbott). Dans certains cas,

l’un des parents maîtrisait l’anglais, mais ne valorisait pas forcément son apprentissage :

Donc, il ne nous a jamais vraiment parlé en anglais, il ne nous a jamais montré l’anglais. Puis même par après, quand qu’on est revenu [d’un séjour dans un pays anglophone], ce n’était pas de quoi d’important qu’on le garde [les connaissances acquises en anglais]. Il le voyait que moi je perdais mon anglais puis que j’en oubliais beaucoup… Puis, ça n’a jamais vraiment été important que je le garde, il a jamais fait d’efforts non plus… (Audrey, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

D’autres parents entretenaient un discours sur l’importance de l’anglais (23 sur 37). Chez certains, ce

discours se développait en voyant l’intérêt de leur enfant pour l’anglais :

C’est pas vraiment ma mère qui nous poussait pour l’anglais, vraiment pas… C’est moi, à une certaine époque de ma vie, qui a voulu… j’ai voulu apprendre l’anglais, mais ma mère m’a appuyée dans ce désir… Bien, c’est pas ma mère qui a dit « Ah, il faut que vous appreniez l’anglais pour votre avenir ». Ça, je pense pas vraiment, je pense pas l’avoir entendu. (Raphaëlle, Collège Dawson)

L’importance de l’anglais se développait chez certains participants au regard de l’expérience de leurs

parents : « Je voyais ma mère se débattre au téléphone avec des Américains, donc j’ai su que c’était

important » (Sophie, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Ce type d’expérience – notamment

de frustration et d’injustice – caractérisé par des difficultés en anglais pour les parents conduisait ces

derniers à émettre des discours sur l’importance de la langue anglaise :

J’ai voyagé pas mal avec mes parents fait que c’est sûr que j’ai été exposé assez tôt à la nécessité de parler anglais. Surtout mon père me le disait souvent en fait. Parce que lui, c’était une des frustrations qu’il a eues dans sa vie, c’est de parler anglais. Il parle anglais, il se débrouille, mais tu sais c’est vraiment frustrant parce qu’il peut pas exprimer les idées qu’il veut vraiment. (Vincent, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Cette importance de l’anglais pour les parents était aussi associée à des considérations

professionnelles alors que l’apprentissage adéquat de l’anglais aurait amené à de plus grandes

perspectives de carrière et à davantage de compétences professionnelles :

Ma mère, je pense que dans le contexte qu’elle vivait, c’était important pour elle qu’on soit en mesure de parler l’anglais dans… le mieux possible! […] Elle parle un anglais correct, très correct même, parfait presque. Sauf qu’elle le parle avec un accent du

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138

Québec puis elle a vécu beaucoup de discrimination [au travail]. Même des gens qui demandaient parfois à parler à quelqu’un sans accent. (Delphine, Collège Vanier)

L’anglais était aussi important pour une ouverture sur un monde globalisé où cette langue est fortement

présente :

Selon eux, c’était important qu’on parle anglais. Pourquoi ? Parce que justement en voyageant […] Pour eux, en fait qu’est-ce qu’ils me disaient c’est qu’on est entouré d’un milieu anglophone. Sinon la province, on est la seule, on a vraiment un milieu francophone. Donc le reste du Canada puis le reste des États-Unis, c’est tout un milieu anglophone. (David, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Des parents soulignaient également l’importance d’apprendre l’anglais dès la jeunesse, alors que

l’apprentissage serait plus aisé selon eux :

Depuis que je suis tout petit, mes parents ils m’envoyaient tout le temps faire des cours d’anglais par les soirs ou des cours privés, des affaires comme ça. Il n’y en avait pas beaucoup qui se donnaient à [région d’origine], mais en tout cas, d’après moi, je les ai tout faits. (Alexandre, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Enfin, cinq participants sur 37 soulignent que les seuls discours de leurs parents sur la langue anglaise

renvoyaient davantage à des questions identitaires et historiques liées aux tensions entre

francophones et anglophones dans la province. Ces référents n’empêchaient pas certains de ces

parents d’encourager leurs enfants à apprendre l’anglais, reconnaissant la valeur de cette langue dans

un monde globalisé : « Ma mère, son blocage par rapport à l’anglais c’était son problème à elle. Elle

ne voulait pas nécessairement nous transmettre ça. Donc, c’était important quand même qu’on

apprenne l’anglais puis qu’on y mette l’effort » (Laurence, Collège Vanier).

Une synthèse de l’importance de la langue anglaise pour les parents est présentée dans le tableau qui

suit.

Page 158: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

139

Tableau 8. Importance de la langue anglaise pour les parents

Importance de la langue anglaise pour les parents

Discours variés sur l’importance de la langue anglaise

Pas de souvenirs de discours sur

l’importance de la langue anglaise

Discours sur l’anglais associé à des questions identitaires et

historiques liées aux tensions entre francophones et

anglophones dans la province

Nombre de participants

23 9 5

5.1.5 Rapport des parents à la Charte de la langue française

Les discours relatifs à l’importance des langues française et anglaise se présentent aussi dans les

discours sur les dispositifs de la Charte de la langue française (Loi 101). Au regard des discours

recueillis, il s’avère que la grande majorité des participants (26 sur 37) ne connaissent pas l’opinion de

leurs parents ou n’ont pas de souvenirs à ce sujet, avançant que la politique, et plus spécifiquement la

Loi 101, n’était pas un sujet de discussion au sein de la famille : « La Loi 101 en particulier, j’ai aucun

souvenir que ça ait été abordé en famille » (Antoine, Collège Vanier). Si la Loi 101 n’était généralement

pas un sujet de discussion au sein des familles des participants, il s’avère que certaines familles

accordaient tout de même une importance à la langue française et à l’identité francophone sans pour

autant en faire un sujet de discussion :

Chez nous, on est pas très politisé […] C’est très important [pour sa famille] qui ont est, notre identité québécoise. Tu sais, mes parents y ont toujours trouvé ça important. De parler de la Loi 101… pas tant que ça. Mais comme je disais, faire attention… Rapidement, ça venait beaucoup du côté… comme je disais, de faire attention à notre culture. Oui, on s’intéresse aux autres, mais on perd pas ce qu’on est. (Gabrielle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Plus encore, alors que des parents s’affichaient comme favorables à la souveraineté du Québec, il n’y

avait pas de discussion dans la famille à ce propos : « Il s’affichait souverainiste [mon père]. Mais, on

était pas des gens à avoir des débats tellement dans ma famille. J’ai pas le souvenir que c’était des

conversations sur le sujet » (Béatrice, Collège John Abbott).

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140

Si la très grande majorité des participants ont peu ou pas de souvenirs de l’opinion de leurs parents

spécifiquement sur la Charte de la langue française, quelques participants (2 sur 37) soulignent

néanmoins que leur famille était ouvertement favorable à la Loi 101, voire à la souveraineté du

Québec :

Bien, c’est sûr qu’eux sont très en faveur de cette loi-là! Tu sais, je te donne un exemple pour mes parents. Aller admettons dans un restaurant comme [nom du restaurant rapide] ou des trucs comme ça et se faire répondre en anglais plutôt que de se faire dire « bonjour » en français, pour eux c’est comme… ça vient les chercher [irriter]. C’est comme insultant. Eux, ils sont très… faut que ce soit en français partout, en français en premier. Faut qu’ils se fassent servir en français puis ça les insulte quand la personne qui les sert est même pas capable de leur parler français. (Pénélope, Collège Vanier)

Enfin, neuf participants sur 37 ont des parents qui semblaient être plus ouvertement en désaccord

avec la Loi 101 et certaines de ses applications en éducation, voyant celles-ci comme une atteinte à

la liberté de choix : « Je pense que s’il avait pu m’envoyer en anglais dès le secondaire, ce qui aurait

probablement pas nécessairement été une bonne idée, je pense, mais pour lui c’était vraiment

important qu’on maîtrise l’anglais » (Olivier, Collège Marianopolis). Ainsi, même si le français

constituait une langue importante à maîtriser, l’apprentissage de l’anglais apparaissait important : « [À]

un certain point, ma mère était correcte avec contourner la Loi 101 d’une certaine manière, mais plus

tard quand ton français est appris… » (Raphaëlle, Collège Dawson).

Les rapports des parents à la Charte de la langue française sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 9. Rapport des parents à la Charte de la langue française (Loi 101)

Rapport des parents à la Charte de la langue française (Loi 101)

Ne connaît pas l’opinion des parents

En faveur de la Loi 101 En désaccord avec la Loi

101

Nombre de participants

26 2 9

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141

5.2 Scolarité obligatoire en français et apprentissage de l’anglais

Notre présentation du corpus se poursuit en jetant un regard sur la scolarité obligatoire (primaire et

secondaire) en français des participants afin d’y relever le type d’école fréquentée, leur réussite

scolaire générale « autorapportée »148 et, de manière plus précise, leur apprentissage de l’anglais dans

le cadre scolaire et dans un contexte hors-scolaire ainsi que leurs connaissances linguistiques en

anglais et en français à l’aune de leur propre regard rétrospectif.

Portons d’abord notre attention sur le type d’école, publique ou privée, fréquentée par les participants

lors de leur scolarisation primaire et secondaire en français. Pour la scolarisation primaire, 33

participants ont fait leurs études dans un établissement d’enseignement public tandis que quatre l’ont

fait dans un établissement privé. Pour les études secondaires, 16 participants ont fait leurs études dans

un établissement public alors que 21 l’ont fait dans un établissement privé.

Le tableau suivant présente la synthèse du type d’école de langue française fréquentée au primaire et

au secondaire.

Tableau 10. Type d’école de langue française fréquentée au primaire et au secondaire

Type d’école

Primaire Secondaire

Publique Privée Publique Privée

Nombre de participants 33 4 16 21

En ce qui concerne la réussite scolaire générale basée sur le regard rétrospectif des participants (c’est-

à-dire leurs souvenirs), la très grande majorité des participants (33 sur 37) ont indiqué avoir réussi

assez facilement à l’école primaire et secondaire. Ceci se traduit par des résultats scolaires considérés

comme bons et la manifestation d’un certain intérêt pour l’école. Seuls quatre participants ont

148 Les connaissances dites « autorapportées » signifient que nous nous sommes appuyée sur le discours, et conséquemment le souvenir, des participants sur leurs propres connaissances et non en effectuant une vérification de leur bulletin scolaire.

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142

mentionné avoir vécu différentes difficultés scolaires, allant de résultats considérés comme faibles à

des redoublements.

L’apprentissage de l’anglais s’est fait dans le cadre scolaire et dans un contexte hors-scolaire. D’abord,

dans le cadre scolaire, il semble que tous les participants aient suivi des cours d’anglais dans le

programme régulier lors de leur scolarisation primaire en français. Au cours de la scolarisation

secondaire en français, 23 participants149 sur 37 ont suivi des cours d’anglais dans un programme

régulier alors que 17 l’ont fait dans un programme enrichi150. Cinq participants disent avoir fait le « bain

linguistique »151 en deuxième année du troisième cycle du primaire (anciennement la sixième année).

Enfin, toujours dans le cadre scolaire, quatre participants ont réalisé un échange étudiant en milieu

anglophone dans une autre province canadienne lors de la dernière année de leurs études

secondaires.

Dans le tableau ci-dessous, une synthèse de l’apprentissage de l’anglais dans le cadre scolaire est

présentée.

Tableau 11. Apprentissage de l’anglais dans le cadre scolaire

Apprentissage de l’anglais dans le cadre scolaire

Primaire Secondaire

Programme régulier Programme enrichi Programme régulier Programme enrichi

Nombre de participants

37 0 23 17

+ Bain linguistique (5) + Échange étudiant (4)

149 Précisons que sur les 23 participants qui ont réalisé un programme régulier d’anglais au secondaire, deux ont suivi ce programme uniquement au début de leurs études secondaires pour ensuite transférer vers un programme enrichi alors qu’un participant a terminé ses études secondaires dans un programme régulier après avoir été dans un programme enrichi. Ces trois participants ont été comptabilisés comme ayant réalisé un programme d’anglais régulier et un programme d’anglais enrichi.

150 Soulignons que certains participants nous ont indiqué qu’un programme enrichi d’anglais n’était pas offert dans leur école. Il faut donc comprendre ce « choix » du programme régulier et enrichi d’anglais notamment au regard de l’offre des établissements.

151 Rappelons que le « bain linguistique », aussi appelé le 60-40, signifie que 40 % du temps d’enseignement est destiné à l’apprentissage de l’anglais. Cette pratique d’enseignement de l’anglais a cours dans certaines écoles primaires volontaires au Québec auprès d’élèves de la deuxième année du troisième cycle du primaire (anciennement la sixième année).

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143

En ce qui concerne l’apprentissage de l’anglais dans un contexte hors-scolaire, cinq participants ont

suivi des cours d’anglais privés pendant quelques mois, voire quelques années lors de leur

scolarisation primaire et secondaire. Enfin, quatre participants ont réalisé des camps d’été en anglais

et 13 ont réalisé des séjours d’immersion linguistique de plus ou moins longue durée ailleurs au

Canada ou dans un pays étranger anglophone.

Tableau 12. Apprentissage de l’anglais dans un contexte hors-scolaire

Apprentissage de l’anglais dans un contexte hors-scolaire

Cours d’anglais privés Camps d’été en anglais Séjours d’immersion

linguistique

Nombre de participants

5 4 13

Avec un regard rétrospectif sur leur propre parcours, les participants nous ont informée sur leurs

connaissances en anglais et en français durant l’enfance et l’adolescence. Pour les connaissances en

anglais « autorapportées » par les participants, la majorité (29 sur 37) évoque avoir une perception

positive de leurs connaissances et de leurs compétences en anglais de l’époque au regard des attentes

scolaires au primaire et au secondaire152. Pour plusieurs, l’anglais était une matière scolaire comme

les autres ne représentant pas un intérêt particulier : « J’avais des bonnes notes, comme les autres

cours puis c’était correct. Je veux dire, j’apprenais ce que j’avais à apprendre puis je le rendais sur

papier ou oralement puis c’était correct » (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Certains précisent, dans l’ensemble des matières, avoir spécifiquement aimé, voire adoré, apprendre

l’anglais : « Puis moi, j’avais hâte! J’avais vraiment hâte. Là, je me rappelle quand qu’on avait acheté

des livres, j’avais hâte! Là, c’était Sam on the radio je ne sais plus trop quoi… » (Gabrielle, campus St-

Lawrence du Collège Champlain). À l’inverse, d’autres soulignent ne pas avoir aimé apprendre

l’anglais, même s’ils avaient tout de même de bons résultats dans cette matière scolaire : « Au

secondaire, je te dirais que l’anglais c’était une des affaires que j’haïssais le plus. J’aimais vraiment

pas ça. C’est pas que j’étais pas bon. Je trouvais ça plate. Je trouvais que… c’était pas vraiment utile

puis c’était long » (Samuel, Collège John Abbott).

152 Les perceptions des connaissances et des compétences linguistiques s’associent généralement à la sphère scolaire où l’anglais est enseigné.

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144

Si certains disent avoir eu une certaine facilité dans l’apprentissage de l’anglais à l’école, huit

participants sur 37 soulignent clairement avoir vécu des difficultés. Des efforts et des stratégies (ex. :

cours d’anglais privés, expériences d’immersion153) ont été mis en place pour pallier ces difficultés :

J’avais de la difficulté en anglais au secondaire au départ. J’ai pris des cours privés, durant 3-4 ans. C’était une fois semaine. C’était pas très intensif. Mais ça m’aidait à bien… bien en fait, à faire la différence je dirais! C’est vraiment là que ça a décliqué l’anglais. (David, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Le tableau suivant présente les connaissances en anglais « autorapportées » par les participants.

Tableau 13. Connaissances en anglais « autorapportées » par les participants

Connaissances en anglais « autorapportées »

Perception positive Perception négative

Nombre de participants 29 8

Pour faire un parallèle, en ce qui concerne les connaissances et les compétences en français

« autorapportées » par les participants, il s’avère que la majorité (30 sur 37) souligne avoir eu une

certaine aisance et facilité en français lors de leur scolarisation primaire et secondaire. Pour sept

participants sur 37, davantage de difficultés se sont posées et l’apprentissage du français était ardu.

Dans certains cas, le français était une matière difficile, tout comme les autres matières lors de la

scolarisation. Parfois, les difficultés se manifestaient plus spécifiquement dans les cours de langues

(français et anglais) : « Donc, je peux dire que j’ai pas une bonne expérience globalement en

apprentissage de langues » (Simon, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Les difficultés se

présentaient aussi davantage en français qu’en anglais : « J’ai toujours eu plus de facilité avec l’anglais

que le français » (Amélie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Un tableau synthétisant les connaissances en français « autorapportées » par les participants se

trouve ci-dessous.

153 Précisons que les participants qui ont réalisé des cours d’anglais dans un cadre extérieur à celui de l’école et des expériences d’immersion linguistique n’ont pas tous vécu des difficultés en anglais lors de leur scolarisation primaire et secondaire.

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145

Tableau 14. Connaissances en français « autorapportées » par les participants

Connaissances en français « autorapportées »

Perception positive Perception négative

Nombre de participants 30 7

5.3 Identité linguistique et civique dans l’enfance et à l’adolescence

L’identité linguistique et civique des participants a été documentée tout au long de leur parcours de

vie. Nous nous concentrons ici sur l’identité linguistique et civique pour la période de l’enfance et de

l’adolescence154.

En ce qui concerne l’identité linguistique, il s’avère que tous les participants se disaient francophones

au moment de leur enfance et de leur adolescence : « Bien, définitivement francophone. Clairement

francophone » (Nicolas, campus Saint-Lambert du Collège Champlain). Cette identité semblait aller de

soi pour les participants du corpus : « Je pense que ça allait de soi. Je me suis jamais posé cette

question-là à cet âge, c’est sûr, mais… oui, ça allait de soi. J’étais rien d’autre que francophone pour

moi » (Nathan, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Cette identité francophone était en lien avec l’importance que peut représenter la langue française et

la culture francophone : « Purement francophone et pour moi, c’est très important de rester

francophone. J’attachais une bonne importance à protéger ma langue et à bien savoir l’utiliser »

(Simon, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Soulignons tout de même que deux participants sur 37 ont évoqué avoir ressenti une certaine attirance

pour la langue anglaise durant leur enfance et leur adolescence, même si leur identité francophone

allait de soi considérant leur origine ethnoculturelle et leur langue maternelle :

Bien, quand j’avais la chance, quand j’avais quelqu’un autour de moi qui parlait anglais, je mettais toujours de l’avant mon côté anglophone [les connaissances linguistiques en anglais], tu sais. J’avais pas peur d’aller essayer de m’exprimer dans cette langue-là, mais

154 Dans le chapitre 8, la première section (8.1) aborde l’identité linguistique et civique des participants après leurs études collégiales en anglais et dans la suite de leur parcours de vie.

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je pense que je me considérais comme une francophone avant… Malgré le fait que je trouvais vraiment... Je me souviens, je trouvais que ça avait l’air dont hot de parler anglais. (Amélie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Pour un des deux participants, l’anglais était vu, dans une certaine mesure, comme une langue plus

utile que le français :

Bien, j’avais beaucoup de… de respect pour l’anglais puis pour les gens qui parlaient anglais puis j’aimais bien ça parler anglais. C’était pas que… je jugeais pas… c’est vraiment plus tard là que j’ai changé d’opinion là-dessus, mais quand j’étais jeune, moi j’arrivais pas… j’étais à un point où est-ce que je trouvais pas nécessairement le français nécessaire […] Je respectais l’anglais puis je voyais pas tout le temps l’utilité de parler francophone, français […] Bien… bon c’est sûr que tu peux pas négliger tes origines, j’ai un nom francophone, un prénom… mon prénom se prononce en anglais, en français autant là, mais mon nom de famille est vraiment francophone. Est-ce que ça fait de moi… ? Oui, bien j’étais francophone à la base. C’est sûr qu’on dira ce qu’on voudra, mais ma langue maternelle, c’est le français, ça changera pas… (David, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Le tableau suivant présente l’identité linguistique des participants dans leur enfance et leur

adolescence.

Tableau 15. Identité linguistique dans l’enfance et à l’adolescence

Identité linguistique

Francophone

Nombre de participants 37

+ attirance pour la langue anglaise (2)

Au cours de l’enfance et l’adolescence, si l’identité linguistique francophone était présente pour

l’ensemble des participants, des distinctions se remarquaient davantage quant à l’identité civique,

c’est-à-dire le sentiment d’appartenance au Québec et au Canada, le sentiment d’être Québécois et

d’être Canadien.

Pour près de la moitié des participants (17 sur 37), une identité francophone allait de pair avec une

identité québécoise :

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147

Bien moi, je me suis toujours considérée d’abord comme Québécoise, d’abord comme francophone… C’est même pas une question. C’est fondamental. Je suis née, j’ai été élevée en français puis à Québec donc c’est très… c’est ça qui fait que j’ai une certaine identité culturelle linguistique, c’est que je suis ici… Mais quand tout le monde parle français, quand tout le monde est Québécois on n’a pas… on se le dit pas, c’est plus quand on part à l’extérieur [du Québec]. (Sabrina, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Dans les représentations des participants, cette identité francophone, qui allait de pair avec une identité

québécoise, renvoyait plus spécifiquement à l’idée que l’identité québécoise venait devant l’identité

canadienne : « Bien moi, j’étais une Québécoise et je vivais dans un pays qui s’appelait le Canada…

C’était vraiment ça. Je comprenais qu’il y avait le Canada… qu’on en faisait partie, mais moi… je me

sens vraiment comme une Québécoise… » (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Aussi, pour quatre de ces 17 participants qui revendiquaient une identité québécoise, celle-ci renvoyait

aussi à des considérations plus souverainistes : « J’étais Québécoise, francophone, fière de l’être. Plus

à tendance aussi souverainiste. Séparation tout ça […] C’était ça mon identité : Québécoise

francophone, fière de l’être. Ça a toujours été important. Ça a toujours fait partie de mon identité »

(Maude, Collège John Abbott). Durant l’enfance et l’adolescence, cette identité québécoise liée à la

souveraineté était souvent transmise par les parents qui évoquaient clairement une telle identité :

Bien, j’étais Québécois francophone. Non [ne se dit pas Canadien]. Pas à l’époque. Mais tu m’as entendu le dire tout à l’heure [d’être Canadien au moment de l’entrevue]. Sauf qu’à l’époque, non. À l’époque, j’étais Québécois […] Oui, c’était le discours en bas. Il y avait… sur le terrain de mes parents, il y avait une espèce de gros… un mât vraiment haut avec un gros drapeau québécois qui flottait. Puis mon père s’engueulait souvent avec un des voisins qui avait la même chose, mais avec un gros drapeau canadien. Donc, il y avait vraiment la notion que les Canadiens c’était les… c’était les méchants, les envahisseurs. (Antoine, Collège Vanier)

Au contraire, pour trois de ces 17 francophones, l’identité québécoise était présente, mais elle n’était

pas associée à la souveraineté : « J’essaye de me rappeler, mais je pense que je disais plus que je

suis Québécoise, mais pas avec la connotation par exemple… d’indépendance, souverainiste ou quoi

que ce soit » (Jessica, campus Saint-Lambert du Collège Champlain).

Pour neuf participants sur 37, durant l’enfance et l’adolescence, c’est plutôt une identité canadienne

qui se manifestait devant une identité québécoise. Dans certains cas, l’identité canadienne était

valorisée, car l’identité québécoise était étroitement associée à la souveraineté : « Canadien. [J’ai]

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148

jamais été… fanatique québécois, Loi 101, etc. » (Samuel, Collège John Abbott). L’identité canadienne

était aussi présente et transmise dans la famille :

J’étais plus Canadien […] Oui, bien tu sais comme... pour mettre ça en mot simple : chez nous, on a toujours voté rouge [c’est-à-dire pour le Parti libéral]… Fait qu’à cause de ça, moi aussi j’étais rouge puis... Puis j’allais le rester. C’était comme ça que je le voyais. C’est pour ça que j’étais Canadien, puis j’étais contre la séparation […] Moi, tu sais, je voulais pas être péquiste fait que... Fait que je me définissais comme un Canadien. (Alexandre, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Huit participants sur 37 disent s’être identifiés autant au Québec qu’au Canada durant leur enfance et

leur adolescence : « Je me disais Québécois et Canadien à la fois » (Mathieu, campus St-Lawrence

du Collège Champlain). Les deux identifications étant possibles sans nécessairement devoir en choisir

une aux dépens de l’autre : « Je pense qu’il y a jamais eu vraiment de la dualité Québec-Canada chez

nous » (Julie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Cette double identité civique avait toutefois amené certains participants à se questionner, à l’époque,

sur la signification de chacune des identités et sur les différences entre chacune d’elles :

Moi, je savais pas c’était quoi la différence. Je me souviens avoir posé la question à ma mère : « Moi je suis Québécoise ou Canadienne ? » (rire). Mais c’est vrai! Je veux dire, je savais pas c’était… tu sais comme tu entends ça, mais tu comprends pas ce que c’est. Tu sais je veux dire… les enfants ont… Moi, je connaissais pas ce que c’était. (Delphine, Collège Vanier)

Enfin, si pour trois participants sur 37, une identité québécoise allait de soi durant l’enfance et

l’adolescence, un séjour dans une autre province canadienne en a amené certains à considérer

davantage une identité canadienne après avoir vécu une expérience linguistique et culturelle

différente :

Bien, c’est sûr, avant cette expérience-là, je me considérais comme Québécoise parce que c’était la seule identité que je connaissais. C’était en tant que Québécoise. Je savais que le Québec faisait partie du Canada, mais je me considérais plus comme Québécoise. Puis après ça, après être allée dans l’Ouest [canadien], je me suis dit « Bien non », tu sais, « Je suis Canadienne ». J’avais comme aussi une identité… comme on dit là… ah bien tu y tiens à tes Rocheuses [canadiennes]. Mais oui, j’y tenais à mes Rocheuses! Là, je commençais à me sentir plus citoyenne du pays. Puis dire « Regarde, on est un pays même s’il y a une province qui parle français puis une province qui parle anglais ». On dirait j’ai comme appris à… faire fi de la langue. Puis… oui, on a des cultures différentes, mais on est la même race, on a tu sais… J’ai vu plus de points communs que de différences. (Annabelle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

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Le tableau suivant présente un récapitulatif de l’identité civique des participants dans leur enfance et

leur adolescence.

Tableau 16. Identité civique dans l’enfance et à l’adolescence

Identité civique

Québécoise Canadienne Québécoise

et canadienne

Passage d’une identité québécoise

à une identité canadienne

Nombre de participants

17

9 8 3 + souverainiste

(4)

+ non souverainiste

(3)

5.4 Profil ethnolinguistique des amitiés dans l’enfance et à l’adolescence

Nous avons cherché à documenter le profil ethnolinguistique des amitiés des participants dans leur

enfance et leur adolescence. Il s’avère que tous ont entretenu des amitiés avec des Québécois

francophones. Pour la majorité (31 sur 37), leur groupe d’amis n’était composé que de francophones :

« En fait, mon cercle d’amis était beaucoup plus francophone. C’est certain que ça pouvait être des

contextes socioéconomiques différents, mais pas de communautés culturelles différentes » (Jessica,

campus Saint-Lambert du Collège Champlain).

Cinq participants sur 37 nous ont indiqué avoir eu des amitiés avec des Québécois natifs, mais aussi

avec des jeunes issus de l’immigration :

Mon cercle d’amis s’est agrandi parce que je grandissais avec les… évidemment avec le temps. J’avais des amis qui étaient issus de l’immigration, entre autres un très bon ami qui était du… qui venait du [pays asiatique]. Et j’avais aussi des amis qui venaient là… probablement du [pays européen], par rapport au nom de famille, mais à l’époque je le savais pas ils venaient d’où, mais c’était des [nom de famille], donc ça devrait probablement être de cette région-là. Donc j’avais un peu d’amis qui étaient issus d’immigration, mais on était tous francophones. Donc c’était des pays soit… européens ou de l’Asie du Sud-Est qui ont été des colonies françaises. Donc il y avait à cette époque-là, l’immigration c’était principalement des gens qui étaient… ceux qui venaient au Québec, c’est parce qu’ils avaient appris le français là-bas donc, ils avaient tendance, je

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150

pense, à ce que leurs enfants parlent français et on était tous à l’école francophone. J’avais aussi des amis qui venaient de l’Amérique du Sud. (Olivier, Collège Marianopolis)

Enfin, un participant mentionne avoir eu des amis Québécois francophones et quelques amis bilingues,

mais avec lesquels il ne parlait que le français :

C’était clairement majoritairement francophone […] Tu sais, il y avait justement les gens qui étaient en anglais… en anglais enrichi puis il y avait clairement des gens qui étaient parfaitement bilingues et… mais je pense pas qu’il y avait d’anglophones qui étudiaient le français. Je penserais pas. Il y a personne qui avait d’accent anglophone là. Mais, au jour le jour, c’est sûr qu’il y avait des amis des écoles, mais des gens que je voyais à l’extérieur de l’école, c’était quand même encore principalement des… il y en avait quelques-uns qui étaient bilingues, mais c’était plus francophones que je voyais. (Nicolas, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Le tableau suivant présente un récapitulatif du profil ethnolinguistique des amitiés des participants lors

de leur enfance et de leur adolescence.

Tableau 17. Profil ethnolinguistique des amitiés dans l’enfance et à l’adolescence

Profil ethnolinguistique des amitiés

Québécois francophones

Québécois francophones principalement et quelques-uns

issus de l’immigration

Québécois francophones et quelques-uns bilingues

Nombre de participants

31 5 1

5.5 Profil linguistique des pratiques culturelles dans l’enfance et à l’adolescence

Pour compléter notre portrait des participants, les langues associées à leurs pratiques culturelles nous

semblent également pertinentes à relever. Nous entendons ici comme pratiques culturelles ce qui

réfère à la culture générale, c’est-à-dire plus spécifiquement, la lecture, la musique et la télévision

(Coulangeon, 2010). Nous avons tenté de documenter le lien entre les pratiques culturelles et les

langues française et anglaise.

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Pour la plupart des participants (29 sur 37), les pratiques culturelles dans l’enfance et à l’adolescence

étaient principalement en français, mais l’anglais occupait une certaine place, entre autres dans la

musique, l’écoute télévisuelle et les jeux vidéo :

Bien en fait au primaire, c’était pas mal juste du français à part les jeux vidéo, mais à ce moment-là je savais pas trop ce que je faisais là-dedans [dans les jeux vidéo] tu sais... Tu sais comment ce que c’est quand tu es jeune, tu vois des imagines puis là tu interagis puis bon. Mais au secondaire, j’ai commencé à écouter la musique anglaise, mettons que la grosse majorité de ma consommation c’était francophone… (Vincent, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Précisons que même si l’essentiel des pratiques culturelles s’effectuait en français, l’anglais était

parfois une initiative personnelle :

Bien une fois de temps en temps, de m’acheter une revue Vanity Fair ou quelque chose comme ça en anglais. Puis je commençais à essayer de lire, mais… je décrochais assez vite […] Ça, c’était personnel vraiment. Je voyais une revue puis je me disais « ah ce serait le fun d’essayer de la lire en anglais ». (Charlotte, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Des parents étaient aussi instigateurs de pratiques culturelles en anglais : « Je sais que mes parents,

c’est arrivé, à quelques reprises, qui nous ont obligés à... Tu sais, on avait Super Écran à la maison

exemple, puis ils ont coupé Super Écran, mais on l’achète juste en anglais [ex. : Pay Per View]… »

(David, campus Saint-Lambert du Collège Champlain). Parfois, c’était aussi de manière indirecte, par

le biais des frères et des sœurs, que des pratiques culturelles en anglais se produisaient :

Mes frères et sœurs avaient fait leur bain linguistique en 5e et 6e année […] Fait qu’avant ça, on n’était vraiment, vraiment pas exposé à l’anglais. C’était du français tout le temps dans la maison. Même la télé puis tout ça. Mais là quand que mes frères et sœurs qui [ont] deux et trois ans plus que moi ont commencé à étudier l’anglais, l’anglais a fait son entrée dans la maison puis on s’est mis à écouter des émissions de télé en anglais puis des films en anglais même si je comprenais absolument rien, mais… j’écoutais ça pareil. (Raphaëlle, Collège Dawson)

Pour huit participants sur 37, des pratiques culturelles uniquement en français avaient cours durant

leur enfance et leur adolescence :

Tout était en français sans exception. J’ai été très peu en contact avec l’anglais avant le cégep […] J’avais certains amis qui écoutaient des téléséries américaines des fois, qui avaient commencé à écouter certains films en anglais pour avoir les voix originales, mais j’étais pas vraiment attiré par ça. (Simon, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

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152

Le tableau qui suit présente la ou les langues des pratiques culturelles des participants durant leur

enfance et leur adolescence.

Tableau 18. Langue(s) des pratiques culturelles dans l’enfance et à l’adolescence

Langue(s) des pratiques culturelles

Français principalement et anglais Français uniquement

Nombre de participants 29 8

5.6 Études collégiales en anglais

Notre description des participants concerne aussi les études collégiales en anglais. Presque tous les

participants (32 sur 37) sont directement passés du secondaire francophone vers le cégep anglophone,

même si certains ont fait un bref passage sur le marché du travail. Trois participants ont fait une année

ou une session dans un cégep francophone avant d’aller au cégep anglophone. Deux participants ont

fréquenté le cégep anglophone pendant une année pour ensuite poursuivre et compléter leurs études

collégiales dans un cégep francophone. Enfin, un participant a quitté le cégep anglophone après une

année d’études sans poursuivre d’autres études.

Sur les 37 participants, 20 ont fréquenté le seul établissement collégial anglophone de la région de

Québec (campus St-Lawrence du Collège Champlain), tandis que 17 ont fréquenté un établissement

collégial anglophone dans la région de Montréal, plus spécifiquement le campus Saint-Lambert du

Collège Champlain (5), le Collège Dawson (2), le Collège Vanier (5), le Collège John Abbott (4) et le

Collège Marianopolis (1)155.

Dans le tableau qui suit, se trouve la répartition des participants selon le cégep anglophone fréquenté.

155 Aucun participant n’a étudié au Collège TAV, mais rappelons que le Collège TAV a été créé en 2010 et qu’il était auparavant une constituante du campus Saint-Lambert du Collège Champlain.

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153

Tableau 19. Cégep anglophone fréquenté

Cégeps anglophones

Québec Montréal

Campus St-Lawrence du

Collège Champlain

Campus Saint-Lambert du

Collège Champlain

Collège Dawson

Collège Vanier

Collège John Abbott

Collège Marianopolis

Nombre de participants

20 5 2 5 4 1

17

En outre, dans le but de poursuivre leurs études collégiales en anglais, huit participants ont effectué

une mobilité géographique. Cette situation a amené à une vie loin de la famille, dans des résidences

étudiantes ou en appartement. Cela signifiait aussi devoir faire face à des responsabilités qui, pour

certains, étaient vécues de manière relativement positive : « Quand je suis arrivée au cégep, bien je

pense que j’étais prête à partir justement de chez mes parents. Faire mes petites choses, en

appartement. Fait que côté déménagement, ça j’étais prête je pense » (Valérie, campus St-Lawrence

du Collège Champlain). Pour d’autres, ce départ de la maison familiale et les responsabilités qui y sont

reliées étaient vécus de manière plus ou moins difficile :

J’ai trouvé ça très dur, je pense. La coupure avec mes parents, à cause j’étais très bien chez moi là tu sais. […] Ç’a été très, très difficile. J’allais chez moi toutes les fins de semaine, donc je partais avec quelqu’un, je voyageais avec quelqu’un, puis le dimanche quand je partais je pleurais… Ma mère, bien ma famille m’a manqué. […] Tu sais, à 17 ans, tu veux pas vraiment t’occuper de ton épicerie, payer ton compte d’Hydro… (Sophie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

En ce qui a trait aux programmes d’études, 36 participants sur 37 ont suivi un programme de formation

préuniversitaire et un seul a suivi un programme de formation technique156. Plus précisément, 12

participants ont réalisé un programme de sciences de la nature, 14 un programme de sciences

humaines et sociales (dont 6 plus spécifiquement dans un programme de Commerce, c’est-à-dire de

sciences humaines et sociales avec mathématiques), 10 participants ont poursuivi un programme de

156 Selon Sabourin et ses collaborateurs (2010a), les programmes d’études préuniversitaires sont généralement plus populaires dans les cégeps anglophones que les programmes techniques.

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154

langues, de littérature et d’arts157 et un seul a réalisé un programme d’études techniques, dont nous

ne précisons pas le programme pour des raisons de confidentialité. Pour terminer, sept participants

ont changé de programme au fil de leurs études dans un cégep anglophone.

Le tableau suivant présente la synthèse des programmes d’études au cégep anglophone.

Tableau 20. Programmes d’études au cégep anglophone

Programmes d’études au cégep anglophone

Formation préuniversitaire Formation technique

Nombre de participants

36

1 Sciences de la nature (12)

Sciences humaines et sociales (14)

Langues, littérature et arts

(10) Avec mathématiques (6)

Quant au temps prescrit de deux ans pour réaliser des études collégiales préuniversitaires et de trois

ans pour des études collégiales techniques, il s’avère que 22 participants sur 37 ont réalisé leurs

études dans le temps prescrit et que 15 les ont réalisées dans un temps prolongé. Ceci s’explique,

selon leur propos, par un changement de programme d’études, une stratégie mise en place pour bien

réussir ses études entre autres au regard de l’adaptation à l’anglais, un retard accumulé dans les

études (ex. : échec scolaire), une offre de cours plus limitée, le désir de demeurer un peu plus

longtemps dans un programme de sport-études et un abandon des études collégiales en anglais pour,

dans certains cas, les terminer dans un cégep francophone.

5.7 Parcours scolaires après le cégep anglophone

En ce qui concerne les parcours d’études qui ont suivi la scolarisation dans un cégep anglophone, une

variété se dessine. Si une seule personne n’a poursuivi aucune étude à la suite de son passage au

cégep anglophone, toutes les autres ont continué des études à l’enseignement supérieur (36). Parmi

157 Ce libellé regroupe différents programmes que sont les arts créatifs, la littérature et les langues. À des fins de simplification de compréhension et de confidentialité, nous avons regroupé ces programmes ensemble.

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155

celles-ci, plus de la moitié (21) des participants se sont dirigés vers des études uniquement en français

au Québec ou en Ontario. Le choix de poursuivre des études en français apparaissait souvent de

manière équivalente à celui de choisir des études en anglais, puisque des connaissances dans les

deux langues sont présentes chez les participants. Ainsi, le choix renvoyait davantage à la qualité du

programme d’études qu’à la langue d’études : « Que je le fasse à une place ou à une autre, si je pense

que toutes les universités sont pareilles puis qu’il y a une bonne réputation ici, que ça l’air d’être un

bon programme » (Sabrina, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Aussi, le choix des études

en français se faisait parfois parce que des établissements d’enseignement anglophone ne sont pas

présents dans la région où les participants demeuraient, comme dans le cas de la région de Québec :

Parce que je sais que j’étais très intéressé par l’anglais encore puis par les universités anglophones. Puis moi, j’allais venir, j’allais apprendre l’anglais puis être ouvert sur le monde et tout donc… je pense que c’était [université anglophone à Montréal] que je voulais, mais ce n’était pas à Québec. (Nathan, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Ce choix s’effectuait aussi parce que continuer des études en anglais à l’université signifiait, pour les

participants qui ne résidaient pas dans une région où se trouve un établissement anglophone, quitter

les réseaux familial et personnel auxquels ils étaient attachés. Le choix de l’université francophone

devenait alors le choix le plus logique à leurs yeux :

Fait que là c’était comme « Bon, est-ce que je suis prête à tout laisser tomber pour m’en aller étudier en anglais ? Non! » Puis, tu sais s’il y avait eu une université anglophone ici à Québec c’est certain j’aurais... j’aurais étudié là, mais il y en avait pas. Fait que c’était… [nom d’une université francophone dans la région de Québec]. (Nathalie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Quatre participants ont poursuivi des études supérieures uniquement en anglais dans un établissement

d’enseignement de langue anglaise au Québec ou en Ontario : « Bien disons après… je m’étais quand

même rendu compte pendant mon cégep que justement que je deviendrais pas bilingue au cégep, fait

que je voulais continuer mes études en anglais à l’université » (Simon, campus St-Lawrence du

Collège Champlain).

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156

Si un participant a commencé des études supérieures en français et les a poursuivies en anglais, sept

ont fait l’inverse, c’est-à-dire qu’ils ont commencé des études en anglais158 pour ensuite continuer en

français dans le cadre d’un changement de programme ou de cycle d’études :

Bien en fait, j’aurais continué [son programme d’études dans une université anglophone]. Si j’avais pas découvert la [nom du programme d’études], j’aurais probablement fini mon bac [dans une université anglophone]. Même j’ai hésité longtemps parce qu’il me restait un an à faire en fait… Donc avant de me dire « OK, je mets tout ça à la poubelle puis je recommence à zéro pour un autre quatre ans », bien évidemment la question s’est posée « Je devrais finir l’année qui me reste ? ». Mais finalement plus que je me renseignais, puis plus que j’étais convaincu que le bac à [université francophone] était... était vraiment ce qui m’intéressait le plus. (Marc-André, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Enfin, deux participants ont réalisé des études supérieures en français entrecoupées par une scolarité

universitaire en anglais, tandis qu’un participant a réalisé des études supérieures en français qui ont

été entrecoupées par des scolarités universitaires en espagnol.

Voici un tableau récapitulatif des parcours scolaires suivant le cégep anglophone au regard de la ou

des langues d’études.

Tableau 21. Langue(s) de scolarisation dans le parcours scolaire suivant le cégep anglophone

Langue(s) de scolarisation suivant le cégep anglophone

Français uniquement

Anglais uniquement

Français puis anglais

Anglais puis

français

Français, anglais, français

Français, espagnol,

français, espagnol

Nombre de participants

21 4 1 7 2 1

5.8 Parcours professionnels, langues et lieux géographiques

Lorsque nous parlons du parcours professionnel, nous référons à des emplois liés à la carrière

professionnelle, ce qui inclut les stages professionnels et des emplois occupés pendant les études ou

entre les études et le début de la carrière proprement dite. Ces emplois sont parfois liés au domaine

158 Parmi ces sept participants qui sont passés d’une formation à l’enseignement supérieur en anglais à une formation en français, deux ont réalisé leurs études dans un programme offert en anglais dans une université francophone.

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157

de carrière, mais pas nécessairement. Le portrait que nous dressons des parcours professionnels des

participants concerne plus spécifiquement la ou les langues de travail ainsi que les lieux géographiques

de travail. Il résulte d’une synthèse du parcours professionnel de chacun des participants, ce qui nous

semblait plus adéquat au regard de leur diversité. C’est pourquoi nous n’avons pas jugé bon de relever

uniquement l’emploi actuel, puisque nous sommes en présence de jeunes professionnels dont

plusieurs ont évolué dans de nombreux emplois qui ne se trouvent pas tous dans le même lieu

géographique et où les langues n’ont pas occupé la même place. C’est ainsi que nous souhaitons

rendre au mieux justice à la diversité des parcours professionnels des participants.

En ce qui concerne la ou les langues de travail, la majorité des participants (25 sur 37) ont travaillé ou

travaillent encore dans les deux langues (français et anglais), l’usage des deux langues étant variable

selon chaque emploi occupé. Parmi ces participants, cinq précisent avoir utilisé ou utiliser encore au

moment de l’entrevue une autre langue de travail (espagnol et allemand). Onze participants indiquent

avoir travaillé et travailler uniquement en français. Pour un participant, l’anglais est la seule langue de

travail.

Le tableau suivant présente un récapitulatif de la ou des langues de travail dans le parcours

professionnel des participants.

Tableau 22. Langue(s) de travail dans le parcours professionnel

Langue(s) de travail

Français et anglais Français Anglais

Nombre de participants

25

11 1 + espagnol et/ou allemand (5)

Pour les lieux de travail, tous les participants ont travaillé ou travaillent encore dans la province de

Québec. Plus précisément, 24 participants ne travaillent qu’au Québec, six travaillent au Québec et

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158

ont travaillé ailleurs au Canada159, cinq travaillent au Québec et à l’international160 alors que deux

travaillent au Québec et ont travaillé ailleurs au Canada et à l’international. Le tableau qui suit est un

récapitulatif du ou des lieux géographiques de travail des participants durant leur parcours

professionnel.

Tableau 23. Lieu(x) géographique(s) de travail dans le parcours professionnel

Lieu(x) géographique(s) de travail

Québec Québec et ailleurs

au Canada Québec et à l’international

Québec, ailleurs au Canada et à l’international

Nombre de participants

24 6 5 2

5.9 Conclusion

Ce chapitre avait pour objectif de présenter les participants de manière descriptive. Nous avons d’abord

porté notre attention sur leurs familles afin de bien comprendre l’environnement dans lequel ils ont

grandi, notamment au regard des langues française et anglaise. Il s’avère que les participants à notre

recherche proviennent majoritairement de familles québécoises francophones. La majorité des parents

ont réalisé des études supérieures et ces dernières ont été, pour la plupart, réalisées en français. Si,

pour un peu plus de la moitié des parents, la langue de travail était ou est uniquement le français, pour

les autres, l’anglais était ou est présent de manière variable (notamment chez l’un ou l’autre des

parents). En outre, l’importance de la langue française était manifeste pour les parents, même si la Loi

101 ne semblait pas être un sujet de discussion en famille. Enfin, l’anglais occupait une importance

variable pour les parents.

159 Ici, nous employons le passé puisqu’au moment de l’entrevue, aucun participant ne travaillait ailleurs au Canada.

160 Nous précisons ici que certains participants ont travaillé ou travaillent à l’étranger de manière plus sporadique et pour de courtes durées alors que pour d’autres, les séjours à l’étranger s’échelonnent sur plusieurs semaines et mois consécutifs.

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159

Nous avons ensuite présenté plus spécifiquement un portrait de l’enfance et de l’adolescence des

participants. En ce qui concerne la scolarité obligatoire en français, de manière générale, les

participants disent avoir réussi assez facilement leurs études primaires et secondaires. Pour

l’apprentissage de l’anglais en milieu scolaire, si la totalité des participants a suivi des cours d’anglais

dans un programme régulier au primaire, au secondaire la proportion est davantage partagée entre un

programme régulier et un programme enrichi. Également, une faible proportion de participants a réalisé

un « bain linguistique » ainsi qu’un échange étudiant en milieu anglophone ailleurs au Canada. En ce

qui a trait à l’apprentissage de l’anglais en dehors du milieu scolaire, quelques participants ont suivi

des cours d’anglais privés alors qu’une plus grande proportion de participants a effectué un séjour

d’immersion linguistique. Au sujet des connaissances linguistiques en anglais et en français

« autorapportées » par les participants, la majorité souligne avoir une perception positive de leurs

connaissances et de leurs compétences en anglais et en français en fonction des attentes scolaires à

l’école primaire et secondaire. En ce qui concerne l’identité linguistique et civique des participants

durant leur enfance et leur adolescence, pour l’ensemble, une identité linguistique francophone était

présente alors que les identités civiques québécoise et canadienne étaient présentes de manière plus

variée. Toujours dans l’enfance et dans l’adolescence, les amitiés entretenues par les participants

étaient toutes avec des Québécois francophones dont quelques-unes avec des jeunes issus de

l’immigration, alors que les pratiques culturelles étaient généralement en français, bien que l’anglais

était aussi présent dans la musique, l’écoute télévisuelle et les jeux vidéo.

Au sujet des caractéristiques des participants lors des études collégiales en anglais, il s’avère que la

majorité est passée directement du secondaire francophone au collégial anglophone. Une minorité a

effectué un passage par le cégep francophone avant les études en anglais ou terminé les études

collégiales dans un établissement francophone ou fait une mobilité géographique pour les études dans

un cégep anglophone. La presque totalité des participants a réalisé un programme d’études

préuniversitaires dans une diversité de programmes. Plus de la moitié des participants a fait ses études

collégiales en anglais dans le temps prescrit alors que les autres ont prolongé la durée de leurs études.

Il nous a également été possible de dresser un tableau descriptif des parcours d’études supérieures

suivant le cégep anglophone. Si la presque totalité des participants a poursuivi des études supérieures

après les études collégiales en anglais, plus de la moitié l’ont fait en français. Enfin, les parcours

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professionnels des participants se déroulent, pour la majorité, dans les deux langues (français et

anglais) ainsi que dans la province de Québec.

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161

CHAPITRE 6

FAIRE L’EXPÉRIENCE DU CHOIX D’UN CÉGEP ANGLOPHONE

Ce chapitre présente les résultats de nos analyses sur les raisons de poursuivre des études collégiales

en anglais. Il s’agit de comprendre pourquoi des jeunes francophones du Québec décident d’étudier

dans un cégep anglophone après avoir réalisé des études primaires et secondaires en français. Pour

répondre à ce questionnement, nous mobilisons la théorie de la sociologie de l’expérience sociale

(Dubet, 1994b), où l’articulation par l’acteur des trois logiques d’action que sont l’intégration, la stratégie

et la subjectivation conduit à la mise au jour d’expériences de choix distinctes. Plus précisément, au

regard du choix du cégep anglophone, la logique de l’intégration – qui fait référence à l’action

traditionnelle chez Weber (1995) – renvoie à une appartenance à une communauté. La socialisation

qui lui est associée concerne l’attribution de modèles culturels de pensée et de conduite, mais aussi

de valeurs, de normes, de rôles et d’identités. Cela ferait référence à de possibles intentions

d’intégration à la communauté anglophone et aux valeurs de l’institution collégiale de langue anglaise

(Dubet, 1996, 2008; Dubet & Martuccelli, 1998). La logique de la stratégie – qui s’associe à l’action

rationnelle par rapport aux moyens chez Weber (1995) – se veut un calcul d’utilités au cours duquel

l’individu anticiperait les coûts et les bénéfices d’une formation collégiale en anglais (Dubet, 1996,

2008; Dubet & Martuccelli, 1998). La logique de la subjectivation – qui est liée à l’action rationnelle par

rapport aux valeurs chez Weber (1995) – ferait acte d’une forme d’accomplissement et de

développement personnel par la réalisation d’études dans un cégep anglophone (Dubet, 1996, 2008;

Dubet & Martuccelli, 1998).

Au regard de l’analyse de nos données, nous avons constitué une typologie d’expérience de choix. La

typologie et les types sont le fruit d’une construction par le chercheur d’expériences sous une forme

pure qui ne sont pas une copie exacte des réalités vécues par les individus. Si les types se rapprochent

plus ou moins des expériences vécues, ils sont essentiellement une interprétation et une

compréhension de la réalité sociale étudiée qui dépasse la description des données afin de montrer

les interrelations entre les logiques d’action (Schnapper, 2012). La typologie est constituée de trois

types : le choix stratégique, le choix de développement personnel (qui inclut un sous-type hybride) et

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le choix par défaut. Le choix stratégique et le choix de développement personnel (qui est le type le plus

présent dans notre corpus) sont les deux choix principaux alors que le choix par défaut concerne –

comme son nom l’indique – un choix plus secondaire en fonction d’autres impératifs. Ces trois types

de choix articulent les logiques de la stratégie et de la subjectivation, où une logique se présente de

manière plus dominante afin de singulariser chaque type. Par ailleurs, il s’avère que la logique de

l’intégration est absente dans le choix du cégep anglophone. C’est donc dire que les participants, qui

ont décidé de poursuivre des études collégiales en anglais, ne l’ont pas fait pour s’intégrer à la

communauté anglophone ou à cause des valeurs particulières associées aux établissements

d’enseignement collégial anglophones. Ce constat est révélateur quant à la compréhension des

raisons qui expliquent le choix du cégep anglophone pour des jeunes francophones.

La figure qui suit illustre les trois types d’expérience de choix selon les logiques d’action.

Figure 2. Typologie des choix du cégep anglophone

Logique de

l’intégration

6.3

Choix par défaut

6.1

Choix stratégique

Logique de

la stratégie

6.2

Choix de

développement

personnel

Sous-type

hybride

Logique de la

subjectivation

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163

6.1 Choix stratégique

Le choix stratégique est l’expérience de choix du cégep anglophone de huit participants sur 37. Ce

type se caractérise par une nette dominance de la logique de la stratégie, reléguant ainsi la logique de

la subjectivation au second plan dans l’articulation de cette expérience. Dans ce type, la logique de la

stratégie se présente au travers d’un discours sur la valeur et l’importance de l’anglais dans le marché

social de l’emploi (Dubet, 1994b, 2008, 2017). C’est dire ici que pour ces francophones, la perception

de l’utilité des études dans un cégep anglophone est manifeste. En effet, les études dans une langue

seconde, en l’occurrence en anglais, sont vues comme une manière d’acquérir des qualifications

linguistiques profitables sur le marché de l’emploi (Dubet, 2008). Le calcul du coût et des bénéfices

associés aux études dans un cégep anglophone est considéré comme positif dans une projection sur

le marché du travail (Dubet, 1996; Dubet & Martuccelli, 1998). Cette importance de l’anglais est

manifeste, tant dans un marché du travail québécois qu’international où, rappelons-le, l’anglais détient

un pouvoir important et où le bilinguisme est vu comme une ressource (Heller, 2005; Heller & Boutet,

2006). Ces discours stratégiques sur l’importance de l’anglais et des études dans un cégep anglophone

sont parfois renforcés par la famille et, dans une moindre mesure, par l’école et les pairs. Ainsi, le choix

stratégique met de l’avant un acteur stratège et calculateur (Dubet, 1994b) dans la compréhension du

choix du cégep anglophone.

Si le choix stratégique du cégep anglophone renvoie à l’acquisition de qualifications jugées profitables

sur le marché de l’emploi (Dubet, 2008), celles-ci concernent essentiellement la langue anglaise et le

bilinguisme qui en découle. En effet, chez les participants qui s’inscrivent dans ce type, on retrouve

une conscience éclairée de l’importance de l’anglais et d’être bilingue pour le marché du travail :

« Donc ça va m’aider à mieux comprendre l’anglais. Puis le but c’était de devenir vraiment bilingue

pour le marché du travail. C’était vraiment… une démarche consciente » (Olivier, Collège

Marianopolis). En ce sens, les connaissances en anglais acquises lors des études collégiales en

anglais sont perçues comme une manière d’élargir ses possibilités sur le plan professionnel, « d’ouvrir

des portes ».

L’importance que représente l’anglais sur le marché du travail semble significative pour les participants,

même dans une province francophone comme le Québec : « Ça m’intéressait d’apprendre l’anglais.

Veut, veut pas, je trouvais dans... au Québec, même si on travaille en français, l’anglais est primordial »

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(Marc-André, campus Saint-Lambert du Collège Champlain). Il y a une conscience que le Québec

n’évolue pas en vase clos dans une Amérique du Nord anglophone et dans une économie mondialisée

où l’anglais occupe une place centrale :

Rendu au point où est-ce que j’en étais, j’avais comme réalisé l’importance de cette langue-là... En fait, les portes que ça ouvre au point de vue professionnel pour pouvoir, non seulement travailler à l’extérieur, mais même travailler ici, mais en étant en contact avec des gens de l’extérieur, même ici avec des gens d’ici qui font affaire en anglais. Donc, c’était vraiment... c’était vraiment ça pour moi, d’aller apprendre l’anglais, d’être capable de travailler dans cette langue-là d’un point [de] vue professionnel. (Pierre, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Les connaissances en anglais découlant des études dans un cégep anglophone sont considérées

comme la clef de voûte pour accéder à un marché de l’emploi compétitif : « Je voulais pas, si on peut

dire, être trié [non retenu] avec seulement une langue [le français] » (Guillaume, Collège Vanier). Dans

une perspective certaine de concurrence à l’embauche (Dubet & Martuccelli, 1996b, 1998), elles sont

considérées comme un avantage sur de potentiels candidats unilingues :

C’est sûr que tu sais, si je m’étais dit ça servira à rien dans ma vie, je le ferai pas… Mais je savais que pour moi, ça allait me donner un edge [plus-value] par rapport à d’autres personnes qui auraient pas… Parce que dans la profession que je me voyais, dans la carrière que je voulais obtenir je savais que j’en avais de besoin puis je voulais me différencier des autres de cette façon-là. (Alexandre, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Plus encore, le choix du cégep anglophone et les qualifications linguistiques qui en découlent sont

manifestes, autant chez les participants dont le plan de carrière est déterminé que chez ceux pour qui

il ne l’est pas. Pour ceux dont le plan de carrière est établi, la connaissance de l’anglais représente un

atout, voire une nécessité pour atteindre des objectifs professionnels :

Pourquoi un cégep en anglais ? C’était pour commencer à apprendre l’anglais. Rendu en secondaire 5, je me suis quand même rendu compte que je parlais pas très bien anglais et que l’anglais était quand même assez nécessaire. Moi, je savais que je voulais aller dans un domaine plus scientifique et que l’anglais était nécessaire pour pouvoir percer ou pour au moins réussir dans le domaine. Ça pouvait se faire en français, mais ça diminuait quand même mes chances. Puis je trouvais que la meilleure manière d’apprendre l’anglais, c’était d’aller étudier, commencer par étudier en anglais […] C’est vraiment mon but, c’est d’apprendre l’anglais pour ma carrière. C’était vraiment ça la principale motivation. C’est pour atteindre mon objectif de carrière final que j’avais… que je suis allé là surtout […] Je savais très bien dans quoi fallait que j’étudie. Mon plan était très bien dessiné si on peut dire ça. (Simon, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

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Dans le cas de ceux qui n’ont pas encore de projets de carrière, cela ne les empêche pas de

comprendre déjà l’importance de l’anglais sur le marché du travail :

En fait, je savais que c’était important, mais tu sais je savais pas encore pour quel objectif précisément. Tu sais, c’était pour le travail, ça, je le savais, mais... C’était comme le premier but, c’était de l’apprendre puis la suite viendra. Parce que je savais qu’il aurait pas de suite sans ça en fait. (Philippe, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Si le choix du cégep anglophone se fait pour avoir un avantage sur le marché de l’emploi, il se rattache

parfois à un projet de mobilité géographique : « Je savais que je voulais voyager à l’étranger dans ma

carrière plus tard » (Philippe, campus St-Lawrence du Collège Champlain). En effet, une carrière à

l’extérieur du Québec, notamment à l’international, est, dans certains cas, ciblée et la connaissance

de l’anglais apparaît alors comme incontournable :

Parce que j’ai toujours voulu voyager, j’ai toujours voulu avoir une carrière, disons, multinationale. Donc je réalisais dès ce moment-là que… avec seulement le français, j’aurais peut-être été limité dans mes ambitions […] Je suis allé en anglais parce que je voulais garder des portes ouvertes, mais j’avais pas un métier ciblé en tant que tel, mais je voulais… je savais que… j’ai toujours trouvé la notion de pouvoir travailler dans d’autres pays comme étant quelque chose de très… cool. Donc, je voulais absolument garder ça d’ouvert comme option. (Guillaume, Collège Vanier)

Ainsi, la langue anglaise est considérée comme une langue de mobilité géographique pour le travail :

Bien professionnellement parlant. Je pense que c’est ça parce que… à l’époque, je pense que l’anglais était vraiment vu comme la langue de l’avenir. Il y avait beaucoup de choses qui étaient faites en anglais puis à part… Québec et la France, en gros là, c’est sûr qu’il y a d’autres pays francophones ou d’autres états [où] on parle français, mais tu sais il y avait beaucoup plus… de pays ou de places où on parlait anglais que français donc c’est ça. Ça pouvait ouvrir des portes à ce niveau-là. (Sandrine, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Le choix stratégique est parfois renforcé par la famille et, dans une moindre mesure, par l’école et les

pairs qui véhiculent des discours quant à l’importance de la langue anglaise.

Dans certains cas, l’influence stratégique de la famille se remarque dès l’enfance et l’adolescence alors

que des parents ne tardent pas à mentionner l’existence des cégeps anglophones au Québec, mais

surtout la possibilité d’y réaliser des études pour les francophones :

Je me rappelle qu’il [son père] m’a parlé de l’obligation d’aller en français et tout ça et du fait aussi que dès qu’on allait terminer le secondaire, qu’on devrait aller en anglais parce

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que là, on avait le choix. Donc ça… il me l’a probablement dit assez souvent pour me convaincre. (Olivier, Collège Marianopolis)

D’autres parents mentionnent même les expériences positives et les effets profitables que des

connaissances francophones de leur entourage ont retirés après avoir effectué ce choix :

Arrive, mettons je dirais autour de secondaire 4, commence à penser à nos choix... à nos choix futurs. Puis, sans insister, mes parents me posent des questions sur qu’est-ce que je voulais faire et tout. Puis, ils mentionnent que des gens qu’ils connaissent ont fait leur collégial en anglais puis qu’ils avaient pas regretté. Puis, pour rendu au niveau cégep, bien on peut choisir la langue d’enseignement à notre gré. (Pierre, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Plus encore, des parents soulignent clairement les avantages liés à la connaissance de l’anglais pour

la carrière professionnelle : « Ma mère trouvait que c’était une opportunité géniale de maîtriser ces

deux langues [le français et l’anglais] qui, selon elle, sont très importantes dans le monde des affaires

et dans le monde international » (Guillaume, Collège Vanier). L’apprentissage de l’anglais, dans le

cadre des études collégiales en anglais, est dès lors vu comme un « investissement » qui représente

une plus-value, voire une nécessité dans le marché de l’emploi actuel. C’est parfois par leur expérience

personnelle et professionnelle, où l’anglais est présent, que des parents encouragent l’apprentissage

de l’anglais avant l’entrée sur le marché du travail :

Mes parents me faisaient beaucoup réaliser l’importance de parler anglais surtout dans... beaucoup plus dans la région de Montréal. On le réalisait de plus en plus. Mon père avait des offres d’emploi qui requéraient beaucoup plus le bilinguisme et ma mère tout autant. Et puis, elle, ça la bloquait d’autant plus. Fait qu’elle trouvait ça bien important qu’on soit capable de se débrouiller dans cette langue-là. Puis elle avait vu une grosse, grosse différence entre mettons Québec et Sherbrooke et la banlieue de Montréal au niveau de ce requis-là d’avoir la langue pour travailler. (Pierre, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Au sein de la famille, c’est aussi parfois les frères ou les sœurs plus âgés qui nourrissent un discours

sur l’importance de l’anglais, alors qu’eux-mêmes ont fréquenté le cégep anglophone. Leur choix, leur

expérience et le parcours qu’ils ont réalisé encourage certains dans leur choix d’emprunter la même

voie :

Mon frère avait fait le saut comme ça auparavant et je voyais qu’il se débrouillait très bien en anglais étant donné qu’il a 10 ans de plus que moi. Comme moi je commençais à y penser à faire le saut en anglais, lui il avait déjà presque fini l’université donc il se débrouillait très bien en anglais. (Guillaume, Collège Vanier)

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Si l’influence familiale est la plus manifeste dans le choix stratégique de fréquenter un cégep

anglophone, les influences des groupes de pairs et de l’école ont néanmoins une certaine importance.

En effet, certains pairs avec lesquels des francophones ont réalisé leur scolarité primaire et secondaire

influencent le choix. Dans certains cas, un groupe d’amis décide de s’inscrire au cégep anglophone,

créant ainsi un « effet de gang » : « Bien dans ma classe au secondaire, je vous dirais il y en a, peut-

être la moitié, qui sont venus à ce cégep-là » (Marc-André, campus Saint-Lambert du Collège

Champlain).

L’école aussi participe à véhiculer un discours sur l’importance de l’anglais, ce qui renforce le choix

stratégique du cégep anglophone. Ce discours provient parfois des enseignants :

Les professeurs à l’école insistaient là-dessus, puis pas seulement les professeurs d’anglais, les professeurs aussi. Bon, on avait des cours de choix de carrière aussi, ce genre de cours là, puis entre... ça se jasait un petit peu veut, veut pas entre étudiants aussi. Fait que c’était juste une impression générale que j’ai dans ce temps-là, que c’était un petit peu une préoccupation quand même, qu’on entendait ou que j’entendais souvent. (Pierre, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Il est aussi véhiculé par les conseillers en orientation qui sont des acteurs de l’orientation scolaire et

professionnelle :

C’était valorisé dans un discours puis c’est bien apprendre l’anglais. Et que c’était comme, l’anglais est nécessaire maintenant dans notre société pour idéalement avoir plus d’options de carrière et que c’est plus… le discours que je me souviens un peu du conseiller en orientation, c’est un peu que c’est plus [moins] comme dans le temps de nos parents où quelqu’un peut… va nécessairement réussir à bien gagner sa vie s’il reste toujours dans la même ville. Donc c’est pas sûr, on n’est pas garanti de pouvoir vivre à Québec si on veut dire dans un milieu francophone. C’est d’ouvrir ses portes, puis aller à aller à Ottawa, Montréal ou même ailleurs si nécessaire. (Simon, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Le choix stratégique du cégep anglophone est donc l’un des types d’expérience de choix qui constitue

notre typologie. Dans ce choix, la logique de la stratégie domine alors que des considérations

essentiellement liées à la valeur de l’anglais sur le marché du travail se manifestent (Dubet, 2008).

Cela étant dit, le choix stratégique n’est pas la seule explication du choix du cégep anglophone,

puisque plusieurs francophones font également ce choix dans une perspective de développement

personnel.

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6.2 Choix de développement personnel

Le choix de développement personnel, qui concerne 23 participants sur 37, présente une dominance

de la logique de la subjectivation alors que le choix du cégep anglophone est davantage fait dans une

perspective de réalisation intellectuelle (Dubet, 1996, 2008). Ce choix concerne alors une certaine

forme d’accomplissement qui ne tient pas compte des finalités qui, elles, sont liées à l’utilité du choix

dans une perspective calculée et stratégique (Dubet, 1994b, 2009, 2017). Plus concrètement, dans ce

type, le choix du cégep est guidé par un souhait de développer des connaissances en anglais, un désir

d’ouverture à d’autres cultures et une ambition de relever un défi personnel. Alors que le choix du

cégep anglophone se fait pour des raisons dites d’accomplissement et de réalisation intellectuelle

(Dubet, 1996, 2008) qui ne s’inscrivent pas dans des finalités (Dubet, 1994b, 2009, 2017), pour certains

participants, des visées stratégiques se présentent également dans leur choix. Nous présentons donc

le type de choix de développement personnel, d’abord sous sa forme dite « pure » (Schnapper, 2012;

Weber, 1995), où seule la logique de la subjectivation se manifeste, pour ensuite présenter ce type –

vu comme un sous-type hybride – dans son articulation avec la logique de la stratégie. Soulignons que

ce type est le plus présent dans notre corpus.

Dans sa forme « pure », le choix de développement personnel ne concerne que la logique de la

subjectivation. Il se décline d’abord dans la recherche de développement de connaissances

linguistiques en anglais, sans visée stratégique explicite. Ici, le choix du cégep anglophone s’effectue

pour apprendre l’anglais : « Je m’étais dit, ce serait une bonne manière d’apprendre l’anglais, d’aller

au cégep en anglais » (Charlotte, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Ce choix permet aussi

d’atteindre un bilinguisme : « Je me disais, j’aimerais ça être vraiment bilingue. Être aussi bonne en

français qu’en anglais » (Nathalie, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Dans ce contexte, le

souhait d’apprendre adéquatement l’anglais se manifeste alors que certains participants qualifient leurs

connaissances actuelles en anglais comme plutôt faibles : « j’espérais pouvoir apprendre l’anglais

parce que j’étais vraiment poche [mauvaise]! » (Pénélope, Collège Vanier). Cette auto-évaluation se

produit, entre autres, au terme d’une scolarité primaire et secondaire en français où les apprentissages

en anglais sont jugés insuffisants : « Je trouvais que de se faire enseigner par des enseignants

francophones [dans les cours d’anglais] tout mon secondaire, j’ai pas appris grand-chose » (Xavier,

campus St-Lawrence du Collège Champlain).

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Également, l’intérêt pour l’apprentissage de langues secondes – dont l’anglais – se manifeste chez

certains. Par le choix du cégep anglophone, il y a la possibilité d’apprendre des langues secondes

dans le cadre d’un programme d’études précis, tout comme dans un cégep francophone, mais en

ajoutant l’anglais comme langue d’études collégiales :

J’étais toute dans ma bulle, dans mon euphorie d’apprendre des langues. Fait que c’est pour ça que je suis arrivée ici en langues même si c’était à St-Lawrence, c’était en langues fait que j’avais des cours de français, des cours d’anglais, des cours d’espagnol et des cours d’allemand. Fait que c’était aussi l’aspect langues au pluriel qui m’intéressait. Je suis comme, j’ai appris l’anglais, j'ai été capable d’apprendre l’anglais puis là je voulais me lancer un autre défi là! J’en apprends une autre tiens! Fait que ça aussi ça m’a beaucoup intéressé là-dedans. (Annabelle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Enfin, l’apprentissage de nouvelles matières au cégep, avec un nouveau vocabulaire en français ou

en anglais, apparaît comme équivalent, ce qui motive le choix du cégep anglophone :

Je me suis dit de toute façon je vais apprendre des nouvelles choses. Apprendre des nouveaux mots en anglais ou en français, c’est un peu la même chose. La base autour reste pareille, tu sais à part les chiffres on s’entend que... les mots ça bougent. Quand tu apprends de la nouvelle matière, tu as des nouveaux mots de toute façon. Puis je me suis dit go. (Julie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Si le développement de connaissances linguistiques en anglais explique le choix du cégep anglophone

au regard d’un développement personnel et d’un accomplissement intellectuel qui caractérisent la

logique de la subjectivation, ce choix est aussi effectué pour s’ouvrir à d’autres cultures. Le passage

par le cégep anglophone est effectivement perçu comme une manière de créer une ouverture sur le

monde, un premier pas vers des rencontres interculturelles :

Moi, j’avais beaucoup de correspondantes à travers le monde… Adolescente, je rêvais de… comment je pourrais dire… de voyager! Pas nécessairement pour dire je m’en vais avec mon petit sac à dos toute seule pendant un an faire le tour de l’Europe admettons, mais j’avais quand même un intérêt à découvrir le monde. (Jessica, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Ces différentes cultures sont vues comme plus présentes dans ce type d’établissement qu’est le cégep

anglophone : « Tu as tellement du monde de partout puis surtout un milieu anglophone, tu as

vraiment… plein de cultures. Puis je pense que c’est ça qui m’attirait aussi » (Raphaëlle, Collège

Dawson).

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L’ouverture à d’autres cultures est parfois plus spécifiquement liée à une ouverture à la culture nord-

américaine anglophone, notamment états-unienne :

C’était surtout pour pouvoir me déplacer, aller aux États-Unis, voyager puis toujours être apte à parler avec les gens. Plus découvrir... en découvrir par rapport à leur culture. Puis j’étais toujours curieuse face aux émissions anglophones c’était... c’était autre chose qu’on était habitué de voir puis j’étais vraiment attirée par... tu sais par toutes les émissions aux États-Unis. Puis tout ça, c’était différent de ce qu’on voyait à la télévision puis j’avais un intérêt à comprendre puis... comprendre tout ce qui se passait là... Tu sais, je voyais que c’était autre chose puis je voulais comprendre ce qui se disait devant moi à la télévision. (Amélie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

La recherche d’ouverture à d’autres cultures se présente aussi de manière plus locale avec le désir

d’entrer en contact avec la culture anglo-montréalaise :

Je me souviens qu’un moment donné, j’ai commencé à penser à aller dans un cégep anglophone puis ça a vraiment juste été un truc d’exotisme, d’aller découvrir autre chose. C’est vraiment […] d’aller juste observer. Juste par curiosité. Vivre autre chose. Un peu me dépayser. Ça a vraiment été ça le but, me dépayser, côté exotique. Voir l’autre côté, l’autre versant de Montréal parce que quand tu es à Montréal tu vois vraiment – et à [ville de la Rive-Nord de Montréal] – mais quand tu es à Montréal tu vois vraiment cette double… double culture en présence. Tu le sens puis tu le vois, tu vis avec, mais tu traverses jamais de l’autre côté. Tu sais jamais c’est quoi la vie des anglophones et vice versa. Donc il y avait cette espèce de curiosité là. Ce que j’avais envie de savoir c’est ça, c’était un peu… tu sais, cette espèce de curiosité là de connaître l’Homme. (Laurence, Collège Vanier)

Les participants qui s’inscrivent dans le choix de développement personnel l’expliquent aussi par la

recherche d’un accomplissement personnel – caractéristique de la logique de la subjectivation – où les

études dans un cégep anglophone sont vues comme un défi personnel à relever :

En fait c’est un défi que je voulais relever […] Puis, quand je dis relever le défi, c’était pas nécessairement pour me prouver que j’étais capable d’aller au cégep en anglais puis de me péter les bretelles là! C’était plus… je me disais tu sais il me semble… j’aimerais ça vivre l’expérience d’études en anglais. Puis là je me disais si jamais j’essaye, ça fonctionne pas ou quoi que ce soit, il y a rien qui m’empêche de changer par la suite, mais je voulais essayer ça […] Comme je te dis, bon c’est ça, je voulais relever le défi plus personnel, voir c’était quoi. (Jessica, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Le défi personnel que représentent les études collégiales en anglais est également associé au fait

d’être un bon élève. Autrement dit, bien réussir à l’école va de pair avec une certaine maîtrise d’une

ou de langues secondes :

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Au secondaire, j’avais quand même un très bon rendement académique… J’étais avec des amis qui réussissaient relativement bien aussi de façon générale. Je pense que ma perception au secondaire de bon rendement académique puis d’être bon à l’école impliquait, je ne sais pas pourquoi, mais nécessairement quand même une maîtrise des langues aussi. Puis je voyais comme un défi supplémentaire en allant à l’école anglophone. Ça cadrait bien dans la continuité d’un bon rendement académique… (Mathieu, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Les études collégiales en anglais apparaissent alors comme un défi personnel à relever : « Je voyais

le positif puis je me disais… j’appréhendais pas peut-être les difficultés qui sont arrivées par après

pendant ces deux années-là, mais je le voyais comme un défi » (Justine, campus St-Lawrence du

Collège Champlain). Ainsi, malgré l’ampleur du défi que peut représenter le choix de poursuivre des

études collégiales en anglais, cela peut constituer un défi positif : « Moi, j’aime ça les aventures »

(Sophie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Les participants qui s’inscrivent dans ce type – ici vu dans sa forme « pure » – mentionnent ne pas

avoir de plan de carrière au moment du choix du cégep anglophone, ce qui permet de souligner que

ce choix se déploie essentiellement dans une logique de subjectivation et n’est pas guidé par une

logique stratégique :

C’était pas nécessairement une question de carrière plus tard ou… Je pense que c’était juste de l’enrichissement personnel […] L’anglais était pas un plus côté carrière. C’était un plus côté personnel, enrichissement, mais pas côté carrière. Je me disais pas « Ah oui ça, ça va m’être utile plus tard ». Pas du tout. C’est comme « Ah oui, ça va être le fun de l’apprendre ». C’est plus présent que futur. (Audrey, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Plus encore, à la différence du premier type de choix stratégique, où la famille influence le choix du

cégep anglophone, il semble ici que, dans certains cas, la famille ne connaissait pas les cégeps

anglophones : « Mes parents trouvaient ça important qu’on parle anglais, mais jamais ils m’ont dit ˝Ça

serait le fun que tu ailles˝… Je pense qu’ils ne connaissaient même pas ça [le cégep anglophone] »

(Gabrielle, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Aussi, le choix du cégep anglophone semble

ne pas être compris par certains parents :

Pour elle [mère], elle voyait pas d’utilité, elle voyait comme peut-être plus quelque chose de pas sérieux qui pourrait peut-être me ralentir dans mon cheminement […] Puis, tu sais dans la continuité… je veux dire, pourquoi aller là ? Je veux dire, je suis francophone, des études francophones tu peux très bien réussir dans la vie tout en étant francophone donc… c’est ça. (Laurence, Collège Vanier)

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172

La perspective de développement personnel permet de comprendre que le choix du cégep anglophone

s’effectue au regard d’une recherche de réalisation et d’accomplissement personnel qui, dans sa forme

« pure », ne s’inscrit pas dans une finalité liée à un calcul stratégique (Dubet, 1996, 2008). Or, il serait

faux d’avancer que le choix de développement personnel ne se déploie que dans sa forme dite

« pure », où la logique de la subjectivation domine. Pour certains participants qui s’inscrivent dans le

choix de développement personnel, l’articulation de la logique de la subjectivation avec la logique

stratégique permet de comprendre que leur choix est aussi ancré dans des finalités et dans une

conscience d’utilité liée à leurs études et – comme dans le type du choix stratégique – au marché du

travail (Dubet, 1994b, 2009, 2017). Ce sous-type hybride montre que, pour certains, malgré leur intérêt

plus « personnel » face à l’anglais, il y a la conscience que les compétences en anglais acquises au

cégep anglophone constituent un atout stratégique à plusieurs égards.

Les études collégiales en anglais représentent un défi personnel qui s’associe à un « challenge » pour

maintenir des efforts à l’école. Ainsi, le choix du cégep anglophone se fait pour augmenter les efforts

à déployer pour assurer une forme de succès dans les études. Il y a donc ici une conscience de l’utilité

des études au-delà de l’intérêt personnel manifesté face à l’anglais. Une articulation entre les logiques

de la subjectivation et de la stratégie se manifeste alors :

Je me suis dit la meilleure façon de me forcer à écouter dans une classe, c’est de me donner un challenge puis d’y aller en anglais […] D’une part, c’était pour me forcer à devoir écouter et aller en classe. Chose que je sais très bien qu’à ce moment-là j’aurais pas fait dans un cégep francophone parce que ça aurait été trop facile encore. Deuxièmement, je trouvais ça vraiment important aussi de me forcer à aller apprendre l’anglais parce que je savais que c’était ça qui était pour m’ouvrir plein de portes plus tard sur le marché du travail. (Pénélope, Collège Vanier)

Si l’apprentissage de l’anglais par l’expérience dans un milieu anglophone qu’est le cégep anglophone

est souhaité, on observe aussi une conscience éclairée que les connaissances acquises en anglais

constituent une plus-value en vue d’un projet d’études universitaires :

C’était surtout… de pouvoir vraiment améliorer ma connaissance de l’anglais, pouvoir dire que j’ai vraiment évolué en milieu anglophone puis vraiment comprendre aussi le langage scientifique anglophone. Parce que j’allais en étude des sciences donc c’était… ça faisait une différence pour moi de justement d’avoir… c’était cette chance-là d’étudier en milieu anglophone puis de s’améliorer puis d’apprendre les aspects scientifiques un peu plus anglophones que francophones. (David, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

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173

Se manifeste aussi la conscience éclairée que le choix du cégep anglophone, s’il nourrit un désir de

développement personnel, permettra également de bonifier les compétences professionnelles au

regard des langues :

Je me disais que l’anglais c’était pour être une corde de plus à mon arc… que j’améliore mon anglais, que ce soit pour voyager plus tard ou que ce soit pour travailler dans le domaine [d’études] [souhaité]. Donc, j’avais vraiment aussi une optique que ça m’aide dans ma profession puis que ça m’aide dans mes projets futurs de découvrir le monde. (Jessica, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Ces compétences sont jugées pertinentes pour le marché du travail, même si le plan de carrière n’est

pas encore déterminé au moment du choix du cégep :

Ça m’a mené quand même à penser qu’au cégep, ça pourrait être encore plus bénéfique parce que j’aimais quand même la langue [anglaise], [mais] je ne savais pas encore quoi faire. Donc… je savais juste que l’anglais pourrait être pertinent, peu importe ce que je faisais, mais pas en termes de choix professionnel spécifique. (Mathieu, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Les connaissances en anglais acquises au cégep anglophone sont considérées comme une ouverture

à davantage de possibilités professionnelles, notamment à l’international :

C’est de le perfectionner [son anglais] et de le rendre à un niveau où justement tu sais c’était… c’est de le rendre au même niveau ou à peu près que le français quoi. Tu sais, c’est pas tant le perfectionner que d’avoir un niveau de langue équivalent en français et en anglais pour dire que j’étais vraiment totalement bilingue. Puis dans ma façon d’écrire aussi. Pouvoir travailler ou bien étudier dans un contexte anglais pour moi c’était un peu […] Je me disais aussi qu’un jour tu sais si j’avais à travailler ou [à être] appelée à avoir des mandats extérieurs ou étudier à l’extérieur, ce serait pertinent d’avoir des bonnes bases puis de maîtriser l’anglais quoi. (Delphine, Collège Vanier)

Également, l’intérêt personnel face à l’apprentissage de l’anglais s’articule avec le choix plus

stratégique de continuer à déployer des efforts, au regard du parcours antérieur, dans la connaissance

de l’anglais :

Moi, je pense que c’était plus une suite logique d’événements. Avec tout le parcours que justement j’avais là. Les camps, l’échange […] C’était plus logique pour moi de continuer en anglais justement peut-être parce que j’avais… on [la famille] avait, tu sais, tellement mis d’argent puis d’efforts pour que je sois rendue bilingue ou peu importe alors… Je pense que c’était rendu juste logique que j’aille en anglais. (Valérie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Autrement dit, il y a le souhait de conserver les acquis en anglais réalisés par le passé :

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Donc, on dirait qu’en secondaire 5, je pense que je me suis dit ˝ce serait con d’avoir fait cinq ans en immersion anglaise puis après ça de faire tout le reste de ma scolarité en français, travailler en français puis perdre mon anglais˝. Parce que coudonc, cinq ans en anglais c’est bien, mais c’est pas assez pour te rendre bilingue puis pour faire que tu perdes jamais ton anglais. Faut que tu gardes… faut que tu continues à travailler puis à le pratiquer puis apprendre surtout! Donc, oui. Je pense que je m’étais… je m’étais surement dit ça. Qu’il fallait que je garde mon anglais. Je continue à progresser. Puis je trouvais que c’était quand même bien, tu sais je le savais qu’il y avait pas des cégeps anglophones partout au Québec. Donc, j’en avais un à Québec. Fallait en profiter, j’imagine. (Nathan, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

L’importance de conserver les connaissances en anglais devient même une forme d’impératif qui peut

pousser à la mobilité géographique :

Pour moi c’était… c’était vraiment inévitable il fallait que j’aille en anglais pour pouvoir le garder. C’est pas à Québec que, dans ce temps-là voilà 6-7-8 ans, l’anglais était vraiment pas autant qu’aujourd'hui. Alors c’est vraiment important pour moi de le garder là. Je voulais pas gaspiller mon année [dans un pays étranger anglophone]. Je voulais m’assurer que mon bilinguisme… Comment ? Mon Dieu, que je perde pas mon anglais! (Noémie, Collège Dawson)

Le choix de développement personnel que nous venons de présenter est le deuxième type de notre

typologie du choix du cégep anglophone. Ce choix, qui s’inscrit foncièrement dans la logique de la

subjectivation, met de l’avant l’idée d’un accomplissement lié aux études dans un cégep anglophone

qui ne tient pas compte des finalités associées à un calcul des coûts et des bénéfices dans une

perspective prospective (Dubet, 1994b, 2009, 2017). Si ce type se présente sous une forme plus

« pure » (Schnapper, 2012; Weber, 1995) au travers de la logique de la subjectivation pour des jeunes

francophones, certains l’articulent avec la logique de la stratégie au sein d’un sous-type hybride. Dans

cette variation, le choix du cégep anglophone s’effectue au regard d’une forme d’accomplissement

personnel lié à l’apprentissage de la langue anglaise, mais où une conscience de la valeur de la

connaissance de l’anglais pour le marché du travail se manifeste (Dubet, 2008). Notre typologie du

choix du cégep anglophone se termine avec un troisième et dernier type qui est le choix par défaut.

6.3 Choix par défaut

Le dernier type de notre typologie du choix du cégep anglophone est celui du choix par défaut, qui

touche six participants sur 37. À la différence des deux autres types que sont celui du choix stratégique

et du choix de développement personnel, ce type ne fait pas intervenir la langue anglaise au premier

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plan, mais plutôt au deuxième. Autrement dit, une raison extérieure à la langue anglaise conduit à

choisir le cégep anglophone. En effet, il concerne plus spécifiquement l’impossibilité d’accès à des

établissements d’enseignement supérieur de langue française, la réalisation d’un programme d’études

spécifique et la pratique d’un sport. Ce choix par défaut apparaît alors comme plus marginal pour les

francophones rencontrés. Dans cette expérience de choix par défaut, la logique de la stratégie domine

tandis que celle de la subjectivation se trouve plus secondaire. Plus encore, dans ce type, la logique

de la stratégie s’articule différemment que dans le choix stratégique, en ce sens que l’acquisition de

qualifications, qui sont alors vues comme profitables sur les marchés sociaux, ne concerne pas le

marché du travail, mais bien le marché scolaire collégial (Dubet, 2008). Ici, il n’est pas – en premier

lieu – question du choix du cégep anglophone pour acquérir une langue qui possède une valeur sur le

marché du travail et qui amènera à une forme de rentabilité dans le futur. La langue anglaise y occupe

tout de même une certaine place après que le choix par défaut a été fait. Les participants qui

s’inscrivent dans ce type de choix en arrivent à considérer, en deuxième lieu, des avantages de réaliser

leurs études collégiales en anglais pour le marché du travail (Dubet, 1996, 2008; Dubet & Martuccelli,

1998).

Pour certains, l’expérience de choix par défaut renvoie à un choix qui se fait parce que l’admission

dans un établissement collégial de langue française n’est pas possible (ex. : moyenne insuffisante lors

des études secondaires). Une demande d’admission dans un cégep anglophone devient alors la seule

option pour continuer ses études à l’enseignement supérieur :

Donc je suis allé à Vanier. Ça, ça m’est resté avec un goût quand même amer parce que c’est à ce moment-là que dans ma tête, je me suis dit… avant de commencer à imposer aux gens de… tu sais d’étudier dans une langue ou quelque chose comme ça, tu pourrais commencer par accepter les francophones dans les cégeps français avec les mêmes conditions que le cégep anglais m’avait accepté. Donc, c’est certain que si [nom du cégep francophone] m’avait permis de faire soit un examen de français, soit un cours d’appoint, c’est certain que j’aurais pu réussir très bien en français. Ce qui a été démontré par ce que j’ai fait dans le reste de ma vie. Sauf que là, voilà, c’est Vanier qui m’a accepté puis ils m’ont enseigné l’anglais. Puis voilà. C’est là que j’ai étudié. (Antoine, Collège Vanier)

Dans d’autres cas, l’expérience du choix par défaut s’explique par l’ambition de suivre un programme

d’études spécifique qui est uniquement offert dans un cégep anglophone :

Moi je me suis dit, moi je veux vraiment étudier ça. Fait que d’abord je vais apprendre l’anglais parce que moi c’est ça que je veux faire. Fait que je suis pas allée apprendre l’anglais pour apprendre l’anglais, c’était vraiment détourné parce qu'il y avait juste ce

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176

programme-là, ce programme-là se donnait juste en anglais. (Béatrice, Collège John Abbott)

La pratique d’un sport au secondaire conduit à vouloir intégrer, suite à un recrutement ou non par une

équipe sportive collégiale, un programme de sport-études offert dans le cégep anglophone : « Ça avait

rien à voir avec… avec l’anglais vraiment. C’était à cause du [nom du sport] » (Maude, Collège John

Abbott). Cela génère parfois des dilemmes entre le désir de continuer à pratiquer un sport et le fait de

devoir étudier en anglais :

Il y avait deux choix… bien dans le fond deux raisons. La première c’est, je jouais au [nom du sport] au secondaire, fin de secondaire. Puis, il y a un des recruteurs du cégep John Abbott qui m’a approché pour jouer, m’a recruté pour jouer dans l’équipe de [nom du sport] du cégep. Fait qu’il m’a approché. Tu sais, c’est sûr que j’étais intéressé… Bien il y a des côtés négatifs là, justement d’aller étudier en anglais. Puis d’aller à Montréal sauf que… Ça, c’était la première raison dans le fond, de pouvoir jouer au [nom du sport]. Je voulais continuer là-dedans fait que c’était une belle opportunité d’y aller. Sinon, au cégep en français, il y avait pas vraiment de possibilités de continuer à jouer au [nom du sport] […] C’est sûr que si j’avais pas été approché… je pense pas que j’aurais… je suis pas mal certain même que je serais pas allé au cégep en anglais. (Étienne, Collège John Abbott)

Comme déjà mentionné, dans le choix par défaut, le cégep anglophone est choisi en premier lieu pour

des raisons extérieures à la langue anglaise. Cependant, la langue anglaise intervient en second lieu :

Le fait d’aller en anglais à ce moment-là, j’apportais pas une grosse importance à ça, mais je trouvais que c’était dans le fond une bonne affaire-là, tu sais. Bon OK, tant mieux, je vais apprendre l’anglais simultanément. Fait que c’est sûr que la langue a été moins importante que le fait d’aller faire du sport-études… (Vincent, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Dans l’expérience de choix par défaut, l’apprentissage de l’anglais qui peut être réalisé durant les

études collégiales peut donc devenir un élément relativement positif dans la décision : « Mais aussi

parce que c’était en anglais. Moi je trouvais… tu sais je voulais apprendre l’anglais dans le fond. Je

me disais… c’est comme, ce serait une bonne affaire de joindre ça » (Maude, Collège John Abbott).

Le choix du cégep anglophone comme un choix par défaut amène aussi, en second lieu, à prendre en

considération l’avantage que cela peut représenter sur le marché de l’emploi que de fréquenter un

cégep anglophone et d’y acquérir l’anglais :

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Je pense que le [nom du sport] était plus important tout en me disant que l’anglais je… c’est sûr que je vais m’améliorer puis que ça va m’aider dans le futur. C’était vraiment plus de ce côté-là que je le voyais. Je le voyais comme un… un gros défi, mais qui allait quand même me rapporter… à long terme. (Étienne, Collège John Abbott)

Dans le choix par défaut, la logique stratégique est saillante pour expliquer le choix du cégep

anglophone, mais contrairement aux deux autres types, la langue anglaise intervient de manière plus

secondaire alors que d’autres impératifs conduisent à expliquer d’abord et avant tout le choix. Il

s’articule ainsi dans une logique de stratégie qui s’inscrit davantage dans le moment présent que dans

l’anticipation du marché du travail (Dubet, 2008).

6.4 Conclusion

Cette typologie des expériences de choix d’étudier dans un cégep anglophone permet de répondre à

notre premier objectif spécifique qui est celui d’identifier les raisons de poursuivre des études

collégiales en anglais pour des jeunes francophones du Québec. Au regard de la sociologie de

l’expérience sociale (Dubet, 1994b), qui met en relation des logiques d’action qui conduisent à

comprendre l’expérience, trois types d’expérience de choix ont émergé de nos analyses : le choix

stratégique, le choix de développement personnel et le choix par défaut. Ces types, qui ont été

construits par le biais d’un travail typologique (Schnapper, 2012), permettent de dépasser la description

des raisons – en d’autres mots, une description à plat – pour en arriver à une compréhension des

relations sociales qui les unissent dans les logiques d’action. Ainsi, cette typologie permet de

comprendre comment l’acteur articule, dans son choix, les logiques de l’intégration, de la stratégie et

de la subjectivation.

Il pourrait être attendu que le choix du cégep anglophone s’effectue principalement, voire uniquement,

pour des raisons instrumentales et stratégiques liées au marché de l’emploi (choix stratégique). Nos

résultats montrent toutefois que des raisons liées au développement de connaissances linguistiques,

à l’ouverture à d’autres cultures et au défi personnel occupent également une place importante (choix

de développement personnel). C’est dire ici que le choix du cégep anglophone n’est pas qu’une

question de calcul des coûts et des bénéfices, puisque le développement personnel qui y est recherché

complexifie la compréhension des différentes raisons qui amènent des jeunes francophones à choisir

le cégep anglophone. Le sous-type hybride du développement personnel montre quand même que le

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choix s’ancre également, pour certains, au regard de considérations stratégiques. Plus encore, le type

d’expérience de choix par défaut montre qu’opter pour le cégep anglophone se fait parfois pour des

raisons extérieures à la langue anglaise. Ainsi, les établissements d’enseignement collégial

anglophones présentent un attrait pour des étudiants – ici francophones – qui ne s’y inscrivent pas de

prime abord pour la langue anglaise. Il ne faudrait donc pas réduire le choix du cégep anglophone

uniquement à la langue anglaise, que ce soit sous une compréhension instrumentale (choix

stratégique) et/ou expressive (choix de développement personnel) et considérer les autres attraits de

ces établissements pour les étudiants qui ne proviennent pas de leur réseau linguistique

d’enseignement.

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179

CHAPITRE 7

EXPÉRIENCES DES ÉTUDES COLLÉGIALES EN ANGLAIS

Ce chapitre vise à répondre au deuxième objectif spécifique de la thèse qui est d’identifier les

expériences d’études collégiales en anglais. Nous nous attardons à comprendre les expériences

vécues par des étudiants francophones québécois lors de leurs études dans un cégep anglophone. La

sociologie de l’expérience sociale nous permet une nouvelle fois de porter un éclairage sur une

deuxième expérience du parcours de vie, soit celle des études collégiales en anglais. Ici aussi, c’est à

travers l’articulation que fait l’acteur des logiques de l’intégration, de la stratégie et de la subjectivation

que différentes expériences d’études émergent de nos analyses.

Plus précisément, au regard des expériences d’études collégiales en anglais, la logique de l’intégration

nous informe sur la forme et le niveau d’intégration qui déterminent alors la place occupée par l’individu

dans la société, ici dans un cégep anglophone. Les études sont ici perçues comme une manière de

parvenir à une intégration sociale et scolaire (Dubet, 1996). La capacité de l’individu à intérioriser les

normes, les valeurs et les rôles proposés par l’institution scolaire (Dubet, 2009, 2017, Dubet &

Martuccelli, 1996a, 1998) contribue à la réussite de ses études. Ainsi, pour être étudiant dans un cégep

anglophone, l’adoption d’un statut et d’un rôle dans les hiérarchies existantes serait nécessaire, tout

comme l’apprentissage de la socialisation dans les groupes d’appartenance et de référence (Dubet &

Martuccelli, 1996a). La logique de la stratégie considère plutôt la société comme un marché où la

position occupée, ici plus particulièrement dans le cégep anglophone, est influencée par les ressources

d’action que possède l’acteur (Dubet, 1996). La capacité stratégique de l’acteur lui permet dès lors

d’entrer en compétition ou d’établir des alliances avec les autres (Dubet, 2009; Dubet & Martuccelli,

1996a). L’identité de l’acteur s’établit sur ses ressources et ses intérêts qu’il arrive à mobiliser dans le

cadre d’une rationalité limitée où les objectifs, les ressources et les positions ne sont pas les mêmes

pour tous (Dubet, 2009, 2017). Dans le cas présent, les études collégiales en anglais se réaliseraient

dans une perception d’investissement de temps et de travail, où les qualifications et le diplôme qui en

découlent représentent une valeur sur les marchés sociaux, dont le marché du travail (Dubet, 2008).

Enfin, la logique de la subjectivation permet à l’acteur d’être un sujet. Sont ici révélées la marge de

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180

manœuvre, l’authenticité, l’activité critique et la distance à soi que manifeste l’acteur (Dubet, 1994b,

2009, 2017). Ainsi, les études dans un cégep anglophone ne se comprennent pas qu’au regard de la

logique de l’intégration et de la stratégie, mais bien aussi au travers de la logique de la subjectivation

qui permettrait alors à l’acteur d’être un sujet face à ses études, en éprouvant notamment de la passion

ou de l’ennui lors de ses études collégiales en anglais (Dubet & Martuccelli, 1996a).

Une typologie des expériences d’études collégiales en anglais a été constituée, comme c’était le cas

pour les expériences de choix, afin de produire une explication sociologique du phénomène social que

sont les études dans un cégep anglophone. Loin d’être une description, cette typologie nous permet

de comprendre avec davantage d’acuité les liens entre les discours et les structures sociales

(Schnapper, 2012).

Celle-ci se structure autour de l’idée d’adhésion face à l’établissement collégial anglophone. En effet,

l’expérience d’études renvoie à une adhésion variable à l’établissement et à la conformité qui en résulte

(Rocher, 1992). Nous en venons à avancer, au regard de nos données, que l’adhésion au cégep

anglophone s’effectue, d’un côté, sur le plan scolaire et, de l’autre, sur le plan social. Plus

spécifiquement, l’adhésion scolaire renvoie à un projet individuel de réussite scolaire. L’adhésion

sociale renvoie davantage au projet institutionnel des établissements d’enseignement collégial de

langue anglaise dans une perspective de vitalité des communautés québécoises d’expression anglaise

et elle se manifeste, chez les étudiants, au travers des interactions ethnolinguistiques et de la

participation à la vie collégiale. Les expériences d’études collégiales en anglais font donc à la fois

référence à une socialisation scolaire au regard de l’adhésion scolaire et à une socialisation

ethnolinguistique pour ce qui est de l’adhésion sociale. L’adhésion différenciée sur un axe scolaire et

sur un axe social s’entrecroise au regard des logiques d’action sociale que sont l’intégration, la

stratégie et la subjectivation (Dubet, 1994b).

C’est ainsi que cinq types d’expérience d’études collégiales en anglais ont émergé selon une adhésion

différente sur le plan scolaire et sur le plan social : l’expérience d’intégration facilitée, l’expérience

d’intégration sélective, l’expérience d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration sous tensions

et l’expérience de rupture.

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Les cinq types d’expérience d’études collégiales en anglais en rapport avec les logiques d’action sont

illustrés dans la figure suivante.

Figure 3. Typologie des expériences d’études collégiales en anglais

7.1 Expérience d’intégration facilitée

L’expérience d’intégration facilitée, qui concerne 10 participants sur 37, constitue l’un des cinq types

de notre typologie des expériences d’études collégiales en anglais. Ici, l’acteur manifeste une pleine

adhésion sur le plan scolaire et sur le plan social. En effet, celui-ci développe peu de nouvelles

méthodes pour parvenir à la réussite de ses études puisqu’il maîtrise déjà le métier d’étudiant (Coulon,

2005). Ainsi, il adhère particulièrement bien à la mission de l’établissement et il n’émet pas vraiment

de subjectivité critique. Si les logiques de la stratégie et de la subjectivation sont présentes dans cette

Logique de

l’intégration

Logique de

la stratégie

Logique de la

subjectivation

7.1

Expérience

d’intégration

facilitée

7.4

Expérience

d’intégration

sous

tensions

7.2

Expérience

d’intégration

sélective

7.3 Expérience

d’intégration

stratégique

7.5

Expérience

de rupture

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182

expérience, c’est surtout la logique de l’intégration qui domine au travers d’une compréhension et d’une

intériorisation des normes et des valeurs proposées par le cégep anglophone (Dubet, 2009, 2017,

Dubet & Martuccelli, 1996a, 1998). Plus encore, dans ce type d’expérience, le jeune francophone

devient un étudiant par l’adoption d’une place et d’un rôle au sein des hiérarchies existantes, mais

aussi par sa socialisation au sein des groupes d’appartenance et de référence présents au cégep que

sont notamment les étudiants anglophones et allophones (Dubet & Martuccelli, 1996a).

Cette expérience se structure chez les participants qui, lors de leur scolarité primaire et secondaire,

manifestent un intérêt pour l’école et l’apprentissage des matières scolaires : « J’adorais l’école […]

J’étais déçue quand j’avais pas 100 % » (Sabrina, campus St-Lawrence du Collège Champlain). En

outre, l’intérêt pour l’école et la réussite, voire l’excellence, dans les cours se remarquent : « J’ai une

facilité à apprendre. Fait que, j’avais pas besoin de tant d’efforts que ça pour réussir ou même pour

avoir un certain niveau » (Sandrine, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Ils maîtrisent le

métier d’étudiant (Coulon, 2005) avant même d’intégrer le cégep anglophone, car ils ont appris à

développer certaines méthodes d’études qui favorisent l’obtention de bons résultats scolaires. Leurs

connaissances et leurs compétences acquises dans le passé sont mobilisées de manière plutôt

intuitive, puisque s’ils réussissaient bien leurs études lors de la scolarité obligatoire, ils continuent

d’exceller dans leurs études collégiales sans éprouver de difficultés scolaires :

Je travaillais pas vraiment fort [au primaire]. Tous mes profs me disaient tout le temps « Ah! Tu vas voir quand tu vas arriver au secondaire, quand tu vas arriver au cégep ça va être plus dur quand tu… ». Finalement, c’est jamais arrivé! (Samuel, Collège John Abbott)

Conséquemment, la nécessité de déployer de nouvelles méthodes d’études pour parvenir à la réussite

de leurs études collégiales en anglais est plutôt absente. Cela l’est d’autant plus qu’ils prennent

rapidement conscience qu’ils réussissent avec autant, voire plus, de succès que par le passé : « j’avais

des meilleures notes en rentrant au cégep qu’en finissant le secondaire. Je sais pas pourquoi, je

trouvais ça plus facile… » (Xavier, campus St-Lawrence du Collège Champlain). S’ils sont conscients

qu’étudier au cégep modifie la nature et la charge de travail, le doute sur leurs capacités à réussir n’est

généralement pas très présent durant l’ensemble de leur scolarité collégiale. Plus encore, pour eux, il

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183

devient rassurant et motivant de constater rapidement qu’ils peuvent réussir mieux que les

« anglophones »161 du cégep :

C’est sûr que les premiers jours, c’est intimidant un peu. Bon, tout se passe en anglais, mais on se rend compte assez vite que... en tout cas moi, j’avais vraiment aucune difficulté à comprendre […] Puis en plus, ils m’avaient placé dans un groupe d’anglais fort [de cours d’anglais enrichi]. Puis, je me suis rendu compte très vite que, c’est sûr qu’à l’époque la grosse différence c’était beaucoup au niveau de la prononciation puis de l’accent que j’avais, mais que je maîtrisais… ma base d’anglais était devenue assez bonne. Puis, probablement aussi à cause que je maîtrisais très bien les mécanismes du français au niveau de l’écriture puis de la grammaire, et cætera que l’anglais était... je me suis rendu compte qu’elle [la langue anglaise] était encore plus facile pour moi à écrire. Puis ça me donnait un avantage. Puis je me suis rendu compte de ça, peut-être qu’eux [les anglophones] étaient capables d’avoir… ils avaient peut-être un vocabulaire un peu plus élaboré que le mien en anglais, sauf que la plupart d’entre eux avaient plus de difficulté que moi à l’écrire sans erreur, puis à conjuguer leur truc comme [il le] faut... Fait que ça, je m’en suis rendu compte dès la première session puis rendu là, bien, ça donne confiance aussi… (Pierre, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

La maîtrise du métier d’étudiant, par la compréhension et l’intériorisation des normes scolaires (Dubet

& Martuccelli, 1996a, 1998) liées aux études collégiales, s’observe aussi dans une certaine maîtrise

de l’anglais avant même le début des études collégiales. Soulignons que les étudiants francophones

qui s’inscrivent dans ce type d’expérience d’études collégiales en anglais avaient déjà un intérêt ou

une facilité avec l’anglais au primaire et au secondaire :

Tu sais, je pense que j’avais une facilité aussi à... en général dans les matières scolaires. Je pense que ça aidait beaucoup. Je pense que… en tout cas, le feeling que j’ai, je pense que quand tu as de la facilité dans une langue, mettons comme le français, puis tu es capable de bien l’écrire, bien le comprendre, je pense que c’est un peu le même... les mêmes principes que quand tu apprends une autre langue aussi, tu as une certaine facilité à assimiler les règles… Sauf que ça dépend comment tu l’apprends aussi, mais quand tu l’apprends en théorie avec des cours, je pense que la base reste la même […] Donc, ça avait super bien été aussi [dans les cours d’anglais]. J’ai pas eu de problème. Ça allait très bien. J’avais pas de... pas eu de bogue [problème]. J’étais tout temps dans les tops [meilleurs] mettons. (Julie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

161 Pour les francophones de notre étude, les « anglophones » représentent ceux qui ont fréquenté des écoles primaires et/ou secondaires du réseau d’enseignement de langue anglaise au Québec ou, dans certains cas, dans d’autres provinces canadiennes. Ces « anglophones » sont considérés comme étant bilingues et provenant, parfois, de famille d’héritage anglophone.

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Également, ces francophones ont souvent fait des programmes scolaires d’anglais enrichi, des cours

d’anglais extrascolaires ou des séjours dans des environnements sociaux anglophones avant même

d’intégrer le cégep anglophone :

Me semble que si ça m’avait marqué, je m’en souviendrais. Me semble que justement… peut-être que du fait que j’arrivais d’une école secondaire dans [une autre province canadienne dans le cadre d’un échange étudiant en secondaire 5] qui était parfaitement, qui était totalement anglophone… que le fait de me retrouver dans un cégep totalement anglophone, ça a juste fait « Ah! Enfin! ». Parce que je me souviens pas avoir eu de choc. (Valérie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Ce faisant, au terme de quelques jours dans un cégep anglophone, la transition à la langue anglaise

est effectuée avec plus ou moins d’importance. La capacité à comprendre l’anglais dans les cours et

dans l’établissement d’enseignement ainsi que l’impression d’arriver à bien se faire comprendre sont

rapidement présentes chez ces francophones : « Je me souviens pas de pas avoir compris un prof ni

de pas m’être fait comprendre » (Raphaëlle, Collège Dawson).

L’expérience d’intégration facilitée se traduit aussi par la capacité de socialisation au sein de groupes

d’appartenance et de référence (Dubet & Martuccelli, 1996a) du cégep qui sont diversifiés. En effet,

des amitiés avec des étudiants francophones, anglophones et allophones se développent. Leur

capacité à parler autant en français qu’en anglais dans les cercles sociaux montre leur aisance à

naviguer entre ces deux langues, ce qui permet de créer des amitiés sans égard à la langue maternelle

ou la principale langue d’usage de leurs pairs :

J’avais autant d’affinité à parler à des francophones que des anglophones. C’est plus sur le plan de l’affinité. Admettons un cours qui t’intéresse, un sujet qui t’intéresse, une activité. Tu développes ça [des amitiés selon les affinités] plutôt que sur le plan linguistique un peu. (Annabelle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

En outre, ces francophones vivent une expérience d’études collégiales en anglais caractérisée par une

participation à la vie étudiante de l’établissement qui, forcément, se déroule en anglais et au sein de

regroupements étudiants caractérisés par une diversité linguistique, voire ethnoculturelle :

C’est vraiment la seule fois dans ma vie où est-ce que j’ai participé à des affaires extra scolaires vraiment […] J’ai vraiment été impliquée dans la vie [para]scolaire, chose que j’ai jamais fait avant ou après… […] Mais à Dawson, j’ai passé deux ans avec les petits groupes scolaires… (Raphaëlle, Collège Dawson)

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Ils observent et semblent apprécier le caractère familial et communautaire qui structure l’établissement

et décrivent l’intégration à la vie collégiale anglophone :

Sinon la culture [de l’établissement], bien c’est très organisé, très structuré puis il était très proche de nous. Donc, il y avait [un] douanier [doyen, dean] académique. Je sais pas ça serait quoi le terme en français ? Mais en tout cas. Puis l’administration était présente, on les voyait, ce que je ne crois pas qu’il est le cas d’autres cégeps… mais c’est un établissement plus petit, mais peut-être pas familial parce que c’était pas des gens qui avaient des liens familiaux entre eux. C’est plus encadré… mais est-ce que c’est à cause de la grosseur du cégep ou la mentalité anglophone ? Je serais pas vraiment en mesure de le dire. Mais il y a une structure qui était plus là… puis pour les étudiants aussi, élire l’ombudsman162, élire le président. Est-ce qu’il y a un comité étudiant aux autres cégeps qui vote pour représentant aux affaires extérieures ou des choses comme ça ? Je le sais pas. Il doit avoir une certaine vie sociale quand même, mais les élections c’était quelque chose d’organisé puis tout le monde était là puis il y avait des activités, il y avait des activités de bienvenue. Puis comme on avait des cours tous les jours… bien, tout le monde est là tous les jours. Donc, il y a ce côté-là, culture probablement plus encadrée ou plus présente au lieu que ça soit impersonnel : j’arrive à mon cours, je repars. Il y a ce côté-là… (Sabrina, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

En somme, le type d’expérience d’intégration facilitée montre que, pour certains francophones,

l’expérience des études collégiales en anglais s’articule principalement autour de la logique de

l’intégration avec une adhésion aisée sur le plan scolaire et sur le plan social.

7.2 Expérience d’intégration sélective

Le deuxième type d’expérience d’études collégiales en anglais qui émerge de nos analyses est ce lui

de l’expérience d’intégration sélective, qui touche six participants sur 37. Si ce type d’expérience

présente des similitudes avec l’expérience d’intégration facilitée en ce qui concerne les facilités

scolaires et linguistiques éprouvées par les étudiants francophones qui se traduisent par une adhésion

scolaire aisée, le type d’expérience d’intégration sélective se distingue et se singularise par un repli

social au regard des interactions ethnolinguistiques et de la vie collégiale. Cette expérience s’articule

principalement au sein de la logique de l’intégration, par la compréhension et l’intériorisation de normes

scolaires du cégep anglophone (Dubet, 2009, 2017, Dubet & Martuccelli, 1996a, 1998), mais

162 Selon le Forum canadien des ombudsmans : « L’ombudsman aide à résoudre les plaintes le plus efficacement possible en poursuivant ce qui est juste; il respecte la confidentialité de toutes les personnes qui le consultent, et il agit de manière impartiale et indépendante. Ses services sont offerts gratuitement. L’ombudsman n’agit pas comme un représentant du plaignant ni de l’organisation qui est visée par la plainte » (Forum canadien des ombudsmans, 2017).

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également dans la logique de la subjectivation, par l’activité critique et la réflexivité de l’acteur qui en

arrive à être un sujet de son expérience d’études collégiales en anglais (Dubet, 1994b, 2009, 2017).

À l’instar du premier type, l’expérience d’intégration sélective se caractérise par une adhésion aisée

sur le plan scolaire. Cette facilité s’explique ici aussi par la maîtrise du métier d’étudiant (Coulon, 2005)

depuis les études primaires et secondaires. Les étudiants francophones qui s’inscrivent dans ce type

étaient de bons élèves qui réussissaient facilement à l’école :

J’ai toujours aimé apprendre puis aller à l’école. J’ai jamais eu de problèmes. J’ai l’impression qu’il y a des gens qui sont faits pour aller à l’école puis d’autres qui sont faits pour apprendre autrement ou en tout cas. Moi, je pense que dans un contexte académique, je suis très… je suis fait pour ça on dirait. Donc, ça allait bien. (Nathan, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Ainsi, peu de nouvelles méthodes d’études sont mises en place par ces derniers lors de leurs études

collégiales en anglais. L’adhésion sur le plan scolaire est dès lors relativement aisée dans ce type

d’expérience, ce qui conduit à des succès scolaires :

J’ai fini sur la Dean’s list [tableau d’honneur] en dernière année de cégep. Donc, il y a eu une certaine adaptation qui s’est faite de ma part! Mais au niveau pédagogique, c’était pas un mode d’enseignement si différent… de l’école francophone, bien du secondaire où est-ce que j’avais été. (Mathieu, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

À cette facilité scolaire se couple une aisance linguistique. En effet, ces francophones considèrent ne

pas vivre vraiment de difficultés en anglais, et ce, parfois dès le premier jour au cégep. Tout en

reconnaissant qu’ils s’améliorent en anglais au fil de la scolarité, leurs connaissances et leurs

compétences en anglais sont déjà bien ancrées dès le début du cégep :

C’est sûr qu’au niveau de mon anglais, ça s’est nettement amélioré… Tu sais, j’ai vraiment vu une amélioration. Mais par contre, tu sais, dans mes cours quand les profs parlaient, [de] la première journée à la dernière journée me semble, moi, j’ai eu l’impression que je comprenais tout le temps… (Alexandre, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Malgré une adhésion sur le plan scolaire, l’expérience d’intégration sélective se singularise par une

non-adhésion sur le plan social. C’est à travers leur subjectivation – c’est-à-dire leur activité critique et

leur réflexivité (Dubet, 1994b, 2009, 2017) – que ces francophones observent une culture anglophone

différente qu’ils caractérisent souvent à l’opposé d’éléments culturels francophones : « C’est cliché un

peu, mais peut-être un peu plus froid, moins latin si on peut dire » (Mathieu, campus St-Lawrence du

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Collège Champlain). Plus encore, ils avancent que le cégep anglophone est plus à droite en référence

à des événements politiques, ce qui laisse parfois l’impression de vivre en « vase clos » par rapport à

la société francophone :

J’ai l’impression que c’est un cégep où les gens sont un peu plus à droite que peut-être je sais pas… Cégep Sainte-Foy [un cégep francophone]… Parce que quand il y a eu la grève en tout cas… je le sais plus c’était pourquoi, mais il y avait eu une grosse grève à cette époque-là où tous les cégeps étaient en grève sauf nous! Puis je me souviens que tout le monde à St-Lawrence avait voté contre la grève […] Il me semble que les gens avaient… tu sais c’était vraiment majoritairement contre puis je me rappelle que les gens de Cégep Sainte-Foy ils étaient venus dans la café un midi pour je sais pas… nous dissiper ou nous corrompre un peu avec des pancartes puis « Ah la grève » puis ils avaient l’air consternés que nous on ait tous voté contre puis qu’on soit tous assis en train de manger puis qu’on fasse rien puis que… on avait l’air de s’en ficher. Puis maintenant que j’y repense, c’était vrai que c’était bizarre parce que… on était tous dans la même ville, mais on était le seul cégep qui s’en fichait. (Nathan, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Pour les francophones qui s’inscrivent dans le type d’expérience d’intégration sélective, la culture

anglophone est aussi considérée comme plus protocolaire :

C’est protocolaire, on fait la cérémonie avec le mortier, avec… la toge. Donc, quand je parlais à mes amis francophones, il y avait pas nécessairement ça. Et là, on rentre dans le gymnase avec la chanson traditionnelle qu’on entend dans les films américains écoute! (rire) Tu sais, c’est un exemple cocasse un peu, mais tout ça pour dire que ça démontre quand même la différence… un peu… culturelle. (Jessica, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

À cette différence culturelle s’ajoute une absence de contacts sociaux avec les étudiants anglophones

et allophones dans le cégep. Les étudiants francophones qui s’inscrivent dans cette expérience

d’intégration sélective maintiennent un réseau social francophone ou francophile, c’est-à-dire avec des

étudiants francophones ou allophones qui parlent aisément le français et qui ont une appartenance à

la langue française :

On était un peu la french connexion… pour reprendre l’expression d’un de mes collègues étudiants. Donc, c’est sûr que spontanément, on était plusieurs francophones à se tenir ensemble. Donc, dans notre groupe d’amis comment je pourrais dire ? Puis même moi, j’ai pas eu l’occasion de faire beaucoup de travaux d’équipe au cégep. Donc je me dis des fois peut-être dans un contexte de travaux d’équipe, j’aurais pu être plus souvent en contact par exemple avec des communautés culturelles ou avec… des gens de… d’une autre langue, les allophones en fait ou avec des anglophones, mais je te dirais que le contexte faisait plus qu’on était une gang de francophones ensemble. […] On dirait que ça a comme été une attraction « Aye! Tu parles français! »… c’est ça que j’ai trouvé dans

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le fond. C’est oui, je suivais mes cours en anglais, je faisais mes travaux en anglais, mais le social se faisait en français. Et puis c’est ça. Donc, je me rappelle pas d’avoir eu des amis allophones ou anglophones… (Jessica, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Que ces amitiés proviennent du secondaire ou qu’elles soient de nouvelles, elles ont comme point

commun la langue française et la culture francophone. De manière « naturelle », les liens se créent

entre les francophones. Dès lors, la nécessité de créer du lien avec des étudiants anglophones ne se

manifeste pas :

On était déjà notre gang puis on voyait juste pas le besoin d’aller voir les autres nécessairement. Je pense pas que c’était impossible… C’était plus une question que... à ce moment-là, on était très bien ensemble puis bon, ça allait bien puis on avait du plaisir puis c’est tout. (Marc-André, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Les francophones qui s’inscrivent dans ce type ne se sont pas intégrés à la vie étudiante, n’y voyant

pas vraiment d’intérêt dans le cadre de leurs études collégiales :

Des fois, on avait des activités étudiantes qui étaient organisées par les associations étudiantes. Mais au cégep, pour être honnête, c’était plus une étape de passage pour moi… Dans le sens que c’était deux ans que j’avais à faire, donc j’étais avec mes amis oui, mais... je tenais pas nécessairement à m’impliquer plus qu’il faut, puis je l’ai pas fait non plus. (Marc-André, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Alors que certains de ces francophones considéraient le cégep comme une étape de passage vers

l’université, d’autres préféraient se concentrer sur leurs études. Pour eux, la réussite avec succès des

études collégiales en anglais domine sur le volet social qui ne semble pas pertinent :

Je considère que mon cégep a été relativement… sobre et monotone. J’ai passé à travers mon programme puis ça allait. J’étais pas déprimé, mais en même temps j’étais pas complètement excité. C’est pas juste l’effet que ça soit un cégep anglophone. Je pense que c’est le cégep en général. J’ai toujours eu un peu de misère à trouver le but si ce n’est que de te faire attendre plus longtemps avant décider qu’est-ce que tu veux faire à l’université. (Mathieu, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

On voit donc que l’expérience d’intégration sélective, qui constitue le deuxième type de notre typologie

des expériences d’études collégiales en anglais, se caractérise par une adhésion sur le plan scolaire,

mais l’intégration y est limitée, puisque les francophones qui s’inscrivent dans ce type ne manifestent

pas d’adhésion sur le plan social.

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7.3 Expérience d’intégration stratégique

Sept participants sur 37 ont vécu une expérience d’intégration stratégique aux études collégiales en

anglais. Cette expérience est marquée par la logique de l’intégration liée à une adhésion sur le plan

scolaire, mais aussi sur le plan social. Si cette adhésion se fait sans heurts, l’adhésion scolaire est plus

ardue. Le déploiement de stratégies rend alors possible l’adhésion scolaire. La logique de l’intégration

est présente dans cette expérience, mais elle s’articule autour de la logique de la stratégie par

l’investissement de temps et de travail (Dubet, 2008) pour en arriver à une compréhension et à une

intériorisation des normes scolaires proposées par l’établissement (Dubet & Martuccelli, 1996a,

1998)163. La logique de l’intégration se manifeste aussi quant à l’adhésion sociale puisque, pour ces

jeunes francophones, l’expérience d’études collégiales en anglais est marquée par l’ouverture à la

culture anglo-saxonne. Les francophones qui s’inscrivent dans cette expérience apprennent à

socialiser au sein des groupes de référence du cégep anglophone (Dubet & Martuccelli, 1996a). Ainsi,

cette expérience d’intégration stratégique articule la logique de l’intégration et de la stratégie.

L’expérience d’intégration stratégique réunit des francophones qui éprouvent des difficultés à la fois

sur le plan linguistique et scolaire lors de leurs études collégiales. Cette situation difficile est plutôt

inattendue alors que ces étudiants croyaient être habilités à bien réussir leurs études en anglais :

Je suis sorti de là [du secondaire], je me suis dit « bon, ça y est. L’anglais, c’est fait là. Je sais comment ça marche… I master it [je le maîtrise] ». Puis là, finalement en tout cas, rendu au cégep, je l’ai eu dans les dents un peu… (Vincent, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Si le succès n’est pas au rendez-vous, ce sont plutôt les difficultés multiples qui les attendent. Ils

réalisent rapidement leur incompréhension de la langue anglaise :

Je sortais de là [d’un cours] puis j’étais comme « mon Dieu, je ne sais pas ce qui s’est passé dans ce cours-là ». Je me souviens que même une fois, il [le professeur] nous avait dit qu’il n’y avait pas de cours le cours suivant. Puis, j’avais pas compris et je m’étais rendue… Là, je me trouvais nulle (rire)! J’étais là, My God, je suis vraiment poche

163 Si Dubet (1994b) souligne que la stratégie n’est pas une manière de parvenir à l’intégration, il n’en demeure pas moins qu’au regard de notre type d’expérience d’intégration stratégique, il nous semble juste de souligner l’imbrication de la logique de la stratégie avec la logique de l’intégration pour comprendre l’adhésion scolaire. En effet, les francophones déploient certes des stratégies, notamment un investissement de temps et de travail, dans un marché social qu’est celui du marché scolaire afin d’en arriver à l’acquisition de qualifications et d’un diplôme d’études collégiales en anglais. Force est alors d’admettre que la logique de la stratégie entre en jeu dans le marché scolaire du cégep anglophone.

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[mauvaise] (rire)! Y ont dit qu’il n’y avait pas de cours et je ne l’ai même pas entendu! (Gabrielle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Pour ces participants, la difficulté à comprendre l’anglais se manifeste de manière assez généralisée

dans les études, mais aussi de manière plus explicite avec les enseignants qui possèdent chacun leur

accent : « C’était de comprendre tous les accents des professeurs. Déjà là, ça, c’était quelque chose.

Mais… en plus les matières nouvelles, fait que c’est… en fait c’était le melting pot de tout ça » (Marie,

campus St-Lawrence du Collège Champlain). En effet, le profil du personnel enseignant des cégeps

anglophones est généralement considéré comme diversifié sur le plan des origines ethnoculturelles et

ethnolinguistiques :

Fait que là mon premier cours que j’ai eu, c’est [calcul] différentiel, avec un prof qui s’appelait [nom de famille] puis c’était un francophone qui parlait en anglais puis il avait un accent « gros comme le bras ». Fait que là, ça m’a comme rassuré en me disant « bon bien tu sais je le comprends bien parce que c’est de l’anglais exprimé en français, tu sais… » Mais après ça, mon autre cours la première journée, c’était un cours d’anglais puis le prof […] j’étais pas capable de dire son nom puis c’était un Albertain puis l’accent red neck accoté. Je comprenais rien pantoute de ce qu’il disait puis là je me suis dis « OK, qu’est-ce qui se passe ? Je comprends pas ». Tu sais, je comprenais 10 % de ses mots… (Vincent, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Cette incompréhension linguistique, tant des accents des enseignants que de la matière des cours, les

amène conséquemment à vivre des difficultés scolaires :

La première semaine a été vraiment pénible. Parce que… bien c’est ça, j’ai compris que je comprenais rien. Tu sais, il y a eu des moments vraiment comme… n’importe quoi. Tu sais, j’avais des cours en anglais où ils étudiaient Shakespeare puis j’avais des cours de géo[graphie] puis des cours d’histoire puis tout était en anglais puis j’avais un cours d’informatique. Moi, je connaissais rien en informatique fait que c’était comme… je comprenais ni les questions ni les réponses puis j’ai vraiment comme fait « Wow! Va falloir que je travaille là-dessus, ça va être beaucoup de travail ça c’est sûr ». (Maude, Collège John Abbott)

Plus encore, cette situation peut mener à une diminution des notes obtenues dans les évaluations des

cours :

J’ai réussi à faire mes cours quand même. Mais au niveau académique ça a été difficile. C’est ça… comme je te disais là, mes notes ont vraiment chuté dans la première année. Bien là, c’est parce qu’il fallait que je fasse tous mes travaux en anglais, que ce soit en

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maths, en philo. Aye, philo, c’était des tables rondes là164! Parle en anglais puis envoie, débrouille toi. Tu sais, les matières sont très, très différentes du secondaire. Les sujets sont très différents. […] Mais c’est ça, académiquement ça a été dur la première année. La deuxième année, ça a remonté par contre. (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Ces francophones peuvent même en arriver à remettre en question leurs capacités à réussir leurs

études collégiales en anglais : « Tu sais, je me souviens dans le temps, je me suis dit "Pourquoi j’ai

fait tout ça ? C’est-tu nécessaire ? Je suis en train d’en perdre ma santé quasiment…" » (Béatrice,

Collège John Abbott).

Certes, les difficultés linguistiques et scolaires sont importantes, mais les étudiants francophones qui

s’inscrivent dans ce type d’expérience d’intégration stratégique arrivent à les amoindrir au fil de leur

scolarité collégiale :

La première moitié de la session s’est passée de peine et de misère. Puis après ça, la deuxième partie de la session, bien là j’ai redoublé d’efforts puis j’ai été capable de passer tous mes cours avec des notes acceptables. Mais ça a été assez difficile au début là. J’ai eu de la difficulté, j’ai bûché [travaillé] dur. (Nicolas, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

C’est en déployant diverses stratégies que ces francophones parviennent à reprendre un certain

contrôle sur leurs études qui leur permettra de les réussir. La logique de la stratégie est ici mise de

l’avant pour assurer une meilleure intégration sur le plan scolaire alors que ces participants décident

notamment de mobiliser davantage de temps pour leurs études : « Tous mes travaux, c’était tout plus

long à faire… J’ai vraiment travaillé. Il a fallu que je travaille vraiment d’arrache-pied… oui, oui! Oh oui,

j’en ai bossé un… j’ai trimé [travailler dur] un coup… honnêtement! » (Marie, campus St-Lawrence du

Collège Champlain). Pour arriver à s’approprier la langue anglaise et le vocabulaire spécifique aux

matières étudiées, l’usage du dictionnaire devient essentiel : « Je travaillais avec mon ordinateur, avec

mon dictionnaire puis je faisais des lectures puis je cherchais comme… un mot par ligne dans le

dictionnaire » (Maude, Collège John Abbott). Ils font également appel à un service jugé incontournable,

le centre d’aide en écriture (Writing Centre) qui permet aux étudiants de faire corriger leurs travaux :

164 Nous précisons que les « tables rondes » sont en fait des séminaires, c’est-à-dire une méthode pédagogique où les étudiants sont réunis en cercle et doivent participer activement aux discussions dans le cadre du cours. Cette méthode est différente du mode en présentiel où le professeur est à l’avant de la classe et où la participation des étudiants est généralement moins sollicitée dans le cadre du cours.

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Ils avaient à John Abbott tout un système au niveau du Writing Centre. Ça, ça m’a vraiment sauvé tout ce système-là. Fait que ça, ça a comme remis mes textes un petit peu plus à un meilleur niveau puis moi j’apprenais là-dedans. Mais c’est ça qui était exigeant. De vraiment être sûre de finir mes textes à temps… après ça, prendre le temps de les recorriger puis tout ça. Puis là, quand tu allais là, il y avait une note qui était envoyée au professeur qui disait tel étudiant est venu au Writing Centre. Tu sais, ça montrait que tu faisais l’effort et tout puis je me souviens même qu’une de mes profs de philo[sophie] elle m’avait félicitée devant toute la classe! Je sais pas si elle avait une frustration que des fois les gens écrivaient mal ou ils faisaient pas attention, mais elle m’avait vraiment félicitée devant tout le monde puis ça m’avait vraiment fait plaisir! Parce que j’en arrachais pas mal. Fait que ça, c’était vraiment un système qui m’a beaucoup aidée à m’adapter à ce niveau-là, de vraiment être capable de remettre des textes… à un bon niveau. Parce que c’est sûr, on nous disait qu’on pouvait remettre nos textes en français, c’était comme un genre de politique. Mais tu sais, c’était pas vraiment réaliste. Parce que toute ma doc[umentation], tout ce que je lisais, tous mes cours étaient en anglais. Un moment donné toute la… les mots je les connaissais en anglais. Fait que ça avait plus de sens pour moi d’écrire en anglais quand même puis de faire cet effort-là. (Béatrice, Collège John Abbott)

Parfois, abandonner un cours devient la seule stratégie possible pour éviter de s’enliser davantage

dans les difficultés scolaires :

Mathématiques, quand je suis rentré là-dedans, j’ai trouvé ça vraiment, vraiment difficile. Fait que ça, c’est un cours que j’ai dû abandonner parce que j’ai… j’essayais, je lisais mes trucs puis j’essayais de comprendre des affaires puis j’y arrivais vraiment pas. Fait que j’ai fini par abandonner ce cours-là. (Nicolas, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Si l’expérience d’intégration stratégique est caractérisée par des difficultés sur les plans linguistique et

scolaire, elle n’empêche pas ces francophones d’arriver à nouer des amitiés avec des étudiants

anglophones et bilingues : « Fait que à vrai dire, la question apprentissage, je peux te dire que c’était

assez zéro. Au point de vue social par contre, merveilleux! » (Nicolas, campus Saint-Lambert du

Collège Champlain). C’est dire ici que malgré les difficultés d’adhésion scolaire, celle sur le plan social

se produit dans une logique de l’intégration. Plus encore, ces amitiés avec des personnes qui

maîtrisent mieux l’anglais qu’eux les aident à progresser dans leurs études, ces personnes devenant

dès lors des alliés (Dubet, 2009)165 : « Lui, il m’a aidé pas mal dans mes travaux souvent, tu sais…

Mettons on s’envoyait nos travaux puis là il me disait "OK, bien telle affaire tu devrais faire ça

165 Rappelons que pour Dubet (2009), dans la logique de la stratégie, l’acteur est en relation avec autrui qui est soit un allié ou un concurrent et avec lequel il entretient soit des alliances ou de la concurrence. Dans le type d’expérience d’intégration stratégique, autrui – ici, l’étudiant anglophone ou l’étudiant qui maîtrise l’anglais – est un allié pour l’étudiant francophone dans le marché scolaire qu’est le cégep anglophone.

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différemment" » (Vincent, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Un sentiment d’entraide,

présent tant de la part des autres étudiants que des professeurs, représente une ressource importante

pour progresser sur le plan scolaire :

Je ne sais pas si c’est comme ça encore aujourd’hui, mais moi j’ai trouvé que c’était une ambiance très, très familiale. Les gens se tenaient beaucoup… Moi, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’entraide… même les anglophones nous aidaient. La direction, tout ça, c’était vraiment… toujours une belle écoute de la part des profs. (Gabrielle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Les contacts avec des étudiants anglophones et bilingues conduisent même ces étudiants

francophones à entrer en contact avec la culture anglophone : « Fait que socialement, non c’était facile,

mais c’est sûr que j’ai été confrontée à la culture plus anglophone, malgré que mes amis étaient

francophones… en tout cas, parlaient le français très couramment. C’était des gens qui avaient la

culture anglophone assez ancrée » (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Cela permet

alors de créer des amitiés au sein desquelles l’anglais devient un connecteur : « Tranquillement,

apprendre à connaître des anglophones. Puis tu sais, c’est un thrill quand même d’apprendre à

maîtriser une langue puis de commencer à connecter avec le monde dans la langue » (Béatrice,

Collège John Abbott). En outre, cela amène à mieux comprendre les deux solitudes, francophone et

anglophone (MacLennan, 1945)166 :

J’ai comme vraiment réalisé que c’était pas la même chose [les anglophones et les francophones]. Qu’il y avait vraiment… ça a été le début de réaliser l’espèce de deux grandes solitudes qu’on parle souvent parce qu’il y a vraiment un manque de communication entre les deux assez important. Fait que là dans le fond je réalisais que c’était autre chose, d’autres valeurs […] Mais c’est clair qu’à partir de ce moment-là, j’ai réalisé qu’on se comprenait pas. Ce qui se dit en français à propos des anglophones puis ce que dit… les anglophones à propos des Français… tu sais, c’est pas la même chose. (Maude, Collège John Abbott)

Enfin, l’aisance avec l’anglais, qui se développe au fil des études dans un cégep anglophone, conduit

à s’ouvrir à des pratiques culturelles anglophones qui, elles, permettent de mieux saisir la culture nord-

américaine :

166 Deux solitudes est la traduction française du titre de l’ouvrage, Two Solitudes (1945) de MacLennan (1907-1990). MacLennan est un auteur anglo-canadien qui a vécu une grande partie de sa vie à Montréal, où il observa les distinctions linguistiques et culturelles entre les Canadiens-français et les Canadiens-anglais. L’idée des deux solitudes renvoie à la dualité canadienne, et aux relations, aux tensions et au manque de communication entre ces deux communautés linguistiques.

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Bien, je pense que c’était une fois que je comprenais l’anglais je trouvais ça... je trouvais intéressant la culture... découvrir cette culture anglophone. Je veux dire quand tu écoutes Seinfeld, je trouvais ça intéressant l’interaction entre le monde comme quand tu fais des petites études sociologiques mettons. C’était un peu dans ce sens-là... il y avait une curiosité plus loin que juste les jokes qu’ils faisaient. (Philippe, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

L’expérience d’intégration stratégique se caractérise donc par une articulation des logiques de

l’intégration et de la stratégie, alors que l’adhésion sur le plan social s’effectue aisément, celle sur le

plan scolaire est néanmoins plus difficile. Le déploiement de stratégies conduit dès lors à garantir

l’adhésion scolaire.

7.4 Expérience d’intégration sous tensions

L’expérience d’intégration sous tensions, qui concerne 12 participants sur 37, s’inscrit au carrefour des

trois logiques d’action que sont l’intégration, la stratégie et la subjectivation. Si l’intégration est présente

au travers d’une adhésion sur le plan scolaire, cette adhésion ne s’effectue pas facilement alors que

des difficultés linguistiques et scolaires sont présentes. Plusieurs stratégies sont mises en place par

les étudiants francophones, au regard de la logique de la stratégie, pour en arriver à une adhésion

scolaire. Ces étudiants effectuent un travail de compréhension et d’intériorisation des normes scolaires

(Dubet & Martuccelli, 1996a, 1998) qui passe ici par un investissement de temps et de travail dans

l’objectif d’acquisition d’un diplôme d’études collégiales en anglais (Dubet, 2008). Malgré une capacité

à surmonter les difficultés sur le plan scolaire, une non-adhésion sur le plan social se manifeste

vivement, mettant ainsi la logique de la subjectivation en action, ce qui permet à l’acteur d’être un sujet

par son activité critique, son authenticité et sa réflexivité (Dubet, 1994b, 2009, 2017).

Les étudiants francophones qui vivent une expérience d’intégration sous tensions font face, dès leur

entrée au cégep anglophone, à des défis linguistiques et scolaires intimement liés. Ils prennent

rapidement conscience de leurs lacunes en anglais : « J’ai trouvé ça difficile le cégep anglophone

parce qu’il faut dire mon anglais était pas d’un si bon niveau que ça » (Sophie, campus St-Lawrence

du Collège Champlain). Plus encore, il s’agit de lacunes qui, selon eux, ne devraient pas être présentes

au cours des études supérieures : « Je pense que c’est à ma première année du cégep que j’ai appris

qu’à la troisième personne [du singulier] ça prenait un "s" en anglais » (Antoine, Collège Vanier). Cette

situation donne l’impression de ne pas être à la hauteur par rapport aux autres étudiants du cégep : «

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J’avais comme un boulet au pied comparé au reste de tout le monde » (David, campus Saint-Lambert

du Collège Champlain). Des sentiments associés au stress se manifestent aussi alors que s’effectue

une rapide prise de conscience de l’écart entre les capacités en anglais et les attentes linguistiques du

cégep anglophone : « Je me rappelle avoir eu énormément de tristesse après ma première semaine

parce que j’avais eu une crise de panique… que j’allais pas être capable de réussir ma session à cause

de mes cours d’anglais justement » (Guillaume, Collège Vanier).

Les difficultés en anglais, langue d’enseignement au cégep anglophone, rendent forcément les études

collégiales plus ardues :

La première session, je l’ai trouvée vraiment excessivement dure. J’ai passé mes cours avec des notes médiums admettons. Tu sais, tous les cours où il fallait écrire des dissertations, faire des trucs comme ça, j’avais pas vraiment des bonnes notes parce que j’avais vraiment de la misère à comprendre. (Pénélope, Collège Vanier)

Cette situation qui se transpose en difficultés scolaires conduit même à ressentir une certaine forme

de saturation vis-à-vis de l’anglais :

Les premières semaines, j’ai trouvé ça dur. Les lectures de livre vraiment, d’étudier [en] anglais. Les cours tout en anglais, j’ai trouvé ça dur. Les mathématiques en anglais, j’ai vraiment été surpris là, mais c’était… c’était compliqué (intonation). Tous les termes… […] c’était tous des mots que j’étais pas habitué en langage, que j’étais pas habitué fait que j’ai trouvé ça dur. Puis des fois même, j’étais dans mon auto puis j’étais dans le trafic, je mettais la radio puis c’était un poste anglophone, je le changeais tout de suite. J’étais tanné, tanné, tanné d’entendre parler en anglais. Ça c’est surtout les premières semaines, les premiers mois puis après ça, c’est devenu vraiment une habitude d’aller en anglais puis d’entendre l’anglais puis de plus parler anglais. (Étienne, Collège John Abbott)

Une baisse des résultats obtenus peut alors se remarquer : « La première session, ç’a été quand

même difficile. Tu sais, j’étais habituée de bien réussir, mais première session, j’ai pris une petite drop.

On a vu que je m’exprimais pas puis que je comprenais pas nécessairement comme il le fallait »

(Amélie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

C’est le temps qui permet de s’approprier davantage la langue anglaise et qui, conséquemment, aide

à mieux réussir les cours. L’adhésion scolaire s’effectue au fil de la scolarisation collégiale, notamment

par la mise en place de différentes stratégies. Les francophones qui s’inscrivent dans cette expérience

accordent une très grande partie de leur temps à leurs études : « Comme ça me demandait

énormément de temps, je passais beaucoup mon temps à étudier » (Charlotte, campus St-Lawrence

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du Collège Champlain). Mais au-delà du temps, ce sont les efforts fournis tout au long de la scolarité

qui permettent d’arriver à surpasser les difficultés : « Un moment donné, c’était comme bon. Tu sais,

"on va se remonter les manches puis on va continuer", mais la première session je l’ai trouvée très

difficile. Par la suite, ça s’est rétabli » (Nathalie, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Le temps

et les efforts constituent des stratégies pour traverser les épreuves, mais plusieurs autres stratégies

sont mises de l’avant afin de parvenir à réussir les études collégiales en anglais : « Fallait plus que je

me batte avec moi-même puis que j’essaye de prendre toutes les ressources à ma disposition »

(Justine, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Ainsi, d’autres stratégies ont été mobilisées

comme celle d’allonger la scolarité, notamment pour alléger les sessions afin de maintenir une certaine

moyenne dans les cours : « C’était très, très demandant. C’est pour ça je l’ai fait en deux ans et demi.

Parce qu’un moment donné ça… c’était trop » (Charlotte, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Recourir au droit de faire ses évaluations en français, pour une période temporaire, constitue une autre

stratégie :

À ma première session, il y a eu un prof qui avait bien vu que… il y avait un blanc dans mes yeux, que je comprenais rien. La prof est venue me voir, elle a dit « Salut, tu t’appelles [Pénélope], oui ? Tu as un nom français, oui ». Elle dit « Écoute, ça me dérange pas si tu réponds à mes examens en français » […] Elle dit « Moi, je comprends super bien le français » fait qu’elle dit « Si tu veux répondre en français puis ça peut t’aider vu que c’est ta première session moi ça me dérange pas tu peux le faire ». Puis là, après qu’elle soit venue me voir j’étais comme… « Aye! Les gens parlent français! » Puis là tranquillement, à cause que j’avais de la difficulté, j’ai approché d’autres professeurs. Puis la plupart, ils parlaient tous français fait qu’ils m’ont tous dit « Non, ça me dérange pas tu peux répondre en français si tu veux ». Fait que la première session ça a été vraiment tough [ardu]. (Pénélope, Collège Vanier)

Les enseignants représentent ainsi un soutien vers lequel ces étudiants francophones se sont tournés

pour arriver à atténuer leurs difficultés linguistiques et scolaires :

Ils [les enseignants] m’offraient surtout de l’aide. Puis moi j’allais en chercher aussi. Oui, oui j’avais vraiment la volonté de passer puis de réussir. Fait que j’allais en chercher beaucoup aussi puis j’étais bien entourée. Des gens autour de moi étaient intéressés à m’aider. (Charlotte, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Le dictionnaire est également omniprésent durant les études collégiales, devenant un outil essentiel

pour la réussite des études : « Il a fallu vraiment que je sois très assidue, que je m’efforce, que je me

promène avec mon dictionnaire anglais/français partout. Ça a été vraiment difficile » (Justine, campus

St-Lawrence du Collège Champlain). Enfin, les amis francophones sont présents à titre de soutien aux

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études : « On était vraiment comme un petit groupe aussi de francophones. On essayait de se donner

des trucs, de s’entraider » (Antoine, Collège Vanier).

L’expérience d’intégration sous tensions est marquée par une subjectivation sur le plan des interactions

ethnolinguistiques et de la vie collégiale qui se traduit, entre autres, par une certaine fermeture sociale

alors que des divisions entre les étudiants s’observent. Ces divisions s’effectuent selon la langue alors

qu’un « mur virtuel » émerge entre les francophones et les anglophones : « À St-Lawrence, les

anglophones ne se mêlent pas aux francophones » (Sophie, campus St-Lawrence du Collège

Champlain). Elles se présentent aussi selon l’origine ethnoculturelle :

Puis ce qui m’a vraiment marquée à Vanier, je vais te donner l’exemple des cafétérias. Il y a trois cafétérias à Vanier. Bien tu avais le italian caf, le black caf puis le asian caf. (rire) Les gens, c’est… c’est vraiment impressionnant. Mais à Vanier, les autres cégeps je le sais pas, mais à Vanier c’est ça. Tous les Italiens puis les Grecs étaient ensemble dans une cafétéria. Tous les noirs, ils jouaient aux dominos dans la deuxième cafétéria. Puis tous les Asiatiques, ils jouaient aux cartes dans la troisième cafétéria. C’est vraiment spécial. J’ai comme remarqué… c’est comme si eux se faisaient… pas de la ségrégation là, mais eux, se tenaient avec leurs ethnies ou leurs nationalités chacun de leurs bords. C’est vraiment spécial! (Pénélope, Collège Vanier)

Ces divisions ne contribuent pas à créer de liens sociaux entre étudiants de différents profils

ethnolinguistiques. C’est d’ailleurs pourquoi les francophones qui s’inscrivent dans cette expérience

soulignent avoir créé des amitiés presque uniquement avec des étudiants francophones avec lesquels

il leur semblait plus facile de développer des affinités :

Puis c’est sûr la barrière de la langue anglaise était une assez grosse barrière. Il y avait peut-être… à cette époque-là, j’avais pas envie de faire l’effort supplémentaire pour essayer comme de les [les anglophones] connaître dans une autre langue que ma langue maternelle. (Simon, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Le réseau d’amitié se structure également autour de la langue française, qui demeure le point commun

des interactions ethnolinguistiques :

La plupart parlaient bien français. La plupart parlaient bien… c’était le point commun, je te dirais, avec toutes mes connaissances. Dans ça bon, il y en avait de plusieurs origines là. Je dirais que ça, ça variait beaucoup. C’était pas… c’était pas quelque chose qui m’empêchait d’avoir… de parler à quelqu’un le fait qu’il soit d’origine africaine ou qu’il soit d’origine italienne ou… qu’il ait d’autres origines. Ça, ça me dérangeait pas, mais tous parlaient français. Et la plupart du temps à l’extérieur des salles de cours, on parlait français. (David, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

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Par ailleurs, la vie étudiante est principalement animée par les anglophones :

La majorité de toutes les activités socioculturelles, c’était des anglophones qui étaient dedans […] Il y a personne qui nous disait qu’on n’était pas bienvenue, mais sauf que c’était les Anglais, ils étaient là, puis les anglophones ils étaient là. Puis on [les francophones] était moins là. (Nathalie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Cette réalité d’une vie étudiante structurée principalement par des étudiants anglophones conduit les

francophones à ne pas vouloir s’y investir :

Bien, j’aurais eu le temps, mais j’avais pas d’intérêt… je trouvais que j’en avais assez […] J’avais la famille, une blonde, des amis fait que… c’est un peu aussi que c’est sûr que j’étais tanné peut-être d’être dans le monde anglophone… Dans la mesure que je me voyais pas m’impliquer dans un groupe anglophone… à faire, peu importe là… je me voyais plus faire ma petite chose, mes petites études puis retourner chez nous le soir puis quitte à aller voir mes amis. C’était plus de cette façon-là que je veux le vivre. (Étienne, Collège John Abbott)

En plus, cette vie étudiante est de moindre importance aux yeux des francophones qui s’inscrivent

dans l’expérience d’intégration sous tensions. Ces étudiants se consacrent principalement à leurs

études et disent ne pas fréquenter le cégep pour se faire des amis : « On dirait que socialement, ça

cliquait pas avec les gens là-bas. J’allais vraiment là pour mes cours puis [le] moins de temps que je

passais là, le mieux ça allait… » (Amélie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Dans ce contexte de subjectivation négative sur le plan social, les francophones soulignent leur

capacité à être un sujet au travers d’une activité critique et d’une authenticité (Dubet, 1994b, 2009,

2017) qui se traduisent par l’affirmation, voire la réaffirmation, de leur identité francophone en rapport

à des anglophones avec qui peu de liens sont présents :

Ça l’a peut-être un peu plus renforcé mon identité culturelle dans le sens que je me sentais pas… je sentais pas un sentiment d’appartenance envers ceux qui avaient été à [nom d’une école secondaire de langue anglaise] ou à d’autres écoles anglophones avant d’arriver au cégep. Fait que peut-être que ça a un peu plus renforcé le fait que moi je suis francophone puis je vais rester francophone. Mon but c’est juste de devenir bilingue parce que je trouve que ça va m’être utile, ça va m’ouvrir des portes, des opportunités… que ce soit au niveau du travail ou des voyages ou tout ça, mais tu sais ça changeait pas le fait que je suis ce que je suis et ça va toujours rester. (Justine, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Ainsi, l’expérience d’intégration sous tensions se singularise par l’articulation des logiques de

l’intégration, de la stratégie et de la subjectivation au travers d’un travail d’intégration scolaire qui

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amène à la mobilisation de stratégies, mais aussi, sur le plan social, d’une subjectivation négative face

aux interactions ethnolinguistiques et à la vie collégiale.

7.5 Expérience de rupture

Notre typologie des expériences d’études collégiales en anglais se termine avec l’expérience de

rupture, qui touche trois167 participants sur 37. Cette expérience pourrait se caractériser comme une

expérience de perte de sens ou d’anomie168. Elle se distingue par une adhésion variable sur le plan

scolaire, mais surtout par une absence d’adhésion sociale, ce qui mène dès lors à l’expérience de

rupture avec l’abandon des études collégiales en anglais. Prédominent ici la logique de la

subjectivation – par l’activité critique, la réflexivité et l’authenticité de l’acteur qui devient un sujet

(Dubet, 1994b, 2009, 2017) – et la logique de la stratégie – au travers du déploiement de plusieurs

stratégies pour parvenir à retrouver un certain sens aux études et dont la stratégie ultime est celle de

quitter le cégep anglophone (Dubet & Martuccelli, 1996a) – devant une logique de l’intégration qui

n’arrive pas à se concrétiser.

Si cette expérience se finalise par une rupture face aux études collégiales en anglais, la connaissance

de l’anglais est relativement bonne et ne constitue pas une embûche aux études : « Moi ça allait bien.

Aussi, les commentaires que j’avais par rapport à… tu sais, je faisais pas beaucoup de fautes »

(Laurence, Collège Vanier).

Sur le plan scolaire, la réussite des cours est variable selon le temps consacré à chaque matière et

selon l’intérêt qui y est associé :

Il y a des cours que je trouvais plus difficiles que d’autres. Les cours de statistiques déjà là, c’était pas ma force en partant. J’aimais pas vraiment ça, donc je trouvais ça encore plus difficile. Mais les cours qui me passionnaient, que ce soit les cours d’histoire, des cours où j’apprenais beaucoup de choses… Donc, le cours sur la Russie par exemple, ça je trouvais ça extrêmement passionnant donc même si la prof avait un très gros accent russe… je la comprenais puis les lectures, on en avait énormément dans son cours. Elle faisait des grosses piles de photocopies, mais je lisais, j’ai vraiment appris l’histoire de la

167 Nous avons comptabilisé deux fois le même participant, Étienne, qui se retrouve dans l’expérience d’intégration sous tensions et dans l’expérience de rupture.

168 En sociologie, l’anomie est un concept développé par Durkheim qui sera ensuite repris par d’autres sociologues. L’anomie renvoie à l’absence de règles, de normes ou de lois. Il désigne aussi un « mauvais ajustement entre structure sociale et structure culturelle » (Ferréol, Cauche, Duprez, Gadrey, & Simon, 2010, p. 4).

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Russie et j’ai capoté! Ça allait bien. Mais… non il y a eu quelques cours où j’ai eu beaucoup de plaisir… donc c’était plus facile à apprendre. D’autres cours, je trouvais ça un peu plus difficile. (Laurence, Collège Vanier)

La conciliation études-travail amène son lot de difficultés dans la progression et la persévérance dans

les études :

C’était vraiment la motivation du fait que je travaillais beaucoup [dans un cadre professionnel]. Puis d’aller à mes cours… après avoir travaillé trois jours en ligne. Tu sais bon, vendredi je finissais [le cégep] à 2 heures, à 5 heures je travaillais. Je faisais une restauration, je finissais à 10 heures. Je rentrais dans un magasin à 8h30 le lendemain matin jusqu’à 4 heures puis j’allais faire fermer le restaurant le soir. Je faisais encore le dimanche. Lundi matin, mon cours, ça me tentait pas! (rire)… fait que c’est ça, fallait vraiment la motivation du côté que tu sais… il y avait beaucoup de charges côté travail pour payer mes comptes. (Noémie, Collège Dawson)

Cette situation difficile, liée à un intérêt variable face aux études et à des impératifs de la vie de jeune

adulte, conduit à vivre des échecs scolaires :

C’est sûr que le cours d’anglais que j’ai laissé tomber, c’était sur Shakespeare puis… la poésie de Shakespeare, je la trouvais vraiment trop compliquée. Le prof m’avait dit « Bien non, lâche pas, tu pourrais très bien… tu sais tu vas pouvoir réussir quand même ». Puis tu sais, il m’encourageait, mais… non. Ça m’intéressait pas de rentrer dans cet anglais-là précisément, l’espèce de vieil anglais. J’ai quand même eu des échecs. Mais pas tous les cours. Économie j’ai dû avoir un échec. Mais… oui, il y a des cours où j’ai eu des bonnes notes. (Laurence, Collège Vanier)

Différentes stratégies sont mobilisées pour favoriser une réussite scolaire comme celle d’alléger les

sessions afin de diminuer la charge de travail. Pour les francophones qui vivent l’expérience de rupture,

il y a aussi la possibilité d’aller voir les enseignants pour recevoir de l’aide.

Malgré les efforts fournis pour persévérer dans les études collégiales en anglais, une perte de sens se

révèle. En effet, une absence de lien social avec les autres étudiants du cégep se manifeste : « J’ai

été invitée à faire des choses, mais ça m’a pas… ça cliquait pas de mon côté. Je me suis pas vraiment

fait d’amis. Mais je me suis fait des… des collègues d’école » (Laurence, Collège Vanier). Cela amène

même à vivre un certain isolement social durant les études :

D’arriver dans un monde où ce que Dawson, c’est tous des jeunes… je dirais riches, oui. Du centre-ville et du West Island ici à Montréal, qui ont 17-18 ans, leurs parents leur payent tout… La voiture puis leur focus est vraiment pas l’école. Moi j’arrivais, c’est comme « bon faut que je fasse mes études cégep et tout ça ». Là, je me sentais vraiment

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que j’avais une… disons une étape de plus qu’eux et puis ça a été difficile de vraiment me rattacher, me faire des amis et tout ça. (Noémie, Collège Dawson)

De plus, des différences entre le cégep anglophone et le cégep francophone quant aux valeurs

ethnoculturelles distinctes sont constatées. Elles mettent en saillance des questionnements sur les

raisons d’étudier dans un cégep anglophone :

Tu sais, il y avait le cégep Saint-Laurent [un cégep francophone] qui est voisin à… le Collège Vanier. C’est vraiment voisin. Donc, tu sors dehors, tu les vois [les étudiants du cégep francophone]. Puis, ça avait l’air tellement cool à Saint-Laurent! Tu sais, ils sont relaxes, ils ont une autre façon de… une autre façon de… d’être, de vivre... de respirer. Ça a l’air bizarre à dire puis c’est pas raciste, mais tu sais, c’est beaucoup moins… je le sais pas… il y a comme une espèce de plus grande… je le sais pas. C’est comme plus relaxe. C’était plus relaxe du côté francophone, moins… tu sentais moins la musique, le gros band [du Collège Vanier]… C’est ça… C’était pas un cégep très, très cool pour moi [le cégep anglophone] […] C’est juste que c’était tellement allophone [le Collège Vanier], tu sais des Italiens puis des Grecs. Puis encore là, c’est pas raciste, mais ils ont des mœurs tellement différentes, qu’ils ont une façon de s’habiller différente, les filles se maquillent beaucoup, c’est un peu plus « pitoune »… Ça écoute de la grosse musique… […] Tu sais, puis c’est le gros char, puis tu sais bon… ça se tient à [nom d’une ville sur la Rive-Nord de Montréal], dans les restos de [nom d’une ville sur la Rive-Nord de Montréal]. C’est ça, ça va pas aller prendre un verre dans une brasserie où est-ce que tu trouves des bières artisanales admettons […] C’est une question d’impression, j’ai pas fait d’étude là-dessus. (Laurence, Collège Vanier)

En outre, la raison d’être des études – c’est-à-dire le sens que représentent les études pour les

francophones – devient floue, ce qui conduit à un détachement face à sa place dans le cégep :

Le fait que je sois pas capable de faire plus que quatre cours/session… Ça finira plus, ça va me prendre cinq ans pour faire un cégep. C’était assez lourd du fait que c’est là que j’ai vu… j’ai dit « Bon, je vais me décider à ce que je veux faire avant puis je retournerai à l’école si je décide ce que je veux faire ». Mais pour là, j’avais comme pas de but à la fin, et ça m’a pas gardée vraiment motivée pour rester au cégep. (Noémie, Collège Dawson)

Les raisons qui ont amené à choisir le cégep anglophone deviennent même tellement absentes qu’elles

poussent parfois à considérer l’abandon du cégep :

Après avoir lâché le [programme de sport-études], j’avais fait dans le fond un an de [nom du programme d’études] puis j’ai appliqué au [nom d’un cégep francophone] en [nom du même programme d’études], mais ils m’ont refusé à cause de mes notes. Si j’avais été

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accepté, je serais parti… J’aurais peut-être même continué au [sport pratiqué] là-bas. (Étienne169, Collège John Abbott)

Pour des francophones, quitter le cégep devient le choix ultime qui se pose après avoir vécu un certain

temps cette expérience d’études marquée par une perte de sens :

Les anglophones montréalais c’est pas à ce cégep-là qu’ils allaient. C’est pour ça que moi, j’ai pas vécu l’expérience que je voulais vivre. Tu sais, j’ai vécu dans le Montréal allophone et c’était pas celui-là que je voulais découvrir, mais vraiment le Montréal anglophone. (Laurence, Collège Vanier)

Considérant les réalités auxquelles doivent faire face les francophones de l’expérience de rupture qui

ne trouvent plus vraiment de sens dans leurs études collégiales en anglais, la vie étudiante qui y est

associée n’est en rien attirante : « Je me suis pas investie dans rien. Je me suis pas intéressée. Ma

vie était vraiment à l’extérieur de l’école. Donc j’allais à mes cours puis… ça finissait là » (Laurence,

Collège Vanier). Comme il est déjà difficile de réussir les cours, la vie étudiante ne semble pas un

élément important à intégrer dans les priorités : « Je faisais mes cours puis je rentrais à la maison pour

me changer pour retourner travailler. C’était pas une obligation ou… la vie étudiante moi, c’était

vraiment d’aller à mes cours et non la vie qui entoure » (Noémie, Collège Dawson).

L’expérience de rupture est donc marquée par l’abandon des études collégiales en anglais comme

stratégie ultime pour répondre à une certaine perte de sens liée aux études. Cette expérience montre

que tous les francophones qui réalisent des études collégiales en anglais n’arrivent pas forcément à

réussir leurs études au regard de l’adhésion sur le plan scolaire et sur le plan social.

7.6 Conclusion

La typologie présentée dans ce chapitre permet de répondre au deuxième objectif spécifique de la

thèse qui est d’identifier les expériences des études collégiales en anglais de francophones québécois.

La sociologie de l’expérience sociale de Dubet (1994b) fait émerger ces expériences. Le jeu de l’acteur,

étudié selon les logiques de l’intégration, de la stratégie et de la subjectivation au regard d’une

169 Étienne (Collège John Abbott) est le seul sujet de notre corpus dont l’expérience s’inscrit à la fois dans l’expérience d’intégration sous tensions et l’expérience de rupture. En fait, si Étienne a terminé ses études collégiales dans un établissement de langue anglaise, c’est parce que sa demande d’admission dans un cégep francophone, en cours de scolarisation dans un cégep anglophone, a été refusée.

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adhésion différenciée sur le plan scolaire et sur le plan social, permet de comprendre l’articulation

d’une expérience cohérente. Par une construction typologique (Schnapper, 2012), il a été possible de

déceler cinq types d’expérience d’études collégiales en anglais : l’expérience d’intégration facilitée,

l’expérience d’intégration sélective, l’expérience d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration

sous tensions et l’expérience de rupture.

Si l’expérience d’intégration facilitée et l’expérience d’intégration sélective présentent peu de stratégies

par la facilité rencontrée sur le plan scolaire, elles se distinguent entre elles alors que la première

adhère, sur le plan social, aux interactions ethnolinguistiques et à la vie collégiale (expérience

d’intégration facilitée) et la deuxième s’articule davantage dans la subjectivation par un repli social face

aux étudiants anglophones ou anglophiles (expérience d’intégration sélective). L’expérience

d’intégration stratégique et l’expérience d’intégration sous tensions s’inscrivent quant à elles dans une

logique de l’intégration, où se manifeste également la logique stratégique par le déploiement de

plusieurs stratégies pour arriver à une adhésion scolaire. Ce qui les distingue ici aussi, c’est que l’une

se déploie davantage au travers d’une intégration sociale (expérience d’intégration stratégique) alors

que l’autre présente un repli social dans la subjectivation au regard des rencontres ethnoculturelles et

de la vie collégiale (expérience d’intégration sous tensions). Enfin, l’expérience de rupture se présente

au travers d’une logique de la subjectivation et d’une logique de la stratégie qui mènent au déploiement

d’une stratégie ultime qui est celle de quitter le cégep anglophone. Les cinq types de notre typologie

mettent donc au jour différentes expériences vécues par des francophones québécois lors de leurs

études collégiales en anglais.

Celles-ci sont illustrées dans la figure où se croisent un axe d’adhésion scolaire et un axe d’adhésion

sociale.

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Figure 4. Types d’expérience des études collégiales en anglais selon l’adhésion scolaire et l’adhésion sociale

Finalement, réaliser des études collégiales en anglais, pour un francophone québécois, amène son lot

de défis scolaires, linguistiques mais aussi ethnoculturels. Sur le plan individuel, la présence de

francophones dans les établissements collégiaux anglophones conduit à des contacts avec d’autres

groupes linguistiques, dont les anglophones. Si certaines expériences dont nous avons fait état

manifestent davantage un repli sur soi au niveau social, il n’en demeure pas moins que tous évoluent

dans un environnement physique où différents groupes ethnolinguistiques sont présents. Les rapports

intergroupes entre francophones et anglophones varient selon les types d’expérience. À l’instar de

Côté (2005; 2008), il semble qu’une auto-évaluation positive par les jeunes de leurs compétences

linguistiques en anglais mène, dans le cas du type d’expérience d’intégration facilitée, à des contacts

de quantité et de qualité. Le type d’expérience d’intégration stratégique vient nuancer cette idée alors

que, dans ce cas, malgré des difficultés scolaires et linguistiques, des contacts entre les groupes

ethnolinguistiques se sont créés au fil du temps.

Adhésion sociale

Adhésion

scolaire

Adhésion sociale

7.1

Expérience

d’intégration

facilitée

7.2

Expérience

d’intégration

sélective

7.3

Expérience

d’intégration

stratégique

7.4

Expérience

d’intégration

sous

tensions

7.5

Expérience

de rupture

+

+ Adhésion

scolaire

Page 224: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

205

Ajoutons que sur le plan institutionnel, une des missions explicites des établissements d’enseignement

collégial de langue anglaise est d’offrir des formations menant à l’obtention d’un diplôme d’études

collégiales. Or, une des réalités à laquelle doivent faire face ces établissements est qu’une partie de

leur population étudiante est francophone et qu’elle n’a pas l’anglais comme langue maternelle. Ce

faisant, les établissements doivent savoir pallier ce manque linguistique chez certains de leurs

étudiants qui n’arrivent pas au cégep avec les mêmes connaissances et compétences en anglais. Cela

est d’autant plus important, puisque leur mission première n’est pas d’enseigner l’anglais – notamment

sur le plan de l’orthographe et de la syntaxe – mais d’offrir des programmes en anglais. En ce sens,

les centres d’aide en écriture figurent parmi les mesures mises en place depuis plusieurs années

(Conseil des collèges, 1990) pour aider les étudiants. Plus encore, ces établissements d’enseignement

font également face à des défis quant à la complétude institutionnelle des communautés québécoises

d’expression anglaise (Breton, 1964; Cardinal & Léger, 2017; Landry & Allard, 1996; Thériault, 2014).

En effet, si les établissements d’enseignement collégiaux figurent parmi les institutions permettant

d’assurer une certaine vitalité ethnolinguistique et communautaire aux communautés anglophones du

Québec, la présence de francophones colore la réalité de ces établissements qui doivent dès lors

répondre aux besoins différents d’une partie de leur population étudiante. Ajoutons même que, dans

le cas de la région de Québec, le seul cégep de langue anglaise est majoritairement composé

d’étudiants provenant du secondaire francophone. En d’autres mots, si le cégep doit assurer sa mission

de soutien au maintien de la vitalité de la communauté anglophone de la région, il ne peut pas faire fi

de la présence d’étudiants francophones au sein de son établissement.

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206

CHAPITRE 8

PROCESSUS DE SOCIALISATION À L’ANGLAIS DANS LA SUITE

DU PARCOURS DE VIE

Ce chapitre répond au dernier objectif spécifique de la thèse qui vise à dépeindre les processus de

socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel. Un objectif

secondaire cherche aussi à déterminer si le cégep anglophone contribue ou non à moduler les identités

linguistiques et civiques. Il est donc ici question de comprendre comment le passage par le cégep

anglophone influence ou non la suite du parcours de vie. À cette fin, nous mobilisons l’approche

processuelle pour étudier la socialisation à l’anglais (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010). Si la

socialisation a cours tout au long de la vie, la socialisation secondaire – dont il est ici question – se

caractérise par son caractère diversifié, concomitant et continu dans le temps (Darmon, 2010). Nous

nous concentrons sur l’étude de trois sphères de socialisation à l’anglais : scolaire, professionnelle et

personnelle. C’est à travers les pratiques (Lahire, 2013), ici axées sur l’usage de la langue anglaise,

que nous mettons au jour les différents processus de socialisation. Comme expliqué au chapitre 3,

nous avons retenu l’approche processuelle pour bien comprendre l’évolution de la socialisation dans

le temps, plus spécifiquement par les pratiques linguistiques. Selon cette approche, les séquences

temporelles – qui sont déterminées selon l’agencement d’ingrédients – sont guidées par des moteurs

et parfois ponctuées par la présence de bifurcations menant à des changements d’orientation dans le

parcours de vie.

Ici aussi nous avons procédé à la mise en œuvre d’une typologie qui se voulait un effort de dépasser

la simple description des processus pour en arriver à une explication sociologique du lien entre les

discours et les structures sociales. Soulignons de nouveau que la typologie ne porte pas sur les

individus, mais sur les situations (Schnapper, 2012). Afin de bien saisir la finesse de l’analyse

processuelle, à la fois dans la temporalité et dans l’entrecroisement des sphères du parcours de vie,

nous avons choisi d’illustrer chaque type de parcours par un cas de notre corpus.

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207

Avant d’aborder les types qui émergent de nos analyses, une première section examine les identités

linguistiques et civiques au fil du parcours de vie, après le passage par le cégep anglophone. Ensuite

sont présentés les sept types qui montrent l’évolution temporelle de la socialisation à l’anglais au

travers des pratiques linguistiques dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle. Ces sept

types sont le parcours d’anglicisation, le parcours de continuation dans des sphères anglophones, le

parcours de navigation entre l’anglais et le français, le parcours de retour à des sphères francophones,

le parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle, le parcours de détachement face à

l’anglais et le parcours de déplacement vers l’espagnol.

8.1 Identité linguistique et civique après les études collégiales en anglais

Dans la compréhension sociologique de la socialisation, l’identité est un élément central. Au fil de la

socialisation primaire et secondaire, l’identité et l’identification se trouvent modelées et remodelées

(Breton, 1994; Dorais, 2004; Tajfel, 1981). C’est par une dialectique entre identité pour soi et identité

pour autrui que la construction identitaire se produit tout au long de la vie (Dubar, 2002, 2010). De

surcroît, l’identité induit aussi une identification ou une appartenance collective (Dorais, 2004) qui se

fonde sur le sentiment de partager des caractéristiques personnelles et des traits culturels avec le

groupe (Breton, 1994).

Comme démontré dans le deuxième chapitre de cette thèse, il nous est apparu pertinent de nous

questionner pour savoir si les identités linguistiques et civiques de jeunes québécois francophones se

voient remodelées au terme de leur passage par le cégep anglophone et des événements vécus dans

la suite de leur parcours de vie170.

8.1.1 Maintien d’une identité linguistique francophone

L’analyse de nos données permet d’avancer que le passage par le cégep anglophone ne modifie pas

l’identité linguistique des francophones qui y ont réalisé des études. À l’exception d’un cas, dont nous

préciserons les caractéristiques un peu plus loin, une identité francophone se maintient dans la suite

170 Si les identités linguistiques et civiques au Québec sont souvent pensées de manière conjointe (Létourneau, 2002), soulignons que dans les discours des participants, il en est de même. Lors des entrevues et pendant l’analyse, nous avons tenté de comprendre les articulations et de distinguer le sens donné à ces identités par les participants.

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du parcours de vie. Ainsi, au regard des socialisations qui sont vécues lors du passage par le cégep

anglophone, l’identité linguistique francophone ne s’en trouve pas modifiée et celle-ci demeure dans

les étapes successives du parcours, qu’elles soient marquées ou non par l’usage de l’anglais dans les

sphères scolaire, professionnelle et personnelle (Breton, 1994; Dorais, 2004; Tajfel, 1981).

Sur le plan scolaire, il y a persistance d’une identité francophone au terme des études collégiales en

anglais bien que, pour certains, une conscientisation de la présence des anglophones au Québec se

produise :

J’ai pas senti que moi, je me sentais plus anglophone ou que je faisais partie de leur clan, mais j’ai été… j’ai appris qu’ils [les anglophones] existaient puis qu’ils avaient des valeurs différentes puis aussi, j’ai été sensibilisé au fait que si tu es anglophone à Québec, c’est difficile d’avoir des services en anglais. Plus ça, dire tu as pas le droit d’exister vraiment, on te veut pas ici parce que nous on veut être francophone puis on protège beaucoup [notre langue, culture et identité francophones], mais cette personne-là, c’est pas de sa faute puis… est-ce que nous, on voudrait laisser le français parce qu’on vit ailleurs ? Dire, bien là, maintenant je renie mes origines. Non. Il y a plein d’immigrants qui gardent leur origine, bien eux [les anglophones] aussi s’ils sont nés à Québec de parents anglophones. Fait que j'ai été plus sensibilisée à ça, mais j’ai pas senti de changement identitaire, non. (Sabrina, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Plus encore, au regard des études collégiales en anglais, c’est au contact des étudiants

« anglophones » qu’une certitude de l’identité francophone se manifeste. En d’autres mots, c’est en

présence d’autrui, c’est-à-dire l’étudiant anglophone, que l’identité francophone tend à se maintenir

(Dubar, 2002, 2010) :

Je pense que le fait justement d’être avec des anglophones [dans le cégep], des vrais anglophones tu sais [de] langue maternelle, tu te rends compte que tu es pas... anglophone, tu sais. Tu le vois. Regarde, je suis francophone, ma langue maternelle c’est [le] français puis ça finit là. Je suis bonne en anglais, mais ça sera jamais ma langue maternelle. (Julie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Cette persistance de l’identité francophone se manifeste chez des participants qui décident de

poursuivre des études universitaires en anglais. C’est en gravitant dans un environnement social

anglophone pendant les études universitaires qu’il y a parfois une prise de conscience et une remise

en doute des capacités linguistiques liées au bilinguisme :

C’est surtout à [nom d’une ville dans une autre province canadienne] je te dirais que ça a changé, que je me suis rendu compte que non, je ne suis pas bilingue! Parce que c’est là que je me suis… peut-être aussi que ma définition du bilinguisme a changé […] Pour

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n’importe quelle autre personne, [ils] vont peut-être m’entendre parler anglais puis dire « bien voyons, bien oui, tu es bilingue », mais ma définition personnelle a changé. Ce qui fait en sorte que je [ne] me considère plus bilingue. Je me considère comme une francophone qui sait parler anglais. (Annabelle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

D’ailleurs, c’est lors du passage par l’université anglophone, mais surtout du retour à une sphère

scolaire francophone, qu’il y a une prise de conscience des différences de valeurs, de mœurs et de

mentalité entre francophones et anglophones. Cela conduit à confirmer l’identité de francophone et

l’identification au groupe des francophones alors que le sentiment de partager des traits culturels

distinctifs avec les francophones – et, a contrario, des traits non distinctifs avec les anglophones

(Breton, 1994) – se remarque :

Après mon bac [dans une université anglophone], j’ai fait une maîtrise. Puis là, je suis retournée étudier en français avec des francophones. Mais en fait, il y avait du monde d’un peu partout, mais je veux dire… on était vraiment dans un cadre francophone, québécois. Puis, je me suis rendu compte que c’était complètement différent […] Je me suis vraiment épanouie après! C’était beaucoup plus facile! J’étais plus moi-même en fait! C’était comme une autre… pas une autre moi, mais veut, veut pas, tu rentres dans un moule à quelque part. Fait que j’étais un peu rentrée dans le moule. Mais c’est comme d’essayer de rentrer une balle ronde dans un cadre carré… ça rentre, mais quand elle ressort, la boule est ronde puis elle est contente! C’est ça. (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

C’est parfois sur le plan professionnel que l’affirmation de l’identité francophone se manifeste. La

connaissance de l’anglais est vue comme un atout professionnel qui devient alors une « compétence »

ou une « étiquette » à valoriser en emploi. Si ce bilinguisme, comme caractéristique professionnelle,

est important en emploi, il ne modifie pas l’identité linguistique revendiquée :

Je suis complètement bilingue en fait, mais ce n’est pas quelque chose que je mets comme d’avant si quelqu’un me demande d’où je viens ou quelle langue je parle. Je suis française [francophone]. Je parle aussi anglais. […] Je m’en servais juste en entrevue [son bilinguisme]. Pour vrai! C’est la seule place où c’était utile… (Audrey, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Sur le plan personnel, il semble évident que l’expérience de socialisation (Breton, 1994; Dorais, 2004;

Tajfel, 1981) vécue dans un cégep anglophone ne modifie pas l’identité de francophone :

Je vais toujours rester francophone. Le fait d’aller au cégep anglophone, disons, je comprendrais mal que quelqu’un dit « je suis allé au cégep anglophone, je suis devenu

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210

anglophone ». Ça se peut pas, tu es francophone. (Sophie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Les contacts avec autrui durant les études collégiales en anglais et dans la suite du parcours viennent

aussi parfois confirmer l’identité francophone (Dubar, 2002, 2010) :

Mon identité a pas changé du fait que j’étais au secondaire en français ou les périodes où j’ai fait des scolarités plus en anglais ou plus en français ni quand je suis allé à l’extérieur. Quand j’étais en [nom d’un pays francophone], je suis pas… on dit un peu « À Rome comme les Romains », mais c’est sûr que tu adoptes certains comportements locaux ou une façon de parler et d’exprimer plus locale ou même une façon de vivre plus locale. Dans le fond, selon ton environnement tu vas modifier ta façon de vivre. Est-ce que ça change qui tu es ? Je pense pas. Mais surtout je veux dire, quand tu es à l’extérieur, tu es l’étranger. Donc on te remet ta différence toujours à la figure sans que ce soit conscient ou malveillant. Je veux dire, tu te rends toujours compte de qui tu es dans le fond par rapport aux autres parce que tu es à l’extérieur. Tandis que quand tu es dans la masse, c’est moins prenant peut-être. Je pense que justement, quand tu vas dans une école anglophone, tu prends encore plus conscience de ton origine québécoise francophone, je pense. Le fait, par opposition, je le sais pas si ça peut avoir eu un impact de consolidation au niveau de l’identité d’être au cégep en anglais, de mon identité francophone… (Olivier, Collège Marianopolis)

Un seul cas de notre corpus, celui de Noémie (Collège Dawson), présente des manifestations plus

claires de modifications quant à l’appartenance identitaire qui s’ouvre au groupe des anglophones. Le

passage par le cégep anglophone l’a amenée à développer une appartenance plus grande au Canada,

vu dans une perspective plus anglophone, qui se maintient durant la suite du parcours. Au Canada

anglais – ici est inclus le Montréal anglophone – sont attachées des valeurs qui sont plus en

concordance avec celles de Noémie que celles promues dans un Québec francophone (Breton, 1994).

Si dans son discours il n’y a pas de négation de son identité francophone, elle souligne tout de même

manifester ouvertement de la fierté à parler anglais et à être bilingue :

Je nie pas mes racines, mais je suis fière d’être bilingue, de parler anglais, ça m’a amenée où ce que je suis en ce moment. Et puis, je dis pas que je renie mon français. Je suis contente de le parler le français, mais je suis pas fermée au Québec. Je sais pas comment expliquer ça. En ce moment, j’ai honte [en référence au débat sur le projet de la Charte des valeurs québécoises]. Je marche la tête baissée quand j’ai un Américain qui vient puis qui sait qu’est-ce qui se passe en ce moment. Puis je leur dis franchement que j’en ai honte. (Noémie, Collège Dawson)171

171 Ici, Noémie fait notamment référence au débat généré, entre 2012 et 2014, par le projet de la Charte des valeurs québécoises proposé par le Parti Québécois de Pauline Marois.

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Le parcours antérieur de Noémie influence la suite de son parcours. En effet, son désir de devenir

bilingue dès la fin du secondaire et les stratégies mises en place pour y parvenir démontrent son intérêt

à graviter dans un univers anglophone. Ainsi, le cégep anglophone ne structure pas à lui seul le

changement identitaire de Noémie et cette dernière explique bien comment le cégep anglophone a été

une opportunité de déménager à Montréal et de s’insérer dans des sphères sociales plus

anglophones :

Mais comme je disais, ça [le cégep anglophone] a été le tremplin pour m’amener à Montréal, au monde anglophone… pour m’adapter vraiment ici au mode de vie et aux cultures. Alors je pense que ça a été vraiment bénéfique de ce côté-là. Si j’étais arrivée à Montréal sans travail, sans formation, pas d’école à aller, ça aurait été un petit peu dur. L’intégration a été plus facile du fait que tu sais oui, j’allais à l’école. J’allais m’intégrer à l’école, m’intégrer avec différentes cultures, à des amis. À me trouver un travail, ça a été plus facile, je crois… (Noémie, Collège Dawson)

Le tableau suivant présente l’identité linguistique des participants à la suite de leurs études collégiales

en anglais et dans la suite de leur parcours de vie.

Tableau 24. Identité linguistique après les études collégiales en anglais et dans la suite du parcours de vie

Identité linguistique

Francophone Francophone et ouverture à une identité anglophone

Nombre de participants 36 1

Si l’identité linguistique francophone se maintient pour la presque totalité des participants dans la suite

des parcours de vie suivant les études collégiales en anglais, qu’en est-il des identités civiques ?

8.1.2 Maintien et modification des identités civiques

Pour ce qui est de l’identité civique, il s’avère que le passage par le cégep anglophone et les

expériences subséquentes du parcours de vie maintiennent, pour la majorité des participants, ou

modifient, pour une minorité de participants, l’identification au Québec et au Canada. En effet, au

regard de l’identité civique manifestée dans l’enfance et à l’adolescence chez les participants (Chapitre

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212

5), les expériences scolaires, professionnelles et personnelles vécues où le français et l’anglais

occupent une place variable tendent soit à maintenir, soit à modifier l’identité civique.

Pour la majorité des participants (32 sur 37), les études collégiales en anglais et la suite du parcours

de vie ne modifient pas leur identité civique développée durant leur enfance et leur adolescence, que

celle-ci soit reliée au Québec et/ou au Canada. Ce maintien se remarque d’abord sur le plan scolaire,

où le passage par le cégep anglophone ne modifie pas l’identité civique qui se manifestait avant les

études collégiales :

Bien, ça m’a ouvert un peu à la culture, mettons anglo-saxonne un peu plus [les études collégiales en anglais], mais ç’a pas changé mon sentiment d’appartenance par rapport au Québec, par rapport au Canada, par rapport à tu sais... je suis conscient parfaitement que je suis Québécois puis toute la patente. (Vincent, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

De plus, des études universitaires en anglais après les études collégiales en anglais, amènent encore

plus à comprendre des distinctions de mentalité tout comme des distinctions culturelles entre le

Canada et le Québec ainsi qu’entre les Canadiens et les Québécois (Breton, 1994) :

Bien moi j’étais une Québécoise [dans l’enfance et à l’adolescence]. Et je vivais dans un pays qui s’appelait le Canada… c’était vraiment ça. Tu sais, je comprenais qu’il y avait le Canada… qu’on en faisait partie… Puis encore aujourd’hui, je me sens vraiment comme une Québécoise. J’ai pas… c’est pas mon pays là, mais comme plusieurs Québécois… Tu sais le Québec, c’est comme un peu une île on dirait au milieu d’un… probablement à cause de la langue principalement, mais même notre façon d’agir… Tu sais, pour avoir étudié en anglais, notre façon d’être comparée aux anglophones, c’est très, très différent. On n’est pas pareil. On n’agit pas de la même façon. Ils sont beaucoup plus conservateurs. Ils apportent d’autres choses. Ils ont des choses très intéressantes à apporter, mais on a un côté… un petit peu plus fou, un petit peu plus relaxe… moins conservateur, un peu plus « Ah, c’est pas grave, ça va aller! ». Mais… mais c’est vrai! Puis, je m’en suis rendu compte à la fin de mes études [dans une université anglophone]. Bien en fait, quand j’ai continué mes études [universitaires], mais en français. Je me suis rendu compte de la différence puis dans ma propre attitude aussi. (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Sur le plan professionnel, pour plusieurs participants, peu importe la ou les langues de travail (français,

anglais ou une autre langue), l’identité civique se maintient aussi :

Je travaille essentiellement en français […] Je sais que je me suis jamais associée au Parti Québécois par exemple. J’ai toujours été, justement dû peut-être mon intérêt vers

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l’anglais là, j’ai toujours cru que... je me suis toujours considérée Canadienne avant d’être Québécoise par exemple. (Amélie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Sur le plan personnel, l’identité civique qui se manifestait durant l’enfance et l’adolescence se maintient

et se confirme au regard des expériences de socialisation (Breton, 1994; Dorais, 2004; Tajfel, 1981)

du parcours de vie :

Est-ce que je suis Québécoise ? Oui, par défaut. Je dirais plus que je suis Canadienne. Justement parce que j’ai cette culture-là que peut-être d’autres Québécois ont pas puis qu’ils veulent pas avoir non plus. Le fait d’avoir voyagé au Canada [dans son enfance et son adolescence]. Moi, je suis partie… j’ai mis mes mains dans les deux… océans. Je pense que ça a pas changé. Je pense que c’est encore le… le même fait que oui, je suis Canadienne parce que justement j’ai appris mon anglais partout au Canada […] Aujourd’hui, je me considère vraiment comme Canadienne du fait que j’ai un conjoint qui est [origine provinciale canadienne anglophone]. (Valérie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Si la grande majorité des participants témoigne ne pas avoir vécu de changement quant à leur identité

civique au fil de leur parcours de vie, cinq participants sur 37172 soulignent toutefois avoir vécu des

changements au regard de leur expérience de socialisation sur le plan scolaire, professionnel et

personnel (Breton, 1994; Dorais, 2004; Tajfel, 1981). En effet, au cours d’une expérience universitaire

en anglais et de rencontres culturelles avec des étudiants canadiens anglophones, le passage d’une

identité de Québécois à Canadien s’opère pour un participant :

C’est au fil des conversations que j’ai eues avec des Canadiens… En fait, il y a un moment que c’est drôle, c’est anodin, mais ça m’a quand même marqué. Il y a un gars qui était dans… ça c’est à [nom d’une université anglophone]. Dans un cours d’anglais, tu as un [origine provinciale canadienne anglophone] […] Donc, il était à Montréal. Puis, je commence à parler avec lui puis il commence à me parler en français avec son accent… avec son accent anglais. Puis ça m’a surpris puis je suis comme « Ah! Tu es montréalais ? » parce que je me suis dit ça doit être un anglophone d’ici. Je vois pas pourquoi un Canadien parlerait français. Puis il dit « Non, non, je viens juste, ça fait pas très longtemps que je suis au Québec. J’ai grandi en [nom d’une province canadienne] puis ma mère m’a envoyé dans une école d’immersion francophone ». Puis lui, il tripait sur le français. Il tripait sur la culture québécoise puis c’est ça. Puis après, j’ai rencontré une [origine provinciale anglophone] qui était en [nom d’un programme d’études] puis elle, c’est la même chose. Elle est venue à Montréal pour apprendre le français parce qu’elle tripait sur le [secteur culturel] québécois puis elle aimait ça. Mais ils venaient quand même à [nom d’une université anglophone] parce que c’était… plus facile pour eux puis peut-être moins intimidant, mais ils venaient quand même par amour du français en fait. Donc

172 Soulignons que ces cinq participants se définissaient tous, dans l’enfance et à l’adolescence, comme Québécois, dont un se disait ouvertement souverainiste.

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214

ça, ça m’a comme ouvert l’esprit à l’idée que… qu’en dehors du Québec, puis peut-être même principalement en dehors du Québec parce qu’ils ont pas nécessairement de… de genre de pression politique que les gens ici subissent, c’est beaucoup de gens, surtout dans [provinces canadiennes] qui… qui aiment le français puis qui ont envie d’apprendre le français puis qui considèrent eux que… un Canadien, ce serait pas un Canadien s’il y avait pas le bilinguisme. Donc eux, ils se moquent des Américains en disant que les Américains ils connaissent juste une langue puis eux ils ont comme une espèce de sentiment de fierté de… d’avoir aussi la culture francophone dans leur vie. Puis à ce moment-là, j’ai commencé à me dire faudrait peut-être que moi j’accepte aussi la culture canadienne anglophone dans ma vie. Puis c’est… ça s’est fait progressivement, mais… c’est ce genre de contact-là qui m’a amené vers ça. (Antoine, Collège Vanier)

Pour deux autres participants, ce sont des expériences professionnelles à l’extérieur du Québec ou au

Québec avec des Canadiens anglophones qui conduisent à se définir dorénavant plus comme

Canadien que comme Québécois :

Maintenant, c’est moins… Québécoise francophone que Canadienne francophone […] Étant donné que j’ai… quand j’ai été à [nom d’une ville dans une autre province canadienne], j’ai vraiment vu que… oui, c’est différent, mais en même temps, on est un peu du pareil au même. Le Québec on est vraiment différent, mais on fait partie d’un tout! Tu vois, j’ai travaillé chez [nom d’une compagnie canadienne dont une des succursales se trouve au Québec], j’ai travaillé avec beaucoup de monde qui viennent d’un peu partout au Canada puis… Écoute, je me suis créé par défaut des amitiés avec ces personnes-là, puis tu vois c’est… les identités sont vraiment distinctes, ce qui se passe au Québec est complètement différent de ce qui se passe en Ontario, mais tu sais, tout le côté séparatiste, il est pas mal parti de par les personnes que j’ai rencontrées puis qui sont dans le même pays que moi. C’est pour ça que je te disais tantôt, au cégep je l’étais encore [Québécoise] et tu vois, à la lueur d’aujourd’hui, à la fin de mes études, depuis que j’ai commencé à travailler bien… ça a comme changé. (Pénélope, Collège Vanier)

Des expériences scolaires ou personnelles ailleurs au Canada amènent deux francophones à

considérer leur identité civique non plus seulement comme associée au Québec, mais aussi au

Canada :

Moi, d’être allé au Canada anglais autant dans l’ouest que dans l’est, ça a quand même brisé ça un peu là. Il y a comme… oui, Québécoise, mais je serais ouverte à être Canadienne à quelque part. Mais tu sais, c’est sûr je vais toujours plus me sentir Québécoise que Canadienne, mais c’est moins figé que ça l’était quand j’étais jeune puis que ce l’est aussi que je le vois chez les gens qui sont jamais allés… peut-être pas tout le monde, mais… les personnes qui sont pas exposées à l’anglais puis qui sont pas exposées à sortir du Québec. Je sens ça un petit peu, ça change un peu le sens de ça. Pour moi, c’est plus flou un peu. Je suis moins… je suis moins attachée à… juste une identité québécoise. C’est comme… il y a une ouverture pour la place pour autres choses. Oui. (Béatrice, Collège John Abbott)

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215

Le tableau ci-dessous présente une synthèse des identités civiques des participants après leurs études

collégiales en anglais et dans la suite de leur parcours de vie.

Tableau 25. Identité civique après les études collégiales en anglais

dans la suite du parcours de vie

Identité civique

Québécoise Canadienne173 Québécoise et canadienne

Nombre de participants

12

15 10 + souverainiste (3)

+ non souverainiste (3)

En somme, il semble que l’identité linguistique francophone se maintienne dans la suite du parcours

de vie de jeunes francophones qui ont choisi de réaliser des études collégiales en anglais au Québec.

Un seul participant évoque vivre des changements dans son identification linguistique. Il n’en est

toutefois pas ainsi pour les identités civiques. Si, pour la majorité des participants, les identités civiques

tendent à se maintenir, pour d’autres, elles se modifient avec une ouverture sur une identité

canadienne.

8.2 Parcours de socialisation à l’anglais suivant les études collégiales

Nos analyses ont permis de faire émerger sept types de processus de socialisation à l’anglais dans la

suite du parcours de vie au regard des sphères scolaire, professionnelle et personnelle.

8.2.1 Parcours d’anglicisation

Le premier type de parcours de socialisation à l’anglais suivant le cégep est le parcours d’anglicisation.

Ce parcours se caractérise par des pratiques linguistiques, surtout en anglais, dans la sphère

173 Au regard du chapitre 5 de présentation du corpus, les trois participants comptabilisés dans la catégorie du passage d’une identité québécoise à une identité canadienne durant l’enfance et l’adolescence ont été ajoutés à la catégorie « identité canadienne » dans ce tableau sur l’identité civique après les études collégiales en anglais et dans la suite du parcours de vie.

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professionnelle mais aussi – et c’est ce qui le distingue des autres parcours – dans la sphère

personnelle. Dès le début du parcours, l’anglais occupe une place centrale qui perdure dans le temps.

Soulignons que ce type de parcours ne concerne qu’un seul cas de notre corpus de données. Il faut

donc le voir comme une forme d’exception.

Le cas de Noémie (Collège Dawson) illustre avec justesse ce parcours. Si Noémie décide de quitter le

cégep anglophone après une seule année d’études et de ne pas poursuivre d’autres études, elle

s’intègre néanmoins très rapidement à des sphères professionnelle et personnelle majoritairement

anglophones. Son parcours de socialisation à l’anglais se structure autour de deux séquences qui se

chevauchent dans le temps.

Une première séquence, qui débute dès la fin de ses études collégiales et perdure au moment de

l’entrevue, s’articule dans une sphère professionnelle largement dominée par l’anglais. Un moteur

programmatique guide en partie cette séquence, puisque l’occupation d’un emploi devient prioritaire

maintenant que les études ne sont plus une ambition. Force est d’admettre que Noémie avait aussi

comme objectif de vivre dans un environnement plus anglophone en venant vivre à Montréal pour ses

études collégiales. Ainsi, elle poursuit toujours cet objectif en travaillant dans des milieux

professionnels majoritairement anglophones. Un moteur téléologique oriente donc aussi cette

séquence alors que l’anglais occupe, plus que jamais, une place centrale dans sa carrière. En effet,

dans le cadre formel, l’anglais domine : « Ma journée complète est en anglais. De A à Z ». Si l’anglais

est central, le français n’est pas complètement absent de son emploi, notamment avec certains

employés. Mais, c’est surtout le franglais174 qui prime dans le cadre informel, une particularité

linguistique qu’elle affectionne dans sa vie à Montréal :

C’est ça qui est le fun à Montréal, c’est que les deux langues, on est capable de se comprendre. Puis que je le dise en anglais ou en français, la personne en face de moi va le comprendre et va me répondre dans la langue qui est confortable.

La seconde séquence de ce parcours d’anglicisation se structure autour de la sphère personnelle et

se déploie dans une temporalité concomitante avec la première séquence. Noémie gravite en effet

dans une sphère personnelle majoritairement anglophone. Dans sa vie conjugale, elle demeure avec

174 Le franglais fait référence à l’alternance codique, le passage d’une langue à l’autre, comme le passage entre le français et l’anglais (Dagenais, 2017).

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une personne unilingue anglophone, l’anglais domine dans les pratiques linguistiques : « Il est

Québécois. Mais il parle pas un mot français! ». Plus encore, ses pratiques culturelles s’effectuent

essentiellement en anglais :

Depuis que je suis revenue [d’un pays anglophone] et que je suis [allée] au cégep anglophone, il y a plus [aucune] de radio francophone, tout est en anglais, Virgin radio ici. Je me souviens même pas la dernière fois que j’ai écouté un film en français… L’intégration en milieu anglophone a été 100 %. De un, la radio, je l’écoutais pas à Québec parce qu’elle était tellement plate, mais ici avec Virgin radio en anglais, tu as pas le choix d’écouter la radio! La télé, ici même encore là j’ai le câble puis j’écoute pratiquement pas la télé francophone. J’écoute toutes les séries anglophones… Même quand je travaille, c’est « Hi, bonjour ». Mon chum est anglophone. Alors pour moi, en ce moment, l’anglais est prioritaire je dirais.

C’est dire qu’un moteur évolutionniste est à l’œuvre, propulsant les pratiques linguistiques en anglais

à un niveau d’importance encore plus grand au travers de cette sphère personnelle, c’est-à-dire un

changement d’échelle (Grossetti, 2004), faisant de celles-ci des normalités de la vie personnelle.

Alors que le parcours de Noémie se structure principalement autour de l’anglais, le français devient

une langue avec laquelle elle se sent moins à l’aise : « C’est pour ça que je cherche mes mots. Je

m’excuse. Des fois, je bégaye, mais je cherche mes mots en français, c’est normal. »

L’illustration du parcours d’anglicisation par le cas de Noémie met en lumière la place centrale

qu’occupe l’anglais dans les sphères professionnelle et personnelle, mais aussi – rappelons-le – sur

le plan d’un changement identitaire qui singularise également ce type de parcours. En outre, cette

importance est manifeste dans le parcours de Noémie dès la fin du cégep anglophone, mais surtout

bien avant ses études collégiales en anglais. Cette importance de l’anglais dans son parcours de vie

perdure au moment de l’entrevue.

8.2.2 Parcours de continuation dans des sphères anglophones

Le deuxième type de parcours de socialisation à l’anglais est celui de la continuation dans des sphères

anglophones, qui concerne huit participants sur 37. Il se distingue par une scolarisation universitaire

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en anglais175 – en continuité avec le cégep anglophone – ainsi que par une insertion dans un marché

du travail majoritairement anglophone. Dans ce type, l’anglais est central dans les sphères scolaire et

professionnelle, mais il n’a pas la même importance dans la sphère personnelle. En effet, l’anglais

colore ici les pratiques culturelles et certaines relations sociales, mais le français continue d’occuper

une place importante dans la vie personnelle.

Le parcours de Samuel (Collège John Abbott) amène à comprendre plus adéquatement ce type de

socialisation marqué par la continuation dans des sphères anglophones. Après le cégep, Samuel

décide de s’inscrire dans une université de langue anglaise pour y faire un baccalauréat, ce qui

caractérise sa première séquence. Si l’anglais est un élément explicatif de son choix, c’est aussi le

prestige de l’établissement, notamment dans son domaine d’études, qui l’amène à faire une demande

d’admission : « C’était la meilleure université au Canada. Fait que c’est pour ça que je voulais aller

là ». Un moteur téléologique guide alors cette séquence, où l’ambition d’étudier dans un programme

réputé comme étant le meilleur constitue l’objectif. Ainsi, ses pratiques linguistiques dans cette sphère

scolaire se réalisent en anglais avec une certaine confiance de la part de Samuel : « Comparé aux

autres francophones, je me suis vraiment amélioré [lors de ses études collégiales]. Fait que oui, ma

confiance est restée ».

Une deuxième séquence se présente en concomitance avec la première. Elle est marquée par deux

stages d’étude lors des périodes estivales. Samuel décide de faire des demandes de stage dans de

grandes compagnies affiliées à son domaine situées dans un pays anglophone. Ces opportunités

présentent aussi l’avantage de pouvoir vivre une immersion dans un milieu complètement anglophone,

ce qui contribue au développement de ses capacités linguistiques en anglais. Un moteur téléologique

guide cette deuxième séquence du parcours de Samuel. Il a comme objectif clair de réaliser ses stages

au sein des meilleures compagnies de son domaine :

Fait que la deuxième année, j’ai appliqué chez [nom d’une compagnie]. C’est là que j’ai eu le stage en [ville dans un pays anglophone] puis ça m’a aidé encore plus à développer mon anglais je te dirais à la longue. D’être vraiment en milieu purement anglophone, là-bas, il y a pas un francophone. J’ai pas parlé un mot de français de l’été à part sur Skype avec mes parents! Puis l’été d’après, j’ai eu un stage chez [nom d’une autre compagnie] en [ville dans un pays anglophone].

175 Nous considérons aussi dans la scolarisation universitaire en anglais les participants qui ont suivi un programme d’études enseigné majoritairement ou en partie en anglais dans une université francophone.

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Une troisième séquence s’enchaîne alors avec son occupation professionnelle. En effet, dès la fin de

ses études universitaires, Samuel considère être prêt à intégrer le marché du travail. Rapidement, il

prend conscience de la plus-value de ses études dans une université anglophone, qu’il considère

comme le meilleur choix pour sa carrière : « Aller à [université anglophone], c’était mon meilleur choix

que je pouvais faire pour ma carrière. Dans le temps, les compagnies, comme les compagnies

importantes dans mon domaine, elles recrutaient juste à [université anglophone] au Québec. » Depuis

deux ans, il travaille à Montréal pour la même compagnie qui l’a engagé après son dernier stage dans

un pays anglophone. Dans cet emploi, l’anglais prédomine dans le cadre des pratiques linguistiques

formelles :

Tu sais, c’est pas une question d’être bien vu [de parler anglais], c’est une question d’être capable de t’exprimer parce que tu sais, toutes les entrevues sont en anglais puis c’est des entrevues extrêmement techniques en [domaine professionnel]. C’est juste des questions techniques fait que c’est pas une question de… quelles sont tes qualités puis d’être bien vu et tout, c’est juste « est-ce que tu es capable de comprendre la question puis de répondre à la question ». Fait que comme je te disais au début, si tu es pas capable de penser 100 % en anglais, s’il faut que tu switch [change] tout le temps en français dans ta tête, tu as pas le temps de faire ce back and forth [aller-retour / va-et-vient]. Faut vraiment que tu sois focussé. Puis quand je suis là-dedans, je suis juste en anglais puis ça roule. Fait que tu sais, tu veux être efficace puis impressionner l’intervieweur bien… tu as pas le choix. Fait que ton CV va t’emmener à l’entrevue, mais après ça, faut que tu prouves ce que tu es capable de faire puis si tu es pas capable à cause de la langue bien c’est… tu auras juste jamais la job. Tu sais, c’est pas parce que tu es moins bon, c’est juste que tu es pas capable de prouver… Une fois que j’ai eu la job, c’était important. Tu sais souvent il y a des meetings d’équipe. Il faut que tu comprennes qu’est-ce qui se passe. Maintenant que je suis plus expérimenté, c’est rendu important pour me créer des relations, être leader dans les affaires, leader des nouveaux qui sont aussi anglophones…

Si, dans le cadre informel, l’anglais est aussi très présent, le français prend un peu de place dans les

pratiques linguistiques entre collègues :

Mais des conversations dans le couloir admettons, quand on jase bien des fois, si c’est juste des francophones, on parle en français […] Puis même que des fois, les anglophones ça les gosse [ennuie] parce qu’il y en a qui essayent d’apprendre le français! Tu sais, ils sont moins bons en français que nous on l’est en anglais, mais tu sais, ils veulent pas qu’on switch [change] pour eux. Une conversation technique c’est sûr que oui, mais des fois, aux dîners on parle de n’importe quoi puis… ils veulent pas qu’on switch puis ils disent « non! Je veux apprendre le français ».

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Ainsi, un moteur téléologique le guide à nouveau dans sa volonté d’occuper un emploi dans un endroit

qui lui apparaît comme la meilleure compagnie dans son domaine. Couplé à ce moteur téléologique

se trouve également un moteur évolutionniste qui permet de comprendre que l’anglais occupe

maintenant une place encore plus importante dans sa vie, devenant la langue principale au travail. Les

pratiques linguistiques sur le plan scolaire se sont transposées sur le plan professionnel, faisant

qu’elles occupent davantage d’importance dans le parcours.

La sphère personnelle de ce type de parcours, qui correspond à la quatrième séquence, n’est pas

aussi marquée par l’anglais que les sphères scolaire et professionnelle. Elle est en synchronisme avec

les autres, c’est-à-dire depuis la fin du cégep anglophone jusqu’au moment de l’entrevue. En effet, les

pratiques culturelles de Samuel sont ouvertes au français et à l’anglais. Puisque Samuel est en couple

avec une francophone qui ne maîtrise pas aussi bien l’anglais que lui, le français est présent dans

leurs pratiques culturelles de couple :

Donc si c’est un film qui est québécois, je vais l’écouter en français, mais si c’est un film américain je vais l’écouter en anglais. Sauf quand je l’écoute avec ma blonde parce qu’elle c’est vraiment juste franco… français. Je veux dire, elle parle anglais, mais pas au point d’écouter un film sans les sous-titres pour relaxer. Elle est capable si elle est bien concentrée là, mais…

En ce qui concerne les relations sociales, Samuel souligne que les amis qu’ils fréquentent le plus sont

des amis francophones du secondaire : « Tous mes amis que je vois le plus souvent, c’est tous mes

amis francophones du secondaire ». Autrement, pour les amitiés développées à l’université, qu’elles

soient avec des francophones ou des anglophones, l’anglais prime souvent dans les échanges alors

que les contacts initiaux se sont faits dans un environnement anglophone :

À part mes amis de l’université, même mes amis d’université que j’ai gardés c’est des francophones. C’est juste que c’est bizarre parce que même si on est francophone, vu qu’on s’est connu dans un milieu anglophone, on a tendance à se parler en anglais. C’est vraiment bizarre comme phénomène. Tous mes amis francophones que j’ai connus dans des milieux anglophones, que ce soit au cégep ou dans d’autres milieux de travail admettons, c’est comme la première langue dans laquelle on s’est parlé, c’est la langue du milieu où on s’est rencontré puis on continue à se parler de même, même quand des anglophones autour [ne] sont plus là.

S’il y a une certaine fluidité entre le français et l’anglais dans les pratiques linguistiques liées à la

consommation culturelle et aux relations sociales, le français demeure une langue importante dont la

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maîtrise est essentielle. Samuel aborde l’importance qu’il accorde à bien utiliser le français aujourd’hui

comme un legs de sa mère : « Aujourd’hui encore, j’haïs ça faire des fautes. Comme je te dis, ma mère

qui est vraiment maniaque avec ça, puis ça m’a resté! ».

Un moteur dialectique, confrontant les ingrédients liés aux pratiques linguistiques en français et en

anglais, conduit donc cette séquence. Ici, la tension mène à une forme de stabilité et n’est pas perçue

comme une source de conflit dans le parcours de Samuel (Pérocheau & Correia, 2010).

Le parcours de continuation dans des sphères anglophones est donc un parcours de socialisation à

l’anglais qui se caractérise par la présence de l’anglais dans les sphères scolaire et professionnelle.

Bien que l’anglais occupe une certaine place dans la sphère personnelle (pratiques culturelles et

relations amicales), le français continue d’avoir une place importante.

8.2.3 Parcours de navigation entre l’anglais et le français

Le parcours de navigation entre l’anglais et le français concerne près de la moitié des participants (18

sur 37) et il se singularise par une capacité de l’acteur à se mouvoir sur le plan linguistique. Autrement

dit, l’acteur arrive à passer d’une langue à l’autre, au fil de son parcours, suivant les opportunités ou

les contraintes sur le plan scolaire, professionnel et personnel. Ce parcours domine au sein de notre

corpus, montrant comment l’acteur arrive à passer d’une langue à l’autre au gré des séquences. Si

tous les parcours ne sont pas caractérisés par des bifurcations, il n’en demeure pas moins que certains

le sont, ce qui explique parfois cette navigation – voire ces changements – entre l’anglais et le français

dans l’ensemble des sphères.

Le cas de Xavier (campus St-Lawrence du Collège Champlain) permet d’exemplifier ce type de

parcours. Après le cégep anglophone, il se trouve dans une période d’indécision vocationnelle. Face

à cette situation, il préfère intégrer temporairement le marché du travail. Pour une période d’un an,

Xavier travaille dans une usine où seul le français est requis. Ainsi, en ce qui concerne les pratiques

linguistiques, le français est de mise, autant dans le cadre formel qu’informel, alors que l’anglais ne

présente pas d’utilité. Un moteur programmatique l’amène alors à occuper cet emploi :

C’était pas très anglophone… puis l’autre emploi non plus parce que c’était vraiment une usine à [arrondissement de la Ville de Québec]. Il y a pas grand monde qui parle anglais

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là à part la direction qui contactait des fois des gens de l’extérieur, mais ça a pas aidé. Bien en tout cas ça a peut-être aidé, mais je pense pas que c’était vraiment un facteur important dans le fait que j’ai travaillé là. Puis moi en fait j’allais travailler là en sachant que j’allais partir un jour parce que je voulais pas rester longtemps.

Après une année sur le marché du travail, Xavier souhaite retourner aux études. Ceci marque la

seconde séquence de son parcours de socialisation à l’anglais propulsée par un moteur téléologique

avec l’objectif de retourner aux études. C’est par hasard qu’il découvre une université anglophone au

Québec. Xavier dit être « vraiment tombé en amour avec l’université » pour la beauté du campus, de

la région, de l’aspect communautaire et stimulant ainsi que des avantages financiers. La langue

anglaise joue ici un rôle plus secondaire, puisque continuer ses études en anglais n’était pas forcément

un objectif :

Donc dans ma tête, c’était vraiment une université communautaire que je trouvais que c’était le fun puis c’était en anglais donc ça continuait un peu ce que j’avais fait au cégep. Puis c’était vraiment ça la raison pour laquelle je suis allé là.

Au terme de quatre années d’études de baccalauréat, Xavier améliore ses connaissances et ses

compétences en anglais, qui est alors central dans ses pratiques linguistiques. D’ailleurs, il se crée

des amitiés avec des anglophones où l’anglais est de mise dans leurs échanges : « La plus grosse

majorité de mes amis était anglophone. Même là, les francophones, aussitôt qu’on était le moindrement

dans un milieu anglophone, fallait qu’on parle en anglais pour que le monde comprenne ». Si son

identité francophone se maintient – soulignons-le de nouveau – au terme de ses études universitaires

en anglais, les codes culturels anglophones lui sont maintenant plus clairs :

C’est plus le mode de vie étudiant. Je sais pas, c’est pas pareil. Comment je pourrais dire ? C’est très subtil. Comment je pourrais dire ? C’est souvent dans la manière d’approcher les gens, de communiquer, mais c’est même pas dans le langage, c’est beaucoup plus dans l’approche… tu sais c’est dans l’attitude…

Une nouvelle séquence, sous un moteur programmatique, amène Xavier à vouloir s’insérer sur le

marché du travail dans la région où il a étudié : « Puis bon… j’étais à la recherche d’emploi dans le

coin de [ville francophone au Québec] parce que je voulais m’établir là. ».

Une bifurcation se présente alors dans son parcours alors que sa recherche d’emploi ne donne pas

les résultats escomptés. Ne trouvant pas d’emploi dans son domaine, Xavier décide de s’inscrire à la

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maîtrise : « ma recherche d’emploi allait très mal tout ça… bon j’ai décidé d’aller à la maîtrise ». Cette

bifurcation modifie la trajectoire initiale de son parcours, le ramenant dans une sphère scolaire.

Pour ses études de maîtrise, Xavier se voit contraint de s’inscrire dans une université francophone,

puisque l’université anglophone au sein de laquelle il a réalisé ses études n’offre pas son programme

d’études au deuxième cycle. Il tient à demeurer dans la région puisqu’il est en relation de couple. Cette

quatrième séquence est caractérisée par un moteur dialectique où il y a une tension entre les

ingrédients que sont les difficultés liées à l’insertion professionnelle dans sa région, le choix de

continuer par défaut des études supérieures et l’obligation de choisir un établissement universitaire

francophone. S’il vit une certaine adaptation à retourner étudier en français, Xavier y arrive somme

toute très bien, notamment parce que les manuels de cours sont en anglais. Durant cette séquence,

ses pratiques linguistiques sont davantage en français bien que l’anglais demeure présent et utile.

Cette séquence montre la capacité de l’acteur, dans ce type de parcours, à naviguer entre les langues

française et anglaise.

J’avais pas le choix d’aller dans une autre université. Donc [nom de l’université francophone] ça faisait un bon lien. C’est une université reconnue en [domaine d’études] aussi. Puis je pouvais pas… je voulais pas déménager. Je voulais pas aller à [nom d’une ville au Québec] ni dans d’autres…

L’anglais et le français sont présents dans la sphère personnelle alors que sur le plan conjugal, même

s’il est en couple avec une personne bilingue, le français domine comme langue de communication

dans la maison tandis que les pratiques culturelles sont plus en anglais.

Une cinquième et dernière séquence, marquée par un moteur dialectique et téléologique, se

caractérise par une intégration sur le marché du travail. Ici, Xavier décide d’effectuer une mobilité

géographique, malgré son souhait premier de rester dans la ville où il est établi depuis quelques

années, car il n’arrive pas à y trouver d’emploi : « Bien écoute le marché de l’emploi est pas très bon

à [nom d’une ville au Québec]. » Il travaille depuis peu dans une autre ville du Québec et il occupe un

emploi où seul le français est requis, autant dans le cadre formel qu’informel. Ainsi, il y a une certaine

tension entre le fait de vouloir occuper un emploi dans son domaine et l’incapacité d’en décrocher un

dans la ville où sa famille est établie. Il explique alors qu’à ce moment de sa vie et étant donné l’aisance

avec laquelle il peut graviter dans des environnements francophones et anglophones, la langue de

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travail importe peu. C’est donc la qualité de l’emploi qui prédomine dans le choix – un moteur

téléologique est à l’œuvre :

C’est plus une question de milieu pour moi. Dans le sens qu’ici, je travaille en français, je suis confortable. Si je travaillais, par exemple à New York, je serais content de travailler en anglais. C’est juste une question de milieu pour moi. Mais présentement écoute… il y a une de mes collègues qui est anglophone au [lieu de travail actuel] puis j’échange un peu en anglais avec elle, c’est plus facile des fois. Mais je me limite à ça. Ça m’importe peu. Ça m’importe peu je dirais. À [université anglophone où il a fait son baccalauréat], moi je travaillais seulement en anglais. Vu que c’est une question de milieu vraiment…

Le parcours de navigation entre l’anglais et le français domine au sein de l’ensemble de notre corpus.

Il se caractérise par la capacité de l’acteur à se mouvoir entre la langue anglaise et la langue française,

au gré des opportunités et des contraintes présentes tant dans la sphère scolaire, la sphère

professionnelle que dans la sphère personnelle du parcours de vie.

8.2.4 Parcours de retour à des sphères francophones

Le parcours de retour à des sphères francophones (cinq participants sur 37) constitue un autre type

de socialisation à l’anglais après le cégep anglophone. Ce parcours se caractérise par des études

universitaires en français pour ensuite intégrer, pendant un certain nombre d’années, un marché du

travail principalement anglophone, voire international. Une bifurcation dans la sphère professionnelle

singularise ce parcours, puisqu’un changement de carrière mène à une intégration d’un marché du

travail francophone et à un retour au Québec de manière plus permanente. Ce parcours se caractérise

aussi par une réaffirmation de l’importance des pratiques et des usages linguistiques en français au

terme de ce passage dans une sphère professionnelle anglophone.

Le parcours de Philippe (campus St-Lawrence du Collège Champlain) illustre adéquatement ce type.

À la suite de ses études dans un cégep anglophone, une première séquence de socialisation à l’anglais

caractérise son parcours au travers de ses pratiques linguistiques. En effet, un calcul du coût et des

bénéfices l’amène à privilégier de réaliser des études universitaires en français dans sa ville d’origine

où aucune université anglophone n’est présente. Ce faisant, des études en français sont réalisées

pendant quatre ans, laissant très peu d’espace à l’anglais durant son cursus :

Oui, j’y avais pensé [à l’université anglophone], mais justement par rapport au coût versus ce que ça m’apporterait comme développement de carrière après, ça pesait pas bien,

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bien plus fort dans la balance. L’université anglophone, de ce que j’avais compris, pour le développement de carrière après… Le monde disait que, les contacts que j’avais, ils disaient « bien regarde, à la fin tu as ton bac, c’est vraiment sur la recherche d’emploi, la direction que tu prends après ce bac qui va être un enjeu ».

Cette séquence, guidée par un moteur téléologique, amène Philippe à considérer le meilleur choix pour

ses études universitaires, où la langue d’enseignement n’est pas une plus-value au regard de ses

ambitions professionnelles.

Parallèlement à cette première séquence, une deuxième se présente, également sous un moteur

téléologique, alors que Philippe réalise deux séjours d’une durée totale de quatre mois dans un pays

anglophone. Ces séjours sont notamment motivés par un désir d’améliorer ses connaissances et ses

compétences en anglais grâce à l’immersion :

J’ai voyagé aussi en [nom d’un pays anglophone]. J’ai travaillé à [capitale du pays anglophone] puis en [région du pays anglophone]. Parce que finalement, aller à l’école [en référence au cégep anglophone] ça comme pas suffit. Tu sais, ça suffisait pour comprendre tout ce que le monde disait, ça suffisait pour faire la lecture en anglais, les syntaxes et tout, mais c’était le parler en anglais. Tu écoutes plus que tu parles quand tu vas au cégep anglophone fait que pour avoir la facilité à avoir la conversation, à parler, avoir le bon accent bien c’est ça, il fallait que je poursuive à aller à l’extérieur, en [nom du pays anglophone].

S’ensuit une troisième séquence, guidée en partie par un moteur programmatique, d’insertion

professionnelle. En effet, Philippe en arrive à un point de sa formation universitaire où les études de

maîtrise ne lui semblent pas pertinentes pour sa carrière professionnelle. Ce faisant, il décide d’intégrer

le marché du travail dès la fin de son baccalauréat. À ce moment, il ne doute pas de ses capacités à

gravir les échelons pour accéder à la carrière qu’il souhaite :

Tu sais, elle [la maîtrise] aurait été plus profitable avec de l’expérience sur le terrain… Fait que j’ai comme décidé de... finalement bon je vais aller voir directement comment ça se passe alors sur le marché du travail. Puis finalement, j'ai vu que tu peux développer... quand tu t’investis bien, tu peux développer beaucoup, beaucoup de choses sans nécessairement poursuivre ce genre de maîtrise.

Philippe intègre donc un marché du travail où l’anglais domine dans le cadre formel et informel et où

les séjours à l’étranger sont nombreux. Cette situation professionnelle fait de l’anglais, appris au cours

d’expériences passées, une langue maintenant centrale. Cette séquence est donc aussi propulsée par

un moteur évolutionniste :

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Oui, c’était principalement en anglais en fait [son emploi]. Mon patron était anglophone, bien il était [origine nationale]. Puis, il y avait beaucoup, beaucoup d’anglophones parce que c’était international en fait cette entreprise-là. Fait que beaucoup de projets, tu sais gestion de projets international et tout. Fait que ça fait que finalement bon, ils engagent du monde eux-mêmes qui sont bilingues ou d’origine anglophone pour gérer ces projets. Puis, bien le bureau a déménagé à [ville dans l’agglomération de Montréal] […] en [année]. Il y a plus de monde de l’Ouest de l’île qui ont été engagés parce que c’est eux qui appliquaient tu sais fait que… souvent, c’était des anglophones d’origine ces gens-là aussi. Fait que tout ça faisait que c’était un environnement pas mal anglophone.

Une bifurcation dans son parcours se produit 10 ans plus tard alors qu’il décide de quitter son emploi.

Épuisé du rythme intense de travail que son emploi exige, il effectue un changement de carrière :

J’étais en fait vraiment tanné du privé et de voyager […] Bien, c’est pas le goût du voyage tant que ça, mais les voyages d’affaires, tu sais […] Fait que des meetings à [ville d’une province canadienne] le lundi matin à 8 heures, bien tu voyages le dimanche. Fait que ton souper de famille que tu as le dimanche soir, bien tu le laisses tomber... Fait que c’était trop d’affaires de même qui arrivaient fréquemment… Puis aussi bien au privé tu peux y laisser ta santé facilement tandis que [son emploi actuel], tu travailles 35 heures semaine, ta semaine est faite. Moi je faisais ça en deux jours, 35 heures… Tu sais le mardi, ma semaine aurait été finie à [son emploi actuel]. Fait que des affaires folles j’en ai fait. Regarde, je suis déjà allé en [dans un pays européen] pour une journée...

Une quatrième séquence, guidée par un moteur téléologique, conclut son parcours de socialisation à

l’anglais avec l’intégration d’une sphère professionnelle francophone. Si Philippe a travaillé

principalement en anglais pendant de nombreuses années, l’aisance acquise dans cette langue

seconde n’est pas recherchée dans ce nouvel emploi, où le français prime dans le cadre formel et

informel. Néanmoins, ce sont les expériences professionnelles acquises par le précédent emploi qui

l’aident ici à se démarquer à l’embauche : « je pense ce qui a joué un rôle là-dedans, c’est l’ensemble

de ce que l’anglais a pu m’apporter comme carrière... Tu sais, ça les a intéressés ».

Cette séquence est aussi ponctuée par une importance que prend le français dans la sphère

personnelle. Si Philippe gravite beaucoup autour de l’anglais pendant les 10 ans de sa carrière

professionnelle, cela ne l’empêche pas de ressentir une forme de réaffirmation de l’importance à vouloir

vivre dans un environnement francophone et à valoriser des pratiques et des usages linguistiques en

français :

Non ç’a rien changé à part que j’aime mieux vivre en français qu’en anglais, ça, je le sais. Bien je serais capable de vivre ailleurs, mais, mettons à Montréal... parce qu’à Montréal tu as le choix de vivre en français ou en anglais, tu choisis le quartier que tu habites un

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peu en fonction de ça puis moi, bien je préfère vraiment vivre en français à Montréal […] Il y a des quartiers anglophones à Montréal, il y a des restaurants anglophones que tout le monde va parler en anglais, que ton voisin de table va être anglophone. Bien moi, j’aime mieux quand que ça se passe en français dans l’environnement en général… Tu sais j’adore la culture anglophone, mais tu sais, j’aime ça quand ça parle français. […] Puis, je pense, c’est question d’identité aussi, mon identité finalement tu sais plus que j’y pense en parlant... Je m’en rends compte… c’est parce que mon bureau, mon ancien bureau où j’ai travaillé pendant plusieurs années, il est à [ville dans l’agglomération de Montréal], c’est anglophone… Puis tu sais, aller à l’épicerie, bien tu te fais répondre en anglais nécessairement, au YMCA, tu vas au gym, ça se passe en anglais… Malgré que je parle très bien anglais puis j’ai pas l’accent typique québécois en anglais whatever, mais je me fais pas à l’idée de vivre 24 heures sur 24 en anglais fait que j’aurais jamais déménagé à [ville dans l’agglomération de Montréal] en fait… Fait que je préférerais voyager vraiment une heure et demie par jour aller-retour au total, jusqu’à 2 heures des fois, au lieu d’habiter là-bas.

Cette importance du français dans la sphère personnelle teinte certainement ses pratiques culturelles.

Alors que Philippe peut aisément consommer des éléments culturels en anglais, il préfère le faire en

français, trouvant cela « moins casse-tête ». Le français est alors une langue considérée comme

essentielle dans sa vie personnelle.

Le parcours de retour à des sphères francophones se caractérise par des études en français dans une

sphère scolaire, mais par une intégration à un marché du travail principalement anglophone, voire

international, pendant quelques années. Ce type de parcours se singularise par une bifurcation qui

amène à quitter le marché du travail anglophone pour intégrer un marché du travail francophone et,

dans certains cas, plus local. Cette bifurcation conduit à une réaffirmation de l’importance des pratiques

et des usages linguistiques en français au regard des séquences d’intégration à un marché du travail

anglophone.

8.2.5 Parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle

Un cinquième type de parcours, celui de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle (deux

participants sur 37), se caractérise par le déploiement d’actions pour conserver et nourrir les

connaissances et les compétences acquises en anglais au cégep anglophone. En effet, malgré une

évolution dans des sphères scolaire, professionnelle et personnelle dominées par le français, des

efforts sont mis en œuvre pour maintenir les connaissances acquises en anglais. Ceux-ci se

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cristallisent davantage dans la sphère personnelle et, dans une moindre mesure, dans la sphère

professionnelle.

Le cas de Mathieu (campus St-Lawrence du Collège Champlain) montre bien le parcours de maintien

de l’anglais dans la sphère personnelle. Durant ses études collégiales en anglais, Mathieu est incertain

face à la suite de son parcours scolaire. Il décide donc, après son cégep, de voyager pendant six mois

dans un pays anglophone. Là-bas, il poursuit et officialise sa réflexion sur son programme d’études

universitaires. Un moteur dialectique guide cette première séquence alors que Mathieu se retrouve

dans une période d’indécision vocationnelle. Il y a une tension entre le désir de poursuivre des études

universitaires et celui de choisir le bon programme d’études. Durant cette séquence, qui se déroule à

l’étranger, il ne doute nullement de ses capacités linguistiques en anglais pour arriver à séjourner dans

un pays anglophone. Il prétend même que le cégep anglophone lui a permis de gagner en confiance

à cet égard :

Bien, j’ai gagné en confiance en tout cas en termes de langue [lors du cégep anglophone]. Donc, ça m’a aidé à prendre certaines décisions sur voyager et autres, dont le fait que j’ai décidé d’aller en [nom d’un pays anglophone] six mois après le cégep. J’étais très confiant du fait que j’avais l’anglais, le bagage anglophone […] Même si au début, ç’a quand même été une adaptation au niveau de l’accent. On s’entend que c’est une autre dynamique! Mais oui, j’avais nécessairement un bon bagage après le cégep. J’étais confiant pour ça.

Ainsi, lors de ce séjour à l’étranger, Mathieu arrive à nourrir sa réflexion sur son avenir, mais aussi à

graviter dans un environnement social anglophone.

Une deuxième séquence se présente dès son retour au Canada, soit celle de son retour aux études

universitaires en français à Québec. Il a maintenant un objectif d’études clair, guidé par un moteur

téléologique. Il ne considère pas non plus quitter la ville de Québec, sa ville d’origine. Ainsi, il réalise

sa formation de premier cycle et de deuxième cycle en français. Si des cours de langue doivent être

suivis dans son cursus, il décide alors de se concentrer sur l’apprentissage d’une nouvelle langue

seconde, l’espagnol :

Donc, j’ai fait mon bac de trois ans à l’université… en français. J’ai eu des cours de langues à prendre obligatoires du fait que tous les bacs doivent en faire, je pense, deux ou trois. Je voulais pas faire de l’anglais parce que je me considérais assez bon pour pas en avoir besoin, je voulais apprendre une troisième langue en fait. Donc, je me suis concentré sur l’espagnol.

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Cette séquence de socialisation linguistique est donc marquée par l’apprentissage d’une nouvelle

langue seconde, sachant que l’anglais est déjà bien maîtrisé. En outre, durant ses études

universitaires, Mathieu réalise un stage dans un pays hispanophone. Pendant six mois, il poursuit son

apprentissage de l’espagnol et ses pratiques linguistiques se modifient. Il en vient même à se définir

comme trilingue :

Donc quand je suis revenu, je me considérais trilingue. J’étais bien content aussi. Je parlais un peu en anglais là-bas aussi, des fois… bien surtout les premiers mois, des fois quand tu te faisais pas comprendre en espagnol. Là, notre langue commune c’était l’anglais.

Le parcours de Mathieu se poursuit avec une troisième séquence structurée par un moteur téléologique

et caractérisée par le désir de recommencer à pratiquer l’anglais. C’est par le biais d’un projet de stage

lors de sa maîtrise, cette fois-ci dans un pays anglophone, que Mathieu compte y parvenir :

J’ai fait les deux maîtrises puis… J’avais la bougeotte encore! Je voulais vraiment repartir. Je regardais pour les programmes d’échanges. Puis là, je regardais encore pour une destination non francophone. Puis… j’ai fait tout le processus d’inscription pour [nom d’une ville] aux [pays anglophone]. Y avait pas tant de choix de toute façon, mais… Je me demande si une destination hispanophone était disponible, mais sinon je voulais comme pratiquer le plus l’anglais. Revenir comme à la base de l’anglais.

Ce deuxième stage tombe toutefois à l’eau, car Mathieu décroche, avant la fin de ses études, un emploi

dans un bureau convoité. Cette bifurcation dans son parcours l’amène à devoir se consacrer plus tôt

que prévu à son intégration sur le marché du travail :

Bien en fait, c’est peut-être une des raisons aussi parmi bien d’autres qui a fait que je suis pas allé à [nom d’une ville dans un pays anglophone], c’est que je voulais me positionner pour l’emploi assez rapidement aussi. Puis je me disais que j’avais beaucoup plus de facilité, bien j’avais déjà des contacts pour commencer à travailler au cours de ma dernière session… en [domaine d’études]. Ce qui était la formation, ce dans quoi je voulais travailler pour un bureau au privé à [nom d’une ville au Québec] que j’avais déjà ciblé. Donc, ça aussi a fait que j’ai décidé de pas louper [rater] ma chance en allant pas à l’étranger. Le pire c’est que, de ce côté-là, je pense que j’ai bien fait. Je veux dire, ma vie aurait viré tout autrement là. Mais j’aurais pas eu l’occasion, je pense, de travailler là si… parce que ç’a vraiment été un concours de circonstances. Ils ont eu un besoin, mon ami m’a appelé, j’étais disponible, j’ai commencé à travailler.

Ainsi, une quatrième séquence de socialisation linguistique, propulsée par un moteur programmatique,

se présente dans la sphère professionnelle où le français domine. Mathieu travaille en effet pendant

quatre ans dans un bureau d’une ville au Québec, où la majorité des contrats se déroulent en français

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mais où certains peuvent nécessiter l’anglais. Il devient alors une référence dans ces cas. Le français

est toutefois plus que présent dans le cadre formel et informel.

Au terme de quelques années dans le même bureau, Mathieu souhaite vivre une nouvelle expérience

à l’international, guidée par un moteur téléologique. Il décide donc de partir à l’étranger pour y

travailler : « Je suis parti en [nom d’un pays anglophone] puis en [nom d’un pays anglophone] pour…

Là, je voulais revenir à pratiquer l’anglais aussi que j’avais peut-être pas eu, puis essayer de travailler

professionnellement là-dedans ». Toutefois, après trois mois, se produit une deuxième bifurcation, car

il doit de revenir au Québec, ne trouvant pas d’emploi dans son domaine :

Ç’a viré autrement. Mais… c’est le fun. Le fait d’être parti tout seul, très confiant aussi avec la langue. J’avais pas vraiment de… je trouvais encore là que le parler n’était pas comme je voulais, mais au niveau du bagage, ça m’inquiétait absolument pas. Donc, je suis parti à l’aventure, j’ai rencontré plein de monde, j’ai pratiqué mon anglais comme je voulais et tout et je suis revenu beaucoup plus de bonne heure que je ne l’aurais souhaité, mais la question financière et l’emploi qui m’attendait ici.

Mathieu est maintenant revenu au Québec depuis un an. Il a repris le même emploi qu’il occupait

avant, marqué par une dernière séquence guidée par un moteur programmatique. Au moment de

l’entrevue, il demeure toujours dans la même ville au Québec et occupe le même emploi. Son intérêt

pour les voyages et son souci de maintenir ses connaissances linguistiques demeurent bien vivants.

D’ailleurs, dans la sphère personnelle, Mathieu déploie des actions pour entretenir des liens d’amitié

avec des personnes rencontrées à l’étranger avec qui il parle anglais et espagnol. Ses pratiques

culturelles, en partie en anglais, l’aident aussi à maintenir ses connaissances et ses compétences

linguistiques :

Bien en fait les plusieurs voyages que j’ai faits dans les cinq à dix dernières années m’a amené à connaître beaucoup plus de gens à l’étranger. Beaucoup d’amis, plus d’amis anglophones ou hispanophones. Donc, quand même des contacts avec eux via les médias je dirais plus Internet, courriel et tout ça. Donc, je pratique plus l’anglais. Je communique avec eux en anglais. Des fois, même on se parle par téléphone ou Skype. Mais tout ce qui est ami au Québec, c’est sûr que ça reste francophone. En termes de média écouté… j’écoute tout en langue originale, tout le temps.

Le parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle se caractérise par le désir de maintenir

et de nourrir les connaissances et les compétences acquises en anglais durant les études collégiales

en anglais. C’est ainsi que différentes actions sont mises en place dans la sphère personnelle pour

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parvenir au maintien de l’anglais, puisque dans l’ensemble des sphères – scolaire, professionnelle et

personnelle – le français domine.

8.2.6 Parcours de détachement face à l’anglais

Le parcours de détachement face à l’anglais (deux participants sur 37), à la différence des parcours

précédents, souligne la faible importance qu’occupe l’anglais dans la suite du parcours de vie suivant

le cégep anglophone. Ici, l’anglais a peu, voire pas, d’importance dans les pratiques linguistiques liées

aux sphères scolaire, professionnelle et personnelle. Si la connaissance de l’anglais permet parfois

des opportunités sur le plan professionnel, elle ne représente pas une réelle valeur au fil du parcours.

Ainsi, aucune action n’est mise en place pour maintenir la connaissance de l’anglais. Le passage par

le cégep anglophone devient donc une expérience, voire une parenthèse, dans un parcours

résolument francophone.

Le parcours d’Étienne (Collège John Abbott) permet d’illustrer ce détachement face à l’anglais. À la

suite de ses études collégiales en anglais, une première séquence se structure autour d’une intégration

temporaire au marché du travail. En effet, Étienne est en attente d’intégrer un établissement de

formation spécialisée pour finaliser sa formation collégiale. Pendant cette période, il occupe divers

petits emplois à Montréal, où le bilinguisme est requis. Cela n’est toutefois pas son objectif de travailler

en anglais alors que ces emplois sont temporaires. Si, dans le cadre formel, l’anglais et le français sont

nécessaires, dans le cadre informel, c’est le français qui domine entre les collègues. Un moteur

dialectique est à l’œuvre dans cette séquence, puisqu’une tension se présente entre l’attente d’intégrer

l’établissement de formation spécialisée et l’occupation de petits emplois temporaires qui ne présentent

pas de liens avec le métier convoité.

Après un an et demi d’attente, Étienne intègre enfin l’établissement de formation spécialisée. Cela

marque la deuxième séquence de son parcours de socialisation. Dans cette sphère scolaire, l’anglais

n’est pas utile, puisque le français est la langue d’enseignement. Pour une durée d’une dizaine de

semaines, Étienne finalise sa formation, ce qui lui permet d’accéder au métier pour lequel il a étudié.

S’il a réalisé ses études collégiales dans un cégep anglophone, la formation offerte dans cet

établissement de formation spécialisée se donne uniquement en français, ce qui lui semble « parfait » :

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Oui, c’était parfait pour moi [étudier en français]. C’est sûr que… ils [les professeurs au cégep anglophone] en parlaient aux étudiants anglophones de ma technique : « Regardez, nous autres on veut vous préparer à [lieu d’établissement de formation spécialisée] »… Fait que le côté bilingue de la technique c’est un peu ça. C’est d’amener les étudiants unilingues anglais bien à comprendre le français. À comprendre puis à amener à améliorer le français un peu.

Un moteur téléologique guide cette séquence, puisque l’objectif d’Étienne est de réaliser et de

compléter sa formation en vue de commencer sa carrière.

Une troisième séquence s’enchaîne alors avec une nouvelle période d’attente pour obtenir un emploi

dans son domaine. Cette période, d’une durée de six mois, l’amène à occuper un emploi temporaire.

Dans cet emploi, l’anglais lui est utile quoique non essentiel : « C’était important, mais… je dirais pas

nécessairement essentiel ». Il y a donc de nouveau un moteur dialectique à l’œuvre opposant les

ingrédients que sont l’attente de décrocher un emploi pour la carrière et l’occupation d’un emploi

temporaire.

S’ensuit une quatrième séquence guidée par un moteur téléologique qui se structure autour du français

avec l’intégration professionnelle liée à la carrière. Si les connaissances en anglais d’Étienne sont

jugées intéressantes lors de son embauche, elles ne sont pas essentielles. En effet, depuis qu’il occupe

cet emploi, il n’a utilisé l’anglais qu’à quelques reprises : « c’est drôle je l’ai utilisé aujourd’hui, mais

non je l’utilise vraiment pas souvent. Je l’ai utilisé peut-être, en deux ans et demi là, 10-15 fois

maximum ». Ainsi, dans le cadre formel et informel, le français est principalement de mise.

Une dernière séquence, qui se déroule sur une temporalité commune à l’ensemble des autres

séquences, est marquée par la présence presque exclusive du français dans la sphère personnelle.

Sous un moteur programmatique, la sphère personnelle d’Étienne continue de se structurer en

français. Il est en relation de couple avec une personne francophone et le français est leur langue

d’usage. Plus encore, ses pratiques culturelles mobilisent uniquement – à l’exception d’émissions

sportives par exemple – le français :

Jamais je vais me louer un film en anglais pour me dire « ah! Je vais l’écouter. Je vais l’écouter avec les voix originales ». Je trouve ça trop demandant… On dirait, faut que je sois trop concentré. Je perds la notion de… je vais me canter, je vais relaxer devant un film. On dirait que ça me demande plus de concentration.

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Sur le plan des amitiés, celles créées au cégep anglophone avec des locuteurs de langue anglaise ne

se sont pas maintenues. Ses amis sont donc des francophones : « non, c’est resté pas mal français.

Mes amis du cégep je les ai perdus de vue ».

Si sa vie personnelle se déroule principalement en français, Étienne ne considère pas avoir d’intérêt à

déployer des efforts pour maintenir la langue anglaise, même si cela peut paraître « plate » lorsque la

question lui est posée. Ses pratiques linguistiques en français sont donc pleinement conscientes et

assumées.

Le parcours de détachement face à l’anglais est donc marqué par une faible importance accordée à la

langue anglaise et à son maintien au sein des sphères scolaire, professionnelle et personnelle,

reléguant ainsi les études collégiales en anglais à une expérience au sein d’un parcours qui se veut

francophone.

8.2.7 Parcours de déplacement vers l’espagnol

Le dernier type de parcours est celui du déplacement vers l’espagnol. Il se singularise d’abord par une

socialisation à l’anglais dans la sphère scolaire, qui est ensuite délaissée au profit de l’espagnol, dans

les sphères professionnelle et personnelle. L’enchaînement des séquences dans le parcours,

entrecoupé de bifurcations, permet de comprendre ce déplacement vers l’espagnol. Comme pour le

parcours d’anglicisation, ce type ne concerne qu’un seul cas de notre corpus, il est donc considéré

comme plus atypique mais il montre la pluralité des parcours qui émergent des analyses.

Ce type de parcours peut être mis en lumière dans le cas de Justine (campus St-Lawrence du Collège

Champlain). Après le cégep anglophone, son parcours est marqué par une première séquence de

socialisation à l’anglais qui est guidée par un moteur dialectique. Même si Justine ne considère pas

fréquenter une université anglophone, notamment parce qu’elle ne veut pas effectuer de mobilité

géographique et qu’elle tient à conserver son réseau social, elle opte pour un programme d’études qui

lui permet de continuer d’étudier en anglais au sein d’une université francophone dans sa région. Il y

a donc l’opposition d’ingrédients qui mène ici à une stabilité dans la séquence (Pérocheau & Correia,

2010) :

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Jamais… j’ai pas pensé à ça [étudier dans une université anglophone]. J’avais envie de continuer… je pense que je me sentais pas prête à partir de chez mes parents, bien de un. De deux, bien j’avais un chum puis bon, on avait des projets de partir faire des voyages et tout, fait que ça l’aurait été vraiment difficile d’être dans deux villes différentes! Puis de trois, bien d’avoir choisi [nom du programme d’études] me permettait de m’assurer que tous mes cours allaient être en anglais. Fait que ça faisait pas un changement drastique envers le cégep et l’université parce que j’allais continuer à avoir de l’enseignement en anglais comme j’étais habituée.

À la première séquence, se juxtapose de près une deuxième séquence marquée par un moteur

dialectique. Justine a rapidement des doutes, une fois les études commencées, sur son programme

d’études et la carrière qui y est associée. Se trouvant devant un désintérêt croissant, elle décide tout

de même de poursuivre son programme d’études pendant trois sessions dans l’attente de participer à

un stage étudiant associé au programme. Ce stage, dans un pays anglophone, lui semble alors une

opportunité rêvée d’améliorer son anglais. Il y a donc une tension entre un programme d’études qui

n’est pas satisfaisant et le souhait de participer à un séjour étudiant à l’international. Le stage à

l’international, d’une durée de huit mois, lui permet de perfectionner ses compétences en anglais :

« Fait que j’ai été contente parce que j’ai, encore une fois, pu améliorer mon anglais dans un contexte

complètement, complètement anglophone dans un pays exotique ».

Or, c’est lors de ce stage qu’une première bifurcation se produit dans son parcours alors qu’elle prend

officiellement la décision de changer de programme d’études :

On dirait que ça m’a vraiment ouvert un truc du cerveau, que je m’étais jamais rendu compte que depuis toute petite ça m’intéressait [sujet lié au programme d’études de deuxième cycle]. Mais j’avais vraiment mis les mots sur cet intérêt là on dirait […] Puis, l’expérience que j’ai eue en [nom d’un pays anglophone où elle réalise son stage d’études] bien, j’ai décidé de changer de cheminement scolaire.

Un changement s’opère alors dans son parcours de socialisation à l’anglais. Dès son retour au

Québec, sous un moteur téléologique, elle change de programme de baccalauréat en vue d’intégrer

un programme de maîtrise spécifique qui, à ses yeux, répondra à ses aspirations. Ici, la langue devient

un élément secondaire dans son choix puisque la qualité du programme prévaut. Cela caractérise donc

la troisième séquence où des études universitaires, cette fois-ci en français, se réalisent :

Je m’étais dit, je veux aller dans une bonne université. Puis par rapport à [programme d’études], c'était comme la meilleure université fait que c’était plus… Si ça avait été en anglais, OK, ça aurait été en anglais, mais c’était pas un critère de sélection. Moi, je

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voulais que ce soit un bon programme aussi j’allais avoir… j’allais acquérir des bonnes connaissances.

Lors de ses études de maîtrise, Justine se rend dans un pays hispanophone afin de participer à un

projet connexe à son domaine d’études. Là-bas, elle rencontre une personne avec laquelle elle

commence une relation de couple. Cette deuxième bifurcation conduit à un changement dans son

parcours de socialisation à l’anglais, qui marque le déplacement d’importance accordée à l’anglais et

à l’espagnol.

Une troisième séquence dans le parcours de socialisation à l’anglais se présente, marquée par un

moteur dialectique qui fait émerger des tensions. Cette séquence est caractérisée par des démarches

d’immigration au Canada pour le conjoint de Justine qui engendre des compromis dans la sphère

personnelle et professionnelle pour cette dernière. En effet, Justine termine sa maîtrise dans le pays

d’origine de son conjoint. C’est aussi là qu’elle commence sa carrière professionnelle qui se déroule

en espagnol dans le cadre formel et informel. Le début de sa carrière est aussi marqué par des retours

obligés au Québec afin de travailler, faute de contrat dans le pays de son conjoint. Ici, le français est

la langue de travail. Cette période sous tensions est vécue de manière plus difficile par Justine : « J’ai

trouvé ça difficile la vie à [nom d’une ville au Québec], j’ai trouvé ça difficile d’être loin de mon mari

aussi, puisque là on est en attente de la réponse de l’immigration et tout. On savait pas qu’est-ce qui

allait arriver ». Au moment de l’entrevue, toujours en attente de l’évolution du processus d’immigration,

Justine et son conjoint vivent dans un autre pays hispanophone, un lieu temporaire, où ils peuvent tous

les deux demeurer et où elle a réussi à obtenir un contrat de travail temporaire : « Puis finalement, on

a fait le choix de venir au [nom d’un pays hispanophone] puis que ça serait un pays où on pourrait être

tous les deux ici, en attendant ».

Dans ce contexte personnel et professionnel, l’espagnol devient dès lors une langue d’usage dans le quotidien :

Fait que quand [prénom de son mari], il comprend de plus en plus le français, même qu’il peut le parler maintenant fait que… à tous les jours, on se parle un peu en français moi et lui. Avant, jamais. Quand ça a commencé, juste en espagnol pendant une couple d’années. Ça a été 100 % espagnol. Maintenant, c’est en train de rentrer un peu dans notre vocabulaire. Certaines phrases, certaines… j’essaye de le préparer un peu à sa venue au Québec. C’est sûr que c’est pas 100 % naturel parce qu’il est pas encore 100 % bilingue.

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Si l’espagnol gagne en importance dans son parcours, l’anglais devient une langue avec laquelle elle

considère avoir maintenant plus de difficulté :

Même si je suis dans plein de pays hispanophones depuis plusieurs années, je sens par contre que mon anglais, j’en ai reperdu beaucoup là. Quand je suis en contact avec… on dirait que mon cerveau est tout mélangé. Probablement parce que je pense maintenant en espagnol puis je suis… c’est ça, j’ai jamais accès à l’anglais presque dans ma vie de tous les jours. Fait qu’au moment de le parler, pas de le comprendre parce que ça, ça va super bien, mais au moment de le parler, on dirait que je bloque un peu, les mots me viennent pas toujours ou je sens que j’ai une patate dans la bouche! Mon accent… je le sais pas. Je sens que j’ai régressé peut-être un peu, mais en même temps je pense que ça reviendrait rapidement.

En outre, elle souligne que l’espagnol est une langue avec laquelle elle se sent plus à l’aise que

l’anglais :

En espagnol, j’ai tout le temps senti que c’était naturel, que ça m’est venu tellement facilement puis rapidement puis c’est sûr que je parle pas comme eux [les personnes ayant l’espagnol comme langue maternelle] exactement, mais je sens que c’est intégré à moi. Je pense dans cette langue-là et tout. En anglais c’est sûr qu’en étant à [nom d’une ville anglophone] ou en [nom d’un pays anglophone] plusieurs mois aussi, c’est devenu un certain moment où je pensais presque dans l’autre langue. Mais ça a jamais été avec autant de fluidité que ça l’est dans cette langue seconde là que je suis en train de maîtriser assez parfaitement. Mais, je veux pas perdre mon anglais non plus.

Le parcours de déplacement vers l’espagnol se caractérise par une socialisation à l’anglais dans la

sphère scolaire. Il est néanmoins ponctué par des bifurcations conduisant à intégrer des sphères

professionnelle et personnelle où l’espagnol domine.

8.3 Conclusion

Les résultats présentés sous forme de typologie permettent de répondre au troisième et dernier objectif

spécifique de la thèse qui vise à dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du

parcours scolaire, professionnel et personnel. Nous avons dégagé différents parcours de socialisation

à l’anglais suivant le passage par le cégep anglophone. C’est plus particulièrement dans des pratiques

liées à la langue anglaise qui ont cours dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle

(Lahire, 2013) que se cristallisent les parcours. L’approche processuelle permet de saisir en finesse

l’évolution de ces pratiques de socialisation dans le temps (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010).

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Les résultats montrent d’abord que, sur le plan identitaire, le passage par le cégep anglophone et la

suite du parcours de vie modifient peu ou pas les identités linguistique et civique. Non seulement

l’identité linguistique francophone se maintient pour la presque totalité des participants, mais l’identité

civique se maintient elle aussi pour la majorité des participants, alors qu’une minorité adopte une

identité canadienne.

Ensuite, la présentation de notre typologie constituée de sept types met en lumière les différents

parcours de socialisation à l’anglais suivant le cégep anglophone au regard des sphères scolaire,

professionnelle et personnelle. De manière plus précise, dans la sphère scolaire, le passage par le

cégep anglophone conduit à augmenter les possibilités quant au choix de l’établissement d’études

alors que la capacité d’étudier en français et en anglais se manifeste généralement. L’importance de

continuer d’étudier en anglais est présente, de manière variable, dans certains parcours (parcours de

continuation dans des sphères anglophones, parcours de navigation entre l’anglais et le français et

parcours de déplacement vers l’espagnol), mais la langue n’est pas forcément le fondement du choix.

En effet, la recherche précise d’un établissement d’enseignement, d’un programme d’études et de

spécificités répondant aux besoins individuels est surtout présente. Que des études subséquentes au

cégep anglophone aient été réalisées en anglais ou en français, force est de constater que cette sphère

scolaire est généralement transitoire dans l’ensemble du parcours.

Dans la sphère professionnelle, le passage par le cégep anglophone permet surtout le développement

de compétences linguistiques. Dans l’ensemble des parcours présentés, une palette de choix s’offre

alors à ces francophones dans leur parcours professionnel. Ainsi, le passage par le cégep anglophone

et les acquis linguistiques qui y ont été réalisés « ouvrent des portes », comme plusieurs le disent,

donnant accès à davantage d’emplois où l’anglais est requis. Cette palette de choix quant aux emplois

accessibles est bonifiée par le fait de connaître le français, qui est la langue officielle de travail au

Québec, mais aussi l’anglais, qui est une langue hypercentrale sur le plan mondial (Calvet, 2005), mais

aussi une ressource centrale dans la nouvelle économie (Heller, 2005, 2010).

Enfin, dans la sphère personnelle, l’anglais occupe une place variable ouvrant surtout à de plus

grandes possibilités de pratiques culturelles. Cela modifie peu ou pas l’identité, comme nous l’avons

déjà souligné, ni la place plutôt centrale que continue d’occuper le français dans la vie quotidienne au

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sein de la famille, des relations amicales et des activités. En d’autres mots, le français demeure une

langue quotidienne, d’affiliation identitaire et de choix de vie.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Dans cette conclusion générale de la thèse de doctorat, nous allons d’abord retracer les lignes

directrices de notre problématique sociale et scientifique ainsi que de notre démarche théorique et

méthodologique. Ensuite, nous allons présenter un résumé et une discussion des résultats au regard

des recherches antérieures, mais nous allons aussi proposer un croisement des typologies afin d’en

tirer des conclusions et des interprétations. Enfin, pour conclure, nous soulignons les retombées

sociales de la thèse et des pistes de recherche.

I. Rappel de la problématique et des objectifs de recherche

La problématique de notre thèse, présentée dans le premier chapitre, permet de comprendre le

questionnement social qui a guidé notre travail de recherche. Nous avons d’abord discuté du marché

des langues au sein duquel des rapports de force divergents sont présents (Calvet, 2002, 2005),

notamment entre l’anglais – comme lingua franca – et le français. Le Canada et la province de Québec

sont animés par de tels rapports de force entre l’anglais et le français alors que ces langues possèdent

un poids inégal tant sur le plan démographique, économique, politique que culturel. Au sein d’un

Canada officiellement bilingue, le Québec demeure la seule province majoritairement francophone. Il

constitue ainsi une « majorité fragile » (Mc Andrew, 2010) au sein d’un environnement essentiellement

anglophone à l’échelle nord-américaine. Au regard de ces rapports de force entre les langues, même

si l’adoption de la Charte de la langue française (Loi 101) en 1977 a fait du français la langue officielle

du Québec, la langue anglaise représente un attrait pour les jeunes Québécois (Boulé, 2002; Kirilova,

2016; St-Laurent et al., 2008). Il y a donc une tension, pour le Québec et les Québécois, entre l’anglais

comme langue d’utilité, entre autres sur le plan professionnel, et l’anglais comme langue identitaire

(Frangini, 2013; Lamarre & Lamarre, 2006). Dans ce contexte, nous avons montré brièvement de

quelle manière l’histoire de la province de Québec est marquée par des rapports et des tensions entre

le français et l’anglais. L’adoption de la Loi 101 est un effort de régulation de l’équilibre

démolinguistique entre le français et l’anglais qui a notamment mis en exergue la vision diamétralement

opposée des politiques linguistiques du Québec et du Canada (Martel & Pâquet, 2010). La Loi 101 a

eu d’importants impacts, notamment en éducation (Bouchard & Bourhis, 2002; Paillé, 2002). En effet,

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240

la scolarisation primaire et secondaire en français dans les écoles publiques et les écoles privées

subventionnées par l’État est obligatoire pour la majorité des élèves de la province. Or, l’accès aux

établissements d’enseignement supérieur anglophones n’est pas assujetti à la Loi 101. Cette liberté

d’accès, plus spécifiquement au niveau collégial, génère depuis quelques décennies un débat

sociopolitique (Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au

Québec, 2001; Conseil supérieur de la langue française, 2011; Forcier, 2011; Poirier & Rousseau,

2015; Proulx et al., 2018). Ce débat oppose les tenants du libre choix à ceux qui voient le cégep

anglophone comme un lieu d’anglicisation et qui souhaitent le prolongement de la Loi 101 aux études

collégiales (Curzi, 2011). Les statistiques sur la fréquentation des cégeps anglophones nous ont permis

de montrer que selon les indicateurs choisis, une certaine augmentation s’observe, tant chez les jeunes

provenant du secondaire français que chez les jeunes de langue maternelle française ou de langue

maternelle tierce (Office québécois de la langue française, 2017b)176. Devant cette augmentation de la

fréquentation des cégeps anglophones par des étudiants francophones et allophones, nous avons

montré que les cégeps possèdent un historique d’accueil, de valorisation et d’aide destiné aux

populations étudiantes diversifiées sur le plan ethnolinguistique (Chiras, 2011; Chiras et al., 2006;

Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011; Fontaine, 1991). Au terme de ce chapitre

sur la problématique, nous en sommes arrivée à nous questionner sur les parcours de vie des jeunes

francophones qui ont fréquenté un cégep de langue anglaise au Québec.

Notre questionnement social a ensuite été discuté au regard des écrits scientifiques. Notre recension

des écrits, au deuxième chapitre de la thèse, s’est centrée sur les parcours étudiants à l’enseignement

supérieur. Si ce champ de recherche est vaste et diversifié dans les différents types de populations

étudiantes et dans les différentes thématiques étudiées, la langue d’études demeure peu considérée

dans la plupart des recherches (Lamoureux, 2007, 2011). Le cas du Canada nous apparaissait dès

lors révélateur, en ce sens que deux langues officielles sont inégalement présentes dans le pays. Un

intérêt scientifique s’exprime d’ailleurs de plus en plus quant à la langue d’études à l’enseignement

supérieur, tant chez les francophones en situation minoritaire au Canada que chez les jeunes qui

optent pour les établissements d’enseignement supérieur de langue anglaise au Québec. Nous avons

donc d’abord présenté des écrits sur les parcours à l’enseignement supérieur de francophones en

176 Rappelons que dans notre portrait statistique de la fréquentation des cégeps anglophones, nous avons apporté des nuances quant aux statistiques tirées des données de l’Office québécois de la langue française (2017b).

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241

situation minoritaire au Canada, dont les thématiques abordées concernent les facteurs de choix,

l’identité linguistique et l’appartenance à la communauté francophone et la transition vers le marché

du travail. Nous avons alors été en mesure de montrer que ces écrits renvoient surtout à l’enjeu de

vitalité des communautés puisque ces jeunes sont vus comme la génération montante en matière de

continuité linguistique (Pilote & Magnan, 2008). Nous avons ensuite concentré plus particulièrement

notre attention sur le cas du Québec avec les écrits sur les parcours étudiants à l’enseignement

supérieur en anglais. Dans ce cas, les écrits ne concernent pas les étudiants anglophones de la

minorité linguistique officielle du Québec, mais bien ceux qui ont réalisé leur scolarité obligatoire en

français et qui sont soit allophones, issus de l’immigration ou francophones. Nous avons montré que

les recherches sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec concernent

les facteurs de choix, les rapports entre les groupes ethnolinguistiques, les rapports aux langues et les

pratiques linguistiques, les expériences étudiantes, l’identité et les rapports identitaires aux

communautés linguistiques ainsi que la transition vers le marché du travail. Notre recension des écrits

a permis de tirer des conclusions sur les connaissances scientifiques actuelles. La majorité des

recherches ont porté sur les étudiants allophones ou les étudiants issus de l’immigration qui sont visés

par la Loi 101 (Girard-Lamoureux, 2004), n’apportant que peu de connaissances sur les francophones

qui optent pour le cégep anglophone. Si les recherches recensées nous éclairent sur les choix de la

langue d’études ainsi que sur différents aspects des études à l’enseignement supérieur en anglais,

nous avons été en mesure de montrer que très peu d’entre elles ont porté leur attention sur les impacts

d’une scolarisation à l’enseignement supérieur en anglais. Devant cet état des connaissances

scientifiques, nous avons choisi de nous intéresser aux parcours d’étudiants francophones qui

choisissent d’effectuer des études dans un cégep anglophone au Québec. Nous avons choisi de les

étudier afin de comprendre les choix du cégep anglophone, les expériences d’études collégiales et les

impacts sur la suite du parcours de vie.

Au regard de notre problématique sociale et scientifique, nous nous sommes alors posée la question

suivante : quels sont les parcours scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones qui

ont fréquenté un cégep de langue anglaise au Québec ? Trois objectifs spécifiques ont également

guidé notre recherche et nos analyses :

• identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais;

• identifier les expériences d’études collégiales en anglais;

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242

• dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel;

o déterminer si le cégep anglophone contribue ou non à moduler les identités linguistiques et civiques dans la suite du parcours de vie.

II. Résumé de la démarche théorique et méthodologique

Afin d’atteindre nos objectifs de recherche, nous avons développé une démarche théorique et

méthodologique qui s’inscrit dans une approche constructiviste de la sociologie de l’éducation. Au

chapitre 3, nous avons d’abord dressé un portrait de la sociologie de l’éducation au regard du concept

de socialisation. Nous avons montré que les théories macrosociologiques et déterministes voyaient

l’individu soumis aux structures sociales (Lapassade, 1996) et que la socialisation, au regard du

pouvoir de l’institution (Dubet, 2002), est pensée en termes d’intégration et de reproduction sociales et

culturelles. Les théories microsociologiques (aussi appelées constructivistes ou compréhensives) se

sont, quant à elles, attardées aux interactions et aux processus sociaux (Plaisance & Vergnaud, 2001;

Wotherspoon, 1998) afin de prendre en compte la capacité interprétative de l’acteur (Lapassade,

1996). La socialisation qui en découle est vue comme un processus de construction, de déconstruction

et de reconstruction des identités tout au long de la vie (Berger & Luckmann, 2012; Darmon, 2010), ce

qui traduit alors le déclin de l’institution (Dubet, 2002). Ce déclin des institutions – dont l’école –

influence la construction identitaire, tant sur le plan individuel que collectif (Dubar, 2002; Giddens,

1991; Kaufmann, 2004; Taylor, 2008). Les identités sont dès lors de plus en plus l’œuvre de l’individu

dans une montée de l’individualisation (Dubet, 2002; Pilote & Magnan, 2008).

Dans cette ère d’individualisation, la socialisation n’est plus uniquement le produit des structures

sociales, puisque l’individu en est davantage l’auteur. Ce faisant, les expériences sociales (Dubet,

2002, 2006) et les parcours de vie (Longo, 2016) se voient de plus en plus modifiés, différenciés et

éclatés. Afin de rendre compte de cette réalité sociale, nous avons mobilisé deux cadres théoriques

qui tiennent compte du rôle de l’acteur, mais aussi de l’influence des structures sociales.

D’abord, la sociologie de l’expérience sociale que propose Dubet (1994b) permet de comprendre la

construction des expériences sociales et scolaires au regard du déclin de l’institution (Dubet, 2002).

De l’articulation par l’individu des trois logiques d’action que sont la logique de l’intégration, de la

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243

stratégie et de la subjectivation, qui représentent des dimensions du système, la mise au jour de

l’expérience est possible. La sociologie de l’expérience sociale nous a donc permis de mener nos

analyses. Les résultats nous ont amenée à répondre à nos deux premiers objectifs, c’est-à-dire

identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais et identifier les expériences

d’études collégiales en anglais.

Ensuite, l’approche processuelle (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010) permet de rendre compte des

parcours de vie dans leur temporalité et leur finesse. En effet, nous avons mobilisé un second cadre

théorique, puisque la sociologie de l’expérience sociale permet une compréhension sociologique dans

une temporalité courte qui ne rend pas perceptibles les changements sociaux dans des temporalités

plus longues (Doray, 2012). Ainsi, au travers des ingrédients, des séquences, des moteurs et parfois

des bifurcations, l’approche processuelle met au jour la richesse et la profondeur des parcours de vie.

Nous nous sommes plus particulièrement attardée sur les pratiques linguistiques (Lahire, 2013) dans

les sphères scolaire, professionnelle et personnelle afin de déceler les parcours de socialisation à

l’anglais suivant les études dans un cégep anglophone. Ce cadre théorique nous a permis de mener

des analyses afin d’en arriver à répondre au troisième objectif, soit dépeindre les processus de

socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel, mais aussi de

répondre à un objectif secondaire qui est de déterminer si le cégep anglophone contribue ou non à

moduler les identités linguistiques et civiques dans la suite du parcours de vie.

Notre cadre d’analyse, mobilisant la sociologie de l’expérience sociale et l’approche processuelle,

présente la force de considérer à la fois le rôle de l’acteur et de la structure dans la compréhension de

la réalité sociale que nous avons choisi d’étudier. La sociologie de l’expérience sociale rend compte

d’une compréhension sociologique actualisée qui ne s’ancre pas dans une perspective théorique

unique. Quant à l’approche processuelle, elle permet de considérer la temporalité dans sa finesse et

sa complexité en considérant l’entrecroisement de différents éléments du parcours qui relèvent à la

fois d’une dimension sociale (ingrédients objectifs), personnelle (ingrédients subjectifs) et relationnelle

(ingrédients actants). Cela permet d’en arriver à comprendre les parcours de vie au-delà du point de

départ et du point d’arrivée, mais aussi au-delà des étapes prescrites. Il peut toutefois nous être

reproché d’avoir mobilisé deux cadres théoriques plutôt qu’un seul pouvant peut-être mener à une

certaine fracture dans les résultats. En fait, ces deux cadres théoriques s’inscrivent dans une approche

constructiviste qui place l’acteur comme l’auteur de ses actions, sans pour autant évacuer le rôle des

Page 263: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

244

structures sociales. Dans le cas de notre recherche, la sociologie de l’expérience sociale permet

d’approfondir les expériences de choix et d’études, tandis que l’approche processuelle permet de saisir

la temporalité sans pour autant en perdre la profondeur. Nous en sommes ainsi venue à mobiliser

l’approche processuelle au regard des données que nous avions collectées, étant donné l’incapacité

de la sociologie de l’expérience sociale à rendre compte d’une temporalité plus longue. C’est au travers

d’un travail d’itération entre les données recueillies et les théories qui considèrent le temps, que

l’approche processuelle s’est révélée être une avenue féconde pour rendre compte de la richesse et

de la finesse des données. Nous considérons donc l’arrimage de ces deux cadrages théoriques comme

une force de notre thèse alors que nous avons tenté de mobiliser des cadres théoriques qui nous

permettent de reconstruire la temporalité pour en arriver à rendre compte adéquatement de la réalité

sociale que nous avions choisi d’étudier.

Notre démarche méthodologique a été présentée dans le chapitre 4 de la thèse. Au regard de nos

choix théoriques, qui privilégient une approche constructiviste associée au champ de la sociologie de

l’éducation, nous avons effectué des choix méthodologiques en cohérence. Nous avons adopté une

épistémologie constructiviste et nous avons mobilisé une approche qualitative qui, toutes deux,

permettent la compréhension et la description de la réalité sociale en tant que construction sociale de

l’acteur. C’est dire que nous avons cherché à comprendre le sens que donne l’acteur à ses actions

(Fourez & Larochelle, 2004; Paillé & Mucchielli, 2012; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004). Ces choix

méthodologiques nous ont permis de placer l’acteur comme l’auteur de son expérience et de son

parcours de vie afin de comprendre le sens donné à ses actions. C’est ainsi que nous avons plus

particulièrement privilégié la méthode d’enquête qualitative des récits de vie (Bertaux, 2010) pour

comprendre les expériences et les parcours de vie des participants. Les récits de vie nous ont permis

de documenter l’expérience vécue à partir de la situation actuelle (Peneff, 1990), c’est-à-dire à travers

un regard a posteriori sur le parcours. C’est ainsi que nous avons mené 37 entrevues semi-dirigées de

type récit de vie auprès de francophones ayant réalisé des études collégiales en anglais et qui, au

moment de l’entrevue, étaient sur le marché du travail. Dans notre chapitre méthodologique, nous

avons montré que nous avons procédé à différentes étapes d’analyse, dont l’analyse typologique

(Schnapper, 2012) était l’étape culminante. Nous avons constitué trois typologies : une typologie des

expériences de choix, une typologie des expériences des études collégiales en anglais et une typologie

des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et

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245

personnel. Ces typologies nous ont permis d’effectuer une remontée théorique vers un niveau plus

macrosocial (Bertaux, 2010; Le Gall, 1987; Schütz, 2008), en dépassant les histoires individuelles pour

en arriver à des traits communs (Longo, 2016). Cela nous a menée à une représentation sociologique

des composantes sociales (ou collectives) d’une situation spécifique afin d’en comprendre le

fonctionnement et les dynamiques internes (Bertaux, 2010; Deslauriers, 1991; Le Gall, 1987).

En privilégiant la technique des récits de vie, nous avons valorisé cette mise-en-récit du parcours par

les acteurs, tout en considérant que celle-ci comporte certainement des reconstructions subjectives

qui deviennent dès lors des forces et non des faiblesses (Bertaux, 2010)177. Néanmoins, des limites à

notre démarche méthodologique se présentent. D’abord, la constitution de notre échantillon a été

particulièrement longue. Ainsi, même si nous avons atteint la saturation empirique (Pires, 1997b), nous

pouvons tout de même avancer que nous n’avons pas eu la possibilité de « choisir » nos participants.

Ce faisant, nous avons tenté au mieux de diversifier les profils de nos participants, mais il s’avère que

nous avons une sous-représentation d’étudiants ayant réalisé un programme technique lors de leurs

études collégiales en anglais. Si, selon Sabourin, Dupont et Bélanger (2010a), seulement 20 % des

étudiants des cégeps anglophones choisissent une formation technique, il n’en demeure pas moins

que nous aurions souhaité avoir davantage de participants ayant réalisé des études dans un

programme technique. De plus, la participation à notre recherche était bénévole. Les participants

avaient peut-être un intérêt préalable face au sujet de notre recherche et un point de vue sur les enjeux

sociaux qui sont associés à l’accessibilité aux études collégiales en anglais178.

III. Résumé et discussion des résultats

Notre thèse poursuivait trois objectifs spécifiques qui ont été traités dans trois chapitres distincts. Le

premier objectif concerne l’identification des raisons de poursuivre des études collégiales en anglais

(Chapitre 6). Le deuxième porte sur l’identification des expériences d’études collégiales en anglais

(Chapitre 7). Quant au troisième, il vise à dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans la

suite du parcours scolaire, professionnel et personnel, mais aussi, de manière secondaire, à

177 Dans la section 4.3 du chapitre méthodologique, nous explicitons les forces et les critiques du récit de vie.

178 Mentionnons que lors des conversations informelles qui suivaient l’entretien, certains participants nous ont parlé de leur opinion sur le débat sociopolitique, certains allant même jusqu’à demander notre opinion.

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246

déterminer si le cégep anglophone contribue ou non à moduler les identités linguistiques et civiques

dans la suite du parcours de vie (Chapitre 8).

a. Les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais

Nos résultats de thèse nous informent d’abord sur les raisons de poursuivre des études collégiales en

anglais mentionnées par les jeunes francophones rencontrés. Présentés sous forme de typologie, nos

résultats montrent que trois types permettent d’expliquer le choix du cégep anglophone. Au regard de

la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b, 1996), ces choix articulent de manière distincte

les logiques de la stratégie et de la subjectivation pour ainsi en arriver à voir émerger un choix

stratégique, un choix de développement personnel et un choix par défaut. Nos résultats montrent par

conséquent que la logique de l’intégration est absente des choix de réaliser des études collégiales en

anglais, ce qui signifie que les jeunes francophones ne rapportent pas avoir fréquenté un cégep

anglophone pour s’intégrer à la communauté anglophone ou pour intégrer des valeurs transmises par

les établissements d’enseignement collégial anglophones.

Le choix stratégique, qui met en saillance la logique de la stratégie, montre que les francophones

interrogés effectuent le choix du cégep anglophone dans une perspective calculée et stratégique, où

les connaissances en anglais acquises lors des études collégiales sauront être rentables sur le marché

de l’emploi. Des discours sur l’importance et la valeur de la langue anglaise sont présents chez ces

francophones. Dans certains cas, ils sont nourris par la famille et, dans une moindre mesure, par l’école

et les pairs. Le choix de développement personnel, dans sa forme « pure », met de l’avant la logique

de la subjectivation alors que des francophones font le choix du cégep anglophone dans une

perspective de réalisation intellectuelle qui ne tient pas compte des finalités liées à l’utilité du choix. Le

choix s’effectue alors pour développer des connaissances linguistiques, nourrir un désir d’ouverture à

d’autres cultures et relever un défi personnel. Nos résultats montrent néanmoins que le type de

développement personnel ne se présente pas que dans sa forme « pure » alors qu’un sous-type

hybride se manifeste. Ce sous-type articule la logique de la subjectivation avec la logique de la

stratégie. Ainsi, pour ce sous-type, des intentions calculées quant aux études et au marché du travail

émergent de manière secondaire. Si le choix stratégique et le choix de développement personnel –

qui, lui, est le type le plus considérable au sein du corpus – sont les types principaux de notre typologie,

un choix plus marginal est celui par défaut. À la différence des deux autres types, dans le choix par

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247

défaut, la langue d’études intervient en second alors que d’autres raisons poussent au choix du cégep

anglophone. Ce choix, qui s’inscrit dans une logique stratégique, renvoie plus spécifiquement à

l’impossibilité d’accès à des établissements d’enseignement supérieur en langue française, le désir

d’intégrer un programme d’études spécifique et le souhait de pratiquer un sport. Si une autre raison

que celle de la langue anglaise pousse d’abord au choix du cégep anglophone, force est d’admettre

que la langue intervient en second dans le choix. Ainsi, le choix par défaut fait intervenir en deuxième

la valeur, sur le marché du travail, des connaissances en anglais acquises au cégep.

Nos résultats sur le choix du cégep anglophone chez des étudiants francophones peuvent être mis en

relation avec des recherches antérieures menées sur les parcours étudiants à l’enseignement

supérieur en anglais au Québec. D’abord, il s’avère que le choix stratégique du cégep anglophone qui

se présente pour des francophones de notre corpus se manifeste aussi chez les jeunes Québécois

allophones (Conseil supérieur de la langue française, 2002) et les jeunes Québécois issus de

l’immigration (Magnan & Darchinian, 2014; Magnan et al., 2015) pour qui le choix de la langue de

scolarisation à l’enseignement supérieur se fait essentiellement dans une perspective fonctionnelle et

stratégique liée à l’insertion professionnelle. Ainsi, le choix de la langue d’études à l’enseignement

supérieur au Québec s’inscrit dans une perspective stratégique et instrumentale liée au marché du

travail, tant chez les étudiants francophones que chez les étudiants allophones et issus de

l’immigration. De plus, nos résultats ont montré que, dans certains cas, le choix stratégique est

influencé par un discours produit par la famille sur l’importance de la langue anglaise. Cela fait écho à

des recherches sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur qui ont montré l’influence de la

famille dans le choix des études (Christofides et al., 2015; Milani, 2006; Noël, 2014; Statistique Canada,

2015).

Par la suite, le choix de développement personnel et le choix par défaut qui ont émergé de nos données

semblent également se manifester dans des recherches quantitatives (Sabourin et al., 2010a), dont

certaines sont plus anciennes (Johnson, 1979; Talbot, 1998; Veltman, 1981), menées sur le choix des

études en anglais à l’enseignement supérieur chez les francophones. Ces recherches montrent que

différents facteurs influencent le choix de la langue de scolarisation. Ces facteurs se retrouvent aussi

dans nos résultats, soit le souhait d’améliorer ses connaissances en anglais, la préférence personnelle

face à l’anglais, le défi à relever, les amis, l’influence de la famille, le plan de carrière ainsi que la

disponibilité d’un programme d’études, la pratique d’un sport et le refus d’une demande d’admission.

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248

Or si des recherches antérieures ont montré la présence de facteurs de choix qui se sont retrouvés

dans notre type de choix de développement personnel, aucune ne fait mention du désir d’ouverture à

d’autres cultures qui se retrouve dans nos résultats comme un facteur de choix du cégep anglophone.

Alors que plusieurs facteurs de choix rapportés dans les recherches antérieures se retrouvent

également dans notre recherche, nous pouvons néanmoins avancer que la thèse apporte un regard

différent – par son approche qualitative – à leur compréhension par l’exploration du sens que prennent

ces facteurs dans le discours des participants. Par exemple, le désir d’améliorer ses connaissances

en anglais est associé, pour certains francophones, à une logique stratégique liée à une insertion

professionnelle alors que pour d’autres francophones, ce désir permet le développement personnel lié

à un accomplissement intellectuel. Notre recherche doctorale montre ainsi que les choix du cégep

anglophone par des francophones s’inscrivent dans des logiques d’action (intégration, stratégie et

subjectivation) qui permettent d’en comprendre le sens complexe. En effet, nous avons été en mesure

de dépasser l’énonciation de facteurs de choix et de montrer le sens que leur donnent les participants.

Plus encore, nous avons été en mesure de montrer les articulations qui existent entre plusieurs des

facteurs de choix. Par exemple, le choix par défaut montre que le choix du cégep anglophone se fait

d’abord et avant tout pour une raison extérieure à la langue anglaise, mais que la langue anglaise

intervient tout de même en second. Il en est de même pour le sous-type hybride dans le choix du

développement personnel qui montre que le choix du cégep anglophone s’effectue pour des raisons

de réalisation intellectuelle qui demeurent tout de même ancrées dans des considérations stratégiques

liées aux études et au marché du travail.

Par ailleurs, le fait que la logique de l’intégration n’émerge pas dans les choix du cégep anglophone

chez les participants de notre étude, c’est-à-dire à travers un souhait de s’intégrer à la communauté

anglophone ou d’intégrer les valeurs associées aux cégeps anglophones, corrobore le résultat de la

recherche conduite par Magnan et ses collaborateurs (Magnan & Darchinian, 2014; Magnan et al.,

2015) auprès des jeunes issus de l’immigration. En effet, cette recherche montrait que le choix de la

langue de scolarisation n’était pas lié à l’appartenance linguistique identitaire ou à un désir d’affiliation.

Nos résultats sur le choix du cégep anglophone montrent qu’au sein du marché des langues, l’attrait

pour la langue anglaise est présent chez les jeunes Québécois francophones qui ne sont pas

imperméables au pouvoir attractif de la langue anglaise. Si, pour certains francophones de notre

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249

corpus, le choix du cégep anglophone et les connaissances linguistiques qui y sont associées

apparaissent comme une valeur économique en vue du marché du travail (choix stratégique, sous-

type hybride dans le choix de développement personnel et choix par défaut) (Heller, 2005; Heller &

Boutet, 2006; Mc Laughlin et al., 2013), ils représentent aussi une image d’ouverture sociale et de

respect des différences (choix de développement personnel) (Canut & Duchêne, 2011; Commissariat

aux langues officielles, 2009; St-Laurent et al., 2008).

b. Les expériences des études collégiales en anglais

Dans la thèse, nous avons également cherché à comprendre les expériences d’études collégiales en

anglais vécues par des jeunes francophones. Nous avons constitué une typologie autour de l’idée

d’adhésion au cégep anglophone, à la fois sur le plan scolaire et sur le plan social. L’adhésion

différenciée sur ces plans s’entrecroise avec les logiques d’action de la sociologie de l’expérience

sociale (Dubet, 1994b; Dubet & Martuccelli, 1998). C’est ainsi que cinq types d’expérience d’études

collégiales en anglais ont émergé de nos analyses : l’expérience d’intégration facilitée, l’expérience

d’intégration sélective, l’expérience d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration sous tensions

ainsi que l’expérience de rupture.

L’expérience d’intégration facilitée se caractérise par une adhésion sur le plan scolaire et sur le plan

social. Les francophones qui s’inscrivent dans cette expérience, où la logique de l’intégration domine,

maîtrisent le métier d’étudiant et manifestent une capacité de socialisation au sein des groupes

d’appartenance et de référence du cégep anglophone. L’expérience d’intégration sélective présente

elle aussi une adhésion aisée sur le plan scolaire, mais elle se singularise par un repli quant à

l’adhésion sociale. Ainsi, cette expérience s’articule au sein de la logique de l’intégration par la maîtrise

du métier d’étudiant, mais aussi au sein de la logique de la subjectivation par une non-adhésion sociale

au regard des interactions avec les autres groupes ethnolinguistiques du cégep et de la participation

à la vie collégiale. L’expérience d’intégration stratégique se caractérise par une adhésion sur le plan

scolaire et sur le plan social. Si l’adhésion sociale se fait aisément au regard de la logique de

l’intégration, l’adhésion scolaire est, quant à elle, plus ardue et nécessite le déploiement de stratégies

au regard de la logique stratégique. Ainsi, cette expérience articule les logiques de l’intégration et de

la stratégie. L’expérience d’intégration sous tensions se présente au carrefour des trois logiques

d’action que sont l’intégration, la stratégie et la subjectivation. Une adhésion sur le plan scolaire se

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250

remarque (logique de l’intégration), mais elle n’est pas aisée et nécessite la mobilisation de stratégies

(logique de la stratégie). Au-delà de la capacité à dépasser les difficultés rencontrées sur le plan

scolaire, une non-adhésion sociale se manifeste (logique de la subjectivation). C’est ainsi qu’apparaît

une tension entre les logiques de l’intégration, de la stratégie et de la subjectivation dans ce type

d’expérience. L’expérience de rupture se présente quant à elle au travers de la logique de la

subjectivation et de la stratégie. En effet, une adhésion variable sur le plan scolaire se manifeste, mais

une absence d’adhésion sociale se révèle fortement. Malgré la mobilisation de stratégies pour

entretenir un certain sens face aux études, une perte de sens devient manifestement trop grande. La

stratégie ultime revient alors à quitter le cégep anglophone.

Notre typologie des expériences d’études collégiales en anglais peut être mise en relation avec les

résultats de recherches antérieures menées de manière plus générale sur les parcours étudiants à

l’enseignement supérieur et, de manière plus précise, sur ceux à l’enseignement supérieur en anglais

au Québec. À l’instar des recherches qui ont montré qu’une intégration intellectuelle et sociale sont

nécessaires pour la réussite des études (Boyer, 2000; Coulon, 2005; Tinto, 1993, 2006), notre

typologie des expériences d’études collégiales en anglais abonde dans le même sens. En effet, une

socialisation adéquate sur le plan scolaire et social permet d’éclairer des parcours de réussite scolaire

chez les participants et, a contrario, des parcours menant au décrochage scolaire chez d’autres. Dans

notre typologie, l’expérience de rupture fait justement acte d’une socialisation inachevée sur le plan

social et scolaire, qui conduit dès lors à l’abandon des études. Aussi, l’expérience d’intégration

stratégique et l’expérience d’intégration sous tensions montrent les difficultés différenciées sur le plan

de la socialisation scolaire et sociale, et ce, même si les étudiants n’en viennent pas à l’abandon des

études.

Nos résultats montrent plus spécifiquement qu’une adhésion différenciée sur le plan scolaire s’effectue

pour les étudiants francophones lors de leurs études collégiales en anglais. Au regard des recherches

antérieures, la recherche de Talbot (1998) montrait que des ajustements sont nécessaires pour les

étudiants quant à leurs compétences linguistiques et leurs stratégies d’études pour mener à bien leurs

études dans un cégep anglophone. Cela pourrait faire écho à la notion d’apprentissage du métier

d’étudiant chez Coulon (2005). Nos cinq types d’expérience montrent aussi que des ajustements sur

le plan linguistique et sur le plan des stratégies d’études sont nécessaires, mais qu’ils se présentent

de manière variable selon la maîtrise du métier d’étudiant. En effet, pour l’expérience d’intégration

Page 270: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

251

facilitée et pour l’expérience d’intégration sélective, la maîtrise du métier d’étudiant était présente dès

le début des études collégiales en anglais, ce qui a nécessité moins d’ajustements sur le plan scolaire.

Pour l’expérience d’intégration stratégique et l’expérience d’intégration sous tensions, la maîtrise du

métier d’étudiant impliquait beaucoup plus d’ajustements. Ajoutons que la recherche menée par

Veltman (1981), il y a quelques décennies, montrait que les problèmes éprouvés en anglais par les

étudiants ne semblaient pas avoir beaucoup d’effets sur leurs performances scolaires. Nos résultats

montrent le contraire alors que, pour les étudiants qui vivent l’expérience d’intégration stratégique et

l’expérience d’intégration sous tensions, les difficultés linguistiques vécues ont une répercussion

directe sur leurs expériences scolaires. C’est au fil de différentes stratégies mises en place que les

difficultés s’amenuisent pour en arriver à la réussite des études collégiales en anglais.

Nos types d’expériences d’études collégiales en anglais montrent aussi une adhésion variable sur le

plan social chez les étudiants francophones. Des recherches antérieures ont abordé la question des

rapports entre les groupes ethnolinguistiques dans les établissements d’enseignement supérieur de

langue anglaise au Québec. La recherche de Johnson (1979), qui s’inscrit dans un contexte

sociohistorique entourant l’adoption de la Loi 101 (1977), montrait que les groupes linguistiques

(francophone et anglophone) demeuraient séparés dans l’établissement d’enseignement. Cette

conclusion trouve un certain écho dans nos résultats au sein de l’expérience d’intégration sélective et

de l’expérience d’intégration sous tensions qui font actes d’une non-adhésion sur le plan social. Sans

pour autant avancer que les groupes ethnolinguistiques ne s’entrecroisent pas, la recherche de

Lamarre et ses collaborateurs (2004) rapporte l’existence de regroupements d’étudiants sur la base

de l’ethnicité. Ce résultat se retrouve également dans notre recherche dans l’expérience d’intégration

sélective et, surtout, dans l’expérience d’intégration sous tensions où des divisions entre les groupes

ethnoculturels s’observent et se vivent, caractérisant cette non-adhésion sociale. Nos résultats sur les

rapports entre les groupes ethnolinguistiques durant les études collégiales en anglais corroborent

également, mais seulement en partie, les conclusions de la recherche menée par Côté (2005; Côté &

Mettewie, 2008). Cette recherche montre que l’auto-évaluation des compétences linguistiques

permettrait d’expliquer la quantité et la qualité des contacts avec les membres de l’autre groupe

linguistique. Cette conclusion fait sens avec l’expérience d’intégration facilitée, où les compétences

linguistiques en anglais sont présentes chez les francophones tout comme les interactions

ethnolinguistiques et la participation à la vie collégiale. Or, dans l’expérience d’intégration sélective,

Page 271: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

252

les connaissances linguistiques sont présentes chez les francophones, mais les contacts avec les

autres groupes semblent absents. A contrario, dans l’expérience d’intégration stratégique, si les

connaissances en anglais semblent moins présentes au début des études collégiales, les contacts

avec les autres groupes ethnolinguistiques et la participation à la vie collégiale sont manifestes.

Nos types d’expériences d’études collégiales en anglais font écho aux résultats de la recherche menée

par Erlich (2000) auprès d’universitaires français. Les résultats de cette recherche montrent que, pour

certains étudiants, l’université est un lieu d’études et non un lieu de vie et de socialisation, ce qui

explique alors le peu d’intérêt manifesté pour les activités non scolaires. Cette conclusion montre, en

relation avec nos résultats, que les étudiants entretiennent des rapports à leurs études où

l’investissement renvoie, pour certains, uniquement aux études (expérience d’intégration sélective et

expérience d’intégration sous tensions) alors que pour d’autres, il réfère aux études, mais aussi à la

vie étudiante (expérience d’intégration facilitée et expérience d’intégration stratégique).

Si nos résultats montrent que certains liens peuvent être établis avec les recherches antérieures, ils

offrent un regard nouveau en montrant l’articulation entre un axe scolaire et un axe social. Cette

articulation permet d’enrichir et de complexifier le sens des expériences d’études dans un cégep

anglophone en ne renvoyant pas les expériences uniquement à un volet scolaire ou social, mais bien

aux deux. Cela permet de comprendre la richesse et la diversité des expériences vécues par des

étudiants francophones lors de leurs études collégiales en anglais en soulignant leur variation, allant

de l’expérience d’intégration facilitée à l’expérience de rupture.

Les résultats de notre thèse qui portent plus spécifiquement sur les expériences d’études collégiales

en anglais renvoient aussi à des considérations sociales liées aux cégeps anglophones. En effet, la

population étudiante des cégeps se révèle diversifiée sur le plan des origines ethnoculturelles et

ethnolinguistiques (Chiras, 2011; Chiras et al., 2006; Comité sénatorial permanent des langues

officielles, 2011; Fontaine, 1991). Devant cette diversité, les cégeps anglophones ont un historique

d’accueil, d’entraide et d’aide qui se traduit notamment par des mesures mises en place pour

accompagner les étudiants durant leurs études, comme les centres d’aide en écriture (Conseil des

collèges, 1990). Dans l’expérience d’intégration stratégique et dans l’expérience d’intégration sous

tensions, ces mesures d’aide sont révélatrices de leur importance et de leur impact sur le succès des

études collégiales en anglais pour les étudiants francophones.

Page 272: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

253

De plus, les expériences d’études collégiales en anglais dont nous venons de rendre compte renvoient

à l’enjeu de vitalité ethnolinguistique et, par extension, à celui de complétude institutionnelle des

communautés québécoises d’expression anglaise. Le cégep anglophone n’est pas fréquenté par les

francophones pour s’intégrer à la communauté anglophone ou adopter les valeurs transmises par les

cégeps anglophones (Chapitre 6). Plus encore, certaines des expériences d’études collégiales que

nous avons mises au jour montrent une non-adhésion sur le plan social (expérience d’intégration

sélective, expérience d’intégration sous tensions et expérience de rupture) des francophones réalisant

des études collégiales en anglais.

c. Les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire,

professionnel et personnel

Les derniers résultats de notre thèse nous informent sur les impacts de la scolarisation collégiale en

anglais sur la suite du parcours de vie des francophones qui en ont fait l’expérience. Plus

spécifiquement, nous avons cherché à dépeindre les différents processus de socialisation à l’anglais

dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel. Nous avons aussi cherché à déterminer,

comme objectif secondaire, si le cégep anglophone contribue ou non à moduler les identités

linguistiques et civiques dans la suite du parcours (Breton, 1994; Dorais, 2004; Tajfel, 1981). Pour y

parvenir, nous avons mobilisé un autre cadre théorique, celui de l’approche processuelle (Bidart et al.,

2013; Mendez, 2010). C’est au travers des pratiques sur l’usage de l’anglais dans les sphères de

socialisation (scolaire, professionnelle et personnelle) (Lahire, 2013) qui évoluent dans le temps que

nous avons été en mesure de mettre au jour les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du

parcours des francophones.

Avant de nous attarder sur les processus de socialisation à l’anglais, nous avons d’abord présenté nos

résultats de recherche sur les identités linguistiques et civiques dans la suite du parcours, alors que

nous avons tenté de comprendre si, au regard du passage par le cégep anglophone et des étapes

suivantes dans le parcours, les identités et les identifications se trouvent remodelées (Breton, 1994;

Dorais, 2004; Tajfel, 1981). En ce qui a trait à l’identité linguistique, nous avons pu avancer que le

passage par le cégep anglophone et la suite du parcours, qu’il soit marqué ou non par l’anglais dans

les sphères scolaire, professionnelle et personnelle, ne modifient pas l’identité linguistique francophone

revendiquée par l’ensemble des participants dans l’enfance et à l’adolescence (Chapitre 5). Un seul

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254

participant manifeste clairement une ouverture à une appartenance linguistique anglophone. En ce qui

concerne les identités civiques, pour la majorité des participants, celles déjà existantes avant les

études collégiales en anglais se maintiennent dans les étapes suivantes du parcours de vie. Pour une

minorité de participants (5), le passage d’une identité québécoise dans l’enfance et à l’adolescence

vers une identité canadienne s’opère lors des études dans un cégep anglophone et des événements

vécus dans la suite du parcours.

Nous avons ensuite présenté une typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du

parcours scolaire, professionnel et personnel. Les sept types qui ont émergé de nos données articulent

distinctement les pratiques linguistiques dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle. Le

parcours d’anglicisation se caractérise par des pratiques majoritairement en anglais dans la sphère

professionnelle et – c’est ce qui le distingue – dans la sphère personnelle. Cette place centrale

qu’occupe l’anglais dans les sphères de vie, qui se maintient dans le temps, singularise ce type de

parcours. Il s’agit toutefois d’un parcours d’exception au sein de notre corpus, puisqu’il ne concerne

qu’un seul participant. Le parcours de continuation dans des sphères anglophones est marqué par une

scolarisation universitaire en anglais ainsi que par une insertion à un marché du travail majoritairement

anglophone. Dans la sphère personnelle, si l’anglais est présent dans certaines des pratiques

culturelles et des relations sociales, le français continue d’occuper une place relativement importante.

Le parcours de navigation entre l’anglais et le français – qui domine au sein de notre corpus – se

singularise par la capacité de l’acteur à passer d’une langue à l’autre selon les opportunités et les

contraintes qui se présentent dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle. Le parcours

de retour à des sphères francophones est marqué par des études universitaires en français, suivies

d’une intégration à un marché du travail essentiellement anglophone, voire international. Par la suite,

une bifurcation dans la sphère professionnelle amène à une intégration à un marché du travail

francophone et, dans certains cas, à un retour au Québec. L’expérience professionnelle en milieu

anglophone et la bifurcation qui s’ensuit conduisent à une affirmation de l’importance des pratiques et

des usages linguistiques en français dans la sphère personnelle. Le parcours de maintien de l’anglais

dans la sphère personnelle se caractérise par une évolution dans les sphères scolaire, professionnelle

et personnelle où le français domine. Des stratégies sont toutefois déployées, principalement dans la

sphère personnelle et, dans une moindre mesure, dans la sphère professionnelle pour maintenir les

connaissances et les compétences acquises en anglais lors des études collégiales. Dans le parcours

Page 274: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

255

de détachement face à l’anglais, les études collégiales en anglais ne sont qu’une expérience dans un

parcours marqué par l’usage de la langue française. Ainsi, le français est central dans les sphères

scolaire, professionnelle et personnelle. Les opportunités professionnelles qui peuvent se présenter

grâce aux connaissances acquises en anglais ne représentent pas de réelle valeur pour les participants

au fil de leur parcours. Le parcours de déplacement vers l’espagnol constitue un autre cas d’exception

au sein de notre corpus. Il se singularise par une importance que représente l’anglais dans la sphère

scolaire qui sera ensuite délaissée, à la suite de bifurcations dans le parcours, au profit de l’espagnol

qui se déploie dans les sphères personnelle et professionnelle.

Nos résultats de recherche montrent les effets de la scolarisation collégiale en anglais sur les

modulations identitaires et sur les pratiques linguistiques dans les parcours. Au regard des recherches

antérieures qui ont porté sur la transition vers le marché du travail après une scolarisation en anglais

à l’enseignement supérieur, notre recherche montre la contribution d’un regard rétrospectif sur les

parcours alors que les participants étaient sur le marché du travail au moment des entretiens. C’est

ainsi qu’il a été possible d’apporter un éclairage sur les parcours réels suivant les études dans un

cégep anglophone. Nos résultats nuancent ceux de la recherche menée par Sabourin et ses

collaborateurs (2010a) en présentant des parcours réels et non pas que des intentions. Ces auteurs

avaient montré que les intentions des jeunes cégépiens francophones favorisaient l’anglais comme

langue d’études universitaires et comme langue de travail. Ce qui permettait aux auteurs d’avancer

que le passage par le cégep anglophone était un prélude à une vie publique en anglais. Or, notre thèse

montre que les jeunes francophones que nous avons rencontrés ne s’anglicisent pas, mais plutôt que

ceux qui ont fréquenté le cégep anglophone s’ouvrent à un univers de possibilités sur le plan

linguistique dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle de leur parcours de vie. Notre

typologie des processus de socialisation à l’anglais montre, surtout au travers du type de parcours de

navigation entre l’anglais et le français qui est le plus saillant au sein de notre corpus, comment les

parcours se voient ouverts à des possibilités au gré des opportunités et des contraintes179. Si deux

types de parcours sont davantage marqués par l’anglais, nous avons montré, d’un côté, que le

parcours d’anglicisation est un parcours d’exception dans notre corpus et que, de l’autre côté, le

179 À titre d’exemple, nous avons montré dans le chapitre 5 que plusieurs jeunes francophones de notre corpus ont fait le choix de poursuivre des études en français à l’université, notamment pour demeurer dans leur ville d’origine où aucun établissement d’enseignement universitaire anglophone n’est présent. Ainsi, les opportunités et, surtout ici, les contraintes ont teinté la place de l’anglais dans les parcours.

Page 275: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

256

parcours de continuation dans des sphères anglophones demeure marqué par une importance que

revêt le français, notamment sur le plan identitaire. Nos résultats viennent également nuancer les

conclusions de Maheu (2010) postulant que des études à l’enseignement supérieur en anglais

augmenteraient les probabilités d’intégrer des sphères anglophones, notamment sur le plan

professionnel avec l’occupation d’un emploi au Québec ou à l’extérieur de la province. Nos résultats

montrent la présence de l’anglais dans la sphère professionnelle, mais de manière variable selon les

types de parcours. Ainsi, si certains des participants ont travaillé ou travaillent encore à l’extérieur du

Québec, la plupart travaillent dans cette province. À ce propos, il est important de souligner que les

résultats de notre thèse ne portent que sur des sujets qui ont consenti à participer à notre recherche.

Ce faisant, nous n’avons pas été en mesure de recruter davantage de participants qui avaient vécu

des parcours plus marqués par l’anglais (ex. : parcours d’anglicisation).

Nos résultats font aussi écho à ceux de la recherche de Johnson (1979), menée il y a plusieurs

décennies, qui avançait que les francophones qui réalisaient des études à l’enseignement supérieur

en anglais souhaitaient travailler dans un environnement professionnel bilingue. Si les résultats de

notre thèse ne remettent pas en question ce constat, il s’avère qu’au regard de leur parcours

professionnel, la langue de travail n’est généralement pas une priorité pour nos participants (parcours

de navigation entre l’anglais et le français), mais est plutôt liée aux opportunités et aux contraintes de

travail qui se présentent.

Sur le plan de l’identité, nous avons également montré que l’identité linguistique francophone qui se

manifestait durant l’enfance et l’adolescence se maintient. Nous avons précédemment évoqué l’idée

selon laquelle l’absence de la logique de l’intégration dans les choix du cégep anglophone (Chapitre

6) peut expliquer ce maintien de l’identité. En effet, l’absence d’un désir de s’intégrer à la communauté

anglophone et d’adopter les valeurs transmises par les établissements d’enseignement collégial

anglophones pourrait expliquer le maintien d’une identité linguistique francophone. Notre thèse montre

donc que le passage par le cégep anglophone ne modifie pas les identités linguistiques et, de manière

plus nuancée, les identités civiques. Pour reprendre Magnan (2010), au regard de sa recherche sur

les parcours universitaires et de mobilité des jeunes scolarisés en anglais au secondaire à Québec :

« la traversée de la frontière linguistique dans le parcours scolaire ne signifie pas pour autant la

traversée de la frontière identitaire » (p. 38). A contrario, soulignons que des recherches (Magnan,

2010; Magnan et al., 2013; Vieux-Fort, 2009b) qui ont porté sur des adolescents québécois fréquentant

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257

l’école secondaire de langue anglaise ont montré que la scolarisation en anglais chez des ayants droit

francophones structure une identité bilingue. À la différence de nos données de thèse, ces recherches

montrent que la scolarisation en anglais au secondaire module l’identité de ces jeunes francophones

ayants droit qui se trouvent associés d’une certaine manière à la communauté anglophone180.

Nos types de processus de socialisation à l’anglais prennent aussi sens dans les mouvements de

socialisation secondaire que propose Darmon (2010) dans sa compréhension de la socialisation

continue tout au long de la vie. Partant d’une socialisation primaire en français dans l’enfance et à

l’adolescence, nous pouvons avancer que la majorité des parcours qui ont émergé de nos analyses

sont des socialisations de transformation. En effet, le passage par le cégep anglophone et les étapes

suivantes du parcours sont marqués par une transformation sur certains plans de la vie de l’individu

qui est, dans certains cas, limitée dans le temps. Ainsi, dans le parcours de continuation dans des

sphères anglophones, le parcours de navigation entre l’anglais et le français, le parcours de retour à

des sphères francophones, le parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle et le

parcours de déplacement vers l’espagnol, le français continue d’occuper une place relativement

importante, mais variable selon les sphères de vie. Un seul type, le parcours d’anglicisation, apparaît

comme un parcours de conversion alors qu’une modification radicale – sans pour autant être totale

comme le propose Darmon (2010)181 – se produit avec l’adoption de pratiques linguistiques en anglais

dans les sphères professionnelle et personnelle. Une socialisation de renforcement se produit

également dans le parcours de détachement face à l’anglais alors que le passage par le cégep

anglophone vient fixer l’individu dans un parcours résolument francophone mais sans le transformer.

Finalement, la richesse des parcours de socialisation à l’anglais montre que tout ne repose pas non

plus sur le cégep anglophone en termes de pratiques linguistiques. En effet, nous avons montré que

des études universitaires en anglais, des expériences professionnelles où l’anglais est présent ainsi

que des expériences personnelles (ex. : voyages) permettent également de structurer le parcours de

vie au regard des langues anglaise et française. De surcroît, les résultats de notre thèse montrent que

180 Dans le cas des résultats de ces recherches, le rôle de l’histoire familiale des ayants droit dans leur choix et leurs parcours peut représenter une variable modératrice.

181 Darmon (2010) considère la socialisation de conversion comme une transformation radicale et totale, semblable à la conversion religieuse. Si, au sein de notre corpus, le parcours d’anglicisation n’est pas une transformation aussi radicale et totale, nous croyons tout de même qu’il présente des similitudes au niveau des transformations des caractéristiques qui nous intéressent plus particulièrement, c’est-à-dire les pratiques linguistiques et l’identité.

Page 277: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

258

si le passage par le cégep anglophone ne change pas l’identité linguistique francophone déclarée,

nous pouvons établir des liens au regard de la distinction entre l’anglais comme lingua franca et

l’anglais comme langue identitaire, qui devient dès lors une langue de scolarisation, une langue

professionnelle et une langue de pratiques culturelles, mais non une langue identitaire chez les jeunes

que nous avons interrogés (Frangini, 2013; Heller et al., 2009; Lamarre & Lamarre, 2006).

d. Croisement des trois typologies

Nous proposons maintenant de croiser les résultats présentés dans nos trois typologies, c’est-à-dire

celle des expériences de choix du cégep anglophone, celle des expériences d’études collégiales en

anglais et celle des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire,

professionnel et personnel182. Le croisement des trois typologies met en évidence une pluralité de liens

entre les types qui montrent la diversité des entrecroisements entre les expériences et les parcours. Si

nous ne semblons pas observer de tendances lourdes découlant du croisement des trois typologies183,

nous pouvons néanmoins établir certaines conclusions, d’abord entre les choix et les expériences,

ensuite entre les choix et les parcours et, enfin, entre les expériences et les parcours.

Dans un premier temps, une conclusion émerge du croisement entre les types de choix du cégep

anglophone et les types d’expérience d’études collégiales en anglais. Tous les types de choix (choix

stratégique, choix de développement personnel et choix par défaut) conduisent à vivre des expériences

variées d’études collégiales en anglais (expérience d’intégration facilitée, expérience d’intégration

sélective, expérience d’intégration stratégique, expérience d’intégration sous tensions et expérience

de rupture). Autrement dit, les types de choix du cégep anglophone mènent généralement à vivre

l’ensemble des types d’expérience d’études. Ainsi, indépendamment des raisons qui poussent au choix

du cégep anglophone, des expériences d’études diverses sont vécues par les francophones.

Soulignons toutefois que le choix stratégique ne conduit pas à vivre l’expérience de rupture, tout

comme le choix par défaut ne mène pas à vivre une expérience d’intégration sélective. Nous pouvons

émettre l’hypothèse qu’alors qu’il s’inscrit résolument dans une perspective calculée et instrumentale

liée au marché du travail, le choix stratégique mène à vivre différentes expériences d’études collégiales

182 En annexe 13 se trouve un tableau présentant le croisement des trois typologies.

183 Nous émettons l’hypothèse que des tendances lourdes pourraient émerger d’un corpus de données plus volumineux.

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259

qui ont en commun l’atteinte du but qu’est l’obtention d’un diplôme d’études collégiales en anglais alors

que l’expérience de rupture se caractérise par l’abandon des études collégiales en anglais. En ce qui

concerne le constat que le choix par défaut ne mène pas à l’expérience d’intégration sélective, aucune

piste ne permet d’expliquer ce résultat, ce dernier est peut-être dû à l’effet de l’échantillon.

Le tableau qui suit illustre comment les choix du cégep anglophone conduisent à vivre, de manière

générale, l’ensemble des expériences d’études collégiales en anglais qui ont émergé de nos données.

Tableau 26. Croisement des types de choix du cégep anglophone et des types d’expérience

d’études collégiales en anglais

Types de choix du cégep anglophone

(nombre de participants)

Types d’expérience d’études collégiales en anglais

(nombre de participants)

Types d’expérience d’études collégiales en anglais absents

Stratégique (8)

- Intégration facilitée (2) - Intégration sélective (3) - Intégration stratégique (1) - Intégration sous tensions (2)

- De rupture

Développement personnel (23)

- Intégration facilitée (7) - Intégration sélective (3) - Intégration stratégique (3) - Intégration sous tensions (8) - De rupture (2)

Par défaut (6)

- Intégration facilitée (1) - Intégration stratégique (3) - Intégration sous tensions (2)184 - De rupture (1)

- Intégration sélective

Dans un deuxième temps, le croisement des types de choix du cégep anglophone et de parcours de

socialisation à l’anglais fait émerger d’autres conclusions. Il s’avère que le choix stratégique et le choix

par défaut conduisent généralement à des parcours de socialisation marqués, de manière variable,

par la présence de l’anglais dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle. En effet, le choix

stratégique et le choix par défaut mènent souvent à un parcours de continuation dans des sphères

184 Nous avons comptabilisé deux fois le même participant (Étienne) qui se retrouve à la fois dans l’expérience d’intégration sous tensions et dans l’expérience de rupture.

Page 279: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

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anglophones et à un parcours de navigation entre l’anglais et le français. C’est dire ici que le choix du

cégep anglophone dans une perspective stratégique liée au marché de l’emploi, mais aussi dans une

perspective par défaut, mène davantage à des parcours où l’anglais est présent dans les sphères du

parcours de vie. Le choix de développement personnel conduit, quant à lui, à un plus grand nombre

de parcours de socialisation à l’anglais. Près de la moitié des francophones qui font le choix du cégep

anglophone dans une perspective de développement personnel réalisent un parcours de navigation

entre l’anglais et le français185. Plus encore, le choix de développement personnel est le seul qui mène

au parcours d’anglicisation, au parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle et au

parcours de déplacement vers l’espagnol. Ce type de choix mène aussi presque exclusivement au

parcours de retour à des sphères francophones. Ainsi, il nous est possible d’avancer que les

francophones qui font le choix du cégep anglophone dans une perspective de développement

personnel en viennent à vivre plusieurs types de parcours de socialisation à l’anglais où cette langue

continue d’occuper, de manière très variable, une place au sein des sphères de vie.

Dans le tableau suivant, le croisement entre les types de choix du cégep anglophone et les types de

parcours de socialisation à l’anglais est présenté.

185 Rappelons que le parcours de navigation entre l’anglais et le français est le parcours le plus fréquent au sein de notre corpus.

Page 280: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

261

Tableau 27. Croisement des types de choix du cégep anglophone et des types de parcours

de socialisation à l’anglais

Types de choix du cégep anglophone (nombre de participants)

Types de parcours de socialisation à l’anglais (nombre de participants)

Stratégique (8) - De continuation dans des sphères anglophones (2) - De navigation entre l’anglais et le français (5) - De retour à des sphères francophones (1)

Développement personnel (23)

- D’anglicisation (1) - De continuation dans des sphères anglophones (3) - De navigation entre l’anglais et le français (11) - De retour à des sphères francophones (4) - De maintien de l’anglais dans la sphère personnelle (2) - De détachement face à l’anglais (1) - De déplacement vers l’espagnol (1)

Par défaut (6) - De continuation dans des sphères anglophones (3) - De navigation entre l’anglais et le français (2) - De détachement face à l’anglais (1)

Dans un troisième temps, des conclusions émergent aussi du croisement entre les types d’expérience

d’études collégiales en anglais et ceux du parcours de socialisation à l’anglais. Au regard de nos

résultats, il s’avère que l’expérience d’intégration facilitée vécue durant les études collégiales en

anglais mène à un parcours de continuation dans des sphères anglophones et à un parcours de

navigation entre l’anglais et le français. Le type d’expérience d’intégration sélective conduit surtout au

parcours de navigation entre l’anglais et le français. Les expériences d’études collégiales en anglais,

qui sont marquées par une adhésion aisée sur le plan scolaire, semblent donc conduire à des parcours

où l’anglais continue d’occuper une place dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle. Le

type d’expérience d’intégration stratégique semble conduire à des parcours où l’anglais est présent au

travers du parcours de continuation dans des sphères anglophones, du parcours de navigation entre

l’anglais et le français et du parcours de retour à des sphères francophones. Il en est de même avec

l’expérience d’intégration sous tensions qui mène, dans plusieurs cas, à des parcours où l’anglais est

relativement présent (parcours de continuation dans des sphères anglophones, parcours de navigation

entre l’anglais et le français, parcours de retour à des sphères francophones et parcours de maintien

de l’anglais dans la sphère personnelle), même si cela peut s’estomper avec le temps (parcours de

déplacement vers l’espagnol). L’expérience d’intégration stratégique et l’expérience d’intégration sous

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262

tensions sont, rappelons-le, caractérisées par des difficultés sur le plan de l’adhésion scolaire et, pour

l’expérience d’intégration sous tensions, par une non-adhésion sur le plan social. Cela montre que,

malgré les difficultés rencontrées sur le plan de l’adhésion scolaire et les tensions vécues sur le plan

social, le parcours qui suit est souvent marqué par la présence de l’anglais. Enfin, l’expérience de

rupture met en lumière deux parcours diamétralement opposés : le parcours d’anglicisation et le

parcours de détachement face à l’anglais. Nous proposons l’hypothèse que les difficultés vécues

durant les études au cégep anglophone qui se cristallisent, dans un cas, en perte de sens menant à

l’abandon des études, n’entravent pas un parcours marqué par l’anglais de manière significative et,

dans un autre cas, réduisent l’intérêt manifesté pour l’anglais. Ainsi, une expérience d’études

collégiales en anglais marquée par l’abandon ne semble pas limiter les possibilités dans la suite du

parcours de vie, ce qui met en exergue la capacité de l’acteur à être l’auteur de ses actions face aux

événements structurant le parcours de vie.

Le tableau suivant présente le croisement entre les types d’expérience d’études collégiales en anglais

et les types de parcours de socialisation à l’anglais.

Page 282: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

263

Tableau 28. Croisement des types d’expérience d’études collégiales en anglais et des types

de parcours de socialisation à l’anglais

Types d’expérience d’études collégiales en anglais (nombre de participants)

Types de parcours de socialisation à l’anglais (nombre de participants)

Intégration facilitée (10) - De continuation dans des sphères anglophones (3) - De navigation entre l’anglais et le français (7)

Intégration sélective (6) - De navigation entre l’anglais et le français (5) - De retour à des sphères francophones (1)

Intégration stratégique (7) - De continuation dans des sphères anglophones (2) - De navigation entre l’anglais et le français (3) - De retour à des sphères francophones (2)

Intégration sous tensions (12)186

- De continuation dans des sphères anglophones (3) - De navigation entre l’anglais et le français (3) - De retour à des sphères francophones (3) - De maintien de l’anglais dans la sphère personnelle (1) - De détachement face à l’anglais (1) - De déplacement vers l’espagnol (1)

De rupture (3) - D’anglicisation (1) - De détachement face à l’anglais (2)

Au regard du résumé et de la discussion de nos résultats, il nous apparaît maintenant possible de

porter notre attention sur les retombées sociales de la thèse et sur les pistes de recherche.

IV. Retombées sociales

À plusieurs égards, notre thèse doctorale présente des retombées sur le plan social. En premier lieu,

les résultats apportent un éclairage scientifique sur le débat sociopolitique qui a cours depuis quelques

décennies au Québec quant à l’accessibilité aux établissements d’enseignement collégial de langue

anglaise. Dans la problématique (Chapitre 1), nous avons montré que ce débat fait couler beaucoup

d’encre, tant dans la presse qu’auprès de différents acteurs (Baril, 2001; Forcier, 2011). Celui-ci

oppose les tenants du libre choix à ceux qui souhaitent voir la Charte de la langue française (Loi 101)

186 Rappelons que l’un des participants (Étienne) se retrouve à la fois dans le type d’expérience d’intégration sous tensions et le type d’expérience de rupture. C’est pourquoi, dans ce tableau, nous avons comptabilisé en double dans le parcours de détachement face à l’anglais dans lequel s’inscrit ce participant.

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264

s’appliquer à l’enseignement collégial. Parmi les arguments qui sont avancés par les acteurs qui sont

en faveur du prolongement de la Loi 101, rappelons que la scolarisation collégiale en anglais serait

vue comme un tremplin vers une scolarisation universitaire et une intégration future dans un marché

du travail en anglais. L’application de la Loi 101 au collégial constituerait un dispositif législatif

permettant de freiner l’anglicisation et de préserver la langue française et la culture franco-québécoise

(Curzi, 2011). Selon nos résultats, le choix du cégep anglophone ne se fait pas, pour les francophones

de notre corpus, pour s’intégrer à la communauté anglophone ou intégrer les valeurs transmises par

les cégeps anglophones (Chapitre 6)187. En fait, l’identité linguistique francophone qui se manifestait

dans l’enfance et à l’adolescence (Chapitre 5) se maintient, voire se renforce dans certains cas, lors

des études collégiales en anglais et de la suite du parcours de vie, que celui-ci soit marqué par la

langue anglaise ou non dans les sphères scolaire, professionnelle et personnelle (Chapitre 8). De plus,

nos résultats montrent que le choix du cégep anglophone et les études collégiales en anglais ne

semblent pas modifier l’identité linguistique francophone et n’anglicisent pas le parcours de vie. Ceci

étant dit, ces résultats révèlent tout de même que les parcours suivant le cégep anglophone sont

marqués par l’anglais à des degrés divers et sur différents plans (scolaire, professionnel et personnel).

Si le cégep anglophone ne modifie pas l’identité linguistique de francophones, il n’en demeure pas

moins que, pour ces derniers, l’anglais est présent – de manière différenciée – dans leur vie.

Cela nous amène, en deuxième lieu, à souligner une retombée sociale des connaissances sur les

jeunes Québécois francophones et leur rapport au français et à l’anglais. Si une identité francophone

se maintient dans la suite du parcours de vie de jeunes francophones qui ont réalisé des études

collégiales en anglais, ceux-ci sont ouverts à un univers de possibilités sur le plan linguistique. En

pouvant naviguer entre le français et l’anglais, les jeunes Québécois francophones rencontrés

s’ouvrent à des possibilités, tant sur le plan des études que sur le plan de la carrière et sur le plan

personnel. Nous avons également montré que la majorité des participants de notre corpus se

promènent entre les langues anglaise et française, au gré des opportunités et des contraintes (Chapitre

8). Nous croyons que ces jeunes Québécois francophones, qui étudient dans un cégep anglophone,

sont conscients du monde globalisé dans lequel ils vivent et des avantages que l’anglais peut leur

procurer à différents niveaux (St-Laurent et al., 2008), que ce soit sur le plan professionnel (Heller,

187 Rappelons que cela se manifeste par l’absence de la logique de l’intégration dans les expériences de choix du cégep anglophone.

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2005; Heller & Boutet, 2006; Mc Laughlin et al., 2013) ou sur le plan personnel (Canut & Duchêne,

2011; Commissariat aux langues officielles, 2009; St-Laurent et al., 2008). Ainsi, notre thèse permet

de mieux comprendre le rapport des jeunes Québécois francophones au marché des langues.

En troisième lieu, nos résultats génèrent des connaissances utiles pour les établissements

d’enseignement collégial anglophones. Si les cégeps anglophones ont un historique d’accueil, de

valorisation et d’aide destiné à leurs populations étudiantes diversifiées sur le plan ethnolinguistique

(Chiras, 2011; Chiras et al., 2006; Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011; Fontaine,

1991), nos résultats permettent de mieux connaître la réalité précise des étudiants francophones. Ces

résultats montrent que les francophones choisissent le cégep anglophone principalement dans une

perspective stratégique ou de développement personnel. D’autres, beaucoup moins nombreux, font

d’abord le choix du cégep anglophone pour des raisons autres que la langue anglaise (Chapitre 6).

Les cégeps anglophones demeurent donc concurrentiels au sein d’un marché des établissements

d’enseignement (Felouzis et al., 2013), notamment au regard des programmes d’études et de la

pratique de sport. Notre thèse montre aussi l’importance d’appuyer les étudiants francophones sur le

plan scolaire grâce à des mesures d’aide (Conseil des collèges, 1990) qui sont déjà en place, comme

les centres d’aide en écriture, mais grâce aussi aux enseignants qui peuvent les soutenir. Enfin, elle

montre que si certaines expériences d’études collégiales en anglais sont vécues au regard d’une non-

adhésion sur le plan social, d’autres expériences font acte de contacts avec les anglophones et la

culture anglophone qui mènent à une certaine ouverture aux communautés québécoises d’expression

anglaise et à la culture anglophone québécoise, canadienne et nord-américaine (Chapitre 7). Ces

résultats pourraient être mobilisés dans les formations continues dispensées au personnel scolaire des

cégeps anglophones (ex. : direction, enseignants, conseillers pédagogiques, animateurs de la vie

scolaire).

Finalement, en quatrième lieu, les résultats de notre thèse représentent des connaissances

scientifiques éclairantes pour les acteurs de l’orientation scolaire et professionnelle. Notre recension

des écrits (Chapitre 2) a montré le peu de connaissances scientifiques et actuelles sur les parcours

scolaires, professionnels et personnels de Québécois francophones qui optent pour les études

collégiales en anglais. Pour les acteurs de l’orientation scolaire qui travaillent dans les écoles

secondaires du Québec et qui accompagnent les élèves dans leur choix d’études collégiales, nos

résultats génèrent une meilleure connaissance des raisons qui expliquent le choix du cégep

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anglophone (Chapitre 6) tout comme des différentes expériences d’études collégiales en anglais qui

peuvent être vécues (Chapitre 7). Pour les acteurs de l’orientation professionnelle, nos résultats sur

les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel

(Chapitre 8) apportent des connaissances sur les différents parcours qui se dessinent après avoir

réalisé des études collégiales en anglais et la place qu’occupent les langues dans les différentes

sphères de vie (scolaire, professionnelle et personnelle).

V. Pistes de recherche

Notre thèse génère trois différentes pistes de recherche. La première serait de reprendre, dans le cadre

d’une enquête quantitative auprès de Québécois francophones, les résultats de la thèse comme des

hypothèses de recherche. Cette enquête quantitative permettrait de généraliser les résultats quant aux

choix du cégep anglophone, les expériences d’études collégiales en anglais et les processus de

socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel.

Une deuxième piste serait de mener des recherches, tant qualitatives que quantitatives, en ce qui

concerne les rapports de force entre les langues qui interviennent dans d’autres contextes à l’échelle

provinciale, nationale et internationale.

Une étude comparative pourrait être réalisée auprès de jeunes Québécois anglophones qui

proviennent du réseau d’enseignement primaire et secondaire de langue anglaise et qui choisissent

de réaliser des études à l’enseignement supérieur en français au Québec188. Ces jeunes sont

linguistiquement majoritaires sur une échelle nationale et continentale, mais minoritaires à l’échelle

provinciale. Comment, pour eux, les rapports aux langues se structurent-ils dans leur parcours à

l’enseignement supérieur ?

Il serait aussi intéressant de mener une recherche auprès de Canadiens anglophones qui décident de

réaliser des études supérieures en français. Au Canada, si l’anglais domine, le français peut

représenter une manière de se démarquer, entre autres sur le plan professionnel (notamment au sein

de la fonction publique fédérale). Il pourrait être pertinent de distinguer les parcours de Canadiens

188 Selon l’Office québécois de la langue française (2017b), entre 1985 et 2015, une légère augmentation (3,4 %) de la fréquentation des cégeps francophones se remarque chez les jeunes de langue maternelle anglaise.

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anglophones qui décident d’étudier en français dans des universités francophones à l’extérieur du

Québec (ex. : Université de Moncton), dans des universités bilingues (ex. : Université d’Ottawa) (Séror

& Lamoureux, 2014; Séror & Weinberg, 2012, 2013) ou dans des universités anglophones où des

cours en français sont offerts (ex. : Queen’s University offre un programme d’études canadiennes où

certains cours sont offerts en français) et dans des universités francophones du Québec (Commissariat

aux langues officielles, 2009).

D’autres contextes nationaux, qui ont plusieurs langues officielles, comme la Suisse et la Belgique189,

apparaissent également pertinents à investiguer, notamment pour établir des comparaisons avec nos

résultats en contexte québécois. Dans le cas de la Suisse, par exemple, des rapports de force

divergents entre les langues officielles (allemand, français, italien et romanche) sont présents à

l’échelle cantonale, nationale, continentale et internationale. Le système éducatif est géré de manière

autonome par chaque canton, faisant de la langue officielle celle enseignée lors des études

obligatoires, bien que l’enseignement d’une autre langue nationale et de l’anglais soit obligatoire depuis

2004 (Elmiger, 2010). Dans les districts des cantons bilingues (Fribourg, Valais et Berne) et trilingues

(Grisons), on retrouve des systèmes scolaires linguistiques qui permettent de répondre aux besoins

d’une population qui a souvent plusieurs langues principales. Comme au Québec, lors des études à

l’enseignement supérieur, chaque étudiant a la possibilité de poursuivre ses études dans la langue de

son choix, si l’offre le permet. Toutefois, peu de données nous informent sur la langue de scolarisation

à l’enseignement supérieur (entre l’allemand, le français et l’italien) des Suisses selon leur groupe

linguistique d’origine ou leur langue de scolarisation obligatoire (Lüdi & Werlen, 2005).

En outre, il pourrait être pertinent d’explorer les parcours à l’enseignement supérieur d’étudiants qui

effectuent une mobilité internationale dans le cadre de leurs études. Par exemple, les parcours de

Québécois francophones qui réalisent une partie ou la totalité de leurs études à l’enseignement

supérieur dans un pays étranger (ex. : le profil international offert dans différents programmes d’études

à l’Université Laval) tout comme les parcours d’étudiants étrangers qui viennent étudier au Québec ou

dans une autre province canadienne (ex. : Erasmus Mundus, programme canadien de bourses de la

Francophonie) (Gagnon, 2018; Garneau, 2006; Germain & Vultur, 2016; Gherbi & Belkhodja, 2018)

189 Dans le chapitre 2 de recension des écrits, nous avons montré que la question de la langue d’études à l’enseignement supérieur est, à notre connaissance, peu documentée dans la littérature scientifique dans des pays bilingues ou multilingues.

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apparaissent intéressants à examiner au regard des expériences scolaires, sociales, linguistiques et

culturelles. Ici aussi, l’exploration des choix conduisant à une mobilité internationale, des expériences

d’études vécues en pays étranger et des impacts de cette expérience de mobilité sur la suite du

parcours de vie représente une avenue féconde190.

Une troisième piste de recherche concerne, sous un autre angle d’études des parcours étudiants à

l’enseignement supérieur au regard des langues, la réalité des autres acteurs des cégeps anglophones

au Québec. Si notre thèse a montré l’historique d’accueil et d’aide dont font preuve les cégeps

anglophones envers leurs étudiants, comment cette réalité est-elle perçue et vécue par les acteurs de

l’enseignement qui contribuent au soutien à la réussite (ex. : enseignants, conseillers pédagogiques) ?

Plus encore, comment les cégeps anglophones arrivent-ils à concilier leur mission liée à la réussite

éducative de leurs étudiants et leur mission liée à la vitalité des communautés québécoises

d’expression anglaise ?

Force est d’admettre que les pistes de recherche sont nombreuses quant à une meilleure

compréhension des rapports de force entre les langues à l’enseignement supérieur, tant dans les

parcours étudiants que dans les réalités vécues par les acteurs travaillant dans les établissements

d’enseignement.

190 Dans le contexte européen, Ballatore (2013) a étudié les parcours de mobilité étudiante et professionnelle de diplômés ayant réalisé un programme Erasmus.

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300

ANNEXE 1

CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS, ARTICLE 23

Droits à l’instruction dans la langue de la minorité

1. Les citoyens canadiens :

a. dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité

francophone ou anglophone de la province où ils résident,

b. qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada

et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette

instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province, ont,

dans l’un ou l’autre cas, le droit d’y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire

et secondaire, dans cette langue.

2. Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou

secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs

enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.

3. Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs

enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou

anglophone d’une province :

a. s’exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce

droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de

l’instruction dans la langue de la minorité;

b. comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire

dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés sur les

fonds publics.

Page 320: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

301

Cet article de la Charte oblige les gouvernements des provinces à assurer l’instruction des Canadiens

dans la langue de leur choix et ce, même dans les régions où seulement une minorité de résidants

parlent cette langue.

Dans les neuf provinces où l’anglais est la langue de la majorité ainsi que dans le Yukon et les

Territoires du Nord-Ouest, les citoyens canadiens ont le droit de faire instruire leurs enfants en français

si l’une des trois situations suivantes s’applique à eux :

• leur langue maternelle est le français;

• ils ont reçu leur propre instruction au niveau primaire en français au Canada;

• ils ont un enfant qui a reçu ou reçoit son instruction en français au Canada.

Au Québec, où la plupart des gens parlent français, les citoyens canadiens ont le droit de faire instruire

leurs enfants en anglais :

• s’ils ont reçu leur propre instruction au niveau primaire en anglais au Canada;

• s’ils ont un enfant qui a reçu ou reçoit son instruction en anglais au Canada.

En vertu de l’article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982, le droit des personnes, dont la langue

maternelle est l’anglais, de faire instruire leurs enfants en anglais ne s’applique pas au Québec tant

qu'il n’est pas attribué par l’Assemblée législative ou le gouvernement du Québec.

Le droit à l’instruction dans la langue de la minorité s’exerce là où le nombre d’enfants admissibles est

suffisant. Lorsque ce nombre d’enfants est suffisant, les gouvernements doivent fournir les

établissements nécessaires.

Source : Charte canadienne des droits et libertés (2018)

Page 321: Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d ...€¦ · l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que

302

ANNEXE 2

CHARTE DE LA LANGUE FRANÇAISE, LA LANGUE

D’ENSEIGNEMENT

72. L’enseignement se donne en français dans les classes maternelles, dans les écoles primaires et secondaires sous réserve des exceptions prévues au présent chapitre.

Cette disposition vaut pour les organismes scolaires au sens de l’Annexe et pour les établissements d’enseignement privés agréés aux fins de subventions en vertu de la Loi sur l’enseignement privé (chapitre E‑9.1) en ce qui concerne les services éducatifs qui font l’objet d’un agrément.

Le présent article n’empêche pas l’enseignement en anglais afin d’en favoriser l’apprentissage, selon les modalités et aux conditions prescrites dans le Régime pédagogique établi par le gouvernement en vertu de l’article 447 de la Loi sur l’instruction publique (chapitre I‑13.3).

1977, c. 5, a. 72; 1992, c. 68, a. 138; 1993, c. 40, a. 23.

73. Peuvent recevoir l’enseignement en anglais, à la demande de l’un de leurs parents: 1° les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et a reçu un enseignement primaire en anglais au Canada, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire reçu au Canada; 2° les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et qui ont reçu ou reçoivent un enseignement primaire ou secondaire en anglais au Canada, de même que leurs frères et sœurs, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire ou secondaire reçu au Canada; 3° (paragraphe abrogé); 4° (paragraphe abrogé); 5° (paragraphe abrogé).

1977, c. 5, a. 73; 1983, c. 56, a. 15; 1993, c. 40, a. 24; 2002, c. 28, a. 3; 2010, c. 23, a. 1.

73.1. Le gouvernement peut déterminer par règlement le cadre d’analyse suivant lequel une personne désignée en vertu de l’article 75 doit effectuer l’appréciation de la majeure partie de l’enseignement reçu qui est invoqué à l’appui d’une demande d’admissibilité fondée sur l’article 73. Ce cadre d’analyse peut notamment établir des règles, des critères d’appréciation, une pondération, un seuil éliminatoire ou un seuil de passage et des principes interprétatifs.

Le règlement peut préciser dans quels cas ou à quelles conditions un enfant est présumé ou est réputé satisfaire à l’exigence d’avoir reçu la majeure partie de son enseignement en anglais au sens de l’article 73.

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303

Le règlement est adopté par le gouvernement sur la recommandation conjointe du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport et du ministre responsable de l’application de la présente loi.

2010, c. 23, a. 2.

74. Le parent qui peut faire les demandes prévues au présent chapitre doit être titulaire de l’autorité parentale. Toutefois, la personne qui assume de fait la garde de l’enfant et qui n’est pas titulaire de l’autorité parentale peut également faire une telle demande à la condition que le titulaire de l’autorité parentale ne s’y oppose pas.

Une personne désignée par le ministre peut suspendre provisoirement le traitement d’une demande déposée par un parent lorsque l’autre parent s’objecte par écrit au traitement de celle-ci.

1977, c. 5, a. 74; 1993, c. 40, a. 25; 2010, c. 23, a. 3.

75. Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport peut conférer à des personnes qu’il désigne le pouvoir de vérifier l’admissibilité des enfants à l’enseignement en anglais en vertu de l’un ou l’autre des articles 73, 81, 85 et 86.1 et de statuer à ce sujet.

En plus de ceux requis par règlement, une personne désignée par le ministre peut exiger de toute personne qu’elle lui transmette, dans le délai fixé, tout document et tout renseignement pertinents à la vérification d’une demande faite en vertu du présent chapitre. Elle peut aussi exiger que le document ou le renseignement soit accompagné d’une déclaration assermentée attestant leur véracité.

1977, c. 5, a. 75; 1993, c. 40, a. 26; 2005, c. 28, a. 195; 2010, c. 23, a. 4

76. Les personnes désignées par le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport en vertu de l’article 75 peuvent vérifier l’admissibilité des enfants à l’enseignement en anglais même si ces enfants reçoivent déjà ou sont sur le point de recevoir l’enseignement en français.

Elles peuvent également déclarer admissible à l’enseignement en anglais, un enfant dont le père ou la mère a fréquenté l’école après le 26 août 1977 et aurait été admissible à cet enseignement en vertu de l’article 73, même si le père ou la mère n’a pas reçu un tel enseignement. Toutefois, l’admissibilité du père ou de la mère est déterminée, dans le cas d’une fréquentation scolaire avant le 17 avril 1982, selon l’article 73 tel qu’il se lisait avant cette date en y ajoutant, à la fin des paragraphes a et b, les mots «pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire reçu au Québec».

1977, c. 5, a. 76; 1993, c. 40, a. 27; 2002, c. 28, a. 4; 2005, c. 28, a. 195.

76.1. Les personnes dont l’admissibilité à l’enseignement en anglais a été déclarée en application de l’un ou l’autre des articles 73, 76 et 86.1 sont réputées avoir reçu ou recevoir un tel enseignement pour l’application de l’article 73.

1993, c. 40, a. 28; 2002, c. 28, a. 5.

77. Une déclaration d’admissibilité obtenue par fraude ou sur le fondement d’une fausse représentation est nulle de nullité absolue.

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1977, c. 5, a. 77; 1999, c. 40, a. 45.

78. Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport peut annuler une déclaration d’admissibilité délivrée par erreur.

1977, c. 5, a. 78; 2005, c. 28, a. 195.

78.1. Nul ne peut permettre ou tolérer qu’un enfant reçoive l’enseignement en anglais, alors qu’il n’y est pas admissible.

1986, c. 46, a. 7.

78.2. Nul ne peut mettre en place ou exploiter un établissement d’enseignement privé, ni modifier l’organisation, la tarification ou la dispensation de services d’enseignement, dans le but d’éluder l’application de l’article 72 ou d’autres dispositions du présent chapitre régissant l’admissibilité à recevoir un enseignement en anglais. Est notamment interdite en vertu du présent article l’exploitation d’un établissement d’enseignement privé principalement destiné à rendre admissibles à l’enseignement en anglais des enfants qui ne pourraient autrement être admis dans une école d’une commission scolaire anglophone ou un établissement d’enseignement privé anglophone agréé aux fins de subventions en vertu de la Loi sur l’enseignement privé (chapitre E-9.1).

2010, c. 23, a. 5.

78.3. Nul ne peut faire une déclaration fausse ou trompeuse au ministre ou à une personne désignée, ou refuser de leur fournir un renseignement ou un document qu’ils ont le droit d’obtenir.

2010, c. 23, a. 5.

79. Aucun organisme scolaire qui ne donne pas déjà dans ses écoles l’enseignement en anglais n’est tenu de le donner, ni ne peut en prendre l’initiative sans l’autorisation expresse et préalable du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Toutefois, tout organisme scolaire doit, le cas échéant, se prévaloir des dispositions de l’article 213 de la Loi sur l’instruction publique (chapitre I‑13.3) pour assurer l’enseignement en anglais à tout enfant qui y aurait été déclaré admissible.

Le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport accorde l’autorisation prévue au premier alinéa s’il est d’avis qu’elle est justifiée par le nombre d’élèves qui relèvent de la compétence de l’organisme et qui sont admissibles à l’enseignement en anglais en vertu du présent chapitre.

1977, c. 5, a. 79; 1988, c. 84, a. 547; 1993, c. 40, a. 29; 2005, c. 28, a. 195.

80. Le gouvernement peut déterminer par règlement la procédure à suivre pour présenter une demande d’admissibilité en vertu de l’article 73 ou de l’article 86.1. Le règlement peut notamment prévoir: 1° le rôle d’un organisme scolaire dans le cadre de la présentation d’une demande;

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305

2° les frais qui peuvent respectivement être exigés par un organisme scolaire et par le ministre, pour la constitution du dossier et pour l’examen de la demande d’admissibilité; 3° le délai dans lequel doit être présentée une demande; 4° les renseignements et les documents qui doivent accompagner une demande.

Les dispositions réglementaires peuvent notamment varier selon la nature des demandes et les caractéristiques de l’établissement d’enseignement fréquenté.

1977, c. 5, a. 80; 1993, c. 40, a. 30; 2010, c. 23, a. 6.

81. Les enfants qui présentent des difficultés graves d’apprentissage peuvent, à la demande de l’un de leurs parents, recevoir l’enseignement en anglais lorsqu’une telle mesure est requise pour favoriser leur apprentissage. Les frères et sœurs d’un enfant ainsi exempté de l’application du premier alinéa de l’article 72 peuvent aussi en être exemptés. Le gouvernement peut, par règlement, définir les catégories d’enfants visés à l’alinéa précédent et déterminer la procédure à suivre en vue de l’obtention d’une telle exemption.

1977, c. 5, a. 81; 1983, c. 56, a. 16; 1993, c. 40, a. 31; 2002, c. 28, a. 6.

82. (Abrogé). 1977, c. 5, a. 82; 1983, c. 56, a. 17; 1992, c. 68, a. 157; 1993, c. 40, a. 32; 1997, c. 43, a. 146; 2002, c. 28, a. 7.

83. (Abrogé).

1977, c. 5, a. 83; 1983, c. 56, a. 18; 1997, c. 24, a. 7; 1997, c. 43, a. 147; 2002, c. 28, a. 7.

83.1. (Abrogé).

1983, c. 56, a. 18; 1997, c. 43, a. 148.

83.2. (Abrogé).

1983, c. 56, a. 18; 1997, c. 43, a. 148.

83.3. (Abrogé).

1983, c. 56, a. 18; 1997, c. 43, a. 149; 2002, c. 28, a. 7.

83.4. Toute décision sur l’admissibilité d’un enfant à l’enseignement en anglais, rendue en application des articles 73, 76, 81, 85 ou 86.1, peut, dans un délai de 60 jours de sa notification, être contestée devant le Tribunal administratif du Québec. Il en est de même de la décision rendue en application des articles 77 ou 78. 1997, c. 43, a. 150; 2002, c. 28, a. 8; 2010, c. 23, a. 7.

84. Aucun certificat de fin d’études secondaires ne peut être délivré à l’élève qui n’a du français, parlé et écrit, la connaissance exigée par les programmes du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

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1977, c. 5, a. 84; 2005, c. 28, a. 195.

85. Les enfants qui séjournent au Québec de façon temporaire peuvent, à la demande de l’un de leurs parents, être exemptés de l’application du premier alinéa de l’article 72 et recevoir l’enseignement en anglais dans les cas ou les circonstances et selon les conditions que le gouvernement détermine par règlement. Ce règlement prévoit également la période pendant laquelle l’exemption peut être accordée, de même que la procédure à suivre en vue de l’obtention ou du renouvellement d’une telle exemption.

1977, c. 5, a. 85; 1983, c. 56, a. 19; 1993, c. 40, a. 33.

85.1. Lorsqu’une situation grave d’ordre familial ou humanitaire le justifie, le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport peut, sur demande motivée et sur recommandation du comité d’examen, déclarer admissible à l’enseignement en anglais un enfant dont l’admissibilité a été refusée par une personne désignée par le ministre.

La demande doit être produite dans les 30 jours de la notification de la décision défavorable.

Elle est soumise à l’examen d’un comité formé de trois membres désignés par le ministre. Le comité fait rapport au ministre de ses constatations et de sa recommandation.

Le ministre indique, dans le rapport prévu à l’article 4 de la Loi sur le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (chapitre M-15), le nombre d’enfants déclarés admissibles à recevoir l’enseignement en anglais en vertu du présent article et les motifs qu’il a retenus pour les déclarer admissibles.

1986, c. 46, a. 8; 1997, c. 43, a. 151; 2002, c. 28, a. 9; 2005, c. 28, a. 195.

86. Le gouvernement peut faire des règlements pour étendre l’application de l’article 73 aux personnes visées par une entente de réciprocité conclue entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d’une autre province.

1977, c. 5, a. 86; 1993, c. 40, a. 34.

86.1. En outre de ce que prévoit l’article 73, le gouvernement peut, par décret, autoriser généralement à recevoir l’enseignement en anglais, à la demande de l’un de leurs parents: a) les enfants dont le père ou la mère a reçu la majeure partie de l’enseignement primaire en anglais ailleurs au Canada et qui avant d’établir son domicile au Québec était domicilié dans une province ou un territoire qu’il indique dans le décret et où il estime que les services d’enseignement en français offerts aux francophones sont comparables à ceux offerts en anglais aux anglophones du Québec; b) les enfants dont le père ou la mère établit son domicile au Québec et qui, lors de la dernière année scolaire ou depuis le début de l’année scolaire en cours, ont reçu l’enseignement primaire ou secondaire en anglais dans la province ou le territoire indiqué dans le décret; c) les frères et sœurs cadets des enfants visés dans les paragraphes a et b.

Les articles 76 à 79 s’appliquent aux personnes visées dans le présent article.

1983, c. 56, a. 20; 1993, c. 40, a. 35.

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87. Rien dans la présente loi n’empêche l’usage d’une langue amérindienne dans l’enseignement dispensé aux Amérindiens ou de l’inuktitut dans l’enseignement dispensé aux Inuits.

1977, c. 5, a. 87; 1983, c. 56, a. 21.

88. Malgré les articles 72 à 86, dans les écoles relevant de la commission scolaire crie ou de la commission scolaire Kativik, conformément à la Loi sur l’instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis (chapitre I‑14), les langues d’enseignement sont respectivement le Cri et l’inuktitut ainsi que les autres langues d’enseignement en usage dans les communautés cries et inuit du Québec à la date de la signature de la Convention visée à l’article 1 de la Loi approuvant la Convention de la Baie James et du Nord québécois (chapitre C‑67), soit le 11 novembre 1975.

La commission scolaire Crie et la commission scolaire Kativik poursuivent comme objectif l’usage du français comme langue d’enseignement en vue de permettre aux diplômés de leurs écoles de poursuivre leurs études en français, s’ils le désirent, dans les écoles, collèges ou universités du Québec.

Les commissaires fixent le rythme d’introduction du français et de l’anglais comme langues d’enseignement après consultation des comités d’école, dans le cas des Cris, et des comités de parents, dans le cas des Inuits.

Avec l’aide du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, la commission scolaire Crie et la commission scolaire Kativik prennent les mesures nécessaires afin que les articles 72 à 86 s’appliquent aux enfants dont les parents ne sont pas des Cris ou des Inuits. Pour l’application du deuxième alinéa de l’article 79, le renvoi à la Loi sur l’instruction publique est un renvoi à l’article 450 de la Loi sur l’instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis.

Compte tenu des adaptations nécessaires, le présent article s’applique aux Naskapis de Schefferville.

1977, c. 5, a. 88; 1983, c. 56, a. 22, a. 51; 1988, c. 84, a. 548; 2005, c. 28, a. 195.

Source : Charte de la langue française, chapitre VIII la langue d’enseignement (2018)

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ANNEXE 3

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT

Présentation de la chercheuse Cette recherche est réalisée dans le cadre du projet de doctorat de Karine Vieux-Fort, dirigée par Mme Annie Pilote, professeure agrégée au Département des fondements et pratiques en éducation à la Faculté des Sciences de l’éducation de l’Université Laval, et co-dirigée par Mme Marie-Odile Magnan, professeure adjointe au Département d’administration et fondements de l’éducation à la Faculté des Sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Ce projet de recherche est réalisé avec le soutien financier du Fonds de recherche du Québec – Société et culture et du Quebec City Women’s Club, Citadel Foundation. Avant d’accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez prendre le temps de lire et de comprendre les renseignements qui suivent. Ce document vous explique le but de ce projet de recherche, ses procédures, avantages, risques et inconvénients. Nous vous invitons à poser toutes les questions que vous jugerez utiles à la personne qui vous présente ce document. Nature de l’étude La recherche a pour but d'étudier l’expérience d’études collégiales en anglais et l’impact sur les parcours éducatifs et professionnels de francophones, et ce, à travers une comparaison entre les régions de Montréal et de Québec. Déroulement de la participation Votre participation à cette recherche consiste à prendre part à une entrevue individuelle ainsi qu’à remplir un questionnaire sociodémographique, d’une durée approximative de 90 minutes, qui portera sur les éléments suivants:

• L’enfance et l’adolescence au Québec • Le processus du choix au collégial • La transition scolaire / linguistique et la vie collégiale • Après les études collégiales en anglais • Projets futurs

Si l’entrevue n’est pas complète, une deuxième rencontre pourrait être effectuée avec votre consentement. Un magnétophone numérique sera utilisé lors des entretiens pour faciliter la prise de notes. L’usage des enregistrements sera réservé aux fins exclusives de la recherche et ne seront rendus accessibles à aucun autre individu ou organisme. Lorsque les objectifs de la recherche auront été atteints, les données personnelles et les enregistrements seront détruits.

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Avantages possibles liés à votre participation Le fait de participer à cette recherche vous offre une occasion de réfléchir et de discuter, en toute confidentialité, de votre expérience dans un établissement collégial anglophone ainsi que de votre parcours éducatif et professionnel. De plus, vous aurez l’occasion de prendre un certain recul par rapport à votre propre expérience en l’exposant à l’intervieweur. Il n'y a aucun risque connu lié à la participation à cette recherche. Participation volontaire et droit de retrait Vous êtes libre de participer à ce projet de recherche. Vous pouvez aussi mettre fin à votre participation sans conséquence négative ou préjudice et sans avoir à justifier votre décision. Si vous décidez de mettre fin à votre participation, il est important d’en prévenir la chercheuse dont les coordonnées sont incluses dans ce document. Tous les renseignements personnels vous concernant seront alors détruits. Confidentialité et gestion des données Les mesures suivantes seront appliquées pour assurer la confidentialité des renseignements fournis par les participants:

• les noms des participants ne paraîtront dans aucun rapport; • les divers documents de la recherche seront codifiés et seule la chercheuse aura accès à

la liste des noms et des codes; • les résultats individuels des participants ne seront jamais communiqués; • les matériaux comportant des données nominatives (c’est-à-dire permettant de vous

reconnaître) seront conservés dans un lieu sécurisé sous clef où seule la doctorante aura accès. Ils seront détruits cinq ans après la fin de la recherche, soit en 2017;

• les données anonymes seront conservées dans un lieu sécurisé sous clef où seule la doctorante aura accès. Elles seront détruites 10 ans après la fin de la recherche, soit en 2022, et ce, parce qu’elles seront utilisées pour réaliser de nouvelles analyses ou des comparaisons avec d’autres projets de recherche;

• la recherche fera l'objet de publications dans des revues scientifiques, et aucun participant ne pourra y être identifié ou reconnu;

• un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui en feront la demande en indiquant l’adresse où ils aimeraient recevoir le document, juste après l’espace prévu pour leur signature.

Renseignements supplémentaires Si vous avez des questions sur la recherche ou sur les implications de votre participation, veuillez communiquer avec Karine Vieux-Fort, doctorante en administration et évaluation (fondements sociaux) à la Faculté des Sciences de l’éducation, au numéro de téléphone suivant : (XXX) XXX-XXXX, ou à l’adresse courriel suivante : [email protected].

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Remerciements Votre collaboration est précieuse pour nous permettre de réaliser cette étude et nous vous remercions d’y participer. Signatures Je soussigné(e) ______________________________ consens librement à participer à la recherche intitulée : « L’expérience d’études collégiales en anglais et les parcours éducatifs et professionnels de francophones du Québec : comparaison entre les régions de Montréal et de Québec ». J’ai pris connaissance du formulaire et j’ai compris le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche. Je suis satisfait(e) des explications, précisions et réponses que la chercheuse m’a fournies, le cas échéant, quant à ma participation à ce projet. J’accepte d’être contacté à nouveau pour une seconde entrevue si nécessaire : Oui _____/Non_____ __________________________________________ ________________________ Signature du participant, de la participante Date Un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui en feront la demande en indiquant l’adresse où ils aimeraient recevoir le document. Si cette adresse changeait d’ici cette date, vous êtes invité(e) à informer la chercheuse de la nouvelle adresse où vous souhaitez recevoir ce document. L’adresse (électronique ou postale) à laquelle je souhaite recevoir un court résumé des résultats de la recherche est la suivante : ______________________________________________________________________ ______________________________________________________________________ J’ai expliqué le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche au participant. J’ai répondu au meilleur de ma connaissance aux questions posées et j’ai vérifié la compréhension du participant. __________________________________________ _______________________ Signature de la chercheuse Date Plaintes ou critiques Toute plainte ou critique sur ce projet de recherche pourra être adressée au Bureau de l'Ombudsman de l'Université Laval : Pavillon Alphonse-Desjardins, bureau 3320 2325, rue de l’Université Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6 Renseignements – Secrétariat : (418) 656-3081 Ligne sans frais : 1-866-323-2271 Courriel : [email protected]

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ANNEXE 4

MESSAGE DE RECRUTEMENT, VERSION FRANÇAISE

Titre du message : Participants recherchés - L’expérience d’études collégiales en anglais et les parcours éducatifs et professionnels de francophones du Québec : comparaison entre les régions de Montréal et de Québec Bonjour,

Nous cherchons des participants pour un projet de thèse doctorale qui vise à étudier les expériences d’études collégiales en anglais et l’impact sur les parcours éducatifs et professionnels de francophones, et ce, à travers une comparaison entre les régions de Montréal et de Québec.

Pour participer à la recherche, vous devez répondre à l’ensemble des critères de sélection suivants :

• Avoir le français pour langue maternelle. Si deux langues maternelles, la seconde ne doit pas être l’anglais

• Né(e) dans la province de Québec • Âgé(e) de 35 ans ou moins • Avoir été scolarisé en français au Québec, tant au primaire qu’au secondaire • Avoir complété minimalement un an d’études dans un établissement collégial anglophone

de Montréal ou de Québec • Au moment de l’entretien, avoir terminé ou abandonné ses études collégiales en anglais

et être ou avoir été sur le marché du travail

Votre participation à cette recherche consiste à prendre part à un entretien individuel ainsi qu’à remplir un questionnaire sociodémographique, d’une durée approximative de 90 minutes. L’entretien portera sur les éléments suivants:

• L’enfance et l’adolescence au Québec • Le processus du choix au collégial • La transition scolaire / linguistique et la vie collégiale • Après les études collégiales en anglais • Projets futurs

Si ce projet vous intéresse ou vous avez des questions, veuillez communiquer, DIRECTEMENT et UNIQUEMENT par messagerie électronique ou par téléphone, avec :

Karine Vieux-Fort, doctorante au Département des fondements et pratiques en éducation, Faculté des Sciences de l’éducation de l’Université Laval [email protected] (XXX) XXX-XXXX Projet approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval (no d’approbation 2012-219 A2-R1/18-09-2013), le 21 septembre 2012

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ANNEXE 5

MESSAGE DE RECRUTEMENT, VERSION ANGLAISE

Title of the message: PhD Research Hi, I am looking for people wanting to participate in a PhD research studying the English cegep experience and the impact on educational and professional pathways for Francophones: comparison between Montreal and Quebec. To participate to the study, you need to match to the following criteria:

• Having French for mother tongue. If there are two mother tongues, the second cannot be English

• Born in the province of Quebec • To be aged of 35 years old or less • Have studied in French in primary and high school • At the moment of the interview, have completed at least one year in an English cegep of

Montreal or Quebec City and be or have been in the labor market Your participation at this research consists of taking part of a 90 minutes interview and answering a short demographic questionnaire. The interview will follow these themes:

• Youth in the province of Quebec • English cegep choice • Educational and linguistic transition and cegep life • After the English cegep • Future projects

If this project interest you or you have questions, please contact DIRECTLY and ONLY by email or phone: Karine Vieux-Fort, PhD candidate at Laval University, Fondements et pratiques en éducation department [email protected] (XXX) XXX-XXXX Project accepted on November 7 2012 by the Comité d’éthique de l’Université Laval (Approbation number 2012-219 A2-R1/18-09-2013)

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ANNEXE 6

GUIDE D’ENTRETIEN

L’expérience d’études collégiales en anglais et les parcours éducatifs et professionnels de francophones du Québec : comparaison entre les régions de Montréal et de Québec

Mise en contexte à présenter au répondant en débutant l’entrevue

*Au cours de cette entrevue, vous serez amené à relater votre histoire de vie personnelle, en lien avec votre expérience d’études collégiales en anglais et votre parcours éducatif et professionnel.

*Il ne s’agit pas d’une liste de questions à répondre à la manière d’un sondage, mais plutôt de

certaines questions générales touchant à quelques thèmes spécifiques à votre trajectoire individuelle.

*Ainsi, en cours de route, je vous demanderai de me raconter votre expérience personnelle relative à

ces questions générales et vous laisserai évidemment libre de répondre à votre guise. N’hésitez donc pas à me raconter ce qui vous apparaît intéressant et pertinent sans gêne.

*Enfin, je vous rappelle que, bien entendu, tous vos propos et tous les renseignements que vous me

fournirez, de même que mes notes personnelles, seront publiés de façon à ne pas vous identifier. Néanmoins, si vous ne vous sentez pas à l’aise de me communiquer certains renseignements,

sentez-vous libre de ne pas répondre.

Nous sommes maintenant prêts à commencer l’entrevue!

Grands thèmes pour les questions de l’entretien : I. L’enfance et l’adolescence au Québec II. Le processus du choix au collégial III. La transition scolaire / linguistique et la vie collégiale IV. Après les études collégiales en anglais V. Projets futurs

I – L’enfance et l’adolescence au Québec

1. Pour commencer, j’aimerais que vous me parliez de ce qu’était la vie en général là où vous

avez grandi.

▪ Type de localité (village, grande ville, etc.) ▪ Langue(s) parlée(s) dans le voisinage

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▪ Origine(s) des personnes dans le voisinage

2. Parlez-moi un peu de votre famille ?

▪ Origines ▪ Langue(s) maternelle(s) ▪ Langue(s) apprise(s) ▪ Scolarité des parents ▪ Profession des parents et langue de travail ▪ Importance des langues française et anglaise (ou autre) pour les parents ▪ Rapport à la Loi 101 ▪ Mobilité : déménagements ▪ Historique des études dans la famille (parents, frères / sœurs…)

3. Quels souvenirs conservez-vous de votre passage à l’école primaire et secondaire ?

▪ Écoles fréquentées (privée-publique) ▪ Attitude face à l’école et à l’enseignement ▪ L’enseignement de l’anglais à l’école et les cours que vous avez suivis (standard,

enrichi, etc.) ▪ Vos connaissances linguistiques – français, anglais et autre (compris, parlé et écrit)

4. Parlez-moi de votre réseau d’amis à l’époque ?

▪ Origines ▪ Langue(s) parlée(s) avec les amis

5. Dans votre vie quotidienne, quelle(s) langue(s) utilisiez-vous ?

▪ À la maison (lecture, télévision, radio, Internet, etc.) ▪ Avec la famille

6. Comment vous définissiez-vous à l’époque ?

▪ Linguistique (francophone, etc.) ▪ Civique (Québécois, Canadien, etc.) ▪ Territorial ▪ Autre(s)

7. Y a-t-il des événements importants durant cette période de votre vie qui ont été significatifs ?

▪ Voyage(s) ▪ Camps de langues ▪ Rencontre(s) ▪ Etc.

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II – Le processus du choix au collégial

1. S’il y a lieu, pouvez-vous me décrire votre cheminement scolaire entre la fin de vos études

secondaires et votre entrée au cégep anglophone ?

▪ Type(s) de formation(s) ▪ Lieu(x) de formation(s) – Avez-vous vécu des mobilités ? – déménagements ▪ Avez-vous complété cette ou ces formation(s) ? ▪ Langue(s) de formation ▪ Avez-vous occupé un ou des emplois (emploi étudiant, d’été…) ? Si oui, où et dans

quelle(s) langue(s) ?

2. Qu’est-ce qui vous a amené à poursuivre une formation collégiale en anglais ?

▪ La langue anglaise ▪ Le groupe d’amis ▪ Désir des parents ▪ Projets personnels, académiques et/ou professionnels

3. Qu’est-ce qui vous a amené à choisir ce collège anglophone plus qu’un autre ? *S’il y a lieu, ces collèges anglophones

▪ Proximité du lieu de résidence / de la localité d’origine ▪ Réputation de l’établissement ▪ Le groupe d’amis ▪ Programme de formation offert (offre et réputation du programme)

4. Qu’est-ce qui vous a amené à choisir ce(s) programme(s) de formation ?

▪ Projet d’études universitaires ▪ Projet professionnel ▪ Groupe d’amis ▪ Projet(s) personnel(s)

III – Transition scolaire / linguistique et la vie collégiale

1. Comment pourriez-vous décrire votre adaptation au collège anglophone en général ?

▪ Langue anglaise (direction, administration, professeurs, étudiants, etc.) ▪ Règles, normes, valeurs de l’établissement ▪ Contacts / Rapports avec les autres (anglophones, allophones et francophones)

2. Comment pourriez-vous décrire votre adaptation à votre programme de formation ?

▪ Langue

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▪ Profil pédagogique (lectures, travaux, évaluations et examens) ▪ Adaptation ou non des professeurs au niveau d’anglais des étudiants ▪ Disponibilités des professeurs (aide, discussion) ▪ Avez-vous connu des échecs scolaires ? Pour quelles raisons ? ▪ Avez-vous été inscrit à plusieurs programmes de formation durant vos études

collégiales en anglais ? Si oui, lesquels ?

3. Comment pourriez-vous décrire la vie scolaire durant vos études collégiales en anglais ?

▪ Cours (qualité de la formation) ▪ Évaluation (travaux et examens) ▪ Usage de l’anglais (évolution, changement, auto-évaluation des compétences, etc.)

4. Comment pourriez-vous décrire la vie étudiante durant vos études collégiales en anglais ?

▪ Activités socioculturelles et sportives ▪ Implication dans des organisations

5. Dans votre vie quotidienne, quelle(s) langue(s) utilisiez-vous ?

▪ À la maison (lecture, télévision, radio, Internet, etc.) ▪ Avec votre conjoint et vos enfants, le cas échéant ▪ Avec les amis (au collège, hors-collège, etc.) ▪ Avec la famille

6. Comment vous définissiez-vous à l’époque ?

▪ Avez-vous vécu des changements identitaires ? ▪ Linguistique (francophone, etc.) ▪ Civique (Québécois, Canadien, etc.) ▪ Territorial ▪ Autre(s)

IV – Après les études collégiales en anglais

1. Après avoir terminé vos études collégiales en anglais, quelle a été la suite de votre parcours

scolaire ?

▪ Autre(s) formation(s) collégiale(s) ou études universitaires ou autre(s) ? ▪ Dans quel(s) établissement(s) d’enseignement ? ▪ Dans quel(s) programme(s) ? ▪ Dans quelle(s) langue(s) ?

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2. Après vos études, quel a été votre parcours professionnel ?

▪ Dans quel(s) domaine(s) de travail ? ▪ Où ? ▪ Quelle(s) langue(s) utilisez-vous au travail ? Dans quelle proportion

approximativement (cadre formel et informel) ?

3. Dans votre vie quotidienne, quelle(s) langue(s) utilisez-vous ?

▪ À la maison (lecture, télévision, radio, Internet, etc.) ▪ Avec votre conjoint et vos enfants, le cas échéant ▪ Avec les amis ▪ Avec la famille

4. Comment vous définissiez-vous, depuis la fin de vos études collégiales en anglais jusqu’à

présent ?

▪ Avez-vous vécu des changements identitaires ? ▪ Linguistique (francophone, etc.) ▪ Civique (Québécois, Canadien, etc.) ▪ Territorial ▪ Autre(s)

V – Projets futurs

1. Quels sont vos projets pour les années à venir ?

▪ Études ▪ Profession / travail ▪ Famille ▪ Mobilité géographique

2. Quelle place occupera les langues dans votre vie ?

▪ Études ▪ Profession / travail ▪ Famille ▪ Amitié ▪ Voyage ▪ Etc.

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ANNEXE 7

QUESTIONNAIRE SOCIODÉMOGRAPHIQUE

L’expérience d’études collégiales en anglais et les parcours éducatifs et professionnels de francophones du Québec : comparaison entre les régions de Montréal et de Québec

1. Nom _________________________________________________

2. Prénom _______________________________________________

3. Sexe : F M

4. Âge : ______________

5. Année de naissance ________________

6. Lieu de naissance (ville) : _______________________________________

7. Nom du ou des collège(s) anglophone(s) que vous avez fréquenté : ____________________________________________________________

8. Programme(s) de formation : ____________________________________________________________

9. Années de fréquentation : ________________________________________________

10. Âge que vous aviez au moment de vos études collégiales en anglais : _________________

11. État civil actuel : __ Célibataire __ Marié(e) __ Conjoint(e) de fait

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__ Séparé(e) / Divorcé(e) __ Veuf / veuve

12. Langue maternelle et langue d’usage de votre conjoint(e) (s’il y a lieu) :

__________________________________________________________________

13. Nombre d’enfants (s’il y a lieu) : __________________________________________

14. Quels sont les lieux où vous avez vécu depuis votre naissance ?

Ville Province, Pays Durée Âge

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15. Quel est votre parcours scolaire, du programme le plus récent au plus ancien ?

Type et nom de

l’établissement (formation

professionnelle, collégiale et/ou universitaire)

Programme d’études

Lieu Langue d’études

Années Avec ou sans

diplôme

16. Quelles sont vos expériences de travail, de la plus récente à la plus ancienne ?

Poste Lieu Temps plein/ Temps partiel

Durée Langue(s) de travail

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LA FAMILLE IMMÉDIATE DU RÉPONDANT

1. Lieu de naissance de votre père : ____________________________________

2. Langue(s) maternelle(s) de votre père : _______________________________

3. Lieu de naissance de votre mère : ___________________________________

4. Langue(s) maternelle(s) de votre mère : ______________________________

5. Quel est le niveau de scolarité atteint par votre père ? Dans quel domaine ? _______________________________________________________________

6. Quel est (ou a été) le travail de votre père ? ____________________________

7. Quelle(s) langue(s) utilise-t-il (utilisait-il) au travail ? _________________________

8. Quel est le niveau de scolarité atteint par votre mère ? Dans quel domaine ?

_________________________________________________________________

9. Quelle est (ou a été) l’occupation de votre mère ? __________________________

10. Quelle(s) langue(s) utilise-t-elle (utilisait-elle) au travail / occupation ? __________________________

11. Le cas échéant, quels sont les établissements collégial et universitaire que vos frères / sœurs ont fréquentés ? _______________________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________

12. Dans quel domaine travaillent-ils ?

_______________________________________________________________ _______________________________________________________________ _______________________________________________________________

13. Quelle(s) langue(s) utilisent-ils au travail ?

__________________________________________________________________ __________________________________________________________________ __________________________________________________________________

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ANNEXE 8

CANEVAS DE SYNTHÈSE D’ENTREVUE

SYNTHÈSE D’ENTREVUE XX – PSEUDONYME Cégep : Nom de l’établissement (Région) 1. Parcours -Opinion des parents sur les langues : -Scolarité obligatoire : -Choix du cégep anglais : -Transition vers le cégep anglais : -Rapports entre les groupes linguistiques : -Lien entre les langues et la suite du parcours éducatif : -Lien entre les langues et la suite du parcours professionnel : -Identité : -Consommation culturelle : 2. Faits saillants - 3. Pistes d’interprétation théorique - 4. Liens avec les objectifs initiaux de la thèse 4.1 Documenter le processus de choix d’études collégiales et les motifs évoqués 4.2 Analyser l’expérience des études collégiales en anglais 4.3 Analyser l’évolution de l’impact de cette expérience sur l’orientation scolaire et professionnelle au fil du parcours 4.4 Comparer les parcours selon l’effet des contextes démo-linguistiques différents : Montréal et Québec

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ANNEXE 9

EXEMPLE DE FICHE DE PARCOURS

Fiche de parcours191

▪ CITATION SIGNIFICATIVE « [Retour aux études en français pour la maîtrise] je me suis vraiment épanouie après! C'était beaucoup plus facile! J’étais plus moi-même en fait!... c'était comme une autre m… pas une autre moi, mais…

veut, veut pas, tu rentres dans un moule à quelque part là. Fait que j’étais un peu rentrée dans le moule, mais c'est comme d’essayer de rentrer une balle ronde dans un cadre carré… ça rentre… mais quand elle ressort la boule est

ronde puis elle est contente! (rire) c'est ça! » (2038-42)

▪ CARACTÉRISTIQUES SOCIODÉMOGRAPHIQUES

o SEXE : X

o ÂGE : XX ans (19XX)

o VILLE D’ORIGINE : XXXXXXX

o SCOLARITÉ OBLIGATOIRE : Écoles primaires de quartier et polyvalente un peu plus loin pour suivre un programme de XXXXXX (51-52)

o RÉUSSITE SCOLAIRE GÉNÉRALE : A toujours aimé l’école, contente d’apprendre. A commencé à se tanner uniquement quand elle a quitté la maîtrise (435-47) + Devait tout de même « bûcher » dans certaines matières

pour y arriver. Devait fournir des efforts pour avoir de bons résultats. A toujours travaillé, mais aimait l’école (452-66)

▪ ORIGINE SOCIALE

o ORIGINE DES PARENTS : XXXXXX XXXXXXX

o SCOLARITÉ DES PARENTS :

▪ PÈRE : XXXXXXXXX (XXXXXXXl)

▪ MÈRE : XXXXXXXXX (XXXXXXXXXXX)

o TRAVAIL DES PARENTS :

▪ PÈRE : XXXXXXXXXXX

▪ MÈRE : XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

o LANGUE DE TRAVAIL DES PARENTS :

▪ PÈRE : Français et quelques trucs en anglais + Père a appris l’anglais à l’école, mais connaissances de base (125-7) + Père plus fonceur pour se faire comprendre en anglais (142-156)

▪ MÈRE : Français + Mère maintenant à la retraite prend des cours d’anglais pour voyager plus aisément. A appris un l’anglais à l’école, mais connaissances de base (115-27) + Mère plus perfectionniste pour

parler anglais (140-2/153-4). Avec ses cours, est maintenant meilleure que son mari (173-7)

o EPG (étudiant de première génération) : XXX

▪ IMPORTANCE DES LANGUES POUR LES PARENTS

o FRANÇAIS : « Très important ». Importance de bien le lire, l’écrire, le parler. Règles de grammaire importantes. Jeune, sa mère a eu de la difficulté avec le français. Y accordait une grande importance pendant leur

jeunesse. Pendant les vacances, mère demande aux enfants de tenir un journal de voyage et le corrige + Parents savaient que dans le parcours professionnel, bien maîtriser le français est important + Autres matières aussi

importantes + Parents lisent beaucoup (189-213)

o ANGLAIS : Savaient que c’était important pour le travail, mais n’ont pas mis d’accent à ce propos et aussi n’étaient pas très à l’aise avec la langue « bien sur l’anglais il y avait pas rien d’important. Mes parents ils savaient

que c'était important pour travailler puis tout ça, mais il y a… il y a pas eu d’emphase qui a été mis là-dessus, mais c'est sûr que mes parents ils n’étaient pas super à l’aise non plus avec cette langue-là. Fait que j’ai

l’impression que c'est peut-être pour ça qu’ils ont pas focussé là-dessus non plus. » (185-9)

o RAPPORT À LA LOI 101 : Sujet qui n’était pas beaucoup discuté à la maison. Politique n’est pas un sujet de discussion. Importance de protéger le français pour les parents (239-46) + À ce jour, elle-même ne saurait pas

clairement expliquer la Loi 101 (253-7)

191 Les fiches de parcours ont été réalisées dans un format légal (8½ x 14). Afin de respecter les règles de présentation de la Faculté des études supérieures et postdoctorales, nous présentons l’exemple de cette fiche de parcours en format lettre (8½ x 11).

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▪ IDENTITÉ LINGUISTIQUE ET CIVIQUE

o Jeune, « bien moi j’étais une Québécoise. Et je vivais dans un pays qui s’appelait le Canada… c'était vraiment ça. » (757-8)

o « Tu sais je comprenais qu’il y avait le Canada tu sais…qu’on en faisait partie, mais moi puis encore aujourd’hui je me sens vraiment comme une Québécoise…tu sais j’ai pas… c'est pas mon pays là, mais… comme

plusieurs Québécois je pense des fois qu’on… tu sais le Québec c'est comme un peu une île on dirait. Au milieu d’un… probablement à cause de la langue principalement, mais… mais même… notre façon d’agir… tu sais

pour avoir étudié en anglais, notre façon d’être comparée aux anglophones c'est très, très différent. On n’est pas pareil. On n’agit pas de la même façon. Ils sont beaucoup plus conservateurs. Ils apportent d’autres choses.

Ils ont des choses très intéressantes à apporter, mais on a un côté… un petit peu plus fou, un petit peu plus relaxe… moins conservateur. Un peu plus… ah c'est pas grave. Ça va aller! Mais… mais c'est vrai! C'est… c'est…

puis je m’en suis rendu compte à la fin de mes études. Bien en fait quand j’ai continué mes études, mais en français!... je me suis rendu compte de la différence puis dans ma propre attitude aussi. » + « fait que oui on

appartient au Canada, mais… mon Dieu qu’on est une île très différente le Québec. » (758-89) + « non, je me suis jamais définie comme Canadienne. Je suis obligée de le marquer sur mon passeport, mais… je me sens

pas liée au restant du Canada. Mais en même temps… tu te dis bah… c'est le fun d’avoir les rocheuses dans notre pays, mais… tu sais! (rire) c'est pas… » (797-800). Consciente des différences dans le Canada depuis

qu’elle est jeune et voyage dans le pays (811-9)

o Identité est toujours restée la même (1989) + Avec ses expériences, son identité est encore plus forte, car se rend compte des différences vécues, surtout retournant étudier en français à la maîtrise, se sent « vraiment

épanouie » (1993-2048) + Pendant cégep, n’utilise pas le mot bilingue pour se décrire, car ne savait pas encore assez son anglais… même plus tard, son anglais n’est pas parfait selon elle (2050-62)

SCOLARITÉ OBLIGATOIRE CHOIX DU CÉGEP ANGLAIS EXPÉRIENCE COLLÉGIALE ORIENTATION POST-CÉGEP ORIENTATION PROFESSIONNELLE

DISTINCTIONS RÉGIONALES MONTRÉAL – QUÉBEC

-Naissance à la Xe année, XXXXXXXl, quartier québécois francophone (14-31) -En Xe année, déménage à XXXXXX pour le travail du père. Endroit un peu plus multiculturel avec école qui a plus d’enjeux. Habite à la limite d’un quartier résidentiel où dans l’autre rue, ce sont des immigrants et des étudiants (31-43) + Notes baissent, car doit s’adapter, école est très différente, change de réseau d’amis. Ça se replace en secondaire X (511-4/518-26) -Au secondaire, fait un programme XXXXXX XXXXX (51-2) + École où la majorité des élèves sont des Québécois francophones (52-4) + Va dans une polyvalente plus loin pour suivre le programme comme ses X grands XXXXX (355-76) + Obligation d’avoir de bons résultats pour intégrer le programme, car doit manquer des cours (388-99) + Petite clique, élèves de famille fortunée, mais pas eux (407-12) -Anglais : commence au milieu du primaire (477-81) + Une matière qu’il fallait qu’elle apprenne. Savait que des gens parlaient anglais et qu’il fallait qu’elle l’apprenne. Au primaire « pas une de mes facilités déconcertantes » + Au secondaire, devient plus facile, a un « petit déblocage ». Anglais de base au secondaire (486-94) par obligation,

-Plan initial : cégep [francophone] comme ses XXXX pour y faire ses sciences natures. -Visite une foire (pas à l’école secondaire), avec sa mère, lieu où différents kiosques présentant les cégeps + Voient le cégep anglais, mais mère pense que c’est un cégep privé. Se font dire que c’est un cégep public et accessible à tous. Mère lui demande si elle est intéressée (915-20/946-55) -Réflexion : Se dit que ça pourrait une bonne option + N’a jamais choisi la voie facile dans la vie « Puis j’ai jamais choisi les voies faciles non plus dans ma vie. Tout le temps. Ça continue! (rire) ça continue! Tout le temps, tout le temps! Fait qu’on dirait que j’ai décidé de prendre la voie la moins facile encore une fois. Puis d’aller en anglais. » (921-3/933-44). Le voit un peu comme un défi (933-5) + Atout plus tard. Même à XX ans, consciente d’avoir à développer des atouts pour la carrière dont l’anglais (920-6/1010-2) -Connaît le cégep durant cette foire (965-6) + Ne connaissait personne qui y avait été et seulement X personnes de sa cohorte y sont allées (968-74) (Une, X an plus vieille qu’elle, mais pas une amie. Ceci n’a pas influencé son choix. Une autre, mais sans plus) (978-93)

-Va du secondaire au cégep directement. Le voit comme une « chance » qu’il y avait un « petit cours d’anglais » (866-7). Fait volontairement ce cours pendant l’été, car doutait un peu de ses capacités comme elle n’avait fait que l’anglais de base au secondaire (880-99) -XXXXXXXXXXX en X ans. Avec du recul, se dit qu’elle aurait peut-être dû le faire en X ans ½ pour avoir de meilleures notes et être moins sous pression (1179-83) + Ses parents payaient ses études et elle ne voulait pas ambitionner (1205-8) -Bonne intégration sociale. Se fait des amis avec qui elle parle le français même si plusieurs sont de « culture anglophone assez ancrée ». Avec du recul, voit la différence avec des amis québécois francophones plus « fofolle sur les bords », car au cégep amies provenant d’un milieu très conservateur, qu’elle qualifie de « assez particulier » (1224-40) (amies provenant des écoles secondaires anglaises ou ayant fait des camps d’anglais ou venant de l’extérieur) (1246-52) + Amitiés créées dans les cours (1526-8) où elle n’avait pas vraiment de liens avec elles (1572-6) -Académique : plus difficile + Notes ont « vraiment chutées » la 1er

-Bacc en XXXXXX au XXXXXXXXXX (branche de [université anglophone]) (X ans). « Puis, je suis allée en anglais… donc, oui c'est sûr que ça a été très utile parce que justement je me suis dit tant qu’à avoir autant bûché en anglais, bien je vais continuer puis je vais vraiment l’apprendre comme du monde mon anglais… c'est vraiment ça que j’ai décidé de faire. J’ai vraiment fait exprès pour aller mon université en anglais après… c'était voulu. C'était… » (1779-84) / Ne se sentait pas bilingue en sortant du cégep et voulait perfectionner son anglais (2089-94) + 1e choix continuer étudier en angl (2158) -Va à xxx, car il n’y a pas d’université anglophone à Qc (2098-9) + Au cégep, ex de son xxx qui allait dans un programme universitaire qu’elle trouvait intéressant, va la voir et trouve le campus magnifique et petit. Décide d’y aller (2144-52) et n’a pas vraiment regardé pour d’autres universités (2227-36) -Université à XXXXXX, secteur plus anglophone (2100-1) -Plan B : demande à [université francophone], (2162-4) -Choix XXXXX pour aller, au bout du compte, en XXXXXX bien que n’a pas d’emploi spécifique en tête (2252-5/2278-98)

-Part ensuite rejoindre XXXXXX qui travaille sur la XXXXXXX. Trouve son 1er emploi comme XXXXXXXXXX (XXXXXXXXXXXXXXXXX) (2119-29). Reste là X ans (XXXXXXXXXXXXXXXXXX). Entente avec son XXXXX que si elle n’est pas bien ou lorsqu’elle n’est plus bien (en y allant, n’avait pas d’emploi), ils reviennent à XXXXXX (2671-2708) -Se fait corriger ses fautes par la secrétaire. Dur pour l’orgueil, car savait qu’avant elle ne faisait pas tant de fautes (2585-90) -Anglais : XXXXXXXXX qui parle anglais. Se fait demander par du personnel qui devait parler anglais, mais y arrive moins de prendre des appels et autres (2717-24) « bien il y a tous les XXXXXXX, mais il y a toute la XXXXXXX là. C’est pas nécessairement XXXXXXX mais oui il y a des XXXXXX là-dedans, mais pas nécessairement, mais ça c'est tout anglophone. Ça parle pas pratiquement un traitre mot en français là. » (2732-4) + Anglais était demandé pour cet emploi même si le nombre de fois qu’elle a parlé anglais était très minime (2738-49). Utilise majoritairement le français cadre formel et toujours dans le cadre informel (2751-9)

-A grandi à XXXXX, part ensuite étudier à XXXXXX et va vivre sur la XXXXXX pendant X ans. Revient à XXXXX et constate que XXXXXX est maintenant beaucoup plus multiculturelle « oui ça me marque, ça me marque de voir autant de… de multiculturalité à XXXX parce que moi quand je suis partie d’ici je suis allée à XXXXX. C'était ça à XXXXX… mais là c'est rendu ici c'est sûr que… » (629-59)

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car est déjà dans une autre concentration avec le sport (532-40) + Anglais, une matière comme les autres « bon j’avais pas un attrait particulier avec… avec cette langue-là. » (499-500) + Avait des bonnes notes comme dans les autres matières « j’avais des bonnes notes là, comme les autres cours puis c'était correct. Tu sais je veux dire j’apprenais… j’apprenais ce que j’avais à apprendre puis je le rendais sur papier ou oralement puis c'était correct… mais je peux pas dire que j’avais une facilité. » (504-7) -Connaissances linguistiques : au début de sa scolarité, un peu de difficulté en français. Dès le secondaire, devient une de ses matières préférées. Écrit des textes sans faute, aimait faire des exposés oraux, avait de bons professeurs ce qui aide (553-61). Matière facile, peut-être parce que ses parents ont autant poussé (566-8) / Anglais, matière comme les autres. A un accent en parlant, n’est pas gêné, car suis le même groupe-classe depuis secondaire X (XXXXX) (576-84) -Amis d’école, mélange entre gens plus aisés et d’autres moins. Différentes origines, parlent fr québécois (601-27) -Avant son cégep en anglais, considère qu’il n’y a rien qui de précis sur le plan des langues (54-6) + Voyage chaque été avec ses parents et est souvent « confrontée à la langue anglophone », mais pas d’autres langues (56-60) + Ses parents « baragouinaient » un peu d’anglais (60-3) + Voyage aux XXX, XXXXXXXX et XXXXXX (65-77) + « rien ne me destinait à ces études-là. Rien! » (748-9) -Parents : anglais de base, mais depuis qu’ils sont à la retraite, mère prend cours d’anglais pour mieux se débrouiller dans les voyages + Sont maintenant contents quand XXX peut prendre par aux voyages compte tenu de ses compétences en anglais + « Mais on s’entend que l’anglais, à l’école de cette époque-là c'était encore plus de base que nous

-Choix un peu au hasard « c'est ça! C’est arrivé comme ça. Puis j’ai embarqué là-dedans tout simplement. Il y avait aucune autre raison. Je me suis à moitié posé des questions voir si ça avait de l’allure ou pas de l’allure puis… qu’est-ce que ça donnerait comme résultat puis j’ai foncé. » (1001-4) -Parents l’encouragent à apprendre son anglais. Voyant qu’elle a réussi le test d’anglais pour y accéder, ses parents se disent qu’elle est capable de le faire (1031-3) -Projet de carrière dès sec.XXX : XXXXXXXXX. N’a pas pu y accéder, car très bonnes notes au secondaire, mais chute dans ses notes au cégep, car en plus des matières elle doit apprendre l’anglais. Ses notes ont un peu remonté à la fin du cégep, mais pas assez pour avoir la moyenne nécessaire au programme (1052-65) + Encore à ce jour, toujours un intérêt pour le domaine et se garde la porte ouverte au cas où (1069-78) -Choix XXXXXXXXXXXX même si les maths ne sont pas sa force, elle se débrouille bien (1091-2) + préalable pour intégrer le programme de XXXX (1096-8) + Parents ont tjrs dit aux enfants que les sciences ouvrent le plus de portes et ce qu’elle croit aussi (1099-1105) -À l’époque, et encore aujourd’hui, ne connaît pas ce qu’il y a comme autres cégeps anglos au Qc (1115-6) + Ne sentait pas prête à aller vivre ailleurs. Naturel de faire le cégep dans la même ville où elle habite, rester chez ses parents (1137-9) -Plan B : demande au cégep [francophone], car test d’admission au cégep anglo. Consciente de son niveau d’anglais (1161-2). Cégep anglo, son 1er choix (1144-7) « c'était mon premier choix. Oui… j’avais vraiment dans ma tête de cochon décidé que j’allais étudier en anglais là. Oui. » (1151-2) + Acceptée aux 2 cégeps (1154-7)

année, car doit faire ses travaux en anglais, parler en anglais dans des cours où la matière est différente de celle vue au secondaire + Replace la 2e année + Termine avec une mention honorable en français, ce qui l’a fait rire (1260-8/1425-9) / Apprendre le langage de base des matières demande du temps (1629-78/1702-10) / Difficulté, pas nécessairement dans les examens, mais de comprendre les différents accents des professeurs. Se dit un peu orgueilleuse et n’est pas allée chercher les ressources nécessaires et veut s’organiser seule. Un peu de gêne aussi « je suis quelqu’un qui… je me suis toujours organisée toute seule. Je suis quelqu’un d’indépendante. » (1279-95/1314-39) / Est allée voir les profs pour la matière, mais pas pour aller chercher de l’aide avec son anglais ou suivre des ateliers offerts (1297-1306) + Y est arrivée par elle-même, mais cela a pris plus de temps faire ses travaux. Travaille « d’arrache-pied », mais ne regrette pas. En apprend beaucoup sur elle-même et l’aide qu’elle n’hésite plus à demander (1341-60) + N’a pas échoué un cours, mais a douté parfois (1368-78) -N’a jamais considéré quitter le cégep anglais (1680-88) -Parle toujours à ses profs en anglais (1388-1420) -Culture anglophone : conservatisme, profs avec des études supérieures, études très encadrées et très rigides. Pas de difficultés à s’y faire, car parents assez stricts + Recul, se rend compte qu’elle aime mieux être dans un environnement plus « relaxe », « friendly » (1441-78) -Contacts groupes : Plus froid, plus de cliques qui restaient ensemble (ex : « hot qui faisaient du rugby ») (1492-1501) + Ne sentait pas qu’elle pouvait intégrer certains groupes. Tu peux parler à quelqu’un, mais sans plus (1506-15) + Séparation moins sur le plan de la langue que des « hots » (sport et argent) et « moins hots » (1550-64)

-Ne fait pas appel à un C.O. Fait ses recherches par elle-même, sur Internet (2252-5) -1er année difficile, mais finit ses 2 dernières années avec des excellents résultats comme au secondaire. Cours plus intéressants dès la seconde année. Familiarise plus avec l’université (1789-90/2325-55) -Anglais parlé débloque, car fréquente des personnes qui parlent anglais et qui la corrigent. En retour, elle les corrige avec leur français + travaille en anglais pour un prof tout un été « Mais ça a pris… ça a été long là! » (1805-10/2320-23) -Au début, se tient avec des francos, mais après rencontre des personnes anglos ou qui parlent une autre langue, mais dont l’anglais est la langue de communication (milieu multiculturel) + 1er année en résidence et doit parler en anglais (2101-9) / Va vivre ensuite en appartement avec XXXXXXXX dans xxxxxxxxx (2420-2) + X filles du cégep qui vont à la même université. Se lie d’amitié et noyau grossit (2204-12) -Expérience différente du cégep : plus anglophone, plus multiculturel (2304-15) -Études en anglais, impact sur ses compétences en anglais « En tout cas je pense que j’étais meilleure à ce moment-là en français que maintenant! (rire) c'est horrible à dire là, mais je pense qu’avec… à cause de mes études en anglais j’ai perdu mon français un peu… ce que je regrette. Oui. Ça je trouve ça… ça, c’est l’affaire [intonation] que je trouve triste. » (554-8) -Retour à XXXXX, maîtrise en XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX) [Université XXXXXXX] (fr) (X an) avec un stage (2110-9) -Programme offert à XX et à XXXXXX. Choisit XX, car comptait s’y installer avec XXXXXXXXX + Aime l’idée du programme rapide, tannée des études (2439-59/2631-66)

-Retour à XX, car XXXXX a un nouveau poste (2710-3). Y est depuis XXXXXX (2791) -N’est plus dans la XXXXXXXX, ce n’était pas sa niche, mais a été une bonne école. Travaille maintenant au XXXXXXXXXXXXXX XXXXXXX (2796-2800) -Travaille en français. Documentation en anglais à lire, mais n’a pas encore eu à le faire. Cadre formel et cadre informel en français (2814-39) -Anglais à l’embauche bien, mais pas requis « bien… oui puis non. Je pense que c'est…. Tu sais fallait cocher oui pour comprendre l’anglais et le lire là, écrire, mais tu sais en entrevue ils m’ont jamais demandé est-ce que tu parles en anglais, est-ce que tu te débrouilles bien. J’ai jamais eu de question comme ça contrairement sur la côte nord que c'était vraiment… pratiquement requis. Mais… j’en ai besoin pareil là. Fait que je pense que c'était important quand même c'était coché et c'était important que ce soit coché malgré tout. Mais c'était pas majeur… comme aspect pour avoir l’emploi là. » (2845-51) -Maintenant, n’a pas l’impression que son français est revenu à 100 % (2594-8) -Anglais lui a été utile pour avoir des emplois (2717) -Bilinguisme : « ça m’aide toujours à me trouver une job, tu écris bilingue, bien oui. Écrit, parlé… lecture pas de problème. Tu sais c'est facile à marquer, puis c'est le fun à marquer aussi là! » (1928-30) -Aujourd’hui, n’écoute pas la télé en anglais même si elle comprend. N’y va pas spontanément. Écoute la radio en anglais dans l’auto (680-704) + Lit en anglais pour le pratiquer et ne pas le perdre (3202-7)

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326

autres puis en tout cas… nos enfants on va espérer que ce soit meilleur! » (115-27) -Consommation culturelle : fr + Grands XXXX écoutent télé en anglais et l’écoute parfois, mais ne comprend pas + Lit en fr (661-732)

-Pas d’adaptation des professeurs au niveau d’anglais, mais ils étaient dispos (1724-62) -Compétences en anglais : évolution de beaucoup, mais parlé le plus difficile, car tout le monde parle fr (1799-1801) + Évolution constante (1828-31) -Manque de temps pour la vie étudiante (1837-43)

-Sait, doit avoir une « coche de plus » que le bacc pour avoir des emplois intéressants (2614-22) -Était contente de retourner étudier en français. Pensait que ça allait être facile, mais a du « pédaler au niveau français », a des structures de phrase anglophones, n’est pas revenue à 100 % (2464-2519), difficile pour l’orgueil (2585)

Attentes implicites et explicites Expérience Qu’est-ce qui reste ?

Pas d’intérêt particulier

pour l’anglais au primaire

et au secondaire /

Réussit, mais sans plus /

Voyage avec sa famille et

est confrontée à l’anglais

Dit que rien ne la

prédestinait à faire son

cégep en anglais

Choix un peu par hasard /

Le voit comme un défi, un

atout pour la carrière / N’a

jamais choisi la voie facile

dans sa vie

Bonne intégration

sociale, mais plus de

difficulté sur le plan

scolaire (surtout 1er

année) / Contact avec la

culture anglophone

[Université anglophone]

pour continuer de

développer ses

connaissances en anglais

/ Expérience du

multiculturalisme à [nom

d’une ville] / Retour à

[nom d’une ville], études

en français et constate la

différence culturelle, se

sent épanouie

Emplois majoritairement

en français, un

demandant l’anglais,

mais l’utilise peu

finalement

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327

ANNEXE 10

GRILLE D’ANALYSE DES RAISONS D’ÉTUDIER DANS UN CÉGEP

ANGLOPHONE (OBJECTIF 1)

LOGIQUE DE L’INTÉGRATION

LOGIQUE DE LA STRATÉGIE

LOGIQUE DE LA SUBJECTIVATION

-Désir d’intégration à une communauté anglophone -Désir d’adoption de valeurs liées aux cégeps anglophones

-Avoir un avantage sur le marché de l’emploi -Réaliser un projet de mobilité -Faire face à un choix par défaut

-Développer ses connaissances linguistiques -S’ouvrir à d’autres cultures -Relever un défi personnel

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328

ANNEXE 11

GRILLE D’ANALYSE DE L’EXPÉRIENCE DES ÉTUDES COLLÉGIALES

EN ANGLAIS (OBJECTIF 2)

LOGIQUE DE L’INTÉGRATION

LOGIQUE DE LA STRATÉGIE

LOGIQUE DE LA SUBJECTIVATION

SOCIALISATION

-Importance de l’éducation dans la famille

-Valorisation de l’anglais

-Importance du français

-Socialisation scolaire, préparation au métier d’étudiant

-Socialisation linguistique

-Socialisation sociale et culturelle

APPARTENANCES

-Identité linguistique et civique

CONDITIONS DU CONTEXTE

-Gestion du temps

-Diversité linguistique et culturelle des enseignants

-Mobilité géographique

-Présence d’étudiants francophones et allophones

-Taille du cégep

RESSOURCES (MOYENS)

-Services offerts, outils disponibles

-Pairs

-Personnel enseignant et direction d’établissement

-Famille

BUTS, OBJECTIFS, BÉNÉFICES

-Réussir ses études par l’obtention du DEC

ÊTRE UN SUJET DE SON EXPÉRIENCE

-Bilan de l’expérience

-Le cégep, un passage obligé

-Sentiment persistant de division entre les étudiants

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329

ANNEXE 12

GRILLE D’ANALYSE DU PROCESSUS DE SOCIALISATION À

L’ANGLAIS DANS LA SUITE DU PARCOURS (OBJECTIF 3)

Séquences192

#1 Bifurcation

#2 #3 Bifurcation #4

#5

Périodes

Ingrédients objectifs

Contexte scolaire

Contexte géographique

Contexte professionnel

Contexte personnel

Ingrédients subjectifs

Rapport à l’anglais

Rapport à d’autres langues secondes

Rapport aux études

Rapport au travail

Rapport à l’espace

Rapport à l’avenir

Rapport personnel à l’anglais (ex. : famille, loisirs, pratiques culturelles)

Identité

Ingrédients actants

Autruis significatifs

Bifurcations : 1/ 2/ Moteurs : Séquence #1 Moteur(s) Séquence #2 Moteur(s) Séquence #3 Moteur(s) Séquence #4 Moteur(s) Séquence #5 Moteur(s)

192 Dans cette grille d’analyse, la présentation des séquences et des bifurcations est bien entendu un exemple puisque chaque fiche présente une temporalité distinctive.

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330

➢ Qu’est-ce que le cégep anglophone représente dans le parcours ?

➢ Quelle place prend l’anglais dans la suite du parcours de vie après les études dans un cégep anglophone ?

Sphère scolaire

Sphère professionnelle

Sphère personnelle

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331

ANNEXE 13

CROISEMENT DES TROIS TYPOLOGIES

Première typologie

Expériences de choix Trois types : 1. Choix stratégique 2. Choix de développement personnel (+ sous-type hybride) 3. Choix par défaut

Deuxième typologie

Expériences des études Cinq types : 1. Expérience d’intégration facilitée 2. Expérience d’intégration sélective 3. Expérience d’intégration stratégique 4. Expérience d’intégration sous tensions 5. Expérience de rupture

Troisième typologie

Parcours de socialisation à l’anglais

Sept types : 1. Parcours d’anglicisation 2. Parcours de continuation dans des sphères anglophones 3. Parcours de navigation entre l’anglais et le français 4. Parcours de retour à des sphères francophones 5. Parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle 6. Parcours de détachement face à l’anglais 7. Parcours de déplacement vers l’espagnol

01

Audrey

2

1

3

02

Gabrielle

2

3

4

03

Mathieu

2

2

5

04

Pierre

1

1

3

05

Julie

2

1

3

06

Amélie

2

4

3

07

Marc-André

1

2

3

08

Alexandre

1

2

3

09

Sophie

2

4

5

10

Sabrina

2

1

3

11

Philippe

1

3

4

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332

12193

13

Vincent

3

3

3

14

Annabelle

2

1

3

15

16

Charlotte

2

4

3

17

Valérie

2

1

2

18

Raphaëlle

2

1

2

19

Laurence

2

5

6

20

Nathalie

2

4

3

21

Nathan

2

2

3

22

Marie

2

3

3

23

Justine

2

4

7

24

Nicolas

2

3

2

25

David

2

4

4

26

Xavier

2

1

3

27

Simon

1

4

2

28

Béatrice

3

3

3

29

Maude

3

3

2

30

Guillaume

1

4

2

31

Sandrine

1

1

3

32

Jessica

2

2

3

33

Noémie

2

5

1

193 Les participants 12 et 15 n’ont pas été retenus aux fins de la recherche puisqu’ils ne répondaient pas à tous les critères de constitution de l’échantillon. Nous faisons mention de cette information dans la section 4.4.1 du chapitre 4.

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333

34

Antoine

3

4

2

35

Olivier

1

2

3

36

Delphine

2

4

4

37

Samuel

3

1

2

38

Pénélope

2

4

4

39

Étienne

3

4 et 5

6