Les Oublies du Pipeline

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A travel along the BTC pipeline, second longest pipeline in the world, across Azerbaijan, Georgia and Turkey, documenting the life of forgotten population displaced from Nagorno Karabagh, Abkhazia, South Ossetia and Turkish Kurdistan

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LES OUBLIÉS DU PIPELINEPhotographies et textes : Grégoire Eloy

Préface : Sylvain Tesson

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« Erzurum, Turquie, le 6 décembre 2006. Après le thé, Hüsamettin prend son instrument et m’explique que la chanson qui suit est celle

d’un père à son fils, d’un père qui dit à son fils qu’il ne peut pas manger de miel sans lui. Puis il me regarde, souriant, et me dit qu’il salue mon père. »

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L’ignorance est une des conditions du bonheur.

Demandez aux autruches. Il y a peu d’êtres aussi heureux.

Nos sociétés post-industrielles ont bâti leur prospérité

sur l’exploitation d’une énergie dont nous ne savons

rien : le pétrole. Nous ne sommes pas spectateurs de son

extraction puisque les ressources dorment en des lieux

éloignés des espaces où on les consomme. Les oléoducs,

serpents d’acier, corrigent ce malheur : ils acheminent

la pâte précieuse de son berceau souterrain jusqu’à la

bouche des Molochs.

Pas plus que nous ne mesurons les efforts engagés pour

faire jaillir l’or noir, nous ne nous représentons ce réseau

aortique de tubes qui strient les immensités désertiques

ou steppiques. Que connaissons-nous des paysages veinés

de pipelines ? Que savons-nous des Hommes prospérant

sur ces territoires parcourus de tubes ? Nous nous

moquons volontiers de ces enfants déracinés qui tracent

un carré lorsqu’on leur demande de dessiner un poisson

parce qu’en matière de poissons, ils n’ont jamais rien vu

d’autre que des cubes panés. Mais quelle différence entre

le petit urbain inapte au réel et l’adulte imaginant que les

rois mages du progrès apportent tout cuits dans la crèche

de la modernité la myrrhe de l’uranium, l’or (noir) du

pétrole et l’encens du gaz ?

On me rétorquera que chacun dispose du droit à

l’indifférence et que l’on ne voit point en vertu de

quelle exigence éthique on devrait compatir à des

malheurs lointains, s’intéresser à des sujets complexes

et s’impatroniser dans des affaires étrangères, tout en se

débrouillant dans le difficile roncier de sa propre vie.

La limite de notre indifférence est qu’elle s’accompagne

d’une illusion. La culture collective des sociétés

industrialisées postule en effet que le bonheur est dans

l’opulence, que l’opulence est la fille du progrès et que le

progrès a besoin de la croissance. Le mythe commence ici.

Nos sociétés post-industrielles ont bâti leur

prospérité sur l’exploitation d’une énergie

dont nous ne savons rien : le pétrole.

Comment continuer à développer notre monde

en s’attachant à cette idée paradoxale d’une croissance

économique supposée éternelle alors même que les

ressources naturelles qui alimentent cette croissance

sont des biens finis, limités, non renouvelables et déjà en

voie d’épuisement ? Aveuglés par la certitude que nous

bénéficions d’un potentiel infini de développement,

nous ne considérons jamais le pétrole pour ce qu’il

est : une denrée précieuse, que sa seule nature devrait

rendre d’une cherté inouïe. Nous trouvons normal d’en

disposer à si faible coût. Nous vient-il à l’idée qu’un

seul litre d’essence dégage une valeur de force dont

une escouade de débardeurs des Flandres employés à

la journée ne parviendrait point à dispenser le quart ?

L’imminente pénurie de l’or noir devrait nous faire

Au bord du parapetPréface de Sylvain Tesson

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réagir. Mais comment croire en la capacité de sursaut des

populations lorsque l’on sait qu’on continuait à dîner sur

les boulevards alors que les armées allemandes campaient

à Pontoise ?

Qui se préoccupe des populations

vivant au bord de tubes

qui charrient le sang du monde moderne

hors de leur portée ?

Il y a une troisième source d’aveuglement attelée à

la troïka du comportement moderne. L’ignorance et

l’illusion vont toujours de concert avec l’oubli. Qui se

souvient des hommes ? demandait un célèbre romancier

à propos des populations patagonnes survivant au bord

des parapets du monde (et qui sont tombées depuis dans

les oubliettes de la mémoire commune). Emparons-nous

de la question pour la transposer le long des pipelines.

Qui se préoccupe des populations voisinant les tuyaux

d’acier du monde occidental ? De ces hommes et de ces

femmes vivant au bord de tubes qui charrient le sang du

monde moderne hors de leur portée ? Ces spectateurs

impuissants ressemblent aux vaches qui regardent passer

les trains faute de pouvoir monter dedans. Les oléoducs

tirent leurs trajectoires à travers les vallées qu’ils occupent,

les plaines qu’ils cultivent et parfois même fusent à travers

les villages qu’ils peuplent. Lorsque les pipelines sont

enterrés, le pétrole passe sous les pieds des citoyens au

sens propre du terme et sous leur nez au sens figuré. Les

enjeux contenus sous pression dans les cylindres d’acier

leur passent au-dessus de la tête. Symbole puissant que

ces « corridors de l’énergie » (l’expression est de G.W. Bush)

frayant passage au milieu de gens qui ne tireront pas

profit de la manne ! En matière d’or noir, celui qui ne

se trouve ni à la source ni au robinet d’arrivée a toujours

tort. Malheur à l’entre-deux !

Grégoire Eloy a porté ses pas et posé son regard sur

un pipeline récemment mis en service dans la région

caucaso-caspienne. L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan

(du nom des trois villes que le tube relie) caracole

par les vaux et les monts du Caucase et de l’Anatolie.

Ce bel œuvre de 1 768 km traverse des montagnes à plus

de 2 500 mètres d’altitude, franchit marécages, cours

d’eau et bastions rocailleux. Le chantier a convoqué

l’énergie de 25 000 hommes pendant les quatre années

de sa construction. Le coût du projet s’est élevé à

4 milliards de dollars. Construit par un consortium

de compagnies anglo-américaines et occidentales (avec

une participation azérie), le fil d’acier contribue à faire

basculer vers l’Occident les ressources de la Caspienne

à hauteur d’un million de barils par jour. Voilà pour les

chiffres. Ils sont fastidieux mais ils sont importants car

le caractère prométhéen de l’entreprise fascine. Et cette

fascination devant l’accomplissement, devant le génie de

l’ingénierie, devant la prouesse pharaonique est souvent

à la source de la mécanique de l’oubli.

Eloy s’est attaché à suivre le tube sans jamais le montrer.

Peu lui chaut que les stations de pompage rutilantes

crachent d’esthétiques volutes de fumée dans des ciels

d’acier. Peu lui sied le spectacle démiurgique d’armées

d’ouvriers luttant « pour que le pétrole passe », (comme

Latécoère le disait du courrier au moment de l’épopée

de l’Aéropostale). Son œil s’est arrêté sur les hommes

qui vivent dans le couloir de l’énergie mais que l’or noir

ne concerne pas. Dans le monde de l’oubli, les paysans

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des plaines azéries sarclent leur carré de terre pendant

que la pâte brute sous pression fuse à 2 mètres seconde

sous le tranchant des houes ; les réfugiés des républiques

caucasiennes en feu, à peine échappés du volcan, plantent

leur tente au-dessus du pipeline ; les conditions de vie

des villageois ne progressent pas. Le brut file, le temps

est figé. La prospérité – sous sa forme pâteuse – s’enfuit :

coulée de sable entre les doigts.

Et si l’oubli était pire que l’injustice ? L’oubli est le

contraire de la violence. Celle-ci laisse des marques

que peuvent cautériser les infirmières. L’oubli travaille

en douce. Il enlève à l’être sa nature, nie son existence.

La victime d’un dommage collatéral est peut-être moins

à plaindre qu’un fantôme. Au moins celle-là peut-elle

espérer une réparation dont celui-ci est privé par essence.

Peut-être est-il inévitable que les hommes soient inégaux.

Mais est-il soutenable que certains soient inexistants ?

Et si l’oubli était pire que l’injustice ? L’oubli travaille en douce. Il enlève à l’être

sa nature, nie son existence.

Eloy échappe à un travers indisposant. Celui des

photographes qui veulent faire la morale en plus des

photos et finissent par développer leurs plaques en les

plongeant dans le bain stérile de la moraline. Je me

méfie de la condamnation de la société moderne par

les Pharisiens qui profitent de ses largesses. Je crois

profondément à la conformation des actes aux idées.

Je ne comprends point que l’on conspue les entreprises

de l’Occident pour approvisionner ses stocks pétroliers

tout en se servant à la station-service. Je crois en outre,

pour avoir étudié la géographie (et la géopolitique, sa

débitrice), que le monde est complexe. Affirmer que la

situation d’instabilité dans la région caucaso-caspienne

n’est que la conséquence de la politique pétrolière

occidentale, c’est balayer d’un revers de la manche

l’irrationalité des relations entre les hommes, le vieux

conflit entre le montagnard et l’homme de la plaine,

entre le nomade et le sédentaire, entre le Perse et le Turc,

entre le musulman et le chrétien, entre Byzance et Rome,

entre le Grec et le barbare, entre le Russe et le reste du

monde. C’est faire accroire qu’avant la prédation des

ressources énergétiques par les puissances modernes, nul

conflit ne venait troubler la paix des cimes caucasiennes,

ni les rivages caspiens. C’est laisser penser que la richesse

de l’Occident s’est bâtie exclusivement sur la prédation

des ressources du reste du monde.

Eloy n’est pas à la tribune mais sur le terrain.

Il transcrit dans ses images la complexité du monde.

Il laisse la beauté de son œuvre porter jugement.

Les photos qu’on s’apprête à découvrir dans ce livre sont

traversées par le thème de l’oubli. L’oubli à travers elles se

rappelle au regard. Les êtres laissés sur le côté du chemin

apparaissent voilés, hachés par des biseaux de lumière,

dissimulés derrière des écrans de fumée, des carreaux

brisés. Le clair-obscur abolit les faux-semblants. Le regard

perce le silence. Et l’on comprend que l’objectif d’Eloy ne

se réduit pas à prendre en photo les oubliés du pipeline

mais à leur donner chair, à leur rendre une existence.

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L’arrivée à Bakou est moite. Dès les premiers kilomètres

à la sortie de l’aéroport, l’iode marin se mélange à l’odeur

âcre du brut à fleur de terre. La route qui mène au centre-

ville traverse les champs de pétrole qui ont fait la gloire

de cette ville au bord de la Caspienne. À l’époque où

l’huile de roche était extraite pour alimenter les lampes à

pétrole, Bakou était la capitale de l’or noir. Robert Nobel

ne s’y est pas trompé. Au cours d’un voyage à la fin du

XIXe siècle à la recherche de bois de noyer pour la société

de son frère Ludwig, Robert arrive à Bakou en pleine

ruée vers l’or noir. Son sang ne fait qu’un tour face à

l’opportunité qui s’ouvre à lui. Son pays natal, la Suède,

et le reste des pays du Nord, sont demandeurs de ces

nouvelles lampes à huile qui permettent de rallonger les

courtes heures de lumière.

Les forêts de derricks à moitié abandonnés

animées par le mouvement lancinant des

« têtes de cheval » sur une terre où plus rien

ne repousse depuis longtemps, témoignent

encore de cette folie de l’énergie fossile.

Quelques années après, Nobel sera l’un des

premiers avec les Rothschild à industrialiser

l’exploitation de cette huile en surabondance.

Le transport de la matière extraite était déjà le nerf de la

guerre et il faudra rivaliser d’ingéniosité pour mettre en

place les chemins de fer et les transports par bateau à une

époque où il suffisait de creuser quelques mètres pour

qu’en jaillisse un geyser de pétrole. Les photos anciennes

que l’on trouve sur les marchés du centre-ville de Bakou,

où deux silhouettes chapeautées posent fièrement

devant un jaillissement puissant de pétrole, témoignent

encore de cette folle époque de la ruée vers l’or noir.

Pour la plupart des petits exploitants, la découverte

d’un gisement sur leur terrain les rendait millionnaires

et ruinés instantanément, obligés d’assister impuissants

au jaillissement d’une richesse qu’ils ne pouvaient pas

contenir, par manque d’infrastructure, et qui allait se

transformer en inondation nauséabonde.

À Bibi Eybat, les forêts de derricks à moitié

abandonnés animées par le mouvement lancinant des

« têtes de cheval » sur une terre imbibée de matière

visqueuse où plus rien ne repousse depuis longtemps,

témoignent encore de cette folie de l’énergie fossile.

On s’y promène aujourd’hui comme en pèlerinage sur des

terres dévastées. Après la soviétisation de l’Azerbaïdjan

dans les années 20, l’exploitation continuera en effet

mais les économies de bout de chandelle et le manque

d’investissement de la part du gouvernement central

auront raison des champs de Bakou. Les Soviétiques

tourneront le dos à la Caspienne pour se concentrer sur

leurs réserves en Sibérie. Il faudra attendre la chute de

l’Union soviétique en 1991 et l’indépendance retrouvée

de l’Azerbaïdjan pour que le boom de l’énergie anime

de nouveau la ville. Les Occidentaux s’inviteront vite à

Les oubliés du pipelineGrégoire Eloy

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la table des négociations pour rafler la manne pétrolière

que représente la Caspienne, de nouveau disponible au

meilleur offrant. Le « contrat du siècle », signé en 1994

par l’Azerbaïdjan et un consortium mené par la British

Petroleum (BP), permettra l’exploitation sur 30 ans des

réserves de pétrole de Chirag Gunashli, nappe sous-

marine au large de Bakou d’une capacité estimée à 5,4

milliards de barils. Pour se garantir l’accès aux réserves

de la Caspienne, l’Occident n’hésite pas à fermer les

yeux sur le régime dictatorial de Heydar Aliyev, régime

aujourd’hui encore sans opposition. Pour exporter le

brut de la Caspienne, les ingénieurs mettent au point un

projet gigantesque, celui d’un nouveau pipeline de 1 768

km de long qui traverserait l’Azerbaïdjan, la Géorgie et

la Turquie, sous le nez des Russes, jusque dans les eaux

libres de la Mer Méditerranée. Le projet du pipeline

Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) est né. Soucieuse de

réinstaurer un « corridor de l’énergie » de la Caspienne

vers l’Occident, la Maison Blanche poussera le projet, au-

delà même de sa viabilité économique. Éviter la tutelle

russe pour l’export de ces nouvelles ressources, contourner

les zones de conflits, et tirer jusqu’en Mer Méditerranée

pour éviter la Mer Noire et le goulot d’étranglement

du Bosphore, voilà l’enjeu de ce chantier pharaonique.

Quatre années s’écouleront entre le début des travaux à

Bakou et l’inauguration du terminal de Ceyhan en juillet

2006. Depuis, le brut coule dans le ventre du BTC à un

débit qui atteindra le million de barils par jour.

Au-delà du centre historique de la ville et ses mosquées

médiévales, les immeubles modernes poussent dans

l’anarchie à Bakou, mélangés aux bâtiments soviétiques

hérités de l’empire déchu. L’argent du pétrole est

massivement réinvesti dans l’immobilier en dépit des

règles d’urbanisme et des permis de construire limitant

la hauteur des bâtiments. À l’image du pays, la ville vit

à deux vitesses, il y a ceux qui vivent du pétrole et les

autres. Les expatriés, employés par la BP ou les autres

compagnies pétrolières occidentales, vivent dans les

grands appartements climatisés et se font conduire par

les chauffeurs de leur compagnie. Ils sont là pour deux

ou trois ans, le temps de construire et mettre au large les

plateformes qui alimenteront en gaz ou en pétrole les

longs tuyaux d’acier.

Avec la dissolution du ciment de l’empire

soviétique, l’Azerbaïdjan hérite ainsi du

pétrole de la Caspienne mais aussi d’un

conflit qui provoquera une des plus grandes

communautés de déplacés au monde.

Les quartiers populaires de Bakou révèlent une autre

réalité, celle des réfugiés du Haut-Karabagh, une région

située entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. En 1988, ce

territoire à population majoritairement arménienne

mais attribué à l’Azerbaïdjan par Staline en 1921, veut

son indépendance ou le rattachement à l’Arménie.

Après la chute de l’Union soviétique en 1991, plus rien

ne retient les opposants et un conflit ouvert éclate. Il fera

30 000 morts, 600 000 déplacés azéris forcés de quitter

le Haut-Karabagh et l’Arménie pour l’Azerbaïdjan,

et 400 000 déplacés arméniens dans l’autre sens.

Les forces arméniennes prendront le contrôle de la région

et annexeront plus de 10% du territoire azerbaïdjanais.

Avec la dissolution du ciment de l’empire soviétique,

l’Azerbaïdjan hérite ainsi du pétrole de la Caspienne

mais aussi d’un conflit qui provoquera une des plus

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grandes communautés de déplacés au monde. Depuis le

cessez-le-feu en 1994, le Haut-Karabagh autoproclamé

indépendant n’est pas reconnu par la communauté

internationale, le conflit est gelé, les frontières non

établies et les déplacés attendent.

À l’ouest du pays, la situation des réfugiés est

inimaginable pour un pays riche en pétrole. Dans le

camp de Sabirabad, non loin du Haut-Karabagh, 17 000

personnes vivent dans des maisons en boue et des tentes en

lambeaux installées par la Croix-Rouge iranienne en 1993.

Depuis leur arrivée au camp, leur situation n’a pas évolué,

ils attendent. À Barda, c’est une centaine de familles qui

vivent dans des wagons à marchandises. Ces familles ont

trouvé refuge en 1992, après avoir fui le conflit, et ne

peuvent ou ne veulent plus en partir faute de mieux.

On y trouve des personnes âgées, des familles, des

jeunes enfants qui naissent et vivent dans ces wagons

en acier non isolés.

Le pipeline qui passe à travers

ces régions dévastées n’est pas visible.

Il est sous terre. À peine quelques traces

d’excavation déjà recouvertes par les herbes

soigneusement replantées par la BP.

Plus loin, un village de déplacés construit récemment

par le gouvernement. Les maisons de deux pièces sont

alignées à intervalles réguliers dans un enclos délimité

par un grillage, en rase campagne. Aucune activité ne

semble animer le lotissement. Aucun commerce, pas de

proximité immédiate avec une ville. Les déplacés sont

relogés mais surtout isolés, parqués. Selon un rapport

d’Amnesty International de juin 2007, le taux de

mortalité infantile chez les communautés de déplacés est

quatre fois plus élevé que dans le reste de la population.

D’après le Programme Alimentaire Mondial des Nations

Unies, jusqu’à un quart de la population de déplacés

dépendait encore des rations de nourriture en 2004, soit

10 ans après le cessez-le-feu.

Le BTC parcourt au total 443 km en Azerbaïdjan, de Bakou jusqu’à la frontière géorgienne, en prenant soin d’éviter le

Haut-Karabagh et l’Arménie.

Seulement 18% des foyers de déplacés en zone rurale

disposaient d’un accès direct à l’eau. Pour la plupart des

déplacés, la situation n’a pas évolué depuis le début des

années 90. Pour le gouvernement, reloger les déplacés et

les intégrer au reste de la population serait reconnaître

la perte du Karabagh à tout jamais. Les déplacés sont

comme tenus en otages.

Sabina, elle, vit dans le village de Chirahli, à 50

mètres des tranchées arméniennes près d’Agdam. On y

accède par une petite route annexe, la route principale

étant soudainement barrée par un haut monticule de

terre qui marque le début du no man’s land. Le silence

y est assourdissant. La porte au fond de son jardin est

criblée de balles. En l’ouvrant, on tombe sur un mur de

parpaings en béton installé là pour protéger la maison

des tirs ennemis. On retrouve les parpaings devant les

fenêtres. Le premier étage est condamné depuis longtemps

car trop exposé aux tirs. Devant chez eux les mines continuent

de faire des victimes, 13 ans après le cessez-le-feu. Sabina et ses

parents n’ont pourtant pas l’intention de quitter leur maison.

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Le pipeline qui passe à travers ces régions dévastées

n’est pas visible. Il est sous terre. À peine quelques

traces d’excavation déjà recouvertes par les herbes

soigneusement replantées par la BP. Les bornes colorées

et numérotées rappellent l’itinéraire du brut qui

coule silencieusement sous nos pieds, indifférent aux

problèmes des hommes de la surface. La BP a pourtant

bien mis en place un corridor de solidarité le long du

tracé du pipeline. Des nouvelles routes, des nouvelles

écoles dans les zones à proximité du pipeline, mais pas

au-delà. À quoi bon … Avec les subsides que touche

le pays sur l’exploitation pétrolière, l’Azerbaïdjan

va devenir un des pays les plus riches de la région.

Même les ONG ont, pour la plupart, quitté le terrain faute

de financements et laissent désormais le gouvernement

face à ses responsabilités.

Plus au Nord, c’est la Russie. Contourner par le Sud nécessite un passage par l’Iran. Deux options peu envisageables

d’un point de vue politique.

Le BTC parcourt au total 443 km en Azerbaïdjan,

de Bakou jusqu’à la frontière géorgienne, en prenant

soin d’éviter le Haut-Karabagh et l’Arménie.

Car au-delà des franchissements de cols, des passages

de rivières, des traversées de villages et de forêts, il s’agit

pour les ingénieurs responsables du tracé de réussir les

contournements politiques indispensables à la sécurité

du précieux liquide.

Pour contourner l’Arménie, s’ouvrir les rives de la

Mer Noire et atteindre la Turquie, les États-Unis et les

compagnies pétrolières miseront sur la Géorgie. Plus au

Nord, c’est la Russie. Contourner par le Sud nécessite un

passage par l’Iran. Deux options peu envisageables d’un

point de vue politique.

Les hôtels seront réquisitionnés pour les 250 000 réfugiés, en attendant que le calme revienne dans les deux provinces

en guerre. 15 ans après, ils n’ont pas bougé.

Dès son indépendance en 1991, la Géorgie sombre

dans le chaos. L’Adjarie, région frontalière avec la

Turquie située au sud-ouest du pays, coupe les ponts

avec le pouvoir central et prend son autonomie. Entre

1991 et 1992, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud s’embrasent.

Ces deux régions autonomes sous l’Union soviétique

veulent leur indépendance et un rattachement à la Russie.

Cette dernière, soucieuse de reprendre la main sur le Sud

Caucase en prévision des voies énergétiques en provenance

de la Caspienne, soutient volontiers les indépendantistes.

Les deux régions font sécession au terme de violents

conflits qui feront 30 000 morts et forceront 250 000

Géorgiens à la fuite. Les forces géorgiennes essuient un

échec cuisant.

Le président Édouard Chevardnadze se tournera vers

les États-Unis pour s’affranchir de la tutelle russe et

recueillir auprès du FMI et de la Banque Mondiale les

fonds nécessaires à la reconstruction du pays. Le projet

du BTC tombera à point nommé. Mais les guerres

d’Abkhazie et d’Ossétie, la banqueroute économique et

la corruption continuent d’enfoncer le pays dans la crise.

Le pays est instable. En 2003, les États-Unis soutiennent

la « Révolution des Roses » qui renversera Chevardnadze,

jugé trop peu fiable et encore trop proche du Kremlin.

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Mikheil Saakachvili, jeune ministre de Chevardnadze de

37 ans formé aux États-Unis, sera élu par une écrasante

majorité à la tête du pays lors des élections anticipées de

2004. Il est jeune et populaire. Il veut lutter contre la

corruption et surtout réintégrer les provinces perdues…

La plupart des enfants de déplacés

ont un accès réduit à l’éducation et ils

grandissent isolés du reste de la population,

dans le rêve utopique d’un retour au pays.

Un doux rêve qui berce les 250 000 déplacés d’Abkhazie

et d’Ossétie du Sud, dont la situation n’a pas évolué

depuis le début des années 90. Pour accueillir le flot de

déplacés en 1992 et 1993, le gouvernement géorgien

mettra à contribution l’infrastructure touristique du

pays, très développée jusqu’alors pour les visiteurs de

la Russie voisine. Le climat subtropical de la côte, les

bienfaits des bains de Tskaltubo, la pureté des sources

thermales de Borjomi étaient très appréciés des touristes

soviétiques, y compris par Staline, lui-même originaire

de Géorgie. Les hôtels seront donc réquisitionnés pour

les 250 000 réfugiés, en attendant que le calme revienne

dans les deux provinces en guerre. 15 ans après, ils n’ont

pas bougé. En plein cœur de la capitale de Tbilissi, au

bord de la Mer Noire à Batoumi, dans le centre-ville

de Borjomi et partout ailleurs dans le pays, les hôtels

soviétiques maintenant délabrés et insalubres continuent

d’abriter des familles entières de déplacés.

À Borjomi, à l’Hôtel des Gorges, vivent Souliko et

sa femme Siala. Ils sont retraités et vivent dans l’hôtel

depuis leur fuite de Soukhoumi, capitale d’Abkhazie.

Comme beaucoup d’autres personnes âgées, ils sont

coincés dans les étages supérieurs d’une tour dont

les ascenseurs sont en panne depuis des années. Ils ne

reçoivent pas de visites d’équipes médicales et dépendent

de la générosité et de la serviabilité de leurs voisins de

palier. Manana, enseignante de 43 ans, nous fait part de

son attente, de son statut invivable de « touriste dans son

propre pays, sans billet de retour ». À Tskaltubo, c’est la

ville entière qui est habitée par des réfugiés, loin du regard

du reste de la population. Dans cette station thermale

perdue en pleine forêt, dont les bains faisaient la fierté des

Géorgiens, plus de vingt hôtels insalubres sont devenus

des pièges pour les déplacés oubliés. Les vieux y meurent,

les enfants y naissent. Nika a 13 ans. Ses parents ont fui

Soukhoumi en 1993. Il est né en Géorgie mais il nous

parle de son rêve de « retourner » en Abkhazie, alors qu’il

n’y est jamais allé. La plupart des enfants de déplacés

ont un accès réduit à l’éducation et ils grandissent isolés

du reste de la population, dans le rêve utopique d’un

retour au pays. Aujourd’hui, l’Abkhazie et l’Ossétie du

Sud, deux territoires autoproclamés indépendants, sont

toujours non reconnus par la communauté internationale.

Les réfugiés sont maintenus en otage de cette situation.

Le pipeline BTC, après les 249 km parcourus à travers

les vallées et les cols de la Géorgie, rentre en Turquie par

le nord-est du pays. Il descend vers les plateaux d’Anatolie,

en longeant la frontière arménienne jusqu’à Kars.

Les églises orthodoxes laissent alors place aux

innombrables mosquées, preuve de l’islamisation de

l’Est du pays. Les hauts plateaux offrent des paysages

immenses, plats, pelés, désertiques. La vue porte loin,

l’échelle se modifie. Seuls remparts à l’horizon, quelques

montagnes rondes qui n’ont pas loin où chercher pour

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atteindre 2 500 mètres d’altitude. Après Kars, le pipeline

semble ignorer la voie directe vers la Méditerranée et

commence alors un long détournement par l’Ouest

avant de pointer vers le Sud. Soucieuses de la sécurité

du pétrole en transit, les compagnies pétrolières ont jugé

bon d’éviter le sud-est de la Turquie, zone de population

à majorité kurde, le Kurdistan turc.

Les campagnes sont vides, les villes

surpeuplées de déplacés, la tension palpable.

Les ruines des villages témoignent de la

violence des combats

et rappellent le terrible statu quo.

Depuis la création de la Turquie moderne et laïque

par Atatürk en 1923, l’identité et la langue kurdes ne

sont pas ou peu reconnues en Turquie. Entre 1984 et

1999, l’affrontement entre les rebelles indépendantistes

du PKK et l’armée turque dans le sud-est du pays fera

plus de 35 000 morts et plusieurs centaines de milliers

de déplacés issus de plusieurs milliers de villages vidés et

détruits. Depuis le cessez-le-feu en 1999 et l’arrestation

d’Abdullah Öcalan, leader du PKK, le calme n’est revenu

qu’en apparence. La région, peu développée, est bouclée

par les militaires. Les campagnes sont vides, les villes

surpeuplées de déplacés, la tension palpable. Les ruines

des villages témoignent de la violence des combats et

rappellent le terrible statu quo. Les paysans, sommés

de quitter leurs maisons pendant les affrontements, ont

trouvé refuge dans les grandes métropoles du pays, et

notamment dans la ville de Diyarbakir, ville principale du

sud-est turc. Ils tentent tant bien que mal de s’adapter à

la vie urbaine. Mais les familles restent trop nombreuses,

les logements précaires, les qualifications insuffisantes,

l’accès à l’emploi quasi impossible. Par dépit, certains

paysans repartent hanter les ruines de leurs villages après

plusieurs années en ville, afin de réintégrer une maison

restée debout ou réparer celle qui peut l’être.

En contournant le sud-est turc sur un parcours de

1 076 km à partir de la frontière géorgienne, le BTC livre

enfin son pétrole dans les cales des super tankers arrimés

au quai du terminal de Ceyhan, en Mer Méditerranée.

Ces bateaux gigantesques prendront le relais pour

terminer d’acheminer l’or noir jusqu’au consommateur

final en Europe, aux États-Unis, au Japon. Le pétrole

tiré du fond de la Caspienne a trouvé ses débouchés,

et nos sociétés modernes leur carburant. Mais le long

des 1 768 km du tuyau d’acier, les déplacés du Haut-

Karabagh, d’Abkhazie, d’Ossétie du Sud, d’Anatolie du

Sud-Est attendent et partagent un même quotidien, celui

de victimes oubliées de conflits sans fin, qui assistent

impuissants à la marche du monde s’opérer sans eux.

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Ce qui est remarquable dans le travail de témoignage

comme celui de Grégoire Eloy, c’est l’extrême attention

qu’il porte à ces hommes et femmes dont les vies sont

méprisées, les destins suspendus, trop facilement oubliés.

En cela, il rejoint le travail d’Amnesty International qui

fait entendre leur voix et fait valoir leur droit que ce soit

auprès des États ou des entreprises.

De nombreuses violations des droits humains sont

commises dans le secteur des industries extractives et de

l’énergie (pétrole, gaz, mines, etc.) : il s’agit notamment

d’évictions et de déplacements forcés, mais aussi de

violations du droit à l’alimentation, à l’eau et à la santé.

Ce secteur est également susceptible d’engendrer des

traitements inhumains ou dégradants, des atteintes à la

liberté d’association et des violations du droit à la vie, qui

peuvent résulter des opérations de sécurité que mettent

en place ces industries. Les personnes les plus affectées par

les projets énergétiques et extractifs sont les plus pauvres,

les marginaux ou les groupes vulnérables, comme les

communautés indigènes.

Dans ce cadre, Amnesty International porte une attention

particulière aux accords passés entre les entreprises et les

États qui accueillent ces projets énergétiques et extractifs.

Elle s’attache à démontrer que ces accords, principalement

destinés à encadrer les risques financiers et politiques encourus

par les investisseurs étrangers, peuvent réduire la capacité des

États à protéger les droits humains de leurs ressortissants.

L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) traverse

trois pays marqués par des conflits non réglés qui ont

provoqué l’une des plus grandes communautés de

réfugiés au monde. Dans le Sud Caucase, l’expression

des nationalismes et l’irruption de conflits internes

(Haut-Karabagh, Ossétie du Sud, Abkhazie) au début

des années 90 ont eu des conséquences durables pour les

populations civiles, en particulier la question sans réponse

des déplacés et réfugiés. La partie de la Turquie traversée

par le BTC est quant à elle marquée par l’instabilité liée à

la question kurde et aux tensions entre le PKK et Ankara.

La mise en œuvre du BTC est censée apporter croissance

et richesse à ces pays et à leur population et fournir

aux États des moyens accrus qui pourraient financer de

nouvelles actions publiques.

Dès 2003, Amnesty International a tiré la sonnette

d’alarme sur le projet du BTC. Le rapport « Human Rights

on the Line : The Baku-Tbilisi-Ceyhan Pipeline Project

- Droits humains en jeu : le projet d’oléoduc Bakou-

Tbilissi-Ceyhan (2003) » suggérait que certaines clauses

des contrats entre États et investisseurs sapaient le droit

international et les normes relatives aux droits humains.

Afin de sécuriser leur investissement, le consortium des

compagnies pétrolières exploitantes de l’oléoduc BTC

mené par la Bristish Petroleum (BP) a en effet imposé aux

États hôtes traversés par l’oléoduc des clauses de stabilité

qui conduisent ces États à se priver de la possibilité de

garantir ou d’améliorer les droits de leurs ressortissants.

Amnesty International mobilisée sur les industries extractives

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Une attention spécifique a été portée aux contrats

d’investissement liant la Turquie et le consortium

pétrolier, en raison des possibles violations des droits

fondamentaux que le projet pourrait engendrer.

Les clauses de stabilité et le recours à l’arbitrage

international - concepts clés pour l’industrie pétrolière -

pourraient empêcher le gouvernement turc de prendre

des mesures pour la protection des personnes affectées

par le projet et rendre difficile d’éventuelles actions en

justice contre le Consortium.

Amnesty International pense qu’il est anormal que

la protection des droits fondamentaux - obligation des

États au regard du droit international - soit assujettie

à l’équilibre économique du projet et contraigne par

conséquent l’État hôte à prévoir des compensations en

cas de rupture de cet équilibre. Amnesty a donc demandé

la modification de ces contrats afin qu’ils ne portent pas

préjudice au devoir des États de réglementer les activités

des acteurs privés en matière de droits de l’homme, et que

le droit à un recours sur le plan national soit effectif.

En sus des recommandations adressées au consortium

et aux gouvernements signataires de ces contrats

d’investissement, Amnesty a également souligné le rôle

de la Banque mondiale dans le cadre du projet BTC.

Elle lui demande, ainsi qu’à l’industrie pétrolière, aux

États et aux financeurs publics et privés de s’abstenir de

participer, d’une façon ou d’une autre, à des projets qui

contreviennent d’une façon ou d’une autre aux obligations

internationales en matière de droits humains.

Amnesty International est une ONG internationale composée

de personnes qui œuvrent pour le respect et la protection des

droits internationalement reconnus de l’être humain.

Amnesty International mène de front sa mission de

recherche et d’action dans le but de prévenir et de faire cesser

les graves atteintes aux droits humains, quels qu’ils soient,

civils, politiques, sociaux, culturels ou économiques.

Amnesty International compte 2,2 millions de membres

et de sympathisants dans plus de 150 pays et territoires.

Essentiellement financée par ses membres et par les

dons de particuliers, elle est indépendante de tout

gouvernement, de toute tendance politique, de toute

puissance économique et de toute croyance religieuse.

Pour mener à bien ses recherches et ses campagnes,

elle ne cherche à obtenir ni n’accepte aucune subvention

d’aucun gouvernement.

Plus d’informations sur www.amnesty.fr

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Merci Abed et Géraldine pour votre foi en ce projet. Merci Éric et Christo pour votre écoute et votre disponibilité.

Merci Sylvain pour ton texte et les kilomètres d’idées que tu parcours pour nous. Merci Nestan, Nurcan et Rena qui avez guidé mes

pas au cours de ce reportage. Merci Bothild, Florian, Shirley, la NRC à Tbilissi, l’association SOHRAM-CASRA à Diyarbakir

pour m’avoir ouvert les portes. Merci Dorina, Malika, Michel, les équipes de Pour Que l’Esprit Vive et de la galerie Fait et Cause,

Mike et Robert chez Idéodis, Alexandre, Pauline et Amnesty International, pour votre soutien et votre engagement sur ce projet.

Merci à Didier et Ericka de Photographie.com, Marie pour l’ANI, Odile des Promenades Photographiques de Vendôme, Jean-

François de Visa pour l’Image, Cathy et Pascal de Courrier International. Grâce à vous ces images ont vu le jour. Merci à François,

Payram et Sabine chez Picto. Merci Morgane pour ta belle carte. Merci Cécile, Céline, Daphné, Flavie, Guy, Jean-Benoît, Julien,

Klavdij, Ljubisa, Nadège, Noémie, Philippe, Raphaël, Sybille et Willy. Merci Antoine, Christophe et Jehsong pour m’avoir

ouvert les yeux. Thank you Stanley, this work would not exist without you. Mes pensées vont à ma famille, ma mère, mon

frère, mes amis qui m’accompagnent sur ce chemin parfois chaotique et savent trouver les mots. À toi Laurence, à la vie à venir.

Je dédie ce livre à mon père. Et à tous ceux dont j’ai croisé la route au cours de ce reportage et qui ont bien voulu m’ouvrir

leur porte, répondre à mes questions, apparaître sur ces images. Je rends hommage à leur dignité et à leur courage.

Grégoire Eloy

Merci à :

toutes les personnes qui ont soutenu cette édition par la souscription, elles sont nombreuses.

Luce, Chantal et Géraldine pour vos corrections apportées aux textes.

Grégoire pour avoir partagé cette aventure, jusqu’au bout.

Images Plurielles Éditions

Remerciements

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Boris Eisenbaum, « Guerres en Asie centrale - luttes d’influence, pétrole, islamisme et mafias 1850-2004 », Grasset, 2005 ;

Éric Hoesli, « À la conquête du Caucase - Épopée géopolitique et guerres d’influence », Éditions des Syrtes, 2006 ;

Sylvain Tesson, « Éloge de l’énergie vagabonde », Éditions des Équateurs, 2006 ;

« Azerbaijan : displaced then discriminated against -the plight of the internally displaced population », Amnesty International, 2007 ;

IDMC ; Association SOHRAM-CASRA ; bp.com ; lemonde.fr ; wikipedia.org.

Sources et bibliographie

Ouvrage édité avec le concours financier de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur

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Images Plurielles Éditions soutient les engagements photographiques tournés vers l’Homme et la Mémoire.

Par le biais de cette édition, Images Plurielles Éditions a laissé libre cours à la parole photographique de Grégoire Eloy

pour marquer le temps et les esprits, pour dire ici sa volonté de témoigner d’un fait dans l’Histoire.

Ce témoignage s’inscrit dans la Collection Mémoire des Hommes.

Retrouvez nos éditions sur www.imagesplurielles.com

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© Images Plurielles Éditions19, rue du Loisir - 13001 Marseille

+33 (0) 4 91 02 19 08

[email protected]

www.imagesplurielles.com

Photographies & Textes : © Grégoire Eloy

Préface : © Sylvain Tesson

Conception graphique & maquette : Éric Bédiez (www.bediez.com)

Photogravure : Christophe Girard, Delta Color, Nîmes

Imprimerie : Delta Color, Nîmes

Tirages photographiques noir & blanc : Grégoire Eloy

Images visibles sur www.gregoireeloy.com

Toutes les images de ce livre ont été réalisées avec du matériel argentique,

lors de trois voyages en Azerbaïdjan, Géorgie et Turquie entre avril et décembre 2006.

Première édition imprimée à 1 500 exemplaires

Achevé d’imprimer : Avril 2008

Dépôt légal : Avril 2008

ISBN : 978-2-9529228-3-8

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