Les nouveaux virus respiratoires : de nouveaux pathogènes · Virus para-influenza 1 à 4 Virus...

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Non segmenté ARN monocaténaire Virus enveloppés Capside tubulaire Virus enveloppés Capside tubulaire Virus non enveloppés Capside icosaédrique Virus non enveloppés Capside icosaédrique Virus non enveloppés Capside icosaédrique Segmenté Bicaténaire Monocaténaire ADN Picornaviridae Coronaviridae Paramyxoviridae Orthomyxoviridae Adenoviridae Polyomaviridae Parvoviridae Entérovirus Rhinovirus A, B et C Paréchovirus Coronavirus 229E Coronavirus OC43 Coronavirus NL63 Coronavirus HKU1 Virus para-influenza 1 à 4 Virus respiratoire syncytial Métapneumovirus humain Virus influenza A, B et C Adénovirus Polyomavirus KI Polyomavirus WU Bocavirus Figure. Principaux virus responsables ou suspectés de pathologies respiratoires chez l’homme (le virus SARS-CoV ne circulant plus officiellement depuis juillet 2003, il n’est pas présenté ici). 214 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 6 - novembre-décembre 2010 MISE AU POINT Les nouveaux virus respiratoires : de nouveaux pathogènes ? New respiratory viruses: new pathogens? T. Mourez*, A. Bergeron**, J. Legoff*** * Laboratoire de bactériologie- virologie, hôpital Lariboisière, Paris ; université Paris-Diderot. ** Service de pneumologie ; *** La- boratoire de microbiologie, hôpital Saint-Louis, Paris ; université Paris- Diderot. D epuis quelques années, la liste des virus responsables d’infections respiratoires s’est allongée. En effet, en plus des traditionnels virus influenza (INF) A et B et para-influenza (PIF), du virus respiratoire syncytial (VRS) et de l’adéno- virus (AdV), d’autres virus découverts récemment sont venus s’ajouter aux virus associés aux infec- tions respiratoires, même si leur responsabilité est avérée pour certains ou encore discutée pour d’autres (figure). Ces nouveaux virus incluent le métapneumovirus humain (hMPV), décrit en 2001 aux Pays-Bas, les coronavirus humains (HCoV) NL-63 et HKU-1, décrits en 2004, le bocavirus humain, mis en évidence en 2005, et les polyo- mavirus respiratoires (PyV) KI et WU, découverts en 2007 (1-6) . De nouveaux groupes de virus comme les rhinovirus du groupe C ont également été identifiés.

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  • Non segmenté

    ARNmonocaténaire

    Virus enveloppésCapside tubulaire

    Virus enveloppésCapside tubulaire

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    Polyomaviridae

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    EntérovirusRhinovirus A, B et C

    Paréchovirus

    Coronavirus 229ECoronavirus OC43Coronavirus NL63Coronavirus HKU1

    Virus para-influenza 1 à 4Virus respiratoire

    syncytialMétapneumovirus

    humain

    Virus influenza A, B et C

    Adénovirus

    Polyomavirus KIPolyomavirus WU

    Bocavirus

    Figure. Principaux virus responsables ou suspectés de pathologies respiratoires chez l’homme (le virus SARS-CoV ne circulant plus officiellement depuis juillet 2003, il n’est pas présenté ici).

    214 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 6 - novembre-décembre 2010

    MISE AU POINT

    Les nouveaux virus respiratoires : de nouveaux pathogènes ?New respiratory viruses: new pathogens?

    T. Mourez*, A. Bergeron**, J. Legoff***

    * Laboratoire de bactériologie- virologie, hôpital Lariboisière, Paris ; université Paris-Diderot.

    ** Service de pneumologie ; *** La-boratoire de microbiologie, hôpital Saint-Louis, Paris ; université Paris-Diderot.

    Depuis quelques années, la liste des virus responsables d’infections respiratoires s’est allongée. En effet, en plus des traditionnels virus influenza (INF) A et B et para-influenza (PIF), du virus respiratoire syncytial (VRS) et de l’adéno-virus (AdV), d’autres virus découverts récemment sont venus s’ajouter aux virus associés aux infec-tions respiratoires, même si leur responsabilité est avérée pour certains ou encore discutée pour

    d’autres (figure). Ces nouveaux virus incluent le métapneumovirus humain (hMPV), décrit en 2001 aux Pays-Bas, les coronavirus humains (HCoV) NL-63 et HKU-1, décrits en 2004, le bocavirus humain, mis en évidence en 2005, et les polyo-mavirus respiratoires (PyV) KI et WU, découverts en 2007 (1-6). De nouveaux groupes de virus comme les rhinovirus du groupe C ont également été identifiés.

  • La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 6 - novembre-décembre 2010 | 215

    RésuméPlusieurs nouveaux virus respiratoires ont été décrits ces 10 dernières années, parmi lesquels les méta-pneumovirus, les nouveaux coronavirus humains, le bocavirus humain, les rhinovirus du groupe C et les polyomavirus respiratoires. Parallèlement, de nouvelles techniques de détection des génomes viraux ont été développées, améliorant significativement la sensibilité du diagnostic des viroses respiratoires. L’objet de cet article est de résumer les connaissances actuelles sur les virus respiratoires identifiés récemment ; nous précisons leur prévalence, leur rôle pathogène et les mécanismes expliquant leur émergence, et discutons l’intérêt de leur dépistage en pratique clinique.

    Mots-clésBocavirusCoronavirusMétapneumovirusPolyomavirusRhinovirus

    SummarySeveral new respiratory viruses were described these past ten years, including metapneumo-virus, new human coronavi-ruses, human bocavirus, clade C rhinoviruses and respiratory polyomaviruses. Along this growing list, new molecular diagnostic tools increase the diagnosis sensitivity for respi-ratory viral infections. The aim of this article is to summarize recent data on newly discov-ered respiratory viruses, espe-cially on their prevalence, their pathogenic potential and the mechanisms that explain their emergence, and to discuss the usefulness of their screening in clinical practice.

    KeywordsBocavirus

    Coronavirus

    Metapneumovirus

    Polyomavirus

    Rhinovirus

    La découverte de ces virus fait suite au développement parallèle des techniques de biologie moléculaire et de bio-informatique, permettant d’analyser automa-tiquement des centaines de milliers d’informations. Elle fait également suite à plusieurs alertes sanitaires majeures, entraînant un renouveau de l’étude des virus respiratoires dans le monde. Parmi ces alertes, on peut relever la découverte de cas mortels, chez l’homme, d’infections par de nouveaux variants de grippe aviaire H5N1 à Hong Kong en 1997 (7) et H7N7 aux Pays-Bas en 2003 (8), et la circulation fin 2002 d’un nouveau coronavirus respiratoire (SARS-CoV) responsable d’une épidémie de syndrome respira-toire aigu sévère (SRAS) ayant causé le décès de 800 personnes dans le monde (9). L’épidémie du nouveau variant de grippe H1N1, responsable de la pandémie en cours depuis le printemps 2009, est le dernier épisode en date nous rappelant l’importance de l’étude des virus respiratoires (10).Parallèlement à la découverte de ces nouveaux virus, de nouveaux tests diagnostiques sont apparus, dont la plupart sont fondés sur des méthodes moléculaires. À côté des méthodes traditionnelles de culture cellulaire et d’immunofluorescence, plusieurs tests molécu-laires standardisés sont désormais disponibles sur le marché, élargissant l’éventail des cibles détectées et améliorant la sensibilité (11).

    Nouveaux virus respiratoires

    Coronavirus humain

    Les coronavirus, décrits dès les années 1930 chez l’animal, constituent un genre à part entière depuis 1967. Ils rassemblent des virus de la famille des Coro-naviridae présentant des caractères morphologiques communs, notamment leur aspect en couronne visible en microscopie électronique. Les coronavirus infectent les mammifères – dont l’homme – et les oiseaux. Leur génome est constitué d’une molécule d’ARN comptant 27 000 à 31 000 nucléotides, soit le plus long ARN viral connu à ce jour. Ils sont divisés en 3 genres distincts : alphacoronavirus, betacoronavirus et gammacorona-virus – ex-groupes 1, 2 et 3 –, selon des critères séro-logiques et moléculaires. Depuis 2003, 24 nouveaux coronavirus ont été identifiés, dont 3 chez l’homme. Au sein du genre alphacoronavirus, représenté par la souche prototype HCoV-229E isolée en 1966, a été décrit le coronavirus NL-63 isolé sur lignée LLC-MK2

    en 2004 (5). Le genre betacoronavirus comprend la souche prototype HCoV-OC43 – isolée en 1967 – et le coronavirus HKU-1, dont seul le génome a été mis en évidence en 2005 (6), celui-ci n’ayant jamais été isolé en culture. Il comprend également le SARS-CoV et l’ensemble des virus apparentés SARS-Like-CoV (SL-CoV) décrits chez différentes espèces animales, notamment les chauves-souris, qui semblent consti-tuer le réservoir principal de ces virus. On ne connaît pas de virus du genre gammacoronavirus qui infec-terait l’homme ; ceux-ci touchent les oiseaux et les mammifères marins. Parmi les nouveaux coronavirus humains, seul le SARS-CoV semble être apparu récem-ment ; les autres virus (NL-63 et HKU-1) nouvellement découverts circulent probablement depuis longtemps dans la population humaine : le virus NL-63 est en effet décrit dans des prélèvements vieux de plus de 20 ans.La découverte de nombreux coronavirus capables d’in-fecter l’homme et l’émergence de nouvelles espèces s’explique par le haut potentiel d’évolution de ces virus dotés d’une plasticité génomique importante. L’apparition de mutations ponctuelles non corrigées par l’ARN polymérase ARN-dépendante permet l’éta-blissement d’une quasi-espèce au sein même d’un organisme. Chacun des virus qui la compose constitue un réservoir permettant à l’espèce de s’adapter aux changements de son environnement. La taille impor-tante du génome des coronavirus permet également d’observer des délétions d’une grande partie du génome, sans conséquence majeure sur sa viabilité ou ses capacités réplicatives, mais pouvant conduire, par exemple, à un changement de tropisme du virus. L’évolution du génome peut également s’observer via des phénomènes de recombinaison génétique, homo-logue (entre 2 coronavirus) ou hétérologue (avec d’autres virus ou des gènes cellulaires). La plasticité du génome implique une adaptabilité des protéines virales, notamment des protéines externes du virus (responsables de l’attachement et cibles de la réponse immunitaire), permettant au virus d’échapper à une augmentation de la pression immunitaire (synthèse d’anticorps neutralisants) ou de s’adapter à un chan-gement d’hôte. Récemment, l’hypothèse de l’acqui-sition du domaine d’attachement de la protéine S d’un virus proche du HCoV-NL63 par recombinaison à un SL-CoV animal pourrait expliquer en partie son émergence et son évolution chez l’homme. De même, l’existence du gène HE codant pour une hémaggluti-nine-estérase chez certains coronavirus du groupe 2

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    pourrait être due à une acquisition ancienne de la protéine de surface HEF (hemagglutinin-esterase-fusion) du virus influenza C.Tout comme les virus 229E et OC43, les nouveaux coronavirus NL-63 et HKU1 sont ubiquitaires et circu-lent de façon épidémique et saisonnière, générale-ment pendant l’hiver, avec des variations importantes selon les pays et les années. Il est délicat de relier ces virus à des pathologies particulières, car les études sont difficilement comparables du fait des différences sur les populations incluses (âge, hospitalisation, comorbidités), sur les périodes de l’année étudiées et sur les méthodes diagnostiques utilisées. L’exis-tence de co-infections avec d’autres virus respiratoires peut aussi rendre difficile l’établissement du lien de causalité entre les coronavirus et la symptomatologie respiratoire. Les publications récentes, s’appuyant sur la détection moléculaire, montrent une prévalence des infections à coronavirus de l’ordre de 3 à 11 %, ce qui les place au quatrième ou au cinquième rang des étiologies virales des infections respiratoires derrière le rhinovirus, le VRS, le métapneumovirus humain et les virus grippaux. Une étude rétrospective des cas mono-infectés par HCoV-NL63 ou HCoV-HKU1 montre que la fièvre, la toux et la rhinite sont fréquentes (12). Plusieurs études rapportent une fréquence élevée d’infections par HCoV-NL63 associées à une laryn-gite. Une étude hongkongaise montre une fréquence significativement supérieure de convulsions hyper-thermiques chez des enfants présentant une infec-tion respiratoire aiguë par HCoV-HKU1. La majeure partie des patients hospitalisés sont des enfants, des personnes âgées ou des adultes présentant des pathologies sous-jacentes. Les décès rapportés chez des patients infectés par un coronavirus sont rares et concernent généralement des sujets présentant de sévères comorbidités.

    Métapneumovirus humain

    Le genre métapneumovirus appartient à la famille des Paramyxoviridae et à la sous-famille des Pneu-movirinae, à laquelle appartient également le VRS (genre pneumovirus) [4]. En plus du hMPV, ce genre comprend des métapneumovirus aviaires respon-sables d’infections respiratoires aiguës chez les oiseaux sauvages et les oiseaux d’élevage. Bien que sa découverte soit récente, il ne s’agit pas d’un virus émergent ; il est en effet décrit en Europe dans des prélèvements remontant à 1958. Leur génome est constitué d’une molécule d’ARN de 13 000 nucléo-tides. On distingue deux sous-groupes de hMPV, nommés A et B, qui diffèrent notamment au niveau

    de leurs protéines de surface SH (protéine hydrophobe de surface) et G, la glycoprotéine majeure d’atta-chement. Cette dernière diverge considérablement entre les sous-groupes de hMPV et à l’intérieur de ces sous-groupes, ce qui permet au virus d’échapper au système immunitaire, notamment via les anticorps neutralisants, et réduit également les possibilités de protection croisée. Tous les sous-groupes de hMPV peuvent être isolés en culture ; cependant, celle-ci est difficile, car la multiplication virale est lente et l’effet cytopathique inconstant, ce qui explique en partie sa découverte tardive.Depuis sa mise en évidence en 2001, ce virus a été décrit dans de nombreux pays, confirmant son carac-tère ubiquitaire. C’est un virus respiratoire responsable d’épidémies saisonnières, le plus souvent hivernales, et dont l’incidence se superpose fréquemment à celle du VRS. Le pouvoir pathogène respiratoire du hMPV est démontré, celui-ci ayant validé le postulat de Koch adapté au singe macaque. Ses signes cliniques ne se distinguent pas de ceux des autres virus respi-ratoires, et des manifestations variées (rhinite, sinu-site, bronchiolite ou pneumonie) ont été décrites. Bien que proche du VRS, le hMPV s’en distingue par une fréquence significativement inférieure des hospitalisations chez le nourrisson, ainsi que par la survenue de bronchiolites, de syndromes de détresse respiratoire, et par le recours à l’oxygénothérapie. Ces atteintes respiratoires peuvent être associées à d’autres manifestations : otites, convulsions fébriles ou manifestations digestives. Plusieurs études ont également montré que le hMPV jouait un rôle dans l’exacerbation de l’asthme.Chez l’adulte, les réinfections par le hMPV sont possibles, l’infection dans l’enfance n’induisant pas d’immunisation protectrice à long terme. Ces infec-tions peuvent être sévères, surtout chez le sujet âgé ; de nombreux cas mortels de pneumonie à hMPV sont décrits, notamment chez le sujet immunodéprimé. Une étude expérimentale menée chez la souris a évalué le rôle joué par les virus influenza A et hMPV dans la survenue de surinfections pulmonaires secon-daires par le pneumocoque (Streptococcus pneumo-niae). Cette étude montre une franche aggravation des signes cliniques et histologiques, liée à une plus grande inflammation interstitielle et alvéolaire au niveau des poumons des animaux préalablement infectés par l’un ou l’autre des virus, puis surinfectés par le pneumocoque. Comme pour la grippe A, l’infec-tion par hMPV pourrait donc prédisposer à la survenue d’une infection secondaire sévère à pneumocoque.L’existence d’un portage asymptomatique du hMPV chez l’adulte est controversée ; grâce aux techniques moléculaires, le virus peut toutefois être détecté

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  • 218 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 6 - novembre-décembre 2010

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    pendant plusieurs mois dans les prélèvements respira-toires de patients fortement immunodéprimés présen-tant ou non des signes respiratoires (13). L’existence d’un tel portage pourrait être à l’origine d’épidémies nosocomiales, également décrites, notamment dans les services de greffe de moelle, où les patients combi-nent une immunodépression profonde et un séjour prolongé (14).

    Polyomavirus respiratoires KI et WU

    Le polyomavirus KI (KI-PyV) et le polyomavirus WU (WU-PyV), deux nouveaux représentants de la famille des Polyomaviridae, ont été découverts en 2007 (1, 3). Ils ont été mis en évidence par biologie moléculaire dans des prélèvements rhino-pharyngés de patients souffrant d’infections respiratoires aiguës. La culture de ces virus est actuellement impossible, aucune tech-nique n’ayant été décrite jusque-là. Ces deux virus à ADN présentent une certaine homologie et sont phylogénétiquement plus proches l’un de l’autre qu’ils ne le sont des deux autres polyomavirus humains JC et BK. Ce sont des virus ubiquitaires, détectés dans de nombreux pays.Ces virus étant de découverte très récente, leur rôle en pathologie humaine est encore incertain. Une étude de J.M. Kean et al. datant de mars 2009 menée au sein d’une population de 1 501 donneurs de sang nord-américains, montre une séropréva-lence de l’ordre de 55 % pour KI-PyV et de 69 % pour WU-PyV (15). Il semble que la primo-infection ait lieu tôt dans l’enfance, puisque, sur une population étudiée de 112 enfants âgés de moins de 5 ans, la séroprévalence atteint 45 % pour chacun des deux virus. La majeure partie des études de prévalence publiées concerne des populations pédiatriques. La fréquence de détection dans les prélèvements respi-ratoires au cours d’infections aiguës est de l’ordre de 0,5 à 3 % pour KI-PyV et de l’ordre de 0,7 à 6,4 % pour WU-PyV. Le polyomavirus WU-PyV est plus fréquemment détecté dans les études recherchant les deux virus, ce qui concorde avec les données de séroprévalence observées chez l’adulte. Parmi elles, certaines ont été réalisées chez des enfants asymp-tomatiques. La primo-infection chez l’enfant serait donc fréquemment asymptomatique, même si ces virus sont probablement responsables d’authentiques infections respiratoires aiguës. Les co-infections avec d’autres virus respiratoires sont fréquentes, de l’ordre de 30 à 50 % des cas. Parmi les études menées dans la population générale, seuls quelques cas ont été décrits chez l’adulte. Parmi ces patients positifs, une majorité souffrait de pathologies sévères et les

    sujets étaient fréquemment immunodéprimés. Une étude menée en 2007 sur 200 patients hospitalisés, présentant des signes d’infection respiratoire et dont la majorité (89 %) était immunodéprimée, montre que la prévalence de l’infection était de 8 % pour KI-PyV et de 1 % pour WU-PyV (16). Cette prévalence était significativement plus élevée chez les patients receveurs de cellules souches hématopoïétiques (17,8 % pour KI-PyV), dont la moitié ne présentait aucune autre infection respiratoire par des agents pathogènes connus. À l’instar des polyomavirus JC et BK, peu pathogènes chez l’immunocompétent mais responsables de pathologies sévères chez les patients immunodéprimés, il semble que KI-PyV pourrait aussi être un authentique pathogène respiratoire ou co- facteur d’infections respiratoires chez le patient immunodéprimé. Ce constat est renforcé par une étude italienne de janvier 2010, qui montre que la détection des virus KI-PyV et WU-PyV est très rare chez les patients allogreffés de moelle asymptoma-tiques. Il est à noter qu’un troisième polyomavirus, le MC-PyV, récemment découvert dans des tumeurs cutanées du carcinome de Merkel, a également été mis en évidence dans des prélèvements respiratoires (17).

    Rhinovirus

    Le genre rhinovirus appartient à la famille des Picornavi-ridae, qui comprend aussi les genres entérovirus et hépa-tovirus (virus de l’hépatite A). Les propriétés communes des virus de cette famille sont l’absence d’enveloppe, une capside icosaédrique et un génome ARN monocaté-naire de polarité positive. Plusieurs protéines VP1, VP2, VP3 et VP4 constituant la capside sont essentielles pour l’entrée du virus dans la cellule et pour la réponse anti-génique, et caractérisent la grande variabilité de cette famille. Le genre rhinovirus comprend plus de 100 séro-types, répartis en deux espèces A et B. Depuis 2007, de nouveaux variants ont été décrits, en particulier dans les prélèvements de patients hospitalisés. Plusieurs de ces variants sont phylogénétiquement distincts des espèces A et B. La création d’une nouvelle espèce de rhinovirus humain (HRV) C a été proposée (18). L’analyse in silico des protéines de capside des HRV C suggère aussi des propriétés d’attachement différentes aux récepteurs cellulaires. Jusque-là, ces variants n’ont pas été isolés en culture cellulaire.Les rhinovirus représentent l’étiologie la plus fréquente des infections respiratoires humaines. Les infections à rhinovirus surviennent toute l’année, avec des pics épidémiques au début de l’automne et à la fin du printemps dans les pays tempérés. Elles sont habituellement peu sévères et sont responsables de

  • La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 6 - novembre-décembre 2010 | 219

    MISE AU POINT

    la majorité des rhinites. Les rhinovirus ont cependant été clairement associés à des crises d’asthme et aux exacerbations de bronchopneumopathie chronique obstructive, dont ils constituent l’étiologie virale la plus fréquente. Ils ont aussi été formellement associés à l’otite moyenne aiguë, à la sinusite aiguë et à des pneumonies, en particulier au sein de populations de patients immunodéprimés. Les manifestations cliniques semblent être la conséquence de la réponse à l’infection plutôt qu’à celle d’un effet cytopathique viral. Au-delà de leur impact clinique, les infections par rhinovirus ont aussi d’importantes conséquences en termes de santé publique. En effet, bien que le plus souvent aucune investigation microbiologique ne soit réalisée, de multiples pathologies respiratoires ou ORL donnent lieu à la prescription d’un traitement antibiotique dans l’hypothèse d’une infection bacté-rienne. Les infections à rhinovirus représentent de ce fait une part importante des dépenses d’antibiotiques et jouent indirectement un rôle dans la sélection de résistances aux antibiotiques. Étant donné le spectre assez large des signes cliniques associés, ces infec-tions peuvent induire une confusion avec les critères épidémiologiques définissant habituellement une épidémie de grippe (19).Les nouveaux variants HRVC semblent plus fréquem-ment associés à des infections basses et à des exacer-bations d’asthme que les autres espèces. Toutefois, ces données, obtenues principalement chez des individus hospitalisés, méritent d’être confirmées par des études réalisées au sein d’autres populations. La diversité des rhinovirus et de la symptomatologie respiratoire associée suggère que la détermination de la souche détectée est peut-être nécessaire à la compréhension de l’impact clinique de ces infections.

    Bocavirus humain

    Le bocavirus humain (HBoV) a été découvert en 2005 par biologie moléculaire (2). Il appartient à la famille des Parvoviridae et au genre bocavirus, qui comprend le parvovirus bovin et le virus minute des chiens. Les parvovirus sont des virus nus à ADN simple brin. Le parvovirus B19, qui appartient au genre érythrovirus, était le seul représentant de cette famille connu chez l’homme. Ce sont des virus nus à ADN simple brin de petite taille (5 kb) contenu dans une capside icosaé-drique résistante au pH acide, aux solvants et aux températures élevées (50° C). En 2009, deux autres génotypes HBoV2 et HBoV3 ont été découverts dans les selles de patients ayant une gastroentérite. HBoV2 présente 67 à 80 % d’homologie nucléotidique avec HBoV, et HBoV3 présente 87 % d’homologie avec

    HBoV. Jusque-là, ni HBoV2 ni HBoV3 n’ont été détectés dans des prélèvements respiratoires. HBoV est ubiqui-taire ; il est observé dans les prélèvements respiratoires et dans les selles de patients de tous les continents.Les différentes études de prévalence du virus HBoV dans les prélèvements respiratoires montrent des résultats variables selon les populations étudiées, allant de 2 % à 11 % avec une prévalence plus élevée chez les enfants (avec un pic d’infection entre l’âge de 1 et 2 ans). La primo-infection donne lieu à une excrétion virale prolongée au niveau du tractus respiratoire, pouvant persister durant plusieurs semaines à plusieurs mois, aussi bien chez l’immunocompétent que chez l’immu-nodéprimé, et associée à un passage systémique et à une séroconversion. La séroprévalence augmente avec l’âge et atteint déjà plus de 60 % chez les enfants âgés de 2 à 4 ans et approche les 100 % après l’âge de 7 ans. Dans la plupart des études publiées, on relève une asso-ciation entre la détection du virus dans les sécrétions respiratoires et les symptômes d’infection respiratoire aiguë, sans que soit toutefois clairement démontrée une relation de cause à effet. Les signes cliniques les plus fréquents sont la toux quasi constante, la fièvre, la rhinorrhée, la dyspnée, les sifflements et l’otite moyenne aiguë. Plusieurs études rapportent que seuls les prélève-ments avec charges virales élevées (> 104 copies/ml) sont associés à une symptomatologie, en particulier au cours du premier contage. Enfin, quelques équipes rapportant des prélèvements itératifs au moment de la primo-infec-tion démontrent que HBoV est associé à la bronchiolite à un âge médian de 17 mois, avec une sévérité compa-rable à la bronchiolite à VRS. Il est fréquent (30 à 50 % des cas) d’observer un autre virus respiratoire dans les prélèvements positifs à HBoV, sans qu’il soit démontré que cette association représente un impact clinique particulier. Étant donné la sécrétion virale prolongée de HBoV, il est probable que d’autres infections peuvent être détectées au décours d’une infection, réinfection ou réactivation de HBoV. Très peu de données sont dispo-nibles chez l’adulte. HBoV peut être détecté avec de faibles fréquences dans les lavages bronchoalvéolaires de patients immuno compétents et immunodéprimés, sans qu’il soit possible de conclure sur un rôle pathogène du virus. Le HBoV est donc très probablement un pathogène respiratoire chez l’enfant au cours de la primo-infection et son impact au cours d’éventuelles réactivations ou réinfections reste à prouver.

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    Émissions présentées par le Dr Alain Ducardonnet

    Les nouveaux virus respiratoires : de nouveaux pathogènes ?MISE AU POINT

    lité de réalisation de l’aspiration naso-pharyngée, de même que les PCR multiplex, permettent de réaliser simplement une recherche virale exhaustive chez un patient présentant une infection respiratoire aiguë. Néanmoins, le coût induit implique de bien identifier les patients auxquels s’adresse ce type de prélèvement microbiologique. En dehors d’études épidémiologiques et peut-être de contextes épidémiques, et dans la mesure où il n’existe pas de traitement antiviral (hors grippe) efficace et indiqué, il semble raisonnable de réserver ces recherches aux patients dont l’état respi-ratoire justifie une hospitalisation. Classiquement, deux situations sont possibles : soit le patient présente une pathologie pulmonaire chronique sous-jacente décompensée dans un contexte d’infection d’allure virale, soit le patient est immunodéprimé et a déve-loppé une pneumopathie pour laquelle on réalisera une recherche exhaustive d’agents infectieux.La question est de savoir quel impact aura sur la prise en charge du patient l’identification d’un virus respi-ratoire dans ses voies aériennes. La bonne réponse est l’adaptation potentielle d’un traitement anti-infec-tieux empirique, d’autant plus large que le patient est immunodéprimé, avec un impact en termes d’épargne d’agents anti-infectieux (notamment antibiotiques) et une diminution du coût de la prise en charge.Or, pour espérer atteindre cet objectif, il faudrait connaître d’une part la pathogénicité réelle des diffé-rents virus respiratoires et le type d’infection respi-ratoire qu’il est susceptible d’induire, et d’autre part, la signification de la détection d’une séquence virale dans les sécrétions respiratoires (portage chronique ou infection aiguë). Dans tous les cas, une analyse clinique rigoureuse prenant en considération le terrain, l’ana-mnèse, l’examen clinique, les données de l’imagerie (en particulier le scanner thoracique s’il est indiqué) et les résultats des examens complémentaires, notamment à la recherche d’autres agents infectieux, est nécessaire. Cette évaluation clinique permettra dans tous les cas d’interpréter au mieux une PCR virale positive.

    L’identification de ces nouveaux virus respiratoires, de même que les progrès réalisés pour leur mise en évidence dans les sécrétions des voies aériennes ont un intérêt certain pour la compréhension d’un grand nombre de situations pneumologiques jusqu’alors identifiées comme idiopathiques. Néanmoins, l’uti-lisation de ces outils en routine est limitée par le fait que beaucoup de questions relatives à leurs indications et à leur interprétation restent irréso-lues. Cela ouvre la voie à des projets de recherche indispensables, tant fondamentaux virologiques que cliniques.

    Conclusion

    Avec le développement des outils de biologie molé-culaire, la capacité à détecter et à caractériser de nouveaux virus a considérablement progressé. Si certains virus jouent un rôle bien établi dans les infections respiratoires, des études complémentaires s’avèrent nécessaires pour d’autres virus. Ces études permettront de déterminer s’il existe un intérêt à les rechercher dans le cadre du diagnostic des pathologies respiratoires et dans quelles populations. L’éventail des différents virus respiratoires potentiellement responsables d’infections aiguës, de même que l’ab-sence de signes cliniques spécifiques pour chaque virus rendent le diagnostic de ces infections de plus en plus complexe. En dehors d’un contexte épidémique caractérisé, il est alors difficile de cibler la recherche d’une étiologie particulière et une recherche multiplex s’avère nécessaire. Malgré la faible disponibilité des traitements antiviraux spécifiques, un diagnostic positif de virus respiratoire permet de préciser l’étiologie de la pathologie respiratoire et d’adapter le traitement le cas échéant. L’intérêt médical et la juste prescription d’un test de détection des virus respiratoires nécessitent encore des études cliniques prospectives et des études médico-économiques. ■

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