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Les normes internationales du travail: un patrimoine pour l’avenir Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos

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  • Les normes internationales du travail:un patrimoine pour l’avenir

    Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos

  • Bureau international du Travail Genève2004

    Les normes internationales du travail:un patrimoine pour l’avenir

    Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos

    Préface deJuan Somavia

    Sous la direction deJean-Claude Javillier et Bernard Gernigon

    CoordinateurGeorges P. Politakis

  • Copyright © Organisation internationale du Travail 2004

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    ISBN 92-2-216555-1

    Première édition 2004

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    Photocomposé en Suisse WEIImprimé en Suisse PCL

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    Table of contents

    Preface – Préface – Prefacio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix

    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxi

    Part 1 | The Supervisory System

    Les mécanismes de contrôle de l’OIT:bilan de leur effi cacité et perspectives d’avenir . . . . . . . . . . . . . . . 3Eric Gravel

    Shaping a dynamic ILO system of regular supervision:The Valticos years . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Ernest A. Landy

    The “Berufsverbot ” problem revisited –Views from Geneva and Starsbourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21Klaus Samson

    Standard-setting and supervision: A system in diffi culty . . . . . . . . . . 47William R. Simpson

    Some remarks concerning the Commissions of Inquiry establishedunder the ILO Constitution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75Budislav Vukas

  • vi Mélanges Nicolas Valticos

    Part 2 | Freedom of Association

    Une page d’histoire de l’OIT: la Pologne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83Francis Blanchard

    Democracy, freedom of association and the ILO . . . . . . . . . . . . . . 89Karen Curtis

    La liberté syndicale et les missions sur place de l’OIT . . . . . . . . . . . 107Bernard Gernigon

    Une révolution de velours dans l’ordre juridique internationalen matière de droits fondamentaux des travailleurs . . . . . . . . . . . . . 121Tomi Kohiyama et María Marta Travieso

    Le Comité de la liberté syndicale (I): origines et genèse . . . . . . . . . . 159Alberto Odero et María Marta Travieso

    Le Comité de la liberté syndicale (II):composition, procédure et fonctionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . 195Alberto Odero et María Marta Travieso

    Part 3 | International Labour Standards and Internal Legal Order

    En aval des normes internationales du travail: le rôle de l’OITdans l’élaboration et la révision de la législation du travail . . . . . . . . . 219Arturo Bronstein

    The use of international labour law in domestic courts:Theory, recent jurisprudence, and practical implications . . . . . . . . . . 249Constance Thomas, Martin Oelz, and Xavier Beaudonnet

    Efi cacia juridica de los convenios de la OIT en el plano nacional . . . . 287Geraldo von Potobsky

    Souvenirs d’une vie internationale (photos) . . . . . . . . . . . . . . . 307

  • Part 4 | Constitutional Theory and Current Issues

    The Consolidated Maritime Labour Convention:A marriage of the traditional and the new . . . . . . . . . . . . . . . . . . 319Cleopatra Doumbia-Henry

    Normas internacionales del trabajo y trabajo decente:El impacto de las normas internacionales del trabajosobre el desarrollo económico y social sostenible . . . . . . . . . . . . . . 335J. Ricardo Hernández Pulido

    How the ILO’s international labour standards can help in the fi ghtagainst HIV/AIDS in the world of work . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355Jane Hodges-Aeberhard

    Réfl exion sur l’idée d’un droit international coutumier du travail . . . . . 363Véronique Marleau

    The Annual Review and the promotion of the 1998 ILO Declarationon Fundamental Principles and Rights at Work: Developmentsand initial impact assessment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 411Momar N’Diaye

    Deconstructing fl exibility in international labour Conventions . . . . . . 463George P. Politakis

    Les recommandations internationales du travail: instrumentsmal exploités ou maillon faible du système normatif ? . . . . . . . . . . . 497George P. Politakis et Kroum Markov

    Réserves et conventions internationales du travail . . . . . . . . . . . . . 527Guido Raimondi

    La OIT y los trabajadores migrantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 541Miguel Rodríguez-Piñero Bravo-Ferrer

    Normes internationales du travail et responsabilité socialedes entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565Jean-Michel Servais

    International labour standards and the informal economy . . . . . . . . . 585Anne Trebilcock

    Table of contents vii

  • viii Mélanges Nicolas Valticos

    International labour standards as a model for the future:The case of fi nancial regulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615Katerina Tsotroudi

    Part 5 | Future Perspectives on Standards

    Globalization, values, and international law in the world of work . . . . 645Janelle Diller

    Libres propos sur la «part» du droit dans l’actionde l’Organisation internationale du Travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . 659Jean-Claude Javillier

    Persuasion et contrainte aux fi ns de la mise en œuvredes normes et objectifs de l’OIT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 687Francis Maupain

  • Rarely have offi cials been identifi ed to such an extent with a specifi c fi eld of ILO action as Nicolas Valticos was with the Organization’s standards-related activities. So much so that, for over 30 years, it was almost tautological to refer to standards and the inspired Director of NORMES.

    As early as the transition period, I was personally very keen to meet this living incarnation of ILO standards and if possible obtain the benefi t of his wisdom and advice as regards important steps that would have to be taken later. I will never forget a lunch I was privileged to have with him shortly after taking offi ce. His erudition, his benevolent wit, his natural empathy for so many peoples and countries that I also happened to know, the combination of his healthy sense of realities and fi rm convictions, made for a conversation which was an enchantment for the mind and for the heart. When leaving the table I had the feeling not only of a rare – alas unique – moment, but also of leaving a friend that I had known and respected for ever.

    Refl ecting on standard-setting and the supervision of standards as a key component of ILO action, especially in the current context of the ILO’s focus on achieving a fair globalization, brings three words to my mind – paradigm, responsibility and vision – all, of course, within the framework of the ILO’s prin-cipal characteristic and method, namely tripartism, with its emphasis on dialogue and partnership.

    Standards as paradigms

    Standards are the history of the ILO. As the international institution which has produced the largest number of binding and non-binding instru-ments in the fi eld of human rights, standards remain at the very centre of the ILO’s mandate and its day-to-day work. Whether they are viewed as minimum

    Preface

    Juan Somavia

    ix

  • x Mélanges Nicolas Valticos

    living standards, benchmarks or decent work indicators, or more recently as the building blocks of a socio-economic fl oor for the global economy, whether they are delivered in the form of hard or soft law, standards epitomize the idea of openly discussed and agreed principles refl ecting widely held values, which governments, employers and governments can use to structure labour market systems.

    By offering paradigms, the ILO gives tangible content to the notion of social justice that it consistently defends and strives to promote. Standards en-capsulate components of human dignity and security which should be enjoyed by everyone in the world of work. They offer the necessary yardstick of fairness to measure progress, but also to reveal backwardness.

    As I noted in my 2001 report Reducing the decent work defi cit: A global chal-lenge, “normative action helps to clarify the meaning of decent work: standards provide an authoritative answer to the question of what decent work implies in concrete terms as regards the preconditions (fundamental principles and rights), its content (work that meets certain criteria of quality and security) and the process whereby it can be achieved (social dialogue). It also helps to put the Decent Work Agenda into practice: standards are a stern indicator of progress towards the achievement of ILO objectives, not through lip-service but in law and in practice” (p. 59).

    Standards as a source of responsibility

    Standard-setting has constituted a core activity of the ILO since its in-ception, and indeed the single most important reason for its creation. As such, the corpus of international labour standards elaborated over the years stands today as an impressive heritage, a vital source of pride, but also of responsibility – responsibility to manage the accumulated normative wealth effectively, protect the impact of standards, keep a watchful eye on their continued application, promote and strengthen their relevance. This is a mission that the Offi ce must continue to carry out with conviction and realism. The ongoing discussion on the direction and modalities of normative action requires responsible refl ection on, among others, ways of achieving a stronger focus on dialogue, intensifying technical cooperation, deepening legislative and policy analysis, multiplying ad-visory activities, and adding muscle to the supervisory machinery.

    Responsibility also means that the ILO has to be fully responsive to the aspirations, needs and concerns of all its constituents. Tripartism is a key asset which must be carefully nurtured and further developed. The partnership of workers, employers and governments remains the foundation of the ILO’s rel-evance in the changing world of work. While confl icting views and interests may

  • often make choices diffi cult, they are also conducive to balanced compromises. Sensitivities are keen and consensus-building at times appears hard to operate, yet this is precisely what our constituents expect from the ILO so that it can provide them with guidance which is both authoritative and relevant. The effort required to mainstream international labour standards has to remain at the fore-front of ILO action. The credibility of the standards system largely depends on the outcome of this effort, hence the increased sense of responsibility currently hanging over the normative action of the Organization. Our unique expertise in the fi eld of standards confers upon the ILO undisputed legitimacy to play an active role in managing the social dimensions of globalization.

    Standards and the need for vision

    Past accomplishments oblige us to be forward-looking and innovative. In my 1999 Report on Decent Work, I placed emphasis on the need to “renew work on labour standards” and “experiment with new approaches” (p. 17). The system for the adoption and supervision of standards is showing signs of fatigue and of being pushed to its limits. And the system is too highly valued to be left to fend for itself. This is not of course meant to call into question the relevance of the Organization’s normative work, but rather to marshal creative forces with a view to reforming working methods, devising and testing new procedures, adapting mentalities and drawing the right lessons from past failures.

    By way of example, I specifi cally referred in the Decent Work report to the idea of framework conventions and the possibility of combining binding and non-binding provisions in a fl exible, all-encompassing instrument, easy to update, and as refl ective of universal elements as of regional traditions. Some fi ve years after issuing this call, the draft Consolidated Maritime Labour Con-vention today offers a highly interesting blueprint of what might well be a fresh start in standard-setting, offering an effective match between past principles and future needs.

    In its February 2004 report A Fair Globalization: Creating opportunites for all, the World Commission on the Social Dimension of Globalization suggested that “the capacity of the ILO to promote core labour standards should be re-inforced” and that “the ILO itself should be strengthened by increasing the resources available for fair and appropriate supervision and monitoring” (para. 426). When presenting some initial refl ections at this year’s Conference on the implications of the Commission’s report for the ILO, I highlighted certain pri-ority courses of action, such as identifying a more integrated set of international labour standards, increasing assistance to constituents at the country level, en-hancing the effi ciency of the established supervisory machinery, developing

    Preface xi

  • xii Mélanges Nicolas Valticos

    viable strategies to address the governance problems underlying the growth of the informal economy in many countries, and mobilizing international organ-izations to promote international labour standards (pp. 46-48).

    To conclude, the modernization of ILO standards and their fuller integra-tion into a coherent whole as a means for achieving greater effi cacy therefore remains a critical task. The Decent Work agenda, as the shorthand description of the Organization’s mission, is inseparable from an effort to strengthen the effi cacy and relevance of the unique international labour standards regime so that it can be of assistance to all countries in their endeavour to promote decent work on all “fronts”. We therefore need to continue leading by paradigm and with vision, and delivering with responsibility. I fi rmly believe that Nicolas Val-ticos would have whole-heartedly endorsed these thoughts.

    Finally, I wish to compliment those who have taken this excellent initiative as a means of paying tribute to Nicolas Valticos for his immense contribution to the advancement of the ILO’s objectives. After all, the Offi ce is nothing more than the cumulative radiance of the skills and talents of each and every one of its offi cials; in this sense, Nicolas Valticos has left with us a lasting example to follow and a gap that it is extremely diffi cult to fi ll.

    October 2004

  • Rarement un fonctionnaire aura incarné avec autant de force que Nicolas Valticos ce domaine si spécifi que de l’action de l’OIT que peut être l’action con-cernant les normes internationales du travail. Il y est si bien parvenu qu’à la fi n de ses trente années de carrière, la mention même du directeur de NORMES était devenue pratiquement l’expression tautologique des normes internationales du travail.

    Alors que nous n’en étions encore qu’à la période de transition, j’ai éprouvé le désir ardent de faire mieux connaissance avec cette incarnation vivante des normes de l’OIT et, pour autant que cela fût possible, de puiser quelques conseils aux sources de sa sagesse en vue des décisions qu’il faudrait prendre plus tard. Je n’oublierai jamais un certain déjeuner qui nous avait réunis peu après ma prise de fonctions. Mon esprit et mes sentiments tombèrent sous le charme de son érudition, de sa spiritualité bienveillante, de son empathie naturelle pour tant de gens et de pays que je connaissais, de cette combinaison rare de réalisme salutaire et de convictions fermes. Au moment de nous séparer, j’eus le sentiment qu’un instant privilégié – unique, hélas – venait de passer ; j’eus aussi le sentiment de prendre congé d’un ami que j’avais toujours connu et respecté.

    En réfl échissant sur l’élaboration des normes et le contrôle de leur appli-cation en tant que composante clé de l’action de l’OIT, surtout dans le contexte actuel, où l’OIT s’efforce avant tout de conférer à la mondialisation les vertus de l’équité, trois mots me viennent à l’esprit – paradigme, responsabilité et vision – dans le contexte de ce qui apparaît comme à la fois la singularité et le mode opératoire de l’OIT: le tripartisme, et son accent particulier sur le dialogue et le partenariat.

    Préface

    Juan Somavia

    xiii

  • xiv Mélanges Nicolas Valticos

    Les normes en tant que paradigmes

    Les normes sont l’histoire de l’OIT. En tant qu’institution internationale ayant à son actif le plus grand nombre d’instruments – contraignants et non con-traignants – qui touchent aux droits de l’homme, les normes sont au cœur même de la mission de l’Organisation et de l’accomplissement de sa tâche au quotidien. Qu’elles soient perçues en tant que normes minimales d’existence, instruments de référence, indicateurs dans l’optique du travail décent ou encore, comme plus récemment, matériau de construction d’un plancher économique et social pour l’économie mondiale, qu’elles trouvent leur expression à travers une législation ayant un caractère impératif ou plutôt prescriptif, les normes sont par essence l’incarnation de principes débattus et acceptés en toute franchise, qui refl ètent des valeurs universellement reconnues et sur la base desquels gouvernements, employeurs et travailleurs façonnent la physionomie du marché du travail.

    En proposant des paradigmes, l’OIT donne un contenu tangible à la notion de justice sociale qu’elle s’emploie constamment à défendre. Les normes intègrent les composantes de dignité humaine et de sécurité qu’aucun individu au monde ne devrait se voir nier. Elles portent en elles l’étalon d’équité à l’aune duquel tout progrès se mesure et aussi, hélas, toute régression apparaît au grand jour.

    Comme je le soulignais dans mon rapport de 2001 intitulé Réduire le défi cit de travail décent – un défi mondial, «l’action normative contribue à préciser le sens du concept de travail décent: en effet, les normes défi nissent concrètement les différents aspects qui s’y attachent – conditions préalables (principes et droits fondamentaux), contenu (critères de qualité et de sécurité), modalités de mise en œuvre (dialogue social). En second lieu, elle contribue à mettre en pratique le travail décent: les normes sont un indicateur rigoureux des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de l’OIT, en droit et dans la pratique».

    Les normes en tant que source de responsabilité

    L’action normative constitue un volet essentiel de l’action de l’OIT depuis que celle-ci existe, et c’est en fait principalement pour cela qu’elle a été créée. En tant que tel, le corpus des normes internationales du travail élaboré au fi l des ans constitue un héritage impressionnant, une source vitale de fi erté mais aussi une source de responsabilité – responsabilité de gérer avec effi cacité ce patri-moine normatif, de préserver l’impact des normes, de rester vigilants, attentifs à la pérennité de leur application, de promouvoir et renforcer leur pertinence. Il s’agit là d’une mission que le Bureau doit poursuivre avec conviction et réalisme. Le débat ouvert sur la direction et les modalités de l’action normative appelle une réfl exion responsable, notamment sur les moyens de parvenir à privilégier

  • le dialogue, à intensifi er la coopération technique, à approfondir l’analyse de la législation et de la politique, à intensifi er les activités de conseil, à muscler le mécanisme de contrôle.

    Responsabilité veut aussi dire que l’OIT doit apporter une réponse exhaus-tive aux aspirations, aux attentes et aux préoccupations de tous ses mandants. Le tripartisme est un atout majeur, que l’on doit entretenir avec soin et enrichir constamment. Le partenariat des travailleurs, des employeurs et des gouverne-ments reste l’aspect le plus essentiel de la raison d’être de l’OIT dans un monde du travail en mutation constante. Si des points de vue et des intérêts contraires rendent souvent les choix diffi ciles, ils conduisent aussi à des compromis équi-librés. Parfois les sensibilités sont vives et il paraît diffi cile de parvenir à un consensus, mais cet aboutissement est précisément ce que les mandants de l’OIT attendent de celle-ci, dès lors que les orientations qu’elle leur suggère se révèlent pertinentes et convaincantes. L’effort exigé pour que les normes internationales du travail soient au centre des préoccupations universelles doit toujours avoir une place prééminente dans l’action de l’OIT. Du succès de ces efforts dépend la crédibilité du système des normes, d’où le sentiment particulièrement aigu, à l’heure actuelle, de la responsabilité qui pèse sur l’action normative de l’Organisa-tion. La singularité absolue des compétences de l’OIT dans ce domaine confère une légitimité sans ombre au rôle particulièrement actif que cette organisation joue sur le plan de la dimension sociale de la mondialisation.

    Les normes et la nécessité d’une vision d’avenir

    L’acquis de tant d’années nous impose d’avoir une vision d’avenir et de faire preuve d’innovation. En 1999, dans mon rapport intitulé Un travail décent, j’ai mis l’accent sur la nécessité de susciter un «nouveau départ pour les activités consacrées aux normes du travail», et j’ai fait valoir qu’il faudrait «que l’OIT fasse de nouvelles expériences». Le système d’adoption des normes et de contrôle de leur application montre des signes de fatigue, on se rend compte qu’il est poussé à ses limites. Le système, en soi, a une valeur si élevée qu’il serait inconcevable de l’abandonner à son sort. Ce constat n’entraîne pas, bien naturellement, qu’il faille remettre en question la pertinence de l’action normative. Il en découle plutôt qu’il faut mobiliser des forces créatrices en vue de réformer les méthodes de travail, concevoir et expérimenter de nouvelles procédures, adapter les men-talités et tirer les bons enseignements de nos échecs.

    Pour prendre un exemple, je me suis référé plus particulièrement, dans le rapport précité, à l’idée de conventions de base et aussi à l’idée de combiner des dispositions contraignantes à d’autres qui ne le seraient pas dans un instrument fl exible, de vaste portée, facile à réactualiser, qui contiendrait des éléments uni-

    Préface xv

  • xvi Mélanges Nicolas Valticos

    versels tout en ménageant une place aux particularismes régionaux. Cinq années plus tard, le projet de convention consolidée du travail maritime, qui incarne une synthèse effi cace de principes anciens et de besoins futurs, illustre parfaitement ce qui pourrait marquer un tournant décisif dans l’action normative.

    Dans son rapport de février 2004 intitulé Une mondialisation juste: Créer des opportunités pour tous, la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation énonce qu’il serait «essentiel de renforcer la capacité de l’OIT de promouvoir les normes internationales du travail» et qu’il «convient de renforcer l’OIT elle-même en augmentant les ressources permettant d’exercer un contrôle et une surveillance équitables et adaptés» (paragraphe 426). Dans quelques pre-mières réfl exions que j’ai présentées cette année à la Conférence à propos de ce que le rapport de la commission susmentionnée implique pour l’OIT, j’ai mis en relief (pages 52 et suivantes) certaines orientations qui me paraissent prioritaires, comme l’identifi cation d’un ensemble plus intégré de normes internationales du travail, le renforcement de l’assistance offerte aux mandants au niveau de chaque pays, le renforcement de l’effi cacité du système de contrôle, la formulation de stra-tégies appropriées face aux problèmes de gouvernance sous-jacents à l’expansion de l’économie informelle dans certains pays, la mobilisation des organisations internationales pour la promotion des normes internationales du travail.

    Je dirai en conclusion que moderniser les normes de l’OIT et en assurer une intégration plus complète dans un ensemble cohérent avec comme point de mire une plus grande effi cacité reste et demeure une tâche essentielle. L’Agenda pour un travail décent, en tant qu’expression synthétique de la mission de l’Or-ganisation, est indissociable d’un effort de renforcement de l’effi cacité et de la pertinence du système unique en son genre que constituent les normes interna-tionales du travail, et cet effort s’impose dès lors que l’on tient à seconder tous les pays dans la démarche qu’ils se sont assignée pour promouvoir le travail décent «sur tous les fronts». Il nous faut donc persévérer, et faire du paradigme et de la vision notre instrument si nous voulons servir de manière responsable. J’ose croire que Nicolas Valticos aurait pleinement fait siennes ces pensées.

    En dernier lieu, j’exprime ma reconnaissance à tous ceux qui ont pris cette initiative pour rendre hommage à la mémoire de Nicolas Valticos et à sa contribution immense à l’avancement des objectifs de l’OIT. Le Bureau n’est, somme toute, rien de plus que la résultante du rayonnement des compétences et du talent de chacun de ses fonctionnaires. En ce sens, Nicolas Valticos nous aura laissé en héritage un exemple aussi durable que le vide laissé derrière lui se révèle diffi cile à combler.

    octobre 2004

  • Es poco frecuente que un funcionario se haya identifi cado en tal grado con un campo específi co de las acciones de la OIT como ha ocurrido con Nicolas Valticos respecto de las actividades normativas de la Organización. A tal punto que, a lo largo de más de 30 años, ha venido siendo casi tautológico referirse a las normas y al inspirado Director de NORMAS.

    En los inicios del período de transición, fui muy afortunado en encon-trar a esta viva encarnación de las normas de la OIT, benefi ciándome de su sabiduría y asesoramiento en lo que atañe a relevantes medidas que habrían de adoptarse posteriormente. Nunca olvidaré un almuerzo que tuve el privilegio de compartir con él poco antes de asumir mi puesto. Su erudición, su generosa inteligencia, su natural empatía para tanta gente y tantos países que también yo llegué a conocer, la combinación de un saludable sentido de la realidad y unas fi rmes convicciones, propiciaron una conversación que resultó ser un placer para la mente y el corazón. Al levantarme de la mesa, tuve la sensación de haber pasado, no sólo unos momentos tan extraordinarios como únicos, sino también el sentimiento de haber ganado un amigo en la persona que había conocido y siempre había respetado

    Al refl exionar sobre la actividad normativa y sobre el control de las normas como concepto cardinal de las acciones de la OIT, especialmente en el contexto actual del enfoque de la OIT de consecución de una globalización justa, me vienen a la mente tres palabras: paradigma, responsabilidad y visión, naturalmente en el marco de la característica y del método primordiales de la OIT, el tripartismo, con el acento puesto en el diálogo y en la asociación.

    Prefacio

    Juan Somavia

    xvii

  • xviii Mélanges Nicolas Valticos

    Las normas como paradigmas

    Las normas son la historia de la OIT. Como institución internacional que ha producido el mayor número de instrumentos vinculantes y no vinculantes en el ámbito de los derechos humanos, las normas siguen encontrándose en el núcleo del mandato de la OIT y de su labor cotidiana. Se consideren como normas de vida mínimas, como marcos de referencia o como indicadores de trabajo decente, o, más recientemente, como elementos esenciales de los fun-damentos socioeconómicos para la economía global, se expresen bajo la forma de una ley estricta o de una ley fl exible, las normas vienen a sintetizar la idea de principios abiertamente debatidos y acordados que refl ejan valores ampliamente sostenidos, que los gobiernos, los empleadores y los trabajadores pueden utilizar para estructurar sus sistemas de mercado laboral.

    Al ofrecer paradigmas, la OIT confi ere un contenido tangible a la noción de justicia social, una noción que defi ende constantemente y se esfuerza en pro-mover. Las normas engloban componentes de dignidad y seguridad humanas de que todos deberán gozar en el mundo del trabajo. Ofrecen los criterios necesarios de imparcialidad para medir los progresos, pero también revelan los retrocesos.

    Como señalara en mi informe Reducir el défi cit de trabajo decente: un desafío global, «la acción normativa ayuda a esclarecer el signifi cado del trabajo decente: las normas ofrecen una respuesta digna de crédito a la pregunta sobre lo que implica el trabajo decente en términos concretos en lo que se refi ere a las con-diciones previas (principios y derechos fundamentales), a su contenido (trabajo que reúne ciertos criterios de calidad y de seguridad) y al proceso en virtud del cual este objetivo se puede alcanzar (diálogo social). También ayuda a poner en práctica el Programa de Trabajo Decente: las normas son un indicador riguroso del progreso hacia el logro de los objetivos de la OIT, no por medio de promesas que no se han de cumplir sino en la legislación y la práctica» (pág. 68).

    Las normas como fuente de responsabilidad

    La actividad normativa ha constituido una actividad central de la OIT desde sus inicios y ha sido en verdad la única y más importante razón de su crea-ción. Como tal, el corpus de las normas internacionales del trabajo elaboradas a lo largo de los años, permanece hoy como una herencia de incalculable valor, como una fuente vital de orgullo y también como una responsabilidad. Responsabilidad para gestionar una riqueza normativa tan acertadamente acumulada, para proteger el impacto de las normas, para mantener el ojo vigilante en cuanto a su continuada aplicación, para promover y fortalecer su pertinencia. Es éste un cometido que la Ofi cina debe seguir llevando a cabo con convicción y realismo. El debate en

  • curso en torno a la dirección y a las modalidades de la acción normativa, requiere una refl exión responsable, entre otras cosas, sobre las maneras de alcanzar un en-foque más sólido en el diálogo, una cooperación técnica más intensa, un análisis legislativo y de políticas más profundo, unas actividades de asesoramiento que se multipliquen y un vigor que se añada al mecanismo de control.

    Responsabilidad signifi ca también que la OIT ha de tener una gran sensi-bilidad hacia las aspiraciones, necesidades y preocupaciones de sus mandantes. El tripartismo constituye un activo esencial que debe ser cuidadosamente nutrido y más desarrollado. La asociación de trabajadores, empleadores y gobiernos, sigue siendo el fundamento de la pertinencia de la OIT en el cambiante mundo del tra-bajo. Si bien las opiniones y los intereses contrapuestos pueden difi cultar a menudo la elección entre las diferentes opciones, también favorecen compromisos equili-brados. Las sensibilidades son intensas y la construcción de un consenso a veces parece difícil de poner en funcionamiento. Sin embargo, esto es precisamente lo que nuestros mandantes esperan de la OIT, puesto que los dota de una orientación que es tan autorizada como pertinente. Los esfuerzos requeridos para situar en el centro de la atención las normas internacionales del trabajo, tienen que perma-necer en el primer plano de las actuaciones de la OIT. La credibilidad del sistema normativo depende, en buena medida, de los resultados de estos esfuerzos, de ahí el mayor sentido de la responsabilidad que en la actualidad incumbe a la acción normativa de la Organización. Nuestros conocimientos técnicos únicos en materia de normas, confi eren a la OIT una legitimidad indiscutida para desempeñar un papel activo en la gestión de las dimensiones sociales de la globalización.

    Las normas y la necesidad de visión

    Los logros pasados nos obligan a tener una visión de futuro y a ser in-novadores. En mi Informe sobre el Trabajo Decente de 1999, ponía el acento en la necesidad de «nuevas actividades en materia de normas del trabajo» y de que «ensaye nuevos métodos» (pág. 20). El sistema de adopción y supervisión de las normas muestra signos de agotamiento y de haber sido tensado hasta el límite. Y el sistema es un bien demasiado precioso como para dejarlo a su propia re-gulación. Esto no signifi ca, por supuesto, un cuestionamiento de la pertinencia del trabajo normativo de la Organización, sino más bien la puesta en marcha de fuerzas creativas con miras a reformar los métodos de trabajo, ideando y probando nuevos procedimientos, adaptando las mentalidades y extrayendo las correspondientes lecciones de los fracasos del pasado.

    A modo de ejemplo, en el informe sobre el Trabajo Decente, me refería específi camente a la idea de convenios marco y a la posibilidad de combinar disposiciones vinculantes con disposiciones no vinculantes en un instrumento

    Prefacio xix

  • xx Mélanges Nicolas Valticos

    fl exible general, fácil de actualizar, y que refl ejara tanto los elementos univer-sales como las tradiciones regionales. Después de los aproximadamente cinco años transcurridos de esta proposición, el proyecto de Convenio sobre el trabajo marítimo consolidado ofrece hoy un interesante plan maestro de lo que bien pudiera ser un nuevo comienzo de la actividad normativa, favoreciendo un efi caz encuentro entre los principios del pasado y las necesidades del futuro.

    En su informe de febrero de 2004, Por una globalización justa: crear opor-tunidades para todos, la Comisión Mundial sobre la Dimensión Social de la Glo-balización, sugería que «se refuerce la capacidad de la OIT para fomentar la aplicación de las normas fundamentales del trabajo» y que «la propia OIT de-bería reforzarse mediante el aumento de los recursos disponibles para llevar a cabo una supervisión y un control justos» (párrafo 426). A la hora de presentar algunas refl exiones iniciales en la Conferencia de este año en torno a las im-plicaciones del informe de la Comisión de la OIT, destacaba algunos planes de acción prioritarios, como la identifi cación de un conjunto más integrado de normas internacionales del trabajo, una mayor asistencia a los mandantes en el ámbito de cada país, un incremento de la efi ciencia del mecanismo de control establecido, el desarrollo de estrategias viables para abordar los problemas de la gobernanza que subyacen al crecimiento de la economía informal en muchos países y la movilización de las organizaciones internacionales en aras de la pro-moción de las normas internacionales del trabajo (párrafos 46-48).

    Para concluir, la modernización de las normas de la OIT y su integración más plena en un todo coherente, como medio de alcanzar una mayor efi cacia, sigue siendo, por tanto, una tarea determinante. El Programa de Trabajo De-cente, en su calidad de descripción taquigráfi ca de la misión de la Organización, es inseparable de los esfuerzos encaminados al fortalecimiento, a la efi cacia y a la pertinencia de un régimen único de normas internacionales del trabajo, de modo que pueda asistir a todos los países en su empeño de promoción del tra-bajo decente en todos los «frentes». Por consiguiente, es menester seguir siendo impulsados por el paradigma, la visión y la entrega con responsabilidad. Creo con fi rmeza que Nicolas Valticos habría suscrito plenamente este pensamiento.

    Por último, quiero felicitar a quienes han tenido esta excelente iniciativa de homenaje a Nicolas Valticos, por su inmensa contribución a los progresos de los objetivos de la OIT. Después de todo, la Ofi cina no es más que el resultado de una sumatoria de las capacidades y los talentos de todos y cada uno de sus funcionarios. En este sentido, Nicolas Valticos nos ha dejado un perdurable ejemplo a seguir y un vacío sumamente difícil de llenar.

    Octubre de 2004

  • xxi

    Introduction

    A year ago, on 21 November 2003, the sad news rapidly gained the sixth fl oor of the Offi ce; Nicolas Valticos, the great fi gure, venerable elderly statesman with the warm smile and the admirable freshness, had gone.

    Some will keep the memory of a demanding and perfectionist Assistant Director-General; some will remember the polyglot, cultivated Greek colleague with the fi ne sense of humour; others will attest to his great intellect and capacity for work; yet others will recollect a gifted diplomat, a delightful table companion and a fi rst-rate cosmopolite. Nicolas Valticos was certainly all that and much more. Law professorship and international adjudication were only two of the fi elds in which he excelled after retirement. However, his close attachment to labour standards and affectionate interest for the work of the Organization re-mained undiminished in the years following his departure. It is indicative that Nicolas Valticos last published in the International Labour Review as recently as 1998,1 while a few years earlier he addressed the Academy of Athens with an inaugural lecture on “International labour law and its role in today’s inter-national society”. In 2000, in his capacity as President of the Curatorium of the Hague Academy of International Law, he invited the Legal Adviser of the time to lecture on the “ILO, social justice and globalization”. In his 1995 commu-nication to the French Academy of Moral and Political Sciences, he refl ected on the legal nature of international labour Conventions,2 while throughout the nineties he contributed numerous pieces to Mélanges, Festschrift and other Libri amicorum, mostly on ILO-related subjects.3

    1 “International labour standards and human rights: Approaching the year 2000”, Inter-national Labour Review, vol. 137, 1998, pp. 135-147.

    2 “Contrat – Convention – Traité – Loi? Les conventions internationales du travail”, Communication à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, 16 octobre 1995, Revue des Sciences Morales et Politiques, tome 100, 1996, nº 1, pp. 403-413.

    3 For instance, Mélanges Bos (1989), Wang (1993), Schermers (1994), Bernhardt (1995), Gerin (1996), Verdier (2001).

  • xxii Mélanges Nicolas Valticos

    Indeed, the Offi ce never ceased to seek Valticos’ advice on all important policy decisions on standards, which he offered with his usual promptness, sharpness and genuine kindness. His last appearance on Swiss television and his last article in a Swiss newspaper were in 2000 to promote the newly-adopted Maternity Protection Convention No. 183. The normative action of the ILO has undoubtedly found in the person of Nicolas Valticos one of its most eloquent advocates and lifetime servants.

    It has often been said that Nicolas Valticos personifi ed the archetype of an international civil servant. Certainly, Nicolas Valticos gave full meaning to the basic standards of conduct required of all staff members of international organizations, namely integrity, loyalty, independence and impartiality. Yet, he took professionalism much further. He made a lifelong rule of integrity without ceding to austerity. He never mistook loyalty for uncritical submission, nor would he follow instructions without being fi rst convinced of their propriety. He epito-mized independence to such an extent that his appointment to some of the most politically sensitive missions seemed a foregone conclusion, and he always proved a judicious choice. His impartiality was well-known to everyone, so that his successful mediation to resolve the fi rst ever personnel strike movement in-house came as no surprise. Above and beyond offi cial prescriptions, however, Nicolas Valticos placed his faith in his personal code of human values. He will be remembered as a man of rare and inspired cordiality, unassuming distinction and unequalled simplicity.

    To attempt to give a summary account of Nicolas Valticos’ scholarly work can but do great injustice to an outstanding intellectual life which lasted half a cen-tury.4 Nicolas Valticos fi rmly believed in the system of supervision of ILO Con-ventions and its unique attributes. Throughout his career, he defended staunchly and with conviction what he considered to be a model “à l’avant-garde du contrôle international, en raison de sa diversité et de son dynamisme”,5 and worked untir-ingly for its improvement. By symbolic coincidence, typical of his accuracy and rigour, his writings on the ILO’s system of supervision span a period of exactly thirty years, from 1964 to 1994.6 He also wrote extensively on the legislative func-tion of the ILO and persuasively argued that “the body of standards contained in international labour Conventions and Recommendations contributed to the

    4 His bibliographical output started in 1953 with L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil (Paris, Sirey, 462 p.), and ended in 2003 with “Et si l’on faisait revenir le siège des Nations Unies en Europe?”, Revue générale de droit international public, vol. 107, pp. 529-533.

    5 “L’évolution du système de contrôle de l’Organisation internationale du Travail”, Mélanges Roberto Ago, 1987, vol. II, p. 520.

    6 “Aperçu de certains grands problèmes du contrôle international (spécialement à propos des conventions internationales du travail)”, Eranion en l’honneur de G. Maridakis, Athènes, 1964, vol. III, pp. 543-586; “Once more about the ILO system of supervision: In what respect is it still a model ?” in Niels Blokker and Sam Muller (eds.), Towards more effective supervision by international organizations – Essays in Honour of Henry G. Schermers, 1994, vol. I, pp. 99-113.

  • creation of an international common law in wide areas of human rights”.7 Nicolas Valticos’ restless mind looked into numerous other questions of legal theory and practice, such as the specifi city of the ratifi cation of international labour Conven-tions,8 the problem of their incorporation into domestic law,9 or the sources of international labour law.10 Like Georges Scelle or Wilfred Jenks before him, he saw in the development of international labour law a fi rst-rate opportunity to materialize “le vieux rêve de la souveraineté étatique s’inclinant devant la règle de droit”, considering that “les conventions internationales du travail ont apporté la première grande brèche au domaine réservé, donc à la notion exclusive de sou-veraineté, puisqu’elles ont fait entrer dans le droit international un secteur aussi large que l’ensemble des probèmes du travail, c’est-à-dire des questions touchant de près les structures internes des pays et l’«intimité» même de la vie nationale”.11 Yet, by far the most recurrent of all the topics touched upon by Nicolas Valticos were the freedoms of association and collective bargaining and the institutional machinery for their protection.12 Based on the conviction that “la protection de la liberté syndicale exige un effort systématique et persistant car elle fait partie de l’effort séculaire de l’homme pour sa pleine libération”,13 Nicolas Valticos over

    Introduction xxiii

    7 “The International Labour Organization, its contribution to the rule of law and the international protection of human rights”, Journal of the International Commission of Jurists, vol. 9, 1968, p. 19.

    8 “Nature et portée juridique de la ratifi cation des conventions internationales du travail” in Essays in Honour of Shabtai Rosenne, 1989, pp. 987-1004.

    9 “Conventions internationales du travail et droit interne”, Revue critique de droit international privé, vol. 2, 1955, pp. 251-288; “Monisme ou dualisme? Les rapports des traités et de la loi en Grèce (spécialement à propos des conventions internationales du travail)”, Revue hellénique de droit international, 1959, pp. 203-235; “Les conventions internationales du travail devant le juge fran-çais”, Revue critique de droit international privé, vol. 53, 1964, pp. 41-72; “Les effets des conventions internationales du travail en Suisse”, Mémoires de la Faculté de droit de l’Université de Genève, 1976, pp. 327-345; “Droit international du travail et droit interne français”, Travaux du Comité français de droit international privé, 1977, pp. 11-37.

    10 “Labour Law: International sources and institutional aspects”, International Encyclopedia of Comparative Law, vol. XV, 1978, pp. 1-53; “The sources of international labour law: Recent trends” in International Law and its Sources, Liber amicorum Maarten Bos, 1988, pp. 179-196.

    11 “Droit international du travail et souverainetés étatiques” in Mélanges Fernard Dehousse, 1979, p. 125.

    12 “La Commission d’investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale et le mécanisme de protection internationale des droits syndicaux”, Annuaire français de droit interna-tional, vol. 13, 1967, pp. 445-468; “Une nouvelle expérience de protection des droits de l’homme: le groupe d’étude de l’OIT chargé d’examiner la situation en matière de travail et en matière syndicale en Espagne”, Annuaire français de droit international, vol. 16, 1970, pp. 567-589; “Un dé-veloppement du droit international du travail: les droits syndicaux et les libertés publiques”, En hommage à Paul Horion, 1972, pp. 263-289; “Les méthodes de la protection internationale de la liberté syndicale”, Recueil des cours de l’Académie de droit international, 1975, pp. 79-138; “Le rôle des normes et des procédures de l’OIT dans le développement de la situation syndicale en Pologne”, Revue des sciences morales et politiques, 1982, pp. 199-214.

    13 “La protection internationale de la liberté syndicale vingt-cinq ans après”, Revue des droits de l’homme, vol. 7, 1974, p. 39.

  • xxiv Mélanges Nicolas Valticos

    the years deployed much of his energy and charisma to promoting the principles of freedom of association and exploring ways of making ILO procedures in the fi eld of union rights more effective. His name remains associated, for instance, with the introduction of innovative supervisory mechanisms such as the “direct contacts” missions, which have since been widely used and praised as a pragmatic, fl exible and discreet method of conducting diplomacy.14

    To honour his memory and commemorate the fi rst anniversary of his death, the Standards Department earlier this year launched the idea of a col-lective publication bringing together legal essays exclusively dedicated to in-ternational labour standards. It was hoped that as many aspects as possible of standards-related issues would be covered from both a retrospective and a for-ward-looking perspective, following the example of Valticos, whose writings so skilfully combined orthodoxy and perspicacity, continuity and vision. It was also intended to associate junior professionals with some of the most experienced and learned practitioners in this endeavour, thereby paying tribute to Valticos’ unfailing support to promising young colleagues.

    The various contributions have essentially been arranged in four thematic categories, coinciding with the four subjects of predilection in Valticos’ prolifi c bibliography: the evolution of the supervisory system in its endless quest for effectiveness; freedom of association as a cornerstone principle and constant driving force of ILO action; the oft-debated relationship between internation-ally-accepted standards and domestic legislation; and the constitutional dimen-sion of standard-setting activities. A fi nal fi fth section contains a number of papers generally refl ecting on the future articulation of standards, their rel-evance and impact in the context of the challenges to come. Within each part, the contributions are ranked alphabetically, with the authors writing in their individual capacity.

    It is immensely diffi cult to pay homage to Nicolas Valticos without risking understatement. To use the words that Valticos himself offered his great friend and stalwart of the ILO supervisory system for over thirty-fi ve years, Roberto Ago,15 the main aims to which Valticos devoted his great talents and untiring activity were “tolerance, peace, the rule of law, justice between men as between nations, and the development of international law and of a true international community”. Could an international lawyer, and a proud national of a country of unrivalled culture and humanism have dedicated himself to a nobler cause? As he said a few years ago, referring to his country of origin, “de toute manière, ce n’est pas chose facile que de se montrer digne de la Grèce, parce que le nom

    14 “Une nouvelle forme d’action internationale: les «contacts directs» de l’OIT en matière d’application de conventions et de liberté syndicale”, Annuaire français de droit international, vol. 27, 1981, pp. 477-489.

    15 “Roberto Ago (1907-1995)”, American Journal of International law, vol. 89, 1995, p. 583.

  • est grand et l’héritage lourd. Mais fi nalement, qui se plaindrait vraiment d’un tel héritage? Et d’un héritage dont, en défi nitive, l’essentiel a été de faire de l’homme la mesure autant que l’objectif de toutes choses”.16

    The International Labour Standards Department presents this collection of legal essays as a modest tribute to the memory of the charismatic personality of Nicolas Valticos and in recognition of his monumental contribution to the furtherance of the Organization’s noble objectives and his undying belief that “the task of the ILO will be more than ever before to try with all the means at its command, by rules of law and by daily action, to make real this eternal dream of man for justice, law, and peace”.17

    The EditorsGeneva, November 2004

    Introduction xxv

    16 “Les Grecs modernes face aux Grecs anciens”, Conférence du 13 mars 1997 à l’Asso-ciation Jean-Gabriel Eynard, Genève.

    17 “The International Labour Organization, its contribution to the rule of law and the international protection of human rights”, Journal of the International Commission of Jurists, vol. 9, 1968, p. 34.

  • Part 1The Supervisory System

    .

  • 3

    Les mécanismes de contrôle de l’OIT:bilan de leur efficacité et perspectives d’avenir

    Eric Gravel *

    I. Introduction

    «The ILO has no teeth». L’OIT ne peut pas mordre! Traduction libre de l’expression utilisée par le Premier ministre de Singapour au sein d’un forum international il y a quelques années. Cette expression peut résumer, à certains égards, la discussion entourant l’impact de l’action du BIT dans le domaine normatif et notamment l’effi cacité de ses mécanismes de contrôle. Le volonta-risme des moyens de l’OIT signifi e-t-il que l’Organisation n’a pas de pouvoir de coercition vis-à-vis de ses Etats membres? Le dialogue qui s’instaure entre les organes de contrôle et les Etats qui ne respectent pas leurs obligations in-ternationales aux termes des conventions de l’OIT est-il suffi sant? A cet égard, la question de l’effi cacité et de l’impact des mécanismes de contrôle de l’OIT a déjà fait l’objet de nombreuses discussions et analyses et d’une abondante lit-térature. Déjà en 1994, Nicolas Valticos écrivait que ce sujet pouvait sembler épuisé, et qu’après trente ans à œuvrer dans ce domaine, ce sujet l’avait d’ailleurs lui-même épuisé! 1

    Au-delà des polémiques et d’un scepticisme justifi é ou non, cet article se propose d’analyser de façon succincte l’effi cacité et l’impact, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, qu’ont pu avoir certains des organes de contrôle de l’OIT au cours des dernières décennies, notamment la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et le Comité de la li-berté syndicale. Enfi n, cet article tentera d’examiner, à la lumière de l’infl uence qu’ils ont pu avoir à ce jour, les perspectives d’avenir de ces mécanismes de contrôle.

    * Département des normes internationales du travail.1 Voir Nicolas Valticos, « Once more about the ILO system of supervision: In what res-

    pect is it still a model? » in Mélanges H.G. Schermers, 1994, vol. I, p. 99.

  • 4 Mélanges Nicolas Valticos

    II. La Commission d’experts pour l’applicationdes conventions et recommandations

    La Commission d’experts pour l’application des conventions et recom-mandations, instituée par le Conseil d’administration conformément à la résolu-tion adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1926, a pour mandat d’examiner les rapports des gouvernements sur l’application des conventions et d’autres obligations contenues dans la Constitution de l’OIT sur les normes internationales du travail. La première session de la commission a eu lieu en 1927 et au fi l des années, elle est devenue, parallèlement à la Commission de l’application des normes de la Conférence, l’organe privilégié du contrôle régulier de l’application des normes. Ses travaux constituent en effet la pierre angulaire du système de contrôle de l’OIT.

    Dans son évaluation de la conformité des législations, la commission d’experts, qui est composée de vingt juristes indépendants de haut niveau, exerce une compétence qui a maintes fois été qualifi ée de quasi-juridictionnelle 2 bien qu’elle ne soit pas un tribunal. Elle exerce un pouvoir d’appréciation large dans le cadre de l’application des dispositions internationales. Pour rendre de telles appréciations, la commission d’experts se base sur les rapports soumis par les gouvernements conformément à leurs obligations constitutionnelles.

    1. Impact des travaux de la commission d’experts

    Le système de contrôle de l’OIT est extrêmement sophistiqué et a toujours été considéré, à juste titre, comme le «joyau» de l’Organisation. Mais quelle est l’aptitude des instruments normatifs à atteindre les objectifs de l’Organisation dans l’ensemble de ses membres, malgré des niveaux de développement extrê-mement variés? S’agissant de la commission d’experts, son effi cacité peut sans doute être évaluée par sa capacité d’obtenir l’application des obligations en droit et de les rendre effectives dans les faits.

    Les méthodes de travail de la commission d’experts ont évolué au cours de son existence et dans le cadre de son mandat défi ni en termes généraux. La commission peut en effet élaborer de manière autonome ses propres méthodes de travail. A cet égard, depuis 1964, la commission d’experts a décidé de réperto-rier les cas dans lesquels les gouvernements, en réponse à ses commentaires, ont modifi é leur législation ou leur pratique, de manière à donner pleinement effet aux conventions ratifi ées. Ces cas sont communément appelé «cas de progrès».

    2 Voir Nicolas Valticos, Droit international du travail, 2e édition, Dalloz, 1983, p. 587, paragr. 756.

  • Destiné à l’origine à contrebalancer les commentaires formulés, cette liste de cas de progrès, qui couvre à ce jour des mesures prises par plus de 85 gouvernements provenant de toutes les régions du monde, témoigne de façon impressionnante des efforts que les gouvernements ont déployés afi n que leur législation et leur pratique nationales soient conformes aux dispositions des conventions de l’OIT qu’ils ont ratifi ées.3 Concrètement, la commission identifi e un cas de progrès en prenant note avec «intérêt» ou «satisfaction», dans une observation, que le gouvernement visé a donné une suite positive à ses commentaires antérieurs.

    Mais comme la commission l’a elle-même souligné dans son rapport de 2002, il existe beaucoup de cas «invisibles» ou moins manifestes dans lesquels les normes internationales du travail ont exercé une infl uence positive. En effet, l’impact de la commission d’experts ne se mesure pas uniquement à la lumière des cas de progrès répertoriés. A cet égard, il convient de ne pas négliger l’impact indirect ou a priori du travail de la commission. La commission d’experts peut exercer un contrôle préventif considérable, qui est, par le fait même, diffi cilement quantifi able. A ce sujet, Nicolas Valticos a souvent estimé que l’effi cacité du con-trôle ne doit pas seulement se mesurer aux résultats de son rôle «répressif», mais aussi au rôle préventif que l’existence même d’un mécanisme de contrôle vigilant peut avoir, en incitant les Etats à étudier sérieusement et souvent même à adopter, avant de ratifi er une convention, les mesures nécessaires à son application.4

    Dans cette évaluation du contrôle préventif que peut exercer la commis-sion d’experts, il y a également lieu de mentionner les demandes directes qu’elle soumet chaque année à certains gouvernements. En effet, ces demandes directes, par lesquelles la commission établie un dialogue avec les gouvernements et lui demande généralement des éclaircissements sur des points jugés moins urgents, ne fi gurent pas dans le rapport de la commission publié chaque année. Ainsi, le suivi positif donné aux demandes directes n’apparaît jamais sous la rubrique des cas de progrès.

    Par ailleurs, dans certains cas, les mesures prises par les gouvernements afi n de répondre aux commentaires de la commission d’experts reposent sur d’autres considérations. En effet, les Etats répugnent en général à ce que leurs manquements et le non respect de leurs obligations internationales soient dis-cutés publiquement. Il ne faut pas négliger le fait que les travaux de la com-mission d’experts servent de base à ceux de la Commission de l’application des normes de la Conférence et que la seule possibilité qu’un Etat puisse fi gurer sur la «fameuse» liste des cas individuels qui seront discutés publiquement à la Conférence peut produire un effet dissuasif.

    3 S’agissant des cas de progrès relevés par la commission d’experts jusqu’au milieu des années soixante-dix, voir l’étude sur L’impact des conventions et recommandations internationales du travail, BIT, 1977, pp. 56-57.

    4 Voir Valticos, précité note 2, p. 603, paragr. 774.

    Les mécanismes de contrôle de l’OIT 5

  • 6 Mélanges Nicolas Valticos

    En outre, les commentaires de la commission d’experts portant sur des situations particulièrement graves et restés sans réponse de la part des gouver-nements peuvent ouvrir la voie à l’utilisation d’autres mesures prévues par la Constitution de l’OIT. Cela a d’ailleurs été le cas pour le recours à l’article 26 de la Constitution et l’établissement de la commission d’enquête sur le Myanmar concernant les questions de violations des dispositions de la convention nº 29 sur le travail forcé. Et dans la foulée, la non application des recommandations de la commission d’enquête par le Myanmar a donné lieu, pour la première fois, au recours à l’article 33 de la Constitution, et a ainsi rappelé la capacité de contrainte de l’OIT vis-à-vis de ses Etats membres.

    De plus, il est certain que l’action des organes de contrôle ne peut être mesurée uniquement en fonction des procédures offi cielles et que tout ce qui peut accompagner ces procédures, en particulier la mise en œuvre de l’assistance technique, joue un rôle considérable. En effet, les observations et les recom-mandations en soi n’ont, dans certains cas, de réelles valeurs que si elles sont prolongées par une assistance technique.

    Enfi n, comme l’a récemment souligné le nouveau président du Conseil d’administration du BIT, l’infl uence de l’action normative se manifeste de bien d’autres manières que par le seul contrôle de l’application des conventions ra-tifi ées. Elle a le potentiel de s’exercer de manière universelle, même si ce n’est pas sous la forme d’obligations juridiques de résultat, telle qu’en témoigne la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail.5

    III. Le Comité de la liberté syndicale

    Le Comité de la liberté syndicale a été créé en 1951 et constitue un organe tripartite du Conseil d’administration du BIT. Instauré initialement pour pro-céder à l’examen préliminaire des allégations relatives à des violations de la liberté syndicale, et ne nécessitant pas le consentement préalable de l’Etat pour procéder à l’examen d’allégations même en l’absence de ratifi cation formelle des conventions en matière de liberté syndicale, le comité a néanmoins dû procéder à l’examen des plaintes quant au fond. Il est ainsi devenu l’organe principal chargé d’examiner les plaintes pour violations des droits syndicaux et a, à ce jour, exa-miné plus de 2,300 plaintes provenant de tous les continents.

    5 Voir préface de Philippe Séguin de l’ouvrage de Francis Blanchard, L’Organisation inter-nationale du Travail, Editions du Seuil, 2004, p. 22.

  • 1. Impact des décisions du comité

    L’effi cacité et l’impact qu’a pu avoir ce comité depuis sa création se me-surent, d’une part, à la réputation que cet organe s’est construit au cours des années grâce à sa structure tripartite et à l’application de principes juridiques et de règles procédurales qui l’ont éloigné d’un processus de décision politique et arbitraire, et, d’autre part, à partir de cas de progrès que le comité répertorie de façon systématique depuis le début des années soixante-dix. En effet, une fois qu’une plainte a été déposée et que le comité a formulé des recommanda-tions, la question a souvent été posée de savoir, une fois que le cas n’était plus à l’ordre du jour du comité, quelles avaient été les suites données par les gou-vernements aux dites recommandations. A cet égard, le comité s’est demandé à sa session de novembre 1971 si son rôle devait s’arrêter à la formulation de recommandations ou s’il ne devait pas suivre l’évolution des affaires dont il avait eu à traiter.6 Ainsi, afi n de renforcer sa procédure et pouvoir mieux évaluer les cas de progrès, le comité, à sa session de novembre 1971, a estimé qu’il serait indiqué de prendre des mesures systématiques à cet égard et depuis cette date, dans la plupart des cas où il suggère au Conseil d’administration de formuler des recommandations à un gouvernement, le comité demande au gouvernement intéressé de le tenir informé, après une période raisonnable compte tenu des circonstances de chaque affaire, des suites qu’il a pu donner aux recomman-dations qui lui ont été adressées.

    De façon similaire à la commission d’experts, le comité note un cas de progrès lorsque suite au dépôt d’une plainte devant ce dernier et à ses recom-mandations subséquentes, un changement législatif ou une modifi cation dans la pratique (libération de syndicalistes, réintégration de travailleurs licenciés pour motifs syndicaux, enregistrement de syndicats, octroi du droit à la négociation collective, etc.) ont été opéré dans le pays mis en cause. Depuis 1971, plus de soixante-dix pays répartis sur cinq continents ont pris des mesures à la suite des recommandations du comité ou l’ont informé de développements positifs survenus dans le domaine de la liberté syndicale.

    Selon des chiffres récents compilés par le Service de la liberté syndi-cale, au cours de la décennie 1991-2001, près de 2,000 syndicalistes de 40 pays auraient été libérés suite aux recommandations du comité.7 En outre, au-delà des mesures correctives qui ont pu ainsi être obtenues, ce mécanisme de protection en matière de liberté syndicale a joué un rôle positif en permettant de préciser, dans des situations concrètes, les diverses conséquences pratiques des principes

    6 Voir 127e Rapport du Comité de la liberté syndicale, novembre 1971, paragr. 22 à 28.7 Pour un bilan des années soixante à quatre-vingt sur cette question, voir A.J. Pouyat,

    « Les normes et les procédures de l’OIT en matière de liberté syndicale: un bilan », Revue interna-tionale du Travail, vol. 121, 1982, pp. 309-325.

    Les mécanismes de contrôle de l’OIT 7

  • 8 Mélanges Nicolas Valticos

    généraux énoncés dans les conventions pertinentes de l’OIT, tout comme les tribunaux, au niveau national, sont appelés par leurs décisions à donner vie et signifi cation aux préceptes énoncés dans les codes et les lois.

    De plus, tel que mentionné pour la commission d’experts, l’impact du Comité de la liberté syndicale ne peut évidemment pas se mesurer uniquement à partir d’une addition de cas de progrès, et ces chiffres ne peuvent rendre compte du rôle joué par le comité que d’un point de vue statistique. En effet, à l’instar de la commission d’experts, le comité joue un rôle préventif non négligeable en matière de liberté syndicale, et le retrait de plaintes suite à un accord trouvé entre les parties avant même que le comité n’ait pu examiner le cas au fond, en est une illustration importante. En outre, il convient de souligner que le carac-tère unanime de toutes les recommandations adoptées par cet organe tripartite à ce jour ne peut qu’accroître la force morale que le comité exerce auprès des gouvernements, des travailleurs et des employeurs, et par conséquent l’effi cacité des recommandations qu’il formule.

    Bien que le succès du comité puisse se vérifi er en partie par l’accroisse-ment des cas de progrès répertoriés au cours des dernières années (cette aug-mentation est par ailleurs nécessairement liée à l’accroissement du nombre de cas examinés par le comité), ce succès se fonde plus généralement dans le résultat de l’action conjointe des différents organes de contrôle de l’OIT où intervien-nent d’une part, des organes techniques, dont les membres sont choisis en vertu de leur indépendance et de leur expertise et, d’autre part, l’action des organes représentatifs qui regroupent les délégués des gouvernements, des travailleurs et des employeurs. Enfi n, il convient de ne pas négliger les autres moyens dont dispose l’OIT et auxquels le comité a souvent recours, tels que la formule des missions de contacts directs.

    IV. Perspectives d’avenir

    Si la réussite et l’effi cacité des organes de contrôle de l’OIT doivent se mesurer à l’étendue des résultats obtenus et à leur permanence, les nombreux cas de progrès notés, tant par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations que par le Comité de la liberté syndicale depuis plusieurs décennies, tendent à démontrer que ces mécanismes de contrôle ont pleinement rempli leur rôle depuis leur création.

    Toutefois, la question peut se poser à savoir si ces mécanismes pour-ront continuer à moyen terme, et même à court terme, à fonctionner effi cace-ment tel qu’ils le font aujourd’hui. En effet, victimes de leur propre succès et notamment des campagnes de promotion visant à la ratifi cation de plusieurs conventions, ces organes de contrôle, dans l’état actuel de leur fonctionnement, ont un avenir qui est plus que préoccupant. En ce qui concerne la commission

  • d’experts, faut-il rappeler qu’en 1927, à sa première session, la commission avait examiné 180 rapports provenant de 26 Etats membres. Aujourd’hui, avec 177 Etats membres et plus de 7,200 ratifi cations, c’est près de 3,000 rapports qui seront dus pour examen par la commission d’experts à sa prochaine ses-sion. Avec l’augmentation des ratifi cations, ce nombre ne fera évidemment que croître à l’avenir.

    Par ailleurs, au début des années quatre-vingt, alors que Nicolas Valticos était encore Sous-directeur général du BIT, ce dernier avait observé qu’environ quatre-vingt-dix pour cent des rapports dus par les gouvernements au titre de l’article 22 de la Constitution était effectivement reçus. Aujourd’hui, la commis-sion d’experts ne reçoit qu’entre soixante à soixante-cinq pour cent des rapports dus. De ce pourcentage, elle arrive à traiter environ soixante-cinq pour cent des rapports reçus, et doit différer les autres à l’année suivante, et ce, pour des raisons diverses telles que l’envoi tardif des rapports par les gouvernements, la nécessité de traduire certaines communications et législations, la réception d’informations incomplètes ou une surcharge de travail.

    Ainsi, d’ici quelques années, à la lumière de l’augmentation constante du nombre de ratifi cations et de rapports dus, la commission d’experts, pierre angulaire du système de contrôle, ne sera plus à même d’examiner environ les deux tiers de ce qu’elle devrait contrôler. En conséquence, à moins d’une aug-mentation substantielle des moyens de son secrétariat, ou d’une révision complète de ses méthodes de travail, y compris de la façon même d’aborder les rapports des gouvernements au titre de l’article 22 de la Constitution, le système actuel risque l’asphyxie.

    Du coté du Comité de la liberté syndicale, les chiffres actuels peuvent mener à une analyse similaire. Victime de son succès, et notamment des efforts de promotion et des nombreux programmes de formation dispensés par l’Orga-nisation dans le domaine de la liberté syndicale, le nombre de plaintes devant le comité a littéralement explosé ces dernières années. Malgré une révision de ses méthodes de travail en 2002, qui permettent notamment un meilleur fi ltrage des plaintes, le nombre de cas en instance devant le comité est passé de 214 en 2001, à 304 en 2003, avec une projection de 340 cas en 2004.

    Si l’effi cacité et la pérennité même de la Commission d’experts pour l’ap-plication des conventions et recommandations et du Comité de la liberté syn-dicale veulent être préservées, ces organes de contrôle devront poursuivre leur réfl exion concernant leurs méthodes de travail d’une part, et des choix clairs devront être faits par l’OIT et ses mandants d’autre part, afi n d’assurer la survie d’un système de contrôle que d’aucuns qualifi ent encore aujourd’hui de véritable modèle sur le plan international.

    Les mécanismes de contrôle de l’OIT 9

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    Shaping a dynamic ILO systemof regular supervision:The Valticos years

    Ernest A. Landy *

    During the ILO’s second decade, when the world was stumbling from economic depression to Armageddon, the procedure established in 1927 to moni tor the application of ratifi ed Conventions had just begun to function. With the outbreak of World War II, the relevance of ILO supervision, even its very future, were clearly in jeopardy. Such doubts lessened however in 1941, the year the Soviet Union, Japan and the United States became belligerents. During their August meeting in a Nova Scotia bay, President Roosevelt and Prime Minister Churchill included among their war aims, as spelled out in the “Atlantic Charter”, the “securing for all of improved labour standards, economic advancement and social security.” And in November, the US President, speaking in the White House, assured the delegates to an ILO meeting: “When this world struggle is over, you will be prepared to play your own part in formulating those social policies upon which the permanence of peace will so much depend.”

    Roosevelt’s prediction became a reality when the International Labour Conference, during its memorable Philadelphia session just three years later and during a 1946 meeting in Montreal, laid the ground work for the future by defi ning its aims and purposes and by revising the ILO Constitution, especially in relation to standards implementation.

    This essay attempts to trace briefl y those aspects in the development of post-war policy which involve the shaping and refi nement of the Organization’s system of regular supervision. Thus, already in the 1950s and 1960s it became clear that beyond the purely legal framework of the system, other factors came to the fore: the actual functioning of this novel venture, the role of standards in a broader context, the implications of tripartism and, above all, the emphasis on governmental response, i.e. the quest for effective supervision and implementa-tion. The pages which follow review the variety of practical, often pragmatic,

    * Former Chief of the Application of Standards Branch, International Labour Standards Department.

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    measures taken to deal with these and other related issues. It is no mere coin-cidence that, during the years these measures were taken, responsibility for the Offi ce’s standards-related activities was in Nicolas Valticos’ hands.

    I. International labour standards and technical co-operation

    Along with the adoption of the Universal Declaration of Human Rights, the United Nations’ early years were marked by the launching of an ambitious program of technical aid under the label “technical co-operation”. Fully awake to the social implications of this initiative, the ILO was eager to participate. Under Article 10 of the Constitution, the Offi ce is in fact mandated to “accord to governments at their request all appropriate assistance in connection with the framing of laws and regulations on the basis of the decisions of the Conference and the improvement of administrative practices and systems of inspection”. In addition, ILO experts were available to give advice in such areas as employ-ment services, labour statistics, wage-fi xing machinery, social security as well as occupational safety and hygiene, all of which are in some way addressed in the International Labour Code. It was therefore recognized from the start that these experts needed to be adequately briefed on the pertinent instruments, mainly Conventions, existing in their area of activity. If such a Convention had already been ratifi ed, background information on its application was included in their briefi ngs, especially if advice might help to overcome diffi culties of implementa-tion. When an expert returned from assignment, standards-related information was of potential interest, particularly in the case of ratifi ed Conventions.

    In the early years there was some doubt as to the interplay between operational activities and ILO standards. But already in 1958 the Conference Committee on Standards recognized that the “two concepts are in fact closely interrelated and supplement each other at every stage.” It remains clear to this day that from the specifi c perspective of ILO supervision, experience in the fi eld is a valuable tool in appreciating the diffi culties governments may encounter in giving effect to standards and that, hopefully, technical expertise may point a way to a solution, thus demonstrating the mutually reinforcing potential of the two methods of action.

  • II. Public information and educational activities

    A supervisory system relies for lasting results on a body of informed public opinion. In the case of the ILO, action needs to address two groups: the Organization’s tripartite constituency, and more generally, the segments of the public at large which are concerned with labour problems and involved in their solution.

    From early in the post-war period, the most widely used general-purpose publication was an illustrated booklet entitled “International Labour Standards, Their Nature, Their Working, Their Value”. Available in a number of languages and going through a series of updated editions, this brochure seemed to fi ll a va-riety of needs and opened the way to more specialized information tools: charts and lists of ratifi cation, summaries of Conventions, a “Manual of Procedures” relating to ILO standards, etc. With the publication by the Offi ce of “The In-ternational Labour Code 1951” and the appearance some two decades later of Nicolas Valticos’ monumental “Droit international du Travail” (of which Spanish and English editions were published in 1977 and 1979), academics and labour law specialists had available a detailed and authoritative treatise not only on the content of ILO standards but also on their history and implementation.

    With a specifi cally trade union audience in mind, the Offi ce also put to-gether a Workers Education Manual on Standards. An educational initiative was launched in the 1960s for the benefi t, this time, of government offi cials in the developing countries; such training sessions were organized in Africa, Asia and Latin America to discuss the ILO’s standards-related activities focusing mainly on the reporting provisions of the Constitution, the work of the supervisory bodies, the need to respond to their comments and to take any implementing measures this might entail. Participants in these courses would later attend the Conference and sit on its Committee on Conventions and Recommendations or on other technical committees.

    III. The need to simplify reporting and supervision

    With the growing workload which the supply of reports placed on govern-ments and which the examination of these reports placed on the Committee of Experts, it became important as early as the 1950s to look for simplifi cations in the periodicity of reporting and in the formulation of the supervisory comments.

    Until 1958, the information on the effect given to ratifi ed Conventions had been due every year. For the following two decades these reports were called for on a two-yearly basis. In 1977, their periodicity was made dependent

    The Valticos years 13

  • 14 Mélanges Nicolas Valticos

    on the importance and the urgency of the issues raised by the previous fi ndings of the Committee of Experts. Under this selective system (as further refi ned subsequently) detailed reports can be called for on a yearly, two-yearly or fi ve-yearly basis.

    Following a similar trend to concentrate on those implementation prob-lems needing priority attention, the Experts began in 1957 to include only major observations in their published report, leaving other points or clarifi cations to be addressed to governments in the form of “direct requests”. On the other hand, the Experts would indicate in footnotes to selected observations whether a response was called for in a report the following year or even earlier in the Conference Committee on Standards.

    As is clear from this rapid overview, the new techniques of reporting and examination were all intended to concentrate on the most urgent and complex issues requiring priority attention in the hope of promoting full consideration of such problem cases at the tripartite level.

    IV. Tripartism as a growing factor in ILO supervision

    With non-governmental organizations nowadays playing such a promi-nent role in national and global affairs, it is easy to forget that the full-scale par-ticipation of workers and employers in the newly created International Labour Organization was at the time a bold innovation, especially from an international perspective. A quarter century later, after the Second World War, the ILO went a step further in formally associating the occupational organizations in the opera-tion of its supervisory system. One of the constitutional amendments adopted in 1946 requires governments to send copies of their reports to the representa-tive organizations of workers and employers so as to make them aware of the information transmitted to the International Labour Offi ce and to enable them to comment, especially in cases where the Experts had previously raised ques-tions concerning national laws and practice. Initially only a few occupational organizations seized this new opportunity, prompting the Committee of Ex-perts and the Conference Committee to express their surprise at the organiza-tions’ failure to play a more active role in the supervisory process. The Offi ce then decided to send letters each year to the central workers’ and employers’ organizations, supplying them with background data on the reports currently due, such as report forms and copies of outstanding observations concerning their country. In addition, the Offi ce responded to a request of the Workers’ Group by organizing short study sessions on standard-setting and procedures for union representatives attending the Conference.

  • The number of comments from the occupational organizations soon showed a steady increase from a yearly average of 12 in the 1960s to around 70 a decade later, reaching as high as 200 in recent years. Between a quarter and a third of these comments come from the employers’ side, proof that the system truly serves the interests of both non-governmental partners. Thus a practical, relatively inexpensive initiative has helped over time to extend the scope of supervisory techniques in an essential way.

    Not unrelated to this trend was the adoption in 1976 of the Tripartite Consultation (International Labour Standards) Convention (No. 144) which calls for the operation of national procedures to ensure effective consultation between government, employer and worker representatives on, inter alia, “ques-tions arising from the reports to be made to the International Labour Offi ce” on ratifi ed Conventions. The ratifi cation of Convention No. 144 by over 100 coun-tries should give added impulse to the tripartite tradition throughout the ILO’s standards-related activities.

    V. Enlisting the Conference as a resonant supervisory forum

    The growing worker and employer involvement in the reporting phase of supervision soon found its parallel in the proceedings of the tripartite Confer-ence Committee on Standards: when the non-governmental members found that repeated discussions of serious cases of non-compliance failed to produce results, they proposed in 1957 to “highlight” the most persistent cases in a “special list” intended to draw the attention of the Conference to the urgent need for action. After initial opposition and voting, the list soon became part of the Commit-tee’s regular procedure. Although occasionally dubbed the “black list”, this in-novative technique, which also included the adoption of “special paragraphs”, helped over time to pave the way towards fuller implementation.

    Sometimes the mere possibility of special mention acted as an inducement towards remedial measures. More often actual inclusion in the list was needed to produce progress. In a 1930s study on the League of Nations, a British academic had coined the phrase “mobilization of shame”, which perhaps best sums up the motivation behind the whole special list strategy.

    It is however true that the strategy was also one of the factors which during the fi nal years of the Cold War era prevented on three occasions the formal approval of the Standards Committee’s Report by the Conference ple-nary, due to the lack of a quorum.

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    VI. Discrete diplomacy as a new supervisory tool:The direct contacts procedure

    It was Nicolas Valticos who, a decade after the introduction of the special list, came up with the idea of using on-the-spot diplomacy to help governments cope with major diffi culties in complying with ratifi ed ILO Conventions. The concept was relatively simple: when other supervisory efforts had failed, why not move from written comments and often controversial exchanges in the public arena of the Conference to a private and more relaxed dialogue in the country concerned where the government could explain its problems more fully while at the same time seeking practical advice towards a solution?

    The Experts who were all too familiar with the type of situations to be addressed in this way readily agreed to the concept, noting in their 1967 report that it might “contribute to a positive solution to the problems encountered rather than to have to make fruitless criticism ending in deadlock”.1 After the Confer-ence Committee also endorsed the idea, the Committee of Experts spelled out the basic principles the following year: in essence, an ILO representative, either a staff member or an independent person, would at the initiative or with the consent of the government concerned, visit the country to discuss specifi c dif-fi culties with offi cials and would also be in contact with the national workers’ and employers’ organizations. The direct contacts approach soon came to be used for a much broader range of purposes than originally envisaged, particu-larly in the contentious sphere of freedom of association.

    In practical terms, the procedure can perform three main functions: to bring national policy in line with the requirements of ILO standards; to establish the facts underlying effective compliance; and to provide a kind of technical as-sistance. Its main advantages are fl exibility of operation, informality, a pragmatic approach and relative rapidity. In a ten-year review of the experience gained (1969-1979), the Committee of Experts welcomed the results obtained.2

    Valticos who directly and indirectly had been so closely involved in all aspects of the direct contacts enterprise found himself “in the eye of the storm” during the ups and downs of the dramatic “Solidarity” case which contributed signifi cantly to the end of the Cold War. As representative of the Director-Genera