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LES NORMANDS EN SICILE Du XI e siècle, dans nos souvenirs d’écolier, l’on retient généralement deux évènements : la bataille d’Hastings (1066) et la première croisade (1096-1099). A ces deux évènements, on associe deux noms : Guillaume le Conquérant pour le premier, Godefroy de Bouillon pour le second. Avant de se distinguer par leurs hauts faits d’armes, Guillaume le Conquérant est duc de Normandie, Godefroy de Bouillon est duc de Basse-Lotharingie. Le premier revendique une couronne, le second un lieu saint. A la même époque, des Normands, inconnus, de basse extraction, quittent la région qui les a vus naître pour partir à l’aventure. Ils vont s’illustrer en Italie méridionale et en Sicile. Nos programmes d’histoire n’ont pas retenu leur épopée. Ces « héros » Normands qui règneront sur l’Italie méridionale et la Sicile sont des fils de Tancrède de Hauteville, un petit seigneur de Hauteville-La-Guichard, près de Coutances dans la Manche. Tancrède a cinq fils de sa première épouse, sept de la deuxième. Les plus illustres d’entre eux ont pour nom Guillaume « Bras-de-Fer », Robert « Guiscard », c'est-à-dire le rusé, Roger I er , dit « Le Grand Comte » et Roger II. « UN ACCIDENT DE L’HISTOIRE ? » Géopolitique de l’Europe au XI e cartes Au début du XI e , l’Empire Germanique occupe la partie nord de l’Italie ; l’Apulie (ancien nom de la Pouille) est lombarde ; la Calabre est byzantine et la Sicile musulmane. Les Etats Pontificaux voisins ont un rôle prééminent. L’Europe en l’an mil L’Italie en l’an mil Les chroniqueurs Nous pouvons raconter cette aventure grâce aux chroniques de l’époque. Il s’agit principalement de : - L’Alexiade de Anne Comnène, la fille de l’empereur byzantin Alexis I er Comnéne, qui, bien sûr, exècre les Normands et ne reconnaît de mérites qu’à son père, l’empereur. - Ystoire de li Normant de Aimé du Mont-Cassin, moine bénédictin de l’abbaye de Monte- Cassino. - Une biographie, ou plutôt une hagiographie, de Roger de Hauteville, écrite à la demande de ce dernier par Geoffroi Malaterra, moine bénédictin à l’abbaye de Saint-Evroult en Pays d’Ouche. - Les Gesta Roberti Guiscardi de Guillaume d’Apulie, œuvre en vers, favorable aux Lombards. - Le livre de Roger, du géographe Al-Idrisi, écrit en arabe. - L’Historia Ecclesiastica de Orderic Vital, moine et historien du Moyen âge central.

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LES NORMANDS EN SICILE

Du XIe siècle, dans nos souvenirs d’écolier, l’on retient généralement deux évènements : la bataille d’Hastings (1066) et la première croisade (1096-1099). A ces deux évènements, on associe deux noms : Guillaume le Conquérant pour le premier, Godefroy de Bouillon pour le second. Avant de se distinguer par leurs hauts faits d’armes, Guillaume le Conquérant est duc de Normandie, Godefroy de Bouillon est duc de Basse-Lotharingie. Le premier revendique une couronne, le second un lieu saint. A la même époque, des Normands, inconnus, de basse extraction, quittent la région qui les a vus naître pour partir à l’aventure. Ils vont s’illustrer en Italie méridionale et en Sicile. Nos programmes d’histoire n’ont pas retenu leur épopée. Ces « héros » Normands qui règneront sur l’Italie méridionale et la Sicile sont des fils de Tancrède de Hauteville, un petit seigneur de Hauteville-La-Guichard, près de Coutances dans la Manche. Tancrède a cinq fils de sa première épouse, sept de la deuxième. Les plus illustres d’entre eux ont pour nom Guillaume « Bras-de-Fer », Robert « Guiscard », c'est-à-dire le rusé, Roger Ier, dit « Le Grand Comte » et Roger II. « UN ACCIDENT DE L’HISTOIRE ? » Géopolitique de l’Europe au XIe cartes Au début du XIe, l’Empire Germanique occupe la partie nord de l’Italie ; l’Apulie (ancien nom de la Pouille) est lombarde ; la Calabre est byzantine et la Sicile musulmane. Les Etats Pontificaux voisins ont un rôle prééminent.

L’Europe en l’an mil L’Italie en l’an mil

Les chroniqueurs Nous pouvons raconter cette aventure grâce aux chroniques de l’époque. Il s’agit principalement de :

- L’Alexiade de Anne Comnène, la fille de l’empereur byzantin Alexis Ier Comnéne, qui, bien sûr, exècre les Normands et ne reconnaît de mérites qu’à son père, l’empereur.

- Ystoire de li Normant de Aimé du Mont-Cassin, moine bénédictin de l’abbaye de Monte-Cassino.

- Une biographie, ou plutôt une hagiographie, de Roger de Hauteville, écrite à la demande de ce dernier par Geoffroi Malaterra, moine bénédictin à l’abbaye de Saint-Evroult en Pays d’Ouche.

- Les Gesta Roberti Guiscardi de Guillaume d’Apulie, œuvre en vers, favorable aux Lombards. - Le livre de Roger, du géographe Al-Idrisi, écrit en arabe. - L’Historia Ecclesiastica de Orderic Vital, moine et historien du Moyen âge central.

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Grâce à ce dernier, nous connaissons le règne de Richard II, duc de Normandie. Ce duc normand usait et abusait du droit d’ullac : il pouvait mettre hors-la-loi et bannir sans aucun jugement toute personne rétive à son autorité en la dépouillant de tout son patrimoine. Si cette politique n’encourage guère les enfants Hauteville à rester en Normandie, ce sont surtout la pauvreté, le patrimoine insuffisant des petits seigneurs, la transmission de ce patrimoine au seul aîné ce qui ne laisse rien aux cadets, le manque de terres combiné à une forte poussée démographique qui incitent les fils de Tancrède à tenter l’aventure ailleurs. Les pèlerinages ont aussi leur rôle dans cet exode. En 492, une grotte est dédiée à l’archange Saint-Michel au Mont Gargano dans les Pouilles. Vers 708, un autre sanctuaire consacré à Saint-Michel, sur le modèle de celui du Mont Gargano, est fondé sur le Mont Tombe. C’est le Mont Saint-Michel. Les pèlerins en route pour Rome ou pour Jérusalem font une halte au Mont Gargano et découvrent ce qu’ils considèrent comme l’Eldorado méditerranéen. Ce sera la destination des Hauteville. Les Normands réussiront grâce à :

- la faiblesse militaire des autochtones et les rivalités intestines entre leurs princes. (Salerne, Capoue, Bénévent, Amalfi)

- la puissance des châteaux qu’ils édifient pour tenir le pays conquis (les castrum ou mottes castrales). [ Châteaux qui n’existaient pas en Sicile - les normands introduisent la féodalité]

- leur volonté de s’intégrer à la noblesse locale par mariage avec des femmes indigènes. - leur capacité à s’adapter à la culture du pays conquis. - le recours aux compétences des vaincus pour les installer à des postes de responsabilité. - leur supériorité sur le champ de bataille : l’Historien Jean-Yves Frétigné précise : « La

technique des chevaliers normands est d’une redoutable efficacité. Avec leur casque à pointe muni d’un protège-nez, leur cotte de mailles descendant jusqu’aux genoux, leur écu en forme d’amande, leur épée longue de 90 centimètres, mais moins lourde et donc plus maniable, leur lance de 2 mètres tenue coincée contre le flanc avec le coude, ils réussissent à s’imposer sur les champs de bataille aussi bien en Angleterre qu’en Italie. La technique des fuites simulées pour mieux contre-attaquer, telle qu’elle nous est décrite par la tapisserie de Bayeux, a certainement aussi été utilisée en Sicile. S’ils sont novateurs dans les combats à cheval et dans la construction de châteaux sur mottes à partir desquels ils s’assurent le contrôle des pays qu’ils viennent de soumettre, les Normands savent aussi emprunter les techniques de leurs voisins, comme celle byzantine d’embarquer les chevaux, ou celle arabe et byzantine à la fois de l’art du siège. »

Construction d’un castra Assaut d’un castra Plan d’une motte castrale

La conquête de l’Italie méridionale

A leur arrivée, les normands sont des aventuriers, des brigands qui se livrent au pillage. Ils sont vite jugés indésirables. Mais ils sont très appréciés pour leur vaillance de guerriers. On les engage rapidement comme mercenaires. L’un d’entre eux, Rainolf, (qui n’est pas un Hauteville) reçoit en échange de sa prestation le territoire d’Aversa, près de Naples. Il reçoit le titre de Comte. Il est le premier normand à recevoir un fief et un titre en échange de ses bons services. Guillaume Bras de Fer, Drogon et Onfroi (tous les trois fils de Murielle, la première femme de Tancrède) s’emparent de l’Apulie qu’ils partagent en douze comtés.

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Puis arrive Robert Guiscard (le fils aîné de Fressegarde, la seconde femme de Tancrède) qui, après plusieurs années d’errance et de misère s’empare de la Calabre. L'épitaphe de ce conquérant normand exprime parfaitement le souvenir qu'en ont gardé ses contemporains : « Ici repose Robert Guiscard, la terreur du monde ". Pour l’anecdote, cette mauvaise réputation n’empêche pas Geoffroy de Montbray, alors évêque de Coutances, de rendre visite à Robert Guiscard en Italie ( Robert Guiscard est un ancien paroissien de Coutances) et de revenir avec moult trésors pillés par ce dernier, y compris dans les églises italiennes … qui lui permettront de terminer les travaux de la cathédrale. Anecdote que j’aime raconter car je suis né à Coutances et que je n’ai découvert l’existence de cet apport financier que très récemment. La papauté, de laquelle relève le Bénévent, et Byzance qui possède la Calabre, ne peuvent tolérer cette présence normande. Ils réunissent une armée de coalition qui est défaite à Civitate (Pouilles) en 1053. Le souverain pontife, Léon IX, est fait prisonnier et est contraint de reconnaître le pouvoir des Normands. En 1059, son successeur, Nicolas II, investit Richard d’Aversa (fils de Rainolf), Prince de Capoue et Robert Guiscard, Duc des Pouilles et de Calabre. Un an plus tard débute la conquête de la Sicile.

Le Pape Nicolas II investit Robert Guiscard, duc des Pouilles et de Calabre" - 1059

La cathédrale de Coutances Guillaume Bras de Fer

La conquête de la Sicile La Sicile est musulmane. Un musulman, Ibn Al-Thumma, propose la souveraineté d’une partie de l’île à Robert Guiscard en échange de son aide pour éliminer les autres caïds. Robert Guiscard ne peut se passer de cette aide. Car pour conquérir la Sicile, il faut franchir le détroit de Messine. Or, nos chevaliers normands ne connaissent rien à la navigation. Après deux échecs, Robert Guiscard et son frère Roger s’emparent de Messine. Catane tombe en 1071. Palerme négocie sa reddition en 1072. Syracuse passe sous le contrôle des Normands en 1088.

Robert Guiscard et le Grand Comte Roger Ier Roger Ier recevant les clés de Palerme

Le Royaume de Sicile A la mort de Roger Ier , qui n’était que Comte de Sicile, son deuxième fils, Roger II, lui succède et devient Roi de Sicile. La Sicile n’est plus alors une province, comme elle l’avait été pendant les périodes romaine et grecque. Elle n’est plus un thème de l’empire byzantin ni un émirat.

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Elle est un royaume. Ce royaume comprend l’île de Sicile mais aussi la Calabre,Naples. Ce qui explique qu’encore aujourd’hui, cette période reste gravée dans la mémoire des siciliens. Elle représente l’âge d’or de la Sicile.

Roger II couronné par le Christ

Eglise de la Martorana de Palerme

L’EXCEPTION SICILIENNE Entre féodalité et absolutisme Si la Sicile fait alors figure d’excroyaume. C’est aussi parce qu’ellerappelons-le, au XIe. Sans toutefois abolir le système féodal. Exceptionnelle également par la cohabitation pacifique des religions musulmane, catholiquegrecque, latine et normande ; le mélange des influences byzantine, matière d’architecture. Donc, pour l’époque, Le Roi de Sicile Roger II est intelligentqu’il organise. Il a l’habileté d’accepter une certaine forme de vassalité à l’égard du Vatican tout en imposant sa vision de la légation apostoliq Un Roi, un Basileus, un Caïd Au Royaume de Sicile, l’arabe est une des langues officielles de l’administration royale. Les musulmans, sujets du roi, ne sont pas persécutés. Ils sont dans la même situation juridique que les chrétiens quand l’île était sous la domination des Fatimides. Ils paient la vilains (paysans libres, par rapport aux serfs)vivent à la Cour, tel Al-Idrisi, géographe et panégyriste de Roger II. Si l’on regarde le couronnement de Roger II peut voir que le roi est revêtu des insignes propres àtunique- et la couronne sertie de pierres précieuses.) tissé dans le tiraz de Palerme et comportant desporter ! Le royaume a un centre du pouvoir bien défini, le Palais Royal, le Palerme. La légation apostolique 20 ans après le début de la conquête, Roger Iproteste car il est le seul, en principe, à détenir ce pouvoir. Cependant, la substitution de l’épiscopat grec par un épiscopat latin satisfait Rome. Le Paen nommant un légat dans l’île. Un bras de fer s’engage entre les deux parties. En 1098, une bulle pontificale prévoit que la nomination d’un légat est subordonnée à l’accord du Comte. De plus, le Grand Comte Roger obtient le privilège de pouvoir remplacer luiabsent de l’île. Ce privilège ne sera aboli qu’en 1871.

Ce royaume comprend l’île de Sicile mais aussi la Calabre,Ce qui explique qu’encore aujourd’hui, cette période reste gravée dans la mémoire des

siciliens. Elle représente l’âge d’or de la Sicile.

Manteau de couronnement de Roger II

Le lion terrasse le dromadaire

L’inscription coufique indique que le manteau a été tissé dans le

L’EXCEPTION SICILIENNE

Si la Sicile fait alors figure d’exception, ce n’est pas seulement parce qu’elle est devenue un royaume. C’est aussi parce qu’elle constitue une première expérience d’absolutisme et ceci,

. Sans toutefois abolir le système féodal. Exceptionnelle également par la ion pacifique des religions musulmane, catholique et orthodoxe ; des langues arabe,

; le mélange des influences byzantine, chrétiennepour l’époque, une période de très grande toléra

est intelligent. Il consolide son pouvoir par le biais des Assises d’ArianoIl a l’habileté d’accepter une certaine forme de vassalité à l’égard du Vatican tout en

imposant sa vision de la légation apostolique.

Au Royaume de Sicile, l’arabe est une des langues officielles de l’administration royale. Les musulmans, sujets du roi, ne sont pas persécutés. Ils sont dans la même situation juridique que les

t sous la domination des Fatimides. Ils paient la dijiziya(paysans libres, par rapport aux serfs). Bref, ils sont dhimmi à leur tour

Idrisi, géographe et panégyriste de Roger II. Si l’on regarde le couronnement de Roger II tel qu’il est représenté à l’église de la Martorana, peut voir que le roi est revêtu des insignes propres à l’empereur byzantin. (la

sertie de pierres précieuses.) Tant qu’à son manteau de couronnement, de Palerme et comportant des inscriptions coufiques, un

Le royaume a un centre du pouvoir bien défini, le Palais Royal, le Palais des Normands

20 ans après le début de la conquête, Roger Ier nomme un évêque de rite latin. Le Pape Grégoire proteste car il est le seul, en principe, à détenir ce pouvoir. Cependant, la substitution de l’épiscopat grec par un épiscopat latin satisfait Rome. Le Pape Urbain II met fin à ce en nommant un légat dans l’île. Un bras de fer s’engage entre les deux parties. En 1098, une bulle pontificale prévoit que la nomination d’un légat est subordonnée à l’accord du Comte. De plus, le

btient le privilège de pouvoir remplacer lui-même le légat si ce dernier est absent de l’île. Ce privilège ne sera aboli qu’en 1871.

Ce royaume comprend l’île de Sicile mais aussi la Calabre, les Pouilles et Ce qui explique qu’encore aujourd’hui, cette période reste gravée dans la mémoire des

Manteau de couronnement de Roger II

Le lion terrasse le dromadaire

dans le tiraz du Palais de Palerme

eption, ce n’est pas seulement parce qu’elle est devenue un constitue une première expérience d’absolutisme et ceci,

. Sans toutefois abolir le système féodal. Exceptionnelle également par la ; des langues arabe,

chrétienne et musulmane en une période de très grande tolérance.

son pouvoir par le biais des Assises d’Ariano Il a l’habileté d’accepter une certaine forme de vassalité à l’égard du Vatican tout en

Au Royaume de Sicile, l’arabe est une des langues officielles de l’administration royale. Les musulmans, sujets du roi, ne sont pas persécutés. Ils sont dans la même situation juridique que les

dijiziya et ont le statut de ! Les plus privilégiés

à l’église de la Martorana, on l’empereur byzantin. (la dalmatique –

’à son manteau de couronnement, , un caïd aurait pu le

Palais des Normands de

nomme un évêque de rite latin. Le Pape Grégoire proteste car il est le seul, en principe, à détenir ce pouvoir. Cependant, la substitution de

pe Urbain II met fin à ce modus vivendi en nommant un légat dans l’île. Un bras de fer s’engage entre les deux parties. En 1098, une bulle pontificale prévoit que la nomination d’un légat est subordonnée à l’accord du Comte. De plus, le

même le légat si ce dernier est

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Les Assises d’Ariano (Campanie) 1140 Roger II réunit une assemblée de vassaux à Ariano en Campanie et édicte un ensemble de règles. Les Assises d’Ariano constituent un corpus de lois tirant leur substance de règles juridiques normandes et françaises, mais aussi musulmanes et byzantines. Elles régissent la propriété privée, la propriété publique, l'église, le code civil, les finances royales et l’armée. Pour donner légitimité et force à sa capacité de faire des lois, Roger la déclare venir directement de Dieu. La mise en discussion des jugements et des décisions du roi est sacrilège (notion de crime de lèse-majesté)… Les faussaires de lettres royales sont punis de mort. Roger II interdit la guerre entre barons, les représailles et les attaques de châteaux. Les barons qui commettent des pillages peuvent se voir confisquer tous leurs biens. Le maintien de la paix à l’intérieur du royaume fait l’objet d’un serment de fidélité de la part des vassaux. Toute perturbation est qualifié d’infidelitas. Les peines prévues sont de trois types : pécuniaire, privation de liberté et peines corporelles. Dans ces Assises, Roger II rappelle la théorie des deux glaives, le matériel et le spirituel. Il déclare vouloir défendre les droits de l’Eglise « avec le glaive matériel concédé directement par Dieu ». Ce à quoi rétorque Boniface XIII : « L’un et l’autre glaive relèvent de la puissance de l’Eglise ». [ Concordat 1801 – Pie VII – Bonaparte ] Les projets impérialistes Les Normands ne limitent pas leurs ambitions expansionnistes à la seule péninsule italique. Robert Guiscard n’hésite pas à se lancer à la conquête de l’empire byzantin. Il y meurt en 1085 dans l’île de Céphalonie (île ionienne). Roger II reprend en main l’œuvre de Robert Guiscard et prend Corfou en 1147. Les Normands razzient Thèbes en Grèce. 40 de leurs vaisseaux parviennent jusqu’à Constantinople. Les Normands pillent les environs. Roger II tente également une expansion vers l’Ifriqiya, l’actuelle Afrique du Nord. Il prend l’île de Malte et celle de Djerba en 1135. Il s’empare de Tripoli en 1146, de Gabès, de Sousse et de Mahdiyya (Tunisie) en 1148. Le patrimoine architectural Je cite encore Jean-Yves Frétigné « À l’instar de la nature de la royauté normande, l’architecture du XIIe siècle est profondément éclectique. On y trouve des influences françaises, byzantines, italiennes et arabes. Ainsi, les différentes cathédrales édifiées par les rois normands à Catane, à Cefalù ou encore à Palerme s’inspirent des édifices religieux bâtis en Italie ou en France, mais leurs décorations intérieures, faites de mosaïques réalisées le plus souvent par des artisans arabes, relèvent de la tradition byzantine. Une des plus belles et des plus saisissantes réussites de cette synthèse est la cathédrale de Monreale. Elle possède un cloître avec deux cent vingt-huit colonnettes, toutes décorées de motifs différents s’inspirant de l’art islamique. »

La cathédrale de Cefalù Le Palais des Normands - Palerme La cathédrale de Palerme

La cathédrale de Monreale : parfait exemple du style « arabo-normand byzantin »

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La mémoire Les Normands tiennent une place importante dans la mémoire des Siciliens d’aujourd’hui : les charrettes peintes, l’opera dei Pupi, les fêtes comme celle du Palio dei Normanni à Piazza Armerina ou la danse de Tataratà à Casteltermini, dans la province d’Agrigente, continuent de célébrer la geste des Normands, champions de la lutte du bien contre le mal et héros de l’indépendance de l’île. Les Siciliens gardent la nostalgie de l’époque normande comme étant la seule période de leur histoire où ils eurent un roi et un gouvernement qui leur soient propres.

Le Palio des Normands

Piazza Armerina

Opera dei Pupi Charrette sicilienne Festa Tataratà

Casteltermini

La Normandie conserve elle aussi des traces de cette mémoire par le biais du culte de Sainte-Agathe de Catane (sainte du IIIe siècle à qui on arracha les seins). Elle apparaît dans les vitraux de l’église de Quettreville-sur-Sienne dans la Manche, dans un bas-relief de l’Eglise du Fournet dans le Calvados ainsi que dans son blason (une paire de tenailles). Mais aussi dans d’autres communes de Normandie comme Rémilly sur Lozon, Verneuil sur Avre, Loucé, Notre-Dame d’Estrées. Dans la Manche, nous avons un Musée Tancrède à Hauteville la Guichard et une tapisserie relatant l’histoire des Normands au Château de Pirou. Sans oublier les statues de Tancrède et ses six fils Drogon, Onfroi, Guillaume Bras de Fer, Robert, Herman et Roger qui ornent la cathédrale de Coutances. PEUT-ON INTERPRETER L’HISTOIRE ? Les chroniqueurs du XIe et du XIIe ont parfois exagéré la vaillance et la supériorité normande. Les historiens sérieux d’aujourd’hui ont pour tâche de démêler ce qui relève du mythe ou de l’Histoire. Grâce aux archéologues, aux archives, aux médiévistes, nous sommes en mesure de proposer une « vérité historique » … qui reste malgré tout sujette à diverses interprétations quand on raisonne en homme du XXe ou du XXIe. 1 On encense Roger II pour sa grande tolérance. Nous sommes encore loin de l’époque des Lumières. Je vois plutôt chez lui l’intelligence, la capacité d’adaptation, le pragmatisme. Les effectifs de ce que l’on pourrait appeler « les troupes normandes d’occupation » sont faibles. D’où l’impérieuse nécessité de travailler avec les byzantins, les musulmans ou les lombards. L’on retiendra de cette expérience que des populations d’origines et de confessions diverses peuvent vivre ensemble. Rassembler ce qui était épars aura fait la force et la richesse de la Sicile normande. 2 Conquête de la Sicile ou libération de la Sicile ? Un sicilien catholique préfère parler de libération car les Normands ont chassé les musulmans ! Idem pour un adepte de la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington. Il est vrai que cette conquête s’est faite avec la bénédiction et les encouragements du pape qui voyait là un moyen de christianiser l’île… Pour les Normands, on peut dire sans risque que cette conquête nouvelle permettait d’assouvir leur soif inextinguible de richesses et de pouvoir. 3 Pourquoi ce chapitre de l’histoire n’est pas enseigné ? Les origines « plébéiennes » et les turpitudes des normands les rendent peut-être indignes d’y figurer. De plus, ils ne se battent ni pour le compte du roi des Francs (Philippe Ier), ni pour celui de Guillaume le Conquérant. Ils ne participent pas à la Croisade. Ils se battent pour leur propre compte. Ce qui n’est peut-être pas un exemple à donner !

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Annexe Après Roger II : Guillaume Ier 4ème fils de Roger II 1154/1166 Guillaume II fils de Guillaume Ier 1166/1189 pas d’héritier Tancrède de Lecce petit-fils de Roger II – cousin germain de Guillaume II 1189/1194 Guillaume III fils de Tancrède de Lecce 1194 châtré yeux crevés (Henri VI) Henri VI (Saint-Empire) mari de Constance de Hauteville 1194/ ? Frédéric II de Hohenstaufen fils de Henri VI et de Constance, fille de Roger II 119./1250

BIBLIOGRAPHIE

« La terreur du monde - Robert Guiscard et la conquête normande en Sicile »

Huguette Tavaiani-Carozzi Fayard

« Italies normandes XIe-XIIe » Jean-Marie Martin Hachette

« Histoire de la Sicile » Jean-Yves Frétigné Fayard

« Les Normands en Méditerranée aux XIe-XIIe Pierre Bouet

François Neveux

Presses universitaires de Caen

« Les Normands en Sicile » Antonino Buttitta

Jean-Marie Martin

Musée de Normandie - Caen

« L’empreinte des Normands » Hélène Boivin Normandie Magazine

« Les Normands en Méditerranée aux XIe-XIIe « Dossiers d’Archéologie » N° 299

« L’Europe au Moyen Âge » Georges Duby Flammarion

« Art et société au Moyen Âge » Georges Duby Editions du Seuil