Les nobles en France sous l'Ancien Régime, fiche technique

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Ancien Régime est le nom de baptême donné à posteriori par les révolutionnaires, désignant le régime de monarchie administrative dite absolutiste des XVI , XVII et XVIIIème siècles. Il s’oppose aux régimes de type modernes et fait référence aux ténèbres, en direct contraste avec l’idée de Lumière. On développe ici la crise d’identité de la noblesse au XVIIIème.

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Fiche technique Alexandre Dallemagne 10/11/2005

Les nobles en France sous l’Ancien Régime

Ancien Régime: nom de baptême donné à posteriori par les révolutionnaires, désignant le régime de

monarchie administrative dite absolutiste des XVI , XVII et XVIIIème siècles. Il s’oppose aux régimes

de type modernes et fait référence aux ténèbres, en direct contraste avec l’idée de Lumière.

Trois grands temps: -sa maturité au XVIème

-son apogée pendant le Grand siècle (victoire de l’Etat monarchique sur la

Nation, équilibre éphémère entre l’appareil royal et les corps sociaux)-le règne

de Louis XIV

-son âge critique (rupture de l’équilibre)-La Régence, Louis XV et Louis XVI

I) Le temps des vanités ? ou la crise d’identité de la noblesse au

XVIIIème:

a) Une noblesse qui, bien que divisée, reste omniprésente

Bien que représentant 1 à 2% de la population, elle possède un rôle central dans une société taillée à sa

mesure depuis des siècles:

La coutume comme fondement du droit public et privé justifie ses privilèges, ses libertés et ses

franchises divers (port de l’épée, d’armoiries, jugement au civil par le bailli, au Criminel par le

Parlement, criminel décapité et non pendu, privilège de la chasse)

Dans ce système corporatif et hiérarchisé, toutes les professions lui sont ouvertes et certaines presque

exclusivement (diplomatie, officiers de l’armée, hautes charges ecclésiastiques, haute administration,

direction d’un ministère).

Dans une société qui reste très catholique, elle conserve une influence notoire sur le clergé (la plus part

des évêques sont issus de la noblesse comme Talleyrand et Bossuet).

Cette noblesse est malgré tout très divisée, émiettée (des noblesses)

Les Grands ou « prince de sang » (parents du roi, les Conti, les Bourbons, les Orléans), la noblesse

d’Epée, de Robe, de Cour, provinciale..

Des degrés de richesse, des ambitions, des statuts différents: une noblesse polyphonique et hétérogène.

Ex: le conflit intranobiliaire suite à la professionnalisation des Parlements en 1781, la dispute des

faveurs royales sous Louis XVI (les courtisans des coteries) entraîne une grande instabilité

ministérielle de 1754 à 1789.

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b)Crise d’identité et malaise

La législation sévère concernant la dérogeance, ie la participation aux activités non nobles ou ignobles

(commerce, l’industrie), porte préjudice au développement de la noblesse commerçante au grand profit

de la bourgeoisie.

Elle souffre des amalgames avec la bourgeoisie en raison de l’imitation de son style de vie et des ses

modes.

Un ordre qui reste riche malgré l’essor de la bourgeoisie d’affaire (détient les plus grandes richesses:

les Condé) mais connaît une certaine perte d’influence, consécutive à l’intérêt croissant des bourgeois

aux affaires du royaume, au vieillissement des corps parlementaires (gérontocratie), au déclin de

l’effort scolaire et à la lenteur des promotions.

Questions face à l’impôt se posent dès 1695, avec l’instauration de la capitation pour tous.

Crise d’utilité: sentiment d’exclusion de la vie politique depuis le règne de Louis XIV, désillusion lors

de la polysynodie (1715-1723, Réforme de l’Etat sous la Régence).

c)Les revendications des deux autre ordres

Remise en cause des foire aux vanités (vente de titre de complaisance), de la vénalité et de l’hérédité

des Offices, de l’anoblissement par Lettre ou par charge.

Discrédit d’une partie de la noblesse: le libertinage, l‘intérêt pour les jeux, l’astrologie, la sorcellerie,

une culture limitée de la haute noblesse par rapport à la noblesse de robe.

Aspirations à l’égalité (impôt).

Ambition forte de la haute bourgeoisie d’accéder aux plus hautes distinctions.

II) Les tentatives d’adaptation et de réformes de la noblesse ne désamorcent

en rien la crise, elles alimentent son discrédit

a) Un ordre de plus en plus imperméable

Accueil glacial réservé aux anoblis est net (on parle de « vilains passés à la savonnette »), surtout après

la crise d’identité amorcée en 1750.

Echec de la formation d’une Gentry à la française.

Aspirations et ambitions bourgeoises redoublent d’intensité sous les apparences d’ouverture

Obstacles mis dans accès des roturiers après 1774 aux charges parlementaires

La monarchie entend, par les biais des lettres de noblesse, récompenser des talents individuels, c’est

introduire une autre définition de la noblesse.

Volonté de se distinguer de la bourgeoisie : culte de la douceur de vivre, de l’oisiveté, principe de non

dérogeance (conserver le corps et l’esprit immaculés du travail de la terre et du trafic de l’argent),

fierté des origines (généalogie, armoiries), qualités morales dues au sang, dédain de l’argent, gardiens

des Lois fondamentales. Cette volonté est d’autant plus fortes que les anoblis tentent de réduire

l’espace qui les séparent encore des nobles. In fine, renforcement de l’éthique nobiliaire.

Egalité constatée au niveau des mœurs loin d’être ancrée dans les lois. Ce décalage montre la

cristallisation d’une noblesse d’une autre temporalité. La fortune, les goûts, l’éducation ont rapproché

les conditions, du moins les opulents roturiers et certains nobles. De même, les lieux de sociabilité, les

journaux, les cercles de discussion (Académies littéraires, loges maçonniques, les salons mondains et

philosophiques), permettent une rencontre intellectuelle de la noblesse et de la roture. Les alliances

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matrimoniales entre nobles roturières sont fréquentes (pour « redorer le blason », « on méprise mais on

épouse »).

b)une réaction nobiliaire forte venant surtout d’une noblesse modeste qui se sent

menacée, symptôme d’une crise profonde dont la haute noblesse tire profit espérant renforcer

son pouvoir

Le très féodal comte de Boullainvilliers justifie la suprématie de la noblesse mais considère

l’absolutisme comme une usurpation (Essai sur la Noblesse 1772, Histoire de l’ancien gouvernement

de la France, 1727). Cette réflexion anti-absolutiste sur les origines de la Nation française tend à

légitimer les privilèges des noble d’un point de vue historique (le droit de conquête germain).

Volonté de renforcer les justices seigneuriales étouffées par les juridictions de l’Etat.

Résurgence douteuse ou abusive des droits seigneuriaux, d’anciens droits tombés en désuétude (grâce

aux feudistes, des techniciens du droit féodal)

L’Edit de Ségur en 1781 tend à exclure les anoblis des cadres de l’armée en exigeant 4 quartiers de

noblesse. Mesure visant à aider la noblesse pauvre

Une métamorphose de la seigneurie qui, d’un conglomérat complexe de propriétés foncières, devient

synonyme d’une exploitation tournée vers le profit commerciale selon l’idéal physiocrate (fin du

contrôle des marchés, libre recourt aux monopoles et à la spéculation ). C’est en quelques sortes, la fin

du paternalisme du roi (devoir de nourrir ses sujets) et de « l’économie morale ». Ainsi, les

expériences libérales de Turgot(1774-1775) ont renforcé les tensions sociale (guerre des Farines en

1775).

c)L’esprit des Lumières auxquelles la noblesse participe amplement

Mirabeau, dans l’Ami des hommes, valorise tout comme le baron de Montesquieu (L’Esprit des Lois,

1748), le rôle des corps intermédiaires et les bornes nécessaires de l’autorité royale (théorie de la

séparation des pouvoirs). Recherche d’un Etat libéral, constitutionnel et décentralisé.

Le courant fénelonien est partisan d’une monarchie décentralisée et tempérée par les Etats généraux .

Naît l’idée d’un despotisme éclairé chez Voltaire, ainsi que l’idée démocratie monarchique.

Critique de l’esprit roturier et intolérant de beaucoup.

Rejet des droits de l’aristocratie usurpés et contraires au droit naturel (Mably).

Un vocabulaire nouveau issu des grands philosophes qui rentre en contradiction avec les fondements

de l’ancien Régime: raison, nature, bonheur à réaliser sur terre, vertu, progrès, liberté, égalité.

Conclusion :

La noblesse, inconsciente, applaudit à la représentation du Mariage de Figaro en 1784 qui la fustige.

Tout en développant un esprit nouveau , la noblesse ne cessa de se cristalliser autour de ses acquis,

s’exposant ainsi à son discrédit.