LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES : Quelle … · 5-.Entretien avec Mme X. 6-.Entretien avec la...
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UNIVERSITE DE NANTES
UFR DE MEDECINE
ECOLE DE SAGES-FEMMES
Diplme dEtat de Sage-femme
LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES :
Quelle prise en charge en maternit ?
Manuella GONCALVES
Ne le 7 aot 1982
Directeur de mmoire : Professeur Henri-Jean Philippe
Promotion 2002-2007
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Depuis la nuit des temps,
Lpoque nolithique, puis pharaonique,
Jusquau 3me millnaire,
Une pratique inimaginable a t cre par
lhomme
Et ralise par les femmes contre les
femmes :
LES MUTILATIONS SEXUELLES
FEMININES
Lorsquune coutume traverse les ethnies, les classes sociales, les
formations conomiques les religions, les continents ce nest plus une
coutume, cest une politique. Admettons quune coutume ne se juge pas, du
moins de lextrieur, une politique inversement se juge et se combat de
l extrieur comme de l intrieur .
S. Auffret [3]
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SOMMAIRE
INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 1
1re partie: Les Mutilations sexuelles fminines,
De quoi parle t-on?
1.1.LE CONTEXTE HISTORIQUE .......................................................................................................... 2
1.2. LES DIFFERENTS TYPES DE MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES ................................... 3 1.2.1. Les repres morphologiques .......................................................................... 3
1.2.2. Classification .................................................................................................. 4
1.3. DESCRIPTION DES OPERATIONS ............................................................................................... 7 1.3.1. En Afrique ...................................................................................................... 7
1.3.2. En France..................................................................................................... 11
1.4. POUR QUELLES RAISONS LES MUTILATIONS .SEXUELLES .FEMININES SONT-ELLES PRATIQUEES ? .................................................................................................................................... 12
1.4.1. Raisons psycho-sexuelles ............................................................................ 12
1.4.2. Raisons sociologiques .................................................................................. 13
1.4.3. Raisons religieuses ...................................................................................... 13
1.4.4. Raisons dordre esthtique et hyginique ..................................................... 14
1.4.5. Rle sur la fcondit ..................................................................................... 14
1.4.6. Raisons conomiques .................................................................................. 14
1.4.7. Raisons mythiques ....................................................................................... 15
1.5. UN VERITABLE PROBLEME DE SANTE PUBLIQUE ................................................................ 15 1.5.1. Rpartition gographique et prvalence ....................................................... 15
1.5.2. Les complications des M.S.F. ....................................................................... 19
1.5.3. Le cadre lgislatif ......................................................................................... 27
1.5.4. La lutte contre les MSF, en France et dans le monde ................................... 31
1.6. LHOMME ET LES MSF ................................................................................................................ 34
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2me partie: Prise en charge actuelle des MSF en maternit
2.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................ 36
2.2. ETUDE DESCRIPTIVE SUR LES CONNAISSANCES DES SAGES-FEMMES ET LA PRISE EN CHARGE ACTUELLE DES MSF DANS LES MATERNITES DE LOIRE-ATLANTIQUE ................... 37
2.2.1. Objectif ......................................................................................................... 37
2.2.2. Matriel et mthode ...................................................................................... 37
2.2.3. Descriptif de lchantillon .............................................................................. 37
2.2.4. Rsultats ...................................................................................................... 39
2.2.5. Discussion .................................................................................................... 44
2.3. PRISE EN CHARGE DES MSF AU CHU DE NANTES ................................................................ 48 2.3.1. Introduction .................................................................................................. 48
2.3.2. Mise au point effectue par le groupe de travail ........................................... 49
2.3.3. La rparation chirurgicale des MSF au CHU de Nantes ............................... 53
2.4. LA SAGE-FEMME ET LES MSF : MISE AU POINT ET PROPOSITIONS POUR UNE PRISE EN CHARGE OPTIMALE DES FEMMES MUTILEES SEXUELLEMENT EN MATERNITE .................... 56
2.4.1. Introduction .................................................................................................. 56
2.4.2. La formation des sages-femmes .................................................................. 56
2.4.3. La grossesse : moment privilgi pour le dpistage et la prvention des MSF
............................................................................................................................... 57
2.4.4. Le travail et laccouchement ......................................................................... 59
2.4.5. Le post-partum ............................................................................................. 60
2.4.6. Actions dinformation, de prvention et de sensibilisation des familles ......... 62
CONCLUSION ...................................................................................................................................... 64 BIBLIOGRAPHIE ANNEXES 1-.Rpartition des MSF dans le monde
2-.Les conventions internationales 3-.La dsinfibulation chirurgicale et la rfection du clitoris 4-.Questionnaire destin aux sages-femmes des maternits de Loire-Atlantique 5-.Entretien avec Mme X. 6-.Entretien avec la psychologue du CHU de Nantes (participant la prise en charge des femmes mutiles sexuellement) au sujet dune patiente demandant une rfection du clitoris. 7-.Recommandations de lAcadmie nationale de mdecine visant lradication des MSF 8-.Document mis la disposition des patientes dans les salles dattente dIle de France
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9-.Plaquette dinformations ralise dans le cadre du mmoire
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Introduction
Aujourdhui en 2006, alors que la technologie et la mdecine ont fait dimmenses
progrs, il nous faut encore lutter contre toutes sortes de violences. Depuis des dcennies,
la violence faite aux femmes na pas cess, et elle existe dans toutes les socits et toutes
les couches sociales.
En Afrique, terre de traditions et de cultures qui mritent dtre reconnues et apprcis, les
droits de la personne humaine, sa dignit et lintgrit de son corps sont bafous par la
pratique des MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES.
Mme si certaines associations luttent depuis de nombreuses annes en France et
en Afrique (continent le plus touch) pour mettre fin cette pratique traditionnelle violente et
dgradante, en ce moment mme, des millions de femmes, denfants et de jeunes filles sont
encore dans la souffrance, violentes, mutiles et humilies au plus profond delles-mmes.
La prise de conscience rcente par le milieu mdical de la pratique de ces mutilations
sexuelles fminines en France a permis la mise en place dactions dinformation, de
prvention et de prise en charge des complications.
Dans un premier temps, aprs une description des mutilations sexuelles fminines,
des raisons invoques pour leur pratique et des complications provoques, nous aborderons
laspect lgislatif qui encadre cette pratique en France
Dans un second temps, aprs un tat des lieux sur les connaissances des sages-femmes en
terme de mutilations sexuelles et sur la prise en charge de ces femmes mutiles en Loire-
Atlantique, nous ferons une mise au point, travers la pratique du CHU de Nantes, sur les
actions mettre en place pour optimiser la prvention et la prise en charge des mutilations
sexuelles fminines en maternit.
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1re
partie : Les mutilations sexuelles fminines :
De quoi parle t-on ?
1.1.Le contexte historique
Les mutilations sexuelles fminines (MSF) pourraient remonter plus de six mille
ans. Elles auraient pour origine la rgion du Haut-Nil et auraient t largement pratiques
lpoque des pharaons. Larchologie en apporte un tmoignage travers la dcouverte,
dans les annes 1920, de deux cadavres fminins datant du Nolithique infrieur dans les
tourbires de lAllemagne du Nord, en Westphalie. Les corps en bon tat de conservation,
ont pu tre identifis comme ceux de deux femmes provenant dEgypte lpoque
pharaonique, qui se trouvaient en Europe pour des raisons inconnues. [4, 22]
Dj, en lan 700 avant J.C., Hrodote mentionne lexcision, et cest de l que proviendrait le
nom excision pharaonique ou circoncision pharaonique pour voquer linfibulation
pratique en Afrique de lEst. [55, 61]
La premire mention crite de lexcision, galement gyptienne, se trouve dans le quinzime
papyrus grec du British Musum, datant de 163 avant J.C. [4]
Dorigine paenne, lexcision sest donc dveloppe bien avant lapparition des religions
monothistes (chrtienne, juive ou musulmane).
La clitoridectomie nest pas un phnomne purement africain. Elle a fait partie
intgrante de la mdecine en Europe et aux Etats Unis. Bien que lhistoire ait retenu surtout
le nom du docteur Isaac Baker Brown (1812-1873), gyncologue de renom Londres,
nombreux furent les mdecins qui soignrent les cas dhystrie, de migraine, dpilepsie ou
de nymphomanie. Aux Etats-Unis, on plaidait pour la suppression de ces organes car le
diable y logeait . Lexcision fut ainsi pratique jusquen 1925 de faon officielle, mais le
dernier cas recens date de 1948 sur une fillette de cinq ans en Angleterre. [13, 55]
Lhistoire de lexcision devient ensuite aussi celle de sa dnonciation, et du conflit culturel
qui allait en natre. Cest en Afrique du sud, en 1920, que, pour la premire fois, des voix
slvent contre elle.
Avec limmigration noire africaine en Europe, les mutilations sexuelles fminines se
sont donc dveloppes en France depuis les annes 1970-1980. [15]
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1.2. Les diffrents types de mutilations sexuelles fminines
1.2.1. Les repres morphologiques
Un bref rappel descriptif de lappareil gnital externe fminin parat ncessaire une
bonne comprhension des mutilations voques.
Les structures anatomiques sur lesquelles portent ces oprations forment les parties
constitutives de la vulve. Trois aires anatomiques peuvent tre isoles :
- les formations labiales qui comprennent les grandes et petites lvres (ou nymphes),
- la fente vulvaire, qui comprend respectivement davant en arrire le vestibule, le mat
urtral et lorifice vaginal,
- lappareil rectile : il est compos du clitoris et des bulbes vaginaux constitus de deux
formations comprenant les corps caverneux enfouis la base des petites lvres. Le clitoris,
petit organe vaguement cylindrique est situ au sommet du vestibule. Il est partiellement
recouvert par le capuchon ou prpuce clitoridien, repli cutano-muqueux dvelopp aux
dpens des petites lvres, et se termine par le gland, arrondi et lgrement renfl.
Figure n1 : La vulve
Source : www.groupeelva.org/HTML/anato; html
La vulve est particulirement riche en vaisseaux sanguins et est remarquablement innerve.
Il existe son niveau des rcepteurs sensitifs, ceux-ci sont trs nombreux sur les petites
lvres et dautant plus quon sapproche du clitoris. Ils permettent la sensibilit la pression,
au froid et au contact lger. Les corpuscules de Krause-Finger, dits de la volupt, sont
retrouvs au niveau du gland clitoridien et font de celui-ci un vritable organe sensoriel
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gnital malgr sa petite taille. Le systme clitoridien dans son ensemble, a un rle
important dans la rponse sexuelle de la femme. [8, 15]
1.2.2. Classification
Les mutilations sexuelles fminines sont diverses. Elles ont en commun laltration
irrversible, la destruction des organes gnitaux externes fminins.
Depuis 1996, lOrganisation Mondiale de la sant (O.M.S.) les classe en quatre types :
- Type I : La Circoncision fminine
Appele de faon errone SUNNA (arabe = tradition), elle consiste en la rsection
du seul capuchon ou prpuce clitoridien.
Selon lAcadmie nationale de mdecine, elle pourrait tre exclue du cadre des M.S.F. En
effet, si la rsection est limite au capuchon clitoridien, elle ne modifie en rien les capacits
sexuelles ou reproductives de la femme et comme la circoncision masculine, ne peut tre
considre comme une mutilation. [1]
En fait, il existe bien peu de circoncisions vraies. Lacte tant pratiqu chez un bb ou une
fillette impubre, la petitesse des organes gnitaux fait que le gland voire la hampe du clitoris
sont presque toujours sectionns. On observe alors le type II des M.S.F.
Photo n1 : Excision de type 1 (pratique chirurgicalement)
Source : P. Folds, Supplment au Bull. Acad. Natle Md., 2004, 188, n6 : 23. [1]
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- Type II : Lexcision ou la clitoridectomie
Dans ce cas, il y a rsection plus ou moins importante de la hampe du clitoris et
des petites lvres. Trs rpandue en Afrique noire, cest la forme la plus courante
puisquelle reprsente plus de 80% des M.S.F. [1, 3, 4, 8, 15]
Dun point de vue scientifique, lexpression souvent employe de la circoncision fminine
(pour parler dexcision), est impropre. Il sagit dans le cas de la femme de couper non pas
lquivalent du prpuce mais du pnis. En effet, la circoncision, chez les hommes consiste
sectionner le prpuce afin de mieux librer le gland. Elle naltre aucun organe, aucune
fonction du corps et notamment pas la vie sexuelle et le plaisir sexuel. Au contraire, le clitoris
est lorgane essentiel de la sexualit. [13]
Photo n2 : Excision de type 2
Source : P. Folds, Supplment au Bull. Acad. Natle Md., 2004, 188, n6 : 24. [1]
- Type III : LInfibulation
Encore appele circoncision pharaonique ou mutilation soudanaise , il sagit
de la forme la plus radicale, la plus extrme des M.S.F. Elle comporte la section de la
hampe du clitoris, lablation partielle ou totale des petites lvres (comme lors dune
excision) ainsi que lavivement ou lincision des grandes lvres puis leur suture (par des
pines dacacias) ou leur accolement en liant les membres infrieurs juxtaposs,
pendant 15 20 jours, jusqu cicatrisation de la plaie. Ceci entrane une fermeture, une
occlusion quasi-totale de la fente vulvaire; seul un petit pertuis lextrmit postrieure
de la vulve, obtenu par linsertion dun bout de bois dans la plaie, est prserv pour
permettre lcoulement des urines et du sang menstruel.
Elle reprsente 15% des M.S.F. [1, 3, 4, 8, 13, 21, 26, 32, 61]
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Photo n3 : Excision de type 3
Source : P. Folds, Supplment au Bull. Acad. Natle Md., 2004, 188, n6 : 33. [1]
Figure n2 : Comparaison des trois types de mutilations sexuelles fminines
Source : Huston P. Rapport compil pour le groupe de travail fdral interministriel sur les
mutilations des organes gnitaux fminins. Bureau pour la sant des femmes, Sant
Canada, Automne 2000.
- Type IV : Autres procds
Il regroupe toute une srie de variantes :
- scarification par piqres,
- perforations ou incisions du clitoris et/ou des petites lvres et des grandes lvres,
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- carbonisation du clitoris et des tissus environnants laide de braises provenant dun arbre
sacr (au Kenya),
- grattage de lorifice vaginal ou incision du vagin,
- introduction de substances corrosives ou de plantes dans le vagin, pour provoquer des
saignements ou pour le resserrer,
- introcision ou pisiotomie coutumire pratique par certains aborignes dAustralie,
- tirement du clitoris et/ des lvres [1, 4, 8, 13]
1.3. Description des oprations
1.3.1. En Afrique
Quel est lge de la future excise ?
Lexcision peut avoir lieu diffrents ges. Traditionnellement, elle avait lieu la
pubert, lors des crmonies rituelles, mais elle a perdu progressivement son caractre
collectif pour devenir une pratique individuelle ralise en priv, sur des filles de plus
en plus jeunes, parfois ges de quelques jours. Cependant, plus lenfant est jeune plus
les parties exciser sont petites et plus le risque de dgts anatomiques est important.
Chez certaines ethnies, lexcision peut avoir lieu juste avant la pubert (au Kenya chez les
Kikuyu, au Mali et en Cte dIvoire chez les Malink, au Burkina Faso chez les Mossi). Elle
peut enfin tre ralise sur des adultes, juste avant le mariage (au Nigeria chez les Ibibio),
pendant la grossesse (au Nigeria chez les Igbo Ogbaru) ou mme aprs la naissance du
premier enfant. [4, 9]
Qui pratique les MSF ?
Dans la grande majorit des cas, ces oprations sont pratiques par une matrone
ou une accoucheuse tradipraticienne (pratiquant la mdecine traditionnelle), ou par une
femme du village ge et sage, appartenant la ligne des exciseuses. Au Sngal ou au
Mali, lexciseuse fait partie le plus souvent de la caste des forgeronnes, traditionnellement
rattache au travail du fer.
Plus rarement, il arrive quelles soient pratiques par des hommes exerant la profession de
barbier, en gnral sur des bbs, en Afrique Anglophone.
Lexcision dune fillette ncessite la prsence de plusieurs personnes, pour la maintenir les
jambes cartes, lui tenir les bras et lempcher de senfuir quand elle a lge de marcher. La
matrone est donc entoure dune assistance exclusivement fminine. Il sagit en gnral
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de femmes appartenant la famille de la future excise, mais trs rarement de sa mre,
souvent effraye lide de voir sa propre fille souffrir.
La mre nest pas matresse de la situation. La famille possde (en particulier pour
lexcision), des droits sur lenfant. Il ny a pas dautonomie de la famille conjugale par rapport
au lignage : il est moins lenfant du couple que celui du lignage.
Lopratrice est dans la majorit des cas rmunre. La rmunration autrefois
symbolique , a augment de manire significative cause de la faiblesse des revenus. La
rmunration est plus importante dans les grandes villes, et saccompagne de cadeaux
(savons, parfums, nourriture ). [4, 8, 9, 13]
O sont -elles pratiques ?
Le choix du lieu de lexcision dpend principalement du caractre individuel ou
collectif de cette dernire
Dans le premier cas, le lieu est habituellement le domicile familial ou celui du fianc.
Dans le second, il existe une chronologie parfois trs stricte en fonction de critres
socioculturels prcis. Il sagit l en effet de sances regroupant toutes les futures excises
dun mme village, ncessitant le choix dun lieu spcialement affect cet effet : au village,
dans la maison de lexciseuse ou hors du village, la lisire dun bois, dans une clairire,
lextrmit dun point deau sacr [8]
Quels sont les instruments utiliss ?
Lorsquil existe un contexte rituel, on peut retrouver un couteau spcialement rserv
lexcision. En dehors des couteaux, les lames de rasoirs sont frquemment utilises,
notamment en Egypte et au Soudan. Dautres moyens plus primitifs peuvent tre utiliss :
pierres tranchantes, morceau de coquillages ou encore tesson de verre. Lexciseuse ralise
parfois la mutilation avec ses ongles, comme chez les Amhara dEthiopie. [8]
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Source : Photo de J. Sundby [65]
La phase prliminaire
Dans la plupart des socits africaines, il existe des prescriptions rituelles dautant
plus labores, quelles sinscrivent dans un processus initiatique de passage de lenfance
lge adulte ou dintgration dans un groupe social restreint.
Ainsi, la phase opratoire est souvent accompagne dans les jours ou les heures prcdant
lopration, dune prparation rituelle comprenant des mesures mdicinales vise
homostatique et parfois anesthsiante comme le bain froid. Une alimentation constipante et
une dite hydrique sont galement prescrites dans bon nombre de cas. Dans certaines
ethnies, comme chez les Dogons dAfrique occidentale, les futures excises sont runies en
un lieu souvent inconnu, sous la responsabilit de lexciseuse, o elles sont soumises
toute une srie de prescriptions alimentaires, vestimentaires cosmtiques et sociales (dont
lvitement des hommes).[8, 9]
Lopration en elle-mme
Ces interventions ont gnralement lieu vif, sans anesthsie ni aucune condition
dhygine. Selon les ethnies, la faon de procder nest pas tout fait la mme.
Lenfant est souvent assise par terre (ou sur un tabouret bas), et une femme robuste
sassied derrire elle pour lui tenir les bras. Deux femmes tiennent chacune une jambe de
lenfant. Aprs avoir cart les grandes et les petites lvres de lenfant, la matrone les fixe
dans la chair, de chaque cot des cuisses, au moyen de grosses pines. Avec son
instrument qui, dans la majorit des cas a dj t utilis sans tre dsinfect, elle fend le
capuchon, puis le coupe. Tandis quune autre femme ponge le sang avec un chiffon, la
matrone creuse de longle un trou tout le long du clitoris, afin de dcortiquer cet organe.
Tandis que la fillette pousse des cris pouvantables, la matrone finit par draciner le clitoris
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quelle dgage et extirpe la pointe de son instrument. Les voisines, parfois invites
contrler lopration, plongent lune aprs lautre lindex dans la plaie de faon sassurer
que le clitoris a t intgralement enlev. Puis la matrone reprend son instrument et tranche
les petites lvres. Elle peut galement mettre vif la bordure des grandes lvres en les
corchant du bout de sa lame.
Certaines ont de la chance (on nose crire le mot) que lopration se termine l. Dans
certaines contres, ce nest quun dbut, car suit ce que lon appelle linfibulation. La matrone
enlve alors la paroi interne des grandes lvres puis commence la couture. Les grandes
lvres sont rapproches et fixes bout bout avec des pines dacacia nain (qui mesurent
prs de deux centimtres). Entre les pines est pass un lien qui ferme la plaie la manire
dun corset. Seule une minuscule ouverture est mnage larrire pour le passage des
urines et du sang menstruel. Pour viter une soudure totale, la matrone place dans ce petit
orifice une allumette ou un petit morceau de bambou. Elle rpand ensuite sur la plaie un
mlange de sucre et de gomme arabique, ce qui forme une colle hermtique. Ensuite, les
jambes de lenfant sont attaches lune lautre, jusquaux chevilles pour quelle ne puisse,
par ces mouvements, empcher la cicatrisation. A ce stade, la petite fille, puise, a cess
de hurler. Elle est place sur une natte o lon attend quelle urine, ce qui prouvera que
lorifice nest pas bloqu
Dans certains pays comme en Egypte, les MSF sont de plus en plus ralises sous
anesthsie en milieu hospitalier. Cela tend diminuer la gravit de ces mutilations auprs de
la population. [4, 5, 7, 8, 13]
Par ailleurs, le rituel de lexcision connat du fait de limmigration certaines modifications
dans son mode opratoire. Pour de nombreux parents, il semblerait que limportant nest pas
que le rituel soit respect, mais que lexcision ait lieu. Ainsi, comme le souligne Isabelle
Gillette-Faye : lessence mme de cette pratique serait alors de maintenir la cohsion au
sein du groupe en perptuant le marquage des sexes, qui institue la femme dans son rle de
future pouse soumise. [9]
Lexcision et linfibulation : cest labattoir. Coumba Tour, reprsentante du GAMS [15]
La phase post opratoire
Lexcision est suivie dun traitement mdico-rituel ou purement mdical, comprenant
des pansements locaux et des prescriptions diettico-hyginiques et sociales (sgrgation,
vitement des hommes) dautant plus labores quelles se situent dans un contexte
animiste. [8]
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Quel est le sort des parties excises ?
Le sort des parties excises ne concerne que certaines socits animistes, dans
lesquelles la partie sectionne peut tre soumise, dans un contexte rituel, un traitement
particulier (conservateur ou destructeur). Par exemple, les Oubi de Cte dIvoire recueillent
les clitoris et les enterrent en lieu tenu secret dans la fort, ou les font porter, dans un petit
sac suspendu la taille des excises. [8]
1.3.2. En France
En France, les mres veulent faire exciser leurs filles le plus tt possible, tout
dabord pour quelles naient aucun souvenir sur ce quelles ont subi, mais aussi pour quil ny
ait aucune rsistance de leur part surtout lorsquelles sont scolarises. Elles sont ainsi
rticentes attendre le retour en Afrique pour lexcision de leurs filles qui sont alors excises
trs jeunes, de quelques jours un an. Parfois les excisions ont lieu plus tardivement car les
fillettes dune mme fratrie sont souvent opres le mme jour. Comme il sagit dune
dcision collective, elles peuvent tre excises en Afrique (lors dun voyage pendant les
vacances scolaires par exemple), parfois avec la dsapprobation dun ou des deux parents
biologiques. [9]
Par ailleurs, en France, il ny a pas de processus initiatique. Ainsi, il ne sagit plus tant de
passer de ltat de fillette qu celui de femme, mais plus dtre marque ds la naissance
comme tant du sexe fminin. Cette gnralisation de labaissement de lge (qui se produit
galement en Afrique), assimile lexcision une simple formalit de naissance .
Comme nous lavons dit prcdemment, la souffrance entrane par lexcision est telle quil
est souvent inconcevable pour une mre dexciser sa fille.
Les mutilations sont donc ralises par des exciseuses spcialises dont les familles se
transmettent les adresses. Il sagit parfois dune personne non qualifie (au sens
coutumier) pour pratiquer lexcision, mais dune femme qui pour gagner de largent
simprovise exciseuse. De plus, ces exciseuses nhabitent pas toujours en France et ce sont
dans ce cas les familles qui se cotisent pour les faire venir dAfrique. Les parents ne se
proccupent pas du type dexcision pratique par lexciseuse, beaucoup ignorant lexistence
de plusieurs types de M.S.F.
Lopration se droule habituellement au domicile familial. Elle peut galement tre ralise
au domicile de lexciseuse ou dans un foyer dhbergement de travailleurs migrants. [9, 13]
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1.4. Pour quelles raisons les M.SF. sont-elles pratiques ?
Nous ferons ici un rpertoire non exhaustif des raisons, retrouves dans la littrature,
qui font que lexcision et linfibulation sont pratiques. Les motivations qui poussent
pratiquer lexcision sont galement valables pour linfibulation, puisque cette dernire
comprend une excision ; ce nest pas le cas linverse.
Aucun jugement de valeur ne sera port sur les raisons qui justifient cette pratique.
1.4.1. Raisons psycho-sexuelles
Si la suppression du clitoris quivaut la suppression de la partie virile de la femme (le
clitoris tant associ la verge), elle signifie galement la suppression du pouvoir et de
lautorit dont il est le sige. Laisser une femme son clitoris, cest lui permettre dexercer
un pouvoir rival face au mari dans le contexte matrimonial. Dans cette conception, il faut
donc rduire ce qui, chez la femme, est conu comme lquivalent du sexe viril, afin de crer
des conditions (physiques) dune domination (sociale) de lhomme sur la femme. [15,
Sylvie Fainzang, ethnologue]
La virginit des femmes est trs importante, puisque le mari peut rpudier sa jeune pouse
si elle nest pas vierge, et rclamer la restitution de sa dot. Lexcision permettrait ainsi de
sauvegarder la chastet avant le mariage par inhibition du plaisir sexuel.
Par ailleurs, lexcision prtend rduire les pulsions sexuelles des femmes, notamment dans
le cadre du mariage polygame. Lpouse accepterait plus volontiers de partager son mari
avec une autre si le plaisir sexuel nest pas prsent, et serait moins jalouse.
Lexcision, galement par diminution du plaisir sexuel permettrait de prvenir ladultre
chez la femme marie.
Au contraire, pour certains peuples, elle permet daugmenter le plaisir sexuel de lhomme
en rendant lorifice vaginal plus troit.
En ce qui concerne linfibulation, elle serait une protection contre le viol pour les fillettes
qui, isoles distance du campement avec les troupeaux, se retrouve souvent face des
rdeurs trangers la tribu. [4, 32]
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1.4.2. Raisons sociologiques
Le poids des coutumes est souvent invoqu : cela cest toujours fait, ma mre, ma
grand-mre lont fait, donc mes enfants seront exciss . Le conditionnement culturel des
femmes tend perptuer ces pratiques et certaines vont mme jusqu rclamer lexcision.
Condition indispensable pour prendre part la vie sociale, cest un facteur dappartenance
sociale dans le sens dune intgration et du maintien de la cohsion sociale.
Lexcision est une condition essentielle au mariage : une femme non excise est considre
comme tant une prostitue et ne peut pas se marier. Lexcision est en quelque sorte un
permis de mariage .
Pour de nombreuses ethnies, lexcision est associe un rite de passage lge adulte, lors
dune crmonie initiatique. Elle est associe une transmission dexprience et de
savoir de la part des femmes plus ges. A lissue de cette crmonie, la jeune fille prend le
statut de femme et peut se marier.
Lors de lexcision, il y a une sparation avec la parent biologique, mais aussi une alliance
du lignage dorigine avec le lignage de mariage. On remarque donc une analogie entre la
coupure du cordon ombilical la naissance et celle du clitoris au moment de lexcision. En
effet, la coupure du cordon ombilical correspond une rupture avec la matrice au moment
de la naissance, tout comme lest la sparation davec les parents au moment du mariage,
coupure corporellement prouve dans lexcision.
De plus, lexcision permettrait dloigner le mauvais sort par la perptuation dune coutume
qui rattache la petite fille sa ligne, aux anctres. Elle protgerait de la maladie et de la
folie. [4, 9,13, 15, 21, 32]
1.4.3. Raisons religieuses
Lexcision est une coutume paenne antrieure lapparition des grandes religions
monothistes. Elle est ou a t pratique aussi bien par des chrtiens, des juifs, des
musulmans et des animistes. Aucune religion ninterdit ni ne proscrit lexcision. Il nest fait
mention de lexcision ni dans la bible, ni dans le Coran, ni dans la Torah. Les Hadiths,
paroles de sagesse du prophte Mahomet, indiquent que Mahomet aurait conseill une
exciseuse de ne pas trop couper ; encore, sagit-il dun Hadith trs controvers.
Par ailleurs, les femmes non-excises nauraient pas le droit de prier.
Les musulmans qui pratiquent lexcision en font un rite de purification ncessaire.
-
14
Cependant, en France, le recteur de la Mosque de Paris, Dalil Boubakeur, a dnonc
officiellement cette coutume, en sappuyant sur les textes religieux. [4, 32]
1.4.4. Raisons dordre esthtique et hyginique
Les peuples qui pratiquent lexcision ont associ cette intervention sur le sexe de la
femme une recherche esthtique. Cette proccupation esthtique est souvent justifie
dans les rcits par une hypertrophie anormale des organes gnitaux et en particulier du
clitoris chez les Africaines.
On rapporterait que chez les Hottentotes, peuple dAfrique australe, les femmes auraient un
clitoris et des lvres tellement grands, quils se rejoindraient et tomberaient en drapage sur
les cuisses. Il sagit de la fameuse fable du tablier des Hottentotes .
Lapparence dun sexe fminin excis rpond ainsi pour certains des critres de beaut :
une surface lisse, sans plis et sans polis.
Le clitoris apparat comme un organe laid et impur. Il est suppos renfermer des vers
nuisibles, malpropres et doit subir une toilette pour rendre la vulve plus prsentable. Pour
certains musulmans, les recommandations du Prophte sur la purification des corps ont t
interprtes comme la ncessit dexciser et de circoncire afin de rendre les
sexes propres au sens hyginique du terme.
Au Mali, lexcision se justifie afin dviter laccumulation du sperme et des restes des
menstrues dans les replis du sexe fminin. [3, 4, 32]
1.4.5. Rle sur la fcondit
Lexcision aurait pour consquence dorienter le dsir de la femme vers le vagin, c'est--
dire vers une sexualit reproductive , uniquement dans le but davoir des enfants.
De plus, les scrtions du clitoris sont supposes tuer le sperme. [4]
1.4.6. Raisons conomiques
Une femme non excise ne peut se marier et donc la famille de la jeune fille ne
peroit pas de dot. Or, cette dot doit normalement permettre aux fils de la famille de se
marier et de garantir ainsi la continuit de la famille.
-
15
Par ailleurs, lexcision est devenue une source de revenus importante pour les
exciseuses, qui reoivent non seulement des cadeaux mais aussi de largent. En France,
les exciseuses peuvent recevoir jusqu cinq cent euros pour une excision, et mme peut
tre plus. [4,9]
1.4.7. Raisons mythiques
Plusieurs mythes se rattachent lexcision. Ces histoires fabuleuses qui expliquent
lorigine du monde ou la condition humaine, sont prsentes dans toutes les socits.
Chez les Dogons, peuple du Mali, la pratique de lexcision a dabord un sens symbolique de
diffrenciation sexuelle. Selon cette croyance, pour pouvoir devenir des adultes complets et
fconds, les hommes doivent perdre leur partie fminine (par la circoncision), reprsente
par le prpuce, et les femmes doivent perdre leur partie masculine (par lexcision), cet
lment phallique rappelant la dualit originelle et reprsent par le clitoris.
Chez les Bambaras, le clitoris est considr comme un dard qui peut blesser, voire tuer
lhomme, au moment des rapports sexuels. Ce dard est appel Wanzo
De plus, certains imaginent quil pourrait obstruer les narines du bb la naissance et donc
le tuer.
Chez les Buna Lulua, une ethnie du Congo, lexcision se justifie par le mythe du vagin
dent . Selon ce mythe, qui est en train de disparatre, le clitoris serait la dernire dent
supprimer. [4, 9, 22]
En ralit, et cela apparat trs clairement partir des mythes et des croyances, lexcision
a un fondement idologique, cest le contrle par les hommes de la sexualit fminine.
(Jean Pierre MBarga [16])
1.5. Un vritable problme de sant publique
1.5.1. Rpartition gographique et prvalence
Dans le monde
Selon les chiffres de lUNICEF en fvrier 2006, le nombre de femmes mutiles
slve 130 000 000 dans le monde, et chaque anne, 3 000 000 de nouvelles fillettes
subissent ces pratiques, c'est--dire une toutes les quatre six minutes.
Les MSF sont essentiellement pratiques en Afrique Subsaharienne pour lexcision et du
Nord-est pour linfibulation. (Cf. annexe1)
-
16
Ces pratiques existent galement en Asie (Indonsie, Malaisie, Inde), dans la pninsule
arabique (Ymen, Oman, Syrie, Emirats, Arabie Saoudite), en Amrique du sud (Prou,
Brsil), en Europe occidentale et en Amrique du Nord.
En Afrique, on ne dispose pas toujours de donnes prcises pour valuer la proportion de
femmes qui subissent ces MSF. On sait cependant quau Burkina-Faso, selon lEtude
Dmographique et Sant, on est pass dun taux de 70% dexcision (tude de 1998) au
taux de 45% (tude de 2004) en lespace de six ans, grce une campagne
gouvernementale trs rsolue. En effet, dans ce pays on applique la loi sur linterdiction des
MSF. Des agents de sant mais aussi des groupes de religieux luttent contre ces pratiques.
De plus, un numro vert et des campagnes dinformation la radio depuis 1975 ont permis
une forte diminution du taux des MSF.
Au Mali, on est pass de 99% 91,2%, en lespace de dix ans grce aux associations
locales et aux crmonies de dpt des couteaux de lexcision.
En Guine, malgr une loi qui condamne lexcision depuis 1998, on sait que 99% des
femmes continuent dtre excises.
En Afrique de lEst, les chiffres sont toujours aussi alarmants : 99% des femmes vivant
Djibouti et 97% des femmes vivant en Egypte sont excises ou infibules. [4]
Le tableau suivant est une estimation ( partir des donnes recueillies dans la littrature), de
la prvalence des MSF dans les 28 pays africains o elles se pratiquent. [1, 31, 50, 54, 64]
-
17
Tableau n1 : Prvalence des MSF en Afrique
Pays Type de MSF Prvalence Officiellement
contre les MSF
Loi contre les
MSF
Bnin I et II 17%* Oui Oui (2003)
Burkina-Faso I et II 45%* Oui Oui (1996)
Cameroun I et II 20% Oui Non
Cte dIvoire I et II 45%* Oui Oui (1998)
Djibouti I, II et III 99% Oui Oui (1995)
Egypte I, II et III 97%* Oui Oui (1997)
Erythre I, II et III 89%* Oui Non
Ethiopie I, II et III 80%* Oui Non
Gambie I et II 90% Oui Non
Ghana I et II 30% Oui Oui (1994)
Guine
Conakry
I, II et III 99%* Oui Oui (1989)
Guine-Bissau I et II 50% Oui Non
Kenya I, II et III 38%* Oui Oui (2001)
Libria I et II 60% Oui Non
Mali I, II et III 91,2*% Oui Non
Mauritanie I et II 71%* Oui Non
Niger I et II 5%* Oui Non
Nigeria I, II et III 25%* Oui Non
Ouganda I et II 5% Oui Oui (1995)
Rpublique
Centrafricaine
I et II 50% Oui Oui (1996)
Rp. Dm. du
Congo
I et II 5% Oui Non
Sngal I et II 20% Oui Oui (1999)
Sierra Lone I et II 90% Oui Non
Somalie III 100%* Oui Non
Soudan III 89%* Oui Oui (1946)
Tanzanie II et III 18%* Oui Oui (1998)
Tchad II et III 60% Oui Non
Togo II 12%* Oui Oui (1998)
, qui
avaient t
excises
dans leur
pays
dorigine
Ymen II 23%* Oui Non
* : estimations fiables provenant dtudes nationales
-
18
En France
En France, on estime entre 45 000 et 60 000, le nombre de femmes et fillettes
mutiles ou menaces de ltre. [46]
A partir des annes 1970 de nombreux migrants dAfrique viennent sinstaller en France. Il
sagissait dune immigration essentiellement masculine pour des raisons conomiques de
survie (priode de grande scheresse en Afrique).
Les premires femmes immigres sont celles qui sont arrives dans le cadre du
regroupement familial partir de 1976, et qui avaient t excises dans leur pays dorigine.
Leurs filles sont nes en France ou y sont arrives trs jeunes : certaines avaient t
excises avant de quitter leur pays dorigine, mais un grand nombre dentre elles ont t
excises aprs leur arrive (soit en France, soit mme loccasion de vacances au pays).
La France dcouvre donc lexcision au dbut des annes 1980. [65]
Limmigration africaine est surtout reprsente par les travailleurs originaires de la partie
Ouest du continent : Malien (50%), Sngalais (30%), et Mauritaniens (20%). En ralit, la
rpartition est plus ethnique que politique. On retrouve ainsi surtout les ethnies Mands
(Bambara, Sonink, Malink) et Halpulaar (Peul et Toucouleur), installs aux confins des
trois tats riverains du fleuve Sngal. On rencontre aussi dautres ethnies, notamment les
Wolof (qui nexcisent pas) et les Diolas.
Actuellement, on retrouve de plus en plus de migrants originaires de Gambie ou de Guine
Conakry. Bien entendu, toutes les autres nationalits de lAfrique francophone sont
reprsentes des degrs divers. [16]
Toutes les rgions ne sont pas concernes avec la mme acuit par la problmatique
des MSF en France.
Neuf rgions ont t identifies comme prioritaires : Nord Pas de Calais, Rhne Alpes,
Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Picardie, Ile de France, Champagne Ardennes, Haute
Normandie et Provence Alpes Cte dAzur (PACA). Le nombre de MSF nest pas gal dans
ces diffrentes rgions : il augmente en Pays de Loire, en Poitou-Charentes et en
Champagne Ardennes, alors quil diminue en Ile de France et en PACA. Dans la rgion des
Pays de Loire, la prsence des MSF nest pas gale : on les retrouve essentiellement en
Loire atlantique, en Maine et Loire et en Mayenne. [46]
En 1993, Marie-Line Aron et Dorah Essola ont ralis une enqute dans le cadre de leur
mmoire de fin dtudes de sage-femme, pour valuer le risque dexcision dans la rgion
parisienne. Leurs terrains denqute taient : le centre hospitalier Ballanger Villepinte (93),
-
19
le centre hospitalier Robert Debr Paris, le centre hospitalier Jean Rostand Svres (92),
la Maison de Nanterre (92) et Notre Dame du Bon Secours Paris. Leur tude sest base
sur lexploitation de 52 questionnaires donns des femmes en majorit dorigine
sngalaise ou malienne et dethnie Toucouleur, Sonink et Bambara. 51 dentre elles
taient excises et une seule infibule. En ce qui concerne lexcision de leurs propres
enfants, pour 11 dentre elles, elle tait dj faite, 16 autres attendaient loccasion dun retour
en Afrique. Cependant, 16 autres femmes hsitaient et 9 sy refusaient. Ainsi, pour la
population considre, le risque dexcision pour les fillettes tait de 21%. [9]
1.5.2. Les complications des M.S.F.
Les MSF sont responsables dune morbidit et dune mortalit fminine mais
galement nonatale importante. La gravit de ces complications est proportionnelle
limportance de la mutilation initiale, la dextrit de loprateur, ltat de propret des
instruments mais aussi ltat de sant de lenfant.
Bien que de graves complications soient possibles dans tous les types de mutilations, dans
les types II et III, elles sont gnralement plus frquentes, plus graves et plus
durables.
Cependant, la mise en relation entre les mutilations sexuelles et les complications sur le plan
de la sant nest presque jamais faite. En effet, la mortalit infantile est considrable dans
les pays o sont pratiques ces mutilations. Ainsi, la mort dun enfant sinscrit presque dans
une sorte de quotidien. Elle fait partie intgrante du destin possible de lenfant.
Les complications mdicales
- immdiates
La douleur suraigu provoque par la section dun organe aussi richement innerv
est dune intensit indescriptible, insupportable avec parfois des chocs neurogniques.
Waris Dirie [7] : Il mest tout fait impossible de vous expliquer ce que je ressentais. Ctait
comme si on vous tranchait vif la chair de la cuisse ou du bras, sauf quil sagissait de la
partie la plus sensible du corps La douleur que jprouvais tait si terrible que jaurais
voulu mourir.
Khady Koita [10] : Cest une douleur inexplicable, qui ne ressemble aucune autre.
Comme si on mattachait les boyauxEn quelques minutes, je ne sens plus la douleur
-
20
lendroit prcis, mais dans tout mon corps, soudain habit par un rat affam ou une arme
de fourmis. La douleur est entire de la tte aux pieds, en passant par le ventre.
Pour la majorit des femmes, la souffrance de lexcision est plus encore qu lopration, lie
aux soins qui la suivent. Cest donc pendant plusieurs jours quelles ressentent la douleur qui
sinscrit dfinitivement dans leur souvenir.
Waris Dirie [7] : Je croyais que le supplice tait termin jusqu ce que jaie eu besoin de
faire pipiLa premire goutte durine ma brle comme si ma peau avait t attaque par
un acide.
De nombreuses socits africaines traditionnelles valorisent la douleur qui a une vertu
pdagogique. Celle qui arrive supporter la douleur de lexcision, de
laccouchementfait la fiert de sa famille.
Madame N. (peul du Mali) [15] : Avant, quand une fille de quinze ans pleurait, ctait la
honte pour la famille : elle na pas t courageuse. Alors pour pallier cette honte, on a
prfr le faire quand la fille est innocente [plus jeune]. Elle pleure comme un bb.
Les complications hmorragiques ne sont pas rares et peuvent entraner la mort
par choc hmorragique. Elles sont expliques par la riche vascularisation de la rgion
prinale et du clitoris.
On peut ainsi observer des anmies svres ncessitant une transfusion et dont les
rpercussions sur une fillette dnutrie peuvent tre importantes.
Les lsions des organes de voisinage comme lurtre, le vagin, le prine ou le
rectum peuvent sobserver. En effet, les mutilations tant ralises sans anesthsie, la fillette
hurle, se dbat et lopratrice peut facilement lser les organes les plus proches. Ces plaies
sont source de fistules urtro-vaginales et/ou recto-vaginales mais aussi de rtentions
aigus durine.
Les infections aigus viennent au second plan ; celles-ci sont locales mais peuvent
se gnraliser secondairement et tre responsables de dcs. Les complications peuvent
tre causes par lutilisation dinstruments non striles, par les pansements
traditionnellement utiliss et par limmobilisation qui sont des facteurs de surinfection de la
plaie. Parmi les complications possibles, on peut citer les adnites, les abcs, les
phlegmons, le ttanos, la gangrne gazeuse ou encore la septicmie.
De plus, on ne peut ngliger le risque important de transmission du VIH, de lhpatite B, de
lhpatite C et des autres maladies hmatognes. [1, 2, 4, 5, 13, 26, 27, 40, 51]
-
21
- tardives
Labsence de cicatrisation due linfection de la plaie, la prsence durine ou de
matires fcales en cas de fistules nest pas rare.
On retrouve souvent des cicatrices chlodes. Les chlodes vulvaires sont des bourrelets
cicatriciels, daspect trs inesthtique. Leur ablation est suivie en gnral dune nouvelle
prolifration. Cette absence de cicatrisation est source dalgies pelviennes chroniques.
Les infections gnitales basses sont frquentes : vulvo-vaginites et cervicites. Il y a
donc un risque important dinfections gnitales hautes : salpingites, endomtrites pouvant
entraner une strilit long terme.
Les nvromes cicatriciels sont forms par lemprisonnement du nerf clitoridien dans
un point de suture ou dans un tissu cicatriciel. Ils entranent des algies pelviennes
chroniques.
La pseudo-infibulation peut se crer aprs une excision de type II excessive qui
provoque la formation dadhrences vulvaires lors de la cicatrisation.
Le kyste dermode est la complication long terme la plus courante. Ce type de
kyste rsulte de linclusion de tissus cutans dans la cicatrice. Ils sont dus lobstruction de
glandes cutanes ou de follicules pileux. Ces kystes sont de taille variable, pouvant atteindre
celle dune orange. Il sagit dune pathologie bnigne, mais qui peut tre trs invalidante, de
part la taille, la localisation du kyste ou des douleurs quil entrane. Il peut galement
sinfecter et entraner une suppuration locale. [1, 4, 26, 51]
- Complications spcifiques des MSF de type III
La stnose de lorifice vaginal : lorifice artificiel du vagin peut tre si petit quil se
referme compltement au bout dun certain temps.
Lhmatocolpos (rtention du sang menstruel) est d une stnose de lorifice
vaginal. Il survient donc ds la pubert entranant une dysmnorrhe.
-
22
En plus des troubles de la miction, les infections urinaires sont trs frquentes.
En effet, la vulve tant quasiment referme, lvacuation des urines est longue et difficile
entranant des rtentions durines aigus ou chroniques. Cela favorise la pullulation
microbienne et les infections urinaires chroniques peuvent voluer vers linsuffisance rnale
chronique sans traitement
Les prolapsus de la paroi antrieure du vagin ou cystocles peuvent rsulter des
efforts permanents de pousser que doit faire la femme infibule pour favoriser lvacuation
des urines. [5, 8, 9, 32, 60]
Les complications obsttricales, maternelles et ftales pendant la
grossesse, laccouchement et le post-partum
La majorit des complications obsttricales sont dues aux types II et III, car la
mutilation est beaucoup plus importante au dpart (que le type I) et modifie significativement
la morphologie vulvaire.
*
-
23
Tableau n2 : Complications rencontres pendant la grossesse (en labsence de prise en
charge mdicale).
Etiologies maternelles Complications obsttricales Risques ftaux
Antcdents dinfections
gnitales hautes synchies
corporales et tubaires
- Grossesse extra-utrine
- Fausse couche spontane
(FCS) prcoce ou tardive
- Menace daccouchement
prmatur (MAP)
Infections sexuellement
transmissibles
- Aggravation de la maladie - Contamination fto-maternelle
Infections urinaires et vulvo-
vaginites chroniques
- FCS prcoce
- Rupture prmature des
membranes FCS tardive ou
MAP
________________________
- Infection ovulaire
septicmie
- Prmaturit
_________________________________
- Souffrance ftale aigu Mort ftale
in utro (MFIU)
Insuffisance rnale chronique - Hypertension artrielle
gravidique risque pr-
clampsie, hmatome
rtroplacentaire
- Retard de croissance intra-utrin
- Prmaturit induite
- MFIU
- Mauvaises conditions socio-
conomiques
- Etat psychologique : stress,
anxit
- MAP
- Prmaturit
-Difficults et complications rencontres pendant le travail
Les touchers vaginaux (TV) difficiles voire impossibles entranent des difficults
pour suivre le travail dans de bonnes conditions, travail qui est souvent prolong dans sa
deuxime partie.
Sous leffet des contractions, on peut observer des dchirures du prine antrieur fibreux
qui peuvent tre la consquence de lsions au niveau des organes de voisinage.
Le travail peut parfois tre trs douloureux. En effet la vulve tant trs sensible, les TV
rpts (quand ils sont possibles) sont souvent trs difficiles vivre.
-
24
Par ailleurs, ltat psychologique maternel est fragile. Langoisse de la douleur est trs
prsente et accentue par le souvenir plus prsent que jamais du jour o elle a t mutile.
[21, 22, 24, 26]
- Difficults et complications rencontres pendant laccouchement
La mauvaise qualit des tissus due aux MSF entrane beaucoup plus de dystocies
des parties molles et donc de dystocies de dgagement. En effet, la prsentation reste
bloque dans lexcavation pelvienne, par lanneau vulvaire rigide. Le risque dhypoxie
ftale est ainsi plus lev aboutissant des squelles neurologiques voire la mort
ftale (en labsence de prise en charge).
La rtention prolonge du ftus dans la filire gnitale peut tre responsable dischmie et
de ncrose des cloisons vsico-vaginales ou recto-vaginales, source de fistules vsico ou
recto-vaginales sexprimant par une incontinence urinaire ou fcale, cause parfois de
rpudiation ultrieure.
En raison dun manque dlasticit des tissus cicatriciels, le risque de dchirures prinales
postrieures est plus important. Ces dchirures peuvent atteindre la cloison recto-vaginale
et la paroi antrieure du canal anal et/ou du rectum
Le risque de dchirures prinales antrieures est galement prsent et nest pas
prvenu par la pratique dune pisiotomie. Elles peuvent crer exceptionnellement des
traumatismes de lappareil urinaire, allant jusqu lavulsion de lurtre, qui est arrach de la
vessie. [21, 22, 24, 26]
- Difficults et complications rencontres dans le post-partum
La fragilit psychologique de la femme mutile peut saccentuer dans le post-
partum. Les douleurs vulvaires mais aussi la peur dtre rinfibule (dans le type III)
accentue souvent le baby blues.
Une cystocle peut devenir apparente suite aux efforts de pousse de laccouchement.
De plus de nouvelles infections peuvent survenir suite une ventuelle rinfibulation,
ralise le plus souvent dans de trs mauvaises conditions dhygine.
-
25
Impact des M.S.F sur la sant psychologique des femmes
En plus du traumatisme immdiat, des consquences sur la sant physique de la
fillette et de sa vie sexuelle future, la mutilation peut affecter, de manire insidieuse, la
perception que la jeune fille a delle-mme et lestime quelle se porte.
Il est ais dimaginer que linfibulation, en suturant lorifice vaginal suscite la terreur de la
dfloration, la dtestation des rapports conjugaux, la hantise de laccouchement et de
ses dchirures. Un bon nombre dentre elles arrive plus ou mois compenser mais pour les
autres, anxit, dpression et nvroses demeureront.
Le risque de dpressions et de psychoses puerprales est ainsi plus important chez
ces femmes.
Les effets long terme des traumatismes sur le bien-tre physique, psychique et social des
humains sont de mieux en mieux connus. Lun dentre eux est le dsordre du stress aprs
un traumatisme ou DSAT. Les composantes caractristiques de lvnement traumatisant
lorigine du DSAT sont : langoisse, la douleur, la peur de mourir, la sensation
dimpuissance, labsence despoirCest le vcu de lvnement par la personne et non
lvnement en lui-mme qui est lorigine du traumatisme. Les manifestations du DSAT
sont : cauchemars ou troubles du sommeil, flash-back de lvnement, peur que a se
reproduise, vitement de tout objet ou pense rappelant lvnement initialLtat
psychologique de ces patientes peut tre dfini comme un stress chronique.
En cours de grossesse ou pendant laccouchement, chez une femme mutile, le stress
augmente exagrment la circulation des catcholamines, ce qui peut diminuer lnergie
disponible pour le travail ou lafflux doxygne au placenta. [1, 32]
Impact sur la sexualit
Aussi invraisemblable que cela puisse paratre, beaucoup de femmes excises ne
font pas le lien entre excision et sexualit. Elles peuvent par contre le faire entre excision
et courage, ou excision et propret.
Rappelons que la premire relation sexuelle, notamment quand la femme est infibule,
savre fort pnible et douloureuse car lhomme doit ouvrir la couture par la seule force de
lrection de son membre. Cette dsinfibulation traditionnelle peut tre prpare par
lexciseuse qui, dun coup de rasoir ou de couteau, agrandit lorifice rsiduel.
Sur la nature et lintensit du plaisir sexuel, certaines femmes ont rpondu quon ne saurait
jamais la vrit : une femme excise ne peut se mettre la place dune non-excise et vice-
versa.
-
26
Les propos des femmes ce sujet sont divergents. Si quelques unes reconnaissent une
correspondance entre frigidit et excision, les autres (en grande majorit) rejettent avec plus
ou moins de vhmence lide que lexcision pourrait avoir bris leur sexualit
Adama (Diola de Cte dIvoire) : Les femmes plus ges expliquent que si on nenlve pas
a, la fille va vite faire des btises avec les garons. Elle sera tellement sensible quelle fera
vite des btises. Mais des fois, a ne sert rien, il y en a qui font des btises quand mme.
Ca ne change rien du tout.
Concernant la sensibilit clitoridienne, certaines femmes se dclarent toujours
sensibles . Sagit t-il de femmes dont lexcision aurait t partielle, comme le soutiennent
certaines opinions mdicales ? La cicatrice de lexcision resterait t-elle sensible et
sexuellement excitable, comme en soutiennent dautres ? La zone dexcitabilit dborde t-
elle largement corps et gland du clitoris et concerne t-elle toute la rgion du mont de Vnus
et le prine comme dautres le suggrent ? [15]
Pour rpondre ces questions, on peut sappuyer sur les connaissances relatives
lanatomie sexuelle fminine concerne par lorgasme. La structure de lappareil gnito-
sexuel des femmes comporte une partie rectile compose du clitoris (gland, corps et
racines) du plexus intermdiaire de Kobelt, et des bulbes vestibulaires situs de part et
dautre de lorifice vaginal. Lorgasme a t dcrit comme rsultant dun mcanisme rflexe
de contractures des muscles circumvaginaux chassant le sang qui congestionne ce
moment l les bulbes vestibulaires et le plexus de Kobelt (quivalent des bulbes et du corps
spongieux chez lhomme)
Lorsquelles se masturbent, les femmes stimulent en gnral toute la zone du mont de
Vnus La manipulation du mont de Vnus produit une exprience sexuelle qui est, au
moment de lorgasme, aussi satisfaisante que celle rsultant dun massage direct du corps
clitoridien. Ainsi, lobservation clinique a montr quaprs une clitoridectomie, la
masturbation pouvait tre un moyen de stimulation aussi efficace quavant
lintervention. [15]
Selon C. Solano, sexologue, et P. Folds, chirurgien urologue, le clitoris est lorgane du
plaisir sexuel fminin. Quand il est abm, il peut rduire les capacits de plaisir sexuel.
Mais, il peut rester un plaisir clitoridien mme aprs lexcision, car le clitoris tout
entier contient des capteurs de plaisir et il en reste une partie intacte lors de
lexcision. En effet, le clitoris mesure environ onze centimtres si lon compte sa partie
enfouie.
-
27
Cependant, une forme apparemment minime dexcision peut annuler la capacit
orgasmique. Il ny a pas de paralllisme entre limportance de lexcision et les
symptmes. Mme une toute petite cicatrice peut entraner de graves squelles sur le plan
sexuel.
Par ailleurs, il faut rassurer les femmes sur le fait que mme les femmes au clitoris intact ont
parfois des difficults atteindre lorgasme. [43]
Une jeune femme malienne de 26 ans interroge par S Auffret dclare: Jai t dans mon
enfance exciseAujourdhui, je mestime satisfaite de cette opration que lon ma fait
subirVoil quatre ans que je suis divorce, et pas une seule fois, je nai ressenti le dsir de
courir aprs un homme ou tout simplement labsence de rapports sexuels comme un
manque, un manque vital.Elle [lexcision] permet la femme dtre matresse de son
corps. [3]
Pour S. Auffret: que signifie matriser son corps lorsquil ny a plus rien matriser ?
1.5.3. Le cadre lgislatif
La lgislation franaise
- Excision et infibulation relvent de la cours dassises
De 1978 1982, on apprend par la presse que trois fillettes africaines sont mortes en
France la suite dune excision.
Le premier procs dexcision a eu lieu en 1979. La petite Doua, ge de 3 ans et demi,
dcde des suites de son excision. La VIme chambre du tribunal correctionnel de Paris
condamne lexciseuse 1 an de prison avec sursis pour homicide involontaire. Les parents
nont pas t inculps. [9]
Ces affaires dexcision ont t juges en correctionnelle jusquen 1983. Cependant, la
jurisprudence de la cour de cassation tablit en aot 1983 que lablation du clitoris est une
mutilation au sens du Code pnal franais (Code pnal : Chapitre II, Section premire,
Paragraphe2, article 222-9 et 222-10) passible de la cours dassises. Cette
criminalisation de lexcision rsulte dun arrt de la chambre criminelle de Cassation rendu
le 20 aot 1983 dans une affaire ne concernant pas une mutilation de caractre thique. En
effet, une mre franaise avait procd lablation du clitoris ainsi que des petites lvres de
sa fille. Il sagit l dun acte de folie. [6]
-
28
Le terme de barbarie , parfois utilis pour qualifier les MSF, nest pas adapt. Ce nest
pas une qualification juridique. De plus, un acte est barbare quand il y a une intention de
nuire ; ce qui est rarement le cas pour les MSF.
Larticle 222-9 du code pnal (Chapitre II, Section premire, Paragraphe2) nonce que
les violences ayant entran une mutilation ou une infirmit sont punies de dix ans
demprisonnement et de 150 000 E damende .
Larticle 222-10 du mme code prvoit que linfraction dfinie larticle 222-9 est punie
de 15 ans de rclusion criminelle lorsquelle est commise :
- Sur un mineur de quinze ans ;
- Sur une personne dont la particulire vulnrabilit, due son ge, une maladie,
une infirmit, une dficience physique ou psychique ou un tat de grossesse, est
apparente ou connue de son auteur.
La peine encourue est porte vingt ans de rclusion criminelle lorsque linfraction est
commise par un ascendant lgitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant
autorit sur le mineur. [40, 61]
Prs de quarante procs dassises ont eu lieu depuis 1983, concernant quatre vingt
petites filles. Quatre dentre elles sont mortes dune hmorragie conscutive leur excision.
Les peines de prison prononces ont t le plus souvent assorties de sursis. Cependant, en
mars 1991, une exciseuse a t condamne une peine de cinq ans de rclusion criminelle
pour avoir excis six petites filles dune mme famille. En 1993, elle a t de nouveau
condamne cinq ans demprisonnement, dont un an ferme, pour avoir excis dix-sept
fillettes dont une petite fille ge de 3 mois, morte la suite de sa mutilation. En 1993, un
pre a t lui aussi condamn une peine de prison ferme, ainsi que le mari dune
exciseuse, un mois pour le premier, six mois pour le second. [4]
Pour des actes identiques, des pres sont acquitts, dautres incarcrs ; des mres
condamnes des peines symboliques alors que dautres sont en prisonLe procs est-il
dissuasif ? A t-il une valeur pdagogique ?
- Poursuite possible pour non-assistance personne en danger
Selon larticle 223-6 du code pnal (Chapitre III, Section 3), quiconque pouvant
empcher par son action immdiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit
un dlit contre lintgrit corporelle de la personne sabstient volontairement de le faire, est
puni de cinq ans demprisonnement et de 75 000 E damende. Sera puni des mmes peines
-
29
quiconque sabstient volontairement de porter une personne en pril, lassistance que,
sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prter soit par son action personnelle, soit
en provoquant un secours.
Les professionnels (comme tout citoyen) peuvent tre poursuivis pour non-assistance
personne en danger, si, connaissant limminence dune mutilation, ils ne saisissent
pas les autorits administratives, mdicales ou judiciaires charges de la protection
de lenfance.
Lorsquune fillette vient dtre excise, les professionnels doivent de la mme faon, en
rfrer aux mmes autorits. [40, 51, 61]
- La leve du secret professionnel
Le Code pnal (article 226-14) autorise la transgression du secret au
professionnel qui informe les autorits judiciaires, mdicales ou administratives de
svices ou de privations dont il a eu connaissance et qui ont t infliges un mineur de
moins de quinze ans ou une personne qui nest pas en mesure de se protger en raison de
son ge ou de son tat physique ou psychique .
Le secret professionnel ne peut tre invoqu lorsquune fillette est menace de mutilation.
Le Code de Dontologie mdicale (article 43) va dans le mme sens : Le mdecin doit
tre le dfenseur de lenfant lorsquil estime que lintrt de sa sant est mal compris ou mal
prserv par son entourage . [40, 61]
- La loi franaise sapplique t-elle ltranger ?
Selon larticle 113-7 du code pnal, la loi pnale franaise est applicable tout
crime ainsi qu tout dlit puni demprisonnement commis par un franais ou par un tranger
hors du territoire de la Rpublique lorsque la victime est de nationalit franaise au moment
de linfraction. [51]
Ainsi toutes les fillettes qui retournent au pays pour les vacances sont protges par
la loi franaise.
- La loi du 04/04/2006 sur la violence faite aux femmes
Cette loi modifie le dlai de prescription pour les mutilations sexuelles fminines. En effet, il
passe de dix vingt ans aprs la majorit, comme pour tous les crimes sexuels.
-
30
De plus, depuis le mois davril 2006, la loi sapplique toutes les fillettes qui vivent en
France, quelle que soit leur nationalit ou celle de leurs parents. [65]
Les conventions internationales
Larticle 5 de la Dclaration universelle des droits de lhomme dispose que nul
ne sera soumis la torture, ni des peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants.
La rsolution 2035, adopte par le Parlement europen le 26 fvrier 2001 dispose que
toutes les formes de mutilations sexuelles constituent lgard des femmes une violation de
leurs droits fondamentaux, qui sont les droits lintgrit de la personne et la sant
physique et mentale, et que de telles violations ne sauraient tre justifies par le respect de
traditions culturelles ou de crmonies initiatiques. [40, 45, 51]
Diffrentes conventions internationales dnoncent les pratiques discriminantes lgard des
femmes et des enfants :
- La Convention internationale des Nations unies sur llimination de toutes les
formes de discrimination lgard des femmes,
- La Convention internationale sur les droits de lenfant,
- La Charte africaine des droits de lhomme et des peuples,
- La Charte africaine des droits et du bien tre de lenfant. (Cf. annexe 2)
Lgislations trangres sur la pratique des MSF
Dix sept tats africains sur les vingt huit concerns ont adopt une lgislation
pour rprimer les MSF. Il sagit du Burkina-Faso, de la Cte dIvoire, de Djibouti, de
lEgypte, de lErythre, du Ghana, de la Guine, du Kenya, du Libria, du Nigeria, de la
Rpublique centrafricaine, du Sngal, de la Somalie, de la Tanzanie, du Tchad et du Togo.
Au Soudan, seule linfibulation est interdite. Cependant, selon les pays, ces lois sont peu
ou pas appliques et la pratique reste souvent trs rpandue. Cest pourquoi, en 2003,
une rencontre dexperts de ces vingt-huit pays, a eu lieu au Caire, en Egypte, dans lespoir
que des lois soient adoptes et respectes dans chaque pays o les MSF sont pratiques.
Certains pays occidentaux ont galement pris des mesures pour interdire les mutilations
sexuelles. En Europe, lAutriche, la Belgique, le Danemark, lEspagne, la Finlande, la Grce,
lIrlande, le Luxembourg, la Norvge, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Sude et
la Suisse ont une loi spcifique contre les MSF.
LAustralie interdit linfibulation et les Etats-Unis lexcision depuis 1996. [4]
-
31
1.5.4. La lutte contre les MSF, en France et dans le monde
Les diffrents organismes de lutte et de soutien
La lutte contre lexcision a commenc avec lengagement des femmes en
Afrique, dans les annes 1960.Il sagissait de mouvements trs politiss, dans la foule de
la dcolonisation, une poque de lhistoire o les tudiants taient en pleine bullition
partout dans le monde. Les femmes se sont empares des problmes qui les concernaient,
comme lexcision et les ont exposs sur la place publique. Le Cameroun a commenc dans
les annes 1960. Dans les annes 1970, ce fut le Sngal, puis dans les annes 1975, le
Burkina-faso et le Mali.
Depuis les annes 1980, des campagnes de lutte contre les MSF sont organises travers
le monde par les autorits locales mais surtout par les associations non gouvernementales
(ONG), notamment le Comit Inter-Africain (CIAF).
En France, les principales associations et ONG luttant contre la pratique des MSF sont le
Groupe de femmes pour lAbolition des Mutilations Sexuelles (GAMS), la Commission
pour lAbolition des Mutilations Sexuelles (CAMS), le Mouvement franais pour le planning
Familial (MFPF), la Dlgation Rgionale aux droits des Femmes et lEgalit et Amnesty
International.
Certaines de ces campagnes de lutte contre les MSF ont parfois abouti au rsultat oppos
celui attendu. En effet, dans un premier temps, les populations nont pas compris les raisons
vritables de la ncessit darrter ces pratiques et se sont senties juges. Mais petit petit,
ladoption de nouvelles stratgies pour mener des campagnes de prvention toujours plus
efficaces, a permis de diminuer parfois de faon considrable la pratique de ces mutilations.
La campagne de lutte mene par Tostan, une ONG internationale qui travaille en
collaboration avec lUNICEF a permis une nette diminution de la pratique de lexcision au
Sngal : la fin de lanne 2004, soit un peu moins de sept ans aprs le dbut de cette
campagne, 1527 communauts avaient abandonn la pratique des MSF, soit 30% de la
population sngalaise pratiquant les MSF. [4, 21]
La rparation chirurgicale
- La technique du Docteur Pierre Folds
Depuis 2000, le docteur Pierre Folds a mis au point une technique de chirurgie
rparatrice qui permet de reconstruire le clitoris. (Cf. annexe 3).
-
32
Avant lui, aucun scientifique ne stait intress cet organe. Cest en oprant des femmes
souffrant de fistules, lors de missions humanitaires en Afrique, que ce mdecin urologue a
mis au point cette opration. Elle consiste faire ressortir la partie interne du clitoris,
dune longueur de six huit centimtres sous la cicatrice, et de lui redonner une
sensibilit nerveuse.
Aprs lintervention (qui nest pas pratique sur la femme enceinte), le dlai minimum pour
un accouchement par voie basse est de trois six mois et les rapports sexuels ne sont pas
conseills avant la quatrime semaine.
Des publications tmoignent de la restauration sensorielle aprs cette chirurgie plastique :
elle permet une r acquisition de la sensibilit superficielle au bout de quelques semaines
grce lobtention dun gland peine abaiss et dot dune protusion anatomiquement
normale. [1]
Plusieurs centaines de femmes en France en ont dj bnfici pour retrouver leur intgrit
physique. Une dizaine de chirurgiens pratiquent actuellement la chirurgie en France et en
Afrique, dont un au Burkina-Faso et un autre au Sngal. Rcemment, une premire
consultation spcialise a t cre dans les hpitaux Rothschild et Bichat Paris ainsi qu
lHpital Mre et Enfant (HME) du CHU de Nantes, pour assurer un suivi des patientes
avant, pendant et aprs la rparation. (Cf. 2.3.3. La rparation chirurgicale des MSF au
CHU de Nantes)
En France, cette intervention est aujourdhui rembourse par la scurit sociale. [4]
Isabelle Gillette-Faye, sociologue et directrice du GAMS, ne conseille pas systmatiquement
la rparation chirurgicale aux fillettes qui sadressent elle (et aux diffrents intervenants du
GAMS) pour comprendre ce qui leur est arriv: elles veulent tre comme avant , et
ventuellement, dans les socits daccueil, elles veulent tre comme les autres .
Ensuite, elles pensent aussi au plaisir sexuel, le leur ou celui de leur partenaire, qui se plaint
parfois de leur manque de rceptivit, mais ce nest pas ce quelles mettent dabord en
avant. Nous, nous tentons de les accompagner de faon plus gnrale, pour les aider
comprendre ce qui leur est arriv, et reprendre courage et force. Une opration chirurgicale
nest pas un acte banal, surtout quand il sagit de personnes mineures. Au-del de supprimer
les squelles douloureuses pour certaines dentre elles, la possibilit dune reconstruction
chirurgicale du clitoris offre toutes un immense espoir et reprsente une revanche sur la
vie. Il nen reste pas moins que la solution serait labandon de lexcision ! [4]
-
33
-Les autres techniques chirurgicales
Plusieurs chirurgies peuvent tre envisages en fonctions des complications
provoques par la mutilation sexuelle :
-Kystes pidermiques, kystes dinclusion rsection
-Nvromes libration nerveuse
-Dsinfibulation reprage de lurtre, incision mdiane, suture.
La dsinfibulation peut tre ralise en dehors de laccouchement pour traiter des
infections urinaires rptition, des dyspareunies voire une impossibilit aux rapports
sexuels... ou au cours de laccouchement (si elle na pas t ralise avant la grossesse)
pour ouvrir la vulve et faciliter le dgagement du nouveau-n. Elle est indique en cas de
MSF de type II (avec pseudo-infibulation) ou III. (Cf. annexe 3)
Une tude amricaine publie en 2006 a valu la satisfaction de 40 femmes ayant subi une
dsinfibulation chirurgicale dans deux hpitaux de Boston entre 1995 et 2003.
95% de ces femmes taient originaire de Somalie. Les principales indications de cette
intervention taient : tre enceinte et souhaiter accoucher par voie basse (30%),
dysmnorrhes (30%), impossibilit de rapports sexuels (20%) et dyspareunies (15%).
48% de ces femmes avaient un clitoris intact cach sous la cicatrice, 36% ont eu des
dmangeaisons postopratoires sur la cicatrice mais qui ont disparu aprs deux semaines et
12% ont dmarr une grossesse rapidement aprs la dsinfibulation. 100% des femmes ont
t satisfaites de lintervention, 95% ont eu des rapports sexuels amliors et 94% la
recommandent aux autres femmes. [37, 65]
La mdicalisation des MSF: une solution culturelle ?
La circoncision effectue en milieu hospitalier est devenue une banalit. Pourrait-il en
tre de mme pour lexcision ?
En effet, il semblerait quactuellement, dans certains milieux aiss de grandes villes
africaines, comme Bamako, lexcision soit pratique en milieu hospitalier, sous anesthsie.
Lexcision pratique lhpital par des infirmiers ou des sages-femmes est en hausse
en Egypte, en Guine et au Mali.
A Djibouti, les femmes vont lhpital militaire pour se faire dsinfibuler avant le mariage.
Aprs laccouchement, la femme est recousue la taille du sexe du mari , c'est--dire
avec un orifice plus large que lors de linfibulation initiale, mais plus troit quune ouverture
non mutile. De la sorte, les relations sexuelles sont plus confortables pour lhomme, qui fait
-
34
faonner le sexe de son pouse ses mesures , mais restent souvent pnibles pour la
femme. [4]
Aujourdhui en France, lexcision ne peut tre pratique sans violation de la dontologie
mdicale. De plus, la mdicalisation prne par certains banaliserait la pratique
excisionnelle, la perptuerait plus quelle ne laiderait disparatre. Mme si elle
rassure sur les risques mdicaux immdiats, et notamment les risques de mortalit, la
mdicalisation est une faon confortable de se dbarrasser du problme . [16]
1.6. Lhomme et les MSF
Lexcision pratique par les femmes, souvent dfendues par elles, nest-elle
qu une affaire de femmes ?
Il est en effet difficile de rpondre cette question. Nous nous trouvons au cur du dbat
men au sein de la communaut africaine o saffrontent les gardiens de la tradition et les
progressistes.
Pour savoir ce quen pensent les femmes elles-mmes, dans son livre Tu ne couperas
point , Marie-Jos Bourdain nous retransmet leurs paroles.
- Plusieurs dentres elles restent convaincues que cest une affaire de femmes :
Ce sont les mamans excises elles aussi qui dcidentles femmes sont excises pour les
hommes .
- Au contraire, certaines pensent que les hommes ont une part de responsabilit :
Lexcision, une affaire de femmes ? Oui et non. Oui, parce que tout ce qui entoure les
pratiques de lexcision, les rites, les ftes, ce sont les femmes qui le font, et non, parce que
si les hommes ne le veulent plus, les femmes ne le feront plus. Ce sont les hommes qui
dtiennent les cls pour arrter . [59]
Dans la littrature, il nest pratiquement jamais question de lapprciation globale de ces
pratiques par les hommes appartenant aux socits concernes.
Dans son livre La femme blesse , Michel Erlich nous prsente les tmoignages de
quelques hommes de Djibouti interrogs ce sujet. Certains dclaraient prfrer les
femmes intactes en raison de leur plus grande jouissance sexuelle, et se montraient
plutt favorables labandon des MSF (tout en restant attachs la circoncision).
Dautres manifestaient un attachement plus net lexcision et mme linfibulation. Cette
dernire, constamment associe la protection de la virginit, ntait jamais prsente par
-
35
les hommes interrogs comme un moyen daccrotre la jouissance sexuelle masculine
(notion frquemment invoque par les femmes), faisant valoir les avantages rotiques de
ltroitesse de lorifice vaginal.
Selon C. Quiminal : Cest vrai que se sont les femmes qui pratiquent les excisions mais
cest lexpression de lintriorisation par les femmes de la domination des hommes et ce sont
les vielles femmes qui imposent aux jeunes, la reproduction de lordre villageois. Cest
lintrieur dun systme de domination extrmement fort que les femmes pratiquent ces
coutumes. [9]
Selon R. Saurel, le rle la parent fminine (tantes, belles-mres) dans lexcision, son
caractre social exclusivement fminin, la revendication des femmes la considrer comme
leur chose montre que le pouvoir mle a russi faire de la sanglante mutilation
une affaire de femmes. Le caractre de lalination fminine est absolu : toute la
hirarchie sociale des femmes vient servir la suprmatie masculine. [15]
Source : Photographie de MANSERA K., Le jour o Khady perdit une partie de sa vie. [14]
-
36
2me
partie : Prise en charge actuelle des M.S.F.
en maternit
2.1. Introduction
Depuis quelques annes, le nombre de migrants originaires dAfrique de
lOuest, et notamment de Guine Conakry, ne cesse daugmenter dans les Pays de la
Loire.
Les sages-femmes et autres professionnels de sant se trouvent ainsi de plus en plus
confronts la problmatique des mutilations sexuelles fminines.
De plus, suite au colloque national sur les MSF du 04/12/06, M. Bertrand Xavier, ministre de
la Sant et de la Solidarit a annonc : notre objectif [est] de mettre fin aux mutilations
sexuelles fminines dici 2010 au plus tard . Grce ce colloque mais surtout aux
professionnels de sant et associatifs qui depuis 25 ans se mobilisent contre lexcision, des
pistes dactions se sont dessines pour lutter contre ces pratiques. [46]
Nous avons souhait, dans un premier temps, dterminer le niveau de connaissance des
sages-femmes et les pratiques des maternits de Loire-Atlantique en terme de prise en
charge des MSF. Dans un second temps, nous nous sommes intresss plus
particulirement la prise en charge de ces femmes mutiles la maternit du CHU de
Nantes, sur le modle de la prise en charge effectue lhpital Rothschild Paris. Pour
finir, nous avons fait une mise au point sur les diffrentes actions possibles de la sage-
femme et de lensemble des professionnels de sant afin de mieux accompagner ces
femmes dans le per-partum.
-
37
2.2. Etude descriptive sur les connaissances des sages-femmes et la prise en charge actuelle des MSF dans les maternits de Loire-Atlantique
2.2.1. Objectif
Les sages-femmes des maternits des Pays de Loire, qui prennent en charge ces
femmes africaines susceptibles dtre mutiles, ont besoin de connaissances prcises sur
les MSF. Nous avons voulu savoir, dans le dpartement de Loire Atlantique plus
prcisment, si elles estimaient que leurs connaissances taient suffisantes pour soccuper
au mieux de ces femmes ayant besoin de soins particuliers. De plus, travers leurs
expriences, nous avons essay danalyser leurs pratiques pour en dduire les difficults
rencontres qui empchent une prise en charge optimale dune femme ayant subi une MSF.
2.2.2. Matriel et mthode
Pour atteindre notre objectif, nous avons ralis un questionnaire anonyme qui a
t distribu aux sages-femmes des huit maternits de Loire Atlantique. (cf. annexe 4)
Lobjectif tait denvoyer ce questionnaire 30% des sages-femmes de ces maternits, pour
esprer en recueillir au moins les deux tiers, cest dire reprsenter au minimum 20% des
sages-femmes.
Ces questionnaires ont t envoys aux sages-femmes cadres, qui les ont ensuite distribus
aux sages-femmes exerant dans tous les services de la maternit, sans aucune condition
exclusive.
Cependant, au CHU de Nantes, pour des raisons pratiques de retour des questionnaires et
sachant la mobilit des sages-femmes entre les diffrents services, ceux-ci ont tous t
dposs dans le service des suites de couches.
2.2.3. Descriptif de lchantillon
Priode : Les questionnaires ont t envoys (ou dposs) le 20 septembre et ont t
recueillis jusquau 15 novembre 2006.
-
38
Maternits concernes :
- CHU de Nantes
- Polyclinique de lAtlantique (PCA) Saint Herblain
- Clinique Jules Verne de Nantes
- Clinique Brtch de Nantes
- Hpital de Saint Nazaire
- Clinique du Jardin des Plantes (JDP) de Saint Nazaire
- Hpital dAncenis
- Hpital de Chteaubriant
Dans la suite de notre tude, pour garder lanonymat des tablissements, ils seront
dnomms de faon alatoire par une lettre de B H. (hormis pour le CHU de Nantes qui
est reprsent par la lettre A).
Professionnels participants : Les sages-femmes (SF) de bloc obsttrical, de suites de
couches, de consultations prnatales, de prparation laccouchement, ainsi que les SF des
services de gyncologie, de grossesses pathologiques et dorthognie.
Tableau n3 : Construction de lchantillon :
A
B
C
D
E
F
G
H
TOTAL
Nombre de SF
dans
ltablissement
au 01/09/06
83
50
30
14
29
20
14
11
251
Nombre de
questionnaires
envoys
25
15
9
5
9
6
4
4
77
Nombre de
questionnaires
reus
18
11
7
4
0
3
4
4
51
Taux de
rponses
72%
73.3%
77.7%
80%
0%
50%
100%
100%
69.1%
Les sages-femmes de la maternit E ont refus de rpondre notre questionnaire pour deux
raisons : elles rencontrent peu de femmes mutiles dans leur maternit et elles dclarent
ne pas avoir assez de connaissances sur les MSF.
-
39
2.2.4. Rsultats
Le nombre de questionnaires analys est de 51.
Les sages-femmes
Les sages femmes interroges ont en moyenne 39.8 ans (de 25 et 59 ans) et ont
respectivement entre 1 et 38 annes dexercice.
Sur 51 sages-femmes, 23 ont dj travaill en consultations prnatales (45.1%), 50 au bloc
obsttrical (98%), et 42 en suites de couches (82.4%).
Actuellement, 15 travaillent en consultations prnatales (29.4%), 29 au bloc obsttrical
(56.9%), 27 en suites de couches (52.9%), 1 en grossesses pathologiques, 1 au service de
Diagnostic Antnatal (DAN), 1 au planning familial, et 2 ont un poste de sage-femme librale.
En effet, certaines sages-femmes occupent plusieurs postes la fois.
Dans notre tude, les sages-femmes proviennent de divers services et ont ainsi pu
prendre en charge des femmes mutiles des moments diffrents (grossesse,
accouchement).
Une seule sage-femme a dj travaill en Afrique (au Congo) ; nous ne pouvons donc pas
savoir si le fait davoir travaill en Afrique permet aux sages-femmes dtre plus
laise pour la prise en charge des MSF.
Risque de confrontation aux MSF
15 sages-femmes (29.4%) rencontrent souvent, dans lexercice de leur profession,
des femmes originaires dAfrique, 30 en rencontrent de temps en temps (58.8%) et 6 en
rencontrent rarement (11.8%).
La majorit des sages-femmes de Loire-Atlantique se trouvent ainsi confrontes des
femmes susceptibles dtre mutiles.
Parmi les 15 sages-femmes qui rencontrent souvent ces femmes originaires dAfrique, 13
travaillent au CHU de Nantes (86.7%) et 2 la PCA de St Herblain (16.7%). Ce sont
surtout les sages-femmes du CHU de Nantes qui prennent en charges ces femmes
dans le dpartement de Loire-Atlantique.
Pour 11 dentre elles (78.6 %), il sagit souvent de femmes dAfrique de lOuest (pratiquant
surtout lexcision) et pour 2 dentres elles, il sagit souvent de femmes dAfrique de lEst
(pratiquant surtout linfibulation).
-
40
Au cours de ces trois dernires annes, 20 sages-femmes (39.2%) dclarent avoir rencontr
et examin entre 1 et 10 femmes mutiles, 5 (9.8%) en ont examin entre 10 et 20, 2 (3.9%)
en ont examin plus de 20 (soit un total de 27 sages-femmes) et 24 (47.1%) nen ont pas
rencontr.
2 sages-femmes, sur les 25 qui ont rencontr des femmes mutiles au cours de ces trois
dernires annes (et qui ont rpondu la deuxime partie du questionnaire), ont constat
des MSF ralises sur le territoire franais.
Connaissances des sages-femmes
Durant leurs tudes, 43 sages-femmes sur 51 (84.3%) nont pas eu de cours sur
les MSF. Pour les 7 sages-femmes qui en ont eu, elles considrent toutes que leurs
connaissances sont insuffisantes.
Une des raisons voques par les sages