LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES : Quelle … · 5-.Entretien avec Mme X. 6-.Entretien avec la...

download LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES : Quelle … · 5-.Entretien avec Mme X. 6-.Entretien avec la psychologue du CHU de Nantes (participant à la prise en charge ... alors que la

If you can't read please download the document

Transcript of LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES : Quelle … · 5-.Entretien avec Mme X. 6-.Entretien avec la...

  • UNIVERSITE DE NANTES

    UFR DE MEDECINE

    ECOLE DE SAGES-FEMMES

    Diplme dEtat de Sage-femme

    LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES :

    Quelle prise en charge en maternit ?

    Manuella GONCALVES

    Ne le 7 aot 1982

    Directeur de mmoire : Professeur Henri-Jean Philippe

    Promotion 2002-2007

  • Depuis la nuit des temps,

    Lpoque nolithique, puis pharaonique,

    Jusquau 3me millnaire,

    Une pratique inimaginable a t cre par

    lhomme

    Et ralise par les femmes contre les

    femmes :

    LES MUTILATIONS SEXUELLES

    FEMININES

    Lorsquune coutume traverse les ethnies, les classes sociales, les

    formations conomiques les religions, les continents ce nest plus une

    coutume, cest une politique. Admettons quune coutume ne se juge pas, du

    moins de lextrieur, une politique inversement se juge et se combat de

    l extrieur comme de l intrieur .

    S. Auffret [3]

  • SOMMAIRE

    INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 1

    1re partie: Les Mutilations sexuelles fminines,

    De quoi parle t-on?

    1.1.LE CONTEXTE HISTORIQUE .......................................................................................................... 2

    1.2. LES DIFFERENTS TYPES DE MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES ................................... 3 1.2.1. Les repres morphologiques .......................................................................... 3

    1.2.2. Classification .................................................................................................. 4

    1.3. DESCRIPTION DES OPERATIONS ............................................................................................... 7 1.3.1. En Afrique ...................................................................................................... 7

    1.3.2. En France..................................................................................................... 11

    1.4. POUR QUELLES RAISONS LES MUTILATIONS .SEXUELLES .FEMININES SONT-ELLES PRATIQUEES ? .................................................................................................................................... 12

    1.4.1. Raisons psycho-sexuelles ............................................................................ 12

    1.4.2. Raisons sociologiques .................................................................................. 13

    1.4.3. Raisons religieuses ...................................................................................... 13

    1.4.4. Raisons dordre esthtique et hyginique ..................................................... 14

    1.4.5. Rle sur la fcondit ..................................................................................... 14

    1.4.6. Raisons conomiques .................................................................................. 14

    1.4.7. Raisons mythiques ....................................................................................... 15

    1.5. UN VERITABLE PROBLEME DE SANTE PUBLIQUE ................................................................ 15 1.5.1. Rpartition gographique et prvalence ....................................................... 15

    1.5.2. Les complications des M.S.F. ....................................................................... 19

    1.5.3. Le cadre lgislatif ......................................................................................... 27

    1.5.4. La lutte contre les MSF, en France et dans le monde ................................... 31

    1.6. LHOMME ET LES MSF ................................................................................................................ 34

  • 2me partie: Prise en charge actuelle des MSF en maternit

    2.1. INTRODUCTION ............................................................................................................................ 36

    2.2. ETUDE DESCRIPTIVE SUR LES CONNAISSANCES DES SAGES-FEMMES ET LA PRISE EN CHARGE ACTUELLE DES MSF DANS LES MATERNITES DE LOIRE-ATLANTIQUE ................... 37

    2.2.1. Objectif ......................................................................................................... 37

    2.2.2. Matriel et mthode ...................................................................................... 37

    2.2.3. Descriptif de lchantillon .............................................................................. 37

    2.2.4. Rsultats ...................................................................................................... 39

    2.2.5. Discussion .................................................................................................... 44

    2.3. PRISE EN CHARGE DES MSF AU CHU DE NANTES ................................................................ 48 2.3.1. Introduction .................................................................................................. 48

    2.3.2. Mise au point effectue par le groupe de travail ........................................... 49

    2.3.3. La rparation chirurgicale des MSF au CHU de Nantes ............................... 53

    2.4. LA SAGE-FEMME ET LES MSF : MISE AU POINT ET PROPOSITIONS POUR UNE PRISE EN CHARGE OPTIMALE DES FEMMES MUTILEES SEXUELLEMENT EN MATERNITE .................... 56

    2.4.1. Introduction .................................................................................................. 56

    2.4.2. La formation des sages-femmes .................................................................. 56

    2.4.3. La grossesse : moment privilgi pour le dpistage et la prvention des MSF

    ............................................................................................................................... 57

    2.4.4. Le travail et laccouchement ......................................................................... 59

    2.4.5. Le post-partum ............................................................................................. 60

    2.4.6. Actions dinformation, de prvention et de sensibilisation des familles ......... 62

    CONCLUSION ...................................................................................................................................... 64 BIBLIOGRAPHIE ANNEXES 1-.Rpartition des MSF dans le monde

    2-.Les conventions internationales 3-.La dsinfibulation chirurgicale et la rfection du clitoris 4-.Questionnaire destin aux sages-femmes des maternits de Loire-Atlantique 5-.Entretien avec Mme X. 6-.Entretien avec la psychologue du CHU de Nantes (participant la prise en charge des femmes mutiles sexuellement) au sujet dune patiente demandant une rfection du clitoris. 7-.Recommandations de lAcadmie nationale de mdecine visant lradication des MSF 8-.Document mis la disposition des patientes dans les salles dattente dIle de France

  • 9-.Plaquette dinformations ralise dans le cadre du mmoire

  • 1

    Introduction

    Aujourdhui en 2006, alors que la technologie et la mdecine ont fait dimmenses

    progrs, il nous faut encore lutter contre toutes sortes de violences. Depuis des dcennies,

    la violence faite aux femmes na pas cess, et elle existe dans toutes les socits et toutes

    les couches sociales.

    En Afrique, terre de traditions et de cultures qui mritent dtre reconnues et apprcis, les

    droits de la personne humaine, sa dignit et lintgrit de son corps sont bafous par la

    pratique des MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES.

    Mme si certaines associations luttent depuis de nombreuses annes en France et

    en Afrique (continent le plus touch) pour mettre fin cette pratique traditionnelle violente et

    dgradante, en ce moment mme, des millions de femmes, denfants et de jeunes filles sont

    encore dans la souffrance, violentes, mutiles et humilies au plus profond delles-mmes.

    La prise de conscience rcente par le milieu mdical de la pratique de ces mutilations

    sexuelles fminines en France a permis la mise en place dactions dinformation, de

    prvention et de prise en charge des complications.

    Dans un premier temps, aprs une description des mutilations sexuelles fminines,

    des raisons invoques pour leur pratique et des complications provoques, nous aborderons

    laspect lgislatif qui encadre cette pratique en France

    Dans un second temps, aprs un tat des lieux sur les connaissances des sages-femmes en

    terme de mutilations sexuelles et sur la prise en charge de ces femmes mutiles en Loire-

    Atlantique, nous ferons une mise au point, travers la pratique du CHU de Nantes, sur les

    actions mettre en place pour optimiser la prvention et la prise en charge des mutilations

    sexuelles fminines en maternit.

  • 2

    1re

    partie : Les mutilations sexuelles fminines :

    De quoi parle t-on ?

    1.1.Le contexte historique

    Les mutilations sexuelles fminines (MSF) pourraient remonter plus de six mille

    ans. Elles auraient pour origine la rgion du Haut-Nil et auraient t largement pratiques

    lpoque des pharaons. Larchologie en apporte un tmoignage travers la dcouverte,

    dans les annes 1920, de deux cadavres fminins datant du Nolithique infrieur dans les

    tourbires de lAllemagne du Nord, en Westphalie. Les corps en bon tat de conservation,

    ont pu tre identifis comme ceux de deux femmes provenant dEgypte lpoque

    pharaonique, qui se trouvaient en Europe pour des raisons inconnues. [4, 22]

    Dj, en lan 700 avant J.C., Hrodote mentionne lexcision, et cest de l que proviendrait le

    nom excision pharaonique ou circoncision pharaonique pour voquer linfibulation

    pratique en Afrique de lEst. [55, 61]

    La premire mention crite de lexcision, galement gyptienne, se trouve dans le quinzime

    papyrus grec du British Musum, datant de 163 avant J.C. [4]

    Dorigine paenne, lexcision sest donc dveloppe bien avant lapparition des religions

    monothistes (chrtienne, juive ou musulmane).

    La clitoridectomie nest pas un phnomne purement africain. Elle a fait partie

    intgrante de la mdecine en Europe et aux Etats Unis. Bien que lhistoire ait retenu surtout

    le nom du docteur Isaac Baker Brown (1812-1873), gyncologue de renom Londres,

    nombreux furent les mdecins qui soignrent les cas dhystrie, de migraine, dpilepsie ou

    de nymphomanie. Aux Etats-Unis, on plaidait pour la suppression de ces organes car le

    diable y logeait . Lexcision fut ainsi pratique jusquen 1925 de faon officielle, mais le

    dernier cas recens date de 1948 sur une fillette de cinq ans en Angleterre. [13, 55]

    Lhistoire de lexcision devient ensuite aussi celle de sa dnonciation, et du conflit culturel

    qui allait en natre. Cest en Afrique du sud, en 1920, que, pour la premire fois, des voix

    slvent contre elle.

    Avec limmigration noire africaine en Europe, les mutilations sexuelles fminines se

    sont donc dveloppes en France depuis les annes 1970-1980. [15]

  • 3

    1.2. Les diffrents types de mutilations sexuelles fminines

    1.2.1. Les repres morphologiques

    Un bref rappel descriptif de lappareil gnital externe fminin parat ncessaire une

    bonne comprhension des mutilations voques.

    Les structures anatomiques sur lesquelles portent ces oprations forment les parties

    constitutives de la vulve. Trois aires anatomiques peuvent tre isoles :

    - les formations labiales qui comprennent les grandes et petites lvres (ou nymphes),

    - la fente vulvaire, qui comprend respectivement davant en arrire le vestibule, le mat

    urtral et lorifice vaginal,

    - lappareil rectile : il est compos du clitoris et des bulbes vaginaux constitus de deux

    formations comprenant les corps caverneux enfouis la base des petites lvres. Le clitoris,

    petit organe vaguement cylindrique est situ au sommet du vestibule. Il est partiellement

    recouvert par le capuchon ou prpuce clitoridien, repli cutano-muqueux dvelopp aux

    dpens des petites lvres, et se termine par le gland, arrondi et lgrement renfl.

    Figure n1 : La vulve

    Source : www.groupeelva.org/HTML/anato; html

    La vulve est particulirement riche en vaisseaux sanguins et est remarquablement innerve.

    Il existe son niveau des rcepteurs sensitifs, ceux-ci sont trs nombreux sur les petites

    lvres et dautant plus quon sapproche du clitoris. Ils permettent la sensibilit la pression,

    au froid et au contact lger. Les corpuscules de Krause-Finger, dits de la volupt, sont

    retrouvs au niveau du gland clitoridien et font de celui-ci un vritable organe sensoriel

  • 4

    gnital malgr sa petite taille. Le systme clitoridien dans son ensemble, a un rle

    important dans la rponse sexuelle de la femme. [8, 15]

    1.2.2. Classification

    Les mutilations sexuelles fminines sont diverses. Elles ont en commun laltration

    irrversible, la destruction des organes gnitaux externes fminins.

    Depuis 1996, lOrganisation Mondiale de la sant (O.M.S.) les classe en quatre types :

    - Type I : La Circoncision fminine

    Appele de faon errone SUNNA (arabe = tradition), elle consiste en la rsection

    du seul capuchon ou prpuce clitoridien.

    Selon lAcadmie nationale de mdecine, elle pourrait tre exclue du cadre des M.S.F. En

    effet, si la rsection est limite au capuchon clitoridien, elle ne modifie en rien les capacits

    sexuelles ou reproductives de la femme et comme la circoncision masculine, ne peut tre

    considre comme une mutilation. [1]

    En fait, il existe bien peu de circoncisions vraies. Lacte tant pratiqu chez un bb ou une

    fillette impubre, la petitesse des organes gnitaux fait que le gland voire la hampe du clitoris

    sont presque toujours sectionns. On observe alors le type II des M.S.F.

    Photo n1 : Excision de type 1 (pratique chirurgicalement)

    Source : P. Folds, Supplment au Bull. Acad. Natle Md., 2004, 188, n6 : 23. [1]

  • 5

    - Type II : Lexcision ou la clitoridectomie

    Dans ce cas, il y a rsection plus ou moins importante de la hampe du clitoris et

    des petites lvres. Trs rpandue en Afrique noire, cest la forme la plus courante

    puisquelle reprsente plus de 80% des M.S.F. [1, 3, 4, 8, 15]

    Dun point de vue scientifique, lexpression souvent employe de la circoncision fminine

    (pour parler dexcision), est impropre. Il sagit dans le cas de la femme de couper non pas

    lquivalent du prpuce mais du pnis. En effet, la circoncision, chez les hommes consiste

    sectionner le prpuce afin de mieux librer le gland. Elle naltre aucun organe, aucune

    fonction du corps et notamment pas la vie sexuelle et le plaisir sexuel. Au contraire, le clitoris

    est lorgane essentiel de la sexualit. [13]

    Photo n2 : Excision de type 2

    Source : P. Folds, Supplment au Bull. Acad. Natle Md., 2004, 188, n6 : 24. [1]

    - Type III : LInfibulation

    Encore appele circoncision pharaonique ou mutilation soudanaise , il sagit

    de la forme la plus radicale, la plus extrme des M.S.F. Elle comporte la section de la

    hampe du clitoris, lablation partielle ou totale des petites lvres (comme lors dune

    excision) ainsi que lavivement ou lincision des grandes lvres puis leur suture (par des

    pines dacacias) ou leur accolement en liant les membres infrieurs juxtaposs,

    pendant 15 20 jours, jusqu cicatrisation de la plaie. Ceci entrane une fermeture, une

    occlusion quasi-totale de la fente vulvaire; seul un petit pertuis lextrmit postrieure

    de la vulve, obtenu par linsertion dun bout de bois dans la plaie, est prserv pour

    permettre lcoulement des urines et du sang menstruel.

    Elle reprsente 15% des M.S.F. [1, 3, 4, 8, 13, 21, 26, 32, 61]

  • 6

    Photo n3 : Excision de type 3

    Source : P. Folds, Supplment au Bull. Acad. Natle Md., 2004, 188, n6 : 33. [1]

    Figure n2 : Comparaison des trois types de mutilations sexuelles fminines

    Source : Huston P. Rapport compil pour le groupe de travail fdral interministriel sur les

    mutilations des organes gnitaux fminins. Bureau pour la sant des femmes, Sant

    Canada, Automne 2000.

    - Type IV : Autres procds

    Il regroupe toute une srie de variantes :

    - scarification par piqres,

    - perforations ou incisions du clitoris et/ou des petites lvres et des grandes lvres,

  • 7

    - carbonisation du clitoris et des tissus environnants laide de braises provenant dun arbre

    sacr (au Kenya),

    - grattage de lorifice vaginal ou incision du vagin,

    - introduction de substances corrosives ou de plantes dans le vagin, pour provoquer des

    saignements ou pour le resserrer,

    - introcision ou pisiotomie coutumire pratique par certains aborignes dAustralie,

    - tirement du clitoris et/ des lvres [1, 4, 8, 13]

    1.3. Description des oprations

    1.3.1. En Afrique

    Quel est lge de la future excise ?

    Lexcision peut avoir lieu diffrents ges. Traditionnellement, elle avait lieu la

    pubert, lors des crmonies rituelles, mais elle a perdu progressivement son caractre

    collectif pour devenir une pratique individuelle ralise en priv, sur des filles de plus

    en plus jeunes, parfois ges de quelques jours. Cependant, plus lenfant est jeune plus

    les parties exciser sont petites et plus le risque de dgts anatomiques est important.

    Chez certaines ethnies, lexcision peut avoir lieu juste avant la pubert (au Kenya chez les

    Kikuyu, au Mali et en Cte dIvoire chez les Malink, au Burkina Faso chez les Mossi). Elle

    peut enfin tre ralise sur des adultes, juste avant le mariage (au Nigeria chez les Ibibio),

    pendant la grossesse (au Nigeria chez les Igbo Ogbaru) ou mme aprs la naissance du

    premier enfant. [4, 9]

    Qui pratique les MSF ?

    Dans la grande majorit des cas, ces oprations sont pratiques par une matrone

    ou une accoucheuse tradipraticienne (pratiquant la mdecine traditionnelle), ou par une

    femme du village ge et sage, appartenant la ligne des exciseuses. Au Sngal ou au

    Mali, lexciseuse fait partie le plus souvent de la caste des forgeronnes, traditionnellement

    rattache au travail du fer.

    Plus rarement, il arrive quelles soient pratiques par des hommes exerant la profession de

    barbier, en gnral sur des bbs, en Afrique Anglophone.

    Lexcision dune fillette ncessite la prsence de plusieurs personnes, pour la maintenir les

    jambes cartes, lui tenir les bras et lempcher de senfuir quand elle a lge de marcher. La

    matrone est donc entoure dune assistance exclusivement fminine. Il sagit en gnral

  • 8

    de femmes appartenant la famille de la future excise, mais trs rarement de sa mre,

    souvent effraye lide de voir sa propre fille souffrir.

    La mre nest pas matresse de la situation. La famille possde (en particulier pour

    lexcision), des droits sur lenfant. Il ny a pas dautonomie de la famille conjugale par rapport

    au lignage : il est moins lenfant du couple que celui du lignage.

    Lopratrice est dans la majorit des cas rmunre. La rmunration autrefois

    symbolique , a augment de manire significative cause de la faiblesse des revenus. La

    rmunration est plus importante dans les grandes villes, et saccompagne de cadeaux

    (savons, parfums, nourriture ). [4, 8, 9, 13]

    O sont -elles pratiques ?

    Le choix du lieu de lexcision dpend principalement du caractre individuel ou

    collectif de cette dernire

    Dans le premier cas, le lieu est habituellement le domicile familial ou celui du fianc.

    Dans le second, il existe une chronologie parfois trs stricte en fonction de critres

    socioculturels prcis. Il sagit l en effet de sances regroupant toutes les futures excises

    dun mme village, ncessitant le choix dun lieu spcialement affect cet effet : au village,

    dans la maison de lexciseuse ou hors du village, la lisire dun bois, dans une clairire,

    lextrmit dun point deau sacr [8]

    Quels sont les instruments utiliss ?

    Lorsquil existe un contexte rituel, on peut retrouver un couteau spcialement rserv

    lexcision. En dehors des couteaux, les lames de rasoirs sont frquemment utilises,

    notamment en Egypte et au Soudan. Dautres moyens plus primitifs peuvent tre utiliss :

    pierres tranchantes, morceau de coquillages ou encore tesson de verre. Lexciseuse ralise

    parfois la mutilation avec ses ongles, comme chez les Amhara dEthiopie. [8]

  • 9

    Source : Photo de J. Sundby [65]

    La phase prliminaire

    Dans la plupart des socits africaines, il existe des prescriptions rituelles dautant

    plus labores, quelles sinscrivent dans un processus initiatique de passage de lenfance

    lge adulte ou dintgration dans un groupe social restreint.

    Ainsi, la phase opratoire est souvent accompagne dans les jours ou les heures prcdant

    lopration, dune prparation rituelle comprenant des mesures mdicinales vise

    homostatique et parfois anesthsiante comme le bain froid. Une alimentation constipante et

    une dite hydrique sont galement prescrites dans bon nombre de cas. Dans certaines

    ethnies, comme chez les Dogons dAfrique occidentale, les futures excises sont runies en

    un lieu souvent inconnu, sous la responsabilit de lexciseuse, o elles sont soumises

    toute une srie de prescriptions alimentaires, vestimentaires cosmtiques et sociales (dont

    lvitement des hommes).[8, 9]

    Lopration en elle-mme

    Ces interventions ont gnralement lieu vif, sans anesthsie ni aucune condition

    dhygine. Selon les ethnies, la faon de procder nest pas tout fait la mme.

    Lenfant est souvent assise par terre (ou sur un tabouret bas), et une femme robuste

    sassied derrire elle pour lui tenir les bras. Deux femmes tiennent chacune une jambe de

    lenfant. Aprs avoir cart les grandes et les petites lvres de lenfant, la matrone les fixe

    dans la chair, de chaque cot des cuisses, au moyen de grosses pines. Avec son

    instrument qui, dans la majorit des cas a dj t utilis sans tre dsinfect, elle fend le

    capuchon, puis le coupe. Tandis quune autre femme ponge le sang avec un chiffon, la

    matrone creuse de longle un trou tout le long du clitoris, afin de dcortiquer cet organe.

    Tandis que la fillette pousse des cris pouvantables, la matrone finit par draciner le clitoris

  • 10

    quelle dgage et extirpe la pointe de son instrument. Les voisines, parfois invites

    contrler lopration, plongent lune aprs lautre lindex dans la plaie de faon sassurer

    que le clitoris a t intgralement enlev. Puis la matrone reprend son instrument et tranche

    les petites lvres. Elle peut galement mettre vif la bordure des grandes lvres en les

    corchant du bout de sa lame.

    Certaines ont de la chance (on nose crire le mot) que lopration se termine l. Dans

    certaines contres, ce nest quun dbut, car suit ce que lon appelle linfibulation. La matrone

    enlve alors la paroi interne des grandes lvres puis commence la couture. Les grandes

    lvres sont rapproches et fixes bout bout avec des pines dacacia nain (qui mesurent

    prs de deux centimtres). Entre les pines est pass un lien qui ferme la plaie la manire

    dun corset. Seule une minuscule ouverture est mnage larrire pour le passage des

    urines et du sang menstruel. Pour viter une soudure totale, la matrone place dans ce petit

    orifice une allumette ou un petit morceau de bambou. Elle rpand ensuite sur la plaie un

    mlange de sucre et de gomme arabique, ce qui forme une colle hermtique. Ensuite, les

    jambes de lenfant sont attaches lune lautre, jusquaux chevilles pour quelle ne puisse,

    par ces mouvements, empcher la cicatrisation. A ce stade, la petite fille, puise, a cess

    de hurler. Elle est place sur une natte o lon attend quelle urine, ce qui prouvera que

    lorifice nest pas bloqu

    Dans certains pays comme en Egypte, les MSF sont de plus en plus ralises sous

    anesthsie en milieu hospitalier. Cela tend diminuer la gravit de ces mutilations auprs de

    la population. [4, 5, 7, 8, 13]

    Par ailleurs, le rituel de lexcision connat du fait de limmigration certaines modifications

    dans son mode opratoire. Pour de nombreux parents, il semblerait que limportant nest pas

    que le rituel soit respect, mais que lexcision ait lieu. Ainsi, comme le souligne Isabelle

    Gillette-Faye : lessence mme de cette pratique serait alors de maintenir la cohsion au

    sein du groupe en perptuant le marquage des sexes, qui institue la femme dans son rle de

    future pouse soumise. [9]

    Lexcision et linfibulation : cest labattoir. Coumba Tour, reprsentante du GAMS [15]

    La phase post opratoire

    Lexcision est suivie dun traitement mdico-rituel ou purement mdical, comprenant

    des pansements locaux et des prescriptions diettico-hyginiques et sociales (sgrgation,

    vitement des hommes) dautant plus labores quelles se situent dans un contexte

    animiste. [8]

  • 11

    Quel est le sort des parties excises ?

    Le sort des parties excises ne concerne que certaines socits animistes, dans

    lesquelles la partie sectionne peut tre soumise, dans un contexte rituel, un traitement

    particulier (conservateur ou destructeur). Par exemple, les Oubi de Cte dIvoire recueillent

    les clitoris et les enterrent en lieu tenu secret dans la fort, ou les font porter, dans un petit

    sac suspendu la taille des excises. [8]

    1.3.2. En France

    En France, les mres veulent faire exciser leurs filles le plus tt possible, tout

    dabord pour quelles naient aucun souvenir sur ce quelles ont subi, mais aussi pour quil ny

    ait aucune rsistance de leur part surtout lorsquelles sont scolarises. Elles sont ainsi

    rticentes attendre le retour en Afrique pour lexcision de leurs filles qui sont alors excises

    trs jeunes, de quelques jours un an. Parfois les excisions ont lieu plus tardivement car les

    fillettes dune mme fratrie sont souvent opres le mme jour. Comme il sagit dune

    dcision collective, elles peuvent tre excises en Afrique (lors dun voyage pendant les

    vacances scolaires par exemple), parfois avec la dsapprobation dun ou des deux parents

    biologiques. [9]

    Par ailleurs, en France, il ny a pas de processus initiatique. Ainsi, il ne sagit plus tant de

    passer de ltat de fillette qu celui de femme, mais plus dtre marque ds la naissance

    comme tant du sexe fminin. Cette gnralisation de labaissement de lge (qui se produit

    galement en Afrique), assimile lexcision une simple formalit de naissance .

    Comme nous lavons dit prcdemment, la souffrance entrane par lexcision est telle quil

    est souvent inconcevable pour une mre dexciser sa fille.

    Les mutilations sont donc ralises par des exciseuses spcialises dont les familles se

    transmettent les adresses. Il sagit parfois dune personne non qualifie (au sens

    coutumier) pour pratiquer lexcision, mais dune femme qui pour gagner de largent

    simprovise exciseuse. De plus, ces exciseuses nhabitent pas toujours en France et ce sont

    dans ce cas les familles qui se cotisent pour les faire venir dAfrique. Les parents ne se

    proccupent pas du type dexcision pratique par lexciseuse, beaucoup ignorant lexistence

    de plusieurs types de M.S.F.

    Lopration se droule habituellement au domicile familial. Elle peut galement tre ralise

    au domicile de lexciseuse ou dans un foyer dhbergement de travailleurs migrants. [9, 13]

  • 12

    1.4. Pour quelles raisons les M.SF. sont-elles pratiques ?

    Nous ferons ici un rpertoire non exhaustif des raisons, retrouves dans la littrature,

    qui font que lexcision et linfibulation sont pratiques. Les motivations qui poussent

    pratiquer lexcision sont galement valables pour linfibulation, puisque cette dernire

    comprend une excision ; ce nest pas le cas linverse.

    Aucun jugement de valeur ne sera port sur les raisons qui justifient cette pratique.

    1.4.1. Raisons psycho-sexuelles

    Si la suppression du clitoris quivaut la suppression de la partie virile de la femme (le

    clitoris tant associ la verge), elle signifie galement la suppression du pouvoir et de

    lautorit dont il est le sige. Laisser une femme son clitoris, cest lui permettre dexercer

    un pouvoir rival face au mari dans le contexte matrimonial. Dans cette conception, il faut

    donc rduire ce qui, chez la femme, est conu comme lquivalent du sexe viril, afin de crer

    des conditions (physiques) dune domination (sociale) de lhomme sur la femme. [15,

    Sylvie Fainzang, ethnologue]

    La virginit des femmes est trs importante, puisque le mari peut rpudier sa jeune pouse

    si elle nest pas vierge, et rclamer la restitution de sa dot. Lexcision permettrait ainsi de

    sauvegarder la chastet avant le mariage par inhibition du plaisir sexuel.

    Par ailleurs, lexcision prtend rduire les pulsions sexuelles des femmes, notamment dans

    le cadre du mariage polygame. Lpouse accepterait plus volontiers de partager son mari

    avec une autre si le plaisir sexuel nest pas prsent, et serait moins jalouse.

    Lexcision, galement par diminution du plaisir sexuel permettrait de prvenir ladultre

    chez la femme marie.

    Au contraire, pour certains peuples, elle permet daugmenter le plaisir sexuel de lhomme

    en rendant lorifice vaginal plus troit.

    En ce qui concerne linfibulation, elle serait une protection contre le viol pour les fillettes

    qui, isoles distance du campement avec les troupeaux, se retrouve souvent face des

    rdeurs trangers la tribu. [4, 32]

  • 13

    1.4.2. Raisons sociologiques

    Le poids des coutumes est souvent invoqu : cela cest toujours fait, ma mre, ma

    grand-mre lont fait, donc mes enfants seront exciss . Le conditionnement culturel des

    femmes tend perptuer ces pratiques et certaines vont mme jusqu rclamer lexcision.

    Condition indispensable pour prendre part la vie sociale, cest un facteur dappartenance

    sociale dans le sens dune intgration et du maintien de la cohsion sociale.

    Lexcision est une condition essentielle au mariage : une femme non excise est considre

    comme tant une prostitue et ne peut pas se marier. Lexcision est en quelque sorte un

    permis de mariage .

    Pour de nombreuses ethnies, lexcision est associe un rite de passage lge adulte, lors

    dune crmonie initiatique. Elle est associe une transmission dexprience et de

    savoir de la part des femmes plus ges. A lissue de cette crmonie, la jeune fille prend le

    statut de femme et peut se marier.

    Lors de lexcision, il y a une sparation avec la parent biologique, mais aussi une alliance

    du lignage dorigine avec le lignage de mariage. On remarque donc une analogie entre la

    coupure du cordon ombilical la naissance et celle du clitoris au moment de lexcision. En

    effet, la coupure du cordon ombilical correspond une rupture avec la matrice au moment

    de la naissance, tout comme lest la sparation davec les parents au moment du mariage,

    coupure corporellement prouve dans lexcision.

    De plus, lexcision permettrait dloigner le mauvais sort par la perptuation dune coutume

    qui rattache la petite fille sa ligne, aux anctres. Elle protgerait de la maladie et de la

    folie. [4, 9,13, 15, 21, 32]

    1.4.3. Raisons religieuses

    Lexcision est une coutume paenne antrieure lapparition des grandes religions

    monothistes. Elle est ou a t pratique aussi bien par des chrtiens, des juifs, des

    musulmans et des animistes. Aucune religion ninterdit ni ne proscrit lexcision. Il nest fait

    mention de lexcision ni dans la bible, ni dans le Coran, ni dans la Torah. Les Hadiths,

    paroles de sagesse du prophte Mahomet, indiquent que Mahomet aurait conseill une

    exciseuse de ne pas trop couper ; encore, sagit-il dun Hadith trs controvers.

    Par ailleurs, les femmes non-excises nauraient pas le droit de prier.

    Les musulmans qui pratiquent lexcision en font un rite de purification ncessaire.

  • 14

    Cependant, en France, le recteur de la Mosque de Paris, Dalil Boubakeur, a dnonc

    officiellement cette coutume, en sappuyant sur les textes religieux. [4, 32]

    1.4.4. Raisons dordre esthtique et hyginique

    Les peuples qui pratiquent lexcision ont associ cette intervention sur le sexe de la

    femme une recherche esthtique. Cette proccupation esthtique est souvent justifie

    dans les rcits par une hypertrophie anormale des organes gnitaux et en particulier du

    clitoris chez les Africaines.

    On rapporterait que chez les Hottentotes, peuple dAfrique australe, les femmes auraient un

    clitoris et des lvres tellement grands, quils se rejoindraient et tomberaient en drapage sur

    les cuisses. Il sagit de la fameuse fable du tablier des Hottentotes .

    Lapparence dun sexe fminin excis rpond ainsi pour certains des critres de beaut :

    une surface lisse, sans plis et sans polis.

    Le clitoris apparat comme un organe laid et impur. Il est suppos renfermer des vers

    nuisibles, malpropres et doit subir une toilette pour rendre la vulve plus prsentable. Pour

    certains musulmans, les recommandations du Prophte sur la purification des corps ont t

    interprtes comme la ncessit dexciser et de circoncire afin de rendre les

    sexes propres au sens hyginique du terme.

    Au Mali, lexcision se justifie afin dviter laccumulation du sperme et des restes des

    menstrues dans les replis du sexe fminin. [3, 4, 32]

    1.4.5. Rle sur la fcondit

    Lexcision aurait pour consquence dorienter le dsir de la femme vers le vagin, c'est--

    dire vers une sexualit reproductive , uniquement dans le but davoir des enfants.

    De plus, les scrtions du clitoris sont supposes tuer le sperme. [4]

    1.4.6. Raisons conomiques

    Une femme non excise ne peut se marier et donc la famille de la jeune fille ne

    peroit pas de dot. Or, cette dot doit normalement permettre aux fils de la famille de se

    marier et de garantir ainsi la continuit de la famille.

  • 15

    Par ailleurs, lexcision est devenue une source de revenus importante pour les

    exciseuses, qui reoivent non seulement des cadeaux mais aussi de largent. En France,

    les exciseuses peuvent recevoir jusqu cinq cent euros pour une excision, et mme peut

    tre plus. [4,9]

    1.4.7. Raisons mythiques

    Plusieurs mythes se rattachent lexcision. Ces histoires fabuleuses qui expliquent

    lorigine du monde ou la condition humaine, sont prsentes dans toutes les socits.

    Chez les Dogons, peuple du Mali, la pratique de lexcision a dabord un sens symbolique de

    diffrenciation sexuelle. Selon cette croyance, pour pouvoir devenir des adultes complets et

    fconds, les hommes doivent perdre leur partie fminine (par la circoncision), reprsente

    par le prpuce, et les femmes doivent perdre leur partie masculine (par lexcision), cet

    lment phallique rappelant la dualit originelle et reprsent par le clitoris.

    Chez les Bambaras, le clitoris est considr comme un dard qui peut blesser, voire tuer

    lhomme, au moment des rapports sexuels. Ce dard est appel Wanzo

    De plus, certains imaginent quil pourrait obstruer les narines du bb la naissance et donc

    le tuer.

    Chez les Buna Lulua, une ethnie du Congo, lexcision se justifie par le mythe du vagin

    dent . Selon ce mythe, qui est en train de disparatre, le clitoris serait la dernire dent

    supprimer. [4, 9, 22]

    En ralit, et cela apparat trs clairement partir des mythes et des croyances, lexcision

    a un fondement idologique, cest le contrle par les hommes de la sexualit fminine.

    (Jean Pierre MBarga [16])

    1.5. Un vritable problme de sant publique

    1.5.1. Rpartition gographique et prvalence

    Dans le monde

    Selon les chiffres de lUNICEF en fvrier 2006, le nombre de femmes mutiles

    slve 130 000 000 dans le monde, et chaque anne, 3 000 000 de nouvelles fillettes

    subissent ces pratiques, c'est--dire une toutes les quatre six minutes.

    Les MSF sont essentiellement pratiques en Afrique Subsaharienne pour lexcision et du

    Nord-est pour linfibulation. (Cf. annexe1)

  • 16

    Ces pratiques existent galement en Asie (Indonsie, Malaisie, Inde), dans la pninsule

    arabique (Ymen, Oman, Syrie, Emirats, Arabie Saoudite), en Amrique du sud (Prou,

    Brsil), en Europe occidentale et en Amrique du Nord.

    En Afrique, on ne dispose pas toujours de donnes prcises pour valuer la proportion de

    femmes qui subissent ces MSF. On sait cependant quau Burkina-Faso, selon lEtude

    Dmographique et Sant, on est pass dun taux de 70% dexcision (tude de 1998) au

    taux de 45% (tude de 2004) en lespace de six ans, grce une campagne

    gouvernementale trs rsolue. En effet, dans ce pays on applique la loi sur linterdiction des

    MSF. Des agents de sant mais aussi des groupes de religieux luttent contre ces pratiques.

    De plus, un numro vert et des campagnes dinformation la radio depuis 1975 ont permis

    une forte diminution du taux des MSF.

    Au Mali, on est pass de 99% 91,2%, en lespace de dix ans grce aux associations

    locales et aux crmonies de dpt des couteaux de lexcision.

    En Guine, malgr une loi qui condamne lexcision depuis 1998, on sait que 99% des

    femmes continuent dtre excises.

    En Afrique de lEst, les chiffres sont toujours aussi alarmants : 99% des femmes vivant

    Djibouti et 97% des femmes vivant en Egypte sont excises ou infibules. [4]

    Le tableau suivant est une estimation ( partir des donnes recueillies dans la littrature), de

    la prvalence des MSF dans les 28 pays africains o elles se pratiquent. [1, 31, 50, 54, 64]

  • 17

    Tableau n1 : Prvalence des MSF en Afrique

    Pays Type de MSF Prvalence Officiellement

    contre les MSF

    Loi contre les

    MSF

    Bnin I et II 17%* Oui Oui (2003)

    Burkina-Faso I et II 45%* Oui Oui (1996)

    Cameroun I et II 20% Oui Non

    Cte dIvoire I et II 45%* Oui Oui (1998)

    Djibouti I, II et III 99% Oui Oui (1995)

    Egypte I, II et III 97%* Oui Oui (1997)

    Erythre I, II et III 89%* Oui Non

    Ethiopie I, II et III 80%* Oui Non

    Gambie I et II 90% Oui Non

    Ghana I et II 30% Oui Oui (1994)

    Guine

    Conakry

    I, II et III 99%* Oui Oui (1989)

    Guine-Bissau I et II 50% Oui Non

    Kenya I, II et III 38%* Oui Oui (2001)

    Libria I et II 60% Oui Non

    Mali I, II et III 91,2*% Oui Non

    Mauritanie I et II 71%* Oui Non

    Niger I et II 5%* Oui Non

    Nigeria I, II et III 25%* Oui Non

    Ouganda I et II 5% Oui Oui (1995)

    Rpublique

    Centrafricaine

    I et II 50% Oui Oui (1996)

    Rp. Dm. du

    Congo

    I et II 5% Oui Non

    Sngal I et II 20% Oui Oui (1999)

    Sierra Lone I et II 90% Oui Non

    Somalie III 100%* Oui Non

    Soudan III 89%* Oui Oui (1946)

    Tanzanie II et III 18%* Oui Oui (1998)

    Tchad II et III 60% Oui Non

    Togo II 12%* Oui Oui (1998)

    , qui

    avaient t

    excises

    dans leur

    pays

    dorigine

    Ymen II 23%* Oui Non

    * : estimations fiables provenant dtudes nationales

  • 18

    En France

    En France, on estime entre 45 000 et 60 000, le nombre de femmes et fillettes

    mutiles ou menaces de ltre. [46]

    A partir des annes 1970 de nombreux migrants dAfrique viennent sinstaller en France. Il

    sagissait dune immigration essentiellement masculine pour des raisons conomiques de

    survie (priode de grande scheresse en Afrique).

    Les premires femmes immigres sont celles qui sont arrives dans le cadre du

    regroupement familial partir de 1976, et qui avaient t excises dans leur pays dorigine.

    Leurs filles sont nes en France ou y sont arrives trs jeunes : certaines avaient t

    excises avant de quitter leur pays dorigine, mais un grand nombre dentre elles ont t

    excises aprs leur arrive (soit en France, soit mme loccasion de vacances au pays).

    La France dcouvre donc lexcision au dbut des annes 1980. [65]

    Limmigration africaine est surtout reprsente par les travailleurs originaires de la partie

    Ouest du continent : Malien (50%), Sngalais (30%), et Mauritaniens (20%). En ralit, la

    rpartition est plus ethnique que politique. On retrouve ainsi surtout les ethnies Mands

    (Bambara, Sonink, Malink) et Halpulaar (Peul et Toucouleur), installs aux confins des

    trois tats riverains du fleuve Sngal. On rencontre aussi dautres ethnies, notamment les

    Wolof (qui nexcisent pas) et les Diolas.

    Actuellement, on retrouve de plus en plus de migrants originaires de Gambie ou de Guine

    Conakry. Bien entendu, toutes les autres nationalits de lAfrique francophone sont

    reprsentes des degrs divers. [16]

    Toutes les rgions ne sont pas concernes avec la mme acuit par la problmatique

    des MSF en France.

    Neuf rgions ont t identifies comme prioritaires : Nord Pas de Calais, Rhne Alpes,

    Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Picardie, Ile de France, Champagne Ardennes, Haute

    Normandie et Provence Alpes Cte dAzur (PACA). Le nombre de MSF nest pas gal dans

    ces diffrentes rgions : il augmente en Pays de Loire, en Poitou-Charentes et en

    Champagne Ardennes, alors quil diminue en Ile de France et en PACA. Dans la rgion des

    Pays de Loire, la prsence des MSF nest pas gale : on les retrouve essentiellement en

    Loire atlantique, en Maine et Loire et en Mayenne. [46]

    En 1993, Marie-Line Aron et Dorah Essola ont ralis une enqute dans le cadre de leur

    mmoire de fin dtudes de sage-femme, pour valuer le risque dexcision dans la rgion

    parisienne. Leurs terrains denqute taient : le centre hospitalier Ballanger Villepinte (93),

  • 19

    le centre hospitalier Robert Debr Paris, le centre hospitalier Jean Rostand Svres (92),

    la Maison de Nanterre (92) et Notre Dame du Bon Secours Paris. Leur tude sest base

    sur lexploitation de 52 questionnaires donns des femmes en majorit dorigine

    sngalaise ou malienne et dethnie Toucouleur, Sonink et Bambara. 51 dentre elles

    taient excises et une seule infibule. En ce qui concerne lexcision de leurs propres

    enfants, pour 11 dentre elles, elle tait dj faite, 16 autres attendaient loccasion dun retour

    en Afrique. Cependant, 16 autres femmes hsitaient et 9 sy refusaient. Ainsi, pour la

    population considre, le risque dexcision pour les fillettes tait de 21%. [9]

    1.5.2. Les complications des M.S.F.

    Les MSF sont responsables dune morbidit et dune mortalit fminine mais

    galement nonatale importante. La gravit de ces complications est proportionnelle

    limportance de la mutilation initiale, la dextrit de loprateur, ltat de propret des

    instruments mais aussi ltat de sant de lenfant.

    Bien que de graves complications soient possibles dans tous les types de mutilations, dans

    les types II et III, elles sont gnralement plus frquentes, plus graves et plus

    durables.

    Cependant, la mise en relation entre les mutilations sexuelles et les complications sur le plan

    de la sant nest presque jamais faite. En effet, la mortalit infantile est considrable dans

    les pays o sont pratiques ces mutilations. Ainsi, la mort dun enfant sinscrit presque dans

    une sorte de quotidien. Elle fait partie intgrante du destin possible de lenfant.

    Les complications mdicales

    - immdiates

    La douleur suraigu provoque par la section dun organe aussi richement innerv

    est dune intensit indescriptible, insupportable avec parfois des chocs neurogniques.

    Waris Dirie [7] : Il mest tout fait impossible de vous expliquer ce que je ressentais. Ctait

    comme si on vous tranchait vif la chair de la cuisse ou du bras, sauf quil sagissait de la

    partie la plus sensible du corps La douleur que jprouvais tait si terrible que jaurais

    voulu mourir.

    Khady Koita [10] : Cest une douleur inexplicable, qui ne ressemble aucune autre.

    Comme si on mattachait les boyauxEn quelques minutes, je ne sens plus la douleur

  • 20

    lendroit prcis, mais dans tout mon corps, soudain habit par un rat affam ou une arme

    de fourmis. La douleur est entire de la tte aux pieds, en passant par le ventre.

    Pour la majorit des femmes, la souffrance de lexcision est plus encore qu lopration, lie

    aux soins qui la suivent. Cest donc pendant plusieurs jours quelles ressentent la douleur qui

    sinscrit dfinitivement dans leur souvenir.

    Waris Dirie [7] : Je croyais que le supplice tait termin jusqu ce que jaie eu besoin de

    faire pipiLa premire goutte durine ma brle comme si ma peau avait t attaque par

    un acide.

    De nombreuses socits africaines traditionnelles valorisent la douleur qui a une vertu

    pdagogique. Celle qui arrive supporter la douleur de lexcision, de

    laccouchementfait la fiert de sa famille.

    Madame N. (peul du Mali) [15] : Avant, quand une fille de quinze ans pleurait, ctait la

    honte pour la famille : elle na pas t courageuse. Alors pour pallier cette honte, on a

    prfr le faire quand la fille est innocente [plus jeune]. Elle pleure comme un bb.

    Les complications hmorragiques ne sont pas rares et peuvent entraner la mort

    par choc hmorragique. Elles sont expliques par la riche vascularisation de la rgion

    prinale et du clitoris.

    On peut ainsi observer des anmies svres ncessitant une transfusion et dont les

    rpercussions sur une fillette dnutrie peuvent tre importantes.

    Les lsions des organes de voisinage comme lurtre, le vagin, le prine ou le

    rectum peuvent sobserver. En effet, les mutilations tant ralises sans anesthsie, la fillette

    hurle, se dbat et lopratrice peut facilement lser les organes les plus proches. Ces plaies

    sont source de fistules urtro-vaginales et/ou recto-vaginales mais aussi de rtentions

    aigus durine.

    Les infections aigus viennent au second plan ; celles-ci sont locales mais peuvent

    se gnraliser secondairement et tre responsables de dcs. Les complications peuvent

    tre causes par lutilisation dinstruments non striles, par les pansements

    traditionnellement utiliss et par limmobilisation qui sont des facteurs de surinfection de la

    plaie. Parmi les complications possibles, on peut citer les adnites, les abcs, les

    phlegmons, le ttanos, la gangrne gazeuse ou encore la septicmie.

    De plus, on ne peut ngliger le risque important de transmission du VIH, de lhpatite B, de

    lhpatite C et des autres maladies hmatognes. [1, 2, 4, 5, 13, 26, 27, 40, 51]

  • 21

    - tardives

    Labsence de cicatrisation due linfection de la plaie, la prsence durine ou de

    matires fcales en cas de fistules nest pas rare.

    On retrouve souvent des cicatrices chlodes. Les chlodes vulvaires sont des bourrelets

    cicatriciels, daspect trs inesthtique. Leur ablation est suivie en gnral dune nouvelle

    prolifration. Cette absence de cicatrisation est source dalgies pelviennes chroniques.

    Les infections gnitales basses sont frquentes : vulvo-vaginites et cervicites. Il y a

    donc un risque important dinfections gnitales hautes : salpingites, endomtrites pouvant

    entraner une strilit long terme.

    Les nvromes cicatriciels sont forms par lemprisonnement du nerf clitoridien dans

    un point de suture ou dans un tissu cicatriciel. Ils entranent des algies pelviennes

    chroniques.

    La pseudo-infibulation peut se crer aprs une excision de type II excessive qui

    provoque la formation dadhrences vulvaires lors de la cicatrisation.

    Le kyste dermode est la complication long terme la plus courante. Ce type de

    kyste rsulte de linclusion de tissus cutans dans la cicatrice. Ils sont dus lobstruction de

    glandes cutanes ou de follicules pileux. Ces kystes sont de taille variable, pouvant atteindre

    celle dune orange. Il sagit dune pathologie bnigne, mais qui peut tre trs invalidante, de

    part la taille, la localisation du kyste ou des douleurs quil entrane. Il peut galement

    sinfecter et entraner une suppuration locale. [1, 4, 26, 51]

    - Complications spcifiques des MSF de type III

    La stnose de lorifice vaginal : lorifice artificiel du vagin peut tre si petit quil se

    referme compltement au bout dun certain temps.

    Lhmatocolpos (rtention du sang menstruel) est d une stnose de lorifice

    vaginal. Il survient donc ds la pubert entranant une dysmnorrhe.

  • 22

    En plus des troubles de la miction, les infections urinaires sont trs frquentes.

    En effet, la vulve tant quasiment referme, lvacuation des urines est longue et difficile

    entranant des rtentions durines aigus ou chroniques. Cela favorise la pullulation

    microbienne et les infections urinaires chroniques peuvent voluer vers linsuffisance rnale

    chronique sans traitement

    Les prolapsus de la paroi antrieure du vagin ou cystocles peuvent rsulter des

    efforts permanents de pousser que doit faire la femme infibule pour favoriser lvacuation

    des urines. [5, 8, 9, 32, 60]

    Les complications obsttricales, maternelles et ftales pendant la

    grossesse, laccouchement et le post-partum

    La majorit des complications obsttricales sont dues aux types II et III, car la

    mutilation est beaucoup plus importante au dpart (que le type I) et modifie significativement

    la morphologie vulvaire.

    *

  • 23

    Tableau n2 : Complications rencontres pendant la grossesse (en labsence de prise en

    charge mdicale).

    Etiologies maternelles Complications obsttricales Risques ftaux

    Antcdents dinfections

    gnitales hautes synchies

    corporales et tubaires

    - Grossesse extra-utrine

    - Fausse couche spontane

    (FCS) prcoce ou tardive

    - Menace daccouchement

    prmatur (MAP)

    Infections sexuellement

    transmissibles

    - Aggravation de la maladie - Contamination fto-maternelle

    Infections urinaires et vulvo-

    vaginites chroniques

    - FCS prcoce

    - Rupture prmature des

    membranes FCS tardive ou

    MAP

    ________________________

    - Infection ovulaire

    septicmie

    - Prmaturit

    _________________________________

    - Souffrance ftale aigu Mort ftale

    in utro (MFIU)

    Insuffisance rnale chronique - Hypertension artrielle

    gravidique risque pr-

    clampsie, hmatome

    rtroplacentaire

    - Retard de croissance intra-utrin

    - Prmaturit induite

    - MFIU

    - Mauvaises conditions socio-

    conomiques

    - Etat psychologique : stress,

    anxit

    - MAP

    - Prmaturit

    -Difficults et complications rencontres pendant le travail

    Les touchers vaginaux (TV) difficiles voire impossibles entranent des difficults

    pour suivre le travail dans de bonnes conditions, travail qui est souvent prolong dans sa

    deuxime partie.

    Sous leffet des contractions, on peut observer des dchirures du prine antrieur fibreux

    qui peuvent tre la consquence de lsions au niveau des organes de voisinage.

    Le travail peut parfois tre trs douloureux. En effet la vulve tant trs sensible, les TV

    rpts (quand ils sont possibles) sont souvent trs difficiles vivre.

  • 24

    Par ailleurs, ltat psychologique maternel est fragile. Langoisse de la douleur est trs

    prsente et accentue par le souvenir plus prsent que jamais du jour o elle a t mutile.

    [21, 22, 24, 26]

    - Difficults et complications rencontres pendant laccouchement

    La mauvaise qualit des tissus due aux MSF entrane beaucoup plus de dystocies

    des parties molles et donc de dystocies de dgagement. En effet, la prsentation reste

    bloque dans lexcavation pelvienne, par lanneau vulvaire rigide. Le risque dhypoxie

    ftale est ainsi plus lev aboutissant des squelles neurologiques voire la mort

    ftale (en labsence de prise en charge).

    La rtention prolonge du ftus dans la filire gnitale peut tre responsable dischmie et

    de ncrose des cloisons vsico-vaginales ou recto-vaginales, source de fistules vsico ou

    recto-vaginales sexprimant par une incontinence urinaire ou fcale, cause parfois de

    rpudiation ultrieure.

    En raison dun manque dlasticit des tissus cicatriciels, le risque de dchirures prinales

    postrieures est plus important. Ces dchirures peuvent atteindre la cloison recto-vaginale

    et la paroi antrieure du canal anal et/ou du rectum

    Le risque de dchirures prinales antrieures est galement prsent et nest pas

    prvenu par la pratique dune pisiotomie. Elles peuvent crer exceptionnellement des

    traumatismes de lappareil urinaire, allant jusqu lavulsion de lurtre, qui est arrach de la

    vessie. [21, 22, 24, 26]

    - Difficults et complications rencontres dans le post-partum

    La fragilit psychologique de la femme mutile peut saccentuer dans le post-

    partum. Les douleurs vulvaires mais aussi la peur dtre rinfibule (dans le type III)

    accentue souvent le baby blues.

    Une cystocle peut devenir apparente suite aux efforts de pousse de laccouchement.

    De plus de nouvelles infections peuvent survenir suite une ventuelle rinfibulation,

    ralise le plus souvent dans de trs mauvaises conditions dhygine.

  • 25

    Impact des M.S.F sur la sant psychologique des femmes

    En plus du traumatisme immdiat, des consquences sur la sant physique de la

    fillette et de sa vie sexuelle future, la mutilation peut affecter, de manire insidieuse, la

    perception que la jeune fille a delle-mme et lestime quelle se porte.

    Il est ais dimaginer que linfibulation, en suturant lorifice vaginal suscite la terreur de la

    dfloration, la dtestation des rapports conjugaux, la hantise de laccouchement et de

    ses dchirures. Un bon nombre dentre elles arrive plus ou mois compenser mais pour les

    autres, anxit, dpression et nvroses demeureront.

    Le risque de dpressions et de psychoses puerprales est ainsi plus important chez

    ces femmes.

    Les effets long terme des traumatismes sur le bien-tre physique, psychique et social des

    humains sont de mieux en mieux connus. Lun dentre eux est le dsordre du stress aprs

    un traumatisme ou DSAT. Les composantes caractristiques de lvnement traumatisant

    lorigine du DSAT sont : langoisse, la douleur, la peur de mourir, la sensation

    dimpuissance, labsence despoirCest le vcu de lvnement par la personne et non

    lvnement en lui-mme qui est lorigine du traumatisme. Les manifestations du DSAT

    sont : cauchemars ou troubles du sommeil, flash-back de lvnement, peur que a se

    reproduise, vitement de tout objet ou pense rappelant lvnement initialLtat

    psychologique de ces patientes peut tre dfini comme un stress chronique.

    En cours de grossesse ou pendant laccouchement, chez une femme mutile, le stress

    augmente exagrment la circulation des catcholamines, ce qui peut diminuer lnergie

    disponible pour le travail ou lafflux doxygne au placenta. [1, 32]

    Impact sur la sexualit

    Aussi invraisemblable que cela puisse paratre, beaucoup de femmes excises ne

    font pas le lien entre excision et sexualit. Elles peuvent par contre le faire entre excision

    et courage, ou excision et propret.

    Rappelons que la premire relation sexuelle, notamment quand la femme est infibule,

    savre fort pnible et douloureuse car lhomme doit ouvrir la couture par la seule force de

    lrection de son membre. Cette dsinfibulation traditionnelle peut tre prpare par

    lexciseuse qui, dun coup de rasoir ou de couteau, agrandit lorifice rsiduel.

    Sur la nature et lintensit du plaisir sexuel, certaines femmes ont rpondu quon ne saurait

    jamais la vrit : une femme excise ne peut se mettre la place dune non-excise et vice-

    versa.

  • 26

    Les propos des femmes ce sujet sont divergents. Si quelques unes reconnaissent une

    correspondance entre frigidit et excision, les autres (en grande majorit) rejettent avec plus

    ou moins de vhmence lide que lexcision pourrait avoir bris leur sexualit

    Adama (Diola de Cte dIvoire) : Les femmes plus ges expliquent que si on nenlve pas

    a, la fille va vite faire des btises avec les garons. Elle sera tellement sensible quelle fera

    vite des btises. Mais des fois, a ne sert rien, il y en a qui font des btises quand mme.

    Ca ne change rien du tout.

    Concernant la sensibilit clitoridienne, certaines femmes se dclarent toujours

    sensibles . Sagit t-il de femmes dont lexcision aurait t partielle, comme le soutiennent

    certaines opinions mdicales ? La cicatrice de lexcision resterait t-elle sensible et

    sexuellement excitable, comme en soutiennent dautres ? La zone dexcitabilit dborde t-

    elle largement corps et gland du clitoris et concerne t-elle toute la rgion du mont de Vnus

    et le prine comme dautres le suggrent ? [15]

    Pour rpondre ces questions, on peut sappuyer sur les connaissances relatives

    lanatomie sexuelle fminine concerne par lorgasme. La structure de lappareil gnito-

    sexuel des femmes comporte une partie rectile compose du clitoris (gland, corps et

    racines) du plexus intermdiaire de Kobelt, et des bulbes vestibulaires situs de part et

    dautre de lorifice vaginal. Lorgasme a t dcrit comme rsultant dun mcanisme rflexe

    de contractures des muscles circumvaginaux chassant le sang qui congestionne ce

    moment l les bulbes vestibulaires et le plexus de Kobelt (quivalent des bulbes et du corps

    spongieux chez lhomme)

    Lorsquelles se masturbent, les femmes stimulent en gnral toute la zone du mont de

    Vnus La manipulation du mont de Vnus produit une exprience sexuelle qui est, au

    moment de lorgasme, aussi satisfaisante que celle rsultant dun massage direct du corps

    clitoridien. Ainsi, lobservation clinique a montr quaprs une clitoridectomie, la

    masturbation pouvait tre un moyen de stimulation aussi efficace quavant

    lintervention. [15]

    Selon C. Solano, sexologue, et P. Folds, chirurgien urologue, le clitoris est lorgane du

    plaisir sexuel fminin. Quand il est abm, il peut rduire les capacits de plaisir sexuel.

    Mais, il peut rester un plaisir clitoridien mme aprs lexcision, car le clitoris tout

    entier contient des capteurs de plaisir et il en reste une partie intacte lors de

    lexcision. En effet, le clitoris mesure environ onze centimtres si lon compte sa partie

    enfouie.

  • 27

    Cependant, une forme apparemment minime dexcision peut annuler la capacit

    orgasmique. Il ny a pas de paralllisme entre limportance de lexcision et les

    symptmes. Mme une toute petite cicatrice peut entraner de graves squelles sur le plan

    sexuel.

    Par ailleurs, il faut rassurer les femmes sur le fait que mme les femmes au clitoris intact ont

    parfois des difficults atteindre lorgasme. [43]

    Une jeune femme malienne de 26 ans interroge par S Auffret dclare: Jai t dans mon

    enfance exciseAujourdhui, je mestime satisfaite de cette opration que lon ma fait

    subirVoil quatre ans que je suis divorce, et pas une seule fois, je nai ressenti le dsir de

    courir aprs un homme ou tout simplement labsence de rapports sexuels comme un

    manque, un manque vital.Elle [lexcision] permet la femme dtre matresse de son

    corps. [3]

    Pour S. Auffret: que signifie matriser son corps lorsquil ny a plus rien matriser ?

    1.5.3. Le cadre lgislatif

    La lgislation franaise

    - Excision et infibulation relvent de la cours dassises

    De 1978 1982, on apprend par la presse que trois fillettes africaines sont mortes en

    France la suite dune excision.

    Le premier procs dexcision a eu lieu en 1979. La petite Doua, ge de 3 ans et demi,

    dcde des suites de son excision. La VIme chambre du tribunal correctionnel de Paris

    condamne lexciseuse 1 an de prison avec sursis pour homicide involontaire. Les parents

    nont pas t inculps. [9]

    Ces affaires dexcision ont t juges en correctionnelle jusquen 1983. Cependant, la

    jurisprudence de la cour de cassation tablit en aot 1983 que lablation du clitoris est une

    mutilation au sens du Code pnal franais (Code pnal : Chapitre II, Section premire,

    Paragraphe2, article 222-9 et 222-10) passible de la cours dassises. Cette

    criminalisation de lexcision rsulte dun arrt de la chambre criminelle de Cassation rendu

    le 20 aot 1983 dans une affaire ne concernant pas une mutilation de caractre thique. En

    effet, une mre franaise avait procd lablation du clitoris ainsi que des petites lvres de

    sa fille. Il sagit l dun acte de folie. [6]

  • 28

    Le terme de barbarie , parfois utilis pour qualifier les MSF, nest pas adapt. Ce nest

    pas une qualification juridique. De plus, un acte est barbare quand il y a une intention de

    nuire ; ce qui est rarement le cas pour les MSF.

    Larticle 222-9 du code pnal (Chapitre II, Section premire, Paragraphe2) nonce que

    les violences ayant entran une mutilation ou une infirmit sont punies de dix ans

    demprisonnement et de 150 000 E damende .

    Larticle 222-10 du mme code prvoit que linfraction dfinie larticle 222-9 est punie

    de 15 ans de rclusion criminelle lorsquelle est commise :

    - Sur un mineur de quinze ans ;

    - Sur une personne dont la particulire vulnrabilit, due son ge, une maladie,

    une infirmit, une dficience physique ou psychique ou un tat de grossesse, est

    apparente ou connue de son auteur.

    La peine encourue est porte vingt ans de rclusion criminelle lorsque linfraction est

    commise par un ascendant lgitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant

    autorit sur le mineur. [40, 61]

    Prs de quarante procs dassises ont eu lieu depuis 1983, concernant quatre vingt

    petites filles. Quatre dentre elles sont mortes dune hmorragie conscutive leur excision.

    Les peines de prison prononces ont t le plus souvent assorties de sursis. Cependant, en

    mars 1991, une exciseuse a t condamne une peine de cinq ans de rclusion criminelle

    pour avoir excis six petites filles dune mme famille. En 1993, elle a t de nouveau

    condamne cinq ans demprisonnement, dont un an ferme, pour avoir excis dix-sept

    fillettes dont une petite fille ge de 3 mois, morte la suite de sa mutilation. En 1993, un

    pre a t lui aussi condamn une peine de prison ferme, ainsi que le mari dune

    exciseuse, un mois pour le premier, six mois pour le second. [4]

    Pour des actes identiques, des pres sont acquitts, dautres incarcrs ; des mres

    condamnes des peines symboliques alors que dautres sont en prisonLe procs est-il

    dissuasif ? A t-il une valeur pdagogique ?

    - Poursuite possible pour non-assistance personne en danger

    Selon larticle 223-6 du code pnal (Chapitre III, Section 3), quiconque pouvant

    empcher par son action immdiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit

    un dlit contre lintgrit corporelle de la personne sabstient volontairement de le faire, est

    puni de cinq ans demprisonnement et de 75 000 E damende. Sera puni des mmes peines

  • 29

    quiconque sabstient volontairement de porter une personne en pril, lassistance que,

    sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prter soit par son action personnelle, soit

    en provoquant un secours.

    Les professionnels (comme tout citoyen) peuvent tre poursuivis pour non-assistance

    personne en danger, si, connaissant limminence dune mutilation, ils ne saisissent

    pas les autorits administratives, mdicales ou judiciaires charges de la protection

    de lenfance.

    Lorsquune fillette vient dtre excise, les professionnels doivent de la mme faon, en

    rfrer aux mmes autorits. [40, 51, 61]

    - La leve du secret professionnel

    Le Code pnal (article 226-14) autorise la transgression du secret au

    professionnel qui informe les autorits judiciaires, mdicales ou administratives de

    svices ou de privations dont il a eu connaissance et qui ont t infliges un mineur de

    moins de quinze ans ou une personne qui nest pas en mesure de se protger en raison de

    son ge ou de son tat physique ou psychique .

    Le secret professionnel ne peut tre invoqu lorsquune fillette est menace de mutilation.

    Le Code de Dontologie mdicale (article 43) va dans le mme sens : Le mdecin doit

    tre le dfenseur de lenfant lorsquil estime que lintrt de sa sant est mal compris ou mal

    prserv par son entourage . [40, 61]

    - La loi franaise sapplique t-elle ltranger ?

    Selon larticle 113-7 du code pnal, la loi pnale franaise est applicable tout

    crime ainsi qu tout dlit puni demprisonnement commis par un franais ou par un tranger

    hors du territoire de la Rpublique lorsque la victime est de nationalit franaise au moment

    de linfraction. [51]

    Ainsi toutes les fillettes qui retournent au pays pour les vacances sont protges par

    la loi franaise.

    - La loi du 04/04/2006 sur la violence faite aux femmes

    Cette loi modifie le dlai de prescription pour les mutilations sexuelles fminines. En effet, il

    passe de dix vingt ans aprs la majorit, comme pour tous les crimes sexuels.

  • 30

    De plus, depuis le mois davril 2006, la loi sapplique toutes les fillettes qui vivent en

    France, quelle que soit leur nationalit ou celle de leurs parents. [65]

    Les conventions internationales

    Larticle 5 de la Dclaration universelle des droits de lhomme dispose que nul

    ne sera soumis la torture, ni des peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants.

    La rsolution 2035, adopte par le Parlement europen le 26 fvrier 2001 dispose que

    toutes les formes de mutilations sexuelles constituent lgard des femmes une violation de

    leurs droits fondamentaux, qui sont les droits lintgrit de la personne et la sant

    physique et mentale, et que de telles violations ne sauraient tre justifies par le respect de

    traditions culturelles ou de crmonies initiatiques. [40, 45, 51]

    Diffrentes conventions internationales dnoncent les pratiques discriminantes lgard des

    femmes et des enfants :

    - La Convention internationale des Nations unies sur llimination de toutes les

    formes de discrimination lgard des femmes,

    - La Convention internationale sur les droits de lenfant,

    - La Charte africaine des droits de lhomme et des peuples,

    - La Charte africaine des droits et du bien tre de lenfant. (Cf. annexe 2)

    Lgislations trangres sur la pratique des MSF

    Dix sept tats africains sur les vingt huit concerns ont adopt une lgislation

    pour rprimer les MSF. Il sagit du Burkina-Faso, de la Cte dIvoire, de Djibouti, de

    lEgypte, de lErythre, du Ghana, de la Guine, du Kenya, du Libria, du Nigeria, de la

    Rpublique centrafricaine, du Sngal, de la Somalie, de la Tanzanie, du Tchad et du Togo.

    Au Soudan, seule linfibulation est interdite. Cependant, selon les pays, ces lois sont peu

    ou pas appliques et la pratique reste souvent trs rpandue. Cest pourquoi, en 2003,

    une rencontre dexperts de ces vingt-huit pays, a eu lieu au Caire, en Egypte, dans lespoir

    que des lois soient adoptes et respectes dans chaque pays o les MSF sont pratiques.

    Certains pays occidentaux ont galement pris des mesures pour interdire les mutilations

    sexuelles. En Europe, lAutriche, la Belgique, le Danemark, lEspagne, la Finlande, la Grce,

    lIrlande, le Luxembourg, la Norvge, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Sude et

    la Suisse ont une loi spcifique contre les MSF.

    LAustralie interdit linfibulation et les Etats-Unis lexcision depuis 1996. [4]

  • 31

    1.5.4. La lutte contre les MSF, en France et dans le monde

    Les diffrents organismes de lutte et de soutien

    La lutte contre lexcision a commenc avec lengagement des femmes en

    Afrique, dans les annes 1960.Il sagissait de mouvements trs politiss, dans la foule de

    la dcolonisation, une poque de lhistoire o les tudiants taient en pleine bullition

    partout dans le monde. Les femmes se sont empares des problmes qui les concernaient,

    comme lexcision et les ont exposs sur la place publique. Le Cameroun a commenc dans

    les annes 1960. Dans les annes 1970, ce fut le Sngal, puis dans les annes 1975, le

    Burkina-faso et le Mali.

    Depuis les annes 1980, des campagnes de lutte contre les MSF sont organises travers

    le monde par les autorits locales mais surtout par les associations non gouvernementales

    (ONG), notamment le Comit Inter-Africain (CIAF).

    En France, les principales associations et ONG luttant contre la pratique des MSF sont le

    Groupe de femmes pour lAbolition des Mutilations Sexuelles (GAMS), la Commission

    pour lAbolition des Mutilations Sexuelles (CAMS), le Mouvement franais pour le planning

    Familial (MFPF), la Dlgation Rgionale aux droits des Femmes et lEgalit et Amnesty

    International.

    Certaines de ces campagnes de lutte contre les MSF ont parfois abouti au rsultat oppos

    celui attendu. En effet, dans un premier temps, les populations nont pas compris les raisons

    vritables de la ncessit darrter ces pratiques et se sont senties juges. Mais petit petit,

    ladoption de nouvelles stratgies pour mener des campagnes de prvention toujours plus

    efficaces, a permis de diminuer parfois de faon considrable la pratique de ces mutilations.

    La campagne de lutte mene par Tostan, une ONG internationale qui travaille en

    collaboration avec lUNICEF a permis une nette diminution de la pratique de lexcision au

    Sngal : la fin de lanne 2004, soit un peu moins de sept ans aprs le dbut de cette

    campagne, 1527 communauts avaient abandonn la pratique des MSF, soit 30% de la

    population sngalaise pratiquant les MSF. [4, 21]

    La rparation chirurgicale

    - La technique du Docteur Pierre Folds

    Depuis 2000, le docteur Pierre Folds a mis au point une technique de chirurgie

    rparatrice qui permet de reconstruire le clitoris. (Cf. annexe 3).

  • 32

    Avant lui, aucun scientifique ne stait intress cet organe. Cest en oprant des femmes

    souffrant de fistules, lors de missions humanitaires en Afrique, que ce mdecin urologue a

    mis au point cette opration. Elle consiste faire ressortir la partie interne du clitoris,

    dune longueur de six huit centimtres sous la cicatrice, et de lui redonner une

    sensibilit nerveuse.

    Aprs lintervention (qui nest pas pratique sur la femme enceinte), le dlai minimum pour

    un accouchement par voie basse est de trois six mois et les rapports sexuels ne sont pas

    conseills avant la quatrime semaine.

    Des publications tmoignent de la restauration sensorielle aprs cette chirurgie plastique :

    elle permet une r acquisition de la sensibilit superficielle au bout de quelques semaines

    grce lobtention dun gland peine abaiss et dot dune protusion anatomiquement

    normale. [1]

    Plusieurs centaines de femmes en France en ont dj bnfici pour retrouver leur intgrit

    physique. Une dizaine de chirurgiens pratiquent actuellement la chirurgie en France et en

    Afrique, dont un au Burkina-Faso et un autre au Sngal. Rcemment, une premire

    consultation spcialise a t cre dans les hpitaux Rothschild et Bichat Paris ainsi qu

    lHpital Mre et Enfant (HME) du CHU de Nantes, pour assurer un suivi des patientes

    avant, pendant et aprs la rparation. (Cf. 2.3.3. La rparation chirurgicale des MSF au

    CHU de Nantes)

    En France, cette intervention est aujourdhui rembourse par la scurit sociale. [4]

    Isabelle Gillette-Faye, sociologue et directrice du GAMS, ne conseille pas systmatiquement

    la rparation chirurgicale aux fillettes qui sadressent elle (et aux diffrents intervenants du

    GAMS) pour comprendre ce qui leur est arriv: elles veulent tre comme avant , et

    ventuellement, dans les socits daccueil, elles veulent tre comme les autres .

    Ensuite, elles pensent aussi au plaisir sexuel, le leur ou celui de leur partenaire, qui se plaint

    parfois de leur manque de rceptivit, mais ce nest pas ce quelles mettent dabord en

    avant. Nous, nous tentons de les accompagner de faon plus gnrale, pour les aider

    comprendre ce qui leur est arriv, et reprendre courage et force. Une opration chirurgicale

    nest pas un acte banal, surtout quand il sagit de personnes mineures. Au-del de supprimer

    les squelles douloureuses pour certaines dentre elles, la possibilit dune reconstruction

    chirurgicale du clitoris offre toutes un immense espoir et reprsente une revanche sur la

    vie. Il nen reste pas moins que la solution serait labandon de lexcision ! [4]

  • 33

    -Les autres techniques chirurgicales

    Plusieurs chirurgies peuvent tre envisages en fonctions des complications

    provoques par la mutilation sexuelle :

    -Kystes pidermiques, kystes dinclusion rsection

    -Nvromes libration nerveuse

    -Dsinfibulation reprage de lurtre, incision mdiane, suture.

    La dsinfibulation peut tre ralise en dehors de laccouchement pour traiter des

    infections urinaires rptition, des dyspareunies voire une impossibilit aux rapports

    sexuels... ou au cours de laccouchement (si elle na pas t ralise avant la grossesse)

    pour ouvrir la vulve et faciliter le dgagement du nouveau-n. Elle est indique en cas de

    MSF de type II (avec pseudo-infibulation) ou III. (Cf. annexe 3)

    Une tude amricaine publie en 2006 a valu la satisfaction de 40 femmes ayant subi une

    dsinfibulation chirurgicale dans deux hpitaux de Boston entre 1995 et 2003.

    95% de ces femmes taient originaire de Somalie. Les principales indications de cette

    intervention taient : tre enceinte et souhaiter accoucher par voie basse (30%),

    dysmnorrhes (30%), impossibilit de rapports sexuels (20%) et dyspareunies (15%).

    48% de ces femmes avaient un clitoris intact cach sous la cicatrice, 36% ont eu des

    dmangeaisons postopratoires sur la cicatrice mais qui ont disparu aprs deux semaines et

    12% ont dmarr une grossesse rapidement aprs la dsinfibulation. 100% des femmes ont

    t satisfaites de lintervention, 95% ont eu des rapports sexuels amliors et 94% la

    recommandent aux autres femmes. [37, 65]

    La mdicalisation des MSF: une solution culturelle ?

    La circoncision effectue en milieu hospitalier est devenue une banalit. Pourrait-il en

    tre de mme pour lexcision ?

    En effet, il semblerait quactuellement, dans certains milieux aiss de grandes villes

    africaines, comme Bamako, lexcision soit pratique en milieu hospitalier, sous anesthsie.

    Lexcision pratique lhpital par des infirmiers ou des sages-femmes est en hausse

    en Egypte, en Guine et au Mali.

    A Djibouti, les femmes vont lhpital militaire pour se faire dsinfibuler avant le mariage.

    Aprs laccouchement, la femme est recousue la taille du sexe du mari , c'est--dire

    avec un orifice plus large que lors de linfibulation initiale, mais plus troit quune ouverture

    non mutile. De la sorte, les relations sexuelles sont plus confortables pour lhomme, qui fait

  • 34

    faonner le sexe de son pouse ses mesures , mais restent souvent pnibles pour la

    femme. [4]

    Aujourdhui en France, lexcision ne peut tre pratique sans violation de la dontologie

    mdicale. De plus, la mdicalisation prne par certains banaliserait la pratique

    excisionnelle, la perptuerait plus quelle ne laiderait disparatre. Mme si elle

    rassure sur les risques mdicaux immdiats, et notamment les risques de mortalit, la

    mdicalisation est une faon confortable de se dbarrasser du problme . [16]

    1.6. Lhomme et les MSF

    Lexcision pratique par les femmes, souvent dfendues par elles, nest-elle

    qu une affaire de femmes ?

    Il est en effet difficile de rpondre cette question. Nous nous trouvons au cur du dbat

    men au sein de la communaut africaine o saffrontent les gardiens de la tradition et les

    progressistes.

    Pour savoir ce quen pensent les femmes elles-mmes, dans son livre Tu ne couperas

    point , Marie-Jos Bourdain nous retransmet leurs paroles.

    - Plusieurs dentres elles restent convaincues que cest une affaire de femmes :

    Ce sont les mamans excises elles aussi qui dcidentles femmes sont excises pour les

    hommes .

    - Au contraire, certaines pensent que les hommes ont une part de responsabilit :

    Lexcision, une affaire de femmes ? Oui et non. Oui, parce que tout ce qui entoure les

    pratiques de lexcision, les rites, les ftes, ce sont les femmes qui le font, et non, parce que

    si les hommes ne le veulent plus, les femmes ne le feront plus. Ce sont les hommes qui

    dtiennent les cls pour arrter . [59]

    Dans la littrature, il nest pratiquement jamais question de lapprciation globale de ces

    pratiques par les hommes appartenant aux socits concernes.

    Dans son livre La femme blesse , Michel Erlich nous prsente les tmoignages de

    quelques hommes de Djibouti interrogs ce sujet. Certains dclaraient prfrer les

    femmes intactes en raison de leur plus grande jouissance sexuelle, et se montraient

    plutt favorables labandon des MSF (tout en restant attachs la circoncision).

    Dautres manifestaient un attachement plus net lexcision et mme linfibulation. Cette

    dernire, constamment associe la protection de la virginit, ntait jamais prsente par

  • 35

    les hommes interrogs comme un moyen daccrotre la jouissance sexuelle masculine

    (notion frquemment invoque par les femmes), faisant valoir les avantages rotiques de

    ltroitesse de lorifice vaginal.

    Selon C. Quiminal : Cest vrai que se sont les femmes qui pratiquent les excisions mais

    cest lexpression de lintriorisation par les femmes de la domination des hommes et ce sont

    les vielles femmes qui imposent aux jeunes, la reproduction de lordre villageois. Cest

    lintrieur dun systme de domination extrmement fort que les femmes pratiquent ces

    coutumes. [9]

    Selon R. Saurel, le rle la parent fminine (tantes, belles-mres) dans lexcision, son

    caractre social exclusivement fminin, la revendication des femmes la considrer comme

    leur chose montre que le pouvoir mle a russi faire de la sanglante mutilation

    une affaire de femmes. Le caractre de lalination fminine est absolu : toute la

    hirarchie sociale des femmes vient servir la suprmatie masculine. [15]

    Source : Photographie de MANSERA K., Le jour o Khady perdit une partie de sa vie. [14]

  • 36

    2me

    partie : Prise en charge actuelle des M.S.F.

    en maternit

    2.1. Introduction

    Depuis quelques annes, le nombre de migrants originaires dAfrique de

    lOuest, et notamment de Guine Conakry, ne cesse daugmenter dans les Pays de la

    Loire.

    Les sages-femmes et autres professionnels de sant se trouvent ainsi de plus en plus

    confronts la problmatique des mutilations sexuelles fminines.

    De plus, suite au colloque national sur les MSF du 04/12/06, M. Bertrand Xavier, ministre de

    la Sant et de la Solidarit a annonc : notre objectif [est] de mettre fin aux mutilations

    sexuelles fminines dici 2010 au plus tard . Grce ce colloque mais surtout aux

    professionnels de sant et associatifs qui depuis 25 ans se mobilisent contre lexcision, des

    pistes dactions se sont dessines pour lutter contre ces pratiques. [46]

    Nous avons souhait, dans un premier temps, dterminer le niveau de connaissance des

    sages-femmes et les pratiques des maternits de Loire-Atlantique en terme de prise en

    charge des MSF. Dans un second temps, nous nous sommes intresss plus

    particulirement la prise en charge de ces femmes mutiles la maternit du CHU de

    Nantes, sur le modle de la prise en charge effectue lhpital Rothschild Paris. Pour

    finir, nous avons fait une mise au point sur les diffrentes actions possibles de la sage-

    femme et de lensemble des professionnels de sant afin de mieux accompagner ces

    femmes dans le per-partum.

  • 37

    2.2. Etude descriptive sur les connaissances des sages-femmes et la prise en charge actuelle des MSF dans les maternits de Loire-Atlantique

    2.2.1. Objectif

    Les sages-femmes des maternits des Pays de Loire, qui prennent en charge ces

    femmes africaines susceptibles dtre mutiles, ont besoin de connaissances prcises sur

    les MSF. Nous avons voulu savoir, dans le dpartement de Loire Atlantique plus

    prcisment, si elles estimaient que leurs connaissances taient suffisantes pour soccuper

    au mieux de ces femmes ayant besoin de soins particuliers. De plus, travers leurs

    expriences, nous avons essay danalyser leurs pratiques pour en dduire les difficults

    rencontres qui empchent une prise en charge optimale dune femme ayant subi une MSF.

    2.2.2. Matriel et mthode

    Pour atteindre notre objectif, nous avons ralis un questionnaire anonyme qui a

    t distribu aux sages-femmes des huit maternits de Loire Atlantique. (cf. annexe 4)

    Lobjectif tait denvoyer ce questionnaire 30% des sages-femmes de ces maternits, pour

    esprer en recueillir au moins les deux tiers, cest dire reprsenter au minimum 20% des

    sages-femmes.

    Ces questionnaires ont t envoys aux sages-femmes cadres, qui les ont ensuite distribus

    aux sages-femmes exerant dans tous les services de la maternit, sans aucune condition

    exclusive.

    Cependant, au CHU de Nantes, pour des raisons pratiques de retour des questionnaires et

    sachant la mobilit des sages-femmes entre les diffrents services, ceux-ci ont tous t

    dposs dans le service des suites de couches.

    2.2.3. Descriptif de lchantillon

    Priode : Les questionnaires ont t envoys (ou dposs) le 20 septembre et ont t

    recueillis jusquau 15 novembre 2006.

  • 38

    Maternits concernes :

    - CHU de Nantes

    - Polyclinique de lAtlantique (PCA) Saint Herblain

    - Clinique Jules Verne de Nantes

    - Clinique Brtch de Nantes

    - Hpital de Saint Nazaire

    - Clinique du Jardin des Plantes (JDP) de Saint Nazaire

    - Hpital dAncenis

    - Hpital de Chteaubriant

    Dans la suite de notre tude, pour garder lanonymat des tablissements, ils seront

    dnomms de faon alatoire par une lettre de B H. (hormis pour le CHU de Nantes qui

    est reprsent par la lettre A).

    Professionnels participants : Les sages-femmes (SF) de bloc obsttrical, de suites de

    couches, de consultations prnatales, de prparation laccouchement, ainsi que les SF des

    services de gyncologie, de grossesses pathologiques et dorthognie.

    Tableau n3 : Construction de lchantillon :

    A

    B

    C

    D

    E

    F

    G

    H

    TOTAL

    Nombre de SF

    dans

    ltablissement

    au 01/09/06

    83

    50

    30

    14

    29

    20

    14

    11

    251

    Nombre de

    questionnaires

    envoys

    25

    15

    9

    5

    9

    6

    4

    4

    77

    Nombre de

    questionnaires

    reus

    18

    11

    7

    4

    0

    3

    4

    4

    51

    Taux de

    rponses

    72%

    73.3%

    77.7%

    80%

    0%

    50%

    100%

    100%

    69.1%

    Les sages-femmes de la maternit E ont refus de rpondre notre questionnaire pour deux

    raisons : elles rencontrent peu de femmes mutiles dans leur maternit et elles dclarent

    ne pas avoir assez de connaissances sur les MSF.

  • 39

    2.2.4. Rsultats

    Le nombre de questionnaires analys est de 51.

    Les sages-femmes

    Les sages femmes interroges ont en moyenne 39.8 ans (de 25 et 59 ans) et ont

    respectivement entre 1 et 38 annes dexercice.

    Sur 51 sages-femmes, 23 ont dj travaill en consultations prnatales (45.1%), 50 au bloc

    obsttrical (98%), et 42 en suites de couches (82.4%).

    Actuellement, 15 travaillent en consultations prnatales (29.4%), 29 au bloc obsttrical

    (56.9%), 27 en suites de couches (52.9%), 1 en grossesses pathologiques, 1 au service de

    Diagnostic Antnatal (DAN), 1 au planning familial, et 2 ont un poste de sage-femme librale.

    En effet, certaines sages-femmes occupent plusieurs postes la fois.

    Dans notre tude, les sages-femmes proviennent de divers services et ont ainsi pu

    prendre en charge des femmes mutiles des moments diffrents (grossesse,

    accouchement).

    Une seule sage-femme a dj travaill en Afrique (au Congo) ; nous ne pouvons donc pas

    savoir si le fait davoir travaill en Afrique permet aux sages-femmes dtre plus

    laise pour la prise en charge des MSF.

    Risque de confrontation aux MSF

    15 sages-femmes (29.4%) rencontrent souvent, dans lexercice de leur profession,

    des femmes originaires dAfrique, 30 en rencontrent de temps en temps (58.8%) et 6 en

    rencontrent rarement (11.8%).

    La majorit des sages-femmes de Loire-Atlantique se trouvent ainsi confrontes des

    femmes susceptibles dtre mutiles.

    Parmi les 15 sages-femmes qui rencontrent souvent ces femmes originaires dAfrique, 13

    travaillent au CHU de Nantes (86.7%) et 2 la PCA de St Herblain (16.7%). Ce sont

    surtout les sages-femmes du CHU de Nantes qui prennent en charges ces femmes

    dans le dpartement de Loire-Atlantique.

    Pour 11 dentre elles (78.6 %), il sagit souvent de femmes dAfrique de lOuest (pratiquant

    surtout lexcision) et pour 2 dentres elles, il sagit souvent de femmes dAfrique de lEst

    (pratiquant surtout linfibulation).

  • 40

    Au cours de ces trois dernires annes, 20 sages-femmes (39.2%) dclarent avoir rencontr

    et examin entre 1 et 10 femmes mutiles, 5 (9.8%) en ont examin entre 10 et 20, 2 (3.9%)

    en ont examin plus de 20 (soit un total de 27 sages-femmes) et 24 (47.1%) nen ont pas

    rencontr.

    2 sages-femmes, sur les 25 qui ont rencontr des femmes mutiles au cours de ces trois

    dernires annes (et qui ont rpondu la deuxime partie du questionnaire), ont constat

    des MSF ralises sur le territoire franais.

    Connaissances des sages-femmes

    Durant leurs tudes, 43 sages-femmes sur 51 (84.3%) nont pas eu de cours sur

    les MSF. Pour les 7 sages-femmes qui en ont eu, elles considrent toutes que leurs

    connaissances sont insuffisantes.

    Une des raisons voques par les sages