Les Musulmans, la France, l'Europe: contre quelques faux-semblants en matière d'intégration

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Les Musulmans, la France, l’Europe : contre quelques faux-semblants en matière d’intégration MI GRATIONS ET CITOYENNETÉ EN EUROPE mars 2007 Christophe Bertossi

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Alors que les émeutes dans les banlieues françaises de l'automne 2005 ont démontré le besoin d'une remise à plat du modèle français d'intégration, cela ne s'est pas traduit en politiques publiques. Ce premier numéro de la collection Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) -Ifri "Migrations et citoyenneté en Europe" revient sur l'analyse de ces événements en France. Il montre le décalage qui existe aujourd'hui entre, d'une part, les discours publics sur les problèmes de l'intégration des musulmans et, d'autre part, la difficulté de reconnaître l'ampleur du fossé entre ces nouveaux citoyens, leur accès aux droits, à l'égalité des chances, et les institutions de la société française. Pour comprendre cette crise de l'intégration en France, il est nécessaire d'identifier les limites du modèle de citoyenneté mais également la crise identitaire qui concerne le processus de l'intégration européenne depuis le début des années 2000.

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Les Musulmans, la France, l’Europe : contre quelques faux-semblants en matière d’intégration

MIGRATIONS ET CITOYENNETÉ EN EUROPEmars 2007

Christophe Bertossi

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La collection "Migrations et citoyenneté en Europe" est publiée conjointement par la FondationFriedrich-Ebert (FES) et l’Institut français des relations internationales (Ifri). Ce texte ainsi quel'ensemble des titres de la collection sont disponibles en allemand et en français sur www.fes.orget www.ifri.org.

Rédigées par des chercheurs de renommée internationale, ces analyses se consacrent auxdébats sur l'immigration et l’intégration ainsi que sur l’islam afin de comprendre les enjeuxsociaux, politiques et culturels qu’ils soulèvent en Europe, devenue la première destinationmondiale des migrations internationales.

Tout en soulignant les différentes traditions et expériences nationales, les textes de cettecollection mettent en perspective les problèmes rencontrés et envisagent ce que pourrait être lacitoyenneté européenne.

Les opinions exprimées dans ce texte n'engagent que leur auteur.

Responsables de la publication : Türkan Karakurt (FES) et Christophe Bertossi (Ifri).

ISBN : 978-2-86592-187-4ISSN : en cours

© Tous droits réservés, Friedrich Ebert Stiftung/Ifri, 2007Toute demande d’information, d’autorisation de reproduction ou de diffusion

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Le 27 octobre 2005, à Clichy-sous-Bois, dans la banlieue nord deParis, deux adolescents, l'un

d'origine maghrébine et l'autre d'origineafricaine, âgés de 15 et 17 ans, trouvaient lamort par électrocution dans un transformateurEDF où ils avaient cherché refuge après unecourse-poursuite avec des policiers. Deuxjours plus tard, la police usait de gazlacrymogènes à la porte d'une mosquée de lamême ville. Ce fut le début de trois semainesd'émeutes dans de nombreuses villesfrançaises. Le 7 novembre, le gouvernementdécrétait un couvre-feu en vertu d'une loi de1955, initialement votée pour faire face àl'insurrection qui marquait le commencementde la guerre d'indépendance algérienne1.

S'il ne s'agissait pas là des premières émeutesurbaines en France, c'était la première fois quede telles violences prenaient une dimensionnationale2. Au total, la police arrêta en un moisquelque 3 000 personnes, dont plus du tiersn'avait pas 18 ans. Les images de 9 000voitures incendiées ont fait le tour du mondeau même moment.

Ces images ont symbolisé les limites dumodèle français d'intégration et de citoyen-neté : la République et ses valeurs avaient-elles échoué à intégrer la jeunesse françaiseissue de l'immigration ? Les émeutes urbainesde 2005 étaient-elles l'illustration de cet échec ?

Le plus surprenant, c'est que la question,pourtant au cœur des débats publics au lende-main de ces événements, n'a jamais trouvé detraduction politique. En effet, au lieu de s'inter-roger sur le type de rupture que les événe-ments de l'automne 2005 avaient apporté enmatière de politiques d'intégration, l'analyses'est focalisée sur ce qui a été présentécomme des attitudes “anti-intégration","antirépublicaines" et "anticitoyennes" despopulations issues de l'immigration.

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Christophe Bertossi

Chargé de recherche,responsable du programme

"Migrations, identités, citoyenneté"à l'Ifri

Alors que les émeutes dans les banlieuesfrançaises de l'automne 2005 ont démontré lebesoin d'une remise à plat du modèle françaisd'intégration, cela ne s'est pas traduit enpolitiques publiques. Ce premier numéro de lacollection FES-Ifri "Migrations et citoyennetéen Europe" revient sur l'analyse de cesévénements en France. Il montre le décalagequi existe aujourd'hui entre, d'une part, lesdiscours publics sur les problèmes del'intégration des musulmans et, d'autre part, ladifficulté de reconnaître l'ampleur du fosséentre ces nouveaux citoyens, leur accès auxdroits, à l'égalité des chances, et lesinstitutions de la société française. Pourcomprendre cette crise de l'intégration enFrance, il est nécessaire d'identifier les limitesdu modèle de citoyenneté mais également lacrise identitaire qui concerne le processus del'intégration européenne depuis le début desannées 2000.

1. Le 8 novembre 2005, le président de la Républiquedécrète l'état d'urgence en vertu de la loi du 3 avril 1955.Un décret du 9 novembre du Premier ministre identifie 25 départements où les préfets peuvent déclarer lecouvre-feu. Le 16 novembre, une loi est votée pourprolonger durant trois mois cet état d'urgence.2. De premières émeutes ont lieu, dans la banlieuelyonnaise, en 1979 à Vaulx-en-Velin, en 1981 et 1983 àVénissieux (quartier des Minguettes), en 1990, à Vaulx-en-Velin, puis, en région parisienne, en 1991 à Sartrou-ville et Mantes-la-Jolie.

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La conclusion, plus ou moins explicite, de cetteanalyse a été que ces populations d'origineétrangère - mais néanmoins de citoyennetéfrançaise - n'étaient pas tout à fait intégrablesen l'état dans les principes de la République.Pour mieux asseoir ce déni de citoyenneté dufait de leurs origines, l'importance a été misesur leur soi-disant identité "musulmane", enjouant sur une opposition relativementconsensuelle pour l'opinion publique entre laRépublique et les musulmans. Parce qu'ilssont musulmans, les nouveaux citoyens neseraient pas des citoyens comme les autres.

Face à cette analyse publique dominante,abondamment relayée par les faiseursd'opinion et les responsables politiques,percevant l'islam comme une barrière àl'intégration3, la réalité sociale montre uneautre image. Loin de trouver sa source dansdes identités apparemment réfractaires auxvaleurs de la citoyenneté, la principalequestion posée par les émeutes de 2005 estcelle de la panne de la mobilité socio-économique ascendante et, surtout, deslimites d'adaptation du modèle françaisd'intégration à la diversité culturelle etreligieuse et à la crise de l'État providence.

En élimant les dynamiques d'intégration,notamment par le travail, dans une situation dechômage structurel très élevé, cette crisesociale crée une situation particulière pour lespopulations issues de l'immigration : réalitédes discriminations ethniques et religieuses,relégation urbaine et sociale (les fameuses "banlieues"), voire ségrégation, un phéno-mène de concentration qui n'épargne d'ailleurspas les institutions de la République, à l'instarde l'école.

En d'autres mots, on n'a vu que les "identités"alors que l'enjeu est celui de la crise plus

globale de la solidarité sociale, dans laquellevient s'engouffrer la stigmatisation de plus enplus forte de la diversité culturelle et religieusede la société française, comme du reste de laplupart des autres pays européens, avec desspécificités qui remontent à l'héritage post-colonial, cette dernière dimension rendant lasituation encore plus complexe.

Ne voir que l'identité de ces populations enattente de mobilité sociale, c'est donc ne voirqu'une partie du problème, qui ne signifie rienlorsqu'on l'isole du contexte social plus large.C'est aussi s'empêcher de trouver dessolutions à l'urgence de la situation suggéréepar les événements de l'automne 2005. Cettecomplexité n'est pas apparue dans les débatspublics qui les ont suivis. L'ampleur de laquestion sociale des émeutes a ainsi étééludée.

Comment expliquer ce décalage entre cetteanalyse publique des limites de l'intégration enFrance, entièrement fondée sur l'identité despopulations qu'il s'agit d'intégrer, et la réalitésociale plus complexe à la source desévénements de 2005 ? Pourquoi cette crise dela fabrique sociale - qui est également pourpartie une crise institutionnelle - ne trouve-t-elle pas de traduction en termes de politiquespubliques ?

Derrière ces deux questions, il en est unetroisième qui me paraît être la questionpolitique la plus importante aujourd'hui :pourquoi certains citoyens de droit ne sont-ilspas considérés comme des citoyens ordi-naires, comme des citoyens de pleins droits ?L'avenir d'un vivre ensemble citoyen, enFrance comme en Europe, passe par lamanière dont cette question pourra être traitéeà l'avenir. Essayons d'expliquer pourquoi.

Pour poser le problème : les faux-semblants de l'identité

Dans les années 1980, parler d'intégration enFrance, c'était s'interroger sur la trans-formation des étrangers en citoyens. Or,depuis la fin des années 1990, l'intégrationconcerne non plus des étrangers mais despopulations qui ont déjà la citoyennetéfrançaise. Ce glissement n'est pas anodin. Ils'est produit en France mais également dans

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3. Certains ont ainsi parlé de la haine "résolument nihiliste" des populations des banlieues contre les institutions de la République (Nicolas Baverez), de la"révolte des jeunes " dont " la plupart sont noirs ou arabesavec une identité musulmane" (Alain Finkielkraut), issusd'une "immigration incontrôlée si étrangère à noscroyances, à nos mœurs et à nos lois" (Claude Imbert,directeur du Point), de ces familles dans des apparte-ments "où il y a trois ou quatre femmes et vingt-cinqenfants" (Hélène Carrère d'Encausse, Académie fran-çaise). On pourrait retrouver de très nombreuses citationsidentitiques dans la presse française et les discours desresponsables politiques. Cf. Didier Fassin, Eric Fassin(dir.), De la question sociale à la question raciale, Paris, LaDécouverte, 2006.

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la plupart des pays européens d'ancienneimmigration et il contribue à rendre de plus enplus floue la frontière entre les citoyens et lesautres. Cela a un coût qui est rarement évoquédans les débats sur l'intégration.

La géopolitique des identités : l'Europe, la fin de la guerre froide et les musulmans

De fait, lorsque l'on parle d'intégration, on parled'identité. Depuis une quinzaine d'années,cette identité a subi une double transformation.D'abord, ceux que l'intégration concernait dansles années 1980 étaient des migrants,récemment sédentarisés. Aujourd'hui, l'inté-gration concerne leurs descendants, déjàentrés dans la citoyenneté des pays euro-péens. Ensuite, ceux que l'on désignait alorsen fonction de leur nationalité d'origine (lesMaghrébins en France, les Turcs en Alle-magne) ou de leur ethnicité (les Blacks ou lesAsians en Grande-Bretagne) sont désormaispartout identifiés en fonction de leur religionprésumée : les "musulmans".

Par effet de miroir, plus ces nouveaux citoyensont été identifiés comme des "musulmans",plus les Européens ont recouru à une nouvelleidentité dite "judéo-chrétienne", un termedevenu particulièrement consensuel après2002 et les débats autour du Traitéconstitutionnel européen. Cela constitue unerupture dans la grammaire identitaire del'Europe, telle qu'elle s'était développéejusqu'aux années 1990.

Le basculement identitaire de la construction européenne

Jusqu'à la fin des années 1990, le projeteuropéen était d'inventer une nouvelle formede "communauté européenne des citoyens",en dissociant l'identité et l'accès à lacitoyenneté. L'identité problématique étaitalors l'identité nationale. L'idée d'unecitoyenneté européenne, finalement instituéemalgré ses limites par le traité de Maastricht,consistait à trouver une alternative au seulnationalisme, à l'ancrage des droits et devoirsdes citoyens dans une conception encorehomogène de l'identité nationale.

En Allemagne, après Sternberger, Habermasproposait la citoyenneté "post-nationale"

autour du "patriotisme constitutionnel".D'autres, au même moment, s'interrogeaientsur ce que pouvait être une citoyenneté"cosmopolite" ou "multiculturelle". Ces pistesétaient appuyées par des prises de positiondes institutions européennes, promouvant lesvaleurs de la diversité comme fondatrices de lanouvelle démocratie européenne : desdéclarations conjointes de la Commission, duConseil et du Parlement européens sur cessujets en 1986 jusqu'à la mise en place del'Observatoire européen des phénomènesracistes et xénophobes (European UnionAgency for Fundamental Rights, EUMC) àVienne en 1997 et ouvert en 2000.

Alors que, précisément, le Traité consti-tutionnel devait marquer un net renforcementde cette dimension politique et citoyenne de laconstruction européenne - comme entémoigne le terme même de "constitution" -,les débats européens ont débouché sur unequestion très différente : l'Europe n'a-t-elle pasune culture identitaire propre ? Quel contenudoit-on donner à l'identité européenne ? Cetteculture ne puise-t-elle pas ses racines dans lechristianisme et le judaïsme ? Ne doit-on alorspas mentionner ces racines dans le préambuledu texte fondateur de l'Europe "politique" ?

Les différentes formes d'institutionnalisation durapport entre religion et politique variaient tropen fonction des contextes nationaux pouraboutir à un consensus entre les 25 Étatsmembres. On sait que le compromis de sortiea été une simple référence aux "héritagesculturels, religieux et humanistes" de l'Europe.Mais les débats sur l'adhésion de la Turquie àl'Union européenne (UE) ont renforcé cetteidentité religieuse miroir, envisageant laTurquie non plus comme un allié stratégique -ce qu'elle était du temps de la guerre froide -mais comme un pays "musulman4".

Voilà une rupture au cœur du projet européen :la question n'a plus été "que voulons-nousfaire ensemble ?" mais "qui sommes-nousensemble ?". En convertissant la constructioneuropéenne d'un simple marché à une cons-truction politique et citoyenne, l'intégration del'UE élargie a fini par s'identariser. Et c'estd'ailleurs sur cette identité problématique quela constitutionnalisation de l'UE est tombée en

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4. Samim Akgönül, "La Turquie dans l'Union euro-péenne ?", Policy Paper 18, Paris, Ifri, 2005.

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panne, après les référendums français etnéerlandais en 2005.

Il ne faut pas négliger cette nouvelle donne, etles transformations que l'Europe a connuesdepuis la fin de la guerre froide ne sont pasétrangères à cette rupture. Avant la chute dumur de Berlin, l'UE n'était pas "judéo-chrétienne" : elle était à "l'Ouest", en attendantque l'Europe orientale la rejoigne. Depuis, uneautre phase a commencé : fin du conflit Est-Ouest, variations sur le thème de la"réunification du continent européen", élar-gissement de l'UE en 2004 à 10 nouveauxÉtats membres, passant de 15 à 25 etdésormais à 27 depuis le 1er janvier 2007.

L'islam après la guerre froide

En d'autres mots, l'élargissement européen etla crise institutionnelle qui l'a suivi en 2005constituent une illustration régionale d'unetransformation plus vaste des relationsinternationales.

L'islam est venu jouer un rôle de premièreimportance dans ce nouveau contexte. Lesprincipaux conflits des années 1990 et 2000(Tchétchénie, Afghanistan, Irak, secondeintifada, etc.) ont eu une connexion plus oumoins directe avec "le monde musulman", àmesure que se redéfinissait la politiqueextérieure américaine, dans la période qui asuivi le 11 septembre 20015.

Le continent européen lui-même a été la cibledu terrorisme transnational lié à l'islamismeradical, à Madrid le 11 mars 2004 et à Londresle 7 juillet 2005. Les événements de Londresont révélé quelque chose d'autre : certainsprotagonistes de ces attentats étaient descitoyens britanniques, nés et scolarisés enGrande-Bretagne, et intégrés par le marché dutravail à la société britannique. La rupture deleur allégeance a créé le sentiment d'une crisede conscience identitaire au sein de la sociétébritannique - et plus généralement en Europe -et a renforcé l'approche sécuritaire dutraitement politique de l'immigration et del'intégration. À rebours, ces événements ontégalement été liés aux émeutes urbaines duprintemps et de l'été 2001 dans le nord-est dela Grande-Bretagne après lesquelles la remise

en question du multiculturalisme britanniqueavait débuté6 .

Pour autant, le passage à la radicalité violente,les services européens de renseignements etde police le savent, ne concerne qu'uneminorité très marginale de ces populationsainsi que quelques convertis. Mais la frontièreentre "musulmans" et "islamistes" s'estprogressivement dissoute dans les opinionspubliques. Du moins, elle n'est plus considéréecomme une frontière qualitative mais commeune simple différence de degrés.

Musulmans : de l'identité à l'allégeance ?

Ce faisant, l'islam est de plus en plus perçucomme un enjeu d'allégeance, alors qu'ilreprésente aujourd'hui la deuxième religion enEurope du fait de la sédentarisation historiquedes populations immigrées des années 1960et 1970.

Cette suspicion à l'égard des citoyenseuropéens musulmans s'est accrue avecl'érosion progressive des frontières entrel'interne (citoyenneté, discriminations, stig-matisation) et l'international (conflits inter-nationaux, islamisme, terrorisme inter-national). L'épisode des caricatures publiéespar le journal danois Jyllands-Posten le 30 septembre 2005 l'a montré. De la mêmemanière, lors des émeutes françaises de 2005,les médias de certains pays au Maghreb et auMoyen-Orient ont été très sensibles au sortdes populations issues de l'immigration enFrance.

Du point de vue du débat européen, cela a uneautre conséquence : en rompant la distinctionentre islam, musulmans, islamisme etterrorisme, la peur globale de l'islam atransformé la religion musulmane en identitéglobale, qui finit aux yeux des faiseursd'opinions en Europe par placer sur le mêmeplan qualitatif la violence terroriste contre lesvaleurs de la démocratie libérale et le hidjabcomme violence morale contre les principes dela citoyenneté occidentale. D'où la façon dontles musulmans sont aujourd'hui considérésdans les pays européens comme partageantensemble une identité non seulement

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5. Rémy Leveau, Khadija Mohsen-Finan (dir.), Musul-mans de France et d'Europe, Paris, CNRS Éditions, 2005.

6. Home Office, Community Cohesion. A Report by theIndependent Review Team Chaired by Ted Cantle,Londres, Home Office, 2001.

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religieuse, mais avec des prolongementspolitiques et idéologiques. Parler desmusulmans, c'est ainsi constater leursdifficultés d'accommoder leur "différence"apparente dans les principes constitutionnelset les cultures des sociétés d'accueil - ce quiles empêcherait, dit-on, de s'intégrer. C'estaussi constater leur allégeance floue. Dans lesdeux cas, utiliser cet élément identitaire pourles définir comme objet des politiquesd'intégration et de citoyenneté, c'est renoncerau projet d'une citoyenneté commune en lesexcluant a priori, sans inventaire sérieux.

Cela débouche également sur un curieuxparadoxe. Comment reprocher aux soi-disant"musulmans" d'être réfractaires au sécu-larisme des Lumières et, en même temps,d'avoir une religion qui entretiendrait un conflithistorique avec l'Occident chrétien ? Il s'agitd'une contradiction qui échappe souvent auxmédias comme aux responsables politiques.

Ces idées reçues sur l'islam et sur lesmusulmans sont pourtant continuellementbattues en brèche par les travaux de re-cherche conduits sur ces questions : l'islam estde plus en plus visible mais il trouve dans lasphère privée le lieu de son expression ; lareligiosité des populations issues de pays dits"musulmans" n'est guère supérieure à celleque l'on constate pour les autres religions7 ;l'attachement à la religion musulmane estsouvent un culturel et affectif et non un enga-gement religieux8 ; l'allégeance de classe n'apas été remplacée par une allégeance"musulmane", le vote de ces nouveauxcitoyens s'effectuant toujours à partir duclivage idéologique traditionnel entre la social-démocratie et les partis conser-vateurs etlibéraux. Les rares tentatives pour récupérerun vote identitaire ont échoué, comme l'amontré par exemple le faible suffrage remportépar la liste Euro-Palestine en France lors desélections européennes de 20049.

Alors, des musulmans ou des citoyens ?

Cette géopolitique des identités, entre l'interneet l'externe, a donc eu pour résultat une "isla-misation" des débats sur l'intégration et lacitoyenneté tels que menés par les pouvoirspublics, les principaux partis de gouvernementet les médias en Europe.

Là encore, les événements de 2005 en Francesont intéressants de ce point de vue. Pendanttoute la durée des violences, les médias ainsique les responsables politiques français ont vudans les incendiaires de voitures des "musul-mans10”.

Pas de " communautarisme " mais de la discrimination

Il est pourtant singulièrement frappant deconstater l'absence de référence identitairecollective - ce que le débat français appelle"communautarisme" - à l'islam chez ces jeunesFrançais issus de l'immigration impliqués dansles violences urbaines.

En effet, plutôt que de s'identifier à l'identitéreligieuse de leurs parents, ils ont montré uneidentification très forte aux territoires de la sé-grégation urbaine, mêlée aux discriminationsauxquelles ils sont confrontés.

Le terme de "banlieue" a fini par résumer cettesituation sociale. Vivre en "banlieue", c'estfaire l'expérience de différentes formes de dis-criminations, fondées sur l'origine nationale,ethnoculturelle et religieuse, mais aussi surl'origine sociale : une adresse qui ne plaît pasaux employeurs, la difficulté de se projeter parl'école vers un avenir construit. Parce qu'ellecumule les inégalités matérielles et la ségré-gation culturelle, la "banlieue" comme espacede vie sociale rend l'accès au marché dutravail plus difficile. Les taux de chômage deces jeunes populations atteignent alors desproportions trois à quatre fois supérieures à lamoyenne nationale, elle-même déjà trèsélevée11.

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7. Selon une enquête du CEVIPOF, 20 % des personnesinterrogées originaires du Maghreb, d'Afrique noire et deTurquie se déclarent sans religion (contre 28 % pour lereste de la population française) : Sylvain Brouard,Vincent Tiberj, Français comme les autres ? Enquête surles citoyens d'origine maghrébine, africaine et turque,Paris, Presses de Sciences Po, 2005.8. Nancy Venel, Musulmans et citoyens, Paris, PUF, 2004.9. Christophe Bertossi, "Le vote immigré", in Yves Déloye(dir.), Dictionnaire des élections européennes, Paris,Economica, 2005.

10. "Je le dis comme je le pense : le retour de l'autoritérépublicaine n'est pas indifférent à l'agitation de certainescités, dont une minorité d'individus se pensaient les seulsmaîtres […]. L'enjeu est considérable car, si ce n'est pasl'ordre de la République qui règne dans les quartiers, cesera l'ordre des bandes ou celui des extrémistes, ce quenous ne voulons à aucun prix", le ministre de l'Intérieurlors des débats à l'Assemblée nationale, 25 novembre2005.

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L'Observatoire des discriminations a réalisédes tests sur la discrimination en France12.Les résultats montrent qu'un candidat magh-rébin reçoit cinq fois moins de réponsespositives, à curriculum vitæ (CV) identiques,qu'un candidat au nom à consonance fran-çaise.

Des institutions républicaines de plus en plus fermées

À cela s'ajoute une coupure qui s'aggraveentre ces populations et les institutions de laRépublique, ces dernières paraissant sefermer. Dans une étude que nous avonsrécemment menée sur l'intégration des Fran-çais issus de l'immigration au sein des arméesfrançaises désormais professionnelles, nousavons pu constater un tel décalage13.

Les nouveaux militaires d'origine étrangères'engagent en effet pour fuir les discri-minations qu'ils rencontrent sur le marché civildu travail, pour renforcer un CV et trouver dansl'armée une "seconde chance", une formationqui leur sera utile au moment de leur retour àla vie civile. Loin d'y trouver un pedigree quineutraliserait la stigmatisation dont ils sontl'objet dans la société française, les arméesmontrent à leur égard de nombreux préjugésqui se manifestent par des discriminations(accès difficile à une formation, mauvaiseutilisation de leurs compétences linguistiqueset culturelles), des vexations à répétition, desinsultes, principalement entre pairs et dans lescontacts avec leur commandement immédiat(le plus souvent au niveau des sous-officiers).

Par ailleurs, alors que des textes encadrent lesprincipes de la laïcité dans l'armée, notam-ment en matière d'alimentation halal, ces prin-cipes ne sont pas appliqués systématiquementdans la vie militaire quotidienne. Souvent,

lorsqu'ils sont en opération extérieure dansdes régions du Moyen-Orient ou du Maghreb,leurs cama-rades et leur hiérarchie immédiatemettent en doute leur allégeance.

Le contraste est alors singulier avec leursdiscours sur leur engagement qui a pour euxune forte signification patriotique, leur attache-ment aux principes de la laïcité (neutralitéinstitutionnelle et égalité de traitement entreles religions) et de la République. Quant à leurdouble nationalité, elle ne constitue pas poureux une double allégeance. Leur allégeanceest dirigée vers l'État français. Leur secondenationalité n'a qu'une valeur familiale, limitée àun attachement privé au pays de leurs parentset de leurs grands-parents.

Entrés par citoyenneté, les militaires françaisissus de l'immigration ne sont pas considéréscomme des militaires comme les autres. Lesrelations au sein de l'institution militaire, qui esthistoriquement l'une des principales insti-tutions d'intégration républicaine, les fabri-quent comme des militaires ethniques, cequ'ils ne sont pas.

La même chose pourrait être dite d'autresinstitutions comme l'école ou l'hôpital. Il s'agitd'une question importante dans la mesure où ilen va de la crédibilité des institutions de laRépublique et de la citoyenneté française.Sans même parler de l'intégration de cespopulations d'origine immigrée dans les insti-tutions politiques françaises, où elles s'illus-trent par leur absence : il a fallu attendre lesélections sénatoriales de septembre 2004 pourvoir trois élues d'origine maghrébine entrer auParlement français.

Des émeutes pour rompre un double enfermement ?

Ce fut également l'un des messages forts desémeutes françaises : la coupure entre lasociété institutionnelle, la démocratie repré-sentative et la réalité ordinaire de lastigmatisation. Les cibles des violencesurbaines de l'automne 2005 en témoignent :forces de police, écoles, bâtiments publics,pompiers, autant de symboles de la société"dominante" et institutionnelle qui est perçuecomme de plus en plus fermée aux classes lesplus défavorisées assignées dans l'identité dela "banlieue" et de l'islam.

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11. Danièle Joly rappelle que le chômage des 15-24 ansatteint par exemple un taux de 54,4 % dans les quartiersde La Reynerie et de Bellefontaine à Toulouse, 37,1 % àClichy-sous-Bois et Montfermeil, 42,1 % dans le quartierde Bellevue à Nantes : Danièle Joly, Comprendre lesémeutes : immigrés et minorités ethniques en France eten Grande-Bretagne, Paris, Denoël, 2007.12. Cet observatoire est une composante du Centred'études et de recherches sur la gestion des organisa-tions et des relations sociales (CERGORS), Université deParis I-Panthéon-Sorbonne. 13. Christophe Bertossi, Catherine Wihtol de Wenden, LesCouleurs du drapeau : les militaires français issus del'immigration, Paris, Robert Laffont, 2007.

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Ce double enfermement, social et identitaire,laisse alors libre cours à des analysescirculaires : l'islam et la "banlieue" sont liés àdes comportements spécifiques de déviancesociale et civile ; celles-ci sont entretenues parune criminalité et une économie souterraine,faites de trafics illicites (drogues, armes) ; cetteéconomie des "banlieues" arracherait lesadolescents au système scolaire ; dans cecontexte, les familles auraient démissionné deleur autorité ; la structure familiale serait elle-même déviante (polygamie)14 ; la languefrançaise ne serait plus pratiquée, aggravantd'autant l'écart entre les populations des"banlieues" et le reste de la société française ;cet écart serait devenu le fossé entre deuxmondes parallèles.

Il y a dans cette analyse une cohérencesimulée trop facile qui tient, précisément, àl'évidence que l'identité serait une réalitéenglobante et totale. Mais on prend leproblème à l'envers. C'est la question socialequi est urgente et l'identité supposémenthomogène de ces populations n'a pas créécette situation sociale.

L'équation entre islam et "banlieue" pourexpliquer les émeutes ne tient donc pas. Pourpreuve, lorsque les associations musulmanestelles que l'Union des organisations islamiquesde France (UOIF) ont tenté une médiation pourmettre un terme aux violences urbaines, cesjeunes ne les ont pas reconnues comme desinterlocuteurs pertinents et légitimes. Membresd'une génération finalement peu religieusedans l'ensemble, à l'instar du reste de lasociété française, ils ont refusé d'être enfer-més dans cet islam problématique.

Les sociologues spécialistes de l'intégration oudes "banlieues" n'ont pas été les seuls à insis-ter sur ce point. En décembre 2005, les rensei-gnements généraux remettaient au ministre del'Intérieur un rapport15 dont les conclusions

venaient contredire l'analyse portée par lesresponsables politiques et les médias :l'identité musulmane attribuée aux auteurs desviolences de novembre ne pouvait pasexpliquer ce qui s'était passé. Les racines desévénements plongeaient dans la discrimina-tion, la stigmatisation et la ségrégation ressen-ties par ces jeunes.

Les coûts du traitement identitaire de l'intégration

Ce traitement identitaire de l'intégration et lacitoyenneté dans les débats publics, en Franceet en Europe, comporte trois risques à ne pasnégliger : il empêche toute réforme despolitiques de citoyenneté, contribue à radicali-ser les identités, finit par décrédibiliser les prin-cipes fondateurs du vivre ensemble citoyen.

La réforme impossible ?

D'abord, parler des identités pour résoudre unproblème social plus complexe laisse peu deplace pour raisonner ou questionner. Le débatsur l'identité est à la fois émotionnel et trèspolitisé, quand les candidats des principauxpartis de gouvernement, actuellement en licepour l'élection présidentielle en France, ontcoutume de vouloir "faire la différence" entreeux sur ces sujets. Cette crispation identitaireempêche alors toute réforme de fond despolitiques de citoyenneté et d'intégration,pourtant aussi nécessaire que la réforme dessystèmes de retraite par exemple.

Parce que l'État providence tel qu'il s'estdéveloppé dans la période de l'après-guerre aété l'un des socles sur lesquels s'est cons-truite la citoyenneté moderne (la trilogie desdroits civils, politiques et sociaux de T. H.Marshall16), sa crise entraîne celle de lacitoyenneté. Une telle crise n'a donc rien à voiravec ces nouveaux citoyens. Au contraire,l'avenir de la providence sociale et citoyennedans la plupart des pays européens vadépendre de leur capacité à mobiliser cetteforce de travail souvent exclue du marché del'emploi du fait des discriminations, à mieux laformer et à recruter de nouveaux travailleursimmigrés pour financer l'avenir des systèmessociaux.

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14. Le ministre délégué à l'Emploi et le président dugroupe UMP (Union pour un mouvement populaire) àl'Assemblée nationale identifient la polygamie commel'une des causes de ces émeutes (14 et 15 novembre2005). Le ministre de l'Intérieur déclarait qu'il y a “plus deproblèmes pour un enfant d'un immigré d'Afrique noire oud'Afrique du Nord que pour un fils de Suédois, de Danoisou de Hongrois. Parce que la culture, parce que lapolygamie, parce que les origines sociales font qu'il a plusde difficultés" (10 novembre 2005). 15. "Selon les RG [NDLR : Renseignements généraux],les émeutes en banlieues n'étaient pas le fait de bandesorganisées", Le Monde, 7 décembre 2005.

16. Thomas H. Marshall, Citizenship, Class and SociallDevelopment, Chicago, Chicago University Press, 1977.

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Mais ce débat qui engage l'avenir des sociétéseuropéennes est en partie confisqué par laforte politisation des identités et son utilisationdans la course électorale.

Le risque de la radicalisation identitaire

Ensuite, les politiques de l'identité peuventconduire au renforcement, voire à la radica-lisation d'identités mutuellement contradic-toires. Le glissement sémantique - qui estégalement un glissement politique - qui a vules populations d'origine immigrée devenir des"musulmans" en l'espace de quinze ans, créedes "musulmans" là où il n'y en a pas toujours.Lorsque l'on fait de l'identité "musulmane" laseule variable explicative, disons du niveau dechômage, du manque de civisme ou de l'échecscolaire, on prend le risque de voir toute uneclasse d'âge aller trouver dans l'islam uneidentité refuge, par réaction.

Par défaut et par dépit, l'islam devient uneidentité de recours qui rassemble ceux quiressentent la discrimination comme un sortcommun. L'islam n'est alors plus l'identité durefus de la citoyenneté et des valeurs de laRépublique : il devient l'alternative au déficit decitoyenneté dans la vie de tous les jours, aurefus de l'égalité des droits, des chances etd'appartenance. Autrement dit, en suivantcette approche des débats sur l'intégration, onproduit ce que l'on redoute.

"La citoyenneté ne paie plus"

Enfin, le dernier coût de ces politiques del'identité en Europe concerne directement lacitoyenneté. Tout mettre dans les identitéspour comprendre la crise plus complexe quitouche aujourd'hui les sociétés européennes,c'est vider le contenu du projet de citoyennetélui-même. L'exemple français est éloquent : untiers de l'électorat s'y montre séduit par lesidées du Front national (politiques anti-immigration, assimilation coercitive, "préfé-rence nationale", etc.). Cela ne se traduit pasdirectement par des intentions de vote, malgréla présence au second tour de l'électionprésidentielle de 2002 de Jean-Marie Le Pen.La citoyenneté libérale et démocratique estdonc un discours qui peut céder, pour unelarge partie de l'opinion, face à la surenchèresécuritaire. Lorsque l'on parle d'intégration, ilne faut pas oublier cette dimension.

De l'autre côté, le langage de la citoyennetépasse difficilement auprès des jeunes des"banlieues", dans un contexte de crise globaledu réseau associatif local. Le contraste estsaisissant avec les années 1980, lorsque lemouvement associatif issu de l'immigration aremis la citoyenneté au cœur du débat,utilisant le "bien public" comme objet de ladiscussion sur la place que ces nouveauxcitoyens pouvaient obtenir dans lacommunauté des citoyens français. Aujour-d'hui, la citoyenneté ne mobilise plus. C'est l'undes messages clés des émeutes de l'automne2005, autre forme de la coupure entre unepartie de la population française et lesinstitutions de la démocratie représentative.

En somme, l'électorat tenté par le votepopuliste sécuritaire, qui est porté par lespartis d'extrême droite en Europe, montre unrenoncement à la citoyenneté que l'on doitmettre en lien avec la désillusion des jeunescitoyens français d'origine étrangère qui ontété impliqués dans les violences de 2005.

Les "limites" de l'intégration : une crisefrançaise dans un contexte européen

Le cadre européen est donc nécessaire pourcomprendre ce qui s'est passé dans les ruesdes "banlieues" françaises à l'automne 2005.La "crise des modèles" concerne la plupart despays d'ancienne immigration (Pays-Bas,Grande-Bretagne, Allemagne, France). Maiscette crise trouve en France un échoparticulier. Revenons au contexte français carcertaines spécificités lui sont propres, quipermettent de mieux comprendre la rupturesociale que les événements de 2005 ontillustrée.

Au milieu des années 1980, le débat surl'intégration en France se structure autour d'undouble agenda social et politique : d'une partles anciens migrants post-coloniaux se sontsédentarisés avec leurs familles ; d'autre part,le gouvernement décide de rendre plus difficilel'accès à la citoyenneté en réformant le codede la nationalité (1993). Cela débouche surune définition de l'intégration construite à partirde la notion d'identité nationale17. Au mêmemoment, de nouvelles associations se créentpour interroger la société française sur la placeque celle-ci réserve à ces nouveaux citoyens©

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et promeuvent une dissociation totale entrel'identité et l'accès aux droits.

Finalement, qu'il s'agisse des opinionspubliques souvent peu favorables à lareconnaissance de la diversité culturelle oureligieuse et surtout à l'islam, des respon-sables politiques jouant sur cette fibrepopulaire ou, à l'inverse, des nouveauxcitoyens proposant une autre forme decitoyenneté, tous les acteurs des débats sur laRépublique depuis les années 1990 enacceptent les principes fondateurs. Lesoppositions se jouent à un autre niveau, autourd'une discussion qui porte sur deux limitesparticulières du modèle républicain d'inté-gration : la première concerne la notiond'égalité ; l'autre, le poids de l'identité nationaledans la citoyenneté à la française. Ces deuxaspects du modèle républicain se rejoignentdans le refus de reconnaître toute identitéethnique, culturelle ou religieuse. Celas'exprime par exemple dans l'interdiction destatistiques ethniques, à la différence de laGrande-Bretagne18.

Les insuffisances de l'égalité républicaine

La première notion centrale du modèlerépublicain réinventé dans les années 1980est l'égalité. Cette égalité reste conçue defaçon très abstraite. Il ne s'agit pas de l'égalitédes chances et de son corollaire, la lutte contreles inégalités matérielles, notions au cœur despolitiques d'intégration en Grande-Bretagne àpartir des années 1960. Il s'agit simplement durappel que la citoyenneté concerne descitoyens qui sont envisagés comme desindividus abstraits, tenus pour égaux.

Le conflit des deux sphères

Le problème de cette approche de l'égalité,appliquée dans un contexte de diversitéculturelle, n'est pas mince. Elle suppose unefrontière claire entre la sphère privée oùdoivent être maintenues toutes les différencesvisibles, et la sphère publique, espace de la

citoyenneté. Au cours des années, la sphèrepublique a eu tendance à s'étendre de plus enplus, pour finir par couvrir tout ce qui est"visible". Le public a pris la forme d'un ordremoral.

Cela est particulièrement le cas du traitementde l'islam en France. La frontière entre le privéet le public a longtemps été garantie par desavis du Conseil d'État, appelé à se prononcersur le port du voile islamique par de jeunesélèves dans certains lycées, notamment en1989 et en 199319. Il s'agissait alors de faire ladistinction entre le port du hidjab commesimple identité culturelle ou religieuse (que laRépublique doit accepter) et le port du hidjabcomme acte de prosélytisme (que l'école doitsanctionner). Cette frontière n'a pas tenu et laloi du 15 mars 2004 a interdit tout signereligieux dans l'enceinte scolaire20.

Cette loi a été votée à l'issue d'un débat sur lalaïcité, lui-même relancé après la création duConseil français du culte musulman (CFCM),sous les auspices du ministère de l'Intérieur -également en charge des Cultes - endécembre 2002. Si la création du CFCM avaitpour objectif de normaliser la place de l'islamdans le pacte laïque, à l'image des autresreligions, cela a conduit pourtant à un débatrenforcé sur la difficile conciliation entre laRépublique et la "communauté" musulmane.

Des spécialistes de la laïcité en France, telsque Jean Baubérot, ont montré comment cedéplacement de la frontière entre le public et leprivé, appliqué à l'école, illustre un sécula-risme de moins en moins appuyé sur lesvaleurs de la citoyenneté et de plus en plusidentitaire : être français, c'est ne pas montrerde différence visible. L'espace public, nor-malement neutre, s'est transformé en espacede l'identité française.

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17. Marceau Long, Être français aujourd'hui et demain.Rapport de la Commission de la nationalité, Paris, LaDocumentation française, 1988.18. Christophe Bertossi (dir.), European Anti-Discrimination and the Politics of Citizenship : France andBritain, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2007.

19. En septembre 1989, le principal du collège Gabriel-Havez de Creil décide d'exclure de son établissement troisjeunes filles musulmanes qui refusent d'enlever leur hidjaben classe. Un premier avis est pris par le Conseil d'État le27 novembre 1989, suivi par la "circulaire Jospin" re-précisée par la "circulaire Bayrou" en 1993 : lesresponsables des établissements scolaires doiventtrouver un équilibre entre la liberté d'expression religieuseet le prosélytisme. 20. Le premier article de la loi du 15 mars 2004 disposeque "dans les écoles, les collèges et les lycées publics, leport de signes ou tenues par lesquels les élèvesmanifestent ostensiblement une appartenance religieuseest interdit".

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D'où une difficulté lors de la rédaction de ce quiallait devenir la loi du 15 mars 2004 sur l'appli-cation du principe de laïcité à l'école : doit-oninterdire les signes "visibles" (proposition de laCommission sur la laïcité de l'Assembléenationale)21, "ostentatoires" (proposition de laCommission Stasi)22 ou "ostensibles" (termefinalement retenu par le législateur) ?

Cette question est devenue européenne et neconstitue plus une spécificité française. Leprojet de loi néerlandais, annoncé fin 2006,pour interdire la burka dans les rues en est uneillustration remarquable, tout comme l'est lerécent débat en Grande-Bretagne à proposd'une enseignante portant le voile, ce qui faitlargement écho aux débats allemands de cesdix dernières années.

La difficile lutte contre les discriminations en France

À cela s'ajoute une autre difficulté propre àcette conception de l'égalité abstraite enFrance : l'absence de politiques anti-discriminatoires, longtemps refusées auprétexte que la discrimination n'était pas unproblème en France puisqu'il n'y avait pas degroupe ethnique et que tous les individusétaient réputés égaux.

Ce simple rappel a longtemps suffi en Francepour renoncer à toute politique ambitieuse delutte contre les discriminations. Il a falluattendre une impulsion de la constructioneuropéenne, au moment du traité d'Ams-terdam, pour que la lutte contre lesdiscriminations entre sur l'agenda politiquefrançais : l'article 13 et les deux directives duConseil européen de 2000 ont abouti àl'incorporation de nouvelles dispositions dansle droit français. Marie-Thérèse Lanquetin amontré comment la discrimination et l'idée ré-publicaine d'égalité n'étaient pas les deuxfaces de la même réalité23 et le rapport annueldu Conseil d'État a été consacré à cettequestion en 199624.

Mais ce dispositif reste aujourd'hui très fragileet demeure la sphère la plus négligée despolitiques dites "d'intégration" en France,même si l'on constate des évolutions légis-latives importantes (sur l'emploi par une loi du16 novembre 2001 et sur le logement par uneloi du 17 janvier 2002) et l'apparition denouvelles institutions en charge du dossier,comme la Haute Autorité de lutte contre lesdiscriminations et pour l'égalité (HALDE) crééeen 2004 et dont les pouvoirs ont été renforcéspar la loi du 31 mars 2006.

L'identité nationale de l'universalisme français

La reconnaissance de la diversité culturelle etreligieuse par la citoyenneté à la française seheurte également au poids de l'identité natio-nale dans le modèle français d'intégration.Parce que la citoyenneté est universelle,disent les promoteurs du républicanismetraditionnel, les citoyens doivent éprouver uneaffection pour la nation, qui donne un contenuémotionnel à leur attachement à la Répu-blique. C'est l'argument de DominiqueSchnapper25. Comme l'égalité républicaine,l'identité nationale à la française oppose deuxtypes de rempart à la diversité. Ces rempartsempêchent la citoyenneté de se transformer àla mesure des transformations sociales etpolitiques de la France contemporaine.

La citoyenneté-nationalité

Parce que l'identité nationale est la principalesource de la citoyenneté française, l'idée dedissocier la nationalité (être français) et lacitoyenneté (l'accès aux droits, y comprispolitiques) a toujours rencontré une fin de non-recevoir.

Proposition faite en 1981 par FrançoisMitterrand, thème important de revendicationdes associations civiques issues de l'immi-gration dans la décennie 1980, le droit de vote

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21. Rapport fait au nom de la mission d'information sur laquestion du port des signes religieux à l'école, président etrapporteur M. Jean-Louis Debré, président del'Assemblée nationale, rapport n° 1275, Paris, Assembléenationale, 4 décembre 2003.22. Commission de réflexion sur l'application du principede laïcité dans la République, Laïcité et République.Rapport au Président de la République, Paris, Prési-dence de la République, décembre 2003.

23. Groupe d'études et de lutte contre les discriminations,"Les discriminations raciales et ethniques dans l'accès aulogement social", Note du Conseil d'orientation du GELD,n° 3, mai 2000.24. Conseil d'État, Rapport public 1996. Sur le principed'égalité, Paris, La Documentation française, 1997.25. Dominique Schnapper, La Communauté des ci-toyens. Sur l'idée moderne de nation, Paris, Gallimard,1994.

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aux résidents étrangers n'a jamais été ap-pliqué, bien qu'une proposition de loi ait étévotée en ce sens en 2000 par l'Assembléenationale mais non par le Sénat.

Aujourd'hui, ce thème est repris par certainesmunicipalités - la dernière en date ayant étéGennevilliers à la fin 2006. Mais ces expé-riences entreprises à l'échelon local dès lesannées 1990 ont toujours été à la limite de lalégalité.

Il faudra attendre la citoyenneté européennedéfinie par le traité de Maastricht pour voir undébut de dissociation entre le droit de lanationalité et la citoyenneté, avec de nom-breux retards du reste dans sa mise en œuvre.De fait, citoyenneté et nationalité restent dessynonymes dans le discours français. C'est unpoids supplémentaire pour considérer la com-munauté des citoyens comme une "com-munauté" fondée sur l'identité nationale. Celavéhicule certaines conceptions très homo-généisantes de la culture politique au fonde-ment de la République française.

Refus du "communautarisme"

L'identité nationale est également promuecomme un rempart contre ce que l'on appelle"communautarisme" en français et qui estdifficilement traduisible dans d'autres languescar il désigne des notions plus ou moinsprécises. En somme, le "communautarisme",c'est l'idée que des communautés ethniquesou religieuses vivraient dans des sociétésparallèles et balkaniseraient l'espace public.Mais la simple reconnaissance de fait de ladiversité culturelle et religieuse de la sociétéfrançaise suffit le plus souvent pour entraînerune accusation de "communautarisme".

C'est une ambiguïté du débat français surl'intégration, notamment lorsqu'il est questiondes musulmans. Or, les travaux montrent que"le communautarisme en France est un fan-tasme26”. Ce qui constitue des signaux d'appelà la reconnaissance en termes d'égalité detraitement, de droits, de dignité et de respect,lorsqu'ils émanent des représentants de cer-tains groupes minoritaires, est automati-quement traduit comme une expression "com-munautariste". Cela empêche de mesurer lepoids de cette identité nationale forte, sourcede la citoyenneté universaliste et égalitarienne,

dans la reproduction des comportements etdes attitudes racistes et hostiles à l'islam ausein de l'opinion publique.

En même temps, pourtant, ce soi-disant"communautarisme" est parfois instru-mentalisé par l'État français et des débats ontété lancés depuis les trois dernières années,après la mise en place du CFCM. Celui-ci aaidé la France dans la négociation en vue dela libération d'otages français en Irak, unedélégation ayant fait le voyage à Bagdad. Lalibération de ces otages a été un moment pourque les autorités publiques françaises remer-cient de sa loyauté la "communauté" musul-mane de France27.

Le retour à l'Europe

Pour terminer cet inventaire, il faut revenir àl'Europe. Il est nécessaire de mesurer combienla "crise du modèle français d'intégration"s'inscrit dans un contexte européen. Cettecrise n'est pas la "crise de l'intégration", car ilexiste, au-delà du problème des "banlieues"aujourd'hui, une classe moyenne égalementd'origine immigrée. La crise est plutôt celle desdiscours sur l'intégration : crise de l'identitéeuropéenne, crise sociale et économique,crispation identitaire des débats sur lacitoyenneté, etc. Sous cet angle, on voitcombien l'islam et les musulmans en Europene sont pas à l'origine de la crise mais qu'ilssont devenus l'élément de fixation des débatssur l'intégration.

L'intégration nationale après la construction européenne

D'un côté, la construction européenne abouleversé la façon dont l'identité nationaleétait le cadre absolu de la démocratie,particulièrement par les transferts de souve-raineté des États membres aux institutionscommunautaires. De fait, il est difficile decontinuer à être crédible en ne basant lespolitiques d'intégration que sur l'intégration desnouveaux citoyens au sein de l'identiténationale, sans aborder les questions plusimportantes de la discrimination notamment.

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26. Sylvain Brouard, Vincent Tiberj, op. cit. [7], p. 134.27. Khadija Mohsen-Finan, Christophe Bertossi, "Le débatpublic confessionnalisé", Confluences Méditerranée, n° 57, printemps 2006, p. 134.

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L'exemple français montre un cas extrême dece processus. La construction d'une Europepolitique a contesté l'équilibre républicain surtrois niveaux : la dissociation (même partielle)entre la citoyenneté et la nationalité en vertude l'article 8 du traité de Maastricht qui institueune citoyenneté européenne, y compris undroit de vote et d'éligibilité pour les non-nationaux au niveau local (avec certaineslimitations) ; l'entrée de la lutte contre lesdiscriminations dans la définition de l'égalitéentre les citoyens, incluant désormais l'égalitédes chances (article 13 du traité d'Amsterdam)qui ne correspond pas à la tradition juridique etconstitutionnelle française ; la valorisation dela diversité culturelle, ethnique, religieuse etlinguistique, qui contredit la tradition jacobinefrançaise du monopole de l'identité nationaledans l'espace public, avec par exemple destextes comme la Charte européenne deslangues minoritaires ou régionales du Conseilde l'Europe de 1992, signée mais cependantjamais ratifiée par la France.

L'intégration européenne rendait doncnécessaire un aggiornamento des discours surl'intégration que les prises de positionspubliques, notamment le discours de Troyesde 2002 du président de la Républiquefrançaise sur les discriminations, n'ont pas suffià promouvoir.

La crise européenne

De l'autre côté, il est difficile aujourd'hui deprolonger le processus d'adaptation de lacitoyenneté et de l'intégration sociale despopulations issues de l'immigration au momentoù l'intégration européenne est entrée en criseà la suite de l'échec de la ratification du Traitéconstitutionnel en 2005.

Penser l'intégration dans les citoyennetésnationales des populations issues de l'im-migration en Europe doit s'accompagner d'uneréflexion pour dépasser la quadrature ducercle dans laquelle l'intégration européenneest aujourd'hui enfermée.

Cette quadrature du cercle de la citoyennetéeuropéenne peut s'exprimer de la façon sui-vante : il est nécessaire d'accrocher le peu decitoyenneté européenne à la vie quotidienne età la conscience politique des citoyens de l'UE,pour l'heure trop désincarnée, trop peu prati-quée et trop lointaine, une substance en

somme qui puisse créer un sentiment d'allé-geance pour soutenir le projet européencomme projet politique ; or, le passage àl'identité de la construction européenne s'estrévélé être un facteur supplémentaire de lacrise institutionnelle que l'UE connaît aujour-d'hui, qu'il s'agisse de l'entrée de la Turquiedans l'Union ou de la question des limites terri-toriales de l'espace européen ; en consé-quence, ce passage à l'identité et cette criseinstitutionnelle ont fini par casser la valeurajoutée de la construction européenne pourl'invention de nouvelles formes de citoyenneté,pour une nouvelle définition de ce que pourraitêtre, après le seul nationalisme, une commu-nauté politique.

En résumé, une identité à la source de lacitoyenneté européenne rend celle-ci impra-ticable. Mais, sans cette identité, la citoyen-neté européenne paraît sans ancrage socio-logique et donc irréalisable.

Voici sans doute la contradiction finale dudéveloppement des politiques de l'identitécomme seules politiques d'intégration descitoyens européens d'origine immigrée, oùtrouvent leur source les montées des extrêmesdroites, la sécurisation démesurée du traite-ment de la diversité culturelle et religieuse, etles attentes de citoyenneté encore en suspensdes minorités en Europe.

Recréer un consensus de travail politique

Face à cette contradiction, il est nécessaire deréinventer d'autres formes de vivre ensemble,au risque de voir effectivement rompre leconsensus nécessaire a minima pour que lacitoyenneté constitue le projet commun, nonplus en terme d'identité commune versus"l'islam des autres", mais de distributionéquitable des droits, des reconnaissances etdes chances, à tous sans distinction.

Il est indispensable de recréer ce consensusde travail politique, au niveau européen, pourengager les réformes nécessaires : décon-necter l'intégration et la citoyenneté de la pres-sion électorale ; engager les médias à de"bonnes pratiques" notamment quant autraitement de ces questions ; définir deschartes pour adapter le fonctionnement desadministrations publiques dans le contexte dela diversité culturelle et religieuse ; renforcer lacapacité de sanction des institutions en charge©

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de la lutte contre les discriminations, y compriscontre la discrimination indirecte ; remettre àplat un projet politique pour la citoyenneté,enFrance mais également en Europe ; me-surer, évaluer et comparer ces politiques aveccellesdes autres pays européens ; ne pasattendre la résolution de la crise institutionnellepour faire de l'UE un acteur important de cesquestions.

Avant de seulement demander des gages de"bonne appartenance" à des citoyens que l'onprend à témoin en fonction de leur nom defamille, de leur pratique religieuse supposéeou de leur adresse postale en "banlieue", il estnécessaire que les sociétés européennesmontrent des gages clairs de reconnaissance,démontrant que ces nouveaux citoyens sontdes citoyens de plein droit comme les autres.

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L'auteur

Christophe Bertossi est chargé de rechercheà l'Ifri où il dirige le programme "Migrations,identités, citoyenneté". Il est égalementchercheur associé au Centre for Research inEthnic Relations (CRER), à l'Université deWarwick (Royaume-Uni) où il fut chercheurMarie Curie en 2001-2003. Il enseigne lascience politique à l'Institut d'études politiques(IEP) de Paris. Il a notamment publié : LesFrontières de la citoyenneté en Europe. Natio-nalité, résidence, appartenance, Paris,L'Harmattan, 2001 ; (dir.) European Anti-Discrimination and the Politics of Citizenship :France and Britain, Basingstoke/New York,Palgrave Macmillan, 2007 ; (avec CatherineWihtol de Wenden), Les Couleurs du dra-peau : l'armée française face aux discrimi-nations, Paris, Robert Laffont, 2007.