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QUALIFICATIONS & PROSPECTIVE

Les mobilités professionnelles :de l’instabilité dans l’emploià la gestion des trajectoires

Février 2003

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QUALIFICATIONS & PROSPECTIVE

Président de l’atelier

Jean-François GermeCentre d’études de l’emploi

Rapporteurs

Sylvie MonchatreCentre d’études et de recherches sur les qualifications

François PottierConservatoire national des arts et métiers

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Sommaire

Introduction.................................................................. 11

Première partieComment se sont transforméesles mobilités professionnelles ?.............................. 17

Les mobilités : transformations structurelleset effets de conjonctures ............................................ 23

Mobilités et transformation des marchés internes ...... 39

Quelles incidences sur les mobilitésau sein de la population active.................................... 53

Deuxième partieEn quoi les trajectoiresdes personnes se modifient ? ................................ 65

Carrières et générations.............................................. 69

Quelle différenciationdes carrières professionnelles ? ................................ 73

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Carrières, effets du genre et âge de la vie.................. 187

Troisième partieQuelques questions de prospective ...................... 195

Besoins de recrutement et mobilité ............................ 199

Comment les mobilités contribuent-ellesà satisfaire certains besoins en emploi ? .................... 109

Conclusion .................................................................. 113

Liste des membres de l’atelier“Mobilités professionnelles” ........................................ 125

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Remerciements

Le président et les rapporteurs de cet atelier tiennent à remercier lesmembres de l’atelier pour leurs questions remarques et suggestions,qui n’ont pas manqué de fournir des fils conducteurs importants dansla rédaction de ce rapport.Ils remercient plus particulièrement Thomas Amossé, de l’INSEE, quileur a permis de rassembler des données décisives pour l’analyse, etdont les travaux ont nourri un débat que la rédaction de ce rapportn’aura certainement pas clos.Leurs remerciements vont également à Michel Amar, Frédéric Lainé etXavier Viney, qui leur ont apporté des données précieuses, notam-ment pour la réflexion prospective, ainsi qu’à Charline Hatot, del’ANPE.Ils tiennent également à remercier tous les chercheurs qui ont acceptéde relire ce rapport et de leur faire part de leurs remarques stimu-lantes, en particulier l’équipe du LIHRE, et tout spécialement PhilippeLemistre et Jean-Michel Espinasse. Ils remercient également Anne-Marie Daune-Richard du LEST, Arnaud Dupray et Michel Théry duCEREQ.

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Introduction

Selon l’opinion commune, la mobilité se serait intensifiée et trans-formée ces dernières années. Les vies professionnelles seraientdésormais marquées par une plus grande mobilité professionnelle ;chacun devrait s’attendre à changer d’emploi, éventuellement de pro-fession plusieurs fois en cours de vie active. Une carrière ne pourraits’effectuer dans la même entreprise. Le Livre blanc sur l’éducation etla formation de la Commission européenne a largement contribué à ladiffusion de cette idée. Il met en avant trois exigences de l’évolution dumarché du travail. La première est liée au développement de la for-mation tout au long de la vie afin que les individus s’adaptent aux évo-lutions de leur emploi et soient en mesure de changer d’activité pro-fessionnelle. La seconde souligne l’importance de l’expérience profes-sionnelle et des compétences, notamment transversales, acquisesdans les mobilités, qui doivent donner lieu à de nouvelles certifica-tions. La troisième consiste à responsabiliser plus fortement les indivi-dus par rapport à leur évolution professionnelle et à leur “employabi-lité”.Un nouveau modèle d’activité, et des mobilités professionnelles qui luisont associées, est donc mis en évidence. Il s’opposerait à un modè-le antérieur – celui propre aux “Trente Glorieuses” et aux grandesentreprises industrielles – marqué par une forte stabilité interne à l’en-treprise et par l’attachement du salarié à cette dernière, par le maintientout au long de la vie active dans la même profession, de même quepar la possibilité de progresser, au sein de son entreprise, dans lesdifférents niveaux d’exercice du métier. L’ancienneté dans l’entreprisey joue donc un rôle central : elle est une condition de la réalisationd’une carrière et d’une progression de la rémunération, plus générale-ment elle semble un fondement de la promotion sociale. Dès la fin desannées 1970, ce modèle semble battu en brèche. Au cours desannées 1980, la mobilité de la main-d’œuvre s’est rapidement accrue.

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Elle s’est effectuée de plus en plus par un passage par le chômage. Lemode d’organisation du travail qui reposait sur la grande entrepriseindustrielle employant à temps plein et à durée indéterminée un grandnombre de travailleurs qui faisaient carrière dans la même entreprise,voit son importance se réduire. Le développement de ces phé-nomènes a permis dès 1986 à Jean-Jacques Silvestre 1 de parler d’unpassage de la “mobilité” à la “flexibilité”. La question de la mobilité pro-fessionnelle se trouve exposée en des termes nouveaux. Parexemple, le compromis social antérieur de “mobilité-promotion socia-le” est remis en cause par les discours sur la “mobilité-adaptation”, quis’annonce moins favorable aux carrières individuelles mais répondmieux aux besoins, moins prévisibles et plus exigeants, des entre-prises.Nous serions donc en situation de transition entre deux modèles, deuxtypes de mobilités professionnelles dominants. Qu’en est-il exacte-ment et où en sommes-nous ? Est-il pertinent d’opposer ces deuxmodèles ?Comment les mobilités professionnelles se sont-elles réellementtransformées ? Est-il possible d’esquisser les évolutions futures ?Répondre à ces questions a son importance. Le nouveau modèle estmoins une représentation du fonctionnement effectif du marché du tra-vail qu’un modèle normatif. Il témoigne bien d’un “travail” des acteurssociaux visant à construire des normes nouvelles – en matière de for-mation, de certification, de compétences, de qualification et de mobi-lités – à partir desquelles se développerait un marché du travail plusouvert et plus actif. Ce travail trouve son appui dans des exemples detrajectoires nouvelles sur le marché du travail. Il est en retour porteurd’effets sur l’évolution du fonctionnement de ce marché. Une bonneconnaissance des nouvelles trajectoires professionnelles, de l’évolu-tion des mobilités professionnelles ne peut que faciliter ce travail.Mais répondre à ces questions n’est pas facile.En premier lieu, si les affirmations sur le nécessaire développement dela formation professionnelle sont nombreuses, l’on connaît en fait mall’évolution effective de ces mobilités. C’est d’ailleurs dans ce but quele Commissariat général du Plan a conduit un programme coordonnéd’études (cf. encadré 1). Les travaux existants mettent souvent l’ac-

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(1) Silvestre (J.-J.), “Marchés du travail et crise économique : de la mobilité à laflexibilité”, “Formation-Emploi”, n° 14, La Documentation française, 1996.

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cent sur le développement de la précarité de l’emploi et éventuelle-ment sur le dualisme du marché du travail où s’opposeraient l’emploistable, relevant en définitive du modèle antérieur, et l’emploi précaire,qui ne permettrait ni carrière ni réelle progression professionnelle. Cequi est alors mis en avant est moins une transformation plus au moinsgénérale des mobilités professionnelles que le maintien, pour une par-tie de la population active, de la situation antérieure et, pour une autre,une très forte précarité que les termes “mobilité professionnelle” nepermettent pas de décrire correctement.En second lieu, la mobilité est un phénomène complexe. Notre atten-tion porte ici sur la “mobilité professionnelle”. Elle désigne les mouve-ments affectant la population active et se traduit par des changementsd’emploi, d’entreprise ou de catégorie socioprofessionnelle des indivi-dus. Cette mobilité est déterminée par un grand nombre de facteurs.Elle est certes un reflet des ajustements qui s’opèrent sur le marchédu travail entre offre et demande de travail. Le salaire et, notamment,les disparités de salaire sont ici un déterminant important. Mais lamobilité est aussi, au niveau macro-économique, une conséquencedes modifications affectant l’appareil productif par le jeu des créationsou disparitions d’emplois. Elle est également le produit des stratégies, comportements etcaractéristiques des entreprises. Les modes de gestion des entre-prises privilégiant ou non l’ancienneté, mettant en place tel ou tel typede flexibilité, déterminent les mobilités. Les transformations desemplois et des professions, l’évolution des compétences exigées quirésultent des choix organisationnels et des évolutions technologiques,induisent aussi des mobilités professionnelles. Ces mobilités sontd’ordre collectif, dans la mesure où elles concernent certaines catégo-ries d’actifs appelées à changer de situation professionnelle comptetenu des transformations de la division du travail.La mobilité résulte aussi du renouvellement de la population active parle jeu des entrées et sorties d’activité. Elle est une conséquence desstratégies des individus et de leurs caractéristiques. Elle dépend de lasituation des ménages en termes de revenu, du nombre d’enfants, dulogement comme de la localisation. Elle dépend de la formation initia-le et continue qui ouvre l’accès à des familles d’emploi plus ou moinslarges. Elle dépend, enfin, des stratégies individuelles ou collectives.En tant que produit des stratégies des entreprises et des individus, lamobilité peut être voulue ou subie, choisie ou contrainte. La part de

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liberté et d’arbitrages individuels est prédominante lorsque les indivi-dus exercent sur des segments d’activité dans lesquels la demande detravail est abondante. À l’inverse, la part de contrainte des mobilitéss’accroît dès lors que la demande de travail se raréfie. Mais la mobi-lité est aussi associée à une histoire personnelle, à des projets pro-fessionnels, susceptibles de transformer les contraintes en opportu-nités. L’étude de la mobilité suppose donc également de prendre encompte les ressources que les individus sont en mesure de mobiliser,si l’on veut saisir la qualité du mouvement réalisé.Au carrefour de déterminants multiples, la mobilité professionnellen’est donc pas un phénomène facile à interpréter. Elle est pourtant aucœur du fonctionnement du marché du travail et de la vie active dessalariés et des non-salariés. Elle est un enjeu économique et socialessentiel.Cet ouvrage ne prétend donc pas faire une synthèse de l’ensembledes travaux sur les mobilités. Il s’ordonne simplement autour de troisquestions principales.1. Comment se sont transformées les mobilités professionnelles,entendues comme changements de situations professionnelles sur lemarché du travail ?Il s’agit ici d’essayer de disposer d’une description des principales évo-lutions de la mobilité professionnelle au cours de ces vingt dernièresannées. La tâche n’est pas si facile dans la mesure où la mobilité pro-fessionnelle est fortement dépendante de la conjoncture économiqueet notamment des créations d’emplois. Au-delà de ces variationsconjoncturelles, est-il possible de rendre compte d’évolutions structu-relles de la mobilité interne et externe aux entreprises ? Les variationsconjoncturelles de la mobilité sont-elles encore plus marquées aujour-d’hui qu’autrefois, témoignant d’une modification d’un marché du tra-vail devenu plus flexible ? Dans ce dernier cas, il conviendrait d’iden-tifier les déterminants de la mobilité qui vont continuer d’œuvrer aucours des années à venir.2. En quoi les trajectoires des personnes se modifient-elles ?Cette deuxième question est certainement celle pour laquelle nosconnaissances sur la dernière décennie sont les plus faibles. Leseffets de la montée de la précarité et de la mobilité qu’elle induit surles trajectoires professionnelles des individus sur longue période sonttrès mal connus. Or, des éléments de réponse à cette question sont

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indispensables pour savoir si les individus se sont adaptés dans leurensemble à un (des) nouveau(x) modèle(s) de parcours professionnel,ou bien si le système conduit à générer sans fin de l’exclusion, et laprécarisation d’une partie de la population active.3. Quelles conséquences peut-on tirer, pour une prospective de l’em-ploi, de l’évolution passée des mobilités professionnelles ?L’analyse de l’évolution passée de la mobilité professionnelle permetde repérer des tendances et des questions qui relèvent d’hypothèsesprospectives. Il paraît utile de s’interroger sur la confrontation d’évolu-tions prévisibles, telles que le fort renouvellement de la population acti-ve résultant des départs en retraite, la réduction de la population enâge de travailler, la stabilisation de la hausse des niveaux d’éducationet les formes actuelles de mobilité professionnelle. Le “système” desmobilités tel qu’il fonctionne et évolue en France depuis vingt ans peut-il absorber les évolutions perceptibles ? Les mobilités vont-elles limiterou accroître les difficultés de recrutement ? Peut-on préciser les fac-teurs structurels influant sur la mobilité et porteurs d’avenir ou, à l’in-verse, repérer les facteurs individuels ou collectifs qui font obstacle àla mobilité et peuvent même conduire à l’exclusion des individus ?

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Encadré 1

Un programme coordonné d’études

Le Commissariat général du Plan a décidé de lancer au premier semestre2000 un programme coordonné d’études ordonné autour de trois axesprincipaux dont l’objectif était d’essayer de combler certaines des lacunesconstatées dans notre connaissance des mobilités professionnelles et deleurs déterminants.Un premier axe était de mieux comprendre l’évolution récente destrajectoires professionnelles en s’attachant à l’analyse des mouvements desentrées et des sorties qui caractérisent les renouvellements, et ceci en sefondant sur l’analyse macro-économique et micro-économique de la mobilitéprofessionnelle. Sachant que la mobilité est déterminée par l’action et lecomportement des agents économiques et, principalement des entreprises,en quoi l’action de ces dernières joue-t-elle sur la mobilité, et en quoi lestransformations actuelles du système productif et de ses modes de gestiontransforment-elles cette mobilité ? Cet ensemble de thèmes devait conduireà l’étude des effets sur les mobilités des transformations du fonctionnementdu marché du travail, des politiques des entreprises en matière de gestion

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des ressources humaines et des compétences, et des politiques en matièrede flexibilité du travail (extension des emplois temporaires : CDD, intérim,activités réduites…).Un deuxième axe était d’analyser les transformations des fonctions, desemplois et des compétences qu’elles requièrent et de s’interroger sur leprésupposé qui fait de la mobilité des individus un indicateur de leurscompétences facilitant leurs trajectoires sur le marché du travail. Des formesdiverses de mobilité se révèlent à travers les trajectoires professionnellesindividuelles. Or celles-ci sont des constructions qui ne s’opèrent pas auhasard. Sur quels éléments se construisent-elles ? Qu’est-ce qui permet àun individu de passer d’une fonction à une autre, d’une catégorie à uneautre, d’un secteur à un autre ? Comment évoluent les trajectoiresindividuelles ou les parcours professionnels ? Deux angles d’analyse étaientici privilégiés : comment la recomposition des métiers modifie-t-elle l’analysedes mobilités ? Peut-on identifier des formes de mobilité qui aboutissent à laconstruction de compétences, et analyser le processus à l’œuvre ?Enfin, un troisième axe était de mieux appréhender les grandestransformations récentes des trajectoires individuelles dans le temps. Lesanalyses du marché du travail présentent souvent des résultats segmentésselon le genre ou selon les générations. Peut-on mettre au jour un effetgénération : quelle est la mobilité caractéristique des actifs entrés sur lemarché du travail dans les années 1980 ? À la fin des années 1990 ? Desdifférences de comportement des générations sont-elles sensibles, sur quoiportent-elles ? Une relecture des analyses sur les générations et l’étude desgénérations récentes nous permettent-elles de caractériser la génération quientre sur le marché du travail au début des années 2000 du point de vue desformes de parcours professionnels ou personnels ? Quant à l’analyse de lamobilité professionnelle, peut-on mettre en évidence un effet dû au sexe :existe-t-il une mobilité typiquement féminine ?Ce programme d’études s’est déroulé sur 18 mois. Les équipes suivantesont été retenues :

CREST (Maurin Éric, Givord Pauline, Goux Dominique)CEE (Gautié Jérôme)GATE : Groupe d’analyse et de théorie économique (Bouabdallah Khaled etalii)THEMA : Théorie économique, Modélisation et Applications (Lefranc Arnaudet Trannoy Alain)CEREQ (Dupray Arnaud)TRAVAIL ET MOBILITÉS (Bertaux-Wiame Isabelle)

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Première partie

Commentse sont transforméesles mobilitésprofessionnelles ?

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Peut-on considérer que les mobilités se sont accrues au cours desvingt dernières années ? Les chances de promotion se sont-ellesréduites comme il est souvent affirmé ? Quels sont les principauxchangements survenus dans les mobilités professionnelles ?

À ces questions, il n’y a pas toujours de réponses simples pour denombreuses raisons.

En premier lieu, l’ampleur des mouvements sur le marché du travail,qu’il s’agisse des changements d’emploi, d’entreprise, de secteur, decatégorie socioprofessionnelle est fortement dépendante de laconjoncture économique : plus les créations d’emploi sont impor-tantes, plus les mobilités sont nombreuses. Pour un large public, unemauvaise conjoncture accroît la mobilité en raison de la croissancedes licenciements, bien que ceux-ci ne représentent qu’une faible partdes mouvements de main-d’œuvre sur le marché du travail. Démêlerles variations conjoncturelles des mobilités des transformations struc-turelles est particulièrement difficile. Des observations ou desenquêtes faites à des dates différentes sont souvent peu comparablescar réalisées dans des conjonctures différentes. Les évolutionsconstatées ne traduisent alors pas des tendances d’évolution desmobilités mais de simples variations temporaires des mobilités, réver-sibles si la conjoncture évolue. On verra ainsi que la perception d’unralentissement des chances de promotion n’est pas aussi évidentequ’il paraît au premier abord.

En deuxième lieu, les interprétations de la mobilité sont fortement mar-quées par un modèle implicite de référence, celui des années ditesdes “Trente Glorieuses”. La situation de l’emploi serait marquée parune forte stabilité dans les secteurs d’activité économique et danschaque entreprise. La vie active des individus s’accompagnerait, pourle plus grand nombre, d’une progression professionnelle dans l’entre-prise rendue relativement aisée par les créations d’emploi et la trans-formation des structures d’emploi. La mobilité ascendante, la promo-tion sociale, auraient été en quelque sorte la règle. La situation actuel-le tend à être perçue comme un modèle inverse de celui-ci. La mobi-

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lité interentreprises serait la règle du fait du développement de la pré-carité, et les possibilités de promotion se seraient fortement ame-nuisées. Il n’est pas sûr en fait que ce modèle de référence aide àcomprendre effectivement l’évolution actuelle des mobilités. Les mobi-lités actuelles ne sont pas l’inverse d’un modèle passé. Elles témoi-gnent plutôt d’une diversification des formes de mobilité.

En troisième lieu, on peine à mesurer l’importance des transformationsdu fonctionnement du marché du travail et les implications qu’elles ontsur la trajectoire des individus, parce qu’elles sont largement transver-sales aux catégorisations statistiques traditionnellement utilisées,comme la profession ou le secteur d’activité économique. La nomen-clature professions et catégories socio-professionnelles (PCS) miseen place pour le chiffrement de la profession à partir de 1980 dans lesrecensements de la population et les autres enquêtes sur l’emploi,était tout à fait cohérente avec des lignes hiérarchiques longues. Avecla réduction des lignes hiérarchiques et la montée de la polyvalencedans l’activité professionnelle, la mobilité mesurée avec cette nomen-clature ne signifie plus exactement la même chose aujourd’hui qu’il ya vingt ans 2.

Enfin, le poids accru des emplois précaires tend également à dissimu-ler les évolutions des mobilités qui affectent la population active à tousles âges de la vie de travail. Surtout sur courte période, le grandnombre de mouvements qu’impliquent les emplois précaires rend dif-ficile le repérage des modifications des mobilités affectant d’autrescatégories de population.

En dépit des difficultés et des limites de l’investigation statistique et del’observation plus qualitative, nous tenterons de répondre à troisgrands types de questions en nous attachant à mettre en relief lestransformations de certains déterminants clés de la mobilité profes-sionnelle au cours des dernières décennies.

Le premier type d’interrogations concerne les transformations structu-relles de la mobilité au niveau macro-économique. Peut-on effective-

(2) La question de l’évolution de la nomenclature des PCS a été analysée parl’INSEE dans deux rapports Caillies (1995) et Néret, Faucheux (1999). Laconclusion a été de maintenir le niveau CS (2 chiffres de la nomenclature) mais defaire évoluer légèrement le niveau détaillé (4 chiffres de la nomenclature) pour tenircompte de l’évolution ou de l’émergence de nouvelles professions et la disparitiond’autres.

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ment considérer que globalement les mobilités entre emplois se sontaccrues sur le marché du travail, et quel est l’effet de la conjoncturesur les mobilités ? Du côté de la demande de travail, le ralentissementde la croissance et l’intensification de la concurrence sur les marchésdes produits ont accru l’incertitude sur l’activité économique, quidevient résolument soumise à variations. C’est pourquoi il imported’examiner l’influence de la conjoncture sur les mobilités profession-nelles, facteur “mécaniquement” décisif, ayant peut-être un poidscroissant. Comment les mobilités promotionnelles se sont-elles com-portées dans cette évolution ?

Un deuxième type de questions va concerner les évolutions du fonc-tionnement du marché du travail. À un niveau micro-économique, desfacteurs technologiques et organisationnels conduisent à accélérer lerythme de transformation des qualifications requises. Dans ces condi-tions, une plus grande mobilité de la main-d’œuvre semble nécessai-re, non seulement pour faire face aux aléas de l’activité, mais égale-ment pour répondre aux exigences accrues de qualification. Cettenouvelle donne est-elle de nature à accroître les flux de mobilitéexternes, voire à dévaluer le rôle de l’ancienneté ? Autrement dit, y a-t-il un risque de déstabilisation des logiques de “marchés internes” quicaractérisent le fonctionnement du marché du travail français ?

Enfin, peut-on repérer des formes nouvelles de mobilités relatives àcertaines évolutions des caractéristiques de la population active ? Ducôté de l’offre de travail, le profil de la population active a profondé-ment changé. Le développement de l’activité féminine, les entréesdifférées dans la vie active chez les jeunes, l’élévation des niveaux deformation des sortants du système éducatif, tous ces éléments condui-sent à renforcer la présence des femmes et des diplômés sur le mar-ché du travail. Quelles sont les conséquences des transformations dufonctionnement des marchés du travail sur les mobilités de certainescatégories d’actifs ?

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Les mobilités :transformations structurelleset effets de conjoncture

Les transformations structurelles de la mobilité professionnelle inter-venues depuis la période des “Trente Glorieuses” sont très impor-tantes. Toutes les études produites jusqu’au début des années 1990n’ont eu de cesse de montrer l’ampleur des transformations interve-nues entre 1970 et 1990 3. Elles se traduisent par un double phé-nomène : d’une part, une croissance des mouvements liés à l’aug-mentation des passages par le chômage pour une partie sans cesseplus importante des actifs ; d’autre part, un renforcement des diver-gences entre deux catégories de mobiles : ceux qui subissent la situa-tion de l’emploi et pour qui la mobilité signifie un passage par le chô-mage (non-qualifiés, femmes en reprise d’activité et jeunes les moinsdiplômés sont au cœur de cette catégorie), et ceux qui occupent unemploi stable, pour qui la mobilité est “choisie” et constitue un moyenefficace d’opérer une mobilité valorisante 4.

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(3) Béduwé (C.), “Mobilité professionnelle et formation : bilan de l’approchequantitative de la mobilité en France”, in Dubar et Coutrot (dir.), “Cheminementsprofessionnels et mobilité sociales”, La Documentation française ; Goux (D.),“Coup de frein sur les carrières”, “Économie et Statistique”, n° 249, INSEE, 1991 ;Thélot (C.), “La mobilité du travail en France depuis vingt-cinq ans”, Actes ducolloque AFSE, 1986 ; Lacroix (T.), “Le marché du travail dans les années quatre-vingt. Reprise de l’emploi, chômage stabilisé et diversification des statuts d’emploi”,Données sociales, INSEE, 1990.(4) Béduwé (C.), “Mobilités professionnelles et formation : bilan de l’approchequantitative de la mobilité en France”, op. cit.

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Les travaux engagés à la fin de la décennie 1990 confirment ceconstat. Ils soulignent l’importance des changements structurels etmontrent la portée des mouvements conjoncturels qui s’y superpo-sent 5.

Un changement structurel des mobilitéssur le marché du travail :le tournant des années 1985-1990

La mobilité sur le marché du travail s’accroît très sensiblement entre1975 et 2002 : les changements d’emploi ou d’activité(chômage/emploi, emploi/chômage ou chômage/emploi/chômage)observés sur une période annuelle touchent désormais 16,3 % de lapopulation active aujourd’hui contre 12 % en 1974.

On observe notamment que les années 1985-1990 marquent une rup-ture dans le niveau des mobilités sur le marché du travail. Avant 1985,environ 12 % des actifs ont quitté ou retrouvé un emploi d’une annéesur l’autre ; après 1990, ce taux dépasse 16 % (cf. figure 1).

L’embellie économique de la fin des années 1980 (1989-1991) et cellede la fin des années 1990 (1998-2000) ont eu pour effet d’augmenterles mobilités entre emplois sans pour autant réduire de façon signifi-cative les entrées ou sorties du chômage.

Les passages par le chômage ont un poids croissant sur l’ensembledes mobilités. Indépendamment des fluctuations de la conjonctureéconomique, l’instabilité professionnelle s’accroît en tendance 6.

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- Les mobilités : transformations structurelles... -

(5) Amossé (T.), “Transformation des mobilités professionnelles”, présentation àl’atelier “Mobilités professionnelles” du Groupe Prospective des métiers et desqualifications du 25 septembre 2001. Marchand (O.), “Population active, emploi,chômage au cours des années quatre-vingt-dix”, Données sociales, INSEE, 1999 ;Goux (D.), Maurin (É.), “Institutions et stabilité des emplois. Une analyse de ladynamique de la demande de travail selon l’ancienneté des salariés”, document detravail pour le Commissariat général du Plan.(6) Maurin (É.), “L’égalité des possibles”, Collection La République des idées,Seuil, 2002.

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Figure 1Mobilités annuelles sur le marché du travail

(changement de situation de travail)

Source : INSEE, enquêtes Emploi (1975-2001)Champ : Actifs (hors militaires du contingent) à la date de l’enquête et un an auparavantGuide de lecture : 16,3 % des actifs en mars 2001 ont quitté ou retrouvé un emploiau cours des douze mois précédent. (ce pourcentage ne prend pas en compte lespersonnes inactives en mars 2000)Ce taux de mobilité globale est la somme des quatre mobilités suivantes :- 8,6 % de mobilité entre emplois (les individus sont en emploi en mars de deuxannées consécutives),- 3,2 % de passage de l’emploi (mars 2001) vers le chômage (mars 2000),- 3,3 % de passage du chômage(mars 2001) vers l’emploi (mars 2000),- enfin, les passages entre chômage (mars 2000 et mars 2001) avec passage parl’emploi entre les deux, ou chômage récurrent, représentent 1,3 % des actifs

La précarité est au cœur de la croissance de la mobilitéL’accroissement de la mobilité sur le marché du travail est lié à la crois-sance des formes particulières d’emploi (FPE) et notamment desemplois précaires (CDD et intérim). Les FPE représentent 2,6 % del’emploi salarié en 1983 et, respectivement, 5,6 % en 1991, 8,9 % en1998 7, et 9,7 % en 2000.

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(7) Bloch (L.), Estrade (M.-A.), “Les formes particulières d’emploi en France : unmarchepied vers les emplois stables ?”, in INSEE, France, Portrait social 1998-1999/1999.

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Entre 1997 et 2000, lors de l’embellie économique, les embauches sesont élevées annuellement à près de 3,7 millions de personnes.Environ 1,7 million étaient des actifs occupés : 34 % d’entre eux ontété recrutés sur emplois précaires. Près de 2 millions étaient desjeunes entrant dans la vie active, des chômeurs ou des inactifs : 50 %ont été recrutés sur emplois à statuts précaires 8.

À ce stade, il apparaît que la croissance de la mobilité a surtout satis-fait aux besoins de flexibilité du marché du travail et qu’elle concernecertaines catégories de salariés.

Les sorties d’emploi :des variations plus conjoncturelles que structurelles

Les sorties d’emploi comprennent les changements d’entreprise (emploià emploi) et les passages entre emploi et chômage 9 (cf. figure 2)

Depuis le début des années 1980, les changements annuels d’entre-prise ont suivi un fort mouvement lié à la conjoncture économique. Onretrouve le même niveau d’environ 8 % en 1980, 1990 et 2000. Lesniveaux bas (inférieurs à 6 %) sont atteints en période de récessionavec les points les plus bas en 1985 et 1994.

En revanche, à conjoncture similaire, le risque de perte d’emploi pourle chômage s’établit à un niveau plus élevé dans les années 1990 quedans les années 1980 10.

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- Les mobilités : transformations structurelles... -

(8) DARES, exploitation particulière des enquêtes Emploi, 2002.(9) Une vue globale des mobilités supposerait de tenir compte également desmobilités internes aux entreprises. Celles-ci restent très difficiles à mesurer. Cesmobilités recouvrent, il est vrai, des réalités diverses allant de la polyvalence et dela promotion aux changements d’établissement. Ces derniers touchent environ 2 %de la population active. Ils sont relativement stables sur moyenne période etrelativement peu liés à la conjoncture économique. Cette stabilité relative deschangements d’établissement laisse à penser que les changements d’entrepriseoccupent un poids croissant dans l’ensemble des changements d’emploi queconnaissent les individus.(10) Maurin (É.), document de travail pour l’atelier “Mobilités professionnelles” duCommissariat général du Plan. On retrouve ces mêmes résultats avec lesenquêtes Formation Qualification Professionnelle (FQP), sur 4 sous-périodesallant du milieu des années 1960 au début des années 1990.

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Figure 2Les sorties d’emploi des actifs occupés l’année précédente

Source : INSEE, enquêtes Emploi (1975-2001)Champ : Actifs occupés en n-1Guide de lecture : En 2001, les sorties d’emploi représentent 12,4 % des emploisoccupés l’année précédente, dont 9,1 % de changement d’entreprise et 3,3 % desortie d’entreprise et demeurant au chômage l’année suivante

Le risque de perdre son emploi est majeur pour les individus ayantmoins d’un an d’ancienneté. Sur la dernière période (1998-2000), lerisque de perte d’emploi au cours d’une année était de 16,2 % pour lessalariés dont l’ancienneté est inférieure à un an, contre 3,3 % pour lesautres 11. Procédant à une analyse fine, Dominique Goux et ÉricMaurin montrent qu’indépendamment de toute législation, les entre-prises ont de toute façon intérêt à absorber les chocs en embauchantet se séparant continuellement des salariés de faible ancienneté 12.

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(11) Maurin (É.), “L'égalité des possibles”, op. cit.(12) Goux (D.), Maurin (É.), “Institutions et stabilité des emplois”, op. cit.

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Bien que les salariés de faible ancienneté ne soient pas uniquementdes jeunes, on observe une polarisation des expériences de la préca-rité en début et en fin de vie active. Depuis une vingtaine d’années,l’insertion rapide des jeunes a fait place à un enchaînement récurrentde périodes de chômage et d’emploi, qui s’est doublé de conditionsd’emploi dégradées 13. Ce phénomène pénalise surtout les jeunes peuou pas diplômés, qui se trouvent massivement relégués sur lesemplois précaires. Une telle intensité des mobilités externes desjeunes est imputable aux formes particulières d’emploi (CDD, intérim,emplois aidés) qui les touchent fortement dans tous les secteurs 14.Mais la précarité s’est également intensifiée dans la deuxième moitiéde la carrière professionnelle et s’est concentrée en particulier sur lespersonnes les moins qualifiées.

Des intensités de mobilités très différentesselon les catégories socioprofessionnelles

La disparité des taux de mobilité est très importante entre les catégo-ries professionnelles. Cette disparité s’est fortement accrue sur lapériode. En 2000, le taux de mobilité des employés et ouvriers nonqualifiés (24 %) est le double de celui des cadres et professions inter-médiaires (12 %). Ces deux groupes représentent respectivement23 % et 32 % de la population active. Le groupe intermédiaire desouvriers et employés qualifiés a un taux de mobilité de 15 % proche decelui des professions intermédiaires (cf. figure 3).

Cette disparité ne provient pas des passages d’emploi à emploi maisbien de la croissance des passages par le chômage, qui touche sur-tout les ouvriers et les employés non qualifiés. Elle s’explique par lestatut des embauches : entre deux tiers et trois quarts des employésou ouvriers non qualifiés sont recrutés avec des statuts précaires(CDD...), contre moins de 20 % des embauches d’ingénieurs oucadres et environ un tiers des professions intermédiaires 15.

- Les mobilités : transformations structurelles... -

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(13) La part des emplois occupés depuis moins d’un an a plus que doublé entre1980 et 2000, selon Thomas Amossé.(14) Moncel (N.), Rose (J.), “Spécificités et déterminants de l’emploi des jeunes de18 à 25 ans et de 26 à 29 ans : vers la fin de la transition professionnelle ?”,“Économie et Statistiques”, n° 283-284, 1995.(15) DARES, exploitation particulière des enquêtes Emploi, 2002.

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Figure 3Mobilités annuelles sur le marché du travail

par niveau de qualification

Source : INSEE, enquêtes Emploi (1975-2001)Champ : Actifs (hors militaires du contingent) à la date de l’enquête et un an aupa-ravantGuide de lecture : 23,8 % des ouvriers et employés non qualifiés en mars 2001 ontquitté ou retrouvé un emploi au cours des douze mois précédents. Ce sont 15,4 %des ouvriers et employés qualifiés et 12,6 % des cadres et professions intermé-diaires. Voir la définition du taux de mobilité globale avec la figure 1

Une instabilité de l’emploi qui se répand dans toutes les catégo-ries professionnellesLes taux de sortie d’emploi diffèrent entre catégories professionnelles,non par les chances de changer d’emplois, mais par le risque de setrouver au chômage (cf. figure 4).

Le risque de perte d’emploi des ouvriers ou employés non qualifiés estde même niveau que la probabilité de changement d’emploi (entre 6 %et 8 % chacun). Le premier prend le pas sur le second en cas de basseconjoncture économique. La situation est inverse avec l’améliorationde la conjoncture.

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Les deux taux ont une légère tendance à la hausse au cours des deuxdernières décennies. Le taux de sortie d’emploi est toujours en des-sous de 14 % au cours des années 1980 et au-dessus au cours desannées 1990.

La situation est un peu différente pour les autres catégories profes-sionnelles.

La probabilité de changer d’emploi des ouvriers et employés qualifiésest fortement cyclique sans qu’une évolution tendancielle se dessine.En revanche, le risque de perte d’emploi augmente au cours desannées 1990, conformément à l’analyse qu’en fait Éric Maurin (2,5 %au milieu des années 1980, 4 % au milieu des années 1990).

La situation des cadres et professions intermédiaires est très prochede celle des ouvriers et employés qualifiés. Leur probabilité de chan-ger d’emploi est fortement cyclique, mais avec une amplitude (entre 6et 8 %) légèrement inférieure à celle des qualifiés (entre 5 et 8 %).Leur risque de passage par le chômage est inférieur à celui des qua-lifiés ou non qualifiés, mais il a aussi structurellement augmenté entreles années 1980 (moins de 2 %) et les années 1990 (plus de 2 %).

D’où la conclusion d’Éric Maurin : la montée de l’instabilité de l’emploia concerné toutes les catégories de salariés. Selon lui, elle n’auraitdonc pas, en apparence, accentué les risques de fracture sociale,mais plutôt contaminé toutes les catégories. La conclusion de ThomasAmossé est également que l’instabilité de l’emploi s’est généralisée,mais ses travaux insistent davantage sur le fait que les inégalitésdemeurent très fortes entre qualifiés et non-qualifiés.

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Figure 4Sorties d’emploi par niveau de qualification

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Source : INSEE, enquêtes Emploi (1982-2001)Champ : Actifs occupés en n-1.Guide de lecture : En 2001, les sorties d’emploi des cadres et professions inter-médiaires représentent 10,6 % des emplois occupés l’année précédente, dont8,7 % de changement d’entreprise et 1,9 % de sortie d’entreprise et demeurant auchômage l’année suivante

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2001Emploi-Emploi

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Total des sorties d'emploi

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Encadré 2

La montée de l’instabilité professionnelle et ses causes 1

Le problème traité dans ce travail est le suivant : au-delà des fluctuationsconjoncturelles, le risque de perte d’emploi pour le chômage a-t-il évolué aucours des vingt dernières années ? Y a-t-il des tendances structurelles quise dessinent ?

Si oui, cette évolution a-t-elle été perceptible sur tous les segments du mar-ché du travail ou simplement sur certains ? A-t-elle coïncidé avec lesinflexions du contexte institutionnel ? A-t-elle été plus intense dans certainssecteurs que dans d’autres ? En particulier, existe-t-il un lien entre le type detechnologies mises en œuvre dans les différents secteurs et l’évolution durisque de perte d’emploi pour le chômage ?

Trois types de causes potentielles à l’évolution de l’instabilité professionnel-le sont analysés :

- Conjoncturelles : les travaux sur les créations–destructions d’emploi ontmontré une différence essentielle entre des périodes macro-économique-ment récessives et des périodes de croissance forte : en cas de récession,une fraction plus importante d’entreprises rencontre des difficultés (60 %contre 40 % des entreprises en expansion), ce qui accroît mécaniquementle risque de perdre son emploi pour le chômage. Trois périodes ont ainsi étédistinguées au sein des années 1980 et 1990.

- Institutionnelles : une période avec ou sans autorisation administrative delicenciement change les conditions par lesquelles l’entreprise peut jouer surle facteur travail pour s’adapter aux fluctuations de son carnet de com-mandes. Trois périodes ont été distinguées : avant 1986 ; entre 1986 et 1990(flexibilisation accrue des règles de recours au licenciement et d’embauchesur CDD) ; après 1990 (de nouveau, retour à quelque chose de plus pro-tecteur). L’idée est de savoir si ce qu’on a observé dans les évolutions del’instabilité des emplois coïncide avec ces évolutions institutionnelles.

- Technologiques : au cours de périodes de forte diffusion des nouvellestechnologies de l’information, on peut imaginer que les TIC se substituent aucapital humain qui s’accumule avec l’ancienneté. Si cette hypothèse estvraie, alors les entreprises n’ont pas intérêt à accroître l’ancienneté et ellespeuvent envisager plus facilement de se séparer des salariés anciens.

Il en ressort qu’au-delà des fluctuations conjoncturelles, il y a plus d’instabi-lité dans les années 1990 que dans les années 1980 : dans les années

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Le maintien de la mobilité promotionnelle

La mobilité promotionnelle est définie ici comme le passage d’unecatégorie socioprofessionnelle à la catégorie immédiatement supé-rieure : passage d’ouvrier non qualifié à ouvrier qualifié, d’ouvrier qua-lifié à technicien…

À la différence de la mobilité externe et contrairement à ce qui est sou-vent affirmé, il apparaît que la mobilité promotionnelle n’a pas connud’évolution marquante au cours des vingt dernières années, maisplutôt des évolutions conjoncturelles, qu’elle soit interne ou externe àl’entreprise. Elle est très sensible à la conjoncture économique car lesprobabilités de promotion s’améliorent lorsque la conjoncture estbonne et se dégradent dans le cas contraire. En tendance longue, lesprobabilités restent relativement constantes.

Peu d’analyses ont été entreprises en période récente sur ce sujet. Eneffet, la source principale pour une analyse macro-économique estl’enquête Formation Qualification Professionnelle (FQP) dont la der-nière date de 1993. Simone Chapoulie 16 montre au travers d’une ana-

- Les mobilités : transformations structurelles... -

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1990, la satisfaction de l’augmentation des besoins en emploi suppose despassages par le chômage plus importants.

Cette évolution se repère pour toutes les catégories de salariés. Il y a uneaugmentation du risque de perdre son emploi pour le chômage aussi bienpour les salariés récents (moins d’un an d’ancienneté) que pour les salariésanciens (plus d’un an), même si ces derniers sont globalement davantageprotégés du chômage. On retrouve ces mêmes résultats avec les enquêtesFQP, sur 4 sous-périodes allant du milieu des années 1960 au début desannées 1990. Le risque augmente pour tous les salariés, que leur diplômesoit en deçà ou au-dessus du bac.

(1) Rapport d’étude du CREST commandité par le Commissariat général duPlan.

(16) Chapoulie (S.), “Une nouvelle carte de la mobilité professionnelle”, “Économieet Statistiques”, n° 331, 2000.6, 2000.

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lyse des mobilités sur les trois périodes 1972-1977, 1980-1985, 1988-1993 que la mobilité promotionnelle a très lentement évolué en suivantla conjoncture des années 1970 et 1980 17.L’enquête annuelle sur l’emploi de l’INSEE ne présente pas la mêmerichesse d’information pour prolonger l’analyse. Cependant, uneexploitation particulière a été faite dans le cadre de l’atelier “Mobilitésprofessionnelles” en regroupant les enquêtes Emploi par périodes detrois ans suivant la conjoncture économique des années 1980 et1990 18. Ces résultats viennent confirmer les précédents. On observedes mouvements parallèles pour toutes les catégories profession-nelles techniques (ONQ, OQ, techniciens) ou tertiaires (ENQ, EQ, pro-fessions intermédiaires tertiaires). Une lente croissance de la mobilitépromotionnelle part du début des années 1980 et culmine autour de1990. Elle est suivie d’une baisse relative jusqu’au milieu des années1990, puis d’une nouvelle reprise qui nous donne un niveau de lamobilité promotionnelle à la fin des années 1990 voisin de celui de lafin des années 1980 (cf. figure 5).La similitude entre catégories professionnelles s’arrête là. Des écartsimportants séparent les mobilités selon les professions, du techniqueou du tertiaire, et les caractéristiques individuelles d’âge et de sexe.La probabilité de promotion des ouvriers et employés non qualifiés estsupérieure à celle des ouvriers et employés qualifiés et des profes-sions intermédiaires ; elle semble avoir augmenté sur la période. Demême, les changements de fonction sont plus fréquents pour les sala-riés non qualifiés. Les mobilités promotionnelles des ouvriers non qua-lifiés et des employés non qualifiés se font respectivement pour deuxtiers et trois quarts par mobilités externes sur le marché du travail.Dans les autres cas, le passage à la catégorie supérieure se fait sen-siblement pour moitié par promotion interne et pour moitié par mobilitéexterne sur le marché du travail.

- Les mobilités : transformations structurelles... -

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(17) Une autre analyse effectuée à partir de l’échantillon démographiquepermanent, souligne la relation étroite existant entre mobilité géographique etmobilité promotionnelle et montre en particulier qu’entre 1968 et 1990, la mobilitégéographique a toujours été favorable à la promotion professionnelle. Brutel (C.),Jegou (M.), Rieu (C.), “La mobilité géographique et la promotion professionnelledes salariés : une analyse par aire urbaine”, É”conomie et Statistiques”, n° 336,2000.(18) Découpage proposé par Éric Maurin dans son analyse des transformationsstructurelles des risques de perte d’emploi et Éric Maurin : “L’égalité despossibles”, op. cit.

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Figure 5Taux de mobilité promotionnelle directe

selon les catégories professionnelles (moins de 40 ans)

Guide de lecture : Sur la période 1999-2001, chaque année 5,4 % des ONQ sontpassés l’année suivante OQ, 4 % des employés non qualifiés sont passésemployés qualifiés l’année suivanteChamp : Actifs occupés de moins de quarante ans

Les mobilités promotionnelles sont les plus importantes avant quaran-te ans. On examine, ci-après, l’évolution des mobilités promotionnellespour les professions du technique et du tertiaire.

Les professions techniquesLes effectifs d’ingénieurs de moins de quarante ans ont presque dou-blé en vingt ans. Par contre, les techniciens et les ouvriers qualifiés ontprogressé de 10 % seulement. Leur nombre s’est même réduit parmiles moins de quarante ans. Enfin, les ouvriers non qualifiés se sontréduits en nombre, en particulier avant quarante ans.

Mobilité technicien – ingénieur

Le taux de mobilité promotionnelle des techniciens s’est bien mainte-nu au cours des vingt dernières années, avec même une légèreremontée en période récente. Mais ceci dans un contexte de fortecroissance du nombre d’ingénieurs et une relative stabilité de celle des

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Taux de mobilité promotionnelle (moins de 40 ans)

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techniciens. Cela signifie que la part des techniciens dans le recrute-ment des ingénieurs a perdu de son ampleur. L’expansion de la caté-gorie des ingénieurs n’a pas stimulé la promotion interne des techni-ciens.

Mobilité ouvrier qualifié – technicien

Ces deux catégories ont vu leurs effectifs croître à un rythme voisin. Aucours de la période, le taux de promotion a eu tendance à légèrementbaisser. Il en est de même du recrutement de techniciens par promo-tion d’ouvriers. Au cours de la période, le recrutement de techniciens adonc pesé plus lourdement sur le système éducatif. Les hommes sontnettement dominants dans les professions techniques, même si lacroissance du nombre de femmes a été plus importante que celle deshommes. Les mobilités observées sont beaucoup plus le fait deshommes que des femmes. Ainsi, les femmes sont plus souventenfermées dans les professions techniques auxquelles elles accèdent.

Les professions tertiairesToutes les professions tertiaires ont connu des croissances fortes aucours des vingt dernières années, mais avec des contrastes suivantl’âge. En dessous de quarante ans, les cadres et les employés nonqualifiés se sont accrus de moitié. Par contre, les effectifs de profes-sions intermédiaires et d’employés qualifiés ont faiblement évolué.Dans tous les cas, les mobilités promotionnelles sont plus importantesque dans les professions techniques. Elles sont plus importantes pourles hommes que pour les femmes.

Mobilité entre profession intermédiaire et cadre

Pour les hommes, la situation est identique à celle du passage entretechnicien et ingénieur, mais avec un taux de promotion plus élevé. Lacroissance très forte du nombre de cadres n’a que faiblement profité àla mobilité promotionnelle des professions intermédiaires, malgré unbon maintien du taux de mobilité promotionnelle de ces dernières. Lasituation est différente pour les femmes. Non seulement leur taux depromotion professionnelle a augmenté en tendance au cours de lapériode, mais la part du recrutement des femmes cadres s’est bienmaintenue, malgré une récession au milieu des années 1990.

Mobilité entre employé qualifié et profession intermédiaire

Les professions intermédiaires tertiaires ont augmenté à un rythmeplus rapide que les catégories des employés. Pour les hommes, les

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conclusions sont identiques à celles qui ont été faites pour les pas-sages entre profession intermédiaire et cadre. Les chances de pro-motion des employés se sont maintenues dans le temps, bien qu’ilsperdent des points dans la part du recrutement des professions inter-médiaires. Les mobilités féminines connaissent les mêmes évolutionsque celles des hommes, mais avec des taux de mobilité inférieurs.

En conclusion, le sentiment fréquent selon lequel les probabilités depromotion se seraient réduites ne semble donc pas confirmé. Il peutcependant se comprendre de plusieurs façons.

D’une part, le fait que les mobilités externes soient plus fréquentesalors que les taux de promotion sont stables conduit à ce que chaquemobilité donne lieu, en moyenne, moins fréquemment à une promotionque par le passé.

D’autre part, le recrutement toujours plus important de diplômés danschaque catégorie socioprofessionnelle peut paraître s’opérer auxdépens des promotions. Nous avons vu que ce n’est cependant pas lecas en raison de la croissance plus rapide des catégories sociopro-fessionnelles correspondant à un haut niveau de qualification.

Enfin, il est probable que la sélection, pour les promotions des actifsdans le cadre de mobilités internes ou externes, ait évolué en faveurdes plus diplômés. En effet, ceux qui sont sortis du système scolairedepuis moins de dix ans ont des probabilités de connaître une promo-tion ou un changement de fonction plus élevées que leurs aînés 19. Cephénomène est lié au déclassement à l’embauche 20, qui les concernetout particulièrement et donne à leurs promotions un caractère de rat-trapage.

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- Les mobilités : transformations structurelles... -

(19) Comme le montrent les travaux présentés par Thomas Amossé dans le cadrede la séance du 25 septembre 2001.(20) Forgeot (G.), Gautié (J.), “Insertion professionnelle des jeunes et processus dedéclassement”, “Économie et Statistiques”, n° 304/305, 1997.

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Mobilités et transformationdes marchés internes

Le constat, fait dans cet atelier, d’un accroissement des mobilitésaccompagnées de passages par le chômage témoigne-t-il d’une trans-formation du fonctionnement des marchés internes et, en l’occurrence,d’un affaiblissement de la valeur protectrice de l’ancienneté ?L’hypothèse d’un déclin structurel des pratiques de fidélisation de lamain-d’œuvre ne va pas de soi au regard de l’évolution des ancien-netés. L’observation des stocks en emploi montre que l’anciennetémoyenne des salariés n’a pratiquement pas bougé tout au long desannées 1990, dans tous les pays de l’OCDE 21. Pourtant, bien que lavalorisation de l’ancienneté soit au cœur des règles conventionnellesde gestion des hommes en entreprise, l’accumulation d’expériencedans les marchés internes ne garantit pas toujours le maintien enemploi. Les politiques de modernisation des entreprises exposent aurisque du chômage les salariés les plus anciens, au même titre que lessalariés les plus récemment embauchés.

Un moindre rôle de l’ancienneté ne peut qu’impliquer à terme unmoindre attachement des salariés à l’entreprise, et des mobilités d’au-tant plus importantes que la situation du marché du travail sera bonne.Il importe donc de prendre la mesure de cette “déstabilisation” desmarchés internes pour en saisir les conséquences en matière demobilité professionnelle.

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(21) Les écarts sont plus importants entre certains groupes de pays. La France setrouve avec la Suède, la Belgique, le Luxembourg, le Japon, le Portugal dans uneancienneté moyenne comprise entre 11 et 12 ans. Ce chiffre est très peu supérieurà celui de l’Allemagne, la Finlande, l’Irlande, l’Espagne, dont l’ancienneté estcomprise entre 10 et 11 ans. Seuls les États-Unis et le Royaume-Uni ont uneancienneté beaucoup plus faible (respectivement, 6,6 et 8,2). Auer (P.), Cazes (S.),“L’emploi durable fait de la résistance” , “Problèmes Économiques”, n° 2729, 26septembre 2001.

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L’hypothèse d’une transformation des marchés internes

Les travaux portant sur ce sujet conduisent à des résultats nuancés.L’accroissement de l’incertitude sur l’avenir, qui pèse autant sur lesentreprises que sur les individus, fragilise les rendements prévisiblesde l’ancienneté mais sans les détruire totalement. L’ancienneté neserait plus systématiquement avantageuse. En revanche, elle tend àle rester sur des emplois spécifiques. Ce phénomène n’est pas sansincidence sur les conditions d’emploi des différentes catégories d’ac-tifs.

On retiendra deux grandes thèses sur ce sujet : d’une part, la thèse dudéclin inéluctable des marchés internes et de la généralisation de l’in-stabilité de l’emploi ; d’autre part, la thèse de leur transformation dansun contexte de forte disponibilité de la main-d’œuvre. Cette transfor-mation est analysée selon deux approches que l’on peut considérercomme complémentaires : elle serait génératrice d’articulations nou-velles entre marché interne et marché professionnel, mais aussi denouvelles régulations au sein des marchés internes notamment enmatière de promotion, combinant individualisation de la gestion de lamain-d’œuvre et reconnaissance de l’ancienneté.

Déclin des marchés internes...La notion de marché interne désigne un fonctionnement réglé du mar-ché du travail, impliquant une stabilisation de la main-d’œuvre dans lecadre d’une relation d’emploi durable et ouvrant sur des parcours deformation et de promotion. Elle met l’accent sur les mobilités internesà l’entreprise ou à la branche ainsi que sur l’ancienneté, dont la recon-naissance est justifiée par les apprentissages qu’elle permet, en l’oc-currence l’acquisition de qualifications spécifiques.

Les logiques de marché interne continuent-elles de dominer le fonc-tionnement du marché du travail français, comme cela avait été mis enévidence au cours des années 1980 par Maurice, Sellier et Silvestre.Certains travaux introduisent le doute à ce propos dans la mesure oùils mettent l’accent sur l’affaiblissement des rendements de l’ancien-neté. Ainsi les travaux du CREST conduits par Éric Maurin tendent àsouligner qu’à conjoncture à peu près identique, la probabilité d’entreren chômage sur la période 1990-2000 est plus élevée qu’elle ne l’étaitau cours de la décennie précédente, et ceci pour toutes les catégories

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sociales. Dans la mesure où ce phénomène concerne aussi les sala-riés disposant de plus d’un an d’ancienneté, quel que soit leur âge,l’ancienneté semble perdre sa qualité protectrice 22.

Ce phénomène s’explique, selon Éric Maurin, par des facteursconjoncturels, technologiques et institutionnels. La conjoncture joue iciun rôle décisif, car les taux de création et destruction d’emploi influen-cent mécaniquement le risque de perdre son emploi pour le chômage.Mais l’auteur observe qu’à conjoncture équivalente, le risque deperdre son emploi pour le chômage est systématiquement supérieurau cours de la décennie 1990 par rapport à la décennie 1980. C’estpourquoi d’autres facteurs doivent être invoqués pour expliquer lamoindre protection des plus anciens. Avec la diffusion de nouvellestechnologies de l’information et de la communication (NTIC), le capitalhumain spécifique, accumulé avec l’ancienneté, deviendrait davanta-ge substituable. En effet, comme le suggèrent également les travauxde Ève Caroli, 23 les TIC permettent le développement de compétencescodifiées, accumulées au niveau de la firme elle-même, au détrimentde compétences d’ordre tacite, portées par les individus, phénomènepropice au développement d’une flexibilité externe plutôt qu’interne.De plus, les entreprises se sépareraient d’autant plus facilement deleurs salariés anciens que les politiques publiques les autorisent àjouer avec le facteur travail pour s’adapter aux fluctuations de leursmarchés. Ainsi, pour Éric Maurin, une tendance structurelle de reculdes marchés internes serait à l’œuvre.

…ou transformation ?La thèse de Jérôme Gautié 24 est sensiblement différente. Selon cetauteur, la déstabilisation des marchés internes relève plutôt d’un chocexogène, et non d’une remise en question radicale du système d’em-ploi français.

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(22) Plus exactement, il semble que les salariés de moins de cinq ans d’anciennetésoient surtout les plus exposés au risque de chômage. En deçà de cinq ans, l’écartse creuse avec les salariés de dix ans d’ancienneté et plus.(23) Caroli (É.), “Flexibilité interne versus flexibilité externe du travail : quelsenseignements peut-on tirer de l’approche de la firme en termes decompétences ?”, document de travail, LEA, INRA, n° 00-10, 2000.(24) Gautié (J.), “Déstabilisation des marchés internes et gestion des âges sur lemarché du travail : quelques pistes”, document de travail n° 15, CEE, 2002.

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Jérôme Gautié analyse la fragilisation de la position des salariés lesplus anciens comme le fruit des changements intervenus dans les pra-tiques de gestion des âges au sein des marchés internes. Ses travauxmontrent que la déstabilisation des marchés internes se traduit par unrepli sur les tranches d’âge intermédiaires, déformant la pyramide desâges des entreprises et des secteurs. En effet, en l’absence d’unecroissance soutenue, les marchés internes se grippent. Les recrute-ments sont stoppés, au détriment des jeunes, et les salariés les plusanciens sont évincés. C’est tout l’équilibre démographique des mar-chés internes qui s’en trouve perturbé car le blocage des recrutementsremet en cause le système des “subventions implicites” entre généra-tions qui caractérise les marchés internes et, partant, les logiques derémunération à l’ancienneté. La croissance constitue ainsi une condi-tion indispensable à la viabilité des marchés internes.

Outre que son ralentissement perturbe leurs équilibres internes, ilentraîne, avec la montée du chômage, une plus forte disponibilité dela main-d’œuvre qualifiée sur le marché externe qui fait perdre de sonintérêt à la nécessité de fidéliser la main-d’œuvre aisément substi-tuable.

Assiste-t-on pour autant à l’amorce d’un déclin inéluctable des mar-chés internes ? Soulignant la résistance des marchés internes aux ini-tiatives institutionnelles ayant cherché à les infléchir, Jérôme Gautiéprivilégie la thèse d’une transformation de leur fonctionnement, notam-ment en termes d’articulations avec les logiques de marché profes-sionnel. Il importe en effet, selon lui, d’analyser la mutation des mar-chés internes au regard des facteurs qui contribuent à raccourcir l’ho-rizon temporel des firmes. À cet égard, les changements dans lesformes de contrôle du capital des entreprises jouent un rôle important.Le passage d’une économie d’endettement à une économie de mar-chés financiers, davantage focalisée sur les profits de court terme,contribue de fait à supprimer les contrats implicites de long termereliant les employeurs à leurs salariés.

Par ailleurs, des transformations, autant du côté de l’offre que de lademande de qualification, ont elles aussi contribué à transformer lalogique des marchés internes. Côté demande, les nouvelles formesd’organisation du travail exigent de la part des salariés des compé-tences à la fois plus importantes et plus générales, au détriment decompétences spécifiques traditionnelles. En cela, les TIC auraient favo-

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risé le recours à la flexibilité externe au détriment de la flexibilité interneet, par là, le développement d’une logique de marchés professionnels.

Côté offre de travail, l’augmentation, dans un contexte de pénuried’emplois, du niveau de formation des sortants du système éducatif acontribué à faire baisser le “prix relatif” de la formation initiale (exter-ne) par rapport à la formation continue (interne), renforçant la concur-rence entre les jeunes diplômés et les salariés anciens sur certainssegments d’emploi. Le raccourcissement des lignes hiérarchiques quicaractérise les nouvelles formes d’organisation du travail et la multipli-cation dans l’entreprise des “ports d’entrée” permettant l’accueil desnouveaux réduisent les horizons de carrière interne. Le recours auxmarchés professionnels constitue dans ces conditions une porte desortie pour des salariés aux perspectives réduites.

Mutation et persistance des marchés internesAinsi, les logiques de marché interne apparaissent affaiblies par uneconjonction de facteurs, qui conduit à un enchevêtrement plus serréavec les logiques de marchés professionnels. Elles restent toutefoispersistantes, même si elles jouent un rôle moins important qu’avantpour certaines catégories de salariés. Philippe Lemistre 25 soulignequ’il s’agit là moins du signe de leur érosion que d’un changement desmodes de gestion de la main-d’œuvre en vue d’une meilleure effica-cité. Ses travaux montrent que s’effectue une différenciation des ren-dements de l’ancienneté à l’intérieur des marchés internes 26. Les ren-dements de l’ancienneté se sont notamment affaiblis pour les emploisà dominante technique, ainsi que pour les emplois les moins qualifiésdes petites entreprises. En outre, les changements de profil de lapopulation active conduisent structurellement les entreprises à déve-lopper des modes de gestion plus incitatifs et plus individualisés, cequi expliquerait les différences de rendements de l’ancienneté selonles emplois. Dès lors, les qualifications transférables sur des marchésprofessionnels prennent de l’importance, tandis que l’ancienneté etl’acquisition de qualifications spécifiques ne se montrent plus systé-matiquement payantes.

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(25) Lemistre (P.), “Transformation des marchés internes et emplois en France”,note LIRHE n° 360, université de Toulouse-I et CNRS, 2002.(26) L’analyse des rendements de l’ancienneté gagne également à être étudiée enfonction des stratégies de mobilité qui les ont rendus possibles. Voir les travaux deLemistre (P.), Plassard (J.-M.), “Stratégies de mobilités et rendements del’ancienneté”, “Économie et Prévision”, à paraître.

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C’est pourquoi, selon Philippe Lemistre, ces évolutions des marchésinternes peuvent s’interpréter comme le passage d’une logique géné-ralisée de stabilisation des salariés héritée d’une situation de pleinemploi, à des modes de rémunération plus différenciés entre lesemplois destinés à impliquer davantage les salariés dans un environ-nement plus concurrentiel. En effet, le souci des grandes entreprisesde fidéliser les salariés, en rémunérant l’ancienneté acquise, visait àstabiliser une main-d’œuvre volatile en quête d’opportunités. Maisl’existence et le maintien d’un taux de chômage élevé renverse ladonne et tend à stabiliser les salariés. Dans ces conditions, la gestiondes rémunérations doit être plus incitative tout en restant équitable.Ainsi, pour Philippe Lemistre, individualisation et prise en compte del’ancienneté ne sont pas incompatibles. De plus, la logique de stabili-sation et de rémunération de l’ancienneté peut, à l’avenir, s’avérer denouveau utile. Lorsque le départ en retraite de la génération des“baby-boomers” aura épuisé le stock de main-d’œuvre employable, ils’agira en effet de fidéliser de nombreuses catégories de salariés pourlutter contre leur volatilité. La logique de marché interne n’est donc pasengagée dans un processus de déstabilisation irréversible.

Quelles transformations du système productif ?

Ces transformations des marchés internes s’inscrivent dans unensemble de mutations du système productif, qui ne sont pas sansconséquences sur les espaces de mobilité qui s’ouvrent aux diffé-rentes catégories de salariés.

Un tissu productif plus éclaté ?

Cette transformation des marchés internes s’inscrit dans un contextede mutation importante des systèmes productifs. De fait, les grandesentreprises et l’industrie suppriment des emplois, tandis que les PMEet les services en créent. La part des PME dans l’emploi s’est accruedepuis le milieu des années 1970, notamment avec le développementdes stratégies d’externalisation des grandes entreprises. Les établis-sements de plus de 500 salariés occupaient 21 % des effectifs fin 1975contre 11 % en 1996. Les établissements de moins de 10 salariés sonten revanche passés de 18 % à 26 % sur la même période 27.

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(27) Marchand (O.), “Population active, emploi, chômage au cours des annéesquatre-vingt-dix”, “Données sociales”, INSEE,1999.

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Ces changements dans la configuration des entreprises ne sont passans incidences sur les perspectives de mobilité. On ne dispose pasde travaux récents sur ce sujet, mais si l’on se réfère à la littérature dudébut des années 1990, il est possible de rassembler quelques élé-ments. A priori, les petites entreprises n’offrent pas les mêmeschances de promotion que les grandes : les postes d’encadrementsont en plus petit nombre et l’horizon des carrières y est plus réduit.Selon Éric Maurin, 28 les entreprises des secteurs concentrés présen-tent près de 40 % d’emplois occupés par des salariés promus. À l’op-posé, dans les secteurs dits “légers” (faiblement concentrés), 20 à25 % des emplois sont occupés par des salariés promus, soit deux foismoins. Les travaux d’Arnaud Dupray montrent également que dans lespetites entreprises, les mobilités sont plus fréquentes sans être tou-jours avantageuses 29.

Toutefois, les logiques promotionnelles sont loin d’être négligeables sil’on prend en compte la possibilité pour les actifs de quitter le statut desalarié pour celui d’indépendant ou de chef d’entreprise. Alain Chenu 30

constate que les taux de promotion, toutes catégories confondues,sont à peu près les mêmes dans les secteurs où dominent les grandesentreprises et dans ceux où dominent les plus petites, le secteur ter-tiaire jouant un rôle particulièrement moteur dans la dynamique pro-motionnelle des PME. De fait, les mouvements ascendants dans lesecteur dit “secondaire” apparaissent plus liés à la mobilité des struc-tures qu’à la mobilité des hommes 31. Ils sont liés aux opportunitésissues de l’évolution du marché des produits davantage qu’à l’applica-tion de règles stabilisées de gestion de la main-d’œuvre et sont, par

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(28) Maurin (É.), “La rigidité de l’offre de carrière entretient les déséquilibres dumarché du travail”, “Économie et Statistiques”, n° 249, 1991.(29) Dupray (A.), “La mobilité professionnelle en France entre 1967 et 1989 : uneanalyse des conditions de changement d’emploi selon la taille de l’entreprise”, inDegenne (A.), Mansuy (M.), Werquin (P.) (coord.), “Trajectoires et insertionsprofessionnelles”, Caen, deuxièmes journées d’étude du CEREQ/LASMAS -Institut du longitudinal, Marseille, CÉREQ collection Documents séminaires n° 112,1995.(30) Chenu (A.), “Itinéraires socioprofessionnels et mobilité sectorielle”, in Coutrot(L.) et Dubar (C.) (dir.), “Cheminements professionnels et mobilité sociale”, LaDocumentation française, 1992. (31) On trouve un bon exemple de ces mobilités ascensionnelles provenant de lamobilité des structures d’entreprise chez les cadres de PME dans l’ouvrage de LucBoltanski, “Les cadres ; formation d’un groupe social”, 1982.

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conséquent, particulièrement tributaires de la conjoncture. Les pers-pectives de promotion dans les secteurs les moins concentrés sontdonc réelles mais plus incertaines.

L’influence des TIC sur les nouvelles formes d’organisation dutravailUn tel processus de diversification du tissu productif résulte du déve-loppement de nouvelles formes d’organisation du travail, dont les tech-nologies de l’information et de la communication (TIC) ont constitué unvecteur technique important . En effet, les TIC permettent la redéfini-tion du principe général d’unité de lieu et de temps qui a gouverné l’or-ganisation du travail depuis la révolution industrielle 32. En dépit ducaractère discutable du déterminisme des TIC sur les configurationsproductives 33, on peut dire que leur développement participe à uneredéfinition des enveloppes organisationnelles. On assiste notammentau développement d’entreprises en réseaux, à une tendance aurecentrage sur le “métier de base”, à l’aplatissement des structures, àl’externalisation et à de nouvelles formes de partenariats écono-miques.

Ces mutations du tissu productif ne sont pas sans incidence sur levolume global des emplois ni sur le contenu des qualifications atten-dues. On sait que les TIC sont considérées comme complémentairesau travail qualifié et substituables au travail peu qualifié. Leur déve-loppement participe de fait à la recomposition de la structure desemplois en faveur de qualifications plus élevées. Les emplois de sala-riés peu qualifiés constituent ainsi des positions de plus en plusinstables 34. Les employés et les ouvriers connaissent à la fois davan-tage de mobilités ascendantes que par le passé mais également desrisques de chômage multipliés par trois 35.

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(32) Pichault (F.), Rorive (B.), Zune (M.), “Nouvelles technologies et métiers enémergence”, rapport final pour le Commissariat général du Plan, LENTIC,université de Liège.(33) Gollac (M.), “Les métiers face aux technologies de l’information et de lacommunication”, collection “Qualifications & Prospective”, à paraître. Ainsi que lestravaux de Foray (D.) et Mairesse (J.) (dir.), “Innovations et performances.Approches pluridisciplinaires”, Édition de l’école des Hautes études en sciencessociales, 1999.(34) Gollac (M.), “Les métiers face aux technologies de l’information et de lacommunication”, op. cit.(35) Chenu (A.), “De recensement en recensement, le devenir professionnel desouvriers et des employés”, “Économie et Statistiques”, n° 316-317, INSEE, 1998.

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Toutefois, le développement des TIC ne fait pas que détruire lesemplois peu qualifiés. Des effets indirects en termes de créationsd’emplois ont été observés du côté des services, comme les métiersde la manutention, les opérateurs de centres d’appels télépho-niques 36. Les travaux de Thomas Amossé confirment d’ailleurs cettetendance, en montrant que les seuls emplois d’ouvriers non qualifiésqui progressent au cours des années 1990 se situent à la périphériede la production : ouvriers du tri, de l’emballage et de l’expédition.

Par ailleurs, les nouvelles configurations organisationnelles qui com-posent le tissu productif transforment le contenu des qualificationsrequises ainsi que les formes de mobilité à l’intérieur de la firme. D’unepart, la diffusion des NTIC va dans le sens du renforcement d’unelogique de compétences 37 associant compétences cognitives auxconnaissances techniques, et rendant nécessaire un prolongementcontinu de la formation acquise. D’autre part, on observe de nouvellessituations de travail plus complexes, combinant centralisation etdécentralisation de la division du travail, standardisation et flexibilitédes modes de coordination, formalisation des procédures et autono-mie dans les arbitrages. Le rapport de l’atelier 2 du Groupe“Prospective des métiers et des qualifications” 38 montre que s’effectueun double mouvement de décentralisation de décisions opération-nelles et de centralisation de l’information et des décisions straté-giques. En outre, les salariés sont plus directement soumis aux pres-sions d’acteurs externes tels que les clients, donneurs d’ordre, four-nisseurs, en matière notamment de délais et de qualité. Plus auto-nomes, ils doivent inventer de nouvelles formes de coopération ; enmême temps, leur travail est plus contrôlé. Ainsi, le contenu desemplois s’enrichit, voire s’élargit, une mobilité entre les activités sedéveloppe. Outre que ces nouvelles conditions d’exercice posent unproblème de repérage des mobilités réalisées, elles modifient égale-ment les perspectives de carrière qui s’ouvrent aux salariés dans ladurée.

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(36) Pichault (F.), Rorive (B.), Zune (M.), “Nouvelles technologies et métiers enémergence”, op. cit.(37) Greenan (N.), “Innovation technologique, changements organisationnels etévolution des compétences”, “Économie et Statistiques”, n° 298, 15-29, 1996.(38) Gollac (M.), “Les métiers face aux technologies de l’information et de lacommunication”, op. cit.

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De nouveaux espaces de mobilité ?

On ne peut sur ce point que proposer des hypothèses, tant les outilsstatistiques d’observation des mobilités dans ces nouveaux environ-nements font défaut. En effet, la réduction de la taille des entreprises,issue du développement de leur fonctionnement en réseau, se doublede configurations juridiques complexes, qui rendent leurs frontièresfloues voire opaques. Il devient alors délicat de distinguer les mobilitésinternes des mobilités externes. En l’occurrence, une approche statis-tique prenant pour référence les établissements ne rend pas comptedes mobilités qui se déroulent à l’intérieur d’un même réseau. Demême, le maintien dans un même établissement peut dissimuler deschangements d’entreprise.

On peut néanmoins tenter d’ouvrir un certain nombre de pistes.Plusieurs travaux ont souligné les transformations de la relation sala-riale depuis la période fordiste 39. On peut, avec Yannick Fondeur etCatherine Sauviat, les résumer comme suit.

D’une part, la forme du “marché interne” se transforme au profit d’uneforme rénovée de stabilisation de la main-d’œuvre, fondée sur un prin-cipe de flexibilité interne et de gestion des compétences. On retrouveici la notion de “stabilité polyvalente” 40 qui, selon Jérôme Gautié, 41

indique que les marchés internes génèrent davantage de mobilitéshorizontales, en raison d’exigences accrues de polyvalence, et moinsde mobilités verticales par promotion. Cette diminution des perspec-tives de promotion tiendrait notamment à la réduction des niveaux hié-rarchiques, ainsi qu’au recours plus systématique au marché externe(notamment Bac + 2) pour pourvoir les postes vacants.

D’autre part, les relations salariales instables se développent, géné-rant à la fois des mobilités volontaires et valorisantes pour les indivi-dus qui possèdent des qualités recherchées, et des mobilités subies,associées à des parcours précaires.

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(39) Voir la synthèse qui en est proposée par Fondeur (Y.) et Sauviat (C.), “Normesd’emploi et marché du travail dans les métiers liés aux technologies del’information”, IRES, rapport final pour la DARES, septembre 2002.(40) Cette notion figure dans la typologie de la relation salariale proposée par Beffa(J.-L.), Boyer (R.), Touffu (J.-P.), “Les relations salariales en France : État,entreprises, marchés financiers”, Notes de la Fondation Saint-Simon, n° 107, 1999.(41) Gautié (J.), “Déstabilisation des marchés internes et gestion des âges sur lemarché du travail : quelques pistes”, op. cit.

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Les relations salariales instables et non précaires ont en commun aveccelles observées sur les “marchés professionnels” la référence à uneprofessionnalité forte. Elles concerneraient, non pas les métiers tradi-tionnels, mais de nouvelles professions porteuses des innovations etdu dynamisme des firmes 42 (management, innovation technique, com-munication). Elles concerneraient ainsi des catégories de travailleurstrès qualifiés et très mobiles, pouvant faire valoir leurs compétencessur un marché de plus en plus globalisé. Même si les écarts restentimportants entre le mythe et la réalité, 43 cette idée d’instabilité à l’abride la précarité sert à entretenir une nouvelle image du cadre “noma-de”. On retiendra cependant avec Yannick Fondeur et CatherineSauviat que le parallèle fréquemment établi avec la notion de “marchéprofessionnel” présente deux grandes limites : d’une part, la régulationde ce marché ne fait pas intervenir de syndicat de métier ni aucuneautre forme d’organisation collective ; d’autre part, si la transférabilitédes qualités professionnelles est forte, elle ne repose pas sur des qua-lifications standardisées, formant le “métier” selon les logiques detransmission qui lui sont associées, mais sur des compétences indivi-duelles multiformes en constante évolution.

Enfin, les nouvelles relations salariales instables et précaires ont pourparticularité de ne plus se limiter aux petites entreprises ou aux sec-teurs peu structurés que l’on trouve sur les marchés concurrentiels.Elles se développent également auprès d’organisations “néo-taylo-riennes” qui se sont flexibilisées (équipementiers automobiles, centresd’appel...). Elles s’inscriraient dans une “flexibilité de marché” concer-nant le travail le plus facilement substituable, par recours à de nou-velles technologies ou au marché externe. Dans ces conditions, l’in-stabilité de l’emploi tendrait à devenir une norme sur des segmentsentiers du marché du travail. Sans doute les emplois les moins quali-fiés ne sont-ils pas les seuls concernés par ce dernier type de relationsalariale, qui semble devoir s’étendre à l’ensemble des activités ausavoir-faire standard et disponible sur le marché.

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(42) Delteil (V.), Dieuaide (P.), “Mutations de l’activité et du marché du travail descadres : l’emprise croissante des connaissances”, Revue de l’IRES n° 37 - 2001/3,2001.(43) Mythe que déconstruisent Bouffartigue (P.) et Pochic (S.), “Cadres“nomades” : mythe et réalité”. À propos des recompositions des marchés du travaildes cadres, contribution aux huitièmes journées de sociologie du travail, Aix-en-Provence, 2001.

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Faut-il déduire de ces analyses que se dessineraient trois grandsespaces de mobilité ? Pour l’heure, les observations réalisées parThomas Amossé au sein de l’atelier Mobilités plaident plutôt pour unedualisation des espaces de mobilité. L’hypothèse dualiste s’appuie enl’occurrence sur le constat d’une opposition entre les plus qualifiés,bénéficiant d’emplois stabilisés et de mobilités choisies, et les moinsqualifiés, circulant sur des emplois précaires et dans le cadre de mobi-lités contraintes. Cette polarisation des mouvements sur le marché dutravail oppose deux grandes catégories d’actifs aux ressources iné-gales. De fait, les actifs insérés dans une relation salariale stable, ouinstable mais non précaire, disposent d’atouts élevés pour faire de lamobilité une opportunité d’amélioration de leur situation. Il en va toutautrement pour les moins qualifiés, qui voient se réduire leurs chancesde bénéficier d’une relation d’emploi durable. Cette polarisation s’ac-compagne enfin d’une segmentation de la main-d’œuvre selon descritères d’âge, suggérant que les caractéristiques individuelles devien-nent davantage discriminantes sur le marché du travail.

- Mobilités et transformation des marchés internes -

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Encadré 3

Déstabilisation des marchés interneset gestion des âges sur le marché du travail : quelques pistes 1

L’auteur tente de montrer comment la déstabilisation des marchés internesdepuis le début des années 1980 a pu déboucher sur une nouvelle gestiondes âges sur le marché du travail.

La première partie pose un cadre d’analyse, permettant notamment de dis-tinguer la logique des marchés internes du travail (MI) de la logique des mar-chés professionnels (MP). La première caractérise plutôt des pays commela France, les États-Unis ou le Japon, et la seconde l’Allemagne et leRoyaume-Uni. Ce cadre mobilise des théories institutionnalistes (Doeringeret Piore) ou “sociétales” (Maurice, Sellier, Sylvestre, Marsden) et les articu-le à des modèles de la théorie standard (théorie du capital humain, des paie-ments différés, des tournois).

La deuxième partie avance l’hypothèse fondamentale selon laquelle lalogique de marché interne structurait un certain type de carrière salariale.Celui-ci reposait sur un rôle important dévolu à l’ancienneté dans l’entrepri-se, résultant aussi bien de l’accumulation du capital humain spécifique qued’un système de paiement différé et d’une logique de promotion interne inci-

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tative. Ce système se traduisait, en coupe, par une subvention “implicite” dela part des salariés d’âge intermédiaire au bénéfice de jeunes et surtout dessalariés âgés, ces derniers étant payés plus que leur productivité. Dans lecas français, le ralentissement économique ainsi que les profondes muta-tions des années 1980 (finance, progrès technique, nouvelles formes d’or-ganisation du travail ou de l’offre de formation) ont déstabilisé ce système etont plus particulièrement fragilisé les jeunes et les travailleurs âgés. Ledéploiement massif des politiques de l’emploi en faveur de ces deux caté-gories en termes d’emplois aidés et/ou de préretraites peut s’interprétercomme une substitution – au moins transitoire – de subventions “explicites”aux anciennes subventions “implicites”.

La troisième partie élargit la réflexion à une première comparaison interna-tionale. Les États-Unis et le Japon ont été choisis, car, malgré leur diversité,les marchés américain, français et japonais relèvent tous les trois d’unelogique de marché interne au sens défini dans la première partie. De nom-breux indices laissent penser que cette logique des marchés internes aaussi connu des remises en cause dans ces deux pays selon des modalitésdifférentes.

En fin de compte, la remise en cause de ce système traditionnel de lalogique de marché interne amène à repenser le rapport entre les âges, lestransitions d’entrée et de sortie de la vie active, et, au-delà, l’ensemble de latrajectoire des individus sur leur cycle de vie professionnelle, et son articu-lation avec leur vie privée.

(1) Document de travail élaboré dans le cadre du projet 4T (Travail, Temps,Trajectoires et Transitions), de l’action concertée incitative (ACI) “Travail” duministère de la Recherche (convention signée avec le ministère de la Recherche,le Commissariat général du Plan et l’OFCE).

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Quelles incidencessur les mobilités au seinde la population active ?

Ces transformations des marchés internes et mutations du systèmeproductif ont des conséquences directes sur les formes de mobilitéobservables au sein de la population active en cours de vie profes-sionnelle. Le repli des marchés internes sur les tranches d’âge inter-médiaires et la transformation des perspectives offertes par la relationsalariale contribuent au développement des mobilités externes (chan-gements d’entreprise avec ou sans passages par le chômage). Deuxpopulations sont particulièrement touchées par ce phénomène : lesjeunes entrant sur le marché du travail, qui expérimentent des formesd’insertion qui sont loin d’être linéaires, et les salariés plus âgés, par-venus dans la seconde partie de leur carrière, qui ne se trouvent plussystématiquement protégés par l’expérience qu’ils ont acquise aucours de leur activité passée. La recherche d’emploi est ainsi au cœurdes préoccupations d’une part croissante de la population active, cequi pose plus globalement la question des repères et des acteurs quiorganisent la circulation sur le marché du travail.

Des mobilités concentréessur les dix premières années de vie active

Tout d’abord, ces mutations changent les conditions d’accès desjeunes à l’emploi. D’une manière générale, les jeunes sortant du systè-me éducatif subissent tout particulièrement les effets de conjoncture.On observe par exemple, avec l’embellie économique de la fin desannées 1990, que les jeunes sortis de formation initiale en 1998 ont

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accédé à l’emploi plus rapidement et plus durablement que ceux quiétaient sortis en 1992 44. Mais on peut affirmer avec Yannick Fondeuret Claude Minni 45 que l’emploi des jeunes sur-réagit à la conjoncturerelativement aux autres catégories, cette sensibilité aux variations dela demande de travail étant accrue par la nature des emplois mis surle marché. Dans ces conditions, l’insertion sur le marché du travailpasse par des formes particulières d’emploi qui peuvent constituerpour les jeunes, notamment lorsqu’ils sont diplômés, un véritable mar-chepied vers l’emploi stable 46.

Par ailleurs, le rationnement global de l’offre d’emploi des jeunesentraîne un phénomène de file d’attente et l’augmentation du déclas-sement à l’entrée sur le marché du travail. Le déclassement s’observenotamment, pour la période 1986-1995, par une augmentation de laproportion des surdiplômés parmi les 18-29 ans en situation d’emploinon aidé 47. Ce phénomène de déclassement, en dépit des problèmesde mesure qu’il soulève, 48 semble en réalité changer d’échelle. D’unelogique d’insertion professionnelle avec perspectives d’évolution àbrève échéance, il est devenu plus durable, notamment à cause duralentissement des carrières dans les entreprises, et générateur defrustrations 49. Dans ces conditions, les surdiplômés sont effectivementplus mobiles sur le marché du travail, en particulier lorsqu’ils travaillentdans des petites ou moyennes entreprises. Le trajet qui les mène àune situation normale est loin d’être linéaire et dépend fortement de laconjoncture.

Le phénomène du déclassement dans l’emploi permet d’analyser lechômage des jeunes, non pas comme un problème d’inadéquation

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- Quelles incidences sur les mobilités... -

(44) Épiphane (D.), Giret (J.-F.), Hallier (P.), Lopez (A.), Sigot (J.-C.), “Génération98 : À qui a profité l’embellie économique ?", CEREQ, “Bref”, n° 181, décembre,2001.(45) Fondeur (Y.), Minni (C.), “Emploi des jeunes et conjoncture", “PremièresInformations, Premières Synthèses”, n° 51.1., DARES, 1999.(46) Bloch (L.), Estrade (M.-A.), “Les formes particulières d’emploi en France : unmarchepied vers les emplois stables ?", in INSEE, “France, portrait social 1998-1999”, 1999.(47) Forgeot (G.), Gautié (J.), “Insertion professionnelle des jeunes et processus dedéclassement", “Économie et Statistique”, n° 304/30, 1997.(48) Giret (J.-F.), Hatot (C.), “Mesurer le déclassement à l’embauche. L’exempledes DUT et des BTS ", “Formation Emploi”, n° 75, 2001.(49) Eckert (H.), “L’émergence de l’ouvrier bachelier”, “Revue Française deSociologie”, LX(2), 1999.

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entre la formation des jeunes et les qualifications demandées par lesystème productif, mais bien plutôt comme la manifestation d’une filed’attente sur le marché du travail, en vue d’une amélioration des condi-tions d’embauche. De même, la reprise d’études longues après unepremière expérience professionnelle constitue un moyen de prévenirle déclassement. Les perspectives de promotion sont en effet les plusfortes au cours des dix premières années de vie active. Les travaux deThomas Amossé montrent que les jeunes sortis du système scolairedepuis moins de 10 ans ont des probabilités bien plus élevées deconnaître une promotion que leurs aînés.

Une question se pose toutefois à ce stade, concernant la nature deces promotions. Si elles font office de rattrapage suite au déclasse-ment initial, le déclassement n’est que temporaire et les diplômesconservent leur valeur sur le marché du travail. Or, dans l’hypothèsed’une dévalorisation irréversible des titres scolaires, le reclassementultérieur des jeunes diplômés n’est pas garanti 50. De fait, les travauxdu LIHRE montrent que les rattrapages pratiqués via les promotionsen début de vie active ne permettent pas de compenser entièrementl’élévation du niveau d’éducation 51. Si les diplômes ont perdu de leurvaleur intrinsèque, le problème du déclassement débouche alors surla question des conséquences de la dévalorisation des diplômes surles perspectives de carrière offertes et sur les stratégies individuellesdans ce nouveau contexte.

D’une manière générale, l’insertion professionnelle des jeunes se trou-ve placée devant un paradoxe 52 : les jeunes générations sont beau-coup plus formées que leurs aînées, et l’emploi n’a jamais été autantfermé aux jeunes, particulièrement dans les marchés internes. Ilimporte de souligner le rôle de l’État dans la gestion du système d’em-ploi des jeunes et, partant, dans la pérennisation de leur instabilité. Enl’occurrence, le marché du travail des jeunes semble acquérir une

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(50) Gamel (C.), “Le diplôme, un signal en voie de dépréciation ? Le modèle deSpence réexaminé”, “Revue d’Économie Politique”, n° 1, 2000. (51) Béduwé (C.), Espinasse (J.-M.), “Production de diplômes et diffusion descompétences”, “Cahiers du LIHRE”, 1995, ainsi que Lemistre (P.), “Dévalorisationdes diplômes et accès au premier emploi”, “Revue d’Économie Politique”, àparaître.(52) Verdier (É.), “L’insertion des jeunes à la française : vers un ajustementstructurel ?”, “Travail et Emploi”, n° 69, 1997.

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relative autonomie, non seulement parce que l’emploi des jeunesconstitue une variable d’ajustement pour les entreprises, mais aussiparce que les politiques publiques ont contribué à instituer ce phé-nomène, sans intervenir en amont sur les régulations à l’œuvre ausein même des marchés internes.

La croissance de l’instabilité en seconde partie de carrière

Outre les jeunes, les salariés en seconde partie de carrière sontdavantage exposés à la mobilité professionnelle. Les travaux d’ÉricMaurin montrent que l’instabilité de l’emploi s’est accrue pour toutesles catégories de salariés, même chez les cadres qui semblaient pour-tant préservés de l’expérience du chômage. Les travaux de ThomasAmossé montrent par ailleurs que cette instabilité se concentre toutparticulièrement sur les salariés peu ou pas qualifiés. Ils sont exposésà la mobilité externe non seulement en début de vie professionnellemais également au cours de la seconde partie de leur carrière.Compte tenu de l’élévation des risques de chômage pour les ouvrierset employés au cours de la dernière décennie, cette intensification desmobilités externes est le symptôme de mobilités contraintes. Ce phé-nomène s’est d’ailleurs amplifié depuis le début des années 1980, fai-sant émerger un pôle d’emplois stables qui contraste avec celui desemplois précaires.

En effet, au bout de vingt ans de carrière, la stabilité des cadrescontraste avec la précarité des non-qualifiés. Les cadres sont quatrefois plus nombreux à occuper leur emploi depuis le début de leur car-rière que les ouvriers non qualifiés. Ceux-ci sont trois fois plus nom-breux à occuper leur emploi ou à être au chômage depuis moins d’unan que les cadres. La proportion de cadres stables a fortement aug-menté : elle est passée de 30 à 40 % en moins de vingt ans. Enparallèle, la proportion d’ouvriers non qualifiés ayant été déstabilisésdans l’année écoulée a encore plus augmenté : elle est passée de17 % à 33 %, soit + 16 points en moins de vingt ans. Or, les interrup-tions de carrière combinées à des changements d’entreprise se mon-trent généralement défavorables, sur un plan salarial, aux salariésd’âge intermédiaire.

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Il est intéressant de mettre ces mobilités en cours de vie active en rela-tion avec les gains salariaux qu’elles procurent aux intéressés. Ons’appuiera ici sur les travaux de Frédéric Laîné 53 concernant les mobi-lités des salariés âgés. Cet auteur montre que les taux de mobilitéinter-entreprises diminuent de façon continue avec l’âge et sont auplus bas à partir de 55 ans. De fait, au-delà de ce seuil, la cessationd’activité, complète ou progressive, prend de l’importance (accroisse-ment des probabilités de sortie du salariat et de passage à temps par-tiel). En outre, les seniors se montrent inégalement stabilisés dansl’emploi. Si la mobilité inter-entreprises diminue fortement en fin decarrière chez les ingénieurs et cadres administratifs et commerciaux,celle des salariés moins qualifiés est la plus importante. L’étudemontre également que les rendements de la mobilité externe sontmoindres en fin qu’en début de carrière et qu’ils sont particulièrementfaibles pour les catégories d’ouvriers et d’employés.

En effet, on sait que les salariés qui changent d’entreprise, quel quesoit leur âge, connaissent des variations de salaire, en perte commeen gain, beaucoup plus importantes que les non-mobiles. Toutefois, siles changements d’entreprise entraînent, en début de carrière, desgains salariaux supérieurs à ceux que procure le marché interne, à l’in-verse, c’est le marché interne qui semble plus profitable en milieu decarrière. Mais pour les plus de 50 ans, globalement, les différencess’estompent. Frédéric Laîné constate que les gains salariaux médiansdes salariés mobiles ne sont pas plus élevés que ceux des non-mobiles.

Les effets de la mobilité externe chez les anciens sont pourtant pluscontrastés que pour les tranches d’âge plus jeunes. Les ouvriers etemployés mobiles de plus de 50 ans connaissent généralement desvariations salariales de faible amplitude. Si les effets de salaire mini-mum empêchent de trop fortes variations à la baisse du salaire, leursalaire global peut diminuer en raison de passages à temps partiel. Enrevanche, si les professions d’encadrement connaissent les plus fortesvariations salariales en changeant d’entreprise, ce sont également lesseules qui connaissent à la fois une progression de leur salaire horai-re et de leur salaire global. Ceci confirme l’idée que la partie la plus

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(53) Laîné (F.), “La mobilité professionnelle des salariés âgés analysée à traversles DADS”, in “Formation tout au long de la vie et carrière en Europe”, 9es journéesdu Longitudinal, CEREQ / LASMAS/ IREIMAR, Document n° 164, CEREQ, 2002.

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qualifiée des seniors reste “dans une logique de mobilité offensive”.Inversement, les “seniors” connaissent d’autant plus de mobilitécontrainte qu’ils sont peu qualifiés.

Recherche d’emploi et circulation sur le marché du travail

La recherche d’emploi est ainsi devenue un enjeu majeur sur le mar-ché du travail. Les travaux de Thomas Amossé montrent qu’elle netémoigne pas seulement du souhait de trouver un emploi correspon-dant à ses aspirations, mais qu’elle traduit également, et de plus enplus, les craintes d’une “non-pérennisation” de l’emploi occupé. Ainsi,depuis 1975, le nombre d’actifs en emploi déclarant rechercher unautre emploi a été multiplié par deux, le nombre de chômeurs parquatre. Depuis 25 ans, la recherche d’emploi a tout particulièrementconcerné non seulement les jeunes, mais également les moins quali-fiés. Si, en 1975, la recherche d’emploi était aussi intense pour lescadres et les non qualifiés, en 2001, près de 13 % de personnesexerçant un emploi non qualifié recherchent un autre emploi, contre5 % des cadres 54.

Les repères et les supports qui balisent cette circulation de la main-d’œuvre sur le marché du travail sont forts différenciés. D’une maniè-re générale, le diplôme constitue un signal puissant sur le marché dutravail. Toutefois, il tend à jouer le rôle d’un “biais de sélection” per-mettant de sur-sélectionner la main-d’œuvre, c’est-à-dire de privilégierexagérément les personnes les plus qualifiées, aggravant ainsi le chô-mage des moins qualifiés 55. Ainsi, au-delà des facteurs technolo-giques et organisationnels qui participent à la marginalisation desmoins qualifiés, l’existence de biais de sélection dans les pratiques derecrutement témoigne de la faiblesse des pratiques françaises d’éva-luation des qualités de la main-d’œuvre 56. En ce sens, les diplômes

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(54) Amossé (T.), “Vingt-cinq ans de transformation des mobilités sur le marché dutravail”, op. cit.(55) Duvernay (E.), “Les modes de recrutement : des biais de sélection”, in “Entrechômage et difficultés de recrutement : se souvenir pour prévoir”, collection“Qualifications & Prospective”, La Documentation française, 2001.(56) Verdier (É.), “L’insertion des jeunes à la française : vers un ajustementstructurel ?”, op. cit.

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tendent à être des “filtres daptitudes” générales plutôt que des signauxdu potentiel de productivité, 57 ce qui incite les individus à poursuivreleurs études et préférer de fait le déclassement au chômage d’inser-tion. Cette stratégie de poursuite d’études se montre également cohé-rente dans une hypothèse de dévalorisation irréversible des diplômes.

Ce phénomène est à mettre en relation avec l’élévation du niveau deformation initiale. On est passé de 34 % d’une génération au niveaudu bac en 1980/81 à 56 % en 1990/91 et 68 % en 1997/98. Ce fait cen-tral change profondément la composition de la population active demoins de 35 ans, c’est-à-dire précisément celle qui est la plusconcernée par la mobilité professionnelle et le recours à la formationtout au long de la vie. De plus, le chômage de masse joue un rôle déci-sif dans ce phénomène de sur-sélection. Disposant en permanenced’une grande masse de candidatures, les recruteurs ont relevé leniveau de leurs exigences. Il semble en outre que le marché du travailfrançais soit particulièrement sous-équipé en matière de systèmesd’information, ce qui pose la question du développement de l’intermé-diation publique et privée dans ce domaine.

Depuis une vingtaine d’années, les intermédiaires du marché du tra-vail se sont pourtant multipliés : le recours à des agences d’intérim aété multiplié par dix depuis 1975, les professionnels du recrutement etde la formation par deux et demi depuis 1982. Le recours à de tels ser-vices reste profondément différencié : plus de la moitié des personnesdéclarant en mars 2001 être inscrites dans une agence d’intérim afinde trouver un emploi sont des ouvriers, un peu plus de 10 % seule-ment sont des cadres, techniciens ou agents de maîtrise. Par ailleurs,on sait que les relations personnelles et les candidatures spontanéesconstituent les principaux moyens d’accès à l’emploi et que leschances sont très inégales selon les contextes locaux 58.

Les intermédiaires participent néanmoins activement à la segmenta-tion du marché du travail, ainsi que le montrent les travaux de Faure-

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(57) Dupray (A.),”Le rôle du diplôme sur le marché du travail : filtre d’aptitudesou certification de compétences productives”, “L’orientation scolaire et profes-sionnelle”, 29, n° 2, 2002.(58) Pignoni (M.-T.), Poujouly (C.), Viney (X.), “Sortir du chômage : des chancesinégales selon le contexte local”, DARES, “Premières Informations, PremièresSynthèses”, n° 26.1, 1998.

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Guichard sur les entreprises de travail temporaire (ETT) 59. Les ETTcontribuent à la fois à structurer et à accentuer la segmentation dumarché du travail : d’une part, elles structurent le “marché externe” eten organisent le fonctionnement parallèlement aux dispositifs publicsdes politiques de l’emploi 60, mais en outre elles participent au renfor-cement d’une segmentation du marché du travail, principalement enfonction du sexe et de l’âge. Les ETT interviennent de fait dans laconstruction de l’offre et de la demande de travail, ce qui se traduit parune spécification croissante des postes et de la main-d’œuvre et apour effet de redonner une importance de premier ordre à des caracté-ristiques individuelles physiques. Elles accentuent en cela le caractè-re sexué du marché du travail, de même qu’elles contribuent à lapérennisation d’un marché du travail des jeunes 61.

La multiplication des intermédiaires sur le marché du travail participeainsi directement à leur segmentation. On peut faire l’hypothèse quece processus de segmentation est également à l’œuvre dans les poli-tiques de lutte contre le chômage. Aux politiques d’intervention directesur le marché du travail se sont en effet substituées des politiques d’in-sertion 62, qui se traduisent par des initiatives visant la construction desprofils demandés par les employeurs mais également l’inflexion deleurs critères de sélection à l’aide de mesures incitatives. L’actionpublique privilégie ainsi les initiatives en direction de “groupes-cibles”,favorisant de fait des pratiques plus localisées et individualisées d’in-tervention.

(59) Faure-Guichard (C.), “L’emploi intérimaire : trajectoires et identités”, PressesUniversitaires de Rennes, 2000.(60) Faure-Guichard (C.), “L’emploi intérimaire : trajectoires et identités”, op. cit. (61) Dans ces conditions, “bien que certaines ETT considèrent qu’elles doiventcontribuer à modifier les conceptions et les comportements des entreprises afin delutter contre la pénurie de main-d’œuvre et de faciliter l’accès des jeunes à unemission, il reste que le travail temporaire répond la plupart du temps aux besoinsde flexibilité externe des entreprises”, en relayant leurs exigences davantage qu’enles infléchissant. Turquet (P.), “L’ETT, un intermédiaire local sur le marché dutravail”, in Bessy (C.), Eymard Duvernay (F.), “Les intermédiaires du marché dutravail” PUF, 1997, cité par C. Faure-Guichard.(62) Gautié (J.), “Quelles catégories et indicateurs pour l’analyse du marché dutravail et de l’intervention publique ?”, in ANPE, Actes des Premiers entretiens del’emploi, “Les transformations du marché du travail”, Atelier 5 : “Emploi - chômage :faut-il faire évoluer la mesure ?” présidé par Annie Fouquet, 1999.

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Dans ces conditions, l’intermédiation publique sur le marché du travails’inscrit dans des dynamiques locales complexes. Si le service publicde l’emploi (SPE) joue un rôle majeur de coordination et d’orientationdes initiatives en faveur de l’emploi, son action doit être appréhendéeà la lumière du rôle des agents locaux dans la mise en œuvre de cespolitiques 63. En outre, il n’est pas rare que l’action de l’État soit concur-rencée localement par les initiatives de collectivités territoriales qui ontfait de l’emploi une priorité, mais qui adoptent des modes d’interven-tion plus ciblés que ceux du SPE. Ainsi, la pluralité des segmentationsqui se construisent localement renvoie non seulement aux caractéris-tiques des marchés locaux du travail, mais également aux diversesformes institutionnelles d’intermédiation en présence, qui le plus sou-vent épousent, voire amplifient les exigences des employeurs, sanstoujours parvenir à les infléchir 64.

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(63) Bessy (C.) Duvernay(E.), Gomel (B.), Simonin (B.), “Les politiques publiquesd’emploi : le rôle des agents locaux”, “Cahiers du CEE”, n° 34, 1995.(64) Verdier(E.), “Quelques commentaires au texte : Les politiques publiquesd’emploi, le rôle des agents locaux”, “Cahiers du CEE”, n° 34, 1995 ainsi que Legay(A.), Monchatre (S.), “L’ANPE à l’épreuve du local”, “Travail et Emploi”, n° 81, 2000.

Encadré 4

Mobilité de reconversion, compétenceet déterminants de réaccès à l’emploi 1

La segmentation spatiale des marchés du travail a des répercussions surl’ajustement entre l’offre et la demande de travail. Du côté de l’offre de tra-vail, la composition des marchés locaux du travail se répercute sur larecherche d’emploi à travers la contrainte de coûts de déplacement vers leslieux de travail et les contraintes spatiales d’accès aux opportunités d’em-ploi.

Dans une première partie, le rapport du GATE focalise son attention sur l’im-pact des contraintes spatiales rencontrées par les chercheurs d’emploi surla probabilité de retour à l’emploi, la durée du chômage et la qualité desemplois retrouvés 2.

À l’instar des travaux empiriques américains ou hollandais traitant du “spa-tial-mismatch”, l’analyse met en évidence le caractère particulièrement dis-

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criminant de la distance aux emplois, de la structure familiale et des moyensde déplacement de chômeurs dans les chances d’accès à l’emploi.

Dans une deuxième partie, le rapport traite des trajectoires de reconversiondes demandeurs d’emploi. L’analyse de la mobilité de reconversion permetainsi d’approfondir la connaissance, tant des trajectoires individuelles sur lemarché du travail, que du rôle des comportements des salariés et des entre-prises dans la construction des mobilités professionnelles. L’étude met enévidence l’influence sélective des dispositifs d’aide au reclassement sur laprobabilité de réinsertion. Des trajectoires types selon la qualité des par-cours de mobilités sont construites. Elles permettent l’analyse de l’influencedes caractéristiques individuelles, des durées de chômage et de la forma-tion dispensée dans le dispositif sur les probabilités d’accès à chacun de cesparcours types.

Le travail du GATE s’est concentré sur l’évaluation de l’impact des conven-tions de conversion sur la durée de chômage et les trajectoires des deman-deurs d’emploi . Les résultats révèlent que l’accès au dispositif est sélectif etles effets varient selon les groupes d’individus. Le passage par une conven-tion semble plus bénéficier aux jeunes et aux femmes. L’analyse des trajec-toires de réinsertion montre que les conditions de retour à l’emploi dépen-dent largement de caractéristiques individuelles (âge, sexe) et du passé pro-fessionnel. Le retour à l’emploi se manifeste avec des modalités différentesd’une région à l’autre. En Ile-de-France, la réinsertion est plus rapide et lesemplois retrouvés sont plus durables. La formation suivie par la conventiona aussi un effet positif sur la qualité de la réinsertion. L’effet de conventionsur la durée de passage par le chômage semble moins évident. Les résul-tats concernent un échantillon particulier, probablement non représentatif del’ensemble des chômeurs licenciés. Ils font cependant apparaître qu’unciblage plus étroit du dispositif, assorti des incitations appropriées, aurait puréduire sensiblement la durée de chômage des adhérents.

(1) Rapport d’études du GATE commandité par le Commissariat général du Plan.(2) Les résultats économétriques ont été réalisés à partir de l’enquête“Trajectoires des demandeurs d’emploi et marchés locaux du travail” duministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité.(3) Ce travail est fondé sur la même enquête que ci-dessus et une enquêtecomplémentaire spécifique auprès d’individus adhérant à une convention deconversion : “Trajectoires des adhérents à une convention de conversion”. Cetteenquête s’est déroulée dans trois régions. Les deux enquêtes ont une communeméthodologie et date de réalisation.

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Encadré 5

Effets de génération : le rôle respectif de l’éducation,du marché du travail et des transferts 1

Le projet vise à obtenir une meilleure compréhension des facteurs qui jouent surl’évolution de la mobilité intergénérationelle et permettre une lecture plus nor-mative de ces déterminants. L’étude s’inscrit dans une perspective internationa-le de comparaison de l’efficacité des politiques publiques en matière de mobi-lité. Suivant John Roemer, on veut savoir dans quelle mesure les politiquespubliques réalisées se rapprochent d’un objectif d’égalité des “opportunités”.On parlera d’une égalité complète des “opportunités” si les distributions derevenus sont identiques pour des individus venant d’origines sociales diffé-rentes. En quoi les systèmes de transferts (impôts sur le revenu et transfertssociaux) contribuent-ils à cette égalisation ?Cette analyse a été conduite dans plusieurs pays. Les résultats révèlent quedans les pays nordiques, les Pays-Bas et l’Allemagne de l’Ouest, le systè-me des transferts et de taxes irait au-delà d’une politique d’égalisation desopportunités optimales. En Belgique, l’écart serait minime et dans les autrespays (États-Unis, Grande-Bretagne, Italie) le système de transfert serait endeçà de la politique optimale d’égalisation des opportunités.L’équipe de recherche de Théma a commencé pour la France une étude del’effet pur des transferts laissant de côté pour l’instant le rôle respectif de l’é-ducation et du marché du travail 2. Quatre groupes sont étudiés : les filsd’agriculteurs, les fils d’ouvriers, les fils d’employés ou professions intermé-diaires, les fils de commerçants, artisans, cadres ou professions libérales.Avant impôt, on peut dire que la hiérarchie des revenus suit d’assez près la hiérar-chie sociale usuelle. Après différents modes de calculs des effets de l’action redis-tributive de l’État, il demeure qu’il vaut mieux naître fils de cadre ou fils de corpsintermédiaire que fils d’ouvrier ou d’agriculteur. Par contre la comparaison estimpossible entre les deux catégories “favorisantes” et les deux catégories “handi-capantes”.La redistribution française n’est donc pas optimale dans une perspective d’é-galité des chances. Mais la redistribution a un coût en termes d’efficacité sielle réduit l’incitation à travailler. Les calculs faits montrent que, grossomodo, la taxation qui établirait des chances optimales, compte tenu descontraintes d’incitation, serait deux fois plus lourde. Sur le plan de l’efficacitérelative, la France se comporte de façon médiocre, puisqu’elle fait moinsbien que tous ses autres partenaires, à l’exception des États-Unis et del’Italie.(1) Rapport intermédiaire de l’étude Théma commanditée par le Commissariatgénéral du Plan.(2) Les données utilisées proviennent de l’enquête Budget des familles réaliséepar l’INSEE en 1994. Pour minimiser les effets de cohorte, l’étude ne porte que

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Deuxième partie

En quoi les trajectoiresdes personnesse modifient-elles ?

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Les travaux portant sur les carrières d’actifs ayant plus de trente ansd’expérience rendent essentiellement compte du devenir de généra-tions nées avant les années 1960 65. Tous s’accordent pour soulignerles transformations des conditions de déroulement des carrières aucours des “Trente Glorieuses”, à savoir : des carrières tout à fait avan-tageuses pour les générations nées pendant la Seconde Guerre mon-diale, des disparités entre hommes et femmes qui s’estompent pro-gressivement, une baisse des mobilités promotionnelles à partir dumilieu des années 1970, l’importance prise par les passages par lechômage pour les générations les plus jeunes. Ces points serontd’abord développés.

Mais on ne sait pas grand-chose des carrières des générations néesaprès 1960 et entrées sur le marché du travail après 1980 par manquede recul suffisant. Faute d’une vision unifiée des trajectoires en pério-de récente, on est amené à examiner quelques points permettant d’ap-préhender des évolutions en cours et comprendre des transformationspossibles. L’approche reste très largement descriptive. Beaucoupd’éléments manquent dans une compréhension des trajectoires. Lescontextes sociaux et professionnels dans lesquels se meuvent les indi-vidus sont largement absents de toutes les grandes enquêtes statis-tiques. Seuls des travaux plus qualitatifs ou des enquêtes sur lespopulations restreintes prennent en compte ces environnements et lesressources personnelles ou professionnelles que les individus mobili-sent pour gérer leur devenir professionnel... ou le subir.

Après examen, dans une première partie, des effets de génération surles carrières, deux évolutions seront tout particulièrement prises enconsidération.

(65) Goux (D.), “Coup de frein sur les carrières”, “Économie et Statistiques”, n° 249,INSEE, 1991 ; Chenu (A.), “De recensement en recensement, le devenirprofessionnel des ouvriers et des employés”, “Économie et Statistiques”, n° 316-317, INSEE, 1998 ; Chauvel (L.), “Le destin des générations”, Le Lien social, PUF,1998.

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La première évolution réside dans une diversification des trajec-toires. Les trajectoires des individus ne semblent pas pouvoir seréduire à quelques cas simples. Les trajectoires se diversifient à unniveau intra et inter individuel. Elles peuvent combiner au cours d’unevie active des mobilités ascendantes, des mobilités horizontales ausein d’une même catégorie socioprofessionnelle, des mobilités à unmême niveau professionnel mais se traduisant pas des changementsde conditions d’emploi ou de salaire, des périodes de précarité, desreconversions, etc. Un écart se creuse entre les changements d’em-ploi nombreux de certains professionnels de haut niveau de formationet ceux qui tendent à être enfermés dans des changements d’emploiliés à l’extension de la précarité. Cette diversification entraîne proba-blement une plus grande variabilité des rémunérations. Elle impliqueune plus grande souplesse des dispositifs accompagnant ces trajec-toires, ne serait ce que pour en limiter le coût individuel. Elle impliquedes organisations particulières de la formation tout au long de la vie.

La deuxième concerne la recomposition des différentes étapesde la vie active et les effets de genre. Les étapes traditionnelles del’insertion à l’issue de la formation, de la stabilisation dans l’emploi, dela progression professionnelle, puis de la fin de carrière, semblentdans certains cas ne plus être pertinentes. Notamment, un change-ment important réside dans le développement d’insertions anticipéespuis de reprises d’études que l’on peut constater depuis plusieursannées.

Les mobilités des femmes sur le marché du travail se transformentégalement et on observe que certaines différences entre hommes etfemmes tendent à se réduire.

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Carrières et générations

Les études sur les mobilités se sont généralement attachées à mettreen évidence les relations entre les changements de statuts d’emploi etles caractéristiques des salariés (sexe, âge, catégorie socioprofes-sionnelle, niveau d’éducation, expérience professionnelle acquise…)mais la connaissance de leur évolution sur une période longue faitdéfaut.

Plusieurs images fortes structurent aujourd’hui l’idée que l’on se faitdes évolutions de la mobilité professionnelle. Paru voilà quelquesannées, l’article de Dominique Goux, “Coup de frein sur les carrières”,fait apparaître au tournant des années 1973 un changement structurelde la mobilité : la mobilité ascendante, et donc les chances de “pro-motion sociale” des nouvelles générations, se seraient considérable-ment réduites. En parallèle, tous les travaux montrent l’importancecroissante du passage par le chômage et l’accroissement des mobi-lités géographiques.

Différents auteurs comme Louis Chauvel, Alain Chenu ou SergePaugam s’accordent pour dire que les générations nées pendant laSeconde Guerre mondiale ont été dans l’ensemble plus favoriséesque les plus anciennes et les plus récentes. Ce serait des générationsatypiques correspondant à un passage par un “point d’inflexion”. Celasignifie que dans le cadre d’une réflexion prospective, il conviendraitde s’attacher à bien comprendre les mobilités et les trajectoires pro-fessionnelles des générations nées à partir des années 1970. Pourconduire cette analyse, une difficulté réside toutefois dans le fait quenous sommes encore influencés par une culture dominante des géné-rations 1950 et 1960, très profondément marquée par le modèle de lapromotion sociale et d’un fonctionnement favorable du marché du tra-vail des “Trente Glorieuses” (prégnance des marchés internes, desmobilités ascendantes fortes et de la promotion sociale).

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Trois sources françaises ont été mobilisées par les chercheurs poureffectuer des études de trajectoire professionnelle : l’échantillon démo-graphique permanent (EDP) qui couvre les individus présents dans lesrecensements de 1968 à 1990, l’enquête “Carrière et mobilité” de 1989(enquête complémentaire à l’enquête Emploi de 1989) et la construc-tion de cohortes à partir des enquêtes Emploi et des enquêtes FQP de1964 à 1993. Compte tenu des dates, on ne peut étudier des trajec-toires d’au moins dix ans que sur les individus nés avant 1965. Cesenquêtes produisent des résultats importants sur les cohortes qui sontentrées sur le marché du travail jusqu’en 1975 environ. Elles rendentcompte des transformations radicales qui s’opèrent au cours de lapériode économique 1945-1975.

Retenons quelques résultats forts tirés des principaux travaux produitsà partir de ces sources.

À partir des générations nées entre 1920 et 1965, Louis Chauvel 66

montre que les chances d’accès aux catégories de cadres et de pro-fessions intermédiaires se sont accrues très fortement pour les géné-rations nées entre 1935 et 1945. Elles régressent ou stagnent ensui-te, soulignant le côté très particulier de ces générations qui ont pleine-ment profité de l’expansion économique des années 1960 à 1970.Louis Chauvel met en évidence en même temps que les conditionsd’accès à l’emploi avant trente ans marquent fortement la trajectoireultérieure des individus.

Ceci recoupe d’autres travaux qui ont montré le poids de la conjonc-ture économique dans les conditions d’accès à l’emploi et les stig-mates que cela crée. N’a-t-on pas parlé de la “génération sacrifiée”des jeunes entrés sur le marché du travail entre 1984 et 1987 ?

Avec l’enquête “Carrière et mobilité” de 1989, est étudié le devenir despersonnes nées entre 1930 et 1959. Le travail principal conduit parDominique Goux en 1991 concerne les personnes qui ont débuté leurcarrière avant 1960, afin d’étudier les trajectoires professionnelleslongues (30 ans). Goux montre l’incidence des transformations éco-nomiques qui interviennent après 1973 sur les carrières, selon que lesindividus sont entrés sur le marché du travail avant ou après 1960 :forte baisse de la mobilité promotionnelle accentuée pour les moinsdiplômés et les moins qualifiés. D’où le titre : “Coup de frein sur les

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(66) Chauvel (L.), “Le destin des générations”, op cit.

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carrières” qui caractérise parfaitement ce qu’il est advenu à ces géné-rations.

Les quelques résultats avancés ne diffèrent pas de ceux apportésdepuis par Louis Chauvel. Les travaux de Philippe Lemistre à partir del’enquête “Jeunes et carrières” confirment les résultats de DominiqueGoux pour deux cohortes composées d’individus âgés de 30 à 37 anset de 38 à 45 ans en 1997 qui ont au moins 7 ans de carrière 67.

Troisième matériau, l’échantillon démographique permanent (EDP)donne la situation professionnelle des individus présents dans lesquatre recensements de 1968, 1975, 1982 et 1990. On a donc, pourles individus les plus âgés, quatre photos de leur situation profession-nelle aux quatre dates. Étudiant plus finement le devenir des ouvrierset des employés, Alain Chenu parvient à des conclusions voisines desautres auteurs : baisse des mobilités promotionnelles, disparitéshommes-femmes très fortes en début de période, qui tendent à seréduire progressivement, importance prise par le passage en chôma-ge des générations les plus jeunes, carrières tout à fait privilégiées desgénérations nées pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les travaux qui viennent d’être évoqués ont été effectués au cours desannées 1990. Leurs conclusions ont progressivement imprégné notreculture collective et l’image que nous nous faisons de la transforma-tion des carrières professionnelles. Mais ces travaux portent sur desgénérations anciennes étudiées à des périodes de transformationsprofondes des systèmes éducatif et économique. On sait peu dechoses sur la carrière professionnelle des générations nées après1960 et entrées sur le marché du travail après 1980. Or, compte tenudes transformations intervenues depuis sur la réduction des lignes hié-rarchiques, l’élargissement des activités et des fonctions demandéesaux individus (poly-compétence…) ou la diversité des statuts d’emploi,l’analyse des trajectoires va requérir des méthodes d’analyse diffé-rentes de celles des périodes antérieures fortement polarisées par l’é-tude des mobilités promotionnelles. Ces études seront d’autant plusdélicates à mener qu’elles se situent dans un contexte de catégorisa-tions statistiques et de nomenclatures inchangées depuis vingt ans.

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- Carrières et générations -

(67) Une nouvelle enquête “Carrière et mobilité”, construite pour étudier nonseulement les carrières longues (30 ans) mais aussi les carrières qui ne sont pasencore achevées (15 ans de vie active par exemple), serait d’une grande utilitépour comprendre les trajectoires professionnelles des générations entrées sur lemarché du travail depuis le début des années 1980.

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Quelle différenciationdes carrières professionnelles ?

Au cours des décennies 1980 et 1990, le développement des statutsd’emplois précaires et les profondes restructurations des entreprisesindustrielles ont provoqué une augmentation des mouvements d’en-trée et de sortie sur le marché du travail. Les formes des trajectoiresdes individus ont très certainement été profondément modifiées. Oùen est-on de ces évolutions ? Se sont-elles stabilisées ? Ou va-t-onvers plus de mobilités en cours de carrière ?

Le maintien des filières promotionnelles dominantes

Les travaux de Simone Chapoulie 68 montrent sur ce point une certai-ne continuité. L’accroissement des mobilités des hommes et desfemmes s’effectue toujours dans le cadre de parcours ascensionnels.Ceux-ci sont rendus possibles par l’accroissement des emplois decadres et de professions intermédiaires, qui autorise les recrutementsde jeunes générations sans affecter les promotions en cours de vieprofessionnelle. Toutefois, les catégories ne se renouvellent pastoutes de la même façon et se distinguent par leur mode de renouvel-lement en interne ou en externe.

Les filières promotionnelles se caractérisent par des trajets courts(accès à une catégorie proche) et empruntent trois grandes voies :

– La voie de la promotion technique, qui conduit les ouvriers à la maî-trise ou aux emplois de techniciens, et les agents de maîtrise ou lestechniciens au statut cadre.

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(68) Chapoulie (S.), “Une nouvelle carte de la mobilité”, op. cit.

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– La voie administrative, qui mène les employés vers les professionsintermédiaires (PI) et les PI vers les cadres.

– La mise à son compte, qui constitue un débouché fréquent pour denombreuses catégories, notamment ouvrières (entre 1988 et 1993,près de 5 % des ouvriers qualifiés se sont mis à leur compte).

Il faut toutefois distinguer ici les carrières des femmes et des hommes.Les mobilités ascendantes chez les femmes en cours de carrière sontmodérées par rapport à celles des hommes. L’exemple de l’accroisse-ment des effectifs de femmes cadres (+ 33 % des effectifs entre 1988et 1999) est assez significatif à cet égard : cette progression est dueessentiellement à l’entrée de jeunes diplômées, témoignant d’un cloi-sonnement très marqué des marchés du travail des débutants et desactifs déjà insérés 69. Au final, deux fois moins de femmes qued’hommes sont passées, en cinq ans, des professions intermédiairesà cadres, ou des employés aux professions intermédiaires.

Enfin, il importe de souligner que la mobilité descendante augmenteégalement. Chez les hommes, la fréquence des transitionsemployé/ouvrier s’accroît, témoignant d’une démarcation moins netteentre ces deux types d’emplois. L’accroissement est particulièrementfort pour les employés administratifs d’entreprise, dont 9 % sont deve-nus ouvriers en 1993 (contre 3 % dans FQP 1985). De même, la fré-quence des passages de la catégorie “artisan, commerçant, chef d’en-treprise” à celle d’ouvrier double entre l’enquête FQP de 1993 et cellede 1985, témoignant de la fragilité de la mise à son compte en pério-de économique médiocre. Enfin, les passages cadres-professionsintermédiaires (PI) (5 % des cadres en 1988 se déclarent PI en 1993)résultent le plus souvent de reconversions industrielles et de déclas-sements, mais ces derniers sont relativement rares.

Chez les femmes en revanche, la fréquence des mobilités descen-dantes s’est accrue de façon plus marquée : elle était globalementinférieure à 2 % en 1985 et est montée à 6 % en 1993. Les sorties dela catégorie cadre sont particulièrement importantes pour les femmesdes professions intellectuelles ou artistiques et les peu diplôméesayant exercé en PME. Les femmes des professions intermédiaires ontdavantage de risques de régression que de chances de promotions,

- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

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(69) Polh (R.), Soleilhavoup (J.), “Insertion des jeunes et mobilités de moinsjeunes”, “Économie et Statistiques”, n° 134, INSEE, 1991.

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en particulier quand elles sont peu diplômées, filles d’ouvriers ou d’em-ployés, ceci en dépit de la mobilité géographique qu’elles ont connue.Les travaux d’Isabelle Bertaux-Wiame pour le Commissariat généraldu Plan (cf. encadré “Mobilités professionnelles, trajectoires socialeset genre”) confirment par ailleurs que les femmes, en dépit des négo-ciations professionnelles et conjugales qui cherchent à prévenir cesrisques, supportent davantage les coûts de la mobilité géographiquede leur conjoint qu’elles n’en tirent de bénéfices pour leur carrière.

Il reste que globalement, la mobilité géographique continue d’êtrefavorable à la promotion professionnelle 70. Cette tendance se vérifieà partir des données de l’échantillon démographique permanent entre1968 et 1990. Ainsi, les probabilités de promotion des salariés sedéplaçant vers le grand urbain sont globalement plus élevées quecelles des salariés qui restent dans la même aire urbaine pour unepériode donnée. Les déplacements vers le “grand urbain” favorisentl’accès des membres des professions intermédiaires aux fonctionsd’encadrement, de même que l’accès à la catégorie employé des plusdiplômés des ouvriers.

Un mouvement profond de différenciation des carrières

Si les grandes formes de mobilités masculines ou féminines tendent às’inscrire dans une certaine continuité, un certain nombre d’indiceslaissent supposer qu’une différenciation plus grande des trajectoiresprofessionnelles se dessine. En effet, si la période dite des TrenteGlorieuses a été marquée en France par un mouvement dominantd’unification de la condition salariale, on assiste depuis le début desannées 1980, à une montée de l’individualisation du traitement dessalariés. Si les effets de cette individualisation restent difficiles à mesu-rer, il n’en reste pas moins que de nouvelles formes de segmentationsde l’emploi sont à l’œuvre.

De même, le développement de formes particulières d’emploi partici-pe à la discontinuité des parcours professionnels, mais il reste difficiled’en évaluer les effets longitudinaux sur les trajectoires et les carrières.

- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

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(70) Brutel (C.), Jegou (M.), Rieu (C.), “La mobilité géographique et la promotionprofessionnelle des salariés : une analyse par aire urbaine”, op. cit.

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Quelle différenciation des carrières salariales ?La différenciation des carrières salariales n’est pas indifférente à ladifférenciation du tissu productif que nous avons évoquée en premiè-re partie. La déstabilisation des marchés internes, le développementd’entreprises en réseau, contribuent à désarticuler les logiques secto-rielles d’unification de la condition salariale. De plus, la politique sala-riale se décentralise et se définit de plus en plus au niveau des entre-prises. C’est à elles qu’il appartient désormais de procéder à leurpropre classification des emplois, sur la base des critères définis parla branche 71. En cela, les politiques salariales se différencient etdeviennent des instruments de gestion du personnel destinés à stimu-ler la productivité des salariés 72.

Ainsi, l’individualisation pratiquée dans les entreprises se manifesteautant au niveau des modes de fixation des salaires qu’au niveau desclassifications. Elle se traduit très concrètement sur le plan salarial parun recul des augmentations générales au profit des augmentationsindividuelles 73. Ces logiques d’individualisation ne permettent pas d’é-radiquer le rôle de l’ancienneté dans la valorisation du travail 74. Enrevanche, elles constituent un nouveau référent des politiques de ges-tion de la main-d’œuvre, susceptible de générer de nouvelles seg-mentations du marché du travail.

On observe par ailleurs un ralentissement de la mobilité au sein de lahiérarchie salariale. La probabilité de demeurer dans un décile donnéde la distribution des salaires s’est accrue par rapport aux années

- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

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(71) Besucco (N.), Tallard (M.), “L’encadrement collectif de la gestion descompétences : un nouvel enjeu pour la négociation de branche ?”, “Sociologie duTravail”, 41-2, 1999 et Jobert (A.), “Les espaces de la négociation collective,branches et territoires”, Toulouse, Octares, 2000.(72) Gazier (B.), “Les stratégies des ressources humaines”, La Découverte, coll.Repères, 1993.(73) INSEE, “L’évolution des salaires jusqu’en 1998” , “Synthèses”, n° 42, 2000.(74) Plusieurs travaux convergent sur ce point, notamment Eustache (D.),“Politique salariale, régulation et échange social”, “Revue française de sociologie”,n° 42-2, 2001 ; Baraldi (L.), Durieux (L.), Monchatre (S.), “La gestion descompétences : quelle individualisation de la relation salariale ?”, in Brochier (D.)(coord.), “La gestion des compétences : acteurs et pratiques”, Economica, 2002, etLemistre (P.), “Nouvelles stratégies des entreprises et carrières salariales. Versune nouvelle segmentation du marché du travail ?”, communication au congrès del’AGRH, Nantes, 2002.

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1970 75. Tout se passe comme si les situations salariales passéespesaient sur les progressions de carrière ultérieures : ainsi, la qualitéde la première insertion professionnelle influence fortement la rémuné-ration ultérieure chez les jeunes 76. À l’arrivée, les carrières salarialessont moins ouvertes qu’avant et les disparités salariales s’accentuent :les mouvements seraient moins liés à des modifications de la hiérar-chie salariale qu’à des caractéristiques individuelles.

La variable du genre n’est par ailleurs pas neutre sur les différentielsde rendements des mobilités professionnelles. Véronique Simonnet 77

a proposé sur ce point un éclairage important, tiré de l’enquêteCarrières de 1989. Son apport concerne le petit échantillon des per-sonnes âgées de 30 à 35 ans à la date de l’enquête, entrées sur lemarché du travail avant 1974 et actives occupées en 1974, 1981, et1989. Ce sous-échantillon très réduit (on a éliminé tous les individusau chômage à l’une des trois dates) montre la différence de rentabilitéde la mobilité entre hommes et femmes : une trop forte mobilité exter-ne pénalise plus les hommes que les femmes. C’est l’inverse dans lecas de la mobilité interne 78. Le rendement de l’éducation est plus faiblechez les femmes que chez les hommes.

Signalons enfin que les différences de salaires observées ne dépen-dent pas uniquement de la qualification, de l’âge, du diplôme ou dusexe. Elles sont aussi fonction de la façon dont les salariés accumu-lent leur expérience professionnelle. Retarder son entrée dans la vieactive, interrompre sa carrière, privilégier l’ancienneté dans une entre-prise ou la mobilité sont autant de déterminants dans l’analyse desdifférences de rémunérations. Les salariés cumulant au moins deuxans d’interruptions exercent plus souvent les professions les moinsqualifiées. De façon générale, leurs revenus sont nettement inférieurs

- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

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(75) Fougère(D.), Kramarz(F.) , “Inégalités économiques”, rapport du CAE n° 33,La Documentation française, 2001.(76) Forgeot (G.), “Les salaires d’embauche des jeunes : l’influence du statut aupremier emploi”, “Économie et Statistique”, n° 304-305, 1997 et Le Minez (S.),Roux (S.), “Les différences de carrière à partir du premier emploi”, “Économie etStatistique”, n° 351, 2002.(77) Simonnet (V.) , “Mobilité professionnelle et salaire : des différences entrehommes et femmes”, “Économie et Statistique”, n° 299, INSEE, 1993.(78) Notons que ces résultats sont corroborés par l’analyse des carrières salarialesfaite par Bayet (A.) à partir d’une source très différente, l’enquête “Structures dessalaires 1992” de l’INSEE.

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à ceux des salariés ayant une carrière continue, y compris pour descatégories homogènes comme les ouvriers hommes ou lesemployées. Une interruption prolongée de carrière est négative pour lesalaire des ouvriers, alors qu’elle ne le sera pas forcément pour celuides employées ; les femmes capitalisent ainsi des expériences nonprofessionnelles qui leur sont en partie reconnues 79.

Incidence de la précarité sur les trajectoires professionnellesLe phénomène des mobilités descendantes pose plus généralement laquestion des types de transitions qui ont lieu sur le marché du travail.Les mobilités professionnelles s’inscrivent beaucoup moins qu’avantdans le schéma de transitions simples de l’emploi vers l’emploi. Onobserve de plus en plus de mobilités “à risques”, comportant des pas-sages par le chômage, qui sont fortement sensibles à la conjonctureet plus ou moins durables, et qui posent la question du maintien dansl’emploi. De fait, ce risque est concentré sur les populations les moinsqualifiées, même quand elles possèdent une certaine ancienneté,ainsi que sur les plus jeunes 80.

Il est difficile d’appréhender les effets de cette expérience du chôma-ge sur les parcours des actifs. Au fil du temps, le risque se diffuse-t-ilou au contraire se concentre-t-il ? L’existence d’un chômage récurrentrisque-t-elle de conduire à l’enfermement de certaines catégories dansla précarité, voire à des trajectoires d’exclusion ? La question estimportante car la progression des emplois “atypiques” (CDD, intérim,contrats aidés…) accentue le risque de connaître plusieurs épisodesde chômage au cours d’une vie professionnelle. À la fin des années1990, près d’un tiers des français déclare avoir vécu au moins unepériode de chômage au cours des dix dernières années et la part deceux qui ont vécu au moins trois périodes de chômage augmenteconstamment 81. De plus, on sait que sur le marché du travail, le pas-sage par le chômage constitue un signal négatif, et ceci d’autant plusqu’il résulte d’un licenciement individuel (travaux du GATE). Le déve-

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- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

(79) Bayet (A.), “Carrières continues, carrières incomplètes et salaires”, “Économieet Statistiques”, n° 299, INSEE, 1996.(80) Amossé (T.), “Vingt-cinq ans de transformation des mobilitésprofessionnelles”, op. cit. (81) Voir sur ce point les enquêtes sur l'opinion des Français publiées dans lesCahiers du CREDOC, notamment 171/1996 et 181/1997.

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loppement du chômage de longue durée soulève enfin la question des“trappes à inactivité” 82.

L’enquête “Trajectoires des demandeurs d’emploi” (TDE) menée par laDARES a permis de suivre pendant près de trois ans une cohorte denouveaux inscrits à l’ANPE en 1995. Cette enquête montre que lequart de ces nouveaux inscrits retrouve un emploi rapidement (dansles six mois) et se maintient durablement dans l’emploi par la suite,tandis que 15 % se retirent dans l’inactivité ou la formation 83. Pour les60 % restants, la recherche d’emploi reste une préoccupation domi-nante. Ils se répartissent en effet dans des situations de chômagerécurrent (29 %), de longue durée (27 %), ou encore de “chômageavec activité irrégulière” (4 %).La question qui se pose est celle de la réversibilité de ces expériencesdu chômage, sachant qu’il s’agit d’un phénomène difficile à appréhen-der sur une période d’observation de trois ans. Ainsi par exemple, parmiles “chômeurs récurrents” mis en évidence par l’enquête TDE, 17 % seréinsèrent rapidement, mais ceux qui restent en chômage au cours del’enquête connaissent des parcours très diversifiés, allant de la recon-version professionnelle à la maternité, en passant par la quête de sta-bilisation ou au contraire le retrait progressif du marché du travail 84.Inversement, le maintien en activité ne garantit pas toujours les res-sources nécessaires à l’autonomie. Carole Tuchszirer 85 montre ainsi

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- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

(82) Benarrosh (Y.), Gurgand (M.), Margolis (D.), Mathey-Pierre (C.), Waysand(E.), “Les trappes à inactivité à l’épreuve des fait”, CEE, rapport pour leCommissariat général du Plan, 2000.(83) La classification d’itinéraires présentée ici est proposée par Canceill (G.) etHuygues Despointes (H.) “L’inscription à l’ANPE et après : itinéraires dechômeurs”, “Premières Informations, Premières Synthèses”, n° 37.1, DARES ,septembre 1999.(84) C’est ce que montre la confrontation des résultats de l’enquête aux entretiensbiographiques. Rappelons que les “chômeurs récurrents” ont travaillé avant leurinscription à l’ANPE, ont retrouvé un emploi au cours de l’enquête, puis ont ànouveau connu le chômage au cours des trois années d’observation ; Pignoni (M.-T.), Poujouly (C.), “Les parcours de chômeurs récurrents. Une comparaison detypologies quantitatives et de récits biographiques”, Actes des 6es Journéesd’études CEREQ-LASMAS-IdL-CER Groupe ESC Clermont, Clermont-Ferrand, 27et 28 mai 1999, “Insertion, transition professionnelle et identification de processus”.(85) “L’impact de l’assurance-chômage sur les normes d’emploi et de salaire :l’inéluctable dérive vers les activités réduites”, “Revue de l’IRES”, n° 33, 2000/2.

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que le chômage avec activité réduite risque de favoriser des “trappesà sous-emploi et à bas salaires”. De fait, les expériences du chômageont des incidences importantes sur les niveaux de revenus desdemandeurs d’emploi. On sait, toujours à partir de l’exploitation del’enquête TDE, qu’une fois sur quatre, le passage par le chômage s’ac-compagne de revenus fortement décroissants ou durablement bas 86.Le passage par le chômage long, qui frappe plus du quart de la cohor-te, s’accompagne ainsi d’une chute des revenus entre 1994 et 1996supérieure à 30 %, ce qui implique l’intervention de nouveaux apportsde ressources voire une forte réduction des dépenses. Toutes les mesures d’aide à l’emploi sont ciblées sur une gamme largede publics en difficulté de tous âges, même si les jeunes, les femmesou les moins qualifiés sont sur-représentés. Il est cependant impos-sible actuellement d’apprécier la part de la population active qui setrouve rapidement enfermée dans des trajectoires longues de préca-rité, de chômage ou d’inactivité, ni même de savoir comment cette pro-portion évolue dans le temps.Il est très peu vraisemblable que cette situation puisse se régler uni-quement dans le cadre d’une meilleure conjoncture économique oud’un meilleur fonctionnement du marché du travail. Les processus dedésaffiliation, pour reprendre l’expression de Robert Castel, emprun-tent en effet des chemins d’une grande complexité, croisant non seu-lement la dimension du travail mais également celles de l’éducation,l’environnement familial et relationnel, la santé ou l’habitat.

Trajectoires et formation tout au long de la vie

Une formation tout au long de la vie ambivalenteSur longue période, le poids et le rôle de la formation continue dans lavie des individus se sont très profondément transformés. D’un modè-le dominant de l’initiative individuelle en matière d’entrée en formationpour permettre une promotion sociale (années 1960), on est passé,avec la loi de 1971, à un modèle extensif comprenant des formations

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- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

(86) Canceill (G.), Huygues Despointes (H.), “Passage par le chômage etdynamique des revenus”, “Premières Informations, Premières Synthèses”, n° 04.3,DARES, janvier 2002.

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nombreuses et courtes destinées à l’adaptation des salariés auxpostes de travail. Entre 1970 et 1993, les mobilités verticales quiaccompagnaient les actions de formation continue ont largement dis-paru. Dominique Goux et Éric Maurin ont, en s’appuyant sur l’enquêteFQP 1993, effectué une analyse du salaire et ont montré qu’un chan-gement radical de l’usage de la formation dans l’entreprise était entrain de s’opérer, le gain salarial devenant minime. Il existe bien unerelation entre formation continue et bénéfice salarial, mais ces auteursmontrent que cette relation est largement induite par l’appartenancedes formés à des entreprises dont la politique salariale est plus géné-reuse que celle des autres entreprises.La formation continue s’adresse en premier lieu aux salariés les mieuxinsérés dans l’entreprise ou ceux dont l’entreprise anticipe la fidélité. Lamobilité externe des formés est très inférieure à celle des non-formés.En 1993, 31 % de ceux qui n’ont pas reçu une formation à une datedonnée ont quitté l’entreprise contre 5 % de ceux qui ont suivi une for-mation. La formation continue renforce le lien entre les employeurs etles employés. Assistons-nous à un basculement complet du rôle de laformation continue : d’un modèle de promotion sociale des années1970 vers un modèle de gestion de la main-d’œuvre à court termerécompensant ou fidélisant les salariés ? Il semblerait plutôt qu’au for-midable développement qu’a connu la formation continue au cours desannées 1980 et 1990 est venu s’ajouter un nouveau modèle d’usage dela formation continue devenu dominant, sans pour autant faire dispa-raître l’ancien modèle de promotion sociale qui devient un modèledominé.

Pierre Béret et Arnaud Dupray 87, étudiant le rendement salarial de laformation continue et de la mobilité interne, confortent cette analyse.Ils parviennent à la même conclusion que les auteurs précédents.Pour eux, la formation continue occupe dans les années 1990 uneautre place dans le processus de construction des compétences indi-viduelles. La formation n’a pas d’effet salarial ou promotionnel, maisviendrait plutôt accompagner une augmentation salariale ou un chan-gement d’activité. L’effet salarial n’intervient qu’en cas de promotion oude changement de poste.

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- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

(87) Béret (P.), Dupray (A.), “La formation professionnelle continue : del’accumulation de compétences à la validation de la performance”, “Formation-Emploi” n° 63, juillet-septembre 1998.

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Le rendement salarial d’une promotion est identique, que l’individu aitsuivi ou non une formation 88. S’il en a suivi une, le rendement salarialest identique qu’il ait suivi cette formation avant ou après la promotion.Ceci montre clairement que la formation est un outil dans la construc-tion d’une trajectoire professionnelle. C’est bien l’action de promotionqui a un effet salarial et non la formation qui peut l’accompagner ounon. La situation est confirmée quand les auteurs analysent la relationentre changement de poste et recours à la formation continue. Le ren-dement salarial d’un changement de poste est intermédiaire entre lerendement d’une promotion et l’absence de changement de poste. Cerendement ne dépend pas du passage en formation. La formation faitpartie du processus de changement professionnel, elle le conditionnesans doute, mais elle n’a pas d’effet salarial en propre. C’est la répéti-tion du passage en formation continue qui conditionne sa valorisation.La formation fonctionne dans une logique de sélection ou de distinc-tion des salariés et d’accumulation progressive des compétences.

La formation est perçue pour la plupart des individus comme un inves-tissement utile pour leur carrière professionnelle. Ainsi, 60 % des sala-riés déclarent que “leurs besoins de formation pour leur vie profes-sionnelle future seront assez ou très importants”. D’un point de vuerétrospectif, depuis la fin de leurs études, 82 % des personnes préci-sent qu’au moins une formation a eu de l’importance pour leur vie per-sonnelle ou professionnelle.

Les analyses sont plus nombreuses et plus précises dans le cas desdispositifs publics de formation 89. Contrairement aux analyses portantsur l’usage de la loi de 1971 et le fonctionnement des plans de forma-tion des entreprises, les travaux de recherche et d’études sur l’effica-cité des dispositifs de formation publics sont beaucoup plus attentifs

(88) Les formations qui suivent les promotions ou les changements de poste sontdeux à trois fois plus nombreuses que les situations inverses (formations quiprécèdent la promotion ou le changement de poste). En outre, les formations quiprécédent la promotion ou le changement de poste sont des formations longuesalors que les formations qui suivent une promotion ou un changement de postesont de courte durée.(89) Berton (F.), Germe (J.-F.), Rapport de l’atelier “Mobilités professionnelles” duGroupe Prospective des métiers et des qualifications, 1999 ; Bouder (A.), Cadet(J.-P.), Demazière (D.), “Évaluation des dispositifs d’insertion pour les jeunes et leschômeurs de longue durée, un bilan méthodologique”, Document de synthèsen° 98, CEREQ, septembre 1994.

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aux liens entre objectifs, organisation, fonctionnement de chaque dis-positif de formation d’une part, et résultats obtenus en fonction descaractéristiques sociodémographiques et aux attentes des publics quiy ont recours, d’autre part.

Chaque domaine disciplinaire (économie, sociologie, pédagogie) s’estemparé de l’objet “formation des adultes”, mais le raccordement entreles différentes approches pour rendre compte qualitativement et quan-titativement du rôle de la formation tout au long de la vie dans les tra-jectoires personnelles ou professionnelles des individus fait défaut 90.

Évolution du marché du travail et des comportements Plusieurs enquêtes statistiques permettent d’apprécier les effets de laconjoncture de l’emploi sur les comportements de court terme de lapopulation active (génération 1992 et 1998 du CEREQ, panel cadresde l’APEC, attitude des demandeurs d’emploi ou des salariés qui sou-haitent changer de métiers…). Très peu d’enquêtes rétrospectives oupar panel permettent de mesurer l’effet des évolutions du marché dutravail sur les manières dont les individus conduisent leurs parcoursprofessionnels.

Quelques travaux quantitatifs auprès de populations qui prennent l’ini-tiative de suivre une formation continue au CNAM apportent sur cepoint des informations intéressantes.

On dispose depuis le milieu des années 1990 d’une catégorisationopératoire des raisons ou “mobiles” qui conduisent les individus àsuivre une formation au CNAM pour faire évoluer leur parcours pro-fessionnel ou personnel 91. Cette catégorisation a été testée de façonquantitative 92. Ces travaux montrent comment les transformations

- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

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(90) Une approche macro-économique et sociologique de l’articulation entre uneformation continue (repérée par sa nature, son objet, sa durée, ses objectifs), lespublics qui y recourent (qui prend l’initiative : l’individu ou l’employeur ?) et leursattentes (pourquoi s’inscrire dans cette formation ?), le déroulement de la formation(a-t-elle correspondu aux attentes des individus ?), et les effets à court ou moyenterme, reste largement à faire.(91) Correia (M.), “Formation et promotion sociale, des liens qui se distendent”,“Actualité de la formation permanente”, n° 141, 1996.(92) Correia (M.), Pottier (F.), “Les publics du CNAM. Caractéristiquessocioprofessionnelles, parcours professionnels et raisons d’entrée en formation”,“L’orientation scolaire et professionnelle”, n° 4, 1999 ; Correia (M.), Pottier (F.), “Laformation tout au long de la vie : progression professionnelle ou adaptation auxcontraintes”, “Formation-Emploi” n° 71, juillet-septembre 2000.

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économiques et sociales intervenues depuis le milieu des années1970 93 ont conduit à un affaiblissement de l’idéologie de la promotionsociale, qui a été un moteur essentiel de la construction des trajec-toires professionnelles des individus pendant les Trente Glorieuses.

Trois types de raisons ou “mobiles” d’entrée en formation, développéspar Mario Correia, sont importants pour notre propos.Un groupe dit en “promotion sociale” caractérise les individus se défi-nissant un avenir volontariste et de long terme. Il est le plus en phaseavec l’idéologie de la promotion sociale. Les techniciens souhaitantdevenir ingénieurs par la voie de la formation continue en sont l’ar-chétype. On s’inscrit dans une logique de métier 94. Les enquêtesconduites ces dernières années montrent que cette catégorie estdevenue minoritaire.Un groupe important émerge aujourd’hui autour d’objectifs dits de“gestion rationnelle”. Ces individus sont pragmatiques. Pour eux, laréalité prime. Ils adaptent leur comportement aux opportunités oucontraintes de leur contexte professionnel pour en tirer le meilleurparti. La formation continue est un outil (parmi d’autres) pour atteindredes objectifs professionnels de court terme. Les individus “s’adaptent”au marché du travailEnfin, un groupe de dimension variable et fluctuant avec la conjoncturedu marché du travail se retrouve autour de raisons ou objectifs dits de“gestion sous contraintes”. Les trajectoires de ces individus sont mar-quées par la précarité ou le chômage. Leurs stratégies sont beaucoupplus défensives. La formation est un moyen de faire reculer la contrainte.Le danger écarté, les individus n’hésitent pas à suspendre leur formation. Dans le contexte ouvert par les besoins de recrutement des années àvenir, ce sont les deux premières catégories qui nous intéressent leplus. Que l’évolution du marché du travail redevienne propice à de lamobilité promotionnelle et l’on a toutes chances de voir remonter lapart des individus qui pourront se placer dans une logique de “promo-tion sociale”. Qu’à l’inverse, une profession ou un domaine profes-

(93) Correia (M.), Pottier (F.), “De la promotion sociale à la formation tout au longde la vie : l'évolution des parcours d'adultes en formation au CNAM”, in “Formationprofessionnelle continue : dynamiques individuelles”, Bruxelles, De BoeckUniversité, à paraître. (94) Germe (J.-F.), “Au-delà des marchés internes, quelles mobilités, quellestrajectoires ?", “Formation-Emploi” n° 76, octobre-décembre 2001.

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sionnel annonce des restrictions à long terme (on pense aux banquesou la fonction publique), alors les individus vont s’inscrire dans lesmobiles de gestion rationnelle à court terme.Dans l’un ou l’autre cas, le recours à la formation tout au long de la vieet ses usages sont tout à fait différents. Dans un premier cas, ils fautdévelopper des formations longues diplômantes. Dans le second, ilfaut promouvoir des formations courtes, diversifiées et certifiantes.

Encadré 6

Mobilités et construction des compétences individuelles :exploration méthodologique et essai de repérage statistique 1

Ce travail a eu pour objectif de questionner, sur un plan méthodologique etstatistique, les rapports entre mobilité professionnelle et construction descompétences individuelles. L’enjeu était de mesurer la portée des exigencescroissantes de mobilité dans les discours managériaux, en termes de déve-loppement des compétences et des espaces d’opportunité pour les indivi-dus.

Les hypothèses de départ reposent sur un schéma théorique mettant en rap-port trois grands déterminants du développement des compétences: desdéterminants subjectifs, induisant des initiatives individuelles en matière deformation ou de mobilité ; des déterminants organisationnels ou environne-mentaux, permettant le déclenchement, à l’initiative de l’employeur, de for-mations, de mobilités promotionnelles ou au contraire de mobilitéscontraintes ; enfin, des déterminants cognitifs, relevant du capital scolaire,social et culturel accumulé, qui se conjuguent aux opportunités associées àun statut professionnel pour déclencher des mobilités externes stratégiquesou des formations gérées conjointement par l’employeur et les salariés. Surcette base, trois hypothèses ont été formulées : les formations qui sont àl’initiative de l’individu ont davantage de chances d’entraîner un changementde situation professionnelle avantageux pour l’intéressé ; si la mobilité à l’ini-tiative de l’employeur fonctionne bien comme un mécanisme efficient d’allo-cation de compétences, elle sera valorisée en interne ; enfin, les mobilitésexternes à l’initiative des individus doivent favoriser une meilleure valorisa-tion des compétences.

Les quatre sources statistiques mobilisées (FQP 93, DADS, G 92, FC 2000)fournissent des informations qui rejoignent très inégalement la thématiquede la compétence, ce qui rend nécessairement expérimental le choix des

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- Quelle différenciation des carrières professionnelles ?-

indicateurs et des variables proxy retenus pour l’approcher. Elles ont surtoutpermis d’étudier l’influence de la mobilité sur le développement des compé-tences (davantage que l’inverse).

Les principaux résultats concernent tout d’abord l’influence manifestementpositive sur son évolution professionnelle de la participation de l’individu àsa formation continue (initiative et financement - FC 2000). Cet impact estparticulièrement visible pour les demandeurs d’emploi et pour les jeunes.L’enquête G 92 montre en l’occurrence que 30 % des jeunes passés en for-mation continue accèdent à des responsabilités accrues. On retiendra glo-balement que les formations à l’initiative de l’employeur ont les retombéessalariales les plus importantes, mais l’implication du salarié y contribue defaçon décisive. Il faut toutefois souligner que la question de l’initiative (FC2000) reste délicate à interpréter : 30 % des interviewés déclarent être à l’ini-tiative de leur formation, pouvant exprimer autant l’appropriation ex-post quel’initiative réelle.

D’autre part, la mobilité apparaît comme un mécanisme efficient d’allocationdes compétences (G92). Parmi les mobilités, observées sur une période de5 ans, d’une génération de jeunes ayant rejoint le marché du travail, deuxtiers correspondent à des mobilités “contraintes” (licenciement, fin de CDD,fin de période d’essai) et un tiers correspond à des mouvements liés à unsentiment de sous utilisation des compétences. Ce sont les jeunes en mobi-lité interne qui montrent à la fois une forte implication dans le travail et la plusfaible sous-utilisation de leurs compétences (20 %).

Enfin, en début de vie active, les hommes et les détenteurs de formationgénérale ont avantage à progresser dans leur carrière par le biais de mobi-lités externes (G 92). Parmi les jeunes qui ne changent pas d’employeur, lesfemmes connaissent en revanche des progressions salariales plus intéres-santes que les hommes.

Les limites de ces exploitations sont néanmoins nombreuses. Les enquêtesappréhendent en effet difficilement la nature des attentes des individus parrapport à leur carrière. Elles fournissent des informations insuffisantes (natu-re exacte des changements de situation professionnelle) pour saisir fine-ment les différentes formes de mobilité, ainsi que pour qualifier l’évolutiondes compétences individuelles (sinon par le biais d’indicateurs subjectifscomme la perception de leur parcours par les individus, ou plus objectifs,mais agrégés, comme le salaire ou la promotion sociale).

(1) Rapport d’étude du CEREQ commanditée par le Commissariat général duPlan.

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Carrières, effets du genreet âges de la vie

Les outils et les travaux développés depuis plus de vingt ans par leCEREQ permettent aujourd’hui de mieux appréhender les premièresannées de vie professionnelles de chaque nouvelle géénration Il émer-ge un effet structurel d’allongement du processus d’insertion et uneforte influence de la conjoncture sur la qualité de l’insertion selon lesniveaux de formation des jeunes. Les outils sont plus frustes pourl’analyse des carrières en cours de vie active, mais ils suffisent à ren-seigner sur les effets de la montée du taux d’activité féminine sur l’é-volution de leurs carrières.

Les trajectoires professionnelles des jeunesentrant sur le marché du travail

La profonde transformation du processus d’insertion professionnelledes jeunes au cours des trente dernières années est certainement l’undes champs les mieux explorés du point de vue du fonctionnement dumarché du travail, de la construction des débuts de trajectoire profes-sionnelle ou de la mobilité en début de vie active. Le phénomène cen-tral est celui de l’allongement du processus d’insertion différencié selonles niveaux de formation initiale et les spécialités de formation. Lesplus diplômés s’insèrent mieux et plus vite que les moins diplômés. Lesécarts entre niveau et spécialité de formation varient avec la conjonc-ture. En période de récession, les taux de chômage et de précarité desemplois occupés augmentent plus vite à partir des niveaux de forma-tion inférieurs et des spécialités tertiaires. Tous les taux se rapprochent

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progressivement en période de reprise de la conjoncture. Les premiersrésultats de l’enquête “Génération 98” du CEREQ montrent que l’accèsdes jeunes à un premier emploi de la génération sortie du systèmeéducatif en 1998 est plus rapide : 72 % des sortants ont obtenu leurpremier emploi en moins de six mois contre 61 % pour les sortants dela “Génération 92”. De plus, 55 % des jeunes de la “Génération 98”accèdent immédiatement et durablement à l’emploi. Le taux de chô-mage après 3 ans est de 11 % contre 17 % pour la “Génération 92”.Les parcours de chômage persistants sont moins nombreux que pourla “Génération 92” (longues périodes à l’inactivité 4 %, chômeurs per-sistants 7 % et basculement hors de l’emploi 6 %).

La moitié des jeunes qui accèdent à un emploi sur la période ont connudes mobilités. Celles-ci jouent un rôle de rattrapage par rapport auxsalaires offerts par les employeurs. La logique de mobilité s’appréhendeici à l’aune du sentiment d’être plutôt mal payé ou plutôt bien payé. Sice sentiment dépend en partie du niveau de compétences des salariés,autrement dit des connaissances qu’ils estiment utiliser dans l’emploi etdu prix qu’ils attribuent à ces compétences, alors la mobilité choisie parle jeune trouve son explication dans le sentiment d’être mal payé 95.

La mobilité externe est fréquente chez les jeunes. Près des deux tiers,selon l’enquête “Génération 92”, ont changé au moins une fois d’em-ployeur en cinq ans. La mobilité interne, quant à elle, n’occupe qu’uneplace mineure, qui s’explique par la brièveté des anciennetés enemploi. Le taux de mobilité des jeunes est particulièrement importanten début de vie active, mais il est pour l’heure difficile d’en appréhen-der l’impact sur les trajectoires professionnelles ultérieures. D’unemanière générale, il semble bien que la mobilité en début de vie acti-ve contribue à une meilleure utilisation des compétences de l’individudans les emplois successifs et à une implication dans l’emploi, elleaussi en progression.

Trajectoires professionnelles au féminin

La croissance continue et forte des taux d’activité féminine au coursdes vingt dernières années constitue l’un des facteurs les plus puis-

- Carrières, effets du genre et âges de la vie -

(95) Dupray (A.), “Mobilités et construction des compétences individuelles :exploration méthodologique et essai de repérage statistique”, étude commanditéepar le Commissariat général du Plan.

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sants de la transformation des trajectoires professionnelles, et doncdes mobilités féminines sur le marché du travail. Le développement del’activité féminine traduit une certaine convergence vers le modèled’activité masculin. À chaque âge, les écarts de taux d’activité entrehommes et femmes se sont fortement réduits depuis 1975. À cettedate, ils variaient d’environ trente à quarante points. En 2000, ilsvariaient entre 12 et 18 points. En mars 2001, le taux d’activité desfemmes au sens du BIT était de 61,8 % pour la tranche d’âge 15-64ans (78,5 % pour les 25-29 ans) contre 74,3 % pour les hommes(91,9 % pour les 25-29 ans). Le modèle ancien de retrait du marchédu travail dès le premier enfant et de reprise d’activité au-delà de 40ans est révolu. Les femmes, après la naissance d’un enfant, repren-nent rapidement leur activité professionnelle.

Des professions entières (infirmières…) ont dû progressivement réa-juster l’organisation et les conditions de travail, les modalités de recru-tement, les règles de carrière pour tenir compte de cette transforma-tion radicale. Il est aussi vrai que les femmes ont eu besoin d’investirdavantage dans la formation initiale que les hommes pour arriver auxmêmes résultats.

Des discriminations entre hommes et femmes persistent en termes deconditions de recrutement ou de salaire. Si les femmes connaissentdes interruptions de carrière moins fréquentes, plus courtes et rare-ment définitives, le temps consacré à l’activité professionnelle estdevenu un grand facteur de différenciation des hommes et desfemmes sur le marché du travail. Le travail à temps partiel concerneprès de 32 % des femmes en emploi et moins de 6 % des hommes.Conçu au milieu des années 1980 pour favoriser l’activité féminine parun recours au temps choisi, le temps partiel semble devenu aujour-d’hui un mode de gestion de la main-d’œuvre par les entreprises 96.

Les inégalités face à la formation continue sont également très fortesentre hommes et femmes, mais aussi parmi les femmes. Les travauxde Christine Fournier, 97 à partir de l’exploitation de l’enquête“Formation continue 2000” montrent que les contraintes familiales

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- Carrières, effets du genre et âges de la vie -

(96) Ulrich (V.), “Le temps partiel subi diminue depuis 1998”, “PremièresInformations, Premières Synthèses”, DARES, octobre 2001.(97) Fournier (C.), “Hommes et femmes face à la formation continue en France”,communication au 3e colloque international de la recherche féministe francophone,Toulouse, 17-22 septembre 2002.

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creusent des écarts avec les hommes et entre les femmes. En effet,toutes ne trouvent pas les moyens pour réorganiser leur vie person-nelle afin de suivre des formations. De même, si le temps partiel n’im-plique pas de dégradation significative des taux d’accès à la formationpour les femmes cadres et professions intermédiaires, il pénalisecelles qui occupent des emplois les moins qualifiés.

Face à ces discriminations et inégalités, il faut souligner le rôle jouépar les représentations sociales. Selon Anne-Marie Daune-Richard, ladivision sexuée des espaces temps du travail s’inscrit dans une divi-sion sociale plus globale des mondes masculin-féminin. La définitionhistorique qui associe les femmes à l’espace domestique et leshommes à l’espace marchand se maintient aujourd’hui dans le domai-ne du travail 98. Si les femmes connaissent un fort rattrapage dans leuractivité professionnelle par rapport aux hommes du fait d’un investis-sement éducatif plus important, l’emprise des modèles dominantsreste forte, qu’elle se manifeste dans les stratégies des employeurs,ou encore dans la répartition du rôle de la mère et du père dans lescouples. Ainsi, Isabelle Bertaux-Wiame montre que, dans les pratiqueseffectives de gestion des carrières, interviennent des effets de repré-sentations subjectives des rôles à la fois professionnels et familiauxdes hommes et des femmes. Il existe ainsi un clivage sexué persis-tant, où s’opposent la mobilité, vertu essentiellement attribuée auxhommes et synonyme de développement des compétences et de car-rières, et la non-mobilité supposée des femmes, handicap qui leur estattribué en raison du double rôle qu’elles sont censées tenir dans leschamps professionnel et familial 99.

Par ailleurs, dans la formation comme dans l’emploi, le critère “tech-nique” constitue une ligne majeure de clivage entre les hommes et lesfemmes. Les femmes sont peu nombreuses dans les métiers tech-niques, en particulier lorsqu’ils sont qualifiés.

Ainsi, au fur et à mesure que le travail s’instrumente, on assiste à une(re)définition des métiers. Dans cette construction sociale, les tech-

- Carrières, effets du genre et âges de la vie -

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(98) Daune-Richard (A.-M.), “Qualifications et représentations sociales”, in MaruaniM. (dir.), “Les nouvelles frontières de l’inégalité. Hommes et femmes sur le marchédu travail”, La Découverte/MAGE, 1998. (99) Bertaux-Wiame (I.), “Mobilités professionnelles, trajectoires sociales et genre.Analyse de cas”, étude commanditée par le Commissariat général du Plan, 2002.

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niques instrumentées sont associées aux métiers, donc au travail qua-lifié, et au masculin. Les femmes sont exclues de l’instrumentation etdonc des métiers “qualifiés”. La dépossession des sages-femmes auprofit des chirurgiens accoucheurs, au XVIIIe siècle, en vertu du faitque “les femmes ne doivent user d’aucun instrument”, est exemplaireà cet égard.

De fait, dans nos sociétés, la définition du féminin comme associé à lanature fonde l’exclusion des femmes de la légitimité technique. Or, l’undes clivages majeurs entre professions masculines et féminines repo-se sur la technicité reconnue du métier. L’association “technique – tra-vail et qualifié – homme” demeure très prégnante. Cette formulationpose le problème de ce que recouvre la terminologie “technique” pourdistinguer les métiers dits masculins de ceux dits féminins. Le problè-me à poser est bien le rapport entre la “technique” et les femmes.Pourtant, les difficultés de recrutement de certaines branches profes-sionnelles ainsi que l’évolution du progrès technique et la diffusiongénéralisée des TIC ont pour conséquence d’ouvrir aux femmes desmétiers qui étaient jusque-là traditionnellement réservés auxhommes 100.

91

- Carrières, effets du genre et âges de la vie -

(100) De telles réflexions sur les représentations des emplois, mais aussi surl’orientation scolaire, sur l’image de ces métiers qui sont à présent exercés par desfemmes, gagnerait à être poursuivie.

Encadré 7

Mobilités professionnelles, trajectoires sociales et genre 1

Cette recherche s’est donnée pour objectif de mieux comprendre commentse positionnent les salariés face aux exigences de mobilité qui leur sontadressées. En interrogeant la réalité vécue des mobilités de travail auregard des positions professionnelles, du genre des salariés, de la dyna-mique de leur trajectoire sociale et professionnelle, elle vise à saisir leseffets discriminants de la gestion des carrières pratiquée en entreprise. Lesecteur bancaire, et plus précisément celui de l’exploitation des banquesréseaux, constitue pour cela un terrain propice dans la mesure où il présen-te une certaine mixité et où la mobilité est un outil central de gestion des car-rières. Des clauses de mobilité sont incluses dans le contrat de travail, avec

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- Carrières, effets du genre et âges de la vie -

des options possibles pour préciser des préférences géographiques et, defait, les changements de postes ont lieu en moyenne tous les 4-5 ans.Toutefois, la pression n’est pas la même pour les techniciens ou pour lescadres, qui constituent la population étudiée, les premiers étant moinsexposés aux changements de domicile que les seconds.

L’étude met tout d’abord en évidence un certain nombre de tensions induitespar les obligations de mobilité adressées aux salariés. Ainsi, l’obligation demobilité fonctionnelle procure un gain salarial aux individus et vise à entre-tenir chez eux un état de vigilance propice à leur adéquation aux profilsrequis. Toutefois, le caractère prévisible des durées de séjour en poste peutavoir un effet de désinvestissement dans le travail, en raison de la tensionqui surgit entre la nécessité d’un engagement quotidien et la préoccupationde faire évoluer son parcours. Ensuite, la promotion constitue, en principe,un débouché aux mobilités, mais elle suppose d’importants investissementscomplémentaires, ce qui ne la rend pas accessible à tous. Elle impose ainsides passages en formation longue, notamment pour les passages cadres,aux répercussions à la fois lourdes pour la vie privée et pas toujours immé-diates sur le plan financier. De plus, elle ne s’effectue pas dans les mêmesconditions selon qu’elle est convoitée par l’individu ou qu’elle résulte d’uneproposition de la hiérarchie, et son prix est d’autant plus élevé qu’elleimplique des arbitrages en matière de vie familiale. Enfin, la mobilité géo-graphique change complètement de sens selon qu’elle est engagée à l’ini-tiative de l’individu pour des raisons non professionnelles ou à l’initiative del’entreprise. Dans le premier cas, l’individu ne bénéficie pas des mesuresd’accompagnement et sa mobilité ne vient aucunement créditer sa carrière.En revanche, les propositions de mobilité géographique qui émanent de lahiérarchie ont davantage d’impact sur la carrière, mais au prix d’une négo-ciation conjugale d’autant plus délicate que les deux conjoints sont égale-ment investis dans leur carrière.

L’étude souligne ensuite la dimension sexuée des carrières réalisées et dela gestion des tensions issues de l’obligation de mobilité. Un premier pro-cessus de différenciation intervient dans le niveau de recrutement desfemmes, qui est en majorité de niveau Bac + 2 ( contre Bac + 5 pour leshommes), ce qui leur ouvre pour perspective de passer de technicienne àcadre et explique du même coup la faible part de femmes dans les postesde direction. Les rythmes de carrières ne sont ensuite pas les mêmes pourles hommes que pour les femmes : elles connaissent davantage des chan-gements de poste à l’identique et restent plus longtemps dans les mêmesfilières. La plus grande polyvalence de l’activité des hommes témoigne ainsidu fait que l’on fait plus facilement des paris sur eux. De même, la contrain-te de mobilité géographique joue en défaveur des femmes, dans la mesureoù les gestionnaires ont des représentations des situations conjugales qui

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- Carrières, effets du genre et âges de la vie -

les conduisent à auto-censurer des propositions allant à contre-courant. Deplus, la carrière des femmes leur impose de procéder à une double conci-liation : d’une part concilier vie familiale et vie professionnelle, et d’autre partconcilier leur propre vie professionnelle avec celle de leur conjoint. L’étudemontre que certains changements sont à l’œuvre. En effet, même si dansles couples bi-actifs, la carrière de l’un s’effectue toujours au détriment de lacarrière de l’autre, l’issue des négociations conjugales qui s’engagent envue de la mobilité géographique de l’un n’est pas toujours prévisible. L’enjeuest de respecter l’équilibre familial et personnel de chacun des membres.Les solutions négociées permettent ainsi d’imaginer des solutions tempo-raires (lieux de résidence séparés) ou une alternance des parcours (prioritédonnée à l’un puis à l’autre), ou enfin de consentir à une dissymétrie desparcours qui, bien qu’elle soit souvent douloureuse, est toujours débattue.Globalement, le souci de trouver un équilibre égalitaire domine et est affirméavec particulièrement de force parmi les jeunes diplômés. Il reste que le coûtde la mobilité géographique est toujours plus élevé pour les femmes. Endépit des contre-exemples rencontrés au cours de l’enquête, les représen-tations selon lesquelles la charge familiale pèse essentiellement sur lesépaules féminines participent fortement à la minoration des carrières fémi-nines.

(1) Rapport d’étude de “Travail et mobilité” commanditée par le Commissariatgénéral du Plan.

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Troisième partie

Quelques questionsde prospective

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Les évolutions des mobilités pointées sur les vingt dernières années,qui résultent des transformations des entreprises et du fonctionnementdu marché du travail, ne sont en définitive que des tendances. Sepoursuivront-elles ? Quels problèmes soulèvent-elles ? Pour répondreà ces questions, on ne peut faire abstraction des transformations pré-visibles ou possibles de l’emploi dans les années qui viennent.

Deux aspects essentiels sont ici à prendre en compte.

Le premier est relatif aux besoins de recrutement résultant notammentdes départs à la retraite. La place qu’occupent aujourd’hui les mobi-lités professionnelles dans les recrutements de chaque professionfacilitera ou au contraire entravera les recrutements pouvant résulterde ces départs à la retraite. En retour, les mobilités professionnellespeuvent être amenées à évoluer profondément.

Le second aspect est relatif à la conjoncture. Dans le cas où laconjoncture de l’emploi s’améliorerait durablement et se traduirait parun niveau réduit de chômage, l’impact sur les mobilités pourrait êtreimportant. Signalons simplement que si les mobilités d’emploi à emploisont restées stables en tendances tout en étant très sensibles à laconjoncture, rien n’assure que cette situation perdurera. Il semble quela part des actifs souhaitant changer d’emploi ait fortement augmentédans le passé. Ceci s’explique assez bien, à la fois par le moindre rôlede l’ancienneté, le rôle accru du marché externe dans les promotions,et les risques élevés d’un changement d’emploi dans une période dehaut niveau de chômage. Une conjoncture favorable sur une périoderelativement longue pourrait être un facteur puissant d’incitation à lamobilité volontaire des salariés, et donc d’accroissement de la mobi-lité, notamment pour les plus jeunes et les plus diplômés. Les effetsd’un tel accroissement des mobilités seraient nécessairement contra-dictoires : ils renforceraient les difficultés de recrutement dans cer-taines zones et les réduiraient dans d’autres.

On ne développera pas ici ce dernier point qui exigerait des analysesspécifiques. On s’attachera en revanche à la question de savoir si la

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forte croissance de la mobilité d’hier, qui a accompagné les restructu-rations de l’économie, va permettre de faire face, dans les années quiviennent, à la transformation des structures de qualification et à l’aug-mentation prévue du nombre d’emplois qualifiés ou des départs enretraite.

L’enjeu est simple. Soit le système des mobilités qu’on observe aujour-d’hui possède encore une forte capacité à dynamiser les mobilités pro-motionnelles et/ou fonctionnelles, ce qui signifie que les besoins derecrutement des cadres et professions intermédiaires pourraient solli-citer “l’ascenseur social”. Soit la mobilité est dominée par la flexibilitéet enferme les individus dans des segments d’emploi fonctionnantcomme des espaces clos. Dans ce dernier cas, le système éducatifferait une nouvelle fois l’objet d’injonctions à “produire les ingénieurset cadres dont la nation a besoin”, sur fond de “pénurie de main-d’œuvre qualifiée”.

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Besoins de recrutementet mobilité

Les prévisions de besoins de recrutement au cours des années2000/2010 diffèrent très sensiblement selon les familles profession-nelles. Selon les cas, ils proviennent des besoins d’expansion desemplois et/ou des besoins de recrutement liés aux départs en retraitedes agents.

Nous proposons d’étudier ici l’impact des modes de recrutementpassés sur la façon dont les besoins de recrutement futurs pourrontêtre satisfaits. Les mobilités que l’on a pu observer témoignent de cesmodes de recrutement.

On distinguera deux grands ensembles de domaines professionnels(nomenclature en 22 domaines de la DARES issue d’un regroupementdes 84 familles professionnelles ou FAP 101) en partant de ceux pourlesquels les besoins prévisibles s’avèrent les plus élevés (cf. tableauci-après).

99

(101) Les descriptifs détaillés de chaque domaine et famille professionnellefigurent dans le dossier de la DARES n° 1-2/99, “Familles professionnelles,données de cadrage, 1983/1998”, La Documentation française, décembre 1999.

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Tableau 1Besoins de recrutement par domaines professionnels

à l’horizon 2010

Source : Topiol (A.), “L’évolution des sorties d’emploi vers la retraite et lapréretraite”, “Document d’études”, n° 48, DARES, juillet 2001, tableau n° 12(*) - Nombre moyen d’emplois sur la période 2000-2010 en milliers

Groupe FAP (Domaines en 22 postes) 1Nombremoyen

d'emploi(*)

2Évolutions

emploi(%)

3Départ en

retraite(%)

d

1 N Études et recherche 285 9,9 2,21 M Informatique 434 7,2 1,31 T Services aux particuliers

(emplois familiaux, sécurité...)3 162 3,2 2,2

1 U Communication, information, spectacles 389 3,5 1,4

2 W Enseignement, formation 1 290 1,4 3,32 Q Banques et assurances 567 0,2 3,62 P Fonction publique et professions juridiques 1 561 0,1 3,2

3 J Tourisme et transports 1 863 2,0 2,33 L Gestion, administration 2 721 2,1 2,23 E Industries de procès 1 153 1,8 2,23 G Maintenance 656 1,4 2,63 H Ingénieurs et cadres de l'industrie 139 1,1 2,93 R Commerce 2 367 1,5 1,83 V Santé, action sociale, culturelle et sportive 1 959 1,3 1,9

4 D Mécanique, travail des métaux 1 329 0,6 2,44 B Bâtiment, travaux publics 1 602 0,2 2,64 C Électricité, électronique 320 0,5 2,34 S Hôtellerie, restauration, alimentation 1 121 0,7 1,54 F Industrie légère

(bois, industries graphiques)439 - 1,3 3,3

4 K Artisanat 106 0,0 1,84 A Agriculture, marine, pêche 888 - 1,8 2,7

X Non précisé 13 - 3,2 3,8Z Ensemble 25 280 0,8 2,2

100

- Besoins de recrutement et mobilité -

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On ne donnera ici que quelques exemples car ce travail reste large-ment à faire 102.

Les besoins issus de créations d’emplois

Certains domaines professionnels se caractérisent par de très fortsbesoins de recrutement liés à l’évolution de l’emploi. Les tensions surles départs en retraite sont faibles. Ce groupe (voir tableau 6, grou-pe 1) rassemble des emplois aux qualifications de niveau élevé (lesinformaticiens, les personnels d’études et de recherche) et d’autresaux qualifications moins stabilisées (services aux particuliers, commu-nication, information, spectacle).

Les informaticiens possèdent un niveau élevé de mobilité externe encours de vie active. Mais l’essentiel de cette mobilité s’opère à l’inté-rieur de la famille, signe d’un marché de type professionnel. Le renou-vellement de cette famille se fait donc pour l’essentiel à partir du systè-me éducatif. Les forts besoins d’embauche d’informaticiens au coursde cette décennie vont créer un appel important du côté du systèmeéducatif et provoquer quelques tensions avec les professions voi-sines 103. La faiblesse actuelle des mobilités externes à cette familleamène à s’interroger sur les évolutions possibles des carrières et desmobilités professionnelles des individus engagés dans cette profes-sion.

Les personnels d’études et de recherche affichent le taux le plus élevéde besoin de recrutement par création d’emplois au cours de cettedécennie, mais aussi pour remplacer les départs en retraite.L’expansion de cette famille se fait principalement à partir du systèmeéducatif. Mais les mobilités entre emplois laissent ouvertes un certainnombre de possibilités d’expansion et de renouvellement à partir des

101

- Besoins de recrutement et mobilité -

(102) L’atelier “Mobilités professionnelles” du Groupe “Prospective des métiers etdes qualifications” n’a fait qu’aborder ce sujet qui ne pourra renvoyer qu’à unprogramme de travail plus important qui devra être entrepris par différentsorganismes : DARES, CEREQ et INSEE.(103) Les difficultés de recrutement largement analysées par le Commissariatgénéral du Plan risquent de se reproduire, “Entre chômage et difficultés derecrutement : se souvenir pour prévoir”, Collection “Qualifications & Prospective”,La Documentation française, décembre 2001.

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actifs. En effet, le solde des mobilités professionnelles est positif à par-tir des techniciens et négatif au profit des cadres administratifs oufinanciers, des ingénieurs technico-commerciaux ou des informati-ciens. Il existe donc des réserves non négligeables dans la promotioninterne. L’accompagnement de ces promotions devrait solliciter lesdispositifs de formation continue.

Parmi les besoins en main-d’œuvre peu qualifiée, deux familles seu-lement présentent de forts besoins de recrutement : les assistantsmaternels et les agents d’entretien.

L’essentiel des recrutements des assistants maternels 104 se fait à par-tir du chômage ou de l’inactivité d’individus dont l’âge moyen estproche de celui des actifs. Les recrutements à partir du système édu-catif sont très faibles. L’expansion à terme de cette famille ne semblepas compromise. Mais le niveau de formation initiale est très bas. Leproblème de la professionnalisation des personnes et donc de leur for-mation “tout au long de la vie” se posera certainement.

Les taux de mobilité et de précarité de l’emploi des agents d’entretiensont supérieurs à la moyenne. L’importance du niveau de chômage, enparticulier le chômage de longue durée, et la part très élevée desemplois précaires dans les mouvements d’entrée et de sortie, mon-trent que l’expansion de cette catégorie ne pose pas a priori de diffi-cultés. L’amélioration des statuts d’embauche contribuerait à stabiliserces individus et à permettre l’expansion de cette famille.

Les besoins issus de départs en retraite

Pour d’autres groupes, les besoins de recrutement sont essentielle-ment liés aux départs en retraite (voir tableau 6, groupe 2). Ils concer-nent surtout des secteurs plutôt concentrés du public et du privé (fonc-tion publique et professions juridiques, enseignement, formation,banque et assurance), qui fonctionnent selon des logiques de marchéinterne. L’analyse de ce groupe n’est pas faite à ce stade du rapportcar la réflexion prospective est déjà largement amorcée au sein desobservatoires des branches concernées.

- Besoins de recrutement et mobilité -

102

(104) DARES, “Familles professionnelles et données de cadrage, 1983-1998”,“Dossiers de la DARES”, n° 1-2, décembre 1999.

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L’Observatoire de l’emploi public a été créé en juillet 2000. Il a engagéaussitôt des travaux pour assurer la transparence en matière d’emploipublic et mettre en place une démarche prévisionnelle des effectifs,des emplois et des compétences. Dans son premier rapport annuel, 105

l’Observatoire fait le point sur l’emploi public 106 et présente les résul-tats des perspectives démographiques de la fonction publique à l’hori-zon 2010. Une méthode de gestion prévisionnelle des emplois, deseffectifs et des compétences (GPEEC) a été élaborée.Progressivement mise en place, cette méthode va permettre aux diffé-rentes administrations de répondre à “l’urgence démographique” liéeaux départs en retraite.

De son coté, l’Observatoire des métiers de l’assurance a procédé àune analyse des caractéristiques de la population du secteur (120 000personnes) et une projection sur la période 1996-2000 107. Il ressortune baisse lente des effectifs à venir mais avec des évolutionsinternes contrastées : augmentation de la population “cadre”, accrois-sement du niveau de qualification et du niveau de diplôme, poursuitede la féminisation du secteur. Les nouvelles embauches vont bénéfi-cier en priorité aux métiers de commerciaux des assurances ou desgestionnaires de contrat. Les recrutements s’opèrent dans une largegamme d’âge avec une dominante entre 25 et 34 ans. Ils devraientdonc solliciter aussi bien la formation initiale que la mobilité en coursde vie active à partir des secteurs voisins.

Zoom sur les cadres La catégorie des cadres se renouvelle globalement davantage par lapromotion que par le recrutement de débutants 108. Toutefois, lesexploitations qui ont été faites dans l’atelier à partir de l’enquêteEmploi montrent qu’entre 1993 et 2000, la part relative des promotions

- Besoins de recrutement et mobilité -

103

(105) Observatoire de l’emploi public, rapport annuel, 22 octobre 2000, ministèrede la Fonction publique, de la Réforme de l’État et de l’Aménagement du territoire.(106) Au 31 décembre 1999, 4,7 millions de personnes étaient rémunérées dansles trois fonctions publiques auxquelles s’ajoutent 317 000 bénéficiaires d’emploisaidés. 53 % des agents appartiennent à la fonction publique de l’État, 29 % à lafonction publique territoriale et 18 % à la fonction publique hospitalière.(107) “Rapport 2001 de l’Observatoire sur les métiers des salariés de l’assurance”,Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance, 2001.(108) 16 % des cadres de 1993 appartenaient aux professions intermédiaires cinqans plus tôt (d’après FQP), selon Bouffartigue (P.), Gadéa (C.), “Sociologie descadres”, La Découverte, collection “Repères”, 1999.

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a diminué au profit de recrutements externes, d’une façon particulière-ment visible au niveau des moins de 40 ans.

Figure 6Recrutements des ingénieurs et cadrespar promotion ou à partir du non-emploi(chômeurs, inactifs ou formation initiale)

Population totale et population de moins de 40 ans

Source : Enquêtes Emploi, exploitation particulière faite dans le cadre de l’atelierMobilitésGuide de lecture : Sur la période 1996-1998, 5,5 % d’ingénieurs et cadres ont étérecrutés à partir du non emploi (chômeurs, inactifs, jeunes issus de la formationinitiale). Ce sont 6,4 % des ingénieurs et cadres de moins de 40 ans. Lerecrutement par promotion (à partir des professions intermédiaires ou employés)représente 2,1 % (3 % pour les ingénieurs et cadres de moins de 40 ans)

- Besoins de recrutement et mobilité -

104

0,0%

1,0%

2,0%

3,0%

4,0%

5,0%

6,0%

7,0%

1982-83 1984-86 1987-89 1990-92 1993-95 1996-98 1999-01

Recrutement non emploi(<40ans) Recrutement par promotion(<40ans)

Recrutement non emploi Recrutement par promotion

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Les promotions cadres sont particulièrement importantes dans le sec-teur privé, parmi les ingénieurs et cadres techniques et les cadresadministratifs et commerciaux. L’APEC signale sur ce point quel’accès au statut cadre en cours de vie professionnelle intervient sou-vent à la suite de mobilités externes : 63 % des cadres ont changéd’entreprise au moins une fois avant d’obtenir le statut (source :enquête Mobilité APEC, édition 2001). En revanche, une fois leur sta-tut obtenu, les cadres semblent avoir moins recours à la mobilité inter-entreprises : 52 % d’entre eux n’ont plus changé d’entreprise aprèsavoir obtenu le statut.

Face à ces grandes tendances, quelques spécificités doivent être sou-lignées : parmi les cadres qui n’ont pas changé d’entreprise avantd’obtenir le statut, on trouve notamment ceux qui travaillent dans lesgrandes structures comme la banque et l’assurance ainsi que l’infor-matique (on peut supposer qu’il s’agit-là des constructeurs de matérielinformatique et non du monde du software). Les tensions que risquentde produire les départs en retraite massifs dans le secteur de labanque-assurance semblent donc correspondre à un problème derenouvellement de stock à l’intérieur d’un marché interne plutôt fermé,propice à la promotion interne. Ce secteur, par ailleurs en voie deconcentration, connaîtra manifestement un “effet cheminée”, redon-nant un second souffle à des promotions internes ralenties avec lesréorganisations du secteur, mais devra également recourir à desembauches externes de jeunes débutants dans une perspective derenouvellement du stock.

Signalons toutefois que la catégorie des cadres fait partie de celles quirecrutent le plus de jeunes diplômés “primo entrants” sur le marché dutravail : entre 1991 et 1996, leur part dans les recrutements est passéede 12 à 15 % 109. De fait, l’essor des professions intellectuelles et d’en-cadrement de la dernière décennie a particulièrement bénéficié auxjeunes diplômés : si l’emploi total des cadres a progressé de 46 %entre 1987 et 1999, c’est la part des moins de trente ans qui a vu seseffectifs exploser pendant cette période 110. Tout porte à croire que l’es-

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105

(109) Frickey (A.), Primon (J.-L.), “Du diplôme à l’emploi : des inégalitéscroissantes”, in Bouffartigue (P.) (dir.), “Cadres : la grande rupture”, La Découverte,2001.(110) Martinelli (D.), Molinari (M.), “L’insertion professionnelle en 1999 desdiplômés de l’enseignement supérieur”, document CEREQ, Série Observatoire,2000.

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sor des besoins en cadres profitera aux jeunes diplômés sortant del’enseignement supérieur dont les effectifs, selon les prévisions de sor-tie de formation initiale de la DPD, devraient à nouveau s’accroître 111.On peut donc supposer que la part des cadres diplômés de l’ensei-gnement supérieur long, qui a fortement progressé parmi les cadresd’entreprise, 112 va continuer à s’élever dans les années à venir.

Quelles peuvent être les conséquences de ce phénomène sur lesmobilités ? L’existence de stocks de main-d’œuvre disponible encou-rage les employeurs à se séparer plus facilement de leurs salariés.Ainsi, le chômage des cadres s’est sensiblement accru au début desannées 1990, même s’il reste inférieur à celui des autres catégories.Ce phénomène a mis en lumière, à une échelle nouvelle, la vulnérabi-lité des cadres au cours de la deuxième partie de leur carrière ; ils par-tagent en cela le sort des autres catégories de travailleurs vieillis-sants 113. De plus, l’élévation du niveau d’éducation des cadres s’ac-compagne de la mise en place de nouveaux filtres sur le marché dutravail, qui se traduit par une plus grande sélectivité des recrutements,des promotions ainsi que de la gestion des carrières. On observenotamment que les grandes entreprises pratiquent de façon accrueune segmentation gestionnaire 114 qui opère une discrimination entreles cadres “repérés” et les “anonymes”, et témoigne de politiques defidélisation différenciées. Enfin, de nombreuses études s’accordentpour souligner que, de leur côté, les cadres semblent prendre leursdistances vis-à-vis de l’entreprise.

106

- Besoins de recrutement et mobilité -

(111) Les projections d’effectifs d’élèves et d’étudiants de 2001 suggèrent que lesvolumes de sortants seront assez importants pour les années à venir, variant entre780 000 et près de 770 000 vers 2010. Avec une hypothèse de poursuites d’étudescroissantes après les DUT et BTS, en relation avec le développement escompté dela licence professionnelle, le nombre de diplômés du supérieur long (licence etplus) pourrait se maintenir au-dessus de 150 000 par an ; Poulet-Coulibando (P.),“Éducation et Formation”, n° 63, mai 2002.(112) En 1985, les cadres diplômés de l’enseignement supérieur représentaient36,7 % des cadres d’entreprises, contre 45,7 % en 1998 (Frickey, Primon, op. cit.).Parmi les cadres de la fonction publique, la progression a été moindre puisque lapossession d’un diplôme du supérieur est d’emblée une condition d’accès austatut. (113) Pochic (S.), “Chômage des cadres : quelles déstabilisations ?”, inBouffartigue (P.) (dir.), “Cadres : la grande rupture”, La Découverte, 2001.(114) Dany (F.), “La carrière des cadres à l’épreuve des dispositifs de gestion”, inBouffartigue (P.) (dir.), op. cit., 2001.

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L’APEC indique également que la part de cadres qui changent d’en-treprise suite à une démission est en progression constante : + 20points entre 95 et 2000, passant de 58 à 78 % 115.Toutefois, cette prise de distance envers l’entreprise reste sujette àvariations. Les travaux de Thomas Amossé montrent qu’au cours de ladernière décennie, les mobilités externes de toutes les catégories desalariés du privé varient essentiellement en fonction de la conjoncture.Il est d’ailleurs intéressant de constater que les cadres et ingénieurs duprivé constituent la catégorie sociale pour laquelle la probabilité dechanger d’entreprise est la plus faible, oscillant entre 4 et 8 % 116. Àmoins que des opportunités extérieures ne les en éloignent, les cadressemblent donc rester “attachés” à l’entreprise et apparaissent surtoutmobiles à l’intérieur de la firme 117. Si le rendement de la mobilité exter-ne en termes de promotion semble s’accroître 118, le changement deservice à l’intérieur de la même entreprise reste pour eux la voie la plusfavorable (à la promotion comme à l’augmentation de salaire). Cesconstats conduisent donc à relativiser l’hypothèse d’une fragilisation du“pacte de confiance” reliant traditionnellement le cadre à l’entreprise 119.Il est néanmoins nécessaire de s’attarder sur le phénomène d’une seg-mentation accrue de la population cadre, qui se manifeste notammentpar une distinction forte entre cadres experts et cadres managers 122

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- Besoins de recrutement et mobilité -

(115) Ces chiffres sont à appréhender avec précaution tant la taille de l’échantillonconcerné est faible : 270 cadres en mobilité externe en 2000 sur les 3 000 cadresdu panel de l’APEC. De plus, il reste à savoir si ces démissions sont toujours desdéparts volontaires.(116) Pour l’APEC (enquêtes Mobilités, éditions 1999 et 2001), le taux dechangement d’entreprise chez les cadres s’élève à 9 % en 2000. Il apparaît enoutre relativement stable depuis 1992, fluctuant avec la conjoncture. (117) Selon les travaux de Thomas Amossé la mobilité interne concerne d’abordles cadres. La probabilité de changer d’établissement est deux à trois fois plusélevée parmi les cadres que parmi les ouvriers par exemple. Elle est en moyennede 1 point supérieure à celle des professions intermédiaires. (118) Plus d’un tiers des cadres ayant changé d’entreprise ont bénéficié d’unepromotion en 2001, contre un cinquième en 1999. Ce constat reste le fruit d’uneconjoncture, les rendements de la mobilité externe/interne des cadres restentdifficiles à évaluer. (119) Bouffartigue (P.), Gadéa (C.) , “Sociologie des cadres” , La Découverte,collection “Repères”, 1999.(120) Dany (F.), Livian (Y.-F.), “La gestion des cadres”, Vuibert, ainsi que Falcoz(C.), “Les cadres à haut potentiel ou l’obligation de réussite”, in Bouffartigue (P.)(dir.), op. cit.

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De fait, ces deux populations font l’objet de gestions séparées des car-rières, les experts étant le plus souvent délaissés au profit des futursmanagers 121. De plus, une nouvelle figure de cadre “ingénieur desconnaissances”, situé à l’interface de l’entreprise et de son environne-ment semble, sinon en émergence, du moins en phase d’affirmation.Tout porte à croire que le développement des compétences de cettefigure de cadre passe par des mobilités accrues, facilitant l’acquisitionde savoirs stratégiques au sein d’entreprises de plus en plus réticu-laires. Si cette hypothèse se vérifiait, se poserait la question de lastructuration d’un nouveau type de marché du travail pour ces experts.

- Besoins de recrutement et mobilité -

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(121) Delteil (V.), Dieuaide (P.) , “Mutations de l’activité et du marché du travail descadres : l’emprise croissante des connaissances”, “Revue de l’IRES”, n° 37, 2002.

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Comment les mobilitéscontribuent-elles à satisfairecertains besoins en emploi ?

Ces domaines professionnels sont également exposés à un problèmede renouvellement, mais on les distinguera selon les tendances d’é-volution de leurs emplois :

Un premier ensemble comprend des familles professionnellesexposées à une croissance relativement soutenue qui se double d’im-portantes évolutions du travail (industries de process, tourisme ettransport, gestion et administration). On retiendra les professions de lagestion et administration.

Le deuxième ensemble comprend des familles professionnelles plutôtstructurées et aux qualifications stables. Elles sont exposées à cer-taines difficultés de renouvellement de leur main-d’œuvre, soit en rai-son de départs en retraite supérieurs à la moyenne se conjuguantavec une croissance soutenue des emplois (maintenance, ingénieurset cadres de l’industrie), soit en raison d’une évolution des emplois quimet en question les régulations du secteur (santé, action sociale etsportive). On retiendra la maintenance industrielle.

Le cas du tertiaire :les professions de la gestion administration

Ces familles professionnelles sont concernées par un taux de départen retraite proche de la moyenne. Les besoins d’embauche liés à l’ex-

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pansion des emplois sont très différents d’une famille à l’autre. Cetteexpansion est proche de la moyenne (1 %) pour les secrétaires etemployés. Mais il est respectivement de 3,8 % et 5,1 % pour les tech-niciens et les cadres. Ces familles forment un important espace demobilités professionnelles entre elles et avec deux autres domaines :la “fonction publique” et les “banques et assurances”.

Les employés et secrétaires représentent deux tiers des effectifs dudomaine. Le niveau de formation initiale s’est fortement élevé. Mais lemarché du travail correspondant est marqué par la précarité et lamobilité externe. Les marges de manœuvre pour des mobilités pro-fessionnelles, ascendantes ou non, sont très importantes.

Les populations de qualifications supérieures (techniciens et cadres)ne constituent qu’un tiers des effectifs du domaine. Compte tenu de ladiversité de leur mode de recrutement à partir de la formation initialeou par mobilité interne, leur extension et leur renouvellement ne pose-ront pas de difficultés dans les années à venir si les promotionsinternes sont correctement valorisées et accompagnées 122.

Le cas du technique : la maintenance industrielle

Ce domaine (voir tableau 6, groupe 3 “G”) comprend deux famillesprofessionnelles : les ouvriers qualifiés de la maintenance et les tech-niciens ou agents de maîtrise de la maintenance et de l’organisation.Dans ces deux familles, le turn-over est assez modeste. Les recrute-ments à partir du système éducatif ou du marché du travail sont infé-rieurs à la moyenne. En revanche, les mobilités professionnellesinternes aux entreprises sont importantes. Ceci explique que l’âgemoyen de ces familles soit élevé. Les forts besoins de recrutementdans les années à venir par rapport à la période écoulée vont entraî-

- Comment les mobilités contribuent-elles... -

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(122) Voir le tableau 1 page 100, groupe 3 “L”. Cet ensemble regroupe septfamilles professionnelles : les secrétaires (L0, 720 000), les employés decomptabilité (L1, 420 000), les employés administratifs d’entreprise (L2, 520 000),les secrétaires de direction (L3, 100 000), les techniciens des servicesadministratifs, comptables ou financiers (L4, 290 000), les cadres administratifs etfinanciers et les cadres dirigeants d’entreprise (L5 et L6, 640 000) ; fichesdescriptives dans le document DARES.

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ner un bouleversement dans les pratiques de recrutement : appelsaccrus au marché du travail et/ou au système éducatif. Les évolutionsde la fonction maintenance présentent quatre grandes caractéris-tiques 123 : passage d’une maintenance corrective à une maintenancepréventive conditionnelle ; nouveau rapport de la maintenance à laproduction, passant notamment par le transfert à la production d’opé-rations de maintenance de premier niveau ; développement de l’exter-nalisation des activités de maintenance ; enfin, recours croissant à desnormes et des procédures de certification de la qualité des interven-tions. Ces transformations ne sont pas sans conséquences sur lecontenu et le niveau des compétences requises pour les opérateurs ettechniciens. Les résultats de l’enquête Génération 92 permettent demontrer la concurrence qui s’exerce entre les sortants de formationindustrielle pour les emplois de maintenance industrielle. Mais cetteconcurrence est également importante entre les salariés anciens et lesplus jeunes. On assiste notamment à une tertiairisation de la fonctionde technicien et à une élévation des niveaux de formation requis pourla fonction d’agent de maintenance qui favorisent globalement lesjeunes générations, mieux préparées aux nouvelles technologies etnouvelles formes d’organisation du travail que leurs aînés.

Des tensions structurelles

Quatre domaines professionnels vont connaître une très faible évolu-tion de l’emploi et des départs en retraite plutôt dans la moyenne (cf.groupe 4, tableau 1). Il s’agit, d’une part de secteurs connaissant destensions plutôt récurrentes (bâtiment, travaux publics ; hôtellerie, res-tauration, alimentation), et d’autre part de secteurs où la main-d’œuvreest plutôt masculine et vieillissante, pour des emplois à dominantetechnique dont le volume est plutôt stagnant (soit déclinant, commedans la métallurgie, soit fortement soumis à la conjoncture commedans les entreprises spécialisées de l’électricité - électronique ou laréparation automobile).

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(123) Cart (B.), Toutin (M.-H.), “La maintenance industrielle, une ouverture pour lesjeunes ?”, in Arliaud (M.) et Eckert (H.) (coord.), “Quand les jeunes entrent dansl’emploi”, La Dispute, 2002.

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Enfin, trois domaines correspondent à des secteurs en perte d’emploi,mais avec un taux de départ en retraite qui peut poser des problèmesspécifiques de rajeunissement des pyramides d’âge (agriculture, mari-ne, pêche ; industrie légère ; artisanat).

L’existence de faibles besoins de recrutement ne signifie pas pourautant absence de problème. Le cas du secteur de la “pêche” en estun bon exemple 124.

Depuis quelques années, ce secteur est confronté à de fortes diffi-cultés de recrutement, malgré une baisse des effectifs de l’ordre de5 % par an.

Ce paradoxe tient au fonctionnement de ce marché fermé du travail,régi par des règles spécifiques de recrutement et de mobilité, où lediplôme et la relation entre les brevets, l’ancienneté et le poste de tra-vail jouent un rôle central.

Un tel système de formation professionnelle, sas exclusif et obligéd’entrée dans le secteur, ne peut se maintenir que si le nombre dejeunes qui s’y présentent se maintient et si la durée de vie dans la pro-fession demeure stable. Or, précisément, les contraintes de la profes-sion sont telles que progressivement les salariés font des carrières deplus en plus courtes dans ces emplois. Ces carrières plus courtesentretiennent des besoins croissants que le système de formation ini-tiale ne peut plus satisfaire.

Le secteur se trouve ainsi confronté à la nécessité, non seulementd’attirer les jeunes, et de les fidéliser, mais surtout, de diversifier lesflux d’accès à partir d’autres métiers et d’ouvrir des carrières à terredans des secteurs voisins. La formation tout au long de la vie est enco-re ici un enjeu central du futur de la profession.

(124) Podevin (G.), Checcaglin (A.), “Avis de tempête sur le recrutement desmarins pécheurs”, “Bref”, n° 188, CEREQ, juillet août 2002. Ce document est unesynthèse du Contrat d’études prospectives pour le secteur des pêches maritimesréalisé par le centre associé du CEREQ pour la région Bretagne.

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Conclusion

Ce rapport souligne combien l’accroissement des mobilités est de plusen plus lié à une déstabilisation de l’emploi. Cette dernière a desconséquences très inégales pour les actifs, selon qu’ils disposent ounon des ressources leur permettant d’en tirer avantage. On rappelleraici les principaux éléments de ce constat pour présenter ensuite lesévolutions encore incertaines qui en résultent. Nous terminerons enexplorant les chemins par lesquels les futurs besoins de recrutementpeuvent offrir des opportunités pour améliorer la qualité des mobilitéssur le marché du travail.

Les principaux enseignements

Les différents types de mobilités ont suivi des évolutions très diffé-rentes. S’il reste encore difficile de démêler les parts respectives deschangements structurels et conjoncturels qui ont affecté les change-ments de situation professionnelle au cours des vingt dernièresannées, on retiendra deux grandes régularités : d’une part la crois-sance structurelle de l’instabilité dans l’emploi, et d’autre part la dimen-sion conjoncturelle des mobilités “positives”. On soulignera ensuite lesnouvelles formes de segmentation qui en résultent, ainsi que les nou-velles formes de différenciation des carrières qui sont à l’œuvre.

Croissance structurelle de l’instabilitéLes principales transformations structurelles que l’on observe concer-nent le renforcement des mouvements de court terme qui ont lieu surle marché du travail et en particulier l’accroissement des passages parle chômage. Cette évolution s’accompagne de nouvelles segmenta-tions du marché du travail, ayant des effets discriminants selon la qua-

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lification et l’âge. Ainsi, les moins qualifiés sont les plus “mobiles” mais,compte tenu de l’accroissement de leur vulnérabilité face à l’emploi,leurs mouvements apparaissent fortement contraints. De même, l’in-stabilité de l’emploi touche non seulement les jeunes en phase d’in-sertion, mais également les plus âgés, qui sont de moins en moinsprotégés par l’ancienneté qu’ils ont acquise.

Évolution conjoncturelle des mobilités promotionnellesParallèlement, rien ne permet de dire que les mobilités volontaires sesoient accrues. Mesurées à l’aune des changements annuels d’emploi(changement d’entreprise sans passage sur le marché du travail oupassage court), ces mobilités n’ont pas augmenté en tendance maisvarient principalement avec la conjoncture économique.

De même, les mobilités promotionnelles, internes ou externes à l’en-treprise, connaissent depuis vingt ans de fortes variations liées à laconjoncture. Ces mobilités valorisantes participent à construire destrajectoires professionnelles “ascendantes”. Mais il faut aussi remar-quer qu’en période récente, une partie importante de ces mobilités cor-respond soit à des promotions de type rattrapage, liées à un déclas-sement initial, soit à une stabilisation d’emplois précaires.

Cette évolution contrastée de la mobilité professionnelle montre que,simultanément, le risque d’élargissement d’une cassure sociale aug-mente et des besoins de personnel qualifié risquent de se faire sentir.La croissance des mobilités subies, même si certains auteurs affirmentqu’elles ont concerné toutes les couches sociales, n’a fait qu’augmen-ter la part des personnes durablement en grande difficulté.

Des carrières manifestement plus différenciéesLa tendance la plus marquante est un ralentissement des carrièressalariales ascendantes. Ce ralentissement se manifeste par le poidsplus important des situations passées sur les situations ultérieures.Tout se passe comme si les caractéristiques individuelles, dont l’in-fluence avait pu s’atténuer au cours des Trente Glorieuses sous l’effetd’une gestion socialisée et unificatrice des salaires et des qualifica-tions, pesaient désormais davantage sur le devenir professionnel. Leseffets de l’âge et du genre sur les carrières en constituent une bonneillustration.

Les enquêtes réalisées sur l’insertion de cohortes de jeunes sortant dusystème éducatif montrent toutes qu’au-delà des effets de conjonctu-

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re, qui affectent très fortement la qualité de l’insertion des jeunes, leprocessus d’insertion tend à s’allonger. Le diplôme facilite une inser-tion plus rapide mais aussi de meilleure qualité et constitue pour eux,en cas de mauvaise conjoncture, une relative protection contre le chô-mage et la précarité. Les stratégies de reprise d’études longues aprèsune première insertion leur permettent d’ailleurs de différer leur entrée“définitive” dans la vie active tout en augmentant leurs chances d’amé-liorer leur insertion. On peut faire l’hypothèse que le processus dedifférenciation des carrières commence très tôt : en effet, la premièreinsertion professionnelle influence fortement la rémunération ultérieu-re. Dans la mesure où elle affecte davantage la suite du parcours, laqualité de l’insertion constitue donc un moment sensible des trajec-toires professionnelles qui influence la qualité de la carrière ultérieure.

Si on observe une différenciation nette des parcours selon les niveauxde qualification, en revanche, un début de rapprochement des car-rières hommes-femmes doit être souligné. Les femmes ne se retirentplus du marché du travail après le premier enfant, mais poursuiventleur carrière après la maternité. De fait, des réajustements de la viefamiliale et professionnelle s’effectuent au sein des couples, passantpar des négociations et arbitrages qui cherchent à préserver la carriè-re de chacun des conjoints. Toutefois, des inégalités importantesdemeurent. Les femmes continuent de rester dans le bas de la hiérar-chie des salaires. Elles rentabilisent moins leurs investissements édu-catifs que les hommes et subissent davantage que leur conjoint lescoûts de la mobilité géographique. Les moins qualifiées en activité surdes emplois précaires sont de fait privées d’accès à la formation conti-nue. D’une manière générale, les employeurs se montrent plutôtenclins à douter de la disponibilité de la main-d’œuvre féminine. Enrevanche, en cas d’interruption de carrière, les femmes en subissentmoins que les hommes les conséquences négatives sur leur salaire.Dans un contexte de développement de trajectoires discontinues, onentrevoit ici ce qu’une égalisation des conditions d’emploi pourraitapporter aux deux sexes.

Des évolutions encore incertaines

Nous proposons d’examiner ici les incidences de ces constats sur,d’une part, le fonctionnement des marchés internes et, d’autre part, les

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conditions de circulation sur le marché du travail et le développementde la précarité. On s’interrogera enfin sur les sources d’inégalités dontles mobilités constituent le révélateur.

Transformation des marchés internesL’hypothèse d’une transformation des marchés internes, issue de leurdéstabilisation dans le cadre du ralentissement de la croissance et duraccourcissement de l’horizon temporel des firmes, se traduit par uneremise en cause des contrats implicites de long terme reliant lesemployeurs à leurs salariés. Si l’emploi durable résiste manifestementaux évolutions en cours, la relation d’emploi est moins facilement envi-sagée dans le long terme et les bénéfices de l’ancienneté tendent àperdre de leur caractère systématique. La stabilisation des salariésdans les marchés internes passe par des formes d’incitation plus indi-vidualisées et par un ciblage plus marqué de la reconnaissance del’expérience acquise. En parallèle, de nouvelles articulations des “mar-chés internes” avec des logiques d’externalisation tendent à se déve-lopper. Les frontières de l’entreprise se recomposent ainsi dans lecadre de partenariats économiques qui offrent de nouveaux espacesde mobilité, mais dont la configuration et les dynamiques qui les gou-vernent restent mal connues.

Trouver un équilibre entre qualificationsspécifiques et transférablesLa transformation des marchés internes conduit à ce que l’acquisitionde qualifications spécifiques ne se montre pas payante pour l’en-semble des emplois d’un marché interne. Dans ces conditions, ce sontplutôt les qualifications transférables, présentant un certain degré degénéralité, qui facilitent les mobilités. Dans la mesure où les entre-prises financent en priorité des formations d’adaptation à l’emploi, laquestion de la stimulation des apprentissages susceptibles de préve-nir les risques de chômage et les difficultés de reclassement se posedonc avec acuité. La recherche d’un meilleur équilibre entre l’acquisi-tion de qualifications transférables et spécifiques devrait constituer unaxe fort des politiques de formation tout au long de la vie.

Concurrence ou complémentarité entre les générationsLa déstabilisation des marchés internes a renforcé le phénomèned’une “exclusion sélective” des jeunes du monde du travail. Toutefois,dans la mesure où le niveau de sortie de formation initiale monte et où

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les besoins en technicité s’accroissent, il se pourrait que les jeunesdisposent d’un avantage sur leurs aînés. Les salariés âgés perdant,sur certains segments d’emploi, l’avantage que leur procure l’ancien-neté, ils pourraient être concurrencés par des jeunes dont le diplômefait ombrage à leur qualification spécifique. Le risque d’une plus fortesubstituabilité des jeunes et des anciens semble concerner tout parti-culièrement les métiers dont les contenus sont en forte mutation 125.Ceci pose alors la question du reclassement des salariés anciens 126.

Les prochains départs en retraite des salariés de la génération dubaby-boom vont ouvrir des espaces de promotion interne qui ne peu-vent qu’être favorables à une reconnaissance de l’expérience, maisune partie des emplois offerts sera réservée aux jeunes diplômés. Latransformation de l’expérience des actifs en atout pour la poursuite deleur carrière professionnelle apparaît dès lors comme une question depremière importance pour limiter la vulnérabilité des plus âgés face àl’obsolescence de certain de leur savoir-faire.

Une incidence de la précarité sur les parcoursqui reste mal connueLe développement de mobilités à risques produit-il des trajectoires dis-continues touchant une part de plus en plus étendue de la populationactive ? Ou assiste-t-on plutôt à une concentration du risque de dis-continuité, voire d’exclusion de l’emploi, sur certaines catégories depopulations ? Rien ne nous permet pour l’instant de répondre à cettequestion, même si l’on voit, en instantané, ce risque se concentrer surles moins qualifiés. La question de savoir dans quelle mesure et àquelles conditions le maintien hors de l’emploi devient stigmatisantpour la suite du parcours, jusqu’à conduire à un point de non-retour,reste posée. Il reste que le renforcement de la déstabilisation de l’em-ploi et le caractère de plus en plus risqué des transitions profession-nelles soulève la question de l’accompagnement des mouvements surle marché du travail.

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(125) Voir l’exemple de la maintenance industrielle comme illustration de cephénomène présenté précédemment.(126) Amar (M.), “2005 : le choc démographique, défi pour les professions, lesbranches et les territoires”, collection Qualifications & Prospective, LaDocumentation française, décembre 2002.

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La mobilité, révélateur de nouvelles sources d’inégalités ?Tous ces constats et évolutions montrent que derrière l’accroissementdes mouvements sur le marché du travail, des inégalités se renforcent,notamment face au risque de discontinuité professionnelle. On pour-rait considérer qu’elles sont inhérentes au monde “connexionniste”que produisent les transformations économiques, technologiques etinstitutionnelles auxquelles nous assistons, et qu’elles sont en celainéluctables. Mais on doit également se demander si ces inégalités nesont pas entretenues par l’absence de régulations au sein d’un mondeen réseaux qui, soumis à des logiques de court terme pour des acti-vités au caractère temporaire, encourage les stratégies opportunistes.Luc Boltanski et Eve Chiapello 127 développent l’idée selon laquelle lesmobilités valorisantes des uns se nourrissent de l’immobilité desautres. Pour eux, les actifs les moins mobiles constituent un facteurimportant de formation des profits que les mobiles tirent de leursdéplacements. Leur permanence dans certains lieux du réseau permetaux mobiles d’accroître individuellement leur employabilité, au détri-ment des autres membres du collectif de travail dont la contribution,bien que décisive, est maintenue dans l’ombre. De plus, la mobilitémême des réseaux fragilise la position des non mobiles, dont la parti-cipation n’a d’intérêt que le temps d’un projet.

L’hypothèse des auteurs est donc que l’enracinement local, la stabilitéreprésentent des appuis et des ressources indispensables auxconnexions que réclament les dynamiques de réseaux, mais qu’ilsconstituent, paradoxalement, des facteurs de précarité et sont de plusen plus vécus comme tels. Selon eux, la contribution des non mobilesà la formation de la valeur ajoutée n’est pas rémunérée au niveau oùelle devrait l’être pour que le partage soit équitable. Cette hypothèsevient renforcer le constat fait dans ce rapport de la coexistence demobilités avantageuses pour les uns et coûteuses pour les autres. Laquestion est de savoir si et comment de telles inégalités peuvent êtrecombattues.

(127) “Inégaux face à la mobilité”, “Projet”, n° 271, septembre 2002.

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Les besoins de recrutements à venirouvrent des opportunitéspour une meilleure valorisation des mobilités

De nombreux travaux soulignent la nécessité d’encourager de nou-velles régulations susceptibles de sécuriser les trajectoires profes-sionnelles de plus en plus discontinues. Nous proposons ici d’exami-ner si les évolutions démographiques à venir peuvent, pour leur part,contribuer à réduire les inégalités que nous avons mentionnées. Nousexaminerons pour ce faire trois grandes pistes :

– Quelle peut être la contribution de la formation tout au long de la vieà l’amélioration des mobilités sur le marché du travail ?

– La réactivation des promotions internes peut-elle permettre de rédui-re les tensions qui risquent de se produire non seulement sur le mar-ché du travail, mais également en direction du système éducatif ?

– Une meilleure mise en relation de l’offre et de la demande de travailpeut-elle faciliter “l’employabilité” de tous, y compris des moinsmobiles ?

Forces et faiblesses de la formation tout au long de la vieLes nombreux travaux sur la formation professionnelle continue et pluslargement sur la formation tout au long de la vie mettent en évidencecertaines contradictions. En particulier, la formation continue devraitfavoriser l’employabilité et faciliter les mobilités professionnelles, maiscelle qui est financée par les entreprises va aux salariés les plus sta-bilisés dans l’entreprise, qui sont aussi les plus qualifiés.

La formation continue apparaît ainsi très largement complémentairede la formation initiale pour les plus diplômés 128. Toutefois, des étudessur le rendement de la formation continue tendent à conclure à un ren-dement élevé pour les moins diplômés. Cela suggère que la formationcontinue est en mesure de se substituer à la formation initiale pour lesmoins diplômés. Si ces données sont robustes, on peut conclure avecBoyer que le rééquilibrage de la formation professionnelle continue en

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(128) Boyer (R.) “La formation professionnelle tout au long de la vie”, in Gauron(A.), “Formation tout au long de la vie”, Conseil d’analyse économique, LaDocumentation française, 2002.

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direction des moins qualifiés aurait un double effet : “réduire les iné-galités sociales et améliorer la performance des firmes”.

Cet argument va dans le sens d’un plus grand droit de tirage sur la for-mation continue accordé aux individus. Mais pour que la compétenceacquise contribue également à la performance des firmes, il importeque la formation choisie en fonction du projet professionnel des indivi-dus soit négociée avec l’entreprise. L’exercice de ce droit requiertd’importants appuis qui dépassent largement le cadre de l’entreprise.

Tous ces éléments ne doivent pas faire oublier les difficultés quesoulève l’accès à la formation continue pour les moins qualifiés. Onsait qu’ils accèdent plus facilement à des formations en situation detravail (FEST) qu’aux formations de type cours ou stage 129. Or, lesFEST facilitent l’acquisition de techniques et procédures directementapplicables à un poste de travail donné. Autrement dit, leur moindresélectivité s’accompagne d’une faible transférabilité a priori desapprentissages réalisés. Ce caractère localisé des acquis de la for-mation est problématique dans la mesure où les moins qualifiés sontaussi ceux dont les trajectoires professionnelles sont les moins sécu-risées. Dans ces conditions, la formation continue n’a de chances deleur être profitable que si elle favorise le développement de compé-tences entendues, non comme maîtrise des routines, mais, en amont,comme capacité d’appropriation des savoirs et d’invention des sché-mas comportementaux adaptés aux situations 130.

Quel retour de la promotion interne ?L’entreprise peut avoir intérêt à encourager de telles formations. PourRobert Boyer, la formation continue peut en effet redonner de lavigueur aux marchés internes et, notamment, “les fluidifier par un redé-ploiement des compétences”. Les pratiques de gestion des compé-tences qui se sont développées dans les entreprises au cours desannées 1990 ont eu cette ambition et ont effectivement rendu possiblesd’importantes opérations de requalification de personnels d’exécution.

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(129) Hanchane (S.), Lambert (M.), “Diversité des pratiques de formation etpratiques de sélectivité”, à paraître, ainsi que Sauter (E.), “Risques et chances del’apprentissage sur le poste de travail”, Formation professionnelle, n° 17,CEDEFOP, 2002.(130) Stroobants (M.), “Savoir-faire et compétences au travail”, Bruxelles, Éditionsde l’Université Libre de Bruxelles, 1993.

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Néanmoins, les expériences qui ont été étudiées dans la durée 131 n’ontpas toujours entraîné le renversement de cette irrésistible tendance dela formation continue à ne bénéficier qu’aux plus qualifiés voire, parsurcroît, à se concentrer sur les salariés “promouvables”.

On peut néanmoins supposer que le renouvellement à venir de lamain-d’œuvre va créer de nouvelles opportunités pour une stimulationdes promotions internes. Sous l’effet “cheminée” que vont produire lesdéparts en retraite, de nouveaux espaces de mobilité interne vonts’ouvrir de fait. Or, à qui vont profiter ces nouveaux espaces ? Nousavons en effet souligné qu’au cours de la décennie écoulée, la partrelative du recrutement par promotion interne avait diminué. Cettebaisse n’a rien d’une fatalité.

Les travaux de prospective du BIPE et de la DPD sur les dix années àvenir montrent très clairement combien le système éducatif peut être misen tension au niveau des formations post baccalauréat si les employeursne font pas résolument le choix de stimuler les filières de promotion pro-fessionnelle 132. L’augmentation au cours des années 1990 du recrute-ment de diplômés dans des emplois de niveau de qualification inférieurpourrait inciter les employeurs à favoriser les mobilités promotionnelles,qui auraient dans de nombreux cas une fonction de rattrapage.

Mais ces travaux prospectifs montrent aussi que, dans les cas les plusoptimistes, les jeunes sortant du système éducatif avec un bas niveaude qualification continueront, en dépit d’importants besoins en main-d’œuvre peu qualifiée, de connaître des difficultés d’insertion.

Quel accompagnement des mobilités ? La recomposition des systèmes productifs et leur internationalisationcroissante soulèvent d’énormes difficultés 133 : comment concilier l’in-

- Conclusion -

(131) Kalck (P.), Marquette (C.), Monchatre (S.), “L’histoire longue de la mise enœuvre d’un accord sur les compétences : quelques pistes d’analyse”, in Brochier(D.) (coord.), “La gestion des compétences : acteurs et pratiques”, Economica,2002.(132) Sauvageot (C.), “Les besoins en recrutement de jeunes sortant du systèmeéducatif d’ici 2010”, “Éducation et Formation”, n° 62, janvier-mars, ainsi que Orivel(E.), “Prospective emploi-formation à l’horizon de 2010”, note d’information de laDPD, 2-30, juillet 2002.(133) Rolle (P.), “Saisir et utiliser l’activité humaine. Qualité du travail, qualification,compétence”, in Dupray (A.), Guitton (C.), Monchatre (S.) (coord.), “Réfléchir lacompétence”, Toulouse, Octarès, à paraître.

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stabilité grandissante des emplois avec la nécessité pour tout citoyend’obtenir un revenu tout au long de sa vie ? Comment assurer unesocialisation des risques qui, en dernière analyse, diminue le taux dessalaires et protège le salarié, hors des cadres traditionnels ? Commentfinancer la formation des individus, si la rémunération qu’ils obtiennentn’en tient plus compte et si les employeurs peuvent, en s’expatriant,refuser d’y contribuer ? Nous ne prétendons en aucun cas répondre àces questions, mais nous tenterons plus modestement d’évoquer cer-taines pistes qui s’y rapportent et gagneraient à être explorées.

À l’heure où des besoins de main-d’œuvre se font jour pour compen-ser les départs en retraite de la génération du baby-boom, la questiondu renouvellement de la population active ne se pose pas seulementen termes d’injonctions adressées au système éducatif, ou encore destimulation des promotions internes, mais également en termesd’amélioration de la mise en relation de l’offre et d’une demande detravail de plus en plus mobile.

Le renforcement de la déstabilisation de l’emploi conduit en effet àinterroger les conditions dans lesquelles s’effectue la circulation desactifs sur le marché du travail. Dans la mesure où les trajectoires sontde plus en plus entrecoupées de séquences de non-emploi, se posela question d’une meilleure utilisation des transitions qui en résultent,mais aussi du rôle des intermédiaires du marché du travail dans l’ac-compagnement des mouvements.

Il existe, en effet, des obstacles structurels à la mobilité “positive”. Enmatière d’intermédiation sur le marché du travail, le problème du défi-cit d’information sur les qualités de la main-d’œuvre a été évoqué parFrançois Eymard Duvernay, ainsi que l’existence de “biais de sélec-tion” 134 conduisant à donner la priorité aux plus diplômés. De même,l’intermédiation sur le marché du travail gagnerait sans doute à parti-ciper plus activement à la construction de qualifications et à la struc-turation des trajectoires, plutôt qu’à se centrer sur des pratiques desélection de la main-d’œuvre.

Enfin, en matière de circulation sur le marché du travail en cours devie professionnelle, la mobilité est souvent pénalisée par une non-

(134) “Les modes de recrutement : des biais de sélection”, in “Entre chômage etdifficultés de recrutement : se souvenir pour prévoir”, collection Qualifications &Prospective, La Documentation française, 2001.

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reconnaissance de l’ancienneté acquise par ailleurs, dans la mesureoù continue de prévaloir le principe de l’attachement à l’entreprise etde la “carrière maison” (comme dans la fonction publique et dans denombreuses grandes entreprises). De tels principes de fidélisation dela main-d’œuvre créent les conditions d’une équité interne en matièrede salaire et de carrière. Mais on peut se demander si les nouvellesexigences de mobilité que génèrent les systèmes productifs n’appel-lent pas à l’invention de nouvelles pratiques de qualification, ména-geant besoins des employeurs, mobilité externe et valorisation del’expérience de l’individu.

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Liste des membres de l’atelier“Mobilités professionnelles”

Président

Jean-François GERME, directeur du Centre d’études de l’emploi (CEE)

Rapporteurs

Sylvie MONCHATRE, chargée d’études, Centre d’études et derecherches sur les qualifications (CEREQ)

François POTTIER, chef du Service “Observatoire des études et car-rières”, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Membres

Christine AFRIAT, chargée de mission, Service des affaires sociales,Commissariat général du Plan

Thomas AMOSSÉ, chargé d’études, Département de l’emploi et desrevenus d’activité, INSEE

Francis ANDRÉANI, directeur de la formation professionnelle et de l’ap-prentissage, région Aquitaine

Michèle BARACAT, CGT

Nadir BENSMAIL, Mission développement de la formation continue et dela promotion sociale DGEFP, ministère des Affaires sociales, duTravail et de la Solidarité

Hubert BOUQUET, Observatoire régional de la formation de l’emploi(ORFE) de la région Centre

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Hélène BRODU, conseillère Emploi-Formation, Rectorat de Versailles

Gilbert CASTELLI, FSU/SNUipp

Christine DUPUIS, UNSA

Joël FAOU, CFTC

Guy FOSSAT, Direction de l’enseignement supérieur et de la recherche,ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et des Affairesrurales

Gérard GAUTRON, FO

Anne-Marie GROSELIER, AFPA

Charline HATOT, ANPE

Michel MÉNAIGE, chef du bureau des politiques de l’emploi et de lacoordination des formations et des examens, ministère de la Jeunesseet de l’Éducation nationale

Xavier NOËL, CRCI des Pays de Loire

Marie-Béatrice ROCHARD, directrice de l’Observation régional de la for-mation et de l’emploi (ORFE) de la région Centre

Xavier VINEY, Département métiers et qualifications, DARES

Carole ZAVADSKI, CPNEF SV

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