Les métamorphoses du travail.

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LES MÉTAMORPHOSES DU TRAVAIL. Requiem pour l'emploi salarié ? Alban Goguel d?Allondans De Boeck Supérieur | Innovations 2005/2 - no 22 pages 9 à 32 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2005-2-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Goguel d?Allondans Alban, « Les métamorphoses du travail. » Requiem pour l'emploi salarié ?, Innovations, 2005/2 no 22, p. 9-32. DOI : 10.3917/inno.022.0009 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h15. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h15. © De Boeck Supérieur

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LES MÉTAMORPHOSES DU TRAVAIL. Requiem pour l'emploi salarié ?Alban Goguel d?Allondans De Boeck Supérieur | Innovations 2005/2 - no 22pages 9 à 32

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2005-2-page-9.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Goguel d?Allondans Alban, « Les métamorphoses du travail.  » Requiem pour l'emploi salarié ?,

Innovations, 2005/2 no 22, p. 9-32. DOI : 10.3917/inno.022.0009

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Innovations, Cahiers d’économie de l’innovation n°22, 2005-2, pp.9-32.

Les métamorphoses du travail. Requiem pour l’emploi salarié ?

Alban GOGUEL d’ALLONDANS1

Laboratoire Redéploiement Industriel et Innovation Université du Littoral Côte d’Opale

Résumé / Abstract

La remise en cause du modèle industriel fordiste ne provoque pas la disparition du travail, mais sa transformation laquelle induit une insta-bilité institutionnelle. Le travail salarié constitué en norme sociale do-minante de la vie sociale a été le moteur de la croissance économique des années 1950-1970. La globalisation des économies et la libre circulation des travailleurs ont provoqué la déconstruction de ce modèle. Quels sont les changements en cause ? Quelles sont les analyses formulées ? Quelles sont les réponses institutionnelles apportées ?

Labour metamorphosis. Requiem for salaried employment?

The questioning of the fordist industrial model does not mean the

end of labour, but its transformation in a context of institutional instability. The salaried work, as a dominant social standard, has been the engine of the economic expansion during the 1950-1970s. The economic globalization and the free circulation of workers has led to the destruction of this industrial model. What are the transformations? What is the sociological analysis of this question? What are the institutional answers?

JEL J200, J500

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« Le travail semblait manquer de toutes parts. Sur dix hommes valides, il en était toujours un ou deux qui, bien que cherchant à se faire employer, n’y parvenaient pas. Le découragement était général ».

Jonathan SWIFT (Nouveaux voyages de GULLIVER dans l’île volante de

LAPUTA Apocryphe) « Nous allons vers une société de travailleurs sans travail. Le

travail sera de moins en moins important au plan strictement économique. Il deviendra principalement un problème culturel et social ».

Hannah ARENDT L’allongement de l’espérance de vie et les implications du

vieillissement démographique remettent en cause le modèle culturel d’une organisation des âges et des temps sociaux1 hérités du modèle industriel fordiste, modèle de production et de consom-mation de masse hégémonique jusque dans les années 1970. Dans le cadre de ce nouveau type historique de société, il en va tout différemment. Au niveau du vécu, la pression temporelle s’accompagne d’une dilution des repères temporels, ce qui donne l’impression d’une confusion et d’une perte de sens, étant donné l’impossibilité d’une mise en cohérence de la multiplicité et de l’enchevêtrement des temps sociaux. D’ailleurs, le temps est un excellent révélateur et un bon indicateur de la dynamique sociale, d’où la place centrale des régulations temporelles au sein des régulations sociales.

Plutôt que de parler de la crise du modèle fordiste, il con-vient plutôt de s’entretenir d’un changement de paradigme. Ce concept est utilisé dans son sens socio-économique tel que l’a défini Thomas S. Kuhn (La structure des révolutions scientifiques, Flamma-rion, champs, Réédition de 2003), à savoir qu’il représente tout un ensemble de croyances et de valeurs reconnues et de techniques qui sont communes aux membres d’un groupe donné2.

1 Le facteur temps est d’une très grande complexité à comprendre, et comporte des définitions très différentes selon les spécialités et domaines d’application envisagés. Il y a donc le temps des mathématiciens, des physiciens, des philo-sophes, des psychologues, des historiens, et le temps que les sociologues con-sidèrent, notamment les temps sociaux comme ils sont traités dans ce texte. « Les ‘temps’ sont des codes de mesure normalisés à des stades historiques et techniques donnés, dans des sociétés données, à des fins publiques et pragmatiques » (George Steiner, Grammaire de la création, Gallimard, 2001). Au niveau individuel, l’appréhension du temps dé-termine largement la conscience et touche à l’essence, au tissu même de l’être. 2 Dans La structure des révolutions scientifiques, Thomas S. Kuhn définit comme suit le terme paradigme : « Selon l’usage habituel, un paradigme est un modèle ou un schéma

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Et quand le monde change, les paradigmes font de même puisqu’ils cessent peu à peu, ou ont cessé en partie, d’être opératoires. Sur aucun plan, il ne paraît désormais plus possible de se référer à des évidences incontestables développées par le modèle industriel fordiste. Tout devient conditionnel, les com-portements moins unifiants, le mouvant des conduites et des intérêts des acteurs sortent du moule réducteur des rôles assignés. La référence institutionnelle – l’institution étant définie comme un groupement social légitime – sert désormais à canaliser et contrô-ler ces facteurs d’incertitude, afin de maintenir des schémas d’interaction cohérents1.

A propos de la rupture des modèles culturels, Dominique Wolton pose la question suivante : « Quel est, aujourd’hui, le modèle culturel pour le travail, quand on voit les transformations qui l’ont affecté en moins d’un siècle et qui ont modifié toutes les représentations que nous en avons ? »2 Pour y répondre, il faut partir d’une réflexion historique, afin d’essayer de comprendre l’évolution du sens du travail. Le travail en tant que valeur cardinale, figurait au centre des luttes sociales et des antagonismes entre hommes. Actuellement cette construction sociale en forme d’épure perd de ses vertus intégratives, mais encore à la marge seulement. Mais, l’investis-sement dans la valeur travail : pour quelle rentabilité et satisfac-tions ? La question qui naguère n’aurait pas eu de sens, est ce-pendant posée aujourd’hui quand il y a doute sur cette finalité. L’illusion a été entretenue par le caractère exceptionnel de l’épisode de plein emploi connu durant les presque insouciantes Trente Glorieuses, et l’interrogation présente porte sur le fait que l’emploi salarié n’est plus le seul vecteur de l’activité sociale, et l’entreprise le seul lieu de socialisation. Force est donc de constater que la culture du plein emploi, est un modèle qui n’est plus opérant aujourd’hui3.

accepté, et cette signification particulière m’a permis de m’approprier ici ce terme, à défaut d’un meilleur. Mais on réalisera rapidement que le sens de ‘modèle’ et de ‘schéma’ qui permet l’appropriation n’est pas tout à fait le sens habituel de la définition du paradigme ». Par delà les difficultés inhérentes à toute définition, sujettes à controverses, n’est retenue que le sens sociologique de ce concept dont la complexité peut se décliner en nuances subtiles, lesquelles par choix n’entrent pas dans l’exposé (Thomas S. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Flammarion, Champs, Paris, 2003). 1 DOUGLAS M., Comment pensent les institutions, La découverte/Poche (col-lection Sciences humaines et sociales), n°175, Paris, 2004. 2 DELORS J., L’unité de l’homme (Entretiens avec Dominique Wolton), Odile Jacob, Paris, 1994. 3 D’ailleurs, la recherche « devenue obsessionnelle de la compétitivité », et donc des gains de productivité, s’impose à tous les stades de la vie. Les enfants se voient in-culquer cette obsession dès leur plus jeune âge et les salariés sont appelés à

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L’emploi salarié ne joue plus son rôle d’intégration sociale « capable d’assurer à chaque homme une fonction, un revenu et un statut ». En effet, dans la course effrénée à la productivité et à la com-pétitivité, « l’emploi devient la principale variable d’ajustement »1. Ces faits appartiennent au problème et non pas à la solution.

La thèse de plus en plus répandue, et souvent admise avec réticence quand elle n’est pas simplement niée, est que l’on s’éloigne d’une échelle de priorité qui reposait sur la valeur travail. Dans ce domaine il n’est pas toujours facile de démêler ce qui appartient à l’analyse sociologique de ce qui relève en discours écran, de l’idéologie. La société industrielle devenue post-industrielle s’approche d’un tournant décisif en ce qui concerne les conditions de vie, les mécanismes de contrôle des ressources, la distribution des compétences et leur légitimation. Ceci est dû à un nouveau sens du travail. « Le travail humain, orienté comme il l’est aujourd’hui par les contraintes sociales, économiques, organisationnelles n’est pas une nécessité première pour la réalisation de l’homme vers son destin » 2. Quiqu’il en soit des discours, une certitude cependant : il s’agit moins de la fin du travail avec l’idée sous-jacente de la libération d’une malédiction historique, que de sa mutation. Il ne disparaît pas mais se transforme, salarié ou non. Encore faut-il en mesurer toutes les conséquences sociales dont les ré-gulations sociales étaient jusqu’à présent légitimées par sa stabi-lité institutionnelle.

DE LA STABILITE/PROGRESSIVITE A LA PRECARITE/POLYVALENCE DANS L’EMPLOI

La reformulation de la question du sens du progrès a pour

conséquence d’ébranler le modèle traditionnel du travail, lequel implique le chômage de masse3.

travailler dans des conditions à la fois plus dures et plus précaires sous peine d’être rejetés du monde du travail, c’est-à-dire de facto de la vie sociale. Et comme l’écrivait Hannah Arendt, en 1958, la société moderne, après avoir trans-formé la société tout entière en une société de travailleurs, délivre progres-sivement celle-ci des chaînes du travail. Mais, les discours sur la fin du travail sont ressentis comme une menace et non comme une libération. 1 « L’illusion du plein emploi », Centre des Jeunes Dirigeants, Futuribles, Paris, n°183, janvier 1994, pp.55-59. 2 UUET J-C., NASTRI G., Le travail hors la loi, Revue Politique et Parlementaire, 1987, pp.17, 99. 3 En mars 2002, selon l’enquête emploi de l’INSEE, le nombre de chômeurs au sens du BIT s’élevait à 2 341 000, soit 8,9% de la population active (Aerts A-T., Bigot J-F., Enquête sur l’emploi de mars 2002, Chômage et emploi en hausse,

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Les analyses qui se prononcent explicitement pour un abandon du travail comme fondement de la vie sociale (à moins qu’elles n’estiment seulement nécessaires d’en reconsi-dérer les conditions ou la place), toutes ont en commun d’ap-peler à un dépassement de la « société salariale qui considérait l’em-ploi à plein temps et à durée indéterminée comme le vecteur privilégié de l’insertion sociale, de la citoyenneté et comme le mécanisme principal de distribution des revenus »1. Autrement dit, les trois rapports fondamentaux de l’homme – avec lui-même, avec autrui, avec le monde – étaient médiatisés par le travail ; l’humanité ne devenant elle-même qu’à travers le travail qui constitue son essence. Par conséquent, le travail fourni a acquis depuis la ré-volution industrielle un statut de travail en général, qualifiant son prestataire comme un individu social en général, capable de remplir une fonction sociale déterminée, et donc de se rendre géné-ralement utile au système social. Bref, il confère la citoyenneté éco-nomique à son prestataire. Inversement, la vie sans travail uni-versellement interchangeable et, publiquement reconnue, signi-fie pour l’individu qu’il est voué à l’inutilité et à l’inexistence publique, c’est-à-dire à une mort sociale2.

L’idée centrale est donc de passer d’une interrogation sur la crise dans l’économie à une réflexion sur la crise de l’économie. Ce dont il est question, c’est la place et le statut des activités dites économiques dans le système social, politique et culturel. En effet, la crise de l’Etat-providence, le ralentissement de l’activité macro-économique, les tensions entre l’Etat et la société, le développement de l’économie informelle : tous ces phénomènes contemporains renvoient au problème des rap-ports entre l’économique et le social. Cependant, la « centration sur l’économique mène à des impasse », d’où la nécessité de changer les règles du jeu3.

INSEE Première, n°857, juillet 2002, 4 pages). Selon les données fournies par le ministère du travail et établies d’après les mêmes critères, ces chiffres sont respectivement de 2 446 000 chômeurs, soit 9,9% de la population active. Pour certaines catégories, comme les demandeurs d’emplois de moins de 25 ans, la situation est préoccupante. Et le chômge de longue durée est aussi orienté à la hausse (L’Expansion, 13 janvier 2005). 1 FITOUSSI J-P., ROSANVALLON P., Le nouvel âge des inégalités, Seuil, Paris, 1996. 2 CASTEL R., Les métamorphoses de la question sociale, Une chronique du salariat, Fayard, Paris (collection L’espace du politique), 1995. 3 L’accumulation de la richesse est devenue une fin en soi, d’où la nécessité de créer des emplois, et ce faisant fabriquer des besoins (cette thèse est défendue par l’O.C.D.E., contre toute vraisemblance). C’est précisément cette logique que Guy Roustang s’emploie à modifier avec changement de perspective. Utopique ?

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Mais est-ce possible ? Non, du seul fait que le politique abdique aujourd’hui devant l’économique1. La société salariale est en crise parce que le travail intègre de moins en moins et n’est plus, semble-t-il, le principal vecteur de socialisation. Et cette crise du rapport au travail se transforme logiquement en crise du lien social.

Le travail salarié codifié s’est constitué en norme sociale domi-nant le fondement de la vie en société. Ce qui pose problème, c’est le processus de déconstruction re-construction de cette norme qui conduit à s’interroger sur l’articulation entre le social (qui est une construction historique périssable et en perpétuel changement) et l’économique soumis à sa propre logique, c’est-à-dire à des régulations indépendantes. D’où les difficultés d’ordre conceptuel qui reflètent la complexité qu’entretiennent le travail et le social. En effet, si l’obligation d’intervenir dans le champ social est justifiée par l’incapacité de la société à assurer à tout le monde un emploi/revenu, il n’en demeure pas moins qu’elle légitime dans le même temps l’extension de l’économique. Paradoxe.

L’évolution sociale, dans une première étape, correspond à un long processus de socialisation par le travail qui s’est accom-pagné d’un notable progrès social et, dans un second temps, lorsque le modèle salarial classique lentement édifié, commence à s’effriter, l’éthique du travail s’en trouve directement affectée. Cette phase coïncide avec la crise de la société salariale. Ainsi, le salariat face à l’hégémonie de l’économique est remis en cause. C’est ce qui explique les tentatives actuelles de recherche d’autres modes de socialisation comme les tentatives de revalo-risation du travail qui explorent le champ de l’économie invisible. En effet, au lieu de s’interroger sur le devenir du travail et sur les nouvelles reformulations de la question sociale, sont encouragées certaines activités censées maintenir la cohésion sociale. Cependant, la nature de ces activités n’est qu’une question de l’immédiat, entravant la possibilité de concevoir des projets à plus long terme. En tablant sur les emplois relevant de ce type d’économie, on ne peut qu’accentuer la précarisation de l’emploi et contribuer ainsi à créer un marché de l’emploi à deux vitesses avec, pour corollaire, la mise ne place d’un système de

1 Toutes les études révèlent un certain déficit d’analyse du travail moderne : l’étroitesse du raisonnement économique d’une part, la distance croissante entre les représentants qualifiés des acteurs sociaux et la réalité du terrain d’autre part, en sont les explications suffisantes. « A défaut de pouvoir s’appuyer sur des théories nouvelles, les mécanismes productifs obsèdent les acteurs économiques (...) Le rêve du patron, c’est l’usine sans ouvrier » (Denis ETTIGHOFFER, Gérard BLANC, Le syndrome de Chronos. Du mal travailler au mal vivre, Dunod, Paris, 1998).

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pluri-activités (les petits boulots). Par conséquent, la norma-lisation des formes anormales de l’emploi, permet de poser la question de savoir si l’objectif réel n’est pas de rendre socialement tolérables les situations de précarité et d’exclusion. La nouvelle articulation du social et de l’économique semble ainsi justifier l’émergence de la culture d’activité. Cette approche ne contribue en rien à apporter une réponse valable au problème de l’emploi et n’est, en définitive, qu’un succédané, l’envers du décor. L’emploi de la notion d’activité dans le discours est du au fait qu’il y a de moins en moins de travail, et que l’importance des revenus de transfert renforce la disso-ciation entre revenu et emploi. L’idée d’activité est désormais intégrée aux discours tenus par les pouvoirs publics. Cette reconnaissance de leur impuissance à assurer à chacun un travail, influe sur les réalités individuelles, c’est-à-dire les représen-tations sociales des individus. Et, c’est reconnaître que l’intégra-tion sociale se réalise dans l’économie de la débrouille. Ni plus, ni moins. Ce n’est qu’à partir du XIXème que la société elle-même va être érigée en marché, et l’économie marchande en extension se fonder sur un nouveau rapport social appréhendé sous un même concept : le travail salarié. La valorisation du travail, considéré lui-même comme une marchandise, va per-mettre la construction d’une identité sociale, « mais aussi comme la source de toute valeur et de toute richesse »1. Comme obligation morale et devoir social, le travail salarié consacre l’extension de l’économique, et l’économie de marché va poser la question de l’institution du social, laquelle se constitue progressivement à l’image de la société salariale.

Le déclin relatif et la transformation de la société salariale

La croyance en un progrès social continu va être remise en

cause avec l’effritement du modèle salarial qui avait pour ob-jectif de transformer l’extension du salariat en projet de société. Mais, à partir des années 1970, avec le ralentissement de la croissance historiquement exceptionnelle, l’idéologie du travail subit ses pre-mières atteintes, suivies rapidement de sa première contesta-tion. A partir des années 1980, la question sociale prend une dimension politique.

1 GRANE H., Espace social et travail : rétrécissement ou recomposition, Le travail en question, L’Harmattan (Les Cahiers du CEFRESS), Paris, 1996, pp.17-72.

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« Sollicité de plus en plus le social devient un atout tant pour les entreprises que pour les pouvoirs publics. D’un côté, le social d’entreprise (investissement dans les relations humaines, plans sociaux, citoyenneté d’entreprise)1 est érigé en instrument de productivité et d’efficacité, de l’autre, les responsables politiques vont faire du social un enjeu politique majeur »2. Mais la modernisation de la société se réalise à l’aide d’un mode de socialisation qui exclut une partie de plus en plus importante de la population quand le modèle du travail à temps plein, ainsi que les mécanismes assuranciels qui lui sont attachés, commencent à se déliter. On assiste alors à la décom-position du modèle salarial classique. Dans un contexte concur-rentiel, la compétition pour seul résultat économique à court terme oblige les entreprises à agir sur la flexibilité de la masse salariale, cela afin de faire face à des conjonctures de plus en plus incertaines dans le cadre concurrentiel imposé par la glo-balisation. L’explication tient au fait que le salariat n’intervient que pour une part décroissante dans la création des richesses, celle-ci se découple de la masse salariale qui ne cesse propor-tionnellement de décroître. Le nouveau dilemme économique et social est que la création moderne de la richesse, la part du temps passé au travail ne cesse de se réduire. C’est la raison pour laquelle le modèle de production actuel s’accommode si bien de la réduction de la population salariée. On assiste alors à une véritable inversion entre la consommation et le travail : si la satisfaction des besoins, a constitué de tout temps la principale raison d’être du travail; aujourd’hui, on parle davantage de produire pour donner du travail à tous. Le travail devient une fin en soi.

1 La dimension nouvelle des objectifs de l’organisation au sein de l’entreprise est de rechercher et d’obtenir l’engagement implicite des salariés dans leurs activités de travail. Les exigences de la compétition et de la concurrence économiques poussent dans la même direction. Cette implication requiert l’engagement des salariés contre des contreparties réelles qui leur sont concédées en échange de leurs efforts. C’est la raison pour laquelle le système est basé sur l’incitation : emploi à long terme, salaire à l’ancienneté, possibilité de carrière, primes et parfois...des fonds de pension, ou autres mécanismes de capitalisation, conçus comme des réservoirs d’investissement capitalistique de l’économie. En effet, les gains de pro-ductivité devant aller aux investisseurs qui risquent leurs capitaux pour créer de nouvelles technologies, est devenu une arme potentiellement très efficace entre les mains des travailleurs (ou plutôt des gestionnaires de fonds). Car ces derniers se révèlent de gros investisseurs comme aux Etats-Unis où les fonds de pension détiennent prés du tiers de l’ensemble des avoirs financiers dans l’économie américaine (RIFKIN J., La fin du travail, La découverte, Paris, 1996). 2 GRANGE H., op. cit.

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Le nouveau modèle qui s’installe (lequel sonne le glas du salariat classique, mais pas du salariat en tant que tel) s’accom-pagne, dans le même temps, d’une redéfinition des comporte-ments au travail. Les statuts traditionnels de l’emploi s’effacent. « L’univers professionnel est en train de passer d’une logique de l’emploi à une logique de l’offre de services »1. Cette mutation caractérise la métamorphose du salariat classique. Le renouvellement du sens de la valeur travail se réalise, selon Alain Ehrenberg, par « une entreprenarisation des comportements salariaux à tous les étages de la hiérarchie des firmes ». Aujourd’hui, le nouveau paradigme pro-ductif, demande au travailleur, acteur devenu sujet, implication, autonomie, initiative individuelle, coopération et polyvalence. Avec la montée en puissance des valeurs de la concurrence écono-mique, la soumission à l’égard des normes de performance, les idéaux et les contraintes se sont modifiées et expriment une nouvelle forme de régulation sociale2. Les récentes pratiques de l’exercice de l’autorité visent à inculquer à chacun l’esprit d’entreprise, chacun étant l’architecte de son propre destin (Ludwig Von Mises) C’est pourquoi, le modèle idéal de l’emploi, celui du travail salarié à temps plein, accompagné de garanties sociales (les droits acquis) est remis en question dans le cadre d’un rapport au travail bouleversé. D’ailleurs, la réalité se mo-difiant, le vocabulaire du travail de l’ère industrielle évolue en parallèle, ainsi : chômage, emploi, carrière, salaire, retraite, etc., sans doute pour le remplacer par des expressions comme stratégie individuelle, l’entreprise de soi, et autres qualificatifs qui se diffusent dans le langage commun3.

Le salarié, selon la thèse soutenue par Denis Ettighoffer et Gérard Blanc, va devenir libéral avec la multiplication des emplois à temps partiels et des missions (généralement sur une étude ou la réalisation d’un projet précis), d’où la récente notion de travail polyactif (le travailleur dispose alors de deux ou trois formes de revenus de ses activités professionnelles conco-mitantes), qui serait la réponse à la précarisation des situations professionnelles.

1 ETTIGHOFFER D., BLANC G., op. cit. 2 EHRENBERG A., La fatigue d’être soi, Dépression et société, Odile Jacob, Paris, 1998. 3 AUBREY B., L’entreprise individuelle, Vers un nouveau modèle de travail, Futuribles, Paris, n°207, mars 1996.

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D’ailleurs, le droit a déjà transcrit cette évolution en créant les sociétés unipersonnelles1. Le nouveau mode de travail semble ainsi devoir être caractérisé par une multiplication et une diversification des situations, une atomisation des modes de travail, sans qu’aucun statut professionnel puisse prétendre devenir un modèle universel.

La transformation du sens du travail

Le futur travailleur sera donc polyactif – forme de travail

hybride où le temps se partage entre une activité indépendante et une activité salariée, c’est le temps partiel pluriel –, toutes les combinaisons sont envisageables en matière de temps, d’espa-ce, de forme et de dénomination de contrat. Par conséquent, les activités professionnelles vont être amenées (cela dans un temps rapproché) à combiner plusieurs statuts, plusieurs mé-tiers qui s’interpénétreront, et où la notion d’emploi serait remplacée par celle de portefeuille de compétences.

Dans ce contexte entièrement renouvelé, les maîtres-mots seront : souplesse, flexibilité, pluricompétences, réactivité (avec sans au-cun doute beaucoup d’opportunisme mêlé à l’esprit d’ini-tiative), entre autres. Déjà, les entreprises utilisent de plus en plus ouvertement la flexibilité externe, et connaissent en perma-nence des mouvements de personnel à statuts différenciés. Ce sont les entreprises poreuses ou flexibles2. La nouvelle figure du post-salarié qui se dessine déjà, représentera une catégorie pro-fessionnelle qui s’apparente au travailleur indépendant par le comportement et au salarié-partenaire par le mode de rémuné-ration.

1 Dans ce nouveau cas de figure, le rapport au temps change complètement. En effet, « les cultures ‘monochroniques’ mettent l’accent sur une programmation linéaire (une chose à la fois, d’où le terme ‘monochronique’), et sur la stricte adhérence aux horaires, aux sa-laires, aux délais. A l’opposé, les cultures ‘polychroniques’ sont moins soumises aux contraintes temporelles. Les rapports interpersonnels y sont considérés comme plus importants que le respect de programmes fixés d’une manière arbitraire. Dans un système ‘polychronique,’ les activités se recoupent, se chevauchent, associant dans leur conduite un plus grand nombre d’intervenants. Interruptions momentanées et reports de délais sont fréquents » (Brunetière D., Anthropo-logie culturelle du projet ou les prérequis liés au temps, Le projet, Un défi nécessaire face à une société sans projet, L’Harmattan, Paris, collection Logiques sociales, 1994). 2 GALAMBAUD B., Une nouvelle configuration humaine de l’entreprise, le social désemparé, ESF Editeur, Paris, 1994.

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Plus flexible, il concilie simultanément la sphère personnelle et professionnelle, en la considérant com-me un ensemble d’activités qui lui appartient de gérer tout comme un entrepreneur. Le capitalisme contemporain ne tue pas l’emploi, il le transforme. Le Syndrome de Chronos affecte l’ensemble du corps social et institutionnel1.

La modification des temporalités sociales

En effet, le temps segmenté relève d’une succession d’éta-

pes chronologiques inscrites dans la linéarité (le Chronos), tandis que la dimension qualitative du temps contemporain (le Kairos) suggère l’opportunité de l’intervention qui se situe dans un temps qui n’est plus linéaire. Et cette dichotomie renvoie à deux types de régulations structurées sur des logiques opposées.

Que ce soit au cours du processus d’industrialisation (révolution industrielle) et de modernisation (société post-industrielle), chacun est directement affecté dans ses conditions d’existence, lesquelles s’opposent par une différence de nature. Ainsi, la rationalisation de la société passe par l’agencement des temps sociaux des individus (par exemple, dans les nouveaux parcours de vie, les normes d’âge sont des normes de classement : être trop âgé ou non pour occuper un emploi, quelle que soit ses capacités physiques et professionnelles). Ce sont les nouvelles normes imposées par la société post-industrielle. La mutation de la société salariale, avec la montée des dérégulations, génère une flexibilité temporelle, une dilution des repères, un arase-ment des seuils, ce qui complique d’autant la construction so-ciale des catégories, et rend les situations individuelles réversibles (d’où la multiplication des emplois dits atypiques).

La dérégulation des calendriers et leur individualisation entraîne des répercussions sur les temporalités biographiques et, face aux difficultés d’appréhender l’avenir, la société (donc le monde du travail et de l’entreprise) vit intensément le présent qui s’exprime par une vision circonscrite au court terme. C’est la problématique de l’urgence non maîtrisable, faute de repères fiables socialement intégrés dans des institutions. Mais quel en est le prix à payer? Les changements structuraux accélérés ne sont pas évidents à gérer, « car chacun vit la quête d’une identité nou-velle comme un enjeu personnel ».

1 ETTIGHOFFER D., BLANC G., op. cit.

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Le renoncement implicite aux politiques sociales de la crois-sance, la diversification des statuts d’emploi et leur émiette-ment, s’avèrent rapidement insuffisants et très coûteux, comme le fait justement remarquer Dominique Wypychowski1. Le dispositif de réduction du temps de travail (RTT), n’a fait qu’accélérer le processus avec les entreprises qui en bénéficient et celles qui ne l’appliquent pas en raison du nombre de salariés qu’elles emploient. « Les phénomènes d’éclatement des collectifs de tra-vail se révèlent largement multiformes et témoignent de véritables stratégies de fragmentation de ces collectifs »2. D’ailleurs, les analyses de la seg-mentation du marché du travail, ont attiré l’attention sur les ten-sions de ce marché, avec la discordance entre le flux d’offres et celui des demandes d’emplois, sur ses hétérogénéités et, par ce biais, sur les autonomies par rapport aux équilibres écono-miques globaux. Une tendance persistante néanmoins, malgré un chômage important, est celle de la difficulté de recrutement dans certains secteurs d’activité et métiers. Ce thème est para-doxalement toujours d’actualité. Par delà les déterminations induites par la conjoncture générale, la main-d’œuvre se re-nouvelle selon une dynamique spécifique inhérente aux diffé-rentes branches professionnelles. Ainsi les difficultés de recru-tement dans certains métiers sont importantes. L’exemple des infirmières a été très médiatisé. D’une façon plus générale, les emplois difficiles à pourvoir relèvent des secteurs de la cons-truction, de l’hôtellerie-restauratioon et des transports où les tensions sont supérieures à la moyenne de tous les métiers.

1 Selon Dominique Wypychowski, sous-directeur à la Caisse Régionale d’Assu-rance Maladie d’Ile-de-France, « La loi protectionniste des trente-cinq heures a fait évoluer à son détriment, et à son insu, le salarié en ‘salarié-patron’ maître apparent de son temps de travail et aux temps de travail. Désormais, la négociation collective devient individuelle et elle est faussement présentée comme un avantage. Elle autorise en conséquence, et par extension, du processus engagé, l’employeur à négocier individuellement avec chaque salarié, même dans le cadre formel de conventions collectives que l’on croit rigide. L’évolution de la classification des emplois des organismes de protection sociale (Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale), en donne l’exemple. Le ‘facteur ancienneté’ est relayé au second plan par rapport aux capacités d’évolution du salarié – à travers des contrôles des connaissances et leur application dans l’emploi –, pour en contepartie faire évoluer individuellement le salaire. Cette méta-morphose rampante génère l’individualisme des comportements d’où l’apparition du ‘salarié-patron’ de son temps de travail, de sa négociation salariale, et plus tard de sa protection sociale, les gouvernements socio-démocrates ayant aboli la lutte des classes. Enfin, le recours de plus en plus important des employeurs à des contrats à durée déterminée, au travail temporaire et aux sociétés d’intérim, constitue l’aboutissement logique de ces évolutions, créant ainsi une instabilité permanente de ces ‘petits-patrons’, mais au profit de qui ? » (Entretien avec l’auteur du 24 janvier 2005). 2 MICHON F., Les grands paradigmes de l’économie du travail, La découverte du fonctionnement inégalitaire du marché du travail, Travail et emploi : le temps des métamorphoses; L’Harmattan, Paris (collection Logiques sociales), 1994.

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Selon les informations communiquées par la DARES sur les familles professionnelles, les tensions sur le marché du tra-vail se sont très fortement accrues de décembre 1997 à décembre 2000. Si les tensions par métier dépendent fortement de la con-joncture sectorielle des entreprises utilisatrices, le paradoxe est que même en conjoncture basse, les difficultés de recrutement persistent. Les offres d’emplois non satisfaites a été estimées à 300 000 en 20021. Pour combattre cette situation, le service public de l’emploi a promu des actions complémentaires tant au niveau national que régional. Des chiffres ? La pénurie de travail affecte sept millions de personnes en France, d’après le Rapport du Commissariat général du Plan, d’octobre 1997. Selon d’autres sources officielles plus récentes (2001), ce chiffre serait ramené à 6 millions2. Sont pris en compte les emplois atypiques et à temps partiel (4 millions)3 Ces chiffres bien que minimisant la réalité, révèlent l’ampleur de la crise Française. Bien sûr, cette estimation recouvre des situations disparates, mais au total, en dépit de toutes les arguties statistiques, on ne peut que se rendre à l’évidence que derrière le chômage, c’est la précarisation de la société française dans son ensemble qui est révélée. En fait, note le rapport, la « dégradation de la situation de l’emploi se traduit par un effritement général du travail’ » (...) « Par vagues successives, c’est toute la structure du travail qui est en train de se modifier vers plus d’in-sécurité pour toutes les catégories (sociales) »4.

Ainsi, parallélement au travail à temps aprtiel imposé, les horaires atypiques progressent très rapidement en raison de la logique de flexibilité des entreprises. Ce faisant, en France, sta-tistiquement près d’un salarié sur six perçoit un salaire inférieur au Smic. Dans ces conditions la notion de travailleur pauvre n’est plus une exclusivité anglo-saxonne. Une fraction de plus en plus conséquente de la population active se contente de bas sa-laires, engendrés par le sous-emploi.

1 Les emplois difficiles à pourvoir : cinq métiers en exemple, Ministère des affai-res sociales, Direction de l’Animation de la Rcecherche des Etudes Statistiques, Premières Synthèses Informations, n°50.2, décembre 2004, pp.1-7. 2 FERRANCHON B., Population et emploi, Les Cahiers Français, n°304, septembre-octobre 2001. 3 Au début de 1997, le Centre d’Etudes sur les Revenus et les Coûts (C.E.R.C.), avait lancé le concept de personnes privées d’emplois, soit 5 millions de personnes. Le chômage fonctionne donc comme un piège dont il est difficile de sortir, plutôt que le point de passage obligé de la mobilité dans une société qui s’adapte à la concurrence. Des données statistiques plus réventes confirment cette tendance sinon l’amplifie. 4 LECADRE R., Les conclusions d’un rapport iconoclaste, La pénurie de travail affecte sept millions de personnes, Libération, 21/10/1997 ; RICHE P., Un rapport maudit, Libération, 21/10/1997.

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Les contrats à durée déterminée, les missions intérimaires, le parcours qualifiant (en principe) de stage en stage, font du destin commun de leurs titulaires une navigation à vue perme-nente, une errance dans l’instabilité de l’emploi. Ici, le temps n’est pas choisi mais subi. Et face aux fragilités des conditions individuelles, sans réponses sociales efficaces, le silence collectif et l’indifférence ont remplacé la contestation.

La logique de fragmentation des statuts et des différenciations institu-tionnalisées. Malgré la décomposition du modèle salarial à plein temps, miné de l’intérieur, les politiques d’intervention de l’Etat sur le marché du travail, destinées à lutter contre le chômage, contribuent, à travers l’établissement de passerelles, au dévelop-pement de statuts intermédiaires entre le chômage et l’emploi. Le résultat est qu’on assiste à la fragmentation du corps social en trois catégories : les salariés stables, de moins en moins nombreux, les travailleurs précaires, de plus en plus nombreux, et les exclus du marché du travail et autres inemployables, tout aussi nombreux qui ont pour dénominateur commun de s’identifier à la figure de l’intérimaire permanent dans une société mobile.

Dans ces conditions, le social s’éloigne de l’idée que le travail salarié puisse être constitué en projet de société. Ces transformations profondes qui affectent la place du travail dans la société ne peuvent trouver leur origine uniquement dans le ralentissement de la croissance économique. La crise du salariat est structurelle et le processus de socialisation en cours se caractérise par une disjonction de la croissance et de l’emploi.

LA TRANSFORMATION DU TRAVAIL ET DU RAPPORT SALARIAL DANS LA « SOCIETE POST-INDUSTRIELLE »

La perte de la centralité du travail bouscule la hiérarchie des

valeurs au niveau des représentations sociales. L’une de ses manifestations, peut-être la plus évidente, est la revendication de davantage de temps libre1, le travail salarié ne représentant que l’un des nombreux aspects de la vie, n’est plus la valeur primant toutes les autres de l’existence. Les glissements consta-tés au quotidien, se passent de commentaires, tant ils sont déjà évidents.

1 D’ailleurs, l’aménagement et la réduction du temps de travail constituent des revendications permanentes du monde salarié. La crise du travail, passe non seulement par des transformations dans le rapport salarial et dans le travail, mais

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L’annonce de la réduction de la durée du travail n’est certes pas récente. En effet, Jean Fourastié a mis en évidence la ten-dance longue à la baisse de la durée du travail (Les 40 000 heures), Georges Friedman, en 1964 (Le travail en miettes), parlait déjà de la fin du travail. Le plus surprenant est que John Maynard Keynes, lui-même, l’entrevoyait déjà pour une future société du loisir (Perspectives écionomiques pour nos petits-enfants)1. Mais, seul, Alfred Sauvy a combattu cette tendance avec sa thèse sur le déversoir, c’est-à-dire le mouvement par lequel des travailleurs privés de leur emploi pour cause d’évolution éco-nomique ou technologique (toujours en expansion), en retrou-vaient à peu prés toujours un autre dans un secteur d’activité différent, en expansion. Ainsi, l’exode rural a expliqué lar-gement la croissance industrielle, et plus tard, l’idée un peu trop simplifiée que les services emploieraient immanquablement tout ce que l’industrie dégagerait. Certes. A cette époque, celle des Trente Glorieuses, la thèse se justifiait. Mais aujourd’hui, le dé-versement ne se fait plus. Les indices de son arrêt sont déjà significatifs, et l’avenir macro-économique est incertain.

Dans sa volonté de repenser le statut du travail afin de maintenir ce « lien originel entre le travail productif et le citoyen », Dominique Schnapper propose « de réorganiser le travail, réduire le temps de travail, (de) créer de nouveaux emplois en développant des services aux personnes participent de la même volonté d’organiser le secteur concur-rentiel pour mettre en oeuvre une économie sociale renouvelée »2.

Cette thèse, semble aller à contre courant de la tendance lourde décrite précédemment qui fait que l’économique l’em-porte sur le social. Donc, sauver ce qui peut l’être en réactivant des principes historiques. Rien de plus. Pourtant, et ce n’est pas contradictoire, l’emploi normal, c’est-à-dire acceptable et confor-me à une position sociale légitime, joue encore un grand rôle dans la régulation de la société.

aussi par une réactualisation des rapports entre travail et non travail. A l’occasion du débat houleux, et source de vives polémiques, sur la réduction du temps de travail à 35 heures, en 1998, nombre de théoriciens ont émis des thèses sur le caractère positif du désinvestissement du travail et/ou du partage du travail. 1 DANNEQUIN F., JORDA H., « Le droit à la paresse : une critique de la so-ciété du travail’ », Université du Littoral Côte d’Opale, Laboratoire de Recherche sur l’Industrie et l’Innovation, Colloque international Travail divisé/travail re-composé, Dunkerque, 25-26 mars 2004. 2 SCHNAPPER D., Contre la fin du travail, Les Editions Textuel, Paris (collection Conversation pour demain), 1997.

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Mais le travail, jusqu’à présent lien social quasi-universel, devient une denrée rare, « minée par les pratiques d’exclusion et de développement du chômage, directement inspi-rées des formes actuelles du rapport économique »1. Ceci explique l’é-mergence non seulement d’une nouvelle inégalité, mais aussi d’une nouvelle forme de société.

Avec l’offensive néo-libérale, et l’attaque conservatrice contre l’Etat social, ce qui est remis en cause, c’est l’idée même de compromis social et d’Etat des droits sociaux2. En poussant la question de la centralité du travail dans l’avenir, Michel Freys-senet considère que : « S’il est effectivement un produit historique et culturel et non une réalité universelle, on peut logiquement penser qu’il ne demeurera pas éternellement central et même qu’il disparaîtra dans les so-ciétés qui l’ont engendré »3. Cette position rejoint celle soutenue par Dominique Méda qui montre que dans les différentes sociétés, en fonction des exigences économiques, des conditions techni-ques et de systèmes de valeurs, le travail prend des formes et des sens variables. L’époque actuelle, malgré ses certitudes pré-tentieuses, n’échappe pas à cette logique historique. Ainsi, c’est l’occasion de montrer que cette forme de rapport aux autres qu’est le travail ne peut durer indéfiniment pour qu’émerge et s’impose un rapport social autre se substituant à lui.

C’est reconnaître que le travail serait une pure construction sociale et que « ce que nous entendons par économie et par travail n’existeraient et ne seraient importants que dans nos sociétés »4. La pré-occupation essentielle, soulignée par Alain Cotta (L’Homme au travail, Fayard, 1987), et qui ne fait aujourd’hui que se renforcer, peut se formuler de la manière suivante : quel statut social doit être accordé au travail dans les économies contemporaines, traversées par des bouleversements « dans les procès, dans les tech-nologies, dans les comportements, dans les idéologies et les modes de pen-sée ? »5

1 ZARIFIAN P., Le travail : du modèle de l’opératoire au modèle de l’action, La crise du travail (Actuel Marx confrontation), PUF., Paris, 1995, p.207. 2 BIDET J., TEXIER J., La crise du travail, La crise du travail (Actuel Marx confrontation), PUF., PARIS, 1995, pp.5-9. 3 FREYSSENET M., Historicité et centralité du travail, La crise du travail (Actuel MARX confrontation), PUF, Paris, 1995, pp.227-244. 4 Selon la thèse soutenue par Michel Freyssenet, si on analyse le travail comme « une invention historique, la fin de sa centralité n’est pas prés de disparaître ». Et c’est précisément là qu’il se sépare de la thèse de Dominique Méda (Le travail, Une valeur en voie de disparition), laquelle se situe dans le courant de pensée venu d’Allemagne, qui d’Habermas à André Gorz, annonce « la fin, historiquement prévi-sible, de la société fondée sur le travail » (J. Habermas). 5 DI RUZZA R., DUHARCOURT P., Peut-on parler d’une crise du travail ?, La crise du travail (Actuel Marx confrontation), PUF., Paris, 1995, pp.13-33.

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Dans la mesure où on admet l’existence d’une crise du travail (comme élément de la crise d’un mode de régulation), on est conduit à considérer que cette crise est à la fois une crise de l’ensemble des rapports spécifiques au monde du travail, c’est-à-dire de l’ensemble des dimensions techniques, organisation-nelles, institutionnelles, sociales et culturelles de cette activité humaine, et une crise des rapports entre le travail et les autres activités sociales, c’est-à-dire une crise de l’articulation des structures de travail avec l’ensemble des structures sociales. Dans ces conditions, la crise doit s’analyser comme l’échec de l’ancien ordre des choses, et la recherche tâtonnante d’un nouvel ordre, qui s’impose déjà, mais n’est pas encore suffisamment lisible1. L’heure est donc venue de s’interroger sur cette con-ception héritée du passé, selon laquelle la socialisation s’effec-tuait essentiellement par le travail. Selon la thèse développée par Jeremy Rifkin (La fin du travail, La découverte, 1996), dans quelques décennies, les trois quart des personnes d’âge actif dans les sociétés développées n’auront pas accès à un travail qualifié suffisamment rémunérateur pour constituer la source exclusive d’un revenu, non seulement décent, mais compatible avec le niveau de consommation correspondant à l’équilibre des sociétés en cause. L’auteur émet l’hypothèse que dans ces sociétés, la part marchande sera largement réduite.

Tout comme elle l’a fait avec la production industrielle, la technologie va donner d’une main au secteur tertiaire ce qu’elle va lui reprendre de l’autre. Ce faisant, la substitution massive des machines aux travailleurs s’apprête à contraindre tous les pays développés à repenser le rôle des êtres humains dans la société. L’idée d’une société non fondée sur le travail (la civili-sation occidentale s’est largement structurée autour du concept de travail) est radicalement étrangère à toutes les conceptions en vigueur, et annonce la mutation des paradigmes écono-miques : l’ère post-fordiste pose les fondements organisation-nels d’un avenir sans travailleurs, ce qui impliquera la transfor-mation de la façon dont les hommes participent à la société2.

1 Les choix de vocabulaire peuvent être dangereux, particulièrement avec le mot crise, employé à propos de tout. La multiplication et l’éclatement des références à la notion de crise risquent de banaliser le concept, en l’utilisant simplement de façon métaphorique pour insister sur la gravité de problèmes spécifiques qui masquent le caractère multiforme et global de la crise actuelle de la société. On considère que la société traverse une crise structurelle, qui est la crise du mode de régulation ayant permis l’essor économique et la relative stabilité des rapports sociaux. Cette crise systémique, implique et met en jeu tous les aspects de la réalité économique et sociale. 2 RIFKIN J., La fin du travail, La découverte, Paris, 1996.

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La vérité est que de nouvelles règles du jeu, de nouveaux équilibres doivent être inventés. Mais ils n’apparaissent pas spontanément. En effet, « certaines régulations, certains mécanismes intégrateurs ne fonctionnent plus, ou fonctionnent à rebours »1. Au travail intégrateur de la société industrielle (l’emploi de masse homo-généisant) se substitue l’emploi sélectif de la société post-indus-trielle2. Trois lignes directrices se laissent définir qui vont, selon Polymnia Zagefka (1994), toutes trois, dans le sens d’une relati-visation du travail, principalement industriel, et de ses notions corollaires :

- relativisation du travail en tant que dimension constitutive des sociétés contemporaines très développèes ; - relativisation du travail en tant qu’attribut social ; - relativisation du travail dans des rapports économiques par la prise en considération d’autres formes de travail.

« Ces trois lignes directrices s’influencent réciproquement, se complètent souvent si elles ne coexistent dans les recherches concrètes »3.

Le défi théorique est celui d’une révision des catégories d’a-nalyse pour essayer d’appréhender les bases d’une régulation inédite qui marque l’épuisement du mode de régulation anté-rieur. En effet, se dessinent les lignes de force d’un nouvel ordre économique ou s’esquissent des configurations sociales nouvelles suite à la mutation structurelle de l’emploi, qui voit la fin d’un monde vertueux de croissance à partir d’un modèle dominant de l’emploi industriel salarié issu du fordisme4. Mais au lieu de prendre conscience des bouleversements qui affectent le travail, on continue à rêver à un retour providentiel, à un temps de société révolu, dans lequel on vit avec un contrat de travail pendant 30 ans dans la même entreprise ou presque, illustration parfaite d’un parcours professionnel fondé sur un modèle de vie active linéaire de type fordiste.

1 De FOUCAULD J-B., PIVETEAU D., Une société en quête de sens, Odile Jacob, Paris, 1995. 2 Le succès des Trente Glorieuses était étroitement lié à l’efficacité des régulations d’inspiration keynésiennes, lesquelles ont prévalu et qui consistaient, pour l’es-sentiel, à stimuler la demande de biens et de services, la production devant néces-sairement suivre et assurer la croissance de l’emploi. D’où la mise en oeuvre de politiques salariales et de prestations sociales relativement généreuses. 3 ZAGEFKA P., La notion de travail dans la sociologie française depuis la se-conde guerre mondiale, Travail et emploi : le temps des métamorphoses, L’Harmattan, Paris (collection Logiques sociales), 1994, p.167. 4 LEFEVRE-FARCY J-F., Révolution tertiaire et emploi, Travail et emploi : le temps des métamorphoses, L’Harmattan, Paris (collection Logiques sociales), 1994, p.103.

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Or, cela disparaît, qu’on le regrette ou non, se réduit comme peau de chagrin et ne reviendra sans doute jamais dans sa forme antérieure. La flexibilité va s’étendre au fait que l’on changera souvent d’entreprises et de statuts, en passant par phases successives de l’emploi salarié1, à plein temps, à temps partiel, à formation rémunérée (recyclages), à l’entreprise indivi-duelle, et inversement. Cette flexibilité ne sera tolérée culturel-lement, que si on parvient à la concilier avec certaines formes de sécurité. C’est donc le statut même du travail qui est remis en cause et qu’il faut reconstruire. Le développement des car-rières composites rendent dysfonctionnelles les normes actuelle-ment en vigueur (notamment le bénéfice des avantages acquis)2 et celles-ci sont autant d’obstacles supplémentaires à la mise en place d’un véritable système de sécurité individuelle. En pous-sant l’analyse encore plus loin, comme le fait William Bridges, on ne peut que constater le divorce entre emploi et retraites3. D’où la question : quelles conséquences la mutation et la ré-duction du travail salarié entraînent-ils sur les biographies indi-viduelles ?

La dynamique perturbée du parcours des âges

Avec la généralisation de séquences atypiques, la société

post-industrielle transforme les temps sociaux en les métamor-phosant.

1 Il est révélateur de noter que le terme « emploi » a largement perdu de son sens originel, qui n’avait rien à voir avec le travail en tant que tel. En effet, au XVIIIème siècle, on lit dans Molière : « Raisonner est l’emploi de toute la maiso ». En ce temps là, l’emploi signifiait tout simplement occupation. Mais au fur et à mesure que le travail régulier et rémunéré est devenu la norme, le mot a acquis le sens d’activité rétribuée et stable, au détriment de celui d’engagement pour une durée déterminée dans le cadre d’un projet précis. Aujourd’hui cependant, on a tendance à revenir au sens originel du mot emploi, car l’activité qu’il recouvre re-devient temporaire, liée à l’exécution de tâches précises, et que les frontières catégorielles s’effacent. Un signe. 2 Les avantages acquis sont maintenant devenus « une sorte de figure imposée de la négativité sociale, alors même que l’on se contente de désigner par là le simple état de choses existant. Comme si c’était surtout vers la liquidation du passé que l’action politique devait être principalement tournée » ! Dans cette perspective, le consensus de la résignation s’inscrit dans la gestion des sacrifices. Et faute de donner un sens à l’idée de progrès, la référence à la notion de réforme s’est en fait progressivement dégradée. C’est la raison pour laquelle on finit par qualifier de réforme « n’importe quelle mesure d’adaptation ». (Jean-Pierre FITOUSSI, Pierre ROSANVALLON, Le nouvel âge des inégalités, Seuil, Paris, Essais, 1996). 3 BRIDGES W., La conquête du travail. Au-delà des transitions, Village Mondial, Paris, 1995.

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La destandardisation du parcours classique des âges qui est à l’œuvre, suscite un désordre certain dans la succession de moins en moins chronologique, et donc moins ritualisée, des étapes de la vie.Le « caractère hiérarchique et irréversible du franchis-sement des étapes successives du parcours des âges est remis en cause », on assiste alors à une « déhiérarchisation de l’ordonnancement des temps de vie »1. C’est la raison pour laquelle, l’action des pouvoirs publics exige « une articulation forte entre les politiques de retraite et les politi-ques actives de l’emploi »2. L’éducation en continu ou l’apprentis-sage professionnel permanent, implique une transformation des temps de vie. Dans un contexte de société informationnelle mondialisée, de nouvelles technologies à obsolescence rapide et d’une éco-nomie de services, un modèle de pluriactivité à tout âge se met in-sidieusement en place, serait-on tenté de dire. Il inaugure « l’éclatement et la recomposition de l’emploi et des carrières »3.

Le temps des certitudes et de la stabilité a cédé la place aux réversibilités biographiques, qui manifestent la rupture d’une tem-poralité quantitative et linéaire, imposée par la société post-industrielle au profit de discontinuités de parcours individuels. L’appel permanent à la responsabilité et à l’initiative, expression des nouvelles régulations sociales, est porteur de contraintes inédites – qui leur sont inhérentes tout en étant porteuses de situations intermédiaires et flottantes, lesquelles se sont récemment développées dans une société de plus en plus mobile.

La nécessité de substituer une gestion ruineuse et inopérante par les âges des salariés en entreprises par une gestion des âges.

La distribution du travail sur le cycle de vie, fait que l’acti-vité professionnelle se concentre sur les personnes âgées de 30 à 50 ans (Par coquetterie, et comme pour les prix de vente de la petite ou grande distribution, des auteurs préfèrent mettre : 49 ans, c’est psychologiquement gagner 10 ans pour un an), cela au détriment des plus jeunes qui ont des difficultés à entrer dans la vie active, et des plus âgés, qui en sortent de plus en plus tôt. Dans ces conditions, les caractéristiques structurant le cycle de vie ternaire – formation/emploi/retraite – est remis en cause.

1 GUILLEMARD A-M., L’âge de l’emploi, Les sociétés à l’épreuve du vieillissement, Armand Colin (collection U), Paris, 2003. 2 GUILLEMARD A-M., Âge, emploi et retraites: quelles perspectives ? Gérontologie et Société, Paris, n°70, octobre 1994, pp.149-153. 3 GAULLIER X., Les temps de la vie, Emploi et retraite, Esprit, (série Société), Paris, 1999.

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« Nous assistons à une désintitutionnalisation de son organisation tripartite »1. « Toute l’organisation de la fin du parcours des âges se brouille. Dans le même mouvement, l’institution ternaire du cycle de vie se décompose »2. Le mouvement de « désinstitutionnalisation du parcours des âges’’ bouleverse la représentation continue et prévisible du déroulement de la vie, mais également remet en cause « le systè-me de réciprocité des engagements entre générations, qui lui était étroitement associé ». De ce fait, ce n’est pas seulement une certaine con-ception de la retraite, mais aussi le contrat intergénérationnel sur lequel elle repose qui se trouvent soumis à réexamen. « Dans une société saisie par l’accélération du temps et dans laquelle le parcours des âges ne s’inscrit plus dans une temporalité longue, avec des repères chrono-logiques fixes et standards, la flexibilité de la réciprocité des engagements ne s’impose plus avec la même force »3.

Le post-salariat met en jeu la capacité collective à inventer face à de nouvelles formes d’emploi, des solidarités nouvelles. En effet, on parle de génération sacrifiée : faute de ressources financières suffisantes, elle craint la réduction des mécanismes mettant en oeuvre la solidarité.

La collectivité peut-elle supporter de voir les plus âgés bénéficier d’une liberté de temps, d’action et de choix solvables – dont les actifs, jeunes d’aujourd’hui, et moins nombreux quoique plus instruits, ne bénéficieront sans doute pas – sans rien demander en retour ? C’est peu probable. Répondre à cette question, c’est traiter tous les problèmes interdépendants liés au vieillissement, dont l’un (non des moindres) est la recomposi-tion du travail. Pour prendre la mesure des transformations sociales déterminées par les effets du vieillissement, la métamorphose de la valeur travail, du parcours de vie et des temps sociaux, une approche théorique considère ces évolutions très actuelles comme nécessairement interdépendantes, et interagissant entre elles. La conciliation des régulations économiques et des régu-lations sociales par l’instauration de « droits transitionnels ». L’agencement actuel des temps sociaux et le remodelage des âges, remettent en cause la linéarité du modèle ternaire institu-tionnalisé par la société industrielle selon la séquence suivante : jeunesse/formation, âge adulte/travail, vieillesse/retraite.

1 GUILLEMARD A-M., La distribution du travail sur le cycle de vie, Futuribles, Analyse et prospective, Paris, n°201, septembre 1995, pp.33-34. 2 GUILLEMARD A-M., op. cit. 3 GUILLEMARD A-M., op. cit.

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La crise du système productif métamorphose cette architecture sociale au profit en nouveaux parcours d’existence plus fragmentés, à la chronologie discontinue et souvent aléatoire. Cela implique la remise en cause de seuils tradition-nels de passage entre formation/emploi/retraite, qui peuvent se chevaucher ou alterner selon les circonstances inhérentes à la vie économique et sociale. Afin de maîtriser l’évolution actuelle du marché du travail et être en phase avec la nouvelle régulation des temps sociaux, l’instauration de droits transi-tionnels constitue la réponse la plus adéquate à ces évolutions inéluctables1. En l’occurrence, ces droits permettraient de gra-duer le passage sans heurts d’une activité professionnelle à une autre, à une réorientation, une bifurcation, un recyclage, ou à toute autre forme de solution transitoire modifiable et légitime. Cette orientation juridique particulière et inhabituelle qui s’analyse comme un droit transitionnel, permet d’éviter des ruptu-res biographiques en donnant plus d’assurance aux acteurs dans l’exercice de leur liberté d’entreprendre. En effet, le principe de base qui structure ce droit est l’aménagement de transitions pour éviter des passages critiques, des situations irréversibles, des ruptures, cela au moyen de séquences régulières entre les différents droits, tout en ménageant le respect des choix individuels face à la diversité des situations sociales2.

La question essentielle est donc de savoir comment se répartissent désormais les différents temps sociaux sur toute la durée du cycle de vie, à une époque où le travail ne structure plus avec autant de détermination l’organisation sociale. Dans le même temps, il faut architecturer les profils de risques encourus à chaque âge, du seul fait de leur reconfiguration inédite. La finalité essentielle de la promotion de ce type de droits qui leur sont adaptés, est d’assurer la continuité sans rupture des situa-tions individuelles des acteurs (travail, formation permanente, temps sociaux aménagés, retraite avec ou sans continuité d’acti-vité rémunérée, etc.) cela dans un souci d’adaptation au change-ment et de cohérence institutionnelle.

1 GAZIER B., Tous ‘sublimes’. Vers un nouvel plein-emploi, Flammarion, Paris, 2003. 2 Par exemple, la flexibilisation en cours ou en fin de carrière permettrait une réorientation vers l’emploi par des mécanismes incitatifs, en promouvant par exemple le temps partiel temporeaire ou les congés en alternance, dans une organisation renouvelée du travail. Le principe unificateur de ces mesures techni-quement envisageables tend à rendre plus graduel et choisi le passage à l’emploi vers un autre emplois en cas de réorienation professionnelle des compétences par la formation continue ou le recyclage, ou encore de l’emploi à la retrraite. Cette évolution souhaitable car inéluctable, implique un changement de paradigme des droits sociaux et des mentalités des acteurs.

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Cependant la difficulté vient d’une volonté politique dé-faillante qui préfère la méthodologie des réformes ponctuelles, du traitement urgent, partiel et répétitif du social sans cohé-rence ni vision globale des métamorphoses de la réalité socio-économique actuelle. Il ne suffit pas seulement qu’une réforme soit techniquement possible. La déficience ne vient pas de la connaissance mais de l’action. Pourtant cette façon de raison-ner est en gestation dans quelques esprits réformateurs, mais pour envisager un début de réalisation encore faut-il compter avec l’inertie institutionnelle spécifiquement française.

Dans un monde sans frontières et de plus en plus flexible,

où le travail se transforme, et où les parcours de vie se diver-sifient, de nouveaux besoins de sécurité prennent forme, les-quels sont l’expression adaptée de l’incertitude croissante des trajec-toires individuelles. Au moyen de droits transitionnels, c’est-à-dire te-nant compte des ruptures et des transitions de parcours de vie, l’objectif fondamental de la protection sociale est, dans un contexte aussi nouveau qu’inédit, de sécuriser les trajectoires et les parcours professionnels individuels en évitant les trous de carrière. Cependant, une limite structurelle. Si l’indépendance individuelle repose sur un solide socle de prestations qui devrait prémunir contre les principaux risques sociaux, il n’em-pêche que les existences individuelles émancipées et bien insérées, sont érodées par un profond sentiment de précarité face à l’effilochage du présent. Les droits transitionnels peuvent-ils répondre aux attentes inquiètes ? Quelles sont leurs limites d’intervention légitime dans le champ social ?

La réponse possible à ces interrogations, est de passer d’une simple couverture de risque passive à une sécurité active dans l’incer-titude sur le devenir des salariés qui ont entamé ou non leur seconde partie de carrière. « Dans cette perspective, l’objectif central n’est plus de garantir seulement la couverture collective des risques et la stabilité des emplois, mais d’assurer la sécurité des trajectoires plus indivi-dualisées et incertaines, en leur conférant une continuité et des appuis à la mobilité »1.

1 GUILLEMARD A-M., L’Europe sociale en perspective, Revue française de sociologie, avril/juin 2002, 43-2, pp.205-209.

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Des nouvelles articulations du parcours des âges et de la coordination des temps sociaux, vont dépendre de la place réelle du travail au sein des sociétés contemporaines déjà entrèes dans l’ère post-industrielle. Dans cette problèmatique reconfigurée, les biographies individuelles vont nécessairement répercuter ces changements d’envergure. C’est pourquoi avec un peu d’imagination et de volonté de changement, il est par-faitement concevable aujourd’hui de lier plusieurs réformes à la fois au moyen de la promotion d’un droit transitionnel, seul ca-pable d’assurer la continuité des situations sociales individuelles devenues trop imprévisibles.

Pourtant dans un contexte renouvelé par la globalisation, l’heure actuelle en est aux prudentes indécisions en l’absence de certitudes sur le sens à donner aux réformes à entreprendre. L’avenir n’a pas encore décanté de directions lisibles pour ré-pondre aux problèmes de l’époque. Donc un entre-deux in-certain qui fait la part belle aux controverses amorties dans la mouvance des événements sociaux. Autrement dit, le mode de pensée reste tributraire, par habitude intellectuelle ou con-viction, des schémas hérités du modèle industriel fordiste. Il n’empêche que l’insécuritré née des changements contempo-rains majeurs est le prélude à la recherche de nouvelles con-ceptions avec obligation de reconsidérer les outils d’analyse, bref de changer de paradigme. Une métamorphose.

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