Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres...

16
1 JOURNEE SCIENTIFIQUE DE LA SOCIETE ZOOLOGIQUE DE FRANCE Organisée par Cécile DELATTRE (EDF R&D LNHE) Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce Mardi 29 mai 2012 UPMC - Sorbonne Universités - Salle 109, couloir 45- 55 1er étage 4 Place Jussieu, 75005 PARIS 9h30-9h45 Accueil et courte introduction. Cécile Delattre, EDF R&D LNHE 9h45-10h15 Utilisation des macroinvertébrés en bioindication des cours d’eau : des indices biotiques au développement de méthodes basées sur des cortèges de parasites. Jean- Nicolas Beisel, UMR CNRS 7146 LIEBE, Université de Lorraine 10h15-10h45 Présentation du futur Indice Invertébrés Multi-Métriques (I2M2). Marta Prieto- Montes, IRSTEA Lyon 10h45-11h00 Pause 11h00-11h30 Les Bryozoaires d’eau douce. Jean-Loup d’Hondt, MNHN 11h30-12h00 Mollusques aquatiques de France : différentes échelles pour différents enjeux de conservation ? Vincent Prié, Biotope/MNHN 12h00-12h30 Les Crustacés d’eau douce : biodiversité, biogéographie, invasions biologiques. Christophe Piscart, UMR CNRS 5023 LEHNA, Université Lyon 1 12h30-14h00 Pause déjeuner 14h-14h30 Les Amphipodes d’eau douce et leurs interactions. Vincent Médoc, UMR CNRS 7625 Ecologie et Evolution, UPMC 14h30-15h Inventaires des Ephémères, Plécoptères & Trichoptères de France : premières conclusions et perspectives. Michel Brulin, OPIE benthos 15h-15h15 Pause 15h15-15h45 Les inventaires nationaux d’espèces et les macroinvertébrés benthiques d’eau douce. Pierre Noël & Patrick Haffner, MNHN 15h45-16h15 Le développement de nouvelles approches de DNA barcoding pour la caractérisation de la biodiversité environnementale. Pierre Taberlet, UMR CNRS 5553 LECA, Université Joseph Fourier 16h15-16h30 Synthèse et conclusions. René Lafont, Président de la Société Zoologique de France Photos: http://peche31.aappma.pfc.free.fr/nos%20poissons.htm, http://michelc.over-blog.com/article-29749202.html, http://darktagada.unblog.fr/2008/06/18/ephemere/, http://www.allaine.info/especes-invasives/faune-invasive/pectinella- magnifica.htm

Transcript of Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres...

Page 1: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

1

JOURNEE SCIENTIFIQUE DE LA SOCIETE

ZOOLOGIQUE DE FRANCE

Organisée par Cécile DELATTRE (EDF R&D LNHE)

Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce

Mardi 29 mai 2012 UPMC - Sorbonne Universités - Salle 109, couloir 45-

55 1er étage 4 Place Jussieu, 75005 PARIS

9h30-9h45 Accueil et courte introduction. Cécile Delattre, EDF R&D LNHE

9h45-10h15 Utilisation des macroinvertébrés en bioindication des cours d’eau : des indices biotiques au développement de méthodes basées sur des cortèges de parasites. Jean-Nicolas Beisel, UMR CNRS 7146 LIEBE, Université de Lorraine

10h15-10h45 Présentation du futur Indice Invertébrés Multi-Métriques (I2M2). Marta Prieto-Montes, IRSTEA Lyon

10h45-11h00 Pause

11h00-11h30 Les Bryozoaires d’eau douce. Jean-Loup d’Hondt, MNHN

11h30-12h00 Mollusques aquatiques de France : différentes échelles pour différents enjeux de conservation ? Vincent Prié, Biotope/MNHN

12h00-12h30 Les Crustacés d’eau douce : biodiversité, biogéographie, invasions biologiques. Christophe Piscart, UMR CNRS 5023 LEHNA, Université Lyon 1

12h30-14h00 Pause déjeuner

14h-14h30 Les Amphipodes d’eau douce et leurs interactions. Vincent Médoc, UMR CNRS 7625 Ecologie et Evolution, UPMC

14h30-15h Inventaires des Ephémères, Plécoptères & Trichoptères de France : premières conclusions et perspectives. Michel Brulin, OPIE benthos

15h-15h15 Pause

15h15-15h45 Les inventaires nationaux d’espèces et les macroinvertébrés benthiques d’eau douce. Pierre Noël & Patrick Haffner, MNHN

15h45-16h15 Le développement de nouvelles approches de DNA barcoding pour la caractérisation de la biodiversité environnementale. Pierre Taberlet, UMR CNRS 5553 LECA, Université Joseph Fourier

16h15-16h30 Synthèse et conclusions. René Lafont, Président de la Société Zoologique de France

Photos: http://peche31.aappma.pfc.free.fr/nos%20poissons.htm, http://michelc.over-blog.com/article-29749202.html, http://darktagada.unblog.fr/2008/06/18/ephemere/, http://www.allaine.info/especes-invasives/faune-invasive/pectinella-magnifica.htm

Page 2: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

2

LES MACROINVERTEBRES BENTHIQUES D’EAU DOUCE

Cécile DELATTRE

EDF Recherche & Développement, Laboratoire National d’Hydraulique et Environnement 6, quai Watier, 78400 Chatou ([email protected])

EDF est très fortement concernée par les milieux aquatiques puisque l’essentiel de son parc de production d’électricité utilise l’eau pour produire directement (filière hydraulique), pour le refroidissement des centrales thermiques (filières thermique à flamme et nucléaire), le rejet d’effluents aquatiques ou pour l’implantation d’ouvrages tels que les éoliennes en milieu marin.

Il faut reconnaître aux opérationnels et aux contrôleurs des années 1970, la clairvoyance d’avoir mis en place des suivis hydrobiologiques au droit de chaque site nucléaire, qui sont maintenant très utiles pour comprendre les évolutions faunistiques (macroinvertébrés & poissons) et floristiques constatées et tenter de les relier à la fois aux facteurs généraux caractérisant les fleuves récepteurs et aux impacts plus localisés des installations industrielles. L’analyse de ces séries long terme, rares au niveau international, est riche d’enseignements sur l’effet des forçages climatiques, en particulier sur les effets récents du réchauffement généralisé des eaux d’environ 1°C en moyenne annuelle, au cours de la dernière décennie.

Des travaux de recherche menés actuellement en collaboration entre EDF R&D et Irstea sur les suivis hydrobiologiques long-terme des centrales situées en Loire moyenne (30 ans) indiquent que les changements observés sur les communautés de macroinvertébrés benthiques (Floury et al., en révision) sont corrélés aux évolutions de paramètres environnementaux tels que température, débit et qualité d’eau (Floury et al., accepté). Les macroinvertébrés benthiques étant le groupe d’organismes le plus souvent utilisé en biosurveillance des cours d’eau à l’échelle européenne et faisant partie des tests écotoxicologiques les plus couramment utilisés, il m’a semblé intéressant d’organiser une journée scientifique de la Société Zoologique de France sur ce thème. Pour cela, des exposés ont porté sur l’utilisation des macroinvertébrés en bioindication des cours d’eau puis des présentations ont été effectuées sur différents groupes de macroinvertébrés avec des spécialistes des Bryozoaires, des Mollusques, des Crustacés et des Insectes. Pour terminer, un point a été réalisé sur les inventaires nationaux d’espèces puis sur le développement de nouvelles approches en biologie moléculaire pour la caractérisation de la biodiversité.

Remerciements Je tenais à remercier Messieurs Jean-Loup d’Hondt et René Lafont pour leur confiance en ouvrant le Conseil de la Société Zoologique de France à des chercheurs travaillant hors université ou CNRS et en me confiant l’organisation de cette journée scientifique.

Je remercie également vivement les scientifiques qui ont accepté de faire une communication sur les macroinvertébrés benthiques d’eau douce lors de cette journée thématique.

Références citées Floury M., Delattre C., Ormerod S.J., Souchon Y. (accepté). Global versus local change effects on a large European river. Science of the Total Environment. Floury M., Usseglio-Polatera P., Ferréol M., Delattre C., Souchon, Y. (en révision). Global climate change in large European rivers : long-term effects on macroinvertebrate communities and potential local confounding factors. Global Change Biology.

Page 3: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

3

UTILISATION DES MACROINVERTEBRES EN BIOINDICATION DES COURS D’EAU : DES INDICES BIOTIQUES AU DEVELOPPEMENT DE METHODES BASEES SUR DES

CORTEGES DE PARASITES.

Jean-Nicolas BEISEL

Laboratoire des Interactions Ecotoxicologie, Biodiversité, Ecosystèmes (LIEBE), UMR CNRS

7146, Université de Lorraine, Campus Bridoux - 8, rue du Général Delestraint, 57070 Metz ([email protected])

L’utilisation de communautés pour évaluer la qualité d’un milieu repose sur le caractère intégrateur des espèces qui la composent. Leur composition et leur structure sont régies tout au long de la vie de ces espèces par les multiples contraintes biotiques et abiotiques auxquelles elles ne peuvent échapper. La multiplicité des atteintes à l’environnement (1), le caractère relativement imprévisible des effets conjugués de ces perturbations (2), et la détérioration rapide des écosystèmes d’eau douce observés pendant cette dernière décade (2000-2010) (3) rendent l’utilisation de méthodes biologiques d’un intérêt toujours croissant. Les communautés de macroinvertébrés aquatiques ont été utilisées dès les années 1960 pour évaluer la qualité biologique d’un cours d’eau. Ce compartiment de l’écosystème aquatique présente des caractéristiques attrayantes : (1) le caractère ubiquiste de la répartition des invertébrés à différentes échelles spatiales et temporelles, (2) la grande variété de ce groupe avec au moins 150 familles, 700 genres et 4400 espèces, (3) une facilité à échantillonner ce compartiment, (4) la présence potentielles d’espèces aux capacités indicatrices fortes, (4) des espèces à forte valeur patrimoniale, (5) l’occupation de plusieurs niveaux trophiques et un rôle fonctionnel important au sein de l’écosystème. Si ce compartiment présente toujours de nombreux avantages, le développement de méthodes utilisant les invertébrés s’est heurté à trois difficultés au moins. D’abord, la difficulté d’avoir une image représentative de ce qui est présent sur une station de rivière à l’aide d’un échantillon relativement restreint. La mésorépartition des invertébrés sur la mosaïque d’habitats que constitue le lit mineur et le caractère agrégatif de la plupart des espèces ont rapidement conduit à réaliser un échantillonnage stratifié et/ou orienté des mésohabitats présents pour optimiser l’échantillonnage. Malgré cela, seconde difficulté, le nombre important d’espèces rares (généralement plus de la moitié des taxons échantillonnés) diminuent la reproductibilité des échantillonnages. Enfin, le patron de distribution des ordres d’insectes les plus pollusensibles en forme de loi normale le long du continuum fluvial complique la comparaison à une référence, et rend caduque la notion de référentiel unique. L’évolution au fil du temps des méthodes basées sur les invertébrés repose principalement sur les questions d’échantillonnage et de référentiel. La première méthode française est celle des « indices biotiques » proposée en 1967 par Verneaux & Tufféry et inspiré de travaux anglais. Cette approche a évolué en Indice Biologique de Qualité Générale (IBG), qui a fait l’objet d’une norme expérimentale en 1985, puis à une norme homologuée intitulée IBGN en 1992 qui a été révisée en 2004. L’I2M2 (Indice Invertébrés Multi-Métrique, 2012) représente la dernière évolution de ces approches. Si ces méthodes ne pourront plus être améliorées de manière importante sans avoir recours à des techniques radicalement différentes (DNA barcoding par exemple), l’utilisation de cortèges d’invertébrés négligés jusqu’alors est prometteuse : les parasites. Ces parasites représentent une biomasse négligeable de l’écosystème mais ils régulent des populations hôtes de manière importante. Un intérêt de l’observation de parasites à cycle complexe est qu’ils correspondent à une approche qui décloisonne les compartiments de l’écosystème et permettent finalement une expertise globale de la qualité et du fonctionnement d’un écosystème aquatique.

Page 4: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

4

L’EVALUATION DES COURS D’EAU

Marta PRIETO-MONTES, Cédric MONDY & Philippe USSEGLIO-POLATERA

Pôle hydroécologie cours d’eau Onema-Irstea, Laboratoire d’hydroécologie quantitative, 3 bis, quai Chauveau – CP 220, 69336 Lyon cedex ([email protected])

Suite à l'application de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE), dont la ligne directrice est le besoin d’un suivi de la qualité écologique des cours d’eau, et au besoin de méthodes de bio-évaluation plus performantes, l’université de Lorraine a développé un nouvel indice pour les invertébrés benthiques, l’Indice Invertébrés Multi-Métrique (I2M2). Cet indice sera opérationnel à partir du prochain cycle de gestion, en 2016, et remplacera l’indice actuel, l'IBGN. L’IBGN présente plusieurs faiblesses à l’égard des critères DCE, à savoir : (1) il est basé sur la seule évaluation des capacités biogènes de la station et ne prend pas en compte la représentativité des substrats au sein de la mosaïque d’habitats benthiques; (2) il n’inclut pas l’ensemble des paramètres exigés par la DCE, puisqu’il ne prend pas en compte l’abondance des taxons ; (3) il n’est pas construit sur un système de référence ; (4) il répond préférentiellement à la pollution organique et faiblement aux autres types de perturbations. Les objectifs à atteindre avec le nouvel indice étaient : (1) résoudre les faiblesses identifiées de l’IBGN ; (2) adapter la méthode à l'ensemble des types de masses d’eau présents en France métropolitaine ; (3) répondre à un maximum de types de perturbations d’origine anthropique ; (4) Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces objectifs, l’université de Lorraine a considéré que la construction d’un indice multi-métrique était l‘approche la plus pertinente. Pour la construction de l’I2M2, deux types de données ont été utilisés. D’une part les données biologiques correspondant aux listes faunistiques séparées en trois bocaux (B1+B2+B3), résultant de l’application de protocoles de prélèvement [XP T90-333 (AFNOR, 2009)] et de traitement des échantillons [XP T90-388 (AFNOR, 2010)] normalisés sur les sites appartenant aux réseaux (i) de contrôle et surveillance et (ii) de référence, et d’autre part des données environnementales. Ces données environnementales décrivent la qualité physico-chimique de l'eau (10 catégories de pression) et la qualité physique de l'habitat (utilisation des sols et hydromorphologie : 7 catégories de pression). 2525 métriques (métriques x échelle de calcul) ont été calculées puis exprimées en ratio de qualité écologique (EQR), intégrant ainsi la notion d'écart à la référence par type de cours d'eau. A partir de cet ensemble initial de métriques, la sélection des métriques à intégrer dans l'I2M2 s'est faite en utilisant quatre critères : un fort caractère généraliste (i.e. la capacité à répondre à un grand nombre de catégories de pression), une forte capacité de discrimination (i.e. l'efficacité à différentier des conditions environnementales significativement dégradées du bon état écologique), un faible coefficient de variation dans les sites de référence (i.e. la stabilité de la métrique en conditions de moindre impact) et la non redondance (i.e. l’apport d’une information originale, complémentaire à l’information apportée par les métriques précédemment sélectionnées). La combinaison de métriques retenue est donc la plus efficace à identifier un état perturbé, robuste et cohérente avec les critères DCE. Cette combinaison est composée de : l'ASPT (une métrique de sensibilité aux pollutions), l'indice de diversité de Shannon et Wiener, la fréquence relative d’organismes polyvoltins, calculés sur B2+B3, la richesse taxonomique, calculé sur l’ensemble des bocaux, et la fréquence relative d’organismes ovovivipares, calculé sur B3. Afin de maximiser la détection d'un état perturbé, l'I2M2 est calculé comme étant la moyenne arithmétique de 17 sous-indices associés aux 17 catégories de pression envisagées. Chaque sous-indice est calculé comme moyenne des 5 métriques précédentes, exprimées en EQR et pondérées

Page 5: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

5

par leurs capacités de discrimination respectives pour la catégorie de pression prise en compte par ce sous-indice.de discrimination. L’I2M2 a montré avoir une bonne relation avec le gradient global de pressions, une meilleure capacité de discrimination moyenne que l’IBGN et une forte corrélation avec les Métriques Européennes Communes d’Inter-étalonnage (ICM). L'I2M2 répond ainsi à l'ensemble des exigences de la DCE et, de plus, améliore significativement l'estimation de l'état écologique des cours d'eau (par une meilleure prise en compte des pressions anthropiques) par rapport à son prédécesseur, l'IBGN. Mots clés : bioévaluation, cours d’eau, indice multi-métrique, macroinvertébrés, Directive Cadre sur l’Eau

Page 6: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

6

LES BRYOZOAIRES D’EAU DOUCE

Jean-Loup D’HONDT

Muséum National d'Histoire Naturelle, Département Milieux et Peuplements Aquatiques,

55, Rue Buffon, 75231 Paris Cedex 05 ([email protected])

On dénombre actuellement environ 90 espèces de Bryozoaires d'eau douce, correspondant à la totalité de la sous-classe des Phylactolaemates (approximativement 70 espèces) et à une partie de l'ordre des Cténostomes (sous-classe des Eurystomes), soit 20 espèces sur un peu plus de 250. Tous les Bryozoaires dulcicoles ont un tégument chitineux (on donne à cet exosquelette le nom de cystide), et l'obturation de l'orifice de dévagination des tentacules s'effectue par resserrement d'un sphincter musculaire. Ce sont des organismes coloniaux correspondant à la juxtaposition d'individus microscopiques se présentant chacun comme une petite logette close ; la colonie s'accroît par bourgeonnement.

Chez les Phylactolaemates, le panache tentaculaire est en forme de double fer à cheval, et ces organismes élaborent des structures particulières de résistance et de reproduction asexuée, les statoblastes, caractérisés par la présence d'un flotteur contenant de l'air ; ils gardent le même polypide (terme désignant l'ensemble de la partie viscérale, soit le tractus digestif, le système nerveux central, et le muscle grand rétracteur) tout au long de leur vie. Chez les Cténostomes, le lophophore est de section circulaire, il existe un cycle polypidien de dégénérescence et de régénération périodique de l'ensemble de la partie viscérale, et la reproduction asexuée s'effectue uniquement sur place et au moyen de nodules de forme irrégulière sans flotteurs, les hibernacles. Les différents types statoblastes propagent l'espèce, les uns dans l'espace et souvent à grande distance grâce aux oiseaux migrateurs, les autres sur place dans le temps.

Le cycle polypidien que présentent en commun l'ensemble des Cténostomes et la grande majorité des Bryozoaires est corrélé à l'absence, chez ces animaux, d'appareil excréteur. Aussi une grande partie des déchets du métabolisme s'accumule-t-elle dans la paroi du tube digestif qui finit par se déformer, s'engorger, et devient incapable d'accomplir ses fonctions assimilatrices et péristaltiques. Il entre alors en dégénérescence, tandis qu'un polypide de remplacement - incluant donc un nouveau tube digestif (une structure théoriquement a vocation endodermique) - est bourgeonné vers l'intérieur par prolifération des cellules de l'épiderme. Cette infraction à la théorie classique des feuillets embryonnaires, caractère fondamental des Bryozoaires, témoigne de la persistance, chez au moins certains territoires de l'épiderme de l'individu adulte, de la capacité d'une multiplication cellulaire vers l'intérieur, comparable à celle d'une gastrula.

Il semble que ce soit une neurosécrétion polypidienne qui empêche chez les Cténostomes le développement simultané d'un deuxième polypide à l'intérieur d'une loge, celle-ci constituant un milieu clos. Chez les Phylactolaemates ou les individus sont incomplètement cloisonnés et communiquent plus largement entre eux, tant les résidus du métabolisme que l'agent inhibiteur présumé da la dégénérescence polypidienne diffuseraient à l'intérieur de la colonie et ne détermineraient donc pas un cycle polypidien.

La reproduction sexuée des Cténostomes s'effectue par l'intermédiaire d'une larve qui subit une métamorphose complexe avant de donner naissance a un adulte dont le plan d'organisation est tout à fait différent. La reproduction sexuée des Phylactolaemates conduit à l'émission par viviparité d'un individu fondateur libre et nageur, présentant dès le moment sa ponte un ou deux premiers individus fonctionnels.

Plusieurs espèces de Phylactolaemates présentent une large distribution géographique. Toutefois, on ne connaît encore qu'une seule localité française d'un espèce connue de plusieurs pays d'Europe occidentale, Plumatella geimermassardi. Par ailleurs l'espèce nord-américaine

Page 7: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

7

envahissante Pectinatella magnifica, introduite dans les estuaires du nord de l'Allemagne a la fin du XIXe siècle et qui avait ensuite gagné l'Europe orientale, a pénétré en France en 1995-1996 et est en train de coloniser très rapidement les bassins versants des différents fleuves français.

Page 8: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

8

MOLLUSQUES AQUATIQUES DE FRANCE : DIFFERENTES ECHELLES POUR DIFFERENTS ENJEUX DE CONSERVATION ?

Vincent PRIE

Biotope, 22 boulevard maréchal Foch – BP 58, 34140 Mèze ([email protected])

Avec 784 taxons terminaux dont 306 aquatiques (Gargominy et al. 2011), les Mollusques représentent un part importante de la biodiversité continentale française. La responsabilité de la France en termes de conservation est exacerbée par des taux d’endémisme importants : autour de 30% pour les bivalves et les gastéropodes terrestres et jusqu’à 65 % pour les gastéropodes aquatiques. Ainsi, la liste des espèces de mollusques protégées en France se compose pour les 2/3 d’espèces aquatiques. A quoi est du le taux d’endémisme record des gastéropodes aquatiques ? En y regardant de plus près, ce taux d’endémisme ne concerne pas les espèces d’eaux de surface (seulement trois espèces endémiques, au statut taxonomique douteux), mais essentiellement les gastéropodes crénicoles et souterrains. Ces derniers sont en effet inféodés à des milieux très fragmentés. Le modèle théorique permettant d’appréhender la biogéographie des espèces aquatiques est donc celui de l’insularité continentale. Confinés dans des bassins versants limités à l’aval par la mer et à l’amont par le milieu souterrain, les mollusques dulçaquicoles épigés se dispersent dans autant d’îles qu’il y a de bassins versant et les échanges doivent être limités entre ces bassins versants. Toutefois, la dispersion naturelle par zoochorie permet en particulier aux gastéropodes de petite taille d’échanger leurs gènes entre bassins versants. Elle est moins commune pour les espèces de grande taille telles que les nayades, expliquant un taux d’endémisme plus important. Aujourd’hui, deux modes de dispersion anthropiques doivent perturber le schéma d’insularité pour ces derniers : les canaux, qui connectent la plupart des grands bassins versants entre eux, et le transport de poissons. En effet les nayades ont une phase parasitaire lors des jeunes stades, les larves s’enkystant pendant plusieurs semaines dans les branchies des poissons.

Pour ce qui est des gastéropodes souterrains, le schéma est similaire avec des « îles » délimitées à l’aval par la lumière du soleil (les organismes souterrains, dépigmentés, ne sont pas protégés des ultra-violets et ne sont pas compétitifs dans les milieux épigés) et à l’amont par la zone vadose, soit la zone sèche des karsts. A la différence des écosystèmes épigés, la dispersion dans les écosystèmes stygobies ne peut faire intervenir ni la zoochorie, ni les perturbations anthropiques. Nous avons testé ce schéma d’insularité continentale pour deux types d’organismes, les Nayades, épigées, et les gastéropodes souterrains. En ce qui concerne les Nayades, on retrouve effectivement des aires de répartitions cohésives, que ce soit au niveau spécifique ou au niveau sub-spécifique, calquée sur les bassins-versants, avec toutefois quelques exceptions qui laissent penser que des transports liés à l’alevinage ont pu avoir lieu. Des phénomènes de colonisation semblent être en cours, en particulier entre le Rhône et la Seine, dus aux canaux qui connectent ces bassins versants entre eux. La progression bien documentée de certaines espèces invasives corrobore cette hypothèse. En ce qui concerne les gastéropodes stygobies, l’insularité semble être la règle. Les faunes sont remarquablement homogènes au sein d’un même hydrosystème et très hétérogènes entre les hydrosystèmes indépendants. Il existe donc une signature taxonomique des hydrosystèmes souterrains. Les analyses morphométriques et génétiques en cours semblent indiquer une insularité encore plus importante que ne le reflètent les connaissances actuelles, et donc une alpha-diversité insoupçonnée. En conclusion, les organismes étudiés emblent bien montrer une biogéographie liée avant tout au caractère insulaire des masses d’eau, perturbée en milieu épigée par les influences anthropiques, très préservée en milieu souterrain. La diversité observée en milieu souterrain laisse penser que l’on

Page 9: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

9

assiste aujourd’hui à une homogénéisation des faunes en milieu épigée. Se pose alors la question de la signification de la pléthore d’espèces de bivalves décrite au début du XX° siècle, avant les perturbations anthropiques (Locard 1901 reconnaissait 900 espèces de bivalves en France).

Pour plagier Saint-John Perse, « qu’y avait-il alors qu’il n’y a plus ? »

Page 10: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

10

LES CRUSTACES D’EAU DOUCE : BIODIVERSITE, BIOGEOGRAPHIE, INVASIONS BIOLOGIQUES.

Christophe PISCART

Laboratoire d'écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés (LEHNA), UMR CNRS 5023, Université de Lyon 1, 6 rue Dubois, Domaine Scientifique de la Doua, 43 Bd du 11 Novembre

1918, 69622 Villeurbanne Cedex ([email protected]) Les crustacés des eaux douces françaises sont très diversifiés avec 606 espèces actuellement connues (mise à jour depuis UICN & MNHN, 2012) appartenant à quatre classes (Branchiopodes, Malacostracés, Maxillipèdes et Ostracodes). Cette diversité se retrouve également dans les niveaux systématiques inférieurs avec 15 ordres et 73 familles (Tableau 1). Malgré des siècles de travaux sur ce groupe dont les premières descriptions formelles d’espèce remontent à 1758 (Linnaeus, 1758), cette diversité reste encore relativement mal connue et des dizaines d’espèces nouvelles restent à décrire. Le développement récent d’outils moléculaires suggère également que de nombreuses espèces « cryptiques » pourraient largement augmenter la diversité réelle des crustacés telle qu’elle est connue pour le moment. Pour toutes ces raisons, il apparait encore impossible d’estimer le nombre total d’espèces dont le rythme de découverte n’a pas ralenti au cours des 150 dernières années (Figure 1).

Outre une diversité remarquable, les crustacés de nos eaux ont une grande valeur patrimoniale illustrée par les 156 espèces endémiques de France (soit 26% des espèces), notamment chez les malacostracés (73 espèces) et chez les maxillipèdes (67 espèces). D’après la dernière étude de l’UICN France (UICN & MNHN, 2012), neuf espèces sont classées comme « en danger critique d’extinction » : trois amphipodes (Echinogammarus aquilifer, Echinogammarus zebrinus, Gammarus monspeliensis) ; six branchiopodes (Chirocephalus spinicaudatus, Cyzicus tetracerus, Daphnia mediterranea, Eoleptestheria ticinensis, Lynceus brachyurus et Moina salina). De plus, deux autres amphipodes (Echinogammarus tabu et Eulimnogammarus anisocheirus) et trois branchiopodes (Artemia parthenogenetica, Limnadia lenticularis, Phallocryptus spinosa) sont considérés comme « en danger » et 144 autres espèces (soit 24% des espèces) sont considérées comme « vulnérables ». Les crustacés sont présents dans l’ensemble des milieux aquatiques continentaux de surface (rivières, lacs, marais et zones humides) depuis la côte et jusqu’à plus de 2500 m d’altitude, y compris dans les milieux aquatiques temporaires ou éphémères puisque certaines espèces peuvent résister en l’absence d’eau pendant plus de 100 ans. On les retrouve également dans tous les milieux souterrains (sous-écoulement des cours d’eau, nappe phréatique, grotte et karst). Cette diversité « cachée » est d’ailleurs extrêmement importante

Tableau 1. Diversité des crustacés d’eau douce en 2012.

Classe Ordres Familles Espèces Branchiopodes Anostracés 5 11 Diplostracés 16 116 Notostracés 1 2 Malacostracés Amphipodes 9 76 Bathynellacés 2 20 Décapodes 5 12 Isopodes 7 38 Maxillopodes Arguloides 1 2 Calanoides 3 23 Cyclopoides 1 73 Gelyelloides 1 1 Harpacticoides 9 106 Poecilostomatoides 1 5 Siphonostomatoides 2 3 Ostracodes Podocopides 10 118 Total 73 606

Figure 1. Nombre cumulé d’espèce décrite depuis le 18ème sicècle.

Page 11: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

11

puisque qu’elle représente 206 espèces soit plus du tiers des crustacés de France. Elle est largement représentée par les malacostracés pour lesquels le nombre d’espèce souterraine (94 espèces) que l’on appelle « espèces stygobies » est supérieur au nombre d’espèces de surface (52 espèces). On retrouve des espèces stygobies dans 10 des 14 ordres de crustacés, seuls les arguloides, les notostracés, les poecilostomatoides et les siphonostomatoides n’ont pas de représentant stygobie en France. Les ordres des Bathynellacés et celui des Gelyelloides sont les seuls à être constitués uniquement d’espèces stygobies. Dans ces milieux, les branchiopodes sont les moins représentés avec seulement trois espèces stygobies (Alona bessei, Phreatalona phreatica, Phreatalona protzi) certainement de fait de l’écologie de ce groupe fortement associé à la végétation et au phytoplancton qui sont absents dans les milieux souterrains obscurs. Enfin le nombre d’espèce de crustacés, en plus de la découverte régulière d’espèce, continue d’augmenter par l’arrivée et l’installation de nouvelles espèces exotiques, dont certaines sont considérées comme invasives lorsque leur prolifération entraine des perturbations de l’écosystème. Ce phénomène ne concerne pour le moment que 25 espèces mais leur nombre a fortement augmenté au cours des 30 dernières années en raison de l’augmentation du trafic maritime et fluvial et de la dégradation des cours d’eau, favorisant l’installation de ces espèces. Ces espèces sont pour la plupart localisées dans le quart nord-est du pays mais certaines espèces de décapodes (Orconectes limosus) ou d’amphipodes (Crangonyx pseudogracilis) colonisent déjà la plupart de nos grands réseaux hydrographiques (la Garonne, la Loire, le Rhin, le Rhône et la Seine). En conclusion, nous pouvons dire que la diversité des crustacés est exceptionnelle en France de part le nombre des espèces et le taux d’endémisme. Cette diversité est largement liée à la diversité de nos milieux aquatiques et au fait qu’une partie importante du sud de notre pays a pu être préservée des dernières glaciations, favorisant ainsi le maintien d’une grande quantité d’espèces disparues dans les pays du nord de l’Europe. Comme dans tous les pays industrialisés, cette diversité est fortement affectée par les activités anthropiques mais heureusement pas de façon irréversible. De nombreuses espèces restent encore à découvrir, en particulier chez les microcrustacés maxillopodes et ostracodes. Malheureusement, le manque de spécialiste et l’absence de stratégie d’échantillonnage à grande échelle rendent ces découvertes plus difficiles et plus lentes. Dans ce contexte, la mise en place d’un réseau national de surveillance et d’échantillonnage sur le même modèle de celui qui existe chez les insectes aquatiques pourrait fortement approfondir nos connaissances sur ce groupe, essentiel au fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Référence citée : UICN France & MNHN (2012). La Liste rouge des espèces menacées en France - Chapitre Crustacés d’eau douce de France métropolitaine. http://inpn.mnhn.fr/espece/listerouge/FR/Crustaces_eau_douce_Metropole_2012

Page 12: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

12

LES AMPHIPODES D’EAU DOUCE ET LEURS INTERACTIONS

Vincent MEDOC

Laboratoire Ecologie et Evolution, UMR CNRS 7625, Université Pierre et Marie Curie, 7, quai Saint-Bernard, 75005 Paris ([email protected])

Les crustacés amphipodes d’eau douce et en particulier ceux de la famille des gammaridés dominent généralement la macrofaune benthique en terme de biomasse. Ils participent au recyclage de la matière organique en fragmentant la litière qui devient alors exploitable par d’autres invertébrés. Les gammares font partie du régime alimentaire de nombreux prédateurs (autres invertébrés, poissons, oiseaux aquatiques), ce qui favorise le transfert de matière et d’énergie vers les niveaux trophiques supérieurs. Au delà de leur rôle fonctionnel, les gammares constituent des modèles biologiques intéressants en écologie des interactions et en écologie comportementale. Ils sont également hôtes de nombreux micro ou macroparasites qui peuvent altérer leur comportement et ainsi arbitrer les interactions entre gammares. La reproduction s’accompagne d’une phase de gardiennage pré copulatoire durant laquelle le mâle s’accroche au dos de la femelle jusqu’à sa prochaine mue, étape qui conditionne la copulation. Le choix de la femelle ne se fait pas au hasard : sa taille corporelle doit être importante pour offrir le meilleur succès reproductif sans pour autant représenter une entrave aux déplacements du tandem. Les individus appariés sont également plus vulnérables que les individus libres. Sous le risque de prédation, les mâles sont moins enclins à initier un pré copulât et ils sont moins difficiles dans leur choix en acceptant plus facilement de s’apparier avec une femelle de petite taille. Les gammares ne sont pas connus pour être des animaux sociaux, mais on sait depuis peu qu’ils recherchent la proximité de conspécifiques sous le risque de prédation. Tout comme la formation de bancs chez les poissons, la formation d’agrégats chez les gammares diminuerait le risque individuel de prédation par un effet de dilution. Si le gammare est l’hôte intermédiaire d’un parasite qui termine son cycle dans un poisson, un tel comportement réduirait les chances de transmission du parasite. Conformément aux intérêts du parasite en terme de transmission, il a été montré que les gammares infectés ne s’agrègent plus. Longtemps considérés comme détritivores, les gammares sont avant tout des omnivores opportunistes, qui peuvent être prédateurs de conspécifiques (cannibalisme) ou de congénères (prédation intra guilde). Dans un contexte d’invasions biologiques, la prédation intra guilde expliquerait en partie la coexistence de gammares exotiques et natifs ou au contraire l’exclusion de ces derniers. En renforçant ou réduisant le comportement prédateur des gammares, les parasites vont bouleverser la hiérarchie de la prédation intra guilde et déterminer la coexistence ou non des espèces. Mots clés : agrégation ; comportement ; gammares ; invasions biologiques ; parasitisme ; pré copulât ; prédation intra guilde

Page 13: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

13

INVENTAIRES DES EPHEMERES, PLECOPTERES & TRICHOPTERES DE FRANCE : PREMIERES CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Michel BRULIN

Office pour les insectes et leur environnement (OPIE), OPIE-benthos, Maison des insectes,

Chemin rural n°7 – BP30, 78041 Guyancourt cedex ([email protected])

L’Office pour les insectes et leur environnement (Opie), par l’intermédiaire de son groupe de

travail Opie-Benthos, mène trois inventaires nationaux, destinés à mieux connaître la chorologie des espèces des Ephéméroptères, Plécoptères et Trichoptères de France. Ces programmes sont ouverts à tous les participants (actuellement au nombre de 287) qui livrent leurs données ou leurs collectes aux commissions de pilotage de ces inventaires. Les principaux résultats sont notés ci-après.

A. Éphéméroptères (programme INVFMR, depuis le 02 août 1996) La détermination de plus de 230 000 spécimens (19678 occurrences à ce jour), transmis par les

241 collecteurs actuels du réseau, soit une prospection de 4310 stations, a permis les résultats suivants :

- description de deux nouvelles espèces pour la science et de quinze espèces nouvelles pour la France ; - redécouverte après plus d'un siècle d'absence de citation, de deux espèces considérées comme disparues de France et d’autres pays européens ; - 622 confirmations des 943 citations de présence retenues de la littérature; - nombreuses données de répartition géographique dans des secteurs jamais prospectés et restés vierges de toute citation; à ce jour, 2125 nouvelles présences départementales pour 134 espèces réparties en 39 genres et 15 familles ; des espèces réputées « rares » apparaissent plus fréquemment ; B. Plécoptères (programme INVP depuis 2005) L’effort a principalement porté sur la prospection des zones géographiques non couvertes par les

données de la littérature, et secondairement des stations les plus anciennes mentionnées dans celle-ci. Les principaux résultats sont les suivants :

- total de 13000 données (présence d’une espèce en un lieu à une date), pour 167 espèces et sous-espèces inventoriées sur le territoire national métropolitain, dont les 4 nouvelles décrites ou observées depuis la réalisation du catalogue de 2006 (LE DOARE & VINÇON, 2006) ; seuls sept départements (dont Paris et sa banlieue immédiate) sont vierges de données ;

- 920 confirmations de citations antérieures à l‘inventaire sur les 1350 retenues de la littérature, le nombre total de citations départementales s’élevant à 1960.

C. Trichoptères (programme INVT, depuis 2002) Enfin, ce vaste programme s’adressant à environ 450 espèces réputées présentes sur le territoire

national métropolitain, avec le concours de 74 observateurs ayant prospecté 2529 stations (soient 1508 communes de 92 départements), a permis :

- la découverte de deux espèces nouvelles pour la science et de 17 espèces nouvelles pour la France ;

- la collecte d’environ 18250 données dont 8600 issues de prospections avec un système lumineux attractif, permettant d’inventorier 381 espèces et sous-espèces, l’effort d’inventaire se portant principalement sur la phase adulte (16455 occurrences) ; ces résultats ont fait l’objet d’une importante contribution au programme européen « Distribution atlas of european Trichoptera –DAET » ;

Page 14: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

14

- des précisions sur le statut de quelques espèces et des descriptions de certaines phases du cycle vital (larves, adulte femelle) jusqu’alors inconnues.

Tous ces résultats sont portés à la connaissance du public, notamment par la confection de cartes

détaillant la distribution nationale de chaque espèce. Outre le but premier de ces programmes, les inventaires ont aussi permis des avancées dans divers domaines : la systématique et la taxinomie, en précisant le statut de certaines espèces (levées de synonymie, redescriptions, …), l’écologie (précisions sur les micromilieux colonisés), la biologie (cycle vital, période d’émergence des adultes selon l’altitude). À terme, des efforts sont à porter sur la récolte de données dans des régions encore peu prospectées (difficultés liées à la topographie, la privatisation des milieux, les conditions climatiques, …). Enfin, ces programmes visant à mieux définir les diverses espèces de notre pays, ont pour objet d’apporter un outil biologique à l’évaluation de la qualité des milieux aquatiques et ainsi à leur protection.

Remerciements

C’est un plaisir de remercier tout particulièrement Madame Cécile Delattre (EDF Recherche et

Développement), et Monsieur René Lafont, président de la Société zoologique de France, pour leur accueil et l’organisation de cette journée, ainsi que tous les observateurs de nos programmes d’inventaires, les bénévoles du groupe Opie-Benthos et tout particulièrement Gennaro Coppa et Jacques Le Doaré qui pilotent respectivement les inventaires des Trichoptères et des Plécoptères.

Travaux cités

LE DOARE, J & VINÇON, G. (2006).- Les Plécoptères de France : inventaire des espèces

signalées par départements (Plecoptera). Ephemera, 7(1), 11-43. OPIE-benthos. http://www.opie-benthos.fr

Exemple de carte signalant la distribution d’une espèce d’EPT du territoire national métropolitain

(ici l’éphémère Baetis buceratus Eaton, 1870)

[Jaune : citation de présence départementale recueillie de la littérature Vert : citation de présence départementale confirmée par notre inventaire

Bleu : citation de présence départementale ajoutée par notre inventaire Blanc : absence de citation de présence départementale

Page 15: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

15

LES INVENTAIRES NATIONAUX D’ESPECES ET LES MACROINVERTEBRES BENTHIQUES D’EAU DOUCE

Pierre NOËL (1) & Patrick HAFFNER (2)

(1) Département Milieux et Peuplements Aquatiques et SPN, 43 rue Buffon, CP 48,

([email protected]) (2) Service du Patrimoine Naturel, DIREV, 36 rue Geoffroy Saint-Hilaire, CP 41,

([email protected])

Muséum National d'Histoire Naturelle, 75231 Paris cedex 05 Introduction L’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) est un programme porté par le Service du Patrimoine Naturel (SPN) sous la responsabilité scientifique du Muséum (selon l’article L 411.5 du code de l’environnement). C’est une démarche qui associe scientifiques, collectivités territoriales, naturalistes et associations de protection de la nature, plongeurs (DORIS 2010) etc. en vue d’établir une synthèse sur le patrimoine naturel en France (DUQUET et al. 1992). Les données fournies par les partenaires sont organisées, gérées, validées et diffusées par le Muséum. Ce système d’information permet de mutualiser au niveau national ce qui était autrefois dispersé, en métropole et en outre-mer, à la fois pour la partie continentale et pour la partie marine (TOUROULT et al. 2012). Nous nous limitons ici aux macroinvertébrés dulcicoles de métropole.

Localités d’une espèce protégée, la moule perlière Margaritifera margaritifera, avec le réseau hydrographique en fond de carte, d’après le site de l’INPN , Inventaire National du Patrimoine

Naturel (http://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/64435/tab/rep). Les principaux groupes de macroinvertébrés inventoriés La macrofaune désigne l'ensemble des animaux de taille supérieure à un millimètre ; l’eau douce ne comprend pas les eaux « de transition » que l’on rencontre dans le domaine paralique et qui appartiennent au milieu marin. A ce jour, relativement peu de macroinvertébrés dulcicoles ont fait l’objet de programmes d’inventaires spécifiques au niveau national, avec publication d’atlas présentant des cartes de distribution détaillée (SPN 2002). Un des premiers travaux de cette nature est l’atlas des mollusques bivalves sphéridés (MOUTHON et KUIPER 1987), suivi des crustacés décapodes (VIGNEUX et al. 1993) et des crustacés branchiopodes phyllopodes (DEFAYE et al.

Page 16: Les macroinvertébrés benthiques d’eau douce · Être cohérent avec les démarches des autres États Membres Européens et répondre aux exigences de la DCE. Compte tenu de ces

16

1998). Pour les groupes suivants, il existe au mieux quelques données éparses : Porifera, Cnidaria, Annelida, Plathelminthes, Némathelminthes, Némertes, Rotifera, Bryozoa, Mollusca, Arthropoda (Hexapoda, autres Crustacea, Chelicerata) [voir KEITH et al. 1998], ou des projets en cours de développement (ex. Odonata : DOMMANGET 2002). Les méthodes d’inventaire Sur le terrain, l’obtention des informations pertinentes varie considérablement selon les groupes inventoriés (observation directe, échantillonnage…) et les milieux prospectés (eaux temporaires, stagnantes, courantes, souterraines). Dans un temps pas si lointain, la saisie des données avait le papier comme support ; maintenant, avec les développements considérables du numérique, la saisie informatique rend de grands services. Le système de saisie en ligne ‘CardObs’ développé au SPN est de plus en plus utilisé pour faire remonter des données d’inventaire dont les 4 données de base sont le taxon, la date, le lieu et la source. Le référentiel taxonomique TaxRef est utilisé pour la nomenclature. Après validation technique et scientifique, la diffusion des données de synthèse est faite d’abord sur le site de l’INPN (inpn.mnhn.fr) via des listes d’espèces communales ou départementales, ou des mailles (10 x 10 km). La publication ‘papier’ permet de fixer la connaissance à un moment donné, mais il convient de noter que les inventaires ne sont jamais terminés. La valorisation des inventaires fait intervenir la réalisation de listes rouges au niveau national, comme la liste des crustacés d’eau douce de France métropolitaine, les conseils de gestion aux décideurs, aux politiques et aux gestionnaires (BEAUFORT de- et MAURIN 1990 ; MAURIN et al. 1994). Discussion, Conclusions – perspectives La distribution actuelle de certaines espèces même banales reste mal connue et il serait utile de développer à l’avenir ces inventaires, dans le temps et dans l’espace. Remerciements Les auteurs remercient la Société Zoologique de France, pour l’opportunité offerte de présenter les inventaires nationaux coordonnés par le SPN lors de sa journée thématique.

Travaux cités BEAUFORT F. de-, MAURIN H. (édit.), 1990. Utilisation des inventaires d'invertébrés pour l'identification et la

surveillance d'espaces de grand intérêt faunistique. Inventaires de Faune et de Flore. Secrétariat de la Faune et de la Flore. Muséum National d'Histoire Naturelle. Paris. 276 pp.

DEFAYE D., RABET N., THIERY A., 1998. Atlas et bibliographie des crustacés branchiopodes (Anostraca, Notostraca, Spinicaudata) de France métropolitaine. Collection Patrimoines Naturels, Service du patrimoine naturel / IEGB/MNHN, Paris, vol. 32: 1-61.

DOMMANGET J.-L., 2002. Protocole de l'inventaire cartographique des odonates de France (Programme INVOD). Muséum national d'Histoire naturelle, Société française d'odonatologie, 3e édition: 64 pp.

DORIS, 2010. Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et de la flore Subaquatique. CNEBS-FFESSM. http://doris.ffessm.fr/

DUQUET M., MAURIN H., et al., 1992. Inventaire de la faune de France. Vertébrés et principaux invertébrés. Muséum National d'Histoire Naturelle, Fernand Nathan éditeur, Paris, 416 pp.

KEITH P., GUILBOT R., COCHET G., 1998. Mollusques, crustacés, arachnides et autres petits invertébrés des eaux douces. Ministère de l'Environnement, OPIE, SPN/MNHN, CSP, 48 pp.

MAURIN H., KEITH P. (dir) & Coll., 1994. Inventaire de la faune menacée en France. Nathan, Muséum national d'Histoire Naturelle, et Fonds mondial pour la nature (WWF-France), Paris, 176 pp.

MOUTHON J., KUIPER J. G. J., 1987. Inventaire des Sphaeriidae de France. Inventaires de Faune et de Flore, Paris, 41, 60 pp.

SPN, 2002. Catalogue des bases de données et des publications. Muséum national d'Histoire naturelle, 92 pp. TOUROULT J., HAFFNER P., PONCET L., GARGOMINY O., NOEL P., DUPONT P., SIBLET J.-P., 2012.

Inventaires nationaux d’espèces : définitions, concepts, organisation et points clés. Rapport méthodologique – version 1. Rapport SPN 2012, 24 : 26 pp. Disponible sur http://inpn.mnhn.fr/telechargement/documentation

VIGNEUX E., KEITH P., NOËL P. (édit.), 1993. Atlas préliminaire des Crustacés Décapodes d'eau douce de France. Collection Patrimoines Naturels, Secrétariat Faune-Flore, B.I.M.M.-M.N.H.N., C.S.P., Min. Env., Paris, 14: 1-56.