Les Infirmières Identité, Spécificité Et Soins Infirmiers, De René Magnon

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Les infirmières : identité,spécificité et soins infirmiers

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

Chez Masson

SOIGNER… LE PREMIER ART DE LA VIE, par M.-F. COLLIÈRE, 2001, 2e édition,440 pages.

LA QUALITÉ DU SOIN INFIRMIER. Penser et agir dans une perspective soignante,par W. HESBEEN, 2002, 2e édition, 208 pages.

LA SANTÉ À TRAVERS LES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES. Approchelinguistique et sociologique, par A. d’HOUTAUD, 1999, 144 pages.

LE SYNDROME D’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL DES SOIGNANTS. De l’analysedu Burn out aux réponses, par P. CANOUÏ, A. MAURANGES, A. FLORENTIN,1998, 224 pages.

DOULEURS ET SOINS INFIRMIERS, par C. METZGER, A. MULLER, CollectionSavoir et pratique infirmière, 2000, 272 pages.

L’INFIMIER(E) ET LES SOINS PALLIATIFS. «Prendre soin»: Éthique et pratique,par le collège en soins infirmiers SFAP, Collection Savoir et pratique infir-mière, 2002, 2e édition, 264 pages.

DIAGNOSTICS INFIRMIERS, INTERVENTIONS ET RÉSULTATS. Langage etpratique, par A. PASCAL, É. FRÉCON VALENTIN, 2003, 3e édition, 624 pages.

L’ACCRÉDITATION. Boîte à outils du cadre infirmier, par H. BRIZON,Collection Encadrer à l’hôpital, 2000, 128 pages.

L’ASSURANCE QUALITÉ, CLEF DE L’ACCRÉDITATION EN SANTÉ, par M.-H. WALTER,Collection Encadrer à l’hôpital, 2000, 184 pages.

PRENDRE SOIN À L’HÔPITAL. Inscrire le soin infirmier dans une perspectivesoignante, par W. HESBEEN, 1997, 208 pages.

PROMOUVOIR LA VIE. De la pratique des femmes soignantes aux soins infir-miers, par M.-F. COLLIÈRE, 1996, 392 pages.

Les infirmières : identité,spécificité et soins infirmiers

René Magnon

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À Céline,et à toutes celles et ceux qui ont choisi ou choisissent le métier desoigner les hommes.

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Avant-propos

En ce début d’un nouveau siècle, l’absence de tout document desynthèse concernant l’évolution des pratiques et des connaissancesde la profession infirmière fait à mon avis grandement défaut aussibien aux soignants, qu’aux enseignants et étudiants en soins infir-miers. Cet ouvrage devrait pouvoir combler cette lacune et apporterà chacun les éléments de base d’une culture professionnelle éclairéepar les événements sociologiques, économiques et politiques quil’ont accompagnée.

Les connaissances concernant l’homme, son corps, son fonctionne-ment et la manière de le protéger, ses maladies, les remèdes àemployer pour les prévenir et les guérir; les conditions d’hygiène devie et d’habitat qui ont une influence néfaste sur son épanouissement,le traitement des plaies, des fractures, la manière de réparer lesorganes malades (et pour certains même de les remplacer), ont faitl’objet, depuis les temps les plus reculés, d’innombrables découverteset publications d’un savoir de plus en plus scientifique, par les écolesde médecine du monde entier. Par contre, «l’art de soigner», c’est-à-dire la manière de donner les soins nécessaires à la vie de l’espècehumaine et de la conserver, sera longtemps confondu, étroitementmêlé, à l’art de «guérir». Il ne fera l’objet de vulgarisation par écriten France, pour des personnes autres que «les hommes de l’art»,qu’à partir du XVIIIe siècle. Cet art est l’héritier des pratiques de soinsancestrales réalisées et léguées oralement, au fil des siècles, par lesfemmes, les mères, les épouses, à qui cette fonction essentielle de«prendre soin de la vie» était dévolue. Totalement ignoré deshistoires de la médecine, il aboutira à la fin du XXe siècle à l’émer-gence d’une «fonction propre» définie et réglementée pour ceux qui,par profession, choisissent de soigner les hommes, dans une disci-pline nouvelle, les soins infirmiers, en complémentarité avec le corpsmédical et les autres professions de santé.

La découverte de l’évolution des pratiques, des savoirs, des institu-tions, des femmes et des hommes qui y ont participé est indispensableà chacun d’entre nous afin de comprendre les enjeux actuels et futursdans le partage du savoir – ainsi que du pouvoir qu’ils confèrent.

2 AVANT-PROPOS

Ces enjeux, quels sont-ils? La reconnaissance d’une profession-nalisation et d’une spécificité; un savoir transmis d’abord par lesprofessionnels eux-mêmes; une autonomie accrue dans l’exercicede leur art; une régression des devoirs d’obéissance, de dévoue-ment et de charité que l’Église et la Médecine leur imposèrent; lareconnaissance d’un statut social plus élevé et d’une fonction mieuxrémunérée; le droit limité à certaines prescriptions (notamment enmatière de lutte contre la douleur ou en situation d’urgence);l’accès à une formation universitaire et à une plus grande capacité àtransmettre par écrit et par la recherche les fondements d’unenouvelle discipline: les soins infirmiers.

Cette découverte est également nécessaire pour comprendre lesmodifications qui se font et qui n’ont de sens que par la connais-sance de ce que les professionnels ont apporté dans la manière deconstruire leur art et de l’enseigner; pour mieux analyser aussi lesraisons pour lesquelles certains d’entre eux ont milité pour uneconception plus claire de leur engagement auprès d’hommes descience et au sein d’une discipline, la médecine, et pour un combat:la santé de l’homme avant tout.

La place de l’histoire dans cette évolution

Pour autant qu’elle soit importante dans cette rétrospective, ce livren’est pas un ouvrage d’histoire. Nous avons voulu, avant tout,apporter les repères essentiels liés à l’évolution de la discipline dessoins infirmiers, de l’institutionnalisation de l’enseignement infir-mier et de la profession infirmière, de la réglementation del’exercice infirmier qui s’est plus particulièrement établie au coursde la deuxième moitié du XXe siècle. Ces évolutions sont regardéeset analysées à la lumière de celles qui se sont produites dans lamédecine, au regard des découvertes scientifiques et des phéno-mènes de société, en particulier ceux qui ont pu influencer lamanière de penser et de pratiquer des infirmières et des infirmiers.

Si leur histoire est séculaire, ce n’est véritablement qu’après ledeuxième grand conflit mondial qu’elle s’est accélérée. Fortementbousculée dans ses programmes de formation, dans la conception de safonction et dans l’organisation du travail, dans ses spécialisations, danssa responsabilité et son éthique, dans sa littérature professionnelle etdans sa recherche, la profession infirmière s’est vue reconnaître unnouveau statut social. Ces évolutions ayant pris racine à la fin du

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XIXe siècle, et au tout début du XXe, il était indispensable de faire undétour par ces temps plus anciens pour mieux comprendre le prochepassé et le présent, car chaque période est imprégnée de ce qui l’aprécédée et contient en germe tout ce qui va advenir.

Une mutation mondiale profonde

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’émergence d’un conceptnouveau, le Service infirmier, est venue conforter tout cela. En effeten novembre 1973 eut lieu à Genève la réunion préparatoire à laConférence internationale de 1977 sur les conditions de travail et devie des personnels infirmiers. J’eus le privilège de participer à cetterencontre, et c’est à partir de ce séjour en terre helvétique, entouré denombreux autres experts infirmiers de tous les pays, que j’ai puprendre conscience de ce que nous étions en train d’opérer, dans lesdifférentes parties du monde, une mutation profonde dans l’exercicedes soins infirmiers. À partir de 1980, en France, cette évolution s’estconcrétisée par une manifestation sans précédent dans la profession,celle de la révolte d’une jeunesse infirmière qui réclamait ce qui luimanquait le plus: la reconnaissance sociale. La dernière décennie duXXe siècle n’a fait que confirmer le long et lent processus de profes-sionnalisation amorcé à la fin du siècle précédent. Pour aideraujourd’hui à mieux saisir la réalité, il était indispensable de chercherles indicateurs les plus probants, de mieux faire connaître les femmes,les hommes, les dates, les faits et les événements les plus marquants.

Ce regard va porter sur ce qui a touché de près à l’activité desinfirmières et infirmiers; c’est-à-dire l’évolution de la médecine etdes sciences humaines, les événements de la vie professionnelle, lesfaits de société, l’évolution des mœurs et les événements politiquesmajeurs qui ont été freins ou moteurs pour leur profession. Afin depermettre de mieux comprendre pourquoi et comment ce change-ment s’est opéré, des tableaux chronologiques présentant lesindications les plus significatives liées à la construction des prati-ques et du savoir infirmiers sont proposés en annexes.

Les voies d’avenir

À l’aube du XXIe siècle, comme pour tous les corps professionnels,il est certain que se dessine une nouvelle destinée pour les soins

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infirmiers et la profession infirmière. Cette conception renouveléedes soins aux malades que nous allons nous attacher à mettre enévidence, les générations futures continueront-elles à sel’approprier? Nous le pensons, car le contexte de santé publique quis’offre à elles est de plus en plus préoccupant. Les maladies auto-immunes, le vieillissement de la population, les soins aux maladesen fin de vie; les maladies sociales dues aux conditions de vie etd’habitat de plus en plus précaires, le chômage et les nouvellesformes d’épidémies ou d’épizooties dues aux migrations humaineset animales vont nécessiter de repenser la place de l’infirmière1

dans le monde de la santé. Cette place sera, tout à la fois, à l’hôpitalmoderne, mais également et surtout dans des structures de soinsplus proches de là où vivent et travaillent les populations.

Tout comme à la fin du XIXe où se fit jour la nécessité d’instruiresolidement ceux qui voulaient soigner à l’hôpital et à domicile etcelle de réglementer leur exercice (ce qui fut à l’origine de l’évolu-tion que nous allons constater), il ne fait aujourd’hui aucun douteque les soignants de demain sauront choisir la voie que ce nouveaucontexte de santé publique impose. Mais plus que jamais, lesnouvelles orientations en matière de lutte pour la santé et pour laréduction de ses coûts, notamment une nouvelle réorganisationadministrative et financière des institutions hospitalières, la redistri-bution des pouvoirs en leur sein, le rééquilibrage des effectifsd’encadrement soignant et une nouvelle redéfinition de leursmissions peuvent faire craindre des répercussions fort dommagea-bles dans la distribution des soins infirmiers et dans l’exerciceprofessionnel infirmier. Malgré cela, gageons que les personnelsinfirmiers sauront s’inscrire dans la modernité que tout nouveausiècle appelle et qu’ils sauront apporter aux malades le servicequ’ils attendent de tout professionnel de santé.

1. Lire partout: infirmier, infirmière.

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L’hygiène publique, fer de lancede l’enseignement infirmier

Au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, alors que la médecineconnait des progrès importants et que les médecins obtiennent unnouveau statut social (notamment en politique), voici qu’intervientune époque clé dans l’évolution de l’art de soigner, comme ce serad’ailleurs le cas au milieu du vingtième. Une époque clé et charnièretout à la fois: les récentes découvertes de l’antisepsie, de l’asepsie etles découvertes de Pasteur engendraient de nouvelles manières defaire, de nouveaux lieux, de nouveaux procédés pour appliquerl’étendue de ces nouveaux bienfaits. C’était l’époque où les méde-cins, bien que réticents encore sur la transmission de connaissancessavantes aux gardes-malades et aux infirmières hospitalières (trans-mission que la laïcisation des hôpitaux et leur transformationrendaient incontournables), commençaient à admettre que leursuccès et l’application des progrès récents ne pouvaient dépendre engrande partie que de la bonne exécution de leurs prescriptions et deleurs applications pratiques correctes.

Les théories pastoriennes accéléraient les modifications àapporter dans les pratiques soignantes notamment: l’introductionde nouveaux instruments stérilisables; de nouveaux procédés depulvérisation, d’inhalation et de fumigation. Ils accompagnaient lesprogrès de l’hygiène et des traitements prophylactiques. Les instru-ments étaient conçus et fabriqués dans des matières facilitant leurnettoyage et leur stérilisation. Le microbe était la cible de tous lesinstants et de toutes les opérations. Les lieux étaient également revi-sités en fonction des principes nouveaux de l’hygiène publique: lessalles d’hôpital, le mobilier utile aux malades, les salles de panse-ments, les salles d’opérations étaient repensés. Les techniques de

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soins étaient codifiées de telle sorte que la soignante puisse acquérirdes réflexes stéréotypés garantissant la distinction entre «le sale etle propre», le «stérile et le septique», introduisant selon la thèsed’Anne Marie Prévost2, «l’ordre et la mise à distance du corps»après la soumission et l’obéissance réclamées depuis toujours à lafemme soignante dans l’exercice de sa fonction.

DE NOUVEAUX MANUELS, CLEF DE VOÛTEDE L’ENSEIGNEMENT INFIRMIER

Florence Nightingale venait de publier en 1859, à Londres, un livredestiné aux femmes en général, traduit en France en 18623. Lesidées qu’elle y développait, «soigner la maladie, mais soigneravant tout le malade dans un environnement propice à saguérison», prendront corps surtout dans les pays anglo-saxons.Elles sont considérées aujourd’hui comme la toute première théorieconcernant les soins aux malades. En France, médecins, chirur-giens, ecclésiastiques, ne publièrent pas moins d’une quinzained’ouvrages destinés aux personnes qui soignaient et gardaient lesmalades. Cette production était dominée par quelques titres de réfé-rence qui présideront à l’émergence du modèle infirmier français.Six d’entre eux portaient le titre de «manuel», c’est-à-dire celuid’un «ouvrage didactique» renfermant les notions essentielles del’art de guérir et de soigner et des techniques qui s’y rapportaient.Trois constituent le corpus de référence dans lequel nous avonspuisé pour comprendre et connaître l’essentiel de ce qui va suivre:celui du Docteur A. C. de Saint-Vincent, du Docteur Bourneville etde la Commission médicale d’enseignement de L’Union desfemmes de France.4 La différence avec ceux utilisés aux siècles

2. Prévost A.-M. – Réflexions sur l’enseignement infirmier.1870-1918.Thèse pour ledoctorat en médecine, Marseille, 1982 (non publiée).3. Nightingale F. – Notes on nursing. What it is and what it is not? London, Harrisson andsons.1859.Des soins à donner aux malades. Paris, Didier, 1862.4. Dr A. C De Saint-Vincent – Nouvelle médecine à la ville et à la campagne à l’usage desfamilles, des maisons d’éducation qui se vouent au soulagement des malades. 18 éditions de1866 à 1901.Dr Désiré Magloire Bourneville – Manuel pratique de la garde-malade et de l’infirmière. Paris,Bureau du Progrés Médical, 1re et 2e éditions 1878, 4e éd.1889, 5e éd.1893, 6e 1897, 7e 1903.Union des femmes de France. Manuel de l’infirmière hospitalière. rédigé par la Commissiond’enseignement, Paris, Masson, 1re édition 1884, et réédité jusqu’en 1938.

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précédents était flagrante et reflétait bien l’étendue des nouvellesconnaissances utiles et nécessaires à acquérir désormais pourexercer le métier de soigner les hommes. Si le projet pédagogiquedemeure le même — former des infirmières hospitalières pour aideressentiellement le corps médical à développer et appliquer sonpropre art —, l’organisation pédagogique de ces manuels est enrevanche nouvelle. Elle inspirera, au début du XXe siècle, tous ceuxqui seront ultérieurement proposés. Ils sont la clef de voûte surlaquelle vont se fonder l’enseignement infirmier et l’exerciceprofessionnel jusqu’après la deuxième guerre mondiale.L’anatomie et la physiologie y figurent déjà en bonne place, maisd’autres matières y sont aussi développées.

Les soins généraux et obstétricaux, l’hygiène,la pharmacie, la pathologie chirurgicale et médicale

L’hygiène, la pathologie chirurgicale et des éléments de «petitechirurgie», des notions de médecine, les soins aux femmes encouche et nouveau-nés, la pharmacie et l’administration des médi-caments complétaient les connaissances jugées utiles pour lessoignantes. Selon le public auquel ils s’adressaient plus particuliè-rement — personnels des hôpitaux publics, femmes du monde dessociétés Croix-Rouge, religieuses, infirmiers militaires, gardiensd’asile et gardes-malades — ils contenaient des chapitres spéciauxtels que les soins aux blessés dans celui des sociétés Croix-Rouge,ou relatifs à la bonne gestion et à l’administration des soins auxaliénés dans celui du Docteur Désiré Bourneville.

Les soins généraux et obstétricaux

Contrairement à tous ceux édités jusqu’ici5, les soins générauxcentrés sur le malade, que l’on nomme aujourd’hui «soins d’entre-tien et de continuité de la vie» étaient relégués à la fin du manuel,démontrant bien que l’important, dorénavant, résidait dans les soinscuratifs, reflet de la toute puissance naissante de la médecine. Para-doxalement, le Dr Bourneville était très prolixe sur les soins

5. Voir à ce sujet l’importante bibliographie dressée à partir de 1775, in: Cahier Amiec, Pourune histoire des soins et des professions soignantes, n° 10, 1988.

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pratiques à mettre en œuvre par l’infirmière dans les accouche-ments. Si, à la fin de l’ancien Régime et au début du XIXe siècle, lafemme n’accouchait pas dans son lit mais sur une table appelée «litde misère», ou dans des positions invraisemblables pour nous, ilétait jugé préférable, désormais, qu’elle accouche dans son lit,préparé et protégé pour l’événement. Les enseignements de Listeret Semmelweis (ce dernier découvrit bien avant Pasteur le caractèreinfectieux et transmissible de la fièvre puerpérale) déstinés à éviterles complications infectieuses étaient parfaitement intégrés par lesmédecins progressistes.

Dans l’ensemble, ces soins généraux (contrairement aussi à ceque l’on trouvait dans les manuels précédents) n’étaient assortisd’aucune donnée pratique sur la manière de procéder. Bourneville aeu l’occasion de souligner la faiblesse de cet apprentissage au lit dumalade, d’organiser quelques stages, et de vouloir les intensifier.Cette nouvelle divulgation du savoir entièrement entre les mains ducorps médical souffrait de l’absence de surveillantes et d’infir-mières formées et chargées de l’enseignement. Ce ne fut qu’avecl’ouverture de l’école des sœurs de la Charité des Hospices civils deLyon, en 1889, que débutera la véritable formation professionnelleen alternance, qui a été le modèle à suivre et qui a toujours prédo-miné au XXe siècle.

L’hygiène

L’hygiène, très développée, comprenait des notions sur l’air, l’eau,les habitations, le chauffage, l’aération, la ventilation, les vête-ments, l’alimentation, les boissons, les sens et les perceptions, lesexcrétions, ainsi qu’un discours important sur les maladiescontagieuses.

Le nettoyage des instruments et le lavage des mains

Tous les objets dont on faisait usage devaient être extrêmementpropres et aseptiques. Pour cela, ils devaient être plongés dans uneeau portée à ébullition à 100 °C. Les liquides et corps gras antisep-tiques étaient utilisés et notamment la solution phéniquée à 2%additionnée de 2 grammes d’essence de thym pour en corrigerl’odeur. Cette dernière était abandonnée pour le lavage des mains etles toilettes, pour lesquelles on lui préférait le Sublimé de Budinque les sages-femmes étaient autorisées à utiliser et à prescrire.

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Pour les soins au nouveau-né, pesé et placé en couveuse quandc’était nécessaire depuis plusieurs années, ce chapitre abondait dedétails très pratiques. Les soins de propreté en général, les soins debouche, l’alimentation des malades n’étaient développés quesuccinctement, alors que dans tous les manuels précédents du XVIIIe

et de la première moitié du XIXe siècle ils étaient très largementdécrits.

En cette fin du XIXe siècle, ces livres dont les auteurs avaientoeuvré pour que naissent les institutions destinées à l’enseignementinfirmier n’occultaient pas les soins à donner aux malades, mais cesderniers semblaient accessoires par rapport à la somme d’autresconnaissances qu’ils avaient à transmettre aux infirmières etgardes-malades. Il est vrai que ces soins généraux allaient seconfondre pour un temps avec les nouvelles notions d’hygiènedéfinie comme «l’étude des conditions favorables ou nuisibles à lasanté de l’homme et par suite à son évolution et son progrès».

La chambre du malade

Dans ces chapitres étaient passées en revue les conditions danslesquelles était placé le malade: le chauffage, l’aération, la ventila-tion, l’éclairage de sa chambre; la manière d’entretenir les sols, lebalayage et l’époussetage humides, la température et l’ameuble-ment. Le lit devait être de préférence en fer, facilement accessiblede tous côtés; les matelas à eau et à air étaient préférés – ou àdéfaut, pour les enfants, ils devaient être faits de matière végétalecomme le varech.

Les éléments de petite chirurgie

Les éléments de pathologie chirurgicale comportaient des notionsrelatives aux plaies et à leurs complications (phlegmons et abcès,brûlures et gelures), les gangrènes (dont les escarres, les ulcères);les affections des vaisseaux (anévrismes, phlébites, varices,lymphangites); les affections de la peau (furoncles, anthrax,panaris); les maladies des os (ostéites, fractures, les affections desmembres); les maladies des articulations, des yeux, de la poitrine;de l’abdomen (principalement: les hémorragies, la péritonite, leshernies, les hémorroïdes).

La saignée, traitement miracle jusqu’ici, perdait de son prestige etne se pratiquait plus que très rarement. Elle pouvait être réalisée par

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le chirurgien, l’infirmière ou la garde-malade; les sangsues et lesventouses étaient encore de pratique courante. Les procédés derubéfaction (frictions, sinapismes, cataplasmes); de vésication (posede cantharides); de cautérisation (utilisation nouvelle du thermocau-tère et du galvano-cautère ou par des agents chimiques tels que lapotasse caustique, la poudre de Vienne et le nitrate d’argent);étaient largement développés. Les injections, irrigations et les lave-ments des canaux et des cavités (fosses nasales, oreilles, rectum)commençaient à être enseignés.

La panoplie de l’infirmière

Au chapitre «petite chirurgie», la panoplie de l’infirmière étaitdécrite: les ciseaux droits et courbes, les pinces à pansements, lerasoir, la spatule, le stylet, la sonde cannelée, les épingles anglaises(pour fixer les bandages), le bistouri, la lancette, les sondes, lestrocarts, le garrot pour les hémostases.

Les pansements

Les pansements et bandages tenaient une bonne place dans cesmanuels de la fin du siècle. La manière de rouler les bandes, defaire des renversés, le spica du pouce, la double spirale d’un doigt,le bandage croisé du pied, le spica de l’épaule, le bandage croisé del’épaule, la capeline ou mitre Hippocrate (simple bonnet de cotonou mouchoir destiné à maintenir les pansements sur le crâne), lesécharpes… Les appareils à fractures de Dupuytren pour les frac-tures de l’extrémité inférieure du péroné y étaient décrits, ainsi queles gouttières, les attelles, l’appareil de Bonnet pour les fractures dufémur. Les appareils silicatés ou plâtrés remplaçaient les appareilsamidonnés et dextrinés. Le plâtre employé était du plâtre à mouler.

Les pansements antiseptiques

Les règles générales pour l’application des pansements antisepti-ques contenues dans les trois manuels cités vont prendre ici touteleur importance et vont codifier rigoureusement la pratique infir-mière: «il faut veiller avant tout à la propreté absolue et à ladésinfection stricte de tout ce qui doit approcher la plaie: mainsdes aides, vêtements, instruments et objets de pansements…» Lespansements antiseptiques se diversifiaient. À la suite des travaux deLister sur le traitement des plaies, des remarquables découvertes de

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Pasteur sur la fermentation et la putréfaction, de nombreux change-ments étaient apportés dans l’application de l’antisepsie,notamment par le pansement ouaté d’Alphonse Guérin. D’autrestechniques: pansements antiseptiques phéniqués, utilisation del’eau oxygénée, ou le coton hydrophile, le coton cardé, lescompresses, la gaze, le Macintosh (une étoffe imperméable, souple,formée d’une feuille de coton teintée en rose, recouverte sur une deses faces d’une couche de caoutchouc souple et résistante) la gutta-percha laminée, le taffetas gommé, le papier ciré, le papier parche-miné, l’étoupe, la tourbe de Redon (sorte de ouate, de tourbesouple, cardable, et suffisamment absorbante) remplaçaient lacharpie et autres étoffes utilisées jusqu’ici pour les pansements.

Les injections

Les injections hypodermiques à l’aide de seringues graduées enverre armées d’aiguilles biseautées que l’on affûtait sur une pierre àaiguiser, dérivant toutes de la seringue en verre de Pravaz (du nomde son créateur), y faisaient leur apparition. Elle deviendra par lasuite le symbole par lequel l’infirmière sera le plus souventidentifiée.

La médecine

Au point de vue médical, les éléments d’enseignement reposaientessentiellement et uniquement sur une sémiologie déclinée parappareils. On y trouvait notamment: les symptômes fournis parl’observation de l’aspect extérieur, par l’examen de la sensibilité,par les fonctions intellectuelles, par le sommeil, par l’appareil respi-ratoire, circulatoire, digestif, urinaire: il s’agissait d’apprendre auxinfirmières hospitalières à reconnaître, au lit du malade, les princi-paux phénomènes ou signes pathologiques qui devaient plusspécialement attirer leur attention afin «de fournir au chef deservice les renseignements les plus précis sur ce qui s’est passédurant son absence». L’observation du patient, la prise de tempéra-ture et du pouls apparaissaient primordiaux et autorisaientdorénavant l’infirmière à noter sur la «sacro-sainte» feuille detempérature les signes observés. Quelques gestes techniques telsque les cathétérismes vésicaux étaient indiqués: chez la femme ilsétaient confiés à l’infirmière; mais chez l’homme, au médecin etaccessoirement à l’infirmier. La vérification de la tension artérielle

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devenait une pratique médicale courante réservée au corps médical,grâce à l’invention du sphygmomanomètre de Potain et, par la suite,à celui de Vaquez et Laubry.

La pharmacie

Les éléments de pharmacie et de l’administration des médicamentstenaient compte des nouveaux apports de la pharmacopée ettentaient de donner une classification facile à comprendre. Lesformes pharmaceutiques généralement officinales: les fécules,poudres, pulpes et sucs; les apozêmes, bouillons, émulsions, limo-nades, mucilages, tisanes; les eaux distillées, les essences; lesteintures alcooliques, les alcoolats; les teintures éthérées, lesextraits, les vins médicinaux, les bières médicalisées, les vinaigres,les glycérés; les cérats, emplâtres, huiles médicinales, onguents,pommades; les gelées, mellites, pastilles, pâtes, sirops. Les formesgénéralement magistrales pour l’usage interne: les bols, élec-tuaires, espèces, pilules, potions (julep, looch). Pour l’usageexterne: les bains, cataplasmes, sinapismes, collutoires, collyres,fomentations, gargarismes et collutoires, liniments, lotions, spara-draps, suppositoires.

Un certain nombre d’autres substances médicamenteuses étaitconnu et n’impliquait en aucune manière que l’infirmière hospita-lière ait jamais à les employer de sa propre initiative. Comme pourl’usage de toutes les précédentes, elle devait suivre scrupuleuse-ment les prescriptions médicales. Il s’agissait de l’acide arsénieux,de la liqueur de Fowler, de l’acide borique, de l’acide phénique, del’aconitine, de l’atropine, du chloroforme, de la cicutine (alcaloïdede la ciguë), de la cocaïne, de la codéine, de la digitaline, del’émétique, du quinquina, de l’ergot de seigle, du iodoforme, dulaudanum de Sydenham, de la morphine, de l’opium. Les analysesd’urine: recherche du sucre avec la liqueur de Fehling, la recherchede l’albumine selon le procédé du réactif de Méhu à base d’acidephénique, du réactif d’Esbach à base d’acide picrique, le réactif deTanret à base de sel mercuriel, l’acide nitrique ou azotique, l’acideacétique, y étaient pour la première fois décrits.

La prescription médicale

Il est à noter que les auteurs rappelaient, qu’une prescription devaittoujours faire l’objet d’une explication orale et d’une ordonnance

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écrite: «l’énumération des médicaments est toujours faite parécrit, et constitue l’ordonnance, qui sera préparée par le pharma-cien. Elle se compose de trois parties, l’énumération dessubstances, leur composition et le mode d’administration…» Si leséléments de pharmacie étaient nettement plus nombreux dans lesconnaissances apportées aux infirmières qu’au milieu du siècle, lamise en garde par les médecins sur leur utilisation n’en était queplus formelle et radicale: «seul le mode d’administration doit êtreconnu de l’infirmière. Elle ne doit en aucune façon chercher àconnaître ce que le médecin prescrit, éviter de faire des questionsindiscrètes et ne solliciter à ce sujet aucune explication du pharma-cien dont le devoir est de tenir caché ce que le médecin n’a pasvoulu qu’on sût».

Les devoirs moraux et les soins aux mourants

Un chapitre sur l’attitude morale auprès des malades abordait lesquestions du respect du sommeil et du repos, de la fatigue, desloisirs, des visites et des questions à ne pas aborder. Si les notionsrelatives à l’agonie et au décès étaient sommaires, elles reflétaientbien la préoccupation majeure qui devait guider l’infirmière dansles derniers instants de la vie:

«L’infirmière doit toujours veiller à ce que les moribonds soiententourés de tous les égards auxquels ils ont droit. […] Elle se tientmême pendant toute la durée de l’agonie à portée du malade, tantpour le secourir que pour recevoir, au besoin, ses confidences…»

Dans cette évolution des pratiques et des connaissances infir-mières au XIXe siècle, qui resteront jusqu’à la fin du XXe siècle pourla majorité d’entre eux la base fondamentale des techniques desoins infirmiers, des événements majeurs dans la société françaiseont eu également un impact non négligeable dans la voie del’amélioration de la formation des gardes-malades et desinfirmières.

Durant toute cette période les français connurent trois types derégime politique différents — impérial, royal et républicain — ainsique les guerres et les révolutions qui les provoquèrent et qui lesanéantirent. Le conflit franco-allemand (1870-1871) fut l’occasion,encore une fois, de démontrer la cruelle absence de personnelsoignant qualifié.

16 GENÈSE D’UNE NOUVELLE PROFESSION

NAISSANCE DE L’ENSEIGNEMENT INFIRMIER

Les premières écoles d’infirmières

L’organisation de l’enseignement public fut bénéfique à celle del’enseignement destiné au personnel soignant. À partir de 1833 laloi Guizot permit l’organisation de l’enseignement primaire et laformation des maîtres. En 1850, la loi Falloux permit la liberté del’enseignement secondaire sous le contrôle des évêques et la loiDuruy, en 1867, fit obligation aux communes d’au moins 500 habi-tants de scolariser les filles.6

C’est sur ces bases nouvelles que les médecins «hygiénistes» et«humanistes» de la Troisième République radicale et socialisteforgèrent leurs armes pour s’attaquer à nouveau aux bastions del’Église et engagèrent le mouvement de laïcisation des hôpitaux. Àces derniers s’opposèrent des ecclésiastiques et des médecins cléri-caux et ceux des sociétés philanthropiques, les Sociétés Croix-Rouge. C’est à l’occasion de cette formidable éclosion suscitée parles progrès médicaux et chirurgicaux, les batailles idéologiquesentre républicains et cléricaux, catholiques et protestants, à proposde l’enseignement infirmier, que vont naître en France lespremières écoles d’infirmières.

Ce mouvement faisait suite à la création dans le monde des toutespremières écoles: L’École des Diaconesses évangéliques duPasteur Fliedner, de Kaiserswerth en Allemagne en 1840, l’écoledes infirmières de l’hôpital St. Jean l’évangéliste de Londres en1848, l’école normale de gardes-malades «la Source» de Lausannepar la Baronne Agénor de Gasparin, à Londres, l’école de l’hôpitalSt. Thomas de Florence Nightingale en 1860.

En France, après l’installation de l’école des diaconesses de Stras-bourg et de Paris (1842-1843), c’est le Docteur Duchaussoy quiouvrit les premiers cours destinés aux «dames infirmières» desSociétés Croix-Rouge en 1877 et le Docteur Désiré Magloire Bour-neville qui ouvrit les écoles municipales d’infirmiers et d’infirmièresdes hôpitaux de l’Assistance publique de Paris en 1878.

Sous l’impulsion des grands journaux de l’époque, Le Temps,L’Aurore, Le Figaro, ainsi que sous la pression de l’idéologie chré-tienne, un institut d’infirmières vit le jour au lycée de Versailles. À

6. Vial R. – La chronologie de l’histoire de la médecine. Paris, J.-P. Gisserot, pages 57 à 67.

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Bordeaux, une association protestante avait ouvert une école libreet gratuite de gardes-malades qui deviendra plus tard l’ÉcoleFlorence Nightingale.

Infirmière : une nouvelle terminologie

Pour désigner ces femmes qui allaient par profession devenir infir-mières, la terminologie n’était pas tout à fait fixée. Le termed’infirmière était très péjorativement connoté en raison desmauvaises conditions de vie offertes notamment au personnelféminin des hôpitaux publics parisiens, de la promiscuité que leursconditions de travail engendraient avec les hommes utilisés auxtâches subalternes, ce que s’employa à démontrer Mademoiselle leDr Hamilton dans sa thèse pour l’obtention du doctorat en médecineen 19007. Cette dernière lui préférait le terme de garde-malade oude nurse. Mais, après la première guerre mondiale, le terme«d’infirmière hospitalière» au féminin s’imposa alors que le mot«infirmier» datait de 1398. Son étymologie remonte à «infirme»,«infirmité», dérivés de «enfermier», lui même issu de «enferm».Ce dernier ne comportait, contrairement à ce que l’on pourraitcroire, aucune référence à «l’enfermement»; c’était une des formesarchaïques de la traduction d’infirmus qui désignait: «le malade oul’invalide».

À partir du XIIe-XIIIe siècle, mais plus couramment à partir duXVe siècle, il sera en usage pour désigner les emplois d’infirmiersou d’infirmières dans les infirmeries, les couvents, les commu-nautés et les hôpitaux militaires. Le terme de «garde-malade» étaitpréférentiellement utilisé pour désigner les personnes (femmes desseigneurs des paroisses, dames de charité, sœurs de la charité, curésde campagne, mères de famille…) qui, par attachement ou parprofession, se dévouaient aux soins des personnes malades8.

7. Hamilton A. et Regnault R. – Les gardes-malades, Congréganistes, Mercenaires,Amateurs, Professionnelles, Paris, Vigot Frères, 1901.8. Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècles. Tome X.CNRS, Paris, 1993

2

Un contexte de santé publique nouveau : vers l’hygiène sociale

Depuis 1840, l’Europe occidentale était entrée dans l’ère indus-trielle (la machine à vapeur et le chemin de fer) et son cortège deconséquences sociales ne se fit pas attendre: l’avènement d’unebourgeoisie capitaliste qui accapara le pouvoir et le profit, laconcentration urbaine d’un prolétariat qui ajouta à la paupérisationdes campagnes, la paupérisation des villes.

LE DROIT AUX SOINS :L’ASSISTANCE MÉDICALE GRATUITE

Le XIXe siècle se terminait dans un contexte de santé publique où latuberculose, l’alcoolisme, les maladies vénériennes, la mortalitéinfantile sévissaient au sein de la classe ouvrière, aggravés par desconditions de vie et d’habitat précaires. Par ailleurs les gouverne-ments devaient faire face à une nette baisse de fécondité alors queles pratiques anticonceptionnelles étaient blâmées et l’avortementcondamné. Toutes ces données légitimèrent grandement les actionsen faveur de la création de nouvelles écoles d’infirmières et d’unnouvel agent de santé.

Le droit aux soins fut enfin proclamé. Un siècle après l’engage-ment de secourir les pauvres prit par la Convention Nationale enmai 1793; c’est la Troisième République qui, par la loi du 15 juillet1893, institua l’assistance médicale gratuite. Cette loi faisait égale-ment obligation de créer des écoles d’infirmières, ce que rappelapar circulaire le Premier ministre E. Combes en 1902.

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Grâce à l’action d’institutions charitables publiques et privées,les premiers dispensaires pour les maladies pulmonaires, lesconsultations d’assistance maternelle et infantile, la lutte contrel’alcoolisme, les coopératives ouvrières, les hôpitaux, pour l’orga-nisation desquels catholiques et protestants rivalisèrent, l’actioncaritative perdit de son caractère sacré au profit d’une action plussociale. L’Encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII, parue en1891, sur la condition des ouvriers dans le monde capitaliste et surla doctrine sociale de l’église catholique, incita les chrétiens à unnouvel apostolat.

L’AVÈNEMENT DE L’ACTION SYNDICALE,LES LOIS SOCIALES

Après l’ère de l’hygiène publique s’annonçait celle de l’hygiènesociale. Par ailleurs, à l’instar du monde ouvrier qui découvrait lalutte de classe et l’organisation syndicale, les infirmiers et infir-mières, notamment ceux des hôpitaux de l’Assistance publique deParis, commencèrent à s’organiser. En 1899, la communauté inter-nationale des infirmières, grâce à l’action de Mrs. BedfordFenwick, la Présidente de l’Association Nationale des infirmièresdu Royaume-Uni, se dotait d’un organisme représentatif mondial:le Conseil international des infirmières.

L’INFIRMIÈRE : UN NOUVEL AGENT DE SANTÉ

Tout concourait alors pour que le vingtième siècle dans sa premièremoitié soit le témoin d’un début de professionnalisation et de régle-mentation de l’enseignement et de l’exercice infirmiers, de lacréation de nouvelles écoles d’infirmières comme le préconisait lacirculaire Combes sous l’impulsion, certes, de sommités médicales,mais aussi de femmes et d’infirmières qui prirent à bras le corps ceproblème fondamental pour la santé dans notre Pays.

Après la deuxième guerre mondiale, ce long et lent processus deprofessionnalisation se mit en place progressivement pour aboutir,à la fin de ce siècle, à l’émergence d’une discipline: les soins infir-miers, ainsi que d’un corps professionnel d’infirmières etd’infirmiers ayant tous les attributs d’une grande et utile profession.

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Vers une pratiqueet un savoir réglementés

LES PIONNIERS, LEUR ŒUVRE, LEUR PÉDAGOGIE

C’est sur cette toile de fond, constituée par l’évolution des progrèsmédicaux, chirurgicaux, et des techniques de soins; par l’avènementdes lois sur l’armée et l’école (qui établirent respectivement le servicemilitaire obligatoire pour tous et l’instruction primaire obligatoire etgratuite); par les lois sur la mutualité, par l’assistance médicale etgratuite, par la réglementation du travail des femmes et des enfants,par la constitution des syndicats ouvriers et les lois sur les accidentsdu travail, que va se mettre en place le modèle infirmier français9 dessoins aux malades. Toutes ces lois furent à l’origine d’une intricationétroite entre les problèmes sanitaires et sociaux que la majorité desgouvernants ont eu du mal à gérer au cours du XXe siècle, et qui prési-deront à l’organisation et à la réglementation de l’enseignementinfirmier et de la profession infirmière.

En ce début du XXe siècle, après la séparation de l’Église et del’État et l’extension du mouvement de laïcisation des hôpitauxcommencé à Paris et dans quelques villes de province, les soins auxmalades étaient universels et devenus un droit pour tous, alors qu’ilsétaient essentiellement fondés, jusqu’à ce jour, sur des croyances oumotivations altruistes. Cette étape de sacralisation des soins fut, toutà la fois, moteur et frein dans l’évolution d’une formation pour lessoignants. Dans ce passage de la charité à l’assistance publique, etmalgré le mouvement en faveur du développement de l’instruction

9. Poisson M. – Origines républicaines d’un modèle infirmier. Paris, Éditions Hospitalières,1998.

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des infirmières et des gardes-malades, on avait encore coutume depenser que la compétence pour soigner, acquise empiriquement,était suffisante et qu’il suffisait d’être bon, dévoué, obéissant etcharitable pour être un bon infirmier ou une bonne infirmière.Plusieurs courants allaient alors s’affronter.

Les nouveaux courants de pensée

Ces courants étaient au nombre de quatre. Celui des Républicainsdans les hôpitaux publics, porté par le Docteur Désiré MagloireBourneville qui développa la formation des infirmières10 laïques del’Assistance publique; celui des cléricaux, médecins et ecclésiasti-ques qui prônaient le maintien d’une fonction soignante religieuse;celui des Sociétés Croix-Rouge que développa le DocteurDuchaussoy, et celui des écoles privées que Mademoiselle leDocteur Anna Hamilton à Bordeaux disciple de Florence Nightin-gale instaura, ainsi que ceux de Madame Alphen-Salvador et deMademoiselle Léonie Chaptal à Paris. Bien qu’étant allé chercher,pour la plupart, leur source d’inspiration Outre-Manche, lespremiers, sous la pression du corps médical, firent une part belle àl’enseignement médico-chirurgical. Parmi les secondes, AnnaHamilton s’inspira largement de la conception des soins anglo-saxonne: «soigner le malade avant tout en tenant compte de sonenvironnement et non pas seulement de sa maladie». Les autresécoles privées adoptèrent ce courant idéologique, sans toutefoispouvoir se démarquer des influences médicales de l’époque. Made-moiselle le Docteur Anna Hamilton et Léonie Chaptal s’opposèrentalors sur la conception de l’enseignement et de la place des infir-mières. L’une était médecin, l’autre infirmière. La première étaitprotestante et vivait en province; la seconde était catholique et rési-dait dans la capitale: proche des pouvoirs (médical, politique etecclésiastique) elle bénéficia de relations d’importance que ne putobtenir Mademoiselle le Docteur Hamilton. Mais une chose lesréunissait contre les idées radicales socialistes du Docteur Bourne-ville: leur conception de la formation des infirmières qui, pourelles, devait être réservée avant tout aux jeunes filles de la bonnesociété ayant reçu une instruction et une formation de base élevée.Elles s’opposeront donc constamment, sur ce point, à la conception

10. Lire partout: infirmiers, infirmières.

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de Bourneville et de l’administration hospitalière parisienne, quiestimaient que «toute femme ou tout homme pourvu d’une éduca-tion primaire et professionnelle sérieuse pouvaient prétendre à unecarrière basée avant tout sur le mérite, le travail et la compé-tence». La bataille fut âpre également entre médecins républicainset cléricaux dont les conceptions philosophiques étaient opposées.

La multiplication des manuels d’enseignement infirmier

Les idéaux pédagogiques de ces pionniers, au cours de la périodecontemporaine de l’ouverture des écoles d’infirmières depuis 1878,étaient contenus dans les quelque soixante-dix ouvrages écrits enmajorité par des médecins (58), des ecclésiastiques (10), des mili-taires (7) et seulement 5 par des femmes ou des infirmières. Parmiles plus influents, il faut citer celui du Docteur Désiré MagloireBourneville11, celui de L’Union des Femmes de France12, celui del’abbé Vincq13 et celui de N. Oxford traduit de l’anglais par LéonieChaptal en 1906.14 Cette dernière insistait sur la nécessaire instruc-tion technique des infirmières mais surtout sur leur formationmorale (que le livre de la Révérende Mère Merle Blanquis Auchevet des malades15 préconisait déjà et dont l’enseignement,jusque dans les années soixante-dix, demeurera le domaine réservédes directrices d’écoles d’infirmières). Au cours de cette période,on vit apparaître également les premiers ouvrages destinés à formerdes infirmières visiteuses16. Les premières furent formées danscertaines écoles privées dès la fin de la guerre de 1914-1918.

Au lendemain de cette première guerre mondiale où tant defemmes bénévoles et admirables s’illustrèrent dans les soins auxmalades et aux blessés (mais dont l’inexpérience fut parfois regret-table), le pays tout entier, appauvri, exsangue, se trouvait confronté àde graves problèmes de santé publique. La tuberculose, l’alcoolisme

11. Bourneville Désiré Magloire. Op. cit.12. Union des Femmes de France. Op. cit.13. Abbé Ch. Vincq – Manuel des hospitalières et des Gardes-malades. Paris, Vve CH. Pous-sielgue, 9 éditions de 1904 à 1919.14. Oxford M.N. – Le livre de l’infirmière. Traduit de l’anglais par L. Chaptal, Paris,Masson, 1906.15. Merle-Blanquis M. – Au chevet des malades, Notions élémentaires de morale profession-nelle à l’usage des gardes-malades, des infirmières, des diaconnesses, des soeurs de lacharité, des mères de famille. Paris, Librairie Fischaker, 1910.16. Longueil (Mlle de) – Cours pour infirmières visiteuses. Comité d’assistance aux militairesréformés pour tuberculose. Département du Doubs. Besançon, 1917.

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et les maladies vénériennes sévissaient massivement parmi la classeouvrière naissante qui vivait dans des conditions d’habitat désas-treuses; la santé de nombreux blessés et jeunes hommes ayantcombattu dans les zones où les gaz de combat furent employés avaitété considérablement affectée; les maladies infantiles accentuaientune mortalité déjà considérable. La pauvreté et les conditions de vieprécaires contribuèrent alors grandement à l’idée de doter le Paysd’une nouvelle fonction sociale et d’un véritable métier du soin et del’assistance: celui d’infirmière.

Les infirmières visiteuses piliers de l’hygiène sociale

Depuis 1923, après avoir obtenu une formation réglementée et ledroit de porter le titre «d’infirmière diplômée de l’État français»pour dispenser les soins, les infirmières étaient partout. À l’hôpital,comme infirmière hospitalière bien sûr; mais aussi en ville, dans lesdispensaires, à domicile dans les familles, sous le vocable «d’infir-mière visiteuse d’hygiène sociale à l’enfance et à la tuberculose».En préparant un complément de formation dans ces domaines, ellesdevenaient les ambassadrices de l’hygiène publique et sociale pourlutter contre les fléaux sociaux que nous avons énoncés plus haut.Elles soignaient, elles écoutaient, donnaient des conseils de santé etd’hygiène, participaient aux campagnes de prévention (notammentcontre la tuberculose) et étaient chargées des enquêtes sociales dansles milieux les plus défavorisés. Cette évolution n’a pu se faire,après la Première Guerre mondiale, que grâce à l’aide des infir-mières de la Croix-Rouge américaine, des fondations Rockefeller,Carnegie, Anne Morgan et grâce à la création du comité américainpour les régions dévastées (Card) de France.

Un tournant historique: des infirmières visiteusesaux infirmières hospitalières

Très rapidement, devant les conditions déplorables de vie, de travail etde logement des populations auxquelles elles s’adressaient, ces «infir-mières polyvalentes»17 furent confrontées à des activités sociales quil’emportèrent sur leurs activités sanitaires. Grâce (ou à cause de) leur

17. Magnon R. – Infirmier polyvalent, soixante ans déjà! In: Objectif Soins, n° 27,novembre 1994.

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action, les collectivités locales de l’époque furent soumises à de multi-ples problèmes sociaux qui les dépassaient. Elles étaient de plus enplus détournées des soins (au sens où l’entendait le corps médical) etconduisaient les gens vers le dispensaire ou l’hôpital approprié. Leursactivités médico-sociales de plus en plus nombreuses, en contradictionavec les activités purement curatives à l’hôpital, qui se développaienten même temps qu’évoluaient l’hôpital et la médecine, furent pourune grande part à l’origine d’une séparation du sanitaire et du socialdans l’exercice professionnel des infirmières, séparation sur laquellese fondera, jusque vers 1980, la politique de santé très hospitalocen-triste de la France. Cette difficulté dans l’exercice professionnelinfirmier conduira les pouvoirs publics, après la sortie des lois socialesdu Front Populaire, à proposer la création d’une nouvelle catégorie detravailleurs sociaux, les assistantes sociales, confinant ainsi les infir-mières dans un exercice professionnel très hospitalier. La ruptureentre le sanitaire et social était consommée.

Désormais, dominée par les concepts d’hygiène publique etd’hygiène sociale, et par la révélation d’un manque crucial de person-nels soignants formés, notamment au cours de la première guerremondiale, cette période va donner aux défenseurs de la cause desinfirmières l’occasion d’affirmer leurs convictions en la matière etd’œuvrer pour la réglementation de leur enseignement et de leurexercice. Ce sera plus particulièrement le cas de Léonie Chaptal,considérée aujourd’hui comme la fondatrice de la profession infir-mière en France avec l’aide et le soutien de personnalités médicaleset de nombreuses consœurs religieuses et laïques.18 À partir del’École de gardes-malades à domicile à Bordeaux, Mademoiselle leDocteur Hamilton diffusa dans tout le sud-ouest et dans bien d’autresrégions «le système Nightingale», et connut, malgré des oppositions,une influence nationale et internationale très importante. À Lille et àLyon, des écoles avaient été ouvertes depuis la fin du siècle précé-dent. L’école de Lyon ouvrit en décembre 1899 à l’hôpital de laCharité, sous l’impulsion du lyonnais Hermann Sabran, vice-prési-dent du Conseil supérieur de l’assistance publique, dont les idées sur

18. Mlle Génin, directrice de l’école des peupliers de la Société de secours aux blessés mili-taires de Paris; Sœur Catherine de Jésus-Christ, directrice de l’école Saint-Joseph de Cluny;Sœur Stéphanie de Jésus directrice de l’école d’infirmières de Nantes; Mlle de Joannis, direc-trice de l’école professionnelle d’assistance aux malades; Mlle Greiner, directrice de l’écolede puériculture de la faculté de médecine de Paris; Mlle Fumey, directrice de l’hôpital et del’école de Reims. Parmi les sommités médicales, il faut citer les Professeurs Calmette,Guérin, Roux et le docteur Letulle.

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la formation en alternance des infirmières («enseignement théoriqueet pratique réalisés en stage et en école») seront reprises dans lerapport général présenté par le Docteur Henri Napias, lors de laséance du 19 mars 1898. Ces hommes rejoignaient ainsi les idéesavancées par le Docteur Bourneville dès 1878. Considéré commel’originalité de la formation des infirmières, ce principe pédagogiqueperdurera jusqu’à nos jours. Dans le débat sur une éventuelle forma-tion des infirmières à l’Université, il sera souvent mis en avant par lesdétracteurs de tous bords de cette évolution. Question qui,aujourd’hui, demeure toujours irrésolue.

Un matériel pédagogique adapté

À partir de 1930, l’enseignement à donner aux nouvelles généra-tions d’infirmières était dans la continuité de la période précédente.Mais le matériel pédagogique se dota de nouveaux ouvrages, et faitnouveau, ils étaient écrits par un plus grand nombre d’infirmièresreligieuses et laïques19 qui, pour la plupart, avait adhéré au courantinspiré par le modèle infirmier créé par le Docteur Bourneville en yassociant une formation morale et humaine.

Une formation technique et morale tout à la fois

Tous ces livres, jusque vers 1970, ont suivi les progrès médicaux,chirurgicaux, et ont été adaptés aux exigences modernes des techni-ques de soins de plus en plus nombreuses; parfois même jusqu’àréduire leur projet pédagogique à la seule bonne exécution du soin,selon les règles de l’asepsie et de l’antisepsie. Les infirmières et infir-

19. Il s’agit notamment du livre de Mademoiselle Nappée, Manuel pratique de l’infimièresoignante paru aux éditions Masson en 1937, et qui demeurera un ouvrage de référence sans cesseremis à jour jusqu’en 1966; du livre de l’École Florence Nightingale, l’Infirmière hospitalière,guide théorique et pratique, une oeuvre collective associant les monitrices, les cheftaines et lecorps médical de la maison de santé protestante de Bordeaux, rédigé et mis en forme en 1938 parMadame Pargade-Bruckman, une des toutes premières monitrices de cette école et qui lui aussisera réédité et mis à jour jusque dans les années soixante; le livre de Madame Kapp, infimièremajor: l’infirmière de la famille en 1931; le cours de techniques de Soeur Allard: Principesélémentaires concernant le soin des malades, chez maloine en 1934; le manuel de MadameArdisson, une infirmière major en 1936: Manuel de l’infirmière en cas de guerre aéro-chimique,les livres des soeurs des Hospices civils de Lyon sur les bandages et la chirurgie adulte publiésen 1940 et 1949 aux éditions pratiques à Lyon et en 1950, les soins aux malades et les soins auxenfants par les filles de la Charité de Rennes, les éditions des sœurs de Nevers, 1950.

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miers de cette époque se souviennent sans aucun doute, par exemple,des listes de techniques et d’instruments apprises par cœur auxquelleson ne pouvait déroger, des recommandations expresses d’installationdu matériel propre sur le plateau supérieur du chariot et la dispositiondu matériel sale sur le plateau inférieur; de la quantité de coton et decompresses utiles au soin… L’anatomie, la physiologie, les patholo-gies selon les différents appareils, la pharmacie, l’hygiène étaient auprogramme. Ces manuels témoignaient tous d’une double évolution:d’une part, celle d’un développement important de connaissancesscientifiques utiles aux infirmières leur donnant la possibilité demieux comprendre leur action; et d’autre part leur cantonnementdans des pratiques de simples exécutantes parfaitement codifiéesauxquelles elles ne pouvaient échapper pour être une excellentesoignante. En filigrane, les cours de morale professionnelle venaientrappeler et insister sur les qualités humaines que devaient posséderles postulantes à cette fonction, et l’obligation qu’il y avait de mettreen œuvre des principes moraux.

Une Association nationale infirmière : supportd’une réglementation professionnelle

et de la construction des pratiques et du savoir

Préparée et discutée déjà depuis 1908 par un petit comité autour deMme Alphen-Salvador (fondatrice de l’école professionnelle d’assis-tance aux malades, de la rue Amyot), de Mme d’Ornellas (enreligion, Mère Catherine de Jésus-Christ) ainsi que de Mlle Chaptal,l’idée de créer une organisation nationale des infirmières refaitsurface en 1924. Le 7 juin 1925, au cours d’une première Assem-blée générale, naissait l’Association nationale des infirmières del’État français (ANIDEF), l’actuelle Association nationale desinfirmières, infirmiers diplômés et étudiants (ANFIIDE).

De 1924 à 1931, Directrices et monitrices à l’origine de cette repré-sentation nationale des infirmières se réunissaient chez leur chef defile, Léonie Chaptal, puis plus tard au Bureau central des infir-mières20, pour étudier, discuter, débattre des questions pédagogiques;

20. Ce Bureau fut créé en 1925. Rattaché à l’office national d’Hygiène sociale, il dépendaitdu ministère de la Santé publique. Sous la responsabilité de Mlle Juliette Delagrange, il avaitpour mission d’étudier et de contrôler toutes les questions nouvelles concernant la profession.

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mais aussi des problèmes d’organisation et d’études. De multiplessujets furent débattus: la reconnaissance des écoles d’infirmières,leur agrément, l’organisation des stages et de la probation, la forma-tion technique et morale, l’âge d’admission des élèves et leur santé;l’organisation des examens, l’uniformisation des techniques de soins,l’esprit d’observation; des questions de discipline, le port del’uniforme, la responsabilité de l’infirmière et les questions d’ordredéontologiques. Toutes questions liées à une professionnalisation enmarche.

L’Agrément, la reconnaissance des écoleset de leur fonctionnement

Lors de la première réunion du 28 septembre 1924, les textesvenant à peine de sortir, il fut question, bien entendu, de la recon-naissance et de l’agrément des nouvelles écoles publiques ouprivées. Il fut aussi question des stages dans les services hospita-liers, de leur durée, de leur organisation et du fait que «les élèvesétaient utilisées trop vite comme des infirmières…». L’enseigne-ment théorique donné par les médecins était, déjà, jugé «tropchargé, non adapté».

L’organisation de la formation pratique, les stages

Un an plus tard, il fut fait état des progrès réalisés dans l’organisa-tion des examens pour le nouveau diplôme d’État, et l’on seréjouissait que «la pratique qui n’avait jusque-là qu’un rôle secon-daire soit devenue la matière principale». La cohabitation entre lesélèves infirmières laïques et religieuses était jugée salutaire pour lesdeux catégories. Il fut débattu de l’organisation des programmes deformation complémentaire pour former les infirmières visiteuses etde la durée des études portée déjà à trente-trois mois: pas pourcontester leur utilité, mais pour réfléchir sur les modalités pratiquesde mise en place et de leur harmonisation.

En 1926, les discussions portèrent surtout sur l’instruction desstagiaires à l’hôpital, les qualités pédagogiques des surveillantes etmonitrices, les dispositions des élèves et la façon dont les hôpitauxpouvaient adapter leurs services aux exigences des nouveauxprogrammes d’études. Mademoiselle Fumey, Directrice de l’hôpitalcivil et de l’école d’infirmières de Reims, fit sur ces problèmes unexcellent rapport qui mériterait d’être publié, tant les questions

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soulevées (l’encadrement en stage, l’apprentissage des soins au litdu malade), s’y trouvaient déjà posés, en des termes parfois analo-gues à ceux que l’on peut rencontrer aujourd’hui.

Les techniques de soins

À la quatrième réunion, le 2 octobre 1927, les techniques de soins,furent à l’honneur. Sœur Stéphanie, Supérieure de l’hôpital deNantes, expliqua «qu’il ne pouvait exister un désaccord entre lathéorie et la pratique» et prônait une certaine harmonisation.Léonie Chaptal quant à elle pensait: «qu’il fallait laisser au temps,le temps, et qu’indubitablement, on obtiendrait dans l’avenir uneuniformisation des techniques, mais elle ne sera toujours que rela-tive…». Visionnaire en son temps, cet esprit éclairé pourrait siégerutilement dans les rencontres actuelles, pour éviter certains conser-vatismes. Les bourses d’études furent aussi évoquées pour déplorerleur insuffisance (déjà). Les directrices et monitrices présentesfurent invitées à intéresser sans cesse les pouvoirs publics, l’État,les Conseils généraux et municipaux à cette question.

La réunion suivante, en 1928, fut entièrement consacrée à uneréflexion sur l’organisation du stage probatoire au début des étudesen école d’infirmières, qui sera maintenu, sous des formes diverses,jusqu’en 1961. Par ailleurs, le sempiternel désarroi des élèves quidénoncent «le fossé entre l’école et la pratique dans les hôpitaux»était déjà présent également.

Les prémisses du plan de soins infirmiers

C’est alors que l’on s’interrogea sur «comment développer l’espritd’observation des élèves infirmières?» De nombreuses réponsesfurent apportées, mais celle qui peut retenir notre attention,aujourd’hui, est celle que relata la directrice de Nantes, SœurStéphanie. «Toutes les semaines, des groupes de quatre élèves sontdésignés et à chacune d’elle un malade est confié. Au bout de huitjours, elles sont réunies et doivent faire un rapport sur l’état d’unmalade, son histoire, la marche de la maladie, les moyens employésà le soulager…».

Le port de l’uniforme obligatoire

Le congrès international des infirmières de 1929 (où, pour la premièrefois, une Française, Mlle Chaptal, sera élue Présidente) prendra unegrande place dans la réunion du 26 septembre 1929. Mais, à la

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demande de Mlle Delagrange, du Bureau central des infirmières auministère, il sera beaucoup question «des précautions à prendre parles infirmières visiteuses pour ne pas se contaminer au cours de leursvisites dans les familles», ce qui conduira rapidement à évoquer et àinsister sur les raisons du port de l’uniforme pour l’infirmière exerçantà domicile ou à l’hôpital.

La question cruciale des prescriptions médicaleset de la responsabilité

À partir de 1930, les réunions furent organisées par Le Bureaucentral des infirmières, sans doute en raison de l’élection de LéonieChaptal à la Présidence du Conseil international des infirmières auCongrès de Montréal, pour quatre ans. La question cruciale de laresponsabilité des infirmières y fut débattue. Au cours de la réuniondu 5 octobre 1930, la règle suivante fut adoptée, consacrant l’usagede la jurisprudence française en matière de déontologie quant à laresponsabilité de l’infirmière dans ses fonctions: «Lorsqu’unmédecin ou un chirurgien donne des instructions à une infirmièreplacée sous ses ordres, celle-ci a le devoir strict de les exécuterintégralement, sous la responsabilité du médecin ou du chirurgien.Sa propre responsabilité ne sera pas engagée tant qu’elle seconformera rigoureusement aux instructions qu’elle a reçues». Oncomprend mieux aujourd’hui, combien il fut difficile, en raison«d’un rôle propre» accordé depuis aux infirmières et de règlesprofessionnelles ayant valeur de code de déontologie, de faireévoluer de telles consignes. Il est intéressant de constater égalementque la discussion qui suivit l’énoncé d’une telle recommandationpourrait encore avoir lieu de nos jours. En effet plusieurs questionsfurent soulevées, notamment celle de l’administration des médica-ments et, surtout, celle de leur prescription. Une des participantesévoqua le cas des prescriptions par téléphone. La discussion fitémerger un débat encore tellement d’actualité: «Il est certain quel’ordonnance téléphonique non écrite constitue un risque grave,tant pour le malade que pour la personne qui le soigne et, cepen-dant, il est impossible, au moins dans certains cas d’urgence, depriver le malade du secours demandé et prescrit par téléphone».Mademoiselle de Joannis, qui succédera à Léonie Chaptal à la têtede l’Association nationale en 1937, fut catégorique: «La seulesécurité du malade et de l’infirmière consiste en une ordonnanceécrite et elle a le droit de l’exiger». Voilà, pour nos générations etles suivantes, une question d’actualité encore brûlante à méditer.

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Vers une nécessaire réglementation

Toutes ces questions, et bien d’autres, aux origines d’une profes-sion naissante, les responsables de l’époque se les posèrent et firentainsi considérablement avancer sa construction. Elles posèrent lesbases du savoir et des pratiques indispensables à un exerciceauthentiquement professionnel. Désormais, à la veille du deuxièmegrand conflit mondial, les infirmières possédaient un titre reconnu,des circulaires ministérielles visant à le protéger, un Comité deperfectionnement chargé d’étudier toutes les questions relatives à lafonction, à la formation et aux écoles. Grâce à leur Associationnationale, les infirmières françaises avaient rejoint la communautéinternationale, au sein du Conseil international des infirmières; unBureau central des infirmières contrôlait les jurys d’examen,étudiait les demandes d’autorisation d’exercer, les demandesd’agrément des nouvelles écoles. Elles possédaient aussi une revueprofessionnelle nationale, L’Infirmière Française, et une collectiond’ouvrages professionnels, éléments premiers de la constitutiond’un savoir propre21.

Leur lutte, tout au long de ces premières années de professionna-lisation n’aura de cesse de faire admettre que la durée des étudespermette de former de bonnes infirmières soignantes hospitalièreset que par des compléments de formation elles puissent aussiexercer des soins à domicile, où l’éducation et la préventiondevaient primer. Elles exigèrent qu’un bon niveau scolaire soitréclamé à l’entrée dans les écoles d’infirmières, que ces dernièrescontinuent par des lectures, par leur participation à des congrèsnationaux et internationaux, par des stages, notamment à l’étranger,

21. «Bibliothèque de l’infirmière», fondée par Mademoiselle Chaptal, en 1923, publiée parles éditions Poinat.

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à parfaire leurs connaissances. Autant d’idées progressistes, quisont encore bien d’actualité, et qui se heurtèrent au poids desmentalités, notamment du corps médical, et aux événements politi-ques et sociaux. Ces divers projets suscitaient aussi des résistancestrès fortes chez les syndicalistes hospitaliers, confrontés à l’organi-sation et au respect dans les lieux de travail de la semaine dequarante heures et de la journée de huit heures; chez les membresdes associations et œuvres privées qui se disaient menacées par desmesures «étatiques et bureaucratiques»; chez les religieuses qui,appuyées par leur hiérarchie, se voyaient à nouveau écartées d’undomaine qu’elles avaient reconquis. C’est dire combien la mise enœuvre d’une réglementation s’avérait complexe et difficile, maishautement nécessaire.22

RÉGLEMENTER L’EXERCICE PROFESSIONNEL

Depuis 1815, date à laquelle fut publié un premier projet d’arrêté deréglementation de l’enseignement et de la pratique des gardes-malades23, seules quelques circulaires et injonctions ministériellesvinrent en vain, en filigrane, tenter de combler cette nécessité. Ilfaudra attendre 1936, pour que devant le droit à de meilleuresconditions de travail, le droit aux congés payés, les infirmièress’intéressent à leur propre condition et réclament un statut del’infirmière professionnelle relatif aux différentes branches detravail: hospitalières, visiteuses, etc.

Fin 1936, les pouvoirs publics s’émurent alors des difficultéssignalées par les infirmières diplômées, notamment le chômage dûà l’emploi de personnel non formé et d’infirmières étrangères.Henri Sellier, ministre socialiste de la Santé publique, adressa auxpréfets en date du 26 octobre une circulaire dans laquelle il lespriait de faire connaître à tous les services intéressés qu’en cas devacance d’emploi, ils ne devaient recruter que des infirmièresdiplômées de l’État français.

22. In: René Magnon. Léonie Chaptal, 1873-1937, la cause des infirmières. Paris, Éd.Lamarre, 199123. Une initiative de M. Lezay de Marnésia, Préfet du Bas-rhin, qu’avait fait connaître ledocteur Fodéré, dans son ouvrage destiné aux gardes-malades. Lire à ce sujet: R. Magnonin: Pour une histoire des soins et des soignants, Lyon, cahier AMIEC, n° 10, 1988.

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Un premier projet de loi avortée : 1937

Quelques mois plus tard, le 28 janvier 1937, la Chambre des députés,quant à elle, adopta sans discussion un projet de loi relatif au statut offi-ciel des infirmières et infirmiers déposé par le docteur Fié et plusieursde ses confrères. En matière de réglementation de cette activité, le textede 1815 faisait école. Cent vingt ans venaient d’être rattrapés.

Ce projet de loi, en gestation depuis 1933, qui tentait de régle-menter les pratiques et le savoir nécessaires aux infirmièresprévoyait dans son article 1, «que nul ne pouvait exercer, enFrance et dans les colonies, la profession d’infirmière ou d’infir-mier s’il n’était muni d’un diplôme de l’État français délivré dansles conditions prévues par le décret du 27 juin 1922». L’article 2prévoyait les emplois concernés: «On entendait par infirmière ouinfirmier les infirmières ou infirmiers de toutes spécialités exerçantleur profession à l’hôpital ou à domicile: masseurs aveugles,hospitaliers, d’asile d’aliénés, d’hygiène sociale métropolitaine etcoloniale…» L’article 3 prévoyait nettement que le corps médicaldevait prescrire sur ordonnance et plaçait les infirmières exclusive-ment sous son contrôle, ce qui perdurera jusqu’en 1978.

Paru au Journal officiel du 29 janvier 1937, ce projet de loi n’apas été adopté par les sénateurs qui l’examinèrent le 2 février 1937et le renvoyèrent devant la Commission de l’hygiène, de l’assis-tance, de l’assurance et de la prévoyance car des oppositionss’étaient manifestées et notamment de la part des infirmières catho-liques regroupées dans l’Union catholique des services de santé etdes services sociaux (UCSS) qui, craignant une trop grande étatisa-tion de la fonction infirmière, obtinrent que ce texte soit retiré.

Une rupture fondamentale dans l’organisation et la dispensedes soins: la séparation du sanitaire et du social

Les difficultés pour les infirmières (comme à l’heure actuelled’ailleurs) de faire admettre par les décideurs que l’hygiène socialeétait aussi leur affaire ont fait naître le décret de 1938 qui distin-guera l’action de l’infirmière de celle de l’assistante sociale,mettant un terme ainsi à la fonction des infirmières visiteusesd’hygiène sociale à l’enfance et à la tuberculose. Scission qui, àmon sens, est à la base de l’incompréhension totale de ce que sontles soins aux malades donnés par des infirmiers et des infirmières et

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dont la terminologie récente de «soins infirmiers» que la profes-sion tente de faire reconnaître depuis 1960, dans une indifférencequasi totale du monde de la Santé et en butte aux résistances institu-tionnelles de toutes sortes, a eu bien du mal à s’implanter. Il sembleaujourd’hui que les soins infirmiers soient de mieux en mieuxreconnus, bien que les acquis dans ce domaine soient encore bienfragiles et confrontés aussi aux autres professions de santé nonmédicales dont la spécificité n’a pas encore été si nettementreconnue et qui depuis 1973 ont été regroupées sous le vocableregrettable et remis en question par l’Organisation mondiale de lasanté de «professions paramédicales.»24

Quand le décret de 1938 sortit, Henri Sellier n’était plus au pouvoir.Les «infirmières visiteuses polyvalentes», que lui même et le conseilmunicipal de Suresnes avaient en exemple instituées dans cettecommune dont il était le maire, disparaîtront avec ce nouveau texte quiva faire place désormais pour tout ce qui est de l’environnement socialdu patient à l’action préférentielle des assistantes sociales. Ce décretinstaura des diplômes simple et supérieur d’infirmiers, d’infirmièreshospitalières, d’assistants, d’assistantes de service social dont lapremière année d’enseignement était identique aux infirmiers jusquevers 1970. Dans sa formulation, ce texte laissait espérer une formationfuture de cadres infirmiers. Il n’en sera rien jusqu’en 1951.25

Les lois fondamentales : 1943, 1946

Depuis le 3 septembre 1939, la France était en guerre. Malgré l’appelà la résistance du Général de Gaulle, le 18 juin 1940, elle va connaîtreles heures les plus sombres de son histoire, avec la campagne deFrance, l’invasion des troupes hitlériennes, l’exode, la signature del’armistice à Rethondes le 22 juin 1940, la collaboration d’État,l’occupation de son territoire jusqu’en 1945. Le Régime de Vichy,sous le slogan «Travail, Famille, Patrie» manifesta une vive atten-tion à l’égard des valeurs sociales, de la famille, de la jeunesse, de lalutte contre l’alcoolisme et de l’organisation sociale des professions.

24. Cet organisme préfère nettement la terminologie de «Professions de santé non médi-cales.» Actes officiels n° 198, 1972.25. In: René Magnon. Léonie Chaptal, 1873-1937, la cause des infirmières, op. cit.Décret du 18 janvier 1938, JO du 19 février 1938 et arrêté du 7 décembre 1938 relatifs à lacréation des diplômes simple et supérieur d’infirmier et d’infirmière hospitaliers et d’assis-tantes du Service social de l’État.

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Il n’est donc pas étonnant qu’un projet de loi tendant à régle-menter la profession infirmière ait refait surface durant cettepériode noire de notre démocratie et que fut promulguée la loin° 372 du 15 juillet 1943, parue au Journal officiel du 28 août 1943,relative à la formation des infirmières ou infirmiers hospitaliers, àl’organisation et à l’exercice de leur profession.

La question d’une représentation nationale des infirmières: «Union nationale» ou «ordre national infirmier»?

Fortement inspirée du projet de loi du docteur Fié, elle comportaiten outre, en son article 7, la création d’une Union nationalereconnue d’utilité publique, qui devait assurer «la défense des inté-rêts de la profession et qui avait la garde de son honneur et de sadiscipline». Toute personne exerçant la profession dans les condi-tions fixées par la loi, devait être inscrite à l’Union. L’existenced’une telle disposition n’avait rien de surprenant compte tenu durégime politique qui était au pouvoir, et pour lequel les individusutiles au «nouvel ordre social» basé sur le slogan fameux de«Travail-Famille-Patrie» devaient être privilégiés.

À la libération de la France, le texte de 1943 a fait l’objet d’unerefonte par l’Assemblée Nationale Constituante et a donné nais-sance à la loi du 8 avril 1946 relative à l’exercice des professionsd’assistantes ou d’auxiliaires de service social et d’infirmières oud’infirmiers. Elle a été publiée au Journal officiel du 9 avril 1946,inscrite au Livre IV, titre II, articles 473 à 486 inclus du Code de lasanté publique. Sur le fond, elle ne changeait rien à la subordinationtotale de l’exercice infirmier au corps médical, mais plusieurs arti-cles furent modifiés ou abrogés, notamment l’article 7, quienvisageait la création d’une «Union nationale» qui préfiguraitl’organisation d’un ordre national infirmier. Cette question,cinquante ans après, continue à alimenter les débats professionnelset à diviser la profession.26

Si l’exercice professionnel dépendait désormais du texte de 1946,la formation était toujours régie par le décret de 1938. Ce dernierprévoyait un enseignement fixé à deux ans pour les élèves infir-mières et à trois pour les élèves assistantes sociales, comportant unepremière année commune sanctionnée par un examen de passage.

26. Voir p. 75, 119 et 120.

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Entre 1940 et 1944, différents textes ont été publiés et partielle-ment validés par le décret du 8 mars 1945 et dont le but étaitd’adapter la réglementation existante aux circonstances dues àl’occupation. (L’obligation, par exemple de posséder la nationalitéfrançaise pour obtenir le diplôme d’État.) Cette disposition futabrogée par l’arrêté du 14 février 1952.

L’accès de la profession était réservé aux seuls diplômés. Lesbénéficiaires d’autorisation d’exercer devaient constituer un corpsen voie d’extinction. L’article 12 prévoyait les «autorisationsd’exercer», qui feront l’objet d’un arrêté publiant une longue listede celles-ci en date du 3 février 1949, paru au Journal officiel le13 février 1949.

Des efforts importants avaient été programmés et depuis 1945cinquante écoles avaient été réalisées. À quelques exceptions près,chaque département possédait au moins un établissement d’ensei-gnement infirmier. Il en résulta une progression constante deseffectifs infirmiers diplômés d’État: 2 160 en 1946 – 2 973 en1950.

Les infirmiers diplômés d’État bénéficiaient d’avantages dans lesétablissements publics: leur indice de traitement était supérieur àcelui des autorisés, des postes leur étaient réservés (un pourcentagede diplômés d’État était requis dans les effectifs hospitaliers) et enprincipe ils constituaient le personnel d’encadrement.27 À partir decette période, «était considérée comme exerçant la professiond’infirmier ou d’infirmière toute personne qui donnait habituelle-ment, soit à domicile, soit dans les services publics ou privésd’hospitalisation ou de consultation, des soins prescrits ou conseilléspar un médecin» (Art. 473. du Code de la santé publique).

L’avènement de l’exercice libéral et des spécialisations

Le décor était planté. Les infirmières et infirmiers pratiquaient àl’hôpital ou à domicile. Les gardes-malades à domicile, les infir-mières visiteuses allaient progressivement disparaître, maisl’activité libérale pour l’exercice des soins à domicile fut régle-mentée, grâce à l’arrêté du 31 décembre 1947 (paru au Journalofficiel le 9 janvier 1948) codifiant les actes que pouvaient réaliser

27. Pour tous ces derniers aspects lire: Mlle Lévy. La profession infirmière en France, sonorganisation au point de vue législatif. In: La profession d’infirmière en France, Paris,l’Expansion scientifique, 1959.

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les «auxiliaires médicaux» et qui pouvaient être remboursés par laSécurité Sociale. Les soins aux enfants, après cette grave période depénurie alimentaire et de difficultés de vie de tous ordres, vontnécessiter des actions de santé d’envergure. Une nouvelle spéciali-sation va être mise en œuvre par le décret n° 47-1544 du 13 août1947, instituant le diplôme d’État de puéricultrice délivré par leministère de la Santé et de la Population, aux infirmières, assis-tantes sociales, sages-femmes possédant un diplôme d’État de base.

L’activité radiologique se développant, les infirmières, infirmierspouvaient se préparer à devenir manipulateur ou manipulatrice deradiologie. Les études de sage-femme étaient également accessiblesaux infirmières diplômées d’État.

LES PROGRÈS MÉDICAUX MOTEURSD’UNE CERTAINE ÉVOLUTION

En cette fin de première moitié du XXe siècle, les problèmes desanté publique étaient nombreux. La tuberculose faisait desravages. Les générations d’infirmières et d’infirmiers de cettepériode et des suivantes, comme le corps médical d’ailleurs, ontpayé un lourd tribut à cette maladie hautement contagieuse. Aucours de la deuxième guerre mondiale, les infirmières ont été aussiconfrontées à de nouveaux problèmes en matière de soins et lespratiques ont été enrichies de nouvelles techniques. Les soins auxmalades de médecine, de chirurgie grâce aux progrès médicaux etaux découvertes récentes, notamment de l’électrocardiographie(1903), de l’électroencéphalographie (1929), de l’angiographie(1938), de l’utilisation du spiromètre (1903), de la teinture d’iodeen salle d’opération, de la sonde gastrique (1908), de l’oscillomètrede Pachon (1909), du système ABO dans les groupes sanguins et dela découverte des tests d’hyperglycémie provoquée (1907), desprogrès de l’anesthésie à partir (1909), des découvertes de Nicollesur le typhus exanthématique (1909), des travaux d’Alexis Carrelsur l’irrigation continue des plaies; l’action des rayons X sur lestumeurs malignes (à partir de 1910), de la découverte des vitaminesapportées par l’alimentation, des découvertes de Howell sur lestemps de coagulation et de l’héparine et des travaux de Ranke quiidentifièrent les trois stades d’évolution de la tuberculose (1918), dela cure de sommeil (1920), de la découverte du vaccin contre latuberculose par Calmette et Guérin (1921), des anatoxines pour la

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vaccination (1922), de la ponction sternale en hématologie (à partirde 1923), de l’utilisation du frottis génital pour rechercher lescancers utérins (1927), des travaux sur l’anesthésie générale quipréconisaient l’utilisation du cyclopropane (1928), de la découvertedu virus de la grippe A (1933), des thérapeutiques de choc enpsychiatrie qui firent leur apparition en 1933 pour les chocs aucardiazol, en 1937 pour les chocs électriques, des travaux sur lacontraception (la méthode Ogino) en 1934, de l’hibernation artifi-cielle en chirurgie (1941), de la fabrication industrielle (1942) de lapénicilline découverte en 1928 par Alexander Fleming et de ladécouverte des sulfamides en 1946 qui vont radicalement trans-former les soins dans les maladies infectieuses et dans latuberculose en particulier. Les hypoglycémiants dans le traitementdu diabète (1946), l’utilisation du rein artificiel (à partir de 1944)qui avait été découvert en 1914. L’abandon en France des prépara-tions magistrales pharmaceutiques au profit de produitsmanufacturés (1949), la vaccination par le BCG (rendu obligatoireen 1950), vont dans l’ensemble nécessiter des modifications impor-tantes dans les savoirs et pratiques de soins et exiger des infirmièreset des infirmiers de nouvelles connaissances et compétences. Uneréforme des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier etd’infirmière s’imposait pour préparer ce passage à un exerciceprofessionnel d’auxiliaire médicale, technicienne confirmée.

L’Infirmière auxiliaire médicale hospitalièreet technicienne « instrument » du progrès médical

Le projet pédagogique du programme de formation de 195128

démontre aisément que les infirmières étaient destinées avant tout àêtre de bonnes exécutantes au service du médecin et de la science.29

La première des caractéristiques était, de leur faire acquérir «leréflexe d’asepsie qui leur permettrait de ne pas commettre defautes, à la fois lourdes de conséquences et facilement évitables».

28. Arrêté du 18 septembre 1951 relatif au programme d’enseignement théorique et pratiqueen vue de l’obtention du diplôme d’État d’infirmier, d’infirmière et d’assistant ou d’assis-tante de sevice social. (JO du 26 septembre 1951) Modifié par l’arrêté du 4 août 1954 relatifau programme d’enseignement et organisation des stages de 1re année. (JO 10.08.54)29. Magnon R. – Le service infirmier ces trente dernières années. Paris, Coll. Infirmièresd’aujourd’hui, Le Centurion, 1982.

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Ce qui laisse supposer que l’on ne tenait pas beaucoup à ce quel’infirmière puisse développer sa propre réflexion, prendre desinitiatives, analyser une situation. La deuxième consistait à donnercomme contenu une formation à la sémiologie. «La formation doitinsister sur les symptômes et les syndromes principaux permettantd’orienter le diagnostic des maladies d’alarme» qui imposaient lerecours au médecin ou affections portées au programme. Il conve-nait d’insister, en particulier, sur «les signes».30

Une littérature professionnelle témoin d’un passageà un exercice professionnel plus technique

Pour les infirmiers diplômés d’État la bibliothèque de base del’époque révélait également que le parti pris pédagogique dumoment reposait avant tout sur leur formation médicale. Le trip-tyque sur lequel s’appuyait tout le savoir en ce domaine étaitcomposé en général du «Carillon, du Malassis et du Molinier»31.Mais de nombreux autres ouvrages étaient aussi proposés, concer-nant la pédiatrie, la psychologie, la pharmacie, la médecine et sesspécialités, la chirurgie, l’hygiène, les maladies vénériennes,l’administration et les institutions sanitaires et sociales, des traitésd’obstétrique et de puériculture, des ouvrages sur les vaccins etsérums, sur les groupes sanguins, etc.

Les revues qui se partageaient l’information étaient fort peunombreuses. L’Infirmière Française, créée en 1923, avait étéreprise en main par des médecins et son contenu ne débordait pasdes questions médicales et chirurgicales. Elle possédait peu d’infor-mations relatives aux aspects professionnels.

Dans le registre des livres de formation technique et profession-nelle demeuraient toujours comme indispensables les livres de laBibliothèque de l’infirmière et dont les principaux titres avaient été

30. Vignatelli W. – La formation des infirmiers et le management des IFSI: Quellecohérence? Thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation, Université Lyon II.Janvier 1999. (Non publiée)31. La Bibliothèque de l’infirmière, fondée par Mlle Chaptal fut la toute première collectiond’ouvrages professionnels écrits par des médecins, des infirmières ou en collaboration et dont8 ouvrages étaient encore conseillés. Le tryptique «scientifique» était composé du: Carillon.Anatomie et physiologie à l’usage des infirmières, qui en était à sa 9e édition. Malassis.Manuel de pharmacie appliquée, chez Berger Levrault, qui en était à sa 4e édition. Molinier.Pathologie médicale à l’usage des infirmières, chez Doin, qui en était à sa 3e édition. In: Laprofession d’infirmière en France, Paris, L’expansion scientifique, 1959.

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mis à jour. Le livre de morale professionnelle de Léonie Chaptal,était toujours conseillé, ainsi que celui de MM. Bihet etH. Gounelle. Le «Nappée» et le «Florence Nightingale» étaienttoujours à l’honneur parmi les livres de pratique. Ils avaient étérejoints par les livres des Filles de la Charité Les soins aux maladeset aux enfants32. Avec l’utilisation de ces manuels un changementnotable se produisait dans la formation technique et morale desinfirmières. Ces enseignements étaient largement démontrés pardes monitrices et reposaient sur un savoir élaboré et transmis par lesinfirmières elles-mêmes.

Deux revues toutes récentes, l’une née en 1951, La revue del’infirmière et de l’Assistante sociale, l’autre en 1955, Soins, appor-taient enfin les informations professionnelles, scientifiques ettechniques nécessaires aux infirmières en conformité avec lesévolutions dans tous les domaines qui s’opéraient depuis la fin de laguerre.

La question des non-diplômés : les autorisations d’exercer, la création du grade d’aide-soignant

Depuis 1946, la question des personnels n’ayant pas le diplômed’État se posa avec insistance, ce qui présida pour la résoudre à denombreuses mesures concernant les autorisations d’exercer et à lanaissance de nouvelles fonctions, celle d’aide-soignant(e) dans lessoins aux adultes, et d’auxiliaire de puériculture pour les soins auxenfants. Par ailleurs, les activités de soins liées aux traitements desmaladies devenaient tellement prégnantes que ces auxiliaires devin-rent de plus en plus nécessaires pour aider les infirmières et lesinfirmiers à accomplir la totalité de leurs tâches. La démographie deces emplois connaîtra d’ailleurs, au cours des deux décenniessuivantes, une croissance exponentielle.33 Le savoir et les pratiques

32. Nappée – Manuel pratique de l’infirmière soignante. Paris, Masson, 1957, qui en était àsa 3e édition.École Florence Nightingale. Guide théorique et pratique de l’infirmière hospitalière. Paris,Baillère, 1952, qui en était à sa 8e édition. Filles de la Charité. Rennes, Éd. Soeurs de Nevers,1950. Bihet et Gounelle. Morale profesionnelle. 1954.33. Créé par l’arrêté du 10 janvier 1950, le grade d’aide-soignant était attribué aux infirmiersqualifiés qui, depuis la loi du 8 avril 1946 relative à l’exercice de Profession infirmière,n’avaient pu obtenir une autorisation d’exercer. Les auxiliaires de puériculture naitront dans lafoulée de la création de la fonction d’infirmière puéricultrice en 1947.Voir aussi: p. 102 et 161.

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qui constitueront ces nouveaux métiers suivront, en parallèle, ceuxproposés aux infirmiers diplômés d’État.34

La formation des infirmiersdes hôpitaux psychiatriques

Les infirmiers et infirmières des hôpitaux psychiatriques, dont lestentatives de formation particulière n’avaient guère évolué jusque-là, virent enfin des programmes de formation qui leur étaientdestinés. Les diplômes délivrés jusqu’ici furent validés par lesarrêtés de 1953 et 1955. En 1960, un nouveau texte proposa uneréorganisation de la formation professionnelle du personnel de ceshôpitaux. La France, contrairement aux autres Pays européens,possédait deux formations d’infirmier et d’infirmière. L’une prépa-rant au diplôme d’État, l’autre préparant à l’exercice dans leshôpitaux psychiatriques. Personne à l’époque ne remit en causecette double formation paradoxale ou, pour rester dans la termino-logie psychiatrique, plutôt schizophrène. Cette remise en cause seproduisit sournoisement avec la signature de l’Accord européen surl’instruction et la formation des infirmières, en 1967, dont les direc-tives, publiées en 1975, n’acceptaient qu’une seule formationconforme aux dispositions européennes pour chaque pays. Les désétaient jetés. Ils engendrèrent bien des péripéties dont le dénoue-ment ne se fit que vingt ans plus tard. Entre-temps, les infirmiersdes hôpitaux psychiatriques avaient, dans le sillage de «la nouvellepsychiatrie», adopté une approche humaniste de ces maladies et del’homme qui en était atteint. Le fou, l’aliéné devint un «malademental» qui pouvait et devait bénéficier d’autres traitements queceux utilisés jusqu’alors.

Depuis le début du siècle, quelques maîtres de la psychiatrieavaient écrit des ouvrages destinés aux infirmiers des asilesd’aliénés, Cornu (1905), Colin (1908), Simon (1911), Mignot etMarchand (1937). Mais les infirmiers des hôpitaux psychiatriquespuisèrent, le plus souvent, les enseignements qui leur étaient utileset nécessaires dans le livre de Joannès Vinatier.35 Pour parfaire

34. Le certificat d’aptitude aux fonctions d’Aide-soignant (CAFAS) a été créé par l’arrêté du23 janvier 1956. Le premier programme de formation a été publié le 24 mai 1957.35. Vinatier J. – Soins infirmiers en psychiatrie. Paris, Éditions Lamarre-Poinat, nouvelleédition 1977.

44 L’AMORCE D’UN LONG ET LENT PROCESSUS…

leurs connaissances professionnelles et techniques, les Centresd’entraînement aux méthodes actives (CEMA) innovèrent en lamatière et les dotèrent, en 1955, d’une revue spécialisée Vie socialeet traitement.

Une ère nouvelle pour le malade mental et l’infirmierdes hôpitaux psychiatriques

Au cours de ces changements, le plus spectaculaire (et peut-êtreaussi le plus important) est celui que les neuroleptiques, le largactilou chlorpromazine (1952) apportèrent dans les soins aux maladesmentaux et dans la condition d’infirmier en hôpital psychiatrique.D’autres facteurs eurent aussi des effets bénéfiques pour passer del’ère de la contention à l’ère de la parole et notamment l’introductiond’une vie sociale à l’intérieur des murs et, plus tard, les possibilitésde sortie offertes aux patients.36 Ce sont sur ces concepts que vonts’appuyer, à la fin du XXe siècle, les infirmiers de secteur psychia-trique pour légitimer leur demande de spécialisation. Vers 1970, cesdonnées nouvelles pour une approche globale de la personnemalade, avec l’apport des sciences sociales, transformeront radicale-ment la formation et l’exercice professionnel infirmiers.

L’IMPACT DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES, PRÉLUDE AU CHANGEMENT

La place prépondérante et spécifique des infirmièrespour des soins de santé

Créée en 1946, devenue une institution spécialisée de l’Organisa-tion des Nations unies (ONU) en 1948, l’Organisation mondiale dela santé (OMS) va, comme nous le constaterons plus tard, faireprendre conscience aux gouvernements des États membres que lesinfirmières et infirmiers jouent un rôle prépondérant et spécifiquedans le monde de la santé. Elle contribuera grandement à leurévolution. Par ailleurs le droit à la santé pour chaque être humain

36. À ce sujet lire Bouchet Chantal in: Du gardien d’asile à l’infirmier psychiatrique. N° 10.Pour une histoire des soins et des soignants, Lyon, AMIEC, n° 10, 1988.

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sera inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme(Art. XXV), proclamée le 10 décembre 1948.

Cette nouvelle organisation internationale et la Déclarationuniverselle des droits de l’homme vont être des leviers pour les infir-mières et infirmiers du monde entier. Il contribueront à la réalisationde nouveaux progrès pour que les droits les plus élémentaires relatifsà la santé des individus ne soient pas bafoués. Avec la création, en1949, du Conseil de l’Europe, l’organisation de la coopération euro-péenne va également participer à une clarification du concept desanté, proposer une harmonisation des programmes de formation desétudes d’infirmières et d’infirmiers, et faire naître une conceptionrenouvelée des soins aux malades. Le Conseil international des infir-mières proposa, dès 1953, un code de déontologie internationalauquel se référeront les infirmières et infirmiers français enl’absence, jusqu’en 1993, d’un règlement déontologique national37.

Une terminologie nouvelle : les soins infirmiers

C’est à partir de 1950, que l’Organisation mondiale de la santéproposa que ces soins aux malades (ou «soins généraux» commeon avait l’habitude de les désigner), quand il s’agissait de ceuxdispensés par les infirmières et infirmiers, deviennent purement etsimplement des «soins infirmiers»38. En France, il faudra encoretrois décennies avant que ce concept puisse être reconnu comme ladiscipline à part entière que les infirmières et infirmiers enseignentet exercent. Ainsi s’achevait une longue période d’amorce deprofessionnalisation ouvrant la porte, au sortir de la guerre, à desévolutions indispensables pour accompagner les progrès médicaux,les nécessités industrielles, sociales et sanitaires liées aux besoinsd’un pays en pleine reconstruction.39

37. Code international de déontologie de l’infirmière adopté par le Grand Conseil Interna-tional des infirmières à Sao-Paulo, Brésil le 10 juillet 1953.38. Ce terme a été officiellement employé au cours de la première session du Comitéd’experts des soins infirmiers de l’OMS en 1950 (Série des rapports techniques n° 24,Genève.) in: R. Magnon, G. Déchanoz (Sous la direction de). Dictionnaire des soins infir-miers. par un ensemble d’infirmières et d’infirmiers, Lyon, AMIEC, 1re éd. 1995. 2e éditionactualisée et enrichie, Lyon, AMIEC Recherche, 2000.39. Il est assez significatif de constater que ce n’est qu’en 1983, que l’adjectif «infirmier» futaccepté dans la langue française, par le grand dictionnaire encyclopédique Larousse.

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L’Europe bouleverseun passé séculaire

DE L’INFIRMIÈRE TECHNICIENNEÀ L’ÉDUCATRICE DE SANTÉ

Après l’ère de l’infirmière hospitalière «auxiliaire médicale» vintcelle de «l’infirmière technicienne». En 1961, avec une modifica-tion dans le programme de formation conduisant au diplôme d’Étatd’infirmière et d’infirmier40, s’amorça au cours de cette doubledécennie une nouvelle évolution vers des projets pédagogiques pluscohérents en rapport avec la fonction infirmière. Certes, en premierlieu, les enseignements proposés ont conduit ces futurs profession-nels vers un exercice dominé par les techniques de soins. Mais ilsn’étaient pas dénués, contrairement au précédent, d’orientationsplus globales leur permettant de passer du stade de la simple exécu-tion de tâches à davantage de responsabilités.

Les objectifs pédagogiques de ce programme tendaient àconforter l’infirmière dans son rôle d’auxiliaire du médecin, maisavec plus de connaissances, plus d’intelligence: «l’infirmière doitposséder les notions nécessaires à l’application des soins auxmalades hospitalisés ou non et doit acquérir le réflexe d’asepsie»,mais elle devait être capable tout autant «de connaître les princi-paux symptômes et syndromes permettant d’orienter le diagnosticdes maladies». Elle se devait aussi de connaître «les maladies etles signaux d’alarme imposant le recours au médecin».

40. Arrêté du 17 juillet 1961 (JO du 21 juillet 1961) relatif aux études préparatoires et auxépreuves du diplôme d’État d’infirmier.

50 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

À l’analyse, ce qui s’impose également, c’est la capacité quel’infirmière devait avoir «à effectuer avec une technique précise,les soins ou examens parfois complexes nécessités par l’état dumalade…».

Par ailleurs, l’influence, toute récente, des sciences humainesdans les métiers de soins et d’assistance, commençait timidement àse faire sentir et s’y inscrivait modérément dans les aspects liés au«rôle moral et psychologique auprès des malades atteints de…»qu’elle devait aussi assumer. Ainsi l’infirmière se devait d’acquérirune ouverture d’esprit pour que, au-delà de l’exécution matérielledes soins, elle puisse saisir l’ensemble de son rôle et prendre cons-cience de la valeur morale de sa profession.

Nous ne pouvons pas passer non plus sous silence, à l’examen dece programme d’enseignement41, combien il reflétait la tendance àcentrer l’action de l’infirmière sur «le malade hospitalisé et sesmaladies». Tendance qui s’accentuait depuis la fin du XIXe siècle, etqui va s’affirmer à partir de 1960. Ce sera un des prétextes avancéspar les professionnels de ces années pour y remédier.

En effet, de la part des infirmières, cette amorce de professionna-lisation (accompagnée d’une lente évolution du dispositif juridiquedistinguant de façon de plus en plus précise la fonction soignante dela fonction médicale et leurs responsabilités propres) les ontconduites à une démarche très progressiste. Les infirmiers et infir-mières allaient pouvoir adhérer au mouvement d’harmonisation quel’Europe souhaitait faire accomplir par les pays membres de laCommunauté économique européenne dans la conception de lafonction infirmière; et apporter la preuve, pour la première foisdans leur histoire, que les pratiques et le savoir infirmiers devaientêtre prioritairement pensés par eux.

Un modèle infirmier plus proche de la conception anglo-saxonne des soins infirmiers

En France, c’est au cours de ces mêmes années que débuta lemouvement de réforme profonde des études infirmières devant deuxorientations apparemment contradictoires. L’une, marquée par

41. Ministère des Affaires sociales, Programme d’enseignement, Études préparatoires audiplôme d’État d’infirmier, Nancy, Berger-Levrault, 196I.

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l’évolution des techniques médicales, entraînant les infirmières dansun rôle de techniciennes «au grand cœur» de plus en plus affirmé.L’autre, visant à un alignement sur les pays européens, et beaucoupplus axée «sur la personne malade et sa santé» que sur ses maladies.Face à ce paradoxe, les infirmières françaises entamèrent, dès 1963-1964, une grande réflexion sur une nécessaire réforme des étudesinfirmières susceptible de les conduire à une conception renouveléedes soins infirmiers. Cette réforme fut préparée par un groupe detravail composé d’infirmières enseignantes. Dans un premier temps,ce travail de réflexion avait abouti à un projet de réforme, celui du11 mai 1968. Minutieusement, longuement préparé, il fut pourtantremis en cause, en juillet de la même année. Il fit alors l’objet d’unenouvelle étude par une commission élargie à des représentants duministère, des directrices et monitrices, des représentants des élèveset des associations professionnelles, et devint le futur programmequi entrera en vigueur, en 1972, sous le vocable désormais célèbrede «nouveau programme.»42 Dans toute la France, une vastecampagne d’information auprès des professionnels, des médecins,des administrations hospitalières, fut organisée par les protagonistesde la «réforme». Ce fut le déplacement dans tout le pays de lafameuse «roulotte» chargée d’en expliquer les grandes caractéristi-ques, sa portée essentielle et son application.

L’Accord européen sur l’instruction et la formationdes infirmières: un passage obligé pour des soins infirmiers centrés sur la personne malade

Ainsi avait pris corps au sein de la profession infirmière, sousl’impulsion conjointe de l’Organisation mondiale de la santé et desOrganismes professionnels infirmiers internationaux, une évolutionqui ne fut rendue possible que grâce à la signature de l’Accordeuropéen sur l’instruction et la formation des infirmières43, en 1967,et ratifié par la France en 1975. Le corollaire de cet accord fut

42. Suzanne Martin – Réforme des études d’infirmières. XVIIIe session pédagogique desinfirmières enseignantes, Document CEEIEC, Strasbourg, 3 au 8 mars 1969.43. Accord européen sur l’instruction et la formation des infirmières. Strasbourg, 25 octobre1967. Ratifié par Madame Simone Veil, ministre de la Santé et de la Famille le 30 janvier1975, par décret n° 75.73. (JO du 7 février 1975). Suivi par la publication le 27 juin 1977, dela Directive européenne 77-453 de la Communauté européenne visant la coordination desdispositions législatives réglementaires et administratives concernant les activités de l’infir-mière responsable des soins généraux.

52 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

l’alignement progressif de la formation infirmière sur unprogramme en trois ans commun, à tous les pays de l’Union euro-péenne; mais aussi et surtout, à un retour à une conception dessoins infirmiers beaucoup plus centrée sur l’homme malade et sesproblèmes de santé.

Un retour, en somme, à une conception beaucoup plus anglo-saxonne de la fonction infirmière, celle des soins centrés sur lemalade que Florence Nightingale prôna au milieu du XIXe siècle.Conception que le Docteur Désiré Bourneville aurait probablementsouhaité instaurer, mais qui se heurta à l’époque à une oppositiondu corps médical et à l’absence d’un corps professionnel constituéqui aurait pu éventuellement l’aider dans cette perspective44.

Les événements politiques, sociologiques, économiques, professionnels : freins et moteurs

Les bouleversements engendrés par la crise de mai 1968 au sein dela société française n’épargnèrent point les infirmières et infirmiers.C’est à partir de cette époque qu’ils revendiquèrent d’une manièreplus affirmée (et jusqu’alors impensable) leurs droits en tant quetravailleurs, et notamment le droit de grève. C’est à partir de cemoment également que les mesures en faveur de l’amélioration deshoraires et des conditions de travail ont largement contribué àaccentuer un mouvement positif sur la courbe des besoins enpersonnel infirmier, alors que les effectifs disponibles allaient déjàdepuis plusieurs années vers une nette régression. C’est alors que lePays connut le plus fort taux de pénurie infirmière jamais atteint. Laformidable campagne de presse que cela déclencha et le retentisse-ment de ce phénomène sur l’activité médicale hospitalière, surtoutdans les grands centres hospitaliers universitaires, eurent des effetsdes plus bénéfiques pour que l’on prenne enfin conscience, à biendes niveaux, que sans infirmières la médecine moderne avait biendu mal à exister et que les nouvelles demandes de soins dans ledomaine de la santé publique auraient quelques difficultés à êtrecouvertes.

À la rentrée scolaire de 1970, la politique ministérielle en matièrede financement de la formation infirmière, pour pallier toutes ces

44. Poisson M. – Origines républicaines d’un modèle infirmier. op. cit.

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difficultés, s’était orientée résolument en faveur d’une participationde l’état aux dépenses de formation et vers une gratuité des étudesavec, en contrepartie, des contrats de durée variable selon l’originedes candidats. Par ailleurs, la création du diplôme d’état de manipu-lateur de radiologie venait enfin régler le problème de la fuite desinfirmières dans ces secteurs spécialisés très techniques. Les infir-mières comprirent aussi que la fonction soignante, dans le mondedu travail, n’était pas un métier à part, ce qui les conduisit àcommencer à se débarrasser de la «sacro-sainte chape de plomb»qui pesait sur elles depuis deux siècles, je veux parler de l’obéis-sance, de la soumission, de la charité et du dévouement.

Cette période, fortement dominée par de nombreux phénomènes desociété, conforta les infirmières dans leur désir de retrouver le sensoriginel de leur fonction, les soins à la personne malade, et à sedébarrasser du voile qui les assimilait, par trop encore, à la religieusesoumise et dévouée. L’abandon progressif de cet attribut d’un autreâge se fera progressivement entre 1968 et 1970.

Sur un plan mondial, l’Organisation mondiale de la santé révélaitque l’état de santé des populations dans les pays industrialiséscomme dans les pays en voie de développement était nettement endessous de ce que l’on aurait pu attendre légitimement des progrèsmédicaux enregistrés tout au long de cette deuxième moitié duvingtième siècle.

La construction de l’Europe, les changements de mœurset de mentalité, le mouvement écologiste

À partir des années soixante, on constate qu’un certain nombred’événements ont pesé sur la destinée des infirmières. Ce fut, tour àtour, la construction de l’Europe, le «boom économique» (quilaissa planer le rêve fou que les progrès techniques de toutes sortesn’auraient point de limite), le développement du féminisme etl’adoption de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (quiaccentuèrent cette prise de conscience de la place de la femme dansle monde du travail et la révolution des mœurs), l’éclatement de lafamille nucléaire, les changements de rôle dans la condition fémi-nine et masculine qui la confortèrent.

Le début du mouvement écologiste, qui commençait à faireprendre conscience de l’influence des facteurs environnementauxsur la maladie et la santé, ne fut pas non plus étranger à l’émergencede ce renouvellement de la fonction de soigner.

54 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

L’aggravation des conditions de travail, point de départdu «malaise infirmier»

Au point de vue de l’exercice professionnel, la tendance amorcéeau début 1950 s’était formalisée. Les infirmières exerçaient àl’hôpital ou à domicile, en situation d’activité libérale. Pour lespremiers, les conditions de travail se dégradaient de plus en plus.Les semaines de travail dépassaient les quarante heures. Les rému-nérations étaient insuffisantes, le travail de nuit et les heurescontraignantes des dimanches et des jours fériés (à l’époque lesinfirmières ne bénéficiaient que d’un week-end de repos sur sept),étaient aussi très mal rémunérées. L’humanisation des hôpitaux,certes nécessaire, offrait aux infirmières de plus en plus de diffi-cultés dans leur travail quotidien: là où une infirmière pouvaitsurveiller 20 malades dans une chambre commune, les chambresindividuelles ou à 2 lits lui demandaient des efforts considérablesafin d’adapter son organisation et sa présence à tous.

Un exercice libéral en pleine expansion

Dans l’exercice libéral, ce fut l’âge d’or de «l’infirmièrepiqueuse», qui devait assurer des prescriptions médicales et destraitements de plus en plus nombreux au détriment des actions desoins et d’accompagnement des personnes. Ce qui pour elles serarévélateur d’une certaine dérive, lorsqu’à partir des années quatre-vingt, l’explosion démographique du corps médical contraindracertains d’entre eux et dans certaines régions, pour mieux gagnerleur vie, à exécuter leurs propres prescriptions. Les infirmières libé-rales seront alors contraintes à leur tour à revenir à davantage depratiques de soins de continuité et d’entretien de la vie, ce queparfois elles avaient peut-être un peu trop délaissé. C’est alors quela naissance et le développement des centres de soins vont rénoverla conception des soins infirmiers à domicile.

Dans les différents domaines d’exercice de la profession infir-mière des évolutions ont été apportées, notamment en psychiatrie45

avec un nouveau programme, au début des années soixante-dix, etpour exercer en salle d’opérations, en 197146.

45. Arrêté du 6 mai 1970 relatif à la formation des personnels de secteur psychiatrique. (JOdu 31 mai 1970) BO SP 70/2346. Décret n° 71-388 du 21 mars 1971 portant création du certificat d’aptitude aux fonctionsd’infirmière de salles d’opérations. (JO du 25 mai 1971).

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L’humanisation des hôpitaux

La presse commençait à se faire l’écho des plaintes émises par lesmalades sur le fonctionnement des hôpitaux, sur le manque d’infor-mations, sur l’opacité de certaines procédures. De 1958 à 1974 denombreux textes, circulaires, décrets tentèrent de remédier à cescritiques, afin que «l’humanisation des hôpitaux» ne reste pasqu’un vœu pieux.47

La révolution architecturale et organisationnelle des hôpitaux,instaurant le passage des hôpitaux pavillonnaires aux hôpitaux«monoblocs», la disparition des salles communes, comme nousl’avons vu plus haut, exigea aussi des nouveaux matériels dans lemobilier hospitalier, et contribuera à ce nouvel humanisme hospita-lier. Mais s’il faut prendre acte des progrès qui, dans les locaux,dans les structures, dans les matériels, dans l’accueil organisé parles équipes soignantes ont été réalisés, les efforts à faire dans cedomaine restent d’actualité. Toutes ces nouvelles dispositionseurent également des influences majeures sur l’ensemble du mondede la santé et sur ses coûts. Ces phénomènes engendrèrent ainsi acontrario, une prise de conscience chez les infirmières de ce que lasanté des individus pouvait être appréhendée d’une autre manière,notamment en matière de santé publique, par le développement dessoins de santé primaires, par la prévention et l’éducation. Il ne seradonc pas étonnant de constater que les pratiques et le savoir infir-miers allaient être orientés différemment et qu’ils seront traversés,au cours des prochaines décennies, par un changement radical.Celui de la valorisation du courant centré sur la relation soignant-soigné que les sciences humaines nous aideront à aborder etqu’avait mis à l’honneur le Ve rapport OMS sur les soinsinfirmiers.48

Le Gouvernement français ayant signé le 30 novembre 1967l’Accord européen sur l’instruction et la formation des infirmières,une nécessaire et inéluctable réforme des études d’infirmières etd’aides-soignants allait se préparer. Ce sera une des toutespremières réponses au cri d’alarme lancé en 1970 par quatre asso-ciations infirmières nationales, «Le service infirmier doit-il rester

47. Voir à ce sujet: l’ouvrage de Charles Chilard. L’humanisme hospitalier. Paris, Éd. duCosmos, 1962 et le livre de Josette Bourgon: L’Information du malade à l’hôpital, in:Collection infirmières d’aujourd’hui, Le Centurion, 1977.48. Comité OMS d’experts des soins infirmiers. Ve Rapport, Série de rapports techniquesn° 347, Genève, Organisation Mondiale de la Santé, 1966.

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sous-développé?»49 faisant émerger la nécessité de repenser, à tousles niveaux, l’organisation de la profession infirmière.

LA FORMATION DES CADRES INFIRMIERSET LA FORMATION UNIVERSITAIRE

L’évolution des fonctions infirmières et de l’enseignement àdispenser souleva à nouveau le problème de l’encadrement infir-mier. Cela s’avérait nécessaire afin d’approfondir les connaissancesde base des cadres de la profession, pour ceux exerçant des respon-sabilités de surveillance, pour assurer une plus grande sécuritéd’organisation et de gestion des personnels infirmiers ainsi qu’uneplus grande sécurité des malades. Il fallait également donner davan-tage de solidité à l’enseignement en écoles d’infirmières, pour ceuxqui y exerçaient en tant que moniteur ou monitrice.

La formation des cadres infirmiers

C’est en 1951 que s’ouvrit la première école de cadres infirmiersqui proposa expérimentalement deux programmes d’étude, l’uncentré sur les problèmes d’administration et de gestion, l’autre surla pédagogie. Cette initiative, due encore une fois à la Croix-Rougefrançaise, va permettre de former des monitrices et des surveillantesà ces fonctions.50 Cette formation n’était sanctionnée que par undiplôme d’école, et il faudra attendre sept ans pour que les pouvoirspublics suivent l’initiative privée et instaurent le premier Certificatd’aptitude aux fonctions de monitrice (CAFIM) et de surveillante(CAFIS), officialisant ainsi le savoir et les compétences nécessairespour occuper de tels emplois.51 Entre-temps, l’exemple de la Croix-Rouge française avait été rapidement suivi et, dès 1954, on vits’ouvrir une deuxième école, celle de l’institut catholique de la ruede Vanves à Paris. Puis la réglementation s’étant mise en place, cefut le cas dans certaines régions, à Toulouse, Lyon, Strasbourg et àl’Assistance publique de Paris.

49. Voir le chapitre sur le service infirmier pages 78 et suivantes.50. Cette école a été créée par le Professeur Fred Siguier et Mademoiselle Jane Martin.51. Décret n° 58-1104 du 14 novembre 1958. (JO du 19 novembre 1958)

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Depuis, les programmes de formation se succédèrent52. Ils tentè-rent de suivre les progrès dans le domaine de l’organisation et del’administration hospitalières. Il prirent en compte égalementl’évolution balbutiante du concept de «santé publique»; ainsi quecelle des infirmiers de secteur psychiatrique, réalisée par la mise enplace de la «sectorisation psychiatrique», qui allait considérable-ment changer l’exercice professionnel et les pratiques infirmièresdans la santé mentale. À la fin de la décennie 1960-1970, chaquerégion possédait une école de cadres infirmiers, et certaines mêmedeux. C’était le cas de la région Île de France et de la région Rhône-Alpes. Progressivement, le dispositif de formation avait été confié àdes cadres infirmiers et non plus à des médecins.

Les programmes de formation successifs avaient suivi les orienta-tions données en haut lieu, et pas toujours en conformité avec uneconception globale de la fonction infirmière, chargée d’appliquer etd’enseigner les soins infirmiers. C’est ainsi que, petit à petit,méconnaissant totalement qu’une discipline nouvelle se formalisaitde plus en plus, l’on a considéré à tort, pour des raisons de statut,qu’administrer une unité de soins et enseigner les soins infirmiersnécessitaient une même et identique formation de cadre infirmier.Erreur fondamentale qui se renouvellera quand (sous les prétextesfallacieux non avoués d’harmonisation et de bonne gestion de ladémographie des professions dites «paramédicales» et qui sepréparait depuis l973), on enfermera les professions de santé nonmédicales dans une même préparation à l’encadrement, en 199553.Certes, pour le bien des usagers, une appréhension identique desproblèmes de santé est aujourd’hui absolument nécessaire, mais uneformation commune, laissant peu de place à une recherche et à une

52. Arrêté du 22 août 1966 (JO du 18 septembre 1966) modifié par les arrêtés du 20 mars1969 et du 9 octobre 1975, relatif à l’agrément des écoles de cadres infirmiers, aux conditionsd’admission, au programme et examen de fin d’études.- Décret n° 73-822 du 7 août 1973 (JO du 17 août 1973) relatif à la création du certificatd’infirmière cadre de santé publique, complété par l’arrêté du 7 août 1973 (JO du 17 août1973, BO du ministère de la Santé publique et de la Sécurité Sociale n° 73-39.)- Décret n° 75-928 du 9 octobre 1975 (JO du 12 octobre 1975). Création du certificat cadreinfirmier, complété par l’arrêté du 9 octobre 1975. (JO du 12 octobre 1975, BO du ministèrede la Santé n° 75-44).- Arrêté du 22 juillet 1976 (JO du 20 août 1976), annexes BO du ministère de la Santé n° 76-37 relatif à la création du certificat de cadre infirmier du secteur psychiatrique.53. Décret n° 95-926 du 18 août 1995 portant création d’un diplôme cadre de santé et arrêtédu 15 août 1995 relatif au diplôme cadre de santé.

58 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

réflexion approfondies dans chaque discipline, constituait-elle lebon moyen pour y parvenir?

La formation de cadres de direction à l’Université

C’est sous l’égide et l’influence de l’Organisation mondiale de lasanté que les pays européens (et notamment la France) vontdevoir, à partir des années soixante, ouvrir des programmes deformation universitaire pour les infirmières. Trois programmesfurent ouverts. L’un à Édimbourg pour les pays anglophones, ledeuxième à Lyon pour les pays francophones, le troisième àLublin pour les pays de l’Europe de l’Est. Trois pays se sentaientconcernés par la formation supérieure et universitaire des infir-mières et infirmiers: la Belgique, la Suisse et la France. C’est laFrance qui fut retenue.

L’Université de Lyon proposa son concours conjointement avecles Hospices civils de Lyon, dont le réseau hospitalier offrait unegamme étendue de possibilités. Proche du siège de l’Organisationmondiale de la santé à Genève, cette ville fut choisie, au détrimentde la Capitale, pour réaliser ce projet — ce qui ne fut pas dansl’avenir sans inconvénient. En effet, depuis la fin du XIXe siècle,l’organisation de la santé en France s’est souvent trouvée, pour nepas dire toujours, sous l’influence des hôpitaux de l’Assistancepublique de Paris. La culture professionnelle des personnels infir-miers parisiens, en contact permanent avec les élites médicales,comme cela est fréquent dans beaucoup de centres hospitaliersuniversitaires, n’est pas toujours comparable à celle que l’onrencontre dans bien des hôpitaux de province. Cette différenced’approche, qui s’est toutefois estompée depuis ces vingt dernièresannées, parmi les soignants, a toujours, dans le passé provoqué destensions et des oppositions. En ce qui concerne l’évolution de ceprogramme, ce ne seront pas les moindres.

L’École internationale d’enseignement infirmier supérieur

L’École internationale d’enseignement infirmier supérieur (EIEIS)fut inaugurée en 1965. Les enseignants sélectionnés ont tous été seformer à l’étranger. Comme le précisait dernièrement une des direc-trices de cet enseignement, «…la philosophie de cette formationuniversitaire se construisit sur l’apport du vécu de cette expérience

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à l’étranger: le déracinement, la connaissance de son propre payspar le regard porté en dehors de celui-ci, l’ouverture sur d’autrescultures notamment professionnelles, la capacité critique et l’enri-chissement de cadres pratiques et théoriques nouveaux, furent desatouts considérables…». De même, ajoutait-t-elle: «De leurformation américaine les enseignants avaient retenu une approchepédagogique assez différente de celle habituellement vécue dans lemilieu infirmier. Relations plus personnalisées avec les étudiants,plus positives surtout: liberté de choix des enseignements et destravaux entrepris en fonction de l’expérience professionnellepassée et future, accent mis sur le travail personnel et ladocumentation…»54.

Cette école prépara, de 1965 à 1995, soit pendant trente ans, laplupart des cadres infirmiers qui, dans l’enseignement infirmiercomme dans l’encadrement des services infirmiers, aussi bien dansle champ des soins généraux que dans celui de la santé publique oude la santé mentale, occupèrent des postes de haute responsabilité.Le concept d’approche globale des problèmes de santé des indi-vidus fut le fondement du modèle de soins infirmiers qu’elleenseigna. Sa conception très novatrice de la pédagogie des adultes,son approche de la santé et des soins infirmiers très anglo-saxonne,son unicité, son rattachement plus proche de l’université Lyon II(Sciences humaines) que de Lyon I (Médecine), ses détracteurs detous bords dans l’administration hospitalière (en raison du coût desa formation et des modèles de cadres infirmiers différents qu’elleformait) ses dissensions internes et les oppositions manifestes ausein de la profession, contribuèrent à faire d’elle une institution trèscontroversée.

Le développement de la formation universitaire à Pariset en province

De 1970 à 1980, l’enseignement supérieur et universitaire se déve-loppa également dans la région parisienne et offrit aux infirmières,outre le diplôme universitaire en soins infirmiers ou la maîtrise des

54. Au sujet de l’histoire de cette école, lire Sanky Raine. Formations Universitaires Écoleinternationale d’enseignement infirmier supérieur, in: L’Univers de la Profession Infirmière,Paris, Presses de Lutèce, Tome II Évolution, pages 80 à 90, 1992. Huguette Bachelot etCatherine Mordacq en furent la Directrice et la Directrice-adjointe. Voir aussi pages 97 etsuivantes de cet ouvrage.

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sciences et techniques sanitaires et sociales lyonnais55, la possibilitéde préparer une maîtrise de gestion hospitalière56. Depuis, denombreux diplômes ont vu le jour dans différentes régions, ce quifacilite grandement l’accès des infirmières à une formation univer-sitaire. Ce qui est toutefois regrettable, c’est l’acharnementemployé, de 1980 à 1995, par les responsables administratifs de laseule formation universitaire en soins infirmiers, à la faire dispa-raître, dans l’indifférence totale de la profession et des pouvoirspublics. En soi, ce n’est pas la mort d’une institution qui est grave.Ce qui l’est, en revanche, c’est qu’elle a dû disparaître faute d’avoirpu ou su se régénérer pour survivre et surtout, qu’elle n’a pu obtenirdans les dernières années de son existence, tous les moyens néces-saires à son maintien. De ce fait, aujourd’hui, ce qui me paraîtdommageable c’est l’absence totale, malgré l’existence denombreux programmes universitaires, d’une réflexion sur les soinsinfirmiers, de l’émergence de nouveaux courants de pensée, et lemanque cruel d’une recherche infirmière de haut niveau qui pour-rait les alimenter et les développer.

La place des sciences sociales dans la formationdes cadres infirmiers

Cette entrée des infirmières à l’Université a produit depuis denombreux professionnels ayant obtenu des diplômes de deuxièmecycle ou de troisième cycle, dans des disciplines telles que: lessciences de l’éducation, la psychologie, la sociologie, la démogra-phie, l’économie, l’histoire, l’anthropologie.

Ce qui me réjouit, ce sont les revendications formulées vers 1990par les jeunes générations réclamant une refonte de l’enseignementinfirmier et son entrée de plain pied à l’université, à partir de laformation de base. Certes, tous les problèmes inhérents à la forma-tion et à l’exercice professionnels ne disparaîtront pas d’un seul

55. Décret du 27 juillet 1966 (JO du 2 août 1966, BOEN) portant approbation de la conven-tion entre le recteur d’académie, et le Président du Conseil d’Administration des hospicescivils de Lyon, en vue de la réunion à l’Université de Lyon de l’École internationale d’ensei-gnement infirmier supérieur.- Arrêté du 31 janvier 1977 du secrétariat d’état aux universités autorisant les universitésLyon I et II à délivrer la maîtrise des Sciences techniques sanitaires et sociales (Option ensei-gnement infirmier supérieur)56. Arrêté du 8 avril 1975. A.P. de Paris, maîtrise des sciences et techniques de gestionhospitalière de l’Institut d’Enseignement Supérieur des Cadres Hospitaliers.

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coup par cette mutation. Mais enfin, peut être aurons nous l’occa-sion de considérer en France, à l’instar d’autres pays européens, quela formation infirmière doit bénéficier d’un statut conjoint del’Éducation nationale et de la santé (tout comme le corps médical)et d’une filière universitaire en soins infirmiers. Par ailleurs il seraitalors assez paradoxal, pour l’avenir, que ce que l’Organisationmondiale de la santé avait fait pour les pays européens dans lesannées soixante, l’Europe, aujourd’hui, ne puisse à son tour le faireau cours d’un nouveau siècle!

UNE RUPTURE FONDAMENTALE AVEC LE PASSÉ :LE NOUVEAU PROGRAMME

DES ÉTUDES D’INFIRMIÈRES DE 1972

L’adoption en 1972 de ce programme peut être considérée nonseulement comme une réforme, mais surtout comme une véritablerévolution pour les infirmières dans la conception de la prise encharge des malades. Surprise par la mise en place de ce «nouveauprogramme des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier»57

(les textes d’application avaient été publiés in extremis avant larentrée), les enseignants durent, sans aucune formation et prépara-tion aux nouvelles méthodes et contenus qu’il apportait, mettre enplace cette nouvelle formation. Il n’est pas étonnant que lesconcepts de «soins infirmiers», de «plan de soins infirmiers»qu’ils devaient promouvoir pour une «approche globale de lapersonne soignée» aient mis tant de temps à passer la barrière dudomaine théorique pour parvenir à une pratique éclairée utilisanttoutes ces données.

Le parti pris pédagogique renforçait nettement celui amorcé timi-dement par le programme de 1961. En effet, il était imprégné detout ce que prévoyait l’Accord européen sur l’instruction et laformation des infirmières.

Sa conception globale était avant tout centrée sur la santé et lapersonne humaine, et non plus exclusivement sur la maladie. Ceprogramme prévoyait un enseignement progressif avec intégration

57. Décret n° 72-818 du 5 septembre 1972 telatif aux études préparatoires et aux épreuves dudiplôme d’État d’infirmier et arrêté du 5 septembre 1972 relatif au programme d’enseigne-ment et à l’organisation des stages en vue de la préparation à ce diplôme. (JO du 7 septembre1972) (BO SP-SS 72/36).

62 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

des connaissances théoriques dans des stages hospitaliers, maisaussi extra-hospitaliers. Le concept de santé publique faisait plusnettement son apparition.

On peut affirmer aujourd’hui que l’application de celui-ci fut unevéritable révolution. Il introduisait une nouvelle ère pour les infir-mières et les infirmiers. Celle d’une rupture avec les formationspréparées, guidées, orientées par les médecins depuis 1923 etbasées essentiellement sur une discipline, la médecine. Ce«nouveau programme» comportait une triple réforme; dans sadurée (4 080 heures qui devaient être étalées progressivement surtrois ans); dans les contenus abordés — centrés sur «les soinsinfirmiers aux personnes atteintes de certaines affections…» ou«en fonction des différents âges de la vie» —; dans son organisa-tion découpée en périodes d’enseignement théorique, avec destemps de stage et de travail personnel privilégiant l’apprentissagedes soins globaux pour une ou plusieurs personnes à l’aide d’unedémarche intellectuelle, le plan de soins infirmiers, permettant dedépasser les «soins en série» qui demeuraient jusqu’à ce jour labase essentielle de l’organisation du travail infirmier.

Des éducateurs de santé

Ainsi l’infirmière et l’infirmier devenaient-ils des «éducateurs desanté». Ils devaient acquérir la capacité d’être au service despersonnes en matière de santé et de contribuer à identifier leursbesoins dans ce domaine. Les objectifs de cette nouvelle formationétaient clairs et confortaient cette rupture dans l’enseignement théo-rique et clinique pour les infirmières. Ils devaient permettre auxélèves: d’acquérir des connaissances pour comprendre les besoinsde santé des personnes et des groupes, de discerner les réponses àapporter, de développer l’aptitude à penser et à agir, d’acquérir lamaturité d’esprit nécessaire pour assumer des responsabilités sur leplan humain professionnel et civique, d’apprendre à collaborer avecd’autres travailleurs sanitaires et sociaux.

C’est en octobre 1977 que le ministère constituait une commis-sion d’études chargée de préparer un tel projet. Dans une premièreréunion plusieurs points de vue avaient été confrontés: celui duComité d’entente des écoles d’infirmières et des écoles de cadresqui, reprenant le programme de 1972, souhaitait simplement unréaménagement des études en tenant compte de l’expérience des

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cinq dernières années. Celui des écoles de l’Assistance publique deParis, qui avaient travaillé dans cette même optique et différait peudu projet ci-dessus cité. Celui de l’Association nationale françaisedes infirmières infirmiers et élèves, qui proposait une filière uniquede formation pour les infirmières en soins généraux et les infirmiersde secteur psychiatrique aboutissant à un diplôme d’État en soinsgénéraux, donnant à leur titulaire libre accès à tous les secteursd’activité.

Devant l’ampleur du problème, le ministère constitua, parallèle-ment, une commission d’études chargée d’aménager le programmedes infirmiers psychiatriques sur trois ans, bien que l’accord euro-péen ne l’eût pas prévue. Ces deux commissions furent à l’originede bien des malentendus. Déjà, les infirmiers de secteur psychia-trique n’étaient pas prêts à abandonner la spécificité dont ils seréclamaient. À partir de 1978, la commission de secteur psychia-trique demandait que le programme de la première année d’étudessoit identique dans les deux formations avec, au terme, un examende passage donnant libre accès à la poursuite des études soit ensoins infirmiers généraux, soit en psychiatrie.

Le ministère ayant accepté cette proposition, le Comitéd’entente des écoles d’infirmières et des écoles de cadres etl’Association nationale proposèrent de nouvelles moutures d’unprogramme qui furent à nouveau examinées le 10 mai 197858.Mais le représentant du ministère refusa le tronc commun: ils’agissait, d’après lui, d’un projet trop ambitieux et prématuré. Ilproposa que seule la première année soit identique, et qu’elles’effectuerait dans des filières parallèles, avec un examen d’entréeet de passage en deuxième année propres à chaque programme.Cette position d’attente était conforme aux orientations euro-péennes et ne pouvait guère être différente: 1993 constituait eneffet l’échéance ultime pour résoudre le dilemme français desdeux formations infirmières. C’est au cours de la séance du31 janvier 1978 que le Conseil supérieur des professions paramé-dicales accepta le programme définitif59.

58. Pour la genèse de ce texte voir aussi R. Magnon, Le service infirimier ces trente dernièresannées, op. cit.59. Décret n° 79-300 du 12 avril 1979 relatif aux études préparatoires au diplôme d’Étatd’infirmier. (JO du 14 avril 1979) (BO SF 79/15)

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L’accès à une relative autonomie

L’apparition d’une relative autonomie dans l’enseignement etl’exercice professionnels n’était pas étrangère aux mentalités bous-culées par les événements de mai 1968. Il est regrettable que lesmédecins n’aient pas fait, à ce moment-là, une réforme d’une telleampleur dans leurs études: en effet il faudra attendre la dernièredécennie du XXe siècle pour que des esprits éclairés dans cetteprofession prônent une telle démarche. Il n’est donc pas étonnant làaussi que l’incompréhension, et la résistance parfois, de beaucoupde médecins se soit manifestées à l’égard de l’émergence de cesnouvelles pratiques et savoirs infirmiers. Peut-être aussi, avonsnous manqué de sens pédagogique et de savoir-faire afin de mieuxfaire comprendre de telles orientations: celle-ci n’étaient guidéesque par le souci de mieux répondre à l’attente des populations enmatière de santé, et non pas, basées uniquement sur des considéra-tions liées à une reconnaissance de la profession, comme beaucoupde partenaires l’ont exprimé.

Une pénurie extrême, frein dans l’application de l’Accord européen sur l’instruction et la formation des infirmières

Dans l’état de pénurie extrême en personnel infirmier que connais-sait le pays à cette époque, l’application de l’Accord européen neput se faire en totalité en un seul temps. Dès 1972, la durée desétudes passait à 28 mois, pour atteindre 33 mois à la rentrée de1979. Cet accord ayant fixé aux différents États la date de juin 1979comme échéance impérative pour son application définitive, nais-saient alors en France des projets de réaménagement du programmede formation de 1972.

Afin de rendre possible l’application des directives euro-péennes, la France se dotait enfin d’une formation en soinsinfirmiers harmonisée sur les autres pays membres de la Commu-nauté économique européenne. Le décret portait la durée desétudes de 28 à 33 mois. Le but général du programme étantl’apprentissage des soins infirmiers au sens large du terme,«en fonction du rôle propre dévolu aux infirmières soit sur pres-cription ou conseil médical, soit en fonction des différentesactions en matière de prévention, d’éducation de la santé, deformation ou d’encadrement».

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L’évolution de l’appareil de formation

D’un point de vue pédagogique, ce programme proposait la concep-tion et la philosophie des soins infirmiers à laquelle nous nouspréparions depuis 1960. Il se destinait, avec une première annéeidentique pour les infirmiers psychiatriques, à l’aboutissementinéluctable de la totalité de la réforme prévue par l’Accord euro-péen. Cette évolution ne s’était pas seulement faite dans desprogrammes d’enseignement, mais aussi dans l’appareil de forma-tion tout entier. À deux décennies de la fin du XXe siècle, il étaitcomposé, hormis les écoles de l’Assistance publique de Paris, de350 écoles d’infirmières, 30 écoles de cadres infirmiers en soinsgénéraux, 6 écoles de cadres du secteur psychiatrique et 2 écoles decadres de santé publique. Le nombre d’enseignants s’était large-ment accru. Cependant, on pouvait encore déplorer le manque deformation de certains pour accomplir leur tâche. Et, pour d’autres,le peu d’ancienneté qu’ils possédaient dans l’exercice des soins auxmalades, lorsqu’ils abordaient l’enseignement.

Une situation économique peu propice entraînant de nouvelles mesures

Par ailleurs, la formation infirmière tout comme l’exercice profes-sionnel se heurtaient en 1980 à la récession économique, àl’absence de débouchés pour les jeunes, à l’augmentation dunombre d’étudiants dans un secteur qui jusque-là n’avait eu guère àen souffrir, à la démographie médicale galopante, incontrôléejusqu’en 1987, et à l’explosion des autres professions de santé nonmédicales et des aides-soignants.

Réforme de la formation des aides-soignants

L’exercice du métier d’aide-soignant à l’épreuve des modificationsqui s’opéraient dans la profession infirmière fut revu avant mêmeque ne soient adoptées les nouvelles modalités d’enseignementpour les infirmières et fit l’objet d’un nouveau programme deformation60.

60. Arrêté du 7 juillet 1971 paru au JO du 8 juillet 1971 fixant le programme relatif au Certi-ficat d’aptitudes aux fonctions d’aide-soignant.

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Création de nouvelles écoles d’infirmières

Grâce à une politique de création de nouvelles écoles «tousazimuts» du ministère, commençait à se résorber une pénurie infir-mière que le pays traînait derrière lui depuis plus de 20 ans.Compte-tenu du nombre de plus en plus élevé de postulants,commençaient aussi à se profiler à l’horizon de nouvelles méthodesde sélection pour l’entrée dans les écoles d’infirmières qui, avecl’afflux massif de jeunes au chômage à la recherche d’un emploi,deviendront, au cours des années quatre-vingt dix, un véritable«parcours du combattant» pour les plus motivés et une manne fortlucrative pour les centres organisant «l’année préparatoire».

La formation des infirmières à l’Éducation nationale à nouveau en question

Le corollaire de cette réforme de l’enseignement fut la nécessitépour notre pays de repenser fondamentalement la réglementation del’exercice professionnel, de proposer de nouvelles lois et des décretsd’application que nous étudierons dans les chapitres suivants.

Dans l’attente de ces textes et toujours dans le cadre de l’ensei-gnement, le ministère faisait savoir, par circulaire, que l’Étatprendrait dorénavant à son compte la totalité des dépenses occa-sionnées par la formation des personnels médicaux etparamédicaux.61 On apprenait également que le budget des écolesd’infirmières serait calculé hors des budgets hospitaliers, afin de neplus faire supporter au prix de journée accepté chaque année le coûtde ces formations. Ces orientations suscitèrent une rumeur selonlaquelle ces dispositions seraient le prélude à un passage éventuelde la formation infirmière dans le système d’éducation général dupays. Cette rumeur, à peine éclose, suscita bien des réactions tant dela part de la Fédération hospitalière de France que du ministère dela Santé lui-même, qui déclarèrent en chœur «qu’ils n’abandonne-raient jamais ce secteur». Le problème n’était pourtant pasnouveau. Il fit l’objet entre 1975 et 1978 d’une étude assez avancéemenée par le ministère de l’Éducation nationale et celui de MadameVeil, alors ministre de la Santé. La profession elle-même (et pour

61. Circulaire, Direction Générale de la Santé n° 87, du 13 novembre 1979, annonçant laprise en charge à titre définif par l’État de la totalité des frais de formation des étudiants enmédecine et des professions paramédicales.

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de multiples raisons: niveaux de formation, problèmes de statuts,situations acquises) n’était sûrement pas prête à une telle éventua-lité. Il était évident aussi que la conjoncture, à l’époque, àl’intérieur de l’Éducation nationale et de l’Université, ne laissaitguère espérer une situation plus favorable pour l’enseignementinfirmier que celle qui lui était faite par la santé et les hôpitaux.

Aujourd’hui cette question ne devrait pas être perdue de vue par laprofession. Car dans tous les pays où la formation infirmière estsortie du cadre étroit dans lequel elle était cantonnée, c’est à partir dece moment-là qu’elle a pu prendre sa véritable dimension, obtenirune véritable reconnaissance sociale, et que la discipline des soinsinfirmiers qu’elle est censée enseigner a pu véritablement s’enrichird’apports nouveaux. La formation infirmière est un exemple parfaitde «pédagogie par alternance». Le ministère de l’Éducation natio-nale serait bien inspiré de le reprendre à son compte en luiconservant cette caractéristique fondamentale en partenariat avec lasanté et de reconnaître enfin ces diplômes infirmiers obtenus aprèsl’obtention du baccalauréat et trois ans d’études. Cela situerait ainsila formation infirmière à un autre niveau de formation supérieure quine lui a pas été jusqu’ici reconnu62.

Les apports de la formation professionnelle continue

Ce bond en avant fait par l’apprentissage de la fonction infirmière agrandement été conforté par l’avènement de la formation continueofferte aux personnels soignants. En effet, dès 1975, les administra-tions hospitalières se virent contraintes de mettre en place la loi dejuillet 1971 sur la formation permanente, puis de créer rapidement desdépartements de formation, des directions chargées d’élaborer desplans de formation. l’Association nationale pour la formation deshospitaliers (ANFH), sous l’impulsion de la Fédération hospitalière deFrance63 et des grandes centrales syndicales, était venue réglementer etadministrer paritairement ce champ d’activités nouvelles. Des orga-nismes divers avaient saisi la balle au bond et avaient organisé les

62. Depuis 1978, le Diplôme d’État d’infirmier a été homologué au niveau du Brevet de tech-nicien supérieur (BTS) ou du Diplôme des Instituts universitaires de technologie (IUT) ou defin de 1er cycle de l’enseignement supérieur (niveau III Bac plus 3 ans). (Voir aussi note 67).63. Fédération hospitalière de France. Association regroupant l’ensemble des établissementshospitaliers publics dans les Unions hospitalières métropolitaines et des départementsd’outre-mer.

68 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

premiers programmes de formation continue destinés à l’ensemble despersonnels. Il s’agissait notamment du Centre de formation de docu-mentation et de recherche (CFDR), du Comité d’entente des écolesd’infirmières et des écoles de cadres, de l’Institut national des infir-miers psychiatriques (INFIP), de la Croix-Rouge Française, du Comitéchrétien des professions de santé (CCPS), de l’Association nationaledes infirmières diplômées et élèves (ANFIDE) et de l’Association desamis et des anciens de l’école internationale d’enseignement infirmiersupérieur (AMIEC), qui a été la première dans le cadre de ses activitésde publication, de recherche et de formation à ouvrir des programmesde formation continue pour les personnels infirmiers et aides-soignantshospitaliers et extra-hospitaliers.

Depuis, nombreux ont été les organismes de formation qui investi-rent ce champ nouveau d’éducation. Ils se multiplièrent à foison.Mais les difficultés engendrées par la maîtrise des dépenses de santé,à partir de 1990, sont venues freiner cette multiplicité de l’offre deformation. Il ne fait plus de doute que seuls survivront ceux quioffriront le label de qualité et un rapport qualité/prix acceptable queles utilisateurs et les employeurs sont en droit d’attendre.

Rapidement, au cours de cette décennie, tous les thèmes relatifs àl’évolution des pratiques et du savoir infirmiers ont été couverts par cesdifférents organismes et notamment: l’organisation du travail infir-mier, le plan de soins infirmiers, puis la démarche de soins infirmiers,le dossier de soins infirmiers, les soins en équipe, la clinique infirmière,les soins infirmiers de santé publique, l’encadrement infirmier, laqualité des soins infirmiers, la responsabilité infirmière, les diagnosticsinfirmiers, la fonction des cadres infirmiers, la recherche infirmière.

Cet accompagnement des infirmières et équipes dans le cadre dela formation continue a été un relais des plus importants dansl’assise des nouvelles fonctions de l’infirmière et dans la recherchede nouvelles orientations.

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Un nouveau programme :une nouvelle réglementation,de nouvelles responsabilités

UNE NOUVELLE DÉFINITION DE L’EXERCICE PROFESSIONNEL EN PHASE AVEC L’EUROPE

L’adoption d’un nouveau programme, celui de 1972, offrant denouvelles possibilités aux infirmiers dans l’exercice de leur fonc-tion, se devait naturellement d’être assortie de nouveaux textesrégissant les pratiques et par là même les compétences et le savoirrequis.

Trente ans après l’adoption de la loi qui définissait la professioninfirmière, un groupe de travail composé paritairement desmembres siégeant au Conseil supérieur des professions paramédi-cales se penchait, lors d’une réunion au ministère le 8 janvier 1976,sur le projet d’une nouvelle définition et concluait: «la nouvelledéfinition devra tenir compte de l’accord européen et devra recon-naître la fonction spécifique de l’infirmière et leurs responsabilitéspropres actuelles». En effet, le texte de 1946, qui définissaitjusque-là l’exercice professionnel infirmier de cette manière: «Estconsidéré comme exerçant la profession d’infirmier et d’infirmièretoute personne qui donne habituellement, soit à domicile, soit dansdes services publics ou privés d’hospitalisation ou de consultation,des soins prescrits ou conseillés par un médecin», ne remplissaitplus sa fonction, car l’Accord européen proposait la formulesuivante: «l’infirmière en soins généraux, exerce conformément àla réglementation en vigueur dans son pays, les fonctions essen-tielles, à savoir:

70 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

– Dispenser des soins infirmiers compétents aux personnes dontl’état le requiert, compte tenu des besoins physiques, affectifs etspirituels du malade en milieu hospitalier, au foyer, à l’école, aulieu de travail, etc.– Observer les situations ou conditions physiques et affectivesqui exercent un effet important sur la santé et communiquer cesobservations aux autres membres de l’équipe sanitaire.– Former et guider le personnel auxiliaire nécessaire pourrépondre aux besoins du service infirmier de toute institution desanté».Le 5 juillet 1976, le Comité infirmier permanent de liaison et

d’étude (CIPLE) réuni avant de siéger au Conseil supérieur desprofessions paramédicales de ce jour pour l’étude d’une nouvelledéfinition, proposait le texte suivant:

«Est considéré comme exerçant la profession d’infirmier etd’infirmière toute personne qui ayant reçu une formation en soinsinfirmiers conforme à la législation en vigueur et sanctionnée parun diplôme d’État, est habilitée à assurer la responsabilité del’ensemble des soins infirmiers que requièrent la promotion de lasanté, la prévention de la maladie, et les soins aux malades». Cetexte ne fut pas approuvé en raison sans doute de son caractère trèsgénéral, sans référence aucune à l’exercice médical dont les infir-miers dépendaient pour une grande part de leur activité, depuisdeux siècles. Il fut renvoyé pour étude et pour examen à une dateultérieure. Le Comité infirmier permanent de liaison et d’étude64

continua son travail de recherche de consensus et proposa par lasuite un nouveau texte dont s’inspirera largement celui adopté défi-nitivement en 1978:

«Est considéré comme exerçant la profession d’infirmier etd’infirmière toute personne qui donne habituellement des soinsinfirmiers que les diplômes dont elle est titulaire l’habilitent à prodi-guer, soit sur prescription médicale, soit en application du rôlepropre qui lui est dévolu, tant à domicile que dans l’établissementauquel elle est rattachée, en matière d’organisation et de coordina-tion des soins, de surveillance, de prévention, d’éducation sanitaire,de formation et d’encadrement du personnel auxiliaire oustagiaire». Par l’énoncé de ces projets de rédaction successifs d’unenouvelle définition, on peut aisément remarquer les hésitations avec

64. CIPLE. Structure informelle à visée fédérative des associations et syndicats profession-nels infirmiers née le 28 avril 1971, qui n’existe plus.

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lesquelles le législateur osa faire sortir l’exercice professionnel infir-mier du strict champ d’auxiliaire médical dans lequel, par tradition,il avait été conçu et pérennisé.

La loi de juillet 1978 relative à un nouvel exercice professionnel : le rôle propre infirmier

Le texte définitif fut enfin adopté en 1978 et déclarait: «Est consi-déré comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier toutepersonne qui, en fonction des diplômes qui l’y habilitent, donnehabituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseilmédical ou en fonction du rôle propre qui lui est dévolu. En outre,l’infirmière ou l’infirmier participe à différentes actions notammenten matière de prévention, d’éducation de la santé et de formation etd’encadrement»65.

Ce nouveau texte de loi était en plein accord avec les orientationsdu Ve rapport de l’Organisation mondiale de la santé, et avec lespropositions de la réunion internationale sur les conditions detravail et de vie des personnels infirmiers de 1973 dont les conclu-sions furent adoptées en 1977.66 On peut émettre l’hypothèse que cefut sous la pression d’une telle prise de conscience du problèmeinfirmier au niveau mondial et européen que furent adoptés tous cestextes ainsi que celui de l’homologation du diplôme d’État d’infir-mière ou d’infirmier au niveau de Brevet de technicien supérieur(BTS) ou du diplôme des Instituts universitaires de technologie(IUT), ou de fin de premier cycle de l’enseignement supérieur(niveau III. Baccalauréat plus 3 ans).67

65. Loi n° 78-615 du 31 mai 1978 modifiant les articles l.473 et l.476 du code de la Santépublique, relatifs à la profession d’infirmière et L.372 de ce code relatif à l’exercice illégal dela médecine.66. Pour tous ces aspects et l’action des associations et syndicats professionnels pour la sortiede ces textes lire:R. Magnon, Le Service infirmier ces trentes dernières années, op. cit.- Convention n° 149 sur les conditions de travail et de vie des personnels infirmiers.63e Conférence Internationale du travail, Genève, 1er juin 1977, ratifiée par la France en1984. in: Soins. T.22, n° 19, 5 octobre 1977 et n° suivants.67. Arrêté du 25 octobre 1978 (JO du 29 octobre 1978).

72 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

La loi de juillet 1980 : un cadre juridiqueet déontologique en conformité avec l’Europe

La profession infirmière ayant obtenu une nouvelle définition deson exercice, confrontée également aux exigences du libre échangedes travailleurs au sein de la Communauté économique européenne,un nouveau dispositif juridique et réglementaire se devait d’être misen place. En effet, la loi du 12 juillet 1980, était venue transposer endroit français les obligations résultant des deux directives duConseil des communautés européennes que nous devions respecteret nous dotait de règles professionnelles et d’une juridiction disci-plinaire de type ordinal.68

Instauration pour les infirmières du libre échangedes travailleurs au sein de la communauté européenne

Comme il l’avait fait déjà pour la profession de médecin et dedentiste, le Conseil des communautés européennes avait considéré,conformément à l’article 57 du Traité de Rome, que l’exerciceeffectif du droit d’établissement et de la libre prestation de servicepour les infirmières et infirmiers responsables des soins générauxdevait être facilité par l’adoption de certaines mesures et devaits’accompagner d’une reconnaissance mutuelle des diplômes. Lesmodifications contenues dans ce texte de loi permettaient de seconformer en France aux nouvelles règles européennes et leGouvernement français en avait profité aussi pour poursuivre larénovation du statut juridique de la profession infirmière. C’estainsi que ces dispositions nouvelles allaient au-delà de ce quepouvait nécessiter stricto sensu la mise en conformité de notrelégislation avec nos engagements européens. Cette loi instituait enoutre, des commissions de discipline professionnelle que les infir-mières et infirmiers seraient tenus de respecter, et que certainsdéputés de gauche dans l’opposition à l’époque, avaient qualifiéesde «juridiction d’exception».

68. Loi n° 80-527 du 12 juillet 1980 modifiant certaines dispositions du code de la santépublique relatives à l’exercice de la profession d’infirmière ou d’infirmier et de certainesautres professions d’auxiliaires médicaux.

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Instauration d’un numerus clausus pour les étudiants infirmiers

Cette loi instaurait également un numerus clausus au niveau de laformation infirmière et de six autres professions de santé.

Le gouvernement s’était ainsi donné la possibilité de fixerannuellement, par décret pris en Conseil d’État, le nombred’étudiants admis à entreprendre des études en vue de l’exercice decertaines professions de santé. Par l’adoption de cet amendement,ce texte a étendu au secteur des professions de santé non médicalesune sélection qui existait déjà depuis 1979 dans les unités derecherche de médecine, de chirurgie dentaire et de pharmacie. Onsait désormais, qu’il ne faut pas descendre au-dessous du chiffre de18 000 étudiants infirmiers à former annuellement pour ne pasretomber dans les travers d’une pénurie infirmière.

Ces mesures faisaient suite à la publication des conclusions durapport de l’inspection générale des affaires sociales en 1979 et durapport annuel de la Cour des comptes de la même année. Tousdeux soulignaient, outre la démesure de la démographie médicale etle coût élevé des dépenses de santé, l’explosion des autres profes-sions de santé. Le premier faisait état de 452 650 personnesréparties dans 18 professions différentes. Une place prépondéranteétant occupée par les infirmières et les infirmiers devant les aides-soignants et les kinésithérapeutes.

Vers 1980, les infirmières et infirmiers possédaient un dispositifjuridique et réglementaire nouveau qui laissait entrevoir la mise enplace d’une juridiction de type ordinal. Or, si en 1993 la professioninfirmière a bien été dotée de règles professionnelles, comme nousle verrons, la loi de 1980 n’a toujours pas eu ses décrets d’applica-tion en ce qui concerne les juridictions chargées de les faireappliquer. Le Conseil d’État a d’ailleurs récemment interpellé leGouvernement sur ces manquements.69

Une juridiction professionnelle de type ordinal

Cette loi prévoyait également deux types de juridiction profession-nelle: une commission régionale de discipline et une commissionnationale. La première devait être présidée par un magistrat assistéde quatre assesseurs infirmiers. Ces assesseurs devaient avoir unsuppléant et devaient être élus respectivement pour quatre ans. Pour

69. Rapport public du Conseil d’État, 1998.

74 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

être élus, la loi prévoyait que ces infirmiers soient de nationalitéfrançaise, qu’ils aient au minimum trois ans d’activité profession-nelle dans les cinq années précédant leur élection. Ils ne devaientpas avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’une mesured’interdiction prononcée par une juridiction pénale. Les élections àcette commission régionale de discipline devaient avoir lieu auscrutin majoritaire à un tour.

La Commission nationale devait faire office de chambre d’appel, àla demande d’une personne jugée ou à la demande des personnes quiavaient qualité pour saisir la commission régionale. La Commissionnationale de discipline devait être présidée par un Conseiller d’État,désigné par le vice-président du Conseil d’État. Elle devait comporterégalement quatre assesseurs infirmiers, désignés pour quatre ansparmi les membres de la commission compétente du Conseil supé-rieur des professions paramédicales. Devant toute plainte lacommission nationale devait prendre obligatoirement l’avis d’unmédecin de l’inspection générale des affaires sociales et d’unmédecin du Conseil de l’ordre des médecins. Si cette commissionconfirmait les décisions de la commission régionale de discipline, lerecours pouvait être fait en cassation devant le Conseil d’État.

De qui pouvait émaner la plainte? La plainte en Commissionrégionale de discipline pouvait être déposée par le préfet, par leprocureur de la république, par l’autorité investie du pouvoir denomination, ou par tout groupement professionnel régulièrementconstitué. Les sanctions prévues étaient de quatre ordres: l’avertis-sement, le blâme, l’interdiction temporaire ou définitive d’exercerla profession. L’interdiction temporaire d’exercer privait l’intéresséde son droit d’élire les membres de la commission régionale.L’interdiction définitive ne pouvait être relevée que dans un délaide cinq ans, à compter de la décision.

Des règles professionnelles comme code de déontologie jugées «prématurées» en 1981

La création de règles professionnelles et d’une juridiction discipli-naire répondait à la responsabilité nouvelle qui avait été confiée auxinfirmières et infirmiers en les dotant d’un rôle propre. Elle offraitaussi aux patients la possibilité de se saisir de ces nouvelles disposi-tions en cas de faute grave de la part de ces personnels.

Les textes en question avaient été discutés, revus et corrigéslargement par le ministère lui-même, l’Académie de médecine et le

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Conseil de l’ordre des médecins. Une discussion longue et âpreavait été menée par les représentants de la profession durant touteune journée. «On n’avait pas vu ça au ministère depuis mai 1968!»devait déclarer l’un des participants. La majorité d’entre eux avaitle sentiment que les responsables au pouvoir, sentant l’alternancepossible, voulaient que les textes sortent coûte que coûte. C’est cequi se produisit pour le décret de compétence relatif à l’applicationde la loi de 1978, qui sortit exactement le 12 mai 198170. Celuirelatif aux règles professionnelles, qui était pourtant prêt, attendraencore quelques années que la vie politique offre une période pluspropice à sa sortie, puisque le candidat à la Présidence FrançoisMitterrand avait prévu, dans ses nombreuses propositions deprogramme électoral, la disparition, à terme, des ordres nationauxdes différentes professions établies.

Un cadre déontologique qui repose fondamentalementle problème de l’éthique professionnelle

Ces questions ont été de tout temps essentielles et c’est la raisonpour laquelle, dès 1931, l’Association nationale des infirmièresdiplômées de l’État français (ANIDEF) posa le principe de l’adop-tion, en France, de règles professionnelles ayant valeur de code dedéontologie.

Il fallut les évolutions que nous venons de relater, les vingt àtrente années nécessaires à leur intégration, pour faire en sorte queles mentalités changent et pour que le ministère de la Santé, en 1962,à la demande des associations professionnelles, crée une commis-sion de déontologie. Participaient à cette commission, l’Associationnationale, des membres de deux autres associations, des représen-tants du ministère de la Santé, des représentants du Conseil del’Ordre des médecins et un membre du Conseil d’État. En 1966 unprojet fut déposé, et en 1967 les associations et syndicats profession-nels furent informés de l’existence d’un «schéma d’avant-projet deloi» tendant à instaurer des règles d’enregistrement des diplômespour tous les personnels paramédicaux: un conseil supérieur desprofessions paramédicales et des règles professionnelles.71

70. Décret n° 81-539 du 12 mai 1981 (JO du 15 mai 1981) relatif à l’exercice de la profes-sion infirmière.71. Voir: Duboys-Fresney C., Perrin G. – Le métier d’infirmière en France. Coll. Que sais-je? Paris, PUF, 1re éd. 1996.

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En somme, la création d’un dispositif à visée déontologique pourchacune des professions de santé non médicales qui, pour l’essen-tiel, n’est encore pas mis en place. Par contre, dès 1973, le Conseilsupérieur des infirmières, qui existait depuis 1951, a été remplacépar le Conseil supérieur des professions paramédicales comportantune section spécifique pour chaque profession. Cette nouvelleinstance affichait la volonté marquée des pouvoirs publics de globa-liser les problèmes d’enseignement et de pratique des professionsde santé non médicales, alors que ces questions d’éthique sontspécifiques à chaque exercice professionnel. C’est pourtant ce quiest chose faite depuis la sortie de la loi de mars 2002 relative à lamise en place d’un «Conseil des professions paramédicales»; maisà ce jour les décrets d’application n’ont pas été publiés.

De la morale à l’éthique

Il fut un temps, durant presque un demi-siècle, entre 1910 et 1960, oùpour toute infirmière religieuse ou laïque, la morale professionnelledevait servir de passeport. Elle était enseignée à l’école d’infirmièrescomme l’étaient, dans les écoles publiques et laïques, la morale etl’instruction civique72. Cet enseignement eut, parmi les directrices del’époque, ses maîtres en la matière: Mlle Chaptal, Mlle Genin et MarieMerle-Blanquis. C’était là leur domaine réservé. Il est certain que lamorale qu’elles professaient était fondée sur leurs croyances religieuseset le haut degré d’altruisme, de dévouement, de charité, d’obéissance etd’abnégation qu’elles véhiculaient. Mais pour mieux saisir les inten-tions pédagogiques de ces trois femmes qui portèrent cet enseignementau plus haut point de leurs convictions, il n’est que de lire la préface oula leçon introductive de leur ouvrage.73 Pour l’une, «la morale n’estpas nécessairement confessionnelle. On peut être bon chrétien ou bonjuif et n’être pas bon médecin, au point de vue déontologique…». Ausujet de la responsabilité, on pouvait lire: «En ce qui concerne le chef,médecin ou chirurgien, bien respecter la limite tracée entre sa respon-sabilité et la nôtre… Ne dites pas: je ne suis qu’une infirmière, je n’aipas de responsabilité, c’est le chef, c’est la surveillante qui l’a…» Jevous rappelle, poursuivait-elle: «que l’obéissance que l’on attend de

72. La morale est devenue obligatoire à l’école primaire en 1882, in: Maury Liliane. l’ensei-gnement de la morale. Paris, PUF. «Que sais-je», 1999.73. Chaptal L. – Morale professionnelle de l’infirmière. Paris, Éd. Poinat, 1926.Genin L. – Aux infirmières, précis de morale profesionnelle. Paris, CRF.M. Merle Blanquis – Au Chevet des malades… Paris, Librairie Fischbacher, 1910.

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vous est une obéissance non pas passive, mais réfléchie qui décide elle-même d’une chose ou d’une autre selon le cas qui se présente…» Uneautre déclarait: «L’infirmière n’est pas une machine, c’est une auxi-liaire intelligente qui doit avoir la compréhension de ses actes et quipeut en cas d’urgence agir sous sa propre responsabilité».

Pour elles, les termes de «vocation», «d’idéal», étaient ceux quicaractérisaient le mieux le choix que faisaient celles et ceux qui choi-sissaient ce métier, ils sont aujourd’hui rejetés et nous apparaissentdésuets. Mais, au-delà du sens et des principes qu’ils véhiculaient,peut-on pour autant dire et penser que l’on peut faire fi des valeursmorales, des règles à ne pas violer actuellement dans l’exercice quoti-dien des soins infirmiers? Non, bien sûr! Mais les professionnelsd’aujourd’hui, dans cette civilisation confrontée au déclin de certainesvaleurs traditionnelles et fondamentales, recherchent d’autres finalitésempreintes d’un humanisme nouveau, d’une éthique nouvelle. Uneéthique professionnelle à réinventer à l’épreuve des problèmes morauxde notre temps posés, d’une part, par le travail en équipe pluridiscipli-naire et, d’autre part, par les phénomènes de société tels que: lalibération sexuelle, la contraception, l’interruption volontaire de gros-sesse, les bébés éprouvettes, le sida, les manipulations génétiques, lesgreffes d’organes, les soins palliatifs, l’euthanasie. Cette morale profes-sionnelle, que ces femmes de bien et d’honneur ont inculquée à nosaînés et qui fut enseignée en ces termes jusque dans les annéessoixante-dix, nous ne pouvons pas la rejeter: ne fait-elle pas partie denotre patrimoine, de notre mémoire, de notre histoire? Si parler demorale n’est plus à la mode et a été abandonné depuis, il n’en demeurepas moins que la formation à l’éthique, à l’instar de ce que vient derévéler une infirmière ayant été confrontée à une pratique profession-nelle dont les conséquences n’ont pas encore été jugées74, doit êtrerepensée fondamentalement. Repensée par rapport aux soins infirmiersque réclame en particulier le soulagement de la souffrance et de ladouleur chez, notamment, les personnes en fin de vie ou atteintes dusida, chez les malades cancéreux et les enfants, d’autant que lesétudiants en soins infirmiers ont, de plus en plus, un cursus universi-taire d’une ou plusieurs années à leur actif lorsqu’ils entrent dans uninstitut de formation en soins infirmiers. Si l’on ne parle plusaujourd’hui avec les mêmes mots du choix professionnel que l’on afait, si les motivations ne sont plus les mêmes, si les valeurs ontchangé, il n’en demeure pas moins non plus que ce choix n’en est pas

74. Malèvre C. – Mes aveux. Paris, Éd. Fixot, 1999.

78 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

moins exigeant, qu’il mérite d’être mûrement réfléchi et accompagnépar rapport à la responsabilité technique et morale qu’il confère. Il n’endemeure pas moins non plus que la souffrance des hommes devant lamaladie, le handicap, la douleur, la vieillesse et la mort, elle, n’a paschangé!

UNE ORGANISATION PROFESSIONNELLE,UNE HIÉRARCHIE RENFORCÉE :

LA RECONNAISSANCE D’UN SERVICE INFIRMIER

L’apport des organisations internationalesdans la genèse d’un service infirmier français

Comme nous l’avons vu plus haut, quatre associations nationalesavaient publié en 1970, dans une brochure intitulée «Le serviceinfirmier français doit-il rester sous-développé?», les raisons pourlesquelles en France un malaise infirmier s’installait, à savoir:

l’absence d’un service infirmier hospitalier et extra-hospitalierreconnu à côté de l’administration et du service médical, l’absencede reconnaissance de la discipline des soins infirmiers, les carencesconstatées dans l’appareil de formation au niveau des programmes,de la situation financière des écoles et de la formation des infir-mières enseignantes.75 Un service infirmier défini comme étantl’ensemble des prestations que fournissent les personnels infir-miers, mais aussi les structures, les soignants et enseignants quil’animent.

Les évolutions que nous venons de constater dans l’enseignementinfirmier montrent combien elles avaient raison, et tout ce qui futmis en place par la suite en ce qui concerne les autres points de leuranalyse le démontre encore plus. Leur cri d’alarme ne passa pasinaperçu, d’autant que, sur un plan international, le Congrèsquadriennal du Conseil International des infirmières qui eut lieu àMexico en 1973 centra tous ses travaux sur la conception des soins

75. Association nationale française des infirmières, infirmiers diplômés d’État — Comitéd’entente des écoles d’infirmières et des Écoles de cadres — Union catholique des servicesde santé et des services Sociaux — Union nationale des congrégations d’action hospitalière etsociale, Le Service infirmier français doit-il rester sous développé? Lyon, Imp. Bosc, Frères,mai 1970.

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infirmiers dans le monde et nous conforta grandement dans notrenouvelle approche des soins; et que fut tenue à Genève, au siège duBureau international du travail, du 15 au 30 novembre 1973, laréunion préparatoire de la Conférence internationale du travail dejuin 1977, sur «les conditions de travail et de vie des personnelsinfirmiers.»

Cette réunion avait admis l’importance du rôle que jouaient lesprofessionnels de santé et notamment les infirmières et les infir-miers dans la protection et l’amélioration de la santé despopulations dans tous les pays. Il était temps aussi, d’après elle, queles gouvernements réfléchissent à la contribution essentielle que lespersonnels de santé apportent dans le développement économiqueet social d’un pays: «La prospérité d’un pays ne devrait pas semesurer seulement à l’évolution du niveau de vie de ses habitants,mais aussi à la progression du niveau de santé de sa population».

Outre les conditions de revalorisation de la profession infirmièreet des soins infirmiers dans chaque pays, la conférence insistaégalement sur la nécessité:

– d’assurer une qualité de ces soins et des services répondant auxbesoins de la collectivité et acceptable pour cette dernière;– d’assurer au personnel infirmier une situation économique etsociale acceptable, qui favoriserait l’accès à cette profession et ledésir d’y rester plus longtemps;– d’amener le niveau de rémunération des infirmières et des infir-miers à un niveau correspondant à leurs besoins, à leur formation,à leur expérience, à leurs fonctions et responsabilités et qui tien-drait compte des servitudes et contraintes inhérentes à l’exercicede cette profession;– de reconnaître que cette profession devait être autonome, parrapport aux autres professionnels de la santé et en particulier lesmédecins en ce qui concerne une grande partie des soins qu’elledonne;– de reconnaître les services infirmiers comme un élément essen-tiel des services de santé nationaux et de promouvoir la créationd’un «système infirmier» qui permettrait d’assurer à la collecti-vité, l’ensemble des soins infirmiers qu’elle est en droit d’attendreet ce, dans tous les domaines où ils peuvent s’exercer. Dans cesystème, le personnel infirmier devrait être associé très étroite-ment, à tous les niveaux, aux processus de planification,d’organisation, de formation, de décision concernant la profession

80 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

et son exercice. Ainsi cette organisation serait la clef de voûte del’évolution des soins aux malades en développant: la formationde base, la formation continue, la formation supérieure et univer-sitaire, l’administration des services, les pratiques infirmières et larecherche.

Des mesures d’amélioration de la situation des personnels soignants

Concernant les aspects éducatifs et l’évolution de la discipline dessoins infirmiers une bonne partie de ces recommandationscommençaient en France à prendre corps, même si l’on peutregretter les lenteurs avec lesquelles nous nous les sommes appro-priées. Il restait toutefois à régénérer tout le «système infirmier».Sous la pression d’un certain nombre de groupes professionnels,associatifs et syndicaux, ainsi que sous le poids de la pénurieextrême en personnel infirmier, le Gouvernement français adopta,de mai 1974 à août 1975, un certain nombre de mesures en faveurde ces personnels.

Par ces mesures, les pouvoirs publics reconnaissaient le malaisequi existait et qu’il était nécessaire, sinon indispensable, des’engager dans la reconnaissance d’un véritable «service infir-mier». Ils officialisèrent le grade «d’infirmière générale etd’infirmier général»76 et octroyèrent un certain nombre de primes,à défaut de pouvoir augmenter les salaires au sein de la grille indi-ciaire des emplois de la fonction publique. Ces mesures, quivisaient à réduire «le sous-développement du service infirmier»,notamment dans les hôpitaux, apportèrent la preuve que le minis-tère de Madame Veil fut un des rares à réaliser une netteamélioration sur le plan des structures et des moyens octroyés à laprofession infirmière.

L’inquiétude sur un plan mondial exprimée par les organisationsinternationales, comme nous l’avons vu plus haut, fut un élémentconjoncturel propice à une prise de conscience plus importante duproblème infirmier dans notre pays.

76. Décret n° 75.245 du 11 avril 1975. Recrutement et avancement des infirmiers généraux etinfirrmiers généraux adjoints. (JO du 15 avril 1975)- Circulaire n° 222/04/du 31 juillet 1975. Définition, fonction, encadrement des personnelsinfirmiers. (non parue au JO). (BO SP/SS, 75/35 feuillet 9479).

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La reconnaissance d’un nouveau cadre de direction à l’hôpital: l’infirmière générale

C’est d’ailleurs dans ces perspectives d’amélioration que les textesinstituant les fonctions d’infirmière générale et la circulaire définis-sant leurs fonctions vinrent confirmer la nécessité de confier à unprofessionnel qualifié la responsabilité de ce service, et de la qualitédes soins infirmiers dans les structures hospitalières.

La profession attendait la sortie de ce statut depuis de nombreusesannées.77 Il fut fortement combattu, notamment par les directionsd’hôpitaux et par le corps médical qui voyaient là resurgir le spectred’un pouvoir féminin détenu par les «Mères supérieures», aveclesquelles ils eurent, pour certains d’entre eux, bien des démêlés. Il fitmême l’objet de la part des directeurs d’hôpitaux d’un recours enConseil d’État dont ils furent déboutés. Sans l’opiniâtreté de MadameSimone Veil, le statut des infirmiers généraux serait encore quelquepart à la signature. Mais cela ne fut pas sans contrepartie. Alors queles professionnels en charge d’étudier cette évolution s’étaientprononcés en faveur d’une formation universitaire en un bloc d’uneannée dispensée en collaboration avec l’École nationale de la santépublique à Rennes et l’École internationale d’enseignement infirmiersupérieur à Lyon, Madame la ministre, mal conseillée sans doute parles élites parisiennes, n’a pas retenu cette proposition et a confié à laseule École nationale de la santé publique le soin de mettre en placele programme de formation destiné à cette nouvelle fonction. Uneraison supplémentaire de penser que le courant des soins infirmiersenseigné à Lyon ne faisait pas l’unanimité.

Sur un plan pédagogique, et sans vouloir dévaloriser l’enseigne-ment de ceux et celles qui furent en charge de réaliser cetteformation et qui la développèrent, je persiste à penser qu’elle n’estpas à la hauteur des études nécessaires à ces cadres de direction quesont devenus les infirmiers généraux. Pour rivaliser sur un pland’égalité dans les équipes de direction actuelles (dont les membrespour beaucoup d’entre eux sont détenteurs de doctorats) et avec lesreprésentants du corps médical, l’infirmière générale devraitposséder un diplôme universitaire de troisième cycle. En effet,l’ampleur des responsabilités confiées aux directeurs des servicesde soins infirmiers reconnues officiellement depuis 199178 (à

77. Voir à ce sujet, R. Magnon, Le service infirmier ces trente dernières années, op. cit.78. Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. (JO du 2 août 1991).

82 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

savoir: l’amélioration constante de la qualité des soins infirmiers,sa participation à la gestion des ressources humaines du service desoins infirmiers, sa participation aux travaux de l’équipe de direc-tion, aux programmes de formation continue, l’amélioration àapporter dans les systèmes d’organisation et d’information interneet externe) en font un cadre dont les fonctions sont au carrefour detoutes les logiques, administratives, médicales, hôtelières et techni-ques. Fonction à haut risque, non dénuée de situations complexes etconflictuelles, qui requiert une ténacité, une combativité, et unepugnacité de tous les instants.

Aujourd’hui, certains, parmi les infirmiers généraux, pensent queleur fonction devrait évoluer vers encore plus de responsabilité, etqu’ils devraient avoir en charge l’animation et l’encadrement detous les professionnels de santé non médicaux de l’hôpital. Cettetentation hégémonique d’un groupe sur un autre, à l’instar de ce quis’est produit dans le passé entre le corps médical et infirmier,devrait les inciter à une plus grande circonspection et à une plussûre analyse prospective pour vouloir ainsi passer d’une directiondes soins infirmiers à une «direction des soins». La discipline dessoins infirmiers n’est-elle pas suffisamment noble et caractéristiqued’un engagement humaniste séculaire pour que ses responsables dehaut niveau aient la tentation de faire l’amalgame avec des profes-sions de soins plus techniques certes, fort utiles et tout à faitnécessaires, mais qui ne sont pas de même nature? D’autres, parcontre, qui éprouvent des difficultés à s’affirmer dans cettecomplexité de tous les instants, courbent l’échine devant l’immen-sité de la tâche, et se replient dans des tâches administratives ouautres de peu d’intérêt pour le service infirmier.

Par ailleurs l’avenir nous dira, dans les prochaines années, si laconception des soins infirmiers à laquelle nous avons adhérée dansles années soixante et que nous avons si fortement défendue résis-tera aux sirènes de la globalisation des questions de pratiques et desavoir au sein des professions de santé non médicales. Lesproblèmes et les réponses à apporter à l’homme souffrant appellentau contraire à une approche coordonnée, mais propre à chaqueprofessionnel. Cela passe peut-être par l’organisation de troncscommuns autour des questions qui concernent la santé; mais aprèssurtout, par la création de filières spécifiques où la nature79 même

79. À ce sujet, voir: Collière Marie-Françoise, La nature des soins infirmiers. Paris, Inter-Éditions, 1994. Soigner, le premier art de la vie. 2e édition, Paris, Masson, 2001.

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du service auquel on se prépare est enseignée par les professionnelseux-mêmes, largement développée, confrontée aux disciplines quienrichissent son contenu et fait l’objet de recherches approfondiespour améliorer sans cesse la pratique.

LES INFIRMIÈRES FACE À UNE NOUVELLE OFFREET DEMANDE DE SOINS

Pour clore ce chapitre sur cette double décennie 1960-1980, auxlendemains du deuxième grand conflit mondial, de la constructionde l’Europe, de la décolonisation, de la paix et de la prospéritéretrouvées, le pays tout entier fut poussé à la libération de nouvellesénergies et de nouveaux talents. On peut constater qu’outre ceregard porté sur les fondements humanistes de leur action, les infir-mières et les infirmiers ont dû accompagner, surtout dans les grandscentres hospitaliers devenus des «temples de la science», lesprogrès techniques et les technologies, qui n’ont cessé de sedévelopper.

L’évolution massive des techniques de soins

Dans ce cas, ils ont dû se familiariser avec un nouvel environne-ment. L’apparition du monitorage, de l’assistance respiratoire àl’aide de respirateurs; des techniques de soins de plus en plussophistiquées dans les services de réanimation et de soins intensifset dans les centres d’hémodialyse, dans les services de chirurgie(avec notamment l’apparition des greffes cardiaques, des transplan-tations d’organes qui en étaient à leur tout début) sont devenus lesdomaines d’activités quotidiens de l’infirmière. Dans la pratiquejournalière, le matériel à usage unique et les stérilisations centralesavaient transformé radicalement l’apprentissage et la réalisation dessoins infirmiers techniques. L’emploi de l’appareil à tension arté-rielle et le stéthoscope n’étaient plus l’apanage du médecin. Lessurveillances intensives des malades demandaient aux infirmièresde se familiariser également avec cette instrumentation, au pointqu’il ne sera pas rare de les voir dorénavant déambuler dans lescouloirs hospitaliers avec, autour du cou, ce symbole par excellencede la médecine qu’est le stéthoscope. Signe, s’il en est, de l’attraitque peuvent avoir les techniques médicales vis-à-vis d’une grande

84 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

partie de la profession et qui témoigne que pour exercer aujourd’huile métier de soigner les hommes, les infirmières et infirmiers sedoivent d’être d’excellents spécialistes de la relation humaine, maisaussi et toujours d’habiles et intelligents techniciens.

Ils ont été aussi confrontés à un nouvel arsenal thérapeutique quise dotait de multiples médicaments. L’abandon à partir de 1950 desprescriptions magistrales va favoriser la commercialisation de trèsnombreux médicaments, de nouvelles thérapeutiques et techniquesmédicales, telles que l’hibernation artificielle dans les traitementsdes comas, la lutte plus efficace contre les maladies infectieuses etcontagieuses, le traitement des maladies mentales. Toutes ces avan-cées vont aussi transformer le traitement des maladies cancéreuseset améliorer considérablement les pronostics habituellement trèsgraves de ces maladies. La vaccination contre la tuberculosedevenue obligatoire avait provoqué une disparition progressive dece fléau, mais depuis une nouvelle forme de tuberculose multi-résistante a refait surface. Le Sud-Africain Christian Barnard réus-sissait la première greffe cardiaque et a fait des émules dans lemonde entier. L’Organisation mondiale de la santé déclara, en1978, la variole éradiquée dans le monde entier, alors que le sidaapparaissait et allait, dans les années quatre-vingt, bouleversercomplètement les données de la médecine curative moderne.L’approche des maladies cardiaques se transforma, grâce à l’arrivéedes stimulateurs, du Holter, du défibrillateur.

Les infirmières et les infirmiers exercent dans tous les champsd’activité de la santé, à l’hôpital, dans des centres de soins à domi-cile, en milieu pénitentiaire, dans le monde du travail et del’éducation nationale, dans les armées, dans les centres de loisirs,dans des structures «d’alternatives à l’hospitalisation publique»,que le sociologue Serge Karsenty, du Centre de recherche et debien-être avaient proposées, au début des années soixante-dix,80 quicommence à préfigurer de nouvelles prises en charge hors del’hôpital. L’exercice libéral commence à être confronté à la démo-graphie médicale. Pour mieux gagner leur vie, de jeunes médecins,de plus en plus nombreux sur le marché du travail, se substituentaux infirmiers dans l’exécution de leurs propres prescriptions. Cettetendance, bien que marginale, a eu pour effet, dans certaines

80. Karsenty S. – Rapport sur «les alternatives à l’hospitalisation publique» CEREBE. 1975et in: La santé, une politique, Revue de l’Infirmière, supplément informations, novembre1975.

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régions, d’obliger les soignants à se réconcilier avec une pratiqueinfirmière qu’ils avaient perdu de vue, comme nous l’avons vu plushaut.

La population française de plus en plus vieillissante va obliger lesmédecins, quand ce ne fut pas les infirmières elles-mêmes qui les yincitèrent, à développer davantage l’une de leurs spécialités, lagérontologie, et à repenser les activités de soins auprès despersonnes âgées. Ce secteur prendra dans les années quatre-vingt-dix toute son ampleur, notamment avec l’augmentation des cas demaladie d’Alzheimer et les soins aux malades en fin de vie.

La littérature professionnelle témoin d’une spécificitéqui s’affirme

Toutes ces questions vont faire l’objet de nombreuses publicationset la bibliothèque de base de l’infirmière va considérablements’enrichir. Dans «La Profession d’infirmière»81, il lui était proposépas moins de 24 ouvrages sur les soins infirmiers dont 14 sur larelation soignant-soigné; 67 dans le domaine de la médecine et dela chirurgie, de la pharmacie; 11 de santé publique; 16 de puéricul-ture et de pédiatrie; 14 de psychiatrie; 14 sur des questionshospitalières et d’humanisation des hôpitaux; 20 manuels de soins.

Nous nous rendons compte aujourd’hui que nous étions vérita-blement entrés dans la période post-moderne de la profession. Leslivres de la collection «Bibliothèque de l’infirmière» fondée parLéonie Chaptal, le «Nappée», le «Nightingale», n’étaient plusproposés. Nous ne trouvons plus trace également, comme nous lesignalions dans un chapitre précédent, de livres de référence à lamorale et à l’éthique. La législation, la réglementation sont aussi lesgrandes absentes des connaissances à acquérir.

Les classiques concernant la pathologie, «Le Molinier», L’Ency-clopédie de Hamburger, existent toujours, mais ont été complétéspar des collections nouvelles proposées par tous les éditeurs. Leséditions Masson proposaient les collections «Soins de chirurgie»,«Les cahiers de l’infirmière», Maloine proposait «Les dossiersmédicaux et chirurgicaux», ainsi qu’une collection pour le

81. Nous devons saluer ici, l’excellent travail réalisé par Nadine Wehrlin, rédactrice en chefde la Revue de l’infirmière, qui de 1959 à 1988, publia ce document qui est une des réfé-rences d’un point de vue historique des plus importantes, pour l’histoire des soins et de laprofession infirmière, au XXe siècle.

86 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE D’UNE SPÉCIFICITÉ

«Diplôme d’État.». L’expansion scientifique proposait «La biblio-thèque médicale de l’infirmière». Les dictionnaires médicauxcommençaient à faire leur apparition, Le «Garnier-Delamarre» etle «Blacque-Belair» chez Maloine, le «Touitou-Perlemuter» chezMasson, «Le dictionnaire de médecine» chez Flammarion.

Mais la grande nouveauté résida dans la parution, en 1971, d’unecollection intitulée «Infirmières d’aujourd’hui», au Centurion,fondée par Catherine Mordacq et Yvonne Hentsch, dans laquelle55 titres ont été édités depuis sa création, jusqu’au début des annéesquatre-vingt-dix, où il fut décidé de l’interrompre.

Ces ouvrages, écrits en majorité par des infirmières et des infir-miers, vont couvrir tous les nouveaux champs de connaissancesutiles aux étudiants et aux personnels infirmiers.

Les nouveaux domaines d’exercice, la spécialisation de plus enplus grande des disciplines médicales, le champ des connaissancesqui s’élargit de plus en plus, l’augmentation de la charge de travailqui s’en suit et les conditions de travail qui s’aggravent, une pénuriequi tarde à se résorber en raison d’une durée de vie professionnellefaible — 4 ans en moyenne — vont amener le corps professionnel,au cours des prochaines décennies, à des revendications d’ordresocial; mais aussi salariales, eu égard au degré de technicité qu’ilacquiert.

Parallèlement, au cours de cette période que nous venons deparcourir a débuté toute une réflexion sur l’organisation des soinsinfirmiers, sur les courants théoriques qui les sous-tendent, sur lesméthodes nouvelles à promouvoir pour les dispenser et les évaluer.Tout un programme qui, jusqu’à l’an 2000, va donner aux soinsinfirmiers toutes les caractéristiques d’une discipline qui se cons-truit, qui se cherche.

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De nouvelles organisationsdu travail, de nouveaux concepts,

un cadre théoriquepour les soins infirmiers

DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU TRAVAIL

De 1950 à 1970, années au cours desquelles se fit une nouvellerévolution industrielle soutenue par une évolution technologiquedes plus importantes, contrariée plus tard par une récession écono-mique sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale, il estintéressant de constater que la construction de l’Europe représenteune chance pour que la fonction infirmière, les objectifs de forma-tion, la conception de cette dernière soient modifiés et répondentmieux aux besoins sous-jacents de la société française en matière desanté.

Dans cette succession de programmes d’études conduisant audiplôme d’État d’infirmier et à l’exercice d’une nouvelle discipline,les soins infirmiers, nous sommes passés de l’acquisition simple denotions indispensables pour l’application des soins, à une acquisi-tion complémentaire de techniques médicales hautementspécialisées, ainsi que celle, nécessaire, d’une compréhension plusgrande du savoir utile en médecine. Par la suite l’acquisition denouvelles connaissances, notamment en sciences humaines (et lesévénements sociologiques, économiques et politiques que nousavons évoqués), ont conduit les professionnels infirmiers à devenirdes éducateurs de santé au service non plus «des malades», maisdes personnes ayant des problèmes de santé, afin de les aider à lesrésoudre et à retrouver le plus vite possible leur autonomie.

90 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

Durant toute cette période, la médecine n’a cessé de se spécialiseret de se techniciser. Les médecins ont adopté «le plein temps hospi-talier». Leur présence en permanence à l’hôpital a bouleversé leurpropre organisation, mais aussi celle de leurs partenaires sans qu’ilsen prennent véritablement conscience, demandant toujours plusdans l’activité quotidienne. Dans les hôpitaux, l’évolution architec-turale, la dotation en matériel et en équipements techniques de plusen plus performants, ont abouti (et ce n’est pas là le moindre desparadoxes) à une situation nouvelle que médecins et infir-miers(ères) ont géré différemment. En effet, ces derniers sentaientdéjà que l’augmentation et l’émiettement des tâches, et le travail àla chaîne qu’ils induisaient, dénoncés par le sociologue Friedmann,avaient déjà accompli bien des ravages dans l’industrie.

On savait déjà que chez les travailleurs occupés à des tâchesparcellaires, enfermés dans un étroit secteur de production oud’activité, opérant sur une partie de l’objet ou d’une pièce qu’ilsn’achevaient jamais, fixés sur une activité sans cesse interrompuepar la division minutieuse des opérations, cet inachèvement de latâche entraînait une dépersonnalisation, une tension psychologiqueet un malaise persistants, ce que bien plus tard, malgré les tentativespour y échapper, nous nommerons Burn-out. De toutes ces consta-tations dévalorisantes et déshumanisantes étaient nées dansl’industrie, de nouvelles conceptions en organisation du travail àsavoir: un élargissement des tâches centrées sur le professionnel;l’élargissement des tâches confiées à une équipe de travail.

Comme le souhaitaient les psychosociologues du travail attentifsà tous ces changements, cet élargissement centré sur l’équipe ne seréduisait plus à un accroissement du nombre de gestes ou devariétés de gestes à accomplir, mais impliquait à la fois pour letravailleur de faire appel à ses connaissances, à ses aptitudes, à sonintelligence, à son initiative, à son savoir-faire, à sa volonté, ainsiqu’au potentiel nouveau que représentait l’équipe, au mode d’orga-nisation qu’il choisissait, aux outils de travail qu’il se créait.

À l’hôpital où aucune réflexion sur l’organisation du travailn’avait été entreprise jusque-là, nous ne pouvions échapper à cesmodèles de réorganisation. La pluralité des personnels soignants— médecins, infirmiers, aides-soignants, manipulateurs de radio-logie, kinésithérapeutes, diététiciennes, étudiants, pour ne citer queceux-là —, la continuité du service à rendre et à partager entre tous,le droit à l’information réclamé par le patient et institué par circu-laires et décrets à de multiples reprises de 1958 à nos jours, nous

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obligèrent à repenser nos modes de fonctionnement par rapport ànos partenaires mais, aussi et surtout, par rapport aux soignés.

Ce que démontrera en son temps Catherine Mordacq82 dans uneanalyse fort pertinente de l’organisation du travail dans le mondehospitalier.

La démarche de soins infirmiers

Déjà, depuis la réforme de 1972, l’introduction du concept de «plande soins»83 à mettre en œuvre par une infirmière responsable d’uneou plusieurs personnes et à réaliser en équipe, séduisit un certainnombre de responsables qui réfléchirent, décrivirent et adoptèrentcette situation et la firent évoluer. De là, naissait alors le conceptplus élaboré de «processus de soins infirmiers»84. Le programmede 1979 retint à son tour une formule qui voulait encore plus mettrel’accent sur la progressivité de la réflexion et de l’action et proposal’enseignement de la «démarche de soins infirmiers»85. C’est ainsiqu’était née, dans la formation infirmière à la pratique des soinsinfirmiers, l’idée de réfléchir avant toute chose à ce dont avaitbesoin le patient, d’analyser sa demande en soins infirmiers, defixer des objectifs et des délais pour les atteindre, de programmerles actions nécessaires pour y parvenir, de les réaliser et d’évaluer sices objectifs avaient bien été atteints. À l’instar de ce qui se passaitaussi dans l’industrie, était née également l’idée que ces soins infir-miers devaient être réalisés en équipe, c’est-à-dire: par «uneéquipe de soins» qui, sous la conduite de l’infirmière «chefd’équipe», mettait en œuvre l’ensemble des soins à réaliser enfonction de la spécificité de chacun.86 Était née aussi l’idée, pour dene pas disperser les efforts de l’équipe sur un trop vaste territoire,

82. Mordacq C. – Système de répartition des soins dans les services hospitaliers. Revue del’Infirmière, n° 3, mars 1977.83. CEEIEC. Le plan de soins. Numéro spécial, L’Infirmière Enseignante. Bulletin d’infor-mation et de pédagogie, novembre 1970.84. Reymond-Pacigot D. – Quand le plan de soins devient «nursing process». L’infirmièreenseignante, n° 9, novembre 1979.Magnon R. – Et si en France, «The nursing process» devenait le processus de soinsinfirmiers? L’Infirmière Enseignante, n° 10, décembre 1979.85. Chaboissier M., Gallas F. – Du plan à la démarche de soins, une épopée professionnelle.Revue de l’infirmière, n° 15, octobre 1987.86. Fremont. N. de – Comment passer d’une organisation des soins en série à une organisa-tion par groupes de malades? Gestions hospitalières, n° 143-144, fév-mars 1975.

92 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

composé le plus souvent d’unités de soins hospitalières de 20 à30 malades, de restreindre son action à un «secteur de soins» qui,en fonction de la gravité des personnes à soigner, ne devait pasdépasser 12 à 14 patients.

L’art de soigner renforcé par la méthode scientifique de résolu-tion de problèmes appelée «démarche de soins infirmiers», quil’aide à se construire et à identifier plus clairement le ou lesproblèmes de santé de l’individu, matérialisé par un outil de travailadapté, «le dossier de soins infirmiers», a permis aux infirmiers etinfirmières de prendre conscience de l’évaluation qu’ils faisaient enpermanence de la situation de chaque malade, qu’ils contribuaientgrandement au diagnostic médical, et qu’ils étaient en mesure deposer également un «diagnostic infirmier» sur la situation dupatient.

Des soins infirmiers dispensés «en équipe»

Travailler en équipe supposait donc d’en accepter les principesfondateurs, c’est-à-dire: le petit nombre de professionnels quicompose l’équipe et qui s’implique dans la réalisation des objectifs(infirmière, aide-soignante, étudiant, par exemple), la qualité dulien interpersonnel entre les membres de l’équipe, l’engagementpersonnel de chacun dans une interdépendance consentie où chacunapporte sa propre contribution. L’intention commune d’aller vers lemême but. Travailler en équipe supposait aussi de travailler pourelle, avec elle, et de ne pas désirer jouer un jeu personnel. Se mettreà plusieurs pour atteindre un même objectif, c’était renoncer à uncertain degré de liberté, c’était accepter une tactique communediscutée et admise par le plus grand nombre, une coordination desefforts et une certaine discipline dans l’action. Ces principes pren-dront toute leur valeur quelques années plus tard, quand lesinfirmières seront amenés à conduire leur action après avoir posédes diagnostics infirmiers.

En théorie, tout ceci était satisfaisant. Mais c’était sans comptersur la réalité des effectifs, sur une assez faible préparation deséquipes enseignantes et des cadres infirmiers, sur l’urgence à faireprogresser, vaille que vaille, les équipes soignantes vers de tellesévolutions et vaincre les nombreuses résistances qu’elles soule-vaient. Malgré cela, les pionniers de «la démarche de soinsinfirmiers, des soins en équipe, du secteur de soins» s’étaient misen action depuis les années soixante-dix. En effet, et cela leur a été

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assez reproché, avant même qu’en totalité le corps professionnel aitassimilé ces changements, ils se concentrèrent sur la refonte quasiinévitable d’une organisation matérielle de la pratique infirmière,en créant les premiers «dossiers de soins infirmiers». Ont-ils eu tortou raison? Si j’ai parfois douté de l’efficacité d’une telle démarche,qui privilégiait la forme avant le fond et à laquelle j’ai largementparticipé, je ne le regrette pas: elle a permis d’une manière plusréaliste d’accélérer la réflexion et de permettre à un plus grandnombre d’accéder plus vite au renouveau. De plus, cela a permisd’accompagner les réformes successives des études d’infirmièresde 1972 et 1992 auxquelles, dans le cadre de l’Europe, nous nepouvions pas échapper. Sans cette volonté farouche d’accompagnercoûte que coûte ces changements en profondeur, nous n’en serionscertes pas là aujourd’hui.

La création des dossiers de soins infirmiers, une étape clé

L’adoption dans une unité de soins d’un «dossier de soins infir-miers»87 se justifiait alors par un certain nombre de facteurs quiinfluençaient l’organisation des soins et par le cadre juridique quipetit à petit se mettait en place. Il s’agissait notamment:

– de la continuité des soins qui devait être appliquée et organiséependant les 24 heures;– de la discontinuité des équipes qui concouraient à l’applicationdes soins, depuis la mise en place des 40 heures, puis des39 heures, et des horaires continus, au cours desquels les équipesde travail se renouvelaient à intervalles réguliers;– la différence de qualification et de niveaux des personnels infir-miers qui devaient assurer ces soins;– la variabilité de soins à assurer chez des personnes qui pouvaientêtre totalement dépendantes, semi-dépendantes, indépendantes;– la multiplicité des soignants autour de la personne malade;– la multiplicité des informations qu’ils échangeaient entre eux etles patients, ou qu’ils pouvaient recevoir de ces derniers ou deleur entourage.

87. Wehrlin N. – Le dossier infirmier du Centre hospitalier de Chambéry. Revue de l’infir-mière, n° 7, Juillet-Septembre 1973. (cette expérience généralisée à tout un hôpital estconsidérée comme la première du genre.)

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Par ailleurs, dans la majorité des cas, l’organisation matérielledes soins était très artisanale. De multiples documents de recueil del’information éparpillaient cette dernière et la rendaient inacces-sible au plus grand nombre. La synthèse des problèmes dontrelevaient les malades était quasiment impossible à faire. L’organi-sation du travail ne permettait que «les soins en série», ce qui avaitpour corollaire d’accentuer le sentiment qu’avaient les patientsd’être des «numéros» et les infirmières d’être des «robots». Laconfidentialité des informations était souvent mise à mal. L’évalua-tion des soins et de leur qualité était impossible. Il aura fallutoutefois vingt ans et une circulaire ministérielle88 pour que cetteréorganisation matérielle soit implantée dans la majorité deséquipes soignantes hospitalières ou extra-hospitalières.Aujourd’hui, dans le cadre de la mise en place des systèmesd’information médicale, bien des équipes ont réfléchi à l’informati-sation89 de toutes ces procédures. Depuis de nombreuses équipesont mené des expériences, mais il faudra encore une bonne ving-taine d’années pour une généralisation de l’informatisation du«dossier du malade»90, car le corps médical n’est pas encore tout àfait prêt à se conformer à une telle évolution.

Un cadre juridique plus favorable aux droits des patients

Outre ces facteurs, le cadre juridique qui évoluait à grands pas et quis’imposait aux soignants ne pouvait nous laisser indifférents. Eneffet, la charte du malade et les nombreuses circulaires sur l’huma-nisation de l’hôpital offraient aux patients des droits qui nepouvaient plus être ignorés, et pour lesquels il était nécessaire demettre en place une organisation qui leur garantisse ces droits. Maisqui permette aussi aux soignants de justifier à tout moment de labonne exécution des soins, des décisions qu’ils auront prises et de laqualité de ces derniers. Nous avons vu et verrons plus loin combiennous avons eu raison de préparer les soignants à de telles exigences.

88. Guide du service Infirmier. Le dossier de soins. BO n° 85-7 bis, Paris, ministère de laSanté, 1985.89. Berroyer N., Dusserre L. (sous la direction de) – Informatique et soins infirmiers. Paris,Collection «Infirmières d’aujourd’hui» Le Centurion, 1986.90. On entend par «dossier du malade», le dossier médical, de soins infirmiers et le dossiersocial.

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Les évaluations de charge de travail et l’évaluation de la qualité des soins infirmiers

Les administrations hospitalières vont rapidement se rendre comptequ’il y a là matière à exploiter pour évaluer la charge de travail ensoins infirmiers91 et entreprendre également des procéduresd’évaluation de la qualité des soins infirmiers. Les cadres infirmierseux-mêmes vont réaliser qu’ils détiennent des arguments pour justi-fier leur demande d’adaptation des effectifs en fonction du poids réelde l’activité soignante. À partir de 1980 commençaient à paraître lesouvrages qui accompagnèrent ce mouvement92. Bien avant que lecorps médical comme les directions d’hôpitaux ne soient contraintsde se lancer dans des procédures obligatoires d’évaluation etd’accréditation93, les infirmières s’étaient, une fois encore, engagéesdans la voie du progrès, mais qui s’en souvient encore! Cesnouvelles dispositions, l’enseignement de la démarche de soinsinfirmiers, la réalisation matérielle des dossiers de soins infirmiers,ont alors contribué à mieux faire connaître l’activité réelle deséquipes de soins et à chercher à mieux adapter les effectifs.

LES THÉORIES DE SOINS INFIRMIERS

Cette prise de conscience faite, nous dûmes réfléchir aux concepts,aux modèles, aux théories de soins infirmiers, d’autant que la litté-rature professionnelle s’enrichissait et que le programme de 1972nous avait fait découvrir le modèle de soins infirmiers basé sur les«besoins de la personne» de Virginia Henderson, qui définissaitdans un petit ouvrage, aujourd’hui mondialement connu, «les prin-cipes fondamentaux des soins infirmiers»94. Parmi les contributions

91. Les méthodes les plus utilisées sont la méthode française dite: des Soins individualisés àla personne soignée (SIIPS) et celle du PRN (Programme de recherche en nursing),canadienne.Exchaquet N., Zublin L. – Effectifs et organisation pour des soins infirmiers adéquats. Paris,Collection Infirmières d’aujourd’hui, Le Centurion, 1980.92. Breuil M.-T. – Le nursing audit à l’hôpital américain de Paris. Soins, Tome XXVI,20 mars 1980.Jacquerie A. – Guide de l’évaluation de la qualité des soins infirmiers. Paris, Centurion,1983.Laurin J. – Évaluation de la qualité des soins infirmiers. Paris, Maloine, 1983.93. Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière et circulaire n° 96-346 du24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée.94. Henderson V. – Principes fondamentaux des soins infirmiers. Genève. CII, 1960.

96 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

les plus essentielles dans ce domaine, c’est sans conteste avec lelivre Soins infirmiers, théories et concepts, publié par RosettePoletti en 1978,95 que nous avons pu approfondir notre conceptiondes soins infirmiers.

Depuis, les théories et courants en soins infirmiers d’origineanglo-saxonne se sont multipliés. Ils sont tous fondés sur desconcepts identiques — l’homme, la santé, les soins, l’environne-ment dans lequel l’individu vit et qui s’impose à lui —, maisdivergent dans leur approche, dans les faits observés et dans leurspostulats. Actuellement, plusieurs écoles existent:

– l’école de «l’interaction» développée au départ par HildegardePeplau depuis 1952 reprise par Ida Orlando, Joséphine Paterson,Loretta Zderad;– l’école des «besoins fondamentaux» proposée par VirginiaHenderson à la suite des travaux réalisés avec son amie BerthaHarmer et à partir de 1955, celle des «auto-soins» de DorothyOrem, Faye Abdellah (1980);– l’école des «effets souhaités» de Lydia hall, Dorothy Johnson(1961), Myra Lévine (1967), Callista Roy (1971), Betti Neuman(1975);– l’école de «la promotion de la santé» par Moyra Allen (1963);– l’école de «l’être humain vécu comme un tout» proposée parMartha.E.Rogers (1970) Margareth Newman (1979), Rose-MariePiro-Parse (1980) et enfin celle du «Caring» introduite parMadeleine Leininger (1978) et Jean Watson (1979)96.Cette dernière, à laquelle semblent se raccrocher de nombreux

auteurs européens francophones, en avouant leur incapacité à traduirece concept en français, n’est certes pas nouvelle97. Tous ceux et cellesqui ont suivi les enseignements de Marie-Françoise Collière etd’Elisabeth Stussi à l’École internationale d’enseignement infirmiersupérieur de Lyon, avaient fait leur une conception des soins infir-miers dans laquelle certains facteurs fondamentaux de l’action «de

95. Poletti R. – Soins infirmiers théories et concepts. Collection «Infirmières d’aujourd’hui»,Paris, Le Centurion, 1978.96. Kerouac S. et coll. – La pensée infirmière, conceptions et stratégies. Paris, Maloine,1994.97. Hesbeen W. – Penser et agir dans une perspective soignante. Paris, Masson, 1998.

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prendre soin de l’autre» contenus dans le «caring»98 étaient déjàprésents.

Cette conception était basée elle aussi, notamment, sur unsystème de valeurs humanistes, sur la croyance et l’espoir en uneamélioration, sur une culture de l’empathie, sur une relation d’aideet de confiance, sur l’acceptation de l’expression des sentimentspositifs et négatifs, sur l’utilisation systématique de la méthodescientifique de résolution de problèmes dans la prise de décision et,par ailleurs, dans la reconnaissance de forces existentielles, phéno-ménologiques et spirituelles qui peuvent aider l’individu à«prendre soin de lui».

Ce sont toutes ces dimensions du soin qui furent enseignées àLyon, en privilégiant parallèlement l’étude des notions fondamen-tales de la santé de l’homme. Cette école d’enseignement infirmiersupérieur s’attacha à expliquer tout ce qui pouvait avoir des effetsnocifs sur la santé, et tout ce qui au contraire pouvait aider l’hommeà accroître son potentiel de santé. C’est ainsi que furent mises enévidence les notions non seulement relatives aux maladies, auxhandicaps qui peuvent affecter la santé des individus aux différentsâges de la vie, mais toutes celles, comme l’espace, le temps, l’envi-ronnement et la culture dans lesquels ils vivent, les stress qu’ilssubissent, les crises de leur vie, les deuils et les pertes qu’ils sontamenés à vivre, la conscience ou non qu’ils ont de leur propre mort,leurs possibilités ou non de communiquer avec autrui et leur modede communication le plus fréquent. Cet enseignement reposait aussiet surtout sur l’acquisition de connaissances en sciences humaines,en économie, en gestion, en droit et en administration, en sciencesde l’éducation, sans toutefois renier les connaissances biomédicaleslorsque cela était nécessaire. Il reposait aussi et surtout sur les liensqui pouvaient être faits entre toutes ces connaissances et les soinsinfirmiers.

Cette conception des soins infirmiers permit petit à petit au groupeprofessionnel de se doter de cadres ayant ces convictions en lamatière, et de mieux comprendre ce que la médecine psychosoma-tique et les sciences humaines pouvaient apporter dans cetteapproche humaniste «de prendre soin de l’autre». Nous découvrions,dans ces années-là, que la relation à l’autre dans les soins n’était passeulement verbale, mais aussi corporelle, et que l’individu soigné

98. Watson J. – Le caring. Philosophie et science des soins infirmiers. traduit de l’américainpar J. Bonnet, Paris, Éd. Seli-Arslan, 1997.

98 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

comme l’individu soignant avaient un corps et un sexe et que laquestion fondamentale de la sexualité, si elle n’avait jamais été priseen compte dans la genèse des problèmes de santé, devenait cepen-dant incontournable.99

Depuis, les soins aux personnes âgées, les soins aux maladesporteurs du sida, les soins palliatifs, les soins d’accompagnement enfin de vie, les soins intensifs et de réanimation, nous ont largementdémontré qu’il ne peut y avoir, dans la pratique professionnelle, dedichotomie entre «le corps et l’esprit», entre «la relation et la tech-nique», et que pour être un bon soignant il est nécessaire d’être unhabile et intelligent technicien, rompu à toutes les facettes de lacommunication et des relations humaines.

Qu’est devenu ce formidable levier qu’était cet enseignementunique et original dans la recherche d’un savoir nouveau pouvantéclairer et guider les pratiques soignantes? Comme nous l’avons vuplus haut, faute d’une volonté en haut lieu et de la profession elle-même, cet enseignement a disparu. Sa disparition aura sans doutecontribué au retard pris dans la recherche infirmière et notammentdans celle relative aux théories en soins infirmiers. Cela ne veut pasdire que des équipes sur le terrain ou en formation continue nesoient pas capables de s’engager dans des processus de recherche,mais quand elles le font, toutes dénoncent le manque de formation,de méthodes, de moyens humains et matériels auxquels elles sontconfrontées.

Ces théories de soins infirmiers anglo-saxonnes, hormis celle deVirginia Henderson, sont pour la plupart inconnues de l’infirmièrede base. Sans une nouvelle volonté de développer un enseignementsupérieur universitaire au cours duquel l’infirmière pourraitcomprendre en quoi la conceptualisation de son art peut être béné-fique à l’amélioration de sa pratique, à l’amélioration qu’elle peutapporter au patient, et à l’amélioration de la discipline médicale àlaquelle elle collabore, bien des années seront encore nécessairespour que nous dotions les soins infirmiers français de nos propresthéories et que nous puissions comme les pays du nord de l’Europe,parler de «science infirmière».

Depuis 1972 pourtant, les étudiants en soins infirmiers reçoiventdans leur formation de base une initiation à la «recherche en soins

99. Voir aussi à ce sujet: Marie-Françoise Collière. Promouvoir la vie. De la pratique desfemmes soignantes aux soins infirmiers. Notamment le passage sur le courant de revalorisa-tion de la relation soignant-soigné, pp. 163-170, Paris, Inter-Éditions, 1re édition, 1982.

DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU TRAVAIL… 99

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infirmiers» et doivent réaliser un travail de fin d’études. Ce dernierleur donne l’occasion, contrairement à toutes les générations précé-dentes, de porter un regard critique sur leur propre discipline, surles organisations ou autres problèmes de leur choix. Les étudiantscadres ont, depuis 1958, l’obligation de produire un «mémoire defin d’études». Pendant 30 ans, les étudiants formés à l’encadrementet à l’administration des services ou de l’enseignement à Lyon, ontrédigé un mémoire pour l’obtention de leur diplôme universitaireou de leur maîtrise. Depuis, dans les autres maîtrises qui se sontdéveloppées en région parisienne comme dans beaucoup d’autresen province, des travaux ont été également produits. Que devien-nent-ils? Pratiquement ignorés, ils dorment sur des rayons debibliothèque, alors qu’ils pourraient témoigner, s’ils étaientévalués, répertoriés dans des banques de données, de ce savoir infir-mier accumulé depuis tant d’années et qui témoigne de l’existenced’un art spécifique.

Favoriser le raisonnement diagnostique

Il aura fallu, là aussi, vingt ans pour que le concept de «diagnosticinfirmier» soit reconnu et officialisé dans les textes réglementantl’enseignement et l’exercice professionnels.100

Aujourd’hui, si les diagnostics infirmiers font partie intégrante del’enseignement infirmier, cette démarche est loin de faire l’unani-mité. D’aucuns craignent encore une fois qu’une liste dediagnostics préétablie enlève toute créativité, toute réflexion chezles infirmières auxquelles on donne à choisir le bon diagnostic«dans un catalogue de problèmes à résoudre». Cette dérive est sansaucun doute à craindre. Mais si, dans la pratique quotidienne, laréalisation de la démarche de soins infirmiers est faite, que lestransmissions entre équipes sont réalisées à l’aide d’informationsdites «ciblées» et que la formulation est bien adéquate à la pratiqueinfirmière, il y a des chances que l’ultime étape avant de se lancerdans l’action, c’est-à-dire l’établissement du diagnostic infirmier,ne soit pas faite au hasard.

100. Arrêté du 23 mars 1992 relatif au programme des études conduisant au diplôme d’état.Attesté dans le guide du service infirmier, Terminologie des soins infirmiers, BO n° 86-21bis, il était apparu dans le cours de soins infirmiers généraux et de santé publique dans lesannées soixante-dix.

100 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

Il faut ajouter, à cela, que donner un moyen supplémentaire auxinfirmiers, de mieux penser leur pratique, alors que la plupart dutemps ils sont débordés de tâches matérielles, représente pourl’avenir de leur discipline, un atout et non un handicap.101 Desurcroît, le travail remarquable entrepris par l’Association franco-phone européenne du diagnostic infirmier (AFEDI) encollaboration avec la North-american nursing diagnosis associa-tion (NANDA) pour l’adaptation et la validation des diagnosticsinfirmiers en France, me semble de nature à faire progresser laconnaissance dans ce domaine et à encourager les équipes às’emparer de cette conception plus rigoureuse, attentive à formulerla demande du patient en fonction de son état de santé et de sesréactions, et non pas seulement en fonction de sa maladie102.

101. Ce n’est pas le point de vue d’un certain nombre de professionnels et notamment deMichel Poisson, qui dans un mémoire pour l’obtention de la maitrise de sciences et techni-ques de gestion et animation des systèmes de formation (option formateur en soins) met enpièces ce concept de «diagnostic infirmier», in: Le pansement et la pensée, éléments deréflexion sur les conditions de possibilité d’une épistémologie des soins infirmiers, Paris,Université de Paris IX Dauphine, février 2000, pp. 19 à 40.102. ANADI – Diagnostics infirmiers. Définitions et classification, Masson, 2000,392 pages.

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Une réglementation de l’exerciceet de l’enseignement professionnels

en voie d’achèvement1981-1993

LES ÉTAPES ESSENTIELLESDANS LA RECONNAISSANCE SOCIALE

DE LA PROFESSION INFIRMIÈRE

Une vingtaine d’années: quatre approches évolutives de l’exerciceprofessionnel entrecoupées par un mouvement sans précédent dansl’histoire des infirmières, les grèves de 1988, caractérisent cettepériode.

Projetée en 1815, amorcée en 1923, officialisée en 1943-1946,modifiée en 1978, cette réglementation de la pratique infirmière va,au cours de ce siècle, servir de canevas pour déterminer le savoirprofessionnel nécessaire en référence à ces évolutions.

La loi de 1978 reconnaissait aux infirmières une fonction propre,autonome, une fonction dépendante du corps médical, et implicite-ment, une fonction interdépendante de ce dernier et des autresprofessions de santé. Elle venait changer complètement les donnéesdu problème. D’autant qu’au cours de la période précédente, lesinfirmiers(ères) en quête d’une spécificité avaient largementdémontré qu’ils l’avaient trouvée, à défaut peut-être de se l’êtrebien encore appropriée. Par ailleurs, le problème du reclassementdes personnes reconnues comme «auxiliaires» parce qu’ellesn’étaient pas titulaires d’un diplôme avait été largement réglé par lacréation du grade d’aide-soignant, mais venait singulièrement

102 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

compliquer les nouvelles données de l’organisation du travail.Depuis la mise en place du programme de 1971103, l’adjonctiondans les équipes de soins de ces personnels s’était opérée d’unemanière très anarchique. Cela s’était concrétisé par une confusiondes tâches dans l’application quotidienne des soins et ce, à tous lesniveaux. Il n’est pas inutile d’analyser de quelle manière et dansquel contexte cela s’était effectué.

Au cours des années précédentes, à la pénurie extrême despersonnels infirmiers s’ajoutait l’accroissement des actes purementmédicaux qui leur étaient confiés. Il s’était produit tout naturelle-ment un détournement de ces derniers de leur principale action: lessoins infirmiers de nature préventive, éducative et relationnelle, etdes soins de continuité et d’entretien de la vie, au moment où, para-doxalement, leur était proposée une autre alternative, celle de ladémarche de soins infirmiers. Devant ces difficultés, des solutionsdiverses avaient été proposées: le recours à des organismes detravail temporaire; la réduction d’activité de certaines unitésd’hospitalisation; la mise en place d’aides-soignants sans trop dediscernement et sans une étude approfondie de la place qui leurrevenait dans les soins infirmiers.

Une pénurie infirmière qui s’installe et repose la place d’un personnel auxiliaire de l’infirmière :

l’aide-soignante

Dans les hôpitaux publics, cette dernière solution avait été freinéepar le manque énorme d’agents de cette catégorie qualifiés et certi-fiés. Par contre, dans le secteur privé, cela contribua à apporter unesolution a bon marché. Partout où cela s’était produit, ce processusavait également contribué à favoriser la parcellisation des tâches,l’organisation des soins en série, le rejet en cascade sur les catégo-ries de travailleurs «en dessous de soi» des tâches jugées à tort«moins nobles» que constituaient les soins de continuité etd’entretien de la vie. Tout ceci eut pour conséquence d’accroître ladivision du travail et des travailleurs, créant un climat où les

103. Arrêté du 25 mai 1971 relatif au certificat d’aptitude d’aide-soignant dans les établisse-ments hospitaliers.

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communications entre les divers acteurs étaient impossibles, ouparfois seulement entre les différentes «strates» de personnel.

Les pouvoirs publics, les médecins, les administrations et lesinfirmiers eux-mêmes réclamaient ou prônaient cette solution, sansbien se rendre compte des effets favorables ou défavorables qu’ellepourrait révéler, à plus long terme, dans la recherche d’unemeilleure organisation des soins infirmiers.

Pour les pouvoirs publics, cette solution était nécessaire pour agirsur une pénurie de personnel infirmier qui ne faisait que s’aggraverd’année en année.

Pour les médecins, les hôpitaux pouvaient, de ce fait, continuerd’être le terrain idéal pour l’exercice de la médecine, de l’enseigne-ment et de la recherche; même si parfois les soignants ne possédaientpas toute la formation nécessaire. Sans vouloir faire le procès ducorps médical dans son entier, je crois toutefois que certains d’entreeux estimaient encore que la formation «sur le tas» et l’expériencefiniraient bien par pallier le manque de «savoir» initial nécessaire àchacun pour pouvoir porter utilement un jugement sur la situation desoin et adapter son action en toutes circonstances.

Les équipes de direction hospitalières, rivées à la lourde tâche derecherche de l’équilibre financier, trouvaient là, tout naturellement,la situation qui permettait de maintenir à un coût moins élevé lesressources humaines nécessaires à la demande de soins et de sauve-garder les effectifs infirmiers requis pour la mise en œuvre destechniques, des examens et des traitements de plus en plusnombreux.

Les infirmiers attelés à des tâches extrêmement contraignantes etsoumis à des conditions de travail souvent pénibles et difficilementcomparables à celles d’autres exercices professionnels, ne récla-maient qu’une solution: celle qui, enfin, permettrait de «boucherdes trous» et «d’apporter des bras». Il n’est donc pas étonnant quela mise en place de cette nouvelle fonction dans l’organigrammeinfirmier ait posé et pose encore bien des problèmes.

Néanmoins, les textes réglementaires définissant les fonctions desuns et des autres, les réformes successives des études pour les aides-soignant(e)s, comme pour les infirmières ayant chaque fois adaptéles compétences à acquérir, les travaux d’amélioration de l’organisa-tion du travail devraient permettre, lorsque les effectifs sontsuffisants, de les faire travailler en équipe. Sans une volontécommune de partager la tâche que seule l’infirmière ne peut assumer,irons-nous, alors, vers une scission dans les soins infirmiers? Les

104 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

infirmiers(ères) continueront-ils à se décharger sur les aides-soignants et sans état d’âme d’un certain nombre d’actes qui consti-tuent la base essentielle des soins infirmiers, tout comme lesmédecins ont abandonné sans discernement aucun, aux infirmières,des actes médicaux qui sont devenus aujourd’hui dans la pratique desactes de soins infirmiers? Les aides-soignants deviendront-ils des«auxiliaires du malade» ou resteront-ils les «auxiliaires del’infirmière»?

L’ensemble de la profession n’est toujours pas au clair sur la placeà faire aux aides-soignants, qui ne peuvent exercer que «sous laresponsabilité et le contrôle des infirmiers diplômés d’État». Lesaides-soignants, depuis plusieurs années, sous la pression de leursassociations et des syndicats, réclament une «autonomie de fonc-tionnement» et «des compétences propres». Dans le cadre strict del’organisation scientifique du travail et de la satisfaction rencontréedans l’exercice d’une fonction, ces revendications sont légitimes.Pour l’unité de la discipline des soins infirmiers, cela est moinsconcevable. La solution à ce dilemme ne réside pas dans la créationde deux fonctions distinctes, mais dans la revalorisation «des soinsde continuité et d’entretien de la vie», dans la reconnaissance quecette fonction de base est essentielle. Cela nécessite aussi de prendreen compte au quotidien la place des aides-soignants dans leséquipes, et que le service que rendent les personnes qui assurent cesfonctions «ingrates» pour certains, soit mieux organisé, considéré,et mieux rémunéré. De toute manière, créer une nouvelle fonction,un nouveau métier, une nouvelle profession pour assurer «ces soinsquotidiens, difficiles, astreignants», ne résoudra jamais cette gravequestion. Ce serait aller à l’encontre de l’unicité de la personne et dela réponse à lui apporter. Ce serait nier la construction d’une disci-pline qui, depuis deux siècles, accompagne l’art de guérir, et qui amis autant de temps à faire reconnaître la place irremplaçable qu’elledétient dans le monde de la santé et qui a pu obtenir depuis peuseulement, la reconnaissance sociale qu’elle méritait.

1968-1988 un malaise qui s’aggrave et engendre révolte et revendications infirmières

Les générations d’après-guerre eurent le mérite de s’engager dans lareconstruction intellectuelle de leur art, dans l’amélioration des

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pratiques et du savoir en référence, mais bien peu avaient su, avaientpu prendre à bras le corps les revendications d’un nouveau statutsocial et des revendications salariales. Il est vrai que, commeaujourd’hui, la syndicalisation du milieu infirmier était faible. Lemilitantisme infirmier était surtout associatif, et l’héritage caritatifdes milieux d’obédience chrétienne pesait encore lourd sur les cons-ciences. Il aura fallu mai 1968, pour que les mentalités de «lafemme infirmière au travail» changent. Cadre infirmier, responsabled’une unité de neurochirurgie à cette époque, j’ai pu constater leschangements qui s’opéraient chez les infirmières pour appréhenderl’action revendicative devant la réalité qui s’imposait à elles. Nousavions vécu précédemment des mouvements revendicatifs, jamaisjusqu’à ce jour, les infirmières avec qui je travaillais ne s’étaientdonnées le droit aussi massivement, «d’abandonner les malades»,tout en organisant la présence minimum de sécurité nécessaire. Pourque cela s’opère, il aura fallu mai 1968 certes, mais aussi la criseéconomique des décennies précédentes, qui eut également dans lemilieu infirmier des répercussions non négligeables.

Le nouveau statut social de l’infirmière

À la prise de conscience de la place qu’elles détenaient dans lemonde du travail, comme les autres professions de santé ou lesautres travailleurs de l’hôpital, s’ajoutait le fait que «la femmeinfirmière» avait changé totalement de statut. En effet, si dans lapremière moitié du siècle, le statut que lui reconnaissait la sociétéétait celui, comme elle le dénonça plus tard, de «bonne ou denonne», le statut ou les statuts qui s’imposaient à elles étaient tout àfait différents. La place de la femme dans le monde du travail avaitchangé, bien que les problèmes de discrimination salariale entrehommes et femmes ne soient pas encore résolus. De célibatairepour la plupart, considérée comme une «sainte laïque», l’infirmièreétait désormais mariée ou vivait en couple (ce qui lui était interditau début du siècle), elle était mère de famille et elle exerçait uneprofession que la réglementation affirmait de plus en plus. De plusle rôle de la femme dans la société ayant été fondamentalementchangé avec la loi sur l’interruption volontaire de grossesse etl’emploi de la pilule contraceptive, rien d’étonnant alors que cetteprofession à dominante féminine ne se soit pas sentie davantageconcernée.

106 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

Une autonomie partielle reconnue,un droit d’initiative et de mise en œuvre

d’une discipline reconnue, une responsabilité accrue

On sait maintenant comment les deux textes fondamentaux, les lois de1978 et de 1980 avaient fourni l’occasion de rénover le statut de laprofession infirmière. Deux autres textes, l’un relatif à la déontologie,l’autre relatif aux actes professionnels infirmiers, avaient aussi faitl’objet d’études entre les représentants de la profession et du ministère.

L’un comme l’autre donnaient une définition des soins infir-miers, de la fonction infirmière, en reconnaissant à l’infirmière «lacapacité d’analyse, d’organisation, de dispense et d’évaluation deson action, et définissaient les soins infirmiers à accomplir dans lecadre du rôle propre, ou sur prescription médicale.» Par ailleurs,tous les domaines d’extension de la profession infirmière que lessituations de soin nouvelles avaient créés depuis la fin du deuxièmegrand conflit mondial étaient pris en compte. La contribution à laprévention et à l’éducation en matière d’hygiène individuelle etcollective; la participation aux campagnes d’éducation pour lasanté et notamment l’éducation sexuelle; la participation auxrecherches en matière d’ergonomie, d’hygiène et de sécurité; audépistage des handicaps ou anomalies du squelette, des organes dessens, du comportement, ainsi qu’au dépistage des maladies profes-sionnelles ou endémiques; la collaboration avec les autres membresde professions sanitaires et sociales afin que leurs interventionssoient coordonnées et enfin le développement de la recherche ensoins infirmiers. Tout un programme de santé publique qui allait deconcert avec la formation nouvelle qui, depuis dix ans déjà, étaitdonnée aux étudiants infirmiers et en harmonie avec le deuxièmevolet de la définition de l’exercice professionnel de 1978.

«La fonction infirmière comprend en outre différentes actionsconcernant l’éducation, la formation, l’encadrement et la préven-tion en matière de santé et d’hygiène ainsi que l’application et lapromotion des mesures de lutte contre l’infection».

Le premier décret relatif à l’exercice de la profession et aux actes de soins infirmiers, un acte juridique sans précédent

Un seul document, sous la forme d’un décret, verra le jour, le12 mai 1981; celui définissant les soins infirmiers, le rôle propre et

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les actes pouvant être désormais réalisés, soit sur la propre initiativedes infirmiers, soit sur prescription médicale. Le texte sur les«règles professionnelles», pourtant prêt lui aussi, fit les frais del’alternance politique qui venait de sortir des urnes et fut sagementrangé dans les tiroirs du ministère. C’était, pour les infirmiers fran-çais, une grande première. Pour la première fois de leur existence,pour une part de leur activité et légalement, ils échappaient au statut«d’auxiliaire médical». Ce texte (sorti à la hâte par le pouvoir enplace avant qu’il ne soit remplacé et qui omit de le présenter enConseil d’État), fut immédiatement contesté par les médecinsbiologistes qui ne souhaitaient pas que les infirmiers soient auto-risés à faire des prélèvements sanguins et qui déposèrent unrecours, pour vice de forme, en Conseil d’État. En avril 1984,quand ce recours fut dévoilé par la presse, ce fut la consternation.La réaction ne se fit pas attendre. La mobilisation des personnelscomme des étudiants, le travail des syndicats et associations obtin-rent satisfaction pour que «le vide juridique» ainsi créé soit réparé,et le 17 juillet 1984, un nouveau décret relatif aux actes de soinsinfirmiers vit à nouveau le jour. Qu’ont apporté ces deux décrets104

dans la reconnaissance des pratiques et du savoir infirmiers?

Une définition des soins infirmiers

La définition nouvelle des soins infirmiers était claire. Les soinsinfirmiers s’entendent d’actions ayant pour objet de contribuer:«Aux méthodes de diagnostic, à l’application et à la surveillancedes thérapeutiques et aux soins de réparation; à protéger, main-tenir, restaurer et promouvoir la santé ou l’autonomie desfonctions vitales des personnes; à soulager la souffrance et àassister les personnes dans les derniers instants de leur vie. Cesactions peuvent être de nature technique, relationnelle ou éduca-tive. Les soins infirmiers sont dispensés en prenant en compte lesdonnées physiques, psychologiques et socioculturelles de lapersonne soignée».

Celle du rôle propre ne l’était pas moins: «Relèvent du rôlepropre les soins de continuité et d’entretien de la vie et destinés à

104. Décret n° 81-539 du 12 mai 1981, relatif à l’exercice de la profession d’infirmier.Décret n° 84-689 du 17 juillet 1984 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de laprofession d’infirmier.

108 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminu-tion d’autonomie de la personne».

L’autonomie partielle reconnue à l’infirmier(ère) et sa responsa-bilité ne faisaient plus aucun doute; «l’infirmier a l’initiative de cessoins, en organise la mise en œuvre» et en milieu hospitalier,«l’infirmier peut sous sa responsabilité, les assurer avec la colla-boration d’aides-soignants qu’il encadre».

La manière d’organiser son travail lui était aussi reconnue formel-lement à partir de 1984: «l’élaboration et la gestion du dossier desoins infirmiers» faisaient intégralement partie du rôle propre.

Même si toutes ces nouvelles données eurent du mal à entrer dansles mœurs de la profession, les équipes enseignantes s’en emparèrent,les cadres infirmiers dans de nombreuses institutions essayèrent de lesfaire reconnaître en fait et de les faire vivre. Elles pesèrent de leurpoids dans la genèse du mouvement revendicatif d’un nouveau statutsocial de l’infirmière en 1988. Par ailleurs, ces textes démontraientque, outre ces soins de continuité et d’entretien de la vie que l’infir-mier(ère) devait réaliser (et qui confirmaient la reconnaissance de leurpropre art), ils mettaient aussi en exergue le caractère de technicitégrandissante de son action sur prescription médicale, en collaborationétroite avec le corps médical. Tout ceci contribua à la révolte et auxrevendications salariales et de reconnaissance d’un nouveau statutsocial par les infirmières de la «génération Mitterrand», qui, si elle futreconnue par ce dernier, fut bien malmenée par le Premier ministreMichel Rocard et le ministre de la Santé Claude Evin, qui ne compri-rent en rien les fondements même d’une telle révolte.

Pour ces jeunes, la réalité intrinsèque de leurs revendicationsn’était peut être pas aussi claire dans leur esprit, mais les auteurs de«l’histoire de leur mouvement», résument assez bien la doubleréalité: ne pas brader les acquis de deux siècles dans la pratiqueinfirmière plus fondée sur le modèle «biomédical» que dansd’autres pays; mais ne pas refuser non plus, à l’instar de la profes-sion infirmière dans certains pays du nord de l’Europe, que«certaines, après des études universitaires, obtiennent un diplômede docteur en soins, qui les autorise à faire un premier diagnostic età prescrire dans les limites de leur champ professionnel, comme lessages-femmes françaises»105.

105. Schachtel M., Rebours A. – Ras la seringue. Histoire d’un mouvement. Paris, Lamarrre-Poinat, 1989.Collectif – Les infirmières et leur coordination. 1988-1989. Paris, Lamarre, 1992.

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Nous assistions pour la première fois de leur histoire à la nais-sance d’une nouvelle revendication, celle d’un droit limité àprescription. Une revendication qui ne sera pas prête à êtreentendue, comme nous le verrons plus loin.

9

Harmoniser définitivementles formations infirmières

avec l’Europe

LA FORMATION À LA POLYVALENCEDANS LES SOINS INFIRMIERS : 1992

L’échéance de 1993 donnée par l’Europe étant proche, leprogramme d’études conduisant au diplôme d’État devait subir ànouveau quelques aménagements. Dans sa durée, tout d’abord.Depuis 1979 pour satisfaire aux exigences européennes, il étaitpassé à 33 mois, dans l’attente d’une durée totale de 36 mois. Cespaliers, 28 mois en 1972, 33 mois en 1979, avaient été adoptés pourfaire face aux problèmes de pénurie, qu’un passage brutal à 3 ans deformation aurait nettement aggravée, et pour préparer progressive-ment la fusion des deux formations. Avec l’adoption du programmede 1979, la formation en soins généraux et la formation de secteurpsychiatrique comportaient une année «identique», et non pascommune. Ce rapprochement des deux formations avait suscité depart et d’autre bien des oppositions. Mais à terme il était inéluc-table. Pour y parvenir, depuis un certain nombre d’années desorganismes avaient travaillé a ce projet: la Fédération hospitalièrede France, le Comité d’entente des écoles d’infirmières et cadres(CEEIEC), le Comité d’entente des formations infirmières en santémentale (CEFISM). Les différentes propositions n’emportèrent pasl’adhésion, ni des uns ni des autres. Le ministère fit travailler alorsun certain nombre de groupes, réalisa une synthèse de ces travauxqui fut proposée aux écoles, pour consultation, vers le milieu dumois de décembre 1991.

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Un diplôme unique pour la formation infirmière comme dans toute l’Europe

Le programme et les conditions de sa mise en œuvre firent l’objetde la publication d’un nouveau décret et de deux arrêtés au mois demars 1992.106. Enfin, la France se dotait d’un diplôme unique, danslequel l’apprentissage du métier de soigner les hommes ne feraitplus la distinction entre le somatique et le psychique, entre la tech-nique et la relation. La formation passait à trente-six mois pour tenircompte des apports indispensables à donner en santé mentale dansce nouveau programme. Il suscita de nombreuses réactions. Lesinfirmiers de secteur psychiatrique dénonçant le «trop peu» deconnaissances en soins infirmiers de secteur psychiatrique, les infir-miers en soins généraux craignant la cohabitation avec les «psy».Le postulat de ce programme annonçait clairement la «polyva-lence» à laquelle les étudiants en soins infirmiers devaient aboutir.

De l’école d’infirmière à l’institut de formation en soins infirmiers, signe avant-coureur d’une question récurrente:le passage des formations infirmières à l’université

Ce texte attestait pour la première fois, la terminologie «étudiant»et non plus «élève», et transformait les écoles d’infirmières en«centre de formation en soins infirmiers». Quelques mois plus tard,en juin 1992, Bernard Kouchner, secrétaire d’État à la santé, offi-cialisait par décret la terminologie nouvelle «d’institut de formationen soins infirmiers107». Outre ces changements qui marquaient bienl’évolution faite, de nombreux textes entre 1992108 et 1999, tinrentcompte des vives réactions du milieu psychiatrique.

106. Décret n° 92-264 du 23 mars 1992 modifiant le décret n° 81-306 du 2 avril 1981modifié relatif aux études conduisant au diplôme d’État d’infirmier et d’infirmière. (JO25 mars 1992) (BO MASI 92/13).Arrêté du 23 mars 1992 relatif au programme des études conduisant au diplôme d’Étatd’infirmier.Arrêté du 23 mars 1992 relatif aux conditions d’admission dans les centres de formation ensoins infirmiers préparant au diplôme d’État d’infirmier.107. Décret n° 92-510 du 5 juin 1992, modifiant le décret n° 81-306 du 2 avril 1981 relatifaux études conduisant au diplôme d’État d’infirmier.108. Voir à ce sujet: Martine Goffi, Liliane Regent, Banque de données, 100 ans de forma-tion infirmière. Paris, Éditions Hospitalières, 1996.

112 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

La grogne des infirmiers de secteur psychiatrique

Devant les revendications de ces derniers, les erreurs commises dansles solutions adoptées, les jugements apportés montrent à quel point leproblème était complexe et difficile à résoudre. Il est vrai que, seule-ment au début du siècle, où il y eut quelques velléités à ce que laformation soit commune aux «infirmières» et «aux gardiensd’asile», ces derniers restèrent, comme leurs malades, «enfermésdans l’asile», puis dans les hôpitaux psychiatriques. Ainsi se déve-loppa une culture professionnelle propre à ce milieu, où la relationsoignant-soigné était le fondement même de l’acte de soin qui appa-raissait comme spécifique à l’exercice de l’infirmier psychiatrique, etqui trouva de vrais prolongements avec la sectorisation psychiatrique.C’était quand même sous-estimer les efforts faits depuis les annéessoixante pour que cela devienne une réalité dans la pratique des infir-mières en soins généraux. Ce n’est pas pour autant que les techniquesde soins ne firent pas leur entrée dans les soins aux malades mentaux.Mais les infirmiers(ères) en soins généraux, «pauvres en apprentis-sage de la relation soignant-soigné» d’après les infirmiers de secteurpsychiatrique, reprochaient à leur tour à ceux-ci leur «formationinsuffisante en techniques de soins». Dans ces affirmations il y avaitchez les uns et les autres, sans doute, quelque chose de vrai, mais laréglementation dictée par les directives européennes ne pouvaitadmettre ces particularités qui, à mon sens, étaient préjudiciables auxuns comme aux autres dans leur totale incompréhension réciproque etdans la manière d’appréhender les soins infirmiers. Après bien despéripéties, une longue bataille juridique menée âprement par les infir-miers de secteur psychiatrique pour s’élever contre la disparition deleur spécificité aboutissait, fin 1999, à ce que le diplôme détenu parles infirmiers de secteur psychiatrique soit reconnu comme undiplôme d’État d’infirmier de secteur psychiatrique109, ouvrant la voieà la demande d’une spécialisation en psychiatrie et en santé mentale.

L’infirmière polyvalente

Mais les étudiants qui se préparent à devenir les générations d’infir-miers et d’infirmières du troisième millénaire auront donc en poche un

109. Article 37, de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création de la couverturemaladie universelle.Voir aussi au sujet de la formation des infirmiers de secteur psychiatrique, pages: 43, 63, 163 et164.

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diplôme d’État unique. Ce dernier doit, théoriquement, les amener à lapolyvalence. Ce terme de «polyvalence» veut dire qu’ils sont désor-mais, «des infirmiers généralistes» préparés en formation de base auxsoins infirmiers hospitaliers ou à domicile; mais aussi, qu’ils sontpréparés aux soins infirmiers de santé publique ou de santé mentale. Ceconcept de polyvalence, qui n’est certes pas nouveau — il fut employédans les années trente110 — veut dire aussi qu’ils sont préparés pourassurer les multiples facettes des soins infirmiers, c’est-à-dire:

– la prévention;– l’information, l’éducation;– la formulation d’un diagnostic infirmier sur la situation de soinsdu patient;– la mise en œuvre d’actes ou d’actions de soins infirmiers laparticipation au diagnostic médical;– l’exécution, la surveillance des traitements et examens;– la participation à des techniques médicales;– la participation à des actions de santé publique;– la participation à l’encadrement des personnels auxiliaires et àla recherche dans le domaine des soins infirmiers.De plus, ce diplôme leur permet également de travailler dans tous

les autres pays de l’Union européenne, sans autre condition que defaire la preuve qu’ils peuvent s’exprimer dans la langue du pays oùils ont choisi de s’installer.

Ce programme intègre nettement les évolutions qui se sont faiteset les dimensions nouvelles apportées par la réglementation de1978, 1981, 1984 et 1993 en ce qui concerne la définition de l’exer-cice professionnel, les actes et actions de soins que comportent lessoins infirmiers. Il est aussi en harmonie avec les conclusions de laConférence de Vienne de 1988.111

Les changements importants portent sur la même acquisition de baseen santé mentale pour tous les infirmiers, sur l’importance accordéedésormais au champ de la santé publique, aux soins infirmiers pour lespersonnes âgées et sur la capacité d’adaptation aux situations nouvellesà acquérir, et sur le suivi de l’étudiant(e) tout au long de son cursus.

Les problèmes sanitaires et sociaux de notre époque et notam-ment: le sida, la recrudescence de la tuberculose associés aux

110. Lire à ce sujet l’article: René Magnon. Infirmier polyvalent… soixante ans déjà! In:Objectif Soins, n° 27, octobre 1994.111. Voir page 150.

114 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

symptômes d’une société malade, qui engendre nombre de toxico-manes, d’exclus, de marginaux, de chômeurs et de sans domicilefixe, «ces nouveaux pauvres», et le vieillissement de la populationsont des exemples frappants du contexte de santé publique auquelsont confrontés les personnels infirmiers d’aujourd’hui, et auxquelsce nouveau programme doit préparer les futurs professionnels.

On se rend compte aisément aujourd’hui combien il était urgent etnécessaire de faire faire aux personnels infirmiers ce cheminementvers plus d’autonomie, de responsabilité, et de donner à chacun lacapacité de s’adapter aux situations de soins dans lesquelles il choisirade se rendre utile. Il faut admettre, toutefois, que cette polyvalence nerend pas apte immédiatement tous les étudiants à exercer avec «exper-tise»112 les soins infirmiers en santé mentale, en médecine interne, enréanimation, en neurochirurgie, en chirurgie cardiaque, en soins infir-miers de santé publique… Certes, non! Mais il faut bien admettreaussi que ce n’est pas nouveau, et que de posséder un diplôme d’Étattout neuf ne nous rendait pas automatiquement, nous non plus, aptes àaffronter toutes les situations. La formation professionnelle continueest aujourd’hui suffisamment développée pour apporter à ceux qui enont besoin les capacités, les compétences et le savoir nécessaires pouraméliorer leur pratique professionnelle113. Il ne faut pas oublier nonplus que le règlement déontologique, dont nous parlerons plus loin,fait obligation à toute infirmière, en son article 10, «d’actualiser et deperfectionner ses connaissances professionnelles». Elle a le devoirégalement «de ne pas utiliser des techniques nouvelles de soins infir-miers qui feraient courir au patient un risque injustifié». Noussommes loin, bien sûr, des dispositions prévues par l’Ordre nationaldes infirmières du Québec, qui fait obligation à chaque infirmière,pour être inscrite, d’apporter la preuve, tous les cinq ans, d’une actua-lisation de ses connaissances. Une compétence professionnelle sanscesse actualisée, voilà le fer de lance des revendications infirmièresqui, en 1997, firent suite aux nouveaux textes professionnels publiésen 1993114 régissant les domaines de compétence, les garanties

112. Lire à ce sujet: Patricia Benner. De novice à expert, excellence en soins infirmiers.Paris, InterÉditions, 1995.113. Voir pages 67 et 68.114. Loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé etl’assurance maladie.Décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers etinfirmières.Décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profes-sion d’infirmier.

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offertes aux patients par la publication de règles professionnelles, etvenant ainsi parachever le long et lent processus de réglementation dela profession infirmière.

PARACHEVER LE DISPOSITIFDE RECONNAISSANCE SOCIALE

Un nouveau savoir, de nouvelles compétences à acquérir, une poly-valence dans l’exercice professionnel, voilà ce qu’offrait depuis1992 le programme des études conduisant au diplôme d’État. Ilétait donc utile, après les mouvements infirmiers de 1988, de 1991,que les pouvoirs publics se préoccupent de toutes ces questions etparachèvent enfin le cadre réglementaire de l’exercice profes-sionnel infirmier.

Réforme hospitalière de 1991 : reconnaissanced’une direction et d’un service de soins infirmiers

Après la réforme des établissements hospitaliers publics et privésqui reconnaissait enfin une spécificité aux infirmières et qui valori-sait leur discipline: les soins infirmiers; qui créait une nouvelledirection au sein des administrations hospitalières: la direction duservice de soins infirmiers; qui mettait en place à côté de lacommission médicale d’établissement, une commission du servicede soins infirmiers, on aboutissait enfin à une reconnaissancesociale de ce corps professionnel.

Avec l’évolution des statuts des personnels de santé de la fonctionpublique hospitalière dits «paramédicaux», commencée dans lesannées 1970, il était prévisible que cette nouvelle situation faite auxinfirmières donne des idées à tous les autres partenaires de la santé.

En effet depuis, un nouveau statut de directeur des soins a étéadopté, accordé aux filières infirmières, de rééducation et médico-technique. Si celui-ci a eu des effets positifs en matière de rémuné-ration, il n’est pas certain que les professionnels de chaque filière yont gagné en spécificité.

Suite à la publication, le 2 mai 2005, de l’ordonnance sur la nouvellegouvernance hospitalière, cette commission du service de soinsinfirmiers, arrachée de longue lutte par les infirmiers et infirmières en

116 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

1991, a été transformée en décembre 2005 en une commission dessoins infirmiers, de rééducation et médico-techniques115.

Il est à craindre désormais, suite à cette globalisation desproblèmes de soins et au recentrage des pouvoirs au sein d’unconseil exécutif composé à parité de médecins et d’administratifs,dans lequel les soignants ne sont pas représentés, que les personnelsinfirmiers aient encore à se battre pour faire la preuve de la placequ’ils occupent dans le monde de la santé.

Chacun sait que celle dont bénéficient les grands corps, les méde-cins, les avocats, les architectes, par exemple, est basée sur les étudessupérieures et universitaires qu’ils doivent accomplir, sur lesdiplômes qu’ils doivent obtenir, sur le service qu’ils rendent à lapopulation, sur sa qualité et sur ce que cette même population attendd’un médecin, d’un avocat, d’un architecte. Or, jusqu’à cette mani-festation massive des infirmières en 1988, démontrant à la populationque le service qu’ils leur rendaient était différent, mais complémen-taire de ce qu’elle attendait de la médecine, les choses ont bienchangé. Mais, voilà! Une profession qui pendant deux siècles a étéconsidérée comme «auxiliaire médicale», ou plus récemmentcomme «paramédicale», peut-elle, du seul fait d’avoir bousculél’ordre établi, et malgré son importance numérique, se prévaloird’une même reconnaissance sociale? Les sociologues des profes-sions vous diront non! Et pourtant, tout porte à croire que laprofession infirmière, au terme d’une longue et difficile gestation, ahérité au cours de ce siècle de tous les attributs qui lui confèrent ledroit d’être une profession à part entière. C’est-à-dire: une loi régis-sant son exercice et lui conférant une certaine autonomie et le droitd’initiative (à défaut encore du droit à certaines prescriptions); desdécrets d’application successifs réglementant les actes professionnelsautorisés; une législation qui permet à tout gouvernement de droite,de gauche ou du centre qui s’en donnera les moyens d’instaurer unejuridiction de type ordinal; et enfin un code de déontologie.

Des règles professionnelles comme code de déontologie

Désormais et en attendant mieux, le texte de loi de 1980 instaurant desCommissions de discipline régionale et nationale, qui n’ont toujourspas été mises en place, le décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif

115. Décret n° 205-1656 du 26 décembre 2005.

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aux règles professionnelles et le décret n° 2002-194 du 11 février 2002relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infir-mier, représentent désormais le dernier dispositif juridique en date116.

Les règles professionnelles définissent la conception générale desactes de soins infirmiers et interventions infirmières qui concernentaussi bien les usagers que les infirmiers. Mais seuls ces dernierssont visés par ce règlement.

Ces deux textes sont indissociables, dans leur lecture et dansleur application. Le premier comporte 48 articles répartis enquatre titres. Le titre I, qui énonce des dispositions communes àtous les modes d’exercice. Le titre II, relatif aux règles applica-bles aux infirmiers libéraux. Le titre III, pour les infirmierssalariés, et un titre IV qui comporte des dispositions diverses. Cesdifférents titres rappellent les devoirs et les obligations des infir-mières, les droits du patient, l’obligation de qualité du soin, lesprincipes de moralité et de dignité de la profession. Ces règless’imposent à tous quels que soient le mode et le lieu d’exercice.Ce texte les rend personnellement responsables de leurs propresactes, de ceux qui leur sont prescrits et de ceux qu’ils exercent encollaboration avec les aides-soignants et les étudiants en soinsinfirmiers. Il leur donne aussi l’initiative d’établir un dossier desoins infirmiers pour chaque patient et leur fait obligation derespecter et d’appliquer la prescription médicale qui doit être obli-gatoirement datée et signée par le médecin. Ils doivent égalementdemander, chaque fois qu’ils l’estiment indispensable, descompléments d’information, notamment s’ils jugent qu’ils sontinsuffisamment éclairés sur la prescription ou l’ordre. Enfin, ilfait obligation à chaque cadre infirmier de veiller à la bonneexécution des actes de soins infirmiers par les personnes placéessous son autorité. Nous voyons ainsi que nous nous sommes éloi-gnés désormais d’une simple fonction d’auxiliaire médical et quemédecins et infirmières doivent avoir une préoccupation perma-nente: leurs responsabilités respectives vis-à-vis des patients. Ledroit leur impute des interventions propres et spécifiques; laréalité quotidienne leur impose des modes de fonctionnementdifférents que ceux qu’ils pouvaient avoir au milieu du XXe siècle,et des changements de mentalité, en terme de droit, notables. 117

116. Voir aussi pages 118, 119 et 120.117. Florin M.-P. – Moussa Tony. Les obligations et la responsabilité juridique de l’infir-mière. Paris, Bayard édition, 1992.Devers G. – La responsabilité infirmière. Paris, Éditions Eska, 1998.

118 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

Une responsabilité nouvelle, mais complexe

En exécutant des actes de soins infirmiers ou des protocoles prééta-blis sur prescription médicale, comme le prévoient certains articlesdu décret relatif aux actes de soins infirmiers et des règles profes-sionnelles, les infirmiers participent à l’acte médical, à sondiagnostic, à la surveillance des patients, des traitements et desexamens. Ils demeurent dans ce cas sous la responsabilité médicaleet ne peuvent pas confier ces soins aux aides-soignants. En adoptantune démarche propre, et en prenant l’initiative de certains actes desoins infirmiers qu’ils peuvent mettre en œuvre sans prescriptionmédicale (hors le champ de l’exercice libéral, si ces soins doiventêtre remboursés), les infirmières peuvent poser leur diagnostic surla situation de soins, proposer leurs objectifs, les délais pour lesatteindre, programmer et mettre en œuvre les actes de soins infir-miers qu’elles jugent utiles et les évaluer. Ces soins, qui font l’objetd’un article particulier dans ce même décret, peuvent être confiésaux aides-soignants ou aux auxiliaires de puériculture dans la limitede leur compétence et de leur formation. Mais, dans la pratiquequotidienne, se crée aussi une troisième situation: celle où lesproblèmes de santé liés à la maladie sont étroitement mêlés à ceuxque manifestent en réaction les personnes soignées. Dans ce cas,l’infirmière peut être amenée à mettre en œuvre des soins prescritset conseillés et des soins infirmiers du rôle propre.

Les soins posant de plus en plus de questions complexes, éthi-ques et juridiques et la situation professionnelle des infirmiers ayantfondamentalement évolué, il était devenu inéluctable que le législa-teur s’en préoccupe et définisse un peu mieux le cadreréglementaire applicable aux uns et aux autres.

Aujourd’hui la loi n˚ 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droitsdes malades et à la qualité du système de santé instaure une véri-table «démocratie sanitaire». Elle renforce les droits fondamentauxde la personne, l’information et le consentement des usagers, laparticipation du patient aux choix thérapeutiques et son accès audossier médical. Ce texte fondamental redéfinit certaines dimen-sions de l’organisation du système de santé, de la responsabilité etde la compétence des professionnels de santé et organise la placedes usagers. Jugé comme «révolutionnaire», il consacre en droitune vraie rupture dans ce qui était considéré jusqu’à ce jour duressort unique du médecin dans le colloque singulier qu’il instauraitavec «son malade».

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Le décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession infirmièreet le Code de la Santé publique

Les engagements pris lors des accords Durieux qui scellèrent lesmouvements infirmiers, mettaient les pouvoirs publics en demeurede réactualiser le décret relatif aux actes de soins infirmiers de 1993dans les trois ans. Cela n’ayant pas été fait, une forte mobilisationdes associations, notamment en 1997, a conduit à plusieurs tenta-tives de révision de ce texte. Le nouveau, celui du 11 février 2002sorti d’une concertation avec les seules organisations syndicales ceque dénoncèrent d’ailleurs toutes les grandes associations profes-sionnelles qui, au cours de ce siècle, ont toujours été mêlées de prèsaux évolutions importantes, apporte quelques modifications deforme et de fond qui affirment la situation de responsabilité profes-sionnelle des infirmières et leur discipline: les soins infirmiers. Eneffet, ce texte définit l’exercice et non plus la seule fonction desinfirmières. Le rôle propre est mieux défini et ouvre considérable-ment le champ de l’exercice professionnel infirmier.

«Dans le cadre du rôle propre l’infirmier a compétence pourprendre les initiatives et accomplir les soins qu’il juge nécessairesconformément aux dispositions suivantes: identifier les risques,assurer l’information, le confort et la sécurité de la personne encomprenant en tant que de besoin, son éducation et celle de sonentourage…». Les actes de soins infirmiers du rôle propre ne fontplus l’objet d’une liste limitative, mais d’une série de soins quel’infirmière peut mettre en œuvre de sa propre initiative. Ainsi, uneplus grande autonomie et plus de créativité sont laissées aux infir-mières pour répondre à la demande des patients. Il est certain quecela leur offre également une plus grande responsabilité, dont ellesdevront apprécier sérieusement les conséquences, lors de touteintervention. Depuis juillet 2004, tous les textes relatifs à l’exercicede la profession infirmière sont inscrits au Code de la Santépublique, ce qui leur confère un caractère juridique plus affirmé118.

Mais si le problème des actes que peuvent réaliser les infirmièresest plus clairement posé, si un code de déontologie applicable àtous existe, demeure aujourd’hui encore l’absence d’une juridic-

118. Code de la Santé publique. Livre III. Auxiliaires médicaux, titre 1er. Profession d’infir-mier ou d’infirmière, chapitre 1er. Exercice de la profession, section 1 Annexe au décretn° 2004-802 du 29 juillet 2004.

120 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

tion professionnelle apte à apprécier les éventuels manquements àcette discipline professionnelle. Durant ces dernières années, lesassociations professionnelles n’ont pas manqué de relancer ledébat de la création d’un ordre national infirmier. Durant l’année1997, de très nombreuses interventions des parlementaires et dessénateurs ont reposé cette question au gouvernement. Des rencon-tres avec les organisations syndicales ont abouti à un refus d’un telorganisme. Fin 1998, malgré la présentation de pas moins de5 projets de création d’un ordre national infirmier, du rappel, par leConseil d’État, que la loi de juillet 1980 instaurant des juridictionsde type ordinal n’était toujours pas appliquée, le parlement arepoussé le dernier texte de projet de loi déposé par le député Jean-Luc Préhel.119

Il en a été de même en 2006. Pourtant, à l’initiative du Grouped’intérêt professionnel en soins infirmiers (Gipsi), la mobilisationen faveur de la création d’une instance ordinale n’a pas faibli depuis1998. Mais un nouveau projet de loi supporté par une quarantained’associations et syndicats professionnels a encore une fois étérejeté par les parlementaires, le 26 janvier 2006120. Cet ordre infir-mier rejeté également par les centrales syndicales de salariés àl’exception de la CFE-CGC, devrait néanmoins faire l’objet d’unenouvelle proposition de loi par le groupe parlementaire de la majo-rité. Cependant les opposants à la création d’une instance ordinale,notamment le syndicat Sud santé, ne baissent pas la garde etcombattent fermement une telle orientation.

Cette question, bien sûr, n’est pas simple. Elle a ses défenseurs etses opposants. La mouvance politique actuelle n’est certes pas enfaveur d’une telle institution. La terminologie employée à diffé-rentes reprises témoigne de la complexité de cette affaire:«Assemblée permanente de la profession infirmière», «Commis-sion infirmière française», «Structure professionnelle nationale»,«Ordre national infirmier»121, et des difficultés qu’ont les instancesministérielles (Cabinet du ministre, Direction générale de la Santé,Direction des Hôpitaux), les organisations syndicales, le corpsmédical dans son ensemble, à accepter que cette profession soit

119. Voir à ce sujet: Thierry Amouroux. L’identité infirmière. Mémoire pour l’obtention dudiplôme d’université de philosophie, option éthique, de 1re année. Septembre 1998. (Nonpublié).120. Christophe Debout. Ordre infirmier. Relever les défis et construire l’avenir de la profes-sion. Soins, n° 698, septembre 2005, p. 8 et Soins, n° 696, juin 2005, p. 12.121. Thierry Amouroux, ibid., p. 69-70.

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dotée d’une instance identique à celles que possèdent les grandscorps professionnels. Au niveau ministériel, comme nous l’avonsdénoncé plus haut, on privilégie l’orientation vers une instancedéontologique regroupant les professions dites «paramédicales».Pour ma part, je continue à penser qu’établir un code de déonto-logie interprofessionnel est irréalisable et irréaliste. La déontologies’applique à une profession, à une discipline particulière. Or, sousl’appellation «paramédicale», exercent des professions différentesayant chacune une spécificité propre, qui ne peut en aucun cas êtrecodifiée de la même manière. Mais là aussi le législateur a tranché.Dans le cadre de la loi n˚ 2002-303 du 4 mars 2002 relative auxdroits des malades et à la qualité du système de santé, il est instituéun «Conseil des professions d’infirmier, masseur-kinésithérapeute,pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste» qui exercent enFrance, à titre libéral. C’est dire combien, depuis la dernièredécennie du XXe siècle, l’avancée faite jusqu’ici par les infirmièreset infirmiers, pose question aux responsables ou conseillers dans lasphère ministérielle, qui opposent désormais un refus à tout prolon-gement à la place qu’ont acquise les infirmières dans le monde de lasanté. Plusieurs raisons peuvent être à la base d’un tel refus.L’importance numérique des personnels infirmiers, les stigmatesportés de tout temps sur cette profession, considérée généralementcomme «intellectuellement peu développée», le fait qu’elle soit à90% féminine et très faiblement syndiquée.

Alors que le XXIe siècle, dit-on, sera celui de «la femme», onoppose à cette profession qui a fait montre, depuis tant d’années,qu’elle était dirigée, en majorité, par des femmes responsables et degrande valeur, des arguments d’un tel conservatisme qu’il lui estdifficile de faire admettre sa demande. Pourtant, pour les associationsqui portent ce projet depuis 1962122, la question est claire. Il s’agiraitde doter les infirmières d’une instance nationale, capable de rassem-bler l’ensemble de ses membres, garante de l’éthique professionnelle,permettant d’actualiser en permanence les règles professionnelles etde veiller à leur bonne application, d’assurer le renouvellement desprogrammes de formation, les modalités d’exercice, la qualificationpermanente des personnels infirmiers en exercice et ceux qui aprèsune interruption de carrière souhaitent retrouver une activité profes-

122. Notamment l’Association nationale française des infirmières, infirmiers diplômés etétudiants (ANFIIDE) et plus récemment l’Association pour la promotion de la professioninfirmière (APPI).

122 LES INFIRMIÈRES EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE SOCIALE

sionnelle, d’établir les normes de qualité des soins infirmiers, defavoriser les évolutions des fonctions infirmières et les responsabi-lités nouvelles qu’elles engageraient.123 Il est certain que lesdifférentes situations professionnelles de type délictueux que nouscommençons à connaître plaident en faveur d’une telle création. Il estcertain, aussi, que fédérer presque 330 000 infirmières dont 70 000environ d’infirmières libérales et le nombre difficilement calculablede syndicats et d’associations professionnels n’est pas anodin. Pour-tant il apparaît, à l’évidence, qu’une profession infirmière forte etbien représentée serait un partenaire plus efficace pour les pouvoirspublics et pour sa représentation au sein des instances européennes etinternationales, notamment au sein du Conseil international desinfirmières.

Il est temps que nous sortions de cette spirale infernale d’uneopposition systématique et idéologique à la création d’une fédéra-tion nationale pour les infirmières. En effet, à la lecture attentive decette demande, il apparaît nettement que ce qui est fortement solli-cité n’est pas une instance corporatiste et disciplinaire; ce que je nesouhaite pas non plus, mais un organisme professionnel à vocationnationale, semblable aux ordres infirmiers qui existent déjà enEurope et au Québec, pouvant fédérer toutes les forces vives de laprofession et qui ont déjà fait la preuve de leur grande utilité pourune garantie optimale de la qualité du service rendu aux usagers.

123. Association de Promotion de la profession infirmière (APPI). Campagne de sensibilisa-tion des parlementaires aux problèmes de la profession infirmière. Questions écrites poséesau gouvernement, 2e semestre 1997. Doc. Novembre 1997.

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Place de la littératuredans la construction d’une discipline

LA CONSTRUCTION D’UN SAVOIR PROPRE

Si, pendant toute la première moitié du XXe siècle, une seule revueet une seule collection d’ouvrages qui leur étaient destinées permet-taient aux infirmières de se former, de se documenter et d’actualiserleurs connaissances, nous avons assisté par la suite à une véritableexplosion, surtout au cours de ces vingt dernières années.124 Cetteabondance dans la littérature destinée aux infirmières ne doit pasmasquer toutefois les difficultés que l’on rencontre encore quant àl’accès du plus grand nombre à toutes les sources disponibles. Maisnous y reviendrons.

Les premiers bulletins professionnels,revues et collections d’ouvrages

De 1893 à nos jours, la presse professionnelle a vu naître une tren-taine de titres. À eux seuls, ils apportent des indices nonnégligeables sur ce passage d’une pensée médicalisée à une penséeinfirmière. Comment cela s’est-il produit? Ils ont été créés par desassociations, des amicales, des organisations professionnelles, desinstitutions ou des groupes de presse, par des hommes et desfemmes dont la philosophie, la croyance, les convictions, lesmétiers étaient différents et qui ont été les moteurs de leur réussite

124. Pour avoir une vue d’ensemble sur cette formidable évolution voir aussi pages: 8, 25,28, 41, 85, 95 et la note 5, page 9.

126 D’UNE PENSÉE MÉDICALISÉE À UNE PENSÉE INFIRMIÈRE

et de leur audience. Révélateurs de ce qui se passait dans l’évolu-tion des pratiques et du savoir infirmiers, ces «médias» eurent aussileur histoire.

De 1893 à 1950, on assista à la naissance d’une presse profes-sionnelle d’abord locale, associative ou syndicale, puis nationale.De 1923 à 1955, le monopole de l’information fut détenu par deuxrevues, L’Infirmière Française et La revue de l’infirmière et del’Assistante sociale. Puis, de 1955 à 1985, cette fonction fut assuréepar cette dernière et par la revue Soins. Avec l’apparition de larevue L’Infirmière Magazine, en 1986, fille de feu L’infirmièreFrançaise, diversité et pluralité fleuriront avec de nouveaux titresqui viendront témoigner des changements opérés.

À la fin du XIXe siècle, le mouvement de laïcisation et de profes-sionnalisation de la fonction infirmière et de la création des écoles,fit naître à l’Assistance publique de Paris, les premiers bulletinsdestinés aux membres des amicales du personnel et des organisa-tions professionnelles naissantes.

Les bulletins et revues professionnels du début du XXe siècle

Si le personnel était désormais en possession d’un organe d’informa-tions, Le bulletin professionnel des infirmières, ce dernier étaittoutefois rédigé par le corps médical. Créé en 1893 par MadameGillot, une des pionnières de l’enseignement primaire aux personnelsdes hôpitaux de l’Assistance publique, les rédacteurs en chef furentle Docteur Félix Regnault, puis le Docteur Paul Cornet. Les articlesétaient signés par le Docteur Letulle, par Mademoiselle le DocteurHamilton, par Jean Charcot, le fils de l’éminent neurologue et alié-niste Jean-Martin Charcot125. Il fut transformé en 1900 en un Bulletinprofessionnel des infirmières et des gardes-malades et fut publiéjusqu’en 1913. Jusqu’à la première guerre mondiale, plusieurs autrespériodiques étaient apparus. Tout d’abord L’Infirmier qui parut en1896 et qui fut d’après Véronique Leroux-Hugon plutôt à viséesyndicale126. Puis, de 1902 à 1914, paraissait le Bulletin de la sociétéamicale des employés de l’Assistance publique; de 1904 à 1913, LeBulletin mensuel de la société amicale des surveillants des hôpitaux

125. Guillermand J. – Histoire des infirmières. Tome II, Paris, Croix-Rouge française, 1991,p. 171.126. Leroux-Hugon V. – Des Saintes laïques. Les infirmières à l’aube de la IIIe République.Paris. Éd. Sciences en situation, 1992, p. 166.

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de l’Assistance publique, qui devint, en 1910, le Bulletin mensuel dela société amicale du personnel proche de l’Assistance publique.

En 1906, la province à son tour avait innové en la matière avec lapublication de La Garde-malade hospitalière créée par le docteurAnna Hamilton, directrice de la maison de santé protestante et del’école qui y était rattachée. Cette revue locale prendra le titre de LaDame à la lampe, en référence à Florence Nigthtingale. Elle pritplus tard le titre de Bagatelle, du nom du domaine où étaitimplantée l’école à Talence, dans la banlieue bordelaise où elle setrouve toujours.

Avant que ne naisse une presse nationale, tous ces bulletinsprofessionnels locaux ont eu en commun un devoir de pédagogiepar la publication de cours, de sujets d’examens, d’extraits demanuels français et étrangers. Mais ils se voulaient aussi informa-tifs et moyens de communication entre les personnels. Ilsannonçaient les récompenses et les prix de fin d’année, les résultatsaux premiers diplômes, les timides améliorations dans les condi-tions de vie et de travail. Ils étaient aussi les porte-parole del’idéologie dominante du lieu où ils étaient édités, des hommes etdes femmes qui les avaient fait naître.

Les rares articles de fond étaient le plus souvent publiés par desmédecins, sauf en ce qui concerne les bulletins écrits à l’écoleFlorence Nightingale qui faisaient une large place aux élèves et à ladiffusion du courant de pensée et d’action anglo-saxon pour lessoins aux malades. Ils publiaient aussi des «questions pratiques»,des règles déontologiques en cours à l’étranger, des articles surl’évolution des techniques médicales et des soins.

Une première rupture fondamentale dans la constructiond’un savoir propre: une revue nationale, L’Infirmière Française

C’est au lendemain de la première guerre mondiale et dans le toutdébut de la réglementation de l’enseignement et de l’exerciceprofessionnels infirmiers que naissait, en avril 1923, la premièrerevue nationale: L’Infirmière Française. Créée par le professeurCalmette, avec la collaboration étroite de ses collaborateurs méde-cins, et de Léonie Chaptal, elle se voulait être le lien entre toutes lescomposantes infirmières de l’époque. Les infirmières laïques, lesinfirmières religieuses, les infirmiers-masseurs, les gardes-malades,les infirmières visiteuses, les personnes qui s’occupaient d’œuvressociales et les infirmières des sociétés Croix-Rouge.

128 D’UNE PENSÉE MÉDICALISÉE À UNE PENSÉE INFIRMIÈRE

Lors de la sortie du premier numéro, en avril 1923, les fondateursexpliquaient que les infirmières trouveraient dans cette nouvellepublication des «questions de pratique» dont la connaissance leurest indispensable et «un bulletin professionnel» dû en grande partieà la participation active de Mademoiselle Chaptal.

En décembre 1928, le Professeur Calmette publia sa lettre dedémission de la Direction et de la rédaction en chef. Son propos étaitclair et laissait deviner que les rapports entre les fondateurs et leurprincipale collaboratrice n’avaient pas toujours été empreints devues identiques sur la direction et la conception d’une revue profes-sionnelle destinée aux infirmières. Dès le 1er janvier 1929, LéonieChaptal prit la rédaction en chef de la revue et ne la quittera plusjusqu’à sa mort, en 1937. Cette rupture, à cette époque déjà, marquebien la différence qu’il pouvait y avoir dans la conception des soinsaux malades. Léonie Chaptal côtoyait les milieux internationaux,lisait les revues infirmières des autres pays, et se rendait bien compteque si l’apport des sciences médicales était fondamental, d’autresconnaissances étaient utiles aux infirmières, et notamment celles queleurs pairs nationaux ou internationaux pouvaient leur apporter.

Durant les 15 premières années de son existence, cette revue a eu lemérite de nous restituer a peu près tout de qui compta dans le mouve-ment de professionnalisation aussi bien en France qu’à l’étranger. Eneffet, outre des rubriques de fond sur les fléaux sociaux de l’époque,la tuberculose, les maladies infantiles, les examens qui se dévelop-paient (rédigées le plus souvent par des médecins, mais aussi par desmonitrices ou des infirmières), Léonie Chaptal publiait les comptesrendus des réunions du Comité de perfectionnement des infirmières,des réunions et des assemblées générales de l’Association nationaledes infirmières diplômées d’État. Elle rédigeait aussi tous les moisune rubrique en anglais «Our english page», dans laquelle elle faisaitpart de la conception des soins, des techniques, des expériences et desmanifestations étrangères.

Dans le même temps apparaissaient en 1925, Les Bulletins del’Union Catholique du personnel des services de santé, qui serontpubliés par la suite sous d’autres titres: Les pages documentaires,les Pages de vie et Les recueils des journées de perfectionnementdu centre Chrétien des professions de santé. Ces derniers furent lesliens et le support de réflexion de tous ceux qui, après le mouve-ment de laïcisation, se réclamaient encore du catholicisme etvoulaient apporter les engagements relatifs à leur foi dans leuraction quotidienne.

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Une explosion de nouvelles revues professionnelles

Ainsi, jusqu’à la moitié du XXe siècle, quelques rares initiativeslocales et une revue nationale permettaient aux infirmières d’êtreinformées. Puis, avec les évolutions de l’enseignement infirmierque nous avons mises en évidence, de 1950 à nos jours, trentenouveaux titres ont été créés (23 existent encore): La Revue del’Infirmière et de l’Assistante Sociale (1951); La revue Vie Socialeet Traitement destinée aux infirmiers psychiatriques (1954); Larevue Soins (1956) et ces cinq nouveaux titres créés entre 1976et 1996; Les Cahiers de la Puéricultrice (1964); La revue duGroupe d’Études et de recherches des infirmiers psychiatriquesGerip (1968) qui cessera de paraître en 1985; Le Bulletin d’infor-mation et de pédagogie L’Infirmière enseignante (1970) reprisdepuis 1992 par la revue Soins Formation pédagogie et Encadre-ment (1970); Les Cahiers de l’Amiec la première revue depublication de travaux de recherche infirmière (1975) aujourd’huidisparue; Symbiose dont la durée de vie fut très courte (1978);Interbloc (1979) destinée aux infirmières de bloc opératoire;Recherche en soins infirmiers (1985); L’Infirmière Magazine(1986) qui remplaça L’Infirmière française; La revue de l’Aide-soignante (1986), Oxy-Mag (1988) destinée aux infirmiers anesthé-sistes; les Nouvelles Inf… née après les grèves de 1988, organe dela Coordination infirmière et qui a cessé de paraître depuis le prin-temps 1993; Profession Infirmière, le journal professionnelscientifique et technique de l’infirmière (1992); Santé mentale, lemensuel des soins infirmiers en psychiatrie (1995).

Brossé à grands traits, ce retour en arrière sur cent ans de presseprofessionnelle montre bien que la littérature professionnelle estnée des évolutions faites. Les différents acteurs, à leur tour, ontenrichi, amplifié ce mouvement, l’ont accéléré et l’ont nourri. Si,entre 1870 et 1920, ils étaient exclusivement l’œuvre de médecinsou d’ecclésiastiques, ils furent le fruit d’une collaboration entreinfirmières et médecins entre 1920 et 1970, et ont été largementcréés ou publiés depuis ces vingt dernières années à l’initiatived’infirmières et d’infirmiers.

Les collections d’ouvrages

Nous avons déjà eu l’occasion de parler de la collection «Infir-mières d’aujourd’hui» créée par le Centurion, mais nous devons y

130 D’UNE PENSÉE MÉDICALISÉE À UNE PENSÉE INFIRMIÈRE

revenir pour montrer à quel point, après celle créée par les ÉditionsPoinat au début du siècle, «La Bibliothèque de l’infirmière», deLéonie Chaptal, elle fut déterminante, en cette fin de siècle, dans lepassage d’une pensée médicalisée à une pensée infirmière.

La discipline des soins infirmiers dans toutes ses dimensions yfut abordée et largement développée, notamment les théories etconcepts en soins infirmiers; l’enrichissement des interventions ensoins infirmiers; les aspects psychiatriques des soins infirmiers;l’initiation à la bioéthique; les comportements humains; les besoinsen soins infirmiers des personnes soignées; l’informatique et lessoins infirmiers; les soins infirmiers aux personnes diabétiques; lessoins et la maîtrise du mouvement; l’évaluation de la qualité dessoins infirmiers; la stomathérapie; les stratégies d’évaluation enhygiène hospitalière; l’enseignement des soins infirmiers; Le rôleéducatif de l’infirmière; les soins infirmiers aux malades porteursdu sida; les soins infirmiers aux enfants y tinrent également unebonne place. Les soins aux personnes âgées devenant une disciplineà part entière, les infirmières y développèrent leur propre savoir; lesnouveaux apports en sciences humaines y firent leur apparition enparticulier pour enrichir la réflexion sur les aspects psychosomati-ques et sur la prise en compte des soins aux mourants, de lareconnaissance des étapes du deuil et enfin de la prise en compte dela douleur. Là aussi, les infirmières furent des pionnières, ce dont iln’est jamais fait état dans le discours et les initiatives actuelles.

Le malade en tant que sujet y fut aussi étudié. Les infirmières etl’organisation de leur métier qu’elles remettaient en cause firentl’objet de nombreux titres.

À part une dizaine d’ouvrages écrits pas des médecins, sage-femmes, kinésithérapeutes et spécialistes des sciences humaines,cette collection, en vingt-quatre années d’existence, fut dansl’ensemble conçue par des infirmières et infirmiers. Ceci m’autorisebien à dire qu’en un siècle la pensée des infirmières s’est largementdémarquée du modèle biomédical, même si la médecine peut et doitencore, avec les progrès de toutes sortes qu’elle a enregistrés,inspirer la pratique conjointe des médecins et des infirmiers.127

De 1975 à 1995, deux collections furent un support très importantpour enrichir le contenu et la pratique des soins infirmiers. Toutd’abord la collection «Études sur les soins et le service infirmier»,fondée par les enseignants et les étudiants de l’École internationale

127. Cette collection a déjà été évoquée page 86.

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d’enseignement infirmier supérieur (1975-1999) et celle des«Guides du service infirmier» créée par Danièle Vailland (1980-1990).128

Hissés aussi par le haut, avec la formidable poussée qu’avaitprovoquée dans l’édition L’Infirmière Magazine après les grèves de1988 et la création du Salon infirmier (dont les fondateurs voulaient«aider les infirmières à se libérer et à s’émanciper»), revues profes-sionnelles et collections d’ouvrages témoignent des connaissancesnouvelles dont les infirmières ont besoin pour l’évolution de leurspratiques professionnelles, et dans des champs nouveaux d’exercicesprofessionnels.129 Mais cette explosion numérique ne doit pasmasquer que si les infirmières lisent davantage, écrivent plus,pensent différemment leur métier et y apportent leur propre concep-tion des soins infirmiers, elles sont encore trop peu nombreuses,parmi ce lectorat potentiel que représentent professionnels etétudiants (400 000 environ), à connaître l’étendue de cette littérature.

L’Infirmière est, hélas, encore aujourd’hui, trop «coincée» entredes contraintes de temps, de vie, des conditions de travail épui-santes et stressantes, un statut de mère de famille et d’épouse oud’amie, qui ne lui laissent guère la facilité de s’adonner à la lectured’une ou plusieurs revues professionnelles ou d’ouvrages récents.Cette analyse ne tient pas compte non plus des très nombreusespublications anglo-saxonnes, auxquelles les infirmières et infir-miers français peuvent difficilement accéder, faute de n’avoir paspu ou su aborder la pratique des langues étrangères. Cette évolutionnumérique des titres et des collections d’ouvrages démontre aussiaisément que les soins infirmiers ne sont plus une utopie et que laprofession infirmière possède un statut social qui intéresse.

128. Se reporter à ces principaux ouvrages et guides cités en bibliographie.129. Se reporter pour ces 5 dernières années, aux nombreux catalogues édités notamment parles éditions: Arnette, Eska, Inter-Éditions, Heures de France, Éd. Hospitalières, Lamarre,Vigot-Maloine, Masson, Seli-Arslan, qui témoignent de l’abondance, en cette fin de siècle,de la littérature destinée aux infirmières.

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La recherche infirmière, un atoutet un défi pour les soins infirmiers

La notion de recherche, son utilité, son développement nécessairespour une profession jugée le plus souvent plus manuelle qu’intellec-tuelle, sa faisabilité par les infirmières n’ont effleuré les esprits lesplus avancés qu’à partir des années soixante.130 Il faut bien l’avoueraussi, sans moyens, sans chercheurs confirmés et reconnus, sansaucune banque de données sur les travaux existants en France, sansfinancement, sans recensement des personnes ayant entrepris destravaux de recherche, sans aucune disponibilité en temps et sansinsertion dans des structures de recherche scientifique ou à l’univer-sité, les infirmiers français pouvaient-ils, peuvent-ils, entrer plus àfond dans un processus de questionnement de leurs pratiquesprofessionnelles? Assurément non! Et pourtant, depuis 1970, denombreuses initiatives ont vu le jour. Elles offrent aujourd’hui lesbases sur lesquelles la profession peut et doit s’appuyer pour que, àl’aide du rapport et de la recommandation du Comité des ministreseuropéens de la santé publiés en 1996131, soient mises en œuvre lespossibilités d’accès pour les infirmières à des formations universi-taires, leur accès à la recherche scientifique et les conditionsfavorables à leur insertion dans des structures locales, régionales,nationales de recherche.

130. C’est le cinquième rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé qui a recommandéque la recherche en vue de l’amélioration des soins infirmiers soit encouragée et considéréecomme un élément essentiel de l’organisation des services de santé. (Genève 1966). À partirde cette date la recherche a fait partie intégrante des programmes de formation universitaire àl’École internationale d’enseignement infirmier supérieur de lyon, qui a beaucoup contribuéà sa promotion.131. Comité Européen de la Santé. Rapport et recommandations sur la recherche infirmière.Conseil de l’Europe. N°R. (96) 1.

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LE PREMIER COLLOQUESUR LA RECHERCHE INFIRMIÈRE : 1971

Organisé par la région Aquitaine du Comité d’entente des écolesd’infirmières et des écoles de cadres, le premier colloque sur larecherche infirmière eut lieu à Bordeaux en 1971. L’initiation à larecherche a été officiellement introduite dans la formation descadres infirmiers en 1958 et dans le programme de préparation audiplôme d’État d’infirmier en 1972.

Vers 1970, les infirmières ont commencé à entreprendre desétudes universitaires de troisième cycle dans des disciplinesdiverses telles que: la psychologie, la sociologie, la démographie,l’anthropologie, les sciences de l’éducation, l’économie de la santé,l’histoire… Ils sont actuellement de plus en plus nombreux à avoirfait cette démarche et il serait temps, là aussi, que la profession sedonne les moyens pour procéder à un recensement des ressourceshumaines dont elle dispose.

C’est aussi par le biais du réseau associatif et de la formationcontinue que s’est forgé en France, chez les infirmiers, l’esprit derecherche.

Les premières sessions de formation continue ont été offertes parCatherine Mordacq, dès 1978, à l’École internationale d’enseigne-ment infirmier supérieur. Depuis 1985, l’Association recherche ensoins infirmiers (ARSI) a beaucoup contribué à la vulgarisation dela recherche et à son approche méthodologique. Auparavant,l’Association nationale française des infirmières, infirmiers etétudiants (ANFIIDE) avait, depuis les années soixante, intégré larecherche dans ses travaux. Le Comité d’entente des écoles d’infir-mières et des écoles de cadres (CEEIEC) avait créé un secteur de«recherche et prospective» à partir de 1982.

Dans la période de 1960 à 1980, caractérisée par la très grandepénurie d’infirmières et par le malaise qui s’installait dans laprofession, nombreux furent les organismes d’État et profession-nels qui entreprirent des recherches sur la profession infirmière.Ces travaux démontraient tous à l’évidence que l’intérêt se portaitsur une profession en difficulté, sur les réponses à apporter à la fuitedes infirmières, mais très peu, voire pas du tout, étaient consacrés àleur activité, les soins infirmiers. À partir de ces constatations etpréoccupations, et comme leurs consœurs américaines bien avantelles (à partir du début du XXe siècle), les infirmières françaises

134 D’UNE PENSÉE MÉDICALISÉE À UNE PENSÉE INFIRMIÈRE

n’ont pas échappé au schéma d’évolution habituel constaté dans lamajorité des pays, qui peuvent les conduire aux portes de larecherche scientifique.

LES INDICATEURS DE L’ÉVOLUTIONDE LA RECHERCHE INFIRMIÈRE

Schématiquement, on a pu remarquer que les professions infir-mières, en Amérique du Nord, en Europe du Nord (Finlande,Suède, Danemark), au Royaume-Uni, étaient passées par plusieursgrandes étapes avant de pouvoir développer le recherche dans leurspratiques, à savoir:

– l’intérêt porté aux infirmières elles mêmes, à leur profession età sa spécificité;– l’accès à une formation universitaire de haut niveau et l’accès àde nouvelles compétences dans l’administration des servicesinfirmiers, de l’enseignement, de la clinique;– l’émergence d’une abondante littérature professionnelle;– la prise en compte par les pouvoirs publics de l’aspiration decette catégorie de professionnels de la santé au questionnementsur les savoirs qui leur sont utiles, à l’amélioration de leurs prati-ques professionnelles et à leur insertion dans des structures derecherche adéquates.132

Quels sont les indicateurs les plus probants d’un tel schéma dedéveloppement que l’on peut retrouver en France?

Les premiers travaux d’initiation à la recherche

Les travaux d’initiation à la recherche se sont multipliés dans la forma-tion des cadres infirmiers et dans les formations universitaires. En effetdes écoles de cadres infirmiers ont été créées dans chaque région et desformations universitaires ont été ouvertes aux infirmières, notammentà Paris, Tours, Lille, Bordeaux, Grenoble, Clermont-Ferrand,Toulouse, Pau… Par ailleurs, dans le cadre de l’accès à de nouvellesfonctions pour les infirmières, dont la terminologie n’est encore pas

132. Voir aussi à ce sujet, H. Bachelot, L’évolution de la recherche dans la profession infir-mière in: La recherche et les soins infirmiers, AMIEC, Lyon, n° 6, 1980, pages 21 à 33.

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fixée et qui oscille entre les termes d’expert, de spécialiste clinique oude clinicien, d’infirmier conseil; de nouvelles recherches en soinsinfirmiers ont vu le jour. Des centres hospitaliers universitaires ontcréé des cellules de recherche, notamment à Paris, à Lyon, Montpel-lier, Saint-Étienne, Toulouse, ainsi que dans des pôles hospitaliersmoins importants. Toutes ces initiatives démontrent que, durant cesvingt années, nous avons tenté d’emprunter le chemin qui mène à larecherche infirmière. Mais il est vrai que, comme l’écrivait Marie-Françoise Collière: «cette préoccupation des milieux professionnelseux-mêmes va se faire par tâtonnements, erreurs, par l’apprentissagede méthodes auxquelles elle se limite parfois, en raison de la pauvretéd’un contexte professionnel encore insuffisamment préparé et la diffi-culté à se servir de connaissances nouvelles dans la pratiquequotidienne»133.

L’intérêt porté par les pouvoirs publics à la recherche infirmière : les premières recherches financées

et commanditées

C’est aussi le point de départ de l’intérêt manifesté par les pouvoirspublics à la recherche infirmière qui deviendra un peu plus probantvers 1990, sans pour autant le favoriser outre mesure. À partir de1982, une infirmière générale, Geneviève Déchanoz, a été détachéeet rémunérée à plein temps par les Hospices civils de Lyon pourparticiper à un programme de recherche infirmière multinational etpour diriger une centre de recherche, le Centre collaborant OMS.134

Au cours de la même année, une autre infirmière, BernadetteRoque-Joffre, obtenait du ministère de la Santé, et ce pour lapremière fois en France, une subvention pour mener à bien aucentre hospitalier d’Angers une recherche sur les soins infirmiersdispensés à l’aide d’une théorie de soins infirmiers.135

De 1982 à 1988, Danièle Vailland, infirmière générale,conseillère technique à la direction des hôpitaux initie, pilote,multiplie les groupes de travail et de réflexion au sein du service

133. Collière M.-F – Promouvoir la vie, de la pratique des femmes soignantes aux soins infir-miers. Paris, Inter-Éditions, 1re édition, 1982, p. 161.134. Déchanoz G. – Les besoins en soins infirmiers des personnes soignées. Collection«Infirmières d’aujourd’hui», Paris, le Centurion, 1986.135. Roque-Joffre B. – L’autonomie, finalité d’un projet de soins infirmiers. 1985.

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infirmier qui aboutirent, dès 1985, à la publication de la collectionde «Guides du service infirmier» qui seront extrêmement utiles à ladispensation de connaissances pratiques. Il est regrettable que cettecollection n’ait pas été poursuivie.

Le vocabulaire des soins infirmiers reconnu

Dans ce cadre, elle va contribuer à mettre en place une recherche enterminologie des soins infirmiers qui recevra le soutien de tous lesministères de 1984 à aujourd’hui, ainsi qu’une subvention annuelle,jusqu’en 1994, pour la mener à bien. Cette recherche confiée àl’AMIEC (Association des amis de l’école internationale d’ensei-gnement infirmier supérieur) a abouti en 1995 à l’édition d’unDictionnaire des soins infirmiers, unique en son genre en Europe.136

De même, depuis 1979, la recherche en histoire, à l’initiative deMarie-Françoise Collière, s’est largement développée et enrichieces dernières années de nombreuses contributions.137

Enfin, dernier indicateur probant, depuis 1950, comme nousvenons de le constater dans le chapitre précédent, la littératureprofessionnelle a littéralement explosé.

Les organismes d’État de la rechercheet la profession infirmière

En 1991, la Mission interministérielle de recherche et d’expérimen-tation avait commandé au Centre national de la recherchescientifique (CNRS), un rapport sur l’existant et l’étude des condi-tions d’une aide incitative au sujet de la recherche infirmière.138

Puis, au cours du premier semestre de la même année, la Directiongénérale de la santé mit en place un groupe de travail et de réflexion

136. Magnon R., Déchanoz. G. (sous la direction de) par un ensemble d’infirmières et d’infir-miers — Dictionnaire des soins infirmiers, Lyon, Amiec, 1re édition, 1995. 2e éditionactualisée et enrichie, Lyon, Amiec recherche, 2000.137. Magnon R. – Écrire pour que «l’histoire continue». Objectifs Soins, n° 16,octobre 1993, p. 51 à 56.138. Féroni I. – La recherche infirmière: inventaire de l’existant et étude des conditionsd’une action incitative. Rapport Germ. Cercom. Ura. CNRS. Do 377, octobre 1991. Conven-tion ADREM-MIRE, n° 428.1

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sous la présidence d’un professeur de sciences économiques deParis I, dont la mission était de «conceptualiser la recherche infir-mière, d’en définir le cadre, d’étudier les rapports institutionnelsavec l’université». Les travaux de ce groupe, pour des raisons inhé-rentes à sa composition, eurent du mal à progresser et aucun rapportne fut publié. Il est vrai, aussi, que depuis plusieurs années, commenous l’avons déjà souligné, l’administration, au sein de la Directiondes Hôpitaux, a eu la fâcheuse tendance à freiner l’évolution dessoins infirmiers et de la profession infirmière. Le postulat étantd’étudier ensemble les problèmes des professions paramédicales. Jepense que cette tendance s’est accrue depuis et mériterait d’êtreremise en cause, car la loi de 1991 portant réforme hospitalièrereconnaît formellement la recherche comme une composante essen-tielle de l’activité de l’infirmière, au même titre que le soin,l’évaluation et la formation. C’est la raison pour laquelle, pour lapremière fois, dans un appel relatif à la mise en place de recherchescliniques dans les hôpitaux, un alinéa stipulait que «parmi lesprojets, certains pourraient également concerner ou inclure desrecherches en soins infirmiers»139.

Plus tard, au printemps 1995, sur une initiative heureuse del’Institut national de la santé et de la recherche médicale(INSERM), eut lieu les 10 et 11 mars 1995, un colloque sur «Larecherche infirmière en France», qui connut un grand succès. Eneffet, ce que recherchaient les organisateurs de ce colloque était dedémontrer que les infirmières pouvaient être associées à larecherche clinique biomédicale comme assistantes de premier planpour la mise en œuvre des protocoles de recherche, sous la directiondu corps médical. L’intention était louable. Si cela peut et doitexister pour ceux et celles qui choisissent cette voie, pourquoi pas!Mais, en réalité, l’appel à contributions fit nettement émerger desprojets de recherche ou des recherches déjà faites dans le cadre dessoins infirmiers du rôle propre ou des soins infirmiers prescrits;mais conduits, dirigés par des infirmières. Cela, je crois, fut unesurprise pour les membres de l’Inserm qui faisaient partie du comitéscientifique. L’idée de départ, conçue je pense en toute bonne foi,de favoriser la formation «d’infirmières de recherche clinique», enfut contrariée, et explique sans doute l’absence de publication desactes du colloque; ce qui, pourtant avait été prévu. Comme

139. Appel à candidature relatif à la mise en place de projets de recherches cliniques dans leshôpitaux. Ministère de la santé et de l’action humanitaire. Note du 18 novembre 1992.

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l’indique nettement le rapport du Conseil de l’Europe sur larecherche infirmière, qui insiste sur l’intégration de la rechercheinfirmière dans des structures régionales ou nationales existantes,l’Inserm ou le CNRS devraient, à mon sens, renouveler une telleinitiative, l’adapter à la demande réelle, afin d’établir de nouvellesbases de possibilités, dans le sens où la majorité des pays européensle souhaite actuellement.

Par ailleurs, à l’initiative de la Direction des hôpitaux, un groupede travail sur la «recherche clinique paramédicale» avait été réunisous la conduite de Catherine Duboys-Fresney, infirmière générale,conseillère technique. En février 1995, un rapport fut publié surl’existant en matière de recherche clinique, non pas «paramédi-cale», mais dans «les professions de santé non médicales».140 Eneffet, dès les premières rencontres, il fut démontré que le «secteurparamédical» n’était pas une discipline, mais qu’il était constituéde plusieurs professions réglementées ou non, et que chacuned’entre elles poursuivait ses propres objectifs, avait sa propre spéci-ficité, son propre savoir, et que c’étaient ces individualités là, quidevaient faire l’objet du développement de la recherche en leursein. Outre le fait qu’il mettait en évidence que la recherche infir-mière avait progressé, il énonçait les conditions qui la freinaient, etcelles qui seraient nécessaire à son implantation dans l’ensemble deces professions.

Une conférence européenne sur la recherche infirmière

Toutes ces initiatives ne sont pas étrangères à la préoccupationexprimée lors de la quatrième Conférence des ministres européensde la Santé à Nicosie (Chypre), les 18 et 19 octobre 1990, sur lanécessité de la recherche dans les professions de santé et sur la prio-rité à accorder à la recherche infirmière. La France qui, par sesporte-parole, avait été à l’initiative de l’inscription de la Conférenceeuropéenne sur la recherche infirmière qui eut lieu à Strasbourg en1993-1994, devrait montrer l’exemple. Pour illustrer cette progres-sion que nous venons de constater, il faut rappeler qu’en 1991,20 ans après le premier colloque sur ce sujet qui marque l’acte de

140. La recherche clinique en France, réalisée par les professions de santé non médicales.Rapport Bureau infirmier. Direction des hôpitaux. Sous-direction de la fonction publiquehospitalière, février 1995, 12 pages + annexes.

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naissance du concept «recherche» pour les infirmières en France,le 4e Salon infirmier européen avait organisé une grande conférencesur le thème: «Recherche en soins infirmiers, du concept à lapratique», suivie par un nombre impressionnant d’infirmières etd’infirmiers.141

RECHERCHE INFIRMIÈRE OU RECHERCHEEN SOINS INFIRMIERS

À ce jour, à la différence de certains auteurs (Féroni, Letourneau),je ne pense pas que ce soit par absence de consensus sur le contenudes champs et des domaines à inventorier ou sur une confusionentre la recherche centrée sur la profession et une autre qui seraitaxée sur la discipline, que réside la ou les réponses à cette questionde sémantique.142 Le problème posé est plus fondamental et reposesur les interrogations suivantes:

– Les infirmières, infirmiers sont ils convaincus qu’ils exercentune discipline à part entière, les soins infirmiers?– Sommes-nous convaincus qu’elle peut avoir une existencepropre et complémentaire du champ médical? Pour mieux perce-voir ces enjeux et ces interrogations, il est sans doute utile de seréférer à l’histoire, notamment à celle de la création du modèleinfirmier français à la fin du XXe siècle.– Par ailleurs, sommes-nous désireux de nous engager dans lavoie de la constitution de nouveaux savoirs propres aux infir-miers, donc de l’élaboration d’une science infirmière?

Toutes ces questions que mon expérience de soignant, d’ensei-gnant, de cadre, et que mes engagements professionnels m’ontinspirées, ont été confortées récemment par la lecture d’un articlepublié par un sociologue et un anthropologue québécois.143 Dans cedernier, il est discuté des thèses émises par certaines infirmières,

141. Recherche en soins infirmiers, du concept à la pratique. L’Infirmière Magazine,n° Hors-série, 1991, p. 64 à 74.142. Feroni I. – La recherche infirmière: inventaire de l’existant et étude d’une action incita-tive. op. cit.Letourneau D. – La recherche infirmière. Soins Formation Pédagogie Encadrement, n° 14,1995, p. 42 à 47.143. Perreault M., Saillant F. – Sciences infirmières et sciences sociales: dialogue et féconda-tion mutuelle. Sciences sociales et santé, volume XIV, n° 3, septembre 1996, p. 7 à 15.

140 D’UNE PENSÉE MÉDICALISÉE À UNE PENSÉE INFIRMIÈRE

comme Watson (1985), Leininger (1988), Benner et Wrubel (1989),Newman (1991) qui souhaitent que «l’étude du soin dans l’expé-rience humaine de la santé» soit reconnue comme l’objet fondateurde la discipline des soins infirmiers. C’est également, écrivent-ils,«le point de vue d’une infirmière française, Marie-FrançoiseCollière». Je les rejoins totalement et je crois qu’aujourd’hui enFrance se dégage une nette évolution en ce sens. C’est donc bien àpartir du «soin à la personne», acte fondateur de la discipline infir-mière, que doit se construire la recherche infirmière. Mais, si le soinqu’exercent les infirmières et les infirmiers est bien l’objet essentiel,il ne peut être dissocié de la profession. De même, il ne peut êtreséparé de la personne, de sa manière d’aborder ses problèmes desanté, de ses modes et habitudes de vie et de son entourage.144

La recherche infirmière est donc l’ensemble des recherchescentrées sur les soins infirmiers — ce que certains dénomment «larecherche clinique» — et celles axées sur l’administration et lagestion, l’enseignement des soins infirmiers et autres aspects de laprofession infirmière. Ces auteurs remarquent aussi que, dans lespays où la recherche infirmière s’est développée, les efforts théori-ques ont porté plus volontiers sur les notions de «care» et de«caring» (termes difficilement traduisibles en français, sansrisquer de faire des contresens comme cela s’est produit au XIXe

pour le terme de «nursing»), car basés sur les aspects expressifs etaffectifs liés à la maladie, et distincts des notions de «cure» liéesaux aspects curatifs. Il soulignent le piège auquel sont confrontésles infirmières et infirmiers et auquel, je pense, nous ne pourronséchapper, c’est-à-dire celui de nous consacrer à une conceptionmédicalisée et organiciste de la recherche si nous ne réfléchissonspas à dégager des théories et concepts liés aux pratiques de soins, àleur contenu à leur sens et à leur portée.

Si, par contre, c’est cette dernière voie que nous empruntons,nous devrons nous appuyer, comme dans les pays anglo-saxons, surplusieurs écoles philosophiques et sur un nombre élevé de théoriespropres aux sciences sociales qui sont déterminantes dans leprocessus d’émancipation de la discipline infirmière. Mais ils ontégalement remarqué que le problème de l’identification de l’objetcentral de la science infirmière n’est pas résolu par les modèlesthéoriques actuels, entre autres, parce que ces derniers puisent dans

144. Chaboissier M. – À propos de la recherche infirmière. Journées de perfectionnement ducentre Chrétien des professions de santé, novembre 1987.

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une variété de théories développées dans des contextes discipli-naires variés. Pour eux, la clé d’une évolution vers une scienceinfirmière réside dans l’accession à une véritable intégration théo-rique sur des bases originales: le soin, la santé, la personne,l’environnement et les liens devant réunir ces concepts.

Ces derniers, désignés sous le vocable de «paradigme infirmier»ou de «concepts centraux», sont également reconnus comme l’axeprincipal de la recherche infirmière pour les auteurs du rapporteuropéen. D’un point de vue méthodologique, ces conceptscentraux peuvent être envisagés sous de nombreuses perspectives,notamment biomédicale, mais aussi dans tout le champ des sciencessociales. Là aussi, la diversité des approches méthodologiques:expérimentale, clinique, différentielle, ethnométhodologique, systé-mique, historique, descriptive qualitative, ouvre de grandespossibilités dans cette construction de la science infirmière.145

La recherche infirmière fondementde la pratique professionnelle

Pour les auteurs du rapport du Comité européen de la santé donts’inspirent largement ces réflexions, le terme «recherche infirmière»désigne très précisément: les recherches fondamentales et/ou appli-quées, conduites par des infirmières, dans les soins, les servicesinfirmiers, dans l’éducation infirmière et lors de l’élaboration dethéories des soins infirmiers. La recherche infirmière, toujoursd’après eux, n’est pas une fin en soi; «elle vise à établir un nouveausavoir scientifique contribuant à l’amélioration de la qualité dessoins infirmiers. Dans le contexte plus large de soins de santé, il vade soi que la recherche infirmière peut être dirigée par des infir-mières et/ou des chercheurs d’autres disciplines…». Mais dans tousles cas, il ne peut s’agir de recherche infirmière que si la probléma-tique est identifiée, posée par les personnels infirmiers suite aux faits,aux observations relevés dans le champ de leur exercice profes-sionnel ou dans leur profession. S’il importe de définir le terme«recherche», il n’en est pas moins important de définir celui de«développement». Ce terme désigne: «le processus systématique et

145. Eymard C., Simonian – La recherche en soins infirmiers, quelles méthodes? SoinsFormation Pédagogie Encadrement, n° 28. 4e trimestre 1998.

142 D’UNE PENSÉE MÉDICALISÉE À UNE PENSÉE INFIRMIÈRE

planifié dans le protocole de recherche, de la mise en œuvre deschangements escomptés». Il est reconnu que recherche et développe-ment doivent être considérés comme un processus continu, et noncomme des activités distinctes et séparées. Pour les auteurs de cerapport, incontestablement, la recherche infirmière doit avoir desapplications pratiques dans l’exercice professionnel.

Comme nous l’avons vu plus haut, le concept de recherche dansla profession infirmière s’installe depuis plus de trente ans. Àl’exemple des pays anglo-saxons, il serait alors grand temps quenotre pays puisse mettre en place les conditions requises pour lapromotion de la recherche infirmière contenues dans la recomman-dation n°R. (96).1 du Comité Européen de la santé. Il serait tempségalement que la profession infirmière dépasse ses clivagesdestructeurs et se rassemble autour de deux grands pôles d’évolu-tion, le renouvellement d’une véritable formation universitaire ausein de la discipline des soins infirmiers, conduisant les infirmièreset infirmiers à un troisième cycle universitaire et à la qualificationde chercheur; la création d’un organisme national, type «Sociétéfrançaise de recherche infirmière», qui aurait pour mission de favo-riser la recherche dans les équipes soignantes, de fédérer etcoordonner les initiatives, de recenser les travaux réalisés et leschercheurs, de favoriser l’accès aux publications, aux banques dedonnées informatisées, de faciliter les traductions d’ouvrages etd’articles étrangers et la publication de travaux, de contrôler lesaspects éthiques des recherches menées, l’accès aux sources definancement et d’octroi de bourses pour la formation de chercheursà l’étranger, l’insertion dans des institutions nationales de recherchescientifique et la coopération internationale.

C’est essentiellement à l’aide de toutes ces conditions, que le défique pose la recherche infirmière et son développement a deschances d’être relevé et que la recherche devienne un atout majeurau cours des prochaines années, pour ériger la discipline des soinsinfirmiers en une science infirmière et pour que la profession infir-mière améliore sans cesse le service qu’en attendent les malades.146

146. Un nouveau programme de formation à la recherche en soins infirmiers qui doit débuteren janvier 2002 devrait à mon sens remplir fort utilement cette fonction: Diplôme d’univer-sité de formation par la recherche en soins infirmiers, université de Nantes, Formationcontinue.

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Les soins infirmierset la santé publique

DE NOUVELLES DIMENSIONSPOUR LES SOINS INFIRMIERS

En 1982, je m’étais risqué à écrire: «une médecine trop exclusive-ment curative et scientifique se développe et aggrave d’année enannée les rapports entre les soignants et le corps médical». Lamultitude des infirmiers méconnaît encore trop la conception dessoins centrée sur l’homme et son environnement et le rôle proprequ’elle doit jouer dans son application… Il serait temps qu’elle seréveille… car nous voici à l’aube d’une ère nouvelle, confortésdans notre action de soignants à part entière avec en outre notreparticipation à différentes actions en matière de prévention,d’éducation pour la santé, de formation et d’encadrement…Serions-nous aussi au seuil d’une nouvelle période que nous pour-rions qualifier de Santé publique?

L’évolution des sociétés européennes, les événements survenusdans le monde et dans notre Pays en particulier, ont confirmé cetteinterrogation née des événements de mai 1968.Témoin et acteur deces évolutions, je suis à même aujourd’hui de penser que je ne mesuis guère trompé et que les infirmières seront sans doute plusnombreuses au XXIe siècle à exercer dans des structures de santépublique qu’en hôpital.

L’hôpital lui-même, comme l’y invite la loi portant réformehospitalière de 1991, ne peut échapper à cette nouvelle politique desanté et doit mettre en œuvre des actions de santé publique en sonsein. Par exemple, cela pourrait être: au sein des consultationshospitalières des «espaces de santé» organisés et tenus par des

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infirmières; «des écoles de santé» pour les asthmatiques, les diabé-tiques, pour les déséquilibres nutritionnels; «des consultationsinfirmières» pour les conseils et l’aide à apporter aux patients dansles soins à domicile après des hospitalisations qui seront de plus enplus courtes notamment en chirurgie; ainsi que, par exemple, «desespaces de coordination» entre les infirmières hospitalières et lesinfirmières qui travaillent en dehors de l’hôpital, ces fameux liens àcréer dans «les réseaux de ville» que prônent depuis plusieursannées les gouvernements successifs.

Depuis moins d’une décennie, deux ministres de la Santé ont tousles deux déclarés en prenant leurs fonctions: «Je veux être leministre de la Santé publique».

Cela n’a rien d’étonnant, car le premier était cardiologue etdétenteur d’un diplôme de santé publique, le deuxième a été lechantre de l’humanitaire. Pourquoi ces deux hommes avisés firent-ils cette déclaration à contre-courant des politiques de santé le plussouvent hospitalocentristes que nous avons menées en Francedepuis le début du siècle?

Il faut remonter en 1975, année au cours de laquelle un socio-logue, Serge Karsenty, publia un rapport sur les «Alternatives àl’hospitalisation publique», pour constater un début timide derenversement de cette tendance. Il envisageait deux évolutions de lapolitique de santé.

Le premier scénario, dit «linéaire», supposait que le systèmeactuel n’était pas remis en cause. C’est-à-dire que l’on continuait àprivilégier la fonction hospitalière et les facteurs fondamentaux del’évolution de l’hôpital, à la faveur et sous la pression de celui-ci.Première hypothèse, expliquait-il: «… nous continuons à évoluervers l’hyperspécialisation et la parcellisation, aussi bien du maladeque des soignants et des tâches qu’ils accomplissent…». Il présen-tait cette évolution comme une réduction à tous les niveaux:

– réduction de l’individu malade en pièces anatomiques;– réduction des tâches à l’intérieur des techniques;– réduction de la personnalité du malade en un «objet de soins»;– réduction de l’infirmière à un rôle de technicien spécialisé.

Le deuxième scénario supposait une «rupture» dans ce que nousavions fait jusqu’à présent en matière de santé en France. «La poli-tique de santé bascule dans celle de la prévention organisée autourdes généralistes de ville, des cabinets de santé et de soins infir-miers, des centres sociaux de quartiers animés par des équipes

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pluridisciplinaires où se côtoieraient des épidémiologistes (c’est-à-dire des médecins de santé publique), des écologistes, des infir-miers, des infirmières, des psychologues, etc.».

Pour lui, les mentalités devaient changer, les choix de politiquede santé s’orientaient en faveur des mères, des enfants, desvieillards, des chroniques, des exclus. La médecine tentait unedémédicalisation, éduquait le patient, lui demandait de se prendreen charge et l’y aidait, développait les campagnes d’éducation pourla santé.

L’infirmier moins techniciste, plus disponible pour sa relation àl’autre, devenait conseiller de santé, animateur, éducateur de santé.Tout un programme contenu aussi dans la réforme des étudesd’infirmier de 1972, 1979 et, plus prés de nous, de 1992. Dans cettenouvelle perspective, c’est surtout dans le secteur extra-hospitalierque les soins infirmiers de santé publique eurent un nouvel essor.Marie-Françoise Collière, avec son enseignement à l’École interna-tionale d’enseignement infirmier supérieur, et plus tard aidée parses propres actions de formation continue, en fut le chef de file. Cecourant nouveau des soins infirmiers de santé publique s’appuyanotamment sur l’action primordiale des centres de soins, sur letravail de partenariat avec les usagers et avec certaines infirmièreslibérales. De même, dans le domaine de la santé maternelle et infan-tile, dans le milieu scolaire et pénitentiaire se développèrent denouvelles approches.

Les problèmes de santé publique de notre temps

Depuis, la réalité a dépassé la fiction. Visionnaire à son heure,S. Karsenty avait prévu et le phénomène économique et les change-ments en matière de santé qu’espéraient les Français, mais commetout le monde il n’avait pas compté sur un phénomène qui nousramena au XVIIe et XVIIIe siècles, au temps des grandes épidémiesqui engendraient la peur et l’impuissance des populations, cettemaladie terrible qu’est le sida.

Auparavant, il y avait eu le mouvement écologiste qui dénonçaitle caractère trop exclusif et parfois trop agressif de la médecineallopathique et qui suggérait de revenir à des «techniques douces»telles que l’homéopathie, la relaxation, les massages, l’acupunc-ture. Il y avait eu aussi de nombreuses alertes écologiques: lescatastrophes industrielles, Tchernobyl pour le nucléaire, Séveso

148 LES SOINS INFIRMIERS UNE DISCIPLINE À PART ENTIÈRE

pour la dioxine. La pollution des mers avec une des plus impor-tantes, celle de l’Amoco-cadiz. Les eaux contaminées par lesnitrates dans les zones rurales. La pollution de l’air dans lesgrandes agglomérations du globe. L’amiante. Le sang contaminéet, plus près de nous, la maladie de la vache folle et les plantestransgéniques, les poulets aux hormones, puis les poulets et lesœufs à la dioxine, et jusqu’à ce sacré «Coca-cola», qui peut aussinous jouer de mauvais tours.

De plus en plus, la société française a mieux compris ce qu’estaujourd’hui la fonction infirmière dans un contexte de santépublique extrêmement préoccupant, qui n’est pas sans rappelercelui du début du siècle qui présida à la création de ce nouveaumétier pour soigner les hommes. Deux à trois générations d’infir-mières furent confrontées à la lutte contre une maladie mortelle etcontagieuse, la tuberculose. De nombreux soignants, médecins etinfirmiers moururent eux aussi de cette maladie, contaminés dansl’exercice de leurs fonctions. Si la vaccination par le BCG et lesantibiotiques permirent finalement de vaincre cette maladie, il nefaut pas sous-estimer pour autant l’action de prévention etd’éducation que les infirmières eurent à cœur d’apporter dans lalutte antituberculeuse. Pour ces générations, ce fléau fut un défiquotidien.

Le Sida

Le Sida, aujourd’hui, en est un autre pour les nouvelles et futuresgénérations. L’heure est à la mobilisation générale devant cettepandémie qui a fait voler en éclats les certitudes médicales, qui abouleversé les connaissances scientifiques, qui a alarmé les épidé-miologistes et les démographes, qui a troublé la justice et qui, parricochet, a conduit les politiques sur les bancs de la justice. Cettemaladie terrasse quotidiennement sur la planète, et particulièrementdans l’hémisphère sud, des milliers d’enfants, de femmes etd’hommes jeunes, parmi toutes les classes sociales. Le sida, c’est,chaque fois, un drame personnel au sein d’une tragédie mondiale.Les médias, la presse spécialisée et généraliste se font largementl’écho des progrès de la recherche et des traitements, semant autantl’espoir que le désespoir, tant semble encore lointaine la certitudede vaincre par la vaccination ce terrible fléau. C’est à cela que lessoignants d’aujourd’hui doivent répondre en priorité, dans uncontexte différent des années antérieures, où les soins à domicile

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sont préférentiellement indiqués compte tenu des traitements et desrémissions plus longues qu’ils ont procurées.

Les personnes âgées et de nombreuses pathologies

Mais ce contexte de santé publique s’ouvre aussi largement à euxpar le nombre croissant de personnes âgées qui connaissent desproblèmes de santé et des incapacités multiples; par l’admissiondans des maisons de retraite des parents arrivés dans le quatrièmeâge et des enfants atteints par le troisième âge, ce qui n’est passans poser de problèmes d’adaptation et de relation. Situationqu’il est aussi fréquent de trouver à domicile, où les soins auxpersonnes âgées rencontrent les mêmes difficultés, les progrèstechniques de la médecine permettant de maintenir la vie, ilsentraînent une augmentation du nombre de personnes vieillis-santes qui ont besoin de plus en plus de soins infirmiers; par lenombre croissant de personnes perturbées psychologiquement etatteintes de troubles psychiques et mentaux; par les maladieschroniques engendrées; par les modes vie et l’augmentation desproblèmes environnementaux qui affectent la santé; par lenombre croissant de maladies malignes; par l’augmentation desproblèmes cardio-vasculaires et des maladies chroniques et méta-boliques (notamment l’asthme, l’obésité, même dans lescatégories d’âge les plus jeunes), par la multiplication des techno-logies médicales, y compris les aides mécaniques à la vie, lestransplantations d’organes et les procédés génétiques; par le rôledes femmes en tant que dispensatrices des soins de santé, dans desstructures familiales éclatées ou recomposées; par la recrudes-cence de maladies multirésistantes que l’on croyait éradiquéescomme, particulièrement, la tuberculose.

Pour toutes ces raisons, notre système de santé doit continuer àévoluer vers un système privilégiant la prévention et la promotionde la santé dans lesquels les soins infirmiers joueront un rôlecapital. Les stratégies socio-politiques et les actions économique-ment possibles ne peuvent devenir efficaces que si la contributionqualitative et quantitative de la profession infirmière fait l’objetd’enquêtes systématiques et méthodologiques, afin que les déci-sions puissent être fondées sur des faits plutôt que sur desexpédients, ou des solutions à court terme telles que les décisionsrécentes qui ont été prises en matière d’administration des médi-caments ou des aspirations endo-trachéales et de la fonction

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d’infirmière de bloc opératoire. Décisions qui ne sont que desexpédients en matière de politique de santé et qui font régresser laqualité des services rendus.147

Il faut se rendre à l’évidence, la santé publique dépasse largementla simple discipline médicale qui peut protéger, prévenir, restaurer,car elle doit s’arc-bouter sur tous les secteurs qui la concernent,notamment: l’industrie, le commerce, l’architecture, l’économie,les équilibres mondiaux, les transports, les loisirs.

Le souhait ambitieux de l’Organisation mondialede la santé : « la santé pour tous en l’an 2000 »

La prise de conscience faite par l’OMS, qui dénonçait le décalagequ’il y avait entre les progrès incontestables de la médecinemoderne, de la pharmacopée et des techniques chirurgicales et leréel état de santé des populations dans les Pays en voie de dévelop-pement, comme dans les Pays industrialisés aurait du pourtant nousalerter et nous convaincre que nous étions dans un contextenouveau. Les efforts faits en ce sens entre 1984 et 1986 par leCentre collaborant en soins infirmiers français de l’OMS, dirigé parGeneviève Déchanoz, pour faire connaître la politique de cet orga-nisme, ont été à la hauteur de cette ambition de parvenir partoutdans le monde à la prise en compte de tous les facteurs environne-mentaux qui affectent la santé.

Les 38 buts de «la santé pour tous en l’an 2000»

Les nombreux «forums» organisés dans toute la France avaientpour objectif de faire connaître les conditions à mettre en place pouraméliorer les problèmes de santé d’ici l’an 2000.

Cette politique plus connue sous l’appellation des «38 buts pourla santé en l’an 2000» se présentait de la manière suivante:

147. Décret n° 99-246 du 27 mai 1999 habilitant certaines catégories de personnes à effectuerdes aspirations endo-trachéales et arrêté du 27 mai 1999 relatif à la formation de cespersonnes.Circulaire DGS/PS 3/DAS n° 99-320 du 4 juin 1999 relative à la distribution des médica-ments et circulaire DGS/DH n° 98-566 du 4 septembre 1998 relative aux infirmiers affectésdans les blocs opératoires.

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– Les buts 1 à 12 abordaient la réduction des écarts à instaurer pourparvenir à l’égalité devant la santé, notamment dans les Pays oùl’autosuffisance alimentaire n’était même pas permise; ils avaienttrait par ailleurs à l’amélioration de santé des enfants, des femmes,des personnes âgées et des handicapées et visaient aussi à laprévention des cancers, des troubles mentaux, des suicides notam-ment chez les adolescents, les accidents, les maladies chroniqueset cardio-vasculaires. Ils souhaitaient aussi prévenir la morbidité,l’incapacité et la mortalité liées aux maladies transmissibles.– Les buts 13 à 17 traitaient des mesures à développer dans tousles milieux de vie (villes-écoles-lieux de travail) pour promou-voir les modes de vie favorables à la santé, à l’équilibrenutritionnel, à l’exercice physique, à la réduction de l’alcool et dutabac.– Les buts 18 à 25 abordaient les questions de l’hygiène et del’environnement. En référence à la Charte européenne de l’envi-ronnement et de la santé, les activités à promouvoir portaient surla qualité de l’air et de l’eau, sur l’élimination des risques dus àl’accumulation des déchets de pollution des sols.– Les buts 26 à 31 tentaient de développer les soins de santéprimaires, secondaires et tertiaires.– Les buts 32 à 38 concernaient les conditions de la mise enœuvre d’une telle politique de santé, les structures, les moyens etprocessus nécessaires.

Malgré tout l’engagement et l’énergie déployés durant cettepériode, les infirmières et infirmiers français ne furent pas«prophètes en leur pays». Cette démarche, peu reprise par le corpsmédical, les pouvoirs publics et les média, ne dépassa guère lecercle des milieux professionnels. Néanmoins, cette stratégie esttoujours valable, même si elle a perdu de sa force et de son effica-cité au fur et à mesure que l’on s’éloigne de ces temps forts où elleétait mise en avant. Pourtant, les traditionnels autres facteurs quiaffectent la santé, les guerres, les génocides, les épurations ethni-ques et les déplacements de population au sein même des payseuropéens et sur le continent africain devraient nous obliger à nousen inspirer à nouveau.

Pourtant aussi, dans notre pays comme dans tous les autres payseuropéens, la récession économique de la fin du XXe siècle a produitdes réactions importantes et un jugement sans appel à l’égard ducoût explosif des soins strictement hospitaliers.

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Même si la France a toujours eu du mal, depuis le début du siècle,a s’extraire de la spirale hospitalocentriste dans laquelle la santé atoujours été enfermée, de nombreuses initiatives ont permis auxinfirmières et infirmiers d’en sortir. Formés à cela, plus nombreuxsont-ils à vouloir travailler dans des centres de prévention etd’éducation pour la santé; en milieu scolaire ou pénitentiaire, àdomicile, chez les personnes âgées, dans les centres de diagnostic,de consultations et de soins externes, dans des structures hospita-lières locales (que l’on a trop tendance actuellement, pour desraisons économiques, à vouloir supprimer), dans les hôpitaux dejour, de nuit, de semaine, et dans les structures sectorielles de luttecontre les maladies mentales, où leur participation «à différentesactions en matière de prévention, d’éducation de la santé, deformation et d’encadrement» est omniprésente. Mais toutes cessituations sont complexes et tributaires d’enjeux professionnels etéconomiques.

Cette formidable campagne de promotion de la santé à traverstous les pays européens se termina par la Conférence de Vienne du21 au 24 juin 1988, dont les Recommandations et la Déclaration enfaveur de la place des soins infirmiers feront date dans l’histoire dumonde de la santé du XXe siècle.148

Aujourd’hui, la place que les soignants occupent dans le monde dela santé et l’évolution de leur discipline sont des éléments fonda-mentaux dans leur histoire. Mais le doute m’assaille encore parfois,quand je constate la réalité. Quand je constate souvent le peud’enthousiasme pour toutes les questions professionnelles, les résis-tances au changement chez les plus jeunes comme chez les plusanciens, les réactions engendrées par toutes les initiatives, qu’ellessoient proposées par la hiérarchie ou introduites par des groupes oudes personnes désireux de créer des processus de changement.Quand je constate également l’obligation dans laquelle se trouventencore de nombreuses jeunes infirmières et cadres infirmiers,soucieux d’assumer leur destin de femme et de mère de rechercher— et qui pourrait les en blâmer? — des postes où les contraintes detravail et les servitudes de l’emploi sont moindres, afin de rendreleur engagement dans le monde du travail plus compatible avec une

148. Lire à ce sujet notamment: Annick Jouan. L’OMS recommande les infirmières. Conclu-sions de la Conférence de Vienne et Déclaration sur les soins infirmiers. L’InfirmièreMagazine n° 26, mars 1989, pp. 31 et 32 et J. Salvage. Nursing in action. Bureau régional del’Europe, Copenhague, 1993.

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vie familiale. Ce double statut, comme nous l’avons vu précédem-ment, leur laissant peu le loisir de s’intéresser de près aux questionsprofessionnelles. Quand je perçois aussi cette soumission — d’unautre âge — au corps médical dont font preuve encore bien des infir-mières. Il faut aussi, souvent, se rendre à l’évidence. Soigner lapersonne malade dans sa globalité, l’écouter, l’informer, répondre àses besoins et à ses attentes, n’est pas toujours ce que l’on constatequand on a la rude épreuve d’accompagner une personne de safamille ou un proche dans la maladie et dans les soins à l’hôpital. Acontrario, qu’elle n’est pas la famille qui a fait l’expérience decôtoyer une équipe auprès d’un malade porteur du sida, d’un cancé-reux, ou d’une personne âgée, ou lors des soins d’accompagnementen fin de vie, qui remplissait sa mission, non seulement avecdévouement, mais avec une compétence technique et relationnelleirréprochable? Pourquoi faut-il encore constater le pire comme lemeilleur?

La professionnalisation, la spécificitéet les spécialisations infirmièresont-elles bien été bénéfiques ?

En effet, il faut bien se poser la question de savoir si l’organisationnouvelle des soins, la hiérarchisation au sein de la profession, laréglementation et la reconnaissance de la fonction soignante et desspécialisations ont été aussi bénéfiques que le bilan que nousvenons de dresser le laisse supposer.

En l’absence d’une évaluation sérieuse ou d’une enquête auprèsdes personnels et des personnes soignées, il n’est pas aisé derépondre à une telle question. Toutefois, une expérience de dix-septans de direction d’un service de soins infirmiers dans un centrehospitalier universitaire, comme dans un établissement de moindreimportance, me permettent d’affirmer que oui.

Mais il est certain que cette autonomisation progressive de lafonction soignante pour tout ce qui concerne les aspects relatifs auxsoins des malades, et qui s’est vue dotée de textes réglementaires etjuridiques pour distinguer ce qui est du domaine médical et ce quiest du domaine des soins infirmiers, n’est pas sans poser deproblèmes aux équipes infirmières et médicales. Chacun saitcombien sont grandes encore les résistances, les interrogations

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concernant la fonction propre des infirmières. Cela est encore plusvrai quand, dans l’institution, la politique du service infirmier n’estpas prise à bras le corps par l’infirmier général, directeur du servicede soins infirmiers. Surtout lorsque cette dernière n’est pasdéfendue comme il se doit, pour faire partie intégrante du «projetd’établissement», qui ne peut se résumer au seul «projet médical»,mais qui est l’ensemble des projets «médicaux, infirmiers, sociaux,administratifs». Cela s’aggrave quand les changements à opérerpour une conception renouvelée des soins infirmiers ne sont pasaccompagnés par les responsables institutionnels eux-mêmes,cadres de direction, médecins, syndicalistes. Car, souvent, lesmoyens ne sont pas donnés, le temps nécessaire pour obtenir leschangements escomptés n’est pas accordé, et les changements dementalités étant plus longs à obtenir que les changements organisa-tionnels, les personnels comme les cadres se lassent et abandonnentla rude bataille pour leur existence.

Par ailleurs, les emplois spécialisés de puéricultrice, d’infirmièrede bloc opératoire diplômée d’État, d’infirmière anesthésistediplômée d’État, aux dires de nombreuses équipes médicales, sontdevenus des qualifications indispensables à la mise en œuvre detechniques très sophistiquées pour la qualité des soins et la sécuritédes patients, dans les services et hôpitaux d’enfants, dans les blocsopératoires, dans les salles de réveil, dans les services de réanima-tion et d’urgence, dans les transports sanitaires dans le cadre desservices médicaux d’urgence. C’est la raison pour laquelle il estdifficile d’admettre que ces emplois pourraient être tenus parn’importe qui, comme vient de l’envisager le ministère actuel.

Malheureusement, malgré l’espoir que de telles dispositions neverraient pas le jour, la publication en 2005 de deux textes d’appli-cation de la loi de financement pour la Sécurité sociale ont permisla validation des aides-opératoires bénévoles. Ils ont naturellementsuscité une nouvelle et vive colère des infirmières de bloc opéra-toire diplômées. Deux recours en Conseil d’État ont été déposés,car ces textes bafouent la sécurité imposée par les lois et décrets decompétence relatifs aux actes de soins infirmiers inscrits depuis2004 dans le Code de la Santé publique.

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Les voies d’avenir

Mais il n’est plus temps d’abandonner. Le challenge réside encoredans la nécessité d’engager les infirmières et les infirmiers, lesaides-soignants dans la voie d’une discipline propre et complémen-taire à la médecine, les soins infirmiers.149

Dans celui de continuer à concevoir que «soigner» au sens de«prendre soin» ou d’agir pour soi-même ou pour autrui, afin «d’entre-tenir la vie, de maintenir et de restaurer la santé» est différent de«traiter» une maladie, un cas pathologique intéressant? Conceptionqu’à largement développée Marie-Françoise Collière et qui est le fonde-ment, depuis 1972, de l’enseignement et de l’exercice professionnels.

Il est encore grandement utile de former des infirmières à l’acquisi-tion d’une méthode de «prise en charge globale de la personnemalade», surtout que, dans la plupart des cas, les équipes médicalescontinuent à se focaliser le plus souvent sur l’organe ou la fonctionmalade? Il est tout aussi nécessaire de continuer à favoriser laréflexion des personnels infirmiers français à partir de concepts, demodèles, de théories empruntés à nos consœurs et confrères d’outre-Atlantique ou d’Outre-Manche; à la formulation et l’utilisation desdiagnostics infirmiers, en essayant, comme pour la démarche de soinsinfirmiers, de ne pas enfermer à nouveau les soignants dans l’acquisi-tion pure et simple de procédures systématisées qui pourraient prendrele pas sur la capacité de discernement, que doit posséder l’infirmière àpartir de l’inconnu, de la complexité que représentent au départ, l’actede soigner, la situation de soins et l’homme lui même.

149. Des travaux récents permettent un prolongement de cette réflexion:Jovic L. – La clinique dans les soins infirmiers: naissance d’une discipline, thèse pour ledoctorat de sociologie et sciences sociales. sous la direction de M. le professeur G. Vincent,Lyon, Université Lumière Lyon 2, 1998 (non publiée).Poisson M. – Le pansement et la pensée, éléments de réflexion sur les conditions de possibi-lité d’une épistémologie des soins infirmiers. op. cit.

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Il faut continuer dans cette voie, car elle permet aux soignants desortir de l’affectivité et de la subjectivité, au profit d’un raisonnementplus «scientifique», même si chacun s’accorde à dire et à constater quela durée moyenne de séjour dans les services d’aigus diminue constam-ment, que les nouvelles formes d’alternatives à l’hospitalisation ont denouvelles exigences en matière d’organisation et de répartition dessoins. Même si ces durées très courtes (parfois une seule journée)entraînent les infirmières dans des procédures administratives trèslourdes, au détriment de leur approche de la personne malade et de sonentourage et auxquelles s’ajoute la complexité des actes techniques(notamment dans les services de soins intensifs de réanimation, detransplantations d’organes et d’hémodialyse). Même si, encore, lesprocédures mises en place par le législateur pour une bonne gestion etadministration des soins sont de plus en plus nombreuses et contrai-gnantes, tout en étant hautement nécessaires, notamment, dans ledomaine de l’hémovigilance, des infections nosocomiales, de la maté-riovigilance. Dans bien des cas, leur application incontournableaugmente considérablement la charge de travail et accentue le senti-ment qu’ont de plus en plus les personnels infirmiers d’être empêchésde remplir correctement leur mission première, celle de soigner.

Les enjeux auxquels ont été confrontés les générations précédentesd’infirmières ne peuvent désormais buter sur de tels écueils. Ce nesont pas les améliorations à apporter dans le travail des infirmièresqui doivent être remises en cause, mais l’organisation tout entière del’offre de soins, notamment hospitalière, et celle de tous les profes-sionnels de santé, y compris le corps médical et sa hiérarchie.

Ces évolutions faites depuis quarante ans doivent connaître desprolongements à la mesure des problèmes de l’offre et de la demandede soins, même si parfois encore devant les difficultés qu’ils rencon-trent, coincés entre les aides-soignants qui revendiquent haut et fortleur place dans cette dynamique et le corps médical (qui pour unebonne part a du mal encore à l’admettre), certains pensent que «lesinfirmières sont une espèce en voie de disparition».

Je n’ai jamais cru en un tel scénario. La profession infirmièrepossède désormais une loi qui réglemente son exercice, un décretd’application qui définit les actes et actions de soins infirmiers qu’elleest en droit d’exercer, une loi qui prévoit une juridiction de type ordinalet un règlement déontologique, en attendant mieux. Les infirmières etinfirmiers qui, en 1988, portèrent sur la voie publique leurs doléances etrevendications obtinrent un soutien massif et chaleureux de la part de la

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population, ce qui a mon sens équivaut à une véritable reconnaissancesociale de leur place dans la Société française.

Par ailleurs, sur un plan international, où l’Organisation mondialede la santé et les Instances européennes veillent au grain, les Paysmembres de l’Union européenne ne peuvent se soustraire aux orien-tations recommandées dans le domaine de la santé, même si parfoisils traînent un peu les pieds pour les mettre en œuvre.

Témoin et acteur de l’évolution des soins infirmiers et au risquede paraître encore une fois, peut-être la dernière, comme le militantinfirmier impénitent que l’on m’a souvent reproché d’être, je pensefermement qu’il faut donner à cette discipline toutes les chances dese développer encore. Pourquoi? Devant tous ces problèmes desanté publique auxquels il nous faut ajouter les symptômes d’unesociété postindustrielle malade (c’est-à-dire le chômage, la précarité,les exclus, les sans-papiers), nous ne pouvons pas nous contenter dela seule médecine, aussi nécessaire soit-elle. Il nous faut privilégier,pour les infirmières comme pour les médecins, ce qui a toujours faitl’essence même, le fondement des soins, c’est-à-dire: le discerne-ment dans l’approche de l’homme en difficulté, de ce qui ledifférencie des autres et de ce dont il a besoin en priorité; de ce dontil a avant tout besoin pour aller au-delà de cet épisode difficileengendré par une maladie, un handicap, un traumatisme ou lessimples revers de la vie. La formation à la résolution de problèmesqui prévaut depuis les années soixante et qui permet aux infirmièresd’analyser la situation et de poser un diagnostic doit être largementcontinuée; peut être repensée dans la manière de l’enseigner et de lapratiquer, mais en aucun cas ne doit être abandonnée. Cela n’interditpas non plus de rechercher de nouveaux concepts de soins et denouvelles voies d’amélioration des pratiques et de leur organisation.

Je continue à penser également qu’il nous faut privilégier le question-nement de notre savoir et de nos pratiques à partir des théories anglo-saxonnes puisqu’elles ont toutes un dénominateur commun, un conceptuniversel: l’homme. Bien sûr, je me réjouirai quand, ayant eu lesmoyens propres à développer la recherche, nous aurons des infirmièreset des infirmiers capables d’enrichir leurs connaissances et leurs prati-ques d’un savoir adapté à nos situations, fondées sur des connaissancesscientifiques puisées aux sources des maîtres à penser européens.150

150. Le Diplôme d’université de formation par la recherche en soins infirmiers, cité parailleurs, qui devrait démarrer en janvier 2002 sous l’égide du département de sociologie del’Université — Formation continue de Nantes, va dans ce sens être grandement utile.

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Mais, ne faut-il pas dire également, que toutes les connaissances, toutesles sciences auxquelles nous nous référons, ont été enrichies aussi pardes savoirs étrangers?

Mais, aujourd’hui encore, ces réflexions sont difficiles à développerau sein d’une équipe où le chef de service demande tous les jours unpeu plus dans l’accompagnement de l’acte chirurgical et du suivimédical au détriment de celui du malade lui-même. C’est difficileaussi, quand on se trouve confronté à un nombre élevé de patients àrecevoir quotidiennement; quand, pour des raisons architecturales etorganisationnelles ou bien d’administration et de gestion, on estconfronté à un émiettement des tâches à accomplir, tiraillée entre letéléphone, les appels des malades, les familles à recevoir, les démar-ches administratives à exécuter, l’urgence à assurer, et que le tempsfait grandement défaut. Quand, au sein d’une équipe soignante, rienn’a été mis en place pour que la parole circule, que les émotions et lesstress soient dits, que les infirmières et les aides-soignantes puissents’expliquer sur ce qu’attendent les unes par rapport aux autres, et quela parole du malade, sous le couvert du secret professionnel soitentendue. Quand l’administration qui n’a pas compris ou qui ne peutpas comprendre, confrontée aux dures exigences de la productivité, nemaintient pas, par des remplacements, les effectifs adéquats pourobtenir la meilleure qualité de soin possible.

SOIGNER : UNE FONCTION COMPLEXEET EXIGEANTE

D’autres exigences pour continuer dans cette voie dans laquelle nosaînés nous ont entraînée sont à mettre en œuvre par nous-mêmes.C’est au corps infirmier à faire preuve de connaissances toujoursrenouvelées, de compétences nouvelles à acquérir, au fur et àmesure que se diversifient les disciplines utiles aux soins infirmiers.C’est sans doute cela le plus difficile, d’autant que, depuis 1972, ilest demandé quotidiennement à l’infirmière ou à l’infirmier deuxtypes d’actions à mettre en œuvre simultanément et même parfoisconjointement, ce qui ne facilite pas sa tâche. Il lui est demandé:

– de découvrir, d’observer et de connaître à fond le patient et sonentourage, de discerner ses problèmes de santé prioritaires,d’établir un ou plusieurs diagnostics infirmiers, de fixer avec lui lesobjectifs à atteindre et de planifier les actes de soins infirmiersnécessaires;

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– de mettre en œuvre ces soins, de les exécuter ou d’en faire exécutercertains par les aides-soignants et en même temps d’exécuter lesprescriptions médicales et d’évaluer en permanence le tout.

Devant cette complexité, les plus doués, les mieux formés, lesplus expérimentés pourront y parvenir, mais à quel prix? Au détri-ment de quoi? Celles et ceux qui débutent, qui n’ont pas assezapprofondi les changements opérés dans la fonction infirmière,vont être la proie facile de ceux qui stigmatisent «les soins infir-miers à la personne malade» conçus de cette manière, exigeante etresponsable. Ils sont encore nombreux, ceux qui pensent que lessoins d’entretien et de continuité de la vie, qui sont l’essentiel durôle propre, mais pas que cela, doivent être réservés aux aides-soignants et que ces soins relèvent davantage de leur fonction.N’entendons-nous pas encore, de la part de certains responsables,infirmiers entre-autres: «Il n’y a pas de soins infirmiers…», cartout acte réalisé par un professionnel de santé est «un soin».

Ceux qui brocardent cette discipline, ce sont ceux souvent quitravaillent dans des grandes équipes pluridisciplinaires, dans «cestemples de la science et de la recherche» où il est parfois difficilede déterminer «qui fait quoi?», où les techniques, hautementnécessaires, y sont extrêmement développées, et où ce que l’on yfait est accompagné du savoir et du pouvoir de maîtres reconnus etde grande notoriété qui développent des travaux de recherche, desactions innovantes qui valorisent l’ensemble des partenaires. Toutceci n’est pas condamnable, grandement utile, mais de nature àlaisser peu d’espace à une réflexion et une action pouvant enrichirles soins infirmiers et pas seulement la médecine.

Des soins infirmiers où techniqueet relation sont complémentaires

En fonction de l’évolution de la politique de santé en France dans lesannées à venir et, par contrecoup, celle de la fonction infirmière, il nefait pas de doute que nous aurons toujours besoin de ces grandscentres scientifiques, à la pointe des techniques et des progrès. Maispeut-être auront-ils à se préoccuper davantage de la place del’homme malade, de ce qu’il attend de ces équipes, en termed’écoute, d’information et du partage de la vérité sur son cas. Plus lapopulation vieillit, plus les services sont et seront confrontés aux étatde défaillance chronique et à la perte d’autonomie, et cela, pas seule-

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ment dans les services de personnes âgées. Quel que soit le lieud’hospitalisation, les patients sont en droit de recevoir les meilleurssoins médicaux, mais aussi les soins élémentaires qu’ils accompli-raient pour eux-mêmes s’ils en avaient encore la force et lapossibilité. Dans mes expériences d’encadrement d’équipes infir-mières et de cadres infirmiers, j’ai souvent assisté à la lassitude desinfirmières de soins intensifs et de réanimation après dix à douze ansd’ancienneté dans de tels services, qui demandaient une affectationplus conforme à ce qu’elles avaient envie de faire. Une affectationauprès de malades où elles pourraient privilégier la fonction de rela-tion et d’aide qu’elles n’avaient pu avoir jusqu’ici dans des serviceshautement techniques, sans toutefois nier que cette approche de leurfonction dans ces services était éminemment nécessaire, mais renduesi difficile dans la relation triangulaire «malade/machine/soignants».

Par ailleurs, qu’en est-il alors de la reconnaissance de ces «sansgrade» (et ils seront de plus en plus nombreux dans les années àvenir), qui, tous les jours, «accompagnent, stimulent les forces et ledésir de vivre, et recherchent ce qui les entrave» (M.-F. Collière),notamment auprès des personnes âgées, dans les services de moyenet long-séjour, dans les grands centres de rééducation des polytrau-matisés et comateux, dans les maisons de retraite, dans les services desoins infirmiers à domicile pour personnes âgées; auprès des exclus,des marginaux dans les services d’aide médicale d’urgence sociaux etautres institutions d’aide et d’assistance pour les toxicomanes; dansles prisons, où l’état de santé des détenus était tel qu’une réforme futfaite en 1994, afin de confier aux hôpitaux leur prise en charge médi-cale et infirmière; auprès aussi, de ceux qui sont en situation précaireet en absence d’insertion sociale; dans les services hospitaliers etextra-hospitaliers qui prennent en charge les malades mentaux?

Ceux-là aussi sont des infirmiers et des infirmières à part entière quine peuvent réduire leur action aux seuls actes techniques mais, aucontraire, qui doivent la fonder sur des actions de soins infirmierspoussées par leur sens de l’écoute, de l’attention à l’autre, de leur bonsens et de leur désir d’entendre les plaintes et la souffrance exprimées;puis soulager, aider dans une relation d’adulte qui discerne, qui nejuge pas et qui agit. Ceux-là ont la malchance de n’être aidés que pardes concepts de soins encore flous, peu inventoriés, peu expérimentés,mais qui demandent une grande faculté d’adaptation aux situations,une connaissance en sciences sociales importante, et une santé de fer.

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De multiples exercices professionnels

À ce stade de la réflexion, on peut aisément se rendre compte qu’iln’y a pas qu’un seul exercice professionnel infirmier, mais des exer-cices divers et variés151, qui requièrent des connaissances, descapacités, des compétences communes; mais aussi très particulièresà chacun d’entre eux. Dans l’avenir, pour faire face à une tellecomplexité, la formation à la polyvalence devra s’intensifier, dans lamesure où nous aurons besoin dans une même et unique profession:

– de professionnels hautement performants dans des situations desoins ou l’acte de réparation est prioritaire, dont les compétencesnécessaires seront très techniques et desquelles une formation àla relation ne pourra être absente;– de professionnels d’aide et d’assistance, qui dans les techniquesde relation seront hautement performants, pour affronter lessituations de plus en plus problématiques de leurs concitoyens;– de professionnels «d’aide à la fonction soignante» qualifiés.Pour ces derniers, l’étroite collaboration avec les personnelsinfirmiers dont ils font partie, sera inévitablement repensée dansle sens où l’action des uns et des autres au sein de la disciplinedes soins infirmiers sera mieux codifiée, où l’infirmière auravéritablement compris sa fonction essentielle de «chef d’équipe»et acceptera d’en assumer les responsabilités qui en découlent.152

Favoriser les organisations et les postes dits «transversaux»

Les nouvelles fonctions dites «transversales» et dont la terminologien’est encore pas tout à fait fixée, qui oscille entre «infirmièreexperte», «infirmière conseil», «cadre infirmier expert», et quirecouvre notamment: les emplois d’infirmière hygiéniste, de stoma-thérapeute, d’infirmière clinicienne, d’infirmière coordinatrice pourles prélèvements d’organes, d’infirmière d’hémovigilance pour neciter que ceux-là, ont grandement démontré combien la qualité dessoins avait bénéficié de leur existence; mais surtout combien laqualité des rapports entre le service infirmier et ses partenaires, dansdes relations dénuées de toutes contingences hiérarchiques, en avaitaussi bénéficié. Il est dommage que pour des questions purement

151. 24 exercices professionnels différents ont été définis in: Le dictionnaire des soins infir-miers, op. cit.152. Au sujet de la fonction aide-soignante voir aussi page: 102.

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«statutaires», ces emplois n’aient pu encore franchir le mur de résis-tance auquel ils se heurtent chez les techniciens de l’administration(santé et finances), comme chez les organisations syndicales et chezcertains infirmiers et infirmières, malgré la preuve de leur efficacitédans les équipes soignantes et les services nouveaux qu’ils apportentaux patients. Je ne désespère pas, toutefois, que ces orientations puis-sent être reconnues et développées au cours des prochaines années,ce que réclament à grands cris les infirmières qui veulent resterauprès du malade, dans des fonctions cliniques et non hiérarchiques.

Réfléchir à l’évolution des formations infirmièrespour le XXIe siècle

Que faudrait-il encore faire pour que cette discipline, les soins infir-miers, puisse continuer à se développer? Nous ne reviendrons passur les conditions requises dans la formation universitaire et dans laformation des chercheurs que nous avons largement évoquéesprécédemment, mais nous insisterons sur l’urgence qu’il y a pourles instituts de formation en soins infirmiers et ceux qui les repré-sentent, notamment le Comité d’entente des formations infirmièreset cadres (CEFIEC) ainsi que pour toutes les autres forces vives dela profession d’entamer une nouvelle réflexion sur le projet pédago-gique du futur programme de formation des infirmières etinfirmiers et sur une transformation de l’appareil de formation.

Une orientation vers l’université inéluctable

Une orientation vers une formation universitaire me parait inéluctableau cours de ce siècle153. Je n’en veux pour preuve que l’évolution desinstituteurs qui, nés en même temps que les infirmières à la fin duXIXe, ont déjà réalisé leur conversion. Les écoles normales ont cédé laplace aux Instituts de formation des maîtres (IUFM). Bien sûr, cela nes’est pas opéré sans difficultés et sans réajustements, et il en sera demême pour nous, le moment venu. Mais deux indicateurs me permet-tent d’avancer une telle idée. Faut-il rappeler que les écolesd’infirmières, depuis 1992, sont devenues des Instituts de formationen soins infirmiers (IFSI), que les écoles de cadres sont devenues desInstituts de formation de cadres de santé (IFCS), et que, par conven-

153. Pour avoir une vue d’ensemble sur cette question voir aussi: pages 58 à 60.

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tion, des enseignements peuvent être organisés entre ces instituts etl’université? Faut-il rappeler aussi que ces textes ont été signés, pourla première fois dans l’histoire des pratiques et du savoir des infir-miers, par l’Éducation nationale et la Santé?

Nul doute que le programme de 1992, qui a réconcilié ce quisemblait à beaucoup inconciliable, et qui a rassemblé dans une mêmeformation «polyvalente» (certes, avec plus ou moins de bonheur) ceuxqui soignaient la tête et ceux qui soignaient le corps, doit encore faire lapreuve de sa réelle faculté à former d’excellents professionnels. Laréforme des études universitaires connue sous l’abréviation LMD(licence, master, doctorat) peut faire espérer que les étudiants en soinsinfirmiers, via des conventions avec l’Éducation nationale, pourraientobtenir un grade LMD en sus de leur diplôme d’État qui, en l’état actueldes négociations, ne serait pas remis en cause. Mais ce qui est en jeumaintenant aussi, c’est la nécessité de coller au plus près, dans lesannées à venir, à la demande de soins, aux changements qui s’opèrent àune vitesse vertigineuse dans les modes d’organisation et d’informa-tion, et que compte tenu de ce que nous venons de mettre en exerguesur la durée de vie d’un programme (dix ans en moyenne), nouspouvons en mesurer l’urgence. Réfléchir à un programme, qui commecelui de 1972, a apporté un «supplément d’âme aux soins infir-miers»154, même si d’aucuns pensent encore que le «fossé était grandentre la pratique et la formation»! Que serait un programme de forma-tion qui est censé former des professionnels du futur, s’il ne comportaitquelque part une avancée significative dans la conception de l’action etdans les théories qu’il apporte? En revanche, que les enseignants ensoins infirmiers repensent fondamentalement «l’enseignementclinique», et réclament les moyens de l’organiser différemment enfonction des nouvelles données sociologiques et cessent de penser que«la formation pratique» revient en grande partie à l’infirmière deterrain est grandement nécessaire. Nous sommes un des rares payseuropéens à n’avoir jamais su résoudre efficacement le problème del’enseignement en stage, dans la majeure partie des services, même sides expériences positives existent. Il y a là de grandes réformes pédago-giques à conduire. Il est aussi urgent de réfléchir également, commevient de le faire un collectif infirmier de secteur psychiatrique, à la créa-tion d’une nouvelle spécialisation en psychiatrie et en santé mentale155.

154. Lacaze J. – Un supplément d’âme pour les soins infirmiers. L’Inter-dit, n° 3 et 4, 1987,pages 17 à 37.155. Perrin-Niquet A., Messiaen E., Verot J.-P. et Lemoine F. Une spécialisation en psychia-trie et en santé mentale, pourquoi, pour qui? Proposition ANFIIDE-CEFI, 2000.

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La formation des cadres de santé infirmiers doit non seulementfaire découvrir les méthodes modernes d’organisation, de communi-cation et de gestion des personnels, des matériels, les méthodesrationnelles pour soigner au meilleur coût, mais aussi et surtout lescompétences nécessaires pour défendre et faire reconnaître la valeurintrinsèque de l’action autonome des infirmières. Cela passe par uneréorganisation de l’encadrement supérieur infirmier et de l’encadre-ment de «proximité», et par la création de fonctions d’encadrement«transversales», comme nous l’avons vu plus haut, qui peuventgrandement aider à déhiérarchiser l’hôpital et à rendre le service desoins infirmiers plus efficace. Enfin, la fonction d’enseignement doitretrouver une formation spécifique et les statuts des formateurs,repensés. Le statut administratif, bien sûr, mais aussi celui que leurconfère la conception de leur exercice professionnel. Sont-ilstoujours des moniteurs, comme cela se voit encore dans certainsprojets pédagogiques? Sont-ils des infirmiers enseignants, desformateurs ou des enseignants, des professeurs en soins infirmiers?

Quelles sont les autres conditions porteuses d’un avenir pour lessoins infirmiers? Ce sera la capacité qu’auront les professionnelsinfirmiers à s’imprégner de la responsabilité que leur confèrent lestextes réglementant leur exercice professionnel et leur capacité às’approprier leur rôle propre. L’aptitude qu’ils auront à se poser entant que partenaires, collaborateurs à part entière des autres profes-sionnels de la santé, y compris des médecins dans l’action de tousles jours, dans le nombre de patients à accepter de soigner quoti-diennement en fonction de la charge de travail en soins infirmiers.Les possibilités que nous nous donnerons à l’avenir pour réfléchiraux voies à emprunter, autres, si c’est nécessaire, que celles quenous avons privilégiées jusqu’à aujourd’hui, si les nouvelles réalitéspolitiques, sociologiques, les progrès de la médecine et l’avènementde nouveaux fléaux sociaux nous y invitent. Il est urgent de le faire,si nous ne voulons pas que d’autres le fassent à notre place.

Les nouveaux systèmes d’information et de communication

Si, dans ces orientations nouvelles pour l’organisation de l’informa-tion et de la communication, les infirmières ont démontré jusqu’iciqu’elles avaient eu un réel désir de changement, il ne semble pasque ce soit le cas au sein du corps médical. Les nouvelles techni-ques d’organisation de la saisie et de la circulation de l’informationau moyen de l’informatique sont aussi de nouveaux enjeux dans la

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distribution du savoir et du pouvoir. De nombreuses initiatives ontvu le jour pour passer du support papier au support informatiquedans l’organisation et la dispense des soins infirmiers, mais denombreuses années seront encore nécessaires pour que cessystèmes soient généralisés, tant que le corps médical n’aura pas luimême adhéré à la constitution d’un dossier unique du patient.

Un nouvel enjeu : le droit limité à prescriptionpour les infirmières

La revendication toute récente d’un «droit limité à prescription»reste entière, notamment, dans le cadre des traitements contre ladouleur, et plus récemment dans les cas de délivrance de «la piluledu lendemain» par les infirmières scolaires.

Cette revendication est née aussi depuis 1993 de l’impossibilitépour les infirmières libérales d’effectuer un certain nombre d’actesdu rôle propre, c’est-à-dire «des soins dont elles ont l’initiative etqu’elles peuvent mettre en œuvre», sans posséder une ordonnancemédicale permettant aux assurés sociaux de se faire rembourser.

Depuis janvier 2000, les infirmières scolaires avaient été autori-sées, par la ministre déléguée à l’Éducation nationale, à délivrer lapilule du lendemain dans les collèges et lycées. De plus, elles étaientaussi autorisées à délivrer des médicaments «d’usage courant» telsque Doliprane, Smecta, Spasfon, Hémoclar, Biafine, Hexomédine,ainsi que des médicaments d’urgence médicale «sur prescriptiond’un médecin après appel au n° 15». Par ailleurs, en cas d’arrêtcardio-vasculaire, d’asthme aigu, d’hypoglycémie grave chez undiabétique sous insuline, ou d’états allergiques sévères, elles étaientautorisées également à effectuer une injection ou à délivrer un médi-cament dans l’attente de l’arrivée de l’équipe médicale d’urgence, cequi est d’ailleurs conforme au cadre déontologique actuel.

Mais, ce qu’aucun ministre de la Santé n’avait fait, la ministredéléguée à l’Éducation nationale l’a fait. Pourquoi un tel paradoxe?Qu’elle n’est pas également, l’infirmière ou l’infirmier à l’hôpital,qui aimerait qu’une décision aussi claire soit prise, pour clarifier,régulariser de nombreuses expériences de délivrance de médica-ments qu’ils sont obligés de faire en l’absence de médecins, etnotamment la nuit pour calmer angoisses et douleur?

Ce «droit de prescription limité» que le leur avait pourtantpromis un certain secrétaire d’État à la santé, devenait enfin pour

166 LES SOINS INFIRMIERS UNE DISCIPLINE À PART ENTIÈRE

certaines infirmières et dans des conditions bien établies, uneréalité. Mais c’était sans compter sur les réactions nombreuses à cetenjeu nouveau pour les infirmières, des associations familialescatholiques, des opposants à l’interruption volontaire de grossesse,et de certains milieux médicaux réticents aux changements de statutd’un personnel qu’ils ont tant gardé sous leur tutelle.

Pour les infirmières qui, à partir de leur conception renouvelée dessoins infirmiers, souhaitent, depuis 1960, que l’on considère «lemalade dans sa globalité», quelque soit son âge, et qui sont souventconfrontées en dehors d’une présence médicale à des situations dedétresse de plus en plus nombreuses et souvent dramatiques, ellespensaient enfin détenir là, la clef d’une évolution digne d’un nouveausiècle. Ce n’est, hélas, pas le cas, car ces dispositions prises par circu-laire, avec pourtant l’aval des autorités de la santé, ont été cassées parle Conseil d’État. Le vide juridique ainsi créé ne sera sans doute quetemporaire, car les députés ont voté en première lecture le 5 octobre2000 la proposition de loi du parti socialiste sur la «pilule du lende-main». Ce texte de loi qui devrait être adopté avant la fin de l’année2000 autorisera les infirmières scolaires à la délivrer sans ordonnance.

Je crains toutefois que ce nouveau combat, pour «ce droit limité àprescription» auquel sont confrontés aujourd’hui les personnels infir-miers, soit comme «l’autonomie partielle» qu’ils revendiquèrent il ya déjà presque un quart de siècle, une lutte de longue haleine.

Parmi les voies d’avenir pour les soins infirmiers, ce sera aussi lacapacité qu’auront les infirmières et infirmiers à se convaincremutuellement de mener une réflexion et des actions communesdans une instance fédérative nationale, pour démontrer que lemétier de soigner les hommes est un art d’une rare humanité qui nepeut se mettre en équations ou en chiffres. Soigner les hommes sansdistinction quant à la couleur de leur peau, de leur race, de leur âge,de leur sexe ou de leurs préférences sexuelles et de leur apparte-nance politique ou religieuse n’est pas un métier comme les autres.

Soigner, si c’est aider son prochain à vivre (ou seulement à survivreparfois encore, dans certains pays ou dans certaines situations, commenous l’avons trop vu, hélas, au cours de ce siècle), c’est aussi l’aider àaffronter la souffrance, la douleur, la mort. Malgré toutes les révolu-tions industrielles ou technologiques du futur, c’est une activité aussivieille que l’humanité et dont elle ne pourra jamais se passer.

Soigner, c’est aujourd’hui une profession réglementée qui a desdroits et des devoirs, mais c’est avant-tout aussi et surtout, un acted’amour et de fraternité!

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Annexes156

Principaux événements et découvertes scientifiquesayant eu une influence dans l’évolution des pratiques

de soins aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles

1502. Fondation de l’ordre des hospitalières de Lyon par un cordelier, Jean Tisse-rand. Des femmes, servantes des pauvres, et non pas des religieuses. Il fit appel, àl’origine à des «filles repenties» puis, par la suite, à des orphelines, des veuves,des femmes mariées. Elles prirent en 1539, les noms de sœur religieuse, de reli-gieuse, de sœur servante.

1508-1540. Fondation, à Grenade, de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean deDieu, par Jean Ciudad (1495-1550), dénommés aussi «Frères de la Charité».

1509-1590. Vie d’Ambroise Paré, «Père» de la chirurgie moderne.

1509. Henlein P. construit une montre mécanique pour apprécier la fréquencenumérique du pouls, mais cette dernière ne s’imposera dans les soins que deuxsiècles plus tard.

1535. En Allemagne, création de l’Ordre des Diaconnesses, ordre réformé de reli-gieuses soignantes.

1545. Invention du clystère qui va permettre la prescription «des lavements» dansde très nombreux cas. • Publication de La Méthode de traiter les plaies, deAmbroise Paré.

1553. L’anatomiste espagnol Michel Servet découvre la circulation sanguinepulmonaire.

1556. Publication de Singulières recettes pour entretenir la santé du corps, parNostradamus.

1586. Fondation en Italie par St. Camille de Lellis d’une congrégation monastique«Les Pères de la bonne mort» qui se consacreront plus particulièrement auxsecours des blessés sur les champs de bataille et qui portait déjà une Croix-Rouge.L’Ordre des «Frères Camilliens», des clercs réguliers pour le service des maladesfut reconnu par Grégoire VI en 1791.

1589. Publication d’un écrit posthume de Codronchi G. B. Casi di conscienzapertinenti a medici principialmente e anche a infermi, a infermieri e sani (Cas deconscience concernant principalement les médecins mais aussi les malades, les

156. Principales sources citées en bibliographie, page 167.

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infirmiers et les soins). Un des premiers ouvrages à envisager les problèmes demorale et l’aspect médico-légal des actes des médecins et des infirmiers.

1592. Invention du thermomètre à air par Galilée.

Dés le XVIIe. La variole, ou «petite vérole», est assimilée aux fièvres pestilen-tielles. Disettes et famines altèrent considérablement la santé des populations parcarence et malnutrition, et par la consommation d’aliments avariés, farines gâtées,fruits verts et pourris, viandes toxiques, etc. • Au milieu de ce siècle, sous le nom«d’hôpital général» ou «d’hôpital des pauvres enfermés» furent créés des établis-sements destinés aux mendiants et aux pauvres.

1601. Introduction en France, des Frères Hospitaliers de St. Jean de Dieu parMarie de Médicis. La mission de cet ordre fondé en 1540 à Grenade par JeanCiudad va s’étendre, par la suite, principalement aux soins des malades mentaux.

1602. Santorio S. imagine son «pulsiloge» appareil pour compter la fréquence dupouls.

1610. Fondation par François de Salles de l’Ordre des Visitandines (Congrégationhors clôture) qui seront destinées aux soins à domicile.

1613. Restauration de la vie religieuse des Augustines hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Paris (le plus vieil ordre soignant depuis le Moyen Âge) par la Mère Gene-viève Bouquet dite Sœur du Saint-Nom de Jésus-Christ. (Le noviciat sera créé en1636).

1617. 23 août établissement à Châtillon-les Dombes (Ain), par Vincent de Paul(1581-1660) de la première confrérie de la Charité, prélude à l’organisation dessoins à domicile pour les pauvres.

1629. Grande épidémie de peste dans la région parisienne.

1630. W. Harvey (1578-1658) formule clairement les lois de la circulation géné-rale sanguine.

1633. 29 novembre, fondation de la Compagnie des Filles de la Charité parVincent de Paul et Louise de Marillac (1591-1660).

1639. Parution du Codex medicamentarius seu pharmacopeia Parisiensis(Registre des médicaments ou pharmacopée parisienne).

1640. Création des Dames de la Charité de l’Hôtel-Dieu de Paris, par MadameGoussault. Bénévoles, elles apportaient des gâteaux et des friandises et se consa-craient aux soins spirituels des malades, et venaient en appoint du travail desAugustines.

1640. Renaudot T. ouvre un dispensaire à Paris pour les pauvres qui donne desavis thérapeutiques et des soins gratuits, contre l’avis de la Faculté qui en obtiendrala fermeture quatre ans plus tard.

1650. Fondation des Sœurs de Saint-Joseph au Puy par l’évêque Henry de Maupas.

1652. Fondation des Sœurs de Saint-Charles de Nancy, appelés aussi: Sœurs deSaint-Charles ou Sœurs de la Miséricorde de Saint-Charles de Boromé du nom deleur fondateur. • Description des ganglions lymphatiques par G. Bartholin.

174 ANNEXES

1661. Fondation de la Société de Saint Thomas de Villeneuve à Lamballe par unaugustin, Ange le Proust.

1665. Publication par Madame Fouquet née Maupéon Marie d’un Recueil deremèdes choisis et expérimentés et approuvés contre quantité de maux fort connus(livre destiné aux filles de la Charité pour leur activité de garde.16 éditions jusqu’àla fin du XVIIIe). • Première mention de la notion de cellule par R. Hooke. • Décou-verte des globules rouges par Malpighi.

1668. Major J. B. réussit la première injection intraveineuse chez l’homme. Unepremière tentative avait était faite en 1665 par Elsholtz J. S.

1675. Découverte de l’arsenic par le Français Nicolas Lémery. (1645-1775).

1677. Découverte des spermatozoïdes par le Hollandais Ham J. L.

1679. Invention de la soupape de sûreté par Denis Papin qui mettra au pointl’appareil qui sera l’ancêtre de l’autoclave.

1682-1771. L’Italien J.B.Morgagni, suite à la levée des interdits liés à la dissectiondes cadavres va devenir le père de l’anatomie-pathologie. La première dissectionavait eu lieu en France en 1478.

1683. Installation des religieuses hospitalières de la Charité à Dijon par lechanoine Bénigne Joly.

1695. Fermeture, en France, des dernières léproseries.

1698. Déclaration royale du 13 février, reprise le 14 mai 1724 qui pose le principede la création d’une école dans chaque paroisse et l’obligation scolaire jusqu’àl’âge de 14 ans.

1703. Fondation de la communauté des Filles de la Sagesse à Saint-Laurent surSèvre par Marie-Louis Grignion de Montfort et Marie-Louise Tronchet pour«l’instruction des enfants et le soin des pauvres»

1705. Invention du manomètre, par le mathématicien Pierre Varignon.

1718. Fahrenheit propose son thermomètre à mercure.

1719. À Paris, la variole fait 14 000 morts.

1720-1722. Réapparition de la peste à Marseille et dans la région provençale quifait 48 000 morts et organisation des lazarets.

1727 et 1730. Jean Baptiste Silva et Quesnay Jean François furent parmi lespremiers à publier sur les saignées.

1731. 18 décembre. Création de l’Académie Royale de Chirurgie par Mareschal etF. Gigot de La Peyronie.

1734. Invention du dynamomètre par le Français Julien Le Roy (1686-1759).

1736. Première opération réussie de l’appendicite rapportée par le BritanniqueC. Amyand (1686-1740)

1742. Découverte de l’échelle thermométrique centésimale du Suédois AndersCelsius (1701-1744). • Une maladie contagieuse qui sévit en France, est désignéesous le nom de grippe.

1746. Theden J.C.A. propose le pansement compressif pour arrêter unehémorragie.

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1748. Découverte de l’osmose.

1749. Quesnay François publie son traité sur les gangrènes dans lequel il étudie lesméfaits dus à l’ingestion d’ergots de seigle avariés.

1751. Parution du premier volume de L’encyclopédie, ou Dictionnaire raisonnédes sciences, des arts et des métiers, de Diderot et d’Alembert (le dernier volumeparaîtra en 1777).

1762. Publication en France du livre du médecin genevois Tissot, intitulé Avis aupeuple sur sa santé ou traité des maladies les plus fréquentes. Ce livre de vulgari-sation aura un succès considérable.

1767. Balfour distingue la gonorrhée de la syphilis alors que de 1786 à 1789 le malfait rage à Paris, conçu comme un phénomène épidémique.

1768. Création de l’École de médecine, à Paris rue de l’École de médecine.

1770. Découverte par Cotugno D., que l’urine peut contenir de l’albumine.

1771-1802. Xavier Bichat va révolutionner la médecine en mettant au point laméthode anatomo-clinique et les expériences de physiologie.

1775. Publication du livre de M. Serain Pierre Eutrope, chirurgien, intitulé:Instructions pour les personnes qui gardent les malades. Ce livre peut être consi-déré comme le premier du genre en France.

1776. Fondation de la Société royale de médecine. Secrétaire général, M. Vicqd’Azyr. • Dobson M., prouve que le goût douceâtre des urines des diabétiques queWillis avait découvert est le fait du sucre. Il découvre aussi l’hyperglycémie.

1777. Analyse de l’air par le Français Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794)qui explique le rôle de l’air dans la respiration.

1778-1802. Bretonneau Pierre, médecin est parmi les premiers à avoir faitprogresser l’idée que chaque maladie a une cause particulière.

1779. Grave épidémie de dysenterie, notamment en Normandie, en Guyenne etdans le sud du royaume.

1785. Publication d’une des premières enquêtes sanitaires de la Société royale demédecine intitulée: Manière de gouverner les insensés et de travailler à leurguérison dans les asyles qui leur sont destinés, réalisée par Messieurs Colombier etDoublet, qui contient en germe les éléments positifs en faveur d’un traitement plushumanitaire des «fous et des insensés.»

1786. Publication du livre de M. Carrère Joseph Barthélémy intitulé: Manuel pourle service des malades.

1786-1787. Première tentative d’éviction des religieuses, les Augustines, installéesdepuis le Moyen Âge à l’Hôtel-Dieu de Paris, pour leur résistance au corps médical.

1789. Desault Pierre Joseph, chirurgien (1738-1795) considéré comme le fonda-teur de la clinique, sera un ardent partisan de leur mise au pas.

1790. Condorcet publie une série de mémoires sur «L’admission des femmes audroit de cité» et en 1791, 5 mémoires sur l’instruction publique. Dans le 4e,consacré à la formation professionnelle, il plaide en faveur de l’instruction desgardes-malades.

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1791. 17 mars, les députés abolissent les institutions ou structures de soins oud’assistance de l’Ancien Régime.

1792. 18 août, Abolition des congrégations religieuses y compris celles qui seconsacrent à l’enseignement ou aux soins.

1793. 25 août. Nomination de Philippe Pinel (1745-1826) à l’Hospice de Bicêtre,le célèbre aliéniste qui va promouvoir, sur l’idée de J.B.Pussin (1745-1811) sonsurveillant, un traitement humanitaire des fous et des insensés. • Démantèlementdes hôpitaux et hospices au profit d’une organisation des soins à domicile.

1794. Les arrestations, exécutions et massacres des religieuses hospitalières divi-sent les tenants du pouvoir. Elles seront remplacées par les premières laïques.

1794. 21 février. Création dans chaque armée d’un corps d’infirmiers militaires etde sous employés. • Naissance de l’enseignement clinique «au lit du malade» àl’Hôtel-Dieu de Paris. • Fourcroy (1755-1809) chimiste et médecin, proposel’unification des études de médecine et de chirurgie.

1796. Publication par J. M. Caillau (1765-1820) précurseur dans l’art en puéricul-ture du livre intitulé: Avis aux mères de famille dans l’éducation physique etmorale et les maladies des enfants. • Edward Jenner (1749-1823) développe lavaccination antivariolique, connue depuis le début du siècle.

1798. Départ de l’Expédition d’Égypte conduite par Bonaparte où Nicolas RenéDesgenettes, médecin, prit part activement au traitement de la peste.

1800. Le 29 décembre. Jean Antoine Chaptal ministre de l’Intérieur signe un arrêtéqui rétablit le noviciat des Filles de la Charité, prélude à une restauration des ordresreligieux, tout au long du XIXe siècle.

Principaux événements, découvertes scientifiqueset médicales concernant l’évolution des soinset de l’enseignement infirmier au XIXe siècle

1800-1815. Les guerres napoléoniennes coûtèrent deux millions d’hommes à laFrance, mais l’Armée et la chirurgie bénéficièrent du talent et de la science deDominique Jean Larrey.

1801. Publication par Pinel Ph. du Traité médico-philosophique sur l’aliénationmentale ou la manie, qui a beaucoup participé à la connaissance et à l’humanisa-tion des soins aux aliénés.

1802. Chaptal, ministre de l’Intérieur autorise la création de la première école desages-femmes.

1806. Publication du livre de M. Marc-Antoine Petit, médecin lyonnais, intitulé:Essai sur la médecine du cœur, dans lequel il plaide, lui aussi, en faveur d’uneinstruction pour les gardes-malades. • Proust invente le mannitol

1809. Napoléon, le 11 février, rétablit par décret les congrégations hospitalières.

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1811. Publication du manifeste en faveur des gardes-malades de l’Abbé GrégoireHenry, ancien évêque de Blois intitulé: Des gardes-malades et de la nécessitéd’établir pour elles des cours d’instruction. • Découverte de l’iode par le FrançaisBernard Courtois.

1815. À la suite de l’épidémie de typhus qui sévit dans l’Est de la France, publica-tion du livre de M. François Emmanuel Fodéré, médecin strasbourgeois intitulé:Manuel des gardes-malades, des gardes de femmes en couche, sages-femmes,bonnes d’enfants et de mères de familles en général. Dans cet ouvrage apparaît lepremier projet d’arrêté relatif à la réglementation de la formation et de l’exercicedes gardes-malades. Ce texte contient en germe tout le dispositif réglementairedont la mise en œuvre durera trois-quarts de siècle (1920-1993) à savoir: la forma-tion obligatoire; l’obtention d’un diplôme national; la protection de l’exerciceprofessionnel et du diplôme; la rémunération de cette activité; l’exercice libéral; ladéontologie professionnelle.

1816. Théophile René Laënnec (1781-1826) invente le stéthoscope, qu’il nommeprimitivement «cylindre», et fait progresser les recherches sur l’auscultation. • LeFrançais François Magendie (1783-1855) établit la distinction entre racinesmotrices et sensitives des nerfs. • Découverte de la morphine isolée de l’opium parSéguin et caractérisée par Sertüner.

1817. Robiquet P. J. isole la nicotine.

1818. Publication de la première «pharmacopée» nationale. • Découverte de l’eauoxygénée par le Français Louis Jacques Thénard. • Découverte des alcaloïdesmajeurs tels que la strychnine, la colchicine.

1820. Pelletier J. et Caventou J. B. isolent la quinine et la caféine.

1823. Fondation de la congrégation de la Miséricorde, à Séez, par le chanoine JeanBazin.

1824. Le 24 février fondation de la congrégation des sœurs du Bon secours.

1825. Publication du livre de M. Lebeaud un ancien officier de santé des armées,qui utilise pour la première fois la terminologie «art de soigner», dans un livreintitulé: Art de soigner les malades ou manuel des mères de famille, des gardes-malades, des dames de charité, des curés de campagne, etc.

1828. L’Allemand Friedrich Wöhler (1800-1882) réalise la synthèse d’un corpsorganique l’urée, ce qui prouve pour la première fois que les organismes vivantsprésentent des corps de nature chimique.

1829. Premier essai sérieux de transfusion sanguine d’être humain à être humainpar l’obstétricien britannique James Blundell. • Publication d’une plaquette inti-tulée: La garde-malade domestique, par Élisabeth Celnart, pseudonyme deÉlisabeth Bayle — Mouillard épouse d’un haut magistrat.

1831. L’épidémie de choléra atteint l’Europe occidentale et va faire en cinq ansplus de 90 000 à 100 000 victimes en France. • Découverte du chloroforme parJ. Von Liebig, E. Soubeiran et S. Guthry.

1832. Robiquet isole la codéïne.

1833. Pour répondre à la demande des médecins adeptes des doctrines de Brous-sais (cardiologue), on importe dans notre pays 41 500 000 sangsues.

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1834. Création par Jeanne Françoise Garnier, à Lyon, de l’Association des Damesdu calvaire qui vont se consacrer aux soins des lépreux.

1835. Première tentative de formation du personnel des hôpitaux de l’Assistancepublique qui se solde par un échec.

1838. Promulgation de la loi du 30 juin relative aux établissements d’aliénés et auxplacements des aliénés.

1839. L’Allemand Théodore Schwann montre que la cellule est le constituantfondamental des tissus animaux. • Fondation par Jeanne Jugan de la congrégationdes Petites Sœurs des Pauvres.

1840. Création par Théodore Fliedner et son épouse de l’école des diaconessesévangéliques, pour les soins aux malades à Kaiserswerth, en Allemagne.J. Baptiste Bouillaud médecin français décrit les cardiopathies rhumatismales.

1841. Le Français Eugène Melchior Peligot isole l’uranium.

1842. L’Autrichien Christian Doppler découvre la modification de fréquence desvibrations sonores (effet doppler).

1842 et 1843. Installation de l’école des Diaconesses en France à Strasbourg, puiscelle de Paris, rue de Reuilly. • Préparés sous forme magistrale par le pharmacien,les comprimés sont introduits en thérapeutique. • Premiers travaux du françaisClaude Bernard sur le rôle du suc gastrique dans la digestion. • Publication de la1er édition du livre de Constant Saucerotte (Médecin en Chef de l’hôpital civil etmilitaire de Marseille) intitulé: Guide auprès des malades, ou Précis des connais-sances nécessaires aux personnes qui se dévouent à leur soulagement.

1844. Première anesthésie générale à l’aide du protoxyde d’azote par l’américainHorace Wells (1815-1848). • Publication du livre du Dr Bertaud intitulé: Le livredes gardes-malades.

1845. Découverte de l’éther.

1846. À la suite des travaux de Morton et Collins les anesthésies à l’éther vontfaire leur entrée dans le monde chirurgical. • Publication du livre de Elie Ebrard,médecin de l’Hospice de la charité de Bourg intitulé Le livre des gardes-malades,instructions sur les soins à donner aux malades et la meilleure manière d’exécuterles ordonnances.

1847. Anesthésie générale au chloroforme par l’écossais James Young Simpson(1811-1870).

1848. Ouverture à Londres de l’école d’infirmières de l’hôpital St. Jean l’évangé-liste. • Découverte du sucre dans les urines par Hermann Fehling.

1849. Découverte de l’albumine dans les urines par Eugène Millon.

1851. Claude Bernard découvre la fonction glycogénique du foie.

1852. Charles Gabriel Pravaz, orthopédiste lyonnais (1791-1853) invente laseringue en verre à injections qui portera son nom. • Mathijsen perfectionne lesbandages plâtrés.

1853. Wood A. introduit largement les injections sous-cutanées à la seringue, desubstances médicamenteuses.

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1854-1855. Guerre de Crimée opposant la Russie aux forces françaises etanglaises, alliées de la Turquie qui va donner l’occasion à Florence Nightingale deprouver l’efficacité de ses thèses sur le «nursing moderne». • Brehmer H. propose,après G. Bodington (1840) de traiter les tuberculeux par des cures solaires en sana-torium et ouvre le premier à Görbersdorf en 1859.

1859. Publication à Londres du livre de Florence Nightingale: Notes on Nursingwhat it is and what it is not. • Création par la Baronne Agénor de Gasparin àLausanne en Suisse, de l’École évangélique des gardes-malades, La Source.• Fondation de la société d’anthropologie par Paul Broca (1824-1880).

1860. Ouverture de l’École de l’hôpital Saint Thomas à Londres à l’instigation deF. Nightingale. • Premiers travaux de Paul Broca sur la localisation dans le cerveaudes centres du langage. • Niemann A. isole la cocaïne, bientôt utilisée en anes-thésie locale.

1861. Louis Pasteur découvre que les microbes vivent en anaérobiose c’est-à-direprivés d’oxygène.

1862. Traduction en France du livre Notes on nursing de F. Nightingale sous letitre: Des soins à donner aux malades. Ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pasfaire… Les thèses de Florence Nightingale, notamment en ce qui concerne l’envi-ronnement sain dans lequel doit résider le malade préfigurent sa conception dessoins de «nursing»: «soigner la maladie, mais avant tout soigner le malade dansun environnement propice à sa guérison». • Louis Pasteur réfute la notion de géné-ration spontanée des êtres vivants à partir de la matière organique. • L’AllemandFélix Hoppe-Seyler découvre le rôle de l’hémoglobine, pigment rouge du sang quisert à transporter l’oxygène des poumons jusqu’aux tissus.

1863. Création à Genève de la Croix-Rouge par Henri Dunant. • Casimir JosephDavaine établit pour la première fois qu’une maladie, le charbon du mouton, estdue à une bactérie.

1864. Création de la Société de secours aux blessés des armées de terre et de merpar le Dr Chenu.

1865. Découverte des lois de l’hérédité par l’autrichien Grégor Mendel. • Le Fran-çais Étienne Jules Marey obtient les premiers enregistrements graphiquescardiaques et respiratoires. • Publication du règlement sur le Service de Santé, du31 août officialisant l’intégration des Sœurs de la Charité dans les hôpitauxmilitaires.

1866. Publication du livre de A. C de Saint Vincent, Nouvelle médecine à la villeet à la campagne à l’usage des familles, des maisons d’éducation, des écolescommunales, des sœurs hospitalières, des dames de charité et de toutes lespersonnes bienfaisantes qui se vouent au soulagement des malades qui eut unegrande audience. (13 éditions de 1866 à 1901).

1867. Présentation à Dublin, des travaux du Britannique Joseph Lister sur l’anti-sepsie et l’asepsie qui vont bouleverser la chirurgie. • La loi Duruy oblige lescommunes d’au moins 500 habitants à posséder une école de filles.

1868. La prise de température, mise en évidence par Jean Bouillaud en 1837, vaentrer dans les techniques de soins confiées aux gardes-malades et infirmièreshospitalières avec l’utilisation du thermomètre à maxima inventé par Carl AugustWunderlich.

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1870. 15 juillet, début du conflit franco-allemand qui se termina le 28 janvier 1871et qui fut l’occasion une fois encore de démontrer au sein des ambulances improvi-sées l’absence de personnel soignant suffisamment formé aux soins des blessés.Organisées par la charité privée, ces ambulances eurent pour Directeur général leDr Chenu, qui fut à l’origine de la Société de secours aux blessés des armées deterre et de mer.

1873. Début d’une nouvelle vague d’anticléricalisme après celles de la périoderévolutionnaire et de la Commune, orchestrée par le Docteur Désiré MagloireBourneville et les médecins républicains qui aboutira en 1890 à la quasi totalité dela laïcisation du personnel des hôpitaux parisiens et un siècle plus tard dans toute laFrance. • Découverte du bacille de la lèpre par le Norvégien Ehrard Hansen. •Kolbe H. synthétise l’acide salicylique. • Esmach J. F. propose la bande hémosta-tique en tissu élastique. • Le jour de l’épiphanie, naissance de Léonie Chaptal, lafondatrice de la profession infirmière en France.

1874. Esbach G. H. propose un tube pour quantifier l’albuminurie.

1875. Kohle W. et Lautemann E. proposent d’utiliser l’acide salycilique commeanti-infectieux. • Oré expérimente l’anesthésie par voie intraveineuse.

1876. Publication par le Dr Chenu d’un livre destiné à toutes les personnes quidonnent des soins intitulé: Manuel de la Dame de charité, du brancardier et del’infirmier. • Organisation et délivrance en France de premiers diplômes desDames infirmières des Sociétés Croix-Rouge par le Docteur Duchaussoy.

1877. Création de l’Association des dames françaises et plus tard en 1881 del’Union des femmes de France, qui donneront plus tard avec la Société de secoursaux blessés créée en 1870, à la naissance de la Croix-Rouge française. • Lescachets font leur apparition en thérapeutique. • Bergmann propose le sublimécomme antiseptique.

1878. Grâce aux travaux de Pasteur découvertes du vibrion septique, du strepto-coque, du staphylocoque. • Le Français Charles Sédillot introduit le terme demicrobe

1878. Sous l’impulsion du Docteur Désiré Magloire Bourneville, ouverture enavril des premières écoles publiques d’infirmières et d’infirmiers à la Salpétrière età Bicêtre hôpitaux de l’Assistance publique de Paris. Ce dernier, comme tous lesnovateurs publiera un livre destiné au personnel soignant, intitulé: Manuel desinfirmières. Édité six fois par la suite, jusqu’en 1903, sous le titre Manuel pratiquede la garde-malade et de l’infirmière, ce qui tend à démontrer que la terminologie«infirmière» eut du mal à s’imposer.

1879. Découverte par Pasteur du principe des vaccinations préventives par inocu-lation de microbes atténués dans leur virulence. • L’Allemand Hugo Kroneckermet au point le sérum physiologique. • Découverte par l’allemand Carl Eberth dubacille de la fièvre typhoïde. • Le Français Alphonse Laveran découvre l’agentpathogène du paludisme. • Leuge W. O. et Salkowski E. proposent la sondegastrique pour l’exploration de l’estomac.

1880. A. von Mosetig-Moorhof utilise le pansement à l’iodoforme.

1881. Publication du livre de la Croix-Rouge française et de l’Association desdames françaises intitulé: «École des gardes-malades et des ambulancières».

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1881 et 1882. Les lois Jules Ferry instaurent l’école obligatoire publique etgratuite. • Pasteur invente la vaccination contre le choléra des poules. •Landerer A. injecte du sérum physiologique par voie intraveineuse. • Tarnier E. S.construit une couveuse pour les prématurés et les nouveau-nés.

1882. Découverte par l’Allemand Robert Koch du bacille de la tuberculose.

1883. Découverte par Edwin Klebs et Friedrich Löfler du bacille de la diphtérie. •Terrillon O. et Terrier F. préconisent d’aseptiser les instruments de chirurgie soitpar ébullition, soit à l’autoclave.

1884. Découverte par Robert Koch du vibrion cholérique. • Découverte par ArthurNicolaier du bacille du tétanos.

1884. Publication du livre édité par la Croix-Rouge française et l’Union desfemmes de France intitulé: «Manuel de l’Infirmière hospitalière» qui fut rééditéjusqu’en 1938. • Création par Mme Veuve Momméja, à Bordeaux, à la Maison desanté protestante, des cours publics et gratuits de gardes-malades qui deviendronten novembre 1890, «l’École libre et gratuite de gardes-malades de Bordeaux»,puis l’École Florence Nightingale.

1885. Première application à l’homme de la vaccination anti-infectieuse parPasteur qui inocule son vaccin contre la rage au jeune Alsacien Joseph Meistermordu par un chien. • Publication par le Dr E. Bérillon d’un nouveau manuel de lagarde-malade à l’usage des mères de familles des institutions, des infirmières.

1886. Bruce D. découvre l’agent de la fièvre de Malte qu’on nommera brucellose.• Limousin S. introduit le conditionnement en flacons pour les substancesinjectables.

1888. Mise au point de la stérilisation sèche par le procédé de l’étuve inventée parGaston Poupinel. • À Paris, inauguration de l’Institut Pasteur et premier CongrésInternational contre la tuberculose. • Publication d’un premier livre de chirurgiepar Gangolphe M.: Cours de petite chirurgie professé aux hospitalières de l’hôtel-Dieu et de l’Hospice de la Charité. • Fürbringer P. préconise que le chirurgien selave les mains au sublimé avant l’opération.

1889. Potain P.C.E. propose son sphygmomanomètre à air pour mesurer la pres-sion artérielle.

1890. Mise au point de la stérilisation humide grâce à l’autoclave inventé par PaulRédard. • Publication du livre de M. Horand M. A.: Cours de médecine à l’usagedes gardes-malades, des infirmières et des gens du monde, professé aux hospita-lières de l’hospice de l’Antiquaille de Lyon.

1891. Quincke H. et Wynter W.E. proposent la ponction lombaire, le premier pourdiagnostiquer une hydrocéphalie, le second pour quatre cas de méningitetuberculeuse.

1893 Promulgation de la loi du 15 juillet sur l’assistance médicale gratuite et lacréation des écoles d’infirmières.

1894. Découverte du bacille de la peste par le Français Alexandre Yersin. • Publi-cation du livre de l’abbé Grenet: Manuel de la garde-malade à domicile.

1895. William Conrad Röntgen physicien allemand découvre les rayons X, ce quiva grandement aider au diagnostic.

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1896. Découverte de la radioactivité naturelle de l’uranium par Henri Becquerel.• Publication du livre du Dr Demmler A. Des soins à donner aux malades.Hygiène, surveillance médicale.

1898. Pierre et Marie Curie découvrent le polodium et le radium et ouvrent la voiede la curiethérapie.

1899. Création par Mrs. Bedford-Fenwick du Conseil international des infirmières.• Ouverture en province, à Lille et à Lyon, de nouvelles écoles publiques d’infir-mières. • Découverte d’une nouvelle classe d’agents infectieux, les virus, parl’Allemand Otto Lehmann.

1900. L’éther remplace le chloroforme en anesthésie.

Principales découvertes scientifiques et médicales concernant l’évolution des pratiqueset du savoir infirmiers au XXe siècle

1900. Freud, fondateur de la psychanalyse, publie son ouvrage fondamental:L’interprétation des rêves, ainsi que ses Essais sur la sexualité en 1905.• Découverte des groupes sanguins ABO par l’américain d’origine autrichienneK. Landsteiner. • Redécouverte des lois de l’hérédité et des travaux de Mendel parDe Vries, Correns, Tchermark.

1901. Becquerel inaugure la radiumthérapie. • Boas propose une méthode pourdéceler du sang dans les selles.

1902. Sudeck introduit le masque à éther.

1903. Einthoven, grâce au galvanomètre à corde, construit un éléctrocardiographeet commence ses travaux sur l’électrocardiographie cardiaque. • Fisher et VonMering introduisent en thérapeutique le premier barbirurique, le veronal.

1904. Tissot propose son spiromètre.

1905. Hoffmann et Shaudinn découvrent l’agent de la syphilis.

1906. Première utilisation du curare en anesthésie par Laewen.

1907. Jansky montre à son tour qu’il y a 4 groupes sanguins O, A, B, mais aussiAB. • Baudouin propose les tests d’hyperglycémie provoquée.

1908. À Paris, fondation de l’Office international d’hygiène publique. • Einhornpropose sa sonde pour aspiration gastrique. • Gelmo fabrique le premier sulfamide.• Ghedini propose la ponction sternale. • Grossich désinfecte la peau en salled’opération avec de la teinture d’iode.

1909. Meltzer et Auer perfectionnent l’anesthésie par inhalation. • Meyer nomme«insuline» l’hormone pancréatique non encore identifiée. • Nicolle découvre quele pou transmet le typhus exanthématique. • Von Noorden recommande le régime«déchloruré» dans l’hypertension. • Pachon propose son oscillomètre. • Stepps’intéresse aux facteurs alimentaires que l’on nomme «les vitamines».

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1910. Alexis Carrel met au point la culture des tissus. • Coué propose sa méthoded’autosuggestion volontaire. • Duke propose son temps de saignement. • Béclèrecherche à détruire une tumeur hypophysaire par les rayons X. • Putti propose unclou pour effectuer une osthéosynthèse.

1912. Churchman signale l’action bactéricide du violet de gentiane sur le staphylo-coque. • Franqué guérit un cancer ovarien par radiothérapie. • Funk atteste le termede «vitamine» et Hopkins montre qu’elles ne sont pas synthétisées par l’orga-nisme mais apportées par l’alimentation. • Hauptmann préconise le gardénal contrel’épilepsie. • Ledingham et Arkwright envisagent le problème des porteurs degermes sains.

1913. Luithlen préconise l’autohémothérapie dans les maladies de la peau. • MacCollum, Davis, Osborne et Mendel découvrent la vitamine A liposoluble.

1914. Abel et Rowntree imaginent un rein artificiel. • Funk isole la vitamine B.• Widal, Abrami, Brissaud étudient l’asthme d’origine allergique.

1916. Howell propose son temps de coagulation et découvre l’héparine. • Rankepropose les trois stades évolutifs de la tuberculose.

1917. Début de la grande pandémie de grippe qui va se prolonger jusqu’en 1920.• Marine administre de l’iode pour prévenir les goitres. • Meinicke propose la réac-tion de floculation pour le diagnostic de la syphilis. • Trendelenburg publie sesrecherches sur la physiologie du péristaltisme intestinal et les effets pharmacologi-ques des drogues.

1918. La radiographie prend son caractère moderne en adoptant la protection desappareils, des personnels et l’utilisation du film au nitrate de cellulose à la place dela plaque de verre. • Fahraeus propose une technique pour mesurer la vitesse desédimentation des hématies.

1920. Promulgation de la loi qui condamne les méthodes anti-conceptionnelles etl’avortement (loi du 31 juillet). • Klaesi préconise la cure de sommeil par barbituri-ques dans les psychopathies.

1921. Calmette et Guérin proposent leur vaccin, le BCG, contre la tuberculose.• Pagès Miravé propose l’anesthésie péridurale. • Rorscharch invente le testpsychologique basé sur l’interprétation de formes fortuites de taches d’encre.• Sicard et Forestier introduisent le lipiodol comme produit de contraste en radio-logie. • Waters préconise l’anesthésie en circuit fermé.

1922. Weil-Hallé et Turpin appliquent le BCG sur une grande échelle. • Evans etBishop découvrent la vitamine E. • Ramon et Glenny préparent des anatoxinespour vacciner.

1923. Pavlov publie, à St. Pétersbourg le résumé de ses expériences sur l’activiténerveuse des animaux. • Schindler introduit un nouveau gastroscope et vantel’intérêt de la gastroscopie. • Seyfarth propose la ponction sternale pour lediagnostic en hématologie. • Ramon et Zoeller vaccinent avec l’anatoxineantitétanique.

1928. Alexander Fleming découvre la pénicilline. • Lucas et Henderson proposentle cyclopropane en anesthésie. • Szent-Györgyi isole la vitamine C.

1929. Berger propage l’électroencéphalographie. • Drinker met au point unpoumon d’acier.

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1930. Catheart et Boyd Orr précisent la ration alimentaire idéale.

1931. À Birmingham, Mary Gross ouvre un centre pour prématurés. • Kärbertrouve comment calculer la dose mortelle des médicaments. • Windaus A. etWilliams établissent la formule de la vitamine B5, tandis que Rosenheim et Bour-dillon établissent celle de la vitamine D.

1932. Sakel préconise l’insulinothérapie ou «choc insulinique» pour le traitementde la schizophrénie.

1933. Dallos propose les lentilles de contact. • Karrer donne la formule chimiquede la vitamine A. • Laidlaw et Dunkin isolent le virus de la grippe A. • Williamsisole la vitamine B.

1934. Découverte de la radioactivité par Irène Joliot-Curie et Jean Frédéric Joliot-Curie. • Dam découvre la vitamine K. • Haworth et Reichstein synthétisent lavitamine C. • Holst propose en radiologie, l’amplificateur de brillance et le conver-tisseur d’images. • Knaus et Ogino fixent l’époque de fertilité maximale de lafemme au cours du cycle et, parallèlement, les jours où la fécondation est impro-bable dite «Méthode Ogino» ou méthode «de la température» Von Medunapropose en psychiatrie le choc au cardiazol.

1935. Alexis Carrel publie L’homme cet inconnu, et G. Duhamel dans «Lescahiers Laennec», évoque pour la première fois le «colloque singulier dans la rela-tion médecin-malade», prélude à l’ère de l’humanisme moderne dans les soins.• Kuhn et Karrer synthétisent la riboflavine (vitamine B2).

1937. Bini et Cerletti proposent les électrochocs en psychiatrie. • Murray préconisel’emploi, chez l’homme de l’héparine. • Tiselius propose l’électrophorèse.

1938. Robb et Steinberg proposent l’angiocardiographie.

1939. Fieser synthétise la vitamine K. • Kuhn Harris et Folkers synthétisent lavitamine B6. Muller découvre la propriété insecticide du DDT.

1940. Durand et Giroud préparent un vaccin contre le typhus à partir de virus tués.• Francis isole le virus de la grippe B. • Landsteiner et Wiener découvrent lesystème Rhésus (Rh). • Marshall propose la sulfaguanidine dans les infectionsintestinales.

1941. Allen propose l’hibernation artificielle en chirurgie. • Finland propose lasulfadiazine en thérapeutique anti-infectieuse.

1942. La pénicilline découverte par Alexander Fleming en 1928 est purifiée,concentrée et sa fabrication industrialisée. • Findlay et Havens démontrentl’origine virale de l’hépatite. • Halpern propose les anti-histaminiques dans lesaffections allergiques. • Griffith et Johnson introduisent le curare en chirurgie.

1943. Mahoney montre l’efficacité de la pénicilline dans le traitement de lasyphilis.

1944. Kolff et Merril construisent un rein artificiel. • Grönwald propose le dextranà la place du plasma. • Waksman Schatz et Bugie démontrent l’action antibiotiquede la streptomycine contre les germes gram + et gram – puis contre le BK.

1945. Peu après la fin de la guerre, est diligentée une enquête sur les effets humo-raux, hématologiques et oncologiques dus à l’irradiation des survivants desbombardements atomiques sur Hiroshima (le 6 août) et sur Nagasaki (le 9 août).

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1946. Loubatières introduit les sulfamides hypoglycémiants contre le diabète.• Selye introduit les notions de «stress» et de «syndrome général d’adaptation».• Wiener traite par exsanguino-transfusion l’érythroblastose du nouveau-né.

1948. Quick propose son test pour chiffrer le taux de prothrombine. • Hartetpropose le thrombo-élastogramme.

1949. Début en France de l’abandon des prescriptions magistrales au profit deproduits manufacturés avec notamment la commercialisation de la Nivaquine, duRufol, du Stérandryl.

1950. En France, la vaccination par le BCG (Bacille Calmette Guérin) est rendueobligatoire. • l’ACTH, le Madribon, le Phosphalugel, le Sédol, la Tifomycine, leTromexane, la Xylocaïne sont commercialisés. • Premiers essais de la bombe aucobalt radioactif. • Hamburger propose la dialyse. • Laborit H. et Huguenard P.inventent l’hibernation artificielle sous drogues. • Les professeurs Kuss, Teinturieret Millez tentent les premières greffes rénales.

1951. Robinson fait la synthèse du cholestérol. • Woodward synthétise lacortisone.

1952. l’Artane, la cortisone, le Largactil, le Pronestyl, le Rimifon apparaissent enpharmacie. • L’emploi d’un neuroleptique tel que le Largactil introduit en théra-peutique par le Français Henri Laborit, transforme les soins et l’approche desmalades mentaux. «La camisole chimique» remplace «la camisole de force».• Lassen applique le respirateur de Engström aux poliomyélitiques ayant des trou-bles respiratoires. • Mac Guire découvre l’érythromycine. • Ridley emploie dans lacataracte un cristallin intra-oculaire acrylic.

1953. James D. Watson et Francis H. Crick découvrent la nature chimique del’hérédité, par la mise à jour de la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN).• La Docemine (vitamine B12) et la Soframycine sont commercialisées. • Salk, unAméricain, et le Français Pierre Lépine mettent au point indépendamment unvaccin contre la poliomyélite.

1954. L’érythromycine, l’Extencilline, l’hydrocortisone, la néomycine, le Serpasil,le Lévophed sont également commercialisés. • Enders et Peebles préparent unvaccin contre la rougeole.

1955. le Cortancyl, la tétracycline sont commercialisés. • Kouwenhoven proposela défibrillation cardiaque par choc électrique. • Lillehei propose un cœur poumonartificiel qui ouvre la voie de la circulation extra-corporelle en chirurgie cardiaque.• Pincus prépare la pilule anticonceptionnelle orale. • Wettstein synthétisel’aldostérone.

1956. Commercialisation de: l’Atarax, du Diamox, du Dolipol, du Glucidoral, dela mycostatine, de la terramycine, etc. • Sabin propose un vaccin antipoliomyéli-tique buccal.

1957. Le dextran, le Nozinan, le Palfium, Plasmagel, le sorbitol sont égalementcommercialisés. • Kuhn découvre deux tranquillisants, l’imipramine et l’isopronia-zide. • Satomura introduit l’effet Doppler dans l’exploration cardio-vasculaire.

1957-1959. Découverte du «sommeil paradoxal» par les Américains DementKleitman confirmée par un Français Michel Jouvet, à Lyon.

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1958. Commercialisation de l’hydrocortisone IV, du Trophysan. • Lillehei pose unstimulateur cardiaque externe. • Invention par l’Américain Auger de la gamma-caméra qui ouvre la voie à une nouvelle technique d’imagerie médicale: lascintigraphie.

1959. Holter met au point sa technique d’enregistrement continu, ambulatoire etprolongé de l’électrocardiogramme. • Senning implante un stimulateur cardiaque.

1960. Commercialisation de l’Aldactone, de la Digoxine, de l’Endoxan, du gluco-phage, du Tofranil, du Sintrom, etc. • Pose des premières prothèses orificiellesaortique et mitrale par Harken et Starr.

1964. Le professeur Mirleau tente la première greffe de foie.

1967. Première greffe cardiaque réalisée le 3 décembre, par le Sud-Africain Chris-tian Barnard, à l’hôpital Groote Schuur du Cap.

1973. Invention du scanographe (scanner) par le Britannique Godfrey NewboldHownsfield.

1975. Mise au point par le Français Philippe Maupas du vaccin contre l’Hépatite B.

1977. Réalisation de la première fécondation in vitro qui a permis la naissance dupremier «bébé éprouvette» Louise Brown (le 26 juillet) par les BritanniquesRobert Edwards et Patrick Steptor.

1978. L’OMS déclare la variole éradiquée dans le monde entier.

1980. Apparition d’une nouvelle maladie: le Sida, qui va bouleverser complète-ment les données actuelles de la médecine et de ses possibilités, de la recherche, del’hygiène et de l’accompagnement en fin de vie des malades. • Le virus dusyndrome immunodéficitaire acquis a été identifié par un Français, Luc Montagniéen 1983.

1980-1981. Découverte de l’interféron, substance anti-virale.

1982. Première greffe d’un cœur artificiel par une équipe américaine dirigée parRobert Jarvik.

1984. Naissance du premier bébé issu d’un embryon ayant été congelé pendantplusieurs mois.

1985. L’Américain Rosenberg annonce des résultats thérapeutiques spectaculaires,obtenus chez des cancéreux au moyen d’une substance du système immunitaire:l’interleukine 2.

1987. Le Français Émile Beaulieu annonce la découverte de la pilule abortive quisera commercialisée en 1988. L’Américain Kunkel identifie le gène et la protéineresponsables de la maladie héréditaire: la myopathie de Duchenne.

1996. Le Britannique Willedson annonce qu’il a réussi le clonage d’une brebis,nommée Dolly.

1998. Le Professeur français Michel Dubernard et le Pr Earle Owen réussissent àLyon, la première greffe de la main. • En octobre 1998, est commercialiée enFrance la pilule Viagra contre l’impuissance masculine.

1999. L’OMS déclare que le virus de la polyomyélite a disparu d’Europe et prévoitl’éradication définitive sur toute la planète pour la fin 2000.

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2000. Le 14 janvier. Le Pr M.Dubernard récidive et tente à Lyon, avec des équipeschirurgicales, une double greffe de mains chez un homme de 33 ans.

Principaux événements professionnels et de la société concernant l’évolution des pratiqueset du savoir infirmiers au XXe siècle

1870-1900. Après la création de la première école des sociétés Croix-Rouge en1876, par le Docteur Duchaussoy, de celle des écoles de l’Assistance publique deParis en 1878, par le Docteur Bourneville, on assista à la création de nouvellesécoles d’infirmières dans toutes les grandes administrations hospitalières: à Lyonet Lille (1899), à Besançon et Nancy (1900), à Saint-Étienne, Toulouse, Caen,Nantes, Reims, Avignon, Auxerre, Clermont-Ferrand, Marseille, Amiens, Lorient,Béziers, Nîmes (de 1900 à 1905). La circulaire relative à l’application de la loi du15 juillet 1893 amplifiera ce mouvement d’ouverture de nouvelles écoles dès ledébut du XXe siècle. L’initiative privée débuta en 1884 à Bordeaux avec la créationdes cours pour gardes-malades par Madame veuve Momméja et qui devint l’écolede gardes-malades dirigée par Mademoiselle le Docteur Anna Hamilton à partir de1900. À Paris, trois écoles furent fondées de 1904 à 1905: l’école professionnelled’assistance aux malades, rue Amyot, par Madame Alphen-Salvador, La MaisonÉcole d’infirmières privées créée par Madame Taine et Léonie Chaptal, l’école dudispensaire Marie Amélie, rue de la Glacière par Madame Heine-Fould.

1901. Publication de la Thèse de Mademoiselle Anna Hamilton: Les Gardes-malades, Congréganistes, Mercenaires, Amateurs, Professionnelles, en collabora-tion avec le Dr Félix Regnault, Paris, Vigot Frères. Ce document de grande portéehistorique est un réquisitoire féroce sur la «situation des infirmières et des infir-miers des hôpitaux publics».

1902. Publication le 28 octobre de la circulaire n° 7043 du Premier ministreE. Combes relative à l’application de la loi du 15 janvier 1893 sur l’assistancemédicale gratuite et la création d’écoles d’infirmières.

1904. Publication par Léonie Chaptal dans la Revue des deux-mondes du Journald’une élève infirmière, rédigé lors de son assistance aux cours du soir pour infir-miers et infirmières organisés par le docteur Bourneville à l’Assistance publiquede Paris. • Publication du livre de l’abbé Vincq, Manuel des hospitalières etgardes-malades, qui parmi les livres écrits pas des écclésiastiques eut un très grandsuccès d’édition, neuf entre 1904 et 1919. Par la suite ce livre sera remis à jour etréédité par le Docteur Chicandard.

1905. Séparation des Églises et de l’État. • Publication du livre du Dr Cornu E.:Instructions aux infirmières et infirmiers sur les soins à donner aux aliénés.

1906. Création à la Salpétrière à Paris, de la première école de formation pour lesinfirmiers et infirmières de l’Assistance publique. • Traduction et publication parLéonie Chaptal à l’intention des infirmières françaises, du livre: Le livre de l’infir-mière, de N. Oxford, une Anglaise, aux éditions Masson.

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1908. Les sœurs Augustines, présentes à l’Hôtel- Dieu de Paris depuis le VIIe sièclesont expulsées. C’est la dernière étape du mouvement de laïcisation démarré en1878 dans la capitale, et qui ne se terminera en province qu’à la fin des annéessoixante. • Publication du livre du Docteur Colin: L’enseignement professionneldu personnel infirmier dans les asiles d’aliénés de la Seine, qui accompagnera lestoutes premières tentatives de formation pour les personnels destinés aux soins desaliénés. • Madame Alphen-Salvador projette la création d’une première Associa-tion nationale, appelée à titre provisoire «Conseil national des directrices d’écolesd’infirmières». Ce projet ne sera repris par les responsables de l’époque qu’en1924.

1914-1918. Premier grand conflit mondial qui va mettre en évidence, malgré lavolonté et le dévouement des femmes françaises, la nécessité de former de vérita-bles professionnels du soin.

1915. Gosset A. organise les hôpitaux mobiles pour les premiers soins à donneraux blessés sur le front français. • Formation d’infirmières dénommées «infir-mières Z» pour lutter contre les gaz de combat et notamment l’ypérite. • Créationpar le Docteur Alexis Carrel du pansement d’irrigation continue des plaies, dontl’application et l’expérimentation seront confiées à Anne Carrel, son épouse, infir-mière et à ses consœurs, qui sera enseigné et pratiqué jusque dans les annéessoixante. Anne Carrel publia en 1917 en collaboration avec le Docteur Dumas untraité intitulé: Pratique de l’irrigation des plaies par perfusion de solutionsantiseptiques.

1921. Rapport relatif à la création d’un programme de formation national de deuxans pour les infirmières, d’un diplôme reconnu par l’État Français, et d’un Comitéde perfectionnement des écoles d’infirmières déposé par Léonie Chaptal auprès duSénateur Strauss ministre de l’Hygiène et Président du Conseil supérieur del’Assistance qui fit adopter un décret en ce sens, le 27 juin 1922.

1922. Décret du 27 juin 1922, paru au JO du 1er juillet 1922, portant institution dubrevet de capacité professionnelle et créant un Conseil de perfectionnement desécoles d’infirmières. • Création par Mademoiselle d’Airoles de L’Union catholiquedu personnel des services de santé (UCSS), dont elle sera la première Présidente.Cette Association est devenue le Centre chrétien des professions de santé en 1972(CCPS).

1923. Arrêté du 10 octobre 1923 paru au JO du 31 octobre 1923, relatif à la recon-naissance administrative des écoles d’infirmières. • Création par le ProfesseurCalmette, ses collaborateurs et Léonie Chaptal de la première revue nationale pourles infirmières: L’Infirmière Française.

1924. Décret du 18 juillet 1924, paru au JO du 8 août 1924, modifiant le décret du22 juin 1922 instituant des brevets de capacité professionnelle, permettant deporter le titre: d’infirmière diplômée de l’État Français. • Arrêté du 24 juin 1924paru au JO du 14 septembre 1924, fixant les programmes types des écoles d’infir-mières de l’État français, accompagné des programmes type.

1924. Assemblée constitutive, de la première Association nationale pour les infir-mières, le 22 juin, réunie par Léonie Chaptal et ses consœurs, l’ANIDEF:Association nationale des infirmières diplômées de L’État français, l’actuelle:Association nationale des infirmières, infirmiers diplômés et étudiants (JO du14 novembre 1924).

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1925. Création d’un Bureau central des infirmières rattaché à l’Office nationald’Hygiène sociale qui dépend du ministère de la Santé publique qui avait pourmission d’étudier et de contrôler toutes les questions nouvelles concernant laprofession. • Affiliation de l’ANIDEF au Conseil International des Infirmièresprésentée par Léonie Chaptal lors du Congrés d’Helsingfors en Finlande du 2 au27 juillet 1925.

1926. Création par Léonie Chaptal de la première collection d’ouvrages profes-sionnels destinés aux infirmières: «la Bibliothèque de l’infirmière» dont lepremier ouvrage sera son livre de Morale professionnelle. Cette collection présen-tera des ouvrages qui seront réédités, actualisés et utilisés dans les écolesd’infirmières jusque dans les années soixante. • Publication du livre de MaryGardner, L’infirmière visiteuse, traduit de l’américain, Paris, PUF, 1926. • Décretdu 6 août 1926 paru au JO du 14 août 1926 fixant le 1er statut des infirmières deshôpitaux militaires.

1929. Pour la première fois, une française, Mademoiselle Léonie Chaptal est éluePrésidente du Conseil international des infirmières pour 4 ans, au Congrés deMontréal.

1937. Publication de la première édition du livre de Mlle Nappée Marie-Louise,Manuel pratique de l’infirmière soignante aux éditions Masson, qui aura jusqu’en1964, 7 éditions successives.

1938. Création des diplômes simple et supérieur d’infirmier et d’infirmière hospi-taliers et d’assistants et d’assistantes du service social de l’État (décret en date du18 février 1938, JO du 19 fév.1938).

1940. L’Allemagne nazie, en octobre, rend légale l’euthanasie pour les incurables,les aliénés et les malformations congénitales graves.

1941. Loi du 21 décembre 1941 qui modifie la loi du 7 août 1851 sur les hôpitauxet qui en fait un lieu de soins pour toutes les classes sociales et non plus seulementun asile pour les pauvres.

1942. Décret n° 2484 du 10 août 1942 (JO du 30 septembre 1942) ayant pour objetla délivrance du diplôme d’État d’infirmière ou d’infirmier hospitalier.

1943. Promulgation de la première loi n° 372 (JO du 28 août 1943) relative à laformation des infirmières ou infirmiers hospitaliers, à l’organisation et à l’exercicede leur profession.

1944. Les femmes obtiennent le droit de vote et d’éligibilité. (Ordonnance duGouvernement provisoire, portant organisation des pouvoirs publics, du 21 avril1944).

1945. Le Gouvernement provisoire adopte l’ordonnance créant la Sécurité sociale.(jeudi 4 octobre 1945). • Peu après la fin de la guerre, est diligentée une enquêtesur les effets humoraux, hématologiques et oncologiques dus à l’irradiation dessurvivants des bombardement atomiques sur Hiroshima, le 6 août et sur Nagasakile 9 août. • Les premiers échantillons de pénicilline américaine sont mis à la dispo-sition de certains établissements hospitaliers.

1946. Création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par la Convention deNew York du 22 juillet 1946 devenue en 1948, une institution spécialisée del’Organisation des nations unies (ONU). • Modification de la loi n° 372 de 1943,

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par la loi n° 46.630 du 8 avril 1946 relative à l’exercice des professions d’assis-tantes ou d’auxiliaires de service social et d’infirmières ou d’infirmiers (JO du9 avril 1946).

1947. Publication du premier code de déontologie du corps médical (27 juin 1947).• Création du diplôme d’État d’infirmière puéricultrice et du certificat d’aptituded’auxiliaire de puériculture (décret n° 47-1544 du 13 août 1947).

1948. Adoption par l’Assemblée des Nations unies, le 10 décembre 1948, du textede la déclaration universelle des droits de l’homme, proclamant les droits civils,politiques, économiques, sociaux et culturels, de «tous les membres de la famillehumaine».

1949. Création du Conseil de l’Europe, par 10 États d’Europe occidentale qui apour but la coopération des États membres, dans tous les domaines sauf la défense.• Naissance du Comité d’entente des écoles d’infirmières. Issu de la commissionpédagogique de l’Association nationale des infirmières fondée en 1923, il avaitpour but l’étude exclusive des problèmes relatifs aux écoles et à la pédagogie. Il futtransformé en Comité d’entente des écoles d’infirmières et des écoles de cadres(CEEIEC) et plus récemment en 1993, en Comité d’entente des formations infir-mières et cadres (CEFIEC).

1950. Publication des livres de la Communauté des filles de la Charité. Soins auxmalades, et Soins aux enfants. Rennes, Éd. Sœurs de Nevers, qui seront éditésjusqu’en 1973 sous les nouveaux titres de: Soins infirmiers aux malades, et auxenfants.

1951. Création du Conseil supérieur des infirmières (JO du 1er mars 1951). • Publi-cation du programme d’enseignement théorique et pratique en vue de l’obtentiondu diplôme d’État d’infirmier, d’infirmière, d’assistant ou d’assistante de servicesocial (JO du 26 septembre 1951), modifié par l’arrêté du 8 avril 1954. • Créationde la première école de cadres infirmiers, par la Croix-Rouge Française, à Paris,rue de Berri. • Naissance de la deuxième revue nationale pour les infirmières: Larevue de l’Infirmière et de l’Assistante sociale, fondée par la Croix-RougeFrançaise.

1953. Adoption par le Conseil International des Infirmières, du code de déonto-logie international, à Sao-Paulo, Brésil, le 10 juillet 1953.

1955. Publication du premier programme de formation destiné au personnelsoignant des hôpitaux psychiatriques, par arrêté du 28 juillet 1955 (JO du 13 août1955). • L’Organisation mondiale de la santé organise une campagne de luttecontre le paludisme. • Création de la troisième revue nationale pour les infirmières,la revue Soins, fondée par le Père Larère.

1956. Création de la fonction d’aide-soignant(e) par arrêté du 23 janvier 1956.

1957. Signature du Traité de Rome en date du 25 mars, instituant la Communautééconomique européenne. (CEE).

1958. Par les ordonnances du 11 et 20 décembre 1958, naissent de nouvellesréformes hospitalières et notamment la création des Centres hospitaliers universi-taires (CHU). • Création du premier certificat d’aptitude aux fonctions d’infirmiersurveillant et de moniteur, par décret n° 58-1104 du 14 novembre 1958, JO du19 novembre 1958. • Parution de la première circulaire sur l’humanisation del’hôpital (circulaire du 5 décembre 1958 relative à l’humanisation des hôpitaux).

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1960. Création du certificat d’aptitude aux fonctions d’aide-anesthésiste, pardécret en date du 9 avril 1960 (JO du 15 avril 1960). • Réforme de la prise encharge des malades mentaux, par la mise en place de la sectorisation psychiatrique.Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipementdes départements en matière de lutte contre les maladies mentales.

1961. Modification des études préparatoires au diplôme d’État d’infirmière etd’assistante sociale, par arrêté en date du 17 juillet 1961 (JO du 21 juillet 1961).

1962. Publication de la liste des actes médicaux pouvant être exécutés par desmédecins ou des auxiliaires médicaux (arrêté du 6 janvier 1962), qui modifie cellede 1948 et qui sera modifiée par le décret n° 81-539 du 12 mai 1981 relatif àl’exercice de la profession d’infirmier.

1966. Publication du Ve Rapport du Comité OMS d’experts en soins infirmiers, quiest une des pièces maîtresses dans l’évolution de la discipline des soins infirmiers.• Pour la première fois, en France, un programme de formation supérieure pour lesinfirmières et les infirmiers entre à l’Université, par la réunion de l’école interna-tionale d’enseignement infirmier supérieur dépendante des Hospices civils deLyon, ouverte en 1965, à l’Université de Lyon.

1967. Signature de l’Accord européen sur la formation et l’instruction des infir-mières, le 25 octobre 1967. • La loi du 28 décembre 1967 dite «loi Neuwirth»libéralise la contraception. Elle sera complétée par la loi du 26 novembre 1974,relative à l’interruption volontaire de grossesse, proposée par Madame SimoneVeil.

1970. Promulgation de la loi n° 70-318 du 31 décembre 1970 sur une nouvelleréforme hospitalière. • Nouvelle évolution dans l’humanisation des hôpitaux(circulaire n° 132 du 18 décembre 1970). • Suite à la sectorisation psychiatrique,nouvelle modification de la formation des personnels soignants des hôpitauxpsychiatriques (arrêté du 6 mai 1970, relatif à la formation professionnelle dupersonnel soignant de secteur psychatrique). • Naissance de la première revuepédagogique pour les infirmières enseignantes L’Infirmière Enseignante, bulletind’information et de pédagogie, fondée par le Comité d’entente des écoles d’infir-mières et des écoles de cadres. • Réalisation d’une première tentative fédérativedes Associations et Syndicats professionnels, dans le Comité infirmier permanentde liaison et d’études (CIPLE), à l’initiative de M.-Th. Bonsart et M.-F. Collière.

1971. Modification du programme relatif au certificat d’aptitudes aux fonctionsd’aide-soignant (arrêté du 7 juillet 1971).

1972. Publication du «nouveau programme» des études d’infirmières, relatifs auprogramme d’enseignement et à l’organisation des stages (décret n° 72-818 etarrêté du 5 septembre 1972). Il officialise le concept de «plan de soins infirmiers».

1974. Adoption de la loi Veil sur la contraception et l’interruption volontaire degrossesse (28 novembre 1974, JO du 18 janvier 1975). • Publication de la Chartedu malade hospitalisé, véritable code des droits quant au respect de sa dignité et desa personnalité (circulaire n° 636 du 20 septembre 1974). • Avec la nomination deMlle Michez au cabinet de Madame Veil, Le ministère renoue avec la présenced’une infirmière conseillère, pour les questions de la profession. • Création del’Union nationale des centre de soins (UNACS).

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1975. Publication des textes qui reconnaissent officiellement le grade d’infirmièregénérale, responsable des soins infirmiers à l’hôpital et le terme de service infir-mier (décret n° 75-245 du 11 avril 1975 et circulaire n° 22/04/du 31 juillet 1975).• Ratification par Madame Simone Veil, ministre de la Santé, de l’Accord euro-péen sur l’instruction et la formation des infirmières, le 30 janvier 1975.• Naissance d’une première revue de recherche infirmière: Les cahiers de l’Amiec,fondée par l’Association des Amis et des Anciens de l’École internationaled’enseignement infirmier supérieur.

1977. Publication le 27 juin 1977, de la Directive européenne 77-453, de laCommunauté économique européenne visant la coordination des dispositionslégislatives réglementaires et administratives concernant les activités de l’infir-mière responsable des soins généraux. • Publication de la Convention et desrecommandations n° 149 sur les conditions de travail et de vie des personnels infir-miers suite à la 63e Conférence internationale du travail, qui avait eu lieu à Genèveen novembre 1973. • Création d’un Comité consultatif pour la formation en soinsinfirmiers au niveau de la Communauté économique européenne (décision duConseil 27 juin 1977). • Reconnaissance officielle des centres de soins par ledécret du 22 avril 1977.

1978. Reconnaissance pour les infirmiers(ères) d’une autonomie dans leur exerciceprofessionnel, par l’adoption de la nouvelle loi n° 78-615, du 31 mai 1978 modifiantles articles L.473 à 476 du Code de la Santé publique, relatifs à la profession infir-mière et L.372 de ce code relatif à l’exercice illégal de la médecine. • Homologationdu diplôme d’État d’infirmière et d’infirmier au niveau de Brevet de technicien supé-rieur (BTS) ou du diplôme des Instituts universitaires techniques (IUT), ou de fin depremier cycle de l’enseignement supérieur (niveau III, Bac plus 3 ans).

1979. Passage à 33 mois du programme des études d’infirmières en vue de seconformer aux directives européennes et apport de nouvelles modifications (décretn° 79-300 et l’arrêté du 12 avril 1979). Il officialise le concept de «démarche desoins infirmiers».

1980. Promulgation de la loi n° 80-527 du 12 juillet 1980 qui modifie le Code de laSanté publique en vue de la création de mesures ordinales (Commissions de disci-pline et règles professionnelles) et qui réglemente le libre échange des infirmièresdans l’union Européenne, conformément aux directives Européennes. • Premièrejournée de rencontre, le 12 mai 1980, à l’initiative de Marie-Françoise Collière,entre historiens, historiennes, infirmiers et infirmières au sujet de l’histoire de laprofession infirmière. Elle sera suivie de plusieurs cessions d’initiation à larecherche en histoire.

1981. Publication du premier décret relatif à l’exercice de la profession d’infir-mière, qui reconnaît les actes de soins infirmiers du rôle propre (décret n° 81-539du 12 mai 1981). • IBM met sur le marché le premier ordinateur personnel.

1982. Publication du livre de Marie-Françoise Collière: Promouvoir la vie. De lapratique des femmes soignantes aux soins infirmiers à InterÉditions, Paris, qui seraconstamment réédité durant ces vingt-huit dernières années.

1983. Création d’un Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de lavie et de la santé (décret n° 83-132 du 23 février 1983).

1984. Suite à un recours déposé par les médecins biologistes, le Conseil d’Étatcasse le décret de mai 1981 pour vice de forme, en avril 1984. En juillet de la même

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année sortie du 2e décret relatif aux actes de soins infirmiers (décret n° 84-689 du17 juillet 1984). • Ces événements accentueront le mécontentement de plus en plusgrand des infirmières et occasionneront la première grève importante de cettedécennie. • Ratification par la France de la convention n° 149, sur les conditions detravail et de vie des personnels infirmiers publiée par le Bureau international dutravail (BIT) en 1977 (décret n° 86-1166 du 5 novembre 1985).

1985. Publication du premier numéro de la collection des Guides du Service Infir-mier, «Le dossier de soins», fondée par Danièle Vailland, infirmière Générale,Conseillère technique à la Direction des Hôpitaux. • Publication d’un premierouvrage sur la responsabilité juridique des infirmières: Les obligations et laresponsabilité juridique de l’infirmière par Marie Paule Florin et Tony Moussa,Paris coll. Infirmières d’aujourd’hui, le Centurion/Bayard éditions, 1985. • Nais-sance de la deuxième revue nationale de recherche infirmière: Recherche en soinsinfirmiers, fondée par deux anciennes étudiantes de l’école internationale d’ensei-gnement infirmier supérieur, Monique Formarier et Geneviève Poirier- Coutansais.

1986. Naissance d’une nouvelle revue professionnelle, L’Infirmière Magazine fondéepar Annick Jouan. Ce magazine, qui remplace L’infirmière Française publiée depuis1923 par les éditions Poinat, va révolutionner l’information professionnelle. • Organi-sation d’un colloque international à Lyon, les 5 et 6 juin «Compétences et Cohérencedu Service Infirmier» par l’Association des Amis de l’École Internationale d’Ensei-gnement Infirmier Supérieur, qui va relancer l’idée d’une Union représentative dugroupe professionnel infirmier de laquelle naîtra en 1987, L’Union nationale des asso-ciations et syndicats infirmiers (UNASIF), prenant le relais du CIPLE. • À la suited’une recherche multinationale, «Programme à moyen terme pour les soins infir-miers» organisée par le Bureau régional de l’Europe à Copenhague, publication parGeneviève Déchanoz des résultats de ce travail qui a duré 7 ans: Les besoins en soinsinfirmiers des personnes soignées. Paris, coll. Infirmières d’aujourd’hui, le Centurion,1986. • Publication du premier numéro des glossaires provisoires de terminologie dessoins infirmiers, dans la collection des Guides du Service Infirmier, qui va conduirequelques années plus tard à l’édition d’un dictionnaire des soins infirmiers.

1987. Publication de l’arrêté «Barzach» le 23 décembre 1987 du nom du ministrede la Santé de l’époque, une femme médecin, qui remplaçait le baccalauréat pourentrer dans une école d’infirmières, par une simple inscription depuis 5 ans à lasécurité sociale et un examen du dossier de la candidate, ce qui va cristalliser lemécontentement grandissant des infirmières. • Sous l’égide de l’OMS, organisa-tion du Colloque international mondial à Tokyo qui réunit 30 experts infirmier(e)spour préparer les travaux de La santé pour tous en l’an 2000 (Nursing leadershipfor health for all).

1988. Publication de la Charte pour les personnes âgées dépendantes. • Naissancede la «Coordination Infirmière» qui conduira le mouvement de révolte et derevendications des infirmières de 1988. • Naissance du premier salon infirmiereuropéen, organisé par l’Infirmière Magazine, et les Éditions Lamarre-Poinat.• Signature le 21 octobre 1988 du protocole d’accord «Evin» du nom du ministrede la Santé de l’époque et qui met fin au mouvement infirmier. Mais, une manifes-tation permanente de la «coordination infirmière» devant le ministère de la Santéperdurera plusieurs mois encore. • Publications du décret n° 88-1076 et de l’arrêtédu 30 novembre 1988 relatifs aux études d’infirmières et aux conditions de recru-tement, qui abrogent les dispositions «Barzach». • Publication d’un livre sur les

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pratiques et les connaissances infirmières: Le savoir infirmier, par BéatriceWalter, aux éditions Lamarre-Poinat, Paris.

1989. Publication de l’arrêté du 13 avril, modifiant l’arrêté du 1er février 1982fixant un nouveau programme relatif aux certificat d’aptitude aux fonctions d’aide-soignant. • Publication du Rapport de Madame Michèle André, secrétaire d’Étatchargé des Droits de la Femme et des experts regoupés dans la Commission natio-nale des infirmières. • Réforme du statut de la fonction publique hospitalière.• Publication de la «circulaire Evin» du 15 septembre 1989 relative au moded’exercice de la profession infirmière, qui rappela et insista sur les nouvellesmodalités de cet exercice.

1990. Publication du rapport du Conseil Économique sur le thème «Emploi, travailet formation dans les professions paramédicales». • Publication du rapport duSénat sur «La situation matérielle et professionnelle des personnels soignants nonmédicaux des établissements publics ou privés».

1991. Organisation du premier colloque infirmier d’Europe, dans l’hémicycle duPalais de l’Europe à Strasbourg, organisé par le Comité d’entente des écoles d’infir-mières et des écoles de cadres. • Promulgation de la loi du 31 juillet 1991, portantréforme hospitalière, qui tient compte du malaise infirmier exprimé depuis 1988,avec notamment pour y répondre: la reconnaissance d’un service de soins infirmiersdans les hôpitaux, d’une direction de ce service confiée à l’infirmière générale et dela constitution d’une Commission du service de soins infirmiers ayant des missionsspécifiques. • Création d’un Comité national de l’Organisation sanitaire et sociale etnomination d’un collège d’experts (décrets n° 1410 et 1411 des 3 et 12 décembre1991). Les infirmiers(ères) y sont représentés. • Création du Haut Comité de la SantéPublique (décret n° 91-1216 du 3 décembre 1991) Une infirmière y siège. • Créationdans l’Éducation nationale, d’un Service de promotion de la santé en faveur desélèves, au sein duquel est créé, un Service infirmier autonome (circulaire n° 91-148du 24 juin 1991 de l’Éducation nationale relative aux missions en matière de santé). •Publication du deuxième et dernier tome d’une Histoire des infirmières, par JeanGuillermand, aux éditions de la Croix-Rouge Française, Paris, et dont le premiertome avait été publié en 1988. • Publication d’un livre d’art sur la profession infir-mière: L’univers de la profession infirmière en 3 tomes: Genèse 1991. Évolution etOuvertures en 1992, aux Presses de Lutéce, Paris, qui fera date par son contenu etson iconographie, dans l’histoire de la profession. • Publication d’une nouvellebiographie de la fondatrice de la profession infirmière en France: Léonie Chaptal, lacause des infirmières, 1873-1937 par René Magnon, aux éditions Lamarre, Paris. •Naissance d’une structure syndicale l’Union infirmière France (UIF) et tentative deregroupement des associations au sein d’un Comité infirmier français (CIF) afind’obtenir une plus grande représentativité internationale.

1992. Conformément aux directives européennes, fusion des deux programmes deformation infirmière et adoption d’un nouveau programme conduisant à un diplômed’État d’infirmier polyvalent, relatif aux études et au programme conduisant audiplôme d’État d’infirmier (décret n° 92-264 et arrêté du 23 mars 1992.) Il officialisele concept de «diagnostic infirmier». • Publication des dispositions arrêtées pour ladélivrance du diplôme d’État d’infirmier aux personnes titulaires du diplôme d’infir-mier de secteur psychiatrique (arrêté du 30 mars 1992). • Bernard Kouchner,secrétaire d’État à la Santé, transforme les écoles d’infirmiers(ères) en Instituts deformation en soins infirmiers (décret du 5 juin 1992). • Les soins infirmiers du rôle

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propre prescrits par un médecin et qu’exécutent des infirmiers libéraux peuvent êtreremboursés selon une nouvelle codification, en actes infirmiers de soins AIS (arrêtédu 29 juillet 1992). • Création du Comité de lutte contre les infections nosocomiales(arrêté du 3 août 1992). Une infirmière y siège. • Création du Comité de transparencecompétent en matière de prélèvement et d’utilisation thérapeutique des organes(arrêté du 23 octobre 1992). Une infirmière y est présente. • Publication d’un livred’histoire sur les infirmières de l’Assistance publique de Paris, par VéroniqueLeroux-Hugon: Les infirmières à l’aube de la IIIe République, aux Éditions Sciencesen situation, Paris. • Publication d’un des rares ouvrages sur la pédagogie en écoled’infirmières par TH. Lanriec. L’école à l’envers, former des enseignantes en infir-merie, Paris, Éd. Lamarre.

1993. Publication du décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles profes-sionnelles des infirmiers et infirmières, qui instaure un règlement déontologiqueque les infirmières attendaient depuis 1930. • Décret n° 93-345 du 15 mars 1993relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession qui abroge le textede 1984. • Fin de la mise en place des accords «Durafour-Durieux» du nom desministres qui les ont négociés, pris à la suite des mouvements de grève des infir-mières et des infirmiers de 1988 et 1991 pour la revalorisation de leur statut social,de leurs conditions de travail, notamment pour l’application des 35 heures de nuit,et de leurs salaires. • Les professions de santé titulaires d’un diplôme d’Étatpréparé en trois ans peuvent accéder de plein droit à certains diplômes nationauxde licence. • Publication de la Recommandation n°R. (93-8) du Comité des Minis-tres des États membres sur la formation multiprofessionnelle des personnels desanté. Conseil de l’Europe. 18 octobre 1993, prélude à la formation multidiscipli-naire des cadres de santé en France et de la création du diplôme cadre de santé. • LeMonde, dans le numéro mensuel de mai 1993, du Monde des débats, intitulé: «lesinfirmières malades de leur métier», publie de nombreuses analyses sur la profes-sion infirmière et les soins infirmiers.

1994. Publication des lois sur la Bioéthique. • Création des unités de consultationset de soins ambulatoires dans les prisons et confiées aux hôpitaux. • Publication enjuin 1994, d’un Rapport, à Monsieur le ministre de la Santé par Brigitte Garbi,infirmière conseillère technique au cabinet du ministre sur: Les perspectivesd’évolution de la profession infirmière. • L’arrêté du 11 juillet 1994, complètecelui du 30 mars 1992 pour les conditions relatives à l’attribution du diplômed’État d’infirmier aux titulaires du diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique.Mais les infirmiers de secteur psychiatrique obtiennent par un arrêté pris en date du26 octobre, signé par M. Douste-Blazy, ministre délégué à la Santé, une reconnais-sance de l’équivalence de leur diplôme avec le diplôme d’État, ce qui déclencheraun recours auprès des instances européennes par le Comité d’entente des forma-tions infirmières et cadres et la Fédération nationale des infirmières. • Fermeture del’École internationale d’enseignement infirmier supérieur. • Publication par Marie-Françoise Collière des textes fondamentaux publiés par Virginia Henderson dansun livre intitulé: La nature des soins infirmiers, chez InterÉditions, Paris. •Traduction et publication en français de l’ouvrage de Virginia Henderson, Natureof nursing, qui est véritablement l’expression de sa pensée alors que Les principesfondamentaux n’étaient qu’un condensé de sa réflexion.

1995. Publication d’une nouvelle charte pour les patients hospitalisés (circulairen° 22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients et des hospitalisés). • Créationdu diplôme cadre de santé (décret n° 95-926 et arrêté relatifs au diplôme cadre de

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santé, 18 août 1995). • Publication du premier dictionnaire des soins infirmiers,qui est une première en France et en Europe, par un ensemble d’infirmières etd’infirmiers, sous la direction de René Magnon et Geneviève Déchanoz, à Lyon,aux éditions AMIEC. • À la suite de la Conférence de Vienne, en 1988, publicationdes conclusions des forums de «la santé pour tous en l’an 2000», organisés parl’Organisation mondiale de la Santé: Les soins infirmiers en action, par J. Salvage,OMS, Bureau Régional de l’Europe, Genève. • Publication par Marie-FrançoiseCollière d’une synthèse de ses différents cours, communications et articles sur lerenouveau de la conception et de l’approche des soins qui ont été à la base de sonenseignement des soins infirmiers de santé publique: Soigner: le premier art de lavie, chez InterÉditions, Paris.

1996. Disparition le 19 mars 1996 à New-Haven dans le Connecticut de VirginiaHenderson, née en 1897. Auteur notamment du livre: Principes fondamentaux dessoins infirmiers, traduit en 1960, par le Conseil International des Infirmières et quifut la bible de générations d’infirmières dans le monde entier. • Édouard le Jeunesénateur propose au sénat, le 16 février 1996, une proposition de loi relative à la créa-tion d’un ordre national des infirmières. Le 19 février une réunion des centralessyndicales, des associations et syndicats professionnels aboutit au refus d’un telleinstance. Dans sa séance du 2 octobre, après un recours déposé par le Comitéd’Entente des formations infirmières et cadres et la Fédération Nationale des Infir-mières, le Conseil d’État annule l’arrêté du 26 octobre 1994, relatif à l’équivalencedu diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique au diplôme d’État d’infirmier. •Publication par le Conseil de l’Europe d’un rapport et de recommandations sur larecherche infirmière (N°R.96.1) qui relance en France et dans tous les Pays membresde l’Union Européenne, la nécessité de développer la recherche dans les soins infir-miers et dans les autres disciplines des professions de santé non médicales. •Publication dans le collection «Que sais-je?», d’un livre sur: Le métier d’infirmière,par Catherine Duboys-Fresney et Georgette Perrin, aux PUF, Paris.

1997. Forte mobilisation des associations et notamment de l’Association pour lapromotion de la profession infirmière (APPI), pour la création d’un ordre infirmieret la révision du décret de compétence de 1993. • Nouveau dépôt d’une loi (n° 371)en faveur de la création d’un ordre national des infirmières par le député Jean-LucPréhel.

1998. Dans son rapport public annuel, le Conseil d’État rappelle au gouvernement,que les dispositions réglementaires contenues dans la loi de juillet 1980, n’ont pasencore été instaurées, relançant ainsi, à nouveau, le débat sur la création d’un ordreinfirmier. • Publication d’un livre sur l’histoire de la profession infirmière:Origine républicaines d’un modèle infirmier, 1870-1900, par Michel Poisson, auxÉditions Hospitalières, Paris. • Publication d’une circulaire relative à la lutte contrela douleur dans les établissements d’hospitalisation publics et privés (circulaireDGS/DH. n° 98-586 du 24 septembre et lettre-circulaire du 3 décembre 1998).• Disparition de Alice Clamageran, le 30 novembre 1998, à Rouen, où elle était néele 7 mars 1906. Alice Clamageran avait été présidente de l’Association nationaledes infirmières diplômées d’État de 1949 à 1961, et présidente du Conseil interna-tional des infirmières (CII) de 1961 à 1965. • Internet entre chez les infirmières etles infirmiers qui commencent à créer leurs propres sites. • Après la présentationaux sénateurs et aux parlementaires de 5 projets en deux ans d’une loi en faveur dela création d’un ordre national infirmier, les députés repoussent, sous la pression

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du secrétaire d’État à la Santé B. Kouchner et du groupe socialiste, la propositionde loi de Jean-Luc Préel, député UDF de Vendée.

1999. L’Assemblée nationale adopte le 27 juillet, la loi n° 99-641 portant créationde la couverture maladie universelle considérée comme une vraie révolution pourl’accès aux soins et à la santé pour des milliers de pauvres ou en situation de préca-rité, mettant fin ainsi à l’aide médicale gratuite instaurée il y a cent ans, et quientrera en vigueur le 1er janvier 2000. • L’OMS s’inquiète de la recrudescence dela tuberculose «multirésistante». Un tiers de l’humanité est contaminée et 2 à3 millions de personnes en meurent par an. • Le sida se situe parmi les dix causesprincipales de mortalité. La surmortalité affecte prioritairement les pays del’hémisphère sud. • Entrée en vigueur, le 1er décembre de la convention européennede bioéthique publiée le 30 juin 1994, à Strasbourg. • Par la loi n° 99-641 du27 juillet portant création de la couverture maladie universelle, les infirmiers desecteur psychiatrique obtiennent la reconnaissance que leur diplôme est undiplôme d’État (art. 37, modifiant les articles L.474-2, L.474-3, L.477-1, du Codede la Santé publique).

2000. Le 5 octobre, les députés votent en première lecture une proposition de loisur la «pilule du lendemain», qui prévoit sa délivrance par les infirmièresscolaires, sans ordonnance médicale. • Après de nombreuses discussions, la loin° 2000-129 relative à la contraception d’urgence est votée le 13 décembre 2000.Elle entre en application avec le décret n° 2001-258 du 27 mars 2001.

2001. La réduction du temps de travail à 35 heures, le «numerus clausus» pourl’entrée en institut de formation en soins infirmiers fortement diminué dans lesannées précédentes, associés à une imprévoyance des pouvoirs publics concernantles départs à la retraite, plongent à nouveau la profession infirmière dans unepénurie identique à celle des années soixante-dix. En haut lieu, on envisage mêmede recruter des infirmières étrangères et notamment des Espagnoles. L’expériencetournera court. • Le 4 juillet 2001, les députés et les sénateurs adoptent la nouvelleloi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception dont unedes principales avancées en la matière concerne le délai légal d’intervention quipasse de dix à douze semaines. • En application du protocole du 14 mars 2001, ledécret n° 2001-1375 du 31 décembre 2001 crée un corps de cadre de santé quicomprend deux grades: cadre de santé et cadre supérieur de santé, mettant fin ainsidans la fonction publique hospitalière à la terminologie ancienne de surveillant etsurveillant-chef.

2002. Un nouveau décret «actualisé», relatif à l’exercice professionnel que laprofession attendait depuis 1996 est enfin publié: c’est le décret n° 2002-194 du11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la professiond’infirmier (les décrets n° 89-539 du 12 mai 1989 et le décret n° 93-345 du15 mars 1993 relatifs aux actes professionnels et à l’exercice de la professiond’infirmier sont abrogés). • La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droitsdes malades et à la qualité du système de santé consacre les droits des maladesdans un concept nouveau de «démocratie sanitaire» apparu lors des états générauxde la santé en 1998-1999. Elle traite de la problématique de l’information dupatient et de son accès au dossier médical. Elle lui donne la possibilité de se trans-former en acteur: d’obtenir plus d’information, son consentement et saparticipation aux choix thérapeutiques. Elle donne une nouvelle place aux usagerset réécrit dans un système d’ensemble les règles afférentes à la responsabilité

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médicale et hospitalière. • Par un arrêté du ministère de la Santé en date du 2 juillet2002, la démarche de soins infirmiers entre dans la nomenclature des actes profes-sionnels des infirmiers libéraux et vient modifier totalement l’article 11 de lanomenclature des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, dessages-femmes et des auxiliaires médicaux. Elle est codifiée et remboursée sous lalettre clé (DI) dans la catégorie des actes infirmiers de soins (AIS) et doit fairel’objet d’une prescription médicale. • La fonction publique hospitalière se doted’un nouveau corps de direction: celui de directeur des soins. Le décret n° 2002-550 du 19 avril 2002 portant statut particulier du corps de directeur des soins de lafonction publique hospitalière précise qu’il comprend deux grades: le grade dedirecteur des soins de 2e classe et le grade de directeur des soins de 1re classe. Lesfonctions de ces directeurs se substituent à celles des infirmiers généraux. Ce corpsest constitué dorénavant, selon la formation d’origine, des cadres issus: de lafilière infirmières, infirmiers généraux; de la filière de rééducation; de la filièremédico-technique. Il revalorise financièrement ce corps de direction d’une manièresubstantielle. • Après la création, en 1973, du Comité infirmier permanent deliaisons et d’étude (CIPLE) disparu depuis et du Comité infirmier français (CIF) en1991, un nouveau «Groupement d’intérêt professionnel en soins infirmiers»(GIPSI) vient de déposer ses statuts. Il est constitué depuis 1998 des huit associa-tions les plus représentatives de la profession infirmière (Association nationale desinfirmières et infirmiers diplômés, Association nationale des infirmier(e)s géné-raux, Union nationale des associations et syndicats infirmiers et des infirmier(e)sfrançais, Union nationale des associations d’infirmier(e)s de bloc opératoirediplômé(e)s d’État, Comité d’entente des écoles d’infirmier(e)s anesthésistesdiplômé(e)s d’État, Association nationale de puéricultrices et des étudiantes,Comité d’entente des formations infirmières et cadres, Groupement d’études, derecherche et d’action pour la formation des aides-soignants). Cette nouvelle tenta-tive d’union, prélude à un regroupement fédératif de toutes les forces vives de laprofession infirmière à l’horizon 2005, a pour objet de promouvoir les soins infir-miers, de constituer une force de proposition en matière de soins infirmiers etentend appuyer la création du Conseil des professions paramédicales prévu par laloi du 4 mars 2002.

2004. En juillet, les textes relatifs à l’exercice de la profession d’infirmier(e) et lesactes professionnels sont introduits dans le Code de la santé publique, livre III,auxiliaires médicaux, titre 1er, profession d’infirmier ou d’infirmière, chapitre 1er.Exercice de la profession, section 1, annexe au décret n° 2004-802 du 29 juillet2004.

La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, annexe au rapportd’objectifs de santé publique, souligne la nécessité d’une approche rénovée desproblèmes de santé. Orientations qui sont en parfaite cohérence avec la conceptionrenouvelée des soins infirmiers enseignée en France depuis plus de trente ans etdes conclusions de la Conférence de Vienne de 1988, suite à la politique de l’Orga-nisation mondiale de la santé plus connue sous le titre: Les trente-huit buts de lasanté pour tous en l’an 2000.

2005. Le 27 janvier à Lyon, disparition de Marie-Françoise Collière, née le 6 avril1930 à Oran (Algérie). Infirmière, enseignante, auteure, militante et historiennedes soins, cette femme engagée a énormément œuvré pour la reconnaissance etl’évolution des soins infirmiers de santé publique au niveau national et interna-tional. Elle laisse une œuvre importante, notamment un livre culte, Promouvoir la

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vie, de la pratique des femmes soignantes aux soins infirmiers, publié en 1982 auxéditions Inter-Éditions, réédité depuis par les Éditions Masson. Marie-FrançoiseCollière a été élevée au grade de chevalier de l’ordre des Palmes académiques en1995 et a été promue Docteur honoris causa de l’université de Las Palmas(Espagne) en 2005. Au cours d’une cérémonie d’hommage organisée le 21 mars2005 par ses amis lyonnais, le secrétaire général des Hospices civils de Lyon luiremit, à titre posthume, la médaille des Hospices civils de Lyon. • La promulgationde la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 et les décrets d’application relatifs auxdroits des malades et à la fin de vie prolongent leurs droits acquis en 2002, notam-ment en ce qui concerne les soins aux mourants. Ce nouveau texte de loi garantit lapersonne en phase terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit lacause, de décider de limiter ou d’arrêter tout traitement. Dans ce cas, le médecinest tenu de respecter sa volonté après l’avoir informé des conséquences de sonchoix. La décision du malade est inscrite dans son dossier. Elle lui garantit égale-ment que les soins ne peuvent-être poursuivis par une obstination déraisonnable etqu’elle doit recevoir des soins visant à soulager la douleur en sauvegardant sadignité de mourant. Toutefois l’Association pour le droit de mourir dans la dignité(ADMD), tout en reconnaissant que cette loi est «une étape importante», la trouvenettement insuffisante. En mars 2006, 75% des Français étaient favorables à ceque le législateur aille plus loin en matière de légalisation de l’euthanasie danscertains cas, par exemple en phase avancée ou terminale d’une maladie incurableou dans un état de dépendance incompatible avec la dignité. • Publication le 2 mai2005 de l’ordonnance sur la nouvelle Gouvernance hospitalière. • Publication parles Presses universitaires de France de la quatrième édition du livre de CatherineDuboys-Fresney et de Georgette Perrin Le métier d’infirmière en France. Faitrarissime pour être signalé, cet ouvrage français a été traduit en japonais.