Les Imitations de Monnaies byzantines (476 -575) · Mais après l’installation des royaumes...

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Les Imitations Les Imitations de Monnaies byzantines de Monnaies byzantines (476 (476 - - 575) 575) En 330, Constantin, premier empereur chrétien, fonda sur le site de Byzance la ville de Constantinople, donnant ainsi deux capitales à son empire : Rome et Constantinople. Mais après l’installation des royaumes barbares et la chute de l’empire d’Occident en 476, l’Italie passa sous la domination des Ostrogoths et Rome, mise à sac plusieurs fois au cours du V e siècle, perdit de son importance au profit de la capitale orientale. Les peuples barbares qui envahirent la Gaule puis l’Italie et l’Espagne, n’avaient pas de tradition monétaire autre que l’imitation de monnayage romain. Par conséquent, après la destruction de l’empire d’Occident, ils imitèrent les monnaies de l’empire d’Orient. Les monnaies romaines servent de viatique dans les tombes franques Le tombeau de Childéric (père de Clovis) inhumé en 481 à Tournai ne contenait que des monnaies impériales à côté d’une abondante série d’objets d’orfèvrerie de fabrication germanique. La plupart des solidi provenaient de l’atelier de Constantinople. Une autre inhumation des années 495 découverte à Vedrin (Belgique) révèle que les monnaies de la sépulture provenaient plutôt des ateliers de Rome, Milan et surtout Ravenne. En effet, à la fin du V e siècle, en raison des troubles politiques et économiques, la monnaie de cuivre se dégrade tellement qu’elle n’est plus représentée chez nous que par des pièces minuscules appelées « minimi » mal frappées et surtout d’une imitation très facile. Pendant toute la période mérovingienne, elles continueront à être utilisées ; en témoigne l’antonianus de Gallien (253-268) découvert dans la nécropole mérovingienne de Les Rues des Vignes (VI e -VII e siècles). Des monnaies imitées et maintes fois refondues Dans l’espoir de s’insérer dans l’environnement existant, les Barbares qui s’installent en Gaule émettent des monnaies qui tentent d’imiter les dernières émissions impériales (découvertes de solidus d’Honorius (393-423) au Cateau-Cambrésis et de Valentinien III (424-455) dans la nécropole mérovingienne de Les Rues-des- Vignes). Parallèlement, les graveurs de coins de monnaies mérovingiennes qui disposent des modèles byzantins contemporains les copient également en les interprétant. Ils transforment le numéraire existant en nouvelles espèces, en y ajoutant une part de métal nouveau. Au cours du temps, le métal employé pour les fabrications monétaires est ainsi maintes et maintes fois refondu, frappé et refrappé, et modifié dans son poids. Il existe aussi de nombreux faussaires. L’imitation du monnayage byzantin en Gaule Ce sont les pièces d’or byzantines qui sont les premières imitées : le solidus au buste casqué de face et à l’angle tenant une croix, le tremissis ou triens au buste de profil et à la Victoire. Ils portent à l’avers l’effigie du souverain et au revers une victoire ou la croix à degrés. Le monnayage byzantin commence traditionnellement avec l’empereur Anastase (491 -518), qui réorganise le système monétaire. Si Anastase conserve les monnaies d’or habituelles : solidus, semissis (1/2 solidus) et tremissis (1/3 solidus), ainsi que les monnaies d’argent telles les siliques et les miliarenses, il opère une refonte extrêmement importante en 498 de la monnaie de cuivre qui était certainement la plus utilisée dans la vie quotidienne. Un solidus d’Anastase et un tremissis du même empereur ont été retrouvés à Sailly-lez- Cambrai et à Hordain. Ont également été retrouvés dans notre région un solidus au nom de Justinien I er le Grand (518-565) dans la nécropole mérovingienne de Les Rues- des-Vignes ainsi qu’un solidus « dégénéré » de Justinien I er à Famars. Pourquoi des monnaies byzantines en Gaule ? Il semble que l’installation des Lombards en Italie du Nord ait réduit l’importance de la route directe de l’Italie au Rhin par les Alpes à la fin du VI e siècle. Les trouvailles de monnaies byzantines semblent tracer une nouvelle route des marchandises par la vallée du Rhône et le Jura jusqu’en Rhénanie. On peut penser que ces pièces byzantines étaient thésaurisées dans les régions « barbares » d’outre-Rhin qui ne disposaient pas d’ateliers monétaires, elles étaient ensuite refondues et refrappées en monnaies mérovingiennes lorsqu’elles pénétraient sur le territoire franc. Vers 575 naitront les monnaies à caractère local et prendront fin peu à peu les imitations des modèles étrangers. L’arrêt de toutes les trouvailles de monnaies byzantines, qu’elles soient d’or ou de cuivre, dans toutes les parties de la Gaule est le signe de la raréfaction des échanges commerciaux et politiques entre la Méditerranée orientale et l’Occident. Antonianus de Gallien au même type que celui retrouvé sur le site de Les Rues-des-Vignes Solidus en or de Valen!nien III retrouvé dans une tombe de la nécropole mérovingienne de l’Archéo’site de Les Rues-des-Vignes Musée municipal de Cambrai Solidus franc à la tulature d’Anastase au même type que celui retrouvé à Hordain © www.vinchon.com A gauche, solidus de Jusnien I er retrouvé dans la nécropole mérovingienne de Les Rues-des-Vignes ; à droite, solidus franc dit « dégénéré » à la tulature de Jusnien I er (© www.crinon-numisma!que.com) © medieval.mrugala.net

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Les Imitations Les Imitations de Monnaies byzantines de Monnaies byzantines

(476(476--575)575)

En 330, Constantin, premier empereur chrétien, fonda sur le site de Byzance la ville de Constantinople, donnant ainsi deux capitales à son empire :

Rome et Constantinople. Mais après l’installation des royaumes barbares et la chute de l’empire d’Occident en 476, l’Italie passa sous la domination

des Ostrogoths et Rome, mise à sac plusieurs fois au cours du Ve siècle, perdit de son importance au profit de la capitale orientale.

Les peuples barbares qui envahirent la Gaule puis l’Italie et l’Espagne, n’avaient pas de tradition monétaire autre que l’imitation de monnayage

romain. Par conséquent, après la destruction de l’empire d’Occident, ils imitèrent les monnaies de l’empire d’Orient.

Les monnaies romaines servent de viatique dans les tombes franques

Le tombeau de Childéric (père de Clovis) inhumé en 481 à Tournai ne contenait que

des monnaies impériales à côté d’une abondante série d’objets d’orfèvrerie de

fabrication germanique. La plupart des solidi provenaient de l’atelier de

Constantinople. Une autre inhumation des années 495 découverte à Vedrin (Belgique)

révèle que les monnaies de la sépulture provenaient plutôt des ateliers de Rome, Milan

et surtout Ravenne.

En effet, à la fin du Ve siècle, en raison des troubles politiques et économiques, la

monnaie de cuivre se dégrade tellement qu’elle n’est plus représentée chez nous que

par des pièces minuscules appelées « minimi » mal frappées et surtout d’une imitation

très facile. Pendant toute la période mérovingienne, elles continueront à être utilisées ;

en témoigne l’antonianus de Gallien (253-268) découvert dans la nécropole

mérovingienne de Les Rues des Vignes (VIe-VIIe siècles).

Des monnaies imitées et maintes fois refondues

Dans l’espoir de s’insérer dans l’environnement existant, les Barbares qui s’installent

en Gaule émettent des monnaies qui tentent d’imiter les dernières émissions

impériales (découvertes de solidus d’Honorius (393-423) au Cateau-Cambrésis et

de Valentinien III (424-455) dans la nécropole mérovingienne de Les Rues-des-

Vignes). Parallèlement, les graveurs de coins de monnaies mérovingiennes qui

disposent des modèles byzantins contemporains les copient également en les

interprétant. Ils transforment le numéraire existant en nouvelles espèces, en y

ajoutant une part de métal nouveau. Au cours du temps, le métal employé pour

les fabrications monétaires est ainsi maintes et maintes fois refondu, frappé et

refrappé, et modifié dans son poids. Il existe aussi de nombreux faussaires.

L’imitation du monnayage byzantin en Gaule

Ce sont les pièces d’or byzantines qui sont les premières imitées : le solidus au buste

casqué de face et à l’angle tenant une croix, le tremissis ou triens au buste de profil et

à la Victoire. Ils portent à l’avers l’effigie du souverain et au revers une victoire ou la

croix à degrés.

Le monnayage byzantin commence traditionnellement avec l’empereur Anastase (491

-518), qui réorganise le système monétaire. Si Anastase conserve les monnaies d’or

habituelles : solidus, semissis (1/2 solidus) et tremissis (1/3 solidus), ainsi que les monnaies

d’argent telles les siliques et les miliarenses, il opère une refonte extrêmement

importante en 498 de la monnaie de cuivre qui était certainement la plus utilisée dans

la vie quotidienne.

Un solidus d’Anastase et un tremissis du même empereur ont été retrouvés à Sailly-lez-

Cambrai et à Hordain. Ont également été retrouvés dans notre région un solidus au

nom de Justinien Ier le Grand (518-565) dans la nécropole mérovingienne de Les Rues-

des-Vignes ainsi qu’un solidus « dégénéré » de Justinien Ier à Famars.

Pourquoi des monnaies byzantines en Gaule ?

Il semble que l’installation des Lombards en Italie du Nord ait réduit l’importance

de la route directe de l’Italie au Rhin par les Alpes à la fin du VIe siècle. Les

trouvailles de monnaies byzantines semblent tracer une nouvelle route des

marchandises par la vallée du Rhône et le Jura jusqu’en Rhénanie. On peut

penser que ces pièces byzantines étaient thésaurisées dans les régions

« barbares » d’outre-Rhin qui ne disposaient pas d’ateliers monétaires, elles

étaient ensuite refondues et refrappées en monnaies mérovingiennes lorsqu’elles

pénétraient sur le territoire franc.

Vers 575 naitront les monnaies à caractère local et prendront fin peu à peu les

imitations des modèles étrangers. L’arrêt de toutes les trouvailles de monnaies

byzantines, qu’elles soient d’or ou de cuivre, dans toutes les parties de la Gaule

est le signe de la raréfaction des échanges commerciaux et politiques entre la

Méditerranée orientale et l’Occident.

Antonianus de Gallien au même type

que celui retrouvé sur le site de Les

Rues-des-Vignes

Solidus en or de Valen!nien III retrouvé dans une

tombe de la nécropole mérovingienne de

l’Archéo’site de Les Rues-des-Vignes Musée municipal de Cambrai

Solidus franc à la �tulature d’Anastase

au même type que celui retrouvé à

Hordain © www.vinchon.com

A gauche, solidus de Jus�nien Ier

retrouvé dans la nécropole

mérovingienne de Les Rues-des-Vignes ;

à droite, solidus franc dit « dégénéré » à

la �tulature de Jus�nien Ier

(© www.crinon-numisma!que.com)

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L’Epoque du TremissisL’Epoque du Tremissis (575(575--675)675)

Vers 575, le royaume franc est divisé entre les fils de Clotaire Ier et la monnaie s’éloigne du modèle byzantin. Ainsi voit le jour la monnaie

mérovingienne : un tiers de sou d’or portant indifféremment sur l’une ou l’autre face un nom de lieu d’émission et un nom de monétaire qui est le

responsable local, garant de la monnaie.

L’inscription de noms de lieux, qu’il s’agisse de lieux de fabrication ou d’émission,

sur les monnaies est un phénomène qui débute, semble-t-il, dès la première décennie

du VIe siècle, par des « points secrets » sur les monnaies burgondes. Mais il faut

attendre les années 570/580 pour que les monnaies portent explicitement le nom du

lieu d’émission (on a pu dénombrer plus de 1200 lieux différents). Ces inscriptions

géographiques vont des chefs-lieux de cités à de petites localités, en passant par des

noms de domaines gallo-romains, suivies du terme « fitur » (qui signifie « est fait »). Mais,

il n’est pas toujours aisé de les identifier aujourd’hui en raison notamment de

problèmes de toponymie. L’inscription des noms de monétaires apparait également à cette époque.

Il s’agit d’un « fonctionnaire », parfois royal, chargé du contrôle des émissions

locales. Leur multiplicité traduit l’extrême dispersion du pouvoir de battre la

monnaie, assuré par les officines privées hors de l’autorité royale. Le plus célèbre

« fonctionnaire royal » fut Saint Eloi qui a été, successivement, le conseiller de

Clotaire II, de Dagobert Ier et de Clovis II. En revanche, le nom des rois

mérovingiens n’apparait que de façon tout à fait exceptionnelle (Cf. un tremissis

de Clovis II (639-657) frappé par Saint Eloi à Paris, découvert à Vieux-Condé).

En 630, le roi Dagobert Ier contrôle les trois royaumes de Neustrie, Austrasie et

Bourgogne, dont il a pris directement en main les trésors, c’est-à-dire ces amas

de bijoux, de pièces d’orfèvrerie, de riches étoffes orientales, de livres précieux,

de lingots, de monnaies d’or – lui-même en fit frapper à son effigie – enfermés

dans des coffres que l’on ouvre pour les montrer aux visiteurs.

Les caractères communs de la monnaie mérovingienne

Les trouvailles pour le VIIe siècle sont en fait très rares et on peut estimer que la

monnaie occupe alors un rôle moindre dans les échanges.

Il est très difficile de trouver un caractère commun aux monnaies mérovingiennes tant

les types sont variés, hormis le buste à l’avers et les croix diverses au revers. Leur

fabrication est souvent maladroite et imparfaite : les flans n’ont reçu que

partiellement l’empreinte des coins trop grands pour eux et les légendes sont

rarement complètes.

Les poids des solidi et des tremisses émis au VIe siècle sont ceux des monnaies émises à

Constantinople et à Ravenne, peut-être de quelques centigrammes plus légers, mais

cet allègement pondéral peut provenir du frais causé par la circulation ou du port

répété dans une simple bourse. L’essentiel du monnayage mérovingien se constitue

donc de triens d’or, d’un poids de 1,25 gramme, produits localement. Le poids des

tremisses en or émis entre 590 et 675 semble avoir diminué au cours du temps.

L’abandon en 675 de la frappe de l’or au profit des deniers d’argent illustre bien cette

baisse du taux de métal précieux dans les monnaies au cours de cette période. Les monnaies cambrésiennes

5 pièces de monnaie provenant de Cambrai et portant le nom d’un monétaire

ont été décrites par le numismate TRIBOU au XIXe siècle, ce sont :

- un tremissis en or de 1,22 g portant ALANCVS CAMARACO (au centre un buste

tourné à droite, et au revers une croix chrismée placée sur des degrés) ;

- un tremissis en or portant BEDEGIISI CAMARACO (au centre une tête de face

avec cheveux longs, symétriquement partagés et retombant sur les joues en

boucles contournées).

- un tremissis en or portant LANDEBERTO / CAMERACO (buste tourné à gauche, la

tête ceinte d’un bandeau perlé, le cou et le haut de la poitrine, également ornés

de perles et au revers croix à branches égales évidées, haussée sur un degré qui

repose lui-même sur deux petites pyramides, formées de quatre globes dont trois

forment la face antérieure).

- un tremissis en or portant LANDEBERTO MO / CAMERACO CIVI (buste à droite

avec bandeau et collier de perles ; croix dont le pied est bifurqué à la manière

d’une ancre et figure une sorte d’oméga)

- un tremissis en or de 1,11 g portant LANDERBERTVS /CAMERAC (buste à droite ;

croix ancrée).

Au droit de la monnaie, on lit le nom du roi ou celui du monétaire (N. REX ou N.

MONETARIUS) et au revers le nom du lieu où a été frappée la pièce, avec le mot

CIVITAS, VILLA ou CASTRUM, le tout accompagné de FITUR, FECIT, ou FIT., lettres

renversées, supprimées ou intercalées pour remplir les lacunes qui font souvent le

désespoir de ceux qui cherchent à déchiffrer les légendes mérovingiennes. Les

monnaies de ce temps n’offrent jamais les noms des ducs et des comtes, mais

quelquefois des noms de saints, comme saint Martin, saint Denis.

Tremissis frappé à Nantes

On peut voir gravée sur l’avers la

légende NAMNETIS FI (Nantes). © Musée Dobrée

Tremissis de Paris de Dagobert Ier

et Saint Eloi

On peut voir gravée au revers la légende DAGOBERT ainsi

que le nom ELIGI (Saint Eloi) au centre. © Cabinet des Médailles de la BNF

Triens en or de l’église de Rouen datant du

VIIe siècle

© Musée départemental des An!quités de Rouen

Reproduc!on du tremissis frappé à

Cambrai par Alancus © C. Robert, 1824

Reproduc!on du tremissis frappé à

Cambrai par Bedegiisi © C. Robert, 1824

Reproduc!on du tremissis frappé

à Cambrai par Landeberto © C. Robert, 1824

L’Epoque du L’Epoque du Denier mérovingienDenier mérovingien

(675(675--751)751)

Vers 670/680, l’importante dévaluation du tremissis entraine l’arrêt de la frappe de l’or (pour six siècles), marquant la fin de la tradition monétaire

romaine et le début de la monnaie médiévale. Les nouvelles conditions de sa métrologie liées au système médiéval : denier, sou, livre, vont durer

jusqu’au siècle dernier en France et jusqu’à nos jours en Angleterre.

Ainsi apparait à cette époque le denier d’argent mérovingien frappé dans un petit nombre d’ateliers.

Le denier est à l’origine le nom d’une monnaie romaine

Du latin deni, « dix », et aes, « bronze », il fut créé entre 214 et 211 avant Jésus-Christ et disparut au IIIe siècle après Jésus-Christ.

Sa réapparition à l’époque mérovingienne nous est fournie par la légende de

quelques exemplaires (DENARIUS à Orléans et à Lyon). Il garde un temps la même

apparence que le tremissis (buste au droit, croix au revers), puis évolue vers une

typologie plus simple avec des monogrammes.

Ce nouveau denier est aussi une nouvelle division de la livre romaine : son 1/240e

(1,35 g). C’est le poids normal des deniers qui seront frappés par les Mérovingiens

pendant soixante-quinze années. C’est le poids encore des deniers frappés par

les premiers Carolingiens jusqu’en 794.

Le denier est aussi la douzième partie du sou (20 x 12 = 240).

Des monnaies surtout ecclésiastiques

Sur plusieurs monnaies d’or apparaissait la légende ECCLESIA accompagnant le nom

de la cité. Sur les deniers de plusieurs cités c’est le nom ou le monogramme de

l’évêque qui est inscrit. Curieux transfert de pouvoirs monétaires, souvent temporaires,

de l’évêché à l’évêque nommément désigné. De la même manière que pour les

tremisses, on remarque une baisse générale du poids de ces monnaies jusqu’au milieu

du VIIIe siècle, généralement couplée à une baisse de qualité dans leur fabrication ;

les flans semblent parfois n’avoir été que très légèrement mis en forme avant la

frappe. Avec l’émission du denier d’argent, le nombre des lieux d’émissions se restreint

de façon considérable. Environ cent cinquante lieux de Neustrie ont émis des tiers de

sous, et vingt-cinq seulement ont pu être identifiés sur les deniers. Restée jusque-là

essentiellement laïque, l’émission des monnaies devient essentiellement ecclésiastique.

La fin des Mérovingiens et la montée en puissance des Maires du Palais

Après 675, les rois ont perdu tout pouvoir, les maires du Palais, chefs de toute

l’administration, maîtres pour la plupart de vastes duchés, commencent à

frapper monnaie. Childéric II peut être considéré comme le créateur du denier

et le dernier roi mérovingien dont le nom, actuellement, apparaît sur des

monnaies. Deux deniers portent le nom du maire du palais Ebroïn. En Austrasie,

en 715, Pépin d’Herstal termine sa carrière de maire du Palais, et le pouvoir réel

est passé aux mains de son fils Charles Martel. Le 21 mars 717, celui-ci défit à

Vinchy (Les Rues des Vignes, près de Cambrai) le roi de Neustrie Chilpéric II et

son maire du palais Ragenfried dont on conserve aussi le nom sur quelques

monnaies. Charles Martel meurt en 741. En 751, son fils Pépin le Bref sera

couronné roi des Francs.

Le développement du commerce entre les royaumes mérovingiens et les royaumes septentrionaux, couplé à la perte de confiance dans l’or monnayé,

explique le rôle important joué à cette époque par les « sceattas » en argent (voir panneau suivant sur le monnayage « frison »).

Denier mérovingien de Lyon

La le!re D (Denarius) apparaît au revers.

Ce monnayage est presque en argent,

mais c’est un solidus en or pâle de 20

siliques émis par Childéric II (662-675) à

Marseille. © www.ogn-numisma!que.com

Denier mérovingien en argent de l’église de

Poi!ers

Avers : ECLESI PECT ; buste à droite

Revers : Monogramme formé des le"res AS en

rétrograde © www.monaiesdantan.com

Denier en argent d’Ebroïn au nom du

monétaire Rodemarus frappé à Paris © BNF Sceau de Chilpéric II daté du 5

mars 716

© Archives na!onales, Paris

Denier en argent de Charles Martel frappé à Metz

Avers : + RI sous un !lde

Revers : IAS sous un !lde © www.monnaiesdantan.com

L’Essor du L’Essor du Monnayage «Monnayage « frisonfrison » »

(VII(VIIee--IXIXee siècles)siècles)

Au début du VIIe siècle, alors que la richesse des Francs était essentiellement terrienne, on assiste dans la Gaule du Nord au véritable décollage

d’une économie commerciale. Les peuples marins qu’étaient les Anglo-Saxons et les Frisons sont les initiateurs de l’ouverture d’une route

marchande entre la Grande-Bretagne et le continent.

Grâce à leurs relations avec le monde scandinave, les commerçants et pirates frisons parviennent bientôt à contrôler la majorité des côtes

méridionales de la mer du Nord. Le nom de « Frisons » devient synonyme de marchand ou de navigateur au long cours...

L’activité marchande des Frisons se développa à partir de ports très renommés tels que Dorestad, situé sur l'un des bras de l'embouchure du Rhin

(près de l’actuelle ville d’Utrecht aux Pays-Bas), et Quentovic (situé à l'embouchure de la Canche, à l'emplacement de l’actuel village de La

Calotterie, entre Montreuil-sur-Mer et Etaples-sur-Mer).

Rivalités entre Francs et Frisons

630 : Dagobert Ier prend position sur la basse vallée du Rhin et préside au transfert des

monétaires Rimoaldus et Madelinus de Maastricht à Dorestad. La mainmise franque sur

la basse vallée du Rhin dans le second quart du VIIe siècle répond certainement à l’ambitieux désir des Francs de récupérer la frontière romaine du Rhin.

690 : Pépin de Herstal, maire du palais d’Austrasie entreprend la conquête militaire de la

Frise et soumet le roi Radbod. Une fois Pépin mort, les Frisons sont temporairement libérés du joug austrasien après avoir conclu un accord de paix avec les Neustriens.

717-719 : Charles Martel, fils de Pépin et grand-père de Charlemagne, vainc à nouveau

Radbod assurant la mainmise définitive des Francs sur la Frise.

800-840 : La Frise devenue une province de l’empire carolingien connait son apogée

commercial. L’activité de ses marchands est stimulée par la prospérité de l’arrière-pays

franco-rhénan.

Les monnaies « frisonnes » en argent

Au VIIIe siècle, Dorestad et Quentovic deviennent des « relais monétaires » obligés (Jean Lafaurie), entre la Gaule et les pays du Nord. On assiste à l’extraordinaire

multiplication dans les ateliers frisons de piécettes d’argent au graphisme barbare

que les livres d’histoire s’obstinent à appeler, avec une ténacité fautive, les sceattas,

alors qu’elles n’étaient que de tout petits deniers ou pennies frappés en métal blanc.

Entérinant les difficultés que l’Occident avait à renouveler son stock d’or, et surtout

tellement mieux adapté à des échanges dont la valeur était allée depuis des siècles en diminuant, ce monnayage remporta un succès tel qu’en quelques décennies tout

l’Occident se convertit au monométallisme argent. Au moment de l’avènement des Carolingiens, c’en était déjà fini, et pour cinq siècles,

de toute frappe de l’or dans le royaume des Francs. Des échanges divers

Dans les ports de Dorestad et Quentovic, se négocient métaux, ambre, fourrures, et esclaves…

Les Frisons remontent le Rhin et la Moselle, et s’installent de Cologne à

Strasbourg, où ils se fournissent en armes, en céramiques, en vin, en

blé, ou encore en bois. Quant aux Anglo-Saxons, ils se fournissent en vins aux foires de Saint-Denis.

À cause de l'importance de son centre de commerce, Dorestad attire l'attention des Vikings et est pillée cinq fois entre 834 et 863. A

cette date, le port est comblé et la ville est définitivement détruite en 876.

A Cambrai, au niveau de l’actuelle Citadelle, l’archéologue Ber-

nard Florin a fouillé en 1982-1983 l’emplacement de l’ancien

monastère Mérovingien de Saint-Géry du Mont-des-Bœufs où se

tenait une foire au VIIIe siècle.

Ces fouilles ont livré :

- un sceat de Frise au type porc-épic frappé vers 700

- un sceat anglo-saxon au type oiseau frappé vers 700

- un denier de Maastricht frappé vers 750

© fr.wikipédia.org

Sceat de Frise Sceat d’Angleterre

Denier de Maastricht

Les Monnaies Les Monnaies

carolingiennes carolingiennes (778(778--877)877)

Ayant acquis une puissance considérable, le maire du Palais héréditaire de Neustrie et d’Austrasie Charles Martel, issu de la famille des

Pippinides, commence à battre monnaie. Tel est également le cas de son fils Pépin le Bref qui se fait couronner roi des Francs en 751. Avec

l’avènement de Pépin, on assiste au renforcement du contrôle royal sur la monnaie, source à la fois de notoriété et de revenus. Les noms des

« monétaires » sont désormais remplacés par ceux des souverains successifs. L’or est abandonné au profit de l’argent (sauf les solidi pour le

commerce avec les nations extérieures à l’Empire et les tremisses de type lombard). La dynastie carolingienne régnera sur la Germanie jusqu’en 911

et sur la Francie jusqu’en 987. Les monnaies carolingiennes de Pépin le Bref, de Carloman et de Charlemagne jusqu’en 794 ont les mêmes conditions

de fabrication que les deniers mérovingiens. Mais de 812 à 864, la typologie des monnaies sera renouvelée six fois.

Pépin le Bref (751-778)

Le denier carolingien naît du denier mérovingien : c’est une monnaie d’argent de 1,30

g environ (même poids que le tremissis d’or antérieur). Sa division est l’obole qui vaut un

demi-denier.

755 : le Capitulaire de Vernon (dans l’Oise) uniformise le poids des deniers d’argent

(1/264e de la livre soit 1,24 g) et l’aspect (flan plus large, 14 à 16 mm de diamètre, et

épaisseur moindre).

Avers des monnaies : monogramme RP (Rex Pipinus), puis RF (Rex Francorum). Revers :

nom d’atelier, nom d’homme, monogramme, figure géométrique, figure humaine.

Ne sont parvenus jusqu’à nous qu’une trentaine de monnaies au nom ou au

monogramme de Pépin le Bref (dont 14 en Neustrie). De 768 à 794, sous Charlemagne,

on connait quarante ateliers (dont 11 en Neustrie).

La réforme monétaire de Charlemagne (Capitulaire de Francfort, 794)

Le roi Charles ordonne que les nouveaux deniers portent le nom du roi (CAROLUS en

deux lignes) et qu’ils soient d’argent pur et de bon poids. Ils portent des légendes

circulaires autour d’une croix sur une face et autour d’un monogramme sur l’autre.

Leur poids plus élevé correspond à 1/192e de la livre romaine mais à 1/240e de la livre

nouvelle de Charlemagne pesant quinze onces romaines (405,90 g au lieu de 324,72

g), ce qui place le denier nouveau à 1,69 g. A partir de 812, après la reconnaissance

par l’empereur d’Orient de son titre impérial, Charlemagne frappe des deniers à son

effigie, au buste couronné de laurier, en cuirasse et paludamentum (terme latin

désignant le manteau porté par les généraux sous la République romaine, puis par les

empereurs).

Louis le Pieux (814-840)

L’effigie de l’Empereur en buste est remplacée par une simple croix. Entre 819 et 822, il

frappe des deniers au nom d’atelier inscrit dans le champ en une ou plusieurs lignes.

Entre 822 et 840, ses deniers portent la légende CHRISTIANA RELIGIO (« religion

chrétienne ») autour d’un temple et ne peuvent guère être attribués à un atelier. Dans

le nord de la Gaule, il frappe des monnaies d’or : solidi au buste et à la légende

MVNVS DIVINVM (« don divin »), pour le commerce avec les peuples scandinaves.

Lothaire Ier (840-855), Charles le Chauve (840-877), Louis II (843-876)

Suite au traité de Verdun de 843, l’Empire est partagé en trois royaumes : Lothaire

reçoit la Francie centrale (il continue les deniers au temple), Louis le Germanique, la

Francie orientale et Charles le Chauve la Francie occidentale.

L’édit de Pîtres (864) fixe pour un certain temps l’organisation de la fabrication des

monnaies :

- avers portant le monogramme carolin cruciforme entouré du nom du souverain ;

au revers, croix entourée du nom de la ville où la pièce a été émise.

- ateliers royaux portés à 10 : Le Palais (toutes les résidences royales pendant le séjour

du roi), Quentovic (porte de ville ou navire), Rouen, Reims, Sens, Paris, Orléans, Chalon-

sur-Saône, Melle (instruments de monnayage) et Narbonne.

Les ouvriers monnayeurs suivaient les souverains lors de leurs déplacements et

frappaient parfois monnaie dans les villes où ils s’arrêtaient. Dans son royaume, Louis le

Germanique (840-876) frappe monnaie à Mayence, puis après 870 en actuelle

Belgique.

Les monnaies cambrésiennes

Des monnaies ont été frappées à Cambrai :

- sous Pépin Le Bref avec la devise SCA MAR (c'est-à-dire Sancta Maria, Eglise Sainte-

Marie) ;

- sous Charlemagne avec le nom CAROLVS (Charles) et le lieu d’émission

CAMARACO (Cambrai) ;

- sous Louis le Pieux avec à l’avers + HLVDOVVICVS IMP (c’est-à-dire Ludovuicus

Imperator, Louis Empereur) et au revers CAMARACVS ;

- sous Lothaire portant à l’avers + HLOTHARIVS IMP (c’est-à-dire Lotharius Imperator,

Lothaire Empereur) et au revers + CAMARACVS CIVIS (cité de Cambrai) ;

- sous Charles II le Chauve avec + GRATIA D-I REX (Gratia Dei Rex, Roi par la grâce de

Dieu) à l’avers et + CAMARACVS CIVI au revers.

De Pépin le Bref à Charles le Chauve, le monastère de Saint-Géry du Mont des Bœufs

(emplacement de l’actuelle Citadelle) obtint le droit de battre monnaie :

PEPIN : à l’avers RP ; au-dessus, une barre terminée par deux petits globes ; au revers

SCI GAV (Sancti Gaugericus, c'est-à-dire Saint-Géry) ; barre placée horizontalement

au-dessus de la légende ; quatre petits globes au-dessous.

CHARLEMAGNE :

- n°1 : à l’avers KAMERACVS C + I… ; dans le champ, le monogramme carolingien

avec un point au centre ; au revers + SCI GAVGERICI MON (Sancti Gaugerici Moneta,

Monétaire Saint-Géry) ; croix pattée ;

- n°2 : à l’avers + IMPERATOR AGVST (Imperator Augustus, Empereur Auguste) ;

monogramme avec un point au centre, et où la lettre L a la forme d’un T renversé ;

au revers + SCI GAVGERICI MON ; croix dans le champ.

CHARLES-LE-CHAUVE :

- n°1 : à l’avers + GRATIA.DI.REX. ; dans le champ, le monogramme carolingien ; au

revers + STI.GAVGERICI.MO. ; croix pattée ;

- n°2 : à l’avers + GRACIA DI REX ; monogramme carolingien avec un point au

centre ; au revers + SCI GAVGERICI MO. ; dans le champ, une croix pattée ;

- n°3 : à l’avers + RACIA D-I REX ; monogramme ; au revers + SCIGAVGERICI M. ; croix

pattée et pointée.

On remarque que selon les pièces les devises et légendes sont différenciées par

l’utilisation de certaines lettres et par les espaces qui les séparent.

Denier de Pépin le Bref, coll.

privée, au droit :RPI (Rex

Pipinus), au revers : R entre 2

croix

© HIM n°14

Denier de Charlemagne

empereur au buste

©BNF

Denier de Louis Ier

le Pieux

empereur au temple, coll. privée

©HIM n°14

1. Denier de Lothaire Ier

frappé à

Metz

2. Denier de Charles le Chauve de

Châlons-sur-Marne

3. Denier de Louis le Germanique

frappé à Visé (Belgique)

1 2 3

Denier carolingien de l’église Saint-

Géry de Cambrai

On peut lire Gaugericum sur la

légende du revers.

Denier carolingien de Louis le Pieux

frappé à Cambrai, on peut lire

Camaracus au revers

Des Monnaies royaDes Monnaies royalles es aux Monnaies féodales aux Monnaies féodales

(877(877--11OOOOOO)) En 877, Charles le Chauve promulgue le capitulaire de Quierzy, considéré par les historiens comme l’acte fondateur de la féodalité car instaurant

l’hérédité des charges comtales. Après la mort du roi, l’affaiblissement de l’autorité se poursuit et se traduit par l’autonomie croissante des comtes

qui considèrent leur comté comme leur domaine. Les comtes, assurant la surveillance des ateliers monétaires, commencent à assumer la

responsabilité des émissions ainsi que les revenus du monnayage. En effet dans la société féodale, l’autre symbole de la puissance, à côté de la

réunion de l’ost (armée) ou du nombre de vassaux, fut la frappe de la monnaie. Le roi ne deviendra bientôt plus qu’un comte parmi les autres, et sa

monnaie ne vaudra pas davantage. Aux IXe et Xe siècles, même des seigneuries de très petite taille émettent leur propre monnaie. On estime que

dans les frontières actuelles de la France, près de 130 barons laïques et 50 ecclésiastiques (monastères ou évêques) battirent monnaie.

Les monnaies féodales

A l’origine, les souverains étaient les seuls, en théorie, à avoir le droit de frapper

monnaie. Mais dès le IXe siècle, les rois Carolingiens concédèrent aux comtes les

bénéfices générés par la frappe des monnaies. Face à l’affaiblissement du pouvoir

royal, certains féodaux commencèrent donc à émettre des monnaies ressemblant

au monnayage royal dans des ateliers « sauvages », monnaies dont la gravure

n’était pas forcément excellente. Les féodaux prirent ensuite leur totale

indépendance du pouvoir royal en plaçant leur propre nom sur les monnaies, en

changeant les types et même les caractéristiques de fabrication : le poids et le titre

(proportion de métal précieux dans l’alliage monétaire). D’une façon générale, ces

monnaies furent dépréciées par rapport au denier carolingien.

Les comtes laïcs de Cambrai ne frappèrent sans doute pas monnaie, mais tout près

d’ici des monnaies féodales furent frappées à Saint-Quentin sous Herbert II et

Herbert III de Vermandois (967-995).

Les monnaies épiscopales

Contrairement aux monnaies féodales, les monnaies d’églises résultent souvent

d’un acte formel du souverain concédant à un évêque ou à un abbé la monnaie

publique. Ce droit fut accordé par Charles le Simple, en 911, à l’évêque Etienne

1er, 22e évêque de Cambrai (904-934). Les monnaies frappées sous les premiers

évêques de Cambrai sont mal connues, la plupart des évêques n'ayant pas fait

inclure leur nom dans les légendes des monnaies produites sous leur épiscopat.

L’empereur Henri II qui succéda à Otton III permit très probablement aux comtes-

évêques de Cambrai (créés en 1007) de frapper monnaie au Cateau-Cambrésis

et de placer leur nom sur la monnaie impériale.

Les monnaies du Cambrésis

En 877, à la mort de Charles II le Chauve, la partie occidentale de la Lotharingie

passe à son fils Louis II le Bègue (877-879), puis en 879 à ses fils Louis III (†882) et

Carloman II (†884). Ils ont possédé le Cambrésis mais on n’a retrouvé aucune pièce

de ces souverains.

Arnoul de Carinthie (887-894), bâtard de Carloman de Bavière, est proclamé

empereur à la déposition de Charles le Gros. Ses deniers sont rares (Avers :

ARNOLDVS RE ou ARNVLFVS REX).

La monnaie de Zwentibold (895-900), bâtard d’Arnulf est décrite par l’abbé Mutte

au XVIIIe siècle, elle comprend les inscriptions suivantes : sur l’avers : +

ZVINDEBAD.RE.X ; croix pattée, avec un petit globe dans chacun de ses angles et

au revers : R. + CAMARACVS CIVIS.

La monnaie de Charles III le Simple (911-921) comprend sur l’avers l’inscription +

GRATIA D-I REX et sur le revers R. + CAMARACVS CIVIS ; croix pattée portant, au

centre, une croisette à branches pointues.

Le denier d’Otton Ier (936-962), appartenant à la collection d’Arnold Morel Fatio,

comprend sur l’avers l’inscription ODDO REX ; au-dessus, un S barré ; au-dessous un

A ; et au revers un R. + CAMARAC… avec au centre une croix pattée.

Dans l’empire romain germanique, les monnaies épiscopales cambrésiennes

circulèrent jusqu’au XVIIe siècle ; en France, les Capétiens n’eurent de cesse de

supprimer ces monnayages, usurpations que le temps avait transformées en droit

coutumier. L’agrandissement du domaine royal permit de récupérer des ateliers qui

devinrent royaux, à moins que le roi n’ait préféré les fermer.

Reproduc�on d’un denier d’argent, associant le

portrait et le nom du roi Lothaire à l’avers et le nom

du comte Herbert au revers, ayant pu être frappé à

l’atelier monétaire de Saint-Quen�n

Avers : LOTHARIVRI(X) (Lothaire), tête barbare

tournée à gauche

Revers : HERIBERTVSCO (Herbert), croix cantonnée de

quatre besants © www.i-numis.com

Denier de Cambrai anépigraphe en argent (XIe-XIII

e siècle)

Avers : buste habillé tourné à droite et contenu dans un double cercle de grène!s

Revers : croix ornementée contenue dans un double cercle de grène!s

« Ce"e monnaie est a"ribuée à Cambrai en raison de la forme par!culière de la croix

du revers. C. Robert, dans son ouvrage consacré à la numisma!que de Cambrai, ne

recense pas ce"e monnaie. Un denier resté unique et d'un type très proche a toutefois

été publié par R. Serrure en 1899 (L'imita on des types monétaires flamands au Moyen-Âge, Bruxelles, 1899). L'exemplaire de Serrure présente une tête tournée à

gauche alors que notre exemplaire offre une tête tournée à droite. Faute d'élément

épigraphique ce"e monnaie ne peut pas être datée avec plus de précision. Monnaie

probablement unique. » © www.cgb.fr

Denier en argent de Charles II le Chauve frappé à

Cambrai entre 864 et 877

Avers : monogramme carolingien entouré de la légende

GRACIA D-I REX (Gracia Dei Rex, Roi par la grâce de Dieu)

Revers : croix entourée de la légende CAMARACVS CIVIS

(Camaracus civis, cité de Cambrai) © www.numisbids.com

Monnaie en argent représentant

l’empereur O"on Ier

le Grand (936-

973) © www.larousse.fr

Les Lieux d’Emission Les Lieux d’Emission

monétairemonétaire

En raison de la multiplicité des monnaies, il est très difficile de trouver un modèle monétaire commun à l’ensemble de la Gaule aux époques

mérovingienne et carolingienne.

Une analyse fine des monnaies livre des informations sur l’emplacement des ateliers monétaires et sur le nom des graveurs. Certains coins

suggèrent que les graveurs étaient itinérants ; ils travaillaient pour des ateliers géographiquement proches mais pouvaient dépendre de

circonscriptions administratives différentes. A partir de l’époque carolingienne, il existe des ateliers centraux qui frappent des monnaies pour

plusieurs localités.

LIEU D’EMISSION

(nom latin)

LIEU D’EMISSION

(nom actuel)

NOMS DE MONETAIRES

RETROUVES SUR DES MONNAIES

AGENAPPIO Villeneuve d’Ascq (Anappes)

Almundus

CISOMO VICO Cysoing

FALMARTIS Famars Madelinus (Tiers de sou d’or)

CAMARACO Cambrai

WICISIO Wissant

BONONIA Boulogne-sur-Mer

QVANTIA puis VVICO IN PONTIO

La Calotterie, près d’Etaples (Quentovic)

Dagulfus (Tiers de sou, 580-590) ; Ela (610-615) ; Aldinus (615-620) ; Donna (620-625) ; Dutta (635-660) ; Charmundus (?)

AIRONO Airon-Saint-Vaast

TAROANNA Thérouanne Clotaire Ier (Solidus)

ATRAVETES Arras Alchemundo ; Litemundo (Tiers de sou d’or)

© « Le Nord de la France de Théodose à Charles Martel », Associa!on des Conservateurs de la Région

Nord—Pas-de-Calais, Lille, 1983

A l’époque de Pépin le Bref, on ne trouve des

ateliers monétaires qu’à Quentovic et

Cambrai / Saint-Géry. Mais au fil du temps et

surtout avec la montée de la féodalité et

l’usurpation du droit de battre monnaie, les

ateliers monétaires se multiplient, des monnaies

sont ainsi répertoriées à Vermand / Saint-

Quentin, Condé sur l’Escaut, Thérouanne, Arras,

Cassel, Valenciennes / Famars, Maubeuge,

Bavay et Saint-Omer.

Les lieux d’émission de monnaie dans le Nord de la France à l’époque mérovingienne

Les ateliers monétaires du nord de la France à l’époque carolingienne

L’atelier monétaire de SAINT-QUENTIN/VERMAND

La Civitas Veromanduocum est composée de Saint-Quentin et de Noyon.

Pour l’époque mérovingienne, ont été répertorié :

- un triens d’or du monétaire DOTILORANVS avec la légende VEREMVN (Desains)

- un triens d’or du monétaire BABONTVS avec la légende VIROMANDVS (Prou)

- un triens d’or du monétaire SINIVLFVS avec la légende VIROMANDA (Prou)

Pour l’Epoque carolingienne, il est aujourd’hui impossible de dire si le monnayage

carolingien du Saint-Quentinois remonte à Charlemagne ou Charles le Chauve

(voir pièce retrouvée dans la chapelle paléochrétienne de Les Rues des Vignes),

mais nous remarquons que c’est sous Charles le Chauve (840-877) que les ateliers

monétaires du Vermandois sont en pleine activité. Des monnaies au nom de ce

souverain furent émises dans les officines d’Ham, Péronne et plus particulièrement

Saint-Quentin avec les légendes suivantes :

+ SCI QVTNNI MONET

+ SCI QVITTNITN MONET

+ SC-IQVINTIN MD

+ SC-IQVINTIN MO

+ SC- N II… TN MO

+ SC-IQVNNNT MOE

+ SC-IQVI…TINIMO

Des monnaies féodales sont ensuite frappées de 887 à 995.

© « Le Denier carolingien spécialement en Belgique », Hubert Frère

Triens (�ers de sou) en or frappé à Quentovic vers

640-650

Sur l’avers est gravé ELA MONIT (Monétaire Ela). © « Des Gaulois à l’an mille dans le Nord Pas-de-Calais »,

Ed. La Voix du Nord

Les Métiers liés Les Métiers liés

à la Monnaieà la Monnaie

De nombreuses monnaies mérovingiennes et carolingiennes sont souvent gravées de noms d’hommes, qui tantôt ne sont complétés par aucun titre,

tantôt sont dits Moneta, Monetarius ou Monetario. Mais qui étaient en fait ces hommes se disant « monétaires » ? Selon PROU, les noms des

hommes désignent bien des monnayeurs : soit le maître de l’atelier quand il est seul, soit un praticien de son personnel, soit un chef d’équipe. Cette

simple constatation prouve la diversité des personnes qui prenaient part à la confection et à la diffusion de la monnaie. Tentons de lister les métiers

qui y sont liés.

Les maîtres monétaires : l’exemple de Saint-Eloi (vers 588-659)

Chaque atelier monétaire était dirigé par un maître. Il s’agissait de fonctionnaires

ou employés pour des autorités supérieures (rois, comtes…) ou d’artisans travaillant à leurs pièces… Le maître possédait le matériel, payait les ouvriers, achetait le

métal. Le plus célèbre d’entre eux fut, pour l’époque mérovingienne, Saint-Eloi,

mais les numismates ont relevé plus de 1400 autres noms de monétaires au service

de rois ou de particuliers.

Eligius était issu d’une riche famille gallo-romaine qui possédait des intérêts dans

l'exploitation de mines d'or du Sud-Ouest aquitain. Il fut placé par son père en

apprentissage à Limoges chez Abbon, orfèvre réputé, qui fabriquait de la

monnaie. Il travailla d’abord avec Bobbon, puis seul. L’orfèvre Éloi devint contrôleur des mines et métaux, maître des monnaies, puis grand argentier du

royaume de Clotaire II, et trésorier de Dagobert Ier avant d’être élu évêque de

Noyon en 641. Tantôt le signataire se qualifie « monétaire », tantôt il ne prend

aucun titre…

Saint-Eloi devient appren! dans un

atelier d’orfèvrerie

Vitrail de l’église Sainte-Madeleine de

Troyes datant du XVIe siècle

Le personnel des ateliers monétaires

Les monnayeurs proprement dits frappaient les

monnaies au marteau. Moins considérés, les ouvriers,

tailleurs et recuiseurs, préparaient les flans.

Le personnel qui travaillait dans les ateliers

monétaires exerçait probablement d’autres activités professionnelles. Il s’agissait certainement d’ouvriers

ou même de paysans qui étaient employés à la

journée. Le monnayeur

Chapiteau de l’abba!ale Saint-

Georges de Boscherville datant du

XIIe siècle

Les graveurs ou tailleurs de coins

Le « tailleur » était souvent un orfèvre payé par le maître pour

fournir les coins.

De l’époque romaine à l’époque carolingienne, les coins ont été préparés de la même façon. Le tailleur ou graveur, assez

anonyme dans les monnaies du Moyen Age, avait la charge de

préparer les coins sur des cylindres de fer forgé : celui du

trousseau, assez long pour tenir dans la main du monnayeur, et

celui de pile, pointu à une extrémité pour être enfoncé dans le

billot. Les bouts destinés à la gravure se terminaient par une mise

d’acier soudée qui représentait la surface sur laquelle l’artiste

allait s’exprimer.

Les « balanciers » et fabricants de poids monétaires

La quantité de monnaies différentes en circulation sur le

territoire obligeait les hommes d’autrefois à peser les monnaies

d’or ou d’argent qu’ils possédaient. Il était pour cela nécessaire de se servir de balances et de poids spécifiques. Les poids

utilisés en Europe à cette époque ont pour base première

l’once romaine.

Les « balanciers » étaient les artisans qui fabriquaient les

balances. Des balances de toutes tailles étaient connues dès

l’Antiquité et utilisées dans toutes les phases des rapports commerciaux. La balance dite encore actuellement

« romaine », fonctionnant sans plateaux, existait déjà. Mais il

existait des balances beaucoup plus petites pour peser les

monnaies.

Les bronziers, orfèvres et argentiers

Si les orfèvres et les artisans du métal de

l’époque mérovingienne ont parfaitement

dominé les techniques de soudure ou

d’estampage, ils ont également fort bien

maîtrisé la fonte de l’or, de l’argent et du bronze. Le monétaire est aussi souvent

orfèvre, car son travail relève d’un domaine de compétences similaire, et nécessite un

savoir-faire commun, les orfèvres sachant

manipuler les métaux.

Les changeurs

Dans l’Europe du XIIe au XIVe siècle, le développement du

commerce des marchandises favorisera l’apparition de

changeurs de monnaies et de banquiers (à cause du banc

sur lequel ils posaient leurs espèces). A l’origine, établis avec

l’autorisation du roi ou du seigneur suzerain sur la terre duquel ils résidaient, les changeurs recevaient les monnaies

anciennes ou dont le cours n’était plus permis, donnaient à ceux qui les leur apportaient une valeur prescrite en pièces

courantes, et envoyaient aux hôtels des monnaies les pièces

défectueuses reçues.

Les changeurs

Vitrail de la cathédrale Saint-Julien

du Mans datant du XIIIe siècle

Balance en bronze du milieu VIe-début VII

esiècle de

2,68 cm de diamètre (tombe 34 de la nécropole

mérovingienne de Les Rues des Vignes)

Musée municipal de Cambrai

Saint Eloi orfèvre

et un appren!

Vitrail de l’église

Sainte-Madeleine

de Troyes datant

du XVIe siècle

La fabrication La fabrication

de la Monnaiede la Monnaie

Dès la création de la monnaie en Lydie (actuelle Turquie), le procédé de fabrication utilisé fut la frappe au marteau. Cette technique fut utilisée du

VIIe siècle avant J.-C. jusqu’au XVIe siècle de notre ère. La fabrication des monnaies s’effectuait dans les ateliers monétaires selon quatre étapes : la

fabrication des coins, l’affinage des métaux, la fabrication des flans, et la frappe.

La fabrication des coins monétaires

Les coins étaient fabriqués par un graveur, parfois appelé aussi serrurier car il devait

également connaître le travail du métal. A l’aide d’outils tranchants, il gravait en creux la

totalité du coin, y compris les légendes ou les portraits. Cette gravure était totalement

artisanale et sa qualité, tout comme celle des monnaies, dépendait donc du savoir-faire

du graveur local et les résultats étaient parfois très différents d’un atelier à l’autre. Elle

était réalisée soit à partir de dessins, soit à partir de prototypes de pièces dits piéforts car

frappés sur des flans très épais pour ne pas les confondre avec les espèces courantes. Il

faut signaler que les coins mobiles, sur lesquels étaient assenés les coups de marteau, se

fissuraient peu à peu, s’ébarbaient et finissaient par s’aplatir complètement. Ils devaient

donc être plus fréquemment renouvelés que les coins fixes.

La préparation des métaux

Le métal à monnayer arrivait dans les ateliers sous de multiples formes : lingots,

vaisselle, poudre, espèces étrangères ou espèces nationales démonétisées,

médailles ou jetons… Aussi, afin d’utiliser ces métaux de titres très différents, la

première opération consistait à les affiner, c’est-à-dire à les porter au titre légal du

métal à monnayer ; le titre étant le rapport des différents métaux contenus dans

un alliage, généralement établi pour déterminer la quantité du composant le plus

précieux (argent ou or).

Pour ce faire, on faisait fondre les métaux et on préparait des alliages dans des

creusets d’argile. La fonte des alliages était coulée dans des moules ou des

châssis pour former des lames (règles de métal). Celles-ci étaient ensuite

martelées jusqu’à l’obtention de l’épaisseur désirée. Au cours des différents

martelages, les lames devaient subir des recuits. Elles étaient alors portées à

haute température afin de permettre à la matière de se recristalliser et ainsi éviter

qu’elle ne devienne cassante à cause des déformations de martelage.

La fabrication des flans

Après avoir été mises à l’épaisseur voisine des monnaies fabriquées, ces lames étaient

découpées en morceaux à peu près de la grandeur des espèces, appelés carreaux. Ces

derniers voyaient ensuite leurs angles découpés à l’aide de cisailles appelées cisoires. Ils

étaient alors arrondis par frappe sur la tranche. Suite à ces opérations, le carreau prenait

le nom de flan (les débris étaient ramenés à la fonte). Après cette dernière mise en forme,

les ébauches étaient recuites une dernière fois pour éliminer tous les défauts internes qui

pouvaient fragiliser les monnaies lors de la frappe. Avant d’être frappés, les flans étaient

ajustés. L’affinage du métal lui avait conféré le titre légal ; l’ajustage des flans était

destiné à donner aux pièces leur poids légal. Les flans étaient donc pesés en

comparaison avec des poids appelés dénéraux puis, s’ils étaient trop légers, renvoyés à

la fonte, s’ils étaient trop lourds, limés pour être ramenés à leur bon poids. Ces traces de

lime devaient disparaître à la frappe. L’ultime opération était le blanchiment des flans : ils

étaient trempés dans une solution acide afin de nettoyer leur surface, mais aussi de faire

ressortir la couleur de l’argent s’ils en contenaient, grâce à un enrichissement de surface.

Enfin, recuits et blanchis, les flans prêts pour la frappe, étaient remis aux ouvriers

monnayeurs.

La frappe

Deux cylindres de métal, les coins, portaient, sur une de leurs extrémités, une

gravure en creux, destinée à être reproduite en relief sur la pièce. L’un de ces

coins, la pile, était fixé dans une enclume ou un billot de bois ; le second, le

trousseau, était tenu à la main. Le flan, destiné à être ainsi estampé, était placé

entre ces deux coins. L’empreinte était donnée par un coup de marteau porté sur

le coin mobile. On trouve mention de ces instruments (marteau et coins) sur une

pièce de Louis Ier frappée à Melle. Cette technique, rudimentaire, nécessitait

beaucoup de dextérité. Tout d’abord parce qu’il était souvent nécessaire, pour

faire ressortir convenablement une gravure, de frapper plusieurs coups consécutifs.

Ceci n’était possible que si le premier coup avait été suffisamment fort et que le

flan avait pris l’empreinte assez vigoureusement pour se maintenir en place. Il

arrivait souvent que le flan, mal frappé, tourne et reçoive des empreintes

décalées, appelées tréflées, ou que la frappe soit décentrée. Il faut noter que,

dans les débuts du monnayage, l’empreinte n’était gravée que sur le coin fixe, et

le flan était marqué sur l’autre face à l’aide de poinçons qui laissaient dans le

métal une entaille, généralement de forme carrée. Afin d’en faciliter la frappe, les

flans étaient, dans l’Antiquité, préalablement chauffés. Ils étaient donc frappés à

chaud, ce qui en rendait le maniement plus difficile, mais permettait d’imprimer

des reliefs plus accentués. En revanche, cet usage entraînait une usure plus rapide

des coins. On frappait donc plus généralement à froid au Moyen Age.

Une fois frappées, les monnaies étaient une dernière fois vérifiées, puis délivrées. La

délivrance était l’acte juridique qui conférait à un flan estampé la qualité de

monnaie.

Coins monétaires datant

du XIIIe siècle retrouvés à Cambrai

© Musée municipal de Cambrai

Coulage de métal en fusion réalisé sur

l’Archéo’site de Les Rues-des-Vignes

Découpage des carreaux dans les lames et mise en forme des

flans réalisés sur l’Archéo’site de Les Rues-des-Vignes

Schéma de frappe de monnaie

© HIM n°14

Denier de Melle émis par Louis Ier le Pieux :

au revers, deux marteaux et deux coins

monétaires

© HIM n°14

Vous n’allez pas « en rester comme deux ronds de

flan », être ébahis après ce que vous avez vu !

L’étymologie de ce#e expression nous ramène à la

monnaie. On peut également y associer l’expression

« C’est du flan !», qui signifie que cela ne valait pas

grand-chose puisque, avant de devenir monnaie, le flan

ne portait aucune indica%on de valeur.

Bourses et AumônièresBourses et Aumônières

Aux époques mérovingienne et carolingienne, les bourses et autres contenants de la monnaie étaient considérés comme des éléments

indispensables du costume. Accessoires portés autant par les hommes que par les femmes, généralement en cuir, et très rarement en bois, ils

étaient suspendus à la ceinture et avaient une fonction essentielle dans la mesure où les vêtements étaient dépourvus de poches. De même que la

ceinture, les bourses étaient également des critères de séduction.

Plusieurs mots pour désigner les contenants de la monnaie…

Le mot bourse vient du latin bursa (cuir). Les bourses ou bourcètes servent

uniquement à contenir de l’argent.

L’aumônière appelée aussi dans les textes « aumosniere » ou « aloiere » est un sac de

tissu de forme rectangulaire, dont les dimensions sont souvent réduites.

L’escarcelle appelée « escharcelle », « escacel » (qui est un terme semble-t-il plus

tardif) est faite de cuir.

Le mot « bougette » désigne le sac de cuir qui pendait à la ceinture. Il a donné en

anglais le mot « budget ». Or, ce mot provient du gaulois « bulga » voulant dire « sac

de cuir ». Un contenu très varié

L’aumônière pouvait renfermer divers objets utilitaires. Outre les

monnaies, on pouvait aussi y trouver couteaux, fiches à bélière,

briquets de fer, épingles, alênes, silex, aiguille en bronze ou en fer,

pince à épiler. On aimait aussi y conserver des objets fétiches tels

des monnaies romaines, fragments de verre, tesson de céramique

sigillée, perles…

La décoration des bourses

La bourse fait parfois partie de la parure féminine. Les bourses de tissu et

les aumônières sont majoritairement brodées. Au Moyen-âge, dans les

zones rurales, on trouve une broderie frustre et peu raffinée, mais la

plupart du temps, les étoffes brodées sont un signe incontestable de la

richesse et de la puissance de leur possesseur. Certaines bourses peuvent

être réalisées avec des matériaux encore plus ostentatoires : perles,

velours, soie, fil d’or ou d’argent…

Le fermoir est souvent le seul vestige archéologique.

Généralement, lors de la fouille des sépultures mérovingiennes, le

fermoir est tout ce qu’il reste de la sacoche en cuir que le défunt

portait à la ceinture. L’aumônière se ferme grâce à deux liens

coulissants ou parfois à l’aide d’un fermoir et se trouve suspendue à

la ceinture par un long cordon. Fermée par des boucles, elle est

décorée de garnitures de métal.

Les fermoirs les plus prestigieux pouvaient être constitués d’un

cloisonné en or avec sertissage de grenats et verrerie. Les extrémités

recourbées du fermoir représentaient parfois des têtes de chevaux

dont les yeux pouvaient être figurés par du verre bleu et les narines

par du verre vert.

Ce fermoir d’aumônière découvert à Famars

témoigne de la parfaite maitrise dans l’art de

travailler les métaux (filigrane, cloisonné,

ser"ssage).© R-G Ojéda / RMN Grand Palais,

Musée des Beaux-Arts de Valenciennes

© Musée municipal Alfred Bonno, Chelles

Détail d’un fermoir d’aumônière en

forme de tête de cheval découvert à

Saint Dizier © Musée de Saint Dizier

© Journées mérovingiennes, Musée des temps

barbares de Marle

A gauche, aumônière en !ssu brodée de soie

et fil d’or sur lin, datant du XIIe siècle ; à

droite, res!tu!on d’une aumônière de cuir

d’époque mérovingienne

Quelques fermoirs d’aumônières ont parfois reçu des décorations par incrustation, c’est la damasquinure : cette technique consiste à décorer des pièces de fer (plus

rarement de cuivre ou de bronze) avec de l’argent ou du laiton. Le placage d’une feuille d’argent ou de laiton est réalisé par martelage à froid sur la plaque de fer,

préalablement striée de deux fins réseaux perpendiculaires, formant un quadrillage où le métal de décoration vient s’incruster. Mais le plus souvent, on a recours à

l’incrustation de fils qui sont battus dans des sillons gravés sur la plaque de fer polie. Un poinçon est souvent utilisé pour une meilleure adhérence du fil. Déjà connue

des Gallo-Romains, cette technique se développe essentiellement à partir du VIe siècle ; les décors sont parfois denses : tresses, entrelacs, hachures, gradins...

Objets qui pouvaient être contenus dans

une aumônière ; de gauche à droite : une

pince à épiler, un bracelet de perles de

verres, un briquet de fer et sa poignée et

une pièce romaine

Les Métaux utilisés Les Métaux utilisés

pour la Monnaiepour la Monnaie

Lorsque l’on s’intéresse à l’histoire de la monnaie, il convient de s’interroger sur l’approvisionnement des monétaires en matières premières. Notons

que les mines et la provenance des minerais ainsi que les procédés techniques varient en fonction de l’accès au métal. Certains ateliers de taille

modeste semblent s’être alimenté en or dans des gisements locaux, mais la pratique de refondre des monnaies en circulation semble avoir été plus

courante dans les grands centres économiques. D’ou provenaient le bronze des monnaies romaines, l’or des triens mérovingiens, l’argent des deniers

carolingiens ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre.

L’or

Chez les Gaulois, les mines d’or étaient localisées dans les Pyrénées, les

Cévennes et les Alpes, ainsi qu’en Mayenne et en Limousin. Ce sont

précisément les zones de plus grande concentration d’ateliers monétaires,

ce qui laisse supposer que ces mines ont continué de fonctionner à

l’époque mérovingienne, même si les indices archéologiques manquent

encore…

L’argent

L’argent est obtenu après traitement au sulfure de plomb dont les mines sont

nombreuses dans le Sud de la Gaule. En 675, le passage du monnayage d’or au

monnayage d’argent se fait très rapidement. Durant le haut Moyen Age, Melle (près

de Niort) devient un centre actif de monnayage, grâce aux mines d’argent situées

sous la ville et aux alentours. Celles-ci ont été exploitées de 602 jusqu'à au moins 995.

Ce minerai extrait de la galène (plomb contenant de l'argent) alimenta très

rapidement les officines monétaires plus ou moins voisines de Poitiers, Limoges ou

Tours.

Le bronze

Il s’agit d’un alliage fabriqué à partir de cuivre et d’étain. Le cuivre

provient généralement de la péninsule ibérique. Pour obtenir l’étain, les

bronziers ne connaissaient, semble-t-il, que la cassitérite (minerai composé

de dioxyde d’étain) d’Angleterre (Cornouailles), de Saxe, de Bretagne et

du Limousin. L’obtention de l’étain à l’état de métal est simple. Une

chauffe en présence de charbon de bois suffit à réduire le minerai,

préalablement lavé et pulvérisé, libérant ainsi le métal.

En numismatique, le bronze est un terme générique utilisé indifféremment

pour des alliages binaires (cuivre et étain, cuivre et plomb), ternaires ou

même pour des monnaies de cuivre pur (aes, airain).

Les fonderies d’argent

Les métallurgistes disposent d’un sulfure de plomb qu’il va falloir griller, transformer en plomb

d’œuvre puis coupeller dans des fonderies.

Le grillage : il s’agit d’abord de chauffer pendant plusieurs heures la galène sur un foyer

ouvert. Sous l’effet de la chaleur, le soufre se dégage et le plomb est oxydé.

La fusion : le minerai est passé dans un four doté d’une cheminée, d’une cuve et d’une fosse

de coulée, ce qui permet d’obtenir une scorie. Ce résidu qui contient encore du métal faisait

l’objet d’un retraitement par concassage et lavage au bord d’un cours d’eau.

La coupellation : Il s’agit de la séparation du plomb de l’argent. Le plomb d’œuvre est fondu

dans une coupelle dans un four à sole. Les métallurgistes actionnent des soufflets qui

apportent un courant d’air sur la surface du bain. Un oxyde de plomb se forme alors.

L’argent, beaucoup plus difficile à oxyder, reste en solution dans le bain. A la température de

travail (plus de 860°C), l’oxyde de plomb est liquide et surnage sur le bain métallique. Par

retraits successifs de ce dernier, qui se forme tant que du plomb est disponible, le bain

s’enrichit progressivement en argent. Lorsque la quasi-totalité du plomb est évacuée, la

surface du liquide prend un aspect blanc éclatant : c’est « l’éclair d’argent ».

Mines d’argent de Melle

© Musée des Mines d’argent des Rois Francs

Minerai d’or

Minerai de galène argen!fère des

mines d’Arditurri (Pays-Basque

espagnol) déjà exploitées sous

l’Empire romain

© Xabi Otero

Minerai de cuivre Cassitérite des Cornouailles

(Angleterre) © Collec!on Schaerbeek (Belgique)

Gaulois faisant fondre la poudre d’or extraite des

mines (en arrière-plan) pour en mouler des lingots

© Science et Vie n°953 fév. 1997

Passage de l’éclair d’argent témoignant de la réussite de la

coupella!on

© iramis.cea.fr

La Monnaie d’un point de La Monnaie d’un point de

vue archéologiquevue archéologique

Si l’on excepte la céramique, les pièces de monnaie sont les objets archéologiques le plus fréquemment parvenus jusqu’à nous, car le métal est

moins fragile que le parchemin, le bois, le verre, le tissu ou la peinture. Les trouvailles de monnaies isolées sont toutefois plus nombreuses que

celles de monnaies groupées (les trésors). S’il est rarissime de trouver fortuitement des monnaies au gré d’une promenade ou en jardinant, cette

possibilité augmente quand on se trouve sur un site attesté, surtout si on travaille sur un chantier de restauration, ou plus encore, sur un chantier

archéologique, mais rappelons qu’une législation interdit la prospection de monnaies.

La législation sur la prospection des monnaies

Il est interdit à quiconque d’effectuer de la prospection de monnaies à des fins historiques,

archéologiques ou lucratives, sans autorisation de fouilles (loi du 27 septembre 1941 complétée

par celle du 18 décembre 1989). L’usage du détecteur de métaux est à proscrire. Une monnaie

extraite de sa couche archéologique perd tout son intérêt scientifique. De même, il est

obligatoire de signaler les découvertes de trésors (au sens scientifique, c’est-à-dire des ensembles de pièces, pas forcément des pièces de haute valeur) !

L’utilisation des détecteurs de métaux est soumise à une autorisation préfectorale. Elle

nécessite également l’accord écrit du propriétaire qui indiquera ses intentions quant au sort

des objets susceptibles d’être découverts, car lui appartiennent de plein droit tous les objets

mis au jour sur son terrain. La demande est à formuler auprès de la Direction Régionale des

Affaires Culturelles.

La monnaie comme élément de datation ?

Les analyses de trésors permettent non seulement de déterminer la date probable de l’enfouissement, mais aussi parfois de dater certains types, et dans tous les cas de

mieux connaître la circulation monétaire à telle ou telle époque. Si la date d’émission de certaines séries monétaires est bien connue, la durée de circulation et

l’aire de diffusion des monnayages restent bien souvent à définir. Généralement,

l’étude d’une monnaie permet de déterminer un « terminus ante-quem », c’est-à-

dire une limite avant laquelle la pièce n’a pas pu circuler, en revanche, il est plus

difficile de déterminer un « terminus post-quem » (limite après laquelle elle ne peut

plus circuler) puisqu’une monnaie peut encore circuler de nombreuses années après

sa fabrication et même après la mort du souverain représenté en effigie. Face à la

pénurie monétaire à l’époque mérovingienne, on voit en effet circuler de

nombreuses anciennes monnaies romaines, puis byzantines, dans ce cas, celles-ci

ne peuvent donc servir d’indicateurs chronologiques…

L’Archéologie pour reconstituer l’usage que faisaient les Anciens de la monnaie

Les découvertes de trésors monétaires sont malheureusement rarement accompagnées de fouilles sérieuses permettant de préciser les circonstances de

l’enfouissement des monnaies. Le premier réflexe de l’archéologue est de s’assurer

que rien n’a été déplacé. Ensuite, tel un détective, le fouilleur va patiemment

recueillir les indices : tout sera dessiné, numéroté, inventorié avant un examen plus approfondi en laboratoire. Une attention particulière sera portée sur les liens entre les

monnaies et le reste du matériel recueilli dans la même couche (céramique…). Cela

permettra parfois de comprendre les motivations de l’enfouissement (individuelles ou

collectives, caches personnelles ou dépôts rituels).

La conservation et le nettoyage des pièces de monnaies

Dans la terre mais également en contact avec l’air, les pièces de monnaie, anciennes ou récentes, se ternissent quel

que soit leur métal. Elles subissent une dégradation significative due notamment à l'accroissement du niveau de

pollution, alors que la patine protège partiellement la pièce. Or, cette patine des pièces anciennes doit être conservée. Il ne faut surtout pas vouloir restaurer le poli d’antan, car nettoyer, c’est immanquablement user la surface

de la pièce. L'emploi de produits de nettoyage par trempage ou de nettoyants pour métaux est déconseillé. Les premiers contiennent des acides qui peuvent corroder le métal si les pièces sont mal rincées ; les seconds

contiennent, pour la majorité, des abrasifs qui peuvent égratigner la surface des pièces. Il est donc recommandé de

faire attention à ne pas rayer les pièces anciennes et surtout à conserver leur patine.

Pour les exemplaires trouvés en terre, lors de fouilles ou de travaux, - les pièces d’or sont tout au plus sales, le métal étant inaltérable. Mais, en raison de la malléabilité de l’or,

les monnaies se plient facilement. Un nettoyage à l’eau chaude suffit généralement ; - les monnaies de bon argent supportent souvent bien leur séjour prolongé dans la terre ;

- les monnaies dont l’alliage contient beaucoup de cuivre, les petites « monnaies noires » et les grosses

monnaies altérées, qu’il faut manier avec précaution (elles peuvent casser) doivent être nettoyées par des

spécialistes.

Trésor découvert à Bazas

en 2004 et vendu aux

enchères en 2005 par le

cabinet d'exper!se

Françoise Berthelot-

Vinchon de Paris à

Angoulême

© « Copains de l’archéologie », Francis Dieulafait, Milan 1999

Trois amphores remplies de

pièces de monnaie romaines

en bronze découvertes dans

un champ de l’Isle-Jourdain (à

une trentaine de kilomètres

de Toulouse)

Exemple d’une monnaie photographiée

avant et après ne"oyage

© Phil74, www.passionmilitaria.com