Les Illusions Ennuyantes

9
NOM: MARTINS, Pricila I. DISCIPLINE: Romance francês I 04/07/2012 Roman choisi: Illusions perdues (texte dévéloppé a partir de la consigne suggerée) Les illusions ennuyantes “O tédio, a sensação de perder tempo, a vontade de fazer outra coisa, a tal ponto acompanham a leitura, por digno que seja o objeto, que parece sintoma de hipocrisia nunca se tenha aberto um parágrafo sobre o chato e a forma estética.” 1 Luiz Costa Lima, avec sa manière toujours provocatrice de nous dire ce qu’il pense, m’a fait toucher ici au point qui est peut-être le plus délicat – vu que nébuleux – de la lecture de Illusions perdues 2 . Je ne suis pas la première à le dire; je ne serai pas non plus la dernière: parfois, l’ennui plane sur le lecteur de ce roman. D’abord, il faut que je justifie le choix du terme ennui, car cette option va au-delà d’établir une relation avec la phrase de Luiz Costa Lima copiée ci-dessus. Les options furent, en premier moment, trois: ennui: peine qu’on éprouve de quelque contrariété (deuxième sens trouvé dans le dictionnaire); 1 LIMA, Luiz Costa. A perversão do trapezista: o romance em Cornélio Penna. Rio de Janeiro, Imago; São Paulo, Secretaria da Cultura, Ciência e Tecnologia do Estado de São Paulo, 1976 (souligné par moi). 2 BALZAC, Honoré de. Illusions perdues. Classiques Garnier, Paris, 1956. 1

Transcript of Les Illusions Ennuyantes

NOM: MARTINS, Pricila I.

DISCIPLINE: Romance francs I04/07/2012

Roman choisi: Illusions perdues (texte dvlopp a partir de la consigne suggere)Les illusions ennuyantes O tdio, a sensao de perder tempo, a vontade de fazer outra coisa, a tal ponto acompanham a leitura, por digno que seja o objeto, que parece sintoma de hipocrisia nunca se tenha aberto um pargrafo sobre o chato e a forma esttica. Luiz Costa Lima, avec sa manire toujours provocatrice de nous dire ce quil pense, ma fait toucher ici au point qui est peut-tre le plus dlicat vu que nbuleux de la lecture de Illusions perdues. Je ne suis pas la premire le dire; je ne serai pas non plus la dernire: parfois, lennui plane sur le lecteur de ce roman.

Dabord, il faut que je justifie le choix du terme ennui, car cette option va au-del dtablir une relation avec la phrase de Luiz Costa Lima copie ci-dessus. Les options furent, en premier moment, trois: ennui: peine quon prouve de quelque contrarit (deuxime sens trouv dans le dictionnaire); agacement: nervement fait dimpatience et de mcontentement; et mcontentement: sentiment pnible dtre frustre dans ses esprances, ses droits. Le point principal qui ma fait choisir ennui a t lide de contrarit qui y est contenue. Cette sensation se fait apparatre chaque fois o la lecture navance pas, et, par consquent, le lecteur demande au texte: quoi a sert? Ce sont, plus exactement, les moments o il attend les points dinflexion du texte: cest--dire, les moments o le texte tourne et introduit des nouvelles expectatives. Bien sr que limpatience y prend partie et que les esprances concernant le progrs du texte balzatien chez le lecteur tombent par terre, mais cest principalement lide de contrarit admise par le terme ennui qui doit tre retenue et exploite. Quest-ce qui la provoque? Quel est lobstacle que le texte a interpos entre lui et moi?

La rponse la plus manifeste concernant lennui au cours de la lecture de ce roman serait lexcs de dtails donns par le discours du narrateur. Cest comme si ils faisaient le lecteur se perdre, sans savoir quoi retenir de tout ce qui lui est expos, ce qui empcherait la comprhension du noeud textuel. Je ne crois pas un tel procs dans ma lecture. ventuellement, les dtails historiques prennent trop despace pour moi, mais je ne prends pas ma tte avec eux. Dun autre ct, les dtails spatiaux mont donn toujours du plaisir (il arrivait rarement des moments o la question quoi a sert apparaissait). Dans Madame Bovary, par exemple, la sensation produite est la mme que chez Balzac: ces dtails donnent la sensation dun coulement, dune libert pour rentrer dans un monde qui semble tre sans aucune lacune. L, limage dune contemplation libre des tableaux, dune promenade sans arrt, pourrait bien dessiner le processus qui se passe chez moi.

Alors, la rponse reste obscure. Si les bords descriptifs ne me gnent pas, ne provoquent pas lennui, lautre rponse possible se trouverait laxe de lhistoire. Si on postule que cet axe serait son hros central, Lucien de Rubempr, il me semble que la rponse sapproche.

Selon la note dintroduction crite par Paulo Rnai aux Illusions perdues chegamos a conhecer-lhe (Lucien de Rubempr) todas as fraquezas, e no entanto, como prprio romancista, no conseguimos subtrair-nos estranha seduo que emana dessa criatura frgil e perigosa, bela como um deus grego (RNAI, 1978). Quoique Lucien soit une figure surement dbile, vulnrable, sa composition ne rpand pas sur moi la dite sduction. Il se construit nanmoins une distance qui est plus proche au rire qu une fascination nigmatique. Trononner cette distance, comprendre les mcanismes du langage qui la soutiennent, cela est un travail fructueux qui mapprochera peut-tre du fondement de lennui que jai senti.

Le discours qui entoure Lucien de Rubempr est la plupart du temps plein de mtaphores et gestes trop chargs, cest--dire, trop exagers et qui me rappelle tantt les mtaphores romantiques (comme chez Casimiro de Abreu), tantt une expression populaire actuelle qui dsigne ce qui fait semblant de vouloir faire pleurer: le dramalho mexicano. Concernant Lucien, un exemple serait dans le chapitre La fatale semaine, la deuxime partie du roman:

(Lucien dit DArthez):

_ En montant une cte aride, on trouve quelquefois un fruit pour apaiser les ardeurs dune soif horribles, ce fruit, le voil! dit Lucien qui se jeta dans les bras de dArthez, y pleura et lui baisa le front (...). (notez les mots et les gestes qui semblent plutt apartenir un hros du XVI sicle!)Un autre exemple cest quand il va la librairie de Dauriat, la fin de ce mme chapitre:Il trouva la boutique pleine de ses ennemis. A son entre, il y eu un silence complet, les conversations cessrent. En se voyant mis au ban du journalisme, Lucien se sentit un redoublement de courage, et se dit en lui-mme comme dans lalle du Luxembourg:_ Je triompherai!

Mais, en mme temps, curieusement, a me rappelle un autre personnage, qui est toujours demeur dans ma mmoire, et auquel je garde une grande affection mme si les gestes sont tellement dramatiques et les mtaphores abondent: cest O seminarista, de Bernardo Guimares:

A fora de oraes e jejuns, viglias e maceraes, de novo conseguiu reduzir seu corpo a mmia ambulante, e o esprito a um foco de vises beatificas e fanticas alucinaes. Desta vez porm o spero e pesado manto do ascetismo no logrou abrasar a chama teimosa que abrasava o peito do mancebo. A fibra de seu corao tinha se fortalecido com os anos. O vaso frgil das afeies infantis se convertera em urna diamantina, que conservava inteiro e inaltervel o filtro fatal que os lbios de Margarida nele haviam vasado entre os beijos de mel e lgrimas de fogo.

La fin, je la trouve presque sublime:

Chegando escada que sobe para o altar mor o padre parou, e quando j todos de joelhos esperavam que comeasse o intrito, viro-no com assombro arrancar do corpo um por um todos os paramentos sacerdotais, arroj-los com fria aos ps do altar, e com os olhos desvairados, os cabelos hirtos, os passos cambaleantes atravessar a multido pasmada, e sair, correndo pela porta principal.

Estava louco... louco furioso.

Quelle est, donc, la diffrence? Pourquoi est-ce quau deuxime cas lexcs dramatique ne me gne pas? Le personnage cr par Bernardo Guimares mrit. la fin expose ci-dessus, lhistoire du personnage arrive au point le plus haut de son trajet: ce geste si dramatique correspond lexplosion intrieure dun personnage qui ne supporte plus la prison de la chair o la religion lavait mis. Il y a un chec, bien sr, mais il est un fort point dinflexion dans la narration. Par contre, lhistoire de Lucien reste toujours dans un va-et-vient embtant! Jarrive mme a le comparer Justine (a pour dire quel point peut tre embtant cette non-apprentissage!). Son parcours est si fastidieux, car, je le suppose, la description si exalte faite par le narrateur ne rencontre pas un rflexe dans lesprit de Lucien, ce qui le transforme, mon avis, en un personnage pathtique dont la superficie est colore et brillante, mais qui lintrieur est toujours le mme rveur incontournable.

a vaut la peine, pour finir, senqurir du fondement de cet appel que je fais au texte pour quil moffre un personnage qui change au cours de son histoire. Cette question fait retourner la tte encore une fois lingrdient contrarit qui est dans le terme ennui. Donnons un pas en arrire. Une des scnes les plus mouvantes et marquantes et, il indispensable le confesser, dune telle nuance dramatique de Illusions perdues se passe quand Lucien est prt partir Paris:Quand les deux amis (Lucien de Rubempr et David Schard) remontrent, ils surprirent ve et as mre genoux, qui priait Dieu. Si elles savaient combien desprances le retour devait raliser, elles sentaient en ce moment tout ce quelles perdaient dans cet adieu; car elles trouvaient le bonheur venir pay trop cher pour une absence qui allait briser leur vie, et les jeter dans mille craintes sur les destines de Lucien.

_ Si jamais, tu oubliais cette scne dit David loreille de Lucien, tu serais le dernier des hommes.

Ce moment trs spcifique provoque chez moi une expectative de savoir comment est-ce que le personnage va jouer le rle que lui est propos pour son destin. Malgr mon dsir, je voyerai que ses actions reviendront toujours, avec une insistance moqueuse, sur une mme impossibilit: limpossibilit dapprendre. Tel est le parcours fait par dautres personnages comme Frdric Moureau, ou, encore, Justine.(En fait il faut faire un petite parenthse il y a une diffrence grossire entre le parcours chez Sade et chez Balzac et Flaubert. Justine fait partie, aujourdhui, dune srie de personnages qui jouent un rle presque unique dans le cinma dit commerciel: ce sont des personnages qui, il me semble, ntablissent pas de relations spatio-temporelle: nimporte quelle part, nimporte quelle poque ils sont, les rponses aux interpellations extrieurs seront toujours les mmes. Le lecteur de Justine apprend que, nimporte quel personnage apparatra au chemin de la jeune fille, elle lui prendra pour une bonne personne, puis le farceur montrera sa vrit, il fera du mal elle et, elle, enfin, genoux, clamera le bon Dieu. Or, il faut admettre, les rponses de Frdric et Julien changent, dans la mesure o, parfois, ils sont dans un ct de lhistoire en termes damour et de politique, par exemple ou bien dans lautre).

Alors, la question suivante pourrait tre pose: quest-ce que cela veut dire, avoir appris? Sous lide dapprentissage il est latent le dsir de voir le personnage vaincre, ou encore le voir arriver une conclusion quelconque, cest--dire, au moins voir le sens de tout ce qui a t vcu par lui. Il est dsirable, enfin, que tout ce qui a t lu atteigne un point. Lucien ne nous emmne nulle part: il semble plutt que tout a t vcu en vain. En plus, il faut le rpter, il nest pas ncessaire que le lecteur arrive la fin du roman pour sapercevoir que le personnage central sera lanc dun ct autre, mais il ne donnera pas un pas en avant. Laprhension de cet ternel mouvement, un mouvement circulaire, nous contrarie, en plus, cause dun refus la seule leon que ce rcit peut apporter: linarrativit de la vie, lchec quelle postule a priori, un aprentissage ngative.

Dailleurs, une dernire piste pour soutenir lide selon laquelle lennui qui ma parfois envahi concerne Lucien, cest que les moments qui mont offert plus de plaisir esthtique font rapport dautres personnages comme, par exemple, David, DArthez et mme les servantes Brnice et Marion, qui jouent un trop petit rle dans ce roman. Ces personnages ont une grandeur desprit et, quoique leurs destins ont t si tristes que celui de Lucien, je suppose que ce soit leurs souffrances dignes qui mont offert les meilleurs moments de compassion et souffrance, lesquels nous ont fait devenir plus proches, ont produit un retranchement de la distance esthtique.*

petit rsum de mon parcours de lecture

Ce texte, je le sais, semble mettre en scne la naissance et la mort des ides dont le point central a t le sentiment dennui, inspire que jtais grce la phrase de Luiz Costa Lima. La premire thse tait que ce sentiment venait des longues descriptions faites par le narrateur. Mais, la relecture de certaines parties du roman et aussi la relation dautres rcits qui sont pleins de description, mont fait rendre compte que le foyer de lennui tait dans une autre part. Ce fut ce moment l que lennui et la distance esthtique sont devenus pour moi des choses trs proches, car mon irritation avec Lucien ma montr que sa figure me retenait loin du texte, sans possibilit dune grande approximation, ce qui me gnait et me contrariait suivre la lecture. quoi a tenait? Moi, qui supposait rencontrer la rponse dans les mtaphores toujours abusives concernant Lucien de Rubempr, tais encore une fois en train de commettre une erreur. a fut Justine qui ma ouvert les yeux, car je me suis beaucoup ennuye aussi au cours de lhistoire delle. Et voil que jai trouv le foyer de lennui dans les personnages, dans leurs parcours: un parcours, au cas de Lucien, trs pathtique! Cela, on a vu, cause de la divergence ternel entre le langage de sa caractrisation et lesprit du personnage, ce rveur incontournable. LIMA, Luiz Costa. A perverso do trapezista: o romance em Cornlio Penna. Rio de Janeiro, Imago; So Paulo, Secretaria da Cultura, Cincia e Tecnologia do Estado de So Paulo, 1976 (soulign par moi).

BALZAC, Honor de. Illusions perdues. Classiques Garnier, Paris, 1956.

ROBERT, Paul. Le nouveau Petit Robert. Dictionnaire Le Robert, Paris, 1995.

Je pense que ce sont ces dtails qui ont conquis Engels et qui lui ont donn limpression de lire year by year from 1816 to 1848 dans Illusions perdues: (...) La Comdie humaine gives us a most wonderfully realistic history of French Society, especially of le monde parisien, describing, chronicle-fashion, almost year by year from 1816 to 1848 the progressive inroads of the rising bourgeoisie upon the society of nobles In. ENGELS, lettre pour Madame Harkness, 1888.

RNAI, Paulo. Nota introdutria In. BALZAC, Honor de. Iluses perdidas/ traduo de Ernesto Pelanda e Mrio Quintana. _ So Paulo: Abril Cultural, 1978.

Illusions perdues, pages 512 et 516 (soulign par moi).

GUIMARES, Bernardo. O seminarista. Livraria Garnier (soulign par moi).

Op. citado p. 244 (soulign par moi).

Illusions perdues p. 158 (soulign par moi).

1