Les Gorges de la Loire

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ENVISCOPE - SÉRIE DÉTÉ 2011 RHÔNE-ALPES SAUVAGE - LES GORGES DE LA LOIRE REPORTAGE RÉALISÉ AVEC LE SOUTIEN DE RHÔNE-ALPES T OURISME Réserve des gorges de la Loire : comme un air de ord forézien A deux pas de Saint-Etienne, entre Forez et Velay, les gorges de la Loire noyées par le barrage de Grangent orent un plan d’eau de 400 ha bordé de rives abruptes et de milieux naturels contrastés. Un petit paradis pour l’ornithologue, le botaniste ou le simple amateur de randonnées. Un reportage, textes et photos, d’Henri Colomb

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ENVISCOPE - SÉRIE D’ÉTÉ 2011 RHÔNE-ALPES SAUVAGE - LES GORGES DE LA LOIRE

REPORTAGE RÉALISÉ AVEC LE SOUTIEN DE RHÔNE-ALPES TOURISME

Réserve desgorges de la Loire :

comme un air de fjord forézien

A deux pas de Saint-Etienne, entre Forez et Velay,les gorges de la Loire noyées par le barrage de Grangentoffrent un plan d’eau de 400 ha bordé de rives abruptes

et de milieux naturels contrastés.Un petit paradis pour l’ornithologue, le botaniste

ou le simple amateur de randonnées.

Un reportage, textes et photos, d’Henri Colomb

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Ci-dessus :

A moins de 15 km du centre de Saint-

Etienne, le site grandiose des gorges de

la Loire avec son petit port de plaisance

de Saint-Victor.

Ci-dessous :

Le château fort d’ Essalois, construit

sur un ancien oppidum gaulois, vérouillait

l’entrée Nord des gorges

Les gorges sont une succession de

méandres aux pentes abruptes creusés

par la Loire depuis des millénaires

En quittant la Haute-Loire pour entrer dans le département auquel il donne son nom, le

fleuve Loire, coulant plein Nord, vient buter sur un plateau granitique reliant les Monts du Forez au massif du Pilat. Des millénaires lui ont été nécessaires pour s’y tailler un passage sinueux et encaissé, long d’une quinzaine de kilomètres: les gorges de la Loire.

Depuis la préhistoire cette vallée profonde a servi de passage aux hommes entre Forez et Velay (voir encadré ci-dessous). Mais tout change en 1957 quand le barrage hydroélectrique de Grangent est construit juste en sortie des gorges. Sa mise en eau engloutit sur une vingtaine de kilomètres le cours du fleuve, ses moulins, pêcheries et scieries, les chemins ancestraux et la voie ferrée,

coupant brutalement toute circulation au pied des falaises de granite. Les gorges prennent un air de fjord norvégien, à découvrir désormais en bateau ou depuis la couronne de crêtes qui les enserre. Difficile de se croire ici à une douzaine de kilomètres à peine du centre-ville de Saint-Etienne…

Urbanisation et reboisement

Les naturalistes eux aussi fréquentent depuis longtemps ce canyon au micro-climat chaud et sec, riche d’une flore et d’une faune peu communes. Dans les années soixante-dix, un projet délirant d’urbanisation, y est vigoureusement combattu par la Fédération Rhône-Alpes pour la Protection de la Nature (FRAPNA).Finalement, la ville de Saint-Etienne, propriétaire des terrains, signe l’armistice avec les écologistes et crée en 1986 une « réserve naturelle volontaire » sur 108 hectares des pentes de la rive droite, au lieu dit « les Condamines ».

C’est de cet ancien hameau agricole aux maisons de pierre blonde que l’on comprend le mieux aujourd’hui l’évolution des gorges, surtout grâce à la

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Légendes photos de gauche à droite et de

haut en bas :

Les fleurs du Thym serpolet nourrissent la chenille du papillon Azuré du serpolet,

une rareté : pas plus d’une quinzaine de

spécimens en moyenne chaque année sur le site, seul point connu de présence

de ce joli petit insecte dans tout le

département de la Loire !

Epiphygère sur fleurs de genet purgatif

Le début amont des gorges de la Loire

entre Le Pertuiset et Les Révotes.

Les hautes falaises de granite dominant

le plan d’eau sont notamment le domaine

du hibou Grand-Duc

L’Oeillet du granite (Dianthus graniticus)

est une espèce endémique du Massif central

L’Erable de Montpellier, avec ses petites feuilles arrondies, est un arbre méridional

typique, qui atteint ici sa limite Nord de répartition.

La forêt n’a cessé de progresser et

couvre aujourd’hui 70 % de la réserve

des gorges.

« maison de la réserve », gérée là depuis une dizaine d’années par la FRAPNA. Plusieurs sentiers pédestres en partent (voir les infos pratiques), et une muséographie permanente, complétée d’expositions thématiques, y présente le milieu et ses richesses naturelles.

En 1996 la réserve est étendue à 312 ha. En mars 1999 l’ensemble des gorges, sur une quinzaine de km, soit 1500 ha, reçoit le label officiel « site classé ». En 2005 la réserve volontaire devient « réserve naturelle régionale », désormais sous la responsabilité de la Région Rhône-Alpes. Ce site grandiose, très prisé des Stéphanois, est donc aujourd’hui bien protégé. La principale menace étant le reboisement naturel des pentes, après la disparition de l’agriculture traditionnelle.

Paradis ornithologique

70 % de la réserve sont couverts de pins, chênes, châtaigniers, hêtres, charmes et frênes, qui révèlent une grande variété de micro-milieux. On y trouve par exemple le très rare « Erable de Montpellier », qui atteint là sa limite nord. Le reste de la réserve est couvert de landes à callune (improprement appelée « bruyère ») et à genêts - dont le méridional « Genêt purgatif » qui couvre d’or les pentes au printemps - ou de pelouses maigres sur les parties sommitales. En quelques dizaines de mètres on passe d’un profond vallon humide à une pente rocheuse grillée de soleil.

Parmi la flore rare qui a justifié le classement en réserve figurent la fougère « Doradille du Forez », « l’Oeillet du granite » endémique du Massif Central, la montagnarde « Asarine couchée », ou le « Nombril de Vénus », petite plante aux feuilles rondes poussant dans les fissures des rochers...Coté faune, si les fauvettes méditerranéennes (fauvettes « mélano-céphales » ou « orphées ») qui hantaient autrefois jardins et vergers ont disparu avec eux, l’amateur d’oiseaux y trouvera toujours un vrai petit paradis, avec près de 200 espèces recensées : des rapaces remarquables comme le rare Milan royal et son cousin le Milan noir, l’aigle Circaète Jean-le-Blanc mangeur de

reptiles, le hibou Grand Duc (plusieurs couples suivis), les faucons crécerelle et hobereau ou la Bondrée apivore, mais aussi l’Engoulevent, la Pie-grièche écorcheur, et sur les falaises, le Tichodrome échelette ou l’Hirondelle de rochers, deux espèces assez faciles à observer puisqu’elles ont même colonisé le mur du barrage !

Les bijoux de la couronne

Côté mammifères, sangliers, chevreuils, renards et blaireaux sont bien présents. Chez les amphibiens, la star est le « Sonneur à ventre jaune », petit crapaud au dos terne mais à la bedaine d’un jaune éclatant marbré de noir.Il hante les petits ruisseaux se jetant dans le barrage et adore les ornières restées bien humides après les averses...

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Châteaux, chapelles et villages fortifiés

Depuis le Néolithique, les gorges de la Loire sont fréquentées par les hommes : les deux plus grands fleuves de France, la Loire et le Rhône, ne sont ici séparés que par trente kilomètres, et très tôt se croisent ici le blé ou le vin remontant du monde

méditerranéen via le Rhône, et l’ambre et les fourrures venus de Bretagne et d’Europe du Nord via la Loire. Les Gaulois de la tribu des Ségusiaves en contrôlent l’accès.

Au Moyen-­Age, moines et pélerins élèvent chapelles et prieurés le long du fleuve tandis que les villages se fortifient contre les invasions et les bandes armées : surgissent en quelques siècles l’ermitage des Camaldules, la chapelle de Grangent, le prieuré Sainte-­Foy-­du-­Chatelet, les forteresses d’Essalois et Grangent (construites sur d’anciens sites Gaulois ), les villages fortifiés de Chambles et Saint-­Victor, les châteaux de Vassalieu et Cornillon… Tout ce riche patrimoine a traversé les siècles presque sans dommages et se laisse encore admirer aujourd’hui.

Au XVIIIème siècle, avec la révolution industrielle, il faut désormais évacuer le charbon produit en grande quantité par les mines de Saint-­Etienne. La Loire s’en charge avec de longs bateaux plats à usage unique, construits au village voisin de Saint-­Rambert. Ces « rambertes » chargées de houille descendent par centaines le fleuve jusqu’à Roanne, puis les canaux vers Paris et le Nord de la France...Mais cette marine de Loire est bientôt condamnée par l’essor du chemin de fer, au début du XIXème siècle. Le train réussit même ce que les rambertes n’avaient jamais pu faire : remonter à

travers les gorges jusqu’à la Haute-­Loire voisine, grâce à des miracles de ponts, tunnels et viaducs franchissant les méandres de la Loire.

Après la seconde guerre mondiale, ces gorges profondes et longues se révèlent parfaites pour établir un grand barrage. Celui de Grangent, 55 m de haut, 200 m de large et 58 millions de m3, est mis en eau en 1957. Il produit chaque année la consommation de 50 000 habitants. Et en noyant les gorges, il forme un plan d’eau de 400 ha et ouvre le site à la civilisation des loisirs : voile, ski nautique, aviron, randonnée pédestre ou VTT...Mais sa construction fait aussi une victime silencieuse, le grand saumon de Loire (Salmo salar), qui remontait jusque là par milliers le plus long fleuve de France depuis l’Atlantique jusqu’à ses frayères du Velay. Dépourvu de passe à poissons, le barrage de Grangent a directement provoqué l’extinction de ce fabuleux migrateur sur toute la Loire amont.

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Légendes photos

Le Carabe espagnol (Carabus hispanus)

est un des joyaux des gorges

Le blaireau est un habitant discret des

gorges

Le hibou Grand Duc (Bubo bubo) est

un super prédateur qui compte plusieurs

couples reproducteurs dans la réserve

Le «Circaète Jean-­le-­Blanc» (Circaetus gallicus) , ou aigle mangeur de serpents,

se nourrit exclusivement de reptiles qu’il

capture sur les pentes arides des gorges

Le château d’Essalois domine l’ancien

ermitage des Camaldules

Pour les insectes, les gorges abritent de vraies raretés : le « Carabe espagnol », splendide coléoptère aux élytres de bronze qui vit dans les sous-bois frais, ou l’ « Azuré du serpolet » dont la biologie est assez extraordinaire : comme son nom l’indique, la chenille de ce joli petit papillon bleu violacé a d’abord besoin du serpolet pour se nourrir, puis de fourmis d’une espèce bien spécifique qui l’accueillent et la protègent ensuite dans leur nid : en échange du miellat

qu’elle sécrète pour les fourmis adultes, la chenille peut alors se goinfrer de leurs larves en toute impunité ! Enfin, tout récemment, a été découverte dans la réserve naturelle une très belle libellule, connue jusque là seulement sur les rivières du midi de la France, le « Sympétrum piémontais » , gros insecte au corps rouge vif et aux ailes barrées de noir. Un joyau vivant de plus à ajouter à la couronne déjà bien garnie des gorges de la Loire...

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© Mickael Villemagne/FRAPNA Loire

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INFORMATIONS PRATIQUESY ALLER

Modes doux

A partir de la gare TER de Saint-­Etienne-­Chateaucreux, le réseau STAS des transports en commun de l’agglomération stéphanoise vous emmène jusqu’à la maison de la réserve : tramway, puis ligne de bus N°2 jusqu’à Roche-­la-­Molière, puis bus N° 26 jusqu’à Saint-­Victor/Condamines.

A partir de la gare TER de Firminy, les bus STAS N° 31 (vers Unieux) ou N°34 (vers Saint-­Paul-­en Cornillon) desservent le village du Pertuiset, entrée sud des gorges de la Loire.

En vélo : le « tour du barrage » -­ 40 km -­ offre des vues très variées sur les gorges. Depuis Unieux-­Le Pertuiset, montée longue mais régulière par la RD 108 vers Chambles, puis Essalois. Redescendre par la RD 32 jusqu’au barrage de Grangent qu’on traverse sur son mur, puis rude grimpée de plusieurs km jusqu’au village d’ Etrat. Là, tourner à droite par la RD 25 et via la Croix des Sagnes ( accès à la maison de la réserve de Condamine) et le Berland (accès au village médiéval de Saint-­Victor) rejoindre Unieux-­Le Pertuiset.

En voiture

Depuis la rocade Ouest de Saint-­Etienne (RD201) prendre la sortie Roche-­la-­Molière, puis la RD32 vers Saint-­Victor. Au Berland prendre à droite la RD 25 jusqu’à la Croix des Sagnes puis les Condamines et la Maison de la réserve.

Depuis la RN88 (autoroute) Saint-­Etienne-­Le Puy, prendre la sortie « Firminy-­Unieux-­gorges de la Loire ». Se garer au Pertuiset.

CARTES

Carte Michelin au 1/150 000 N° 331 Local « Loire-­Rhône ».

Carte de randonnée IGN, série bleue au 1/25 000° N° 2833 E « Firminy ».

GUIDES ET RANDONNEES

Depuis la Maison de la réserve des Condamines, deux sentiers faciles mais hélas presque pas balisés, offrent des vues splendides sur les gorges et la réserve.On peut les enchaîner en une seule demi-­journée de balade d’environ 6 km. Le premier traverse le vieux hameau de Condamines et plonge à gauche vers les rochers de Mousset à travers les landes à genêts purgatifs et à callunes;; le second longe à droite le bord du plateau en direction du ruisseau de Grangent, puis le remonte un moment en forêt pour revenir au parking de départ via La Bachasse et le Grand Bois.

Autre balade avec très beaux points de vue sur les gorges à partir du hameau du Pertuiset (commune d’Unieux), à l’entrée Sud des gorges.De là, une petite route qui se transforme vite en chemin, puis en sentier, longe le plan d’eau en suivant le tracé de l’ancienne voie de chemin de fer, puis remonte à travers la réserve naturelle jusqu’au village de Saint-­Victor.

La FRAPNA propose une découverte originale des gorges en goélette depuis le port de Saint-­Victor, avec navigation à la voile sur le plan d’eau puis marche dans la réserve avec un animateur nature (groupes de 22 personnes maximum, prix 17 € pour les adultes, 11 € pour les moins de 12 ans). Renseignements et inscriptions au 04 77 41 46 60.

En rive gauche, belle balade avec vues sur les gorges à faire depuis le village médiéval de Chambles, ou depuis le château d’Essalois : circuit (5 km, facile, 2 h environ). N° 25 « le sentier de la Garde », du topo-­guide de la Fédération Française de Randonnée Pédestre « la Loire à pied ».

HEBERGEMENT

Nombreux hôtels, chambres d’hôtes, gites et campings à Saint-­Etienne et aux environs, à proximité des gorges.Renseignements : « Totem », office du

Le château de Grangent autrefois sur un piton dominant le fleuve est aujourd’hui une île au milieu du plan d’eau.

tourisme de Saint-­Etienne Métropole, 04 77 49 39 00 ;; www.tourisme-­st-­etienne.com

A signaler : l’auberge de jeunesse des Echandes, installée en bord de Loire à Unieux-­Le Pertuiset, au coeur des gorges, entièrement rénovée récemment .Tél. 04 77 35 72 03 ;;Internet : www.fuaj.net/homepage/st-­etienne ;; courriel : st-­[email protected]

CONTACTS UTILES

Maison de la réserve des gorges de la Loire , au village des Condamines.Tél. 04 77 41 46 60.Internet : www.frapna-­loire.org , onglet « sites naturels ».

SMAGL, syndicat mixte pour l’aménagement des gorges de la Loire,tél. 04 77 43 24 46,Internet : www.smagl.comcourriel : [email protected]

La «Maison de la réserve», aux Condamines, propose aux visiteurs muséographie permanente et expositions thématiques.