Les freres Kelly T5 sur 7 La mélodie de la...

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ChapitreUn

ChapitreDeux

ChapitreTrois

ChapitreQuatre

ChapitreCinq

ChapitreSix

ChapitreSept

ChapitreHuit

ChapitreNeuf

ChapitreDix

ChapitreOnze

ChapitreDouze

ChapitreTreize

ChapitreQuatorze

ChapitreQuinze

ChapitreSeize

ChapitreDix-Sept

Chapitredix-huit

Chapitredix-neuf

Lamélodiedela

séduction

Elletientlescoopdesavie,mais

seulementsielletrahitsaconfiance…

EthanKellyaperdusonmeilleuramiet

complicedanssongroupederockd’une

overdose,maisnepasretomberdansla

drogues’avèreplusdifficilequ’ilnele

pensait.Becca,sacompagnedesevrage,

serévèleêtrelaseulechosequi

l’empêchederechuter.Alorsqu’ellele

guideàtraverslesténèbres,il

commenceàluifaireconfiance,non

seulementpourcequiestdesessecrets,

maiségalementpourcequiestdeson

cœur.

Aprèsavoirpassédesannéesàessayer

d’êtrelafillequesesparentsmondains

voulaient

qu’elle

soit

(échouant

misérablementdanscettetentative),

RebeccaShoreaenfinreprissavieen

main.Biensûr,ellen’estqu’assistante

pourlemagazineModernealorsqu’elle

aimeraitfairedujournalismeplus

sérieux,maisc’estdéjàunepremière

étapedefranchie.Elleattendjustele

scoopdesaviequiluipermettradese

hisseràl’échelonsupérieur.Mais

lorsqu’onluidemanded’aiderlastardu

rocksolitaireeténigmatique,soncœur

estdéchiréentrelacarrièrequ’ellea

toujoursvoulueetl’hommequiamis

sonâmeànudevantelle.

ChapitreUn

«Nousavonsadmisquenousétions

impuissantsfaceànotredépendanceet

quenosviessontdevenuesingérables.

»

Non,sansblague.

EthanKellylutlerestedesDouze

étapesdesNarcotiquesAnonymesetil

plialafeuilledepapierendeuxau

momentoùlaréunionallaitdébuter.La

barbededeuxsemainesquicouvraitson

visagesemblaitétrangesoussamain

tandisqu’ilpassaitcettedernièresurses

jouesetqu’ilexaminaitlapièce.Ilavait

raséseslongscheveuxnoirslorsqu’il

étaitrentréencurededésintoxication,

ungestesymboliquesignifiantqu’il

coupaitlesliensavecsonanciennevie,

maisilavaittoujourspeurquequelqu’un

nelereconnaisseetnel’interpelle.Il

n’étaitpaslàpoursedonneren

spectaclepourlesmédias.Ilétaitlà

parcequ’ildevaitresterclean,etil

s’agissaitd’undesoutilsqu’onluiavait

recommandés.

Ilressentitunesensationdebrûlure

soussamanche,auniveaudesonbras

gauche,etilfrottaledernierendroitoù

ils’étaitfaittatouer.Mêmesilachair

avaitguéri,ladouleurquisecachait

derrièreétaitencoreaussivivequele

jouroùill’avaitfait.

Lejouroùilavaitperdusonmeilleur

amiàcausedel’héroïne.

Celaavaitétélesignald’alarmedont

ilavaitbesoinetilavaiteupeur.Ilavait

regardéTylerglisserdeplusenplus

danslatoxicomanie,maisils’étaitsenti

tropeffrayépourdirequoiquecesoit.

Etensuite,ilavaitététroptardlefaire.

Deuxjoursaprèss’êtrefaittatoué,il

s’étaitinscritencurededésintoxication.

Ilauraittellementaimépouvoirlefaire

avecTy.Aulieudecela,sonmeilleur

amin’étaitdésormaisplusquedes

cendresdansuneurne,etEthanse

retrouvaitseulpouressayerderamasser

lesmorceauxdesaviebrisée.

Ilsesentaitprisaupiègeparlafolle

enviededireallezvousfairevoiretde

sedroguer.Ceseraittellementsimplede

planeretd’oublierladouleur,derevenir

dansl’universeuphoriquedanslequelsa

muserégnaitenmaîtressesuprêmeetoù

riennecomptaitàpartlui-mêmeetsa

musique.Ilserralespoingsetilferma

lesyeux.Jepeuxlefaire.Jedoisle

faire.Plusquestiondefuirlaréalité.

Ilpritdeprofondesinspirations

purifiantescommeonleluiavaitmontré

pendantsacure,maisilressentait

toujourslemanque.

Pourlemoment.

Ilouvritlesyeuxaumomentoùune

femmeseglissasurlachaisesituéeen

facedelui.Elleretirasonmanteauen

cuirquiluiarrivaitauxgenoux,et

lorsqu’ellecroisasesjambes,ellelui

offritunevuedégagéesurlapartienue

desescuissessituéeentresesbottes

couleurcrèmeetsamini-robevert

menthedanslestyledesannées70.Une

enviedifférentenaquitenlui,uneenvie

quiallaimmédiatementsenicherdans

sonentrejambe.IlremerciaDieupour

l’espacedeprèsdedeuxmètresquiles

séparait,sinonilauraitététentéde

découvrirparlui-mêmesisapeauétait

aussidouceetsouplequ’elleenavait

l’air.

Elles’aperçutducoindel’œilqu’il

étaitentraindelafixer.Ellepiquaun

fardavantdetirersurl’ourletdesa

robe,maisiln’arrivaitpasàdétourner

sonregard.ToutenellesentaitPark

Avenue,desonsacàmaindegrand

couturieràsesonglesimpeccablement

manucurés.Elleavaitl’aird’êtredu

genreàfairedushoppingchezNeiman

MarcusouchezBergdorfGoodman,et

pasàs’asseoirdanslesous-solmoisi

d’uneégliseremplidedrogués.

Sonattentionpassadesjambesdela

jeuneauvisagedecettedernière.Ilétait

incapabledediresisesyeuxétaient

bleusouverts,maislesourcilarquéau-

dessusdesonœilgaucheétaitentrain

deluidemandersilencieusements’il

avaitfinidelaregarderbêtement.

Etpourlapremièrefoisdepuisdeux

semaines,unsouriresedessinasurles

lèvresd’Ethan.Non,iln’avaitpasdu

toutfini.Pastantquesesjambesseraient

exposéesàsavue.

Ellelevalesyeuxaucieletelle

couvritsesgenouxavecsonmanteau,

cachantsescuissesséduisantesau

momentprécisoùleresponsabledela

réunion,Gary,demandaauxnouveaux

membresdeseprésenteraugroupe.

Merde.

C’était

la

partie

qu’il

redoutait.Avecunpeudechance,il

n’auraitpasàdonnersonnomde

famille,etGaryl’avaitdéjàprévenuque

desgensleprendraientdansleursbras

s’ilnedisaitpasclairementdèsledébut

qu’iln’étaitpasd’accordaveccela.Il

toussapoursedébarrasserdelaboule

quiseformaitdanssagorge,puisilse

leva.

«Bonjour,jesuisEthan,etjenesuis

pasdugenreàaimerlescâlins.»

Voilà.C’étaittoutcequ’ilsavaient

besoindesavoir.Sabataillecontreses

autresdémonsintérieursneregardait

quelui.Ils’affaladenouveaudanssa

chaiseetilcroisalesbras,défiantqui

quecesoitd’essayerdeletoucher.

«

Bonjour,

Ethan

»,

répondit

l’assembléeàl’unisson.

Garydéclaraensuitelaréunion

ouvertepourquelesmembrespuissent

partagerleursexpériences.

Ethanétenditsesjambesetfermales

yeux,n’écoutantqu’àmoitiéleshistoires

desautres.Iln’étaitdanslesous-solde

cetteéglisequeparcequesamèreetle

conseillerducentrededésintoxication

luiavaientsuggéréd’essayer.Iln’avait

pasbesoinqu’onluitiennelamainni

qu’onluichanteKumbaya1pourl’aiderànepasretomberdansladrogue.Il

avaitdéjàvécul’enferdumanque

pendantsacurededésintoxication.Etil

avaittrouvélemoyendedissuasionle

pluspuissantensefaisanttatouersursa

veinepréférée:TylerBransford,1987–

2014.

Àchaquefoisqu’ilétaittentédese

piquer,ilvoyaitlenomdesonmeilleur

amietilserappelaitdelavieetdu

talentquiavaientétédétruitspar

l’héroïne.Pourlui,ils’agissaitd’une

méthodebienplusefficacequelefait

d’écouterdesgensradoterpendantdes

réunionshebdomadairessurcombienil

étaitdifficilederesterclean.

Iln’avaitaucuneidéedutempss’était

écoulé,maislorsqu’ilouvritunœil,il

vitquelafemmequiétaitenfacedelui

l’examinait,uneligneplisséeau-dessus

desonneztropparfait.Elleavaitla

boucheencul-de-poulecommes’ilétait

unesorted’énigmequ’elleétaitentrain

d’essayerdedéchiffrer,malgréla

concentrationintensequitransparaissait

surlestraitsdesonvisage.Elleenroula

uneboucledesescheveuxchâtainfoncé

autour

de

ses

doigts

de

façon

décontractée.

Ill’imitaenlevantégalementun

sourcilinterrogateurcommeellel’avait

faitplustôt.

Elleentrouvritleslèvresdansun

halètementsilencieux.Ellesedétourna

etelleseredressadanssachaise,les

mainsposéessursacuisseetson

attentionfixéesurGaryetnonplussur

Ethan.

Unepartiedeluisesentitunpeu

excitéeensachantqu’ellel’avait

regardé.L’autrepartiedeluilemettait

engardeetluidisaitdegarderses

distancesavecMmeParkAvenue.Ily

avaitdéjàassezdedramesdanssavie.

Iln’avaitbesoindes’impliqueravecce

quisemblaitêtreunefemmedifficileà

vivre.Passonstyledetoutefaçon.Il

avaitdesdoutessurlefaitqu’elle

pourraitunjouraccepterdemonterà

l’arrièredesamotoetderouleràvive

alluredanslesruesdeManhattan.Il

aimaitquesesfemmessoientsauvages

etsanspeur,pascolletmontéetprudes.

Garyannonçaalorsqu’ilétaittemps

demettrefinàlaréunion,puisil

demandaàtoutlemondedeseréuniren

cerclepouruneprièrerapide.L’estomac

d’Ethansesoulevaàcetteidée.Ilne

voulaitpasqu’onenfoncedeforcedans

sagorgeuneprièreouunereligion

quelconque.Etpourtant,ilsesurprità

rejoindrelesautresetàseplaceràcôté

deMmeParkAvenue.Ellesentait

l’ambreetleboisdesantalmélangésà

quelquechosedesucréetdefloral.

Exotiquetoutenétanttrèsféminin.Ilse

laissadistraireparleparfumenivrant

suffisammentlongtempspourquesa

colèreretombe,etaumomentoùla

prière

s’acheva,

il

n’avait

plus

l’estomacnoué.

LecercleserompitetGarysefraya

uncheminverslui.

«Jesuisàtoidansuneminute,Ethan

»,dit-ilavantdeprendreMmePark

Avenueàpart.

Leurconversationchuchotéeamena

Ethanàsedemandersil’hommela

réprimandaitpoursonretard.Quelques

minutesplustard,ellehochalatêteetils

s’approchèrentdelui.

«Ethan,jesouhaiteraisteprésenter

Rebecca.D’habitude,onlaisseles

nouveauxchoisirunparrainouune

marraineaprèsqu’ilsaienteuquelques

semainespourapprendreàconnaîtrele

groupe,

mais

j’aimerais

te

la

recommanderpersonnellementcarc’est

quelqu’unquipeutt’aideràt’intégrer

dansleprogramme.»

Pourquoi?Parcequejel’aimatée?

«Elleatrèsgentimentacceptéde

t’aiderjusqu’àcequetuchoisissesun

parrainouunemarraine,siçateva,etil

yadegrandeschancespourqu’elle

comprennebienmieuxtasituationquela

plupartd’entrenous.»

Ethansentitsabouchedevenirsèche.

Ilétaitdéjàallétellementloinpour

essayerdegérersadépendance.Ilavait

changésonapparence.Ilavaitdéménagé

àl’autreboutdupays,deLosAngelesà

NewYork.Ilavaitévitélesmédiasà

toutprixaprèsavoirdûgérerlecirque

quines’étaitpasarrêtéjusqu’àqu’il

entreencentrededésintoxication.Mais

ilavaitfaitl’erreurdeconfierlebesoin

deprotégersavieprivéeàGary,etce

dernieravaitrévélésonidentitéà

quelqu’und’autre.Ilserralesdentsetil

pliasesdoigts.Peut-êtrequecelaavait

étéuneerreuraprèstout.

Garyadressaunsourireetun

hochementdetêtesincèresàRebecca

quiluiréponditdelamêmemanière.

«Jevouslaissefaireconnaissance.»

Ethann’osapasbougerunmuscle

lorsqueleleaderdugroupepartitpour

parleravecquelqu’und’autre,le

laissantseulaveclajeunefemme.Tous

lesnerfsdesoncorpsétaienttendus.

S’ilvoulaitpréserversonintimité,ilne

pouvaitrévéleraucundétailpersonnel.

Lesouriredelajeunefemmefaiblitet

seslèvrestressaillirent.

«Écoute,Ethan,jesaisquetupenses

peut-êtrequetoutçan’estpaspourtoi,

maiss’ilteplaît,attendsencoreune

semaineoudeuxpourtedécider.La

premièresemaineesttoujourslaplus

dure.Situlaissesunechanceau

programme...»

«Qu’est-cequ’ilt’aditexactementà

proposdemoi?»

«Ehbien,iln’apasvantélesmérites

detapersonnalitérayonnante.»

Lesarcasmederrièrecesparolesle

pritaudépourvu,etmalgréses

objections,ilfitunpasverselle.

«Alors,qu’est-cequ’iladit?»

«Iladitquej’étaiscellequisaurait

lemieuxcequetuastraverséetqu’ilme

faisaitconfianceparcequ’ilpensaitque

jem’occuperaisbiendetoijusqu’àce

quetutesentesprêtàchoisirunparrain

ouunemarraine.»

Soncorpssetenditàlasimplepensée

qu’onpuisseletraiterenprenantdes

pincettes.Lefaitquesamèrel’appelle

touslessoirspoursavoircommentil

allait

était

déjà

suffisamment

difficilementsupportable.

«Est-cequ’iladitpourquoi?»

Ellesecoualatête,sesboucles

d’oreillescliquetantcontresamâchoire.

«Nope.»

Tout

dans

cette

situation

le

déconcertait,etilfitencoreunpasvers

elle,envahissantl’espacepersonnelde

lajeunefemmeuniquementpourvoirla

manièredontelleallaitréagir.

«Etquituesexactement?»

Ellelevalesyeuxversluietilparvint

enfinàvoirlacouleurdesesyeux.

Bleusversl’extérieuretvertsversle

centre.Percutants,clairsetdéterminés

tandisqu’ellesoutenaitsonregard.

«Unepersonnedépendantesurla

voiedelaguérison,toutcommetoi.»

Ilsentitsapoitrineseserrer,bloquant

l’airdanssespoumons,maisilrefusade

céder.

«Aucasoùtun’auraispassaisile

concept»,poursuivit-elle,«leAest

pouranonyme.C’estquelquechoseque

nousprenonsvraimentausérieuxici.Si

tutedemandesencorepourquoiGary

pensequejepourraist’aider,jemeferai

unplaisirdet’endireplussurmoi

autourd’uncafé.Maistuvasdevoir

attendrelasemaineprochaine.»

«Ilyatoujoursunhic»,marmonna-t-

ilavantdeseretourner.

Maisellel’intriguaitsuffisamment

pourqu’ilnesoitpasexcluqu’il

reviennejustepoursavoirquielleétait

etcequ’ellefaisaitlà.

«Voisplusçacommeuneincitation.»

Ellesortituncalepinetunstylode

sonsacàmain.

«Voilàmonnuméro.Situressensle

besoindeteshooter,appelle-moiavant

etj’essayeraidet’endissuader.»

«Mercipourlevotedeconfiance.»

Cependant,ilpritquandmêmele

morceaudupapiersurlequelelleavait

écritsonnumérodetéléphone.Dans

d’autrescirconstances,lefaitd’obtenir

lenumérod’unefemmesexysignifiait

qu’ilétaitsurlabonnevoie.Maisencet

instant,celaindiquaitqu’elles’attendait

justeàcequ’ilretombedansses

ancienneshabitudes.

«Hey,jesuispasséeparlà,tute

souviens?Jesaiscequec’estd’êtrela

nouvelleicietcombienilestdurdedire

Nonauxenvies.Onfaittousdesfaux

pas.Onfaittousdeserreurs.Maison

n’estpasseulsdanscetteépreuve.»

Elleenfilasonmanteau,sonregardle

détaillantdelatêteauxpiedsetdes

piedsàlatête.

«Etpeut-êtrequelasemaine

prochainetuaurasunemeilleureidéede

lamanièredontjepeuxt’aider.»

Ilpensaàdesdizainesdemanières

dontellepourraitl’aider,maistoutes

sansrapportaveccegroupedesoutien.

Néanmoins,ilfitunpassurlecôtépour

lalaisserpartir,observantlamanière

dontseshanchesondulaientlorsqu’elle

marchait.Oui,iln’yavaitaucundoute,il

voulaitconnaîtrel’histoiredeMmePark

Avenue.

Ilrécupéralesbrochuresetles

prospectusqueGaryluiavaitdonnés

avantlaréunionetillesglissadansson

sac

à

dos.

Cependant,

il

plia

consciencieusementlenumérodeBecca

avantdelerangerdanslapoche

intérieuredesonportefeuille.Ilavait

desdoutessurfaitd’enavoirbesoinun

jour,maisjusteaucasoù...

SaDucatiStreetfighterétaitgaréeàà

peineunpâtédemaisonsplusloin.Il

enfilasoncasqueetilenfourchasa

moto,lafaisantvrombirjusqu’àceque

leronronnementdumoteurfasse

disparaîtrelatensiondanssesmuscles.

Ilreviendraitlasemainesuivante,ne

serait-cequepourensavoirplussurla

jeunefemme.Puisildémarraetil

accélérapourdescendrelarueavant

qu’ilnepuisseêtrerattrapéparledoute.

***

«Ari,jesuisrentrée»,lançaBecca

enfermantlaportederrièreelle.

Sacolocataire,ArielaHorowitz,

sortitdesachambrevêtued’unpantalon

deyogaetd’uneliquetteetellepritune

partdepizza.

«Pileaubonmoment.Jemeursde

faim.»

«Ilsm’ontfaitpayerquatredollars

depluspourlapâtesansgluten.»

«Jetelesrendrai.»

Arilevaunepartdelapizza

végétariennechaudeetgluanteavantde

laplierendeuxetd’enprendreune

bouchée.

«Jesuisauparadis.»

Beccaprituneassiettedanslacuisine

etlatenditàAri.

«S’ilteplaît,prendsça.Jeneveux

pasàavoiràrangerunbordelpas

possibletoutàl’heure.»

«D’accord.»

Ellepritl’assietteenpoussantun

soupiretelleselaissatombersurle

canapé.Ellesavaienttouteslesdeux

grandidansdesfamillesaiséesqui

employaientplusieursdomestiques,mais

Ari

agissait

toujours

comme

si

quelqu’unallaitramasseraprèselles

dans

l’appartement

qu’elles

partageaient.

Aulieudecela,cettetâcheincombait

àBeccaenéchanged’unhébergement

gratuit.

Cettedernièreposaunepartpourelle

suruneassietteavantderejoindresa

meilleureamiesurlecanapé.

«Pourquoituinsistestoujourspour

avoirdestrucssansgluten?Tun’espas

allergique.»

«Jesais,maisçamefaitgonfler.»

Aritapotasonventreparfaitement

platquiauraitrendujalousen’importe

quellemannequindeVictoria’sSecret.

Petite,blondeetquasimentsansdéfaut,

Ariétaitl’incarnationdecequedevait

êtreunefilledel’UpperEastSide

2d’unevingtained’années.

«Peuimporte.»

Beccamorditdanslapizza,mâchant

méthodiquementlapâtecaoutchouteuse

enregrettantqu’ilnes’agissepasde

vraipain.Maisdepuisqu’Ariavait

lancélacampagneleglutenc’estlemal

dansleurappartement,elleavait

remarquéquesesvêtementssemblaient

unpeutropgrandspourelle.

Aprèsquelquesminutes,Ariretourna

danslacuisinepourprendreuneautre

partdepizza.

«Tuesterriblementcalmecesoir.»

«J’ailatêteailleurs.»

Surtoutconcentréesurcemecsexy

endiableàquij’aidonnémonnuméro

enespérantqu’ilm’appellepourdes

trucsquin’ontrienàvoiraveclesNA3.

«Letravail?»

Cette

question

déclencha

un

reniflementcyniquechezBecca.Elle

étaitassistantederédactionpourle

magazineModerne,unpériodique

totalementdévouéàlagénération

selfie.

«Danstesrêves.Aulieudeme

donnerlefeuvertpourunarticlesurle

traficd’êtreshumains,ilsm’ont

demandéedefairedesrecherchessur

lesmeilleursendroitspouravoirdes

relationssexuellesenpublic.»

«Lesvestiaires,àl’aube»,répondit

Ariavecunclind’œil.«Alorsc’est

quoi?Ils’estpasséquelquechoseàta

réunion?»

«Onpeutdireçacommeça.»

Elleseforçaàavalerladernière

bouchéeetàposersonassiettesurle

repose-pied.

«Onm’ademandéd’aiderun

nouveaujusqu’àcequ’ilpuissechoisir

unparrainouunemarraine.»

Arifronçasonnez.

«Est-cequeçaveutdirequetuvas

devoirpassertontempsavecuncamé?

»

Beccasoufflaparlenezetsacolonne

seraidit.

«Allo?J’étaiscommeçailya

quelquesannées.»

«Cen’estpascequejevoulaisdire..

»

«Alorsqu’est-cequetuveuxdire?»

Arieutladécencedesetortillersur

soncôtéducanapéetdeprendreundes

troiscoussinsdanssesbras.

«C’estjustequetoi,mêmequandtu

étaismal,tucontinuaisderéagir.Enfin,

entouscasjusqu’auTribecaBall4.

Mais,tusais,tuavaistoujoursl’air

normale.»

«Ettupensesquejesuisune

exceptionparrapportàceàquoiun

toxicomanedevraitressembler?»

«Ehbien,onvoittouscesgensdans

laruequifontlamanchepouravoirde

l’argentpoursortiretsedéfoncer.»

Beccaselevaetamenasonassiette

dans

la

cuisine.

Après

l’avoir

rapidementpasséesousl’eaudans

l’évieretl’avoirmisedanslelave-

vaisselle,elleseretournaetellevitAri

appuyéecontrelemur,lalèvre

inférieureavancéeversl’avantdansune

mouecontrite.

«Désolée,Becca.C’estjusteque

j’aimeraisqu’ilyaitdesgroupesde

soutienoùtupourraisalleravecgens

quisoientpluscommenous.Jemeferais

moinsdesouci.»

«Jenevaispasmefaireagresserou

mefairepoignarderouquoiquecesoit

d’autrequit’inquiètedanstoutça.»

Ellepritl’assietted’Aripourla

mettredanslelave-vaisselle.

«Enplus,Garym’apersonnellement

demandéed’aidercemecparcequ’il

pensequejesuislamieuxplacéepour

savoircequ’ilavécu.»

Arisedétachadumur,soninquiétude

laissantlaplaceàdelacuriosité.

«C’estquoi?UncourtierdeWall

Street?»

«Loindelà.»

ToutchezEthancriaitqu’ilétaitun

mauvaisgarçon,destatouagesqui

dépassaientdesmanchescourtesdesa

chemiseàlamanièredontilavait

descendularueàtoutevitessesursa

moto.

«Maisjedoisfaireconfianceau

jugementdeGaryetvoircequeçava

donner.»

«J’aivuceregard.»

Arifermalelave-vaisselleetse

rapprochaàquelquescentimètresd’elle

avantdeluidonnerunpetitcoupde

hanche.

«Tuletrouvesmignon.»

Beccasentitunesensationdechaleur

envahir

ses

joues

tandis

qu’elle

emballaitcequirestaitdelapizza.Elle

seremémoratouslespetitsdétailschez

lejeunehommeavecuneclarté

troublante.Lachaleurquisedégageait

desoncorps.Leparfumquiémanaitde

sapeau.L’airdevirilitéàl’étatpurqui

l’entourait.

«Iln’estpasdésagréableàregarder.

»

«Uhuh»,ditArid’unevoixtraînante

enlasuivantdeprès.Ellenela

laisseraitpastranquilletantqu’elle

n’auraitpasdittoutcequ’ellesavaità

proposd’Ethan.

Ilesttempsd’appelerunchatun

chatoujen’enverraijamaislebout.

«Qu’est-cequetuveuxsavoir?»

«Commentilétaithabillé?»

«Unjeanusémoulantauxbons

endroits,unT-shirtblancavecune

chemiserougeouvertepar-dessus,des

bottesencuirnoires.»

«Soncul?»

Lachaleurqu’elleressentaitsurses

jouessedéplaçaverssonbas-ventre.

«Mignonetmusclé.»

«Sesyeux?»

«Gris.»

Etremplisdecolère,commedes

nuagesnoirs.

«Sescheveux?»

«Ilsavaientl’airnoirs.»

«Qu’est-cequetuveuxdireparils

avaientl’airnoirs?Ilportaitun

chapeauouuntrucdanslegenre?»

Beccasecoualatête.

«Ilsétaientcourts,commes’ils’était

rasélatêteiln’yapaslongtemps.»

«Outch!»

Ariplissasonnezetrecula.

«Est-cequ’ilperdsescheveuxou

quelquechosedanslegenre?»

«Decequej’enaivujediraisque

non.»

Enfait,elleavaiteuenviedefaire

courirsesmainssurlabarbedetrois

jourssombreetépaisse.

«Alorsilestcommequelqu’unquise

lajoueàlaGi-Joe?»

«Nope.»

Becca

mit

la

pizza

dans

le

réfrigérateuravantdesortirdela

cuisine,laissantsonamiederrièreelle.

MaisArin’allaitpasabandonner

aussifacilement.

«Ah,jevois.Laisse-moideviner.

Destatouages?»

«Ouaip.»

«Despiercings?»

«Nope.»

«Unemoto?»

«DucatiStreetfighter848.»

Laqueuedechevalblonded’Ari

balayalevisagedecettedernièreau

momentoùellesecoualatête.

«Pasmoyen,Becca.Ilatoutdumec

surquiilestécritgardetesdistances.»

«Jesais,maisc’estçaquilerend

vraimentfascinant.»

Maiselleavaitvuplusquelacolère

contrelemondeentierpourcacherla

douleurquis’exprimaitdanssonregard.

Ellen’arrivaitpasàsedébarrasserde

l’impressiondeleconnaîtredequelque

part.

«Tonpèreauraituneattaquesitu

l’invitaischeztoipourdîner.»

«Exactement,etc’estpourçaqu’il

resteraunfruitdéfendusurleplan

sentimental.Enplus,jevaisseulement

l’aideràsefamiliariseravecle

programmejusqu’àcequ’ilaitson

propreparrainousapropremarraine-

quelqu’unqu’ilpuisseappelers’ilesten

crise.»

«Etsicettecriseestunbesoin

désespérédesexe?»

«Jet’enprie,jesuisquelqu’un

d’intègre.Ilal’airdevraimentessayer

deresterclean,etilyauneraisonpour

quelesrelationssoientinterditesaussi

tôtdansleprocessusdeguérison.»

Maissiellel’avaitrencontrédansune

boîtedenuit,ellen’auraiteuaucun

problèmepourcoucheraveclui.Ethan

avaitfaitbattresoncœur.Sombre,

dangereuxetmystérieux.Elleavaithâte

depercerlemystèredesonhistoire.

Enfin,s’illuifaisaitsuffisamment

confiancepourlapartageravecelle.

«D’accord,maiss’ilappelle,surtout

tiens-moiaucourantquejesacheoùtu

es.»

Aris’étira.

«Jeferaismieuxd’appelerGabe

avantd’allermecoucher.Etenparlant

defrère,Jacobaappelépoursavoirsi

tuallaisfêterRochHachanaavectes

parents.IlviendradeNewHeavensi

c’estlecas.»

«Voussaveztouslesdeuxquela

réponseestnon.»

Unepartiedufaitderesterclean

impliquaitd’éviterlessituationsoùelle

pourraitêtretentéederecommenceràse

droguer,etavoiràfaireavecsonpère

déclenchaittoujourschezellel’enviede

trouverlesachetd’herbeleplusproche.

«C’esttavie.»

Arieutunhaussementd’épaule

indifférent,maisl’expressiondeson

visagedisaitqu’elleallaitdenouveau

aborderlesujet.

«Toujourspartantepourunjogging

demainmatin?»

Beccaréprimaungémissement.Un

petitjoggingavecAriéquivalaitàcinq

kilomètresdesprintdansCentralPark.

«Jepeuxpassermontour?»

«Biensûr,ettescuissespeuvent

devenirplusflasquesàcausedeça.»

Cettefois,Beccaneseretintpas.Elle

lâchaunvéritablegrognementde

douleurquifutsuiviparungémissement

lorsqu’elleimaginalasensationde

brûlurequ’elleressentiraitensuitedans

sescuisses.

«D’accord,jeviendrai.»

«Bonchoix.Onpartàcinqheures

piles.»

Unevraietorture.

«Oùtutrouvestonénergie?Jepeux

t’enpiquer?»

«Dépenserdel’énergiepourcréerde

l’énergie.Àdemainmatin.»

Arisortitsontéléphoneetcomposale

numérodesonfrèreendisparaissant

danssachambre.

Beccatapotalescoussinssurle

canapéavantdeseretirerdanssa

proprechambre.Mêmesielleavait

coupélesliensavecsafamille,elle

réussissaitquandmêmeàvivreunevie

confortable.Ledeuxpiècesrécemment

rénovéavaitdeslignespureset

modernesquirendaientjalouxleurs

amisdeleurâge.Lavueétait

spectaculaire,lasécuritéexceptionnelle

étaitunevéritableaubaine.Deplus,

l’immeubledel’UpperEastSidedans

lequel

se

trouvait

l’appartement

appartenaitàlagrand-mèred’Ari,ce

quisignifiaitqu’Arietelleyhabitaient

sansavoiràpayerdeloyer.Lachambre

deBeccaétaitlapluspetitedesdeux,

maiselledisposaitquandmêmed’une

penderieetd’unesalledebainattenante.

Elleretiralarobequ’elleavait

achetéechezH&Metellelajetadansle

panieràlingesaleavantdeseglisser

dansuncaleçonconfortableetd’enfiler

uneliquette.Lorsqu’elles’assitsurlelit

avecsoncalepinetsonstylopour

essayerdetrouverdenouveauxendroits

poursonarticle,elleneputs’empêcher

depenseràEthan.Elleressentitde

nouveaul’impressiondeleconnaître,

maisellenesavaitabsolumentpas

pourquoi.

Il

ne

ressemblait

définitivementpasàquelqu’unquiaurait

appartenuauxcerclesdanslesquelselle

avaitgrandi.Pourtant,ilyavaitquelque

chosechezlui...

Ellelançasoncarnetàtraversla

pièceetelleselaissatombersurses

oreillers.Siellevoulaitarriveràfaire

quelquechosependantlasemaine,elle

devaitarrêterd’êtreobsédéeparun

homme

qu’elle

venait

juste

de

rencontrer.

Unhommequiétaitentraind’essayer

deresterclean.

Unhommequisecomportaitcomme

s’ilvoulaitnerienavoiràfaireavec

elle.

Ilesttempsd’écouterdelamusique

quividelatête.

Elleparcourutlalistedesmusiques

sursoniPadShufflejusqu’àcequ’elle

arriveàunedeseschansonspréférées

deRavinia’sRejects.Contrairementau

rythmeentraînantàtendancerockde

leursautreschansons,celle-ciétaitlente

etcalme,lesguitaresacoustiquesse

mêlantaveclesharmoniesparfaitesdes

deuxchanteurs.Pendantsespremiers

joursdesobriété,elleavaitécoutécette

chansonenboucle,aupointquecelle-ci

avaitfiniparhantersesrêves.Elle

fermalesyeuxetellelaissalamusique

l’envahir.Lerefrainarrivaetellele

chanta,laissantchaquemotapaiserson

esprit.

Onedayatatime

Onewishoneverystarthat

makestheheavensshineOnemore

heartbeatuntilIknowthatI’mfine

Justneedtotakeitonedayatatime.

(Aujourlejour

Unsouhaitsurchaqueétoilequi

faitbrillerleparadisUnbattementde

cœurdeplusjusqu’àcequejesache

quejevaisbienJedoisjustevivreau

jourlejour)

Lorsquelafindelachansonarriva,

elleinspiraprofondémentetelleéteignit

lalumière.

Justevivreaujourlejour.

1Kumbaya:Uncantiquepourimplorerl’aideduSeigneur2UpperEastSide:QuartierchicetélégantdeNewYork3NA:Narcotiquesanonymes,uneassociationà

butnonlucratifinternationalecomposée

d’hommesetdefemmespourquila

drogueestdevenueunproblèmemajeur.

4TribecaBall:BalannueldelaNewYorkAcademyofArt(Académiedes

ArtsdeNewYork)

ChapitreDeux

Ethangrattasaguitare,maisles

cordes

produisirent

un

méli-mélo

dissonantquiressemblaitàtoutsaufàde

lamusique.Danslepassé,lorsqu’ilse

heurtaitàunmur,ilsedroguaitetil

trouvaitl’inspirationdanslesmoments

oùilétaitsousl’effetoniriquede

l’héroïne.Lesnotesdansaientdevantlui

commedesmiragesenvoyésparune

muse,etsesdoigtsglissaientsurles

cordescommesiellesétaientcontrôlées

paruneforcedivine.

Etcelaneressemblaitenrienaux

heuresqu’ilvenaitdepassercetaprès-

midi-làdevantunepiledepartitions

videsposéesdevantlui.

Unpicotementtraversasonbras,suivi

parl’enviefamilière.Ilplialesdoigts

pouressayerdes’endébarrasser,mais

elles’enroulaencoreplusfortautourde

sonbrasets’enfonçadanssapoitrine.

Justeunefoispourquelamusique

couleànouveau.

Lasonneriedesontéléphoneletira

brusquementdel’envoûtementduchant

dessirènes.Ilregardalenuméroqui

s’affichaitavantderépondre.

«Bonjour,maman.»

«Bonjour,Ethan.Commenttuvas?»

«Toujourspareil.»

Pasmieux,paspire.

«Tuvasàtaréunioncesoir?»

Merde.

IlavaitoubliéquelaréuniondesNA

étaitprévuecesoir-là.

«Probablement.»

«Tunedevraispasêtreenchemin?»

Ilregardal’heure.Vingtminutesavant

ledébutdelaréunion.Justeletemps

qu’ilfallaitpourenfourchersamotoet

trouverunendroitoùsegarerprèsde

l’église.Lemétroseraitunesolution

plusrapide,maislerisqueque

quelqu’unlereconnaisseétaittrop

élevé.Etlestaxisétaientabsurdesen

ville.

«Jesuppose.»

«Ethan...»

Demanièregénérale,lorsquesamère

disaitsonnomd’unevoixtraînante,il

s’agissaitd’unavertissement.Maiscette

foisils’agissaitplusd’unesupplique.

Mêmesilefaitd’êtreetderesterclean

étaitsabataille,ellevoulaitêtreson

alliée.ElleavaitprisunvolpourLAà

laminuteoùelleavaitapprisledécès

deTypourl’aideràsurmonterson

chagrinetelleavaitorganiséson

déménagementàNewYorkpendant

qu’ilétaitencurededésintoxication.

Mais

elle

respectait

également

suffisammentleslimitesqu’ilimposait

pournepasleharceler.

Pourtant,lasupplicationdanssavoix

étaitsuffisantepourqu’ilsesente

coupable.Ilselevaetilpritsaveste.

«Jeparstoutdesuite.»

«Dis-moisituasbesoindequoique

cesoit..»

Letonhésitantdesamèreétaitune

choseàlaquelleiln’étaitpashabitué.

Entantqu’ex-avocate,elleavait

toujoursétélegenredepersonneàaller

droitaubut.MaiscommeAdametses

autresfrères,ellemarchaitsurdesœufs

aveclui.Probablementterrifiéeparle

faitqu’unseulmotpourraitlefaire

replonger.

Unfrissond’agacementparcourutsa

colonne.Ilspensaientqu’ilétaitfaibleet

fragile.Maisilleurprouveraitqu’ils

avaienttort.

«Merci,maman.Jevaisbien.»

«Jesuiscontented’entendreça.»

Letondesavoixrévélaitqu’ellene

lecroyaitpasvraiment.

«Jedoisyaller,maman.Jeneveux

pasêtreenretard.»

Ilraccrochaavantd’êtrecontaminé

parsesdoutes.

Iln’yavaitpasdeparkingpourson

loftdeHell’sKitchen1,maisilyavaitunmonte-chargesuffisammentgrandpour

qu’ilpuisseyrentreravecsamoto.

Lorsqu’ilarrivadanslarue,ilmontasur

cettedernièreetilslalomadanslesrues

deMidtownjusqu’àcequ’ilarriveàla

vieille

église

qui

accueillait

les

réunions.Ilyavaitplusdeplaceslibres

oùsegarercesoir-là,maisaulieu

d’entrer,ils’attardasursamoto,son

casquetoujourssursatête.Lemoteur

gronda

sous

lui.

L’envie

de

s’abandonneràsamuseaulieudelutter

contreelleréapparutdanscemoment

d’hésitation.Ilserral’accélérateur,le

faisantvrombiraurythmedela

frustrationgrandissantequ’ilressentait

danssestripes.

Etàcetinstant,quelqu’untapotason

casque.

Ilbalayalesalentoursduregardetil

vitRebeccaquisetrouvaitsurle

trottoir,àcôtédelui.Elletenait

fermementlabandoulièredesasacoche

desesdeuxmains,maislaposition

fermedesesjambesluiindiquaqu’elle

nepartiraitpasavantqu’iln’aitfait

attentionàelle.

Illevasavisière.

«Tun’asriendemieuxàfairequede

t’approcherdespersonnesquetune

connaispasetdelesagresser?»

«Primo,tun’espasunétranger.

Secundo,j’aiessayédet’appelerparton

nomavantdetapersurtoncasque.

J’aurais

du

mal

à

qualifier

ça

d’agression.»

L’enviededroguesedissipaenmême

tempsquesacolère.Iléteignitlemoteur

etilretirasoncasque.

«Qu’est-cequiafaitquetuétaissûre

quec’étaitmoi?»

«J’aireconnutamoto.»

LeregarddeBeccas’attardasurla

Ducatiavecunairamoureuxquirendit

saqueuejalouse.Ilauraitdonné

n’importequoipourqu’elleleregarde

delamêmemanière.

«UneDucatiStreetfighter848de

2014.UnmoteurTestatrettade132

chevaux.Sixrapports.»

Ellemorditsalèvreinférieureavant

deprendreuneprofondeinspiration.

«Magnifique.»

Ileutuneérectionjusteenl’écoutant

parler.Est-cequ’elleavaitlamoindre

idéed’àquelpointl’entendreénoncer

lesspécificitéstechniquesdelamoto

l’excitait?

Elletournasonregardverslui.

«Tuviens?»

Mme

Park

Avenue

l’intriguait

suffisammentpourlefaireacquiescer.

«Jenerateraisçapourrienau

monde.»

Maisunefoisàl’intérieur,ilressentit

lemêmeennuiquelasemaine

précédente.Laseulechosequifaisait

qu’ilrestaitcolléàsonsiège,c’étaitla

femmequisetrouvaitàcôtédelui.Elle

écoutaittouteslespersonnesqui

partageaientleurshistoires,l’empathie

adoucissantlestraitsdesonvisage

lorsquecesdernièresseplaignaientde

leursdifficultésetdeleurstribulations

individuelles.

Commentçasefaitqu’unefilledes

beauxquartierscommeellesesoucie

delasouffrancequotidiennedes

toxicosenconvalescence?

Ellereprésentaituneénigmequ’il

avaithâtederésoudre.Sarobe-pull

texturéenelaissaitaucundoutesurle

faitqu’ils’agissaitd’unemarquede

luxe,etpourtantlestalonsdesesbottes

étaientbienusés.Lamanièredontelle

détachasescheveuxbrunsetdontelle

retirasesbouclesd’oreilleaudébutde

laréuniondonnaitl’impressiondefaire

partied’unesortederitueldedétentedu

soir,commes’ils’agissaitdequelque

chosequ’ellepouvaitfaireenrentrant

dutravail.Sasacochecontenantun

ordinateurportablelaissaitpenser

qu’elletravaillait,maisiln’avaitaucune

idéedudomainedanslequelelle

évoluait.Lespetitsdétailsqu’ilglanait

enl’étudiantéveillaientsacuriositéetle

faisaientsouhaiterquelaréunionse

terminepourpouvoirluiposerdes

questions.

LorsqueGarylesenjoignitenfinà

formeruncerclepourlaprièremarquant

lafindelaréunion,unsentimentde

paniqueserrasapoitrine.Ilplantases

onglesdanslapaumedesamainpour

empêcherqu’ilneserépandedanstout

soncorps.

Etsielleessayederevenirsurson

engagementparrapportàmoi?

Maisunefoislaréunionterminée,

elleluisourit.

«Alors,tuassurvécuàtadeuxième

réunionNA.»

Àpeine.

«Ilmesemblequejet’aipromisun

café.»

«Etdesinformationssurtoi.»

Rebeccapenchalatêtesurlecôté,

fronçantsessourcilspourexprimersa

perplexité.

«Pasdesouci,sic’estcequetuveux,

maissitupréfèresparlerdecommenton

va...»

«Non.»

Ellelevasesdeuxsourcilsenguide

réponse,effaçantlalignequiétait

apparueentreeux,maisellen’insista

pas.

«Jeconnaisunpetitcaféviennoisà

quelquespâtésdemaisons.»

«Çameva.»

Ilpritsoncasqueetilsortitderrière

elle.

Unefoisqu’ilseurenttraverséla

premièrerue,elleseretournaetellelui

demanda:«Tuasdîné?»

«Non.»

Ilpouvaitgérercegenrede

conversationfaitedebanalités.Il

espéraitjustequ’ellenepenseraitpas

qu’ils’agissaitd’uneinvitationàparler

desaviepersonnelle.

«Jeterecommandevraimentleurs

sandwichs.Ouleurssoupes.»

Ellebaissalesyeuxversletrottoir,

seslèvrestressaillantavantdeformerun

rictustimide.

«Maislesdessertssontàtomber.»

DoncMmeParkAvenueaimaitle

sucré.

«Bonàsavoir.»

Lorsqu’ilsentrèrentdanslecafé,les

yeuxdeBeccas’écarquillèrentcomme

ceuxd’unenfantdansunmagasinde

jouets.Ellesedirigeadroitversles

dessertsetelleseléchaleslèvres.

«Ilyadelasachertorte2aujourd’hui.

»

«Onl’afaitecematindansl’espoir

quevousviendriez,Becca»,ditune

femmed’âgemoyenavecunlégeraccent

allemandquisetenaitderrièrele

comptoir.

«Est-cequejevousencoupeunepart

Beccahochalatête.

«Etest-cequevouspourriezaussime

donneruneautrepartàemporter,Gitta?

»

«Duresemainedeprévueautravail?

»

«Horrible»,répondit-elleenriant.

«Etjesupposequevousvoulezvotre

boissonhabituelle?»

Lajeunefemmehochadenouveaula

tête.

«Jesuistellementprévisible.»

Jusqu’ici,elledonnaitàEthan

l’impressiond’êtretout,saufprévisible.

Maisilétaitdisposéàobserverpouren

savoirplus.

Gittasetournaverslui.

«Etpourvotreami?»

«Justeuncafé»,répondit-il.Ilne

pouvaitrienavalerdeplus.

«Jel’apporteàvotretabledansune

minute.»

Gittaseretournapourcommencerà

fairemousserdulait.

Beccapritlamaind’Ethanpourle

conduireàunetable,maislecontact

avecsapeaudouceeutpoureffetdelui

couperlesouffle.Ilavaitvécutellement

longtempsdansunmondeoùlaplupart

desfemmessuppliaientpouravoirla

permission

de

le

toucher

que

l’indifférencecomplètequ’elleaffichait

parrapportàsonstatutdecélébritéle

choquait.Maisaprèstout,cen’était

peut-êtrepasunemauvaisechose.Si

ellenesavaitpasquiilétait,ilpourrait

baissersagardesuffisammentlongtemps

pourprofiterdufaitd’uncaféavecelle.

Iljetaunregarddanslasalle,mais

personnenelesregardaitoune

chuchotaitenlesmontrantdudoigt.

Aucunflashd’appareilphotode

paparazzi.Pasdepeurhonteusedevoir

lefaitd’avoirpartagéundessertavec

Beccafairelauneàlatélévisionle

lendemain.

Pourlapremièrefoisdepuisdes

années,ilsesentaitpresquenormal.

Ilposasoncasquesurunechaisevide

etils’assitenfacedelajeunefemme.Il

avaitbeauavoirenviedesedétendre,il

nepouvaitpasbaissertotalementsa

garde.

«Tuvienssouventici?»

«Çasevoittantqueça?»

«Rienqu’unpeu.»

Elleritdesaréponsepince-sans-rire.

«Turatesvraimentquelquechoseen

neprenantpasdelasachertortedeGitta.

C’estlarecettedesagrand-mère.»

«Jen’aipastrèsfaimcesderniers

temps.»

Ellehochalatêteetlestraitsdeson

visagesemirentàexprimerde

l’empathie.

«Ouais,unefoisquetuaseu

l’estomacretournépendantunesemaine,

ilfautunpeudetempspourquel’appétit

revienne.»

Ilsepenchaenavant,sescoudes

poséssurlatable,etilsemitàparler

plusbas.

«J’aitoujoursdumalàpenserque

quelqu’uncommetoicomprendsceque

jetraverseencemoment.»

«Pourquoi?»

Laréponserapidedelajeunefemme

lepritaudépourvu.Ilreculaetilfitun

gestepourdésignersonapparence.

«Parceque...»

«Parcequejen’aipaslatêtede

l’emploi?»

Avantqu’ilnepuisserépondre,Gitta

lesinterrompitenposantuneassiette

contenantunepartdegâteauauchocolat

etdeuxmugssurlatable.Delafumée

s’élevaitdelatassedecafénoir

d’Ethan,maisunepiledechantilly

saupoudréedecannellerecouvraitla

boissondelajeunefemme.

«Qu’est-cequec’est?»

Ellemélangeaunpeudelacrème

danssaboisson,puiselleléchasa

cuillère.

«Duchocolatchaudàlacannelleetà

lanoisette.»

«Jeconnaisquelqu’unquivaavoir

unemontéedesucrecesoir.»

Elleluienvoyaunsouriremalicieux

avantdeboireunegorgéedeson

chocolatchaud.Lorsqu’ellebaissason

mug,unepointedecrèmefouettéeétait

restéeattachéeauboutdesonnez.

Ethantentaderéprimerlerirequi

montaitdanssagorge,maisenvain.Au

lieudecela,illelaissasortiretiltendit

lamainpourprendreuneserviette.

«Tuasunpetittrucsurlenez.»

«Oh?»

Maisaulieud’avoirl’airhumiliéeet

dechercherunmiroircommeils’y

attendait,elleritavecluietilessuyason

nezavecuneserviette.

«C’estbon?»

Ilhochalatête,denouveausurpris

parsaréaction.Ilétaitenprésence

d’unejeunefemmequinesesouciaitpas

lemoinsdumondedesonapparence.

Elleétaittrèsdifférentedesfillesdela

hautesociétéavecquiilétaitalléau

lycéeoudesmannequinsetdesactrices

qu’ilavaitrencontréesaufildesans.

Ellebutuneautregorgée,enfaisant

plusattentioncettefois.

«Jeteprometsd’êtreunlivreouvert

pourtoi,alorsposetesquestions.»

Ilcroisasesbrasetils’enfonçadans

sachaiseenlaregardantgrignoterson

gâteau.Ilyavaittellementdechoses

chezellequil’intriguaient.Paroù

commencer?Maisunequestion

subsistaitdansuncoindesatête.

«Depuiscombiendetempstues

clean?»

«Deuxansetcentcinquantejours»,

répondit-ellesansleverlesyeuxdeson

gâteau.«Entouscascettefois-ci.»

«Tuasreplongé?»

Ellesemblaitsicalmeetsereinequ’il

n’auraitjamaispensécelad’elle.

«Ouaip.Lapremièrefois,mes

parentsm’ontforcéeàentreren

désintox.Suboxone3ettoutlebordel.Jen’aipasmislongtempsàtrouver

commentcachermespilulesetà

retomberdanscequej’aimais.»

«Alorsqu’est-cequiafaitquetuas

arrêté?»

«J’aifaituneoverdoseetj’aifailli

mourir.»

Ellecontinuaitàmangersongâteau

commesielleétaitentraindeparler

d’unejournéeennuyeuseautravailet

nond’uneexpériencequiavaitfaillila

tuer.

«Dansungrandbaldebienfaisance,

rienqueça.Lapresses’enestdonnéeà

cœurjoieavecça.»

«Etpourquoidonc?»

Cettequestionlafitmarquerune

pauseetleverlesyeuxdesonassiette.

Ellesoutintsonregardsuffisamment

longtempspourqu’ilserendecompte

quesesyeuxétaientplusvertsquebleus

cejour-là.

«Tuterappellescequej’aiditla

semainedernièreàproposdufaitde

prendrelapartieanonymeausérieux?»

«Oui.»

Sonmentontremblaetelledéglutit

avecdifficulté.

«Alorsrestons-enlà.»

Uneautrecouchedemystèreautour

d’elle.QuiqueRebeccapuisseêtre,elle

étaitsuffisammentcélèbrepourêtre

connueparlapresse.

«Bien.Alorsquestionsuivante.

Qu’est-cequetufaisdanslavie?»

«Jesuisassistantepourunmagazine

féminin»,dit-elleenlevantlesyeuxau

ciel.

«Pasleboulotdetesrêves?»

«Loindelà,maisaumoinsj’aiun

pieddanslemilieu.»

«Pour?Lamode?»

«Non.»

Ellenedéveloppapas,tournantplutôt

sonattentionverslesmiettesqui

restaientdesasachertortealorsqu’elle

engageaitsafourchettedansunedanse

répétitivedeplantage,d’écrasageetde

grattage.

«Questionsuivante.»

«Est-cequetuvoisquelqu’un?»,

laissa-t-iléchapperavantdeserendre

comptedecequ’ilétaitentraindedire.

Lescoinsdelabouchedelajeune

femmeselevèrentetelleleregardaà

traverssescils.

«Pourquoituveuxsavoir?»

Merde!

Cen’étaitpaslatournurequ’ilvoulait

queleurconversationprenne.C’était

unechosedes’entenirauxsujetssans

risquesliésauxNA,maiss’ilapprenait

qu’elleétaitcélibataire,ilauraitdumal

àgarderlesidéesclairesensa

présence.

«Hum,parcequejeveuxêtresûr

qu’aucunpetitamijalouxnevavenirme

traqueretmefrapperparcequeje

t’appelleaumilieudelanuit.»

LesouriredeBeccas’élargitpour

devenirtaquinetengageant.

«Aucunrisque.»

Aucunrisquepourquoi?Parce

qu’elleestcélibataire?Oupeut-être

qu’elleavraimentquelqu’undanssa

vie?

Ilétaittempsderamenerla

conversationversdessujetssansrisques

avantqu’ilnecèdeàlatentationetqu’il

neluiproposed’allerchezlui.

«Qu’est-cequiachangéentrela

premièreetladeuxièmefois?»

«C’étaitmadécision.»

Ellepoussasonassiettesurlecôtéet

ellesepenchaenavant.

«Jepensequec’estlachoselaplus

importantequim’aaidéeàresterclean.

Jenefaispasçaparcequemesparents,

laloiouautremeforcentàlefaire.Jele

faispourmoi.Toutcedontj’aibesoin

estlà.»

Elletapotasapoitrine,au-dessusde

soncœur.

Unedouleurseformadanscelledu

jeunehomme.Ilrésistaàl’enviede

l’imiteretdeposerlapaumedesamain

sursescôtespoursoulagerladouleur.

C’étaitluiquiavaitdécidéd’arrêter

l’héroïne,maisilyavaitencoreune

voixaufonddeluiquiluidisaitqu’il

finiraitexactementcommeTy.

«Etsiçanesuffitpas?»

«Alorsilfautchercherdespetites

victoiresjouraprèsjour.Parexemple,

nepasfairehonteàtafamilleouàtes

amis.Ounepastedemanderoùest

passétonargentparcequetul’asdonné

àtondealer.Ounepasteréveillerà

côtédequelqu’unquetuneconnaispas

quetuasramenécheztoiparcequetu

étaisdéfoncé.»

Ilacquiesçaàchacundesexemples

qu’ellementionna,sachantdeparsa

propreexpériencecequ’onressentait

danscessituations,jusqu’àcequ’elle

évoquelasuivante.

«Ounepasavoiràabandonnertes

nu-pieds.»

«Tesnu-pieds?»

C’étaittellementridiculequ’unrire

ponctuasesparoles.

«Qu’est-cequeçapeutbienavoirà

voiraveclefaitderesterclean?»

Beccarougitetdétournaleregard.

«C’estunpeugênant.»

«Tuasditquetuseraisunlivre

ouvertetquejetecomprendraismieux

quelaplupartdesgens.»

«C’estvrai.»

Ellesemorditlalèvreetelle

s’enfonçadanssachaisecommes’il

venaitdeluidemanderlacouleurdeses

sous-vêtements.

«Lapremièrefoisquejesuisalléeen

désintox,c’étaitparcequemabelle-

mèreavaitremarquélesmarquessur

mesbras.Alorsquandj’aireplongé,je

suisdevenuepluscréativeavecles

endroitsoùjemepiquais.Tun’imagines

pasàquellevitessetupeuxplanerente

piquantentrelesorteils.»

Ilhochalatête,comprenantenfince

qu’elleavaitvouludire.

«Alorstesparentsn’avaientaucun

soupçonparcequetoutcequ’ils

voyaientc’étaitdesbrasintacts.»

Elleleregardaàtraverssescils.

«Oui,çaamarchéplusieursmois

jusqu’àceque...»

«Jusqu’àtonoverdose»,finit-ilsa

phrasedansunmurmure.

Sagorgeseserra,l’empêchantde

respirerlorsqu’ildit:«Àquelpointtu

asfrôlélamort?»

«J’avaisdescôtescasséesàcausede

laRCR4qu’onadûmefairepourmemaintenirenviejusqu’àl’arrivéedes

médecinsavecduNarcan5.»

Saréponseétaithonnête,directe,sans

laréservequ’elleavaitpumontreravant

cela.Maisellenelelibérapasde

l’impressionqu’ilressentaitd’avoirune

cordedeculpabilitéquiserraitsoncou

etsapoitrine.Commentavait-elle

survécualorsquesonmeilleuraminon?

S’ilavaittrouvéTyplustôt...S’ilavait

réagienvoyantlesindicesqui

montraientqu’ilselaissaitdeplusen

plusensorcelerparl’héroïnesansse

soucierdesquantitésqu’ilprenaittant

qu’ilplanait,est-cequesonmeilleur

amiseraitencorelà?S’ill’avaitjuste

surveillédeplusprès,s’illuiavaitpris

sesaiguilles,est-cequecelaauraitfait

unedifférence?

S’ilavaitacceptél’invitationdeTyet

qu’ilétaitretournédanssonappartement

cesoir-làpoursedrogueraveclui,est-

cequeleschosesseseraientpassées

différemment?Est-cequ’ilauraitpu

appelerle9116etlesauvercommelesmédecinsl’avaientfaitavecRebecca?

Ouest-cequ’ilauraitsuivisonmeilleur

amicommeill’avaittoujoursfait,même

danslamort?

Ilfermalesyeuxpourbloquertousles

scénariosquidéfilaientdanssatête,

maissonsentimentdeculpabiliténe

s’apaisaitpas.Etlaseulesolutionqu’il

arrivaitàtrouverconsistaitàécouterla

petitevoixintérieuretentatricequi

essayaitdel’attirerpourqu’ilretombe

danssesancienneshabitudes.Unedose,

c’étaittoutcedontilavaitbesoinpour

fairetairel’angoisse,ledoute,la

douleur.

Lasueursemitàperleràlanaissance

desescheveuxetilluttacontreles

démonsquiluiétaientdésormais

familiers.Lapaniquecouraitdansses

veinescommeuncourantélectrique,

mettanttoussesnerfsàvif.Ilserrales

poings,

luttant

contre

l’envie

grandissantedetoutlaissertomber.

Puis,unemainfraîchecouvritla

sienne,letiranthorsdutourbillonqui

menaçait

de

l’attirer

dans

les

profondeurs.

IlouvritlesyeuxetilvitBeccaen

traindeleregarder,l’inquiétudegravée

sur

les

coins

de

sa

bouche

habituellementsouriante.Sesmots

dégageaient

un

sentiment

de

compréhension

remplie

de

sens

lorsqu’elledit:«Jesaisquec’estdur,

maisnecèdepas,Ethan.»

Ilreculasamaind’ungestebrusque.

«Etqu’est-cequetuensaisputain?»

«Jesuispasséeparlà,tutesouviens

Ellesereculaverssoncôtédela

table.

«Dis-moicequivientdesepasseret

peut-êtrequejepeuxt’aideràle

surmonter.»

Lefaitqu’ellepensaitqu’ilavait

besoindesonaideleremplissaitde

rage.C’étaitluiseulquiavaitdécidéde

devenirclean.Ilavaitfairesacurede

désintoxicationseul.Etilpouvait

surmonterl’enviequiledévorait,seul

aussi.

«Jen’airienàtedire.»

Ilsortitquelquesbilletsdeson

portefeuilleetillesjetasurlatable

avantdeprendresoncasqueetdese

dirigerd’unpaslourdverslaporte.Ilen

avaitmarredetoutescesfoutaises.

«Arrêtetoutdesuite»,luicriaune

voixdefemmesévèrederrièrelui.

Ils’arrêtaunefractiondeseconde

avantqueBeccanelesaisissepar

l’épauleetnel’obligeàseretourner.

«C’estquoitonproblème?»,

demanda-t-elle,lecorpsraidiparla

colère.

«Peut-êtrequec’esttoimon

problème.»

«C’estdesconneries,ettulesaistrès

bien.»

Chacunedesesparolesétaitponctuée

paruncoupdesondoigtaumilieudu

torsedujeunehomme,faisantreculerce

dernierdanslaruellequisetrouvait

entrelecaféetlebâtimentvoisin.

«Tuestellementencolèreaprèsle

mondeentierquetuesprêtàrejeterla

fautesurtoutlemonde,saufsurtoi.»

Ilavaitétéélevéavecl’idéequ’ilne

fallaitjamaisleverlamainsurune

femme,maiselleserapprochait

vraimentbeaucoupdufaitdelepousser

suffisammentàboutpourqu’ilenvisage

delapousserpourqu’ellelelaisse

passer.Aulieudecela,ilseredressa

afindeladominerdetoutesatailleetil

baissalavoixpourlancerunemiseen

gardesinistre.

«Etc’estlàquetutetrompes.»

Maisaulieudebattreenretraite,elle

secampasursespieds,sonvisageà

quelquescentimètresdusien.

«Alorsprouve-le.»

L’intimidationnemarchaitpasavec

elle,etl’espaced’unesecondeillutta

contre

l’envie

irrépressible

de

l’embrasser.Peut-êtrequecelala

choqueraitassezpourqu’ellelaisse

tranquille.Maisilgardasesbraslelong

desoncorps,sesyeuxtoujoursvrillés

danslecombatderegardsdanslequel

ilss’étaientlancés.

«Toid’abord.»

«Bien.Jeneconnaispastonhistoire

parcequetuneveuxpasmemaraconter,

maisGaryensaitassezsurtoipour

penserquejepourraist’aider,etjefais

confianceàsonjugement.»

«Tuveuxquejem’ouvreetpourtant

tuasvolontairementéludéplusieursde

mesquestions.Commenttuveuxqueje

tefasseconfiancealorsqu’ilestévident

quetoitunemefaispasconfiance?»

Iltournasursestalonsetilfittrois

pasavantqu’ellenecriesonnom.Sa

têteluidisaitdecontinueràmarcher,

maisquelquechosed’autrelefit

s’arrêter.

«Tuasraison»,dit-elleetles

défensesd’Ethansefissurèrent.

Ilavaitétésiprochedetoutenvoyer

audiable,etavectroispetitsmots,elle

avaitréussiàapaiserlaragequi

bouillaitenlui.

Elles’approchalentement,décrivant

descerclesautourdeluienrestanthors

deportéedesesbrascommesielle

s’attendait

à

ce

qu’il

fasse

un

mouvementbrusqueversellesielle

s’approchaittropprès.L’expressionsur

sonvisagerestaitméfiantetandisqu’elle

l’étudiait.

«Est-cequejepeuxtefaireconfiance

Ilinspira,puisilretintsarespiration

tandisqu’ilévaluaitcequeluicoûterait

lefaitd’écouterunautremotdeBecca.

Jusque-là,elleavaitréussiàallerau-

delàdel’imagequ’ilsedonnait,plus

quetouteslesfemmesqu’ilavait

connuesjusque-là-àlafoissurleplan

positifetsurleplannégatif.Ets’illa

laissaitfaire,ellecontinueraitàenvahir

saviepersonnellejusqu’àcequ’elle

connaissetoussessecrets.

Maiss’ilconnaissaitundeses

secrets,ilpourraitexploitercelui-cisi

elleserapprochaittrop.

«Tupeuxavoirconfianceenmoi.»

Elle

regarda

les

passants

qui

marchaientsurletrottoirderrièreeux

par-dessussonépauleavantdele

pousserplusloindansl’allée.L’odeur

desorduresendécompositionflottait

autour

d’eux,

mais

elle

donnait

l’impressiondenepass’enrendre

compte.

«Tuasentenduparlerdeshôtels

Shore?»

«Quinelesconnaispas?»

Ilavaitséjournédanssonlotde

chambresdechaînesd’hôtelsdeluxe

quandilpartaitentournée.

«Mongrand-pèreenestlefondateur.

»

«TuesBeccaShore?»

Saconfessiondéclenchaunesériede

prisesdeconsciencequiluifitl’effet

d’uncoupdetonnerre.Lesimagesd’une

héritièreblondeauteinthâléetfêtarde

quifaisaitlebonheurdestabloïdes

quelquesannéesplustôtapparurentdans

sonesprit.Ellessemblaienttotalement

enoppositionaveclafemmecalmequi

setrouvaitenfacedelui,maislorsqu’il

l’examinadeplusprès,ilreconnutson

visage.Ilétaitunpeuplusrondetelle

avaitéchangésonbronzagecontreun

teintivoireparfait,maislesyeuxétaient

identiques.

Ellepassasesdoigtsdansses

cheveux,uncoindesabouchese

soulevantdansundemi-sourire.

«Tuveuxvoirmonpermisde

conduire?»

«Non,jetecrois.»

Etplusimportant,ilcomprenaitenfin

pourquoiGaryavaitsuggéréqu’elle

l’aidejusqu’àcequ’iltrouveunparrain

ouunemarraine.Siquelqu’unsavaitce

quesignifiaitrestercleanavecla

pressiondelacélébrité,c’étaitbien

elle.

«Alors,qu’est-cequit’estarrivé?»

Ellefitpassersescheveuxpar-dessus

sonépauleetsacolonneseraidit.

«Pardon?»

«Jeveuxdire,jenepouvaispas

ouvriruntorchonremplidecommérages

sanslirequelquechosesurtoi,etpuis

d’unseulcoup-Bam!Tuasdisparu.

Qu’est-cequiestarrivéàl’arméede

paparazzisquitesuivaitetquiteprenait

enphotoquandtuneportaispasde

sous-vêtements?»

«

Après

mon

overdose,

j’ai

volontairement

fait

en

sorte

de

disparaîtreuncertaintempspour

pouvoirréglermesproblèmes.Jesuis

entréedansuncentre.Quandj’ensuis

sortie,j’aicommencéàattachermoins

d’importanceàcequelesautres

pensaientdemoietàenattacherplusà

cequemoijepensaisdemoi.J’ai

changémonlook,j’aiterminémes

études,j’aitrouvéunboulot,toutçaen

mefaisantdiscrète.»

Ellehaussalesépaules.

«C’estplutôtagréabled’êtrenormale

pourchanger.»

«MaisturestesuneShore.»

«Oui,maismaintenantjesuis

tellementennuyeusequelapresseme

laissetranquille.Enplus,jenepense

pasqu’ilsmereconnaitraient.Tune

m’aspasreconnue.»

Maisest-cequ’ellel’avaitreconnude

soncôté?Ilcherchaunsigneindiquant

quec’étaitlecas,maisilnevitrien.

Soitelleétaitcomplètementnulle,soit

elleétaittotalementinsensibleàson

statutdecélébrité.Peuimportaitàen

jugerparlamanièredontsesépaules

s’étaientdétenduesaprèsavoirappris

quielleétait.Mêmesiellesavait,ilne

pensaitpasqu’ellerévéleraitdes

informationsleconcernantàlapresse.

«Alors,çat’aide?»,demanda-t-elle.

«Beaucoup.»

«Bon,onsevoitlasemaine

prochaine?»

«Peut-être.»

Ilétaittempsdepartiravantqu’elle

necommencedenouveauàs’intéresser

detropprèsàsavie.

Ellelesaisitparlebrasetellele

forçaàs’arrêter.

«S’ilteplaît.»

Desparolestellementsimples,et

pourtantilétaitétranged’entendreune

richehéritièrelesprononcer.

«Pourquoi?»

«Parcequejeveuxt’aiderautantque

jelepeux.Maisjenepeuxrienfairesi

tum’enempêches.Mêmesilesréunions

nesontpastatassedethé,jesuislàsitu

asbesoindequelqu’unàquiparler.»

Ellelâchasonbrasetellereculad’un

pasverslecafé.

«Jeferaismieuxd’allerchercher

cettetranchedesachertorteavantque

quelqu’und’autrenelaprenne.»

Unepartiedeluimouraitd’enviede

lasuivreetderetourneravecelledans

lecaféetdetoutluidireautourd’un

autremorceaudegâteau,maislapeuret

lafiertéleretinrent.Iln’étaitpasprêtà

luifaireconfiance.

Pasencore.

Maisilseraitprêtàenvisagerdelui

proposerd’allerprendreuncaféla

semainesuivante,neserait-cequepour

ensavoirplussurlamanièredontelle

avaitréussiàéchapperàlapresse

pendanttoutescesannéesetàfairesa

vie.

1Hell’sKitchen:QuartierdeManhattan,àNewYork2Sachertorte:Unesortede

gâteauauchocolat3Suboxone:

Traitementdesubstitutionauxopioïdes4

RCR:Réanimationcardiopulmonaire5

Narcan:Traitementdesubstitutionaux

opioïdes6911:NumérodessecoursauxÉtats-Unis

ChapitreTrois

Beccatapotaitsacuisseavecson

stylotandisqu’ellesetenaitappuyée

contrelemurdanslasallede

conférence.C’étaitunlundi,lejouroù

larédactricechefdumagazineModerne,

ElaineHalpern,écoutaitlesidées

d’articlesdesonéquipeetqu’elleles

approuvaitouqu’ellelesdescendaiten

flammes.Entantqu’assistante,on

attendaitdeBeccaqu’elleprennedes

notesetqu’ellerecherchedesarticles

pourlesrédacteurs.Ellen’avaitpasle

droitdeprésenterdesidéesd’articles.

Maiscelanel’arrêtaitpas.

«Etpourquoipasunarticlesurla

manièredontleministèredesAnciens

Combattantsn’estpas]lahauteurpour

cequiestdesproblèmesdesantéqui

touchentlesfemmes?»

Elainesecoualatête.

«Tropsérieuxpournoslectrices.

Suivant.»

Beccagrinçadesdentsetsereferma

surelle-même.Toutcequ’elleproposait

étaittropsombreoutropsérieuxpour

leurslectrices.Etd’ailleurs,quelle

catégoriedepersonnesessayaient-ilsde

satisfaire?Siellesebasaitsurles

thèmesinsipidessurlesquelsonlui

demandaitdefairedesrecherchestoutes

lessemaines,ellesedemandaitsileurs

lectricess’intéressaientàautrechose

qu’àlamodeetausexe.

«Çan’al’airpasmalcommeidée,

Hilde.Rebeccapeutrechercherdes

infospourtoi.»

Son

attention

se

reporta

immédiatementsurlaréunionàla

seconde

elle

entendit

Elaine

prononcersonnom.Dommagequ’elle

n’aitpasentenducequ’elleétait

supposéerechercher.Elleessayade

resterconcentréependantqueles

rédacteurslançaientd’autresidéesavant

quelaréunionnesetermine,sonesprit

devenantplusindifférentàchaquesujet

approuvé.

Pourquoiest-cequejen’aipaspu

décrocherunposteauTimeouchez

Newsweek?PourquoiModerne?

Parcequ’iln’yaqu’iciqu’onm’a

proposéunposte.

Touslesautreslavoyaientencore

comme

Becca

Shore,

la

fêtarde

toxicomane.Justeunautreobstacleà

surmontersurlecheminpourdevenir

unejournalisterespectée.

Sonlattedumatinsemélangeaavec

sonamertumepourformerunacidequi

luirongeaitl’estomac.Ellefermales

yeuxetelleseconcentrasurlespoints

positifsavantquecetteamertumene

s’exprimeparunescènedugenreallez

tousvousfairevoir.

J’aiunpieddanscemonde,ilyadu

progrèsparrapportàavant.

J’aiunaperçudelamanièredont

fonctionnel’universdelapublication

demagazines.

Jemefaisdescontactsetj’enrichis

monCV.

Jepourraiutilisercetteexpérienceà

monavantageplustard.

Une

sensation

de

sérénité

l’enveloppaitàchaquepenséepositive,

suivieparuneacceptationsereine.Le

faitd’entendresonnomlaramenaàla

réalité.

Hilde,unedesrédactrices,setenait

devantelle.Approchantlafindela

trentaine,ils’agissaitd’unefemme

éléganteetsophistiquéeavecdes

cheveuxauxmèchesparfaitesettoujours

impeccablementcoiffés,etsonvisage

montraitlesrésultatspositifsdeses

injectionsrégulièresdeBotox.La

réunions’achevaetlesautresrédacteurs

quittèrentlapièce.

«Entraindeméditersurleboulot?»

«Non,jeréfléchisjusteàdesidées.»

«Bien,parcequejevaisavoirbesoin

detonaide.»

Hildeluifitsignedelasuivrehorsde

lasalledeconférence.

«Aufait,tuasducranpourprésenter

desidéesd’articlesalorsquetues

assistante.»

«Ilfautbienquejecommence

quelquepart»,répondit-elleavecun

haussementd’épaules.

«Cen’estpascommesij’allaisme

fairevirerparcequejeproposequelque

chose.»

«Maistunemarquespasdepoint

aveclesautresrédacteurs.»

Beccabalayalebureaudesyeux,et

elle

surprit

deux

regards

désapprobateursquivenaientconfirmer

lamiseengardedeHilde.

«Qu’est-cequilesinquiètent?Ce

n’estpascommesiElaineavaitdéjà

acceptémesidéesdetoutefaçon.»

«Jenefaisquetedonnerunconseil

amical.»

Hildesepenchaetbaissalavoix:«

Detoiàmoi,jetrouvequetesidéesfont

réfléchir,mêmesiellesneconviennent

paspourcemagazine.Continuede

chercherdesbonsarticlescommeça,

peut-êtrequetufinirasquelquepartoù

onapprécieratonenthousiasme.»

Siseulement...

«Tuveuxdirequetunem’apprécies

paspourlemoment?»,taquina-t-elleen

retour.

«Jet’apprécieraiencoreplussitu

peuxm’aideràfairedesrecherchessur

cessujets.»

Elleouvritsoncarnet.

«Articleun:Commentprendrele

selfieparfait.»

Beccaretintungrognementetnotale

sujet.

«Jem’enoccupe.»

«Génial,etquandtuaurasterminé

avecça,tupourrasm’aideravec

l’articlesurlemaquillageàlamode

pourlesvacances.Maisd’abord

j’aimeraisunlatted’enbas.Tusais

combienjelesadore.»

Hildepartitsansajouterquoiquece

soit.

Beccaserrasesomoplatesetse

répétalalistedepointspositifsqu’elle

avaitdresséeplustôtavantdedescendre

verslecafé.

Aprèsavoirétéchercherlelatteàla

vanillemoyendoubledosesansgras,

sanssucreetsansmoussedeHilde,

Beccas’installadanssonboxetmitses

écouteurs.Lamusiquequisortaitdeson

iPodShuffleremplitsesoreilleset

couvritlesbavardagesautourd’elle.

Unerecherchesurinternetluipermitde

trouverdestonnesd’astucessurla

manièredontprendredesselfiesetla

plongeadansunmonded’angles

d’appareilphoto,d’expressions,de

filtresetdetechniquesderognage.

Elleapprochaitdelafindecequi,

elle

l’espérait,

représenterait

suffisammentd’informationslorsquele

rythmefortetentraînantd’unechanson

deRavinia’sRejectssefitentendre.Elle

serassitetellebougealatêteenrythme

aveclamusique.Ellefutinstantanée

transportéedanslepassé,àl’époque

insoucianteoùelledansaittoutelanuit

surdeschansonsdecegenredansune

boîtedenuit,unverreàlamain,àune

dosedel’extase.

L’enviefamilièrebrûlaitdansuncoin

desatête.Peuimportedepuiscombien

detempselleétaitclean,ellese

souviendraittoujoursdelasensation

agréablequeprocuraitladrogue.Elle

serrasesdoigtsautourdesaccoudoirs

desachaisejusqu’àcequel’envie

disparaisse.Heureusement,elleavaitsa

réunionNAlesoir-même.Lesimplefait

delesavoirl’aidaàrepousserce

souveniretàallerdel’avant.

Lachansonseterminaaumomentoù

sesdoigtssereposaientsurleclavier,

maisaulieudecontinueràfairedes

recherchespourl’article,ellesaisit

Ravinia’sRejects’danslechampde

recherche.Enhautdelalistese

trouvaientdesarticlesàproposdudécès

tragiqueduguitariste,TylerBrandsford,

quidataitdumoisprécédent.Laplupart

desarticless’interrogeaientsurune

éventuelleséparationdugroupe,mais

d’autresencoreparlaientdufaitqu’ils

allaientsortirdeschansonsqu’ils

avaientenregistréesaumomentdesa

mort.

Ellecliquasurundesarticlesqui

indiquaitquelacausedudécèsétaitune

overdosed’héroïne,etellepoussaun

soupiraffligé.Untelgâchisdetalent.

Ellepoursuivitparuneprièrede

remerciementpournepasavoirsubile

mêmedestin,puisellecontinuaàlire.

L’articleparlaitd’EthanKelly,le

chanteurdugroupe,etindiquaitqu’il

était

entré

dans

un

centre

de

désintoxicationpeudetempsaprèsla

mortdeTy,etqu’ils’ytrouvaitdepuis

lors.Enregardantunephotoduleader

dugroupe,elleremarquaseslongs

cheveuxnoirsetsesyeuxgris

tourmentés,etellefutfrappéepar

l’impressiontenacedeleconnaître.Au

début,elleritparcequ’elleétaitfandu

groupedepuisleurpremieralbum,mais

pluselleregardaitlaphoto,pluscette

sensationamplifiait.

Elle

cliqua

sur

l’image

pour

l’agrandir.Unnœudseformadansson

ventreetlespoilsdesesbrasse

dressèrent.Quelquesclicsplustard,elle

chargeaitlaphotodansunprogramme

d’éditionetelleeffaçaitlescheveux.Sa

respirationdevintdifficilelorsqu’elle

vitl’hommesurl’écranentraindela

regarderd’unairrenfrogné.

Merde!

PasétonnantqueGaryluiaitdemandé

d’êtrelamarrained’Ethan.

C’étaitEthanKelly.

***

Beccamarchaitd’unpasrapidesurle

trottoirbondé,despapillonsencoredans

leventredesheuresplustard.C’était

unechosesesavoirqu’onluiavait

demandéd’êtrelamarrained’unhomme

quiavaitdesproblèmes.C’enétaitune

autresicedernierétaitundieudurock

qu’ellevénéraitdepuissonadolescence.

Parpitié,nemelaissezpasme

transformerenuneidiotequin’arrête

pasdejacasserquandilestlà.

C’étaitcommesiellen’avaitpas

côtoyédecélébritésavant.Elleavait

grandienétantentouréed’acteurs,de

grandscouturiers,demannequinsetde

musiciens.Maisàquelquesrares

exceptionprès,ils’agissaitsurtout

d’amisdesesparents,pasdessiens.Et

mêmeàl’époqueoùellefaisaitlafête,

ellen’avaitjamaisvraimentrencontré

quelqu’unqu’elleidolâtraittotalement.

Remets-toi,Becca.Tun’esplusune

ado.Enplus,situluilèchelesbottes

comme

une

fan

complètement

hystérique,ilvas’enfuirencourantet

ilvafaireunerechute.

Cettepenséel’arrêtasursalancée.

Plusquetout,elledevaitfaireattentionà

cequ’elledisaitetàcequ’ellefaisaiten

saprésence.Ilétaitextrêmementfermé

lorsqu’ils’agissaitdeparlerdelui.Il

suffiraitqu’ilsentequ’elleconnaissait

sonidentitépourqu’ilparteavantmême

qu’ellenepuissefairequoiquecesoit

pourl’arrêter.Ets’ilfinissaitcommecet

autremembredesongroupe...

La

culpabilité

calma

ses

étourdissementsetladégrisafaceàla

réalitédelasituation.Elleavaitétéàsa

place.Ellesavaitcequec’étaitde

vouloirsecacherdelapresse

suffisamment

longtemps

pour

se

retrouver.Etellesoutiendraitsa

décisiondefairelamêmechose.

Elleadoptadenouveaulerythme

rapidedesescompatriotesnew-yorkais

enseconcentrantplutôtsurlamanière

dontrassurerEthansurlefaitqueson

secretétaitbiengardéavecellesans

évoquerlesujet.Lorsqu’ellearrivaà

l’égliseoùsedéroulaientlesréunions,

elleseretournapourrentreràl’intérieur

sansprêterlamoindreattentionauxrues

autourd’elle.

«Salut,Bec»,lançaunevoixdepuis

leborddutrottoir.

Ellefitvolte-faceetellevitEthan,

chevauchantsamotomêmesilemoteur

étaitéteint.Ilretirasoncasqueetil

s’approchad’elle.

«Jet’attendais.»

«C’eest...C’estvrai?»,bredouilla-

t-elle.

Ellesentitunevaguedechaleur

remontalelongdesoncou.Ellebloqua

sesgenouxpournepass’évanouir

commeunefantotalementstupide.

Allez,Becca,secoue-toi.

Lesourirequ’illuiadressan’aidapas

à

ralentir

son

rythme

cardiaque

trépidant.Ilavaittoujourseul’air

dangereux.Unpeubrut.Maiscetaperçu

raredesesdentsblanchesnacréesluifit

perdresesmoyens.

«Jen’osepasentrerlà-dedanstout

seul.»

«Oh,ouais.»

Ilnes’intéressaitàellequeparce

qu’elleétaitunsystèmedesoutien,rien

deplus.Unefoisladéceptionunpeu

passée,elleréalisaqu’ils’agissait

probablementd’unebonnechose.Lefait

deconnaîtrelesbarrièresmisesenplace

l’empêcheraitdefranchirleslimites.

Maisaumomentoùelleeutunevue

dégagéesurlesfessesd’Ethanmoulées

danssonjean,sespenséesdefemme

raisonnabledevinrentcelled’unefemme

rempliedelubricité.Mêmes’iln’avait

pasétéunbadboystardurock,elle

auraitquandmêmeeuenviedele

déshabiller.Cependant,elledevait

laisserceladecôté.Siellepouvait

résisteràl’héroïne,ellepourraitsans

l’ombred’undoutegardersondésir

pourEthanKellysouscontrôle.

«Belleplacedeparking»,lança-t-

ellemalicieusementdansunetentative

depréserverlalégèretéduton.

«J’aieudelachance»,répondit-il

sansseretourner.

Etilsétaientrevenusàdesréponses

minimales.Peut-êtrequec’étaitcequ’il

yavaitdemieux.

Cesoir-là,laréunionduramoins

longtempsqued’ordinairecarGary

avaitinvitéunintervenant.Nonpasque

cela

l’intéressait

beaucoup.

Ethan

s’avéraitêtreunetropgrandesourcede

distraction.Elleétaitenprésenced’un

deshommeslesplussexydecette

époque,commelefrèred’Ari,Gabe,

maisaucunautrenelarendaitaussi

nerveusequ’Ethan.

Elleseredressadanssachaise,

essayantdeconcentrersonattentionsur

l’intervenantplutôtquesurl’homme

assisenfaced’elle.

C’estjusteparcequec’estquelqu’un

quetuadmiresdepuisdesannéeset

queçafaitquatremoisquetun’as

couchéavecpersonne.Justela

mauvaisecombinaisond’unbéguinet

d’unepériodedevachesmaigres.Rien

deplus.

Puisellefitl’erreurdeleregarderdu

coindel’œil.Ilétaitentrainde

l’observeravecceregardintenseet

sombrequifaisaitdurcirsestétons.

Maisputain,ceseraitvraiment

fantastiquedepasserlanuitaveclui.

Elledétournalesyeuxenpoussantun

soupirexaspéréetellefitdesonmieux

pourl’ignorerpendantlerestedela

réunion.AumomentoùGaryrevintsur

l’estradepourremercierl’intervenant,

elleavaitpresqueoubliéEthan.

Bienévidemment,cefutlemoment

quecelui-cichoisitpourquitterlapièce.

Putain!

Ellefitunsourired’excuseàGaryet

ellecourutderrièreEthan.

Ilétaitdéjàsursamotoentrain

d’attachersoncasquelorsqu’ellele

rattrapa.

«Tuespressé?»,demanda-t-elle.

«Jenepriepas.»

Ilfitdémarrerlemoteuravecun

grognementdecolèrequiaccentua

l’angoissequiavaittransparudanssa

réponse.

C’étaitquelquechosequ’ellepouvait

gérer.Elleavaitpassélamajeurepartie

delasemaineàseprépareràgérerla

colèred’Ethan,etlefaitdemettreson

planàexécutionétaitexactementcedont

elleavaitbesoinpourfairedisparaître

labrumedudésir.

«Trèsbien.»

Illâchal’accélérateuretilpenchala

têtesurlecôté.

«Quoi?Pasdequestions?Pasde

tentativespourquejetedisepourquoi?

»

Ellesecoualatête.Lasemaine

précédenteluiavaitapprisqu’ilne

donnaitdesinformationsvolontairement

quelorsqu’ilétaitprêtàlefaire.Les

questionsnefaisaientqu’empirerles

choses.Maisàprésent,ellecomprenait

pourquoi.

Ilserassitsursamoto,fronçantles

sourcilscommesiellevenaitjustedele

frapper.

Trentesecondesdesilencegêné

s’écoulèrentavantqu’ellenepasseà

l’étapesuivantedesonplan.

«Jevaisallermangerungâteauet

prendreuncafé.Tueslebienvenusitu

veuxveniravecmoi.»

Ellesetournaitpoursedirigerversle

cafédeGittalorsqu’unemaingantée

saisitsonpoignet.

«Jepeuxt’emmenerfaireuntour»,

proposa-t-il.«Enfin,situn’aspastrop

peur.»

Elleeutunpetitrire.

«Qu’est-cequitefaitpenserça?»

«Jaimeallervite.»

Derrièrecedéfi,ilyavaitunpeude

flirt.

Unpicotementdélicieuxremontale

longdelacolonnedeRebecca.

«Moiaussi.»

«Prouve-le.»

Iltenditsamainderrièreluipour

prendrelecasquesupplémentaireetille

posadanslesmainsdelajeunefemme.

Ellemorditsalèvreinférieuretouten

faisantcourirsesdoigtssurlafibrede

verrelisse.Est-cequ’ellearriveraità

gardersesespritspendantqu’ils

traverseraientlesruesdeManhattanà

touteallure,sesbrasautourdesataille,

sescuissescolléescontrelessiennes?

Celaressemblaitauxpréliminaires

ultimes,mêmesicen’étaitquepour

quelquespâtésdemaisons.

Maisd’unautrecôté,siellepouvait

leconvaincredeprendreuncaféavec

elle,peut-êtrequ’ellepourraitégalement

fairedesprogrèsdansleprocessusde

guérisond’Ethan.Elleenfilalecasque.

«C’estbon.»

Uneminuteplustard,elleavaitcollé

sasacochecontresapoitrineetelle

montaitderrièrelui.Mêmeàtraversle

cuirépaisdelavestedujeunehomme,

ellepouvaitsentirsesmusclesfinset

durs.

«Attends»,cria-t-elleunefractionde

secondeavantqu’ilsneprennentla

route.

Lavitesseréveillalesentiment

d’euphorieendormidepuislongtemps

qu’elleavaitenfouienelledesannées

plustôtlorsqu’elleavaitabandonnéson

modedeviedébridé.Ellerésistaà

l’enviedeleversesbrasenl’airetde

hurlerdejoie.Aulieudecela,elle

laissasesbrasautourdelataille

d’Ethan,penchantsoncorpsd’uncôtéet

del’autretandisqu’ilsslalomaientsur

lesfilesdevoitures.L’airfraisde

l’automne

traversa

ses

vêtements

lorsqu’ilsaccélérèrentdanslarue,et

elleserapprochadelui,respirantles

odeurschaudesdesonparfumetducuir.

Labaladeseraitfinieplusvitequ’elle

nel’auraitvoulu,maispendantcecourt

instantprécieux,ellesavourale

sentimentdelibertéqu’illuioffrait.

***

L’entrejambe

d’Ethan

palpitait

lorsqu’ilentrasurleparkingsituéà

proximitéducafé.Àquoiavait-ilbien

pupenserenproposantunebaladeà

Becca?Ilétaitdéjàsuffisamment

problématiquequ’ellecontinuede

s’immiscerdanssespenséesquandil

étaitallongédanssonlittouslessoirs.

Maissentirsoncorpsappuyécontrele

sien,voirlamanièredontellen’avait

paseupeurnidereleversondéfinide

fairedelamotoaveclui,entendre

l’excitationdanssarespirationàchaque

virage,toutcelal’avaitrenduplusdur

qu’unlycéendécouvrantdupornopour

lapremièrefois.

Elledescenditdesamotoetelle

retirasoncasque.Labaladeavait

ébouriffésescheveuxetelleressemblait

encoreplusàunepetitebombesexy,et

unautresursautdedésirarriva

directementverssaqueue.

«C’étaitamusant»,dit-elleavecun

grandsourireavantdetendresoncasque

àEthan,«maislaprochainefois,c’est

moiquiconduitetquit’emmènefaire

unevirée,petitcon.»

«T’assacrémentintérêt.»

Ilaccrochalecasquequ’elleluiavait

rendu

à

l’arrière

de

sa

moto,

reconnaissant

pour

les

quelques

secondesquecettetâcheautomatiquelui

offraitpourpermettreàladouleurqu’il

ressentaitdanssaqueuedesecalmer.

Lorsqu’ileutterminé,ilputdescendre

desamotosansgrimacer.

IltrouvadenouveauBeccaentrainde

baverdevantlesdessertslorsqu’ilentra

danslecafé.

«Beaucouptropdechoixquiontl’air

délicieux»,murmura-t-elle.

«Maisjeconstatequ’ilsn’ontpasta

sachertortecesoir.»

«Cen’estpasgrave.Ilyaencore

beaucoupdechoix.»

Ellemontradudoigtunplateaurempli

depetitsgâteauxrosesdeformecarrée.

«Punschkrapfen.»

Puisunchaussonàlacerise.

«Weichselstrudel.»

Sonamourévidentpourlesdesserts

dissipal’humeursombrequiavaitpris

lecontrôlesurluipendantlaréunion,et

ilsesurpritàrire.

«Pourquoij’ail’impressionqueje

doisajoutergesundheitàlafindunom

detoutesceschoses?»

Elleluidonnauncoupdecoudeet

elleluilançaunsourireencoinavantde

reporterdenouveausonattentionvers

lesdesserts.

«Jepensequejevaismelaisser

tenterparleDobostortecesoir.»

«Trèsbonchoix»,ditGittaderrière

lecomptoir.«Etpourvous?»

«Justeuncafé.»

IlrejoignitBeccaàunetablesituée

dansuncoinquiétaitcachéedelavue

dequasimenttoutlecafé,etilremarqua

lamanièredontelletenditsoncoupour

observerlerestedelasallederrièrelui.

«Tescoinspréférésontété

découverts?»,taquina-t-il.

«Non,j’étaisplusinquiètepourt...».

Labouchedelajeunefemmese

refermabrusquement,maispasavant

qu’iln’aitdevinélederniermot.

Lesmusclesdesondossebloquèrent.

«Etpourquoitut’inquièteraispour

moi?»

Ellesemorditlalèvreellepassases

mainsdanssescheveux,sansjamais

croisersonregard.

«Tuasl’airdevouloirvraiment

protégertavieprivée,c’esttout.Etje

veuxêtrecertainequetupeuxdéguster

unetassedecafésansêtredérangé.»

Latensionenvahitlesépaulesd’Ethan

etsepropageadanssonestomac.

«Est-cequ’ilyaquelquechosej’ai

besoindesavoir?»

Letondesavoixétaitdevenu

accusateur,maissiquelqu’unavaitdità

Beccaquiilétait,illaisseraittomber

touscesfichustrucdesNA.

Ellefinitparleregarderavecdes

yeuxbleu-vertfrancsetellesecoua

lentementlatête.

«Tusaisquijesuis,ettusaisàquel

pointjefaistoutpourprotégermavie

privée.Jeveuxjustefairelamême

chosepourtoi.»

Les

nœuds

dans

son

ventre

disparurent,maispourtantiln’étaitpas

encoretotalementdétendu.Quelque

choseavaitchangédepuislasemaine

précédente,etpendantuninstantilfut

tentédeluidemandersiellevoulait

remontersursamotoetroulerjusqu’àce

quelesoleilselève.Mêmesicela

risquaitderendresestesticulesbleus,il

préféraitcelaplutôtquecequ’ilyavait

dansl’airentreeux.

Gittaamenaleurcommandeàleur

table,etBeccasejetasursongâteau.

«Tun’asrienprisàmanger?»

«Jenesuispastropfandesucré.»

«J’auraispuledeviner,maisjeme

suisditquetuauraispuêtrepartantpour

lechaussonauxgriottes.»

«Desgriottes?»

«Humhumm»,dit-elleavant

d’avalerunegrossebouchéedeson

gâteau.

«Tuasl’aird’êtredugenreàaimer

lestrucsacides.»

Doncilsrevenaientauxtaquineries.

«C’estvrai?D’unautrecôté,toitu

esdéfinitivementàfondsurlesucré.»

«Commetupeuxledevinerenvoyant

moncul.»

Ilsepenchapourétudierlaformede

sescuissesetlamanièredontellesse

fondaientenunculsouple.

«Riendenégatifdececôté-là

d’aprèscequejevois.»

Elles’étouffaavecsonchocolat

chaudsurmontédechantilly.Sonvisage

semitàrougirtandisqu’elleluttaitpour

essayerdereprendresarespiration.

«Est-cequetuesentraindeflirter

avecmoi?»

«Est-cequeçatedérange?»

Elleneréponditpas,maisilsurprit

l’esquissed’unsourireavantqu’ellene

couvresaboucheavecsatasse.

«Comments’estpasséetasemaine?

»

«Pourrie.»

Ils’attendaitàcequ’elleluidemande

dedévelopperouàcequ’elleessaye

peut-êtredeletaquinerpourconnaître

desdétails,maisellecontinuadele

regardersansdireunmot,sessourcils

arquésdansuneexpressionexpectative.

Lorsquelesilenceseprolongea

jusqu’àuneminute,lachaleurqui

montaitdepuislabasedesacolonne

l’obligeaàsetrémoussersursachaise.

Ilsedétournaavantqu’ellenepuisse

voiràquelpointilétaitdevenumalà

l’aiseàcaused’unequestionaussi

simple.

Pourrienesuffisaitmêmepasà

décrirelasemainequ’ilvenaitde

passer.Entrelefaitdelutterpour

composer

de

la

musique

sans

s’abandonneràsamuseetlefaitde

devoirfaireaveclesappelsincessants

desamèreetdesonfrèreaîné,Adam,il

pouvaitsentirlesfissuresentraindese

formerdanssafinecarapacede

sobriété.Iln’arrivaitpasàdormir,pas

sansseréveilleravecdessueursfroides

etenregrettantdenepasavoirunsachet

deSweetDreams.Aulieudecela,il

revoyaitdesimagesdel’instantoùil

avaitretrouvésonmeilleuramisansvie

aveclesyeuxgrandsouverts,une

aiguilleencoreplantéedanslebrasetil

ressentaitalorsuneenviedechassertout

celadesonesprit.

Ilpassasamainsurletatouagequise

trouvaitsursonbrasgaucheetilrépéta:

«Pourrie.»

«Tuterapprochesdel’étapedu

premiermois,c’estça?»

Aprèsqu’ileuthochélatête,elle

ajouta:«Resterclean,c’estcommeune

résolutiondunouvelan.Ilyadesgens

quiréussissent,maislaplupartd’entre

nousseplantentàcepremierobstacle

autourdeladateanniversairedu

premiermois.Tusurmonteslasuper

crisedemanqueettujuresquetune

toucherasplusjamaisletrucquit’afait

tesentiraussimal.Tusorsenayant

l’impression

d’être

une

nouvelle

personneàcausedecettepromesseet

d’êtreplusfortgrâceàcequit’apoussé

àdevenirclean,peuimporteceque

c’est.Maispetitàpetit,lapressiondela

réalitéauquotidiencommenceàtetaper

surlesnerfs,ettarésolutioncommence

às’effriter.Levidequeturemplissais

avantavecl’héroïnedeviensdeplusen

plusgrandsjusqu’àequ’ilteconsume.

Etversl’anniversairedupremiermois,

tuteretrouvesàdevoirchoisirentre

laissertomberettedéfonceroutrouver

autrechosepourcomblerlevide.»

Ellen’avaitaucuneidéed’àquel

pointelledécrivaitexactementcequ’il

vivait.

«Onatouscommencéàprendredela

droguepourcomblercevide,etilest

différentpourchacundenous.Maisune

foisquetuasidentifiéàquoiil

correspond,alorstupeuxtrouverdes

moyensdelecomblersanstedéfoncer.

»

«Jenepensepasquelesdouceurs

sontlasolutionpourmoi.»

Elleluiréponditparunpetitrirequi

contrebalançalapiqûrepessimistede

sesparoles.

«Pourmoinonplus.»

«Alorsquoi?»

Elleposasonmugetelleregardason

assiettefixement.Commelasemaine

précédente,elleselançadanslesgestes

répétitifs

consistant

à

planter

sa

fourchette,puisàécraseretàgratterles

miettesdegâteau.

«Pourmoi,c’étaitlefaitdetrouver

unesortedebutdansmavie.Jevoulais

êtreplusqu’unehéritièrecrétinepourrie

gâtée.»

«Etc’estlecasaujourd’hui?»

«Çadépend.»

Elleleregarda,etlasupplique

silencieusedanssesyeuxrésonnaitavec

beaucoupplusdeforcedanssonesprit

quen’importequelleparolequ’elle

auraitpuprononcer.

Unepartiedeluivoulaitquitterla

tablesur-le-champ,maisl’autretrouvait

duréconfortdanslefaitdesavoir

qu’ellecomprenaitcequ’ilétaitentrain

detraverser.Personned’autrenele

savait.Nisesamis.Nisafamille.Ni

sonagentousesproducteurs.Laseule

autrepersonnequ’ilavaitcontactéétait

l’assistantedesonpetitfrère,Sarah,et

uniquementparcequ’ellesavaitquels

étaientlesmeilleuresendroitspourune

curededésintoxication.

MaisBeccaétaitpasséeparlà.Elle

avaitvécucetenferetelledonnait

l’impressiondes’êtrerepriseenmainà

présent.

Contrairementàlui.

Uneperledesueurroulasurlecôté

desonvisageetilsepenchaenavant

surlatable,lesyeuxbaissés.

«Paroùjedoiscommencer?»

«Parledébut.»

Uneseulenoted’unrireamermonta

desagorge.

«J’aicommencéàprendredela

drogueparcequemonmeilleuramien

prenaitetquejel’admirais.»

Ils’attendaitàcequ’ellesemoquede

luiparcequ’ilétaitunmoutonde

Panurge,maislieudecelaelleditd’une

voixétouffée:«Etc’estluiaussiquit’a

pousséàdevenirclean?»

«Ouais.»

LefaitdetrouverlecorpsdeTysans

vieavaitétélaformedeprisede

consciencelapluscruelledesavie.

Illançaunregardversellepour

jaugersaréactionetiltrouvalamême

demandepatientepourqu’ilcontinueà

parler.

Onditquelaconfessionestbonne

pourl’âme...

Ilprituneprofondeinspirationetil

s’ouvritàelle.

«J’aitoujoursétéunpetitjoueur,je

medéfonçaisdetempsentempsquand

j’enressentaislebesoin.Monmeilleur

amiétaitplutôtunutilisateurdugenre

King-Kong,ilmélangeaitl’héroïnequ’il

prenaittouslesjoursavecautrechose

pourobtenirdesdéfoncesdifférentes.

Desfoisc’étaitsimplecommelafumer

avecdel’herbe.Desfoisc’étaitdes

trucsplusfortscommeducrackoudu

PCP.Cequiétaitdisponiblesurle

moment.Maisjusqu’auxtroisdernières

semainesdesavie,ilréagissaitencore.

Ilallaitautravailetilnem’avaitjamais

laissétomber.»

Savoixsebrisalorsqu’ildit:«

C’étaitlecasjusqu’àcefameuxmatin

oùilnes’estpasmontré.»

Iln’étaitpashabituéaufaitd’être

avecunefemmequin’avaitrienàdire,

maislesilencedeBeccaleremuaitau

plusprofonddesonêtre.Aucune

question.Aucunsonpourexprimerune

approbationouunjugement.Aucun

mouvementpourserapprocherou

s’éloignerdelui.Iln’avaitaucunindice

luiindiquantlamanièredontelle

réagissaitàsonhistoire,etilrefusaitde

leverlesyeuxdelatablepourétudier

sonvisage.Lafrustrationmontaenlui

jusqu’àcequ’elleexplose,s’exprimant

parsonpoingfrappantlatable.

«J’étaistellementencolèreaprèslui

»,admit-il.«Ilavaitgâchésavie.Il

gâchaitletalentquiluiavaitétéoffert.Il

détruisaittoutcepourquoiilavait

travaillétellementdur.Audébut,la

seulechosequej’arrivaisàressentir,

c’étaitdelarage.Ensuite,cettedouleur

estarrivéeaprès,commes’ilavait

emportéunepartiedemoiaveclui.Et

ohmonDieu,çafaitmal.»

Ilappuyasesmainscontrelecentre

desapoitrinelàoùlasensationdevide

subsistaitencore.

«Aprèsavoirdécouvertcesentiment

dedouleur,decolère,d’abandon...»

Ilsecoualatêtecommes’ilvoulait

effacerlesémotionssombresqui

tourbillonnaientàl’intérieurdecelle-ci.

Desimagesdesamèreetdesesfrères

traversantlemêmeenferremplirentson

espritcommecelas’étaitproduitdans

lesjoursquiavaientsuivilamortdeTy.

«Jen’aijamaisvouluquequelqu’un

quicomptepourmoitraverseça.»

«Ducoup,tuastrouvéuneraisonde

devenirclean»,dit-elleenfin.

Cen’étaitpasunequestion,maisil

acquiesçaquandmême.

«Alorscontinuedet’accrocheràça.

»

Ellefouilladanssonsacpoursortir

quelquesbilletsavantdeseleverdesa

chaise.

Iltenditlamainpourl’arrêter.Àla

secondeoùleursmainssetouchèrent,

quelquechosechangeadansl’airentre

eux.Oupeut-êtrequec’étaitjusteluiqui

sefaisaitdesidées.Ilavaitfait

tellementd’effortspouressayerdela

repousserquemaintenantqu’elleétait

surlepointdepartir,ilvoulaitqu’elle

reste.Maislorsqu’illevalesyeuxvers

elle,ilremarqualalégèreexpressionde

surprisequipouvaitseliresurlestraits

desonvisage,desesyeuxécarquillésà

seslèvresentrouvertes.

Elleserassitsursachaise,sans

jamaisdétachersonregarddelui.

Etplusimportant,ellen’essayapas

deretirersamain.

Iln’étaitpasprêtàadmettrequ’il

avaitbesoind’elleoudequiquecesoit

d’autre,maisd’unecertainemanièrele

faitdeconfessertoutcequ’ilgardaiten

luidepuisunmoisallégealepoidsdela

culpabilitéquil’accablait.Lesimple

faitdesavoirquequelqu’unquiavait

véculamêmechoseétaitprêtàl’écouter

sansletraiterdefaible,d’idiotoude

paumérendaitlesténèbresunpeumoins

impénétrables.Etcelaluidisaitqu’ily

avaitdel’espoiretqu’ilpouvaitréussir

àd’ensortir.

Pourtant,salanguerefusaitdeformer

lesmotsquiexprimeraientsagratitude.

Aulieudecela,lesparolesquisortirent

desabouchefurent:«Jepeuxpayer.»

LescoinsdeslèvresdeRebeccase

levèrentenunsourirequin’exprimait

aucunepitiéniaucunedéception.Au

contraire,elleavaitl’aird’êtrefièrede

lui.

«Tuaspayélasemainedernière.»

Elleretirasamainquisetrouvait

souscelled’Ethan,puisellealla

jusqu’aucomptoirpourpayer.

Ethanbutlerestedesoncaféd’un

trait,essayantdeseressaisir.Peut-être

quelefaitqu’ellemetteuntermeàla

soiréeétaitunebonnechose.Sielle

laissaitfaire,quisaitcequipourrait

encoresortirdesabouche.Dansl’état

actueldeschoses,ilavaitprobablement

révélétropdechosesàproposdelui.Il

nefaudraitpaslongtempspourquela

jeunefemmefasselerapprochementet

qu’ellenedécouvrequiilétait.

Etpourtant,trèsétrangement,celane

ledérangeaitpas.Aprèstout,elleétait

BeccaShore.Mêmesiellene

ressemblaitplusvraimentàcellequ’elle

étaitquelquesannéesplustôt,ellese

rappelaitsûrementd’àquelpointle

respectdelavieprivéeétaitimportant

quandonessayaitderesterclean.

Ilpritsoncasqueetilsortitderrière

elle.Uneeffluveduparfumdelajeune

femmeatteignitsesnarineslorsque

celle-cipassaàcôtédeluipourremettre

savesteafindeseprotégerdel’airfrais

del’automne.L’odeurluifitserappeler

àquelpointlecorpsdeRebeccaavait

bienépousélesienpendantleurbalade

enmoto,etunesensationdouloureusede

désirimprévisibleserépanditdansses

veines.

«Jepeuxteraccompagnercheztoi?

»,demanda-t-il.

Ellemorditsalèvreinférieure,ses

pupillessedilatantsouslalumièredes

réverbères.Sonregardpassadelamoto

àEthan.Elleinspira,lecorpstendupar

l’excitation.

Puis

ses

épaules

retombèrentlorsqu’elleexpira.Ellefit

unpasenarrièreetellesecoualatête.

«Merci,maisjevaisdevoirpasser

montour.Enpluslemétroestjustelà.»

Lerefusdelajeunefemmeéteignitla

chaleurqu’ilressentaitdanssesveines.

«Jesupposequejen’auraispasdû

proposer.Letrucdel’anonymat,toutça.

»

«Non,cen’estpasça.»

Ellesaisitlabandoulièredesonsac,

faisantglissersesmainsdehautenbas

surcettedernièretoutenregardant

fixementletrottoir.

«Mêmesiçameplairaitbeaucoup,je

saisquejenedoispas.»

«C’est-à-dire?»

Ellelevalesyeuxverslui,le

regardantàtraverssescilssuffisamment

longtempspourqu’ilremarqueque

l’attirancen’étaitpasàsensunique.

Maisellecontinuadereculer.

«Onsevoitlasemaineprochaine?»

Safiertéfutpiquéeauvif.Elleétait

peut-êtreattiréeparlui,maispasassez

pourqu’elleoubliequ’ilétaitun

toxicomane

en

convalescence.

Heureusementpourtant,sonorgueil

blessél’empêchaitdeluimontreràquel

pointilétaitvraimentusé.Ilseraiditet

ilmontasursamoto.

«Peut-être.»

«Peut-être?»

Ilrefusaitdelalaisserdécouvrirà

quelpointilétaitdevenuaccroaufait

d’êtreensacompagnie.

«Peut-être.»

LalèvreinférieuredeBeccas’avança

en

une

grimace

qui

l’invitait

pratiquementàlaprendreentreses

dents.Cependant,cen’étaitpasune

sortedeminauderiepourl’amenerà

culpabiliseràdireoui.S’ilencroyaitle

froncementau-dessusdesonnez,elle

étaitvraimentperplexe.

Bien.Faisensortequ’ellecontinue

àseposerdesquestions.

Maisaumomentoùelletournales

talonsetoùellecommençaàmarcher

versladirectionopposée,quelquechose

changeaenlui.Saconfianceenlui

s’effondrabrusquement,leplongeant

dansunpuitsdedoutequil’attiraitvers

lebas,l’entourantcommedessables

mouvantsetétouffantl’espoirfragile

qu’ilvenaitàpeinededécouvrir.Ses

poumonslebrûlaient,privésd’air,etses

paumes

moites

glissèrent

de

l’accélérateur.Elleétaitentraindele

laisserseulavecsesdémonsintérieurs.

Untunnelsombreobscurcitsavision,se

rapprochantdelui.

IlhurlalenomdeBeccadansuncri

dedésespoir.

Elleseretourna,ellen’avaitavancé

quedequelquespas.Etellen’étaitpasà

deskilomètresdeluicommelapanique

leluiavaitfaitcroire.

«

Oui

?

»,

demanda-t-elle,

l’inquiétuderendantsavoixplusaigüe.

Lecœurd’Ethanbattaitsivitequ’un

tremblementsecouasesdoigts,maisla

sensationdeserrementdanssapoitrine

s’estompa

suffisamment

pour

lui

permettredeprendreuneboufféed’air

salvatrice.Elleavaitréponduquandil

l’avaitappelée,exactementcommeelle

avaitditqu’elleleferait.

«Est-cequeçadisparaîtàunmoment

Ilétaitinutilequ’ildéveloppe.Le

regarddeBeccas’assombrit,remplide

regret.

«Non,maisçadevientplus

supportableavecletemps.»

«Maisiln’yaaucunremède?Aucun

moyen

de

s’en

débarrasser

complètement?»

Ellesecoualatête.

«Maisrappelle-toidecequej’aidit

àproposdufaitdecomblerlevideavec

autrechose.»

«Etsienfaitiln’yariend’autre?»

Aulieudes’affaiblirens’éloignant,

lecliquetisdesestalonssurlecimentse

rapprochait

de

lui.

Des

doigts

caressèrentsamâchoireetleforcèrentà

tournersatêteverselle.

«Tulepensesvraiment?»

Ledoutegrandit,murmurantaufond

desatêtequ’iln’étaitriensanssamuse.

«Ettoi?»

«Non»,dit-elled’unevoixétouffée.

Ilavaitenviequ’ellemettesamain

sursajoueetd’appuyersatêtecontresa

poitrinepours’imprégnerdetoutle

réconfortqu’ellepouvaitluiapporter.

Maissafiertél’empêchaitderévélerà

quelpointilétaitdétruitàl’intérieur.Il

levasonmentondansladirection

opposéeetiltirad’uncoupsecsurson

casque.

«Ethan,j’étaissincèrequandje

disaisquetupouvaism’appelersituas

besoindeparleràquelqu’un.Necède

pasaudoute,audésespoir.Çava

s’arrangeretjesuislàpourt’aider

autantquejepeux.»

Ildémarralemoteuretilpartitavant

qu’ellenedécouvrequ’ilnepouvaitpas

êtreaidé.

ChapitreQuatre

Ethanposasesdoigtssurlestouches

familièresdupianoenespérantqu’ils

créeraientunemélodie.Engrandissant,

ilavaittoujourstrouvéduréconfortdans

lamusique.Àchaquefoisqu’ilétait

frustréàcausedel’écoleouqueses

frèresletaquinaient,ilpouvaittoujours

s’asseoirdevantlepianodesamèreet

libérersonangoissegrâceauxsonates

sombresetrêveusesdeBeethoven,etce

jusqu’aurythmelégeretbondissantde

Gershwin.Envieillissant,ilavait

échangélesclassiquespoursespropres

créations,développantsescompétences

dupianoàsaguitare.Quellequesoitla

chanson,iltrouvaitlapaixenlajouant.

Maisc’étaitavantquelamusiquene

devienneuneépéeàdoubletranchant.

Avantquejouercequilerendait

autrefoisheureuxsoitdevenucequesa

maisondedisquesvoulaitsortir.Avant

qu’onluimettedelapressionpourqu’il

continueàécriredeschansonsqueles

genspaieraientpourécouter.Avantque

cequinourrissaitautrefoissonâmene

remplisseplusquesoncompteen

banque.

Ilécrasasonpoingsurlestouches

dansunaccorddissonantetilselevadu

piano.Ilétaitonzeheures,uneheureà

laquellelesgensnormauxsepréparaient

àsemettreaulit,maisuneénergie

nerveusecoulaitdanssonsang,cequi

avaitrendulesommeilquasiment

impossibleaucoursdestroisnuits

précédentes.Lagrainedudoutequi

avaitprisracineenluilorsqu’ilavait

quittéBeccal’autresoiravaitgerméen

unejungleobscurequimenaçaitde

l’avalertoutentier.

Ilavançad’unpasrapide,lapaume

desamainappuyéecontresatempe.

«Trouverquelquechosepour

comblerlevide.Trouverquelquechose

pourcomblerlevide.»

Àuneépoque,c’étaitlamusique,

maisaujourd’huitoutcelaavaitété

empoisonnéparl’héroïne.Iln’avaitpas

écritdechansonsansêtresousl’effetde

ladroguedepuistroisans.Etpeu

importeàquelpointilessayaitde

reveniràlamanièredontleschosesse

passaientavant,l’enviedesedroguer

s’avéraitplusforte.

Leseulmoyendetrouverlapaix

consistaitàs’abandonneràsamuse.

Ungrognementdefrustrationnaquità

labasedesagorge,etilfrappalemur

debriques.Ladouleurdanssamain

atténuacellequ’ilressentaitdansson

cœur.Àprésent,ilcomprenaitpourquoi

Tyn’avaitjamaisréussiàsedébarrasser

desadépendance,pourquoisonmeilleur

amin’avaitjamaisvouluêtrecleanet

sobre.Quandilétaitsousl’emprisede

ladrogue,riennecomptaitàpartla

musique,etlamusiqueapaisaitsonâme.

Quandilétaitsousl’emprisedela

drogue,iln’entendaitpaslavoixdu

doute.Quandilétaitsousl’emprisede

ladrogue,ilvivaitdansunmondede

béatitudeignorante,n’ayantjamais

conscienced’àquelpointilétaiten

réalitéprochedetoutperdre.

«Trouverquelquechosepour

comblerlevide.»,répéta-t-il.

IlsortitlenumérodeBeccade

l’arrièredesonportefeuille.Samain

tremblaittandisqu’ilregardaitfixement

lenuméro.Toutcequ’ilavaitàfaire,

c’étaitdel’appelerpourl’entendrelui

direqu’ilpouvaitsurmontercela.Son

cœursemitàbattreàtoutrompretandis

qu’ilimaginaitcequ’illuidirait.Ilétait

entraindecraquer.Faible.Unéchec.

Jenesuispasprêtpourça.Jepeux

surmonterça.

Ilfroissalemorceaudepapieretle

roulaenboule,puisillejetadansla

corbeilleàpapierrempliedefeuillesà

moitié

déchirées

recouvertes

de

compositionsinsipidesdatantdestrois

derniersjours.

S’iln’arrivaitpasàjouerdela

musique,peut-êtrepourrait-iltrouverdu

réconfortenécoutantquelqu’und’autre

jouer.

Ilpritsamotoetildescenditdeson

immeuble.

***

LeTinLilyn’avaitpasbeaucoup

changéaucoursdescinqdernières

années.C’étaitunlieuoùdesgroupesde

rockmontantsvenaientjouer,etle

frémissementqu’ilressentitdansses

tripesenpassantlaporteluirappela

l’Ethandel’époqueoùonavait

demandéàRavinia’sRejectsdemonter

surscènepourlapremièrefois.Lebar

d’EastVillage1étaitbruyantetremplid’unefoulequivoulaitsoitdanserau

rythmedelamusiquesielleétaitbonne,

soitcontraindreparlaforceles

musiciensàdescendredelascènes’ils

étaientmauvais.

Lorsqu’ilavaitfaitunpasversle

microlapremièrefois,iln’étaitpassûr

delamanièredontlaprestationfinirait

pourluietsesamis,maisTyluiavait

adresséunsouriresuffisantaccompagné

d’unclind’œilavantdeselancerdans

lespremiersaccordsdelachanson.

Entrelapuissancedelamusiqueet

l’assurancequeTyavaitinsuffléeenlui,

ilavaitréussiàouvrirlaboucheetà

offrirlaperformancedesavie.Deux

moisplustard,cettemêmechansonne

quittaitpasletopdesmeilleuresventes,

etRavinia’sRejectsétaitlegroupedont

toutlemondeparlait.

Pourtant,cesoir-là,l’ambianceétait

bienplussilencieuse.Unpetitgroupede

rockersagitaientleurstêtesdehauten

basaurythmedelamusique,maisla

chansonjouéeparlegroupedereprises

desannées80tombaitàplatpourlui.Il

commandaunebouteilled’eauaubaren

espérantquelachansonsuivanteserait

plusinspirante.

Maisaulieudeseperdredansla

musique,ils’aperçutqu’ilétaitentrain

deladécortiquer.Unenotemanquante.

Unaccordfaux.Unmomentoùlegroupe

n’étaitpassynchronisé.Etplusd’une

dizainedefoisoùlechanteurchantait

faux.Pasétonnantqu’ilsnesoientqu’un

groupedereprisesjouantpendantles

finsdesoiréesunmercredisoir.

Ilterminasoneau,etilétaitsurle

pointdepartirlorsqu’ungéantaux

épaulescarréesluibloqualechemin

menantàlaporte.Celui-cifitcraquer

sesarticulationsd’unemanièrequi

semblaitdéfierEthandel’arrêter,puisil

dit:«Quelqu’unveuttevoir.»

Unflotdemotsdecinqlettres

traversal’espritd’Ethantandisquela

montagnedemusclesleconduisaitvers

lebalconoùunhommeseulsetenait

appuyécontrelabalustrade.Unspot

éclairalevisagedecedernier,etEthan

sefigeaimmédiatement.

Merde!

S’ilyavaitbienunmomentoùéviter

Ace,c’étaitcelui-ci.

L’hommevintverseux,unlarge

souriresursonvisagebrun.

«EthanKelly,ilmesemblaitbienque

c’étaittoi.Jen’aijamaisoubliétaveste.

»

Acel’attiradansuneétreintepoitrine

contrepoitrine.

«Çafaitunbailqu’onnes’estpasvu,

monpote.»

«Salut,Ace»,marmonna-t-ilpar

simplepolitesse.

Lesourired’Acenevacillapas

lorsqu’ilfitsigneàsonhommedemain

deseretirer.

«Alors,qu’est-cequit’amèneicice

soir?»

Danslapassé,cettequestionaurait

étésuivieparuneréponseconsistantà

demandercequeledealeravaità

proposer.Aceétaitunproduitdu

mélangeduBronx-unepartienoire,une

partiedominicaineetunmélanged’à

peuprèstoutlereste.Sesrelationsdans

lemondeentiersignifiaientqu’ilavaitle

meilleurshitdeManhattan,etilavait

faitfortuneenfournissantlespersonnes

richesetcélèbres.

Ethangardasonattentionfixéesurla

scène.

«Jesuisjustevenupourécouterdela

musique.»

«C’estpaslebonsoirpourça,mais

tuaschoisiunebonnesoiréepourme

croiser.Jeviensjustederecevoirdela

brownsugargéniale.»

Ethansentitlasueurpicotersanuque.

Danslepassé,ilauraitbondisurl’offre

d’Ace,ilauraitramenéladroguedans

sachambred’hôtel,puisilauraitlaissé

laréalitédisparaîtrependantquelques

heures.Maispascesoir-là.Ilserrala

rambardepourseretenirdecéderà

l’envie.

«DésoléAce,j’aidécroché.»

Une

expression

de

stupéfaction

traversalestraitsdudealer,suiviepar

unrirenerveux.

«Ouais,j’aiapprispourTy.Désolé

qu’ilsoitmort,mec.»

Ouais,jesuissûrquetuesdésolé.

Tyavaitétéundesplusgrosclients

d’Ace.

«Alorstucomprendspourquoijene

m’intéresseplusàtamarchandise.»

Ethans’éloignadelarambarde.

«Attendsuneminute,monpote.»

Acelançasonbrasautourdel’épaule

d’Ethanetill’attiraplusprofondément

danslapénombredubalcon,sonautre

maindanssapoche.

«Parlonsdetoutça.»

Unevaguedefrayeurparcourutla

colonned’Ethan.Malgrésonattitude

amicale,Acen’étaitpaslegenre

d’hommequ’ilétaitbondecontredire.

Ets’ilnes’inquiétaitneserait-cequ’un

peudufaitqu’Ethanneledénonce,ilne

s’ennuieraitmêmepasàluilancerun

avertissementpourqu’ilneparlepas.Il

s’assureraitenpersonnequ’Ethanne

diraitrien.

Maisaulieudesortiruncouteauou

unearme,ilsortitunminusculesacheten

plastiquecontenanttroisenveloppesen

papiercristal.

Lepoulsd’Ethanbondit.Soncerveau

lemettaitengardeetluidisaitdepartir

avantdecéderàlatentation,maisil

étaitfascinéparlesdosesd’héroïne

parfaitementproportionnées.

«Écoute,mec,normalementjenefais

pasça,maistoietTyvousavezétéde

tellementbonsclientsquecelle-làpeut

êtrepourlamaison.Etcen’estpasdela

merdenonplus.Cetrucestsuffisamment

purpourêtresniffé,maissitute

l’injectes...»

Acelevalesyeuxversleplafondet

émitunmm-mmplusappropriépourun

repasdansunrestaurantquatreétoiles.

«Ah,c’estdupurbonheur.»

Ethan

salivait.

Cela

semblait

tellementsimple,ilauraitététellement

faciled’accepterl’offred’Aceet

d’utiliserladroguepourquelamusique

couleànouveau.Unedosesuffirait,

c’étaittoutcedontilavaitbesoin.Une

doseneluiferaitpascourirlerisquede

faireuneoverdose.

Maisunedoseleramèneraitàlacase

départ.

Ilenfonçasesmainsdanssespoches

pours’empêcherdetoucheràladrogue.

«Ace,je...»

«Tun’espasobligédedirequoique

cesoit,monpote.Jeprendssoindetoi.

»

Aceglissalesachetdanslapoche

arrièred’Ethan.

«Etsituasbesoindeplus,tusais

commentmejoindre.»

Ethanluttapourselibérerde

l’étreintedudealer,puisilfitunpasen

arrièreversl’escalier.

«Jen’enauraiplusbesoin.»

Aceseremitàrire,cettefoissansune

oncedenervosité.Sonrireétaitduret

moqueur.

«Disçasiçapeutt’aideràtesentir

mieux,maistoietmoi,onsaittousles

deuxquetureviendras.Lesmecscomme

toinesontriensansladope.»

AcelesaluadelamainetEthan

descenditlesmarchesencourant,sortant

duclubaussivitequ’illepouvait.L’air

fraisdelanuitemplissaitl’intérieurde

sespoumonsàchacunedeses

inspirations.Ilrestaimmobileaumilieu

dutrottoir,laissantlapluieautomnale

laverlacontaminationduclub.

Ilavaitl’occasiondejeterlesachet

qu’Aceavaitglissédanssapoche,mais

unepartiedesoncerveaurefusaitdele

laisserfaire.Ill’auraitprises’ilen

avaitabsolumentbesoin,maisilne

rechuteraitpas.Pasencore.Ilse

donneraitunpeuplusdetempspour

trouverlamusiqueavantdecéderàsa

dangereusemuse.

Ilrentrachezlui.Illançalepetit

sachetsursatablebasseetillefixa

depuislecanapéjusqu’àcequeleciel

commenceàs’éclairer.

***

Beccaseglissadanslesiègevideà

côtéd’AridansleTempleIsraël.

«Mercidem’avoirgardéuneplace

»,murmura-t-elle.

«Derien.»

Arifitunsignedetêteversl’homme

etlafemmeassiscinqrangéesdevant

elles.

«Mêmesiçapourraitêtrebienquetu

t’asseyesavectesparents.»

«C’esttroptardmaintenant»,

réponditRebeccatandisquelerabbin

appelaitlacongrégationàseréunitpour

ledébutduservicedeRochHachana.

Beccaécoutalesprièresetles

lecturesqu’elleentendaittouslesans

d’aussiloinqu’elles’ensouvenait,mais

c’étaitlatroisièmeannéeoùellerefusait

desejoindreàsafamillepourcélébrer

lenouvelanjuif.Soncœurlamettaiten

gardecontrelepéchéd’orgueil,mais

elleavaitcoupélespontsavecses

parentspourunebonneraison.Elle

n’étaitpasencoreassezfortepourgérer

levidequ’ilsavaientcrééenelle.

Mêmes’ilétaitdouloureuxdeleséviter,

celavalaitbienmieuxquederetomber

danssesancienneshabitudesconsistant

àfairefaceàleursattentesconstantesde

laperfection.

Pendantl’Amidasilencieuse,ses

penséessemirentàerrerversEthan.

Ellen’avaitpasreçudenouvellesde

lui,cequiétaitunebonnechose,mais

pourtantcelanel’empêchaitpasdese

fairedusoucipourlui.Avantqu’ilne

partelelundisoirprécédent,elleavait

pusentirledésespoirgrandissantenlui.

Lesimplefaitd’entendreladouleur

danssavoixlorsqu’ilavaitdécritla

pertedesonmeilleuramil’avaitamenée

auborddeslarmes,etelleavaitdûfaire

appelàtoutesavolontépournepasle

prendredanssesbrasetluidirequetout

iraitbien.Ilétaitdanslaphaseoùtous

lestoxicomanesenconvalescence

étaientmisàl’épreuve,etellepriait

pourqu’ilserappelledelaraisonpour

laquelle

il

s’arrêtait

suffisamment

longtempspourquecelal’empêchede

faireunerechute.

Un

frisson

parcourut

ses

bras

lorsqu’elleserappelalesjourssombres

desapropredépendance.Ellebaissales

yeuxverslesveinesdesonbrasetelle

lesfrotta,sesouvenantdetoutelesfois

oùelleavaitétéfolledejoied’en

trouverunesuffisammentgrossepour

uneinjection.Aujourd’hui,ellesétaient

marquéesetflétries,unrappelconstant

dumalqu’elles’étaitfaitàelle-même.

Beccatournasonattentionversses

parentsetellesurpritsabelle-mèreen

traindelaregarderelleaussi.Sapropre

mèreétaitdécédéed’uneoverdosealors

queBeccaétaitencorebébé,alors

Claireétaitlaseulemèrequ’ellen’avait

jamaisconnue.Sabelle-mèreavait

passélesdeuxannéesquivenaientde

s’écouleràessayerderéparerlefossé

entreBeccaetsonpère,maisniluini

ellen’avaitcédé.Leursregardsse

croisèrentetBeccavitdansceluide

Claireunesupplicationsilencieuse

d’obtenirsonpardon.Ilétaitvraiment

tentantdecroirequesonpèrevoulait

faireamendehonorable,fairenouveau

deleurfamilleunefamilleunie.Claire

seretournalorsquelerabbinsonnale

shofar,laissantBeccaréfléchirau

messagesansparoles.Peut-êtrequele

faitdeparleràsesparentsaprèsle

serviceseraitunebonnechose.Peut-être

qu’ensuiteilspourraientallerauparc

pourleTashlich2etsaisircetteoccasionpourmettrederrièreeuxlesdouleursdu

passéetrepartiràzéro.

L’idéegranditenelletandisquele

servicesepoursuivait,maisalors

qu’elleétaitagenouilléepourles

dernièresprières,l’écrandeson

téléphones’allumaetunSMSquichassa

toutepenséedeseréconcilieravecses

parentslejour-mêmes’afficha.

Becca,c’estEthan.J’aivraiment

besoindequelqu’unàquiparler.Tout

desuite.

Ellesortitdiscrètementsontéléphone

desonsacàmainetelleconsultale

journaldesappels.

Onze

appels

en

absence,

tous

provenantdumêmenuméro.

Merde!

Elleavaitmissontéléphoneenmode

silencieuxpendantlesprièresafindene

pasêtredérangée,maisàprésentelle

risquaitdeperdrelaconfiancefragile

qu’Ethanluiavaitdonnée.Elleluiavait

ditqu’elleseraitlàpourluis’ilavait

besoind’aide,etelleespéraitqueDieu

comprendraitsiellequittaitleservice

deRochHachanaprématurémentpour

aiderEthan.

Ellepritsonsacàmainetellese

faufilaàl’extérieurdusanctuaireen

baissantlatêtejusqu’àcequ’ellesoit

sortiedanslarue.Puiselleappela

Ethan.

«Ethan,c’estBecca.»

«Tuavaisditquerépondrais.»

Savoixétaitungrondementdans

lequelsemêlaientcolèreetpanique.

Elleessayadecombattrecedernier

enrendantsontonleplusapaisant

possible.

«Oui,etjesuisdésoléedenepas

avoir

répondu.

J’avais

mis

mon

téléphonesursilencieuxpendantque

j’étaisauTempleetjen’auraispasdû

faireça.Maisjesuislàmaintenant.»

Lalignerestasilencieuseune

trentainedesecondes,etellepriapour

qu’Ethanlapardonneassezpourluidire

cequin’allaitpas.

«J’aibesoind’aide»,dit-il,lavoix

cassée.

«Etjesuisprêteàfairetoutcequeje

peuxpourt’aider.Dis-moidequoituas

besoin.»

Uneautrepause,suiviepar:«Oh,et

puismerde,laissetomber.»

«Non,nedispasça.»

Elleerraitsurlestrottoirsfamiliers

dela75èmeruecommeunetouriste

égarée,passantd’uncôtéàl’autreet

essayantdenepassemettreàcourir.

«S’ilteplaît,dis-moijusteoùtueset

jeseraislàaussivitequejelepeux.»

Unrirenasalsarcastiqueluirépondit.

«Etàproposdetoutletrucsur

l’anonymat?»

Biensûr.Balance-moiçaquandtuas

besoindemoi.

Laseuleraisonpourlaquelleelle

avaitrefuséqu’illaraccompagnele

lundisoir,c’étaitlefaitqu’elleavait

peurdel’inviteràmonteretdegâcher

complètementleurrelationencouchant

aveclui.

«Trèsbien,onpeutseretrouverdans

unendroitpublicqu’est-cequetupenses

ducafédeGitta?»

«Désolé,maisjenecroispasquedes

pâtisseriesvontm’aider.Regardonsles

chosesenface,Becca,jesuisfoutuetil

n’yaaucunespoirpourmoi.»

«Jet’interdisdedireça,Ethan.»

Lacolèrerendaitsesmotsplusdurs,

luidonnantl’enviequ’ilsoitàcôté

d’ellepourqu’ellepuisseluifaire

rentrerdubonsensdanslatêtedeforce.

«Etjet’interdisdelepenseraussi.»

«Tunemeconnaispas,ettunesais

certainementpascequejesuisentrain

devivre.»

«N’importequoi.Jesuispasséepar

là,tuterappelles?»

Comme

il

ne

répondit

pas

immédiatement,elleserappeladu

sachetenplastiqueremplidemiettesde

painquisetrouvaitdanssapocheetelle

échafaudaunautreplan.

«Dansquellepartiedelavilletues,

là?»

«Hell’sKitchen.»

Biensûrqu’ilétaitlà-bas.C’étaitun

desquartiersmontantsdeManhattanqui

comptait

plusieurs

studios

d’enregistrementdanssesenvirons.Elle

recensadanssatêtelesendroitslelong

dufleuveoùilpourraitlarejoindre.

«OnpeutsevoirauboutdelaJetée

84?»

«Pourquoi?»

«Parcequec’estpublicetqu’on

pourradiscuter.»

Ellehélauntaxi.Iln’yavaitpastrop

decirculation,etladernièrechose

qu’ellevoulait,c’étaitperdrela

connexionavecluisielleprenaitle

métro.

«D’accord.»

Ilraccrochaàl’instantmêmeoùun

taxis’arrêtaauborddutrottoir.

Elledonnadesinstructionsau

chauffeur,sonpoulsbattantconstamment

danssesoreilles.

Jevousenprie,faitesqu’ilsoitlà.

Etjevousenprie,faitesqueje

n’arrivepastroptard.

1EastVillage:QuartierdeManhattanàNewYork2Tashlich:Cérémoniejuivepourlenouvelan

ChapitreCinq

Ethanregardaitfixementlefleuve

Hudsonàtraversseslunettesdesoleil,

ignorantlesgensquidéambulaient

autourdelui.Lapluiedelanuit

précédentes’étaitarrêtée,maisdes

nuagesgrissubsistaientdansleciel.Ils

étaientenaccordaveclamanièredontil

sesentait.

Unpeuaprèsleleverdusoleil,il

avaitréussiàdormirquelquesheures

d’unsommeilagité.Ils’étaitréveillé

enchevêtrédansdrapstrempésdesueur,

avecdumalàrespirerethantépardes

rêvessombres.L’enviededrogueétait

plusfortequejamais.Ellel’appelait

commelechantd’unesirènefaisant

disparaîtretoutepenséerationnelle.

Mêmeunesueurfroidenepouvaitpasla

réduireausilence.

Lesachetd’héroïneétaittoujours

intactsursatablebasse,essayantde

l’attireraveclapromessedetoutrendre

meilleur.Maisàchaquefoisqu’ilétait

surlepointdecéderàlatentation,il

regardaitlenomdeTysursonbras.Les

souvenirsdeladécouverteducadavre

deTyl’assaillirent,avecdeplusenplus

deforcejusqu’àcequ’ilseplieendeux

etqu’illaisseéchapperuncride

frustration.

Cefutàcetinstantqu’ils’effondra,

qu’ilfouilladanslapoubellepour

retrouverlenumérodetéléphonede

Beccaetqu’ill’appela.Ilvalaitmieux

admettrequ’ilétaitfaibleplutôtquede

finircommeTy.

Maisellenerépondaitpas,etle

mondes’effondraautourlui.

Uneheureplustard,ilsetenaitau

boutdelaJetée84,sedemandantsielle

allaitl’aideràserelever.Ilavaitamené

lesachetaveclui.Cederniersemoquait

deluidepuissapochearrièrependant

qu’ilattendait.Siellevenait,illui

demanderaitdelejeterpourneplusêtre

tenté.

Etsiellenevenaitpas...

Ilfermalesyeuxetilsedemandasile

faitdeprendreunedosesoulageraitson

sentiment

d’être

abandonné.

Cela

solutionnerait

certainement

son

incapacitéàjouerdelamusique.Et

peut-êtrequ’ils’agissaitdelameilleure

choseàfairepourlemoment.

Iltournasursestalonsetilseheurtaà

unefemme,faisanttombercettedernière

ausol.Ilneluifallutqu’uneseconde

pourreconnaîtresesyeuxbleu-vertsi

particuliers.Ils’agenouillapourl’aider

àserelever.

«Merde,Becca,jesuisdésolé.»

«Pasdesouci»,dit-elle,mêmesi

ellegrimaçaenboitillantversla

balustrade.

«Jet’aiappelé,maisjesupposeque

tunem’aspasentendue.»

«Tuesblessée?»

Ellesecoualatête.

«Çam’apprendraàcourirverstoien

talonshauts,maisjem’inquiétais

tellementpourtoi.»

Quelquechoseenluifitunvirageà

centquatre-vingtdegrés,etl’envie

insatiabledesedroguerquile

tourmentaitdepuisplusieursjoursrecula

auxconfinsdesonesprit.

Elleétaitvenue.

Ellesepréoccupaitdecequipouvait

luiarriver.

Elleétaitvenuepourl’aider,etil

n’étaitpasseul.

Etlefaitdesavoirtoutcelal’amenaà

unniveaudegratitudehumblequ’il

n’avaitjamaisconnuauparavant.

«Merci»,dit-ildoucement.

«Biensûr.»

Elletournasonattentionversle

fleuve.

«Alors,qu’est-cequis’estpassé?»

Ilsortitlesachetdesapocheetille

luimontra.

L’horreur,lapaniqueetl’incrédulité

déferlèrentsurlevisagedelajeune

femme.

«Ethan,pourquoi?»

Ladéceptiondanssavoixblessala

fiertédujeunehommedanslemauvais

sensetlemithorsdelui.

«Jen’yaipastouché.»

«Maistul’assurtoi.»

Ilremitlesachetdanssapoche.

«Jevoulaisjustequetusaches

pourquoij’avaisappelé.»

«Pourquejepuisseteregarderte

défoncerànouveau?»

«Commenttusaisquejenete

proposaispasdetejoindreàmoi?»,

répondit-ilsuruntoncinglant,ses

parolesrepliesdesarcasme.«Etavant

quetunedisesquoiquecesoitd’autre,

jenel’aipasachetée.Jen’encherchais

pas.Onmel’adonnéehiersoir.»

Elleplissalesyeux,maisilétait

incapabledediresisonressentiment

étaitdirigécontreluioucontrela

personnequiluiavaitdonnéladrogue.

«Qui?»

«Tunesauraispasquic’est.»

«Ace,c’estça?»

Ilrestabouchebée.

«Commenttusaisça?»

Elleeutunrireamer.

«Ilatoujourslesbonsplans.»

Elles’agrippaàlabalustradeetelle

sebalançasursestalons.

«IltraînetoujoursauTinLilyle

mercredi?»

S’ilavaitjamaisdoutédupasséde

toxicomanedeBecca,lefaitqu’elle

connaissaitlesendroitsdeprédilection

d’Aceconfirmaitsavéracité.

«Ouais,ilesttoujourslà-bas.Ça

m’étonnequelesflicsnel’aientjamais

attrapé,prévisiblecommeilest.»

«C’estparcequ’ilatropde

personnesimportantesdanssapoche.»

Ellelâchalabalustradeetellemarcha

tranquillementlelongdelaberge,Ethan

sursestalons.«Çan’expliquetoujours

pascequetufaisaislà-bashiersoir.»

«J’étaisalléécouterdelamusique.»

«Biensûr,etlesmecsachètent

Playboypourlirelesarticles.»

Ilseprécipitapourseplacerdevant

elle,l’empêchantd’avancerjusqu’àce

qu’ellelèvelesyeuxverslui.

«Non,vraiment,j’ysuisallépourla

musique.

Et

peut-être

pour

me

remémorerquelquesbonssouvenirs.»

Elleavançaleslèvrescommesielle

essayaitdeluidonnerunenotesurson

baromètredesmensonges.

«Retireteslunettesdesoleil»,

ordonna-t-elle.

«Pourquoi?»

«Parcequejeveuxteregarderdroit

danslesyeuxpendantquetume

réponds.»

Lorsqu’ilobtempéra,elledemanda:«

Pourquoituesallélà-bashiersoir?»

«Pourécouterdelamusique»,

répéta-t-il.

Elleserapprochajusqu’àcequeson

visagesoitàquelquescentimètresdu

sien.Sonregardperçantscrutalefond

desonâme,cherchantunsigneindiquant

qu’ilmentait,maislaseulechosequi

occupaitsespensées,c’étaitàquelpoint

lescerclesvertsautourdespupillesde

lajeunefemmeétaientbrillantscejour-

là.

Ellerecula.

«Tuvasdevoircommenceràéviter

cegenred’endroits.»

«Crois-moi...J’aicomprislaleçon.»

Ilsedéplaçasurlecôtépourqu’ils

puissentcontinueràmarcher.

«Acem’aattrapédansunmauvais

momentetilm’aditdeschosesqui

m’ontchambouléesetj’étaisauborddu

gouffre.»

«Maistun’aspasplongé.»

Ilmarquaunepauseetillaissa

l’appréciationdelajeunefemmele

pénétrer.Ilavaitperdulecomptedu

nombredefoisoùilavaitfailliouvrirle

sachet,maisilnel’avaitpasfait.Ilavait

étésuffisammentfortpourrésister.

«Ouais,jen’aipasplongé.»

Celanechangeaittoujourspaslefait

qu’ilétaitdansleflouleplustotalau

niveaudelamusique.

Beccaenroulasonbrasautourdusien

etilsreprirentleurpromenade.

«Tuasditquetuétaisdansun

mauvais

moment.

Tu

veux

bien

développer?»

«Tunecomprendraispas.»

«Essaye.»

Ilbaissalesyeuxversleursbras

entrelacés.Etétonnamment,celalui

plaisait.Ilaimaitlepoidsdubrasde

Beccacontrelesien.Ilaimaitla

manièredontleshanchesdelajeune

femmefrôlaientsacuissependantqu’ils

marchaient.Ilaimaitleseffluvesdeson

parfumqu’ilrespiraitàchaquefoisque

labriselesamenaitjusqu’àlui.Mais

plusimportantencore,ilaimaitlefait

qu’ellen’aitpaspeurd’envahirson

espacepersonneletqu’ellenecédait

pasquandilessayaitdelarepousser.Si

elleavaitétéuneautrefemme,ilaurait

continuéàlefaire.Maismarcheravec

ellebrasdessusbrasdessousle

remplissaitd’unesérénitéfugacequilui

avait

manqué

pendant

tellement

d’années.

«Jesuismusicien.»

«Jesais»,répondit-ellecommes’il

avaitditquelquechosedecommun,

commeprofesseur.

Maisest-cequ’elleconnaissaitson

identité?Etest-cequecelaimportait

vraimentenfindecompte?

Aprèsuninstantd’hésitation,il

décidadenepasmentionnerlefaitqu’il

étaitcélèbre.Aprèstout,elleétaitelle-

mêmecélèbre-outristementcélèbre.

«Jesuisincapabledejouerdepuisla

mortdemonmeilleurami.»

«Incapabledejouerdanslesensoù

tuasl’impressiond’avoiroublié

commentjouerdelaguitare?»

«Non.»

Mêmesicen’étaitpastrèsloindela

véritéétantdonnélamaladresseavec

laquellesesdoigtsformaientdes

accordscesdernierstemps.Illibérason

brasetilsetournadenouveauversla

balustrade.

«J’airencontrémonmeilleurami

pendantuncampdemusiquequand

j’avaisdouzeans.Ilavaitunandeplus

quemoietilincarnaitexactementceque

jevoulaisêtre.Amusant.Extraverti.Un

putaindetalent.Cemecpouvaittoucher

uneguitareetcomposerinstantanément

untrucmagique.Alorsnaturellementje

mesuismisàl’admireretonest

rapidementdevenuslesmeilleursamis

dumonde.»

Sonregardétaitfixésurl’eautrouble

dufleuveHudsontandisqu’ilse

remémoraittouslesbonsmomentsqu’ils

avaientvécusquandilsétaientenfants.

«Unechoseenentraînantuneautre,

quandilaproposédemonterungroupe

avecdeuxautresmecsduquartier,j’ai

accepté.Àl’époqueoùonapasséle

bac,onjouaitdéjàsurlascènelocaleet

onadécidédepartir.LeTinLilyest

l’endroitquej’aitoujoursassociéaufait

depercer.Aprèsavoirjouélà-bas,on

estdevenusplusqu’unsimplegroupede

gaminsquijouaitdansungarage.On

étaitimportants.»

«Etc’estdeçadonttuparlaisà

proposdufaitdeteremémorerdebons

souvenirs?»

Ilhochalatête,maislasensationde

brûluredanssonbrasgaucheluirappela

quecessouvenirsétaientdésormais

souillés.

«Maisilyavaituncôtésombredans

notresuccès.Çan’apascommencé

commeça,tuvois?Onétaitjustedeux

adosquiallumaientunjointaprèsles

répets.Onn’étaitpasdéfoncéstoutle

temps,maisc’estquandonl’étaitqu’on

aécritleschansonsquinousontrendu

célèbres.Etplusonledevenait,plusla

pressiondevenaitfortepourqu’on

écrivecegenredechansons.C’estlui

quiacommencéàprendredesdrogues

dures.DeuxPercocet1par-ci,unraildecokepar-là.Etcommeunabruti,

j’essayaistoutcequ’ilmeproposait.Le

soiroùonajouéauTinLily,c’étaitle

premiersoiroùjemesuisshooté.»

Ils’attendaitàcequ’elleluimetteune

claquederrièrelatêtecommesamèrele

faisaitlorsqu’ilavouaitavoirfait

quelquechosedestupide,maiselleresta

immobileàcôtédelui,adoptantla

mêmepositionqueluitandisqu’elle

regardaitlefleuve.

«Alorstuastoujoursassociéla

défonceàlacélébrationdecettesoirée.

»

«Ouais.Maisplustardcesoir-là,on

aécritlameilleurechansonqu’onn’ait

jamaisécrite.Puisunechoseen

entraînantuneautre,etavantmêmeque

jecomprennecequisepassait,jeme

suisrenducomptequejenepouvaispas

composersansm’êtredéfoncéavant.»

«L’héroïneestdevenuetamuse»,

dit-elled’untondétachéetilsentitune

vaguedesoulagementleparcourir.

Ellelecomprenaitmieuxqu’ilne

l’avaitpensé.

«Ouais.Maisquandelleestdevenue

mamuse,ellem’avolélesplaisirs

simplesliésaufaitdejouerdela

musique.Maintenant,àchaquefoisque

jeprendsuneguitareouquejem’assois

devantunpiano,l’envied’enprendre

meconsume.»

«Etjesupposequetedemanderdene

plusêtremusicienesthorsdequestion.

»

Ilessayades’imaginerpasserlereste

desavieàfairequelquechosede

différent,maiscelapriveraitsonâmede

toutejoie.

«Non,j’aimetroplamusiquepour

arrêterdejouer.»

«Alorstuastaréponse.»

«Peut-être,maisçanechange

toujourspaslefaitquejen’aipasréussi

àjouerdepuisqu’ilestmort.»

«Pourquoi?»

Sonestomacsesoulevaetsespaumes

devinrentmoites.Elles’aventuraitsur

unterrainsensibleetellesoulevaitdes

questionsqu’iln’étaitpasencoreprêtà

affronter.

«Jet’aidéjàditpourquoi.»

Elleprenaitsonembarrasetellelelui

lançaitàlafigure.L’oreilleattentive

silencieusedel’autresoiravaitdisparu.

Àsaplacesetenaitunmiroirreflétantla

véritédureetfroide.

«Non,tum’asditquetuétaiscapable

d’écrirelamusiquequit’avaitamenée

auTinLilysanstoucheràdel’héroïneet

quetuavaisétéunidiotd’avoiressayé

toutcequ’ilteproposait.»

«Çanechangetoujourspaslefait

qu’iln’estpluslà.»

«Iln’estpluslàparcequec’étaitun

connardégoïstequinepensaitqu’àlui.

»

Sonaccusationtouchaunpoint

sensiblechezluietilplantasesongles

danssespaumes.Combiendefois

s’était-ilditexactementlamêmechose

aucoursdumoisquivenaitdes’écouler

?Etpourtant,ilsesentitobligéde

défendreTy.

«Neparlepasdemonmeilleurami

commeça.»

«Tuparlesd’unmeilleurami.Laisse-

moideviner,c’étaitluiquit’adonnétes

ailes?»

Souslacolère,sacolonneseraidit.

«Ferme-la,Bec.»

Maisellenecédapas.Mêmesielle

nel’avaittouché,elleluiôtaittoutesses

défenses.

«Est-cequetuaseumalaucœur

quandilaplantél’aiguilledanstaveine

?Est-cequetuaspleurécommeunbébé

àcausedelamontéed’adrénaline?»

Lavoixd’Ethansetransformaen

grondement.

«Chut.Ferme-la.»

«Pourquoituasfaitça,Ethan?Tu

voulais

tellement

obtenir

son

approbationquetuasacceptédefaire

toutcequ’iltesuggérait?Jepariequ’il

étaitmortderirequandtuétaistellement

défoncéquetunepouvaismêmepaste

leverpourallerpisser.»

Chaquequestionfaisaitmontersa

colèred’uncran,pasparcequ’elleavait

tort,maisaucontraireparcequ’elle

avaitraison.Sonpoulsbattaitdansses

tempesavecuneragebouillonnantequi

explosalorsqu’ilcria:«Putain,jet’ai

ditdelafermer.»

Aumomentoùilvitquelesgens

autourd’euxcommençaientàlefixer,le

sangquittasatête,laissantderrièrelui

unfrissondepeur.MonDieu,ilétaiten

traindecraquer.Iltitubaenfaisant

quelquespasenarrièreavantdese

retourneretdesedirigerdenouveau

verslaville.

«Ethan,attends!»

Lecliquetisdestalonshautsde

Rebeccasurlepavéluiindiquaqu’elle

étaitentraindelesuivre,maisil

refusaitdeseretourner.

«Jesuisdésolée.»

Ils’arrêtaetilfitvolte-face,pointant

sondoigtverselle.

«Tuasduculot.»

«Pourquoi?Parcequetuastropla

trouilled’entendrelavérité?»

Ilcommençadenouveauàentendre

sonpoulsbattredanssatête,cettefoisà

causedelatempêted’émotionsqui

faisaitrageenlui.Ilserrasestempes

entresesmains,souhaitantquela

sensations’arrête,maislechaosdevint

encoreplusfort.Lessouvenirsse

mélangèrentavecl’enviededrogueet

brouillèrentsavisiondelaréalité

jusqu’àquecequ’ilaitl’impressionde

tomberdansunabyssesansfond.

«Asseyons-nous»,ditunevoixcalme

couvrantlebruitquigrondaitdanssa

tête,suivieparuncontactphysiquedoux

etléger.

Sespiedstrébuchèrentversla

directionverslaquelleelleleguidait,et

ilnerésistapaslorsqu’elleleguidavers

undesbancssituésàproximité.Lemétal

fraisl’apaisacommedelaglacesurun

bleu,maisc’étaitlapetitemainqui

tenaitlasiennequiluiapportaenfinun

semblantdepaix.Lemonderedevint

plusclair.

Becca

s’accroupit

devant

lui,

l’inquiétude

faisant

baisser

les

commissuresdeseslèvres.

«Est-cequejet’aipoussétroploin?

»

«Oui»,dit-il,lavoixencorerauque

aprèstoutcequ’elleavaitdéterré.

«Jel’aijustefaitpouraider.Je

devaisfairequelquechosepoureffacer

lecôtérosebonbonquetuassociaisàla

défonce.Jedevaistefairevoirlecôté

obscurqu’ilyaaussidanstoutça.Tant

quetuneregarderaspaslavéritéen

face,tunepourrasjamaisavancer.»

Ilfixalamaindelajeunefemmedans

lasienneensedemandantcommentelle

pouvaitletoucheraprèsavoirappris

tantdechosessurlui.Etpourtant,ce

petitgestereprésentaitunebouéede

sauvetagequil’empêchaitdeselaisser

submergerparsaculpabilitéetsa

colère.

Ilrepensaauxcinqannéesqui

venaientdes’écouler,prenantchaque

tournantquiavaitmarquésaviepoury

réfléchirenprenantdeladistance.Et

lorsqu’ilarrivaauboutdesonexamen,

ildit:«J’auraisaiméavoirlescouilles

deluidirenon.»

Ellefitcourirsonpoucesurlehautde

lamaindujeunehomme,redevenantde

nouveau

l’oreille

attentive

et

silencieuse.

Ilremontasamanchepourluimonter

lenomdeTytatouésursonbras.

«Jeregrettedenerienavoirditplus

tôt.Enyrepensant,ilyaeutellementde

foisoùj’aivuqueçadevenaitdu

n’importequoi...Etsijen’avaispaseu

tellementlatrouilledegâchernotre

amitiéetderuinerlegroupeenouvrant

magueule...»

Ilclignadesyeuxpourempêcherses

larmesdecouler.Elleavaitréussià

l’atteindreauplusprofonddesonêtre,

maisiln’étaitpasprêtàpleurerdevant

touteslespersonnesprésentessurla

jetée.Lasensationdevidequ’il

ressentaitenluirongeaitsapoitrine.

«C’estjustequ’ilyatellementde

choses

que

j’aurais

aimé

faire

différemment.»

Ellehochalatêteetellepritsajoue

danssonautremain.

Cettefois,ils’autorisaàsavourerle

réconfortqu’elleluioffrait.Ilsepencha

versl’avantjusqu’àcequeleursfronts

setouchent.Inspirantetexpirant,ilcala

lerythmedesarespirationsurcellede

lajeunefemme.Auboutd’uneminute,

sonpoulsétaitrevenuàlanormale,etla

tensiondanssesmusclesavaitdisparu.

«Merci,Bec.»

«Jen’enaipasfiniencore.»

Sonventresenouaetileutun

mouvementderecul.Elleavaitdéjà

réussiàl’envoyerdanssonenferprivé

etàl’enfairerevenir.Qu’est-cequ’elle

avaitencoreenréserve?

Elleseredressa,sansdesserrerson

étreinteautourdesamain.

«Viensavecmoi.»

Ellel’emmenaversl’extrémitédela

jetée,sansjamaislelâcher.Lorsqu’ils

atteignirentlarambarde,ellesortitdela

pochedesonmanteauunsacen

plastiqueremplidemiettesdepain.

«Tiens,prends-enunpeu.»

L’appréhensionqueressentaitEthan

cédalaplaceàunsentimentde

confusion.

«Onvanourrirlespigeonsouuntruc

danslegenre?»

«Non,onvafairenotreproprepetit

tashlikh.»

Elleversadesmiettesdanslapaume

dujeunehommeavantd’enprendreune

pleinepoignéepourelle.

«C’estunetraditionpourRoch

Hachana.Touslesansaprèsleservice

dumatin,onvaàunerivièreetonlance

cesmiettessurl’eau.»

Ellejoignitlegesteàlaparoleen

lançantunepincéedemiettes.

«Audébutdelanouvelleannée,on

sedébarrassedetousnospéchésde

l’annéeprécédente.Cesmiettessont

censéesreprésentertoutesnosfautes,

nosdéfaillances,noserreurs.Etunepar

une,onsedébarrassed’elles,dece

fardeau,toutendemandantlepardon

afindepouvoirrepartirdezéroet

devenirdemeilleurespersonnes.»

Ellevidasapaumeavantdese

tournerverslui.

«

Maintenant

c’est

ton

tour.

Débarrasse-toidelacolère,dela

culpabilitéetdesregretspourpouvoir

allerdel’avant.»

Audébut,ileutenviederireetdelui

direquelancerdesmiettesdepaindans

l’Hudsonneleguériraitpasduvide

qu’ilressentaitenlui,maisàchaque

poignéejetée,c’étaitcommesison

espritdevenaitplusléger.Ilnepouvait

paschangerlepassé.Ilnepouvaitpas

corrigerseserreurs.Etilnepouvaitpas

ramenerTy.

Maisilpouvaitavanceretallerde

l’avant.

Sapaumeétaitvideavantmêmequ’il

nes’enaperçoive.

«Ilt’enreste?»

«Absolument.»

Elleluitenditlesac.

«Bien,parcequej’aibeaucoupde

merdesdontjeveuxmedébarrasser.»

Ilrenversalesacetillesecoua

jusqu’àcequeladernièremiettetombe

dansl’eau.Puisilregardatoutesles

miettess’éloigneraveclecouranttouten

tenantlamaindeRebecca.

«Tutesensmieux?»,demanda-t-

elle.

Ilsefrottalapoitrine,constatantque

levidequ’ilressentaitdanscette

dernièresemblaitpluspetitqu’avant.

«Ouais.»

«Bien.»

Elles’éloignadelarambarde.

«Prêtàpartir?»

Ilhochalatête,maisilrestaitencore

unechosequ’ildevaitfaire.Ilmitsa

maindanssapochearrièreetilsortitle

sachetd’héroïnequ’Aceluiavaitdonné

laveilleausoir.

«Jen’aiplusbesoindeça.»

Illelançadansl’Hudson.Labrise

l’emportaetluifitdécrirequelques

cerclesavantqu’ilnefrappel’eauet

qu’ilnefinisseparcoulersousles

vagues.

«Sionentenddirequ’ungrand

nombredepoissonssesontéchouéssur

lerivage,onsauraquiestresponsable»,

taquina-t-elle,maisl’admirationdans

sesyeuxremplaçalevidequ’ilcachait

aufonddeluiparunelueurchaude.

Ilvoulaitqu’elleleregardetoujours

decettemanière.Ilvoulaitêtreun

hommedontellepouvaitêtrefière.

Ellepritdenouveausamaincomme

s’ilsétaientenpleinmilieud’unrendez-

vousgalantetnond’uneinterventionà

unmomentdecrise.

«Alors,tuasdesprojetspourcesoir

«Non,pasvraiment.»

«Tuveuxveniràlamaison?»

Lesangaffluaverssaqueueen

réponseàl’invitationdelajeunefemme,

maissondésirfutrapidementtempéré

lorsqu’ellepoursuivit:«Macolocet

moiontfaitunesoiréepourRoch

Hachanaavecdesamis.»

Bienquelaperspectivesemblait

tentante,quelquechoseenluihésitait.

Elleétaitprêteàanéantirlebouclierde

l’anonymatenlefaisantentrerdanssa

viepersonnelle,etcelaouvraitlaporte

àtoustypesdepossibilités,bonneset

mauvaises.

«Jenesuispasjuif.»

«Onferaabstractiondeça.»

«Écoute,Bec,j’appréciel’invitation,

mais...»

Elles’arrêtaetellesetournaverslui.

«Maisquoi?»

L’indécisionparalysaitlalangue

d’Ethan.Ilappréciaitlacompagniede

Becca.Probablementplusqu’ilne

l’auraitdû,surtoutsachantqueles

relations

personnelles

étaient

déconseilléesaussitôtdansleprocessus

de

guérison.

Et

l’attirance

était

indéniable.Maiss’ilallaittroploin,s’il

sefaisaittropd’idées,ilrisquaitde

perdrelesoutienqu’elleluiapportait.Et

ilnevoulaitmêmepaspenseràcequi

sepasseraitsiundesinvitésle

reconnaissait.

Ilsefrottal’arrièredelatête.

«Je...»

«Cesontjustemesamis,Ethan.On

vadanser,joueràdesjeux,mangeret

passerunbonmoment.Pasdepression.

»

Ellebaissalavoixavantd’ajouter:«

Etnet’inquiètepas.Ilsrespectentmon

intimité,ilsrespecterontlatienne.»

Unfrissondeméfianceparcourutla

colonnedujeunehomme.Cen’étaitpas

lapremièrefoisqu’ellelaissaitentendre

qu’ellesavaitquiilétait.

«Alorsjen’aipasàm’inquiéterde

finiràlatélé?»

Ellesouritetellesecoualatête.

«Non,biensûr.Pourcequisepasse

unefoisquetusorsdechezmoi,c’est

uneautrehistoire,maismesamissont

cools.»

Ilavaitpresqueenviederiretantcela

semblaitnormal.Iln’arrivaitpasàse

rappelerdeladernièrefoisoùilavait

passédutempsavecdesgensnormaux

desonâge.

«Peut-êtrejusteuneheureoudeux.»

«Génial!»

Elleenroulasonbrasautourdusien,

secollantdenouveaucontrelui.

«Tuasamenétamoto?»

«Oui.»

«Ilyaunechancepourquetume

laisseslaconduire?»

Iléclatad’unrirehonnêteetsincère.

«Nope.»

«C’estbiencequejepensais.»

Ellepoussaunsoupirthéâtral.

«Jesupposequejevaisencore

devoirfairelapassagère.»

Ilaimaitl’idéequ’ellemontederrière

luisursamoto.Peut-êtrequ’ilferait

mêmequelquesaccélérationsdansles

viragespourqu’elleaitlesoufflecoupé

etqu’elles’accrocheencoreplusfortà

lui.Lorsqu’ilsarrivèrentàsamoto,il

luitenditsondeuxièmecasque.

«Onvaoù?»

«Parket75ème.»

«Quartierchicos.»

Ilenfilasesgantsetildémarrale

moteur.

«Biensûr.Familleaiséeettoutle

tralala.»

Ellemontaderrièreluietsarobese

levapourdévoilersescuisses.

Le

pantalon

d’Ethan

devint

inconfortable,bientropserré.Peut-être

qu’iln’iraitpassivitequeceladansles

viragess’ilvoulaitêtrecapablede

marchersansuneérectionclairement

visibleunefoisqu’ilsseraientarrivésà

destination.

Alorsqu’ilétaitsurlepoint

d’attachersonproprecasque,elletapota

sonépaule.

«Oh,aufait,ondoits’arrêterpour

acheterdelahallah2.»

«Oui,m’dame.»

Pendantqu’ilsroulaientàtraversles

rues,ilsemitàréfléchiràtoutesles

nouvellesémotionsqu’ilétaitentrainde

découvrir.

La

confiance.

Le

soulagement.Ledésir.L’espoir.C’était

tellementdifférentdecequ’iléprouvait

lorsqu’ilétaitarrivéàlajetéeuneheure

plustôt.EtildevaittoutcelaàBecca.

Maistandisqu’ilsserapprochaientde

l’appartementdecettedernière,un

nouvelobjectifremplaçaceluiqui

consistaitsimplementàresterclean.Il

étaitentraindeprendreuntoutnouveau

départ,ets’ilavaitdelachance,peut-

êtrequ’ellecommenceraitàlevoir

commeautrechosequ’untoxicomaneen

voiedeguérisonquiavaitbesoindeson

aide.

Peut-êtrequ’ellecommenceraitàle

voircommeunhommequiméritaitson

attention.

1Percocet:Analgésiquenarcotique2Hallah:Paintraditionneljuifenformedetresse

ChapitreSix

Beccadescenditdelamotod’Ethanet

frissonna.Sesjambesnuesétaient

froidesetengourdiesàcausedutrajeten

moto,maisl’excitationliéeaufaitde

serrerEthandanssesbraspendantqu’il

slalomaitpoursefrayeruncheminà

travers

les

voitures

compensait

largement.

«C’étaitgénial!»

Iléteignitlemoteuravantderetirer

soncasque.

«SituaimestellementmaDucati,

pourquoitun’enachètespasune?»

«Hum,cen’estpasaussisimple.»

Ellenevoulaitpasexpliquerqu’elle

avaitcoupélesliensavecsesparentset

qu’ilsluiavaientcoupélesvivres.Bien

sûr,elleavaitunfondsfiduciaire,mais

ellenepouvaitpasyaccéderavantses

vingt-cinqansàcausedesonpasséde

toxicomane.Celasignifiaitquetout

achatfuturd’uneDucatidevraitencore

attendredeuxans.

«Danstouslescas,jeserairavide

t’emmenerfaireuntourquandtu

voudras.»

Unesensationdechaleurmontadu

coudelajeunefemmejusqu’àsesjoues.

Aprèstouslestrucshorriblesauxquels

ellel’avaitsoumis,ilétaitencore

généreuxenverselle.Elleavaitprisdes

risquesenchangeantdetactiqueavec

lui,

en

transformant

sa

séance

d’apitoiementsurlui-mêmeenune

sessionoùelleavaitmontrédudoigtdes

chosesdouloureusesmaiscruciales.Il

auraitpul’envoyersurlesroseset

partir.Maisaumomentoùilluiavait

montrélesachetd’héroïne,elleavaitsu

quedesmesuresdrastiquesétaient

nécessaires.

Elle

fit

une

petite

prière

de

remerciement,reconnaissantepourle

faitquesonchoixsesoitrévéléefficace.

Etlechangementétaitspectaculaire,

mêmeaprèsaussipeudetemps.Les

yeuxgrisd’Ethanbrillaientdenouveau,

etilétaitplusenclinàsourirequ’à

prendreunairrenfrogné.Enfait,ilétait

sexy,purementetsimplement.

Redescends,Becca.Tul’asjusteaidé

àreveniralorsqu’ilétaitauborddela

catastrophe.Attendsqu’ilsoitstable

avantdetenterquoiquecesoit.

Ellesortitlebeignetqu’elleavait

achetéàlaboulangeriedesonsacetelle

ledonnaauconciergedel’immeuble.

«ShanaTorah,Stan.»

«Moiaussijevoussouhaiteune

bonneannée,MadameBecca.»

Ilouvritetiltintlaportepourlaisser

entrerlajeunefemmeetEthan.

«MmeAriellaadéjàaccueilli

quelquesinvités.»

«Cequiveutdirequejesuisunpeu

enretard.»

Elleappuyasurleboutonde

l’ascenseurportantuneflècheversle

haut.

«Onvasûrementmetraînerdansla

cuisinedèsqu’onarriveralà-haut.»

L’expression

d’Ethan

demeurait

impassible,

mais

ses

épaules

se

raidirent.

«Est-cequejepeuxfairequelque

chosepouraider?»

«Peut-êtrequeoui.Maissituasjuste

enviedepasserdutempsaveclesgens,

tupeuxaussi.»

Unéclairdegênepassadansses

yeux,justeavantquelesportesde

l’ascenseurnes’ouvrent.

Ilsentrèrentetellelevalesyeuxvers

lui.

«Situnetesenspasprêtpourça...»

«Non,jeveuxlefaire.»

Illuifitunsourireencoin.

«Correction:Jedoislefaire.Jeme

cachebeaucouptropdansmacoquille

cesdernierstemps.»

Elleserradoucementsamain.

«Mesamissontsympas.Tuvasvoir.

»

Maisunepetitepartied’elleespérait

qu’aucundesinvitésnedécouvrirait

l’identitéd’Ethanetn’enferaittouteune

histoire.Aprèstout,ilslafréquentaient

elle,ainsiquelefrèred’Ari,Gabe,qui

étaitunecélébritéàpartentière.Lefait

d’amenerunestardurockdansle

groupenedevraitpasprovoquerun

tollé.

Lesodeursalléchantesdupoulet

glacéàlagrenadeetdelapoitrinebœuf

cuiteaubarbecueavecdesmûres

l’accueillirentaumomentoùelleouvrit

laporte.AaronetLeviavaientdéjà

branchélaXboxetilsétaienttellement

concentrésdansleurjeudetiràla

premièrepersonnequ’ilsneprirent

mêmepaslapeinedeseretourner.

Cependant,Ari,quantàelle,sortitdela

cuisineets’arrêtanetenvoyantEthan.

«C’estqui?»

«Ethan.»

Touteexplicationsupplémentaireétait

superflue.

Ariserrasamâchoireetelle

empoignalebrasdeBeccapour

l’entraînerdanslacuisine.

«C’estlejunkiedonttum’asparlé?

»,chuchota-t-elle.

«Ilestclean,Ari,etjenevoulaispas

qu’ilrestetoutseulcesoir.»

«Maiscen’estpasundesnôtres?»

«Et?»

Ellelançaunregardverslesalon.

AaronetLeviavaientmisleurjeusur

pausesuffisammentlongtempspour

commenceràdiscuteravecEthan,ils

montraientsoncasquedudoigt,lui

posantprobablementdesquestionsà

proposdesamoto.Quelqueséchanges

plustard,Ethanavaitretirésavesteet

retroussélesmanchesdesonmaillot

thermiquegrisetsepréparaitàrejoindre

leurpartie.

«Ilal’airdebiens’intégreravecles

mecs.»

«C’estparcequ’ilsnesaventpasqui

ilest.»

Beccaprituneprofondeinspiration

pourseretenirderévélerlavéritable

identitéd’EthanàAri.Celaauraitété

différentsiEthanluiavaitrévéléson

identitéàelle,maisilnel’avaitpasfait.

Ettantqueceneseraitpaslecas,elle

respecteraitsavieprivée.

«Jepeuxmeportergarantepourlui,

Ari.C’estunmecbien.»

Lesyeuxmarronsdesacolocataire

s’obscurcirent.

«D’accord,maiss’ilnousvolequoi

quecesoitpouracheterdeladrogue,je

t’entiendraipourresponsable.»

Quelqu’unsonnaàlaporteetArialla

ouvrir.

Beccaappuyasonfrontcontrel’acier

inoxydablefroidduréfrigérateur.Elle

n’avaitpaspenséqu’Aripouvaitêtre

aussisnob.Aumoins,AaronetLevi

avaientl’airouvertsàl’idéedelaisser

Ethansejoindreàleurfête.

Entendantdesvoixféminines,Becca

lançadenouveauunregarddansle

salon.MorganetNathalieétaient

arrivées.Gabeavaittoujourssurnommé

legroupequeformaientAri,Natet

MorganlaBrigadedesBarbiesbimbo

surletondelaplaisanterie,maisla

description

concordait

parfaitement.

Ellesétaienttouteslestroisélancées,

blondesetélégantesavecleteinthâlé,

maisellesétaientparfoissuperficielles.

SonestomacsenoualorsqueNathaliese

dirigeaversEthanetcommençaàle

draguer.

Biensûrqu’elleallaitlefaire.Ilétait

mignon.Etcharmant.Etildégageaitune

espècedecharismesexy.Quellefemme

nesentiraitpasattiréeparlui?

Maisilsecontentadesourireetde

faireunmouvementdetêteendirection

deBecca.Lesourireséducteurde

Nathaliesetransformaenmoue,tandis

queceluideBeccadevenaitpluslarge.

Ilvenaitjustedefaireclairement

comprendrequ’ilétaitavecelle,etson

cœursemitàbattrelachamade.

Elleouvritleréfrigérateuretelleprit

leplateaucouvertdetranchesde

pommesqu’elleavaitpréparétrèstôtce

matin-là.Elleposaunpetitboldemiel

aucentreavantdel’amenerdansle

salon.

«Quiestprêtpourlepremierplat?»

Lesgarçonsmirentleurjeusurpause,

ettoutlemondeseréunitautourd’elle

pourprendreunetranchedepommeetla

tremperdanslemiel.Ethanfutledernier

àseservir.Ilobservalesautresavantde

suivreleurexemple.

«C’estbon»,dit-ilaprèslapremière

bouchée.Jemesuistoujoursdemandé

pourquoivousservezdespommesetdu

miel.»

Morganrecula,plissantsonnez

parfait.

«Tuesungoy?»

«Hum,peut-êtrebien.»

IlsetournaversBeccapourobtenir

del’aide.

«Iln’estpasjuif»,dit-elleaux

autres,«maisilestcoolquandmême.»

«Hey,personnen’estparfait»,

réponditLevientredeuxgrosses

bouchéesdetranchesdepommes.«

Enfin,saufmoi.»

Legroupesemitàglousser,etAaron

mitunepetitetapeamicaleàLevi.Le

narcissismedeLeviétaitunobjetde

plaisanterieshabituelentreeux,mais

celadétournal’attentiond’Ethan.Ils

brisèrentlecercle,etellerestaseule

aveclui.

Ils’approchad’elle,letondesavoix

devenantgraveetgraveleux,exsudantle

sexe.

«Alorsjesuiscool,hein?»

«Oui,mêmesituasdumielsurle

menton.»

Elleessuyalemielavecsondoigt.

Ilpritsamainetilrapprochales

doigtsdelajeunefemmedesespropres

lèvres,puisilsuçalemield’une

manièrelenteetsensuellequifit

mouillerlazonesituéeentrelesjambes

deBecca.

«Douxetsucré.»

S’ilcontinuaitdeluiparlerainsi,elle

allaitl’entraînerdanssonlitavantque

ledeuxièmeplatnesoitservi.

Tienslecoup,Becca.Concentre-toi

surautrechosequelefaitqu’ilt’excite

àmort.

«C’estexactementl’idéederrièrele

dînerdeRochHachana.Unenouvelle

annéequiseradouce.»

«Çameva.»

Ilcontinuaàlaregarderfixement

commes’ilvoulaitenleverdumielsur

d’autrespartiesducorpsdelajeune

femmejusqu’àcequ’Aaronl’appelle

pourreprendreleurpartie.

Beccaallaseréfugierdanslacuisine,

lemoindrecentimètredesapeaurouge

d’excitation.Sielleavaitdesdoutessur

lefaitd’allerplusloin,Ethanvenait

justedelesbalayer.Maiselledevait

faireévoluerleschosespetitàpetit,

sinonellerisquaitdetoutvoirlui

exploseràlafigure.

Prendstontemps,Becca.Tun’aspas

enviequ’uncoupvitefaitmetteen

dangerlaconfiancequetuas

construitejusque-là.

Maisunechoseétaitcertaine.Ethan

Kellysavaitcomments’yprendreavec

elle,danstouslessensduterme.

ChapitreSept

Ethanavaitbeauessayerdese

concentrersurlejeuauqueliljouait

avecLevietAaron,legoûtsucrédu

doigtdeBeccadanssabouche

continuaitdeletourmenter.L’enviequ’il

ressentaitàprésentétaituneenvieà

laquelleilpourraitfacilementdevenir

dépendant.Ilsedisaitqu’iladorerait

découvrirlasaveurd’autrespartiesde

soncorps,encommençantparses

lèvres.Etensuite,s’iltrouvaitle

couragedelefaire,ilpourraitl’inviter

chezluipourleplatderésistance.

Maisaumomentoùill’imaginadans

sonlit,sesmainsdevinrentmoites.Il

n’arrivaitpasàsesouvenirdela

dernièrefoisoùilavaitfaitl’amourà

unefemmesansêtresousl’emprisedela

drogue.Bonsang,ilavaitperdusa

virginitélorsd’unefêteoùilavaitbuet

prisdeladrogue.Lesannéespassées

surlarouteneluiavaientpaslaissé

beaucoupdetempspourunerelation

durable,etlesaventuresd’unsoir

étaientdevenueslanormepourlui.

Aprèsquelquesbièresouunshotrapide

d’héroïne,ilnepensaitplusaufaitqu’il

n’avaitpasunepersonnespécialeauprès

delaquellerentrer.Ilavaituncorps

chaudpourlanuit,etc’étaittoutcequi

comptait.

Jusqu’ici.

Ilavaitvingt-neufans.Iln’étaitpas

encoreprêtàs’installeravecquelqu’un,

maisilétaitvraimentprêtàessayer

d’avoirunerelationsérieuse.EtBecca

étaitunefillequivalaitlapeinede

prendrecerisque.

Àprésent,ilfallaitsurmonterles

problèmesliésàl’angoissedenepas

êtreàlahauteur.

Unedesblondes,Nathalies’ilnese

trompaitpas,luitenditunebouteillede

cidrebrut.Illaposasurlecôté,sansla

toucher,etilcontinuadejouerjusqu’à

cequelaported’entrées’ouvreetqu’un

jeunehommehurle:«ShanaTorah,

bandedesalopes!»

LevietAaronjetèrentleursmanettes

pouralleraccueillirlesnouveaux

arrivants.Quatregarçonsettroisfilles

deplusentrèrentdansl’appartement,et

l’ambiancepassadecelled’unepetite

soiréeentreamisàcelled’unevraiefête

déchaînée.Lesvoixremplirentlapièce,

luttantpourcouvrirlamusiquetoujours

plusfortequisortaitdesenceintes

surroundencastrées.Lacolocatairede

Beccafitletourdelapièceavecun

plateauremplisd’appletinis1,etBeccasortitdelacuisineavecunplatcouvert

demorceauxdepouletfumants.

«C’estlemomentdudeuxièmeplat»,

annonça-t-elleàtoutel’assemblée.«

Pouletàlagrenade.»

Lesodeursalléchantesetsucréesqui

remplirentl’appartementfirentsaliver

Ethan.Ilfitlaqueuederrièrelesautres

pouravoirunmorceaudepouletrôti

recouvertd’unesaucerougeaciduléet

demorceauxdegrandefraîche.

«C’esttoiquil’afait?»,demanda-t-

il.

Beccaacquiesça.

«C’estfoucequ’onpeutfaireavec

unerôtissoireélectrique.»

Ilpritunebouchée.Legoûtétait

encoremeilleurquelesodeurs.

«C’estuneautretradition?»

«Oui.Lagrenadesymboliseune

nouvelleannéepleinedebonnesactions.

»

Ellelançaunregardverssesinvités

quiétaientoccupésàbavarderetàboire

avecleursamis.

«Mêmesij’espéraisqu’onpuisse

faireleKaddish2avantqu’ilsnesoientplusenétat.»

«C’estnotrefête,pascelledenos

parents»,ditsacolocataireenprenant

unautremorceaudepoulet.«Onn’est

pasobligédefairetouslestrucs

traditionnelsbarbants.Sic’étaitceque

tuvoulais,alorstuauraisdûallerdîner

avectafamille.»

Beccaclignadesyeuxettournales

talons,maispasavantqu’ilnesurprenne

uneexpressiondechagrinfugacesurson

visage.Quelquechosedanslesparoles

desacolocatairel’avaitblessée,etilse

surpritàessayerdelaréconforteravant

depouvoirs’enempêcher.

«Çava?»,demanda-t-il.

«Ouais.»Elleluiadressaunsourire

peuconvaincant.«Ettoi?»

Ilfitletourdelapièceduregard,

puisilhochalatête.

«Ouais,enfaitçava.»

«Bien.»

LesouriredeBeccadevintplus

chaleureuxetelleluitenditunebouteille

d’eau.

«Jedoisretournerdanslacuisine

pourcommencerleprochainplat.»

«Jeserailà.»

Uninstantplustard,LevitraînaEthan

pourquecelui-cirejoignelegroupe,

puisilleprésentaauxnouveaux

arrivants.Ethanrestaitenrecul,écoutant

etneparlantquelorsqu’onluiposaitune

question.Ilsirotaitsabouteilled’eauau

lieudeboiredegrandesgorgéesde

cidrebrutcommelesautresgarçons.Et

mêmesisanatureintérieuresolitaire

étaitréticenteàl’idéed’unefêteremplie

d’étrangers,ilavaitcommencéàbien

aimerlesamisdeBeccaaussivitequ’il

s’étaitmisàl’apprécierelle.

Quelqu’unfrappaàlaporte,etmême

sicesonétaitàpeineaudibleàcausedu

bruitambiant,Beccaallarépondre.Un

hommeportantdeuxguitares-uneen

bandoulièresursondosetl’autredans

samain-sejoignitàlafêteetpritla

jeunefemmedanssesbras.

Ethanfutsurprisparlasensationde

brûlurequelajalousiedéclenchadans

sonventre.Etsic’étaitsonpetitami?

Ets’ilétaitentraindetomberamoureux

d’unefillequiétaitdéjàavecquelqu’un

?Est-cequec’étaitcequiexpliquait

pourquoiBeccas’étaitcachéedansla

cuisinependanttoutelasoirée?Il

traversalapièceafind’enapprendre

davantageàproposdel’invitéarrivéle

dernier.

L’hommeétaitentraind’enleverla

guitarequ’ilportaitenbandoulière

lorsqu’Ethanarrivaàsahauteur.

«C’estqui,Becca?»,demandale

nouveauvenuenregardantEthanavec

plusdecuriositéqued’espritde

compétition.

«C’estmonami,Ethan.»

Ami.Lemotl’atteignitavecplusde

violencequ’unegifleenpleinvisage.Il

auraitdûêtrereconnaissantqu’ellele

considèrecommeunami,maisàprésent

ilvoulaitplus.

L’hommetenditsamain.

«Salut,Ethan.JesuisDavid.»

Ethanpritsontempspouraccepterla

maintendue,unsentimentdemalaise

martelantdanssesveinestandisqu’il

étudiaitledernierarrivant.David

portaitunejoliechemiseetuntreillis,et

ilarboraitunebarbefourniequi

empêchaitdedevineraisémentsonâge.

Beccaétaitimmobile,unemain

placéesurchacunedesépaulesde

l’homme,jaugeantlesréactionsde

chacunavecungrandsourire.

«Davidestmusicienluiaussi,Ethan.

Ilaterminésesétudesdechantcantorial

àl’HUC3.»

Bonàsavoir,maiscelanerépondait

toujours

pas

à

la

question

qui

bourdonnaitdanssatêtecommeun

frelonencolère.

«Becca»,appelaAridepuisla

cuisine,«lapoitrinedebœuf.»

Levisagedelajeunefemmepâlit.«

Ohnon».Ilpartitprécipitamment,

laissantEthanseulavecl’hommequi

étaitpeut-êtresonpetitami.

«Alors,Ethandequelinstrumenttu

joues?»

Ilétaitentraind’essayerdefairela

conversation,maisEthann’arrivaitpasà

se

détendre.

«

De

la

guitare,

principalement.Maisjejoueaussidu

piano,delabatterieetdelatrompette.»

«Joli.Tuasdéjàpenséàjouerpour

leTemple?»

«Ilnepeutpas»,réponditMorganà

laplaced’Ethanenglissantsonbras

sousceluideDavid.«C’estungoy.»

LesouriredeDavids’élargit.«Ilya

deschancesquetuteconvertisses?»

«Probablementpas.»

«Vraimentdommage»,répondit

David,ignorantlestentativesdeMorgan

pourl’éloignerdelaporte.«Quelques

musiciens

de

plus

seraient

les

bienvenus.»

Lablondel’interrompitensoufflantet

enlevantlesyeuxauciel.«Est-ceque

çanepeutpasattendre?»

Illacalmaendéposantunbaisersur

sajoue.«Laisse-moiuneminute,bébé.

»

Laraideurdanslesavant-bras

d’Ethans’atténua.Apparemment,David

étaitavecMorgan.

«Maistuasétéabsenttoutela

journéeàcausedecetrucauTemple.»

Elleminaudacommeunepetitefille

richetropgâtée.

«Oui,etjesuisàtoidansuneminute.

»Jen’aimêmepasencoreenlevémon

manteau.»

LesouriredeMorgandevintencore

plusaffecté,etellereculaenlevantun

doigt.«Uneminute.»

«Désolépourça»,ditDavidavecun

haussementd’épaulespenaudtouten

retirantsonmanteau.

«Elleesténervéeparcequej’avais

promisdejouerpourleservicede

l’après-midietquejenepouvaispas

êtrelàquandlafêteacommencé.»

«C’estpourçaquetuasdeux

guitares?»

Ethansepenchasurlecôtépour

examinerdeplusprèslesétuis,etil

reconnutlesmarques.Fender.Martin.

Dessignesrévélateursd’unmusicien

sérieux.

«Ouais.»Ilsuspenditsonmanteau

dansleplacard.«Peut-êtrequ’on

pourraitjoueruntrucensembletoutà

l’heure.J’aiuneappliquitransforme

montéléphoneenampli.»

UnepeurglacéeparalysaEthan.

C’étaitunechosedenepasarriverà

jouerquandilétaitseul,maisrester

pétrifiédevantlesamisdeBeccaétait

unetouteautrehistoire.Iln’étaitpas

encoreprêtàseridiculiser.

«Peut-être»,dit-il,lagorgeserrée.

IlfutsauvéparLeviquicria:«

Beccaestentraind’amenerlapoitrine

debœuf.»

Lesinvitésdelafêteserassemblèrent

autourdelatabledelasalleàmanger

oùBeccaétaitentraindedécouperla

poitrinedebœufenfinestranches.

L’extérieurétaitrecouvertd’unlaquage

roussi,etilyavaitunpetitbolcontenant

cequisemblaitêtreunesaucebarbecue

foncée.Ariapportaégalementune

saladecomposéedemini-légumesverts,

depépinsdegrenadesetdepommes.

Lesautresfemmessortirentdelacuisine

enportantlesautresaccompagnements:

delapuréedepatatesdouces,des

carottesconfites,desmichesrondesde

hallahetdespetitspois.Unefoisque

toutfutposésurlatable,ilsremplirent

leursassiettes.

Engoûtantlesplats,Ethanremarqua

lecôtésucrédechacund’entreeuxetil

souritintérieurement.Lepenchantde

Beccapourlesucrédevaitêtreau

paradiscesoir-là.Mêmelasaladeétait

assaisonnéeavecunevinaigretteau

miel.

Aprèsavoirremplisonassiette,la

jeunefemmeluifitsignedelarejoindre

devantlebarquidonnaitsurlacuisine.

«Tuaimesjusque-là?»

«C’estcequej’aimangédemeilleur

depuisquejesuisarrivéenville.»

Etilétaitsincère.Lesplatsàemporte

dont

il

s’était

nourri

jusqu’ici

ressemblaientàdelasciurecomparéà

unrepasfaitmaison.Unefoisencore,il

futémuparlagénérositédelajeune

femme.

«Mercidem’avoirinvité.»

«Jet’avaisditquemesamisétaient

cool.»

Elleluifitunclind’œilavantde

prendreunebouchéedecarottes

découpéesenrondelles.

«Aufait,j’espèrequeçanet’apas

dérangéquejediseàDavidquetues

musicien.»

«Non,pasvraiment.»

Ilétaitpluscontrariéparlefait

d’avoirétéprésentécommeunami,

mêmesisatêteluidisaitquecestatut

étaitdéjàtrèspositifsachantdepuis

combiendetempsilsseconnaissaient.

«Jemesuisditquecommeilest

musicienluiaussi,ilpeutpeut-être

t’aideràretrouverlamusique.»

«J’endoute.»

Maislasuggestionqu’elleavaitfaite

planaautourdeluicommeunessaimde

moucheronsjusqu’àlafindurepas,ne

luilaissantaucunmomentderépit

jusqu’àcequ’ilressentelebesoindese

leveretd’allersurlebalconpourse

viderlatête.

L’airvifdel’automnecalmasa

frustration.Lesoleilcouchantbaignait

CentralParketlerestedelavilledans

unelueurorange.Decettehauteur,tout

semblaitcalmeetserein,etsonesprit

s’imprégnadecetteatmosphère.Le

balconétaitdavantageunegrande

terrassequis’étendaitsurtoutela

longueurdel’appartement,suffisamment

spacieusepouraccueillirdeuxchaises

longues,unetableetdeschaises.Il

devaitêtreparfaitpourfairedes

barbecuesenété,maisencetinstant,

l’espaceouvertcontrastaitavecl’espace

confinéremplidemondeàl’intérieur.

Ici,ilpouvaitvoirlecieletreprendre

sesesprits.

Ilnepritpaslapeinedeseretourner

lorsqu’ilentenditlaportes’ouvrir

derrièrelui.Beccaétaitlaseule

personnepouvantosersortiretvenirle

rejoindre.

Maiscefutunevoixmasculinequidit

:«Çatedérangesionjoueensemble

maintenant?»

EthanseretournaetilvitDaviden

trainderapprocherdeuxchaisesàcôté

dedeuxguitaresacoustiques.

«Etlerestedelafête?»

«C’esttropbruyantlà-dedans.En

plus,sioncommenceàjouerils

viendrontnousrejoindre.»

Ilouvritundesdeuxétuis.

«TupréfèreslaMartinoulaTaylor?

»

«Peuimporte.»

Iln’étaitpassûrquesesdoigtsse

souviendraientdesaccords.

«Tupeuxprendrecelled’Ari».

DavidluitenditlaTaylorquasiment

neuve,puisilouvritl’étuidelaMartin.

«Ousitupréfères,jepeux

abandonnermaMartinunpetitmoment.

»

«Cen’estvraimentpasnécessaire.»

IlessayaderendrelaguitareàDavid,

maiscelui-cirefusadelaprendre.

«Detoutefaçon,jenesuispastrop

d’humeuràjouercesdernierstemps.»

«C’estdommage.Lamusique

m’apaisetoujours.»

Davidgrattalescordesetfermales

yeux.

Ethanreconnulespremiersaccords

d’unechansondesBeatles.Sesdoigts

s’enroulèrentautourdumanchedela

guitare,bougeantaubonmomentpour

lestransitions,maisilluifallutinspirer

pourtrouverlecouragedepincerles

cordesetdejoueravecDavid.Le

barytonclairdecedernierremplissaitla

nuitavecunefinessequimitenpiècesle

sentimentdeculpabilitéetlesdoutesqui

emprisonnaientl’âmed’Ethan.Les

chaînesquiretenaientsamusiquese

brisèrent,laissantderrièreelleslajoie

légèreetinsouciantequiluirappelasa

jeunesse.

AumomentoùDavidarrivaau

refrain,Ethansemitàchanteraveclui.

L’harmoniequienrésultalesurprit.Il

avaitétélechanteurleaderdugroupe

tellementlongtempsqu’ilavaitoubliéce

que

cela

faisait

de

jouer

en

accompagnement,

et

pourtant

les

modulationsdesavoixsemêlaient

parfaitementàcellesclassiquesde

David,résultatdeplusieursannéesde

formation.Laqualitésansfioritureslui

rappelaqu’ilavaitencoreunevoix

décente,etlebœufimproviséétaitàdes

années-lumièredel’éclataveuglantdu

projecteurducentredelascène.Peut-

êtrequ’ilpouvaitfairedelamusique

sansTy,sansdrogues,sansl’ingénierie

complexedusonfournieparlestudio.

L’amideBeccaluiadressaunsourire

pourl’encourageravantdeselancer

danslederniercouplet.Lorsquele

refrainarrivadenouveau,saconfiance

enluiaugmentaetiltransmitl’harmonie

desavoixverssaguitare.Ledéfiétait

amusantetrafraîchissant,etlescoinsde

seslèvrescommencèrentàselever.

Ilavaitredécouvertsonamourpourla

musique.

«Tuessûrquetun’envisageraspas

lapossibilitédeteconvertir?»,dit

Davidlorsqu’ilseurentterminé.«

J’adoreraist’avoirdanslegroupedu

Temple.»

«Merci,maisjeviensjustedequitter

ungroupeetjefaisunepausepour

prendreunpeudetempspourmoi.»

Ilgrattadenouveaulescordesetil

résistaàl’enviequilesubmergeade

serrerlaguitarequ’onluiavaitprêtée

contrelui.

«Partantpourunautremorceau?»

«Absolument.Jetelaissechoisir.»

Ethancherchadanssatêteune

chansonquinesoitpasunemélodiede

Ravinia’sRejects,etiloptapourune

autrechansonclassiqued’Extreme

parfaitepourdeuxvoixetdeuxguitares

acoustiques.Ilposasonmédiatoretil

utilisasesdoigtspourformerles

premiersaccords.

«Bonchoix.»

Davidjouaaveclui,maislorsqu’ils

arrivèrentàlapartiechantée,ilhochala

têteetildit:«Celle-là,elleestrienque

pourtoi.»

C’estjusteunamideBeccasurun

balcon,pasunstadepleinàcraquer.

Tupeuxlefaire.

Lespremièresnotesgazouillèrent

avecuntimbreéraillé,lerésultatde

plusieurssemainesd’inactivité,maisil

serattrapaàlasecondeligneetil

s’abandonnaàlamusique.Cenefutque

lorsqu’ilsarrivèrentàlafindela

chansonqu’ilserenditcomptequ’ils

avaientattiréunpublic.

Unesensationdechaleurmontade

soncoujusqu’auxextrémitésdeses

oreilles.Pendanttoutcetemps,ilavait

essayédefaireprofilbas,etilvenait

peut-êtredeperdresonanonymatparce

qu’ilavaitouvertlabouche.Ilscrutales

personnesquis’étaientrassemblées

autourd’eux,cherchantàvoirsil’une

d’entreellesl’avaitreconnu.Maisàla

secondeoùilvitlevisagerayonnantde

Becca,toutessespenséesàproposdu

fait

de

protéger

sa

vie

privée

s’envolèrent.Elleavaitl’airsifièrede

luiqu’iln’accordaitplusaucune

importanceàcequelesautrespensaient.

Seulesonopinionàellecomptait.

«C’étaitgénial»,ditlemecquiavait

faituneentréetonitruanteentenantun

briquetlevédanslesairs.«Continuez,

lesmecs.»

«Onpeutfaireçaàl’intérieur?»,

demandaMorganenfrottantsesbras

nus.«Ilfaitunpeufroiddehors.»

«Pasdeproblème.»

Davidselevaenemportantsaguitare,

maisEthanrestasursachaise.

Moinsdevingt-quatreheuresavant,il

avaitétésurlepointdefaireune

rechute,decapitulerfaceàl’héroïne

justepourpouvoirtrouverleréconfort

quecettedernièreluiprocurait.Mais

pendanttoutcetemps,lamusiqueétait

justelà,attendantqu’ill’étreigne.Il

avaitjusteàfairetomberlesprotections

qu’ilavaitdresséesautourd’elleetà

retrouversonessence.

Jepeuxvraimentlefaire.Jepeux

encorejoueretresterclean.

Désormais,

le

nouveau

défi

consisteraitàcréerdesnouvelles

musiquessansdépendredesonancienne

muse.

«Tuviens,Ethan?»,demanda

doucementBecca.

Ilsetournaetilvitqu’ellesetenaità

côtédelui,lamaintendue.

Ilpritcettedernièreetilseleva,

trouvantlaforcedecontinueràavancer

grâceausoutienqu’elleluiapportait.

«Ouais.»

Ellesepenchaetellemurmura:«Je

suiscontentequetuaiesretrouvéla

musique.»

S’iln’yavaitpaseuunpublicentrain

del’observerdel’autrecôtédesbaies

vitrées,ill’auraembrasséesur-le-

champ.Aulieudecela,ilsecontentade

fairepasserunedesmèchesdela

chevelurebrunedeBeccaderrière

l’oreilledecettedernière.

«Moiaussi.»

Unefoisàl’intérieur,Davidetluise

mirentàjouerdesclassiquesdurock

pourlegroupeetàsatisfairequelques-

unesdesdemandesdesinvités.Toutceci

l’amusait,jusqu’àcequ’Ariréclameune

deschansonsdesongroupe.Ethanprit

uneprofondeinspirationetretintson

souffle.S’ilsatisfaisaitàcettedemande,

ilprenaitdenouveaulerisquedefaire

volersacouvertureenéclats.

«Jenelaconnaispastrèsbien»,dit

David.«Tulaconnais,Ethan?»

Ilhochalatête,n’ayantpasconfiance

ensaproprevoix.IlcherchaBecca,

maisilneréussitpasàlatrouver.La

peurs’insinuadanssestripes.

Jedoislefairetoutseul.

Maislorsqu’ilbalayalapiècedu

regardetqu’ilvitDavidl’encourager

d’unhochementdetête,ilprit

consciencequ’iln’étaitpasseul.Il

grattalespremiersaccordsdetête.La

guitareacoustiqueétaitplusdouceet

pluslentequelaguitareélectriquesur

laquelleilavaitl’habitudedejouerpour

cettechanson,maiselleluipermettait

d’enfairedemêmeaveclesparoles.

L’émotionéraillasavoixlorsqu’il

chantalepremiercouplet.C’étaitla

premièrechansondeRavinia’sRejects

qu’ilchantaitdepuisqueTyétaitmort,et

laqualitésolennellequelesguitares

acoustiques

lui

conféraient

était

parfaitementenaccordavecsonétat

d’esprit.C’étaitunesorted’éloge,une

manièrepourluidedireadieuaupassé.

Davidsejoignitàlui,maisleson

n’étaitpaslemêmequelorsquec’était

Tyquijouaitl’harmonie.C’était

différent,maisdanslebonsens.Lorsque

lachansonfutsurlepointdeseterminer,

sesdoigtsledémangerdejouerune

nouvellemusique,detravailleretde

donnervieauxaccordspourexprimerle

conflitquifaisaitrageenlui.

«Ouah»,ditAri,lesyeux

écarquillés.«C’étaitencoremeilleur

quelaversionoriginale.»

Ilvalaitmieux,sachantquec’était

luiquil’avaitécrite.

«Merci»,bredouilla-t-ilavantdese

leverdesachaise.

IldevaittrouverBecca.

«Ilesttempsdefaireunepetite

pause.»

«Lamême.»

DavidposasaguitareetpritMorgan

danssesbras.

Lamusiquetechnobruyantequi

résonnaitplustôtsoufflaitdenouveau

dansleshaut-parleursaumomentoù

Beccaapparutdederrièreuneporte

ferméeavecunepiledepapier.Ellefit

signeàEthandes’approcheretil

obtempéra,tenanttoujourslaguitarede

lacolocatairedelajeunefemme.

«J’aientendulenouvelarrangement,

etçam’afaitpenseràuntruc.Tu

devraisprendredesnotes.»

Elletenditunepiledepartitions

vierges.

«Jelesaiimpriméespourtoi,maissi

tuenasbesoindeplus...»

Cettefemmelisaitmieuxenluique

lui-même.Ilpritlapileetildéposaun

baiserchastesursonfront.

«Est-cequ’ilyaunendroitcalmeoù

jepourraismeposer?»

«Tupeuxutilisermachambre.»

Elleouvritlaporteparlaquelleelle

venaitjustedesortir.

«Merci.»

Illaregardadroitdanslesyeux

pendantuninstantpourêtrecertain

qu’ellecomprenaittoutelaportéedela

gratitudequ’ilressentaitenverselle.

Ellel’avaitaidéàsurmonterunobstacle

majeurpoursaguérison,etilavaitenfin

l’impressiondepouvoirallerdel’avant.

Les

yeux

de

Becca

brillaient

d’excitation.

«Derien.»

Sachambreétaitsimpleetcalme,tout

commeelle.Lescouleursbleuesetles

lignesclairesapaisèrentsonanxiétéet

l’aidèrentàseconcentrer.Ils’assitau

borddulitaveclaguitared’Arietilmit

parécritlesnotespourlenouvel

arrangement.Sonstylos’immobilisa

lorsqu’illutlalignequ’elleavaitécrite

enhautdechaquepage.

ParolesetmusiqueparEthanKelly.

Celaconfirmaitqu’ellesavaitquiil

était,etpourtantelleletraitaitcomme

n’importelequeldesesautresamis.Elle

neluifaisaitpasdecourbettesetellene

leprenaitpasavecdespincettes.Pour

elle,n’étaitqu’unepersonnedeplus,et

celaluidonnaencoreplusconfiance

pourcequiétaitdeluiconfierses

secrets.

Ilpritunepartitionvierge.Ilétait

tempsdecréerquelquechosede

nouveau.

1Appletini:Cocktailàbasedevodka,deschnappesdepommeetdejusdepomme2

Kaddish:Cérémoniedesanctificationd’un

joursaint3HUC:HebrewUnionCollege(institutd’étudesdelareligionjuive)

ChapitreHuit

Lafêteavaitprisunemauvaise

tournurepoursetransformerenbeuverie

aumomentoùEthansortitdelachambre

de

Becca.

Des

mots

indistincts

résonnaientpar-dessuslamusique

rythmée,etdesbrasetdesjambes

s’agitaientdansdesmouvementsde

dansechancelants.

Ethansefrayauncheminautourdu

salonàlarecherchedeBecca,maisce

futaveclacolocatairedecettedernière

qu’iltombanezànez.Ellelevasesyeux

marronsversluietellenefitaucun

effortpoursedégager.

«Tuasunevoixsexy»,dit-elled’une

voixtraînante.

«OùestBecca?»

Ses

mots

étaient

tranchants

et

percutants,uncontrastedirectavecle

tonléthargiqueetimbibéd’alcooldela

jeunefemme.Iln’yavaitqu’uneseule

femmequ’ilavaitenviedetenircontre

lui,etcen’étaitpaslapetiteblonde.

Elles’écartaenfaisantunepetite

moue.

«Dehors,surlebalcon.»

Commeunpeuplustôt,lelarge

balconoffraitunrépitparrapportau

chaosquirégnaitàl’intérieur.Ilscruta

l’endroit

faiblement

éclairé,

en

commençantparleschaises,etilfinit

parlatrouverappuyéecontrelemur,

dansuncoinpluséloigné.

«Hey»,dit-ilens’approchantd’elle

etenluilaissanttoutletempsdontelle

avaitbesoinpourluidirequ’elleavait

envied’êtreseulesielleledésirait.

«Hey»,répondit-elle.«Commentça

s’estpassé?»

«Bien.»

Ils’arrêtadevantelleetilappuyason

coudecontrelesbriqueschaudes.

«Vraimentbien,enfait.J’aiécritune

nouvellechanson.»

«Çatedéranged’enchanterunpetit

boutpourmoi?»

Unrired’autodérisionsortitdela

poitrinedujeunehomme.

«Jetravailleencoresurlesparoles.»

«Ellesvonttevenir.»

Ellesoupiraetelleregardaversle

ciel.

«Désolédem’êtrecachédetoi,mais

j’avaisbesoindefaireunbreakaveccet

environnementavantdefairequelque

chosequej’auraispuregretter.»

Ilsepenchadavantageverselle,

inspirantsonparfum.Saqueuedurcit,et

touteslespenséesliéesàlamusiquese

volatilisèrent.

«C’est-à-dire?»

«Jeneboispasparcequec’esttrop

risquépourmoi.Maispourcequiest

desautres...»

Ellehaussalesépaulescommesila

manièredontlasoiréeavaittourné

parlaitd’elle-même.

«Alorsc’étaitçalabêtisequetu

avaispeurdefaire?»

Ilserapprochasuffisammentpour

l’entendrereprendresarespiration.

Ellelevasonregardverslui,sesyeux

assombrisparledésir.Elleléchases

lèvres.

«Entreautres.»

Ilcontinuadeserapprocher,attendant

devoirsielleallaitlerepousser.Tout

desuiteaprès,seslèvreseffleuraientles

siennesdansunbaiserhésitantetléger

commeuneplume.Unesensationde

chaleurcoulaenluidepuislazonede

contact,etpourtantlapeurtempéraitson

désir.Ilreculadequelquescentimètres

pourévaluerlaréactiondeBecca.

Elleavaitlesyeuxfermés,maisun

sourirebéatluidonnalapermissionde

continuer.

Cettefois,sonbaiserétaitplus

déterminé,plusexigeant.Ilvoulait

repousserleslimitesdeleurrelationet

voirjusqu’oùelleétaitcapabled’aller.

Ellecédaetelleentrouvritseslèvres.Il

exploraavidementladouceurdesa

bouche

tandis

que

ses

doigts

continuaientdes’enfoncerentreles

briques.Elleavaittellementbongoût

ques’ilarrivaitàtrouverlecouragede

laprendredanssesbras,ilneseraitpas

satisfaitavantdel’avoiremmenéedans

unlit.

Lebaiserlentetsensuelsembladurer

uneéternité.Iln’avaitjamaisimaginé

qu’ilpourraitapprécierlesimpleplaisir

d’embrasserunefemmeàcepoint-là,

mais

le

fait

d’embrasser

Becca

dépassaitlargementtouteslesannées

d’aventuresd’unsoirqu’ilavaitvécues

etdontilgardaitunsouvenirflou.Ilse

concentrasurlamoindredespetites

réactionsdelajeunefemme,pleinement

conscientdelamanièredontelle

réagissaitàsespropresactions.La

respirationdeBeccaétaitplusrapide,et

elletenditlamainpourletoucher.Au

début,elletouchasontorse.Puisses

épaules.Etenfinsesbrass’enroulèrent

autourdecesdernièrestandisqu’elle

rendaitleurbaiserplusintense.Les

derniersdoutesdujeunehomme

s’évanouirent.Elleavaitautantenviede

luiqueluiavaitenvied’elle,etil

s’autorisaàpassersesdoigtsdanssa

cheveluresoyeuse.

«Becca»,appelaAridepuislaporte.

Ethanarrachaseslèvresdecellesde

lajeunefemmeetilfitunbonden

arrière.Mêmes’ilmouraitd’enviede

continuer,ilnevoulaitpasquecet

instantd’intimitédevienneunspectacle.

«Quoi?»,réponditBeccasansrien

faire

pour

essayer

de

cacher

l’exaspérationquitransparaissaitdans

savoix.

«OnvaauCielo.Tuveuxveniravec

nous?»

BeccalevalesyeuxversEthan,les

pupillesdilatéesetsapoitrinese

soulevantetretombantrapidement.

«Jecroisquejenevaispasbouger

cesoir.»

«J’étaissûrequetudiraisça.»

Ellefitungrandsourireetellese

tournaverssacolocataire.

«Faisattentionàtoi.»

«Toiaussi.»

Ariluilançaunregardhostileavant

derefermerlaporte.

Ilattenditqu’elledisequelquechose,

maislorsquelesilences’installa,ildit:

«Jecroisqu’ellenem’aimepas.»

«C’estjusteunemeilleureamie

surprotectrice.Sielleconnaissaitta

véritable

identité,

elle

agirait

différemment.»

«C’est-à-dire?»

Ils’attendaitàcequ’elledisecequ’il

savaitdéjà.

LesjouesdeBeccarougirentetelle

détournaleregard.

«Jepensequ’Ariestencoreplusfan

deRavinia’sRejectsquemoi.»

«Ettuneluiasriendit.»

Beccasecoualatête.

«Pourêtrehonnête,ilm’afalluune

semaineoudeuxpourpercuter.Maissi

tuasdécidédeprendreautantde

précautionspourcachertonidentité,le

moinsquejepuissefairec’estdegarder

labouchefermée.»

Ilfitcourirsonpoucesursalèvre

inférieure.

«C’estunebouchetellementattirante

enmêmetemps.»

Mêmelefaibleéclairagenepouvait

pascacherlerougissementsurlesjoues

deBecca.

«Unsimplemerciseraitsuffisant.»

Les

omoplates

d’Ethan

se

rapprochèrentetilaugmentaladistance

quilesséparait.

«Tuesentraindedirequejesuis

allétroploin?»

«Non,je...»

Ellesaisitlachemisedujeunehomme

entresespoingsetellel’attiracontre

ellepourunautrebaiser.Cettefois,

c’étaitellequiprenaitleschosesen

main,contrôlantlerythmecommeun

chefd’orchestredirigeantunopéra.Le

baisercommençacommeunadagiodoux

etlent,puisildevintunallegroplein

d’entrain.

Lapassiondelajeunefemme

s’infiltraitenluietréduisaitànéantla

retenuequiempêchaitsondésirde

s’exprimer.Illapoussacontrelemur,

unemaintoujoursentremêléedansses

cheveuxtandisquel’autreépousaitla

courbedesesfesses.Chaquebaiser

troublant,chaquemouvementdela

languedeBeccaetchaquegémissement

quis’échappaitdelagorgedecette

dernièrerendaitsaqueueencoreplus

dure.

Ses

hanches

faisaient

des

mouvementsdeva-et-vientdansune

dansequ’ilvoulaitreproduiresousdes

draps.

Ilavaittellementenvied’elle.

Maisilfutprisaudépourvu

lorsqu’ellemitfinaubaiseretqu’elle

demanda:«Tuveuxqu’oncontinue

dansmachambre?»

***

Faischier.Qu’est-cequivientjuste

desortirdemabouche?

Beccan’avaitpasprévudefairedes

avancesàEthancesoir-là,maischaque

baisercontinuaitàluifaireperdrela

tête,jusqu’àcequ’ellesoitexcitéeau

pointquelaquestionsortedesabouche

avantmêmequ’elleaitunechancedese

retenir.

Ilseraiditetilreculadequelques

centimètrestoutenfronçantsessourcils.

«Becca,je....»

Lecœurdelajeunefemmes’arrêtade

battrelorsqu’Ethanfermalesyeuxet

qu’ilfitunpasenarrière.

Elleeutunsursautdefiertéetelle

cherchasemotspourcachersagêne.

«Désolée,c’estjustequeje...»

Illafittaireenlaforçantàleverson

mentonpourl’obligeràleregarderdroit

danslesyeux.

«Nelesoispas.»

«Non,j’aifranchilaligne,etjet’ai

clairementmismalàl’aiseet...putain!

»»

Elleplantasesonglesdansses

paumesetellesetournaverslaporte.

Ellen’auraitpasdûluiposerde

question.Ilétaitencoretroptôtdansle

processusdeguérisond’Ethanpourque

cedernierselancedansunerelation

baséesurlesexe.Etpourtant,ilavait

faitdesprogrèstellementénormesce

jour-làqu’elleavaitpresqueoubliélà

oùilenétaitlematinmême.

«Jesavaisquejegâcheraistoutd’une

manièreoud’uneautre.»

EthansaisitlepoignetdeBeccaetla

forçaàsetournerverslui.

«Est-cequej’ail’airgêné?»

Unebossedurecommeunrocfaisait

pressioncontresafermetureéclairet

appuyaitcontrelebas-ventredelajeune

femme.

«Jenesaispas.Dis-moi.»

«Jepensequ’ilestévidentqueje

suissuperexcitélà..»

Illuidonnaunbaiserfugace,

prolongeantcedernierenaspirantla

lèvreinférieuredelajeunefemme.

«Jesaisquetuessayesdeme

protéger,etçamefaitplaisir.Situme

disd’arrêter,jeleferai,maissituveux

continuer...»

LapetitevoixdanslatêtedeBecca

luidisaitdetoutarrêtersur-le-champ,

maisledésirqu’elleressentaitétaittrop

fort.

«J’aienviedecontinuer.»

Ellepritlamaind’Ethanetelle

conduisitàl’intérieur.Arietlerestede

sesamisétaientdéjàpartisendirection

delaboîtedenuit.L’endroitétaitsans

dessus-dessous,maiselles’occuperait

decelalelendemainmatin.Pourle

moment,toutcequil’intéressait,c’était

lefaitd’emmenerEthandanssachambre

avantqu’elleneperdesonsang-froid.

Dèsquelaporteseferma,ellel’attira

denouveaucontreelle.Leursbaisers

devinrentaussifrénétiquesques’ils

avaientétédesadolescentsquivoulaient

jouiravantqueleursparentsneles

surprennent.Elleluiarrachasachemise,

etellepritunesecondepouradmirerles

tatouagesrecouvrantsoncorpsélancé

avantdeselaisserdenouveauallerdans

unbaiseràcouperlesouffle.

Ethancherchamaladroitementla

fermetureéclairdesarobe,mais

lorsqu’ilseretrouvadansunesolution

difficile,ilmitfinàleurbaiseravecun

gémissementdefrustration.

«Tourne-toi.»

Unfrissonparcourutl’échinedela

jeunefemme.D’ordinaire,elledétestait

leshommesquidonnaientdesordres.

Maisdansl’intimité,c’étaitautrechose.

Ilréussitenfinàluienleversarobe,

puissonsoutien-gorge,lalaissant

immobiledanslachambrefroide,son

dosappuyécontrelui.Iltirasescheveux

versl’arrièrepourexposersanuqueetil

appuyaseslèvrescontresapeau.

«Commenttuaimes?»

Ellesentitsonpoulsbattredansson

ventre.Est-cequ’ilseraitdégoûtépar

sespréférencesdefemmesoumise?

«Dis-moi.»

Ileutunpetitrireetilenroulases

brasautourdesapoitrinepourprendre

sesseinsdanssesmains.

«Tuvasm’obligeràdeviner?»

«Non».Elles’appuyadenouveau

contrelui,savourantlachaleurdeson

torsenu.

«Dis-moi.»

Ilsefigealetempsd’assimilerla

remarquedelajeunefemme.Puisil

resserrasonétreinteetilladéposasur

lecôtéafinquesonsoufflechaudbaigne

sonoreille.

«J’aitendanceàêtreunpeubrusque.

»

Pourprouversesdires,ilserrases

tétonstoutenprenantlelobedeson

oreilleentresesdents.Ladouleuraigüe

lafithaleteretenvoyaunéclairdedésir

directementjusqu’ausexedeBecca.Il

fitsuivrelabrèvesensationdedouleur

pardescoupsdelangueapaisantsetpar

undouxmassagedesesseins.Alors

qu’elleétaitentraind’oublierlejeuun

peubrutal,ilrépétasamêmeactionavec

lemêmeeffetsurelle.

Ileutunautrepetitrirecommes’il

savait

exactement

combien

ses

taquineriesl’excitaient.

«Dis-moisic’esttrop.»

Lesminutesquisuivirentfurentun

tangodeplaisiretdedouleur.Àchaque

petitemorsureouàchaquepincement,il

prenaitletempsd’apaiserlachair

meurtrie,laberçantpourlafaireentrer

denouveaudansunétatdétenduavantde

l’exciterdavantage.Saboucheexplorait

l’arrièredesanuque,sesépaules,ses

bras,tandisquesesmainsrestaient

poséessursesseins.Pendanttoutce

temps,sonérectionappuyaitsursoncul,

unrappelconstantdecequ’ilavaiten

réservepourelle.

Lecycleplaisir-douleurdevintplus

rapide,plusintense,jusqu’àcequ’illa

libèreenfin.Lavoixd’Ethanétait

rauqueethaletantelorsqu’ildit:«

Retourne-toietenlèvetonstring.»

Elleobéitàlapremièrepartiedeson

ordreetellecroisasonregard.Ledésir

férocedanssesyeuxetlesoulèvement

rapidedesontorsefaisaitaccélérerson

proprepouls.Ilyavaitquelquechosede

dangereuxenlui,ilvoulaitlabaiserde

manièreinsensée.Maisaulieud’être

effrayée,celanefitquel’exciter

davantage.

«Enlève»,ordonna-t-ildenouveau.

Ellesedandinadansunstriptease

langoureux,

sans

jamais

cesser

d’observerlaréactiondujeunehomme.

Lamâchoired’Ethanseserra.Ses

narinesfrémirent.Sespoingsse

serrèrentetsesarticulationsdevinrent

blanches.Maisilrestaimmobile,sans

jamaisquitterlecorpsdeBeccades

yeux.

Ilnelatouchapasjusqu’àcequ’elle

sepencheenavantpourdéfairela

fermetureéclairdesesbottines.

«Est-cequejet’aiditdelesenlever

OhmonDieu,ellepourraitjouirsur-

le-champ.Ils’avéraitêtreunmeilleur

dominateurquecequ’ellelepensait.

«Tuveuxquejelesgarde?»

«Oui.»

Lemotsortitcommeuneplainte

étranglée,etlecorpsd’Ethandevint

encore

plus

raide.

Trente

autres

secondespassèrentsansqu’ilnefasse

rienàpartlafixerduregard.

Finalement,ildéboutonnasonjeanetil

fitunsigneverslelit.

«Allonge-toisurlebord.»

Elleobtempérasansbriserlecontact

entreleursregards,lesgenouxpliésau

niveauduborddumatelas.Lorsquele

jeandujeunehommetombaausol,elle

sedressasursescoudespourobtenir

unemeilleurevueduspectacle.Une

longuebosseépaisseappuyaitcontre

son

boxer,

et

elle

se

lécha

inconsciemmentleslèvres.Elleavait

hâtedelesentirenelle.

Ilrampaverselle,toujoursvêtude

sessous-vêtements,etilcapturasa

bouchedansunbaiserquirévélaitles

émotionscomplexesquisemêlaient

entreeux.Ledésirétaitlepremier,

brûlantbienquecontrôlé.Maislorsqu’il

devintpluslangoureux,elledécouvrit

dessoupçonsdepeuretdeconfiance.

Elleenroulasesbrasautourdesoncou

etelleralentitleschosesjusqu’àceque

lapeurs’évanouisse.

Illevalatête,sesmainsetsesgenoux

toujoursautourd’elle,puisilbaissales

yeuxverslajeunefemme,enadmiration.

Unedesesmainssuivitnonchalamment

lavalléedesesseinsetsonventreplat.

«Tuestellementbelle.»

Unesensationdechaleurparcourut

Becca,faisantdisparaîtretoutetracede

sescomplexes.

Lamaind’Ethanremontaverssa

poitrine,puisdesanuquejusqu’àsa

joue.

«Montre-moicequetuaimes.»

Lachaleurqu’elleavaitressentieen

ellefrémitetsetransformaenune

sensationdechaleurcettefoisdueàla

gêne.C’étaitunechosed’obéiràses

ordres.C’enétaituneautredefairela

loisurlaséduction.Elledégageases

brasetelleseretourna.

«Touche-toi,Becca.Montre-moioù

tuveuxmesmains,mabouche.

Apprends-moicommenttuaimesqu’on

tetouche.»

Chaquedemandedevenaitplusferme,

plusexigeante,jusqu’àcequ’iltrouve

sondésiràsatisfaire.Ilauraitétéfacile

deluidirequ’iln’avaitqu’àmettreun

préservatifetàlabaiser,maisilyavait

quelquechosedansleregarddujeune

hommequiluidisaitqu’ilvoulaitplus

quecela.Ilvoulaitapprendreles

complexitésdecequ’elledésirait

ardemment.Ilvoulaitqu’elletraceles

limitesdesazonedeconfort.Maisplus

importantencore,ilvoulaitqu’elle

jouisse.

Avecunpeud’hésitation,ellepassa

sesdoigtssuruntétonmoqueur.

«J’aimequ’onmetouchelà.»

«Montre-moi.»

Elleessayadesesdégagerense

tortillant,maislesgenouxd’Ethanse

serrèrentautourdeseshanchescomme

unétau.Iln’yavaitaucunmoyen

d’échapperàsonexigence.Elledessina

descerclesminusculesautourdupic,

réunissanttoutsoncouragejusqu’àce

qu’ellelesaisisseentresesdoigtset

qu’elleneletorde.Sonsexese

contracta,etlepicotementluifitpousser

unsoupir.

«Alorstuaimesquandc’estsauvage,

hein?»

Sansattendrelaréponsedelajeune

femme,ilrépétalesmêmesmouvements

queceuxqu’ellevenaitdefairesurson

autresein,audébutavecsesdoigts,puis

avecsabouche.

Delasueurperlaauniveaudela

naissancedescheveuxdeBeccatandis

quesestétonsdurcissaient.C’était

commes’illatestaitpourvoirjusqu’où

elleétaitprêteàaller.Ladouleurdans

lebasdesonpelviscommençaà

palpiter,etsoncorpssepressacontrele

sien.Lorsqu’elleatteintlestadeoùses

tétonscommencèrentàlabrûler,elle

cria:«Arrête.»

Ildéposaunbaiseruniqueentreses

seinsavantdereleverlatête.

«Oùencore?»

Ilvoulaitplus?Est-cequ’iln’yavait

paseuassezdepréliminaires?Et

pourtant,ellesesurpritàglisserses

doigtsplusbas,versl’endroitsituéentre

sescuisses.Tandisqu’ellelesplongeait

entrelesplisdesonsexe,ellese

détournadenouveau.

«Regarde-moipendantquetute

caresses.»

L’ordreétaitaussidurqueceluid’un

sergentinstructeur,etlecorpsdeBecca

eutunsoubresaut.Ellecroisade

nouveauleregardd’Ethanetelle

commençaàretirersamain.

«Non,n’arrêtepas.»

Ethanguidasamainpourlaremettre

làoùelleétait.

«Fais-toijouir.»

Sesjoueslabrûlaient,etellechercha

desexcuses.Toutsaufcela.

«C’estunpeudurdefaireçaavectes

genouxquim’empêchentd’ouvrirles

cuisses.»

«Facileàarranger.»

Ildéportasonpoidsetilcalases

genouxentresescuisses,ouvrantses

dernières.

«Maintenant,fais-le.»

Malgrésoninsistancepourqu’ellele

regarde,ellen’arrivaitpasàsurmonter

lasensationdegênequilaparalysait.

Celasignifiaitamenerl’intimitéàuntout

autreniveau.Ellefermalesyeuxetson

clitorisseretrouvaentresesdoigts.Le

toucherleplusdouxenvoyaitdes

frissonsdanstoutsoncorps.Ellele

frotta

lentement,

rassemblant

son

couragepoursedébarrasserdetoutesa

retenue.

«C’estça,Bec.Montre-moi.»

Lesparolesd’Ethanapaisaientses

anxiétés,etelleappuyaplusfortjusqu’à

cequeseshanchescommencentàse

raidir.

«Magnifique»,murmura-t-il.

D’autresdoigtsrejoignirentlessiens.

Ethanplongeadansl’alcôvedesonsexe

avecundoigt,puisdeux,trouvant

facilementsonpointG.Iladaptale

rythmedesescaressesauxsiennes,

chacunerapprochantdavantagelajeune

femmedelajouissance.

Maislorsqu’ellefutsurlepointde

jouir,uneautreondedegênelabalayaet

laretint.Elleretirasamain.

«Non,n’arrêtepas.»

«Jenepeuxpas»,admit-elleavec

unepetitevoixdedéfaite.

«Alorslaisse-moifinir.»

Ilappuyasonpoucecontreson

clitoris,aussisauvagementetavec

autantd’exigencequelebaiserqui

réclamait

ses

lèvres.

Ses

doigts

pompèrentplusfort,plusprofondément,

jusqu’àcequ’ellefinisseparsebriser

contrelui.

Ellerevintsurterreàtempspour

l’entendreluidemander:«Oùsontles

capotes?»

«Danslatabledenuit.»

Iltenditlamainetilrécupéraun

préservatif,puisilretirasessous-

vêtements,heurtantpresquelatablede

chevetàcausedesonimpatience.Le

déchirement

de

l’emballage

en

aluminiumrompitlesilence,puisil

roulalepréservatifsursaqueueépaisse.

Sansattendredepermissionnimême

sansdemanders’ildevaitcontinuer,il

plongeaenelle.

Maisencetinstant,ilsavait

probablementqu’ellejouiraitplusvite

s’ilmenaitladanse.

LecorpsdeBeccatremblasousle

poidsd’Ethan,etl’intensitédel’ardeur

dujeunehommetirasursesparois

internes.Ilneperditpasdetempsavec

lestremblementspersistantsdusàson

dernierorgasme.Seshanchesallaientau

mêmerythmequesesdoigtsuninstant

plustôt,maissaqueuerentraitplus

profondément,stimulanttoutesleszones

sensiblesdelajeunefemme.

Leshanchesdelajeunefemmese

soulevaientdumatelasàchaquecoupde

rein,latensionsefaisantplusintenseet

plusserréeenelle.Elleenroulases

jambesautourdelatailled’Ethan,

attendantplus,voulantavidementqu’il

la

remplisse

complètement.

Sa

jouissance

imminente

la

prit

au

dépourvu,etellesemorditlalèvre

inférieurepournepasjouir.

«Non,Bec,neteretienspas.»

Sescoupsdereinss’accélérèrent,et

chaquemotsortaitdansunsouffle.

«Est-cequetuaslamoindreidéed’à

quelpointtuessuperbequandtujouis?

Viensmaintenant.»

Soncorpsserebellacontresavolonté

pourobéiràl’ordred’Ethan.L’intensité

de

l’orgasme

la

frappa

avec

suffisammentdeforcepourqu’elle

grincedesdents.Elleresserrason

étreinteavecsesbrasetsesjambes,

totalementeffrayéeàl’idéedesenoyer

siellelelaissaitpartir.Lesvaguesde

plaisirsesuccédaient,laplongeantdans

unmondeoniriquedebonheurtel

qu’elleneremarquamêmepasqu’il

avaitatteintl’orgasmeavantqu’ilne

criesonnometqu’ilnes’écroulesur

elle.

Soncœurbattaitàtoutrompredanssa

poitrinetandisqu’elleletenaitcontre

ellependantlessoubresautsrésiduels.

Legoûtsalédelasueurs’attardaitsur

seslèvresàchaquebaiserqu’elle

déposaitsursonfronthumide.Sesbras

etsesjambesdevinrentaussimousque

desélastiquesàcausedel’épuisement,

etlorsqu’Ethanfinitparleverlatête,

elleleslaissatombersurlecôté.

Illuiréponditparunsourireencoin.

«C’était...»

«Ouais»,termina-t-elleàsaplace.

Pourlemoment,lecerveaudeBecca

neparvenaitmêmepasàtrouverles

bonsmotspourdécrirelesexeaveclui.

Époustouflant,merveilleux,incroyable-

aucunn’étaitàlahauteur.

Ill’embrassedenouveau,cettefois

avectendresse,avantdeseleverdulit

etdedisparaîtredanslasalledebain.

Laportesefermaderrièrelui,etun

frissonparcourutlapeaunuedeBecca.

Venaitàprésentlemalaisedel’après.

Celaauraitétédifférents’ils’étaits’agit

d’unecoucheriesanslendemainousi

elleavaitcouchéavecquelqu’unavec

quiellesortaitdepuislongtemps,mais

Ethantombaitdirectementdanslazone

d’ombre.

Etlepire,c’étaitqu’ellenevoulait

pasêtreuneaventured’unsoir.Lesexe

nefaisaitquecompliquerlessentiments

qu’ellecommençaitàressentirpourlui,

ets’ilneressentaitpaslamêmechose...

Elleretirasesbottinesetelletirales

couverturessursesépaulesavantde

roulersurlecôté,tournantledosàla

salledebain.Celaluiéviterait

l’humiliation

d’interpréter

trop

de

chosessitoutcequ’ilvoulait,c’étaitun

couprapide.

Unebandedelumièreapparutsurle

murdevantelle,s’élargissantjusqu’àce

qu’uneombreremplissesoncentre.Puis

elledisparut,plongeantdenouveaula

piècedansl’obscurité.Elleretintson

souffle,attendantdevoirs’ilallaitse

contenterderamassersesaffaireset

partir.

Aulieudecela,lematelasbougea

souslepoidsdujeunehomme,etson

corpsraides’enroulaautourdusien.

«Est-cequeçatedérangesijereste

unpeupluslongtemps?»,demanda-t-il.

Ellesecoualatêteetellesourit.

«Non.»

«Bien,parcequejen’aipasenviede

partirencore.»

Ilenroulasonbrasautourdesataille

etill’attiraverslui.

ChapitreNeuf

Ethanseréveillaensentantleparfum

deBeccasurlesoreillersetavecla

sensationd’uncorpsdouxetchaud

allongéàcôtédelui.Unefaiblelumière

passaàtraverslesrideaux,annonçant

l’arrivéedumatin.Ilfrottasesyeuxpour

dissiperlesommeiletpours’assurer

qu’ilnes’agissaitpasd’unrêve.Comme

l’imagedeBeccaallongéeàcôtédelui

nedisparaissaitpas,seslèvresse

retroussèrentpourdessinerungrand

sourire.

Jepourraism’yhabituer.

Larespirationdelajeunefemmeétait

lenteetcalme,tellementdifférentedes

halètementsqu’ellepoussaitquandillui

ordonnaitdesecaresser.Ilsesentait

encoreunpeumaldel’avoirpoussée

commeill’avaitfait,maisc’étaitla

seulechosequiétaitvenueàsonesprit

poursurmontersonanxiétédefaire

l’amouràunefemmeenétantsobre.Il

nevoulaitpasgâchersachanceen

jouissanttroptôtouenfaisantquelque

chosequ’ellen’aimaitpas.Maisaufur

etàmesure,ilavaitdécouvertuneautre

facetted’elle.Plusilluidisaitquoi

faire,pluselledevenaitexcitée,mêmesi

celavoulaitdirelapousserendehorsde

sazonedeconfort.

Définitivementquelquechoseà

garderàl’espritpourlaprochaine

fois.

Ilsesurpritlui-mêmelorsquecette

penséesematérialisa.Laprochainefois

?Jésus,iln’avaitcouchéavecelle

qu’uneseulefois,etilétaitdéjàentrain

defairedesplanspourlaprochaine.

Maisilnepouvaitniersonérection

grandissanteenpensantàcequ’il

pourraitluifaire.

Jedoissortirdelàavantdela

réveillerpourrecommencer.

Ilseglissahorsdulitaveclafurtivité

d’unninja,untalentqu’ilavaitappris

d’unedesestropnombreusesaventures

d’unsoir,puisilcherchasesvêtements.

Aumomentoùilenfilasonjean,ilremit

enquestionsadécisiondepartir

discrètement.Elleméritaitmieuxque

cela,surtoutaprèsqu’illuiaitdemandé

s’ilpouvaitrester.

Ils’arrêtaetilsegrattalatête.Il

n’avaitjamaisdemandéàpasserlanuit

avecquelqu’unavant,etpourtant,avec

elle,ilenavaiteuenvie.

Merde,jesuisdépassé.

Ducafé.J’aibesoind’uncafé.

Ilnes’embarrassapasàmettresa

chemiselorsqu’ilsortitpourallerdans

lacuisine.L’appartementétaitencoreà

désordreàcausedelasoiréedela

veille,maislesilenceflottaitencore

danslespetitesheuresdumatin.Après

avoircherchédanslesplacards,il

trouvacedontilavaitbesoinpourfaire

ducafé,puisilsepenchasurleplande

travailtandisqu’ilpréparaitcedernier.

Bon,commentjevaisgérerça?

Ill’aimaitbien.Beaucoup,enfait.

Assezmêmepourenvisagerderesteren

villesuffisammentlongtempspourvoir

oùleurrelationallaitlesmener.Elle

étaitjolie,intelligente,audacieuse,

sexy...

Lespalpitationsréapparurentdans

sonsexe,etilgémit.Ilnepourrait

jamaisrevivreuneautreréunionNA

sansserappelerlasensationprocurée

parlefaitd’êtreenfouienelle.Iln’y

avaitpaspenséquandill’avait

embrasséeniquandilavaitacceptéson

invitationd’allerplusloindanssa

chambre.Etildevaitalleràces

réunions,neserait-cequepourprendre

sesresponsabilitésetpournepas

rechuter.

Sonventresenouaetilattenditque

l’enviefamilièrelefrappe.

Maiscettefois,ellen’étaitpasaussi

intensequ’avant.Aulieuquecesoitune

tâcheherculéenne,celaressemblaitplus

àquelquechosequ’unsimplemortel

commeluipouvaitgérer.

Ilprituneprofondeinspiration,puisil

expira,etl’enviepassalorsqu’ilse

rappelalesobstaclesqu’ilavait

surmontéslaveilleausoir.Becca

l’avaitaidédanssonmomentde

faiblesse.Ellel’avaitaidéàretrouverla

musique.Etelleluiavaitoffertsa

premièrenuitdesommeilpaisibleen

plusd’unmois.Elleavaitjouéunrôle

bienplusimportantdanssaguérisonque

quoiquecesoitd’autre,etladernière

chosequ’ilvoulait,c’étaitdegâcherles

chosesavecelle.

Jevaisvoirsaréactionquandellese

réveilleraetjeverraiensuite.

«MonDieu,uncafémeferait

vraimentdubien»,ditunevoixféminine

ensommeilléedepuislesalon.

Ethanfitvolte-faceaumomentmême

oùArientradanslacuisine.Ilsse

figèrenttouslesdeux,chacunfixant

l’autreduregard.Elleécarquillales

yeux,etsavoixexprimasastupéfaction.

«Jeteconnais.»

Ilrecula.

«Ouais,jesuisl’amideBecca.»

«Non,jeteconnais.»

Ellepointasondoigtversletatouage

detigrerouléenboulesursonbras

droit.

«Jeconnaiscetatouagedequelque

part.»

Ethansentitlasueurpicotersanuque.

Ilauraitjurén’avoirjamaisrencontréla

colocatairedeBeccaavantlesoir

précédent,maisquisaitcombiende

chosesstupidesilavaitfaitesquandil

étaitsousl’emprisedeladrogue?

«TuesEthanKellydeRavinia’s

Rejects.»

Beccal’avaitprévenuqu’Ariétaitune

grandefan,maiscelanerendaitpas

justiceàlavénérationébahiequiéclaira

levisagedelajeunefemmetandisque

cettedernièrecontinuaitàpointerson

doigtverslui.Ils’attendaitàmoitiéàce

quedessifflementsprépubèressuivent,

maiselleréussitàgardersoncalme

tandisquesaboucheformaituncercle

parfaitexprimantlasurprise.

«Hum,ouais.»

Illaissatombersonfrontversson

épaulepouressuyerlatranspiration.

Jusque-là,sapremièrerencontreavec

unefandepuisqu’ils’étaitcaché

s’annonçaitplutôtbien.

Ellelaissatombersonbrasetellese

rapprochadelui.

«Jesuisunegrandefan.»

«Oui,Beccamel’adit.»

«Elleaussi.Onl’esttouteslesdeux.

»

Illançaunregardverssavesteetson

casqueprèsdelaporte,puisil

commençaàcalculerlemeilleurmoyen

des’échapper.

«Oh,vraiment?»

Arihochalatête,lesyeuxtoujours

brillants.

«Jeconnaislesparolesdetoutesvos

chansons.»

«C’estmarrant,moiaussi.»

Elleclignadesyeuxplusieursfois,et

l’enchantementdisparut.

«Oh,monDieu,àquoiest-cequeje

suisentraindepenser?Ilfautqueje

trouvemontéléphonepourprendreune

photoavectoi.»

Merde!

Ladernièrechosequ’ilvoulait,

c’étaitqueleselfied’Arifinissesur

touslesmédiassociaux.Celaferait

volersacouvertureenéclat.

Elleretournadanssachambreen

courantetilfitunmouvementversla

porte.Ilnesesouciaitpasd’êtreà

moitiénulorsqu’ilappuyasurlebouton

del’ascenseurunedemi-douzainede

fois.Ildevaitéchapperàlalentillede

sonappareilphotoaussiviteque

possible.

Lasonneriedel’ascenseurretentitet

ilplongeaàl’intérieur.Aumoment

mêmeoùlesportesserefermaient,Ari

apparutdanslecouloiretsetournavers

lui.

L’ascenseurdémarrasadescente,etil

cognasonfrontcontrelaparoi,rempli

defrustration.Cen’étaitpaslamanière

dontilvoulaitquelamatinéesetermine,

maisiln’yavaitpasd’autresolution.

L’enviefamilièresemitàfrémirdans

sesveinesetàletenterdereplonger

danslesabysses.Ilserralespoingsetil

attenditqu’ellepasseavantd’enfilersa

veste.Ilseglissahorsdubâtimentsans

lamoindredifficulté.Samotoétaitgarée

danslarue,àl’endroitoùill’avait

laissé,etilrentraàtoutevitessevers

sonloft.

Ilétaitentraindeplacersamotosur

lemonte-chargelorsquesontéléphone

vibra.Illesortitenpensantqu’il

s’agissaitpeut-êtredeBeccaqui

l’appelaitpoursavoiroùilétait,mais

aulieudecela,cefutlenumérod’Adam

quiapparutsurl’écran.Sadéception

s’exprimadansunsoupir,puisilcliqua

surleboutonpourrépondre.

«Hey,Adam.»

«Nemedispashey.Tunousastous

rendusfousd’inquiétude.»

«Oh,vraiment?»,demanda-t-ilen

ouvrantlaportedesonappartement.

Sonfrèreaînéressemblaitvraiment

tropàleurpèrequandilétaithorsde

lui.

«Etpourquoiça?»

«Parcequec’estlapremièrefoisque

tuneprendspaslapeinederépondreà

undenosappelspendant24heures.»

Ethanressortitsontéléphoneet

vérifialejournaldesappels.Commeil

pouvaits’yattendre,ilyavaitaumoins

vingtappelsenabsencedesafamille

depuislaveille.

«Désolé,montéléphoneétaitsur

silencieux.»

«Tuvasdevoirtrouverunemeilleure

excusequeça.J’étaissurlepointde

prendreunbilletd’avionpourêtresûr

quetuétaisencoreenvie.»

«JenesuispasTy»,répondit-il,sa

voixseserrantàcausedel’irritation.«

Jeresteclean,alorsiln’yapasdesouci

àsefairepourça.»

«Alorspourquoiest-cequetune

répondaispasàtonfichutéléphone?»

«Jet’aidéjàditpourquoi.»

Ilgarasamotocontrelemursitué

prèsdelaporteetilsuspenditson

casqueaucrochetsituéau-dessus.

«Pourquoiest-cequetontéléphone

étaitsursilencieux?»

«Pourquoiest-cequemamanettoi

vousressentezlebesoind’êtresurmon

dosquasimenttouteslesheures?Jene

suispassansdéfense,tusais?»

Lacolèredisparutdelavoixd’Adam,

laissantderrièreelleunevéritable

inquiétude.

«C’estjusteparcequ’ons’inquiète

pourtoi.»

«Ehbienalorsarrêtezdevous

inquiéterautant,OK?J’aiunsuper

systèmedesoutienici,etelleest

merveilleuse.

Elle

est

gentille,

prévenante,intelligente,etellea

suffisammentdecaractèrepourme

mettreunetapederrièrelatêtequandje

mecomportecommeunidiot.Ellem’a

déjàénormémentaidéàprogressersur

lavoiepourresterclean,alorsarrêtede

metraitercommeungamin.»

Desangespassèrentpendantun

instant,etEthann’enmenaitpaslarge.

Lorsqu’Adamétaitsilencieuxainsi,cela

voulaitdirequ’ilanalysaitquelque

chosequiavaitétédit.

«Alors,parle-moidetonfameux

systèmedesoutien.»

Ilétaitcapabled’imaginerquelle

seraitlaréactiondesonfrères’illui

disaitquiétaitBecca.Ellen’avait

toujourspasuneréputationdesplus

exemplaires,mêmesielles’étaitretirée

desonmodedeviedefêtardeplusieurs

annéesplustôt.Elleavaitessayéde

protégerlavieprivéedujeunehomme,

etàprésentilavaitl’opportunitédelui

rendrelapareille.

«Çaneteregardepas.»

«Ilyaunvolà9hdumatinpour

LaGuardiaquejepeuxencoreattraper»,

avertitAdam.

«Lâche-moiunpeu.Jenesuisplusun

gosse.»

«Mais,tuesdansunendroitqui

craintencemoment.»

«Grandenouvelle,Adam-Hell’s

Kitchens’estembourgeoisé,alorsce

n’estplusletrouàratsquec’étaitavant.

Tuverraiscombiencoûtemonloft.»

«Cen’estpascequejevoulaisdire,

ettulesais.»

Ethanselaissatomberdanslecanapé

etsefrottalatempe.Adametsamère

avaitsansaucundoutefaitdesrecherche

àproposdelaguérisondela

toxicomanie,etilsavaientprobablement

déjàentenduparlerdel’obstacledu

premiermois.

«Oui,j’ensuisauseuildesunmois,

etouic’estdifficile,maissij’aibesoin

d’aide,jepeuxappelerBecca.»

«Alorselles’appelleBecca,hein?»

Putain!Adamavaitquandmême

réussiàluisoutirersonprénom.

«Ouais.»

«Etellehabiteenville?»

«Non,ellevitdansceputaindeNew

Jersey.»

Aulieudefairetairesonfrère,ce

commentairelefitrire.

«Etvoilàleretourdessarcasmes.

C’esttoujoursbonsigne.»

«Tuvois?Jevaisbien.Alorsarrête

aveclescontrôlesavantd’alleraulit,

OK?»

«D’accord,etjevaisaussidireà

mamansecalmer,maisnesoispas

étonnésielleappellepourensavoir

plusàproposdeBecca.»

Unebouledelatailledubœufde

WallStreet1seformadanssagorge.

«Pourquoi?»

«Parcequec’estlapremièrefoisque

tuparlesd’unefemmequin’estpasune

nanaquetuasculbutépendantquetu

étaisentournée.»

Non,maisilyavaiteulaveilleau

soir.

«Etd’aprèscequejecomprends»,

poursuivitAdam,«tuasvraimentune

trèshauteopiniond’elle.»

«Ouais,jel’aimebien.Elleestcool,

maisinutilequemamancommenceà

organiserunautremariage.Enfait,ça

pourraitêtrebienquetuneluiparles

pasdeBecca.»

«Tuneveuxpasqu’ellesefassede

fauxespoirs?»

«Ouais,quelquechosedanslegenre.

»

Maisplusilypensait,plusilaimait

l’idéed’êtreliéàBecca,depasserplus

detempsavecelleendehorsdel’arène

desNA,d’êtrequalifiédepetitamiau

lieudesimpleami.Ildevaitjuste

trouverlemeilleurmoyendegérerla

transitionverscela.

«Jen’enparleraipasàmamansitu

medisoùtuétaislanuitdernière.»

Sonfrèren’abandonnaitdoncjamais.

Maiscelanesignifiaitpasqu’ildevait

toutluidire.

«J’étaisentraindefêterRoch

Hachana.»

«RochHachana?C’estquoice

putaindetruc?»

«ShanaTorah,Adam.»

Ilraccrochaetils’assuraqueson

téléphoneétaittoujourssursilencieux

avantdeleglisserdenouveaudanssa

poche.

***

«Becca,tumedoisvraimentdes

explications!»

Beccabondithorsdulitenentendant

lescrisstridentsetfurieuxdesa

colocataire.Lapremièrechosequ’elle

remarquafutqu’elleétaitencorenuede

laveilleausoir.Lasecondechose,ce

futl’impressiondechaleurrésiduelleà

côtéd’ellevenantd’uneautrepersonne.

Ladouleuragréableentresesjambeslui

rappelalesactivitésdelanuit

précédente.

Faischier.J’aicouchéavecEthan

Kelly.

Puis,uneautrepenséeencoreplus

inquiétantesuivit.

Oùilest?

Beccatiralescouverturessursa

poitrined’uncoupsecaumomentoùAri

fitirruptiondanssachambre.

«Tunem’aspasentendutaperàla

porte?»

Arisetenaitaupieddulitdelajeune

femme,lesbrascroisésetlesjoues

rouges.

«OhmonDieu.Tuascouchéaveclui

«Non,j’aidécidéd’uncoupde

dormirnueàcôtéd’unmecsexy,mais

j’airéussiàmeretenirdeposermes

mainssurlui.»

«Putain,Becca!Tusaisdepuis

combiendetempsjecraquepourEthan

Kelly.»

Beccaposasonfrontdanssamain.

Alorslepotauxrosesavaitété

découvert.

«C’estdrôle.Tuavaisl’airplutôt

énervéeparsaprésencehiersoir.»

«C’étaitavantquejeneréalisequiil

est.»

«Hum,désolée?»

«Nememenspas.»

Ariselaissatombersurleborddulit,

lesbrastoujourscroisés.

«Tulesavais?»

«Biensûrquejelesavais,maisil

voulaitselajouerdiscrète,etje

respecteça.»

«Maisjesuistameilleureamie.Tu

auraispuaumoinsmeledireàmoi.»

Beccaregardaleréveil.7h14.Bien

troptôtpouravoircetteconversation

pendantsonjourderepos.

«Enparlantd’Ethan,oùilest?»

Larougeursurlesjouesd’Ari

s’étenditàsesoreillesetàsoncou,et

elleseraiditcommeunebaguette.Elle

détournaleregard,jouantavecune

mèchedesescheveuxblonds.

«Ehbien,hum,jecroisquejel’ai

faitfuir.»

Beccabonditsursesgenoux,serrant

toujoursledrapcontresapoitrineet

ignorantlesouffled’airfraisquibaigna

sesfessesnues.

«Qu’est-cequis’estpassé?»

Ariréponditparunrirenerveuxetse

mitàjoueravecuneautremèchede

cheveux.

«Ehbien,j’aisentilecaféqu’ilétait

entraindepréparer,jel’aitrouvédans

sacuisinesanssachemise-aufait,ilest

bienplussexyenvraiqu’enphoto.Pas

étonnantquetuaiesvoululegarderpour

toitouteseule.»

«Crachelemorceau,Ari.»

Cettedernièrelâchasescheveuxet

jetasesmainssursesgenouxavecun

soupirexaspéré.

«Jesupposequejemesuisunpeu

comportéecommeunefanhystérique.»

«Etensuite?»

«Ilaflippéetilafilé.»

«Putain,Ari!Jem’attendaisàmieux

detapartsachantqueGabeestunestar

decinémaettout.»

«Jesuisdésolée,maisilétaitlà-

dansnotrecuisine-àmoitiénu.J’ai

juste,tusais,j’aiperdulatête.»

Beccas’enveloppadansledrapet

sortitdulit,puisellecherchason

téléphoneaumilieudesvêtements

éparpilléssurlesol.Unefoiscedernier

retrouvé,ellecomposalenuméro

d’Ethanetellecomptalessonneries

avantdetombersursaboîtevocale.

Merde!

Elleraccrochasansenregistrerde

messageetelleselaissaretombersur

sonlit.Elleréessayeraitplustard,etsi

ellen’arrivaitàlejoindrepartéléphone,

elleespéraitqu’ellepourraitluiparler

pendantlaprochaineréunionNAet

s’excuserpourlecomportementdesa

colocataire.

Aris’assitàcôtéd’elle,latête

toujoursbaissée.

«Désolée,Becca.Jenevoulaispas

lefairefuir.»

«Pasdesouci.Jesuissûreque

j’arriveraisàmettrelamainsurluietà

toutluiexpliquer.»

Ariacquiesça,puiselledemanda:«

Alors,c’étaitcomment?»

Àprésent,c’étaitautourdeBeccade

rougir.

«Waouh.»

«Waouh?»

«Oui,définitivementwaouh.»

1BœufdeWallStreet:Référenceàunestatuereprésentantunbœufsituéedanslequartierde

WallStreet

ChapitreDix

«Rebecca,est-cequejepourraiste

direunmots’ilteplaît?»

Une

dizaine

de

paires

d’yeux

fondirentsurelleaprèsqu’Elaineluieut

posécettequestionàlafindelaréunion

hebdomadairedupersonnel,toutle

monde

se

demandant

pourquoi

l’assistantelamoinshautplacéeavait

étéremarquéeparlarédactriceenchef.

Beccafrottasespaumescontresa

jupeetellehochalatête.

«Biensûr,Elaine.»

«Dansmonbureau.»

Elaineluifitsignedelasuivre

jusqu’aubureaudeladirectionoffrant

unevueàcouperlesoufflesur

Midtown1.

«Fermelaportederrièretoi.»

Beccaobtempéraetattenditqu’Elaine

soitassisederrièresonbureauavantde

prendreunsiègeenfacedecette

dernière.Saboucheétaitsèche,etelle

n’étaitpascertained’êtrecapablede

répondreàcequesapatronnepourrait

luidire;elleregrettaitdenepasavoir

amenésabouteilled’eaupendantla

réunion.

«Tueslàdepuisjanvier,c’estça?»

«Oui.»

Elaineenfilaunepairedelunettesde

lecturedemarqueetellesurvolades

documentsposéssursonbureautouten

parlant.

«Etmêmesij’apprécielefaitquetu

prenneslaparolependantnosréunions

poursuggérerdessujetsd’articles,jene

pensepasquetuaiesbiensaisiquiétait

lepublicdeModerne.Notrelectoratest

unefemmejeuneetmodernequiveut

resterautopdestendances,quecesoit

pourlamode,labeautéouleshommes.

Ellenes’intéressepasaubesoind’offrir

uneéducationàdespetitesfillesdu

Tiers-Monde.»

Ohgénial,jesuissurlepointdeme

fairevirer.

Beccaenroulasesdoigtsdansletissu

rêcheenlainedesajupe.

«Oui,Elaine.»

Larédactriceenchefposalespapiers

qu’elletenaitentresesmainsetelle

retiraseslunettesavantdepincerl’arête

desonnez.

«Jesaisquetuaimeraisécriredes

articlesplussérieux,maiscen’estpas

cequ’onfaitici.Jesuisbienplus

intéresséeparcequetupeuxmedonner

grâceàtesrelationssociales.»

LacolonnedeBeccaseraiditetsa

peursetransformaenunmélange

d’indignationetdeconfusion.Ellelutta

pourgarderunevoixcalmeavantde

demander:«Mesrelations?»

«Oui,tuesBeccaShore,unefêtarde

extraordinaireetl’héritièred’unegrande

fortune»,expliquaElaineavecde

grandsgestes.«Tuconnaisdesgenssur

quimeslectricesonthâted’apprendre

deschoses.TupeuxoffriràModerne

desragotsjuteuxsurlescélébritésqui

ferontvendrelesnuméroscommedes

petitspains.Pourquoitucroisquej’ai

acceptédeteprendre?»

Ungoûtameremplitlabouchede

Becca,maisellecontinuadesetaire.

Elainesepenchaenavantetposases

brassursonbureau.

«Tusaisforcémentquelquechosequi

peutnousêtreutile.»

Commelefaitquej’aicouchéavec

EthanKellylasemainedernière?Je

pariequeteslectricesadoreraitsavoir

s’ilestdouéaulit.

Maisellen’étaitdugenreàétalersa

viesexuelle.Sansparlerdufaitqu’elle

étaittropoccupéeàessayerde

convaincrelejeunehommedeluifaire

confiance.Iln’avaitfaitaucuneffort

pourlacontacterdepuisqu’ilavaitfui

sonappartementlevendredimatin.

Ellegardaunvisageimpassibleet

ellesecoualatête.

«Pasencemoment.»

Levisaged’Elainesedurcitetellese

rassitdanssachaise.

«Ehbienconsidèreçacommeta

mission,Rebecca.Onarriveàla

périodedesfêtes,etjesuissûrequ’avec

lesrelationsdetafamilletuseras

invitéedansbeaucoupderéceptions.Si

quelqu’und’importantnefaitneserait-

cequ’éternuer,jeveuxlesavoir.»

Alorsonmecantonneàespionnerles

célébrités.

Elleserralespoingspours’empêcher

dedirenonàElaine.Aussinulque

puisseêtrecetravail,cedernierlui

permettaitdepayersesmodestes

factures,etladernièrechosedontelle

avaitbesoin,c’étaitd’êtremiseàla

porte.Sansrevenus,elleseraitobligée

deramperdesonpèreetdecéderaux

exigencesdecelui-ci.

«Jevaisvoircequejepeuxfaire.»

«Excellent.J’aihâtedeliretes

comptes-rendus.»

Elainetournasonattentionversson

ordinateuretellecongédiaBeccad’un

signedelamain.

Lajeunefemmeseretiradansson

box,incapabledecalmerlesnausées

qu’elleressentait.Laseuleraisonquilui

avaitpermisd’obtenircetravail,c’était

cellequ’elleétaitavant,etàprésentelle

risquaitdeleperdre.Sonrêvede

devenirunejournalisterespectéelui

semblaitencorepluséloignéquejamais.

Ellesortitsontéléphoneetelle

composalenumérod’Ari.

«Tupeuxt’échapperpourdéjeuner?

J’aivraimentbesoindequelqu’unàqui

parler.»

«Biensûr.Tuveuxqu’onretrouveau

Cirque?Jeconnaislemaîtred’hôtel,il

peutnousfairerentrer.»

Beccagrimaçaenpensantàl’addition

élevéequecelaimpliquait,maiselle

balayacetteidéeenprenantpourexcuse

lefaitqu’elleavaitbesoindefaireune

folie.

«Biensûr.Jeteretrouvelà-basà

midi?»

«Jesuisenréunionjusqu’àmidiet

demi,alorsplutôttreizeheures.Àtoutà

l’heurealors.»

***

Quelquesheuresplustard,ledéjeuner

pesaitencorelourdementsurl’estomac

deBeccalorsquecettedernièrequittale

travail.Elleavaitpassédeuxheuresà

réfléchiravecArisurlamanièredont

ellepourraitsauversonpostesans

devenirunepariasociale,etrienne

semblaitréalisable.

Évidemment,lefaitqu’Arin’avait

pascessédeparlerdesarelationavec

Ethann’avaitpasaidé.Cenefutqu’au

momentoùBeccamenaçadepublierdes

photosdeGabeavecunappareiletun

casqueorthodontiquesqu’Ariavait

lâchédulest.Certaineschosesne

devaientpasêtrerenduespubliques,et

EthanKellyenfaisaitpartie.

Ellesehâtaendirectiondelastation

demétrolaplusproche.Letrainétaiten

traind’attendresurlavoielorsqu’elle

atteignitlesmarchesmenantauquai.

Elledescenditencourant,etellesentit

quelquechosecraquersoussonpied.Sa

chevillesedérobaetelletrébuchasur

lesdernièresmarches,priantpourne

pastomberàplatventresurlebéton.Au

momentoùelleretrouvasonéquilibre,

lesportess’étaientfermées.

Ellebaissalesyeuxversletalon

cassédesachaussureetellepoussaun

juron.Sielleavaitportédesvraies

JimmyChooetnonuneimitation,elle

n’auraitpasratésontrain.Àprésent,

elleseretrouvaitavecunepairede

chaussuresabiméeetelleseraiten

retardpoursaréunionNA.

Elleboitillaverslebancleplus

procheetellecherchaleminusculetube

decollequ’ellegardaitpourles

urgences.Àunecertainepériodedesa

vie,elleauraitjetéleschaussuresàla

poubelleetelleauraitachetéunepaire

neuve,maisledéjeunerluiavaitcoûté

tellementcherparrapportàsesfinances

quecetteoptionétaithorsdequestion.

Pour

le

moment,

elle

devait

raccommoderletalonetprierpourqu’il

durejusqu’àcequ’ellearrivechezelle

etqu’ellepuisseappliquerunecolle

plusforte.

Sachevilleavaitcommencéàgonfler

lorsqu’elleseglissadiscrètementdans

laréunion.Ellenepritmêmepasla

peinedechercherEthanetelleoptapour

lachaiselibrelaplusproche.Aulieu

d’écouterlesautresmembres,sonesprit

étaitenébullitionàproposdesapropre

situationdélicate.Ellepouvaitsoit

devenirunetaupe,soitseretrouverde

nouveauàlamercidesonpère.La

simple

idée

de

vivre

sous

la

surveillanceconstantedecedernier

suffisaitpourraviverl’enviefamilière.

Lorsqu’elleétaitsousl’emprisedela

drogue,ellenesesouciaitpasdece

qu’ilpouvaitpenserd’elle.Sescritiques

roulaientsurellecommesesbottesen

caoutchoucBurberrypréférées.Maissi

ellerevenaitverslui,elledevrait

admettrequ’elleavaitfaitlesmauvais

choix

et

qu’elle

avait

eu

un

comportementtotalementintolérable.

Jepréfèreêtrepauvreetaffaméeque

d’êtreànouveautentéedemedéfoncer.

C’étaitunerévélationquis’était

imposéeàelledeuxansplustôt,etcela

luiavaitdonnélaforced’apaiserles

effetsdumanque.Sielleperdaitson

travailchezModerne,ellepourrait

trouverautrechose.Barmaid.Serveuse.

Peut-êtrequ’ellepourraitmêmevoirsi

ellepouvaitsefaireembaucherdans

l’entreprisederelationspubliquesdans

laquelletravaillaitAri.Enoutre,sielle

étaitlicenciée,elleréfléchiraitàdeux

foisavantdedépenservingtdollarsà

chaquefoisqu’ellevoulaitsedroguer.

Laréunionarrivaàsontermeetses

yeuxcroisèrentceuxd’Ethan,assisà

l’autreboutdelapièce.L’intensitéde

sonregardluicoupalesouffle,etellese

tortillasursachaiseensesouvenantde

luientraindeluiordonnerdese

caresser.Unepartied’ellevoulait

s’enfuiravantqu’ilnes’approche

d’elle,justepouréviterlaconversation

embarrassanteduAlors,àproposde

l’autresoir,maisl’intensitédigned’un

prédateurquibrûlaitdanssesyeuxgris

luiinterdisaitpresquedepartiravantde

luiavoirparlé.

Etilsavaitàquelpointelleétait

docilequandilluidonnaitl’ordrede

fairequelquechose.

Ellerestasursachaiseetelle

l’attendittandisquelesautresquittaient

lesous-sol.

Ilsefrayauncheminjusqu’àelleà

traverslafoule,puisilarrivadevant

elle,sesmainsenfoncéesdansses

poches.Mêmevêtud’unT-shirtdélavé

etd’unjeanusé,ilétaitsexy.

«Salut.»

«Salut»,répéta-t-ellesansrien

trouverdemieuxàdire.

Ilsebalançasursespiedsavantde

s’asseoirsurlachaisequisetrouvaità

côtéd’elle.

«Becca,je....»,savoixs’éteignitet

ildétournaleregard.

Ilsentitsagorgeseserrer.C’étaitle

momentoùilallaitluisortirlefameux

baratin:Mercipourl’autresoir,mais

jepensequ’ondevraitjusterester

amis.Etelleleméritait.Aprèstout,

c’étaitellequil’avaitinvitédanssonlit

alorsqu’ilétaitencoredansunephase

précairedesaguérison.

Ilsefrottalanuque,puisellese

tournaverselle.

«Est-cequ’onpourraitallerprendre

uncaféetdiscuter?»

«Biensûr»,dit-elled’unevoix

faussementenjouée.

Maislorsqu’elleseleva,ladouleur

lancinantedanssachevilleseréveillaet

envoyaunéclairdedouleurdanstoute

sajambe.Ellehaletaetellevacillavers

l’avant.

Ethanlarattrapa,lessourcilsfroncés

parl’inquiétude.

«Qu’est-cequinevapas?»

«Cesstupideschaussures.»

Elleserassitetelleretirala

chaussurecoupable.Lacolleforteavait

étéinefficace,etàprésentletalon

pendait,tenantuniquementgrâceàune

mincebandedefauxcuir.

«Jemesuistorduelachevilleen

venant.»

«Laisse-moiregarder.»

Ils’agenouilladevantellepour

examinersacheville.

«Tusais,c’estladeuxièmefoisque

jetevoistrébucheraveccestalons.Tu

devraischoisirdeschaussuresplus

solides.»

«Etprendrelerisquedenepasêtreà

lamode?Jamais!»

Les

mains

chaudes

d’Ethan

caressèrentsonmolletetglissèrentvers

l’articulationenflée.Lasensationque

cesgestesluiprocuraientéveillèrentson

désiretrefirentsurgirdessouvenirsde

sesmainssurd’autrespartiesdeson

corps.Etmêmesil’examendesa

chevilleétaitloind’êtresexuel,elle

devenaitdeplusenplusexcitéeà

chaquelégèrepression.

«Ellen’apasl’aircassée»,dit-ilen

levantlesyeuxverselle.Ils’arrêta,

commes’ilavaitcomprissondésir,etsa

boucheseretroussadansunsouriresexy

quilarendithumided’impatience.

«Peut-êtrequ’ondevraitjusterentrer

cheztoi?»

«TuesprêtàsupporterAri?»

«Bienvu.»

Ilselevaetillasoulevadansses

bras.

«Chezmoi,c’estmieux.»

Lagênelafitbafouiller.

«Tun’aspasbesoindemeporter.»

«Ettunedoispasmarchersurcette

cheville.»

Ilmontalesescaliersaussivitequ’il

lefaisaitlesbrasvides.

«Enplus,çamepermetdejouerles

chevaliersservants.»

«Jenesuispasunedemoiselleen

détresse.»

«Non,maisçam’estcomplètement

égal.»

Illaportajusqu’àsamoto.

«Tupensesqueçaira?»

«Çadevrait.»

«Alorsattachetoncasque.»

Illuitenditledeuxièmecasqueavant

d’enfilerlesien.

Elleavaitététellementtroubléepar

sagalanteriequ’elleavaitoubliéqu’il

voulaitqu’ilsaillentchezluijusqu’àce

qu’ildirigeversl’est,endirectionde

Hell’sKitchen.Dessonnettesd’alarme

hurlèrentdanssatête.Sielleallaitchez

lui,ellerisquaitànouveaudefinirnue

aveclui.Maisellesejustifiaense

disantqu’ellepouvaitfairepreuvede

retenueenprésenced’EthanKelly,et

quelefaitdesavoiroùilhabitaitserait

importantsielledevaitvérifiers’il

allaitbien.

Ils’arrêtadevantunentrepôtrénové

etiléteignitlemoteur.

«Nebougepas»,ordonna-t-iltandis

qu’ilpoussaitlamotoversl’intérieur,

puissurlemonte-charge.

«Tunefaispasconfianceàtes

voisins?»,taquina-t-elle.

«Paspourça.»

Lemonte-charges’ouvritaudernier

étage,etils’arrêtapourouvrirlaseule

portequisetrouvaitdevanteux.

«Désolépourlebazar.»

Desmorceauxdepapierjonchaient

lesmeubles,etunecollectionde

canettesdesodavidesétaitrassemblée

surleplandetravaildelacuisine.Mais

tandisqu’illaportaitdanslapièce,elle

s’aperçutquelespapiersétaientdes

partitions,etqu’ilyavaitdesnotes

dessinéessurlesportées.

Leloftbénéficiaitdel’atmosphère

industriellequiétaitsipopulairepour

lesentrepôtsreconvertis.Desbriques

apparentescouvraientlesmurs,etde

grandesfenêtresluioffrirentunaperçu

deslumièresdelavillescintillantsur

l’Hudson.

La

cuisine

était

une

combinaisonauxlignespuresdelaque

noireetd’acierinoxydable,etun

escaliermétalliquenoirmenaitàla

chambreouvertequisetrouvaitàl’étage

supérieur.

Ilfitdelaplacesursoncanapéetilla

posaavantderassemblerlespartitions

pourenfairedespilesordonnées.

«J’aiété,hum,dansunesortede

phased’excès.»

«Quelgenred’excès?»

Soncœursemitàbattrelachamade,

etellecherchadestracesdepiquressur

laveinetatouéesursonbrasgauche.

Illevalesmainsetilsecoualatête.

«Non,non,non-pascegenre

d’excès.»

Ilrassemblaencorequelquespilesde

partitionsqu’ilplaçasurlepianoà

queuequitrônaitaumilieudelapièce.

«Unexcèsmusical.Depuisqueje

suispartidecheztoi,leschansonsme

sontvenuesspontanémentl’uneaprès

l’autre,etj’aiessayédelesmettresurle

papieravantdelesperdre.»

«Alorsc’estcequetuasfaittoutle

week-end?Composerdenouvelles

chansons?»

«Hum,ouais.»

Ilsefrottalanuqueetilseconcentra

surlachevilledeBecca.

«Laisse-moiallerchercherdela

glace.»

Ildisparutdansl’espacedédiéàla

cuisineduloft,etilremplitunsacen

plastiquedeglacepiléeprovenantdu

distributeursituédanslaportedeson

réfrigérateur.Puisill’enveloppadansun

torchonqu’ilposadoucementsurla

chevilledelajeunefemme.

«Tropfroid?»

«Non,çava.»

Ellesedéplaçasurlecanapépourlui

laisserlaplacedes’asseoir.

«

Parle-moi

de

ces

nouvelles

chansons.»

«C’étaitdingue,Bec.C’étaitcomme

sionouvraitunevanne-Bam!Jecrois

quej’aiécritsuffisammentdenouvelles

compospourenregistrerunalbumentier.

J’aieudumalàdormirtoutleweek-

end,etcesoirçaaétélapremièrefois

quejesuissortidemonappartement

depuisquejesuisrentrévendredimatin.

»

Hum...Jemedemandecequ’Elaine

diraitsijeluidisaisqu’EthanKelly

poursuivaitsoncheminsansRavinia’s

Rejects.

Illuifitunsourirepenaud.

«Jesupposequejetedoisdes

excusespournepast’avoirrappelée,

maisje...»

Alorsc’estpourçaqu’iln’apas

appelé.

«Pasdeproblème.»

«Sic’estenestun.»

Ilselevaetilfitlescentpasdevant

elle,sesmainsdenouveauenfoncées

danssespoches.

«J’auraisdûappeler.»

Ils’arrêtaetilajouta:«Jevoulais

appeler.»

«Net’inquiètepas,Ethan.Je

comprends.Aprèsdessemainesde

syndromedelapageblanche,jesaisque

tunevoulaispascouperlefildeton

inspiration.»

«Ouais,maisjenevoulaispaste

blessernonplus.»

Ilserassitsurlecanapéetilpritsa

maindanslasienne.

«Cequejeveuxdire,c’estquej’ai

vraimentappréciél’autresoiretque

j’espèrequejen’aipastoutfoutuen

l’airenpartantcommejel’aifaitouen

n’appelantpas.»

«Jepeuxcomprendrepourquoitues

parti.Aripeutêtreunpeu...àfond.»

«J’étaisterrifiéenpensantqu’elle

pourraitpublierunephotodemoisur

Facebookouuntrucdanslegenre.

Parmitouslesgensquejeconnais,tues

lamieuxplacéepoursavoircombienil

estdifficiledesecacherunefoisqueles

paparazzisdécouvrentoùtues.»

Elleacquiesça.L’époquedontil

parlait

ressemblait

à

un

lointain

souvenir,maisellesesouvenaitdece

qu’elleressentaitlorsqu’ellesortaitde

lasalledesportsouslesflashsdes

appareilsphotosquitentaientdela

photographieraumomentoùelleétaitle

plusensueur.

«Etdonc,qu’est-cequetuesentrain

dedireEthan?»

«Ça.»

Ilsepenchaversl’avantetil

l’embrassajusqu’àcequ’elleoublietout

sauflapressiondeseslèvrescontreles

siennes.Ilbougeaitlentement,attendant

qu’elleluidonnelapermissionde

continuer,etlorsqu’elleluiaccorda

cettedernière,ilselaissaalleretil

renditsonbaiserplusintense.Illaprit

danssesbras,etlapassiondansson

étreinteattisasondésirplusquetout.

Elleluirenditsonbaiser,etelletendit

lesmainsversluipourexplorertoutes

lespartiesaccessiblesdesoncorps.Le

goûtdesalangues’enroulantautourde

lasienne.L’odeursubtileducèdredans

soneaudetoilettesemêlantàcellede

l’adoucissantsursonT-shirt.Les

ondulationssculptéesdesesabdominaux

etdesesbiceps.Avantqu’ellenepuisse

fairequoiquecesoit,elletombasurle

canapéetellel’attiraverselle.

Heureusement,ilavaitlesidéesassez

clairespourlarepousseravantqu’ilsne

seretrouventnustouslesdeux.Ilse

penchaau-dessusd’elle,sesbras

commedesbarresdeferdechaquecôté

delapoitrinedeBecca,etilessayatant

bienquemaldereprendresonsouffle.

«Becca,jeteveuxtellement.»

«Alorsqu’est-cequiteretient?»

Elletenditlebraspourl’attirerde

nouveauversellepourunautrebaiser,

maisillarepoussa.

«Non,jeveuxdirequejeveuxplus

quedusexe.Jet’apprécie.Tumeplais.

»

«Alorsqu’est-cequetusuggères?»

«Tusais-letrucclassique.Undîner.

»

Ildéposaunsimplebaisersurlebord

desabouche.

«Unciné.»

Unautresurleboutdesonnez.

«Etensuitepeut-êtreundessert.»

Ilbaissadenouveausonregardvers

elle,ledésirardentdanssesyeux

uniquementégaléparsonsouriretendu

maispourtantremplid’espoir.

Pourunrockercenséêtreblasé,sa

demandeétaitagréablementinnocenteet

sincère.Elleseléchaleslèvresetelle

enroulasesbrasautourdesoncou.

«Tusaisàquelpointj’adoreles

desserts.»

«Putain,Bec,quandtudisçacomme

ça...»

Cettefoisilnelarepoussapas

lorsqu’ellel’attirapourl’embrasser.

Sansdétacherseslèvresdessiennes,il

lapritdenouveaudanssesbrasetilla

portadansl’escaliermétalliquemenant

àlachambre.

Illaposasurlelitetilfitunlarge

sourire.

«Enparlantdedessert,depuisjeudi

soirj’aiuneterribleenviedemiel.»

Ilsepenchaplusprèsetilajoutadans

ungrognementgrave:«Maisseulement

sijedoisleléchersurtoi.»

Unautrefrissondeplaisirparcourut

lacolonnedeBeccaàlapenséedela

langued’Ethanentraind’explorerson

corps.

«Tuenasparhasard?»

«Jevaisl’ajouteràmalistede

courses.Pourlemoment,tuesassez

sucréeetdélicieuse.»

Alorsqu’ilssedébarrassaientde

leursvêtements,elleselaissaallerà

fantasmersurcombienilseraitfacilede

tomberamoureused’EthanKelly.

1Midtown:Quartierd’affairesàNewYork

ChapitreOnze

Lasonnettedelaporteinterrompit

Beccaaumomentoùelleappliquaitsa

dernièrecouchedemascara.Ellebaissa

lesyeuxpourregarderl’heuresurson

téléphone.

Merde!Ilestenavance.

Elleterminarapidementsescils,puis

elleappliquaunecouchedebrillantà

lèvrescoloréavantdevérifiersonreflet

danslemiroir.Pasaussiparfaitqu’elle

l’auraitvoulu,maisc’étaitacceptable.

Larobevintagebleuglacierdestyle

années50quiluiarrivaitauxgenoux

faisaitressortirsesyeux,etlesperles

scintillantesajoutaientjustecequ’il

fallaitd’éclatpourl’occasion.

Ariétaitentraind’ouvrirlaporte

lorsqueBeccasortitdelachambre.Sa

colocataireportaitunerobefourreauqui

moulaitsespetitescourbesetqui

arboraitavecfiertéunefenteallantdesa

chevilleàsahanche.Contrairementà

elle,Arinelouaitpasdevêtementsde

luxeetnefouillaitpasdeboutiques

d’occasionpourtrouverdesvêtements.

Larobedemarqueluiappartenait.

«Hey,Ethan.»

Beccaseremitàrespirer.Celafaisait

deuxmoisqu’ellesortaitavecEthan,et

aufildutempsAriavaitréussiàse

défairedesonadorationadolescenteetà

voirsimplementEthancommelepetit

amideBecca,etcelui-ciétaitbeaucoup

plusdétendulorsqu’ilpassaitdutemps

chezelles.

«Hey,Ari.Tuesmagnifique.»

Ilentradansl’appartementetlepouls

deBeccasemitàbattreplusvite.Il

avaittoujoursétésexyavecsonairde

mauvaisgarçonbourru.Maisen

smoking,ilétaitpurementetsimplement

irrésistible.Lesreversensatinétaient

assortisàsescheveuxnoirscourts

coiffésenarrière,etlesrayures

soulignaientsesépauleslargesetsa

taillemince.

J’aienviedeletraînerdansla

chambreetdelechiffonnercommeil

faut.

Ilsetournaverselle,etsamâchoire

s’entrouvritlégèrement.

«Ouah,Bec.Tuessuperbe.»

Ellesentitunevaguedechaleur

envahirsesjouesetellebaissalesyeux

enfaisantunsouriretimide.

«Tuasplutôtbienréussiàprendre

uneimagedegentleman.»

«Pascomplètement.»

Illevasuffisammentsonpantalon

pourmontrerlesbottesdemotocloutées

impeccables.

«Jedevaisgarderunpeudemoi.»

«Espècederebelle.»

Elleglissasonbrasautourdecelui

d’Ethan.

«Alorstuesentraindemedire

qu’onvaprendretamotopouralleràla

soiréedegaladumusée?»

Ilrit,sansjamaislaquitterdesyeux.

«Non,jepeuxpayeruntaxi.»

PuisilfitunsignedelamainàAri.

«Onseretrouvelà-bas.»

Arifitégalementunsignedelamain

avantderetournerprécipitammentdans

lasalledebainpourterminerdese

préparer.Ellen’avaitpasdecavalier

pourl’évènement,etpendantuninstant

Beccasongeaàluiproposerdepartager

untaxiaveceux.Pourtant,cettepensée

disparutdesonespritàlasecondeoù

Ethanl’attiraversluipourlaprendre

danssesbrasetqu’ill’embrassa.

«Turessemblesàunereinedes

neigessexy.»

«Est-cequetuesentraindeme

suggérerdemelancerdanscette

chansond’IdinaMenzel1?»

Ilrecula,sonvisagesedéformadans

uneexpressiond’horreur,etilseremità

rire.

«Non.LasœurdeTyetsapetitefille

nousontrejointentournéequandlefilm

estsorti,etlaseulechosequej’ai

entenduependantdesjours,c’étaitcette

chanson.»

L’hilarités’estompaetsonregard

devintdisant,commec’étaitlecasà

chaquefoisqu’ilparlaitdeTy.Ilfrotta

sonavant-brasàl’endroitoùlenomde

sonmeilleuramiétaittatoué,toutcomme

illefaisaittoujoursquandlemanquese

faisaitressentir.

Beccapritlajouedujeunehomme

danssamainetdéposaunbaisersur

l’autrepourlesortirdesonhumeur

sombre.

«Allons-yavantqu’ilsn’aientplusde

cocktailssansalcool.»

Legalaannueldel’American

MuseumofNaturalHistoryétaitundes

évènementssociauxlesplusattendus,et

ellenevoulaitrienrater,surtoutsachant

qu’Elainecontinuaitdelaharcelerpour

obtenirplusdepotinssurlesstars.Le

moisprécédent,elleavaitréussià

découvrirquelquespépitespendantle

NewYorkFestivaletlaNYCFoodand

WineWeek,maisceseraitlapremière

fois

qu’elle

serait

entourée

par

suffisammentdegrandsnomspour

décrocherunbonarticle.

Biensûr,lesujetàsuccèsl’escortait

pourl’évènement.Lerevirementetle

retourd’Ethannecessaitjamaisdela

stupéfier.Ilavaitécritquatorzechansons

depuisRoshHachanaetilétaitentrain

detravailleravecdesmusiciens

confirméspourlesenregistrerenvue

d’unalbumsolo.Toutcelasefaisait

dansleplusgrandsecret,maislorsque

lanouvellefiniraitparsesavoir,le

mondedelamusiqueseraiten

ébullition.

Maispeuimportaitcombiendefois

elleavaitététentéed’êtrecellequi

écriraitcetarticle,ellerefusaitdetrahir

laconfiancequ’ilavaitplacéeenelle.

LetaxitraversaCentralParketles

déposadevantleMuseumofNatural

History.Engrandissant,elleavait

entendusesparentsraconterdes

histoiresàproposdel’évènement

extravagantquisedéroulaitsousles

ombresdelabaleinebleueetduT-Rex,

maisc’étaitlapremièrefoisqu’elley

assistait.EtelleledevaitàEthan.Elle

avaitévoquésonenvied’yparticiper

quelquessemainesplustôtpendant

qu’ilsfaisaientletourdesexpositions,

etquelquesheuresplustardill’avait

surpriseavecdesbillets.

Unefoisarrivésàl’intérieurdela

rotonde,ilstrouvèrentlebar.Ethan

commandal’eaugazeuseavecducitron

habituellepourBeccaetunCocapour

lui.Ellebalayalasalleduregardetelle

reconnutdesdizainesd’amisdeses

parents,ainsiquel’élitedelasociété

new-yorkaise.Descélébritésdela

scèneetducinémasemêlaientàces

personnalités,ajoutantuneénergie

supplémentaireàl’excitationquirégnait

danslapièce.

Beccasefrayauncheminàtraversla

foule,s’arrêtantpourdiscuteravecdes

personnesqu’elleconnaissait.Elle

présentaitEthancommesonpetitamien

nedonnantquesonprénom.Àchaque

foisqu’elleledésignaitdecette

manière,elleressentaitunepetitepointe

dejoie.Ellen’arrivaittoujourspasà

croirequecethommecharismatiqueet

sexysortaitavecelle.Ilauraiteuses

chancesavecn’importelaquelledes

actricesoudesmannequinsprésentes,

maissesdoigtsrestaientfermement

entrelacésaveclessiens,etl’attention

qu’illuiportaitnefaiblissaitjamais.

Comment

je

peux

être

aussi

chanceuse?

Elleflottaitsurunpetitnuage

jusqu’aumomentoùelleentendit

quelqu’unprononcersonnometqu’elle

seretourna.

***

Malgrésonaversionpourlafouleet

lesgrandessoirées,Ethanétaitravi

d’avoirobtenulesbilletspourlegala.

Beccailluminaitlapièce.Celanevenait

passeulementdelarobebleueglacier

quimoulaitsapoitrinegénéreuseetqui

mettaitenvaleurseshanchespulpeuses.

C’étaitlamanièredontelleaccrochaitla

foule-ensouriant,enriant,enengageant

laconversationavecdeparfaits

inconnusetenlesmettantàl’aise.Le

galaréveillaitlecôtéd’ellequiaimait

fairelafêtequisommeillaitenelle

depuisdesannées,maissamaturité

tempéraitcetaspectdesapersonnalité

avecunraffinementqu’ilauraitsouhaité

pouvoirreproduire.

Audébut,iltenaitsamainpour

calmersonangoissed’êtrereconnudans

unévènementaussiimportantL’enviede

sedrogueretd’oubliersespeurstenta

delepiégerplusieursfoisaucoursdela

premièredemi-heure,maisàchaquefois

ilregardaitenluietiltrouvaitunmoyen

delarepousser.Unefoissesnerfs

calmés,ilnetenaitplussamainque

commeunsymboledefierté.Ilavait

surprislesregardsadmirateursque

certainshommesavaientlancésverselle

pendantqu’elledéambulaitaumilieude

lafoule,etuneflammedejalousie

naquitenlui.Elleétaitsapetiteamie,et

ilvoulaitfaireensortequecelasoit

clairpourtousceuxquicroisaientleur

chemin.

Toutsepassaitbienjusqu’àceque

Beccaseretourneetseretrouveface-à-

faceavecunegrandefemmeélégante

plusâgée.

LevisagedeBeccaperdittoutesses

couleurs,etàprésentc’étaitellequi

serraitsesdoigtspourobtenirun

soutien.

«Claire.»

L’inquiétudenouasonventre,maisil

résistaàl’enviedeseprécipiterpour

veniràsonsecours,surtoutavecunsi

grandnombredepersonnesautourd’eux

pouvantêtretémoinss’ilsfaisaientune

scène.

Clairecommençaàtendrelesbras

versBeccacommesiellevoulaitla

prendredanssesbras,maisensuiteelle

baissalesbrasetellerecula.

«C’esttellementmerveilleuxde

tombersurtoiici,Becca»,dit-elle,sa

voixtremblantereflétantlesourire

nerveuxsursonvisage.«Etquiest-ce?

»

«Monpetitami,Ethan»,répondit

Beccacommeellel’avaitfaitpendant

toutelasoirée.

Latensionentrelesdeuxfemmes

étouffaitlajoiequ’elleressentaitplus

tôt.Clairecontinuaitdelaregarder

commesielleattendaitqu’elleluidonne

lapermissiondecontinuer,maisBecca

semblaitàuncheveudeprendreses

jambesàsoncou.Elletremblaitàcôté

delui,etsonétreintemenaçaitdecouper

lacirculationdanssamain.

Lesilenceembarrasséquis’installa

entreellesluioffritunechanced’étudier

Claireplusattentivement.Elleétait

grandeetélancée,lesquelquesrides

autourdesesyeuxoffraientunindicesur

sonâge,maislabeautérayonnantedesa

peaulerendaitdifficileàdeviner.Ses

cheveuxcouleurmieltombaienten

cascadesursonépauledansdesvagues

brillantes,etsatenuedesoiréesans

bretellescréaitundécolletédontla

plupart

des

hommes

seraient

probablementincapablesdedétourner

lesyeux.Maisquelquechosechezelle

luisemblaitvaguementfamilier.

«Ilyaunechancequetuaieschangé

d’avisàproposdeThanksgiving?»,

demandaClaire.«Jacobm’aditquetu

avaisdesprojets,maistonpèreetmoi

çanousferaitvraimentplaisirdet’avoir

ànotretable.»

«Claire,tusaisquejenepeuxpas».

L’attentiondeBeccasedirigeavers

quelqu’unquisetrouvaitderrière

Claire,etellereculaentrébuchantetsa

mainlâchacelled’Ethan.

«Excuse-moi.Jedoisalleraux

toilettes.»

L’angoissedurcitlevisagedeClaire

aumomentoùBeccapritlafuiteen

directiondel’AsianMammalsExhibit,

maiscenefutquelorsqu’elleparla

qu’Ethansemitàcroirequesaréaction

étaitsincère.

«Jesuisterriblementdésoléeque

vousayezdûassisteràça.Mêmesielle

estaussitêtuequesonpère,jecontinue

d’espérerqu’ilspeuventfaireamende

honorableetréparerlemalquiaétéfait.

»

Cetteseulephraseluifitréaliserqu’il

yavaittouteunepartiedeBeccaqu’ilne

connaissaitpas.Ilsétaientensemble

depuispresquedeuxmois,etpendant

toutcetempsellen’avaitquasiment

jamaisparlédesafamille.Etmaintenant

qu’ilavaitunindicesurcequi

expliquaitcecomportement,ildevint

déterminéàdémêlertoutel’histoire.

«Jevaisvoircequejepeuxfaire»,

dit-ilàClairepeudetempsavantqu’un

hommeplusâgéaveclesmêmesyeux

bleu-vertqueceuxdeBeccas’approche

etmettesonbrasautourdelataillede

cettedernière.Ethansaluad’unsignede

latêtel’hommequ’ilsupposaitêtrele

pèredeBecca,etilseretournapour

partiràlarecherchedesacavalière.

La

musique

indiquant

que

les

personnesassistantaugaladevaientse

rendreàl’étageinférieursefitentendre,

etEthandutluttercontrelamarée

humainesedirigeantverslesescaliers.

Aprèsavoirréussiàs’échapper,il

cherchalestoilettespourfemmesles

plusproches.

IltrouvaBeccaappuyéecontreles

mursenpierreàl’extérieurdeces

dernières,latêtelevéeversleplafondet

lesyeuxfermés.Lafemmecalmeet

sereinequ’ilavaittoujoursconnue

semblaitsurlepointdefaireunecrise

de

panique.

Sa

respiration

était

irrégulière,etelleinspiraitetelle

expiraitavecsuffisammentdeforcepour

fairetremblersoncorps.Sespoingsse

serraientetsedesserraient,etlasueur

brillaitsursonvisageblême.

Ils’approchad’elleavecprudence,

effrayéàl’idéequ’unmouvement

brusquepuisseluifaireperdrepied.

«Parle-moi,Bec»,dit-illorsqu’ilfut

suffisammentprochepourparlerd’une

voixétouffée.

Sesyeuxs’ouvrirentbrusquement,

écarquillésetremplisdepeur.

«Ethan,je...»Elleexpiraenpoussant

unsoupiretellelesreferma.«Jesuis

désoléequetuaiesdûvoirça.»

Cen’étaitpaslaréponsequ’il

espérait,maiselleavaitl’airde

reprendresesesprits.Sarespiration

devint

plus

lente

et

ses

joues

retrouvèrentdescouleurs.

Ilseplaçaenfaced’elleetil

s’appuyacontrelemur.

«C’estdrôle.Claireaditlamême

chose.»

Ilattenditqu’elleexpliquecequi

s’étaitpassé,maisellesecontenta

d’ouvrirunœilcirconspect.

«Alors,c’estquoil’histoire?»,

demanda-t-il,déterminéàconnaîtrele

finmotdelasituation.

«Riendutout.»

«Nemeprendspaspouruncon,

Becca.Jet’aiobservéetoutelasoirée,

etquelquechosechezcettefemmet’as

faitperdretonsang-froid.»

«Laissetomber,OK?»

«Non,jenelâcheraipasl’affairetant

quetunem’auraspasaumoinsditqui

elleest.»

Ellepoussaunautregrossoupir,cette

foisremplid’exaspération,etelleouvrit

sesdeuxyeux.Ellecontinuaitàregarder

leplafondtandisquesoncorpsse

tortillaitetquelapointedesachaussure

mettaitdespetitscoupsdanslemur.

«Claireestmabelle-mère.»

«C’estquoileproblèmeavecelle?»

«Iln’yaaucunproblème.Jel’aime

bien.C’estlaseulemèrequej’aiconnue

etc’estprobablementlapersonnela

plusgentilleaumonde.»

«Alorspourquoitut’esenfuie?»

Lestapotementsdesachaussure

devinrentplusrapidesetBeccamordit

salèvreinférieure.

«Cen’estpasellequej’aifui.C’était

monpère.»

Undésirdelaprotégerl’envahitavec

unetellerapiditéqu’iloubliade

respirer.Unesoifdevengeancedéposa

unvoilerougesursesyeuxquitroubla

savision.Qu’est-cequecesaletypelui

avaitfaitpourqu’ellesoitterrifiéeàce

point-là?

«Pourquoi?»

Ellerepoussalemur,continuant

toujoursàévitersonregard.

«Écoute,Ethan,c’estcompliquéetje

neveuxpast’entraînerdanstoutça.»

«Troptard.»

Illarepoussacontrelemur,sesbras

créantunebarrièreautourd’ellepour

l’empêcherdebouger.

«Jesuistonmec,tutesouviens?Je

suisdéjàimpliqué.»

Ellefinitparleregarder,etlatension

sursonvisages’adoucitpourcéderla

placeàdel’affection.

«Jesais,Ethanmais...»

«Iln’yapasdemais.»Illevale

mentondelajeunefemme.«Alors,

qu’est-cequis’estpasséentretonpère

ettoi?»

Ellemâchouillasalèvreinférieureet

elleessayadesedétourner,maisil

l’obligeaitàchaquefoisàretournerson

attentionverslui.Aprèsavoirpasséune

minuteàessayerd’éludersaquestion,

elleditd’unevoixposée:«J’évitemon

père

parce

que

c’est

lui

mon

déclencheur.»

L’airquittalespoumonsdujeune

hommeetlarigiditédanssesbrasdueà

lacolèreserelâcha.

«Tuprévoisdeprendreunedose?»

LevisagedeBeccaarboraune

expressiondedégoût.

«Absolumentpas!Jesuisclean

depuistroplongtempspourrechuterà

caused’unpetittruccommeça.»

«Alorsdis-moipourquoic’estton

déclencheur.»

Elleouvritlabouche,toutdansson

corpshurlantpourprotester,maisil

l’arrêtaenposantsonindexsurses

lèvres.

«Tum’asaidéquandj’étaisdansune

mauvaisepasse.Maintenantc’estàmon

tour.»

Unebrèveétincelledegratitude

naquitdanssesyeux,etilsutqu’ilavait

faitcequ’ilfallaiteninsistant.

Elleprituneprofondeinspiration,et

sonpiedquicontinuaitdetaperàun

rythmesoutenus’immobilisalorsqu’elle

expira.

«Mamèreétaitdépendanteà

l’héroïneelleaussi.Elleafaitune

overdosequandjen’étaisencorequ’un

bébé,alorsjen’aiaucunsouvenir

d’elle.Maismonpèreoui.Etilest

devenuévidentquej’étaisexactement

commeellealorsquej’étaisencoretrès

jeune.»

Beccajouaavecunedesminuscules

perlessursajupetoutenpoursuivant.

«Monpèrepensaitquejenefinirais

pascommemamères’ilcontrôlaittout,

s’ilfaisaitensortequejerestesurle

bonchemin.Cequiavaitcommencépar

ungested’intérêtacommencépar

devenirétouffant.Sijerentraisavecune

minutederetardparrapportàmon

couvre-feufixéridiculementtôt,j’étais

punie.SijefaisaisBaulieudeA,j’en

entendaisparlersanscesse.Sij’avais

uncheveuquidépassaitousijeprenais

unoudeuxkilos,onmefaisaitlaleçon

surlefaitquemonapparenceavaitdes

répercussionsnégativessurlafamille.

Quandjesuisarrivéeàl’adolescence,je

vivaisdanslapeurconstantequ’il

trouvequelquechosequin’allaitpas

chezmoi.Etiltrouvaittoujoursquelque

chose.

J’aitrouvémadélivrancegrâceàun

accidentdeski.Jemesuiscasséela

chevilleetj’aiprisduPercocet2pourlapremièrefois.EtohmonDieu,çaaété

unevraierévélation.Quandj’étaissous

l’effetdesmédicaments,toutglissaitsur

moi.Jepouvaisêtreenprésencedemon

pèreetnepassouffrirdelapanique

d’avoirfaitquelquechosedetraversqui

me

tordait

l’estomac.

C’était

la

libérationquejecherchais,etpourune

foisdansmaviejeressentaisdela

sérénité.»

Lecœurd’Ethanseserraenentendant

sonhistoire,sachanttropbiendequoi

elleparlait.

«J’aiprislapremièrebouteille,etla

deuxième,etlatroisième.Machevillea

guérimaisl’enviedecontinueràen

prendrenem’apasquittée.J’ai

commencéàfouillerdanslesarmoiresà

pharmaciedemonpèreetdemes

grands-parentspourentrouverplus.J’ai

simuléunedouleurdansledos.J’ai

trouvédescontactsàl’écolequi

pouvaientmefournirplusdePercocet.

Maisquandlesprixsontdevenustrop

élevés,j’aidécouvertlasolutionmoins

chèredel’héroïne.»

Elleeutunriretriste.

«J’enprenaisdepuisaumoinsunan

quandClairearemarquélesmarquesde

piqures.Papaaradicalementchangé

quandill’adécouvertetilm’aobligéà

allerencurededésintox,maisonsait

touslesdeuxcequis’estpasséensuite.

»

Ilserappeladel’histoireàproposde

lamanièredontelleavaitfaillimourir

avantdedevenircleanpourdebon.

«Lanuitoùj’aifaitmonoverdose,

j’étaisàunévènementdecharitécomme

cesoiravecmesparents.Monpèrea

critiquémarobeendisantqu’ellene

cachaitpasgrand-chose,alorsjemesuis

réfugiéedanslestoilettesetjemesuis

shootéepourpouvoirsupporterlereste

delasoirée.»

Ellepritdenouveauuneprofonde

inspiration.

«Tuconnaislasuite.»

Une

partie

d’Ethan

souffrait

physiquementpourelle.Ils’était

toujoursdemandécommentunepersonne

aussiprivilégiéequeBeccapouvaitse

tournerverslesdrogues,maisilavait

simplementsupposéquec’étaitpar

ennuioupourfairecommeceuxqui

faisaientlafêteavecelle.

«Alorsc’estpourçaquetul’évites?

»

Ellehochalatêteetellefixalebout

deseschaussuresàprésentimmobiles.

«Pendantmadeuxièmecurede

désintox,jemesuisrenduecompteque

çasepasseraitmieuxpourmoisije

n’avaispasàgérerlapressionconstante

qu’ilmettaitsurmoi,alorsj’aicoupéles

pontsaveclui.JedéjeuneavecClaire

detempsentemps,etjeparleàmon

petitfrère,Jacob,aumoinsunefoispar

semaine,maisçafaitpresquedeuxans

quejen’aipasparléàmonpère.»

Iln’arrivaitpasàs’imaginercouper

lespontsavecsafamille.Oui,sonpère

neluiavaitpasfaitvivreuneenfance

facile,maisilavaitaussiencouragéson

amourpourlamusiqueetilavait

respectésadécisiond’arrêterlelycéeet

deprendrelarouteavecsongroupe.Et

mêmesisamèreetsesfrèresl’agaçaient

avecleurbesoinconstantdeprendrede

sesnouvelles,ilsavaitquec’étaitparce

qu’ils

tenaient

à

lui.

Il

était

reconnaissantd’avoirunegrandefamille

quisesouciaitdelui.

Àprésent,ildevaitjusteaiderBecca

àprendreconsciencequ’ilenallaitde

mêmepoursafamille.

«Etc’estquoicettehistoireàpropos

deThanksgiving?»,demanda-t-il.

«Jacobm’aappeléeilyadeux

semainesetm’ademandéderejoindrela

familledansnotrechaletdesCatskills

3pourThanksgiving.J’aiessayédeluidirenon,maisilarefusédecéder

jusqu’àcejedisequej’allaisaumoinsy

réfléchir.»

«OndiraitqueluietClaire

aimeraientqueturefassespartiedela

famille.»

«Ouais,maisregardel’épavequeje

suisdevenuequandj’aivumonpèreà

l’autreboutdelapièce.Maintenant

imaginecequisepasseraitsij’étais

assiseàlamêmetablequeluipendant

uneheureouplus.»

Ilpritsamaindanslasienneetil

embrassasesarticulationsavantde

l’appuyercontresontorseàl’endroitoù

battaitsoncœur.

«Jeserailà,avectoi.»

LeslèvresdeBeccas’entrouvrirent

sousl’effetdelasurprise.

«Vraiment,tun’aspasàfaireça.Ma

familleestperturbéeetjesuissûreque

tu

préfèrerais

de

loin

passer

Thanksgivingavectafamille.»

«Ilscomprendront.»

Ilréduisitl’espaceentreeuxjusqu’à

cequeleursfrontssetouchent.

«S’ilteplaît,Bec,laisse-moit’aider

commetum’asaidé.Jenetedispasde

dîneravectonpèretouslesvendredi

soirs,maisjepensequ’ensembleonpeut

survivreàundînerdeThanksgiving.»

Deslarmessemirentàbrillerdans

lesyeuxdelajeunefemme,maiselle

réussitàlesrefoulerenclignantdes

yeuxavantqu’ellesnecoulent.Elle

serrasamainenguisederéponse.

«Okalors.Ensemble.»

«Bien.»

Ilreculad’unpasetilpassasonbras

souslesien.

«Pourquoionn’iraitpasdireàClaire

qu’ellevadevoirmettrelatablepour

deuxinvitésdeplus?»

Beccasecoualatêteetluioffritson

premiersouriredepuisqu’elleavait

croisésabelle-mère.

«Ohnon.Pascesoir.Jeluienverrai

unSMSdemain.Pourlemoment,j’ai

justeenvied’oubliermonpèreetde

profiterdurestedelasoiréeavectoi.»

«Çameva.»

Ilsdescendirentàl’étageinférieuret

ilsrejoignirentAriàunetable,sans

évoquerdenouveaulesujetdetoutela

soirée.

1IdinaMenzel:Doubleusedelavoixdupersonnaged’Elsa,héroïnedelareine

desneigeschantantlachansonLibérée,

délivréedanslaversionanglaise

2Percocet:Antalgiquepuissant

3Catskills:Montagnesetrégiondereliefsdel’ÉtatdeNewYork

ChapitreDouze

«Jevaisêtremalade.»

«Jeneconduispassimalqueça»,

taquinaEthanderrièrelevolantdu4X4

MercedesClasseGquiavançaitsurla

routedecampagneenneigée.

Elleauraitsimplementaimépouvoir

reporterlafautesurlefaitquecela

faisaitdeuxheuresqu’ilsétaientdans

unevoiture.Plusilsserapprochaientdu

chaletdesonpère,plussonestomacse

nouait.D’iciquelqueskilomètres,elle

seraitsurlepointdevomir.

Commes’ilsavaitcequila

préoccupait,iltenditlebrasetilpritsa

maindanslasienne.

«Çavaaller,Bec.Onvasurmonter

ça.»

Paselle.On.Pouruneraisonétrange,

ilétaitimpliquépourlelongterme,etle

cœurdelajeunefemmeeutunpetit

soubresaut.Touslesautreshommesavec

lesquelselleétaitsortieétaientsi

terrifiésparsonpèrequ’ilss’enfuyaient

aupremiersignedeprésencedece

dernier.MaisEthanavaitnonseulement

acceptédevenirauxCatskillspourle

dînerdeThanksgiving,maisenplus

pourtoutleweek-end.Elleespérait

justequ’ilnereprendraitpassesesprits

àmi-cheminetqu’ilneluidiraitpas

Oublieça.

«Essayonsdetrouverquelquechose

pourtechangerlesidées»,suggéra-t-il.

Ouais,quelquechoseendehorsdu

faitd’àquelpointceseraitgénialde

seshooteretderefoulertoutceweek-

end.

«Hum,comments’estpasséeta

dernièreséanced’enregistrement?»

«Trèsbien.»

Ilfitungrandsouriresansjamais

quitterlaroutedesyeux.Laneige

tombaitplusforttandisquele4x4

remontaitleflancdelamontagne.

«Çatedérangededévelopper?»

«J’aiajoutéavecquelquesnouveaux

riffs,etj’aidonnéuntoutautreniveauà

lachanson.»

Ilsheurtèrentuneplaquedeglace

souslaneige,etl’arrièredu4X4fitune

queuedepoisson.Beccas’agrippaàla

poignéedelaportièreetserrala

mâchoire,terroriséeàl’idéedepouvoir

vomirsielleouvraitlabouche.Lorsque

sonpoulsrevintàlanormale,elle

demanda:«Qu’est-cequis’estpassé?

»

«Çaacrééplusdeprofondeur.»

Ilfitralentirlavoituretandisquela

pentedevenaitplusescarpée.

«C’estbizarredefairecetalbum

solo.D’uncôté,çamemanqueencore

decollaboreravecTyetlesautres,mais

d’un

autre

côté,

c’est

tellement

libérateur.Jefaisenfinlamusiqueque

j’aime,j’enregistredeschansonsquime

parlent.»

«Ilyaunechancepourquejepuisse

écouterunextraitbientôt?»

Ilsecoualatête,toutcommeill’avait

faitquandelleavaitposélaquestionun

peuplustôt.

«Pasavantqueçanesoitprêt.»

«Etçaleseraquand?Quandest-ce

quetulelancessuriTunes?»

Ilrit.

«Non,Bec,tul’entendrasavantça.

J’essayejustedelefairebiensonner,si

tuvoiscequejeveuxdire.C’estunpeu

commenepasmontrertesbrouillons

pourunarticleàtarédactriceenchef.

Tuattendsjusqu’àcequetuaies

l’impressionquecesoitimpeccable

avantdelerendre.Pourmoic’estla

mêmechoseaveclamusique.»

LeGPSémitunbipetilralentitpour

semettreàrouleraupas.

«C’estlàquejedoistourner?»

Ellehochalatête,etsesnausées

décuplèrent.

La

voiture

passa

les

portes

métalliquesquiindiquaientledébutde

la

propriété

familiale

et

avança

lentementdansl’alléeétroitebordéede

sapinsquipenchaientsouslepoidsdela

neige.Cematin-là,elleavaitparléà

Ethandubulletinmétéorologiquequi

annonçaitunetempêtedeneigedansles

Catskills,maisilavaitfaitpeudecasde

samiseengardeetilluiavaitditqu’il

avaitgrandiàChicagoetquelaneigene

luiposaitaucunproblème.Lesarbres

s’écartèrentpourrévélerl’immense

demeureArtsandCraftsentouréede

troispavillonsdepluspetitetaille.

Ethanlaissaéchapperunfaible

sifflement.

«Jecroyaisquetudisaisquec’était

unchalet.Àmoins,biensûr,quetune

parlaisd’unedesmaisonspluspetites

là-bas.»

Ellelepoussamalicieusementetelle

semitàglousser.

«Tudevaisvoirlamaisonaubordde

lamerdanslesHampton.»

«Remarque,jeferaismieuxdeme

taire.Tudevraisvoirlechaletdema

familleaulacGenève.Ilfallaitqu’il

nousaccueilletouslesneufquandon

étaitenfants.»

«Enfait,c’étaitundespremiers

hôtelsdemonarrière-grand-père.Quand

larégionn’aplusétéàlamodedansles

années70,onl’atransforméenmaison

devacances.»

Ethangarale4X4derrièrelesautres

voitures,puisilsetournaverselle.

«Prête?»,

«Non»,gémit-elle.

Elledoutaitdufaitd’êtreprêteà

gérersonpère.

«Allez,Bec,tuesassezfortepour

surmonterça.Jesortiraimesmeilleures

manièresettoutmoncharmepoureux.»

Elle

aurait

aimé

pouvoir

être

d’accordaveclui.Ellenesavaitpas

lequeld’entreeuxsonpèreattaquerait

enpremier.Aumoins,Ethanavaitlaissé

tomberlelookderockerpourleweek-

end.Lepullmarincouleurcrèmequ’il

portaitdonnaitl’impressiondesortir

d’uncatalogueArmor-Lux-parfaitpour

un

week-end

rustique

dans

les

montagnes.

Il

avait

couvert

ses

tatouages,etmêmes’ilnes’étaitpas

rasécematin-là,sabarbedetroisjours

avaitl’airsoignée.

Maisilportaitsesbottespréférées,

cellesqueBeccaaimaittellement.Elle

luiétaitvraimentreconnaissanted’avoir

enviedes’intégreràsafamille,mais

toutengardantunepartdelui-même.

Ellerassemblasoncourageenmême

tempsquesonsacpourleweek-end,et

elleacquiesça.

«Allons-y.»

Lesarômeschaudsdeladinderôtieet

despatatesdoucesglacéesàl’érable

l’accueillirentlorsqu’elleouvritlaporte

d’entrée.Elleinspiraetellese

concentrasuràquelpointlanourriture

seraitdélicieuseaulieudepenserà

combienlerepasallaitêtreunetorture.

«Bonjour?»

MmeCordero,lagouvernantedeses

parentsapparutdanslevestibule,les

brasgrandsouverts.

«Rebecca,tuesvenue.»

Ellel’attiradansuneétreintebrutale

quicoupalesouffledelajeunefemme.

«Commenttuvas,mai?»

Beccaretirasonécharpetouten

reprenantsonsouffle.

«Bien,ettoi?»

«Jen’aipasàmeplaindre.»

EllepritlemanteaudeBecca,puis

ellesetournaversEthan.

«Etquiest-ce?¡Estásbueno!»

Ethanfitungrandsourireàlafemme

d’origineportoricained’âgemurqui

battaitdescilsenleregardant,etil

réponditenflirtantluiaussi.

«Vousd’abord,buena.»

LesjouesrondesdeMmeCordero

rougirent.EllepritBeccaàpartetelle

murmura:«Jel’aimedéjà.Vousdevriez

legarder.»

Beccagloussa.

«Jepenseaussi.»

Ildevenaitdeplusenplusfacilede

tomberamoureused’EthanKelly.Elle

n’arrivaitpasàs’empêcherd’afficherun

sourired’adolescenteamoureuseniaise

àchaquefoisqu’ellepensaitàlui.Il

pouvaitêtrelunatiqueetréservéparfois,

maisilétaittoujourslàquandelleavait

besoindelui.Attentionnéetintelligent,

ilsavaitcommentapaisersonâmequand

cettedernièreétaittroubléeetcomment

faireensortequesoncorpssetordede

plaisir.Maisencoreplusimportant,il

luidonnaitl’impressiond’êtrelafemme

laplusbelledumondeàchaquefois

qu’illaregardait.

«Ethan,voilàMmeCordero.Elle

travaillepourmafamilledepuisaussi

longtempsquejem’ensouviens.Mami,

voilàmonpetitami,Ethan.»

Ilgonflaletorselorsqu’ellele

présenta.

«C’estunplaisirdefairevotre

connaissance,MmeCordero.»

«Ohoui,jel’aimebien.»

Ellegloussaderrièresamainavantde

leurfairesignedelasuivre.

«Vousêtespileàl’heurepourle

dîner.»

MmeCorderos’occupaitdelamaison

devacancescommeellelefaisaitpour

lamaisondesparentsdeBeccaà

Manhattan-avecunedisciplinedefer,

maismodéréeparsabonnehumeur

joviale.Cen’étaitpassurprenantdutout

delavoirorchestrerledînerdefêtesà

lasecondeprécisecommeàlademande

dupèredelajeunefemme.Lorsqu’ils

arrivèrentdansl’immensesalleà

manger,deuxdomestiquesétaientdéjà

entraindeplacerlesentréesdevantles

invités.EllequittaBeccaetEthanpour

leurdonnerquelquesordresenespagnol

avantdeleschasserverslacuisine.

L’accueilaffectueuxetchaleureuxde

lagouvernantecontrastaitvivementavec

l’accueilfroidetinquisiteurqu’elle

reçutdelapartdesafamille.Sonpère

siégeaitauboutdelatable,sonregard

bleu-vertdurseposantd’abordsurelle,

puissurEthan.Lerestedelafamille-

lestantes,lesonclesetlescousins-

étaitassis,commedansl’attentede

recevoirlapermissiondemanger.

Clairearrivadesaplace,del’autre

côtédelatable,pourprendreBecca

danssesbras.

«Becca,jesuistellementcontente

quetonpetitamiettoivousayezpu

venir.Onétaitentraindes’inquiéter.»

«Oui,tuastroisminutesderetard,

Rebecca»,ditsonpèred’unevoixdure.

«Toninvitéettoi,vousretardezle

dîner.»

Deuxfautesdéjà,etjenesuismême

pasencoreassise.Elleseforçaà

arborerunsouriredistingué,puiselle

suivitClaireverslesdeuxchaisesvides

autourdelatable.

Heureusement,Ethanpritlaparole.

«Désolépourtoutça,M.Shore.Les

routesétaientunpeudangereusesà

causedelaneige,etjevoulaisêtre

encoreplusprudentpuisqueBeccaétait

danslavoiture.»

ClairepenchalatêtedansunOh

silencieux,maislepèredelajeune

femmerestastoïque.Ilplantasa

fourchettedanslebeignetdemaïsplacé

danssonassiette,sonattentiontournée

versEthan.

«Alorsd’habitudevousêtesun

conducteurimprudentquandmafilleest

avecvous?»

Ohmerde!J’imaginejustecomment

papadeviendraitfousiEthanlui

parlaitdesamoto.

MaisEthanrestaimperturbablefaceà

l’accusationdupèredelajeunefemme.

«Pasdutout.Enfaitjen’aimêmepas

devoiture.Jen’enaipasbesoinen

ville.»

«Alorsvouslacontraignezàprendre

lemétro?»

Beccaenroulasesdoigtsautourdesa

fourchetteetellesemorditlalèvrepour

retenirlaréponsedésobligeantequi

naquitsursalangue.Sisonpèrenelui

avaitpascoupélesvivres,ellen’aurait

paseuàprendrelemétro.

«Sielleenaenvie.»

Ethanplantaégalementsafourchette

danssonproprebeignetetilterminade

mâcheravantdepoursuivre.

«Jesuisconnupourpayeruntaxi

quandellen’enapasenvie.»

Lamanièrenonchalantedontilgérait

l’interrogatoiredesonpèrelastupéfiait,

maisellesedemandacombiendetemps

encoreilpourraitcontinuerdecette

manière.Ellel’avaitvuréagiravec

colèrequandonlepoussaittroploin,et

ellenevoulaitpasquecelaseproduise

danscettesituation.

«Ethanestungentleman»,dit-elleà

sonpèreetenpriantpourquecelasoit

lafindetoutcela.

Maisparsimpleprudence,elle

envoyauneprièresilencieuseàsonfrère

pourqu’ill’aide.

Jacobluifitunlégerhochementde

tête.

«Alors,Ethan,depuisquandtusors

avecmasœur?»

«ÀpeuprèsdepuisRochHachana.»

Ilsetournaverselle,ledésirbrûlant

danssesyeux.«Çaaétédeuxmois

magnifiques.»

Ellesentitlachaleurmonterdansses

joues,etelleneputs’empêcherde

sourire.

«Jesuisd’accord.»

«Tuesjuif?»,poursuivitJacob.

«Non,maisBeccaaétésuffisamment

gentillepourm’inviteràdînercejour-là

etpourm’expliquercertainesdes

coutumes.»

Lesnarinesdupèredelajeunefemme

frémirentetilouvritlabouche,mais

Clairel’interrompitavantmêmequ’ilne

puisseparler.

«Etqu’est-cequevousenavezpensé

«Ellesétaientdoucesetsucrées.»

Sablaguefitrirel’oncledeBecca,et

toutetracedemalaisedisparutparmiles

invités.

Pourtoutlemonde,saufpourBecca

etsonpère.

Ellegardaitlatêtebaissée,son

attentionconcentréesursonassiettepour

nepascommettredegaffe.Tandisque

Clairedirigeaitlaconversationsurce

queJacobetsescousinsfaisaient,le

pèredeBeccacontinuaitàfixerEthan

ouvertementcommesicedernierétaitun

gigoloquisouillaitsafille.

Ilsjouèrentlasécuritéjusqu’àla

saladedepoiresetdenoixetlabisque

decourgebutternut,maislorsqueleplat

principalarriva,Ethanrelevales

manchesdesonpull,révélantainsises

brastatoués.

LesyeuxdupèredeBeccasortirent

deleurorbite.C’étaitprécisément

l’occasion

qu’il

recherchait

pour

reprendresoninterrogatoire.

«Alors,Ethan,qu’est-cequevous

faitesdanslavie?»

«Jesuismusicien»,répondit-ilavant

deprendreunefourchettepleinede

dindedanssabouche.

Beccafermalesyeuxetpriapourque

sonpères’arrête,mêmesiellesavait

pertinemmentquecelaneseraitpasle

cas.Letravaild’Ethanavaitravivé

l’opiniondesonpèreselonlaquelleelle

n’étaitriendeplusqu’uneratéeetavait

misdel’huilesurlefeu.

«Musicien,hein?»

Sonpèrefronçaunsourcil,sa

fourchetteplananttoujoursau-dessusde

sonassiette.

«Cen’estpasjusteunautremotpour

sansemploi?»

«Papa!»Elleenavaitassez.«Est-

cequetuvasarrêter?»

Ethanposasamainsurlasiennepour

lacalmer.

«Toutvabien,Bec.Jesuishabituéà

cequelesgenspensentça.»

Puisilsetournaverslepèredela

jeunefemme.

«J’étaisdansungroupe,maisons’est

séparésetjepoursuismeseffortsen

solomaintenant.»

«Doncçaveutdirequevousêtes

entredeuxboulots.»

Sonpèredécoupaunmorceaude

viandeavecplusdeforceque

nécessaire.

«Jesuisprêtàparierquevous

pensezquevousavezdelachance

d’avoirtrouvémafille.»

«Chaquejour,jesuisreconnaissant

delaconnaître»,répondit-ilenfaisant

unsourireàBeccaquifitfondrecette

dernière.

Touteslesfemmesàlatable

semblaientêtretouchéesdelamême

manière,maissonpèrecontinuaà

massacrersonplat,sansjamaisquitter

sonassiettedesyeux.Ilagrippaitson

couteaucommes’ilvoulaitpoignarder

quelqu’un,etnoncouperletendrefilet

dedinde.

«Ouais,jeveuxbienvouscroire.

Maisest-cequ’ellevousaditqu’ellene

pouvaitpastouchersonfondsfiduciaire

avantsesvingt-cinqans?Etencore,

mêmeàcemoment-là,jepourrais

demanderauxavocatsdemodifierson

accèspourqu’ellenedépensepastout

pourdeladrogue.»

L’appétit

de

Becca

s’évanouit,

laissantunebouledefeubouillonnante

aufonddesonestomac.Elleenavait

marred’avoirpeurdesonpère.À

présent,elleétaitjusterempliede

colère.Ellelaissatombersoncouteauet

safourchetteavecfracas,attirantvers

ellel’attentiondesonpère.

«Papa,çasuffit.»

«Jenefaisquefaireattentionàtoi,

Becca.Cen’estpascommesituavais

lesmeilleursantécédentspourcequiest

deprendredesdécisions.»

«Jesais.Tunemelaissesjamais

oublierquejesuisexactementcomme

mamère.»Ellejetasaserviettedans

sonassietteetelleseleva.«Maisence

quimeconcerne,lapiredécisionque

mamèreaprise,c’étaitdet’épouser.»

Latabledevintsilencieuse,toutle

mondeobservantlecombatderegards

entreelleetsonpère,attendantdevoir

quicèderaitenpremier.

«Assieds-toi,Rebecca,etarrêtede

faireunescène»,ordonna-t-il.

«Jesavaisquec’étaituneerreur.»

Elledonnauncouppourfairereculer

sachaiseavantdeseretourner.

«J’enaimarre.»

Elles’élançaverslaported’entrée

aussivitequ’elleleputsanscourir,sans

jamaisregarderpar-dessussonépaule

neserait-cequ’unefoispourvoirsi

quelqu’unlasuivait.Elleavaitessayé

defaireamendehonorableavecson

père,maisilétaittrèsclairqu’ellenele

satisferaitjamais.

Plusviteellepourraitrentrerà

Manhattan,mieuxceserait.

***

Ethanavaitobservélafrustration

grandissantedeBeccapendanttoutle

repas,alorsilnefutpassurpris

lorsqu’elleexplosa.Etcettefois,ilne

l’arrêtapas.Elledevaitsedresserface

àsonpèrepourdireleschosesqu’elle

avaitdites,neserait-cequepourles

fairesortirdesonsystème.Unefois

débarrasséedesacolère,ilseraitplus

facilepourelled’allerdel’avant.

Lepèredelajeunefemmel’avait

regardéavecdesyeuxplissésetfroids.

«Vousferiezmieuxd’yalleravant

qu’ellenepartesansvous.»

«J’endoute.»

Ethanmitsamaindanssapochepour

sortirsesclés.

«Alors,laissez-moimettreleschoses

auclair»,réponditlepèredeBecca,

dontlavoixétaitencoreplusdure

qu’avant.«Jesaisquevousenavez

uniquementaprèssonargent,etjeferai

toutcequiestenmonpouvoirpour

m’assurerquevousn’enayezjamaisun

centime.»

«Celameconvientparfaitement,M.

Shore.»

Ilcroisalesbrasetils’enfonçade

nouveaudanssachaise,ungestepour

montrerqu’iln’allaitallernullepart.

«Maisjustepourclarifierunpeules

choses,jen’aipasbesoind’argent.J’en

aibeaucoupmoi-même.»

Ilravalasonhésitationetilignorale

picotementfamilierdanssonbras

gauche.Ilétaitsurlepointdefairevoler

sacouvertureenéclatpourelle.

«Beccaaétémerveilleuseengardant

monidentitésecrète,maisdanslecas

présent,j’ail’impressionqu’ilest

nécessairequejevousdisetoutà

proposdemoi.MonnomestEthan

Kelly,etj’étaislechanteurleaderdu

groupeRavinia’sRejects.»

«Paspossible»,ditlefrèrede

Becca,lesyeuxécarquillés.«Vousêtes

superslesgars.»

«Merci,monpote.»

EthanlançaungrandsourireàJacob

avantdeseretournerverslepèredela

jeunefemme.

«Commevotrefilspeutvousledire,

leschosesallaientbienpournousavant

qu’onneperdenotreguitaristecetété.

Desdisquesdeplatine.Destournées

mondiales.Bonsang,rienquelalicence

pourunclipdequinzesecondesd’une

denoschansonspourunepubvalaitbien

danslesseptchiffres.»

LepèredeBeccarestabouchebée,

maisEthann’avaitpasencoreterminé.

S’ildevaitlancerunebombesurla

familledelajeunefemme,ildevaitau

moinss’assurerquecettedernière

suffiraitàsecouersonpère.

«Enoutre,M.Shore,j’aimoi-même

unfondsfiduciaire,alorsjen’aipas

besoindesonargent.Monpèreétait

SeanKellydeKellyProperties,à

Chicago.Jesuissûrquevousavezaussi

entenduparlerdelui.C’étaitluiqui

avaitsurenchérisurvouspourcette

propriétédeMichiganAvenueilya

quelquesannées.»

LepèredeBeccarestaimmobile

commeunestatue,leseulmouvement

perceptible

chez

étant

la

légère

dilatationdesesnarines.C’étaitlegenre

d’hommequin’étaitpashabituéàce

qu’ondéfiesonautorité,maisEthan

n’étaitpasprêtàcéder.

Àprésent,ilétaittempsd’assenerle

coupdegrâce.

«Alorsvousvoyez,jenesuispas

avezBeccapoursonargent.Jesuisavec

ellepourlapersonnemerveilleuse

qu’elleest.Elleaétélàpourmoi,pour

m’aideràaccepterlamortdemon

meilleuramiquifaisaitaussipartiedu

groupe,etàreprendremavieenmain.

Etpourça,jeluienseraiéternellement

reconnaissant.»

Ilselevalentement,toutenayant

toujourslecontrôledelasituation.

«ToutlemondevoitBeccacommela

personnequ’elleétaitilyatroisans,et

raressontceuxquisontprêtsàaccepter

qu’elleagrandietqu’elleachangé

depuis.Ilscontinuentderamenerson

passésurletapis.Maislefaitestque

nousfaisonstousdeserreurs.C’estce

quenousapprenonsd’ellesquicompte.

C’estmoiquil’aiconvaincuedevenir

aujourd’hui,etj’espèrequejen’aipas

faituneerreur.Maintenant,sivous

voulezbienm’excuser,jevaisvoirsi

ellevabienetsijepeuxlaconvaincre

dereveniràtable.»

Ethans’éloignaensilence,maisla

têteunpeuplushautequed’habitude.

Aprèsavoirpasséquelquesmoisàse

cacheretàtoutfairepournepasêtre

reconnu,ilenétaitfinalementarrivéà

devoirrévéleràdesétrangersquiilétait

etàs’attribuerleméritedesesréussites.

Celaleremplissaitd’unsentimentde

fiertéqu’iln’avaitpasressentidepuis

lespremiersjoursdesacarrière.

Maisilauraitletempsdesedélecter

decettedécouverteplustard.Pourle

moment,ildevaittrouverBeccaetla

convaincrededonnerencoreunechance

àsonpère.Évitersesdémons

personnelsétaitunechose.Lesécraser

enétaituneautre.Ilavaitappriscela

grâceàsamusiqueetilsesentaitplus

librequejamais.Àprésent,ildevait

aiderBeccaàatteindrelemêmeniveau

delibération.

IlcroisaMmeCorderodansle

vestibule.

«OùestBecca?»

«Dehors,prèsdutasdebois.»

ElletenditsonmanteauàEthan.

«Vousenaurezbesoin.»,

«Merci.»

Ilenfilacelui-ci.

«C’esttoutàfaitnormal.»

Elletenditlamainpourluipincerla

joue.

«Jesavaisquejevousaimaisbien.»

Ilseretintderire.Combiend’invités

delamaisondesShoreavaientdroità

unpincementdejouedelapartdela

gouvernante?Maisilyavaitaumoins

unepersonnequiapprouvaitlefaitqu’il

sorteavecBecca.

Laneigetombaitencoreplusfort

qu’avant,offrantunevisionblanche

trouble.

De

gros

flocons

lourds

s’accumulaientsursesépaules,ses

cheveuxetsescils.Cinqbons

centimètresétaienttombésdepuisqu’ils

étaientarrivés,etaveclanuitqui

approchait,ilétaithorsdequestionde

retourneràManhattan.Ilsétaient

bloquésicipourlanuit.

Les

plocs

lents

et

rythmés

accompagnaient

les

grognements

fémininsdel’autrecôtédelamaison.Il

suivitcesderniersjusqu’àcequ’il

trouveBeccaentraindecouperdubois.

Elleplantaitlalamedelahachedansun

rondin,lecoupantavecplusieurscoups,

puiselleleremplaçaitparunnouveau.

Ilseplaçaderrièreelleetilsaisitla

hacheaumomentoùellelevaitcette

dernièreau-dessusdesonépaule.

«Tuessayesdedevenirbûcheronne?

»

Ellelâchalemancheetellefitvolte-

face.

«Espèced’idiot.Tuauraispuêtre

blessé.»

«Avecça?»

Iltenaitlahachecommeuneguitare

enfaisantsemblantdejouersurlalame.

Ilsurpritlatraced’unsouriresurle

visagedelajeunefemmeavantqu’elle

nebaisselesyeuxetqu’ellenetentede

s’emparerdelahache.

«Rends-la-moi.J’enaibesoinpour

évacuermafrustration.»

«Etsiondansaitavec?»

Ilfittournerlemancheetilfit

tournoyerlajeunefemmedemanièreà

cequ’ellesoitimmobiliséecontrelui.

L’exerciceavaitaccentuél’odeurdeson

parfum,etilbaissalenezversl’endroit

situéderrièresonoreillepourle

respirer.Ilbalançaitseshanchesde

droiteàgauche,guidantcellesdela

jeunefemmeafinqu’ilss’accordentà

sespropresmouvementsdansunlent

foxtrot.

«Tuvois?C’estbeaucoupplus

sympaquedecouperdubois.»

Ellereniflaetelleluiarrachala

hachedesmains.

«J’aibesoindecouperencore

quelquesrondins.»

Ils’éloignapourêtrehorsdeportéeet

ils’appuyacontrelamaison,lesmains

dans

ses

poches,

tandis

qu’elle

recommençaitàcouperdubois.

«Tudevraisveniràl’intérieur.Il

cailleici.»

«J’aiencorepleindechaleuravec

ça.»

Ellelevalalameau-dessusdeson

épauleetellelabaissaavecune

précisionàglacerlesang.

«Maisilsvontbientôtservirle

dessert.»

Elles’interrompit,etilespéraque

sonamourpourlesucrépourraitla

persuaderderetournerverssafamille.

Ellesecoualatête.

«Nope.S’ilsecomportecommeun

connardfini,alorsjen’yprendraiaucun

plaisir.»

«C’estvraimentdommagequetune

soispasrestée.Jepensequej’aipeut-

êtreréussiàleconvaincrequejenesuis

pasuneespècedelooserquirecherche

uncompteenbanque.»

Celalafits’arrêter.Lahachetomba

desesmainsetellesetournaverslui.

«Qu’est-cequetuasfait?»

«Jeluiaiditquij’étais.»

Ilserapprochajusqu’àcequesonnez

glacénesoitqu’àquelquescentimètres

dunezrougedelajeunefemme.

«Etjemesuismêmelancédansune

petiteguerredemotsdontj’ailesecret

grâceàunpetitconseildemonfrère.»

«Maisjepensaisquetunevoulais

pasquelesgenssachentquituétais.»

«C’estvrai,maislàj’aifaitune

exception.»

Ilenroulasebrasautourd’elleetil

l’attiracontrelui,faisantbasculersatête

versl’arrièrepourqu’ellelèvelesyeux

verslui.

«Tuenvauxlapeine.»

Levisagedelajeunefemmes’éclaira

avantqu’ilnebaisseseslèvresversles

siennes.Lebaiserfutlent,maisilne

manquaitpasdepassion.Ildevenait

plusduràchaquesecondequipassait,et

ilfutobligédemettrefinaubaiseravant

d’êtretentédel’attirerdanslelitleplus

proche.

«Ethan,je...»

Elletremblaetelleseblottitcontre

lui,calantsatêtesoussonmenton.

«Tuesabsolumentmerveilleux,tu

saisça?»

«Tuesplutôtgénialetoiaussi.»

Etjesuisunsacréveinarddet’avoir.

«Alors,pourledessert?»

Ellerecula,lesyeuxbrouillésparle

doute.

«Peut-êtrequ’onpourraitleprendre

àemporter?»

Lesépaulesd’Ethantombèrent,ilétait

vaincu.Ilnepouvaitpaslaconvaincre

deveniràtable,maisilavaitencoretout

leweek-endpourl’aideràse

réconcilieravecsonpère.

«Pourl’emporteroù?»

«Cepavillon,là-bas.»

Ellesetrémoussacontrelui,éveillant

sondésirqu’unemanièrequidemandait

àêtresatisfaite.

«J’aidemandéàcequ’ondormelà-

baspourquetupuissesmebaiseraussi

fortquetuveuxsansquepersonnenous

entende.»

Sabouchedevintsècheettoutson

sangaffluaverssaqueue.

«Pourquoitunemel’aspasditplus

tôt?»

Illajetasursonépauleetilcourut

verslechalet.Beccarittoutlelongdu

trajet.

***

Beccaseglissadanslacuisineet

refermalaportedederrièreaussi

silencieusementqu’elleleput.La

maisonétaitbaignéedansl’obscurité,

aussisilencieusequelaneigequi

tombaitàl’extérieur.Elles’était

assoupieaprèsqu’Ethanl’aitfaitejouir

pourlaquatrièmefoisdelasoirée,mais

sonestomacgargouillantluiavait

rappeléqu’elleavaitratélamajeure

partiedurepasdeThanksgiving.Elle

marchaitsurlapointedespiedsjusqu’au

réfrigérateurafindetrouverdesrestes

aumomentoùlalumières’alluma.

LecœurdeBeccabondit.Ellese

figeaavantd’oserjeterunregardpar-

dessussonépaulepourvoirlapersonne

quil’avaitsurprise.

«Toinonplustun’arrivespasà

dormir?»demandaClaire.

Elleserrasarobedechambreautour

desachemisedenuitetellelaferma

tandisquesabelle-mèreserapprochait.

MêmeaprèsavoireuJacob,elleavait

conservésasilhouettequil’avaitaidéeà

fairelacouverturededizainesde

magazinesàlafindesannées80etau

débutdesannées90.

«J’aijustefaim.»

Beccaouvritleréfrigérateuretpritle

récipientcontenantdeladinde,suivipar

lesachetdepain.

«Jepeuxtepréparerquelquechose?

»

«Non,jevaisprendreunpeudelait.

»

Elles’assitsurundestabourets

entourantl’îlotgigantesquesituéau

centredelacuisine.

«Çaarrivetoutdesuite.»

Elleajoutalabriquedelaitàsapile

etellepassadel’autrecôtédel’îlot.

Elleversaunverreàsabelle-mère.

«Désoléepourledîner,Claire.J’ai

essayé.J’aivraimentessayé.»

«Jesais,machérie,maistuconnais

tonpère.»

Ellepoussaunsoupirlasetellefixa

sonlaitsansytoucher.

«ToutesmesfélicitationsàEthan

pourluiavoirtenutêtecommeill’afait.

Aucundetespetitsamisprécédentsn’a

eulecrandelefaire.»

Beccasourittoutenfixantson

sandwich.

«Ouais,c’estunmecgénial.»

«Jenesavaispasqu’ilétaitconnu

jusqu’àcequ’ilnousledise,maisune

foisquetonfrèrel’atrouvésurinternet,

jel’aireconnu.»Ellepritunegorgéede

lait.«Ilestmieuxaveclescheveux

courts.»

Beccasemitàglousser.

«Ilestplutôtsexytoutcourt.Maisil

estplusqu’uncorpsàsedamneravec

unevoixderêve.Ilmedonne

l’impressiondevaloirdesmillions

quandjesuisaveclui.»

«Commentvousvousêtesrencontrés

Ellehésita,sedemandantcomment

Claireréagiraitsielleconnaissaittoute

lavérité.

«Hum...Ons’estrencontréàunede

mesréunionsNA.»

Sabelle-mèrehaussalessourcils.

«Luiaussic’estuntoxicomaneen

voiedeguérison?»

Beccahochalatête;elleterminason

sandwich,puisellecommençaàen

préparerunpourEthan.

«Sonmeilleuramiestmortd’une

overdoseetilaprisçacommeunsigne

quidisaitqu’ildevaitdevenirclean

avantdefinirpareil.»

«Maiscen’estpasdangereux?Tu

n’aspaspeurqu’ilrechuteetd’être

tentéedefairepareil?»

«Pasdutout.»

Elleposaunecouchededindesuivie

parautresurlepain,puisparunefeuille

delaitue.

«Jesuisfièredelàoùilenest

arrivé.Etonestdouéspours’aiderl’un

l’autreàévitercettetentationde

rechuter.»

Ellefitunepause,sesouvenantde

quelquechosequ’illuiavaitdit

quelquessemainesplustôt.

«Ilmecomprends.»

«Jecomprends,Becca,maisje

m’inquiètequandmême.»

«Nelesoispas.»

Ellesecoualabriquedelait.Ilen

restaitassezpourqu’Ethanetellepuisse

s’enservirunverrechacun.Ellela

glissasoussonbrasetellepritl’assiette

surlaquellelessandwichsétaientposés.

«Sérieusement,Claire,tun’imagines

mêmepascombienilaétébonpour

moi.Etàchaquefoisqu’ilestprèsde

moi,jedécouvreencoreuneraisonde

plusdetomberamoureusedelui.»

Ellecommençaàsedirigerversla

porte,maisClaireseprécipitadevant

elleetluibloqualepassage.Ellemit

sesbrasautourdeBeccapour

l’étreindre.

«Jesuisheureused’entendreça,

Becca,maisjet’enprie,net’enfuispas

pourtemarieravantdemeledire.»

Beccasemitàrire.

«Onnesortensemblequedepuis

deuxmois,Claire.Lemariagec’esttrès

trèsloin.»

«Maisdesfois,tusaisquec’estle

bon,c’esttout.»

Clairefittournersonallianceautour

desondoigt.

«Tonpèreetmoionnesortait

ensemblequedepuisautantdetemps

quandilafaitsademande.»

Ouais,etjenecomprendstoujours

pascommentunepersonneaussi

merveilleusequetoiestrestéemariée

aussilongtempsavecquelqu’uncomme

monpère.

Beccaluifitunsourirecrispé.

«Commejel’aidit,onn’estpas

pressés.»

Maissurlecheminquilaramenait

verslepavillon,ellesesurpritentrain

de

se

demander

à

quoi

cela

ressembleraitd’êtremariéeavecEthan

Kelly.

ChapitreTreize

Ethanappuyauncôtédesécouteurs

contresonoreilleetilsetrémoussasur

lachanson.

«Çadéchire»,luiditsoningénieur

duson,Damian.

«Merci,monpote.»

Ilfrappalepoingdecedernieravec

sonpoing.

«Maissérieusement,mec,tuas

vraimentfaitdeschansonsdetueur.

C’estpourçaquec’étaitfaciledeles

mixeretd’obtenircerésultat.»

Lachansonsetermina,maislesourire

nedisparutpasdesonvisage.Lenouvel

albumétaitdifférentdetoutcequ’il

avaitenregistréjusque-là.Pourla

premièrefoisdesacarrière,iln’avait

pasdemaisondedisquespourluidire

decollerausonhardrockquiavait

renduRavinia’sRejectscélèbre.Les

influencesrockétaientencorelà,maisil

lesavaitmélangéesavecdublues,dela

countryetdesbeatsélectroniquesselon

leschansons.Lerésultatétaitune

combinaisonquiluiétaitunique.

Etcelaluiplaisait.

Jusqu’ici,ilavaitétégangrenéparla

peur,parledouteetparlesenvies

toujourspersistantes.Ilyavaiteu

beaucoupdenuitsoùilavaitquittéle

studioensedemandantdansquoiil

s’étaitengagé.Ilremettaitenquestion

sontalent,savision,etmêmesasanté

mentale.Sonanciennemuseluifaisait

signederevenir,maisilluttaitpour

s’accrocheràlalibertéqu’ilvenaitde

trouveretàlajoiedefaireunemusique

quin’étaitpasteintéeparl’héroïne.

CommeBeccaleluiavaitditquelques

semainesplustôt,lesenviesne

disparaissaientjamaiscomplètement,

maisildevenaitplusfaciledefaire

avec.

Cependant,cejour-làfutlepremier

oùilfutcapabled’écoutersamusique

sansl’associeraupassé.

Ilretiralesécouteursetilmontradu

doigtlacléUSBsurl’ordinateur

portabledeDamian.

«Est-cequejepeuxemmenerçachez

moipourlemontreràmapetiteamie?»

«Elleesttouteàtoi.»

Aprèsquelquesclicssurleclavier,

Damiandébranchalaclé.

«Appelle-moisituasbesoinqueje

modifieautrechose.»

«Jeleferai.Etsouviens-toi,ilfaut

queçarestesecretjusqu’àceque

j’annoncelanouvelle.»

«Aucunproblème,monpote.C’est

coolpourmoi.»

Ilcommençaàrangersesaffaires.

«Etdèsquetuveuxqu’ontravaille

ensemble,jesuistonhomme.»

«Çaroule.»

IlmitlacléUSBdanssapocheavant

desaisirsaveste.Ilavaithâtedesavoir

cequeBeccaenallaitenpenser.

«Onseparleplustard.»

Ethanmontasursamotoetsortitdu

parking

situé

sous

le

studio

d’enregistrement.L’airdecedébutde

moisdedécembreétaitmordanttandis

qu’ilroulaitdeHell’sKitchenvers

Midtown,maisleslumièresvivesetles

décorationsdeNoëlchassaientla

monotoniedeslonguesnuitshivernales.

Cela,ainsiquelaprésenceconstante

d’uncertaincorpschauddanssonlit

touslessoirs.

Ilsegaradevantl’immeublesitué

devantl’endroitoùtravaillaitBecca,

attendantlemomentoùellesortiraitde

laportetournante.Iln’eutpasàattendre

longtemps.

Beccasortitencourantduhall,

portantdesleggingsquimoulaient

chacunedeslignesdélicieusesdeses

jambes.Elleluienvoyaunbaiseravant

demettresoncasqueetdemonter

derrièrelui.

«Pileàl’heure.»

«Jenevoulaispastefaireattendre.»

Il

démarra

le

moteur

et

ils

s’engagèrentverslenord,endirection

deCentralPark.

C’étaitunvendrediaprès-midi,etil

avaitprévuunrendez-vousamusant.

Aprèsuneséried’évènementsmondains

aucoursdesdeuxderniersmois,ilavait

hâted’avoiruneoccasiond’êtreune

personnenormale.Alorsqu’ilse

rapprochaitduparc,ilralentitjusqu’à

trouverunendroitoùilpourraitgarersa

motoentoutesécurité.

«Qu’est-cequetufais?»,demanda-

t-elle.

«C’estunesurprise.»Ill’aidaà

descendredesamotoetàdétacherson

casque.

«Contente-toideveniravecmoi.»

Ilssepromenèrentdansleparc,main

danslamain,enparlantdeleurjournée,

maisilnementionnapaslefaitque

l’albumétaitterminé.LacléUSBdans

sapocheluirappelaqu’ilavaitencore

unesurprisepourelleaprèscela.

Sesyeuxs’illuminèrentdejoie

lorsqu’ilstournèrentdansunealléedu

parcetqu’ellevitlapatinoireWollman.

«C’estcequ’onvafaire?»

«Ouais.»

Illaguidajusqu’audébutdelafile

d’attente,puisilsortitlesdeuxtickets

qu’ilavaitachetésplustôtcette

semaine-là.

«J’aipenséquecelledeRockefeller

seraitunpeutroptouristique,maisje

voulaisquandmêmefairequelquechose

pournousmettredansl’ambiancedes

fêtes»

«TuterendscomptequeHanoukka

estunefêtemineureetqu’ilresteencore

unesemaineetdemi?»,letaquina-t-

elleavantdedonnersapointureà

l’employédustanddelocationde

patins.

«Jesais,etNoëlestencoreplusloin,

maisjem’enfiche.Jevoulaisrevivre

l’excitationetlesfrissonsqu’onressent

quandonestunenfantetm’émerveiller

devantleslumièresquiclignotent.»

Illuitenditlespatinsdelocation.

«Moque-toidemoi.»

Ellelevalesyeuxaucielavec

malice,songrandsourirenelaissant

aucundoutesursonsarcasme.

«Jesupposequec’estcequejevais

faire.»

Lespatinsneressemblaientpasaux

lamespourlehockeysurlesquellesil

avaitapprisàpatinerétantenfant,et

lorsqu’ilarrivasurlaglace,iltrébucha

versl’avant.Sesbrass’agitèrentdans

touslessensdansunetentativede

récupérersonéquilibre,etilfrappa

Beccaàlapoitrine.Ilcommençaàse

sentirmal,maisilneparvenaitpasà

déterminersicelavenaitdufaitqu’il

l’avaitfrappéeaccidentellementoudu

faitqu’ilétaitentraindeseridiculiser

devanttoutlemonde.

LeriredeBeccalecalma.Ellepritsa

mainetelleluifitfaireletourdela

patinoire.

«C’estlapremièrefoisquetufaisdu

patinàglace?»

«Jet’enprie.Mongrandfrèreest

gardiendebutdanslaNHL.Onatous

passédutempssurlaglacequandon

étaitgamins.»

Ilmontradudoigtl’extrémitédentelée

surlespatins.

«Biensûr,iln’yapascestrucs-là

surlespatinsdehockey.»

«Ças’appelleunedent.»

«Peuimporte.»

Ladentpritdenouveaulaglace,le

faisantbasculerversl’avant.

«Putaindemerde!»

Peut-êtrequecen’étaitpasunesi

bonneidéequeçaaprèstout.

«Tut’yprendsmal»,ditBecca,tout

encontinuantàrire.«Ilfautl’utiliser

commeça.»

Ellelâchasamainetelleglissavers

lecentredelapatinoire,prenantdela

vitessetandisqu’ellepatinait.Puis,elle

plantalapointedanslaglaceetelle

sauta.Deuxtourscompletssurelle-

mêmeplustard,elleatterritsurunelame

avantdepoursuivreparunepirouette

rapide,sesbrasélégantstendusversle

ciel.

Ill’observa,letorsegonflédefierté.

Elleétaitmagnifique,etiln’arrivaitpas

àcroirequ’elleétaitàlui.

Lorsqu’ellerevintversluienpatinant,

illuidonnaunpetitcouplégeravecson

épaule.

«Tutelapètes.»

«Hey,c’estlerésultatdecinqansde

coursdepatinage.»Ellerepritlamain

d’Ethan.«Vousêtesprêtpourvotre

leçon,M.Kelly?»

«Non,jepréfèrefaireplusieurstours

depatinoireavecunefemmemagnifique

àmescôtés.»

LesjouesdeBeccadevinrentroses.

«Jetravailledansunmagazine.Je

suissûrequ’onpourratetrouverun

mannequin.»

«Jen’aipasbesoind’unmannequin

sijesuisavectoi.»

Ileffleurasonfrontdeseslèvres.

Ellerougitencoreplusavantde

mordresalèvreinférieure.

MonDieu,est-cequ’elleala

moindreidéed’àquelpointçam’excite

?

Lesangaffluadirectementverssa

queue,etilrésistaàl’envied’aspirer

cettelèvreentresesdentspourunbaiser

quiobligeraitlesparentsprésentsà

couvrirlesyeuxdeleursenfants.

Ellepoussasursespatinspourles

ramenerdansletraficdelapatinoire.

«Alors,c’étaitcommentlesvacances

avectafamille?»

«Lechaos.»

Maisalorsqu’ilpartageaitdes

histoiressursonenfance,ildevint

nostalgiquedel’époqueoùilpassaitson

tempsavecsesfrères.CalebetFrank

étaientgénéralementlesmeneursquand

ils’agissaitdeleurattirerdesennuis,

maisAdamétaittoujoursceluiquiles

empêchaitdebrûlerlamaisonoud’être

arrêtés.Aufinal,iln’auraitéchangé

aucundecessouvenirspourrienau

monde.

Ildevintsilencieuxetilbaissales

yeuxversBecca.Unsourirepensiferrait

surseslèvres,etsonregarddistantallait

bienau-delàdelapatinoire.

«Àquoitupenses?»,demanda-t-il.

«Aufaitquetonexpérienceétait

vraimentdifférentedelamienne.»

SiThanksgivingdevaitêtrepris

commeréférence,ilpouvaitseulement

imagineràquelpointelleavaitpassé

desvacancesetdesfêtescrispéeset

formelles.

«Pasdebataillesdenourriturepar-

dessuslatablenidetartinagedela

figureauchocolat?»

Ellesecoualatête.

«Jacobaquatreansdemoinsque

moietj’auraispum’entirer,maismon

pèremetenaitserrée.J’étaismême

limitéeàuneseulepièceenchocolatpar

soirpendantHanoukka.MaisClaire

m’endonnaitencachettequandilne

regardaitpas.»

«TuprévoisdefêterHanoukkaavec

euxcetteannée?»

Elleprituneprofondeinspirationet

toutsoncorpsseraidit.

«Probablementpas.»

Ilfitundemi-tourdelapatinoire,

réunissantsoncourageavantdelui

proposerdelerejoindredanssafolie.

«Çatediraitdeveniràlamaison

avecmoipourNoël?»

Ellelefitsortirdelafouleetellefit

demi-tourdevantlui.

«Tuesentraindem’inviterà

rencontrertafamille?»

«Nefaispascommesituétais

surpriseàcepoint-là.Tum’asprésenté

àlatienne.»

IlpritlevisagedeBeccadansses

mains,soncœurbattantlachamadeà

caused’uneémotionqu’ilétaitencore

effrayéàl’idéedereconnaître.Comment

avait-ilputomberamoureuxd’elleaussi

vite?Etpourtant,tandisqu’illa

regardaitdanssesyeuxbleu-vert,il

n’arrivaitpasàimaginernepasl’aimer.

«JeprometsdeteprotégerdeJasper.

EtdeFrank.»

Ellesepenchaversl’avant,enparfait

équilibresurcessatanésdents,etelle

l’embrassa.

«Jepourraisétudiertaproposition.»

«Qu’est-cequ’ilyaàétudier?»

«Lefaitderencontrertamère,pour

commencer.»

Elleseglissadenouveauàcôtédelui

etilssemêlèrentdenouveauàlafoule

depatineurs,sonregardfixésurla

glace.

«Jesaisquejen’aipaslameilleure

réputationquisoit.»

La

culpabilité

l’assaillit.

La

réputationdelajeunefemmeétaitune

desraisonspourlesquellesiln’avait

prévenupersonnedanssafamillequ’il

sortaitavecelle.Ilssauteraientaux

piresconclusionspossiblesensebasant

sursoncomportementpassé.

«Peut-être,maistuaschangé.En

plus,onn’estpasobligésdeleurdire

avantqu’ilsn’apprennentàteconnaître

etqu’ilsnevoientcommenttuasavancé

parrapportàtavied’avant.»

«Est-cequetupensesvraimentqu’ils

pourrontlefaire?»

«Absolument»,dit-il,remplid’une

fausseassurance.

Évidemment,

Adam

demanderait

vraimentunevérificationdeses

antécédents,etsamèrelaprendrait

sûrementàpartcommeleprocureur

qu’elleétaitautrefois.Maisunefois

qu’ilsapprendraientàlaconnaître,ils

verraientàquelpointelleétait

merveilleuse,toutcommeluilevoyait.

Ilserrasamain.

«Ilsvontt’adorer.»

Presqueautantquemoi.

***

Beccafaisaitdestoursetdestours

avecEthansanscesserderéfléchiràsa

demande.Ilvoulaitqu’ellerencontresa

famille.Etsisamèreressemblaitaux

mèresdesesancienspetitsamis,elle

supposeraitinstantanémentqueBecca

n’étaitpassuffisammentbienpourson

filsetelleferaittoutpourleprouver.Il

suffisaitdefaireunerecherchesur

Googlepourtrouverleserreursdeson

passécommepreuve.

Évidemment,ils’agissaitdel’étape

suivantedansunerelation-rencontrerla

familledel’autre.Laplupartdesfilles

seraientraviesàl’idéequ’EthanKelly

lesramènechezluipourrencontrersa

mère,maiselleneressentaitquedela

peur.Elleétaitentraindetomber

amoureusedelui.Lefaitqu’elleavait

coupélespontsavecsonpèrerendaitle

faitquecedernierdésapprouveleur

relationfacileàignorer,maisest-ce

qu’Ethanseraitcapabled’enfairede

mêmesisafamilleladétestait?

Ethan

resta

silencieux

pendant

plusieursminutesavantdedire:«

Désolédet’imposerça,Bec.Jeme

disaisjusteque...»

Ellelefittaireenposantundoigtsur

seslèvres.

«Pasdesouci.Jesuisplusnerveuse

qu’autrechose,c’esttout.»

«Nelesoispas.»

Ill’attiradanssesbras,prenantsa

mainsouslasiennepourlaplacerlàoù

soncœurbattait.

«Simonfrèrepeutprésentersapetite

amieenceinteàmamèrepour

Thanksgivingetnepasseretrouverdans

lamerde,jepeuxdéfinitivement

t’amenertoi.»

Ilfitunepauseetilfronçales

sourcils.

«Àmoinsquetunesoisenceinteet

quetunemel’aiespasdit.»

«Oh,bonsang!»

Elleessayadesetortillerpourse

dégagerdesesbras,maisillaserraplus

fort,toutcelasanscesserderire.

«Neplaisantepaslà-dessus!»

«J’essayejustedetemontrerquetu

n’asaucunsouciàtefaire.»

Ildéposaunbaisersursajoueetilla

lâcha.

Aumomentoùellefitvolte-facele

flashd’unappareilphotoretintson

attention.Entempsnormal,elleseserait

attendueàcequedesfamillesprennent

desphotosdeleursenfantssurlaglace,

maiselleneputréprimerlefrissonqui

laparcourutencetinstant.Elle

recherchal’origineduflashdansla

fouleetelleaperçutunhommequitenait

unappareilphotoavecuneimposante

lentilleclairementdirigéversEthanet

elle.

«Jecroisqu’onnousarepérés.»

Ellefitunsignedetêtediscretversle

photographependantqu’ilscontinuaient

àpatiner,remarquantaupassageàquel

pointcederniersuivaitlemoindrede

leurgeste.

Ethanleregardaducoindel’œilen

serrantlamâchoire.

«Tuveuxpartir?»,demanda-t-elle.

«Ouais.»

Illaconduisitversunbancetilretira

sespatins.

«Jedétestecesputainsdepaparazzi.

»

«Quilesaime?»

Maislesfourmillementsqu’elle

ressentait

dans

ses

colonnes

ne

disparaissaientpas.Ilyavaitquelque

chosedefamilierchezcephotographe.

Ellel’avaitdéjàvuavant,maisellene

savaitabsolumentpasd’oùellele

connaissait.Sajeunesseavaitétéune

visionflouedeflashs,alorsellepouvait

toutàfaitsupposerqu’ellel’avaitvuà

l’époque.

Ethanlafittournersursespatinset

l’éloignadelapatinoire.

«Iln’yaplusqu’àespérerqu’on

arriveàlesemerdansleparc.»

Ilsretournèrentàsamotosansaucun

autreflashd’appareilphoto.Ethanétait

encoretenduetsilencieuxlorsqu’il

tenditsoncasqueàBecca,chaque

centimètredesoncorpsenalertecomme

s’ils’attendaitàcequ’unharceleur

brandissantuncouteauseprécipitesur

euxàtoutinstant.

«C’estjusteunphotographe»,dit-

ellepourtenterdelecalmer.

«Jesais,maisjesaisaussiàquel

pointilspeuventêtredangereuxquand

ilspoursuiventleurscibles.»Ilattacha

soncasque.«Jeneveuxpasquetusois

blessée.»

Maistandisqu’ilsroulaientversle

loftd’Ethan,elleneputs’empêcherde

penserqueleurhistoiredigned’unconte

deféesprenaitfin.C’étaitunechose

d’êtreuncouplenormal.Maisquandla

célébritéentraitdansl’équation,cette

dernièreajoutaituntoutautreniveaude

complications.

«Jesuisdésoléequenotrerendez-

vousaittournéauvinaigre»,dit-elle

unefoisqu’ilsfurentarrivésauloft

d’Ethan.

«Moipas.»

Ilrangeasamotoàl’endroithabituel

etilaccrochasavesteauxcrochets

situésàcôtédescasques.

«Enplus,çamedonnel’occasionde

temontrerça.»

IlsortitunecléUSBdesapochequ’il

branchasursonordinateurportable.

Elleregardapar-dessussonépaule

tandisqu’ilsaisissaitlemotdepasse

pouraccéderaucontenudecette

dernière.

«Desinformationstopsecrètesquetu

asvoléesauxRusses?»

Ileutunpetitrireetilluitenditune

paired’écouteursBluetooth.

«Pastoutàfait.»

Ellemitlesécouteursetellese

retrouvaimmergéedansunmondede

musique.Mélodieux,maisenmême

tempssombreettroublant,unemusique

quifaisaitbattresoncœurplusvite

tandisqueseshanchessebalançaienten

suivantlerythme.Elleeutlesouffle

coupéenentendantlavoixfamilière

chanteràproposdufaitdesetrouver

dansl’obscuritéetderevenirversla

lumière.Deslarmesqu’elleretenait

brûlèrentsesyeuxetellesecouvritla

bouchepournepasfondreenlarmes

commeunbébé.Elleavaittoujours

adoréRavinia’sRejects,maisEthan

avaitamenélamusiqueàunniveauplus

profond,pluspersonnelquitouchaitson

cœuretquilafaisaitvoyageraveclui.

Ethannotachacunedesréactionsde

Beccajusqu’àlafindelachanson,et

sesyeuxs’illuminèrent,dansl’attentede

sescommentaires.Toutetracede

sarcasmeavaitdisparudesavoix

lorsqu’ildit:«C’estnul,pasvrai?»

Lerirepritlepassurleslarmesdela

jeunefemmeetelleluiassenaunepetite

tapeespièglesurletorse.

«Ohouais,c’estcomplètementnul.»

Ilenroulasesbrasautourdesataille

etill’attiraverslui.

«Dis-moicetupensesvraiment,Bec.

»

«Çadéchiregrave,commetoi.»

Ellepassasesdoigtsdanslescheveux

d’Ethanetellel’obligeaàbaisserses

lèvresverslessiennes.

«Alorstuasaimé?»

«Oui.»

«Etest-cequej’aidroitàunmerci

pourt’avoirpermised’êtrelapremière

personneàl’écouter?»

Ilsaisitsonculàpleinesmains,la

bosseduredesonérectionappuyant

contrelebas-ventredelajeunefemme,

enflammantledésirquicoulaitdansles

veinesdecettedernière.

«Jesuissûrequejepeuxtrouver

quelquechose.»

«Moiaussi.»

IllasoulevaetlesjambesdeBecca

s’enroulèrentinstinctivementautourde

latailled’Ethan.Unbaiserpassionnéen

entraînantunautre,chacunplusavide

queleprécédent,jusqu’àcequ’illa

portejusqu’aulitetqu’ilfasseensorte

qu’ellesoitpleinementsatisfaite.

ChapitreQuatorze

HildeattendaitdansleboxdeBecca

lorsquecettedernièrearrivaautravail

lelundimatin.Leweek-endavaitétéun

brouillarddebonheurcompletpasséà

fairel’amouretàécouterdelamusique

tandisqu’Ethanluidévoilaitune

chansonl’uneaprèsl’autre,maistout

celaavaitprisfinaumomentoùson

réveilavaitsonnécematin-là.

«J’aireçutonSMS.»

BeccatenditsoncaféàHilde.

«Autrechose?»

«Elainetecherchait.»

Beccajetaunregardversl’horlogeet

poussaunjuron.Elleavaitquasiment

unedemi-heurederetard.

«Elleétaiténervée?»

«Çaluiarrivedenepasl’être?»

Hildebutunegorgéedesatasseavant

depoursuivre:«Ellem’afaitattendre

icijusqu’àcequetuarrivespourqueje

puissetefairepassersonmessage.»

«Quiétait?»

«Elleveuttevoirdanssonbureau.

Pronto.»

Hildes’éloignaenbuvantsoncafé

commes’iln’yavaitaucunproblème.

Dessueursfroidespicotèrentlabase

delacolonnedeBecca.MêmesiElaine

avaitunebonnenouvellepourelle,elle

n’étaitpasàsonbureauaumomentoù

elleauraitdûyêtre.Ellerangeasonsac,

elleessuyasespaumessursajupeet

ellesedirigeaverslebureaudela

rédactriceenchef.

Lasecrétaired’Elaineluifitun

sourirecrispé.

«Ellet’attend,Rebecca.»

Merde!Lefaitquelasecrétairesoit

auxaguetsestmauvaissigne.Ilest

troptôtpourdemanderdescartons

pourrangermesaffaires?

Ellemarquaunepauseàlaporte,puis

elleprituneprofondeinspirationavant

detoquer.

«Entrez»,ditElainedepuisl’autre

côté.

Beccaavalalaboulequis’était

forméedanssagorge,puiselleentra.

«Tuasdemandéàmevoir,Elaine?»

Larédactriceenchefsetenaitdroite

derrièresonbureau,concentréesurles

documentséparpilléssurcedernier.

«Oui,c’estvrai.Approche.»

AlorsqueBeccas’approchaitdu

bureau,sapeursedécuplapourse

transformerenhorreur.Lesdocuments

qu’Elaineétaitentraind’examiner

étaientdesphotosd’elleetd’Ethan.En

traindesepromenerdansHell’s

Kitchen.ÀlapatinoireWollman.Au

borddufleuve.AucafédeGitta.Ilyen

avaitmêmelesmontrantentraindeskier

danslesCatskillspendantleweek-end

deThanksgiving.

Elainelevasonregardpénétrantvers

elle.

«Tum’ascachédeschoses?»

Beccaessayadeparler,maissagorge

seserra,l’étranglant.

«Jet’aidemandédemedonnerdes

infoscroustillantessurdesstars,ettu

mecachesl’histoiredel’année.»

EllelevaunephotomontrantBeccaen

traind’embrasserEthan.

LavoixdeBeccatremblalorsqu’elle

demanda:«Tum’espionnes?»

«Biensûr.»

Elainelaissatomberlaphotoet

s’enfonçadanssachaise.

«Quandtonpèreamentionnélefait

quetuavaisamenéEthanKellycheztoi

pourledînerdeThanksgiving...»

«Monpèret’aditqu’onsortait

ensemble?»

Ellesavaitquesonpèren’aimaitpas

Ethan,maisleschosesprenaientune

touteautredimension.

«Nem’interrompspas.»

Lesmotsd’Elaineétaientplus

aiguisésquelekatanad’unsamouraï.

«Etoui,j’aidéjeunéavectesparents

lasemainedernièreetilsm’ontparléde

tonnouveaupetitami.S’ilsnem’avaient

pasmontrécesphotos,jenelesaurais

pascrus.»

Elletapotasurunedesphotos

montrantEthanetBeccaentrainde

skier.

«Jesavaisqueçaseraituntruc

énorme,alorsj’aidemandéàArmando

detesuivre.»

Ellesurvolalesautresphotosd’un

gestedelamain.

«Tuasétéunefilletrèsoccupée.»

Beccas’enfonçadanssachaiseen

faced’Elaine,regrettantlebagelqu’elle

avaitmangéenguisedepetit-déjeuner

quiluiretournaitl’estomac.

«Qu’est-cequetuveux,Elaine?»

«Jet’aidemandéd’écrireunarticle,

etmaintenantjetedonneunevraie

missiontailléepourtoi.»

Larédactriceenchefcroisases

doigts.

«Jeveuxunarticleexclusifqui

dévoiletout.EthanKellyestuneénigme,

etdepuislamortdel’autremembrede

songroupe,ilestdevenuencoreplus

secret.Pourtanttuasl’airdele

connaîtredemanièreplutôtintime.»

Laréponseseformasurleslèvresde

Beccaavantmêmequ’ellepuisse

réfléchiràlaquestion.

«Non.»

«Danslejournalisme,toutestune

questiondegrandsujetd’article,celui

quicaptiveralepublic,quiferavendre

desjournauxetdesmagazinesetqui

amèneradesclicsversdessitesweb.Et

jesuissûrequedesmilliersdefemmes

auronthâted’acheterunexemplairede

Modernes’ilcontientdesrévélations

surEthanKelly.Jeveuxdesdétailssur

soncombatcontrelatoxicomanie,sur

sonnouvelalbum,sursaréactionàla

mortdesonpartenaire.»

«Jeneluiferaipasça.»

Elaineémituntss.

«Etc’estlaraisonpourlaquelletuas

toujourséchouédanslejournalisme.Ça

nepeutjamaisêtrepersonnel.C’est

toujoursunequestiondebusiness.Tune

peuxpaslaissertesémotionsinterférer

avectesarticles.»

Ellegrimaçadevantlafroideurdes

commentairesd’Elaine.Sic’étaitceque

signifiaitlefaitd’êtreunvrai

journaliste,ellenevoulaitpasdecela.

«Maisc’estmonpetitami,pasun

étrangercroisédanslarue.»

«C’estunpersonnagepublicetles

lecteursveulentensavoirplussurlui.»

Elainesepenchaau-dessusdeson

bureau,sonvisageexprimantdésormais

unetoléranceimpatiente.

«Rebecca,machérie,laseuleraison

quifaitquejet’aigardéeiciaussi

longtemps,c’estparcequejesuisamie

avectesparents.Quandtonpèrem’adit

quetuvoulaisdevenirunejournaliste

sérieuse,j’aifailliéclaterderire.Mais

commeilm’ademandédet’aider,j’ai

acceptédeteproposerunjob.Jusqu’ici,

tuasétéàlahauteurdemesattentes.»

ÀenjugerparlamanièredontElaine

laregardaitaveccondescendance,

lesditesattentesn’étaientpastrès

élevéesdanstouslescas.

Maislecôtéblessantdel’évaluation

d’Elainen’étaitriencomparéàladure

humiliationprovoquéeparlavérité.Son

pèreétaitlaseuleraisonpourlaquelle

elleétaitlà.Lefaitqu’ellesesoit

démenéepourêtrediplôméedel’Institut

deJournalismedel’UniversitédeNew

Yorknecomptaitpas.Pourlemonde

entier,elleseraittoujoursBeccaShore,

héritièreetfêtarde.

«Jesuisentraindetedonnerune

chancedemeprouverquej’aitort,

Rebecca.»

Elletenaitàlamainunephotodela

patinoire.

«JeveuxunarticlesurEthanKelly

dansmaboîtemailvendrediaprès-midi.

Situnepeuxpaslefaire,alorsne

prendsmêmepaslapeinedevenir

travaillerlundi.»

Ellelaissatomberlaphotoetelle

chassaBecca.

«Tuastamission.Nemedéçoispas.

»

Beccasentitsesgenouxtrembler

lorsqu’elleselevadesachaise,mais

elleseforçaàseleverdemanière

calmeetcontrôlée.Curieusement,elle

réussitàsortirdubureausansfaillir.Les

nauséesrefusaientdesecalmer;tendue,

elleseprécipitajusqu’auxtoilettesles

plusprochespourrendresonpetit-

déjeuner.Deslarmeschaudessuivirent,

etelles’agrippaàlacuvetteletemps

quesafrustrations’évanouisse.

Elleavaitbesoindecetravail.Sielle

leperdait,elleseraitforcéededépendre

denouveaudequelqu’un,etlamoindre

fibredesoncorpsrejetaitcetteidée.

Maissaconsciencerefusaitdelalaisser

gardersontravailentrahissantl’homme

qu’elleaimait.

Ildevaityavoirunjustemilieu.Il

devaityanavoirun.

Seslarmesséchèrentetelletrouva

l’énergiederecherchecefameuxjuste

milieu.

***

Ethanfixalafrisechronologiquesur

letableaublancsituédevantlui,lebout

d’unmarqueurappuyécontrelecoinde

sabouche.Danslepassé,ilavait

toujourslaisséunepersonnedesa

maisondedisquesgérerlesdétailsdes

nouveauxalbums.Àprésent,ilétaitseul

maîtreàbord.

Leplusdurétaitpassé.Ilavait

terminéunalbumdontilétaitfierenun

tempsrecord.Maisuntoutnouveau

royaumeseprofilaitdevantlui.Quand

devait-ilannoncerlenouvelalbumsolo

?Comment?Unsiteweb?Un

communiquédepresse?Est-cequ’il

devaitfairepasserunextraitàune

stationderadiolocale?

Etbiensûr,unefoisquelanouvelle

seraitpublique,laviesimpledontil

profitaitpendantqu’ilsecachait

arriveraitàsonterme.Ildevraitfaire

quelquesapparitionsdansdesémissions

detéléetdansdesconcerts.Aprèscela,

lesgenslereconnaîtraientdanslarueet

ilvivraitd’autressituationscomme

cellesduvendredisoirprécédent.

Ilsentitl’intérieurdesonpoignetle

brûler,etlasensationremontajusqu’à

l’arrièredesanuque.Dessueursfroides

perlaientsursapeau.Sesmusclesse

contractèrentetilsentitsonventrese

nouer.Lasensationdemanquelepritau

dépourvuavecsuffisammentdeforce

pourluifaireperdrel’équilibre.Pendant

plusieursminutesilseconcentrasur

l’airquientraitetquisortaitdeses

poumons,reconnaissantpourchaque

inspiration.Ilpouvaitsurmontercela,

toutcommeill’avaitfaitdesdizainesde

fois.Ildevaitjusteserappelerdetoutes

lesautreschosesquiremplissaientle

vide.

Quelquesminutesplustard,lemanque

disparutetlemonderedevintclair.Ilse

tournaverssonordinateuretilfitune

rechercherapidesursonnomsur

internet.Aucunephotones’afficha.Peu

importaitl’identitédupaparazzi,il

n’avaitpasvendulesphotosdeluietde

Beccaàlapatinoireàunmagazine.

Sontéléphonesonna,etilrépondit

sansregarderlenuméro.

«Bonjour,monchéri»,ditsamère

avecunevoixmielleuse.«Commenttu

vas?»

«J’iraisbienmieuxsituarrêtaisde

meparlercommesij’avaisencorecinq

ans,maman.»

Ilessayaitd’avoirl’airdur,maisily

avaitunpeudetaquineriedanssesmots.

«Oui,çava.Non,jen’aipasprisde

drogue.Etoui,j’aireprisletravail.

D’autresquestions?»

«Oùest-cequetuasapprisàêtre

aussiimpertinent?»

Unriresortitdelapoitrinedujeune

homme.

«Frank»,répondit-il.

«Jevaisdevoirparleràcejeune

hommequandilrentreraàlamaison

pourNoël.Enparlantdeça...»

Ilposalemarqueursurlatableetil

sautasurl’îlotdelacuisine.

«Jerentreàlamaison,maman.Ne

t’enfaispaspourça.»

«Merveilleux!Jevaisavoirtousmes

garçonsàlamaisonenmêmetemps.On

n’apasréussiàfaireçadepuistroisans.

»

«Cen’estpasdemafautesiBenet

Frankonttoujoursdesmatchesaux

alentoursdesvacances,ousiCalebest

toujoursdéployéquelquepart.»

«Ousituétaistoujourssurlaroute

avectongroupe.»

«Ehbien,jesuisunpeuoccupéà

organiserlasortiedemonpremier

albumsolo,maisjesupposequejepeux

mettreçadecôtéjusqu’àaprèsles

vacances.»

Ilfermalesyeuxetilsourit,savourant

lalibertéliéeaufaitdecontrôlersa

carrière.

Cela

voulait

dire

qu’il

profiteraitdevacancestranquillessans

desdizainesdejournalistesguettantle

moindredesesmouvements.

«Est-cequeDanamènesapetite

amie?»

«Oui,mêmesicettepauvrepetite

Jennyvaêtreenceintejusqu’auxdentsà

cemoment-là.Pourquoi?»

Latranquillitédesmomentspassés

étaitunpeueffacéeparlanervosité.

«Hum,est-cequeçairaitsij’amène

mapetiteamie,moiaussi?»

Ilpouvaitquasimentvoirlabouchede

samèregrandeouvertedurantlemoment

desilencequisuivit.

«Tuasunepetiteamieettuneme

l’aspasdit?»

«

Maman,

je

suis

un

adulte

maintenant,tutesouviens?Jen’aipasà

teracontertouslesdétailssurmavie.»

«Maistudevraisaumoinsmedire

quandtuvoisquelqu’un.»

«Passic’esttroptôt.Jevoulaisêtre

sûrequec’étaitlabonneavantd’en

parleràquiquecesoit.»

«Çafaitcombiendetempsquela

fréquentesexactement?»

Ilfitcourirsondoigtlelongdeson

col.

«Àpeuprèstroismois.Donconest

trèsloindelademandeenmariage,

maman,doncn’enparlemêmepas.»

«D’accord,jeneleferaipas»,même

sil’exaspérationdanssavoixrévélait

toutesadéception.

«Etn’enfaispastropavecles

décorationsreligieuses.Elleestjuive.»

«Juive?»

«Jecroisqueçafaitassez

d’informationspourlemoment,maman.

Neluiposepastropdequestionsquand

tularencontreras,OK?»

«Est-cequ’aumoinsjepeux

connaîtresonnom?»

«Becca.»

Ilraccrochaavantquesamèrene

puisseluisoutirerplusd’informations.

Beccaétaitdéjàsuffisammentassez

nerveuseconcernantlefaitqueson

passépuissejouercontreelle,etilne

voulaitpasdonneràsamèrequoiquece

soitquipourraitmettrelajeunefemme

encoreplusmalàl’aise.Elleavait

respectésonidentitéquandilavait

rencontrésafamilleetilpouvaitenfaire

demêmepourelle.

Enplus,ilsl’aimeraientforcément.Et

unefoisqu’ilsconnaîtraientlavraie

Becca,alorsilpourraitdonnersonnom

defamille.

Ilretournaàsontableaublancpour

continueràorganiserlasortiedeson

album,etilcherchaitdescabinetsde

relationspubliqueslorsquesonalarme

sonnapourluirappelersaréunionNA

hebdomadaire.Ilpritsoncasqueetsa

vesteensedemandantcequeGittaavait

prévucommespécialitédujourdansson

café.

***

Ari

marqua

un

temps

d’arrêt

lorsqu’elleentradansl’appartement.

«Qu’est-cequetufaisàlamaison

aussitôt,Becca?Tunedevaispasaller

àuneréunion?»

Beccaroulasesgenouxsoussa

poitrine.Assisesurlecanapé,elle

portaitdéjàsonpyjama.

«J’aiétémaladeautravail.»

Lapaniques’affichasurlevisagede

sacolocataire.«Resteloindemoi.Je

nepeuxpasmepermettred’êtremalade

encemoment.J’aiunprojetquejedois

rendrepourlasemaineprochaine,àLA.

»

«Cen’estpascegenredemaladie.»

Lapaniquecédalaplaceàde

l’inquiétude.

«Ohlà.Tun’espasenceinte,pasvrai

«Maisc’estquoicedélireavecces

histoiresd’êtreenceinte?»Ellejetaun

coussinverssacolocataire.«Jeprends

mapiluletouslesjoursàlamêmeheure,

mercibeaucoup.»

«Désolée,tuasl’airunpeuémotive

cesdernierstemps.»

Aris’assitaubordd’unechaiseet

posasesmainssursesgenoux.

«Qu’est-cequinevapas?»

«Paroùjedoiscommencer?»

«Paroùtuveux.Aprèstout,jesuista

meilleureamie.»

Pourlapremièrefoisdepuisson

entrevueavecElainecematin-là,ellene

ressentitpasdenausées.

«Jet’aiditquej’avaisl’impression

quequelqu’unavaitprisdesphotos

d’Ethanetmoiàlapatinoirevendredi

dernier.Ehbien,j’aicomprispourquoi.

Elaineaembauchéquelqu’unpourme

suivre.Elleadesphotosdenousdeux

danstoutelaville.»

Souslasurprise,leslèvresd’Ari

s’entrouvrirent,etsesyeuxmarrons

devinrentdeuxfoisplusgrosquela

normale.

«Cettesalope.»

«Oh,tun’espasaucourantdela

moitié.Ellem’ademandédeuxfois

d’écrireunarticlesurEthan.Ellem’a

ditquesijenelerendaispasvendredi,

j’étaisbonnepourêtrevirée.»

«OhmonDieu!Elleaduculotcette

bonnefemme.»

«Etlehic,laseuleraisonpour

laquelleellem’aembauchée,c’était

parcequemonpèreademandéune

faveur.»

Beccasaisitunautrecoussinetle

serracontresapoitrine.

«Alorsmaintenant,jedoisfaireun

choixentretrahirEthanouperdrele

boulotquej’aiuniquementpuobtenir

grâceàmonpère.»

«Ilvafalloirduvin.»Ariselevade

sachaiseetdisparutdanslacuisine.

Ellerevintuneminuteplustardavecune

bouteilledevinrouge,untire-bouchon

etdeuxverres.

«Tusaisquejeneboispas.»

«Oui,maiss’ilyabienuneraison

pourquetulaissestesrèglesdecôté,

c’estbiencelle-là.»

Elleservitdeuxverresetelleen

tenditunàBecca.

«Bon,réfléchissonsauxoptions.»

Beccapritleverre,refusantd’en

prendreunegorgée,maisellefitun

sourireàsacolocataire.C’étaitce

qu’elleaimaitchezAri.Engrandissant,

elleavaittoujourstrouvéunmoyende

contournerlesrèglesetlesrestrictions,

etBeccaespéraitquesameilleureamie

l’aideraitàtrouverunmoyendegérerla

situation.

Aributunegrossegorgéedansson

verre.«OK,commençonsparles

extrêmes.Optionune:tudisàElainede

prendreceboulotetd’allervoirailleurs

situyes.»

Beccareniflaenrianttouten

imaginantlaréactiondesarédactriceen

chef.Elleposeraitseslunettesavantde

crachersescommentaires.

«Jen’aipaslecouragepourça.»

«Tul’avaisavant.»

Ariprituneautregorgée.

«Optiondeux:Tusuppliestonpetit

amipouravoirl’articlequitepermettra

desauvertonboulot.»

Ellesetortillaàcettesimplepensée.

«Jenesaispas,Ari.Ethanesttrès

secret,etlegenredechosesqu’Elaine

veut...ehbien,jedétesteraislui

demanderça.»

Arifitunsignedetêtecompatissant.

«Maissituluiexpliquaisla

situation...»

«Non,jenepeuxpas.»

Beccalâchasoncoussinetfitlescent

pasdevantlecanapé.

«Aprèstout,c’estàcausedemoisi

lespaparazzinousonttrouvés.Sijene

l’avaispasamenéchezmoipour

Thanksgiving,alorsmonpèren’aurait

pasparlédeluiàElaine,etiln’yaurait

pasdephotosdelui.Tuvois...savie

privéeestmenacée,etc’estdemafaute.

»

«Peut-être,maiscen’estpascomme

situl’avaisvendue.Aprèstout,c’estlui

quivoulaitveniravectoi.C’estluiquia

ditquiilétaitàtonpère.»

«Jesais,mais...»

Elles’interrompitetelleappuyala

paumedesamainsursonfront.Peu

importaitàquelpointelleessayaitde

toutrationaliser,elleavaitencore

l’impressiond’avoirtoutraté.

«J’essayaisvraimentdeleprotéger.

»

«Maisc’estungrandgarçon,Becca.

Ilpeutprendresoindeluitoutseul

maintenant.»

«Tucrois?Pourmoi,ilestencore

fragile,ilestencoreendanger,uncoup

durpourraitlefaireremettresurla

mauvaisefoi.»

«Etpastoi?»

AriselevaetserapprochadeBecca.

«Disonsquetufaiscequitesemble

justeetqueturefusesgentimentd’écrire

l’article.Tuvasperdreleseulboulot

quetuaiesjamaiseu,etencemomentle

marchén’estpasterriblepourles

nouveauxvenus.Dèsquetudiraston

nom,lesgensvonttirerleurspropres

conclusionsàproposdetoi.Onacet

endroitgratuitement,maisj’arriveraià

peineàpayerpourlanourritureetles

facturescourantes.»

«Tucroisquejen’yaipaspensé?»

«Alorstuasdeuxautresoptions.Un:

ramperdevanttonpèreetsupplierpour

avoiruneallocationmensuelle.»

Beccafronçalenez,chaquefibrede

soncorpsrejetantcetteidée.

«Tusaisquejeneferaipasça.»

«L’autreoptionc’estquetufasses

d’Ethantonvieuxpleinauxasetquetu

emménagesaveclui.Pasdedoute,ila

lesfondspourt’entretenir,ettuvis

pratiquementchezlui,detoutefaçon.»

«J’auraisencoreunelaisse.»Elle

s’enfonçadanslecanapé.«L’idée

derrièrecetrucdejournalisme,c’était

d’êtreindépendante,denepasavoirà

dépendresurquelqu’unpouravoirde

l’argent.»

«Ouais,maislesgenscommetoiet

moidevronttoujoursprouverqu’onest

plusquedespetitesfillesrichestrop

gâtées.»

«Apparemmenttun’aspasde

problèmesavectonboulot.»

«C’estparcequejefaisquelque

chosequej’aime.Descommuniquésde

presse,desévènementssociaux,les

spotsdesmédias...c’estvraimentmon

truc.»

Lesdéclarationsd’Elaineàproposdu

faitdenepaslaissersesémotions

interféreravecsesarticlesrevinrentla

hanter.

«Jepensaislamêmechoseàpropos

dujournalisme.»

Aris’assitprèsdeBeccaetpritcette

dernièredanssesbras.

«N’abandonnepasencore.Tu

trouverasunmoyendefairecequetu

aimes.

Quelqu’unsonnaàlaporteetArise

levapourallerouvrir.

Lavoixd’Ethansefitentendredansle

couloir.

«Ari,Beccan’étaitpasàlaréunion...

»

Beccaselevaducanapésansse

soucierdeporterunvieuxpyjamaen

flanelleetdemontrerdesyeuxrougesà

causedeslarmesqu’ellevenaitde

verser.

Ilfallutmoinsdedixenjambéesà

Ethanpourtraverserlapièceetpour

s’accroupirdevantelle.

«Çava?»

Elleseforçaàarborerunfaible

sourirepourlui.

«Çavaaller.»

«Commetun’étaispasàlaréunion,

jemesuisinquiété.»

Soncœurs’arrêta,luirappelanttoutes

lesraisonsqu’elleavaitdenejamaisle

trahir.

«Jen’étaispasbienenrentrantdu

boulot,c’esttout.»

«Est-cequeçaçapourraitte

remonterlemoral?»

Ilsortitunepetiteboîteportantle

logoducafédeGitta.

«Elleaditquec’étaitunesortede

gâteaudefêteetquetuaimeraisça.»

Ellecaressalajouedujeunehomme.

«Merci,Ethan.C’estvraiment

adorabledetapart.»

Lesyeuxdujeunehommeglissèrent

versleverredevinposéàcôtéde

Becca,etilserraleslèvres.

«Est-cequ’ilyaautrechosequeje

peuxfairepourtoi?»

ArisetenaitderrièreEthan,etelle

faisaitdessignesàBeccapourluidire

qu’elledevaitluiparlerdelasituation,

maiscettedernièresecontentade

secouerlatête.

«J’aijustebesoind’unpeudetemps

pourm’enremettre.»

Iljetadenouveauunregardversle

verredevinavantdeseredresser.

«Appelle-moisituasbesoindequoi

quecesoit.»

Ilsepenchapourdéposerunbaiser

sursonfrontetilditaurevoiràAri

avantdequitterl’appartement.

Lacolocatairedelajeunefemme

sautasurplaceàl’endroitqu’ilvenait

dequitterdevantelle.

«Qu’est-cequiclochecheztoi,

Becca?Ilveutt’aiderettunefaisque

lerepousser.»

«Jepeuxsurmonterçasanslui.»

«N’importequoi.»Arireculad’un

pas.«Tusaisquelaconfianceest

essentielledansunebonnerelation.»

«Oui,etilm’aconfiésessecrets,et

jenevaispaslesexploiterpoursauver

macarrière.»

«Maislaconfianceçamarchedans

lesdeuxsens,Becca.Toiaussitudois

luifaireconfiance.»

«Je...»

Ellen’arrivaitpasàtrouverune

bonneexcuse.Ariavaitraison.Elle

aussidevaitfaireconfianceàEthanpour

sessecrets.Maiselledétestaitl’idéede

sedéchargerdesesproblèmessurlui.

«Lanuitporteconseil.»

«D’accord,maisj’espèrequetu

oublierastesréserves,ouçavadevenir

ungrosproblèmeentrevousdeux.»

Beccaseretiradanssachambreet

essayadedormir,maispeuimportaitce

qu’ellefaisait,ellen’arrivaitpasà

apaisersonesprittroublé.Iln’yavait

toutsimplementaucunmoyensimple

poursortirdecettesituationdélicate.

Ellesetournaetseretournaencore

longtempsaprèsqu’elleaitentendusa

colocataireallersecoucher,puiselle

finitparseleverunpeuaprèsuneheure

dumatin.Quelquessecondesplustard,

ellecomposaitlenumérod’Ethan.

«Tuesdebout?»,demanda-t-il

lorsqu’ildécrocha.

«Ouais.Ettoi?»

«Ouais.»

Savoixsemblaitfragileetdouce

lorsqu’elledemanda:«Ilesttroptard

pourquejeviennecheztoi?»

«Tuveuxquejeviennetechercher?

»

«Non,jepeuxprendreuntaxi.»

Ellevérifiadanssonportefeuillesi

elleavaitsuffisammentd’argentpour

payerlacourse.

«J’arrive.»

Elleenfiladesvêtementsàlava-vite

etellehélauntaxi.

Ethanétaitentraindel’attendre

lorsqu’ellearriva,etill’attiradansses

bras.

«Qu’est-cequinevapas,Becca?»

«Tuconnaiscetteexpression:Être

entrelemarteauetl’enclume?Ehbien

imaginequec’estÉcraséeentrela

rocheetlafalaise.»

Ilserrasesbrasautourd’elleetilla

guidadanslesescaliers.

«Tuveuxbienm’expliquercequise

passe?»

«Peut-être.»

Elleretirasavesteetseschaussures

avantdemontersurlelitàcôtédelui,

soncorpsselovantinstinctivement

contrelesien.

«C’estunproblèmeauboulot.»

«Raconte-moi.»

Ilmassalecuircheveludelajeune

femmetoutenattendantquecelle-cilui

réponde.

Sespaupièresdevinrentlourdesà

causedelafatiguedelajournée,etelle

risquaitdes’endormirsiellene

soulageaitpassonâmerapidement.

«Marédactriceenchefm’aconfiée

unemissionaveclaquellejenesuispas

d’accord.»

«Pourquoi?»

Ellemâchouillasalèvreinférieureen

sedemandantàquelpointelledevaitlui

révélerdeschoses.

«Parcequedesgenspourraientêtre

blesséssij’écriscetarticle.»

«Etsitunelefaispas?»

«Ellemevire.»

Ilinspiraàtraverssesdentsserrées.

«C’estunedécisiondifficile.»

«Maintenanttusaispourquoijesuis

danstousmesétats.»

«Ouais,maisjeteconnaisaussi.Tu

vasécoutertoncœuretfairelebon

choix.»

«Mêmesiçasignifielafindema

carrièredanslejournalisme?»

«Quiaditqueceseraitlafin?Tues

unefemmebrillante,Bec,ettune

mettraspaslongtempsàtrouverunautre

boulot,mêmesic’estenfreelance.»

Illuidonnaunpetitcoupdecoude

espiègle.

«Enplus,cen’étaitpastoiquidisait

quetudétestaistravaillerlà-basde

toutesfaçons?»

«Si».

Elleseblottitencoreplusprèsdelui,

ettouslessoucisdelajournée

disparurent.Ethancroyaitenelle.

Maintenant,illuisuffisaitjustedecroire

aussienelle-mêmeetdefairelebon

choix.

«Mercidem’aideràmesentirmieux.

»

«Quandtuveux.»

Ildéposaunpetitbaisersurlehautde

latêtedelajeunefemmeetillagarda

danssesbrasjusqu’àcequ’ellefinisse

pars’endormir.

ChapitreQuinze

Beccaserenditaubureaudesonpère

lejeudimatin,ignorantlesprotestations

delasecrétairedecelui-ci.Deuxjours

s’étaientécoulés,etellen’avaittoujours

pastrouvédesolutionàsonproblème

detravail,maisellepouvaitaumoins

réglerleschosesavecsonpère.

«Papa,ilfautqu’onparle.»

Sonpèrelevalesyeuxdesonécran,

unsourcilarquéau-dessusdesesyeux

bleu-vert,etilcongédiasasecrétaire.

«Assieds-toi,Rebecca.»

Ellepritunechaiseenfacedeluiet

ellecroisalesjambes,lacolonneraidit

parladétermination.

«D’abord,jen’appréciequetuaies

parléd’EthanàElaine.»

«Onétaitsimplemententrainde

déjeunerentrevieuxamis,etonenest

venusàparlerdetoi.»

«Oui,maismaintenantellemeforceà

écrireunarticlesursaviepersonnelle,

sinonjerisquedeperdremonboulot.Un

boulotquej’aieugrâceàtoi,jeviensde

l’apprendre.»

«Tufonçaisdroitdanslemuravecta

poursuiteridiculed’unecarrièredansle

journalismeetj’aiouvertuneportepour

toi.»

«Maiscen’estpasridiculepourmoi.

C’estcequejeveuxfairedemavie.»

«Oh,jet’enprie.Tun’arrivespasà

restercleansuffisammentlongtemps

pourgarderuntravailquiimpliquedes

responsabilités.Etlefaitdesortiravec

unautretoxicomanecommecettestardu

rocknevafairequetetirerencoreplus

verslebas.»

Ellebonditsursespieds,lecorps

brûlantderage.

«D’abord,çafaitpresquetroisans

quejesuisclean,etçaaarrêtéd’êtreun

problèmequandjemesuisdétachéede

tesméthodesmanipulatricesetdeton

emprise.Ensuite,Ethanestenvoiede

guérison,toutcommemoi.Onpeut

s’aiderl’unl’autreàresterclean.»

«Ouvouspouvezvousfaire

rebasculerl’unl’autredanslesbas-

fondsdel’héroïne,exactementcomme

ças’estpasséavectamère.»

Beccaprituneprofondeinspiration

avantdelancerunesériedemotsde

cinqlettresàsonpère.

«Jen’aiaucunsouvenirdemamère,

alorsjenepeuxpasdiresijesuis

commeelleounon.Maiscequejesais,

c’estquelaraisonquiafaitquej’ai

commencéàenprendre,c’étaittoi.»

Lasurpriseselutsurlevisagedeson

père,

bouleversant

son

expression

impassiblependantunebrèveseconde

avantquecelle-cineréapparaisse.

«N’essayepasderejeterlafautesur

moi.Onsaittouslesdeuxquela

toxicomanieauncomposantgénétique.»

«Peut-être,maislefaitquetu

exigeaisdemoiquejesoisparfaiten’a

pasaidé.Est-cequetuaslamoindre

idéed’àquelpointc’étaitlepieddene

passesoucierdecequetupouvais

penserdemoi?Demesentirbiendans

mapeausansqu’onmerappelleles

centainesdechosesquetudésapprouves

chezmoi?»

Ilserenfonçadanssachaise,ses

doigtsécartéssursabouche,l’air

pensif.

«Jesaisquej’aitoujoursétéune

déceptionpourtoi.Jesaisquetu

n’attendaispasdemoiquejesoisplus

qu’uneespècedetoxicopauméeavecun

compteenfiducie.Maistuastort.J’ai

trouvéquelquechosequejevoulais

faire.Jevoulaisécriredesarticlespour

fairechangerleschoses.Jevoulais

défendrelesopprimésetfaireensorte

quelesautresprennentconsciencedu

contextedifficiledanslequelnous

vivons.Jevoulaisdesarticlesqui

pourraientunjourchangerlaviede

quelqu’un.Etpersonnen’acruenmoi,

saufAri.»

Elleappuyasesmainscontrela

surfaceenverreimmaculéedubureaude

sonpèreetellesepenchaenavant.

«Jesaispourquoituasparléd’Ethan

etdemoiàElaine,etjesuisvenuepour

tedirequemêmesitacombinepeutfinir

par

me

coûter

mon

poste,

je

n’abandonneraipasmonrêve,etjene

l’abandonneraipasluinonplus.»

Ellefitvolte-facesursestalonshauts

etellepartitsansunmot.

Aprèsavoireul’impressionqueson

mondes’écroulaitpendanttroisjours,

ellesentaitdenouveauqu’ellereprenait

lecontrôle.Lefaitdedireleschosesà

sonpèreluiavaitretiréunpoids,etau

momentoùellearrivaaurez-de-

chausséedelatourdubureaudece

dernier,elleavaituneidéedelamanière

dontelledevaitprocéderavecElaine.

***

Ethanjouaquelquesnotessurson

pianoavantdelesnoteravecunlarge

sourire.Mêmes’ilessayaitencore

d’organiserlasortiedesonnouvel

album,lamusiquecontinuaitdevenirà

lui.Aurythmeoùilallait,ilauraitun

autrealbumprêtàêtreenregistrépourle

printemps.

Ilregrettaitsimplementqueleschoses

nepuissentpasêtreaussisimplespour

Becca.Lesdeuxnuitsprécédentes,elle

avaitpassésontempsàtournersurelle-

mêmeàcôtédelui,nedormantqu’après

qu’illuiaitfaitl’amourauxpetites

heuresdumatin.Ellen’étaitpas

retournéeàsontravail,choisissantde

mâchouillerunedemi-douzainedes

crayonsd’Ethantoutengribouillantune

idéeaprèsl’autrequifinissaienttoutes

dansladéchiqueteuse.Cematin-là,

c’étaitlapremièrefoisqu’elles’était

réveilléeavecunregarddéterminé,et

celuiluiavaitlaisséprésagerqu’elle

avaittrouvéunesolutionàson

problème.

Elleétaitpartieavantl’aubepour

retournerdanssonappartement,etil

n’avaiteuaucunenouvelledepuis.Il

espéraitquesonsilenceétaitdebonne

augure?

Ilavaitécritquelquesmesures

supplémentaireslorsquesontéléphone

sonnaetquelenumérodeBecca

s’affiche.

«Hey,mabelle,commentçava?»

«Beaucoupmieux.J’aibalancéun

articleàElaineetjechercheunvolpour

lesCaraïbes.Ilyenaunpourla

Barbadedemainmatinàsixheures.Tu

veuxfaireunpetitvoyageéclairavec

moi?»

Ilregardalaneigeentrainde

s’empilersurlereborddesafenêtre.

«Unpeudesoleiletdesablechaud,

çamesemblepasmal.»

«Génial.Jeréservelesvolstoutde

suite.OndécolledeJFK,alorspourquoi

onneseretrouveraitpaschezmoiavant

d’yaller?»

«Vendu.»

Aumomentoùilraccrocha,son

sourireétaitencoreplusgrandqu’avant.

Beccaétaitredevenuelafemme

intrépidequ’elleétait,etilavaithâtede

voiràquelpointilspourraientpasserde

bonsmomentssouslestropiques.C’était

exactementlegenredevacancesdontil

avaitbesoinavantdesereplongersous

lesprojecteurs.

Etcelaluioffriraitl’occasionparfaite

delaconvaincredevenirchezluipour

Noël.

***

LegenoudeBeccan’arrêtaitpasde

tressautertandisquel’avionroulaitsur

lapistededécollage.

Àquoiest-cequejepouvaisbien

penserenprenantunavion?Jedéteste

voler.

Maisc’étaitunesorted’envie

impulsivesurlemoment.Elleavait

besoindefaireunecoupure,etClaire

avaiteulagentillessedeluidonnerun

numérodecartebancaireencas

d’urgencequelquesmoisplustôt.

Etlivrerunarticlequiluicoûterait

sûrementleseultravailqu’elleavait

jamaiseucomptaitcommeuneurgence.

Ethanlacalmaenposantsamainsur

sacuisse.

«Est-cequejedoisdemanderunsac

àvomiàl’hôtessedel’air?»

Ellesecoualatête.

«C’estlapremièrefoisquejeprends

l’aviondepuisunbail,c’esttout.»

Ilétaitinutilequ’elleajoutequ’il

s’agissaitdelapremièrefoisoùelle

prenaitl’avionenétantsobre.Ethan

hochalatête,etl’empathiequiselisait

danssesyeuxgrisluidisaitqu’il

comprenait

exactement

ce

qu’elle

voulaitdire.

«Aumoins,onestenpremière

classe.»

«Ouais,c’estunpeuunefolie.»

Elleregardalesoleilentraindese

leversurlavilleendessousd’euxà

traverslehublot.

«Maisjemesuisditquec’était

maintenantoujamais.»

«PourquoilaBarbade?»

«Mafamilleaunepetitemaisonen

borddemerlà-bas.Jen’ysuispasallée

depuis

des

années,

mais

c’est

suffisammentintimepournousdeux.»

Enplus,ilyavaituneclôtureenferet

unepiscineàdébordementavecunevue

merveilleusedel’eau.

«Mercid’êtrevenuavecmoi.»

«Biensûr.»

Ils’interrompit,etilpenchalatêtesur

lecôté.

«Alors,qu’est-cequis’estpasséau

boulot?Tuasditquetuavaisbalancé

tonarticle,maisjesaisquetuaseudu

malàl’écrire.»

Lesnauséesqu’elleressentaità

présentn’avaientplusrienàvoiravec

l’avion.

«J’aitrouvéquelquechosede

différent.Cen’estpascequ’ellevoulait,

cequiveutdirequ’enrentrant,j’aurai

sûrementune-maildelicenciement,

maisaumoinsj’ailaconscience

tranquille.

«Tunem’asjamaisditcequ’elle

voulaitquetuécrives.»

«Ons’enfoutmaintenant.»

Elleserrasamainetelleluisourit.

Ellen’avaitpascédéàlapressionparce

qu’ilcomptaitpluspourellequeson

travail.

«J’aifaitcequimesemblaitjuste,et

maintenantj’aihâtedepasserquelques

joursausoleilavectoi.»

«Lamême.»

Ils’installaconfortablementdansson

siègeetilfermalesyeux.

Beccamâchasalèvreinférieureen

regardantl’heuresursontéléphone.Il

restaitcinqheuresavantl’atterrissage.

Justeassezdetempspourqueson

estomacsenoue.

Eneffet,mêmesiellen’avaitpas

renduunarticlesurEthan,sonarticle

pouvaitlareplaceraucentredela

controverses’ilétaitpublié.

ChapitreSeize

Ethanplongeadanslapiscineà

débordementetnageasurtoutela

longueurdecettedernière,s’arrêtantau

niveaudelaparoiquisurplombaitles

Caraïbes.Lesoleilétaitentraindese

couchersurl’eaucommeuneboule

rougedefeuquis’embrasaitavantde

capitulerfaceauxombresdelanuit.

Uneautrejournéeparfaiteau

paradis.

«L’eauestbonne?»,demandaBecca

derrièrelui.

«Chaude.»

Ilseretournaetilrestebouchebée.

Beccasetenaitàcôtédelapiscine,

totalementnue.Ellelaissatomberla

serviettequ’elletenaitdanssamainet

elledescenditdansl’eauenondulantses

hanchesdemanièresexy.Elleleregarda

droitdanslesyeuxavecunregard

intenseetséducteur.Aumomentoùelle

arrivajusqu’àlui,ilétaitenpleine

érectionetilmouraitd’envied’êtreen

elle.

«Est-cetuesentraind’essayerdeme

direquelquechose?»,demanda-t-il,la

voixrauquerempliededésir.

Elleenroulasesbrasautourducou

d’Ethanetsesjambesautourdesataille,

soncorpssemoulantcontrelesien

commesielleavaitétéspécialement

faitepourlui.

«C’estagréabled’avoirunemaison

privéesurlaplage,pasvrai?»

«Eneffet.»

Ilbaissaseslèvresverscellesde

Beccadansunbaiserquinefit

qu’augmentersondésir.Leweek-end

avaitétéunmélangeidéald’amusement

etdesexe,desactivitésenextérieur

commelavoileetlaplongéeaux

longuessessionslangoureusesdesexe

danslachambre.Pasdetélévision.Pas

d’internet.Pasd’interruptions.Etétant

donnélamanièredontelleétaitentrain

deréagirquandillatouchait,elleen

voulaitencore.

Illafittournersurelle-mêmede

manièreàcequeledosdelajeune

femmesoitappuyécontrelemurdela

piscine.Lecoucherenflammaitles

refletsrouxdesescheveuxpourformer

unecouronnerayonnanteautourdesa

tête.Legoûtsubtildesmanguesqu’elle

avaitmangéess’attardaitsurseslèvres.

Sapeaumouilléeglissaitcontrela

sienne,

et

chaque

mouvement

le

provoquaitetletentait.Leparfumsucré

desfleurstropicalesremplissaitl’air

autourd’eux,semêlantàceluidu

shampooingàlanoixdecocoqu’elle

avaitutiliséplustôtdanslajournée.

Toutculminaitdansl’incarnationde

quelquechosequisemblaitsortird’un

rêve.

Etpourtant,toutétaitbienréel.Cette

femmesexy,intelligenteetgénéreuse

étaitdanssesbras,faisantdelui

l’hommelepluschanceuxdumonde.

Sonmaillotdebaincommençaà

tomberetill’envoyavoler.Ilsaisitson

cul,puisillahissahorsdel’eauetil

l’amenajusqu’ausofabiencapitonné

situéàcôtédelapiscine.

«Est-cequejedoisalleràl’intérieur

pourchercherunecapote?»

«Situveux,maisjemesouviens

avoirprismapiluleaujourd’hui.»

Ilhésita,leboutdesaqueueplanant

au-dessusdel’ouverturedusexede

Becca.

«Est-cequetuesentraindedireque

tumefaisconfiance?»

Elleacquiesça.

«Ettoi,tumefaisconfiance?»

Ill’avaitsuffisammentvuprendresa

pilulelematin,régléecommeune

horloge,poursavoirqu’ellen’étaitpas

entraind’essayerdelepiégeravecune

grossesse.Etmêmesilapilulene

marchaitpas,peuluiimportait.Ilvoulait

unfuturavecelle.Unquipourraitmême

incluredesenfantsunjour.

Maispourlemoment,iln’arrivaitpas

àpenseràautrechosequelefaitqu’il

étaitmerveilleuxd’êtreenelle.La

chaleurdesachatteserréeethumide.La

manièredontsesparoisintérieuresse

serraientautourdelui.Lamanièredont

seslèvress’ouvraientquandilentraiten

ellelapremièrefois,puisdontelle

gémissaitquandilcommençaitàbouger.

Ilpritsontemps,prolongeachaque

coupdereinexquis.Celapouvaitêtre

l’affaired’unefoisoudebeaucoup,

maisilétaitdéterminéàsavourer

chaquemomentdecetteexpérience.Le

corpsdeBeccasesoulevapour

rencontrelesien.Ilentrelaçasesdoigts

aveclessienstandisquesabouche

dévoraitlasiennedansdesbaisers

passionnés.Etlorsqu’illafitjouir,illa

tintserréecontreluialorsqu’ilvenait

luiaussi.

Lorsqu’ilretrouvasesesprits,lanuit

étaittombée.Leslampessolairesqui

éclairaientlesalléesdujardinmenantà

lamaisonetlequartierdeluneau-

dessusdeleurtêteluioffraientjustece

qu’ilfallaitdelumièrepourqu’ilpuisse

voirlevisagedelajeunefemme.Sa

beautéluicoupapresquelesouffle,mais

l’éclatquibrillaitdanssesyeuxfit

battresoncœur.

Elleluifitunsouriretimidetandis

qu’elleseredressaitpourcaresserson

visage,faisantcourirsesdoigtssursa

mâchoire.

«Jet’aime»,murmura-t-elle.

Letempssemblas’arrêter,maisau

lieud’êtreterrifié,ilétaitheureux.Il

voulaitquecemomentduretoujours

pourl’enregistrerdanssamémoire.Une

foisqu’ileutmémorisélemoindre

détail,ildégageaunemèchedecheveux

poséesursonfrontavantdeluidire:«

Moiaussi,jet’aime,Bec.»

Lesouriredelajeunefemmes’élargit

etellel’attiraversellepourunautre

baiser.

Etiln’arrivaitpasàsedirequesa

viepourraitêtreplusbellequ’encet

instant.

***

Letéléphoned’Ethansonna,lesortant

desderniersinstantsd’unsommeil

bienheureux.Ilvitlenomd’Adam

s’affichersurl’écranetilseprécipitaà

l’extérieurdelachambreavantquela

sonnerieneréveilleBecca.

«Salut,Adam»,répondit-iltouten

enfilantunerobedechambre.«

Commenttuvascematin?»

«Unpeucontrarié.Pourquoitune

m’aspasditquetusortaisavecBecca

Shore?»

Cettejournées’annonçaitcommeune

autrejournéemagnifiqueauparadis,

maislafroideurdanslavoixd’Adam

étaitévidenteetdonnalachairdepoule

àEthan.

«Parcequejesavaisquetuaurais

cetteréactiondemerde.»

Ilpouvaitsentirlacolèrequeson

frèreessayaitdecontenir.

«Alorstusavaisqu’elleposerait

problème?»

«Poserproblème?Pasmoyen.»

Ilsautasurl’îlotdelacuisineetilse

servitunverred’eau.

«Aucontraire,elleestlameilleure

chosequimesoitjamaisarrivée.»

«Alorstun’aspasencorevules

infos.»

Sabouchedevintsèche.

«Dequoituparles?»

«Allumelatélé.»

«Jenepeuxpas.»

«Pourquoi?»

«Parcequ’iln’yenapasdanscette

maison.»

Soncœurcommençaàbattrela

chamadeetsonespritpartitdansune

centaine

de

directions

différentes,

aucunen’étantpositive.

«Dis-moicequisepasse,Adam.»

«Ellet’avendu.»

Leverrecommençaàglisserdeses

mainsetillerattrapaavantqu’ilne

tombeetquelechocneréveilleBecca.

«Dequoituparles?»

«Exactementdeça.Apparemment,

elleavenduunarticleexclusifàpropos

detoiàunmagazinefémininqui

s’appelleModerne,etçafaitlebuzz

danslesmédias.L’articleparaîtra

demain,maislarédactriceenchef,

ElaineHalpern,alaisséfuirdesphotos

devousdeuxpendantquevousétiezàla

patinoire,etvousavezl’airplutôt

proches.»

«Putain!»

Ethansautadel’ilotetfitlescentpas

toutenpassantsesmainsdansses

cheveux.

«Commentelleafaitpourlesavoir?

»

«Ilsembleévidentquec’esttapetite

amiequilesluiadonnées.Ellet’a

probablementtenduunpiège.»

«Becn’estpascommeça.»

Etpourtant,ilressentaitunléger

doutequirefusaitdedisparaître.Ily

avaittropdechosesquinecollaientpas.

Sonsecretàproposdel’articlequ’elle

avaitrendu.L’argentqu’elleavait

soudainobtenupourpayerleursbillets

enpremièreclasse.Lamaisondela

plagetotalementcoupéedetousles

médias.

«OK,oublionssonpèrequia

probablementunedentcontrenouspour

lapropriétédeMichiganAvenue...

j’auraisdûcomprendrequandtum’as

posédesquestionssurlui.Oublions

aussiqu’ellen’apaslameilleure

réputation

possible,

elle

s’est

probablementjetéesurl’occasionde

refairelaunedesjournaux.Est-cequetu

imaginescequ’elleaputoucherpourte

traînerdanslaboue?»

«EtmoijetedisqueBecn’estpas

commeça.»

«Vraiment?Tun’aspasl’airplus

convaincuqueça.»

Ilentenditsonfrèretapersurson

clavier.

«Ici,ilestditquel’articlerévèlera

desdétailsàproposdetatoxicomanie,

detaguérisonetdetonprojetsoloà

venir.Sicen’estpasellequiadonné

toutescesinformations,quil’afait?»

Ilsentitsatêtetourneretils’écroula

surlecanapéavantquesesgenouxnele

soutiennentplus.Iln’yavaitaucune

autreexplication.Beccal’avaittrahi.

Cettegarcel’avaitattiréiciparlaruse,

elleluiavaitditqu’ellel’aimaitetelle

luiavaitfaitavouerqu’ill’aimaitlui

aussi,toutenessayerdel’empêcher

d’apprendrelavérité.

«Oùtuesencemoment?»,demanda

Adam,toutetracedecolèreayant

disparudanssavoix.

«LaBarbade.»

«Tuveuxquejeteprenneunbillet

surleprochainvol.»

Sonventreseserraenentendantla

pitiédanslavoixdesonfrère,àl’idée

qu’Adamsoitdenouveauobligédele

tirerd’affaire,maisunepartiedelui

étaitheureused’avoirquelqu’unqui

veillesurlui.

«S’ilteplaît.»

Ilentenditquelquesclicssurle

clavier.

«Ilyenaunquipartdansdeux

heuresetdemi.»

«Jepeuxl’avoir.»

IlluisuffisaitdeprendrelaJeep

qu’ilsavaientlouée,mêmesicela

voulaitdirequ’illalaissaitbloquéesur

place.

Après

tout,

elle

avait

probablement

gagné

suffisamment

d’argentenlevendantpoursepayerun

taxijusqu’àl’aéroport.

«Jel’airéservépourtoi.»

«Merci,Adam.»

Ilraccrocha,lesmainstremblantes.

Pourlapremièrefoisdepuisplusieurs

mois,ilétaitplusquetentédesepiquer

etd’oublierlemondeentier,maisil

refusaitderechuteràcaused’unefemme

quijouaitundoublejeu.Ilsavaitqu’il

devaitlaconfronter,luidirequetout

étaitfini,maisilressentaitunedouleur

aumilieudesapoitrineàl’idéedele

faire.

Ill’aimaittoujours.

C’étaitcequirendaitsatrahison

encoreplusdureàaccepter.

Maisjedoislefaire.

Ilouvritviolemmentlaportedela

chambre,lespoingsserrés.

Beccasursauta,lesyeuxécarquillés

parlapeur.

«Ethan,qu’est-cequinevapas?»

«Jesaiscequetuasfait.»

Ilessayaitd’avoirl’airduretfurieux,

pourtantlorsquesonregardtombasur

lescourbesnuesdelajeunefemme,sa

résolutionfaiblit.

Putain,j’aiencoreenvied’elle.

Ilattrapasonsacetilcommençaà

jetersesaffairesdanscedernierpour

s’empêcherdelatoucheretdeperdre

toutsonsang-froid.

«Dequoituparles?»

«Félicitations,Bec.Tuasfinipar

l’avoirlachancedetavie.Tonarticle

surmoifaitlaunepartout.»

«Maisdequoituparlesputain?»

Elleserraledrapautourd’elleetelle

s’avançaverslui,maisilfitvolerson

sacpourlemettrehorsdesaportéeetil

partitdanslasalledebainpour

récupérerlerestedesesaffaires.

«Pasétonnantquetunevoulaisrien

diresurl’articlequetarédactriceen

chefvoulaitqueturendes.Tuessayais

detrouverlemeilleurmoyendeme

trahir.»

Ilrevintdanslachambreetilenfila

unjean.

«Etjesuissûrquetuaspayéce

photographeàlapatinoireWollmanpour

qu’ilprennedesphotosdenous,juste

pourassurertoncoup.»

«Ethan,non.»Ellerestabouchebée,

incrédule.«Jen’airienfaitdetoutça.»

«Maistuétaisaucourant,hein?

Sinoncommenttarédactriceenchef

auraiteucesphotos?»

Ellecroisasesbrasautourdeson

ventre,donnantl’impressionqu’elle

étaitsurlepointdevomir.Une

confessionévidentedesaculpabilité

pourlui.

«Toutcediscoursàproposdufaitde

meprotégeretderespectermavie

privée.»

IlenfilaunT-shirtetilpritlesclés

poséessurlatabledechevet.

«Cen’étaitqu’unramassisde

mensongespourgagnermaconfianceet

pourmevendreaumomentoùtu

trouveraislameilleureoffre.»

Leslarmesremplirentlesyeuxbleu-

vertdeBeccaetsonmentonsemità

trembler.

«C’estvraimentcequetupensesde

moi?»

Ils’arrêta,etl’espaced’uneseconde

ilsedemandas’iln’avaitpassautésur

lamauvaiseconclusion.

«Qu’est-cequetuveuxquejepense

d’autrequandlemagazinepourlequeltu

travaillesprévoitdesortirunarticle

exclusifsurmoidemain?»

Ellefermalesyeux,laissantcouler

unelarmeunique.Maiselleserrales

dentsetlorsqu’ellelesrouvrit,son

regardétaitduretfroid.

«J’aitoujourstoutfaitpourqueton

identitérestesecrèteettucroisqueje

pourraismettreenscènedesphotoset

révélertoustessecretsàElaine?Je

croyaisquetumefaisaisconfiancepour

cequiétaitdefairelebonchoix.»

«Ilestclairquejemetrompaissur

toi.»

Elletrembla,maiscettefoisplusde

ragequedetristesse.Ellemontrala

portedudoigt.

«Dégage!»

«Avecplaisir.»

Ilfitvolte-faceetilsortitavantque

sestripesnelefassentregarderen

arrière.Peut-êtrequ’unefoisqu’ilserait

rentréchezluiilpourraits’apitoyerson

cœurbriséetseflagellerpouravoirété

stupideàcepoint-là.

Maispourlemoment,ilavaitun

avionàprendre.

***

Beccaattenditqueleronronnementdu

moteurdelaJeeps’atténueavantde

laisserlesanglotquibloquaitsagorge

s’échapper.Peuimportaitcequ’elle

avaitfait,ilétaitévidentquecelalui

exploseraitenpleinefigure.

Elleavaitrenduunarticlequiparlait

desapropretoxicomanieetdesapropre

guérison,etpourtantElaineavaitchoisi

decréersapropreversionàpropos

d’Ethan,aidéesansaucundoutepardes

informationsdonnéesparsonpèreet

Claire.Etpire,Ethanavaitchoiside

croirequ’ellel’avaitvendu.

Lessanglotss’intensifièrentetelle

enfouitsonvisagedanslesoreillers

pourlesétouffer.Lorsqu’ellearrivaau

stadeoùellen’arrivaitplusàpleurer,

ellerampahorsdulitpourallersousla

douche.L’eauchaudechassaleselde

seslarmesetsoulagealadouleurdeson

cœurbrisé.

Sonavionnepartaitquelemercredi

matin.Celaluilaissaitdeuxjourspour

trouverunplanpoursevengerd’Elaine

etdesesparents.Maisiln’yavait

aucunechancequ’ellepuisserécupérer

Ethan.Elleavaitbeaul’aimerdetout

soncœur,ilneluiavaitpasfait

confianceaumomentoùcelacomptaitle

plus.Etsansconfiance,ilsn’avaient

aucunfuturensemble.

ChapitreDix-Sept

BeccasortitduterminaldeJFKavec

sonchapeauenfoncésursatêteetle

regardabattu.Elleavaitaperçula

couvertureduderniernumérode

Moderne

dans

les

kiosques

de

l’aéroportetellenevoulaitpasqu’onla

reconnaisse

alors

qu’elle

allait

récupérersesbagagesàlaconsigne.

Unsifflementlafits’arrêteretlever

lesyeux.

Jacobsetenaitàcôtédeschauffeurs

quitenaientdespancartessurlesquelles

étaientinscritslesnomsdespersonnes

qu’ilsattendaient.Ilarboraitunsourire

radieuxetiltenaitunepancartesur

laquelleonpouvaitlireGrandesœuren

grandeslettresgriffonnées.

Elles’approchadelui.

«Qu’est-cequetufaislà?»

«J’ail’airdefairequoi?Jesuislà

pourteramenercheztoi.»

Ilsepenchaetilmurmura:«Aufait,

situveuxquetesplansdevoyage

restentsecrets,n’utilisepaslacartede

papa.Dèsqu’ilavulemontantdébité

sursoncompte,ilasuquelvoltu

prenaisetilm’aenvoyépourvenirte

chercher.»

«Alorsonestentraindeme

kidnapperetomm’amènedevantlui

pourquejerépondedemesactions?»

«Ouch!Détends-toi,Becca.Après

toutc’estlapremièrenuitdeHanoukka.

»

Ilpritsonbagagedecabineetil

l’emmenajusqu’àlazonederetraitdes

bagages.

«Etpourtant,jen’aimepasl’idée

d’êtreunchasseurdeprimes.»

«Jen’airienàluidire,tusais.»

«Peut-êtrequeleschosesseront

différentescettefois.»

IlsesaisitdusacdeBeccaaumoment

oùcelui-cipassasurletapisroulant.

«Aufait,oùestEthan?»

«Ilarompuavecmoietilestrentré

ilyadeuxjours.Ilm’aaccuséed’avoir

déballétoussessecretsauplusoffrant.

»

Jacobgrimaça.

«C’estnul.Ilmeplaisaitvraiment

bien.»

«Àmoiaussi.Maistusaiscomment

papapeutêtrequandleschosesnese

passentpascommeilleveut.»

«Est-cequetusous-entendsqu’ila

faitquelquechosepourvouspousserà

rompre?»

Jacoblaconduisitàl’extérieur,

jusqu’àl’endroitoùilavaitgarésaMini

Cooper.

«Biensûrqueoui.Aprèstout,ceux

quiontditàElainequ’onsortait

ensemble,c’étaitluietElaine.»

Elles’installadanslesiègepassager

etelleattenditquesonfrèrejetteses

bagagesàl’arrière.

Jacobseplaçaderrièrelevolant,

maisilnedémarrapaslemoteur

immédiatement.

«Écoute,Becca,jeneconnaispas

touslesdétails,maispapam’ademandé

devenirtechercherparcequ’ilvoulait

parlerdequelquechoseavectoi;etje

pensequetudevraisprendrelapeinede

l’écouteravantdel’envoyersefaire

voirencoreunefois.»

«Jenepensepasqu’ilpuisseavoir

quelquechoseàdirepourseracheter

pourcequ’ilafait,maispeuimporte.»

TandisqueJacobconduisaitpourles

ramenerenville,Beccaluidemanda

commentleschosessepassaientàYale,

sisescourssepassaientbienets’il

sortaitavecquelqu’un.Celaapaisason

humeurmaussadejusqu’àcequ’ils

arriventàlamaisondesesparents.Elle

sortit

de

la

voiture,

pleine

d’appréhensionàchaquepasquila

rapprochaitd’unesecondeconfrontation

avecsonpèreenmoinsd’unesemaine.

L’odeurdescrêpesdepommesde

terreentraindefrirel’accueillit

lorsqu’ellefranchitlaported’entrée.

Clairesortitdusalonlesbrastendus

avantdel’enlacer.

«JoyeuxHanoukka,Becca.»

Becca

resta

raide

et

distante,

impassibleàl’affectiondesabelle-

mère.Aprèstout,cettedernièrefaisait

partiedeceuxquiavaientfournides

informationsàElaine.

«Bonjour,Claire.»

Clairereculad’unpas,unfroncement

desourcilcréantdesridesàpeine

visiblessursonvisagehabituellement

sansdéfautgrâceauBotox.Elleregarda

Jacobenquêted’uneexplication,mais

celui-cisecontentadehausserles

épaules.Latensionembarrassante

continuadedevenirpluspesantejusqu’à

cequ’ellejoignesesmainsetqu’elle

disesuruntonpoli:«Tonpèreaimerait

teparlerdanssonbureau.»

«Finissons-enpourquejepuisse

rentrerchezmoipourcommencerà

refairemonCV.»

Ellen’avaitmêmepasprislapeine

deretirersonmanteauavantdese

dirigerverslapiècesituéedansla

partiearrièredelamaisondontles

étagèresennoisetierpoliimposantes

accueillaientdespremièreséditionstrès

raresd’œuvresclassiquesdela

littérature,ainsiquedesphotosde

complexes

touristiques

des

plus

somptueuxappartenantaugroupeShore

Hotels.L’entrevueseraitbrève.

Laporteétaitouverteetsonpèreétait

assisderrièresonbureau,entrainde

lirequelquechosesurl’écrandeson

ordinateur.Ilnelevapaslesyeuxavant

qu’ellenetousse.

«Becca,fermelaporteetassieds-toi.

»

«Non,papa,onvafairevitesitu

veuxbien.Félicitations.Nonseulement

tuasréussiàmefaireperdremonboulot

-quej’aiuniquementobtenugrâceàtoi

-maistuasaussifoutuenl’airmon

histoireavecunmecgénial.Alors

j’espèrequetuesheureux.»

Ellefitvolte-facepourpartir,maisle

tonsévèredesonpèrel’arrêta:«J’ai

ditfermelaporteetassieds-toi.»

Ellefermalaporteetelleselaissa

tomberdanslefauteuilencuirqu’il

montraitdudoigt,toutendéboutonnant

sonmanteau.

«Peuimportecequetuasàdire...»

«Jelediraiettuvasm’écouter

jusqu’auboutsansm’interrompre.»

Ilfitletourdesonbureauetils’assit

danslefauteuilassortidel’autrecôtéde

lapetitetableronde.

«J’aieuunautredéjeunerintéressant

avecElainevendredi.»

«

Pendant

lequel

tu

lui

as

probablementdittoutcequetunelui

avaispasencoreditàproposd’Ethan

pourqu’ellepuissepubliersonarticle.»

«Jet’aiditdemelaisserfinir.»

Ilcroisalesyeuxetilplissalesyeux

toutenétudiantsafille.

«Elleaditqu’ellet’avaitconfiéune

missionetquetuavaisrefuséde

t’exécuter.Pourquoi?»

«Parcequ’ils’agissaitdemonpetit

ami.Onavaitfaittellementd’effortslui

etmoipourprotégernotrehistoiredes

médias.Etencoreplusimportant,c’était

mal.J’aitrahisaconfiance.Maisgrâce

àElaineettoi,detoutefaçonilpense

quec’estmoilacoupable.»

«Jenepensaisabsolumentqu’elle

utiliseraitcequejeluiaiditjusqu’àde

telsextrêmes.»

Sonpèrebaissalesyeuxavantde

détournerleregard,unedesesmains

glissadesajoueverssonmenton.

«Alorsjesupposequelaunede

Moderneaprovoquédestensionsentre

vous.»

«Ilm’alarguéeàlaBarbade,

exactementcommetulevoulais.»

«Jen’aijamaisditquec’étaitceque

jevoulais.»

Mêmesilavoixdesonpèrerestait

calmeetposée,sesyeuxexprimaientde

lacolère.

«Non,c’estvrai,maisvulamanière

donttul’astraitéàThanksgiving,tune

peuxpasdirequetul’aimesbien.Je

pariequetuasdébouchélechampagne

aprèsquejesoispartie.»

«Rebecca.»

Ilavaitditsonnomcommes’il

s’agissaitd’unavertissementetilse

tortilladanssonfauteuil.

«Parcontre,Elainem’aenvoyéune

copiedetonarticle.»

Elles’attendaitàuneleçonsurlefait

quesonarticlesursatoxicomanieetsa

guérisonpouvaitnuireàlaréputationde

lafamilleShore,maissonpèreresta

silencieuxetpensifcommes’ilcherchait

avecsoinlesmotsqu’ilallaitprononcer.

«C’étaittrèsfort.»

Elleeutlesoufflecoupé.Enfait,il

étaitentraindeluifaireuncompliment.

«Est-cequej’aibienentenduceque

tuviensdedire?»

Illuiréponditparunlenthochement

delatête.

«Çam’afaitréfléchiràcequetu

m’asditdansmonbureaulasemaine

dernièreàproposdufaitdefaire

changermeschosesetd’éveillerles

consciences.Audébut,j’aipenséquetu

délirais,maisquandj’ailucetarticle...

»

Sabouchecommençaàtrembleretil

appuyasondoigtcontreseslèvrespour

lesempêcherdebouger.

«Enfait,tuasunvraitalentpour

l’écriture,Rebecca.»

Latêtedelajeunefemmetournait.

C’étaitladeuxièmefoisqu’ildisait

quelquechosedepositifsurelleencinq

minutes.Encoreuncompliment,etpeut-

êtrequelemondesemettraitàtournerà

l’envers.

«Heu,merci.»

«Çam’apermisdemerendrecompte

decombienturevenaisdeloinetdeme

direquejedevaispeut-êtretedonner

uneautrechance.Enplus,aprèsavoirlu

tonarticle,j’aiditàElainequ’en

travaillantpoursonmagazinetugâchais

tontalentetquetaplaceétaitplusdans

despublicationsplussérieuses.»

Ellemorditsalèvreinférieurepour

s’empêcherderireenimaginant

l’expressionchoquéequ’Elaineavaitpu

avoirquandilavaittenucespropos.

«Etleplusdrôle,c’estqu’elleétait

d’accordavecmoi.»

Sonpèresepenchaverselle,

rapprochantsachaisedelasienne.

«Elleaparlédecertainssujetsdont

tuavaisparléspendantdesréunions.

Apparemmenttuasunpenchantpourla

justicesocialeetpourlaprisede

consciencegénérale.»

«Jeveuxêtreplusqu’unesimple

petitefillerichetropgâtée.»

«Etjecommenceàvoirc’estlecas.

»

Ilserenfonçadanssonfauteuiletil

tapotasurlesaccoudoirs.

«Apparemmenttun’espaslaseule

danscettefamilleàvouloirrendrele

mondemeilleur.Avantquetongrand-

pèrenemeure,ilavaitcréélaFondation

Shore,uneinstitutioncaritative.J’étais

tropoccupéàfairedesaffairespourlui

accorderdel’attention,etj’aibienpeur

qu’elleaitététotalementlaisséeà

l’abandon.Peut-êtrequ’ilesttempsque

jelaconfieàquelqu’unquisauraen

fairebonusage.»

Ilmarquaunepauseetillaregarda

droitdanslesyeux.

Soncœurbattaitlachamadetandis

qu’elleprenaitconsciencedetoutesles

implicationsdel’offrequ’ilétaiten

traindeluifaire:«Tuveuxqueje

reprennelafondation?»

Illuiréponditparunlenthochement

delatête.

«Apparemmenttuaslavolontéqu’il

faut,etsipeuxcontinueràécriredes

articlespassionnésetconvaincants

commeceluiquetuasrenduàEthan,

j’ailesentimentquetupourraisrendre

lemondemeilleur.»

«Ettunetedispasquejevaistout

raterouquejevaisvolerdesfondspour

acheterdeladrogue?»

Cette

fois,

il

secoua

la

tête

négativement.

«Non,jepensequetuasprouvéque

jepeuxtefaireconfiance.»

Lesmainsetlavoixdelajeune

tremblaientlorsqu’elledit:«Jenesais

pasquoidire.»

«C’estcompréhensible.»

Évidemment,jenet’aipasparléde

touteslesconditionsliéesàceposte.Tu

recevrasunpetitsalaire,ettuseras

rembourséepourtouslesfraisde

déplacement

que

tu

estimeras

nécessaires.Tubénéficieraségalement

detouslesavantagesoffertsaux

employésdeShortHotels,et...»

Ellelefittaireenjetantsesbras

autourdesoncou.

«J’accepteleposte,papa.»

Reculantdansunpremiertemps,il

l’entouraensuitelentementdesesbras

pourluirendresonétreinte.

«Jesuistrèsfierdetoi.»

LagorgedeBeccaseserra,etmalgré

seseffortspourlesretenir,quelques

larmesrebellescoulèrentsursesjoues.

Pendanttoutesavie,elleavaittoujours

eulesentimentd’êtreunedéception

poursonpère.Ellen’avaitjamaisosé

rêverl’entendreunjourluidirequ’il

étaitfierd’elle.Ellerecula,puiselle

essuyasesjouesavecledosdesamain.

«Jepariequetun’asjamaisvuun

employéfondreenlarmesaprèsquetu

luiaiesproposéunboulot.»

«C’estvrai,maisenmêmetempsje

n’avaisjamaisembauchémafille.Je

saisquej’aiétéduravectoidansle

passé,maisjepensevraimentquela

fondationseraentredebonnesmains

maintenant.»

Iltapotalebrasdelajeunefemmeet

illuifitunsourirecontrit.

«Pourquoionnerejoindraitpas

ClaireetJacobpourmangerdesgalettes

depommedeterre?»

«Çam’al’aird’êtreuneidée

formidable.»

Elleretirasonmanteauetlesuspendit

àcôtédelaporteavantderejoindresa

familledanslasalleàmanger.

Lesoleils’étaitcouchéuneheureplus

tôt,maislesdeuxbougiesalluméessur

laménoradeHanoukkasereflétaient

gaiementdanslafenêtreoffrantunevue

surtoutCentralPark.Dèsqu’ellefut

assiseàtable,MmeCorderosortitdela

cuisineetdéposadevantelleune

assietterempliedegalettedepommes

deterrefumantes.Jacobluipassala

crèmeaigreetlacompotedepommes,et

ellepartagealabonnenouvelleavecle

restedelafamille.

Malgrésonenthousiasmeliéaufaitde

passercettesoiréedefêteavecsa

famille,unepartied’ellepleuraitencore

lafindesarelationavecEthan.Claire

semblas’enrendrecomptelapremière,

etelleluidemandadesnouvellesdu

jeunehomme.

«Ilnem’apascruequandjeluiaidit

quejen’avaisrienditsursavie

personnelleàElaine»,réponditBecca

avecunhaussementd’épaule,mêmesi

ces

accusations

étaient

encore

douloureusespourelle.«S’iln’apas

confianceenmoi,alorsquelespoirest-

cequej’aid’avoiruncouplesolide?»

SonpèreetClairesetinrentlamainet

seregardèrentavantquecettedernière

nedise:«C’estnousquiavonsparléde

luiàElaine,ets’ilyaquoiquecesoit

qu’onpuissefairepournousfaire

pardonner...»

«Nevousenfaitespas.»

Lesgalettesdepommesdeterre

savoureusessetransformaientenune

bouilliesèchedanssabouche,etelle

repoussasonassiette.

«Cequiestfaitestfait.»

«Alorsjesupposequetessentiments

pourluinesontpassifortsqueça»,

réponditsonpère,«situn’aspasla

volontédetebattrepourlerécupérer.»

Elleenfonçasesonglesdansses

paumes,ressentanttoujourslapeine

qu’illuiavaitcausée.

«Qu’est-cequetumesuggèresde

faire,papa?Ilnemecroitpas.Il

pensaitcequ’ilyavaitdepireàpropos

demoiaumomentçacomptaitleplus,

et...»

Elle

inspira

profondément

pour

retrouversonsang-froid.

«Jenevaispasramperàsespiedset

luidemanderqu’ilmepardonnealors

quejen’airienfaitdemal.»

«Alorspeut-êtrequetudevraislui

donnertapropreversiondel’histoire.»

«Jenevaispaspasseràlaradioet

lavermonlingesaleàl’antennedevant

lemondeentier,papa.J’aidéjàcausé

assezdescandalescommeça.»

«C’estcompréhensible.Laquestion,

c’estdesavoir»,poursuivitsonpère,«

situveuxqu’oninterviennedanstavie

privée.»

Ellemorditsalèvreinférieureetelle

réfléchitàl’offrequ’ilvenaitdelui

faire.Pendantlestroisannéesqui

venaientdes’écouler,elleavaitfaittout

cequ’elleavaitpupourrompretousses

liens

avec

sa

famille

et

être

indépendante,maisils’agissaitpeut-être

del’occasionpourelled’accepterleur

aidedebonnegrâce.

«Quelesttonplan?»

Sonpèrefitunsouriremalin.

«Tuvasvoir.Detoncôté,tuas

besoindetonpropresupportpourles

articlesquetuveuxécrire.»

IlsetournaversJacob.

«Peut-êtrequetupeuxaidertasœurà

créerundecesblogspourqu’ellefasse

passersonmessagepourlafondation

Shore.»

«Avecgrandplaisir»,ditsonfrère

avecungrandsourire.

Chapitredix-huit

EthanfrissonnaauboutdelaJetée84,

etilregardafixementleseauxagitéesde

l’Hudson.Unetempêteétaitsurlepoint

d’arriver,etleparchabituellementtrès

fréquentéétaitdésert.Celafaisaitdix

minutesqu’ilétaitsurplace,etiln’avait

pascroiséâmequivive.Ladernière

foisqu’ilétaitvenudanscetendroit,

c’étaitlorsqueBeccal’avaitsauvéen

l’empêchantdecéderdenouveauàson

anciennemuse.Maisdepuisqu’ill’avait

quittéeàlaBarbadeunesemaineplus

tôt,ilsesentaitplusperduquejamais.

Lamusiques’étaittarie,etsesrêves

nocturnesétaienthantésparladouleur

gravéesurlevisagedelajeunefemme

lorsqu’ilétaitpartienlalaissantseule.

Etilnevoulaitpaspenseràsondésirde

retomberdanssesanciennesmauvaises

habitudes.

Ilavaitachetéunexemplairede

Moderneetiltrouvaquelesdétailsqui

yétaientrapportésétaientaumieux

superficiels.Cen’étaitdéfinitivement

paslesrévélationscomplètesqui

avaientétéannoncées,cequil’amenaà

sedemandersiBeccaétaitvraiment

cellequiavaittoutdivulgué.Ilyavait

suffisammentdephotoslesmontranttous

lesdeux,maisellesdataienttoutesde

Thanksgiving.Iln’yavaitriendatant

d’avant.

Puis,ilavaitentendudirequ’elle

avaitéténomméeàlatêtedela

FondationShoreetilavaitlulesdeux

premiersarticlesqu’elleavaitpubliés

surleblogdecettedernière.Lepremier

portaitsurlareconfigurationdela

directiondelafondation,etlesecond

étaitunarticlesansconcessionsurla

toxicomanieetsurlamanièredontcelle-

cidéfiaitlesstéréotypes.Ennotedebas

depage,elleavaitindiquéquel’article

avaitétédansunpremiertempsproposé

aumagazineModerne,maisqu’ilavait

étérefuséparcequ’ilavaitétéjugénon

adaptépourlelectoratdecemagazine.

Maiscelaluiavaitparléetavait

terminédecompléterlespiècesdu

puzzle.C’étaitl’articlequ’elleavait

renduaulieudesrévélationsquesa

rédactriceenchefvoulait.

Ilsortitsontéléphoneetilcherchale

numérodetéléphonedelajeunefemme.

Illefixapendantquelquessecondes,

sansarriveràseconvaincrede

l’appeler.Ilsentaitsonestomac

bouillonnercommelefleuvequi

s’étendaitdevantlui,etuneenvie

différentes’emparadelui-celled’être

avecelle.

Aulieudecela,ilappelaAdam.

«Sors-moid’unmauvaispas.»

«Pourquoi?»

L’inquiétudeperçaitdanslavoixde

sonfrèreaîné.

«Est-cequetuenvisagesde

reprendredeladrogue?»

«Non.Jesuisentraindepenserà

l’appeler.»

«BeccaShore?»

«Non,MarilynMonroe.Biensûrque

jeparledeBecca.»

«Pourquoi?»

Ilfittraînersonpiedparterreetil

frappalabalustrade.

«Ellememanque.»

«Mêmeaprèsl’article?»

«Ouais.»

Ilfitunepauseavantd’ajouter:«Ce

qu’ilyadedrôle,c’estquejecroisque

cen’estpasellequiavendulamèche.

Jeveuxdire,n’importequiquiétait

présentàlatabledeThanksgivingaurait

pudirecequ’ilyadanscetarticle.Elle

avaitpirequeçasurmoi.»

«Alorsqu’est-cequetuendis?»

«Jecroisquej’aifaituneénorme

erreur.»

Ils’attendaitàcequ’Adamluisauteà

lagorgecommeill’avaitfaitune

semaineplustôt,maiscedernierfinit

pardire:«J’aieuunelongue

conversationtrèsagréableavecsonpère

aujourd’huiàproposd’uneproposition

d’affaires,etquandlaconversationa

commencéàportersurelle,j’aiappris

desinformationstrèsintéressantesetça

m’afaitréaliserquemoiaussijel’avais

peut-êtremaljugée.»

«Holà!Est-cequejeviens

t’entendreadmettrequetuavaistort?

M.Je-sais-tout-et-je-ne-prends-jamais-

de-mauvaise-décision?»

Adameutunpetitrire.

«Ouais,aveclemariagej’aiappris

l’humilité.»

«Tupourraism’apprendrecertaines

decesleçons?»

«Est-cequetuesentraindedireque

tuveuxqu’ellerevienne?»

«Plusquetout.Ellemestabilise.Elle

m’inspire.Ellem’aidequandj’ai

l’impressiondenepluspouvoiravancer.

C’estmamuse,etsansellec’estcomme

s’ilmemanquaitunepartiedemoi.»

Ethanretintsarespirationetsefrotta

lapoitrinelàoùsubsistaitunsentiment

devide.

«Jel’aimetoujours.»

«Alorspeut-êtrequetudevraiste

retourneretmeledireenface»,ditune

femmederrièrelui.

IlseretournaetilvitBeccaquise

tenaitàquelquesmètresdelui.

«Jeterappelleplustard»,murmura-

t-ilavantderaccrocher.«Qu’est-ceque

tufaislà?»

«Jetecherchais.»Elleresta

immobile,sesmainsenfoncéesdansles

pochesdesaveste.Leventfaisaitvoler

sescheveuxsombresautourdeson

visage.

«Enfait,j’étaisjustedevantcheztoi

quandtuesparti.Heureusementquele

chauffeurdetaxiabienvoulutesuivre.

»

Ilsentitl’espoirbrûlerenlui.Peut-

êtrequ’illuimanquaitautantqu’ellelui

manquait.

«Pourquoituesvenuechezmoi?»

Ellebaisselesyeuxverslesol.

«Onestlundi,j’étaisjustevenue

pourm’assurerquetuseraisàlaréunion

NAcesoir.Jesuistoujourslàpourtoi,

Ethan.Entouscasjusqu’àcequetu

prennesunedécisionàproposd’un

parrainofficiel.»

«Çafaitlongtempsquetueslà?»

«Suffisamment.»

Ils’attendaitàcequ’ellese

rapprochedelui,maisellerestaitaussi

immobilequ’unestatue.

Lemessageétaittrèsclair.Elle

voulaitqu’ilfasselepremierpas.

Ilavaitl’impressionquesalangue

avaitdoublédevolumeetilbalbutiales

motsqu’ilsavaitqu’ellevoulait

entendre.

«Jesuisdésolé,Becca.Jen’aurais

pasdût’accuserd’avoirvendulamèche

àproposdemoi.»

«Maisc’estcequetuasfait.»

«Etj’aiétéunidiotdepenserçade

toi.»

Ilfitcefameuxpremierpas,attendant

devoirsielles’enfuiraitavantqu’il

n’enfasseunautre.

«J’auraisdûécoutermoncœur.

J’auraisdûcroireentoi.»

Levisagedelajeunefemmeétait

toujoursindéchiffrabletandisqu’ilse

rapprochaitd’elle;ilpritdansses

mainssesjouesglacéesfrappéesparle

ventetilluifitleverlementonpour

pouvoirvoirsesyeuxbleu-vert.Des

larmesbrillaientdanscesderniers,etla

lèvreinférieuredeBeccatremblait,

maisellenedisaittoujoursrien.

«Jet’enprie,donne-moiuneautre

chance,Bec.»

«Sionn’apasconfiancel’undans

l’autre...»

«J’aiconfianceentoi.»

Ilcouvritseslèvresaveclessiennes

dansunbaiserquilasuppliaitdecroire

cequ’ildisait.

«Tuconnaismoncœuretmonâme

mieuxquequiconque,etiln’ya

personned’autreavecquijevoudrais

partagermessecrets.»

Savoixsebrisalorsqu’ilajouta:«

Sanstoi,jesuisperdue.»

Elleappuyasonfrontcontrelesienet

ellepoussaunénormesoupir.

«Dis-le,Ethan.J’aibesoinde

t’entendreledire.»

«Jet’aime,Becca.»

Ildéposaunbaisersursonfrontetil

lapritdanssesbras.

«Tuasgagné.»

Ellecalasatêtesoussonmentonet

ellel’étreignit.

«Moiaussi,jet’aime.»

Etàcetinstant,iltrouvalaseule

chosecapablederemplirlevideenlui.

Chapitredix-neuf

Rienn’avaitpréparéBeccaau

réveillondeNoëlaveclafamilleKelly.

Ethanl’avaitprévenuequ’ilavaitsix

frères,maislorsqu’ilsarrivèrentdansla

maisondesamèreàChicago,unénorme

chienblancluitendituneembuscadeet

lafittombersurundestasdeneigequi

bordaientl’alléeavantdecommencerà

luilécherlevisage.

«Çaveutdirequ’ilvousaimebien»,

criaunefemmeauxcheveuxargentés

depuislaported’entrée.

«Non,Jasperestunevraiemenace.»

EthanchassalechienetaidaBeccaà

retirerlaneigesursesvêtementsavant

delaconduireverslesmarchesmenant

àlamaison.

«Maman,jeteprésenteBecca.»

Samèrejetasesbrasautourdela

jeunefemmepourl’étreindre.

«Jesuisraviedefaireenfinvotre

connaissance.»

LesdernièresinquiétudesdeBecca

s’envolèrent.Aprèstoutelapagaillede

lasemaineprécédente,elles’était

attendueàcequelafamilled’Ethanla

méprise,maistouslesfrèresd’Ethan

l’accueillirentaussichaleureusement

queleurmère.

Lamaisonpleinedemonderaisonnait

denombreusesconversationsbruyantes,

chacundesfrèresessayantdeparlerplus

fortquelesautres.Desodeursdesapin

etdepaind’épicesimprégnaienttoutes

lespièces,tellementdifférentesdes

odeursdefritureauxquelleselleétait

habituéeàcettepériodedel’année.

Avantmêmequ’ellenecomprennece

quiétaitentraindesepasser,ellefut

recrutéepouraiderdanslacuisine.La

femmed’Adam,Lia,luiconfialatâche

d’ajouterlestouchesfinalesàlapurée

quidevaitaccompagnerl’énormecôte

debœufquiluidonnal’eauàlabouche.

Àlafindudîner,elleavait

l’impressiondefairedéjàpartiedela

famille.Benetsafemmelataquinèrent

parcequ’elleétaitfandesRangers1,tandisqueFranklasifflaitparcequ’elle

étaitfidèleauxGiants2.ElleappritqueleprochainprojetdeGideonétaitun

filmaveclefrèred’Ari,etellel’avertit

dufaitqueGabeavaitpourhabitudede

fairedesfarcessurlesplateaux.Elle

admiralesphotosdelavoitureque

Calebetsafemme,Alex,étaiententrain

derestaureretellepoussaunsoupiren

voyantlamanièredontDanétaitaux

piedsdesapetiteamieenceinte,Jenny.

Lafamilleseretiradanslesalon

aprèsledîner,maisEthanlapritàpart

etluimontralabranchedegui

suspendueau-dessusd’eux.

«Jenecroispasquecesoitune

traditiondeHanoukka»,taquina-t-elle.

«Moque-toidemoi.»Illevason

visageetill’embrassajusqu’àce

qu’ellenepuisseplusrespirer.

«Hey,prenezunechambretousles

deux»,semoquaFrankensecognant

contreEthantandisqu’ilpassaitàcôté

d’eux.

Ethanpoussal’imposantlinebacker

demanièretaquine,cequiengendraune

bagarrejoyeusequipritfinaumoment

oùleurmèrelançaunLesgarçons!

MmeKellyglissaensuitesonbras

sousceluideBeccaendisant:«Ilsne

grandissentjamais.»

«Oncomptesurtoipourgarderl’œil

ouvert,maman»,ditEthanendéposant

unbaisersurlajouedesamèreavantde

luivolerBecca.«Onvousrejointdans

uninstant.»

Illaconduisitdanslasalleàmanger

etilsortitlepetitécrinbleuetblancqui

nepouvaitvenirquedechezTiffany.

«JesaisqueHanoukkas’estterminée

aujourd’hui,maismieuxvauttardque

jamais,hein?»

Beccasentitsonpoulss’accélérer

tandisqu’elledénouaitleruban.L’écrin

avaitlatailleparfaitepourunebague,

mêmesisatêteluidisaitqu’ilétaitbien

troptôtpourcela.Aprèstout,ilvenait

justedes’avouerleuramour,ilyavait

unpeuplusd’unesemainedecela.

Elleouvritl’écrinetelletrouvaun

pendentifenformedecléendiamantset

enplatineetellearrêtaderetenirsa

respiration.

«Tut’attendaisàautrechose?»,

demanda-t-il,leregardrempliderires.

«Jemesenscommesoulagée.»

Ellesortitlecollieretelleadmirala

manièredontilscintillait.

«Ilestmagnifique.»

«Commetoi.»

Ilpritlebijouetillepassaautourdu

coudelajeunefemme.

«Jeteconfielaclédemoncœur.»

«Etjeteprometsdenepaslebriser.

»

«Jesais.»

Ilappuyaseslèvrescontrelessiennes

avantdemurmurerdanssonoreille:«

Mais,etsiçaavaitétéunebague?»

«Peut-êtrequej’auraisditoui»,

taquina-t-elle.«Aprèstout,tuasgagné.

»

Ilritavantdeluidonnerunbaiser

passionnéquifitchavirersoncœuret

quiluipromettaitunfuturencore

meilleurpourlesjoursàvenir.

1Rangers:RangersdeNewYork,uneéquipedehockey2Giants:Giants,uneéquipedefootballaméricain

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