Les freres Kelly T5 sur 7 La mélodie de la...
Transcript of Les freres Kelly T5 sur 7 La mélodie de la...
ChapitreSix
ChapitreSept
ChapitreHuit
ChapitreNeuf
ChapitreDix
ChapitreOnze
ChapitreDouze
ChapitreTreize
ChapitreQuatorze
ChapitreQuinze
ChapitreSeize
ChapitreDix-Sept
Chapitredix-huit
Chapitredix-neuf
Lamélodiedela
séduction
Elletientlescoopdesavie,mais
seulementsielletrahitsaconfiance…
EthanKellyaperdusonmeilleuramiet
complicedanssongroupederockd’une
overdose,maisnepasretomberdansla
drogues’avèreplusdifficilequ’ilnele
pensait.Becca,sacompagnedesevrage,
serévèleêtrelaseulechosequi
l’empêchederechuter.Alorsqu’ellele
guideàtraverslesténèbres,il
commenceàluifaireconfiance,non
seulementpourcequiestdesessecrets,
maiségalementpourcequiestdeson
cœur.
Aprèsavoirpassédesannéesàessayer
d’êtrelafillequesesparentsmondains
voulaient
qu’elle
soit
(échouant
misérablementdanscettetentative),
RebeccaShoreaenfinreprissavieen
main.Biensûr,ellen’estqu’assistante
pourlemagazineModernealorsqu’elle
aimeraitfairedujournalismeplus
sérieux,maisc’estdéjàunepremière
étapedefranchie.Elleattendjustele
scoopdesaviequiluipermettradese
hisseràl’échelonsupérieur.Mais
lorsqu’onluidemanded’aiderlastardu
rocksolitaireeténigmatique,soncœur
estdéchiréentrelacarrièrequ’ellea
toujoursvoulueetl’hommequiamis
sonâmeànudevantelle.
ChapitreUn
«Nousavonsadmisquenousétions
impuissantsfaceànotredépendanceet
quenosviessontdevenuesingérables.
»
Non,sansblague.
EthanKellylutlerestedesDouze
étapesdesNarcotiquesAnonymesetil
plialafeuilledepapierendeuxau
momentoùlaréunionallaitdébuter.La
barbededeuxsemainesquicouvraitson
visagesemblaitétrangesoussamain
tandisqu’ilpassaitcettedernièresurses
jouesetqu’ilexaminaitlapièce.Ilavait
raséseslongscheveuxnoirslorsqu’il
étaitrentréencurededésintoxication,
ungestesymboliquesignifiantqu’il
coupaitlesliensavecsonanciennevie,
maisilavaittoujourspeurquequelqu’un
nelereconnaisseetnel’interpelle.Il
n’étaitpaslàpoursedonneren
spectaclepourlesmédias.Ilétaitlà
parcequ’ildevaitresterclean,etil
s’agissaitd’undesoutilsqu’onluiavait
recommandés.
Ilressentitunesensationdebrûlure
soussamanche,auniveaudesonbras
gauche,etilfrottaledernierendroitoù
ils’étaitfaittatouer.Mêmesilachair
avaitguéri,ladouleurquisecachait
derrièreétaitencoreaussivivequele
jouroùill’avaitfait.
Lejouroùilavaitperdusonmeilleur
amiàcausedel’héroïne.
Celaavaitétélesignald’alarmedont
ilavaitbesoinetilavaiteupeur.Ilavait
regardéTylerglisserdeplusenplus
danslatoxicomanie,maisils’étaitsenti
tropeffrayépourdirequoiquecesoit.
Etensuite,ilavaitététroptardlefaire.
Deuxjoursaprèss’êtrefaittatoué,il
s’étaitinscritencurededésintoxication.
Ilauraittellementaimépouvoirlefaire
avecTy.Aulieudecela,sonmeilleur
amin’étaitdésormaisplusquedes
cendresdansuneurne,etEthanse
retrouvaitseulpouressayerderamasser
lesmorceauxdesaviebrisée.
Ilsesentaitprisaupiègeparlafolle
enviededireallezvousfairevoiretde
sedroguer.Ceseraittellementsimplede
planeretd’oublierladouleur,derevenir
dansl’universeuphoriquedanslequelsa
muserégnaitenmaîtressesuprêmeetoù
riennecomptaitàpartlui-mêmeetsa
musique.Ilserralespoingsetilferma
lesyeux.Jepeuxlefaire.Jedoisle
faire.Plusquestiondefuirlaréalité.
Ilpritdeprofondesinspirations
purifiantescommeonleluiavaitmontré
pendantsacure,maisilressentait
toujourslemanque.
Pourlemoment.
Ilouvritlesyeuxaumomentoùune
femmeseglissasurlachaisesituéeen
facedelui.Elleretirasonmanteauen
cuirquiluiarrivaitauxgenoux,et
lorsqu’ellecroisasesjambes,ellelui
offritunevuedégagéesurlapartienue
desescuissessituéeentresesbottes
couleurcrèmeetsamini-robevert
menthedanslestyledesannées70.Une
enviedifférentenaquitenlui,uneenvie
quiallaimmédiatementsenicherdans
sonentrejambe.IlremerciaDieupour
l’espacedeprèsdedeuxmètresquiles
séparait,sinonilauraitététentéde
découvrirparlui-mêmesisapeauétait
aussidouceetsouplequ’elleenavait
l’air.
Elles’aperçutducoindel’œilqu’il
étaitentraindelafixer.Ellepiquaun
fardavantdetirersurl’ourletdesa
robe,maisiln’arrivaitpasàdétourner
sonregard.ToutenellesentaitPark
Avenue,desonsacàmaindegrand
couturieràsesonglesimpeccablement
manucurés.Elleavaitl’aird’êtredu
genreàfairedushoppingchezNeiman
MarcusouchezBergdorfGoodman,et
pasàs’asseoirdanslesous-solmoisi
d’uneégliseremplidedrogués.
Sonattentionpassadesjambesdela
jeuneauvisagedecettedernière.Ilétait
incapabledediresisesyeuxétaient
bleusouverts,maislesourcilarquéau-
dessusdesonœilgaucheétaitentrain
deluidemandersilencieusements’il
avaitfinidelaregarderbêtement.
Etpourlapremièrefoisdepuisdeux
semaines,unsouriresedessinasurles
lèvresd’Ethan.Non,iln’avaitpasdu
toutfini.Pastantquesesjambesseraient
exposéesàsavue.
Ellelevalesyeuxaucieletelle
couvritsesgenouxavecsonmanteau,
cachantsescuissesséduisantesau
momentprécisoùleresponsabledela
réunion,Gary,demandaauxnouveaux
membresdeseprésenteraugroupe.
Merde.
C’était
la
partie
qu’il
redoutait.Avecunpeudechance,il
n’auraitpasàdonnersonnomde
famille,etGaryl’avaitdéjàprévenuque
desgensleprendraientdansleursbras
s’ilnedisaitpasclairementdèsledébut
qu’iln’étaitpasd’accordaveccela.Il
toussapoursedébarrasserdelaboule
quiseformaitdanssagorge,puisilse
leva.
«Bonjour,jesuisEthan,etjenesuis
pasdugenreàaimerlescâlins.»
Voilà.C’étaittoutcequ’ilsavaient
besoindesavoir.Sabataillecontreses
autresdémonsintérieursneregardait
quelui.Ils’affaladenouveaudanssa
chaiseetilcroisalesbras,défiantqui
quecesoitd’essayerdeletoucher.
«
Bonjour,
Ethan
»,
répondit
l’assembléeàl’unisson.
Garydéclaraensuitelaréunion
ouvertepourquelesmembrespuissent
partagerleursexpériences.
Ethanétenditsesjambesetfermales
yeux,n’écoutantqu’àmoitiéleshistoires
desautres.Iln’étaitdanslesous-solde
cetteéglisequeparcequesamèreetle
conseillerducentrededésintoxication
luiavaientsuggéréd’essayer.Iln’avait
pasbesoinqu’onluitiennelamainni
qu’onluichanteKumbaya1pourl’aiderànepasretomberdansladrogue.Il
avaitdéjàvécul’enferdumanque
pendantsacurededésintoxication.Etil
avaittrouvélemoyendedissuasionle
pluspuissantensefaisanttatouersursa
veinepréférée:TylerBransford,1987–
2014.
Àchaquefoisqu’ilétaittentédese
piquer,ilvoyaitlenomdesonmeilleur
amietilserappelaitdelavieetdu
talentquiavaientétédétruitspar
l’héroïne.Pourlui,ils’agissaitd’une
méthodebienplusefficacequelefait
d’écouterdesgensradoterpendantdes
réunionshebdomadairessurcombienil
étaitdifficilederesterclean.
Iln’avaitaucuneidéedutempss’était
écoulé,maislorsqu’ilouvritunœil,il
vitquelafemmequiétaitenfacedelui
l’examinait,uneligneplisséeau-dessus
desonneztropparfait.Elleavaitla
boucheencul-de-poulecommes’ilétait
unesorted’énigmequ’elleétaitentrain
d’essayerdedéchiffrer,malgréla
concentrationintensequitransparaissait
surlestraitsdesonvisage.Elleenroula
uneboucledesescheveuxchâtainfoncé
autour
de
ses
doigts
de
façon
décontractée.
Ill’imitaenlevantégalementun
sourcilinterrogateurcommeellel’avait
faitplustôt.
Elleentrouvritleslèvresdansun
halètementsilencieux.Ellesedétourna
etelleseredressadanssachaise,les
mainsposéessursacuisseetson
attentionfixéesurGaryetnonplussur
Ethan.
Unepartiedeluisesentitunpeu
excitéeensachantqu’ellel’avait
regardé.L’autrepartiedeluilemettait
engardeetluidisaitdegarderses
distancesavecMmeParkAvenue.Ily
avaitdéjàassezdedramesdanssavie.
Iln’avaitbesoindes’impliqueravecce
quisemblaitêtreunefemmedifficileà
vivre.Passonstyledetoutefaçon.Il
avaitdesdoutessurlefaitqu’elle
pourraitunjouraccepterdemonterà
l’arrièredesamotoetderouleràvive
alluredanslesruesdeManhattan.Il
aimaitquesesfemmessoientsauvages
etsanspeur,pascolletmontéetprudes.
Garyannonçaalorsqu’ilétaittemps
demettrefinàlaréunion,puisil
demandaàtoutlemondedeseréuniren
cerclepouruneprièrerapide.L’estomac
d’Ethansesoulevaàcetteidée.Ilne
voulaitpasqu’onenfoncedeforcedans
sagorgeuneprièreouunereligion
quelconque.Etpourtant,ilsesurprità
rejoindrelesautresetàseplaceràcôté
deMmeParkAvenue.Ellesentait
l’ambreetleboisdesantalmélangésà
quelquechosedesucréetdefloral.
Exotiquetoutenétanttrèsféminin.Ilse
laissadistraireparleparfumenivrant
suffisammentlongtempspourquesa
colèreretombe,etaumomentoùla
prière
s’acheva,
il
n’avait
plus
l’estomacnoué.
LecercleserompitetGarysefraya
uncheminverslui.
«Jesuisàtoidansuneminute,Ethan
»,dit-ilavantdeprendreMmePark
Avenueàpart.
Leurconversationchuchotéeamena
Ethanàsedemandersil’hommela
réprimandaitpoursonretard.Quelques
minutesplustard,ellehochalatêteetils
s’approchèrentdelui.
«Ethan,jesouhaiteraisteprésenter
Rebecca.D’habitude,onlaisseles
nouveauxchoisirunparrainouune
marraineaprèsqu’ilsaienteuquelques
semainespourapprendreàconnaîtrele
groupe,
mais
j’aimerais
te
la
recommanderpersonnellementcarc’est
quelqu’unquipeutt’aideràt’intégrer
dansleprogramme.»
Pourquoi?Parcequejel’aimatée?
«Elleatrèsgentimentacceptéde
t’aiderjusqu’àcequetuchoisissesun
parrainouunemarraine,siçateva,etil
yadegrandeschancespourqu’elle
comprennebienmieuxtasituationquela
plupartd’entrenous.»
Ethansentitsabouchedevenirsèche.
Ilétaitdéjàallétellementloinpour
essayerdegérersadépendance.Ilavait
changésonapparence.Ilavaitdéménagé
àl’autreboutdupays,deLosAngelesà
NewYork.Ilavaitévitélesmédiasà
toutprixaprèsavoirdûgérerlecirque
quines’étaitpasarrêtéjusqu’àqu’il
entreencentrededésintoxication.Mais
ilavaitfaitl’erreurdeconfierlebesoin
deprotégersavieprivéeàGary,etce
dernieravaitrévélésonidentitéà
quelqu’und’autre.Ilserralesdentsetil
pliasesdoigts.Peut-êtrequecelaavait
étéuneerreuraprèstout.
Garyadressaunsourireetun
hochementdetêtesincèresàRebecca
quiluiréponditdelamêmemanière.
«Jevouslaissefaireconnaissance.»
Ethann’osapasbougerunmuscle
lorsqueleleaderdugroupepartitpour
parleravecquelqu’und’autre,le
laissantseulaveclajeunefemme.Tous
lesnerfsdesoncorpsétaienttendus.
S’ilvoulaitpréserversonintimité,ilne
pouvaitrévéleraucundétailpersonnel.
Lesouriredelajeunefemmefaiblitet
seslèvrestressaillirent.
«Écoute,Ethan,jesaisquetupenses
peut-êtrequetoutçan’estpaspourtoi,
maiss’ilteplaît,attendsencoreune
semaineoudeuxpourtedécider.La
premièresemaineesttoujourslaplus
dure.Situlaissesunechanceau
programme...»
«Qu’est-cequ’ilt’aditexactementà
proposdemoi?»
«Ehbien,iln’apasvantélesmérites
detapersonnalitérayonnante.»
Lesarcasmederrièrecesparolesle
pritaudépourvu,etmalgréses
objections,ilfitunpasverselle.
«Alors,qu’est-cequ’iladit?»
«Iladitquej’étaiscellequisaurait
lemieuxcequetuastraverséetqu’ilme
faisaitconfianceparcequ’ilpensaitque
jem’occuperaisbiendetoijusqu’àce
quetutesentesprêtàchoisirunparrain
ouunemarraine.»
Soncorpssetenditàlasimplepensée
qu’onpuisseletraiterenprenantdes
pincettes.Lefaitquesamèrel’appelle
touslessoirspoursavoircommentil
allait
était
déjà
suffisamment
difficilementsupportable.
«Est-cequ’iladitpourquoi?»
Ellesecoualatête,sesboucles
d’oreillescliquetantcontresamâchoire.
«Nope.»
Tout
dans
cette
situation
le
déconcertait,etilfitencoreunpasvers
elle,envahissantl’espacepersonnelde
lajeunefemmeuniquementpourvoirla
manièredontelleallaitréagir.
«Etquituesexactement?»
Ellelevalesyeuxversluietilparvint
enfinàvoirlacouleurdesesyeux.
Bleusversl’extérieuretvertsversle
centre.Percutants,clairsetdéterminés
tandisqu’ellesoutenaitsonregard.
«Unepersonnedépendantesurla
voiedelaguérison,toutcommetoi.»
Ilsentitsapoitrineseserrer,bloquant
l’airdanssespoumons,maisilrefusade
céder.
«Aucasoùtun’auraispassaisile
concept»,poursuivit-elle,«leAest
pouranonyme.C’estquelquechoseque
nousprenonsvraimentausérieuxici.Si
tutedemandesencorepourquoiGary
pensequejepourraist’aider,jemeferai
unplaisirdet’endireplussurmoi
autourd’uncafé.Maistuvasdevoir
attendrelasemaineprochaine.»
«Ilyatoujoursunhic»,marmonna-t-
ilavantdeseretourner.
Maisellel’intriguaitsuffisamment
pourqu’ilnesoitpasexcluqu’il
reviennejustepoursavoirquielleétait
etcequ’ellefaisaitlà.
«Voisplusçacommeuneincitation.»
Ellesortituncalepinetunstylode
sonsacàmain.
«Voilàmonnuméro.Situressensle
besoindeteshooter,appelle-moiavant
etj’essayeraidet’endissuader.»
«Mercipourlevotedeconfiance.»
Cependant,ilpritquandmêmele
morceaudupapiersurlequelelleavait
écritsonnumérodetéléphone.Dans
d’autrescirconstances,lefaitd’obtenir
lenumérod’unefemmesexysignifiait
qu’ilétaitsurlabonnevoie.Maisencet
instant,celaindiquaitqu’elles’attendait
justeàcequ’ilretombedansses
ancienneshabitudes.
«Hey,jesuispasséeparlà,tute
souviens?Jesaiscequec’estd’êtrela
nouvelleicietcombienilestdurdedire
Nonauxenvies.Onfaittousdesfaux
pas.Onfaittousdeserreurs.Maison
n’estpasseulsdanscetteépreuve.»
Elleenfilasonmanteau,sonregardle
détaillantdelatêteauxpiedsetdes
piedsàlatête.
«Etpeut-êtrequelasemaine
prochainetuaurasunemeilleureidéede
lamanièredontjepeuxt’aider.»
Ilpensaàdesdizainesdemanières
dontellepourraitl’aider,maistoutes
sansrapportaveccegroupedesoutien.
Néanmoins,ilfitunpassurlecôtépour
lalaisserpartir,observantlamanière
dontseshanchesondulaientlorsqu’elle
marchait.Oui,iln’yavaitaucundoute,il
voulaitconnaîtrel’histoiredeMmePark
Avenue.
Ilrécupéralesbrochuresetles
prospectusqueGaryluiavaitdonnés
avantlaréunionetillesglissadansson
sac
à
dos.
Cependant,
il
plia
consciencieusementlenumérodeBecca
avantdelerangerdanslapoche
intérieuredesonportefeuille.Ilavait
desdoutessurfaitd’enavoirbesoinun
jour,maisjusteaucasoù...
SaDucatiStreetfighterétaitgaréeàà
peineunpâtédemaisonsplusloin.Il
enfilasoncasqueetilenfourchasa
moto,lafaisantvrombirjusqu’àceque
leronronnementdumoteurfasse
disparaîtrelatensiondanssesmuscles.
Ilreviendraitlasemainesuivante,ne
serait-cequepourensavoirplussurla
jeunefemme.Puisildémarraetil
accélérapourdescendrelarueavant
qu’ilnepuisseêtrerattrapéparledoute.
***
«Ari,jesuisrentrée»,lançaBecca
enfermantlaportederrièreelle.
Sacolocataire,ArielaHorowitz,
sortitdesachambrevêtued’unpantalon
deyogaetd’uneliquetteetellepritune
partdepizza.
«Pileaubonmoment.Jemeursde
faim.»
«Ilsm’ontfaitpayerquatredollars
depluspourlapâtesansgluten.»
«Jetelesrendrai.»
Arilevaunepartdelapizza
végétariennechaudeetgluanteavantde
laplierendeuxetd’enprendreune
bouchée.
«Jesuisauparadis.»
Beccaprituneassiettedanslacuisine
etlatenditàAri.
«S’ilteplaît,prendsça.Jeneveux
pasàavoiràrangerunbordelpas
possibletoutàl’heure.»
«D’accord.»
Ellepritl’assietteenpoussantun
soupiretelleselaissatombersurle
canapé.Ellesavaienttouteslesdeux
grandidansdesfamillesaiséesqui
employaientplusieursdomestiques,mais
Ari
agissait
toujours
comme
si
quelqu’unallaitramasseraprèselles
dans
l’appartement
qu’elles
partageaient.
Aulieudecela,cettetâcheincombait
àBeccaenéchanged’unhébergement
gratuit.
Cettedernièreposaunepartpourelle
suruneassietteavantderejoindresa
meilleureamiesurlecanapé.
«Pourquoituinsistestoujourspour
avoirdestrucssansgluten?Tun’espas
allergique.»
«Jesais,maisçamefaitgonfler.»
Aritapotasonventreparfaitement
platquiauraitrendujalousen’importe
quellemannequindeVictoria’sSecret.
Petite,blondeetquasimentsansdéfaut,
Ariétaitl’incarnationdecequedevait
êtreunefilledel’UpperEastSide
2d’unevingtained’années.
«Peuimporte.»
Beccamorditdanslapizza,mâchant
méthodiquementlapâtecaoutchouteuse
enregrettantqu’ilnes’agissepasde
vraipain.Maisdepuisqu’Ariavait
lancélacampagneleglutenc’estlemal
dansleurappartement,elleavait
remarquéquesesvêtementssemblaient
unpeutropgrandspourelle.
Aprèsquelquesminutes,Ariretourna
danslacuisinepourprendreuneautre
partdepizza.
«Tuesterriblementcalmecesoir.»
«J’ailatêteailleurs.»
Surtoutconcentréesurcemecsexy
endiableàquij’aidonnémonnuméro
enespérantqu’ilm’appellepourdes
trucsquin’ontrienàvoiraveclesNA3.
«Letravail?»
Cette
question
déclencha
un
reniflementcyniquechezBecca.Elle
étaitassistantederédactionpourle
magazineModerne,unpériodique
totalementdévouéàlagénération
selfie.
«Danstesrêves.Aulieudeme
donnerlefeuvertpourunarticlesurle
traficd’êtreshumains,ilsm’ont
demandéedefairedesrecherchessur
lesmeilleursendroitspouravoirdes
relationssexuellesenpublic.»
«Lesvestiaires,àl’aube»,répondit
Ariavecunclind’œil.«Alorsc’est
quoi?Ils’estpasséquelquechoseàta
réunion?»
«Onpeutdireçacommeça.»
Elleseforçaàavalerladernière
bouchéeetàposersonassiettesurle
repose-pied.
«Onm’ademandéd’aiderun
nouveaujusqu’àcequ’ilpuissechoisir
unparrainouunemarraine.»
Arifronçasonnez.
«Est-cequeçaveutdirequetuvas
devoirpassertontempsavecuncamé?
»
Beccasoufflaparlenezetsacolonne
seraidit.
«Allo?J’étaiscommeçailya
quelquesannées.»
«Cen’estpascequejevoulaisdire..
»
«Alorsqu’est-cequetuveuxdire?»
Arieutladécencedesetortillersur
soncôtéducanapéetdeprendreundes
troiscoussinsdanssesbras.
«C’estjustequetoi,mêmequandtu
étaismal,tucontinuaisderéagir.Enfin,
entouscasjusqu’auTribecaBall4.
Mais,tusais,tuavaistoujoursl’air
normale.»
«Ettupensesquejesuisune
exceptionparrapportàceàquoiun
toxicomanedevraitressembler?»
«Ehbien,onvoittouscesgensdans
laruequifontlamanchepouravoirde
l’argentpoursortiretsedéfoncer.»
Beccaselevaetamenasonassiette
dans
la
cuisine.
Après
l’avoir
rapidementpasséesousl’eaudans
l’évieretl’avoirmisedanslelave-
vaisselle,elleseretournaetellevitAri
appuyéecontrelemur,lalèvre
inférieureavancéeversl’avantdansune
mouecontrite.
«Désolée,Becca.C’estjusteque
j’aimeraisqu’ilyaitdesgroupesde
soutienoùtupourraisalleravecgens
quisoientpluscommenous.Jemeferais
moinsdesouci.»
«Jenevaispasmefaireagresserou
mefairepoignarderouquoiquecesoit
d’autrequit’inquiètedanstoutça.»
Ellepritl’assietted’Aripourla
mettredanslelave-vaisselle.
«Enplus,Garym’apersonnellement
demandéed’aidercemecparcequ’il
pensequejesuislamieuxplacéepour
savoircequ’ilavécu.»
Arisedétachadumur,soninquiétude
laissantlaplaceàdelacuriosité.
«C’estquoi?UncourtierdeWall
Street?»
«Loindelà.»
ToutchezEthancriaitqu’ilétaitun
mauvaisgarçon,destatouagesqui
dépassaientdesmanchescourtesdesa
chemiseàlamanièredontilavait
descendularueàtoutevitessesursa
moto.
«Maisjedoisfaireconfianceau
jugementdeGaryetvoircequeçava
donner.»
«J’aivuceregard.»
Arifermalelave-vaisselleetse
rapprochaàquelquescentimètresd’elle
avantdeluidonnerunpetitcoupde
hanche.
«Tuletrouvesmignon.»
Beccasentitunesensationdechaleur
envahir
ses
joues
tandis
qu’elle
emballaitcequirestaitdelapizza.Elle
seremémoratouslespetitsdétailschez
lejeunehommeavecuneclarté
troublante.Lachaleurquisedégageait
desoncorps.Leparfumquiémanaitde
sapeau.L’airdevirilitéàl’étatpurqui
l’entourait.
«Iln’estpasdésagréableàregarder.
»
«Uhuh»,ditArid’unevoixtraînante
enlasuivantdeprès.Ellenela
laisseraitpastranquilletantqu’elle
n’auraitpasdittoutcequ’ellesavaità
proposd’Ethan.
Ilesttempsd’appelerunchatun
chatoujen’enverraijamaislebout.
«Qu’est-cequetuveuxsavoir?»
«Commentilétaithabillé?»
«Unjeanusémoulantauxbons
endroits,unT-shirtblancavecune
chemiserougeouvertepar-dessus,des
bottesencuirnoires.»
«Soncul?»
Lachaleurqu’elleressentaitsurses
jouessedéplaçaverssonbas-ventre.
«Mignonetmusclé.»
«Sesyeux?»
«Gris.»
Etremplisdecolère,commedes
nuagesnoirs.
«Sescheveux?»
«Ilsavaientl’airnoirs.»
«Qu’est-cequetuveuxdireparils
avaientl’airnoirs?Ilportaitun
chapeauouuntrucdanslegenre?»
Beccasecoualatête.
«Ilsétaientcourts,commes’ils’était
rasélatêteiln’yapaslongtemps.»
«Outch!»
Ariplissasonnezetrecula.
«Est-cequ’ilperdsescheveuxou
quelquechosedanslegenre?»
«Decequej’enaivujediraisque
non.»
Enfait,elleavaiteuenviedefaire
courirsesmainssurlabarbedetrois
jourssombreetépaisse.
«Alorsilestcommequelqu’unquise
lajoueàlaGi-Joe?»
«Nope.»
Becca
mit
la
pizza
dans
le
réfrigérateuravantdesortirdela
cuisine,laissantsonamiederrièreelle.
MaisArin’allaitpasabandonner
aussifacilement.
«Ah,jevois.Laisse-moideviner.
Destatouages?»
«Ouaip.»
«Despiercings?»
«Nope.»
«Unemoto?»
«DucatiStreetfighter848.»
Laqueuedechevalblonded’Ari
balayalevisagedecettedernièreau
momentoùellesecoualatête.
«Pasmoyen,Becca.Ilatoutdumec
surquiilestécritgardetesdistances.»
«Jesais,maisc’estçaquilerend
vraimentfascinant.»
Maiselleavaitvuplusquelacolère
contrelemondeentierpourcacherla
douleurquis’exprimaitdanssonregard.
Ellen’arrivaitpasàsedébarrasserde
l’impressiondeleconnaîtredequelque
part.
«Tonpèreauraituneattaquesitu
l’invitaischeztoipourdîner.»
«Exactement,etc’estpourçaqu’il
resteraunfruitdéfendusurleplan
sentimental.Enplus,jevaisseulement
l’aideràsefamiliariseravecle
programmejusqu’àcequ’ilaitson
propreparrainousapropremarraine-
quelqu’unqu’ilpuisseappelers’ilesten
crise.»
«Etsicettecriseestunbesoin
désespérédesexe?»
«Jet’enprie,jesuisquelqu’un
d’intègre.Ilal’airdevraimentessayer
deresterclean,etilyauneraisonpour
quelesrelationssoientinterditesaussi
tôtdansleprocessusdeguérison.»
Maissiellel’avaitrencontrédansune
boîtedenuit,ellen’auraiteuaucun
problèmepourcoucheraveclui.Ethan
avaitfaitbattresoncœur.Sombre,
dangereuxetmystérieux.Elleavaithâte
depercerlemystèredesonhistoire.
Enfin,s’illuifaisaitsuffisamment
confiancepourlapartageravecelle.
«D’accord,maiss’ilappelle,surtout
tiens-moiaucourantquejesacheoùtu
es.»
Aris’étira.
«Jeferaismieuxd’appelerGabe
avantd’allermecoucher.Etenparlant
defrère,Jacobaappelépoursavoirsi
tuallaisfêterRochHachanaavectes
parents.IlviendradeNewHeavensi
c’estlecas.»
«Voussaveztouslesdeuxquela
réponseestnon.»
Unepartiedufaitderesterclean
impliquaitd’éviterlessituationsoùelle
pourraitêtretentéederecommenceràse
droguer,etavoiràfaireavecsonpère
déclenchaittoujourschezellel’enviede
trouverlesachetd’herbeleplusproche.
«C’esttavie.»
Arieutunhaussementd’épaule
indifférent,maisl’expressiondeson
visagedisaitqu’elleallaitdenouveau
aborderlesujet.
«Toujourspartantepourunjogging
demainmatin?»
Beccaréprimaungémissement.Un
petitjoggingavecAriéquivalaitàcinq
kilomètresdesprintdansCentralPark.
«Jepeuxpassermontour?»
«Biensûr,ettescuissespeuvent
devenirplusflasquesàcausedeça.»
Cettefois,Beccaneseretintpas.Elle
lâchaunvéritablegrognementde
douleurquifutsuiviparungémissement
lorsqu’elleimaginalasensationde
brûlurequ’elleressentiraitensuitedans
sescuisses.
«D’accord,jeviendrai.»
«Bonchoix.Onpartàcinqheures
piles.»
Unevraietorture.
«Oùtutrouvestonénergie?Jepeux
t’enpiquer?»
«Dépenserdel’énergiepourcréerde
l’énergie.Àdemainmatin.»
Arisortitsontéléphoneetcomposale
numérodesonfrèreendisparaissant
danssachambre.
Beccatapotalescoussinssurle
canapéavantdeseretirerdanssa
proprechambre.Mêmesielleavait
coupélesliensavecsafamille,elle
réussissaitquandmêmeàvivreunevie
confortable.Ledeuxpiècesrécemment
rénovéavaitdeslignespureset
modernesquirendaientjalouxleurs
amisdeleurâge.Lavueétait
spectaculaire,lasécuritéexceptionnelle
étaitunevéritableaubaine.Deplus,
l’immeubledel’UpperEastSidedans
lequel
se
trouvait
l’appartement
appartenaitàlagrand-mèred’Ari,ce
quisignifiaitqu’Arietelleyhabitaient
sansavoiràpayerdeloyer.Lachambre
deBeccaétaitlapluspetitedesdeux,
maiselledisposaitquandmêmed’une
penderieetd’unesalledebainattenante.
Elleretiralarobequ’elleavait
achetéechezH&Metellelajetadansle
panieràlingesaleavantdeseglisser
dansuncaleçonconfortableetd’enfiler
uneliquette.Lorsqu’elles’assitsurlelit
avecsoncalepinetsonstylopour
essayerdetrouverdenouveauxendroits
poursonarticle,elleneputs’empêcher
depenseràEthan.Elleressentitde
nouveaul’impressiondeleconnaître,
maisellenesavaitabsolumentpas
pourquoi.
Il
ne
ressemblait
définitivementpasàquelqu’unquiaurait
appartenuauxcerclesdanslesquelselle
avaitgrandi.Pourtant,ilyavaitquelque
chosechezlui...
Ellelançasoncarnetàtraversla
pièceetelleselaissatombersurses
oreillers.Siellevoulaitarriveràfaire
quelquechosependantlasemaine,elle
devaitarrêterd’êtreobsédéeparun
homme
qu’elle
venait
juste
de
rencontrer.
Unhommequiétaitentraind’essayer
deresterclean.
Unhommequisecomportaitcomme
s’ilvoulaitnerienavoiràfaireavec
elle.
Ilesttempsd’écouterdelamusique
quividelatête.
Elleparcourutlalistedesmusiques
sursoniPadShufflejusqu’àcequ’elle
arriveàunedeseschansonspréférées
deRavinia’sRejects.Contrairementau
rythmeentraînantàtendancerockde
leursautreschansons,celle-ciétaitlente
etcalme,lesguitaresacoustiquesse
mêlantaveclesharmoniesparfaitesdes
deuxchanteurs.Pendantsespremiers
joursdesobriété,elleavaitécoutécette
chansonenboucle,aupointquecelle-ci
avaitfiniparhantersesrêves.Elle
fermalesyeuxetellelaissalamusique
l’envahir.Lerefrainarrivaetellele
chanta,laissantchaquemotapaiserson
esprit.
Onedayatatime
Onewishoneverystarthat
makestheheavensshineOnemore
heartbeatuntilIknowthatI’mfine
Justneedtotakeitonedayatatime.
(Aujourlejour
Unsouhaitsurchaqueétoilequi
faitbrillerleparadisUnbattementde
cœurdeplusjusqu’àcequejesache
quejevaisbienJedoisjustevivreau
jourlejour)
Lorsquelafindelachansonarriva,
elleinspiraprofondémentetelleéteignit
lalumière.
Justevivreaujourlejour.
1Kumbaya:Uncantiquepourimplorerl’aideduSeigneur2UpperEastSide:QuartierchicetélégantdeNewYork3NA:Narcotiquesanonymes,uneassociationà
butnonlucratifinternationalecomposée
d’hommesetdefemmespourquila
drogueestdevenueunproblèmemajeur.
4TribecaBall:BalannueldelaNewYorkAcademyofArt(Académiedes
ArtsdeNewYork)
ChapitreDeux
Ethangrattasaguitare,maisles
cordes
produisirent
un
méli-mélo
dissonantquiressemblaitàtoutsaufàde
lamusique.Danslepassé,lorsqu’ilse
heurtaitàunmur,ilsedroguaitetil
trouvaitl’inspirationdanslesmoments
oùilétaitsousl’effetoniriquede
l’héroïne.Lesnotesdansaientdevantlui
commedesmiragesenvoyésparune
muse,etsesdoigtsglissaientsurles
cordescommesiellesétaientcontrôlées
paruneforcedivine.
Etcelaneressemblaitenrienaux
heuresqu’ilvenaitdepassercetaprès-
midi-làdevantunepiledepartitions
videsposéesdevantlui.
Unpicotementtraversasonbras,suivi
parl’enviefamilière.Ilplialesdoigts
pouressayerdes’endébarrasser,mais
elles’enroulaencoreplusfortautourde
sonbrasets’enfonçadanssapoitrine.
Justeunefoispourquelamusique
couleànouveau.
Lasonneriedesontéléphoneletira
brusquementdel’envoûtementduchant
dessirènes.Ilregardalenuméroqui
s’affichaitavantderépondre.
«Bonjour,maman.»
«Bonjour,Ethan.Commenttuvas?»
«Toujourspareil.»
Pasmieux,paspire.
«Tuvasàtaréunioncesoir?»
Merde.
IlavaitoubliéquelaréuniondesNA
étaitprévuecesoir-là.
«Probablement.»
«Tunedevraispasêtreenchemin?»
Ilregardal’heure.Vingtminutesavant
ledébutdelaréunion.Justeletemps
qu’ilfallaitpourenfourchersamotoet
trouverunendroitoùsegarerprèsde
l’église.Lemétroseraitunesolution
plusrapide,maislerisqueque
quelqu’unlereconnaisseétaittrop
élevé.Etlestaxisétaientabsurdesen
ville.
«Jesuppose.»
«Ethan...»
Demanièregénérale,lorsquesamère
disaitsonnomd’unevoixtraînante,il
s’agissaitd’unavertissement.Maiscette
foisils’agissaitplusd’unesupplique.
Mêmesilefaitd’êtreetderesterclean
étaitsabataille,ellevoulaitêtreson
alliée.ElleavaitprisunvolpourLAà
laminuteoùelleavaitapprisledécès
deTypourl’aideràsurmonterson
chagrinetelleavaitorganiséson
déménagementàNewYorkpendant
qu’ilétaitencurededésintoxication.
Mais
elle
respectait
également
suffisammentleslimitesqu’ilimposait
pournepasleharceler.
Pourtant,lasupplicationdanssavoix
étaitsuffisantepourqu’ilsesente
coupable.Ilselevaetilpritsaveste.
«Jeparstoutdesuite.»
«Dis-moisituasbesoindequoique
cesoit..»
Letonhésitantdesamèreétaitune
choseàlaquelleiln’étaitpashabitué.
Entantqu’ex-avocate,elleavait
toujoursétélegenredepersonneàaller
droitaubut.MaiscommeAdametses
autresfrères,ellemarchaitsurdesœufs
aveclui.Probablementterrifiéeparle
faitqu’unseulmotpourraitlefaire
replonger.
Unfrissond’agacementparcourutsa
colonne.Ilspensaientqu’ilétaitfaibleet
fragile.Maisilleurprouveraitqu’ils
avaienttort.
«Merci,maman.Jevaisbien.»
«Jesuiscontented’entendreça.»
Letondesavoixrévélaitqu’ellene
lecroyaitpasvraiment.
«Jedoisyaller,maman.Jeneveux
pasêtreenretard.»
Ilraccrochaavantd’êtrecontaminé
parsesdoutes.
Iln’yavaitpasdeparkingpourson
loftdeHell’sKitchen1,maisilyavaitunmonte-chargesuffisammentgrandpour
qu’ilpuisseyrentreravecsamoto.
Lorsqu’ilarrivadanslarue,ilmontasur
cettedernièreetilslalomadanslesrues
deMidtownjusqu’àcequ’ilarriveàla
vieille
église
qui
accueillait
les
réunions.Ilyavaitplusdeplaceslibres
oùsegarercesoir-là,maisaulieu
d’entrer,ils’attardasursamoto,son
casquetoujourssursatête.Lemoteur
gronda
sous
lui.
L’envie
de
s’abandonneràsamuseaulieudelutter
contreelleréapparutdanscemoment
d’hésitation.Ilserral’accélérateur,le
faisantvrombiraurythmedela
frustrationgrandissantequ’ilressentait
danssestripes.
Etàcetinstant,quelqu’untapotason
casque.
Ilbalayalesalentoursduregardetil
vitRebeccaquisetrouvaitsurle
trottoir,àcôtédelui.Elletenait
fermementlabandoulièredesasacoche
desesdeuxmains,maislaposition
fermedesesjambesluiindiquaqu’elle
nepartiraitpasavantqu’iln’aitfait
attentionàelle.
Illevasavisière.
«Tun’asriendemieuxàfairequede
t’approcherdespersonnesquetune
connaispasetdelesagresser?»
«Primo,tun’espasunétranger.
Secundo,j’aiessayédet’appelerparton
nomavantdetapersurtoncasque.
J’aurais
du
mal
à
qualifier
ça
d’agression.»
L’enviededroguesedissipaenmême
tempsquesacolère.Iléteignitlemoteur
etilretirasoncasque.
«Qu’est-cequiafaitquetuétaissûre
quec’étaitmoi?»
«J’aireconnutamoto.»
LeregarddeBeccas’attardasurla
Ducatiavecunairamoureuxquirendit
saqueuejalouse.Ilauraitdonné
n’importequoipourqu’elleleregarde
delamêmemanière.
«UneDucatiStreetfighter848de
2014.UnmoteurTestatrettade132
chevaux.Sixrapports.»
Ellemorditsalèvreinférieureavant
deprendreuneprofondeinspiration.
«Magnifique.»
Ileutuneérectionjusteenl’écoutant
parler.Est-cequ’elleavaitlamoindre
idéed’àquelpointl’entendreénoncer
lesspécificitéstechniquesdelamoto
l’excitait?
Elletournasonregardverslui.
«Tuviens?»
Mme
Park
Avenue
l’intriguait
suffisammentpourlefaireacquiescer.
«Jenerateraisçapourrienau
monde.»
Maisunefoisàl’intérieur,ilressentit
lemêmeennuiquelasemaine
précédente.Laseulechosequifaisait
qu’ilrestaitcolléàsonsiège,c’étaitla
femmequisetrouvaitàcôtédelui.Elle
écoutaittouteslespersonnesqui
partageaientleurshistoires,l’empathie
adoucissantlestraitsdesonvisage
lorsquecesdernièresseplaignaientde
leursdifficultésetdeleurstribulations
individuelles.
Commentçasefaitqu’unefilledes
beauxquartierscommeellesesoucie
delasouffrancequotidiennedes
toxicosenconvalescence?
Ellereprésentaituneénigmequ’il
avaithâtederésoudre.Sarobe-pull
texturéenelaissaitaucundoutesurle
faitqu’ils’agissaitd’unemarquede
luxe,etpourtantlestalonsdesesbottes
étaientbienusés.Lamanièredontelle
détachasescheveuxbrunsetdontelle
retirasesbouclesd’oreilleaudébutde
laréuniondonnaitl’impressiondefaire
partied’unesortederitueldedétentedu
soir,commes’ils’agissaitdequelque
chosequ’ellepouvaitfaireenrentrant
dutravail.Sasacochecontenantun
ordinateurportablelaissaitpenser
qu’elletravaillait,maisiln’avaitaucune
idéedudomainedanslequelelle
évoluait.Lespetitsdétailsqu’ilglanait
enl’étudiantéveillaientsacuriositéetle
faisaientsouhaiterquelaréunionse
terminepourpouvoirluiposerdes
questions.
LorsqueGarylesenjoignitenfinà
formeruncerclepourlaprièremarquant
lafindelaréunion,unsentimentde
paniqueserrasapoitrine.Ilplantases
onglesdanslapaumedesamainpour
empêcherqu’ilneserépandedanstout
soncorps.
Etsielleessayederevenirsurson
engagementparrapportàmoi?
Maisunefoislaréunionterminée,
elleluisourit.
«Alors,tuassurvécuàtadeuxième
réunionNA.»
Àpeine.
«Ilmesemblequejet’aipromisun
café.»
«Etdesinformationssurtoi.»
Rebeccapenchalatêtesurlecôté,
fronçantsessourcilspourexprimersa
perplexité.
«Pasdesouci,sic’estcequetuveux,
maissitupréfèresparlerdecommenton
va...»
«Non.»
Ellelevasesdeuxsourcilsenguide
réponse,effaçantlalignequiétait
apparueentreeux,maisellen’insista
pas.
«Jeconnaisunpetitcaféviennoisà
quelquespâtésdemaisons.»
«Çameva.»
Ilpritsoncasqueetilsortitderrière
elle.
Unefoisqu’ilseurenttraverséla
premièrerue,elleseretournaetellelui
demanda:«Tuasdîné?»
«Non.»
Ilpouvaitgérercegenrede
conversationfaitedebanalités.Il
espéraitjustequ’ellenepenseraitpas
qu’ils’agissaitd’uneinvitationàparler
desaviepersonnelle.
«Jeterecommandevraimentleurs
sandwichs.Ouleurssoupes.»
Ellebaissalesyeuxversletrottoir,
seslèvrestressaillantavantdeformerun
rictustimide.
«Maislesdessertssontàtomber.»
DoncMmeParkAvenueaimaitle
sucré.
«Bonàsavoir.»
Lorsqu’ilsentrèrentdanslecafé,les
yeuxdeBeccas’écarquillèrentcomme
ceuxd’unenfantdansunmagasinde
jouets.Ellesedirigeadroitversles
dessertsetelleseléchaleslèvres.
«Ilyadelasachertorte2aujourd’hui.
»
«Onl’afaitecematindansl’espoir
quevousviendriez,Becca»,ditune
femmed’âgemoyenavecunlégeraccent
allemandquisetenaitderrièrele
comptoir.
«Est-cequejevousencoupeunepart
?»
Beccahochalatête.
«Etest-cequevouspourriezaussime
donneruneautrepartàemporter,Gitta?
»
«Duresemainedeprévueautravail?
»
«Horrible»,répondit-elleenriant.
«Etjesupposequevousvoulezvotre
boissonhabituelle?»
Lajeunefemmehochadenouveaula
tête.
«Jesuistellementprévisible.»
Jusqu’ici,elledonnaitàEthan
l’impressiond’êtretout,saufprévisible.
Maisilétaitdisposéàobserverpouren
savoirplus.
Gittasetournaverslui.
«Etpourvotreami?»
«Justeuncafé»,répondit-il.Ilne
pouvaitrienavalerdeplus.
«Jel’apporteàvotretabledansune
minute.»
Gittaseretournapourcommencerà
fairemousserdulait.
Beccapritlamaind’Ethanpourle
conduireàunetable,maislecontact
avecsapeaudouceeutpoureffetdelui
couperlesouffle.Ilavaitvécutellement
longtempsdansunmondeoùlaplupart
desfemmessuppliaientpouravoirla
permission
de
le
toucher
que
l’indifférencecomplètequ’elleaffichait
parrapportàsonstatutdecélébritéle
choquait.Maisaprèstout,cen’était
peut-êtrepasunemauvaisechose.Si
ellenesavaitpasquiilétait,ilpourrait
baissersagardesuffisammentlongtemps
pourprofiterdufaitd’uncaféavecelle.
Iljetaunregarddanslasalle,mais
personnenelesregardaitoune
chuchotaitenlesmontrantdudoigt.
Aucunflashd’appareilphotode
paparazzi.Pasdepeurhonteusedevoir
lefaitd’avoirpartagéundessertavec
Beccafairelauneàlatélévisionle
lendemain.
Pourlapremièrefoisdepuisdes
années,ilsesentaitpresquenormal.
Ilposasoncasquesurunechaisevide
etils’assitenfacedelajeunefemme.Il
avaitbeauavoirenviedesedétendre,il
nepouvaitpasbaissertotalementsa
garde.
«Tuvienssouventici?»
«Çasevoittantqueça?»
«Rienqu’unpeu.»
Elleritdesaréponsepince-sans-rire.
«Turatesvraimentquelquechoseen
neprenantpasdelasachertortedeGitta.
C’estlarecettedesagrand-mère.»
«Jen’aipastrèsfaimcesderniers
temps.»
Ellehochalatêteetlestraitsdeson
visagesemirentàexprimerde
l’empathie.
«Ouais,unefoisquetuaseu
l’estomacretournépendantunesemaine,
ilfautunpeudetempspourquel’appétit
revienne.»
Ilsepenchaenavant,sescoudes
poséssurlatable,etilsemitàparler
plusbas.
«J’aitoujoursdumalàpenserque
quelqu’uncommetoicomprendsceque
jetraverseencemoment.»
«Pourquoi?»
Laréponserapidedelajeunefemme
lepritaudépourvu.Ilreculaetilfitun
gestepourdésignersonapparence.
«Parceque...»
«Parcequejen’aipaslatêtede
l’emploi?»
Avantqu’ilnepuisserépondre,Gitta
lesinterrompitenposantuneassiette
contenantunepartdegâteauauchocolat
etdeuxmugssurlatable.Delafumée
s’élevaitdelatassedecafénoir
d’Ethan,maisunepiledechantilly
saupoudréedecannellerecouvraitla
boissondelajeunefemme.
«Qu’est-cequec’est?»
Ellemélangeaunpeudelacrème
danssaboisson,puiselleléchasa
cuillère.
«Duchocolatchaudàlacannelleetà
lanoisette.»
«Jeconnaisquelqu’unquivaavoir
unemontéedesucrecesoir.»
Elleluienvoyaunsouriremalicieux
avantdeboireunegorgéedeson
chocolatchaud.Lorsqu’ellebaissason
mug,unepointedecrèmefouettéeétait
restéeattachéeauboutdesonnez.
Ethantentaderéprimerlerirequi
montaitdanssagorge,maisenvain.Au
lieudecela,illelaissasortiretiltendit
lamainpourprendreuneserviette.
«Tuasunpetittrucsurlenez.»
«Oh?»
Maisaulieud’avoirl’airhumiliéeet
dechercherunmiroircommeils’y
attendait,elleritavecluietilessuyason
nezavecuneserviette.
«C’estbon?»
Ilhochalatête,denouveausurpris
parsaréaction.Ilétaitenprésence
d’unejeunefemmequinesesouciaitpas
lemoinsdumondedesonapparence.
Elleétaittrèsdifférentedesfillesdela
hautesociétéavecquiilétaitalléau
lycéeoudesmannequinsetdesactrices
qu’ilavaitrencontréesaufildesans.
Ellebutuneautregorgée,enfaisant
plusattentioncettefois.
«Jeteprometsd’êtreunlivreouvert
pourtoi,alorsposetesquestions.»
Ilcroisasesbrasetils’enfonçadans
sachaiseenlaregardantgrignoterson
gâteau.Ilyavaittellementdechoses
chezellequil’intriguaient.Paroù
commencer?Maisunequestion
subsistaitdansuncoindesatête.
«Depuiscombiendetempstues
clean?»
«Deuxansetcentcinquantejours»,
répondit-ellesansleverlesyeuxdeson
gâteau.«Entouscascettefois-ci.»
«Tuasreplongé?»
Ellesemblaitsicalmeetsereinequ’il
n’auraitjamaispensécelad’elle.
«Ouaip.Lapremièrefois,mes
parentsm’ontforcéeàentreren
désintox.Suboxone3ettoutlebordel.Jen’aipasmislongtempsàtrouver
commentcachermespilulesetà
retomberdanscequej’aimais.»
«Alorsqu’est-cequiafaitquetuas
arrêté?»
«J’aifaituneoverdoseetj’aifailli
mourir.»
Ellecontinuaitàmangersongâteau
commesielleétaitentraindeparler
d’unejournéeennuyeuseautravailet
nond’uneexpériencequiavaitfaillila
tuer.
«Dansungrandbaldebienfaisance,
rienqueça.Lapresses’enestdonnéeà
cœurjoieavecça.»
«Etpourquoidonc?»
Cettequestionlafitmarquerune
pauseetleverlesyeuxdesonassiette.
Ellesoutintsonregardsuffisamment
longtempspourqu’ilserendecompte
quesesyeuxétaientplusvertsquebleus
cejour-là.
«Tuterappellescequej’aiditla
semainedernièreàproposdufaitde
prendrelapartieanonymeausérieux?»
«Oui.»
Sonmentontremblaetelledéglutit
avecdifficulté.
«Alorsrestons-enlà.»
Uneautrecouchedemystèreautour
d’elle.QuiqueRebeccapuisseêtre,elle
étaitsuffisammentcélèbrepourêtre
connueparlapresse.
«Bien.Alorsquestionsuivante.
Qu’est-cequetufaisdanslavie?»
«Jesuisassistantepourunmagazine
féminin»,dit-elleenlevantlesyeuxau
ciel.
«Pasleboulotdetesrêves?»
«Loindelà,maisaumoinsj’aiun
pieddanslemilieu.»
«Pour?Lamode?»
«Non.»
Ellenedéveloppapas,tournantplutôt
sonattentionverslesmiettesqui
restaientdesasachertortealorsqu’elle
engageaitsafourchettedansunedanse
répétitivedeplantage,d’écrasageetde
grattage.
«Questionsuivante.»
«Est-cequetuvoisquelqu’un?»,
laissa-t-iléchapperavantdeserendre
comptedecequ’ilétaitentraindedire.
Lescoinsdelabouchedelajeune
femmeselevèrentetelleleregardaà
traverssescils.
«Pourquoituveuxsavoir?»
Merde!
Cen’étaitpaslatournurequ’ilvoulait
queleurconversationprenne.C’était
unechosedes’entenirauxsujetssans
risquesliésauxNA,maiss’ilapprenait
qu’elleétaitcélibataire,ilauraitdumal
àgarderlesidéesclairesensa
présence.
«Hum,parcequejeveuxêtresûr
qu’aucunpetitamijalouxnevavenirme
traqueretmefrapperparcequeje
t’appelleaumilieudelanuit.»
LesouriredeBeccas’élargitpour
devenirtaquinetengageant.
«Aucunrisque.»
Aucunrisquepourquoi?Parce
qu’elleestcélibataire?Oupeut-être
qu’elleavraimentquelqu’undanssa
vie?
Ilétaittempsderamenerla
conversationversdessujetssansrisques
avantqu’ilnecèdeàlatentationetqu’il
neluiproposed’allerchezlui.
«Qu’est-cequiachangéentrela
premièreetladeuxièmefois?»
«C’étaitmadécision.»
Ellepoussasonassiettesurlecôtéet
ellesepenchaenavant.
«Jepensequec’estlachoselaplus
importantequim’aaidéeàresterclean.
Jenefaispasçaparcequemesparents,
laloiouautremeforcentàlefaire.Jele
faispourmoi.Toutcedontj’aibesoin
estlà.»
Elletapotasapoitrine,au-dessusde
soncœur.
Unedouleurseformadanscelledu
jeunehomme.Ilrésistaàl’enviede
l’imiteretdeposerlapaumedesamain
sursescôtespoursoulagerladouleur.
C’étaitluiquiavaitdécidéd’arrêter
l’héroïne,maisilyavaitencoreune
voixaufonddeluiquiluidisaitqu’il
finiraitexactementcommeTy.
«Etsiçanesuffitpas?»
«Alorsilfautchercherdespetites
victoiresjouraprèsjour.Parexemple,
nepasfairehonteàtafamilleouàtes
amis.Ounepastedemanderoùest
passétonargentparcequetul’asdonné
àtondealer.Ounepasteréveillerà
côtédequelqu’unquetuneconnaispas
quetuasramenécheztoiparcequetu
étaisdéfoncé.»
Ilacquiesçaàchacundesexemples
qu’ellementionna,sachantdeparsa
propreexpériencecequ’onressentait
danscessituations,jusqu’àcequ’elle
évoquelasuivante.
«Ounepasavoiràabandonnertes
nu-pieds.»
«Tesnu-pieds?»
C’étaittellementridiculequ’unrire
ponctuasesparoles.
«Qu’est-cequeçapeutbienavoirà
voiraveclefaitderesterclean?»
Beccarougitetdétournaleregard.
«C’estunpeugênant.»
«Tuasditquetuseraisunlivre
ouvertetquejetecomprendraismieux
quelaplupartdesgens.»
«C’estvrai.»
Ellesemorditlalèvreetelle
s’enfonçadanssachaisecommes’il
venaitdeluidemanderlacouleurdeses
sous-vêtements.
«Lapremièrefoisquejesuisalléeen
désintox,c’étaitparcequemabelle-
mèreavaitremarquélesmarquessur
mesbras.Alorsquandj’aireplongé,je
suisdevenuepluscréativeavecles
endroitsoùjemepiquais.Tun’imagines
pasàquellevitessetupeuxplanerente
piquantentrelesorteils.»
Ilhochalatête,comprenantenfince
qu’elleavaitvouludire.
«Alorstesparentsn’avaientaucun
soupçonparcequetoutcequ’ils
voyaientc’étaitdesbrasintacts.»
Elleleregardaàtraverssescils.
«Oui,çaamarchéplusieursmois
jusqu’àceque...»
«Jusqu’àtonoverdose»,finit-ilsa
phrasedansunmurmure.
Sagorgeseserra,l’empêchantde
respirerlorsqu’ildit:«Àquelpointtu
asfrôlélamort?»
«J’avaisdescôtescasséesàcausede
laRCR4qu’onadûmefairepourmemaintenirenviejusqu’àl’arrivéedes
médecinsavecduNarcan5.»
Saréponseétaithonnête,directe,sans
laréservequ’elleavaitpumontreravant
cela.Maisellenelelibérapasde
l’impressionqu’ilressentaitd’avoirune
cordedeculpabilitéquiserraitsoncou
etsapoitrine.Commentavait-elle
survécualorsquesonmeilleuraminon?
S’ilavaittrouvéTyplustôt...S’ilavait
réagienvoyantlesindicesqui
montraientqu’ilselaissaitdeplusen
plusensorcelerparl’héroïnesansse
soucierdesquantitésqu’ilprenaittant
qu’ilplanait,est-cequesonmeilleur
amiseraitencorelà?S’ill’avaitjuste
surveillédeplusprès,s’illuiavaitpris
sesaiguilles,est-cequecelaauraitfait
unedifférence?
S’ilavaitacceptél’invitationdeTyet
qu’ilétaitretournédanssonappartement
cesoir-làpoursedrogueraveclui,est-
cequeleschosesseseraientpassées
différemment?Est-cequ’ilauraitpu
appelerle9116etlesauvercommelesmédecinsl’avaientfaitavecRebecca?
Ouest-cequ’ilauraitsuivisonmeilleur
amicommeill’avaittoujoursfait,même
danslamort?
Ilfermalesyeuxpourbloquertousles
scénariosquidéfilaientdanssatête,
maissonsentimentdeculpabiliténe
s’apaisaitpas.Etlaseulesolutionqu’il
arrivaitàtrouverconsistaitàécouterla
petitevoixintérieuretentatricequi
essayaitdel’attirerpourqu’ilretombe
danssesancienneshabitudes.Unedose,
c’étaittoutcedontilavaitbesoinpour
fairetairel’angoisse,ledoute,la
douleur.
Lasueursemitàperleràlanaissance
desescheveuxetilluttacontreles
démonsquiluiétaientdésormais
familiers.Lapaniquecouraitdansses
veinescommeuncourantélectrique,
mettanttoussesnerfsàvif.Ilserrales
poings,
luttant
contre
l’envie
grandissantedetoutlaissertomber.
Puis,unemainfraîchecouvritla
sienne,letiranthorsdutourbillonqui
menaçait
de
l’attirer
dans
les
profondeurs.
IlouvritlesyeuxetilvitBeccaen
traindeleregarder,l’inquiétudegravée
sur
les
coins
de
sa
bouche
habituellementsouriante.Sesmots
dégageaient
un
sentiment
de
compréhension
remplie
de
sens
lorsqu’elledit:«Jesaisquec’estdur,
maisnecèdepas,Ethan.»
Ilreculasamaind’ungestebrusque.
«Etqu’est-cequetuensaisputain?»
«Jesuispasséeparlà,tutesouviens
?»
Ellesereculaverssoncôtédela
table.
«Dis-moicequivientdesepasseret
peut-êtrequejepeuxt’aideràle
surmonter.»
Lefaitqu’ellepensaitqu’ilavait
besoindesonaideleremplissaitde
rage.C’étaitluiseulquiavaitdécidéde
devenirclean.Ilavaitfairesacurede
désintoxicationseul.Etilpouvait
surmonterl’enviequiledévorait,seul
aussi.
«Jen’airienàtedire.»
Ilsortitquelquesbilletsdeson
portefeuilleetillesjetasurlatable
avantdeprendresoncasqueetdese
dirigerd’unpaslourdverslaporte.Ilen
avaitmarredetoutescesfoutaises.
«Arrêtetoutdesuite»,luicriaune
voixdefemmesévèrederrièrelui.
Ils’arrêtaunefractiondeseconde
avantqueBeccanelesaisissepar
l’épauleetnel’obligeàseretourner.
«C’estquoitonproblème?»,
demanda-t-elle,lecorpsraidiparla
colère.
«Peut-êtrequec’esttoimon
problème.»
«C’estdesconneries,ettulesaistrès
bien.»
Chacunedesesparolesétaitponctuée
paruncoupdesondoigtaumilieudu
torsedujeunehomme,faisantreculerce
dernierdanslaruellequisetrouvait
entrelecaféetlebâtimentvoisin.
«Tuestellementencolèreaprèsle
mondeentierquetuesprêtàrejeterla
fautesurtoutlemonde,saufsurtoi.»
Ilavaitétéélevéavecl’idéequ’ilne
fallaitjamaisleverlamainsurune
femme,maiselleserapprochait
vraimentbeaucoupdufaitdelepousser
suffisammentàboutpourqu’ilenvisage
delapousserpourqu’ellelelaisse
passer.Aulieudecela,ilseredressa
afindeladominerdetoutesatailleetil
baissalavoixpourlancerunemiseen
gardesinistre.
«Etc’estlàquetutetrompes.»
Maisaulieudebattreenretraite,elle
secampasursespieds,sonvisageà
quelquescentimètresdusien.
«Alorsprouve-le.»
L’intimidationnemarchaitpasavec
elle,etl’espaced’unesecondeillutta
contre
l’envie
irrépressible
de
l’embrasser.Peut-êtrequecelala
choqueraitassezpourqu’ellelaisse
tranquille.Maisilgardasesbraslelong
desoncorps,sesyeuxtoujoursvrillés
danslecombatderegardsdanslequel
ilss’étaientlancés.
«Toid’abord.»
«Bien.Jeneconnaispastonhistoire
parcequetuneveuxpasmemaraconter,
maisGaryensaitassezsurtoipour
penserquejepourraist’aider,etjefais
confianceàsonjugement.»
«Tuveuxquejem’ouvreetpourtant
tuasvolontairementéludéplusieursde
mesquestions.Commenttuveuxqueje
tefasseconfiancealorsqu’ilestévident
quetoitunemefaispasconfiance?»
Iltournasursestalonsetilfittrois
pasavantqu’ellenecriesonnom.Sa
têteluidisaitdecontinueràmarcher,
maisquelquechosed’autrelefit
s’arrêter.
«Tuasraison»,dit-elleetles
défensesd’Ethansefissurèrent.
Ilavaitétésiprochedetoutenvoyer
audiable,etavectroispetitsmots,elle
avaitréussiàapaiserlaragequi
bouillaitenlui.
Elles’approchalentement,décrivant
descerclesautourdeluienrestanthors
deportéedesesbrascommesielle
s’attendait
à
ce
qu’il
fasse
un
mouvementbrusqueversellesielle
s’approchaittropprès.L’expressionsur
sonvisagerestaitméfiantetandisqu’elle
l’étudiait.
«Est-cequejepeuxtefaireconfiance
?»
Ilinspira,puisilretintsarespiration
tandisqu’ilévaluaitcequeluicoûterait
lefaitd’écouterunautremotdeBecca.
Jusque-là,elleavaitréussiàallerau-
delàdel’imagequ’ilsedonnait,plus
quetouteslesfemmesqu’ilavait
connuesjusque-là-àlafoissurleplan
positifetsurleplannégatif.Ets’illa
laissaitfaire,ellecontinueraitàenvahir
saviepersonnellejusqu’àcequ’elle
connaissetoussessecrets.
Maiss’ilconnaissaitundeses
secrets,ilpourraitexploitercelui-cisi
elleserapprochaittrop.
«Tupeuxavoirconfianceenmoi.»
Elle
regarda
les
passants
qui
marchaientsurletrottoirderrièreeux
par-dessussonépauleavantdele
pousserplusloindansl’allée.L’odeur
desorduresendécompositionflottait
autour
d’eux,
mais
elle
donnait
l’impressiondenepass’enrendre
compte.
«Tuasentenduparlerdeshôtels
Shore?»
«Quinelesconnaispas?»
Ilavaitséjournédanssonlotde
chambresdechaînesd’hôtelsdeluxe
quandilpartaitentournée.
«Mongrand-pèreenestlefondateur.
»
«TuesBeccaShore?»
Saconfessiondéclenchaunesériede
prisesdeconsciencequiluifitl’effet
d’uncoupdetonnerre.Lesimagesd’une
héritièreblondeauteinthâléetfêtarde
quifaisaitlebonheurdestabloïdes
quelquesannéesplustôtapparurentdans
sonesprit.Ellessemblaienttotalement
enoppositionaveclafemmecalmequi
setrouvaitenfacedelui,maislorsqu’il
l’examinadeplusprès,ilreconnutson
visage.Ilétaitunpeuplusrondetelle
avaitéchangésonbronzagecontreun
teintivoireparfait,maislesyeuxétaient
identiques.
Ellepassasesdoigtsdansses
cheveux,uncoindesabouchese
soulevantdansundemi-sourire.
«Tuveuxvoirmonpermisde
conduire?»
«Non,jetecrois.»
Etplusimportant,ilcomprenaitenfin
pourquoiGaryavaitsuggéréqu’elle
l’aidejusqu’àcequ’iltrouveunparrain
ouunemarraine.Siquelqu’unsavaitce
quesignifiaitrestercleanavecla
pressiondelacélébrité,c’étaitbien
elle.
«Alors,qu’est-cequit’estarrivé?»
Ellefitpassersescheveuxpar-dessus
sonépauleetsacolonneseraidit.
«Pardon?»
«Jeveuxdire,jenepouvaispas
ouvriruntorchonremplidecommérages
sanslirequelquechosesurtoi,etpuis
d’unseulcoup-Bam!Tuasdisparu.
Qu’est-cequiestarrivéàl’arméede
paparazzisquitesuivaitetquiteprenait
enphotoquandtuneportaispasde
sous-vêtements?»
«
Après
mon
overdose,
j’ai
volontairement
fait
en
sorte
de
disparaîtreuncertaintempspour
pouvoirréglermesproblèmes.Jesuis
entréedansuncentre.Quandj’ensuis
sortie,j’aicommencéàattachermoins
d’importanceàcequelesautres
pensaientdemoietàenattacherplusà
cequemoijepensaisdemoi.J’ai
changémonlook,j’aiterminémes
études,j’aitrouvéunboulot,toutçaen
mefaisantdiscrète.»
Ellehaussalesépaules.
«C’estplutôtagréabled’êtrenormale
pourchanger.»
«MaisturestesuneShore.»
«Oui,maismaintenantjesuis
tellementennuyeusequelapresseme
laissetranquille.Enplus,jenepense
pasqu’ilsmereconnaitraient.Tune
m’aspasreconnue.»
Maisest-cequ’ellel’avaitreconnude
soncôté?Ilcherchaunsigneindiquant
quec’étaitlecas,maisilnevitrien.
Soitelleétaitcomplètementnulle,soit
elleétaittotalementinsensibleàson
statutdecélébrité.Peuimportaitàen
jugerparlamanièredontsesépaules
s’étaientdétenduesaprèsavoirappris
quielleétait.Mêmesiellesavait,ilne
pensaitpasqu’ellerévéleraitdes
informationsleconcernantàlapresse.
«Alors,çat’aide?»,demanda-t-elle.
«Beaucoup.»
«Bon,onsevoitlasemaine
prochaine?»
«Peut-être.»
Ilétaittempsdepartiravantqu’elle
necommencedenouveauàs’intéresser
detropprèsàsavie.
Ellelesaisitparlebrasetellele
forçaàs’arrêter.
«S’ilteplaît.»
Desparolestellementsimples,et
pourtantilétaitétranged’entendreune
richehéritièrelesprononcer.
«Pourquoi?»
«Parcequejeveuxt’aiderautantque
jelepeux.Maisjenepeuxrienfairesi
tum’enempêches.Mêmesilesréunions
nesontpastatassedethé,jesuislàsitu
asbesoindequelqu’unàquiparler.»
Ellelâchasonbrasetellereculad’un
pasverslecafé.
«Jeferaismieuxd’allerchercher
cettetranchedesachertorteavantque
quelqu’und’autrenelaprenne.»
Unepartiedeluimouraitd’enviede
lasuivreetderetourneravecelledans
lecaféetdetoutluidireautourd’un
autremorceaudegâteau,maislapeuret
lafiertéleretinrent.Iln’étaitpasprêtà
luifaireconfiance.
Pasencore.
Maisilseraitprêtàenvisagerdelui
proposerd’allerprendreuncaféla
semainesuivante,neserait-cequepour
ensavoirplussurlamanièredontelle
avaitréussiàéchapperàlapresse
pendanttoutescesannéesetàfairesa
vie.
1Hell’sKitchen:QuartierdeManhattan,àNewYork2Sachertorte:Unesortede
gâteauauchocolat3Suboxone:
Traitementdesubstitutionauxopioïdes4
RCR:Réanimationcardiopulmonaire5
Narcan:Traitementdesubstitutionaux
opioïdes6911:NumérodessecoursauxÉtats-Unis
ChapitreTrois
Beccatapotaitsacuisseavecson
stylotandisqu’ellesetenaitappuyée
contrelemurdanslasallede
conférence.C’étaitunlundi,lejouroù
larédactricechefdumagazineModerne,
ElaineHalpern,écoutaitlesidées
d’articlesdesonéquipeetqu’elleles
approuvaitouqu’ellelesdescendaiten
flammes.Entantqu’assistante,on
attendaitdeBeccaqu’elleprennedes
notesetqu’ellerecherchedesarticles
pourlesrédacteurs.Ellen’avaitpasle
droitdeprésenterdesidéesd’articles.
Maiscelanel’arrêtaitpas.
«Etpourquoipasunarticlesurla
manièredontleministèredesAnciens
Combattantsn’estpas]lahauteurpour
cequiestdesproblèmesdesantéqui
touchentlesfemmes?»
Elainesecoualatête.
«Tropsérieuxpournoslectrices.
Suivant.»
Beccagrinçadesdentsetsereferma
surelle-même.Toutcequ’elleproposait
étaittropsombreoutropsérieuxpour
leurslectrices.Etd’ailleurs,quelle
catégoriedepersonnesessayaient-ilsde
satisfaire?Siellesebasaitsurles
thèmesinsipidessurlesquelsonlui
demandaitdefairedesrecherchestoutes
lessemaines,ellesedemandaitsileurs
lectricess’intéressaientàautrechose
qu’àlamodeetausexe.
«Çan’al’airpasmalcommeidée,
Hilde.Rebeccapeutrechercherdes
infospourtoi.»
Son
attention
se
reporta
immédiatementsurlaréunionàla
seconde
où
elle
entendit
Elaine
prononcersonnom.Dommagequ’elle
n’aitpasentenducequ’elleétait
supposéerechercher.Elleessayade
resterconcentréependantqueles
rédacteurslançaientd’autresidéesavant
quelaréunionnesetermine,sonesprit
devenantplusindifférentàchaquesujet
approuvé.
Pourquoiest-cequejen’aipaspu
décrocherunposteauTimeouchez
Newsweek?PourquoiModerne?
Parcequ’iln’yaqu’iciqu’onm’a
proposéunposte.
Touslesautreslavoyaientencore
comme
Becca
Shore,
la
fêtarde
toxicomane.Justeunautreobstacleà
surmontersurlecheminpourdevenir
unejournalisterespectée.
Sonlattedumatinsemélangeaavec
sonamertumepourformerunacidequi
luirongeaitl’estomac.Ellefermales
yeuxetelleseconcentrasurlespoints
positifsavantquecetteamertumene
s’exprimeparunescènedugenreallez
tousvousfairevoir.
J’aiunpieddanscemonde,ilyadu
progrèsparrapportàavant.
J’aiunaperçudelamanièredont
fonctionnel’universdelapublication
demagazines.
Jemefaisdescontactsetj’enrichis
monCV.
Jepourraiutilisercetteexpérienceà
monavantageplustard.
Une
sensation
de
sérénité
l’enveloppaitàchaquepenséepositive,
suivieparuneacceptationsereine.Le
faitd’entendresonnomlaramenaàla
réalité.
Hilde,unedesrédactrices,setenait
devantelle.Approchantlafindela
trentaine,ils’agissaitd’unefemme
éléganteetsophistiquéeavecdes
cheveuxauxmèchesparfaitesettoujours
impeccablementcoiffés,etsonvisage
montraitlesrésultatspositifsdeses
injectionsrégulièresdeBotox.La
réunions’achevaetlesautresrédacteurs
quittèrentlapièce.
«Entraindeméditersurleboulot?»
«Non,jeréfléchisjusteàdesidées.»
«Bien,parcequejevaisavoirbesoin
detonaide.»
Hildeluifitsignedelasuivrehorsde
lasalledeconférence.
«Aufait,tuasducranpourprésenter
desidéesd’articlesalorsquetues
assistante.»
«Ilfautbienquejecommence
quelquepart»,répondit-elleavecun
haussementd’épaules.
«Cen’estpascommesij’allaisme
fairevirerparcequejeproposequelque
chose.»
«Maistunemarquespasdepoint
aveclesautresrédacteurs.»
Beccabalayalebureaudesyeux,et
elle
surprit
deux
regards
désapprobateursquivenaientconfirmer
lamiseengardedeHilde.
«Qu’est-cequilesinquiètent?Ce
n’estpascommesiElaineavaitdéjà
acceptémesidéesdetoutefaçon.»
«Jenefaisquetedonnerunconseil
amical.»
Hildesepenchaetbaissalavoix:«
Detoiàmoi,jetrouvequetesidéesfont
réfléchir,mêmesiellesneconviennent
paspourcemagazine.Continuede
chercherdesbonsarticlescommeça,
peut-êtrequetufinirasquelquepartoù
onapprécieratonenthousiasme.»
Siseulement...
«Tuveuxdirequetunem’apprécies
paspourlemoment?»,taquina-t-elleen
retour.
«Jet’apprécieraiencoreplussitu
peuxm’aideràfairedesrecherchessur
cessujets.»
Elleouvritsoncarnet.
«Articleun:Commentprendrele
selfieparfait.»
Beccaretintungrognementetnotale
sujet.
«Jem’enoccupe.»
«Génial,etquandtuaurasterminé
avecça,tupourrasm’aideravec
l’articlesurlemaquillageàlamode
pourlesvacances.Maisd’abord
j’aimeraisunlatted’enbas.Tusais
combienjelesadore.»
Hildepartitsansajouterquoiquece
soit.
Beccaserrasesomoplatesetse
répétalalistedepointspositifsqu’elle
avaitdresséeplustôtavantdedescendre
verslecafé.
Aprèsavoirétéchercherlelatteàla
vanillemoyendoubledosesansgras,
sanssucreetsansmoussedeHilde,
Beccas’installadanssonboxetmitses
écouteurs.Lamusiquequisortaitdeson
iPodShuffleremplitsesoreilleset
couvritlesbavardagesautourd’elle.
Unerecherchesurinternetluipermitde
trouverdestonnesd’astucessurla
manièredontprendredesselfiesetla
plongeadansunmonded’angles
d’appareilphoto,d’expressions,de
filtresetdetechniquesderognage.
Elleapprochaitdelafindecequi,
elle
l’espérait,
représenterait
suffisammentd’informationslorsquele
rythmefortetentraînantd’unechanson
deRavinia’sRejectssefitentendre.Elle
serassitetellebougealatêteenrythme
aveclamusique.Ellefutinstantanée
transportéedanslepassé,àl’époque
insoucianteoùelledansaittoutelanuit
surdeschansonsdecegenredansune
boîtedenuit,unverreàlamain,àune
dosedel’extase.
L’enviefamilièrebrûlaitdansuncoin
desatête.Peuimportedepuiscombien
detempselleétaitclean,ellese
souviendraittoujoursdelasensation
agréablequeprocuraitladrogue.Elle
serrasesdoigtsautourdesaccoudoirs
desachaisejusqu’àcequel’envie
disparaisse.Heureusement,elleavaitsa
réunionNAlesoir-même.Lesimplefait
delesavoirl’aidaàrepousserce
souveniretàallerdel’avant.
Lachansonseterminaaumomentoù
sesdoigtssereposaientsurleclavier,
maisaulieudecontinueràfairedes
recherchespourl’article,ellesaisit
Ravinia’sRejects’danslechampde
recherche.Enhautdelalistese
trouvaientdesarticlesàproposdudécès
tragiqueduguitariste,TylerBrandsford,
quidataitdumoisprécédent.Laplupart
desarticless’interrogeaientsurune
éventuelleséparationdugroupe,mais
d’autresencoreparlaientdufaitqu’ils
allaientsortirdeschansonsqu’ils
avaientenregistréesaumomentdesa
mort.
Ellecliquasurundesarticlesqui
indiquaitquelacausedudécèsétaitune
overdosed’héroïne,etellepoussaun
soupiraffligé.Untelgâchisdetalent.
Ellepoursuivitparuneprièrede
remerciementpournepasavoirsubile
mêmedestin,puisellecontinuaàlire.
L’articleparlaitd’EthanKelly,le
chanteurdugroupe,etindiquaitqu’il
était
entré
dans
un
centre
de
désintoxicationpeudetempsaprèsla
mortdeTy,etqu’ils’ytrouvaitdepuis
lors.Enregardantunephotoduleader
dugroupe,elleremarquaseslongs
cheveuxnoirsetsesyeuxgris
tourmentés,etellefutfrappéepar
l’impressiontenacedeleconnaître.Au
début,elleritparcequ’elleétaitfandu
groupedepuisleurpremieralbum,mais
pluselleregardaitlaphoto,pluscette
sensationamplifiait.
Elle
cliqua
sur
l’image
pour
l’agrandir.Unnœudseformadansson
ventreetlespoilsdesesbrasse
dressèrent.Quelquesclicsplustard,elle
chargeaitlaphotodansunprogramme
d’éditionetelleeffaçaitlescheveux.Sa
respirationdevintdifficilelorsqu’elle
vitl’hommesurl’écranentraindela
regarderd’unairrenfrogné.
Merde!
PasétonnantqueGaryluiaitdemandé
d’êtrelamarrained’Ethan.
C’étaitEthanKelly.
***
Beccamarchaitd’unpasrapidesurle
trottoirbondé,despapillonsencoredans
leventredesheuresplustard.C’était
unechosesesavoirqu’onluiavait
demandéd’êtrelamarrained’unhomme
quiavaitdesproblèmes.C’enétaitune
autresicedernierétaitundieudurock
qu’ellevénéraitdepuissonadolescence.
Parpitié,nemelaissezpasme
transformerenuneidiotequin’arrête
pasdejacasserquandilestlà.
C’étaitcommesiellen’avaitpas
côtoyédecélébritésavant.Elleavait
grandienétantentouréed’acteurs,de
grandscouturiers,demannequinsetde
musiciens.Maisàquelquesrares
exceptionprès,ils’agissaitsurtout
d’amisdesesparents,pasdessiens.Et
mêmeàl’époqueoùellefaisaitlafête,
ellen’avaitjamaisvraimentrencontré
quelqu’unqu’elleidolâtraittotalement.
Remets-toi,Becca.Tun’esplusune
ado.Enplus,situluilèchelesbottes
comme
une
fan
complètement
hystérique,ilvas’enfuirencourantet
ilvafaireunerechute.
Cettepenséel’arrêtasursalancée.
Plusquetout,elledevaitfaireattentionà
cequ’elledisaitetàcequ’ellefaisaiten
saprésence.Ilétaitextrêmementfermé
lorsqu’ils’agissaitdeparlerdelui.Il
suffiraitqu’ilsentequ’elleconnaissait
sonidentitépourqu’ilparteavantmême
qu’ellenepuissefairequoiquecesoit
pourl’arrêter.Ets’ilfinissaitcommecet
autremembredesongroupe...
La
culpabilité
calma
ses
étourdissementsetladégrisafaceàla
réalitédelasituation.Elleavaitétéàsa
place.Ellesavaitcequec’étaitde
vouloirsecacherdelapresse
suffisamment
longtemps
pour
se
retrouver.Etellesoutiendraitsa
décisiondefairelamêmechose.
Elleadoptadenouveaulerythme
rapidedesescompatriotesnew-yorkais
enseconcentrantplutôtsurlamanière
dontrassurerEthansurlefaitqueson
secretétaitbiengardéavecellesans
évoquerlesujet.Lorsqu’ellearrivaà
l’égliseoùsedéroulaientlesréunions,
elleseretournapourrentreràl’intérieur
sansprêterlamoindreattentionauxrues
autourd’elle.
«Salut,Bec»,lançaunevoixdepuis
leborddutrottoir.
Ellefitvolte-faceetellevitEthan,
chevauchantsamotomêmesilemoteur
étaitéteint.Ilretirasoncasqueetil
s’approchad’elle.
«Jet’attendais.»
«C’eest...C’estvrai?»,bredouilla-
t-elle.
Ellesentitunevaguedechaleur
remontalelongdesoncou.Ellebloqua
sesgenouxpournepass’évanouir
commeunefantotalementstupide.
Allez,Becca,secoue-toi.
Lesourirequ’illuiadressan’aidapas
à
ralentir
son
rythme
cardiaque
trépidant.Ilavaittoujourseul’air
dangereux.Unpeubrut.Maiscetaperçu
raredesesdentsblanchesnacréesluifit
perdresesmoyens.
«Jen’osepasentrerlà-dedanstout
seul.»
«Oh,ouais.»
Ilnes’intéressaitàellequeparce
qu’elleétaitunsystèmedesoutien,rien
deplus.Unefoisladéceptionunpeu
passée,elleréalisaqu’ils’agissait
probablementd’unebonnechose.Lefait
deconnaîtrelesbarrièresmisesenplace
l’empêcheraitdefranchirleslimites.
Maisaumomentoùelleeutunevue
dégagéesurlesfessesd’Ethanmoulées
danssonjean,sespenséesdefemme
raisonnabledevinrentcelled’unefemme
rempliedelubricité.Mêmes’iln’avait
pasétéunbadboystardurock,elle
auraitquandmêmeeuenviedele
déshabiller.Cependant,elledevait
laisserceladecôté.Siellepouvait
résisteràl’héroïne,ellepourraitsans
l’ombred’undoutegardersondésir
pourEthanKellysouscontrôle.
«Belleplacedeparking»,lança-t-
ellemalicieusementdansunetentative
depréserverlalégèretéduton.
«J’aieudelachance»,répondit-il
sansseretourner.
Etilsétaientrevenusàdesréponses
minimales.Peut-êtrequec’étaitcequ’il
yavaitdemieux.
Cesoir-là,laréunionduramoins
longtempsqued’ordinairecarGary
avaitinvitéunintervenant.Nonpasque
cela
l’intéressait
beaucoup.
Ethan
s’avéraitêtreunetropgrandesourcede
distraction.Elleétaitenprésenced’un
deshommeslesplussexydecette
époque,commelefrèred’Ari,Gabe,
maisaucunautrenelarendaitaussi
nerveusequ’Ethan.
Elleseredressadanssachaise,
essayantdeconcentrersonattentionsur
l’intervenantplutôtquesurl’homme
assisenfaced’elle.
C’estjusteparcequec’estquelqu’un
quetuadmiresdepuisdesannéeset
queçafaitquatremoisquetun’as
couchéavecpersonne.Justela
mauvaisecombinaisond’unbéguinet
d’unepériodedevachesmaigres.Rien
deplus.
Puisellefitl’erreurdeleregarderdu
coindel’œil.Ilétaitentrainde
l’observeravecceregardintenseet
sombrequifaisaitdurcirsestétons.
Maisputain,ceseraitvraiment
fantastiquedepasserlanuitaveclui.
Elledétournalesyeuxenpoussantun
soupirexaspéréetellefitdesonmieux
pourl’ignorerpendantlerestedela
réunion.AumomentoùGaryrevintsur
l’estradepourremercierl’intervenant,
elleavaitpresqueoubliéEthan.
Bienévidemment,cefutlemoment
quecelui-cichoisitpourquitterlapièce.
Putain!
Ellefitunsourired’excuseàGaryet
ellecourutderrièreEthan.
Ilétaitdéjàsursamotoentrain
d’attachersoncasquelorsqu’ellele
rattrapa.
«Tuespressé?»,demanda-t-elle.
«Jenepriepas.»
Ilfitdémarrerlemoteuravecun
grognementdecolèrequiaccentua
l’angoissequiavaittransparudanssa
réponse.
C’étaitquelquechosequ’ellepouvait
gérer.Elleavaitpassélamajeurepartie
delasemaineàseprépareràgérerla
colèred’Ethan,etlefaitdemettreson
planàexécutionétaitexactementcedont
elleavaitbesoinpourfairedisparaître
labrumedudésir.
«Trèsbien.»
Illâchal’accélérateuretilpenchala
têtesurlecôté.
«Quoi?Pasdequestions?Pasde
tentativespourquejetedisepourquoi?
»
Ellesecoualatête.Lasemaine
précédenteluiavaitapprisqu’ilne
donnaitdesinformationsvolontairement
quelorsqu’ilétaitprêtàlefaire.Les
questionsnefaisaientqu’empirerles
choses.Maisàprésent,ellecomprenait
pourquoi.
Ilserassitsursamoto,fronçantles
sourcilscommesiellevenaitjustedele
frapper.
Trentesecondesdesilencegêné
s’écoulèrentavantqu’ellenepasseà
l’étapesuivantedesonplan.
«Jevaisallermangerungâteauet
prendreuncafé.Tueslebienvenusitu
veuxveniravecmoi.»
Ellesetournaitpoursedirigerversle
cafédeGittalorsqu’unemaingantée
saisitsonpoignet.
«Jepeuxt’emmenerfaireuntour»,
proposa-t-il.«Enfin,situn’aspastrop
peur.»
Elleeutunpetitrire.
«Qu’est-cequitefaitpenserça?»
«Jaimeallervite.»
Derrièrecedéfi,ilyavaitunpeude
flirt.
Unpicotementdélicieuxremontale
longdelacolonnedeRebecca.
«Moiaussi.»
«Prouve-le.»
Iltenditsamainderrièreluipour
prendrelecasquesupplémentaireetille
posadanslesmainsdelajeunefemme.
Ellemorditsalèvreinférieuretouten
faisantcourirsesdoigtssurlafibrede
verrelisse.Est-cequ’ellearriveraità
gardersesespritspendantqu’ils
traverseraientlesruesdeManhattanà
touteallure,sesbrasautourdesataille,
sescuissescolléescontrelessiennes?
Celaressemblaitauxpréliminaires
ultimes,mêmesicen’étaitquepour
quelquespâtésdemaisons.
Maisd’unautrecôté,siellepouvait
leconvaincredeprendreuncaféavec
elle,peut-êtrequ’ellepourraitégalement
fairedesprogrèsdansleprocessusde
guérisond’Ethan.Elleenfilalecasque.
«C’estbon.»
Uneminuteplustard,elleavaitcollé
sasacochecontresapoitrineetelle
montaitderrièrelui.Mêmeàtraversle
cuirépaisdelavestedujeunehomme,
ellepouvaitsentirsesmusclesfinset
durs.
«Attends»,cria-t-elleunefractionde
secondeavantqu’ilsneprennentla
route.
Lavitesseréveillalesentiment
d’euphorieendormidepuislongtemps
qu’elleavaitenfouienelledesannées
plustôtlorsqu’elleavaitabandonnéson
modedeviedébridé.Ellerésistaà
l’enviedeleversesbrasenl’airetde
hurlerdejoie.Aulieudecela,elle
laissasesbrasautourdelataille
d’Ethan,penchantsoncorpsd’uncôtéet
del’autretandisqu’ilsslalomaientsur
lesfilesdevoitures.L’airfraisde
l’automne
traversa
ses
vêtements
lorsqu’ilsaccélérèrentdanslarue,et
elleserapprochadelui,respirantles
odeurschaudesdesonparfumetducuir.
Labaladeseraitfinieplusvitequ’elle
nel’auraitvoulu,maispendantcecourt
instantprécieux,ellesavourale
sentimentdelibertéqu’illuioffrait.
***
L’entrejambe
d’Ethan
palpitait
lorsqu’ilentrasurleparkingsituéà
proximitéducafé.Àquoiavait-ilbien
pupenserenproposantunebaladeà
Becca?Ilétaitdéjàsuffisamment
problématiquequ’ellecontinuede
s’immiscerdanssespenséesquandil
étaitallongédanssonlittouslessoirs.
Maissentirsoncorpsappuyécontrele
sien,voirlamanièredontellen’avait
paseupeurnidereleversondéfinide
fairedelamotoaveclui,entendre
l’excitationdanssarespirationàchaque
virage,toutcelal’avaitrenduplusdur
qu’unlycéendécouvrantdupornopour
lapremièrefois.
Elledescenditdesamotoetelle
retirasoncasque.Labaladeavait
ébouriffésescheveuxetelleressemblait
encoreplusàunepetitebombesexy,et
unautresursautdedésirarriva
directementverssaqueue.
«C’étaitamusant»,dit-elleavecun
grandsourireavantdetendresoncasque
àEthan,«maislaprochainefois,c’est
moiquiconduitetquit’emmènefaire
unevirée,petitcon.»
«T’assacrémentintérêt.»
Ilaccrochalecasquequ’elleluiavait
rendu
à
l’arrière
de
sa
moto,
reconnaissant
pour
les
quelques
secondesquecettetâcheautomatiquelui
offraitpourpermettreàladouleurqu’il
ressentaitdanssaqueuedesecalmer.
Lorsqu’ileutterminé,ilputdescendre
desamotosansgrimacer.
IltrouvadenouveauBeccaentrainde
baverdevantlesdessertslorsqu’ilentra
danslecafé.
«Beaucouptropdechoixquiontl’air
délicieux»,murmura-t-elle.
«Maisjeconstatequ’ilsn’ontpasta
sachertortecesoir.»
«Cen’estpasgrave.Ilyaencore
beaucoupdechoix.»
Ellemontradudoigtunplateaurempli
depetitsgâteauxrosesdeformecarrée.
«Punschkrapfen.»
Puisunchaussonàlacerise.
«Weichselstrudel.»
Sonamourévidentpourlesdesserts
dissipal’humeursombrequiavaitpris
lecontrôlesurluipendantlaréunion,et
ilsesurpritàrire.
«Pourquoij’ail’impressionqueje
doisajoutergesundheitàlafindunom
detoutesceschoses?»
Elleluidonnauncoupdecoudeet
elleluilançaunsourireencoinavantde
reporterdenouveausonattentionvers
lesdesserts.
«Jepensequejevaismelaisser
tenterparleDobostortecesoir.»
«Trèsbonchoix»,ditGittaderrière
lecomptoir.«Etpourvous?»
«Justeuncafé.»
IlrejoignitBeccaàunetablesituée
dansuncoinquiétaitcachéedelavue
dequasimenttoutlecafé,etilremarqua
lamanièredontelletenditsoncoupour
observerlerestedelasallederrièrelui.
«Tescoinspréférésontété
découverts?»,taquina-t-il.
«Non,j’étaisplusinquiètepourt...».
Labouchedelajeunefemmese
refermabrusquement,maispasavant
qu’iln’aitdevinélederniermot.
Lesmusclesdesondossebloquèrent.
«Etpourquoitut’inquièteraispour
moi?»
Ellesemorditlalèvreellepassases
mainsdanssescheveux,sansjamais
croisersonregard.
«Tuasl’airdevouloirvraiment
protégertavieprivée,c’esttout.Etje
veuxêtrecertainequetupeuxdéguster
unetassedecafésansêtredérangé.»
Latensionenvahitlesépaulesd’Ethan
etsepropageadanssonestomac.
«Est-cequ’ilyaquelquechosej’ai
besoindesavoir?»
Letondesavoixétaitdevenu
accusateur,maissiquelqu’unavaitdità
Beccaquiilétait,illaisseraittomber
touscesfichustrucdesNA.
Ellefinitparleregarderavecdes
yeuxbleu-vertfrancsetellesecoua
lentementlatête.
«Tusaisquijesuis,ettusaisàquel
pointjefaistoutpourprotégermavie
privée.Jeveuxjustefairelamême
chosepourtoi.»
Les
nœuds
dans
son
ventre
disparurent,maispourtantiln’étaitpas
encoretotalementdétendu.Quelque
choseavaitchangédepuislasemaine
précédente,etpendantuninstantilfut
tentédeluidemandersiellevoulait
remontersursamotoetroulerjusqu’àce
quelesoleilselève.Mêmesicela
risquaitderendresestesticulesbleus,il
préféraitcelaplutôtquecequ’ilyavait
dansl’airentreeux.
Gittaamenaleurcommandeàleur
table,etBeccasejetasursongâteau.
«Tun’asrienprisàmanger?»
«Jenesuispastropfandesucré.»
«J’auraispuledeviner,maisjeme
suisditquetuauraispuêtrepartantpour
lechaussonauxgriottes.»
«Desgriottes?»
«Humhumm»,dit-elleavant
d’avalerunegrossebouchéedeson
gâteau.
«Tuasl’aird’êtredugenreàaimer
lestrucsacides.»
Doncilsrevenaientauxtaquineries.
«C’estvrai?D’unautrecôté,toitu
esdéfinitivementàfondsurlesucré.»
«Commetupeuxledevinerenvoyant
moncul.»
Ilsepenchapourétudierlaformede
sescuissesetlamanièredontellesse
fondaientenunculsouple.
«Riendenégatifdececôté-là
d’aprèscequejevois.»
Elles’étouffaavecsonchocolat
chaudsurmontédechantilly.Sonvisage
semitàrougirtandisqu’elleluttaitpour
essayerdereprendresarespiration.
«Est-cequetuesentraindeflirter
avecmoi?»
«Est-cequeçatedérange?»
Elleneréponditpas,maisilsurprit
l’esquissed’unsourireavantqu’ellene
couvresaboucheavecsatasse.
«Comments’estpasséetasemaine?
»
«Pourrie.»
Ils’attendaitàcequ’elleluidemande
dedévelopperouàcequ’elleessaye
peut-êtredeletaquinerpourconnaître
desdétails,maisellecontinuadele
regardersansdireunmot,sessourcils
arquésdansuneexpressionexpectative.
Lorsquelesilenceseprolongea
jusqu’àuneminute,lachaleurqui
montaitdepuislabasedesacolonne
l’obligeaàsetrémoussersursachaise.
Ilsedétournaavantqu’ellenepuisse
voiràquelpointilétaitdevenumalà
l’aiseàcaused’unequestionaussi
simple.
Pourrienesuffisaitmêmepasà
décrirelasemainequ’ilvenaitde
passer.Entrelefaitdelutterpour
composer
de
la
musique
sans
s’abandonneràsamuseetlefaitde
devoirfaireaveclesappelsincessants
desamèreetdesonfrèreaîné,Adam,il
pouvaitsentirlesfissuresentraindese
formerdanssafinecarapacede
sobriété.Iln’arrivaitpasàdormir,pas
sansseréveilleravecdessueursfroides
etenregrettantdenepasavoirunsachet
deSweetDreams.Aulieudecela,il
revoyaitdesimagesdel’instantoùil
avaitretrouvésonmeilleuramisansvie
aveclesyeuxgrandsouverts,une
aiguilleencoreplantéedanslebrasetil
ressentaitalorsuneenviedechassertout
celadesonesprit.
Ilpassasamainsurletatouagequise
trouvaitsursonbrasgaucheetilrépéta:
«Pourrie.»
«Tuterapprochesdel’étapedu
premiermois,c’estça?»
Aprèsqu’ileuthochélatête,elle
ajouta:«Resterclean,c’estcommeune
résolutiondunouvelan.Ilyadesgens
quiréussissent,maislaplupartd’entre
nousseplantentàcepremierobstacle
autourdeladateanniversairedu
premiermois.Tusurmonteslasuper
crisedemanqueettujuresquetune
toucherasplusjamaisletrucquit’afait
tesentiraussimal.Tusorsenayant
l’impression
d’être
une
nouvelle
personneàcausedecettepromesseet
d’êtreplusfortgrâceàcequit’apoussé
àdevenirclean,peuimporteceque
c’est.Maispetitàpetit,lapressiondela
réalitéauquotidiencommenceàtetaper
surlesnerfs,ettarésolutioncommence
às’effriter.Levidequeturemplissais
avantavecl’héroïnedeviensdeplusen
plusgrandsjusqu’àequ’ilteconsume.
Etversl’anniversairedupremiermois,
tuteretrouvesàdevoirchoisirentre
laissertomberettedéfonceroutrouver
autrechosepourcomblerlevide.»
Ellen’avaitaucuneidéed’àquel
pointelledécrivaitexactementcequ’il
vivait.
«Onatouscommencéàprendredela
droguepourcomblercevide,etilest
différentpourchacundenous.Maisune
foisquetuasidentifiéàquoiil
correspond,alorstupeuxtrouverdes
moyensdelecomblersanstedéfoncer.
»
«Jenepensepasquelesdouceurs
sontlasolutionpourmoi.»
Elleluiréponditparunpetitrirequi
contrebalançalapiqûrepessimistede
sesparoles.
«Pourmoinonplus.»
«Alorsquoi?»
Elleposasonmugetelleregardason
assiettefixement.Commelasemaine
précédente,elleselançadanslesgestes
répétitifs
consistant
à
planter
sa
fourchette,puisàécraseretàgratterles
miettesdegâteau.
«Pourmoi,c’étaitlefaitdetrouver
unesortedebutdansmavie.Jevoulais
êtreplusqu’unehéritièrecrétinepourrie
gâtée.»
«Etc’estlecasaujourd’hui?»
«Çadépend.»
Elleleregarda,etlasupplique
silencieusedanssesyeuxrésonnaitavec
beaucoupplusdeforcedanssonesprit
quen’importequelleparolequ’elle
auraitpuprononcer.
Unepartiedeluivoulaitquitterla
tablesur-le-champ,maisl’autretrouvait
duréconfortdanslefaitdesavoir
qu’ellecomprenaitcequ’ilétaitentrain
detraverser.Personned’autrenele
savait.Nisesamis.Nisafamille.Ni
sonagentousesproducteurs.Laseule
autrepersonnequ’ilavaitcontactéétait
l’assistantedesonpetitfrère,Sarah,et
uniquementparcequ’ellesavaitquels
étaientlesmeilleuresendroitspourune
curededésintoxication.
MaisBeccaétaitpasséeparlà.Elle
avaitvécucetenferetelledonnait
l’impressiondes’êtrerepriseenmainà
présent.
Contrairementàlui.
Uneperledesueurroulasurlecôté
desonvisageetilsepenchaenavant
surlatable,lesyeuxbaissés.
«Paroùjedoiscommencer?»
«Parledébut.»
Uneseulenoted’unrireamermonta
desagorge.
«J’aicommencéàprendredela
drogueparcequemonmeilleuramien
prenaitetquejel’admirais.»
Ils’attendaitàcequ’ellesemoquede
luiparcequ’ilétaitunmoutonde
Panurge,maislieudecelaelleditd’une
voixétouffée:«Etc’estluiaussiquit’a
pousséàdevenirclean?»
«Ouais.»
LefaitdetrouverlecorpsdeTysans
vieavaitétélaformedeprisede
consciencelapluscruelledesavie.
Illançaunregardversellepour
jaugersaréactionetiltrouvalamême
demandepatientepourqu’ilcontinueà
parler.
Onditquelaconfessionestbonne
pourl’âme...
Ilprituneprofondeinspirationetil
s’ouvritàelle.
«J’aitoujoursétéunpetitjoueur,je
medéfonçaisdetempsentempsquand
j’enressentaislebesoin.Monmeilleur
amiétaitplutôtunutilisateurdugenre
King-Kong,ilmélangeaitl’héroïnequ’il
prenaittouslesjoursavecautrechose
pourobtenirdesdéfoncesdifférentes.
Desfoisc’étaitsimplecommelafumer
avecdel’herbe.Desfoisc’étaitdes
trucsplusfortscommeducrackoudu
PCP.Cequiétaitdisponiblesurle
moment.Maisjusqu’auxtroisdernières
semainesdesavie,ilréagissaitencore.
Ilallaitautravailetilnem’avaitjamais
laissétomber.»
Savoixsebrisalorsqu’ildit:«
C’étaitlecasjusqu’àcefameuxmatin
oùilnes’estpasmontré.»
Iln’étaitpashabituéaufaitd’être
avecunefemmequin’avaitrienàdire,
maislesilencedeBeccaleremuaitau
plusprofonddesonêtre.Aucune
question.Aucunsonpourexprimerune
approbationouunjugement.Aucun
mouvementpourserapprocherou
s’éloignerdelui.Iln’avaitaucunindice
luiindiquantlamanièredontelle
réagissaitàsonhistoire,etilrefusaitde
leverlesyeuxdelatablepourétudier
sonvisage.Lafrustrationmontaenlui
jusqu’àcequ’elleexplose,s’exprimant
parsonpoingfrappantlatable.
«J’étaistellementencolèreaprèslui
»,admit-il.«Ilavaitgâchésavie.Il
gâchaitletalentquiluiavaitétéoffert.Il
détruisaittoutcepourquoiilavait
travaillétellementdur.Audébut,la
seulechosequej’arrivaisàressentir,
c’étaitdelarage.Ensuite,cettedouleur
estarrivéeaprès,commes’ilavait
emportéunepartiedemoiaveclui.Et
ohmonDieu,çafaitmal.»
Ilappuyasesmainscontrelecentre
desapoitrinelàoùlasensationdevide
subsistaitencore.
«Aprèsavoirdécouvertcesentiment
dedouleur,decolère,d’abandon...»
Ilsecoualatêtecommes’ilvoulait
effacerlesémotionssombresqui
tourbillonnaientàl’intérieurdecelle-ci.
Desimagesdesamèreetdesesfrères
traversantlemêmeenferremplirentson
espritcommecelas’étaitproduitdans
lesjoursquiavaientsuivilamortdeTy.
«Jen’aijamaisvouluquequelqu’un
quicomptepourmoitraverseça.»
«Ducoup,tuastrouvéuneraisonde
devenirclean»,dit-elleenfin.
Cen’étaitpasunequestion,maisil
acquiesçaquandmême.
«Alorscontinuedet’accrocheràça.
»
Ellefouilladanssonsacpoursortir
quelquesbilletsavantdeseleverdesa
chaise.
Iltenditlamainpourl’arrêter.Àla
secondeoùleursmainssetouchèrent,
quelquechosechangeadansl’airentre
eux.Oupeut-êtrequec’étaitjusteluiqui
sefaisaitdesidées.Ilavaitfait
tellementd’effortspouressayerdela
repousserquemaintenantqu’elleétait
surlepointdepartir,ilvoulaitqu’elle
reste.Maislorsqu’illevalesyeuxvers
elle,ilremarqualalégèreexpressionde
surprisequipouvaitseliresurlestraits
desonvisage,desesyeuxécarquillésà
seslèvresentrouvertes.
Elleserassitsursachaise,sans
jamaisdétachersonregarddelui.
Etplusimportant,ellen’essayapas
deretirersamain.
Iln’étaitpasprêtàadmettrequ’il
avaitbesoind’elleoudequiquecesoit
d’autre,maisd’unecertainemanièrele
faitdeconfessertoutcequ’ilgardaiten
luidepuisunmoisallégealepoidsdela
culpabilitéquil’accablait.Lesimple
faitdesavoirquequelqu’unquiavait
véculamêmechoseétaitprêtàl’écouter
sansletraiterdefaible,d’idiotoude
paumérendaitlesténèbresunpeumoins
impénétrables.Etcelaluidisaitqu’ily
avaitdel’espoiretqu’ilpouvaitréussir
àd’ensortir.
Pourtant,salanguerefusaitdeformer
lesmotsquiexprimeraientsagratitude.
Aulieudecela,lesparolesquisortirent
desabouchefurent:«Jepeuxpayer.»
LescoinsdeslèvresdeRebeccase
levèrentenunsourirequin’exprimait
aucunepitiéniaucunedéception.Au
contraire,elleavaitl’aird’êtrefièrede
lui.
«Tuaspayélasemainedernière.»
Elleretirasamainquisetrouvait
souscelled’Ethan,puisellealla
jusqu’aucomptoirpourpayer.
Ethanbutlerestedesoncaféd’un
trait,essayantdeseressaisir.Peut-être
quelefaitqu’ellemetteuntermeàla
soiréeétaitunebonnechose.Sielle
laissaitfaire,quisaitcequipourrait
encoresortirdesabouche.Dansl’état
actueldeschoses,ilavaitprobablement
révélétropdechosesàproposdelui.Il
nefaudraitpaslongtempspourquela
jeunefemmefasselerapprochementet
qu’ellenedécouvrequiilétait.
Etpourtant,trèsétrangement,celane
ledérangeaitpas.Aprèstout,elleétait
BeccaShore.Mêmesiellene
ressemblaitplusvraimentàcellequ’elle
étaitquelquesannéesplustôt,ellese
rappelaitsûrementd’àquelpointle
respectdelavieprivéeétaitimportant
quandonessayaitderesterclean.
Ilpritsoncasqueetilsortitderrière
elle.Uneeffluveduparfumdelajeune
femmeatteignitsesnarineslorsque
celle-cipassaàcôtédeluipourremettre
savesteafindeseprotégerdel’airfrais
del’automne.L’odeurluifitserappeler
àquelpointlecorpsdeRebeccaavait
bienépousélesienpendantleurbalade
enmoto,etunesensationdouloureusede
désirimprévisibleserépanditdansses
veines.
«Jepeuxteraccompagnercheztoi?
»,demanda-t-il.
Ellemorditsalèvreinférieure,ses
pupillessedilatantsouslalumièredes
réverbères.Sonregardpassadelamoto
àEthan.Elleinspira,lecorpstendupar
l’excitation.
Puis
ses
épaules
retombèrentlorsqu’elleexpira.Ellefit
unpasenarrièreetellesecoualatête.
«Merci,maisjevaisdevoirpasser
montour.Enpluslemétroestjustelà.»
Lerefusdelajeunefemmeéteignitla
chaleurqu’ilressentaitdanssesveines.
«Jesupposequejen’auraispasdû
proposer.Letrucdel’anonymat,toutça.
»
«Non,cen’estpasça.»
Ellesaisitlabandoulièredesonsac,
faisantglissersesmainsdehautenbas
surcettedernièretoutenregardant
fixementletrottoir.
«Mêmesiçameplairaitbeaucoup,je
saisquejenedoispas.»
«C’est-à-dire?»
Ellelevalesyeuxverslui,le
regardantàtraverssescilssuffisamment
longtempspourqu’ilremarqueque
l’attirancen’étaitpasàsensunique.
Maisellecontinuadereculer.
«Onsevoitlasemaineprochaine?»
Safiertéfutpiquéeauvif.Elleétait
peut-êtreattiréeparlui,maispasassez
pourqu’elleoubliequ’ilétaitun
toxicomane
en
convalescence.
Heureusementpourtant,sonorgueil
blessél’empêchaitdeluimontreràquel
pointilétaitvraimentusé.Ilseraiditet
ilmontasursamoto.
«Peut-être.»
«Peut-être?»
Ilrefusaitdelalaisserdécouvrirà
quelpointilétaitdevenuaccroaufait
d’êtreensacompagnie.
«Peut-être.»
LalèvreinférieuredeBeccas’avança
en
une
grimace
qui
l’invitait
pratiquementàlaprendreentreses
dents.Cependant,cen’étaitpasune
sortedeminauderiepourl’amenerà
culpabiliseràdireoui.S’ilencroyaitle
froncementau-dessusdesonnez,elle
étaitvraimentperplexe.
Bien.Faisensortequ’ellecontinue
àseposerdesquestions.
Maisaumomentoùelletournales
talonsetoùellecommençaàmarcher
versladirectionopposée,quelquechose
changeaenlui.Saconfianceenlui
s’effondrabrusquement,leplongeant
dansunpuitsdedoutequil’attiraitvers
lebas,l’entourantcommedessables
mouvantsetétouffantl’espoirfragile
qu’ilvenaitàpeinededécouvrir.Ses
poumonslebrûlaient,privésd’air,etses
paumes
moites
glissèrent
de
l’accélérateur.Elleétaitentraindele
laisserseulavecsesdémonsintérieurs.
Untunnelsombreobscurcitsavision,se
IlhurlalenomdeBeccadansuncri
dedésespoir.
Elleseretourna,ellen’avaitavancé
quedequelquespas.Etellen’étaitpasà
deskilomètresdeluicommelapanique
leluiavaitfaitcroire.
«
Oui
?
»,
demanda-t-elle,
l’inquiétuderendantsavoixplusaigüe.
Lecœurd’Ethanbattaitsivitequ’un
tremblementsecouasesdoigts,maisla
sensationdeserrementdanssapoitrine
s’estompa
suffisamment
pour
lui
permettredeprendreuneboufféed’air
salvatrice.Elleavaitréponduquandil
l’avaitappelée,exactementcommeelle
avaitditqu’elleleferait.
«Est-cequeçadisparaîtàunmoment
?»
Ilétaitinutilequ’ildéveloppe.Le
regarddeBeccas’assombrit,remplide
regret.
«Non,maisçadevientplus
supportableavecletemps.»
«Maisiln’yaaucunremède?Aucun
moyen
de
s’en
débarrasser
complètement?»
Ellesecoualatête.
«Maisrappelle-toidecequej’aidit
àproposdufaitdecomblerlevideavec
autrechose.»
«Etsienfaitiln’yariend’autre?»
Aulieudes’affaiblirens’éloignant,
lecliquetisdesestalonssurlecimentse
rapprochait
de
lui.
Des
doigts
caressèrentsamâchoireetleforcèrentà
tournersatêteverselle.
«Tulepensesvraiment?»
Ledoutegrandit,murmurantaufond
desatêtequ’iln’étaitriensanssamuse.
«Ettoi?»
«Non»,dit-elled’unevoixétouffée.
Ilavaitenviequ’ellemettesamain
sursajoueetd’appuyersatêtecontresa
poitrinepours’imprégnerdetoutle
réconfortqu’ellepouvaitluiapporter.
Maissafiertél’empêchaitderévélerà
quelpointilétaitdétruitàl’intérieur.Il
levasonmentondansladirection
opposéeetiltirad’uncoupsecsurson
casque.
«Ethan,j’étaissincèrequandje
disaisquetupouvaism’appelersituas
besoindeparleràquelqu’un.Necède
pasaudoute,audésespoir.Çava
s’arrangeretjesuislàpourt’aider
autantquejepeux.»
Ildémarralemoteuretilpartitavant
qu’ellenedécouvrequ’ilnepouvaitpas
êtreaidé.
ChapitreQuatre
Ethanposasesdoigtssurlestouches
familièresdupianoenespérantqu’ils
créeraientunemélodie.Engrandissant,
ilavaittoujourstrouvéduréconfortdans
lamusique.Àchaquefoisqu’ilétait
frustréàcausedel’écoleouqueses
frèresletaquinaient,ilpouvaittoujours
s’asseoirdevantlepianodesamèreet
libérersonangoissegrâceauxsonates
sombresetrêveusesdeBeethoven,etce
jusqu’aurythmelégeretbondissantde
Gershwin.Envieillissant,ilavait
échangélesclassiquespoursespropres
créations,développantsescompétences
dupianoàsaguitare.Quellequesoitla
chanson,iltrouvaitlapaixenlajouant.
Maisc’étaitavantquelamusiquene
devienneuneépéeàdoubletranchant.
Avantquejouercequilerendait
autrefoisheureuxsoitdevenucequesa
maisondedisquesvoulaitsortir.Avant
qu’onluimettedelapressionpourqu’il
continueàécriredeschansonsqueles
genspaieraientpourécouter.Avantque
cequinourrissaitautrefoissonâmene
remplisseplusquesoncompteen
banque.
Ilécrasasonpoingsurlestouches
dansunaccorddissonantetilselevadu
piano.Ilétaitonzeheures,uneheureà
laquellelesgensnormauxsepréparaient
àsemettreaulit,maisuneénergie
nerveusecoulaitdanssonsang,cequi
avaitrendulesommeilquasiment
impossibleaucoursdestroisnuits
précédentes.Lagrainedudoutequi
avaitprisracineenluilorsqu’ilavait
quittéBeccal’autresoiravaitgerméen
unejungleobscurequimenaçaitde
l’avalertoutentier.
Ilavançad’unpasrapide,lapaume
desamainappuyéecontresatempe.
«Trouverquelquechosepour
comblerlevide.Trouverquelquechose
pourcomblerlevide.»
Àuneépoque,c’étaitlamusique,
maisaujourd’huitoutcelaavaitété
empoisonnéparl’héroïne.Iln’avaitpas
écritdechansonsansêtresousl’effetde
ladroguedepuistroisans.Etpeu
importeàquelpointilessayaitde
reveniràlamanièredontleschosesse
passaientavant,l’enviedesedroguer
s’avéraitplusforte.
Leseulmoyendetrouverlapaix
consistaitàs’abandonneràsamuse.
Ungrognementdefrustrationnaquità
labasedesagorge,etilfrappalemur
debriques.Ladouleurdanssamain
atténuacellequ’ilressentaitdansson
cœur.Àprésent,ilcomprenaitpourquoi
Tyn’avaitjamaisréussiàsedébarrasser
desadépendance,pourquoisonmeilleur
amin’avaitjamaisvouluêtrecleanet
sobre.Quandilétaitsousl’emprisede
ladrogue,riennecomptaitàpartla
musique,etlamusiqueapaisaitsonâme.
Quandilétaitsousl’emprisedela
drogue,iln’entendaitpaslavoixdu
doute.Quandilétaitsousl’emprisede
ladrogue,ilvivaitdansunmondede
béatitudeignorante,n’ayantjamais
conscienced’àquelpointilétaiten
réalitéprochedetoutperdre.
«Trouverquelquechosepour
comblerlevide.»,répéta-t-il.
IlsortitlenumérodeBeccade
l’arrièredesonportefeuille.Samain
tremblaittandisqu’ilregardaitfixement
lenuméro.Toutcequ’ilavaitàfaire,
c’étaitdel’appelerpourl’entendrelui
direqu’ilpouvaitsurmontercela.Son
cœursemitàbattreàtoutrompretandis
qu’ilimaginaitcequ’illuidirait.Ilétait
entraindecraquer.Faible.Unéchec.
Jenesuispasprêtpourça.Jepeux
surmonterça.
Ilfroissalemorceaudepapieretle
roulaenboule,puisillejetadansla
corbeilleàpapierrempliedefeuillesà
moitié
déchirées
recouvertes
de
compositionsinsipidesdatantdestrois
derniersjours.
S’iln’arrivaitpasàjouerdela
musique,peut-êtrepourrait-iltrouverdu
réconfortenécoutantquelqu’und’autre
jouer.
Ilpritsamotoetildescenditdeson
immeuble.
***
LeTinLilyn’avaitpasbeaucoup
changéaucoursdescinqdernières
années.C’étaitunlieuoùdesgroupesde
rockmontantsvenaientjouer,etle
frémissementqu’ilressentitdansses
tripesenpassantlaporteluirappela
l’Ethandel’époqueoùonavait
demandéàRavinia’sRejectsdemonter
surscènepourlapremièrefois.Lebar
d’EastVillage1étaitbruyantetremplid’unefoulequivoulaitsoitdanserau
rythmedelamusiquesielleétaitbonne,
soitcontraindreparlaforceles
musiciensàdescendredelascènes’ils
étaientmauvais.
Lorsqu’ilavaitfaitunpasversle
microlapremièrefois,iln’étaitpassûr
delamanièredontlaprestationfinirait
pourluietsesamis,maisTyluiavait
adresséunsouriresuffisantaccompagné
d’unclind’œilavantdeselancerdans
lespremiersaccordsdelachanson.
Entrelapuissancedelamusiqueet
l’assurancequeTyavaitinsuffléeenlui,
ilavaitréussiàouvrirlaboucheetà
offrirlaperformancedesavie.Deux
moisplustard,cettemêmechansonne
quittaitpasletopdesmeilleuresventes,
etRavinia’sRejectsétaitlegroupedont
toutlemondeparlait.
Pourtant,cesoir-là,l’ambianceétait
bienplussilencieuse.Unpetitgroupede
rockersagitaientleurstêtesdehauten
basaurythmedelamusique,maisla
chansonjouéeparlegroupedereprises
desannées80tombaitàplatpourlui.Il
commandaunebouteilled’eauaubaren
espérantquelachansonsuivanteserait
plusinspirante.
Maisaulieudeseperdredansla
musique,ils’aperçutqu’ilétaitentrain
deladécortiquer.Unenotemanquante.
Unaccordfaux.Unmomentoùlegroupe
n’étaitpassynchronisé.Etplusd’une
dizainedefoisoùlechanteurchantait
faux.Pasétonnantqu’ilsnesoientqu’un
groupedereprisesjouantpendantles
finsdesoiréesunmercredisoir.
Ilterminasoneau,etilétaitsurle
pointdepartirlorsqu’ungéantaux
épaulescarréesluibloqualechemin
menantàlaporte.Celui-cifitcraquer
sesarticulationsd’unemanièrequi
semblaitdéfierEthandel’arrêter,puisil
dit:«Quelqu’unveuttevoir.»
Unflotdemotsdecinqlettres
traversal’espritd’Ethantandisquela
montagnedemusclesleconduisaitvers
lebalconoùunhommeseulsetenait
appuyécontrelabalustrade.Unspot
éclairalevisagedecedernier,etEthan
sefigeaimmédiatement.
Merde!
S’ilyavaitbienunmomentoùéviter
Ace,c’étaitcelui-ci.
L’hommevintverseux,unlarge
souriresursonvisagebrun.
«EthanKelly,ilmesemblaitbienque
c’étaittoi.Jen’aijamaisoubliétaveste.
»
Acel’attiradansuneétreintepoitrine
contrepoitrine.
«Çafaitunbailqu’onnes’estpasvu,
monpote.»
«Salut,Ace»,marmonna-t-ilpar
simplepolitesse.
Lesourired’Acenevacillapas
lorsqu’ilfitsigneàsonhommedemain
deseretirer.
«Alors,qu’est-cequit’amèneicice
soir?»
Danslapassé,cettequestionaurait
étésuivieparuneréponseconsistantà
demandercequeledealeravaità
proposer.Aceétaitunproduitdu
mélangeduBronx-unepartienoire,une
partiedominicaineetunmélanged’à
peuprèstoutlereste.Sesrelationsdans
lemondeentiersignifiaientqu’ilavaitle
meilleurshitdeManhattan,etilavait
faitfortuneenfournissantlespersonnes
richesetcélèbres.
Ethangardasonattentionfixéesurla
scène.
«Jesuisjustevenupourécouterdela
musique.»
«C’estpaslebonsoirpourça,mais
tuaschoisiunebonnesoiréepourme
croiser.Jeviensjustederecevoirdela
brownsugargéniale.»
Ethansentitlasueurpicotersanuque.
Danslepassé,ilauraitbondisurl’offre
d’Ace,ilauraitramenéladroguedans
sachambred’hôtel,puisilauraitlaissé
laréalitédisparaîtrependantquelques
heures.Maispascesoir-là.Ilserrala
rambardepourseretenirdecéderà
l’envie.
«DésoléAce,j’aidécroché.»
Une
expression
de
stupéfaction
traversalestraitsdudealer,suiviepar
unrirenerveux.
«Ouais,j’aiapprispourTy.Désolé
qu’ilsoitmort,mec.»
Ouais,jesuissûrquetuesdésolé.
Tyavaitétéundesplusgrosclients
d’Ace.
«Alorstucomprendspourquoijene
m’intéresseplusàtamarchandise.»
Ethans’éloignadelarambarde.
«Attendsuneminute,monpote.»
Acelançasonbrasautourdel’épaule
d’Ethanetill’attiraplusprofondément
danslapénombredubalcon,sonautre
maindanssapoche.
«Parlonsdetoutça.»
Unevaguedefrayeurparcourutla
colonned’Ethan.Malgrésonattitude
amicale,Acen’étaitpaslegenre
d’hommequ’ilétaitbondecontredire.
Ets’ilnes’inquiétaitneserait-cequ’un
peudufaitqu’Ethanneledénonce,ilne
s’ennuieraitmêmepasàluilancerun
avertissementpourqu’ilneparlepas.Il
s’assureraitenpersonnequ’Ethanne
diraitrien.
Maisaulieudesortiruncouteauou
unearme,ilsortitunminusculesacheten
plastiquecontenanttroisenveloppesen
papiercristal.
Lepoulsd’Ethanbondit.Soncerveau
lemettaitengardeetluidisaitdepartir
avantdecéderàlatentation,maisil
étaitfascinéparlesdosesd’héroïne
parfaitementproportionnées.
«Écoute,mec,normalementjenefais
pasça,maistoietTyvousavezétéde
tellementbonsclientsquecelle-làpeut
êtrepourlamaison.Etcen’estpasdela
merdenonplus.Cetrucestsuffisamment
purpourêtresniffé,maissitute
l’injectes...»
Acelevalesyeuxversleplafondet
émitunmm-mmplusappropriépourun
repasdansunrestaurantquatreétoiles.
«Ah,c’estdupurbonheur.»
Ethan
salivait.
Cela
semblait
tellementsimple,ilauraitététellement
faciled’accepterl’offred’Aceet
d’utiliserladroguepourquelamusique
couleànouveau.Unedosesuffirait,
c’étaittoutcedontilavaitbesoin.Une
doseneluiferaitpascourirlerisquede
faireuneoverdose.
Maisunedoseleramèneraitàlacase
départ.
Ilenfonçasesmainsdanssespoches
pours’empêcherdetoucheràladrogue.
«Ace,je...»
«Tun’espasobligédedirequoique
cesoit,monpote.Jeprendssoindetoi.
»
Aceglissalesachetdanslapoche
arrièred’Ethan.
«Etsituasbesoindeplus,tusais
commentmejoindre.»
Ethanluttapourselibérerde
l’étreintedudealer,puisilfitunpasen
arrièreversl’escalier.
«Jen’enauraiplusbesoin.»
Aceseremitàrire,cettefoissansune
oncedenervosité.Sonrireétaitduret
moqueur.
«Disçasiçapeutt’aideràtesentir
mieux,maistoietmoi,onsaittousles
deuxquetureviendras.Lesmecscomme
toinesontriensansladope.»
AcelesaluadelamainetEthan
descenditlesmarchesencourant,sortant
duclubaussivitequ’illepouvait.L’air
fraisdelanuitemplissaitl’intérieurde
sespoumonsàchacunedeses
inspirations.Ilrestaimmobileaumilieu
dutrottoir,laissantlapluieautomnale
laverlacontaminationduclub.
Ilavaitl’occasiondejeterlesachet
qu’Aceavaitglissédanssapoche,mais
unepartiedesoncerveaurefusaitdele
laisserfaire.Ill’auraitprises’ilen
avaitabsolumentbesoin,maisilne
rechuteraitpas.Pasencore.Ilse
donneraitunpeuplusdetempspour
trouverlamusiqueavantdecéderàsa
dangereusemuse.
Ilrentrachezlui.Illançalepetit
sachetsursatablebasseetillefixa
depuislecanapéjusqu’àcequeleciel
commenceàs’éclairer.
***
Beccaseglissadanslesiègevideà
côtéd’AridansleTempleIsraël.
«Mercidem’avoirgardéuneplace
»,murmura-t-elle.
«Derien.»
Arifitunsignedetêteversl’homme
etlafemmeassiscinqrangéesdevant
elles.
«Mêmesiçapourraitêtrebienquetu
t’asseyesavectesparents.»
«C’esttroptardmaintenant»,
réponditRebeccatandisquelerabbin
appelaitlacongrégationàseréunitpour
ledébutduservicedeRochHachana.
Beccaécoutalesprièresetles
lecturesqu’elleentendaittouslesans
d’aussiloinqu’elles’ensouvenait,mais
c’étaitlatroisièmeannéeoùellerefusait
desejoindreàsafamillepourcélébrer
lenouvelanjuif.Soncœurlamettaiten
gardecontrelepéchéd’orgueil,mais
elleavaitcoupélespontsavecses
parentspourunebonneraison.Elle
n’étaitpasencoreassezfortepourgérer
levidequ’ilsavaientcrééenelle.
Mêmes’ilétaitdouloureuxdeleséviter,
celavalaitbienmieuxquederetomber
danssesancienneshabitudesconsistant
àfairefaceàleursattentesconstantesde
laperfection.
Pendantl’Amidasilencieuse,ses
penséessemirentàerrerversEthan.
Ellen’avaitpasreçudenouvellesde
lui,cequiétaitunebonnechose,mais
pourtantcelanel’empêchaitpasdese
fairedusoucipourlui.Avantqu’ilne
partelelundisoirprécédent,elleavait
pusentirledésespoirgrandissantenlui.
Lesimplefaitd’entendreladouleur
danssavoixlorsqu’ilavaitdécritla
pertedesonmeilleuramil’avaitamenée
auborddeslarmes,etelleavaitdûfaire
appelàtoutesavolontépournepasle
prendredanssesbrasetluidirequetout
iraitbien.Ilétaitdanslaphaseoùtous
lestoxicomanesenconvalescence
étaientmisàl’épreuve,etellepriait
pourqu’ilserappelledelaraisonpour
laquelle
il
s’arrêtait
suffisamment
longtempspourquecelal’empêchede
faireunerechute.
Un
frisson
parcourut
ses
bras
lorsqu’elleserappelalesjourssombres
desapropredépendance.Ellebaissales
yeuxverslesveinesdesonbrasetelle
lesfrotta,sesouvenantdetoutelesfois
oùelleavaitétéfolledejoied’en
trouverunesuffisammentgrossepour
uneinjection.Aujourd’hui,ellesétaient
marquéesetflétries,unrappelconstant
dumalqu’elles’étaitfaitàelle-même.
Beccatournasonattentionversses
parentsetellesurpritsabelle-mèreen
traindelaregarderelleaussi.Sapropre
mèreétaitdécédéed’uneoverdosealors
queBeccaétaitencorebébé,alors
Claireétaitlaseulemèrequ’ellen’avait
jamaisconnue.Sabelle-mèreavait
passélesdeuxannéesquivenaientde
s’écouleràessayerderéparerlefossé
entreBeccaetsonpère,maisniluini
ellen’avaitcédé.Leursregardsse
croisèrentetBeccavitdansceluide
Claireunesupplicationsilencieuse
d’obtenirsonpardon.Ilétaitvraiment
tentantdecroirequesonpèrevoulait
faireamendehonorable,fairenouveau
deleurfamilleunefamilleunie.Claire
seretournalorsquelerabbinsonnale
shofar,laissantBeccaréfléchirau
messagesansparoles.Peut-êtrequele
faitdeparleràsesparentsaprèsle
serviceseraitunebonnechose.Peut-être
qu’ensuiteilspourraientallerauparc
pourleTashlich2etsaisircetteoccasionpourmettrederrièreeuxlesdouleursdu
passéetrepartiràzéro.
L’idéegranditenelletandisquele
servicesepoursuivait,maisalors
qu’elleétaitagenouilléepourles
dernièresprières,l’écrandeson
téléphones’allumaetunSMSquichassa
toutepenséedeseréconcilieravecses
parentslejour-mêmes’afficha.
Becca,c’estEthan.J’aivraiment
besoindequelqu’unàquiparler.Tout
desuite.
Ellesortitdiscrètementsontéléphone
desonsacàmainetelleconsultale
journaldesappels.
Onze
appels
en
absence,
tous
provenantdumêmenuméro.
Merde!
Elleavaitmissontéléphoneenmode
silencieuxpendantlesprièresafindene
pasêtredérangée,maisàprésentelle
risquaitdeperdrelaconfiancefragile
qu’Ethanluiavaitdonnée.Elleluiavait
ditqu’elleseraitlàpourluis’ilavait
besoind’aide,etelleespéraitqueDieu
comprendraitsiellequittaitleservice
deRochHachanaprématurémentpour
aiderEthan.
Ellepritsonsacàmainetellese
faufilaàl’extérieurdusanctuaireen
baissantlatêtejusqu’àcequ’ellesoit
sortiedanslarue.Puiselleappela
Ethan.
«Ethan,c’estBecca.»
«Tuavaisditquerépondrais.»
Savoixétaitungrondementdans
lequelsemêlaientcolèreetpanique.
Elleessayadecombattrecedernier
enrendantsontonleplusapaisant
possible.
«Oui,etjesuisdésoléedenepas
avoir
répondu.
J’avais
mis
mon
téléphonesursilencieuxpendantque
j’étaisauTempleetjen’auraispasdû
faireça.Maisjesuislàmaintenant.»
Lalignerestasilencieuseune
trentainedesecondes,etellepriapour
qu’Ethanlapardonneassezpourluidire
cequin’allaitpas.
«J’aibesoind’aide»,dit-il,lavoix
cassée.
«Etjesuisprêteàfairetoutcequeje
peuxpourt’aider.Dis-moidequoituas
besoin.»
Uneautrepause,suiviepar:«Oh,et
puismerde,laissetomber.»
«Non,nedispasça.»
Elleerraitsurlestrottoirsfamiliers
dela75èmeruecommeunetouriste
égarée,passantd’uncôtéàl’autreet
essayantdenepassemettreàcourir.
«S’ilteplaît,dis-moijusteoùtueset
jeseraislàaussivitequejelepeux.»
Unrirenasalsarcastiqueluirépondit.
«Etàproposdetoutletrucsur
l’anonymat?»
Biensûr.Balance-moiçaquandtuas
besoindemoi.
Laseuleraisonpourlaquelleelle
avaitrefuséqu’illaraccompagnele
lundisoir,c’étaitlefaitqu’elleavait
peurdel’inviteràmonteretdegâcher
complètementleurrelationencouchant
aveclui.
«Trèsbien,onpeutseretrouverdans
unendroitpublicqu’est-cequetupenses
ducafédeGitta?»
«Désolé,maisjenecroispasquedes
pâtisseriesvontm’aider.Regardonsles
chosesenface,Becca,jesuisfoutuetil
n’yaaucunespoirpourmoi.»
«Jet’interdisdedireça,Ethan.»
Lacolèrerendaitsesmotsplusdurs,
luidonnantl’enviequ’ilsoitàcôté
d’ellepourqu’ellepuisseluifaire
rentrerdubonsensdanslatêtedeforce.
«Etjet’interdisdelepenseraussi.»
«Tunemeconnaispas,ettunesais
certainementpascequejesuisentrain
devivre.»
«N’importequoi.Jesuispasséepar
là,tuterappelles?»
Comme
il
ne
répondit
pas
immédiatement,elleserappeladu
sachetenplastiqueremplidemiettesde
painquisetrouvaitdanssapocheetelle
échafaudaunautreplan.
«Dansquellepartiedelavilletues,
là?»
«Hell’sKitchen.»
Biensûrqu’ilétaitlà-bas.C’étaitun
desquartiersmontantsdeManhattanqui
comptait
plusieurs
studios
d’enregistrementdanssesenvirons.Elle
recensadanssatêtelesendroitslelong
dufleuveoùilpourraitlarejoindre.
«OnpeutsevoirauboutdelaJetée
84?»
«Pourquoi?»
«Parcequec’estpublicetqu’on
pourradiscuter.»
Ellehélauntaxi.Iln’yavaitpastrop
decirculation,etladernièrechose
qu’ellevoulait,c’étaitperdrela
connexionavecluisielleprenaitle
métro.
«D’accord.»
Ilraccrochaàl’instantmêmeoùun
taxis’arrêtaauborddutrottoir.
Elledonnadesinstructionsau
chauffeur,sonpoulsbattantconstamment
danssesoreilles.
Jevousenprie,faitesqu’ilsoitlà.
Etjevousenprie,faitesqueje
n’arrivepastroptard.
1EastVillage:QuartierdeManhattanàNewYork2Tashlich:Cérémoniejuivepourlenouvelan
ChapitreCinq
Ethanregardaitfixementlefleuve
Hudsonàtraversseslunettesdesoleil,
ignorantlesgensquidéambulaient
autourdelui.Lapluiedelanuit
précédentes’étaitarrêtée,maisdes
nuagesgrissubsistaientdansleciel.Ils
étaientenaccordaveclamanièredontil
sesentait.
Unpeuaprèsleleverdusoleil,il
avaitréussiàdormirquelquesheures
d’unsommeilagité.Ils’étaitréveillé
enchevêtrédansdrapstrempésdesueur,
avecdumalàrespirerethantépardes
rêvessombres.L’enviededrogueétait
plusfortequejamais.Ellel’appelait
commelechantd’unesirènefaisant
disparaîtretoutepenséerationnelle.
Mêmeunesueurfroidenepouvaitpasla
réduireausilence.
Lesachetd’héroïneétaittoujours
intactsursatablebasse,essayantde
l’attireraveclapromessedetoutrendre
meilleur.Maisàchaquefoisqu’ilétait
surlepointdecéderàlatentation,il
regardaitlenomdeTysursonbras.Les
souvenirsdeladécouverteducadavre
deTyl’assaillirent,avecdeplusenplus
deforcejusqu’àcequ’ilseplieendeux
etqu’illaisseéchapperuncride
frustration.
Cefutàcetinstantqu’ils’effondra,
qu’ilfouilladanslapoubellepour
retrouverlenumérodetéléphonede
Beccaetqu’ill’appela.Ilvalaitmieux
admettrequ’ilétaitfaibleplutôtquede
finircommeTy.
Maisellenerépondaitpas,etle
mondes’effondraautourlui.
Uneheureplustard,ilsetenaitau
boutdelaJetée84,sedemandantsielle
allaitl’aideràserelever.Ilavaitamené
lesachetaveclui.Cederniersemoquait
deluidepuissapochearrièrependant
qu’ilattendait.Siellevenait,illui
demanderaitdelejeterpourneplusêtre
tenté.
Etsiellenevenaitpas...
Ilfermalesyeuxetilsedemandasile
faitdeprendreunedosesoulageraitson
sentiment
d’être
abandonné.
Cela
solutionnerait
certainement
son
incapacitéàjouerdelamusique.Et
peut-êtrequ’ils’agissaitdelameilleure
choseàfairepourlemoment.
Iltournasursestalonsetilseheurtaà
unefemme,faisanttombercettedernière
ausol.Ilneluifallutqu’uneseconde
pourreconnaîtresesyeuxbleu-vertsi
particuliers.Ils’agenouillapourl’aider
àserelever.
«Merde,Becca,jesuisdésolé.»
«Pasdesouci»,dit-elle,mêmesi
ellegrimaçaenboitillantversla
balustrade.
«Jet’aiappelé,maisjesupposeque
tunem’aspasentendue.»
«Tuesblessée?»
Ellesecoualatête.
«Çam’apprendraàcourirverstoien
talonshauts,maisjem’inquiétais
tellementpourtoi.»
Quelquechoseenluifitunvirageà
centquatre-vingtdegrés,etl’envie
insatiabledesedroguerquile
tourmentaitdepuisplusieursjoursrecula
auxconfinsdesonesprit.
Elleétaitvenue.
Ellesepréoccupaitdecequipouvait
luiarriver.
Elleétaitvenuepourl’aider,etil
n’étaitpasseul.
Etlefaitdesavoirtoutcelal’amenaà
unniveaudegratitudehumblequ’il
n’avaitjamaisconnuauparavant.
«Merci»,dit-ildoucement.
«Biensûr.»
Elletournasonattentionversle
fleuve.
«Alors,qu’est-cequis’estpassé?»
Ilsortitlesachetdesapocheetille
luimontra.
L’horreur,lapaniqueetl’incrédulité
déferlèrentsurlevisagedelajeune
femme.
«Ethan,pourquoi?»
Ladéceptiondanssavoixblessala
fiertédujeunehommedanslemauvais
sensetlemithorsdelui.
«Jen’yaipastouché.»
«Maistul’assurtoi.»
Ilremitlesachetdanssapoche.
«Jevoulaisjustequetusaches
pourquoij’avaisappelé.»
«Pourquejepuisseteregarderte
défoncerànouveau?»
«Commenttusaisquejenete
proposaispasdetejoindreàmoi?»,
répondit-ilsuruntoncinglant,ses
parolesrepliesdesarcasme.«Etavant
quetunedisesquoiquecesoitd’autre,
jenel’aipasachetée.Jen’encherchais
pas.Onmel’adonnéehiersoir.»
Elleplissalesyeux,maisilétait
incapabledediresisonressentiment
étaitdirigécontreluioucontrela
personnequiluiavaitdonnéladrogue.
«Qui?»
«Tunesauraispasquic’est.»
«Ace,c’estça?»
Ilrestabouchebée.
«Commenttusaisça?»
Elleeutunrireamer.
«Ilatoujourslesbonsplans.»
Elles’agrippaàlabalustradeetelle
sebalançasursestalons.
«IltraînetoujoursauTinLilyle
mercredi?»
S’ilavaitjamaisdoutédupasséde
toxicomanedeBecca,lefaitqu’elle
connaissaitlesendroitsdeprédilection
d’Aceconfirmaitsavéracité.
«Ouais,ilesttoujourslà-bas.Ça
m’étonnequelesflicsnel’aientjamais
attrapé,prévisiblecommeilest.»
«C’estparcequ’ilatropde
personnesimportantesdanssapoche.»
Ellelâchalabalustradeetellemarcha
tranquillementlelongdelaberge,Ethan
sursestalons.«Çan’expliquetoujours
pascequetufaisaislà-bashiersoir.»
«J’étaisalléécouterdelamusique.»
«Biensûr,etlesmecsachètent
Playboypourlirelesarticles.»
Ilseprécipitapourseplacerdevant
elle,l’empêchantd’avancerjusqu’àce
qu’ellelèvelesyeuxverslui.
«Non,vraiment,j’ysuisallépourla
musique.
Et
peut-être
pour
me
remémorerquelquesbonssouvenirs.»
Elleavançaleslèvrescommesielle
essayaitdeluidonnerunenotesurson
baromètredesmensonges.
«Retireteslunettesdesoleil»,
ordonna-t-elle.
«Pourquoi?»
«Parcequejeveuxteregarderdroit
danslesyeuxpendantquetume
réponds.»
Lorsqu’ilobtempéra,elledemanda:«
Pourquoituesallélà-bashiersoir?»
«Pourécouterdelamusique»,
répéta-t-il.
Elleserapprochajusqu’àcequeson
visagesoitàquelquescentimètresdu
sien.Sonregardperçantscrutalefond
desonâme,cherchantunsigneindiquant
qu’ilmentait,maislaseulechosequi
occupaitsespensées,c’étaitàquelpoint
lescerclesvertsautourdespupillesde
lajeunefemmeétaientbrillantscejour-
là.
Ellerecula.
«Tuvasdevoircommenceràéviter
cegenred’endroits.»
«Crois-moi...J’aicomprislaleçon.»
Ilsedéplaçasurlecôtépourqu’ils
puissentcontinueràmarcher.
«Acem’aattrapédansunmauvais
momentetilm’aditdeschosesqui
m’ontchambouléesetj’étaisauborddu
gouffre.»
«Maistun’aspasplongé.»
Ilmarquaunepauseetillaissa
l’appréciationdelajeunefemmele
pénétrer.Ilavaitperdulecomptedu
nombredefoisoùilavaitfailliouvrirle
sachet,maisilnel’avaitpasfait.Ilavait
étésuffisammentfortpourrésister.
«Ouais,jen’aipasplongé.»
Celanechangeaittoujourspaslefait
qu’ilétaitdansleflouleplustotalau
niveaudelamusique.
Beccaenroulasonbrasautourdusien
etilsreprirentleurpromenade.
«Tuasditquetuétaisdansun
mauvais
moment.
Tu
veux
bien
développer?»
«Tunecomprendraispas.»
«Essaye.»
Ilbaissalesyeuxversleursbras
entrelacés.Etétonnamment,celalui
plaisait.Ilaimaitlepoidsdubrasde
Beccacontrelesien.Ilaimaitla
manièredontleshanchesdelajeune
femmefrôlaientsacuissependantqu’ils
marchaient.Ilaimaitleseffluvesdeson
parfumqu’ilrespiraitàchaquefoisque
labriselesamenaitjusqu’àlui.Mais
plusimportantencore,ilaimaitlefait
qu’ellen’aitpaspeurd’envahirson
espacepersonneletqu’ellenecédait
pasquandilessayaitdelarepousser.Si
elleavaitétéuneautrefemme,ilaurait
continuéàlefaire.Maismarcheravec
ellebrasdessusbrasdessousle
remplissaitd’unesérénitéfugacequilui
avait
manqué
pendant
tellement
d’années.
«Jesuismusicien.»
«Jesais»,répondit-ellecommes’il
avaitditquelquechosedecommun,
commeprofesseur.
Maisest-cequ’elleconnaissaitson
identité?Etest-cequecelaimportait
vraimentenfindecompte?
Aprèsuninstantd’hésitation,il
décidadenepasmentionnerlefaitqu’il
étaitcélèbre.Aprèstout,elleétaitelle-
mêmecélèbre-outristementcélèbre.
«Jesuisincapabledejouerdepuisla
mortdemonmeilleurami.»
«Incapabledejouerdanslesensoù
tuasl’impressiond’avoiroublié
commentjouerdelaguitare?»
«Non.»
Mêmesicen’étaitpastrèsloindela
véritéétantdonnélamaladresseavec
laquellesesdoigtsformaientdes
accordscesdernierstemps.Illibérason
brasetilsetournadenouveauversla
balustrade.
«J’airencontrémonmeilleurami
pendantuncampdemusiquequand
j’avaisdouzeans.Ilavaitunandeplus
quemoietilincarnaitexactementceque
jevoulaisêtre.Amusant.Extraverti.Un
putaindetalent.Cemecpouvaittoucher
uneguitareetcomposerinstantanément
untrucmagique.Alorsnaturellementje
mesuismisàl’admireretonest
rapidementdevenuslesmeilleursamis
dumonde.»
Sonregardétaitfixésurl’eautrouble
dufleuveHudsontandisqu’ilse
remémoraittouslesbonsmomentsqu’ils
avaientvécusquandilsétaientenfants.
«Unechoseenentraînantuneautre,
quandilaproposédemonterungroupe
avecdeuxautresmecsduquartier,j’ai
accepté.Àl’époqueoùonapasséle
bac,onjouaitdéjàsurlascènelocaleet
onadécidédepartir.LeTinLilyest
l’endroitquej’aitoujoursassociéaufait
depercer.Aprèsavoirjouélà-bas,on
estdevenusplusqu’unsimplegroupede
gaminsquijouaitdansungarage.On
étaitimportants.»
«Etc’estdeçadonttuparlaisà
proposdufaitdeteremémorerdebons
souvenirs?»
Ilhochalatête,maislasensationde
brûluredanssonbrasgaucheluirappela
quecessouvenirsétaientdésormais
souillés.
«Maisilyavaituncôtésombredans
notresuccès.Çan’apascommencé
commeça,tuvois?Onétaitjustedeux
adosquiallumaientunjointaprèsles
répets.Onn’étaitpasdéfoncéstoutle
temps,maisc’estquandonl’étaitqu’on
aécritleschansonsquinousontrendu
célèbres.Etplusonledevenait,plusla
pressiondevenaitfortepourqu’on
écrivecegenredechansons.C’estlui
quiacommencéàprendredesdrogues
dures.DeuxPercocet1par-ci,unraildecokepar-là.Etcommeunabruti,
j’essayaistoutcequ’ilmeproposait.Le
soiroùonajouéauTinLily,c’étaitle
premiersoiroùjemesuisshooté.»
Ils’attendaitàcequ’elleluimetteune
claquederrièrelatêtecommesamèrele
faisaitlorsqu’ilavouaitavoirfait
quelquechosedestupide,maiselleresta
immobileàcôtédelui,adoptantla
mêmepositionqueluitandisqu’elle
regardaitlefleuve.
«Alorstuastoujoursassociéla
défonceàlacélébrationdecettesoirée.
»
«Ouais.Maisplustardcesoir-là,on
aécritlameilleurechansonqu’onn’ait
jamaisécrite.Puisunechoseen
entraînantuneautre,etavantmêmeque
jecomprennecequisepassait,jeme
suisrenducomptequejenepouvaispas
composersansm’êtredéfoncéavant.»
«L’héroïneestdevenuetamuse»,
dit-elled’untondétachéetilsentitune
vaguedesoulagementleparcourir.
Ellelecomprenaitmieuxqu’ilne
l’avaitpensé.
«Ouais.Maisquandelleestdevenue
mamuse,ellem’avolélesplaisirs
simplesliésaufaitdejouerdela
musique.Maintenant,àchaquefoisque
jeprendsuneguitareouquejem’assois
devantunpiano,l’envied’enprendre
meconsume.»
«Etjesupposequetedemanderdene
plusêtremusicienesthorsdequestion.
»
Ilessayades’imaginerpasserlereste
desavieàfairequelquechosede
différent,maiscelapriveraitsonâmede
toutejoie.
«Non,j’aimetroplamusiquepour
arrêterdejouer.»
«Alorstuastaréponse.»
«Peut-être,maisçanechange
toujourspaslefaitquejen’aipasréussi
àjouerdepuisqu’ilestmort.»
«Pourquoi?»
Sonestomacsesoulevaetsespaumes
devinrentmoites.Elles’aventuraitsur
unterrainsensibleetellesoulevaitdes
questionsqu’iln’étaitpasencoreprêtà
affronter.
«Jet’aidéjàditpourquoi.»
Elleprenaitsonembarrasetellelelui
lançaitàlafigure.L’oreilleattentive
silencieusedel’autresoiravaitdisparu.
Àsaplacesetenaitunmiroirreflétantla
véritédureetfroide.
«Non,tum’asditquetuétaiscapable
d’écrirelamusiquequit’avaitamenée
auTinLilysanstoucheràdel’héroïneet
quetuavaisétéunidiotd’avoiressayé
toutcequ’ilteproposait.»
«Çanechangetoujourspaslefait
qu’iln’estpluslà.»
«Iln’estpluslàparcequec’étaitun
connardégoïstequinepensaitqu’àlui.
»
Sonaccusationtouchaunpoint
sensiblechezluietilplantasesongles
danssespaumes.Combiendefois
s’était-ilditexactementlamêmechose
aucoursdumoisquivenaitdes’écouler
?Etpourtant,ilsesentitobligéde
défendreTy.
«Neparlepasdemonmeilleurami
commeça.»
«Tuparlesd’unmeilleurami.Laisse-
moideviner,c’étaitluiquit’adonnétes
ailes?»
Souslacolère,sacolonneseraidit.
«Ferme-la,Bec.»
Maisellenecédapas.Mêmesielle
nel’avaittouché,elleluiôtaittoutesses
défenses.
«Est-cequetuaseumalaucœur
quandilaplantél’aiguilledanstaveine
?Est-cequetuaspleurécommeunbébé
àcausedelamontéed’adrénaline?»
Lavoixd’Ethansetransformaen
grondement.
«Chut.Ferme-la.»
«Pourquoituasfaitça,Ethan?Tu
voulais
tellement
obtenir
son
approbationquetuasacceptédefaire
toutcequ’iltesuggérait?Jepariequ’il
étaitmortderirequandtuétaistellement
défoncéquetunepouvaismêmepaste
leverpourallerpisser.»
Chaquequestionfaisaitmontersa
colèred’uncran,pasparcequ’elleavait
tort,maisaucontraireparcequ’elle
avaitraison.Sonpoulsbattaitdansses
tempesavecuneragebouillonnantequi
explosalorsqu’ilcria:«Putain,jet’ai
ditdelafermer.»
Aumomentoùilvitquelesgens
autourd’euxcommençaientàlefixer,le
sangquittasatête,laissantderrièrelui
unfrissondepeur.MonDieu,ilétaiten
traindecraquer.Iltitubaenfaisant
quelquespasenarrièreavantdese
retourneretdesedirigerdenouveau
verslaville.
«Ethan,attends!»
Lecliquetisdestalonshautsde
Rebeccasurlepavéluiindiquaqu’elle
étaitentraindelesuivre,maisil
refusaitdeseretourner.
«Jesuisdésolée.»
Ils’arrêtaetilfitvolte-face,pointant
sondoigtverselle.
«Tuasduculot.»
«Pourquoi?Parcequetuastropla
trouilled’entendrelavérité?»
Ilcommençadenouveauàentendre
sonpoulsbattredanssatête,cettefoisà
causedelatempêted’émotionsqui
faisaitrageenlui.Ilserrasestempes
entresesmains,souhaitantquela
sensations’arrête,maislechaosdevint
encoreplusfort.Lessouvenirsse
mélangèrentavecl’enviededrogueet
brouillèrentsavisiondelaréalité
jusqu’àquecequ’ilaitl’impressionde
tomberdansunabyssesansfond.
«Asseyons-nous»,ditunevoixcalme
couvrantlebruitquigrondaitdanssa
tête,suivieparuncontactphysiquedoux
etléger.
Sespiedstrébuchèrentversla
directionverslaquelleelleleguidait,et
ilnerésistapaslorsqu’elleleguidavers
undesbancssituésàproximité.Lemétal
fraisl’apaisacommedelaglacesurun
bleu,maisc’étaitlapetitemainqui
tenaitlasiennequiluiapportaenfinun
semblantdepaix.Lemonderedevint
plusclair.
Becca
s’accroupit
devant
lui,
l’inquiétude
faisant
baisser
les
commissuresdeseslèvres.
«Est-cequejet’aipoussétroploin?
»
«Oui»,dit-il,lavoixencorerauque
aprèstoutcequ’elleavaitdéterré.
«Jel’aijustefaitpouraider.Je
devaisfairequelquechosepoureffacer
lecôtérosebonbonquetuassociaisàla
défonce.Jedevaistefairevoirlecôté
obscurqu’ilyaaussidanstoutça.Tant
quetuneregarderaspaslavéritéen
face,tunepourrasjamaisavancer.»
Ilfixalamaindelajeunefemmedans
lasienneensedemandantcommentelle
pouvaitletoucheraprèsavoirappris
tantdechosessurlui.Etpourtant,ce
petitgestereprésentaitunebouéede
sauvetagequil’empêchaitdeselaisser
submergerparsaculpabilitéetsa
colère.
Ilrepensaauxcinqannéesqui
venaientdes’écouler,prenantchaque
tournantquiavaitmarquésaviepoury
réfléchirenprenantdeladistance.Et
lorsqu’ilarrivaauboutdesonexamen,
ildit:«J’auraisaiméavoirlescouilles
deluidirenon.»
Ellefitcourirsonpoucesurlehautde
lamaindujeunehomme,redevenantde
nouveau
l’oreille
attentive
et
silencieuse.
Ilremontasamanchepourluimonter
lenomdeTytatouésursonbras.
«Jeregrettedenerienavoirditplus
tôt.Enyrepensant,ilyaeutellementde
foisoùj’aivuqueçadevenaitdu
n’importequoi...Etsijen’avaispaseu
tellementlatrouilledegâchernotre
amitiéetderuinerlegroupeenouvrant
magueule...»
Ilclignadesyeuxpourempêcherses
larmesdecouler.Elleavaitréussià
l’atteindreauplusprofonddesonêtre,
maisiln’étaitpasprêtàpleurerdevant
touteslespersonnesprésentessurla
jetée.Lasensationdevidequ’il
ressentaitenluirongeaitsapoitrine.
«C’estjustequ’ilyatellementde
choses
que
j’aurais
aimé
faire
différemment.»
Ellehochalatêteetellepritsajoue
danssonautremain.
Cettefois,ils’autorisaàsavourerle
réconfortqu’elleluioffrait.Ilsepencha
versl’avantjusqu’àcequeleursfronts
setouchent.Inspirantetexpirant,ilcala
lerythmedesarespirationsurcellede
lajeunefemme.Auboutd’uneminute,
sonpoulsétaitrevenuàlanormale,etla
tensiondanssesmusclesavaitdisparu.
«Merci,Bec.»
«Jen’enaipasfiniencore.»
Sonventresenouaetileutun
mouvementderecul.Elleavaitdéjà
réussiàl’envoyerdanssonenferprivé
etàl’enfairerevenir.Qu’est-cequ’elle
avaitencoreenréserve?
Elleseredressa,sansdesserrerson
étreinteautourdesamain.
«Viensavecmoi.»
Ellel’emmenaversl’extrémitédela
jetée,sansjamaislelâcher.Lorsqu’ils
atteignirentlarambarde,ellesortitdela
pochedesonmanteauunsacen
plastiqueremplidemiettesdepain.
«Tiens,prends-enunpeu.»
L’appréhensionqueressentaitEthan
cédalaplaceàunsentimentde
confusion.
«Onvanourrirlespigeonsouuntruc
danslegenre?»
«Non,onvafairenotreproprepetit
tashlikh.»
Elleversadesmiettesdanslapaume
dujeunehommeavantd’enprendreune
pleinepoignéepourelle.
«C’estunetraditionpourRoch
Hachana.Touslesansaprèsleservice
dumatin,onvaàunerivièreetonlance
cesmiettessurl’eau.»
Ellejoignitlegesteàlaparoleen
lançantunepincéedemiettes.
«Audébutdelanouvelleannée,on
sedébarrassedetousnospéchésde
l’annéeprécédente.Cesmiettessont
censéesreprésentertoutesnosfautes,
nosdéfaillances,noserreurs.Etunepar
une,onsedébarrassed’elles,dece
fardeau,toutendemandantlepardon
afindepouvoirrepartirdezéroet
devenirdemeilleurespersonnes.»
Ellevidasapaumeavantdese
tournerverslui.
«
Maintenant
c’est
ton
tour.
Débarrasse-toidelacolère,dela
culpabilitéetdesregretspourpouvoir
allerdel’avant.»
Audébut,ileutenviederireetdelui
direquelancerdesmiettesdepaindans
l’Hudsonneleguériraitpasduvide
qu’ilressentaitenlui,maisàchaque
poignéejetée,c’étaitcommesison
espritdevenaitplusléger.Ilnepouvait
paschangerlepassé.Ilnepouvaitpas
corrigerseserreurs.Etilnepouvaitpas
ramenerTy.
Maisilpouvaitavanceretallerde
l’avant.
Sapaumeétaitvideavantmêmequ’il
nes’enaperçoive.
«Ilt’enreste?»
«Absolument.»
Elleluitenditlesac.
«Bien,parcequej’aibeaucoupde
merdesdontjeveuxmedébarrasser.»
Ilrenversalesacetillesecoua
jusqu’àcequeladernièremiettetombe
dansl’eau.Puisilregardatoutesles
miettess’éloigneraveclecouranttouten
tenantlamaindeRebecca.
«Tutesensmieux?»,demanda-t-
elle.
Ilsefrottalapoitrine,constatantque
levidequ’ilressentaitdanscette
dernièresemblaitpluspetitqu’avant.
«Ouais.»
«Bien.»
Elles’éloignadelarambarde.
«Prêtàpartir?»
Ilhochalatête,maisilrestaitencore
unechosequ’ildevaitfaire.Ilmitsa
maindanssapochearrièreetilsortitle
sachetd’héroïnequ’Aceluiavaitdonné
laveilleausoir.
«Jen’aiplusbesoindeça.»
Illelançadansl’Hudson.Labrise
l’emportaetluifitdécrirequelques
cerclesavantqu’ilnefrappel’eauet
qu’ilnefinisseparcoulersousles
vagues.
«Sionentenddirequ’ungrand
nombredepoissonssesontéchouéssur
lerivage,onsauraquiestresponsable»,
taquina-t-elle,maisl’admirationdans
sesyeuxremplaçalevidequ’ilcachait
aufonddeluiparunelueurchaude.
Ilvoulaitqu’elleleregardetoujours
decettemanière.Ilvoulaitêtreun
hommedontellepouvaitêtrefière.
Ellepritdenouveausamaincomme
s’ilsétaientenpleinmilieud’unrendez-
vousgalantetnond’uneinterventionà
unmomentdecrise.
«Alors,tuasdesprojetspourcesoir
?»
«Non,pasvraiment.»
«Tuveuxveniràlamaison?»
Lesangaffluaverssaqueueen
réponseàl’invitationdelajeunefemme,
maissondésirfutrapidementtempéré
lorsqu’ellepoursuivit:«Macolocet
moiontfaitunesoiréepourRoch
Hachanaavecdesamis.»
Bienquelaperspectivesemblait
tentante,quelquechoseenluihésitait.
Elleétaitprêteàanéantirlebouclierde
l’anonymatenlefaisantentrerdanssa
viepersonnelle,etcelaouvraitlaporte
àtoustypesdepossibilités,bonneset
mauvaises.
«Jenesuispasjuif.»
«Onferaabstractiondeça.»
«Écoute,Bec,j’appréciel’invitation,
mais...»
Elles’arrêtaetellesetournaverslui.
«Maisquoi?»
L’indécisionparalysaitlalangue
d’Ethan.Ilappréciaitlacompagniede
Becca.Probablementplusqu’ilne
l’auraitdû,surtoutsachantqueles
relations
personnelles
étaient
déconseilléesaussitôtdansleprocessus
de
guérison.
Et
l’attirance
était
indéniable.Maiss’ilallaittroploin,s’il
sefaisaittropd’idées,ilrisquaitde
perdrelesoutienqu’elleluiapportait.Et
ilnevoulaitmêmepaspenseràcequi
sepasseraitsiundesinvitésle
reconnaissait.
Ilsefrottal’arrièredelatête.
«Je...»
«Cesontjustemesamis,Ethan.On
vadanser,joueràdesjeux,mangeret
passerunbonmoment.Pasdepression.
»
Ellebaissalavoixavantd’ajouter:«
Etnet’inquiètepas.Ilsrespectentmon
intimité,ilsrespecterontlatienne.»
Unfrissondeméfianceparcourutla
colonnedujeunehomme.Cen’étaitpas
lapremièrefoisqu’ellelaissaitentendre
qu’ellesavaitquiilétait.
«Alorsjen’aipasàm’inquiéterde
finiràlatélé?»
Ellesouritetellesecoualatête.
«Non,biensûr.Pourcequisepasse
unefoisquetusorsdechezmoi,c’est
uneautrehistoire,maismesamissont
cools.»
Ilavaitpresqueenviederiretantcela
semblaitnormal.Iln’arrivaitpasàse
rappelerdeladernièrefoisoùilavait
passédutempsavecdesgensnormaux
desonâge.
«Peut-êtrejusteuneheureoudeux.»
«Génial!»
Elleenroulasonbrasautourdusien,
secollantdenouveaucontrelui.
«Tuasamenétamoto?»
«Oui.»
«Ilyaunechancepourquetume
laisseslaconduire?»
Iléclatad’unrirehonnêteetsincère.
«Nope.»
«C’estbiencequejepensais.»
Ellepoussaunsoupirthéâtral.
«Jesupposequejevaisencore
devoirfairelapassagère.»
Ilaimaitl’idéequ’ellemontederrière
luisursamoto.Peut-êtrequ’ilferait
mêmequelquesaccélérationsdansles
viragespourqu’elleaitlesoufflecoupé
etqu’elles’accrocheencoreplusfortà
lui.Lorsqu’ilsarrivèrentàsamoto,il
luitenditsondeuxièmecasque.
«Onvaoù?»
«Parket75ème.»
«Quartierchicos.»
Ilenfilasesgantsetildémarrale
moteur.
«Biensûr.Familleaiséeettoutle
tralala.»
Ellemontaderrièreluietsarobese
levapourdévoilersescuisses.
Le
pantalon
d’Ethan
devint
inconfortable,bientropserré.Peut-être
qu’iln’iraitpassivitequeceladansles
viragess’ilvoulaitêtrecapablede
marchersansuneérectionclairement
visibleunefoisqu’ilsseraientarrivésà
destination.
Alorsqu’ilétaitsurlepoint
d’attachersonproprecasque,elletapota
sonépaule.
«Oh,aufait,ondoits’arrêterpour
acheterdelahallah2.»
«Oui,m’dame.»
Pendantqu’ilsroulaientàtraversles
rues,ilsemitàréfléchiràtoutesles
nouvellesémotionsqu’ilétaitentrainde
découvrir.
La
confiance.
Le
soulagement.Ledésir.L’espoir.C’était
tellementdifférentdecequ’iléprouvait
lorsqu’ilétaitarrivéàlajetéeuneheure
plustôt.EtildevaittoutcelaàBecca.
Maistandisqu’ilsserapprochaientde
l’appartementdecettedernière,un
nouvelobjectifremplaçaceluiqui
consistaitsimplementàresterclean.Il
étaitentraindeprendreuntoutnouveau
départ,ets’ilavaitdelachance,peut-
êtrequ’ellecommenceraitàlevoir
commeautrechosequ’untoxicomaneen
voiedeguérisonquiavaitbesoindeson
aide.
Peut-êtrequ’ellecommenceraitàle
voircommeunhommequiméritaitson
attention.
1Percocet:Analgésiquenarcotique2Hallah:Paintraditionneljuifenformedetresse
ChapitreSix
Beccadescenditdelamotod’Ethanet
frissonna.Sesjambesnuesétaient
froidesetengourdiesàcausedutrajeten
moto,maisl’excitationliéeaufaitde
serrerEthandanssesbraspendantqu’il
slalomaitpoursefrayeruncheminà
travers
les
voitures
compensait
largement.
«C’étaitgénial!»
Iléteignitlemoteuravantderetirer
soncasque.
«SituaimestellementmaDucati,
pourquoitun’enachètespasune?»
«Hum,cen’estpasaussisimple.»
Ellenevoulaitpasexpliquerqu’elle
avaitcoupélesliensavecsesparentset
qu’ilsluiavaientcoupélesvivres.Bien
sûr,elleavaitunfondsfiduciaire,mais
ellenepouvaitpasyaccéderavantses
vingt-cinqansàcausedesonpasséde
toxicomane.Celasignifiaitquetout
achatfuturd’uneDucatidevraitencore
attendredeuxans.
«Danstouslescas,jeserairavide
t’emmenerfaireuntourquandtu
voudras.»
Unesensationdechaleurmontadu
coudelajeunefemmejusqu’àsesjoues.
Aprèstouslestrucshorriblesauxquels
ellel’avaitsoumis,ilétaitencore
généreuxenverselle.Elleavaitprisdes
risquesenchangeantdetactiqueavec
lui,
en
transformant
sa
séance
d’apitoiementsurlui-mêmeenune
sessionoùelleavaitmontrédudoigtdes
chosesdouloureusesmaiscruciales.Il
auraitpul’envoyersurlesroseset
partir.Maisaumomentoùilluiavait
montrélesachetd’héroïne,elleavaitsu
quedesmesuresdrastiquesétaient
nécessaires.
Elle
fit
une
petite
prière
de
remerciement,reconnaissantepourle
faitquesonchoixsesoitrévéléefficace.
Etlechangementétaitspectaculaire,
mêmeaprèsaussipeudetemps.Les
yeuxgrisd’Ethanbrillaientdenouveau,
etilétaitplusenclinàsourirequ’à
prendreunairrenfrogné.Enfait,ilétait
sexy,purementetsimplement.
Redescends,Becca.Tul’asjusteaidé
àreveniralorsqu’ilétaitauborddela
catastrophe.Attendsqu’ilsoitstable
avantdetenterquoiquecesoit.
Ellesortitlebeignetqu’elleavait
achetéàlaboulangeriedesonsacetelle
ledonnaauconciergedel’immeuble.
«ShanaTorah,Stan.»
«Moiaussijevoussouhaiteune
bonneannée,MadameBecca.»
Ilouvritetiltintlaportepourlaisser
entrerlajeunefemmeetEthan.
«MmeAriellaadéjàaccueilli
quelquesinvités.»
«Cequiveutdirequejesuisunpeu
enretard.»
Elleappuyasurleboutonde
l’ascenseurportantuneflècheversle
haut.
«Onvasûrementmetraînerdansla
cuisinedèsqu’onarriveralà-haut.»
L’expression
d’Ethan
demeurait
impassible,
mais
ses
épaules
se
raidirent.
«Est-cequejepeuxfairequelque
chosepouraider?»
«Peut-êtrequeoui.Maissituasjuste
enviedepasserdutempsaveclesgens,
tupeuxaussi.»
Unéclairdegênepassadansses
yeux,justeavantquelesportesde
l’ascenseurnes’ouvrent.
Ilsentrèrentetellelevalesyeuxvers
lui.
«Situnetesenspasprêtpourça...»
«Non,jeveuxlefaire.»
Illuifitunsourireencoin.
«Correction:Jedoislefaire.Jeme
cachebeaucouptropdansmacoquille
cesdernierstemps.»
Elleserradoucementsamain.
«Mesamissontsympas.Tuvasvoir.
»
Maisunepetitepartied’elleespérait
qu’aucundesinvitésnedécouvrirait
l’identitéd’Ethanetn’enferaittouteune
histoire.Aprèstout,ilslafréquentaient
elle,ainsiquelefrèred’Ari,Gabe,qui
étaitunecélébritéàpartentière.Lefait
d’amenerunestardurockdansle
groupenedevraitpasprovoquerun
tollé.
Lesodeursalléchantesdupoulet
glacéàlagrenadeetdelapoitrinebœuf
cuiteaubarbecueavecdesmûres
l’accueillirentaumomentoùelleouvrit
laporte.AaronetLeviavaientdéjà
branchélaXboxetilsétaienttellement
concentrésdansleurjeudetiràla
premièrepersonnequ’ilsneprirent
mêmepaslapeinedeseretourner.
Cependant,Ari,quantàelle,sortitdela
cuisineets’arrêtanetenvoyantEthan.
«C’estqui?»
«Ethan.»
Touteexplicationsupplémentaireétait
superflue.
Ariserrasamâchoireetelle
empoignalebrasdeBeccapour
l’entraînerdanslacuisine.
«C’estlejunkiedonttum’asparlé?
»,chuchota-t-elle.
«Ilestclean,Ari,etjenevoulaispas
qu’ilrestetoutseulcesoir.»
«Maiscen’estpasundesnôtres?»
«Et?»
Ellelançaunregardverslesalon.
AaronetLeviavaientmisleurjeusur
pausesuffisammentlongtempspour
commenceràdiscuteravecEthan,ils
montraientsoncasquedudoigt,lui
posantprobablementdesquestionsà
proposdesamoto.Quelqueséchanges
plustard,Ethanavaitretirésavesteet
retroussélesmanchesdesonmaillot
thermiquegrisetsepréparaitàrejoindre
leurpartie.
«Ilal’airdebiens’intégreravecles
mecs.»
«C’estparcequ’ilsnesaventpasqui
ilest.»
Beccaprituneprofondeinspiration
pourseretenirderévélerlavéritable
identitéd’EthanàAri.Celaauraitété
différentsiEthanluiavaitrévéléson
identitéàelle,maisilnel’avaitpasfait.
Ettantqueceneseraitpaslecas,elle
respecteraitsavieprivée.
«Jepeuxmeportergarantepourlui,
Ari.C’estunmecbien.»
Lesyeuxmarronsdesacolocataire
s’obscurcirent.
«D’accord,maiss’ilnousvolequoi
quecesoitpouracheterdeladrogue,je
t’entiendraipourresponsable.»
Quelqu’unsonnaàlaporteetArialla
ouvrir.
Beccaappuyasonfrontcontrel’acier
inoxydablefroidduréfrigérateur.Elle
n’avaitpaspenséqu’Aripouvaitêtre
aussisnob.Aumoins,AaronetLevi
avaientl’airouvertsàl’idéedelaisser
Ethansejoindreàleurfête.
Entendantdesvoixféminines,Becca
lançadenouveauunregarddansle
salon.MorganetNathalieétaient
arrivées.Gabeavaittoujourssurnommé
legroupequeformaientAri,Natet
MorganlaBrigadedesBarbiesbimbo
surletondelaplaisanterie,maisla
description
concordait
parfaitement.
Ellesétaienttouteslestroisélancées,
blondesetélégantesavecleteinthâlé,
maisellesétaientparfoissuperficielles.
SonestomacsenoualorsqueNathaliese
dirigeaversEthanetcommençaàle
draguer.
Biensûrqu’elleallaitlefaire.Ilétait
mignon.Etcharmant.Etildégageaitune
espècedecharismesexy.Quellefemme
nesentiraitpasattiréeparlui?
Maisilsecontentadesourireetde
faireunmouvementdetêteendirection
deBecca.Lesourireséducteurde
Nathaliesetransformaenmoue,tandis
queceluideBeccadevenaitpluslarge.
Ilvenaitjustedefaireclairement
comprendrequ’ilétaitavecelle,etson
cœursemitàbattrelachamade.
Elleouvritleréfrigérateuretelleprit
leplateaucouvertdetranchesde
pommesqu’elleavaitpréparétrèstôtce
matin-là.Elleposaunpetitboldemiel
aucentreavantdel’amenerdansle
salon.
«Quiestprêtpourlepremierplat?»
Lesgarçonsmirentleurjeusurpause,
ettoutlemondeseréunitautourd’elle
pourprendreunetranchedepommeetla
tremperdanslemiel.Ethanfutledernier
àseservir.Ilobservalesautresavantde
suivreleurexemple.
«C’estbon»,dit-ilaprèslapremière
bouchée.Jemesuistoujoursdemandé
pourquoivousservezdespommesetdu
miel.»
Morganrecula,plissantsonnez
parfait.
«Tuesungoy?»
«Hum,peut-êtrebien.»
IlsetournaversBeccapourobtenir
del’aide.
«Iln’estpasjuif»,dit-elleaux
autres,«maisilestcoolquandmême.»
«Hey,personnen’estparfait»,
réponditLevientredeuxgrosses
bouchéesdetranchesdepommes.«
Enfin,saufmoi.»
Legroupesemitàglousser,etAaron
mitunepetitetapeamicaleàLevi.Le
narcissismedeLeviétaitunobjetde
plaisanterieshabituelentreeux,mais
celadétournal’attentiond’Ethan.Ils
brisèrentlecercle,etellerestaseule
aveclui.
Ils’approchad’elle,letondesavoix
devenantgraveetgraveleux,exsudantle
sexe.
«Alorsjesuiscool,hein?»
«Oui,mêmesituasdumielsurle
menton.»
Elleessuyalemielavecsondoigt.
Ilpritsamainetilrapprochales
doigtsdelajeunefemmedesespropres
lèvres,puisilsuçalemield’une
manièrelenteetsensuellequifit
mouillerlazonesituéeentrelesjambes
deBecca.
«Douxetsucré.»
S’ilcontinuaitdeluiparlerainsi,elle
allaitl’entraînerdanssonlitavantque
ledeuxièmeplatnesoitservi.
Tienslecoup,Becca.Concentre-toi
surautrechosequelefaitqu’ilt’excite
àmort.
«C’estexactementl’idéederrièrele
dînerdeRochHachana.Unenouvelle
annéequiseradouce.»
«Çameva.»
Ilcontinuaàlaregarderfixement
commes’ilvoulaitenleverdumielsur
d’autrespartiesducorpsdelajeune
femmejusqu’àcequ’Aaronl’appelle
pourreprendreleurpartie.
Beccaallaseréfugierdanslacuisine,
lemoindrecentimètredesapeaurouge
d’excitation.Sielleavaitdesdoutessur
lefaitd’allerplusloin,Ethanvenait
justedelesbalayer.Maiselledevait
faireévoluerleschosespetitàpetit,
sinonellerisquaitdetoutvoirlui
exploseràlafigure.
Prendstontemps,Becca.Tun’aspas
enviequ’uncoupvitefaitmetteen
dangerlaconfiancequetuas
construitejusque-là.
Maisunechoseétaitcertaine.Ethan
Kellysavaitcomments’yprendreavec
elle,danstouslessensduterme.
ChapitreSept
Ethanavaitbeauessayerdese
concentrersurlejeuauqueliljouait
avecLevietAaron,legoûtsucrédu
doigtdeBeccadanssabouche
continuaitdeletourmenter.L’enviequ’il
ressentaitàprésentétaituneenvieà
laquelleilpourraitfacilementdevenir
dépendant.Ilsedisaitqu’iladorerait
découvrirlasaveurd’autrespartiesde
soncorps,encommençantparses
lèvres.Etensuite,s’iltrouvaitle
couragedelefaire,ilpourraitl’inviter
chezluipourleplatderésistance.
Maisaumomentoùill’imaginadans
sonlit,sesmainsdevinrentmoites.Il
n’arrivaitpasàsesouvenirdela
dernièrefoisoùilavaitfaitl’amourà
unefemmesansêtresousl’emprisedela
drogue.Bonsang,ilavaitperdusa
virginitélorsd’unefêteoùilavaitbuet
prisdeladrogue.Lesannéespassées
surlarouteneluiavaientpaslaissé
beaucoupdetempspourunerelation
durable,etlesaventuresd’unsoir
étaientdevenueslanormepourlui.
Aprèsquelquesbièresouunshotrapide
d’héroïne,ilnepensaitplusaufaitqu’il
n’avaitpasunepersonnespécialeauprès
delaquellerentrer.Ilavaituncorps
chaudpourlanuit,etc’étaittoutcequi
comptait.
Jusqu’ici.
Ilavaitvingt-neufans.Iln’étaitpas
encoreprêtàs’installeravecquelqu’un,
maisilétaitvraimentprêtàessayer
d’avoirunerelationsérieuse.EtBecca
étaitunefillequivalaitlapeinede
prendrecerisque.
Àprésent,ilfallaitsurmonterles
problèmesliésàl’angoissedenepas
êtreàlahauteur.
Unedesblondes,Nathalies’ilnese
trompaitpas,luitenditunebouteillede
cidrebrut.Illaposasurlecôté,sansla
toucher,etilcontinuadejouerjusqu’à
cequelaported’entrées’ouvreetqu’un
jeunehommehurle:«ShanaTorah,
bandedesalopes!»
LevietAaronjetèrentleursmanettes
pouralleraccueillirlesnouveaux
arrivants.Quatregarçonsettroisfilles
deplusentrèrentdansl’appartement,et
l’ambiancepassadecelled’unepetite
soiréeentreamisàcelled’unevraiefête
déchaînée.Lesvoixremplirentlapièce,
luttantpourcouvrirlamusiquetoujours
plusfortequisortaitdesenceintes
surroundencastrées.Lacolocatairede
Beccafitletourdelapièceavecun
plateauremplisd’appletinis1,etBeccasortitdelacuisineavecunplatcouvert
demorceauxdepouletfumants.
«C’estlemomentdudeuxièmeplat»,
annonça-t-elleàtoutel’assemblée.«
Pouletàlagrenade.»
Lesodeursalléchantesetsucréesqui
remplirentl’appartementfirentsaliver
Ethan.Ilfitlaqueuederrièrelesautres
pouravoirunmorceaudepouletrôti
recouvertd’unesaucerougeaciduléet
demorceauxdegrandefraîche.
«C’esttoiquil’afait?»,demanda-t-
il.
Beccaacquiesça.
«C’estfoucequ’onpeutfaireavec
unerôtissoireélectrique.»
Ilpritunebouchée.Legoûtétait
encoremeilleurquelesodeurs.
«C’estuneautretradition?»
«Oui.Lagrenadesymboliseune
nouvelleannéepleinedebonnesactions.
»
Ellelançaunregardverssesinvités
quiétaientoccupésàbavarderetàboire
avecleursamis.
«Mêmesij’espéraisqu’onpuisse
faireleKaddish2avantqu’ilsnesoientplusenétat.»
«C’estnotrefête,pascelledenos
parents»,ditsacolocataireenprenant
unautremorceaudepoulet.«Onn’est
pasobligédefairetouslestrucs
traditionnelsbarbants.Sic’étaitceque
tuvoulais,alorstuauraisdûallerdîner
avectafamille.»
Beccaclignadesyeuxettournales
talons,maispasavantqu’ilnesurprenne
uneexpressiondechagrinfugacesurson
visage.Quelquechosedanslesparoles
desacolocatairel’avaitblessée,etilse
surpritàessayerdelaréconforteravant
depouvoirs’enempêcher.
«Çava?»,demanda-t-il.
«Ouais.»Elleluiadressaunsourire
peuconvaincant.«Ettoi?»
Ilfitletourdelapièceduregard,
puisilhochalatête.
«Ouais,enfaitçava.»
«Bien.»
LesouriredeBeccadevintplus
chaleureuxetelleluitenditunebouteille
d’eau.
«Jedoisretournerdanslacuisine
pourcommencerleprochainplat.»
«Jeserailà.»
Uninstantplustard,LevitraînaEthan
pourquecelui-cirejoignelegroupe,
puisilleprésentaauxnouveaux
arrivants.Ethanrestaitenrecul,écoutant
etneparlantquelorsqu’onluiposaitune
question.Ilsirotaitsabouteilled’eauau
lieudeboiredegrandesgorgéesde
cidrebrutcommelesautresgarçons.Et
mêmesisanatureintérieuresolitaire
étaitréticenteàl’idéed’unefêteremplie
d’étrangers,ilavaitcommencéàbien
aimerlesamisdeBeccaaussivitequ’il
s’étaitmisàl’apprécierelle.
Quelqu’unfrappaàlaporte,etmême
sicesonétaitàpeineaudibleàcausedu
bruitambiant,Beccaallarépondre.Un
hommeportantdeuxguitares-uneen
bandoulièresursondosetl’autredans
samain-sejoignitàlafêteetpritla
jeunefemmedanssesbras.
Ethanfutsurprisparlasensationde
brûlurequelajalousiedéclenchadans
sonventre.Etsic’étaitsonpetitami?
Ets’ilétaitentraindetomberamoureux
d’unefillequiétaitdéjàavecquelqu’un
?Est-cequec’étaitcequiexpliquait
pourquoiBeccas’étaitcachéedansla
cuisinependanttoutelasoirée?Il
traversalapièceafind’enapprendre
davantageàproposdel’invitéarrivéle
dernier.
L’hommeétaitentraind’enleverla
guitarequ’ilportaitenbandoulière
lorsqu’Ethanarrivaàsahauteur.
«C’estqui,Becca?»,demandale
nouveauvenuenregardantEthanavec
plusdecuriositéqued’espritde
compétition.
«C’estmonami,Ethan.»
Ami.Lemotl’atteignitavecplusde
violencequ’unegifleenpleinvisage.Il
auraitdûêtrereconnaissantqu’ellele
considèrecommeunami,maisàprésent
ilvoulaitplus.
L’hommetenditsamain.
«Salut,Ethan.JesuisDavid.»
Ethanpritsontempspouraccepterla
maintendue,unsentimentdemalaise
martelantdanssesveinestandisqu’il
étudiaitledernierarrivant.David
portaitunejoliechemiseetuntreillis,et
ilarboraitunebarbefourniequi
empêchaitdedevineraisémentsonâge.
Beccaétaitimmobile,unemain
placéesurchacunedesépaulesde
l’homme,jaugeantlesréactionsde
chacunavecungrandsourire.
«Davidestmusicienluiaussi,Ethan.
Ilaterminésesétudesdechantcantorial
àl’HUC3.»
Bonàsavoir,maiscelanerépondait
toujours
pas
à
la
question
qui
bourdonnaitdanssatêtecommeun
frelonencolère.
«Becca»,appelaAridepuisla
cuisine,«lapoitrinedebœuf.»
Levisagedelajeunefemmepâlit.«
Ohnon».Ilpartitprécipitamment,
laissantEthanseulavecl’hommequi
étaitpeut-êtresonpetitami.
«Alors,Ethandequelinstrumenttu
joues?»
Ilétaitentraind’essayerdefairela
conversation,maisEthann’arrivaitpasà
se
détendre.
«
De
la
guitare,
principalement.Maisjejoueaussidu
piano,delabatterieetdelatrompette.»
«Joli.Tuasdéjàpenséàjouerpour
leTemple?»
«Ilnepeutpas»,réponditMorganà
laplaced’Ethanenglissantsonbras
sousceluideDavid.«C’estungoy.»
LesouriredeDavids’élargit.«Ilya
deschancesquetuteconvertisses?»
«Probablementpas.»
«Vraimentdommage»,répondit
David,ignorantlestentativesdeMorgan
pourl’éloignerdelaporte.«Quelques
musiciens
de
plus
seraient
les
bienvenus.»
Lablondel’interrompitensoufflantet
enlevantlesyeuxauciel.«Est-ceque
çanepeutpasattendre?»
Illacalmaendéposantunbaisersur
sajoue.«Laisse-moiuneminute,bébé.
»
Laraideurdanslesavant-bras
d’Ethans’atténua.Apparemment,David
étaitavecMorgan.
«Maistuasétéabsenttoutela
journéeàcausedecetrucauTemple.»
Elleminaudacommeunepetitefille
richetropgâtée.
«Oui,etjesuisàtoidansuneminute.
»Jen’aimêmepasencoreenlevémon
manteau.»
LesouriredeMorgandevintencore
plusaffecté,etellereculaenlevantun
doigt.«Uneminute.»
«Désolépourça»,ditDavidavecun
haussementd’épaulespenaudtouten
retirantsonmanteau.
«Elleesténervéeparcequej’avais
promisdejouerpourleservicede
l’après-midietquejenepouvaispas
êtrelàquandlafêteacommencé.»
«C’estpourçaquetuasdeux
guitares?»
Ethansepenchasurlecôtépour
examinerdeplusprèslesétuis,etil
reconnutlesmarques.Fender.Martin.
Dessignesrévélateursd’unmusicien
sérieux.
«Ouais.»Ilsuspenditsonmanteau
dansleplacard.«Peut-êtrequ’on
pourraitjoueruntrucensembletoutà
l’heure.J’aiuneappliquitransforme
montéléphoneenampli.»
UnepeurglacéeparalysaEthan.
C’étaitunechosedenepasarriverà
jouerquandilétaitseul,maisrester
pétrifiédevantlesamisdeBeccaétait
unetouteautrehistoire.Iln’étaitpas
encoreprêtàseridiculiser.
«Peut-être»,dit-il,lagorgeserrée.
IlfutsauvéparLeviquicria:«
Beccaestentraind’amenerlapoitrine
debœuf.»
Lesinvitésdelafêteserassemblèrent
autourdelatabledelasalleàmanger
oùBeccaétaitentraindedécouperla
poitrinedebœufenfinestranches.
L’extérieurétaitrecouvertd’unlaquage
roussi,etilyavaitunpetitbolcontenant
cequisemblaitêtreunesaucebarbecue
foncée.Ariapportaégalementune
saladecomposéedemini-légumesverts,
depépinsdegrenadesetdepommes.
Lesautresfemmessortirentdelacuisine
enportantlesautresaccompagnements:
delapuréedepatatesdouces,des
carottesconfites,desmichesrondesde
hallahetdespetitspois.Unefoisque
toutfutposésurlatable,ilsremplirent
leursassiettes.
Engoûtantlesplats,Ethanremarqua
lecôtésucrédechacund’entreeuxetil
souritintérieurement.Lepenchantde
Beccapourlesucrédevaitêtreau
paradiscesoir-là.Mêmelasaladeétait
assaisonnéeavecunevinaigretteau
miel.
Aprèsavoirremplisonassiette,la
jeunefemmeluifitsignedelarejoindre
devantlebarquidonnaitsurlacuisine.
«Tuaimesjusque-là?»
«C’estcequej’aimangédemeilleur
depuisquejesuisarrivéenville.»
Etilétaitsincère.Lesplatsàemporte
dont
il
s’était
nourri
jusqu’ici
ressemblaientàdelasciurecomparéà
unrepasfaitmaison.Unefoisencore,il
futémuparlagénérositédelajeune
femme.
«Mercidem’avoirinvité.»
«Jet’avaisditquemesamisétaient
cool.»
Elleluifitunclind’œilavantde
prendreunebouchéedecarottes
découpéesenrondelles.
«Aufait,j’espèrequeçanet’apas
dérangéquejediseàDavidquetues
musicien.»
«Non,pasvraiment.»
Ilétaitpluscontrariéparlefait
d’avoirétéprésentécommeunami,
mêmesisatêteluidisaitquecestatut
étaitdéjàtrèspositifsachantdepuis
combiendetempsilsseconnaissaient.
«Jemesuisditquecommeilest
musicienluiaussi,ilpeutpeut-être
t’aideràretrouverlamusique.»
«J’endoute.»
Maislasuggestionqu’elleavaitfaite
planaautourdeluicommeunessaimde
moucheronsjusqu’àlafindurepas,ne
luilaissantaucunmomentderépit
jusqu’àcequ’ilressentelebesoindese
leveretd’allersurlebalconpourse
viderlatête.
L’airvifdel’automnecalmasa
frustration.Lesoleilcouchantbaignait
CentralParketlerestedelavilledans
unelueurorange.Decettehauteur,tout
semblaitcalmeetserein,etsonesprit
s’imprégnadecetteatmosphère.Le
balconétaitdavantageunegrande
terrassequis’étendaitsurtoutela
longueurdel’appartement,suffisamment
spacieusepouraccueillirdeuxchaises
longues,unetableetdeschaises.Il
devaitêtreparfaitpourfairedes
barbecuesenété,maisencetinstant,
l’espaceouvertcontrastaitavecl’espace
confinéremplidemondeàl’intérieur.
Ici,ilpouvaitvoirlecieletreprendre
sesesprits.
Ilnepritpaslapeinedeseretourner
lorsqu’ilentenditlaportes’ouvrir
derrièrelui.Beccaétaitlaseule
personnepouvantosersortiretvenirle
rejoindre.
Maiscefutunevoixmasculinequidit
:«Çatedérangesionjoueensemble
maintenant?»
EthanseretournaetilvitDaviden
trainderapprocherdeuxchaisesàcôté
dedeuxguitaresacoustiques.
«Etlerestedelafête?»
«C’esttropbruyantlà-dedans.En
plus,sioncommenceàjouerils
viendrontnousrejoindre.»
Ilouvritundesdeuxétuis.
«TupréfèreslaMartinoulaTaylor?
»
«Peuimporte.»
Iln’étaitpassûrquesesdoigtsse
souviendraientdesaccords.
«Tupeuxprendrecelled’Ari».
DavidluitenditlaTaylorquasiment
neuve,puisilouvritl’étuidelaMartin.
«Ousitupréfères,jepeux
abandonnermaMartinunpetitmoment.
»
«Cen’estvraimentpasnécessaire.»
IlessayaderendrelaguitareàDavid,
maiscelui-cirefusadelaprendre.
«Detoutefaçon,jenesuispastrop
d’humeuràjouercesdernierstemps.»
«C’estdommage.Lamusique
m’apaisetoujours.»
Davidgrattalescordesetfermales
yeux.
Ethanreconnulespremiersaccords
d’unechansondesBeatles.Sesdoigts
s’enroulèrentautourdumanchedela
guitare,bougeantaubonmomentpour
lestransitions,maisilluifallutinspirer
pourtrouverlecouragedepincerles
cordesetdejoueravecDavid.Le
barytonclairdecedernierremplissaitla
nuitavecunefinessequimitenpiècesle
sentimentdeculpabilitéetlesdoutesqui
emprisonnaientl’âmed’Ethan.Les
chaînesquiretenaientsamusiquese
brisèrent,laissantderrièreelleslajoie
légèreetinsouciantequiluirappelasa
jeunesse.
AumomentoùDavidarrivaau
refrain,Ethansemitàchanteraveclui.
L’harmoniequienrésultalesurprit.Il
avaitétélechanteurleaderdugroupe
tellementlongtempsqu’ilavaitoubliéce
que
cela
faisait
de
jouer
en
accompagnement,
et
pourtant
les
modulationsdesavoixsemêlaient
parfaitementàcellesclassiquesde
David,résultatdeplusieursannéesde
formation.Laqualitésansfioritureslui
rappelaqu’ilavaitencoreunevoix
décente,etlebœufimproviséétaitàdes
années-lumièredel’éclataveuglantdu
projecteurducentredelascène.Peut-
êtrequ’ilpouvaitfairedelamusique
sansTy,sansdrogues,sansl’ingénierie
complexedusonfournieparlestudio.
L’amideBeccaluiadressaunsourire
pourl’encourageravantdeselancer
danslederniercouplet.Lorsquele
refrainarrivadenouveau,saconfiance
enluiaugmentaetiltransmitl’harmonie
desavoixverssaguitare.Ledéfiétait
amusantetrafraîchissant,etlescoinsde
seslèvrescommencèrentàselever.
Ilavaitredécouvertsonamourpourla
musique.
«Tuessûrquetun’envisageraspas
lapossibilitédeteconvertir?»,dit
Davidlorsqu’ilseurentterminé.«
J’adoreraist’avoirdanslegroupedu
Temple.»
«Merci,maisjeviensjustedequitter
ungroupeetjefaisunepausepour
prendreunpeudetempspourmoi.»
Ilgrattadenouveaulescordesetil
résistaàl’enviequilesubmergeade
serrerlaguitarequ’onluiavaitprêtée
contrelui.
«Partantpourunautremorceau?»
«Absolument.Jetelaissechoisir.»
Ethancherchadanssatêteune
chansonquinesoitpasunemélodiede
Ravinia’sRejects,etiloptapourune
autrechansonclassiqued’Extreme
parfaitepourdeuxvoixetdeuxguitares
acoustiques.Ilposasonmédiatoretil
utilisasesdoigtspourformerles
premiersaccords.
«Bonchoix.»
Davidjouaaveclui,maislorsqu’ils
arrivèrentàlapartiechantée,ilhochala
têteetildit:«Celle-là,elleestrienque
pourtoi.»
C’estjusteunamideBeccasurun
balcon,pasunstadepleinàcraquer.
Tupeuxlefaire.
Lespremièresnotesgazouillèrent
avecuntimbreéraillé,lerésultatde
plusieurssemainesd’inactivité,maisil
serattrapaàlasecondeligneetil
s’abandonnaàlamusique.Cenefutque
lorsqu’ilsarrivèrentàlafindela
chansonqu’ilserenditcomptequ’ils
avaientattiréunpublic.
Unesensationdechaleurmontade
soncoujusqu’auxextrémitésdeses
oreilles.Pendanttoutcetemps,ilavait
essayédefaireprofilbas,etilvenait
peut-êtredeperdresonanonymatparce
qu’ilavaitouvertlabouche.Ilscrutales
personnesquis’étaientrassemblées
autourd’eux,cherchantàvoirsil’une
d’entreellesl’avaitreconnu.Maisàla
secondeoùilvitlevisagerayonnantde
Becca,toutessespenséesàproposdu
fait
de
protéger
sa
vie
privée
s’envolèrent.Elleavaitl’airsifièrede
luiqu’iln’accordaitplusaucune
importanceàcequelesautrespensaient.
Seulesonopinionàellecomptait.
«C’étaitgénial»,ditlemecquiavait
faituneentréetonitruanteentenantun
briquetlevédanslesairs.«Continuez,
lesmecs.»
«Onpeutfaireçaàl’intérieur?»,
demandaMorganenfrottantsesbras
nus.«Ilfaitunpeufroiddehors.»
«Pasdeproblème.»
Davidselevaenemportantsaguitare,
maisEthanrestasursachaise.
Moinsdevingt-quatreheuresavant,il
avaitétésurlepointdefaireune
rechute,decapitulerfaceàl’héroïne
justepourpouvoirtrouverleréconfort
quecettedernièreluiprocurait.Mais
pendanttoutcetemps,lamusiqueétait
justelà,attendantqu’ill’étreigne.Il
avaitjusteàfairetomberlesprotections
qu’ilavaitdresséesautourd’elleetà
retrouversonessence.
Jepeuxvraimentlefaire.Jepeux
encorejoueretresterclean.
Désormais,
le
nouveau
défi
consisteraitàcréerdesnouvelles
musiquessansdépendredesonancienne
muse.
«Tuviens,Ethan?»,demanda
doucementBecca.
Ilsetournaetilvitqu’ellesetenaità
côtédelui,lamaintendue.
Ilpritcettedernièreetilseleva,
trouvantlaforcedecontinueràavancer
grâceausoutienqu’elleluiapportait.
«Ouais.»
Ellesepenchaetellemurmura:«Je
suiscontentequetuaiesretrouvéla
musique.»
S’iln’yavaitpaseuunpublicentrain
del’observerdel’autrecôtédesbaies
vitrées,ill’auraembrasséesur-le-
champ.Aulieudecela,ilsecontentade
fairepasserunedesmèchesdela
chevelurebrunedeBeccaderrière
l’oreilledecettedernière.
«Moiaussi.»
Unefoisàl’intérieur,Davidetluise
mirentàjouerdesclassiquesdurock
pourlegroupeetàsatisfairequelques-
unesdesdemandesdesinvités.Toutceci
l’amusait,jusqu’àcequ’Ariréclameune
deschansonsdesongroupe.Ethanprit
uneprofondeinspirationetretintson
souffle.S’ilsatisfaisaitàcettedemande,
ilprenaitdenouveaulerisquedefaire
volersacouvertureenéclats.
«Jenelaconnaispastrèsbien»,dit
David.«Tulaconnais,Ethan?»
Ilhochalatête,n’ayantpasconfiance
ensaproprevoix.IlcherchaBecca,
maisilneréussitpasàlatrouver.La
peurs’insinuadanssestripes.
Jedoislefairetoutseul.
Maislorsqu’ilbalayalapiècedu
regardetqu’ilvitDavidl’encourager
d’unhochementdetête,ilprit
consciencequ’iln’étaitpasseul.Il
grattalespremiersaccordsdetête.La
guitareacoustiqueétaitplusdouceet
pluslentequelaguitareélectriquesur
laquelleilavaitl’habitudedejouerpour
cettechanson,maiselleluipermettait
d’enfairedemêmeaveclesparoles.
L’émotionéraillasavoixlorsqu’il
chantalepremiercouplet.C’étaitla
premièrechansondeRavinia’sRejects
qu’ilchantaitdepuisqueTyétaitmort,et
laqualitésolennellequelesguitares
acoustiques
lui
conféraient
était
parfaitementenaccordavecsonétat
d’esprit.C’étaitunesorted’éloge,une
manièrepourluidedireadieuaupassé.
Davidsejoignitàlui,maisleson
n’étaitpaslemêmequelorsquec’était
Tyquijouaitl’harmonie.C’était
différent,maisdanslebonsens.Lorsque
lachansonfutsurlepointdeseterminer,
sesdoigtsledémangerdejouerune
nouvellemusique,detravailleretde
donnervieauxaccordspourexprimerle
conflitquifaisaitrageenlui.
«Ouah»,ditAri,lesyeux
écarquillés.«C’étaitencoremeilleur
quelaversionoriginale.»
Ilvalaitmieux,sachantquec’était
luiquil’avaitécrite.
«Merci»,bredouilla-t-ilavantdese
leverdesachaise.
IldevaittrouverBecca.
«Ilesttempsdefaireunepetite
pause.»
«Lamême.»
DavidposasaguitareetpritMorgan
danssesbras.
Lamusiquetechnobruyantequi
résonnaitplustôtsoufflaitdenouveau
dansleshaut-parleursaumomentoù
Beccaapparutdederrièreuneporte
ferméeavecunepiledepapier.Ellefit
signeàEthandes’approcheretil
obtempéra,tenanttoujourslaguitarede
lacolocatairedelajeunefemme.
«J’aientendulenouvelarrangement,
etçam’afaitpenseràuntruc.Tu
devraisprendredesnotes.»
Elletenditunepiledepartitions
vierges.
«Jelesaiimpriméespourtoi,maissi
tuenasbesoindeplus...»
Cettefemmelisaitmieuxenluique
lui-même.Ilpritlapileetildéposaun
baiserchastesursonfront.
«Est-cequ’ilyaunendroitcalmeoù
jepourraismeposer?»
«Tupeuxutilisermachambre.»
Elleouvritlaporteparlaquelleelle
venaitjustedesortir.
«Merci.»
Illaregardadroitdanslesyeux
pendantuninstantpourêtrecertain
qu’ellecomprenaittoutelaportéedela
gratitudequ’ilressentaitenverselle.
Ellel’avaitaidéàsurmonterunobstacle
majeurpoursaguérison,etilavaitenfin
l’impressiondepouvoirallerdel’avant.
Les
yeux
de
Becca
brillaient
d’excitation.
«Derien.»
Sachambreétaitsimpleetcalme,tout
commeelle.Lescouleursbleuesetles
lignesclairesapaisèrentsonanxiétéet
l’aidèrentàseconcentrer.Ils’assitau
borddulitaveclaguitared’Arietilmit
parécritlesnotespourlenouvel
arrangement.Sonstylos’immobilisa
lorsqu’illutlalignequ’elleavaitécrite
enhautdechaquepage.
ParolesetmusiqueparEthanKelly.
Celaconfirmaitqu’ellesavaitquiil
était,etpourtantelleletraitaitcomme
n’importelequeldesesautresamis.Elle
neluifaisaitpasdecourbettesetellene
leprenaitpasavecdespincettes.Pour
elle,n’étaitqu’unepersonnedeplus,et
celaluidonnaencoreplusconfiance
pourcequiétaitdeluiconfierses
secrets.
Ilpritunepartitionvierge.Ilétait
tempsdecréerquelquechosede
nouveau.
1Appletini:Cocktailàbasedevodka,deschnappesdepommeetdejusdepomme2
Kaddish:Cérémoniedesanctificationd’un
joursaint3HUC:HebrewUnionCollege(institutd’étudesdelareligionjuive)
ChapitreHuit
Lafêteavaitprisunemauvaise
tournurepoursetransformerenbeuverie
aumomentoùEthansortitdelachambre
de
Becca.
Des
mots
indistincts
résonnaientpar-dessuslamusique
rythmée,etdesbrasetdesjambes
s’agitaientdansdesmouvementsde
dansechancelants.
Ethansefrayauncheminautourdu
salonàlarecherchedeBecca,maisce
futaveclacolocatairedecettedernière
qu’iltombanezànez.Ellelevasesyeux
marronsversluietellenefitaucun
effortpoursedégager.
«Tuasunevoixsexy»,dit-elled’une
voixtraînante.
«OùestBecca?»
Ses
mots
étaient
tranchants
et
percutants,uncontrastedirectavecle
tonléthargiqueetimbibéd’alcooldela
jeunefemme.Iln’yavaitqu’uneseule
femmequ’ilavaitenviedetenircontre
lui,etcen’étaitpaslapetiteblonde.
Elles’écartaenfaisantunepetite
moue.
«Dehors,surlebalcon.»
Commeunpeuplustôt,lelarge
balconoffraitunrépitparrapportau
chaosquirégnaitàl’intérieur.Ilscruta
l’endroit
faiblement
éclairé,
en
commençantparleschaises,etilfinit
parlatrouverappuyéecontrelemur,
dansuncoinpluséloigné.
«Hey»,dit-ilens’approchantd’elle
etenluilaissanttoutletempsdontelle
avaitbesoinpourluidirequ’elleavait
envied’êtreseulesielleledésirait.
«Hey»,répondit-elle.«Commentça
s’estpassé?»
«Bien.»
Ils’arrêtadevantelleetilappuyason
coudecontrelesbriqueschaudes.
«Vraimentbien,enfait.J’aiécritune
nouvellechanson.»
«Çatedéranged’enchanterunpetit
boutpourmoi?»
Unrired’autodérisionsortitdela
poitrinedujeunehomme.
«Jetravailleencoresurlesparoles.»
«Ellesvonttevenir.»
Ellesoupiraetelleregardaversle
ciel.
«Désolédem’êtrecachédetoi,mais
j’avaisbesoindefaireunbreakaveccet
environnementavantdefairequelque
chosequej’auraispuregretter.»
Ilsepenchadavantageverselle,
inspirantsonparfum.Saqueuedurcit,et
touteslespenséesliéesàlamusiquese
volatilisèrent.
«C’est-à-dire?»
«Jeneboispasparcequec’esttrop
risquépourmoi.Maispourcequiest
desautres...»
Ellehaussalesépaulescommesila
manièredontlasoiréeavaittourné
parlaitd’elle-même.
«Alorsc’étaitçalabêtisequetu
avaispeurdefaire?»
Ilserapprochasuffisammentpour
l’entendrereprendresarespiration.
Ellelevasonregardverslui,sesyeux
assombrisparledésir.Elleléchases
lèvres.
«Entreautres.»
Ilcontinuadeserapprocher,attendant
devoirsielleallaitlerepousser.Tout
desuiteaprès,seslèvreseffleuraientles
siennesdansunbaiserhésitantetléger
commeuneplume.Unesensationde
chaleurcoulaenluidepuislazonede
contact,etpourtantlapeurtempéraitson
désir.Ilreculadequelquescentimètres
pourévaluerlaréactiondeBecca.
Elleavaitlesyeuxfermés,maisun
sourirebéatluidonnalapermissionde
continuer.
Cettefois,sonbaiserétaitplus
déterminé,plusexigeant.Ilvoulait
repousserleslimitesdeleurrelationet
voirjusqu’oùelleétaitcapabled’aller.
Ellecédaetelleentrouvritseslèvres.Il
exploraavidementladouceurdesa
bouche
tandis
que
ses
doigts
continuaientdes’enfoncerentreles
briques.Elleavaittellementbongoût
ques’ilarrivaitàtrouverlecouragede
laprendredanssesbras,ilneseraitpas
satisfaitavantdel’avoiremmenéedans
unlit.
Lebaiserlentetsensuelsembladurer
uneéternité.Iln’avaitjamaisimaginé
qu’ilpourraitapprécierlesimpleplaisir
d’embrasserunefemmeàcepoint-là,
mais
le
fait
d’embrasser
Becca
dépassaitlargementtouteslesannées
d’aventuresd’unsoirqu’ilavaitvécues
etdontilgardaitunsouvenirflou.Ilse
concentrasurlamoindredespetites
réactionsdelajeunefemme,pleinement
conscientdelamanièredontelle
réagissaitàsespropresactions.La
respirationdeBeccaétaitplusrapide,et
elletenditlamainpourletoucher.Au
début,elletouchasontorse.Puisses
épaules.Etenfinsesbrass’enroulèrent
autourdecesdernièrestandisqu’elle
rendaitleurbaiserplusintense.Les
derniersdoutesdujeunehomme
s’évanouirent.Elleavaitautantenviede
luiqueluiavaitenvied’elle,etil
s’autorisaàpassersesdoigtsdanssa
cheveluresoyeuse.
«Becca»,appelaAridepuislaporte.
Ethanarrachaseslèvresdecellesde
lajeunefemmeetilfitunbonden
arrière.Mêmes’ilmouraitd’enviede
continuer,ilnevoulaitpasquecet
instantd’intimitédevienneunspectacle.
«Quoi?»,réponditBeccasansrien
faire
pour
essayer
de
cacher
l’exaspérationquitransparaissaitdans
savoix.
«OnvaauCielo.Tuveuxveniravec
nous?»
BeccalevalesyeuxversEthan,les
pupillesdilatéesetsapoitrinese
soulevantetretombantrapidement.
«Jecroisquejenevaispasbouger
cesoir.»
«J’étaissûrequetudiraisça.»
Ellefitungrandsourireetellese
tournaverssacolocataire.
«Faisattentionàtoi.»
«Toiaussi.»
Ariluilançaunregardhostileavant
derefermerlaporte.
Ilattenditqu’elledisequelquechose,
maislorsquelesilences’installa,ildit:
«Jecroisqu’ellenem’aimepas.»
«C’estjusteunemeilleureamie
surprotectrice.Sielleconnaissaitta
véritable
identité,
elle
agirait
différemment.»
«C’est-à-dire?»
Ils’attendaitàcequ’elledisecequ’il
savaitdéjà.
LesjouesdeBeccarougirentetelle
détournaleregard.
«Jepensequ’Ariestencoreplusfan
deRavinia’sRejectsquemoi.»
«Ettuneluiasriendit.»
Beccasecoualatête.
«Pourêtrehonnête,ilm’afalluune
semaineoudeuxpourpercuter.Maissi
tuasdécidédeprendreautantde
précautionspourcachertonidentité,le
moinsquejepuissefairec’estdegarder
labouchefermée.»
Ilfitcourirsonpoucesursalèvre
inférieure.
«C’estunebouchetellementattirante
enmêmetemps.»
Mêmelefaibleéclairagenepouvait
pascacherlerougissementsurlesjoues
deBecca.
«Unsimplemerciseraitsuffisant.»
Les
omoplates
d’Ethan
se
rapprochèrentetilaugmentaladistance
quilesséparait.
«Tuesentraindedirequejesuis
allétroploin?»
«Non,je...»
Ellesaisitlachemisedujeunehomme
entresespoingsetellel’attiracontre
ellepourunautrebaiser.Cettefois,
c’étaitellequiprenaitleschosesen
main,contrôlantlerythmecommeun
chefd’orchestredirigeantunopéra.Le
baisercommençacommeunadagiodoux
etlent,puisildevintunallegroplein
d’entrain.
Lapassiondelajeunefemme
s’infiltraitenluietréduisaitànéantla
retenuequiempêchaitsondésirde
s’exprimer.Illapoussacontrelemur,
unemaintoujoursentremêléedansses
cheveuxtandisquel’autreépousaitla
courbedesesfesses.Chaquebaiser
troublant,chaquemouvementdela
languedeBeccaetchaquegémissement
quis’échappaitdelagorgedecette
dernièrerendaitsaqueueencoreplus
dure.
Ses
hanches
faisaient
des
mouvementsdeva-et-vientdansune
dansequ’ilvoulaitreproduiresousdes
draps.
Ilavaittellementenvied’elle.
Maisilfutprisaudépourvu
lorsqu’ellemitfinaubaiseretqu’elle
demanda:«Tuveuxqu’oncontinue
dansmachambre?»
***
Faischier.Qu’est-cequivientjuste
desortirdemabouche?
Beccan’avaitpasprévudefairedes
avancesàEthancesoir-là,maischaque
baisercontinuaitàluifaireperdrela
tête,jusqu’àcequ’ellesoitexcitéeau
pointquelaquestionsortedesabouche
avantmêmequ’elleaitunechancedese
retenir.
Ilseraiditetilreculadequelques
centimètrestoutenfronçantsessourcils.
«Becca,je....»
Lecœurdelajeunefemmes’arrêtade
battrelorsqu’Ethanfermalesyeuxet
qu’ilfitunpasenarrière.
Elleeutunsursautdefiertéetelle
cherchasemotspourcachersagêne.
«Désolée,c’estjustequeje...»
Illafittaireenlaforçantàleverson
mentonpourl’obligeràleregarderdroit
danslesyeux.
«Nelesoispas.»
«Non,j’aifranchilaligne,etjet’ai
clairementmismalàl’aiseet...putain!
»»
Elleplantasesonglesdansses
paumesetellesetournaverslaporte.
Ellen’auraitpasdûluiposerde
question.Ilétaitencoretroptôtdansle
processusdeguérisond’Ethanpourque
cedernierselancedansunerelation
baséesurlesexe.Etpourtant,ilavait
faitdesprogrèstellementénormesce
jour-làqu’elleavaitpresqueoubliélà
oùilenétaitlematinmême.
«Jesavaisquejegâcheraistoutd’une
manièreoud’uneautre.»
EthansaisitlepoignetdeBeccaetla
forçaàsetournerverslui.
«Est-cequej’ail’airgêné?»
Unebossedurecommeunrocfaisait
pressioncontresafermetureéclairet
appuyaitcontrelebas-ventredelajeune
femme.
«Jenesaispas.Dis-moi.»
«Jepensequ’ilestévidentqueje
suissuperexcitélà..»
Illuidonnaunbaiserfugace,
prolongeantcedernierenaspirantla
lèvreinférieuredelajeunefemme.
«Jesaisquetuessayesdeme
protéger,etçamefaitplaisir.Situme
disd’arrêter,jeleferai,maissituveux
continuer...»
LapetitevoixdanslatêtedeBecca
luidisaitdetoutarrêtersur-le-champ,
maisledésirqu’elleressentaitétaittrop
fort.
«J’aienviedecontinuer.»
Ellepritlamaind’Ethanetelle
conduisitàl’intérieur.Arietlerestede
sesamisétaientdéjàpartisendirection
delaboîtedenuit.L’endroitétaitsans
dessus-dessous,maiselles’occuperait
decelalelendemainmatin.Pourle
moment,toutcequil’intéressait,c’était
lefaitd’emmenerEthandanssachambre
avantqu’elleneperdesonsang-froid.
Dèsquelaporteseferma,ellel’attira
denouveaucontreelle.Leursbaisers
devinrentaussifrénétiquesques’ils
avaientétédesadolescentsquivoulaient
jouiravantqueleursparentsneles
surprennent.Elleluiarrachasachemise,
etellepritunesecondepouradmirerles
tatouagesrecouvrantsoncorpsélancé
avantdeselaisserdenouveauallerdans
unbaiseràcouperlesouffle.
Ethancherchamaladroitementla
fermetureéclairdesarobe,mais
lorsqu’ilseretrouvadansunesolution
difficile,ilmitfinàleurbaiseravecun
gémissementdefrustration.
«Tourne-toi.»
Unfrissonparcourutl’échinedela
jeunefemme.D’ordinaire,elledétestait
leshommesquidonnaientdesordres.
Maisdansl’intimité,c’étaitautrechose.
Ilréussitenfinàluienleversarobe,
puissonsoutien-gorge,lalaissant
immobiledanslachambrefroide,son
dosappuyécontrelui.Iltirasescheveux
versl’arrièrepourexposersanuqueetil
appuyaseslèvrescontresapeau.
«Commenttuaimes?»
Ellesentitsonpoulsbattredansson
ventre.Est-cequ’ilseraitdégoûtépar
sespréférencesdefemmesoumise?
«Dis-moi.»
Ileutunpetitrireetilenroulases
brasautourdesapoitrinepourprendre
sesseinsdanssesmains.
«Tuvasm’obligeràdeviner?»
«Non».Elles’appuyadenouveau
contrelui,savourantlachaleurdeson
torsenu.
«Dis-moi.»
Ilsefigealetempsd’assimilerla
remarquedelajeunefemme.Puisil
resserrasonétreinteetilladéposasur
lecôtéafinquesonsoufflechaudbaigne
sonoreille.
«J’aitendanceàêtreunpeubrusque.
»
Pourprouversesdires,ilserrases
tétonstoutenprenantlelobedeson
oreilleentresesdents.Ladouleuraigüe
lafithaleteretenvoyaunéclairdedésir
directementjusqu’ausexedeBecca.Il
fitsuivrelabrèvesensationdedouleur
pardescoupsdelangueapaisantsetpar
undouxmassagedesesseins.Alors
qu’elleétaitentraind’oublierlejeuun
peubrutal,ilrépétasamêmeactionavec
lemêmeeffetsurelle.
Ileutunautrepetitrirecommes’il
savait
exactement
combien
ses
taquineriesl’excitaient.
«Dis-moisic’esttrop.»
Lesminutesquisuivirentfurentun
tangodeplaisiretdedouleur.Àchaque
petitemorsureouàchaquepincement,il
prenaitletempsd’apaiserlachair
meurtrie,laberçantpourlafaireentrer
denouveaudansunétatdétenduavantde
l’exciterdavantage.Saboucheexplorait
l’arrièredesanuque,sesépaules,ses
bras,tandisquesesmainsrestaient
poséessursesseins.Pendanttoutce
temps,sonérectionappuyaitsursoncul,
unrappelconstantdecequ’ilavaiten
réservepourelle.
Lecycleplaisir-douleurdevintplus
rapide,plusintense,jusqu’àcequ’illa
libèreenfin.Lavoixd’Ethanétait
rauqueethaletantelorsqu’ildit:«
Retourne-toietenlèvetonstring.»
Elleobéitàlapremièrepartiedeson
ordreetellecroisasonregard.Ledésir
férocedanssesyeuxetlesoulèvement
rapidedesontorsefaisaitaccélérerson
proprepouls.Ilyavaitquelquechosede
dangereuxenlui,ilvoulaitlabaiserde
manièreinsensée.Maisaulieud’être
effrayée,celanefitquel’exciter
davantage.
«Enlève»,ordonna-t-ildenouveau.
Ellesedandinadansunstriptease
langoureux,
sans
jamais
cesser
d’observerlaréactiondujeunehomme.
Lamâchoired’Ethanseserra.Ses
narinesfrémirent.Sespoingsse
serrèrentetsesarticulationsdevinrent
blanches.Maisilrestaimmobile,sans
jamaisquitterlecorpsdeBeccades
yeux.
Ilnelatouchapasjusqu’àcequ’elle
sepencheenavantpourdéfairela
fermetureéclairdesesbottines.
«Est-cequejet’aiditdelesenlever
?»
OhmonDieu,ellepourraitjouirsur-
le-champ.Ils’avéraitêtreunmeilleur
dominateurquecequ’ellelepensait.
«Tuveuxquejelesgarde?»
«Oui.»
Lemotsortitcommeuneplainte
étranglée,etlecorpsd’Ethandevint
encore
plus
raide.
Trente
autres
secondespassèrentsansqu’ilnefasse
rienàpartlafixerduregard.
Finalement,ildéboutonnasonjeanetil
fitunsigneverslelit.
«Allonge-toisurlebord.»
Elleobtempérasansbriserlecontact
entreleursregards,lesgenouxpliésau
niveauduborddumatelas.Lorsquele
jeandujeunehommetombaausol,elle
sedressasursescoudespourobtenir
unemeilleurevueduspectacle.Une
longuebosseépaisseappuyaitcontre
son
boxer,
et
elle
se
lécha
inconsciemmentleslèvres.Elleavait
hâtedelesentirenelle.
Ilrampaverselle,toujoursvêtude
sessous-vêtements,etilcapturasa
bouchedansunbaiserquirévélaitles
émotionscomplexesquisemêlaient
entreeux.Ledésirétaitlepremier,
brûlantbienquecontrôlé.Maislorsqu’il
devintpluslangoureux,elledécouvrit
dessoupçonsdepeuretdeconfiance.
Elleenroulasesbrasautourdesoncou
etelleralentitleschosesjusqu’àceque
lapeurs’évanouisse.
Illevalatête,sesmainsetsesgenoux
toujoursautourd’elle,puisilbaissales
yeuxverslajeunefemme,enadmiration.
Unedesesmainssuivitnonchalamment
lavalléedesesseinsetsonventreplat.
«Tuestellementbelle.»
Unesensationdechaleurparcourut
Becca,faisantdisparaîtretoutetracede
sescomplexes.
Lamaind’Ethanremontaverssa
poitrine,puisdesanuquejusqu’àsa
joue.
«Montre-moicequetuaimes.»
Lachaleurqu’elleavaitressentieen
ellefrémitetsetransformaenune
sensationdechaleurcettefoisdueàla
gêne.C’étaitunechosed’obéiràses
ordres.C’enétaituneautredefairela
loisurlaséduction.Elledégageases
brasetelleseretourna.
«Touche-toi,Becca.Montre-moioù
tuveuxmesmains,mabouche.
Apprends-moicommenttuaimesqu’on
tetouche.»
Chaquedemandedevenaitplusferme,
plusexigeante,jusqu’àcequ’iltrouve
sondésiràsatisfaire.Ilauraitétéfacile
deluidirequ’iln’avaitqu’àmettreun
préservatifetàlabaiser,maisilyavait
quelquechosedansleregarddujeune
hommequiluidisaitqu’ilvoulaitplus
quecela.Ilvoulaitapprendreles
complexitésdecequ’elledésirait
ardemment.Ilvoulaitqu’elletraceles
limitesdesazonedeconfort.Maisplus
importantencore,ilvoulaitqu’elle
jouisse.
Avecunpeud’hésitation,ellepassa
sesdoigtssuruntétonmoqueur.
«J’aimequ’onmetouchelà.»
«Montre-moi.»
Elleessayadesesdégagerense
tortillant,maislesgenouxd’Ethanse
serrèrentautourdeseshanchescomme
unétau.Iln’yavaitaucunmoyen
d’échapperàsonexigence.Elledessina
descerclesminusculesautourdupic,
réunissanttoutsoncouragejusqu’àce
qu’ellelesaisisseentresesdoigtset
qu’elleneletorde.Sonsexese
contracta,etlepicotementluifitpousser
unsoupir.
«Alorstuaimesquandc’estsauvage,
hein?»
Sansattendrelaréponsedelajeune
femme,ilrépétalesmêmesmouvements
queceuxqu’ellevenaitdefairesurson
autresein,audébutavecsesdoigts,puis
avecsabouche.
Delasueurperlaauniveaudela
naissancedescheveuxdeBeccatandis
quesestétonsdurcissaient.C’était
commes’illatestaitpourvoirjusqu’où
elleétaitprêteàaller.Ladouleurdans
lebasdesonpelviscommençaà
palpiter,etsoncorpssepressacontrele
sien.Lorsqu’elleatteintlestadeoùses
tétonscommencèrentàlabrûler,elle
cria:«Arrête.»
Ildéposaunbaiseruniqueentreses
seinsavantdereleverlatête.
«Oùencore?»
Ilvoulaitplus?Est-cequ’iln’yavait
paseuassezdepréliminaires?Et
pourtant,ellesesurpritàglisserses
doigtsplusbas,versl’endroitsituéentre
sescuisses.Tandisqu’ellelesplongeait
entrelesplisdesonsexe,ellese
détournadenouveau.
«Regarde-moipendantquetute
caresses.»
L’ordreétaitaussidurqueceluid’un
sergentinstructeur,etlecorpsdeBecca
eutunsoubresaut.Ellecroisade
nouveauleregardd’Ethanetelle
commençaàretirersamain.
«Non,n’arrêtepas.»
Ethanguidasamainpourlaremettre
làoùelleétait.
«Fais-toijouir.»
Sesjoueslabrûlaient,etellechercha
desexcuses.Toutsaufcela.
«C’estunpeudurdefaireçaavectes
genouxquim’empêchentd’ouvrirles
cuisses.»
«Facileàarranger.»
Ildéportasonpoidsetilcalases
genouxentresescuisses,ouvrantses
dernières.
«Maintenant,fais-le.»
Malgrésoninsistancepourqu’ellele
regarde,ellen’arrivaitpasàsurmonter
lasensationdegênequilaparalysait.
Celasignifiaitamenerl’intimitéàuntout
autreniveau.Ellefermalesyeuxetson
clitorisseretrouvaentresesdoigts.Le
toucherleplusdouxenvoyaitdes
frissonsdanstoutsoncorps.Ellele
frotta
lentement,
rassemblant
son
couragepoursedébarrasserdetoutesa
retenue.
«C’estça,Bec.Montre-moi.»
Lesparolesd’Ethanapaisaientses
anxiétés,etelleappuyaplusfortjusqu’à
cequeseshanchescommencentàse
raidir.
«Magnifique»,murmura-t-il.
D’autresdoigtsrejoignirentlessiens.
Ethanplongeadansl’alcôvedesonsexe
avecundoigt,puisdeux,trouvant
facilementsonpointG.Iladaptale
rythmedesescaressesauxsiennes,
chacunerapprochantdavantagelajeune
femmedelajouissance.
Maislorsqu’ellefutsurlepointde
jouir,uneautreondedegênelabalayaet
laretint.Elleretirasamain.
«Non,n’arrêtepas.»
«Jenepeuxpas»,admit-elleavec
unepetitevoixdedéfaite.
«Alorslaisse-moifinir.»
Ilappuyasonpoucecontreson
clitoris,aussisauvagementetavec
autantd’exigencequelebaiserqui
réclamait
ses
lèvres.
Ses
doigts
pompèrentplusfort,plusprofondément,
jusqu’àcequ’ellefinisseparsebriser
contrelui.
Ellerevintsurterreàtempspour
l’entendreluidemander:«Oùsontles
capotes?»
«Danslatabledenuit.»
Iltenditlamainetilrécupéraun
préservatif,puisilretirasessous-
vêtements,heurtantpresquelatablede
chevetàcausedesonimpatience.Le
déchirement
de
l’emballage
en
aluminiumrompitlesilence,puisil
roulalepréservatifsursaqueueépaisse.
Sansattendredepermissionnimême
sansdemanders’ildevaitcontinuer,il
plongeaenelle.
Maisencetinstant,ilsavait
probablementqu’ellejouiraitplusvite
s’ilmenaitladanse.
LecorpsdeBeccatremblasousle
poidsd’Ethan,etl’intensitédel’ardeur
dujeunehommetirasursesparois
internes.Ilneperditpasdetempsavec
lestremblementspersistantsdusàson
dernierorgasme.Seshanchesallaientau
mêmerythmequesesdoigtsuninstant
plustôt,maissaqueuerentraitplus
profondément,stimulanttoutesleszones
sensiblesdelajeunefemme.
Leshanchesdelajeunefemmese
soulevaientdumatelasàchaquecoupde
rein,latensionsefaisantplusintenseet
plusserréeenelle.Elleenroulases
jambesautourdelatailled’Ethan,
attendantplus,voulantavidementqu’il
la
remplisse
complètement.
Sa
jouissance
imminente
la
prit
au
dépourvu,etellesemorditlalèvre
inférieurepournepasjouir.
«Non,Bec,neteretienspas.»
Sescoupsdereinss’accélérèrent,et
chaquemotsortaitdansunsouffle.
«Est-cequetuaslamoindreidéed’à
quelpointtuessuperbequandtujouis?
Viensmaintenant.»
Soncorpsserebellacontresavolonté
pourobéiràl’ordred’Ethan.L’intensité
de
l’orgasme
la
frappa
avec
suffisammentdeforcepourqu’elle
grincedesdents.Elleresserrason
étreinteavecsesbrasetsesjambes,
totalementeffrayéeàl’idéedesenoyer
siellelelaissaitpartir.Lesvaguesde
plaisirsesuccédaient,laplongeantdans
unmondeoniriquedebonheurtel
qu’elleneremarquamêmepasqu’il
avaitatteintl’orgasmeavantqu’ilne
criesonnometqu’ilnes’écroulesur
elle.
Soncœurbattaitàtoutrompredanssa
poitrinetandisqu’elleletenaitcontre
ellependantlessoubresautsrésiduels.
Legoûtsalédelasueurs’attardaitsur
seslèvresàchaquebaiserqu’elle
déposaitsursonfronthumide.Sesbras
etsesjambesdevinrentaussimousque
desélastiquesàcausedel’épuisement,
etlorsqu’Ethanfinitparleverlatête,
elleleslaissatombersurlecôté.
Illuiréponditparunsourireencoin.
«C’était...»
«Ouais»,termina-t-elleàsaplace.
Pourlemoment,lecerveaudeBecca
neparvenaitmêmepasàtrouverles
bonsmotspourdécrirelesexeaveclui.
Époustouflant,merveilleux,incroyable-
aucunn’étaitàlahauteur.
Ill’embrassedenouveau,cettefois
avectendresse,avantdeseleverdulit
etdedisparaîtredanslasalledebain.
Laportesefermaderrièrelui,etun
frissonparcourutlapeaunuedeBecca.
Venaitàprésentlemalaisedel’après.
Celaauraitétédifférents’ils’étaits’agit
d’unecoucheriesanslendemainousi
elleavaitcouchéavecquelqu’unavec
quiellesortaitdepuislongtemps,mais
Ethantombaitdirectementdanslazone
d’ombre.
Etlepire,c’étaitqu’ellenevoulait
pasêtreuneaventured’unsoir.Lesexe
nefaisaitquecompliquerlessentiments
qu’ellecommençaitàressentirpourlui,
ets’ilneressentaitpaslamêmechose...
Elleretirasesbottinesetelletirales
couverturessursesépaulesavantde
roulersurlecôté,tournantledosàla
salledebain.Celaluiéviterait
l’humiliation
d’interpréter
trop
de
chosessitoutcequ’ilvoulait,c’étaitun
couprapide.
Unebandedelumièreapparutsurle
murdevantelle,s’élargissantjusqu’àce
qu’uneombreremplissesoncentre.Puis
elledisparut,plongeantdenouveaula
piècedansl’obscurité.Elleretintson
souffle,attendantdevoirs’ilallaitse
contenterderamassersesaffaireset
partir.
Aulieudecela,lematelasbougea
souslepoidsdujeunehomme,etson
corpsraides’enroulaautourdusien.
«Est-cequeçatedérangesijereste
unpeupluslongtemps?»,demanda-t-il.
Ellesecoualatêteetellesourit.
«Non.»
«Bien,parcequejen’aipasenviede
partirencore.»
Ilenroulasonbrasautourdesataille
etill’attiraverslui.
ChapitreNeuf
Ethanseréveillaensentantleparfum
deBeccasurlesoreillersetavecla
sensationd’uncorpsdouxetchaud
allongéàcôtédelui.Unefaiblelumière
passaàtraverslesrideaux,annonçant
l’arrivéedumatin.Ilfrottasesyeuxpour
dissiperlesommeiletpours’assurer
qu’ilnes’agissaitpasd’unrêve.Comme
l’imagedeBeccaallongéeàcôtédelui
nedisparaissaitpas,seslèvresse
retroussèrentpourdessinerungrand
sourire.
Jepourraism’yhabituer.
Larespirationdelajeunefemmeétait
lenteetcalme,tellementdifférentedes
halètementsqu’ellepoussaitquandillui
ordonnaitdesecaresser.Ilsesentait
encoreunpeumaldel’avoirpoussée
commeill’avaitfait,maisc’étaitla
seulechosequiétaitvenueàsonesprit
poursurmontersonanxiétédefaire
l’amouràunefemmeenétantsobre.Il
nevoulaitpasgâchersachanceen
jouissanttroptôtouenfaisantquelque
chosequ’ellen’aimaitpas.Maisaufur
etàmesure,ilavaitdécouvertuneautre
facetted’elle.Plusilluidisaitquoi
faire,pluselledevenaitexcitée,mêmesi
celavoulaitdirelapousserendehorsde
sazonedeconfort.
Définitivementquelquechoseà
garderàl’espritpourlaprochaine
fois.
Ilsesurpritlui-mêmelorsquecette
penséesematérialisa.Laprochainefois
?Jésus,iln’avaitcouchéavecelle
qu’uneseulefois,etilétaitdéjàentrain
defairedesplanspourlaprochaine.
Maisilnepouvaitniersonérection
grandissanteenpensantàcequ’il
pourraitluifaire.
Jedoissortirdelàavantdela
réveillerpourrecommencer.
Ilseglissahorsdulitaveclafurtivité
d’unninja,untalentqu’ilavaitappris
d’unedesestropnombreusesaventures
d’unsoir,puisilcherchasesvêtements.
Aumomentoùilenfilasonjean,ilremit
enquestionsadécisiondepartir
discrètement.Elleméritaitmieuxque
cela,surtoutaprèsqu’illuiaitdemandé
s’ilpouvaitrester.
Ils’arrêtaetilsegrattalatête.Il
n’avaitjamaisdemandéàpasserlanuit
avecquelqu’unavant,etpourtant,avec
elle,ilenavaiteuenvie.
Merde,jesuisdépassé.
Ducafé.J’aibesoind’uncafé.
Ilnes’embarrassapasàmettresa
chemiselorsqu’ilsortitpourallerdans
lacuisine.L’appartementétaitencoreà
désordreàcausedelasoiréedela
veille,maislesilenceflottaitencore
danslespetitesheuresdumatin.Après
avoircherchédanslesplacards,il
trouvacedontilavaitbesoinpourfaire
ducafé,puisilsepenchasurleplande
travailtandisqu’ilpréparaitcedernier.
Bon,commentjevaisgérerça?
Ill’aimaitbien.Beaucoup,enfait.
Assezmêmepourenvisagerderesteren
villesuffisammentlongtempspourvoir
oùleurrelationallaitlesmener.Elle
étaitjolie,intelligente,audacieuse,
sexy...
Lespalpitationsréapparurentdans
sonsexe,etilgémit.Ilnepourrait
jamaisrevivreuneautreréunionNA
sansserappelerlasensationprocurée
parlefaitd’êtreenfouienelle.Iln’y
avaitpaspenséquandill’avait
embrasséeniquandilavaitacceptéson
invitationd’allerplusloindanssa
chambre.Etildevaitalleràces
réunions,neserait-cequepourprendre
sesresponsabilitésetpournepas
rechuter.
Sonventresenouaetilattenditque
l’enviefamilièrelefrappe.
Maiscettefois,ellen’étaitpasaussi
intensequ’avant.Aulieuquecesoitune
tâcheherculéenne,celaressemblaitplus
àquelquechosequ’unsimplemortel
commeluipouvaitgérer.
Ilprituneprofondeinspiration,puisil
expira,etl’enviepassalorsqu’ilse
rappelalesobstaclesqu’ilavait
surmontéslaveilleausoir.Becca
l’avaitaidédanssonmomentde
faiblesse.Ellel’avaitaidéàretrouverla
musique.Etelleluiavaitoffertsa
premièrenuitdesommeilpaisibleen
plusd’unmois.Elleavaitjouéunrôle
bienplusimportantdanssaguérisonque
quoiquecesoitd’autre,etladernière
chosequ’ilvoulait,c’étaitdegâcherles
chosesavecelle.
Jevaisvoirsaréactionquandellese
réveilleraetjeverraiensuite.
«MonDieu,uncafémeferait
vraimentdubien»,ditunevoixféminine
ensommeilléedepuislesalon.
Ethanfitvolte-faceaumomentmême
oùArientradanslacuisine.Ilsse
figèrenttouslesdeux,chacunfixant
l’autreduregard.Elleécarquillales
yeux,etsavoixexprimasastupéfaction.
«Jeteconnais.»
Ilrecula.
«Ouais,jesuisl’amideBecca.»
«Non,jeteconnais.»
Ellepointasondoigtversletatouage
detigrerouléenboulesursonbras
droit.
«Jeconnaiscetatouagedequelque
part.»
Ethansentitlasueurpicotersanuque.
Ilauraitjurén’avoirjamaisrencontréla
colocatairedeBeccaavantlesoir
précédent,maisquisaitcombiende
chosesstupidesilavaitfaitesquandil
étaitsousl’emprisedeladrogue?
«TuesEthanKellydeRavinia’s
Rejects.»
Beccal’avaitprévenuqu’Ariétaitune
grandefan,maiscelanerendaitpas
justiceàlavénérationébahiequiéclaira
levisagedelajeunefemmetandisque
cettedernièrecontinuaitàpointerson
doigtverslui.Ils’attendaitàmoitiéàce
quedessifflementsprépubèressuivent,
maiselleréussitàgardersoncalme
tandisquesaboucheformaituncercle
parfaitexprimantlasurprise.
«Hum,ouais.»
Illaissatombersonfrontversson
épaulepouressuyerlatranspiration.
Jusque-là,sapremièrerencontreavec
unefandepuisqu’ils’étaitcaché
s’annonçaitplutôtbien.
Ellelaissatombersonbrasetellese
rapprochadelui.
«Jesuisunegrandefan.»
«Oui,Beccamel’adit.»
«Elleaussi.Onl’esttouteslesdeux.
»
Illançaunregardverssavesteetson
casqueprèsdelaporte,puisil
commençaàcalculerlemeilleurmoyen
des’échapper.
«Oh,vraiment?»
Arihochalatête,lesyeuxtoujours
brillants.
«Jeconnaislesparolesdetoutesvos
chansons.»
«C’estmarrant,moiaussi.»
Elleclignadesyeuxplusieursfois,et
l’enchantementdisparut.
«Oh,monDieu,àquoiest-cequeje
suisentraindepenser?Ilfautqueje
trouvemontéléphonepourprendreune
photoavectoi.»
Merde!
Ladernièrechosequ’ilvoulait,
c’étaitqueleselfied’Arifinissesur
touslesmédiassociaux.Celaferait
volersacouvertureenéclat.
Elleretournadanssachambreen
courantetilfitunmouvementversla
porte.Ilnesesouciaitpasd’êtreà
moitiénulorsqu’ilappuyasurlebouton
del’ascenseurunedemi-douzainede
fois.Ildevaitéchapperàlalentillede
sonappareilphotoaussiviteque
possible.
Lasonneriedel’ascenseurretentitet
ilplongeaàl’intérieur.Aumoment
mêmeoùlesportesserefermaient,Ari
apparutdanslecouloiretsetournavers
lui.
L’ascenseurdémarrasadescente,etil
cognasonfrontcontrelaparoi,rempli
defrustration.Cen’étaitpaslamanière
dontilvoulaitquelamatinéesetermine,
maisiln’yavaitpasd’autresolution.
L’enviefamilièresemitàfrémirdans
sesveinesetàletenterdereplonger
danslesabysses.Ilserralespoingsetil
attenditqu’ellepasseavantd’enfilersa
veste.Ilseglissahorsdubâtimentsans
lamoindredifficulté.Samotoétaitgarée
danslarue,àl’endroitoùill’avait
laissé,etilrentraàtoutevitessevers
sonloft.
Ilétaitentraindeplacersamotosur
lemonte-chargelorsquesontéléphone
vibra.Illesortitenpensantqu’il
s’agissaitpeut-êtredeBeccaqui
l’appelaitpoursavoiroùilétait,mais
aulieudecela,cefutlenumérod’Adam
quiapparutsurl’écran.Sadéception
s’exprimadansunsoupir,puisilcliqua
surleboutonpourrépondre.
«Hey,Adam.»
«Nemedispashey.Tunousastous
rendusfousd’inquiétude.»
«Oh,vraiment?»,demanda-t-ilen
ouvrantlaportedesonappartement.
Sonfrèreaînéressemblaitvraiment
tropàleurpèrequandilétaithorsde
lui.
«Etpourquoiça?»
«Parcequec’estlapremièrefoisque
tuneprendspaslapeinederépondreà
undenosappelspendant24heures.»
Ethanressortitsontéléphoneet
vérifialejournaldesappels.Commeil
pouvaits’yattendre,ilyavaitaumoins
vingtappelsenabsencedesafamille
depuislaveille.
«Désolé,montéléphoneétaitsur
silencieux.»
«Tuvasdevoirtrouverunemeilleure
excusequeça.J’étaissurlepointde
prendreunbilletd’avionpourêtresûr
quetuétaisencoreenvie.»
«JenesuispasTy»,répondit-il,sa
voixseserrantàcausedel’irritation.«
Jeresteclean,alorsiln’yapasdesouci
àsefairepourça.»
«Alorspourquoiest-cequetune
répondaispasàtonfichutéléphone?»
«Jet’aidéjàditpourquoi.»
Ilgarasamotocontrelemursitué
prèsdelaporteetilsuspenditson
casqueaucrochetsituéau-dessus.
«Pourquoiest-cequetontéléphone
étaitsursilencieux?»
«Pourquoiest-cequemamanettoi
vousressentezlebesoind’êtresurmon
dosquasimenttouteslesheures?Jene
suispassansdéfense,tusais?»
Lacolèredisparutdelavoixd’Adam,
laissantderrièreelleunevéritable
inquiétude.
«C’estjusteparcequ’ons’inquiète
pourtoi.»
«Ehbienalorsarrêtezdevous
inquiéterautant,OK?J’aiunsuper
systèmedesoutienici,etelleest
merveilleuse.
Elle
est
gentille,
prévenante,intelligente,etellea
suffisammentdecaractèrepourme
mettreunetapederrièrelatêtequandje
mecomportecommeunidiot.Ellem’a
déjàénormémentaidéàprogressersur
lavoiepourresterclean,alorsarrêtede
metraitercommeungamin.»
Desangespassèrentpendantun
instant,etEthann’enmenaitpaslarge.
Lorsqu’Adamétaitsilencieuxainsi,cela
voulaitdirequ’ilanalysaitquelque
chosequiavaitétédit.
«Alors,parle-moidetonfameux
systèmedesoutien.»
Ilétaitcapabled’imaginerquelle
seraitlaréactiondesonfrères’illui
disaitquiétaitBecca.Ellen’avait
toujourspasuneréputationdesplus
exemplaires,mêmesielles’étaitretirée
desonmodedeviedefêtardeplusieurs
annéesplustôt.Elleavaitessayéde
protégerlavieprivéedujeunehomme,
etàprésentilavaitl’opportunitédelui
rendrelapareille.
«Çaneteregardepas.»
«Ilyaunvolà9hdumatinpour
LaGuardiaquejepeuxencoreattraper»,
avertitAdam.
«Lâche-moiunpeu.Jenesuisplusun
gosse.»
«Mais,tuesdansunendroitqui
craintencemoment.»
«Grandenouvelle,Adam-Hell’s
Kitchens’estembourgeoisé,alorsce
n’estplusletrouàratsquec’étaitavant.
Tuverraiscombiencoûtemonloft.»
«Cen’estpascequejevoulaisdire,
ettulesais.»
Ethanselaissatomberdanslecanapé
etsefrottalatempe.Adametsamère
avaitsansaucundoutefaitdesrecherche
àproposdelaguérisondela
toxicomanie,etilsavaientprobablement
déjàentenduparlerdel’obstacledu
premiermois.
«Oui,j’ensuisauseuildesunmois,
etouic’estdifficile,maissij’aibesoin
d’aide,jepeuxappelerBecca.»
«Alorselles’appelleBecca,hein?»
Putain!Adamavaitquandmême
réussiàluisoutirersonprénom.
«Ouais.»
«Etellehabiteenville?»
«Non,ellevitdansceputaindeNew
Jersey.»
Aulieudefairetairesonfrère,ce
commentairelefitrire.
«Etvoilàleretourdessarcasmes.
C’esttoujoursbonsigne.»
«Tuvois?Jevaisbien.Alorsarrête
aveclescontrôlesavantd’alleraulit,
OK?»
«D’accord,etjevaisaussidireà
mamansecalmer,maisnesoispas
étonnésielleappellepourensavoir
plusàproposdeBecca.»
Unebouledelatailledubœufde
WallStreet1seformadanssagorge.
«Pourquoi?»
«Parcequec’estlapremièrefoisque
tuparlesd’unefemmequin’estpasune
nanaquetuasculbutépendantquetu
étaisentournée.»
Non,maisilyavaiteulaveilleau
soir.
«Etd’aprèscequejecomprends»,
poursuivitAdam,«tuasvraimentune
trèshauteopiniond’elle.»
«Ouais,jel’aimebien.Elleestcool,
maisinutilequemamancommenceà
organiserunautremariage.Enfait,ça
pourraitêtrebienquetuneluiparles
pasdeBecca.»
«Tuneveuxpasqu’ellesefassede
fauxespoirs?»
«Ouais,quelquechosedanslegenre.
»
Maisplusilypensait,plusilaimait
l’idéed’êtreliéàBecca,depasserplus
detempsavecelleendehorsdel’arène
desNA,d’êtrequalifiédepetitamiau
lieudesimpleami.Ildevaitjuste
trouverlemeilleurmoyendegérerla
transitionverscela.
«Jen’enparleraipasàmamansitu
medisoùtuétaislanuitdernière.»
Sonfrèren’abandonnaitdoncjamais.
Maiscelanesignifiaitpasqu’ildevait
toutluidire.
«J’étaisentraindefêterRoch
Hachana.»
«RochHachana?C’estquoice
putaindetruc?»
«ShanaTorah,Adam.»
Ilraccrochaetils’assuraqueson
téléphoneétaittoujourssursilencieux
avantdeleglisserdenouveaudanssa
poche.
***
«Becca,tumedoisvraimentdes
explications!»
Beccabondithorsdulitenentendant
lescrisstridentsetfurieuxdesa
colocataire.Lapremièrechosequ’elle
remarquafutqu’elleétaitencorenuede
laveilleausoir.Lasecondechose,ce
futl’impressiondechaleurrésiduelleà
côtéd’ellevenantd’uneautrepersonne.
Ladouleuragréableentresesjambeslui
rappelalesactivitésdelanuit
précédente.
Faischier.J’aicouchéavecEthan
Kelly.
Puis,uneautrepenséeencoreplus
inquiétantesuivit.
Oùilest?
Beccatiralescouverturessursa
poitrined’uncoupsecaumomentoùAri
fitirruptiondanssachambre.
«Tunem’aspasentendutaperàla
porte?»
Arisetenaitaupieddulitdelajeune
femme,lesbrascroisésetlesjoues
rouges.
«OhmonDieu.Tuascouchéaveclui
?»
«Non,j’aidécidéd’uncoupde
dormirnueàcôtéd’unmecsexy,mais
j’airéussiàmeretenirdeposermes
mainssurlui.»
«Putain,Becca!Tusaisdepuis
combiendetempsjecraquepourEthan
Kelly.»
Beccaposasonfrontdanssamain.
Alorslepotauxrosesavaitété
découvert.
«C’estdrôle.Tuavaisl’airplutôt
énervéeparsaprésencehiersoir.»
«C’étaitavantquejeneréalisequiil
est.»
«Hum,désolée?»
«Nememenspas.»
Ariselaissatombersurleborddulit,
lesbrastoujourscroisés.
«Tulesavais?»
«Biensûrquejelesavais,maisil
voulaitselajouerdiscrète,etje
respecteça.»
«Maisjesuistameilleureamie.Tu
auraispuaumoinsmeledireàmoi.»
Beccaregardaleréveil.7h14.Bien
troptôtpouravoircetteconversation
pendantsonjourderepos.
«Enparlantd’Ethan,oùilest?»
Larougeursurlesjouesd’Ari
s’étenditàsesoreillesetàsoncou,et
elleseraiditcommeunebaguette.Elle
détournaleregard,jouantavecune
mèchedesescheveuxblonds.
«Ehbien,hum,jecroisquejel’ai
faitfuir.»
Beccabonditsursesgenoux,serrant
toujoursledrapcontresapoitrineet
ignorantlesouffled’airfraisquibaigna
sesfessesnues.
«Qu’est-cequis’estpassé?»
Ariréponditparunrirenerveuxetse
mitàjoueravecuneautremèchede
cheveux.
«Ehbien,j’aisentilecaféqu’ilétait
entraindepréparer,jel’aitrouvédans
sacuisinesanssachemise-aufait,ilest
bienplussexyenvraiqu’enphoto.Pas
étonnantquetuaiesvoululegarderpour
toitouteseule.»
«Crachelemorceau,Ari.»
Cettedernièrelâchasescheveuxet
jetasesmainssursesgenouxavecun
soupirexaspéré.
«Jesupposequejemesuisunpeu
comportéecommeunefanhystérique.»
«Etensuite?»
«Ilaflippéetilafilé.»
«Putain,Ari!Jem’attendaisàmieux
detapartsachantqueGabeestunestar
decinémaettout.»
«Jesuisdésolée,maisilétaitlà-
dansnotrecuisine-àmoitiénu.J’ai
juste,tusais,j’aiperdulatête.»
Beccas’enveloppadansledrapet
sortitdulit,puisellecherchason
téléphoneaumilieudesvêtements
éparpilléssurlesol.Unefoiscedernier
retrouvé,ellecomposalenuméro
d’Ethanetellecomptalessonneries
avantdetombersursaboîtevocale.
Merde!
Elleraccrochasansenregistrerde
messageetelleselaissaretombersur
sonlit.Elleréessayeraitplustard,etsi
ellen’arrivaitàlejoindrepartéléphone,
elleespéraitqu’ellepourraitluiparler
pendantlaprochaineréunionNAet
s’excuserpourlecomportementdesa
colocataire.
Aris’assitàcôtéd’elle,latête
toujoursbaissée.
«Désolée,Becca.Jenevoulaispas
lefairefuir.»
«Pasdesouci.Jesuissûreque
j’arriveraisàmettrelamainsurluietà
toutluiexpliquer.»
Ariacquiesça,puiselledemanda:«
Alors,c’étaitcomment?»
Àprésent,c’étaitautourdeBeccade
rougir.
«Waouh.»
«Waouh?»
«Oui,définitivementwaouh.»
1BœufdeWallStreet:Référenceàunestatuereprésentantunbœufsituéedanslequartierde
WallStreet
ChapitreDix
«Rebecca,est-cequejepourraiste
direunmots’ilteplaît?»
Une
dizaine
de
paires
d’yeux
fondirentsurelleaprèsqu’Elaineluieut
posécettequestionàlafindelaréunion
hebdomadairedupersonnel,toutle
monde
se
demandant
pourquoi
l’assistantelamoinshautplacéeavait
étéremarquéeparlarédactriceenchef.
Beccafrottasespaumescontresa
jupeetellehochalatête.
«Biensûr,Elaine.»
«Dansmonbureau.»
Elaineluifitsignedelasuivre
jusqu’aubureaudeladirectionoffrant
unevueàcouperlesoufflesur
Midtown1.
«Fermelaportederrièretoi.»
Beccaobtempéraetattenditqu’Elaine
soitassisederrièresonbureauavantde
prendreunsiègeenfacedecette
dernière.Saboucheétaitsèche,etelle
n’étaitpascertained’êtrecapablede
répondreàcequesapatronnepourrait
luidire;elleregrettaitdenepasavoir
amenésabouteilled’eaupendantla
réunion.
«Tueslàdepuisjanvier,c’estça?»
«Oui.»
Elaineenfilaunepairedelunettesde
lecturedemarqueetellesurvolades
documentsposéssursonbureautouten
parlant.
«Etmêmesij’apprécielefaitquetu
prenneslaparolependantnosréunions
poursuggérerdessujetsd’articles,jene
pensepasquetuaiesbiensaisiquiétait
lepublicdeModerne.Notrelectoratest
unefemmejeuneetmodernequiveut
resterautopdestendances,quecesoit
pourlamode,labeautéouleshommes.
Ellenes’intéressepasaubesoind’offrir
uneéducationàdespetitesfillesdu
Tiers-Monde.»
Ohgénial,jesuissurlepointdeme
fairevirer.
Beccaenroulasesdoigtsdansletissu
rêcheenlainedesajupe.
«Oui,Elaine.»
Larédactriceenchefposalespapiers
qu’elletenaitentresesmainsetelle
retiraseslunettesavantdepincerl’arête
desonnez.
«Jesaisquetuaimeraisécriredes
articlesplussérieux,maiscen’estpas
cequ’onfaitici.Jesuisbienplus
intéresséeparcequetupeuxmedonner
grâceàtesrelationssociales.»
LacolonnedeBeccaseraiditetsa
peursetransformaenunmélange
d’indignationetdeconfusion.Ellelutta
pourgarderunevoixcalmeavantde
demander:«Mesrelations?»
«Oui,tuesBeccaShore,unefêtarde
extraordinaireetl’héritièred’unegrande
fortune»,expliquaElaineavecde
grandsgestes.«Tuconnaisdesgenssur
quimeslectricesonthâted’apprendre
deschoses.TupeuxoffriràModerne
desragotsjuteuxsurlescélébritésqui
ferontvendrelesnuméroscommedes
petitspains.Pourquoitucroisquej’ai
acceptédeteprendre?»
Ungoûtameremplitlabouchede
Becca,maisellecontinuadesetaire.
Elainesepenchaenavantetposases
brassursonbureau.
«Tusaisforcémentquelquechosequi
peutnousêtreutile.»
Commelefaitquej’aicouchéavec
EthanKellylasemainedernière?Je
pariequeteslectricesadoreraitsavoir
s’ilestdouéaulit.
Maisellen’étaitdugenreàétalersa
viesexuelle.Sansparlerdufaitqu’elle
étaittropoccupéeàessayerde
convaincrelejeunehommedeluifaire
confiance.Iln’avaitfaitaucuneffort
pourlacontacterdepuisqu’ilavaitfui
sonappartementlevendredimatin.
Ellegardaunvisageimpassibleet
ellesecoualatête.
«Pasencemoment.»
Levisaged’Elainesedurcitetellese
rassitdanssachaise.
«Ehbienconsidèreçacommeta
mission,Rebecca.Onarriveàla
périodedesfêtes,etjesuissûrequ’avec
lesrelationsdetafamilletuseras
invitéedansbeaucoupderéceptions.Si
quelqu’und’importantnefaitneserait-
cequ’éternuer,jeveuxlesavoir.»
Alorsonmecantonneàespionnerles
célébrités.
Elleserralespoingspours’empêcher
dedirenonàElaine.Aussinulque
puisseêtrecetravail,cedernierlui
permettaitdepayersesmodestes
factures,etladernièrechosedontelle
avaitbesoin,c’étaitd’êtremiseàla
porte.Sansrevenus,elleseraitobligée
deramperdesonpèreetdecéderaux
exigencesdecelui-ci.
«Jevaisvoircequejepeuxfaire.»
«Excellent.J’aihâtedeliretes
comptes-rendus.»
Elainetournasonattentionversson
ordinateuretellecongédiaBeccad’un
signedelamain.
Lajeunefemmeseretiradansson
box,incapabledecalmerlesnausées
qu’elleressentait.Laseuleraisonquilui
avaitpermisd’obtenircetravail,c’était
cellequ’elleétaitavant,etàprésentelle
risquaitdeleperdre.Sonrêvede
devenirunejournalisterespectéelui
semblaitencorepluséloignéquejamais.
Ellesortitsontéléphoneetelle
composalenumérod’Ari.
«Tupeuxt’échapperpourdéjeuner?
J’aivraimentbesoindequelqu’unàqui
parler.»
«Biensûr.Tuveuxqu’onretrouveau
Cirque?Jeconnaislemaîtred’hôtel,il
peutnousfairerentrer.»
Beccagrimaçaenpensantàl’addition
élevéequecelaimpliquait,maiselle
balayacetteidéeenprenantpourexcuse
lefaitqu’elleavaitbesoindefaireune
folie.
«Biensûr.Jeteretrouvelà-basà
midi?»
«Jesuisenréunionjusqu’àmidiet
demi,alorsplutôttreizeheures.Àtoutà
l’heurealors.»
***
Quelquesheuresplustard,ledéjeuner
pesaitencorelourdementsurl’estomac
deBeccalorsquecettedernièrequittale
travail.Elleavaitpassédeuxheuresà
réfléchiravecArisurlamanièredont
ellepourraitsauversonpostesans
devenirunepariasociale,etrienne
semblaitréalisable.
Évidemment,lefaitqu’Arin’avait
pascessédeparlerdesarelationavec
Ethann’avaitpasaidé.Cenefutqu’au
momentoùBeccamenaçadepublierdes
photosdeGabeavecunappareiletun
casqueorthodontiquesqu’Ariavait
lâchédulest.Certaineschosesne
devaientpasêtrerenduespubliques,et
EthanKellyenfaisaitpartie.
Ellesehâtaendirectiondelastation
demétrolaplusproche.Letrainétaiten
traind’attendresurlavoielorsqu’elle
atteignitlesmarchesmenantauquai.
Elledescenditencourant,etellesentit
quelquechosecraquersoussonpied.Sa
chevillesedérobaetelletrébuchasur
lesdernièresmarches,priantpourne
pastomberàplatventresurlebéton.Au
momentoùelleretrouvasonéquilibre,
lesportess’étaientfermées.
Ellebaissalesyeuxversletalon
cassédesachaussureetellepoussaun
juron.Sielleavaitportédesvraies
JimmyChooetnonuneimitation,elle
n’auraitpasratésontrain.Àprésent,
elleseretrouvaitavecunepairede
chaussuresabiméeetelleseraiten
retardpoursaréunionNA.
Elleboitillaverslebancleplus
procheetellecherchaleminusculetube
decollequ’ellegardaitpourles
urgences.Àunecertainepériodedesa
vie,elleauraitjetéleschaussuresàla
poubelleetelleauraitachetéunepaire
neuve,maisledéjeunerluiavaitcoûté
tellementcherparrapportàsesfinances
quecetteoptionétaithorsdequestion.
Pour
le
moment,
elle
devait
raccommoderletalonetprierpourqu’il
durejusqu’àcequ’ellearrivechezelle
etqu’ellepuisseappliquerunecolle
plusforte.
Sachevilleavaitcommencéàgonfler
lorsqu’elleseglissadiscrètementdans
laréunion.Ellenepritmêmepasla
peinedechercherEthanetelleoptapour
lachaiselibrelaplusproche.Aulieu
d’écouterlesautresmembres,sonesprit
étaitenébullitionàproposdesapropre
situationdélicate.Ellepouvaitsoit
devenirunetaupe,soitseretrouverde
nouveauàlamercidesonpère.La
simple
idée
de
vivre
sous
la
surveillanceconstantedecedernier
suffisaitpourraviverl’enviefamilière.
Lorsqu’elleétaitsousl’emprisedela
drogue,ellenesesouciaitpasdece
qu’ilpouvaitpenserd’elle.Sescritiques
roulaientsurellecommesesbottesen
caoutchoucBurberrypréférées.Maissi
ellerevenaitverslui,elledevrait
admettrequ’elleavaitfaitlesmauvais
choix
et
qu’elle
avait
eu
un
comportementtotalementintolérable.
Jepréfèreêtrepauvreetaffaméeque
d’êtreànouveautentéedemedéfoncer.
C’étaitunerévélationquis’était
imposéeàelledeuxansplustôt,etcela
luiavaitdonnélaforced’apaiserles
effetsdumanque.Sielleperdaitson
travailchezModerne,ellepourrait
trouverautrechose.Barmaid.Serveuse.
Peut-êtrequ’ellepourraitmêmevoirsi
ellepouvaitsefaireembaucherdans
l’entreprisederelationspubliquesdans
laquelletravaillaitAri.Enoutre,sielle
étaitlicenciée,elleréfléchiraitàdeux
foisavantdedépenservingtdollarsà
chaquefoisqu’ellevoulaitsedroguer.
Laréunionarrivaàsontermeetses
yeuxcroisèrentceuxd’Ethan,assisà
l’autreboutdelapièce.L’intensitéde
sonregardluicoupalesouffle,etellese
tortillasursachaiseensesouvenantde
luientraindeluiordonnerdese
caresser.Unepartied’ellevoulait
s’enfuiravantqu’ilnes’approche
d’elle,justepouréviterlaconversation
embarrassanteduAlors,àproposde
l’autresoir,maisl’intensitédigned’un
prédateurquibrûlaitdanssesyeuxgris
luiinterdisaitpresquedepartiravantde
luiavoirparlé.
Etilsavaitàquelpointelleétait
docilequandilluidonnaitl’ordrede
fairequelquechose.
Ellerestasursachaiseetelle
l’attendittandisquelesautresquittaient
lesous-sol.
Ilsefrayauncheminjusqu’àelleà
traverslafoule,puisilarrivadevant
elle,sesmainsenfoncéesdansses
poches.Mêmevêtud’unT-shirtdélavé
etd’unjeanusé,ilétaitsexy.
«Salut.»
«Salut»,répéta-t-ellesansrien
trouverdemieuxàdire.
Ilsebalançasursespiedsavantde
s’asseoirsurlachaisequisetrouvaità
côtéd’elle.
«Becca,je....»,savoixs’éteignitet
ildétournaleregard.
Ilsentitsagorgeseserrer.C’étaitle
momentoùilallaitluisortirlefameux
baratin:Mercipourl’autresoir,mais
jepensequ’ondevraitjusterester
amis.Etelleleméritait.Aprèstout,
c’étaitellequil’avaitinvitédanssonlit
alorsqu’ilétaitencoredansunephase
précairedesaguérison.
Ilsefrottalanuque,puisellese
tournaverselle.
«Est-cequ’onpourraitallerprendre
uncaféetdiscuter?»
«Biensûr»,dit-elled’unevoix
faussementenjouée.
Maislorsqu’elleseleva,ladouleur
lancinantedanssachevilleseréveillaet
envoyaunéclairdedouleurdanstoute
sajambe.Ellehaletaetellevacillavers
l’avant.
Ethanlarattrapa,lessourcilsfroncés
parl’inquiétude.
«Qu’est-cequinevapas?»
«Cesstupideschaussures.»
Elleserassitetelleretirala
chaussurecoupable.Lacolleforteavait
étéinefficace,etàprésentletalon
pendait,tenantuniquementgrâceàune
mincebandedefauxcuir.
«Jemesuistorduelachevilleen
venant.»
«Laisse-moiregarder.»
Ils’agenouilladevantellepour
examinersacheville.
«Tusais,c’estladeuxièmefoisque
jetevoistrébucheraveccestalons.Tu
devraischoisirdeschaussuresplus
solides.»
«Etprendrelerisquedenepasêtreà
lamode?Jamais!»
Les
mains
chaudes
d’Ethan
caressèrentsonmolletetglissèrentvers
l’articulationenflée.Lasensationque
cesgestesluiprocuraientéveillèrentson
désiretrefirentsurgirdessouvenirsde
sesmainssurd’autrespartiesdeson
corps.Etmêmesil’examendesa
chevilleétaitloind’êtresexuel,elle
devenaitdeplusenplusexcitéeà
chaquelégèrepression.
«Ellen’apasl’aircassée»,dit-ilen
levantlesyeuxverselle.Ils’arrêta,
commes’ilavaitcomprissondésir,etsa
boucheseretroussadansunsouriresexy
quilarendithumided’impatience.
«Peut-êtrequ’ondevraitjusterentrer
cheztoi?»
«TuesprêtàsupporterAri?»
«Bienvu.»
Ilselevaetillasoulevadansses
bras.
«Chezmoi,c’estmieux.»
Lagênelafitbafouiller.
«Tun’aspasbesoindemeporter.»
«Ettunedoispasmarchersurcette
cheville.»
Ilmontalesescaliersaussivitequ’il
lefaisaitlesbrasvides.
«Enplus,çamepermetdejouerles
chevaliersservants.»
«Jenesuispasunedemoiselleen
détresse.»
«Non,maisçam’estcomplètement
égal.»
Illaportajusqu’àsamoto.
«Tupensesqueçaira?»
«Çadevrait.»
«Alorsattachetoncasque.»
Illuitenditledeuxièmecasqueavant
d’enfilerlesien.
Elleavaitététellementtroubléepar
sagalanteriequ’elleavaitoubliéqu’il
voulaitqu’ilsaillentchezluijusqu’àce
qu’ildirigeversl’est,endirectionde
Hell’sKitchen.Dessonnettesd’alarme
hurlèrentdanssatête.Sielleallaitchez
lui,ellerisquaitànouveaudefinirnue
aveclui.Maisellesejustifiaense
disantqu’ellepouvaitfairepreuvede
retenueenprésenced’EthanKelly,et
quelefaitdesavoiroùilhabitaitserait
importantsielledevaitvérifiers’il
allaitbien.
Ils’arrêtadevantunentrepôtrénové
etiléteignitlemoteur.
«Nebougepas»,ordonna-t-iltandis
qu’ilpoussaitlamotoversl’intérieur,
puissurlemonte-charge.
«Tunefaispasconfianceàtes
voisins?»,taquina-t-elle.
«Paspourça.»
Lemonte-charges’ouvritaudernier
étage,etils’arrêtapourouvrirlaseule
portequisetrouvaitdevanteux.
«Désolépourlebazar.»
Desmorceauxdepapierjonchaient
lesmeubles,etunecollectionde
canettesdesodavidesétaitrassemblée
surleplandetravaildelacuisine.Mais
tandisqu’illaportaitdanslapièce,elle
s’aperçutquelespapiersétaientdes
partitions,etqu’ilyavaitdesnotes
dessinéessurlesportées.
Leloftbénéficiaitdel’atmosphère
industriellequiétaitsipopulairepour
lesentrepôtsreconvertis.Desbriques
apparentescouvraientlesmurs,etde
grandesfenêtresluioffrirentunaperçu
deslumièresdelavillescintillantsur
l’Hudson.
La
cuisine
était
une
combinaisonauxlignespuresdelaque
noireetd’acierinoxydable,etun
escaliermétalliquenoirmenaitàla
chambreouvertequisetrouvaitàl’étage
supérieur.
Ilfitdelaplacesursoncanapéetilla
posaavantderassemblerlespartitions
pourenfairedespilesordonnées.
«J’aiété,hum,dansunesortede
phased’excès.»
«Quelgenred’excès?»
Soncœursemitàbattrelachamade,
etellecherchadestracesdepiquressur
laveinetatouéesursonbrasgauche.
Illevalesmainsetilsecoualatête.
«Non,non,non-pascegenre
d’excès.»
Ilrassemblaencorequelquespilesde
partitionsqu’ilplaçasurlepianoà
queuequitrônaitaumilieudelapièce.
«Unexcèsmusical.Depuisqueje
suispartidecheztoi,leschansonsme
sontvenuesspontanémentl’uneaprès
l’autre,etj’aiessayédelesmettresurle
papieravantdelesperdre.»
«Alorsc’estcequetuasfaittoutle
week-end?Composerdenouvelles
chansons?»
«Hum,ouais.»
Ilsefrottalanuqueetilseconcentra
surlachevilledeBecca.
«Laisse-moiallerchercherdela
glace.»
Ildisparutdansl’espacedédiéàla
cuisineduloft,etilremplitunsacen
plastiquedeglacepiléeprovenantdu
distributeursituédanslaportedeson
réfrigérateur.Puisill’enveloppadansun
torchonqu’ilposadoucementsurla
chevilledelajeunefemme.
«Tropfroid?»
«Non,çava.»
Ellesedéplaçasurlecanapépourlui
laisserlaplacedes’asseoir.
«
Parle-moi
de
ces
nouvelles
chansons.»
«C’étaitdingue,Bec.C’étaitcomme
sionouvraitunevanne-Bam!Jecrois
quej’aiécritsuffisammentdenouvelles
compospourenregistrerunalbumentier.
J’aieudumalàdormirtoutleweek-
end,etcesoirçaaétélapremièrefois
quejesuissortidemonappartement
depuisquejesuisrentrévendredimatin.
»
Hum...Jemedemandecequ’Elaine
diraitsijeluidisaisqu’EthanKelly
poursuivaitsoncheminsansRavinia’s
Rejects.
Illuifitunsourirepenaud.
«Jesupposequejetedoisdes
excusespournepast’avoirrappelée,
maisje...»
Alorsc’estpourçaqu’iln’apas
appelé.
«Pasdeproblème.»
«Sic’estenestun.»
Ilselevaetilfitlescentpasdevant
elle,sesmainsdenouveauenfoncées
danssespoches.
«J’auraisdûappeler.»
Ils’arrêtaetilajouta:«Jevoulais
appeler.»
«Net’inquiètepas,Ethan.Je
comprends.Aprèsdessemainesde
syndromedelapageblanche,jesaisque
tunevoulaispascouperlefildeton
inspiration.»
«Ouais,maisjenevoulaispaste
blessernonplus.»
Ilserassitsurlecanapéetilpritsa
maindanslasienne.
«Cequejeveuxdire,c’estquej’ai
vraimentappréciél’autresoiretque
j’espèrequejen’aipastoutfoutuen
l’airenpartantcommejel’aifaitouen
n’appelantpas.»
«Jepeuxcomprendrepourquoitues
parti.Aripeutêtreunpeu...àfond.»
«J’étaisterrifiéenpensantqu’elle
pourraitpublierunephotodemoisur
Facebookouuntrucdanslegenre.
Parmitouslesgensquejeconnais,tues
lamieuxplacéepoursavoircombienil
estdifficiledesecacherunefoisqueles
paparazzisdécouvrentoùtues.»
Elleacquiesça.L’époquedontil
parlait
ressemblait
à
un
lointain
souvenir,maisellesesouvenaitdece
qu’elleressentaitlorsqu’ellesortaitde
lasalledesportsouslesflashsdes
appareilsphotosquitentaientdela
photographieraumomentoùelleétaitle
plusensueur.
«Etdonc,qu’est-cequetuesentrain
dedireEthan?»
«Ça.»
Ilsepenchaversl’avantetil
l’embrassajusqu’àcequ’elleoublietout
sauflapressiondeseslèvrescontreles
siennes.Ilbougeaitlentement,attendant
qu’elleluidonnelapermissionde
continuer,etlorsqu’elleluiaccorda
cettedernière,ilselaissaalleretil
renditsonbaiserplusintense.Illaprit
danssesbras,etlapassiondansson
étreinteattisasondésirplusquetout.
Elleluirenditsonbaiser,etelletendit
lesmainsversluipourexplorertoutes
lespartiesaccessiblesdesoncorps.Le
goûtdesalangues’enroulantautourde
lasienne.L’odeursubtileducèdredans
soneaudetoilettesemêlantàcellede
l’adoucissantsursonT-shirt.Les
ondulationssculptéesdesesabdominaux
etdesesbiceps.Avantqu’ellenepuisse
fairequoiquecesoit,elletombasurle
canapéetellel’attiraverselle.
Heureusement,ilavaitlesidéesassez
clairespourlarepousseravantqu’ilsne
seretrouventnustouslesdeux.Ilse
penchaau-dessusd’elle,sesbras
commedesbarresdeferdechaquecôté
delapoitrinedeBecca,etilessayatant
bienquemaldereprendresonsouffle.
«Becca,jeteveuxtellement.»
«Alorsqu’est-cequiteretient?»
Elletenditlebraspourl’attirerde
nouveauversellepourunautrebaiser,
maisillarepoussa.
«Non,jeveuxdirequejeveuxplus
quedusexe.Jet’apprécie.Tumeplais.
»
«Alorsqu’est-cequetusuggères?»
«Tusais-letrucclassique.Undîner.
»
Ildéposaunsimplebaisersurlebord
desabouche.
«Unciné.»
Unautresurleboutdesonnez.
«Etensuitepeut-êtreundessert.»
Ilbaissadenouveausonregardvers
elle,ledésirardentdanssesyeux
uniquementégaléparsonsouriretendu
maispourtantremplid’espoir.
Pourunrockercenséêtreblasé,sa
demandeétaitagréablementinnocenteet
sincère.Elleseléchaleslèvresetelle
enroulasesbrasautourdesoncou.
«Tusaisàquelpointj’adoreles
desserts.»
«Putain,Bec,quandtudisçacomme
ça...»
Cettefoisilnelarepoussapas
lorsqu’ellel’attirapourl’embrasser.
Sansdétacherseslèvresdessiennes,il
lapritdenouveaudanssesbrasetilla
portadansl’escaliermétalliquemenant
àlachambre.
Illaposasurlelitetilfitunlarge
sourire.
«Enparlantdedessert,depuisjeudi
soirj’aiuneterribleenviedemiel.»
Ilsepenchaplusprèsetilajoutadans
ungrognementgrave:«Maisseulement
sijedoisleléchersurtoi.»
Unautrefrissondeplaisirparcourut
lacolonnedeBeccaàlapenséedela
langued’Ethanentraind’explorerson
corps.
«Tuenasparhasard?»
«Jevaisl’ajouteràmalistede
courses.Pourlemoment,tuesassez
sucréeetdélicieuse.»
Alorsqu’ilssedébarrassaientde
leursvêtements,elleselaissaallerà
fantasmersurcombienilseraitfacilede
tomberamoureused’EthanKelly.
1Midtown:Quartierd’affairesàNewYork
ChapitreOnze
Lasonnettedelaporteinterrompit
Beccaaumomentoùelleappliquaitsa
dernièrecouchedemascara.Ellebaissa
lesyeuxpourregarderl’heuresurson
téléphone.
Merde!Ilestenavance.
Elleterminarapidementsescils,puis
elleappliquaunecouchedebrillantà
lèvrescoloréavantdevérifiersonreflet
danslemiroir.Pasaussiparfaitqu’elle
l’auraitvoulu,maisc’étaitacceptable.
Larobevintagebleuglacierdestyle
années50quiluiarrivaitauxgenoux
faisaitressortirsesyeux,etlesperles
scintillantesajoutaientjustecequ’il
fallaitd’éclatpourl’occasion.
Ariétaitentraind’ouvrirlaporte
lorsqueBeccasortitdelachambre.Sa
colocataireportaitunerobefourreauqui
moulaitsespetitescourbesetqui
arboraitavecfiertéunefenteallantdesa
chevilleàsahanche.Contrairementà
elle,Arinelouaitpasdevêtementsde
luxeetnefouillaitpasdeboutiques
d’occasionpourtrouverdesvêtements.
Larobedemarqueluiappartenait.
«Hey,Ethan.»
Beccaseremitàrespirer.Celafaisait
deuxmoisqu’ellesortaitavecEthan,et
aufildutempsAriavaitréussiàse
défairedesonadorationadolescenteetà
voirsimplementEthancommelepetit
amideBecca,etcelui-ciétaitbeaucoup
plusdétendulorsqu’ilpassaitdutemps
chezelles.
«Hey,Ari.Tuesmagnifique.»
Ilentradansl’appartementetlepouls
deBeccasemitàbattreplusvite.Il
avaittoujoursétésexyavecsonairde
mauvaisgarçonbourru.Maisen
smoking,ilétaitpurementetsimplement
irrésistible.Lesreversensatinétaient
assortisàsescheveuxnoirscourts
coiffésenarrière,etlesrayures
soulignaientsesépauleslargesetsa
taillemince.
J’aienviedeletraînerdansla
chambreetdelechiffonnercommeil
faut.
Ilsetournaverselle,etsamâchoire
s’entrouvritlégèrement.
«Ouah,Bec.Tuessuperbe.»
Ellesentitunevaguedechaleur
envahirsesjouesetellebaissalesyeux
enfaisantunsouriretimide.
«Tuasplutôtbienréussiàprendre
uneimagedegentleman.»
«Pascomplètement.»
Illevasuffisammentsonpantalon
pourmontrerlesbottesdemotocloutées
impeccables.
«Jedevaisgarderunpeudemoi.»
«Espècederebelle.»
Elleglissasonbrasautourdecelui
d’Ethan.
«Alorstuesentraindemedire
qu’onvaprendretamotopouralleràla
soiréedegaladumusée?»
Ilrit,sansjamaislaquitterdesyeux.
«Non,jepeuxpayeruntaxi.»
PuisilfitunsignedelamainàAri.
«Onseretrouvelà-bas.»
Arifitégalementunsignedelamain
avantderetournerprécipitammentdans
lasalledebainpourterminerdese
préparer.Ellen’avaitpasdecavalier
pourl’évènement,etpendantuninstant
Beccasongeaàluiproposerdepartager
untaxiaveceux.Pourtant,cettepensée
disparutdesonespritàlasecondeoù
Ethanl’attiraversluipourlaprendre
danssesbrasetqu’ill’embrassa.
«Turessemblesàunereinedes
neigessexy.»
«Est-cequetuesentraindeme
suggérerdemelancerdanscette
chansond’IdinaMenzel1?»
Ilrecula,sonvisagesedéformadans
uneexpressiond’horreur,etilseremità
rire.
«Non.LasœurdeTyetsapetitefille
nousontrejointentournéequandlefilm
estsorti,etlaseulechosequej’ai
entenduependantdesjours,c’étaitcette
chanson.»
L’hilarités’estompaetsonregard
devintdisant,commec’étaitlecasà
chaquefoisqu’ilparlaitdeTy.Ilfrotta
sonavant-brasàl’endroitoùlenomde
sonmeilleuramiétaittatoué,toutcomme
illefaisaittoujoursquandlemanquese
faisaitressentir.
Beccapritlajouedujeunehomme
danssamainetdéposaunbaisersur
l’autrepourlesortirdesonhumeur
sombre.
«Allons-yavantqu’ilsn’aientplusde
cocktailssansalcool.»
Legalaannueldel’American
MuseumofNaturalHistoryétaitundes
évènementssociauxlesplusattendus,et
ellenevoulaitrienrater,surtoutsachant
qu’Elainecontinuaitdelaharcelerpour
obtenirplusdepotinssurlesstars.Le
moisprécédent,elleavaitréussià
découvrirquelquespépitespendantle
NewYorkFestivaletlaNYCFoodand
WineWeek,maisceseraitlapremière
fois
qu’elle
serait
entourée
par
suffisammentdegrandsnomspour
décrocherunbonarticle.
Biensûr,lesujetàsuccèsl’escortait
pourl’évènement.Lerevirementetle
retourd’Ethannecessaitjamaisdela
stupéfier.Ilavaitécritquatorzechansons
depuisRoshHachanaetilétaitentrain
detravailleravecdesmusiciens
confirméspourlesenregistrerenvue
d’unalbumsolo.Toutcelasefaisait
dansleplusgrandsecret,maislorsque
lanouvellefiniraitparsesavoir,le
mondedelamusiqueseraiten
ébullition.
Maispeuimportaitcombiendefois
elleavaitététentéed’êtrecellequi
écriraitcetarticle,ellerefusaitdetrahir
laconfiancequ’ilavaitplacéeenelle.
LetaxitraversaCentralParketles
déposadevantleMuseumofNatural
History.Engrandissant,elleavait
entendusesparentsraconterdes
histoiresàproposdel’évènement
extravagantquisedéroulaitsousles
ombresdelabaleinebleueetduT-Rex,
maisc’étaitlapremièrefoisqu’elley
assistait.EtelleledevaitàEthan.Elle
avaitévoquésonenvied’yparticiper
quelquessemainesplustôtpendant
qu’ilsfaisaientletourdesexpositions,
etquelquesheuresplustardill’avait
surpriseavecdesbillets.
Unefoisarrivésàl’intérieurdela
rotonde,ilstrouvèrentlebar.Ethan
commandal’eaugazeuseavecducitron
habituellepourBeccaetunCocapour
lui.Ellebalayalasalleduregardetelle
reconnutdesdizainesd’amisdeses
parents,ainsiquel’élitedelasociété
new-yorkaise.Descélébritésdela
scèneetducinémasemêlaientàces
personnalités,ajoutantuneénergie
supplémentaireàl’excitationquirégnait
danslapièce.
Beccasefrayauncheminàtraversla
foule,s’arrêtantpourdiscuteravecdes
personnesqu’elleconnaissait.Elle
présentaitEthancommesonpetitamien
nedonnantquesonprénom.Àchaque
foisqu’elleledésignaitdecette
manière,elleressentaitunepetitepointe
dejoie.Ellen’arrivaittoujourspasà
croirequecethommecharismatiqueet
sexysortaitavecelle.Ilauraiteuses
chancesavecn’importelaquelledes
actricesoudesmannequinsprésentes,
maissesdoigtsrestaientfermement
entrelacésaveclessiens,etl’attention
qu’illuiportaitnefaiblissaitjamais.
Comment
je
peux
être
aussi
chanceuse?
Elleflottaitsurunpetitnuage
jusqu’aumomentoùelleentendit
quelqu’unprononcersonnometqu’elle
seretourna.
***
Malgrésonaversionpourlafouleet
lesgrandessoirées,Ethanétaitravi
d’avoirobtenulesbilletspourlegala.
Beccailluminaitlapièce.Celanevenait
passeulementdelarobebleueglacier
quimoulaitsapoitrinegénéreuseetqui
mettaitenvaleurseshanchespulpeuses.
C’étaitlamanièredontelleaccrochaitla
foule-ensouriant,enriant,enengageant
laconversationavecdeparfaits
inconnusetenlesmettantàl’aise.Le
galaréveillaitlecôtéd’ellequiaimait
fairelafêtequisommeillaitenelle
depuisdesannées,maissamaturité
tempéraitcetaspectdesapersonnalité
avecunraffinementqu’ilauraitsouhaité
pouvoirreproduire.
Audébut,iltenaitsamainpour
calmersonangoissed’êtrereconnudans
unévènementaussiimportantL’enviede
sedrogueretd’oubliersespeurstenta
delepiégerplusieursfoisaucoursdela
premièredemi-heure,maisàchaquefois
ilregardaitenluietiltrouvaitunmoyen
delarepousser.Unefoissesnerfs
calmés,ilnetenaitplussamainque
commeunsymboledefierté.Ilavait
surprislesregardsadmirateursque
certainshommesavaientlancésverselle
pendantqu’elledéambulaitaumilieude
lafoule,etuneflammedejalousie
naquitenlui.Elleétaitsapetiteamie,et
ilvoulaitfaireensortequecelasoit
clairpourtousceuxquicroisaientleur
chemin.
Toutsepassaitbienjusqu’àceque
Beccaseretourneetseretrouveface-à-
faceavecunegrandefemmeélégante
plusâgée.
LevisagedeBeccaperdittoutesses
couleurs,etàprésentc’étaitellequi
serraitsesdoigtspourobtenirun
soutien.
«Claire.»
L’inquiétudenouasonventre,maisil
résistaàl’enviedeseprécipiterpour
veniràsonsecours,surtoutavecunsi
grandnombredepersonnesautourd’eux
pouvantêtretémoinss’ilsfaisaientune
scène.
Clairecommençaàtendrelesbras
versBeccacommesiellevoulaitla
prendredanssesbras,maisensuiteelle
baissalesbrasetellerecula.
«C’esttellementmerveilleuxde
tombersurtoiici,Becca»,dit-elle,sa
voixtremblantereflétantlesourire
nerveuxsursonvisage.«Etquiest-ce?
»
«Monpetitami,Ethan»,répondit
Beccacommeellel’avaitfaitpendant
toutelasoirée.
Latensionentrelesdeuxfemmes
étouffaitlajoiequ’elleressentaitplus
tôt.Clairecontinuaitdelaregarder
commesielleattendaitqu’elleluidonne
lapermissiondecontinuer,maisBecca
semblaitàuncheveudeprendreses
jambesàsoncou.Elletremblaitàcôté
delui,etsonétreintemenaçaitdecouper
lacirculationdanssamain.
Lesilenceembarrasséquis’installa
entreellesluioffritunechanced’étudier
Claireplusattentivement.Elleétait
grandeetélancée,lesquelquesrides
autourdesesyeuxoffraientunindicesur
sonâge,maislabeautérayonnantedesa
peaulerendaitdifficileàdeviner.Ses
cheveuxcouleurmieltombaienten
cascadesursonépauledansdesvagues
brillantes,etsatenuedesoiréesans
bretellescréaitundécolletédontla
plupart
des
hommes
seraient
probablementincapablesdedétourner
lesyeux.Maisquelquechosechezelle
luisemblaitvaguementfamilier.
«Ilyaunechancequetuaieschangé
d’avisàproposdeThanksgiving?»,
demandaClaire.«Jacobm’aditquetu
avaisdesprojets,maistonpèreetmoi
çanousferaitvraimentplaisirdet’avoir
ànotretable.»
«Claire,tusaisquejenepeuxpas».
L’attentiondeBeccasedirigeavers
quelqu’unquisetrouvaitderrière
Claire,etellereculaentrébuchantetsa
mainlâchacelled’Ethan.
«Excuse-moi.Jedoisalleraux
toilettes.»
L’angoissedurcitlevisagedeClaire
aumomentoùBeccapritlafuiteen
directiondel’AsianMammalsExhibit,
maiscenefutquelorsqu’elleparla
qu’Ethansemitàcroirequesaréaction
étaitsincère.
«Jesuisterriblementdésoléeque
vousayezdûassisteràça.Mêmesielle
estaussitêtuequesonpère,jecontinue
d’espérerqu’ilspeuventfaireamende
honorableetréparerlemalquiaétéfait.
»
Cetteseulephraseluifitréaliserqu’il
yavaittouteunepartiedeBeccaqu’ilne
connaissaitpas.Ilsétaientensemble
depuispresquedeuxmois,etpendant
toutcetempsellen’avaitquasiment
jamaisparlédesafamille.Etmaintenant
qu’ilavaitunindicesurcequi
expliquaitcecomportement,ildevint
déterminéàdémêlertoutel’histoire.
«Jevaisvoircequejepeuxfaire»,
dit-ilàClairepeudetempsavantqu’un
hommeplusâgéaveclesmêmesyeux
bleu-vertqueceuxdeBeccas’approche
etmettesonbrasautourdelataillede
cettedernière.Ethansaluad’unsignede
latêtel’hommequ’ilsupposaitêtrele
pèredeBecca,etilseretournapour
partiràlarecherchedesacavalière.
La
musique
indiquant
que
les
personnesassistantaugaladevaientse
rendreàl’étageinférieursefitentendre,
etEthandutluttercontrelamarée
humainesedirigeantverslesescaliers.
Aprèsavoirréussiàs’échapper,il
cherchalestoilettespourfemmesles
plusproches.
IltrouvaBeccaappuyéecontreles
mursenpierreàl’extérieurdeces
dernières,latêtelevéeversleplafondet
lesyeuxfermés.Lafemmecalmeet
sereinequ’ilavaittoujoursconnue
semblaitsurlepointdefaireunecrise
de
panique.
Sa
respiration
était
irrégulière,etelleinspiraitetelle
expiraitavecsuffisammentdeforcepour
fairetremblersoncorps.Sespoingsse
serraientetsedesserraient,etlasueur
brillaitsursonvisageblême.
Ils’approchad’elleavecprudence,
effrayéàl’idéequ’unmouvement
brusquepuisseluifaireperdrepied.
«Parle-moi,Bec»,dit-illorsqu’ilfut
suffisammentprochepourparlerd’une
voixétouffée.
Sesyeuxs’ouvrirentbrusquement,
écarquillésetremplisdepeur.
«Ethan,je...»Elleexpiraenpoussant
unsoupiretellelesreferma.«Jesuis
désoléequetuaiesdûvoirça.»
Cen’étaitpaslaréponsequ’il
espérait,maiselleavaitl’airde
reprendresesesprits.Sarespiration
devint
plus
lente
et
ses
joues
retrouvèrentdescouleurs.
Ilseplaçaenfaced’elleetil
s’appuyacontrelemur.
«C’estdrôle.Claireaditlamême
chose.»
Ilattenditqu’elleexpliquecequi
s’étaitpassé,maisellesecontenta
d’ouvrirunœilcirconspect.
«Alors,c’estquoil’histoire?»,
demanda-t-il,déterminéàconnaîtrele
finmotdelasituation.
«Riendutout.»
«Nemeprendspaspouruncon,
Becca.Jet’aiobservéetoutelasoirée,
etquelquechosechezcettefemmet’as
faitperdretonsang-froid.»
«Laissetomber,OK?»
«Non,jenelâcheraipasl’affairetant
quetunem’auraspasaumoinsditqui
elleest.»
Ellepoussaunautregrossoupir,cette
foisremplid’exaspération,etelleouvrit
sesdeuxyeux.Ellecontinuaitàregarder
leplafondtandisquesoncorpsse
tortillaitetquelapointedesachaussure
mettaitdespetitscoupsdanslemur.
«Claireestmabelle-mère.»
«C’estquoileproblèmeavecelle?»
«Iln’yaaucunproblème.Jel’aime
bien.C’estlaseulemèrequej’aiconnue
etc’estprobablementlapersonnela
plusgentilleaumonde.»
«Alorspourquoitut’esenfuie?»
Lestapotementsdesachaussure
devinrentplusrapidesetBeccamordit
salèvreinférieure.
«Cen’estpasellequej’aifui.C’était
monpère.»
Undésirdelaprotégerl’envahitavec
unetellerapiditéqu’iloubliade
respirer.Unesoifdevengeancedéposa
unvoilerougesursesyeuxquitroubla
savision.Qu’est-cequecesaletypelui
avaitfaitpourqu’ellesoitterrifiéeàce
point-là?
«Pourquoi?»
Ellerepoussalemur,continuant
toujoursàévitersonregard.
«Écoute,Ethan,c’estcompliquéetje
neveuxpast’entraînerdanstoutça.»
«Troptard.»
Illarepoussacontrelemur,sesbras
créantunebarrièreautourd’ellepour
l’empêcherdebouger.
«Jesuistonmec,tutesouviens?Je
suisdéjàimpliqué.»
Ellefinitparleregarder,etlatension
sursonvisages’adoucitpourcéderla
placeàdel’affection.
«Jesais,Ethanmais...»
«Iln’yapasdemais.»Illevale
mentondelajeunefemme.«Alors,
qu’est-cequis’estpasséentretonpère
ettoi?»
Ellemâchouillasalèvreinférieureet
elleessayadesedétourner,maisil
l’obligeaitàchaquefoisàretournerson
attentionverslui.Aprèsavoirpasséune
minuteàessayerd’éludersaquestion,
elleditd’unevoixposée:«J’évitemon
père
parce
que
c’est
lui
mon
déclencheur.»
L’airquittalespoumonsdujeune
hommeetlarigiditédanssesbrasdueà
lacolèreserelâcha.
«Tuprévoisdeprendreunedose?»
LevisagedeBeccaarboraune
expressiondedégoût.
«Absolumentpas!Jesuisclean
depuistroplongtempspourrechuterà
caused’unpetittruccommeça.»
«Alorsdis-moipourquoic’estton
déclencheur.»
Elleouvritlabouche,toutdansson
corpshurlantpourprotester,maisil
l’arrêtaenposantsonindexsurses
lèvres.
«Tum’asaidéquandj’étaisdansune
mauvaisepasse.Maintenantc’estàmon
tour.»
Unebrèveétincelledegratitude
naquitdanssesyeux,etilsutqu’ilavait
faitcequ’ilfallaiteninsistant.
Elleprituneprofondeinspiration,et
sonpiedquicontinuaitdetaperàun
rythmesoutenus’immobilisalorsqu’elle
expira.
«Mamèreétaitdépendanteà
l’héroïneelleaussi.Elleafaitune
overdosequandjen’étaisencorequ’un
bébé,alorsjen’aiaucunsouvenir
d’elle.Maismonpèreoui.Etilest
devenuévidentquej’étaisexactement
commeellealorsquej’étaisencoretrès
jeune.»
Beccajouaavecunedesminuscules
perlessursajupetoutenpoursuivant.
«Monpèrepensaitquejenefinirais
pascommemamères’ilcontrôlaittout,
s’ilfaisaitensortequejerestesurle
bonchemin.Cequiavaitcommencépar
ungested’intérêtacommencépar
devenirétouffant.Sijerentraisavecune
minutederetardparrapportàmon
couvre-feufixéridiculementtôt,j’étais
punie.SijefaisaisBaulieudeA,j’en
entendaisparlersanscesse.Sij’avais
uncheveuquidépassaitousijeprenais
unoudeuxkilos,onmefaisaitlaleçon
surlefaitquemonapparenceavaitdes
répercussionsnégativessurlafamille.
Quandjesuisarrivéeàl’adolescence,je
vivaisdanslapeurconstantequ’il
trouvequelquechosequin’allaitpas
chezmoi.Etiltrouvaittoujoursquelque
chose.
J’aitrouvémadélivrancegrâceàun
accidentdeski.Jemesuiscasséela
chevilleetj’aiprisduPercocet2pourlapremièrefois.EtohmonDieu,çaaété
unevraierévélation.Quandj’étaissous
l’effetdesmédicaments,toutglissaitsur
moi.Jepouvaisêtreenprésencedemon
pèreetnepassouffrirdelapanique
d’avoirfaitquelquechosedetraversqui
me
tordait
l’estomac.
C’était
la
libérationquejecherchais,etpourune
foisdansmaviejeressentaisdela
sérénité.»
Lecœurd’Ethanseserraenentendant
sonhistoire,sachanttropbiendequoi
elleparlait.
«J’aiprislapremièrebouteille,etla
deuxième,etlatroisième.Machevillea
guérimaisl’enviedecontinueràen
prendrenem’apasquittée.J’ai
commencéàfouillerdanslesarmoiresà
pharmaciedemonpèreetdemes
grands-parentspourentrouverplus.J’ai
simuléunedouleurdansledos.J’ai
trouvédescontactsàl’écolequi
pouvaientmefournirplusdePercocet.
Maisquandlesprixsontdevenustrop
élevés,j’aidécouvertlasolutionmoins
chèredel’héroïne.»
Elleeutunriretriste.
«J’enprenaisdepuisaumoinsunan
quandClairearemarquélesmarquesde
piqures.Papaaradicalementchangé
quandill’adécouvertetilm’aobligéà
allerencurededésintox,maisonsait
touslesdeuxcequis’estpasséensuite.
»
Ilserappeladel’histoireàproposde
lamanièredontelleavaitfaillimourir
avantdedevenircleanpourdebon.
«Lanuitoùj’aifaitmonoverdose,
j’étaisàunévènementdecharitécomme
cesoiravecmesparents.Monpèrea
critiquémarobeendisantqu’ellene
cachaitpasgrand-chose,alorsjemesuis
réfugiéedanslestoilettesetjemesuis
shootéepourpouvoirsupporterlereste
delasoirée.»
Ellepritdenouveauuneprofonde
inspiration.
«Tuconnaislasuite.»
Une
partie
d’Ethan
souffrait
physiquementpourelle.Ils’était
toujoursdemandécommentunepersonne
aussiprivilégiéequeBeccapouvaitse
tournerverslesdrogues,maisilavait
simplementsupposéquec’étaitpar
ennuioupourfairecommeceuxqui
faisaientlafêteavecelle.
«Alorsc’estpourçaquetul’évites?
»
Ellehochalatêteetellefixalebout
deseschaussuresàprésentimmobiles.
«Pendantmadeuxièmecurede
désintox,jemesuisrenduecompteque
çasepasseraitmieuxpourmoisije
n’avaispasàgérerlapressionconstante
qu’ilmettaitsurmoi,alorsj’aicoupéles
pontsaveclui.JedéjeuneavecClaire
detempsentemps,etjeparleàmon
petitfrère,Jacob,aumoinsunefoispar
semaine,maisçafaitpresquedeuxans
quejen’aipasparléàmonpère.»
Iln’arrivaitpasàs’imaginercouper
lespontsavecsafamille.Oui,sonpère
neluiavaitpasfaitvivreuneenfance
facile,maisilavaitaussiencouragéson
amourpourlamusiqueetilavait
respectésadécisiond’arrêterlelycéeet
deprendrelarouteavecsongroupe.Et
mêmesisamèreetsesfrèresl’agaçaient
avecleurbesoinconstantdeprendrede
sesnouvelles,ilsavaitquec’étaitparce
qu’ils
tenaient
à
lui.
Il
était
reconnaissantd’avoirunegrandefamille
quisesouciaitdelui.
Àprésent,ildevaitjusteaiderBecca
àprendreconsciencequ’ilenallaitde
mêmepoursafamille.
«Etc’estquoicettehistoireàpropos
deThanksgiving?»,demanda-t-il.
«Jacobm’aappeléeilyadeux
semainesetm’ademandéderejoindrela
familledansnotrechaletdesCatskills
3pourThanksgiving.J’aiessayédeluidirenon,maisilarefusédecéder
jusqu’àcejedisequej’allaisaumoinsy
réfléchir.»
«OndiraitqueluietClaire
aimeraientqueturefassespartiedela
famille.»
«Ouais,maisregardel’épavequeje
suisdevenuequandj’aivumonpèreà
l’autreboutdelapièce.Maintenant
imaginecequisepasseraitsij’étais
assiseàlamêmetablequeluipendant
uneheureouplus.»
Ilpritsamaindanslasienneetil
embrassasesarticulationsavantde
l’appuyercontresontorseàl’endroitoù
battaitsoncœur.
«Jeserailà,avectoi.»
LeslèvresdeBeccas’entrouvrirent
sousl’effetdelasurprise.
«Vraiment,tun’aspasàfaireça.Ma
familleestperturbéeetjesuissûreque
tu
préfèrerais
de
loin
passer
Thanksgivingavectafamille.»
«Ilscomprendront.»
Ilréduisitl’espaceentreeuxjusqu’à
cequeleursfrontssetouchent.
«S’ilteplaît,Bec,laisse-moit’aider
commetum’asaidé.Jenetedispasde
dîneravectonpèretouslesvendredi
soirs,maisjepensequ’ensembleonpeut
survivreàundînerdeThanksgiving.»
Deslarmessemirentàbrillerdans
lesyeuxdelajeunefemme,maiselle
réussitàlesrefoulerenclignantdes
yeuxavantqu’ellesnecoulent.Elle
serrasamainenguisederéponse.
«Okalors.Ensemble.»
«Bien.»
Ilreculad’unpasetilpassasonbras
souslesien.
«Pourquoionn’iraitpasdireàClaire
qu’ellevadevoirmettrelatablepour
deuxinvitésdeplus?»
Beccasecoualatêteetluioffritson
premiersouriredepuisqu’elleavait
croisésabelle-mère.
«Ohnon.Pascesoir.Jeluienverrai
unSMSdemain.Pourlemoment,j’ai
justeenvied’oubliermonpèreetde
profiterdurestedelasoiréeavectoi.»
«Çameva.»
Ilsdescendirentàl’étageinférieuret
ilsrejoignirentAriàunetable,sans
évoquerdenouveaulesujetdetoutela
soirée.
1IdinaMenzel:Doubleusedelavoixdupersonnaged’Elsa,héroïnedelareine
desneigeschantantlachansonLibérée,
délivréedanslaversionanglaise
2Percocet:Antalgiquepuissant
3Catskills:Montagnesetrégiondereliefsdel’ÉtatdeNewYork
ChapitreDouze
«Jevaisêtremalade.»
«Jeneconduispassimalqueça»,
taquinaEthanderrièrelevolantdu4X4
MercedesClasseGquiavançaitsurla
routedecampagneenneigée.
Elleauraitsimplementaimépouvoir
reporterlafautesurlefaitquecela
faisaitdeuxheuresqu’ilsétaientdans
unevoiture.Plusilsserapprochaientdu
chaletdesonpère,plussonestomacse
nouait.D’iciquelqueskilomètres,elle
seraitsurlepointdevomir.
Commes’ilsavaitcequila
préoccupait,iltenditlebrasetilpritsa
maindanslasienne.
«Çavaaller,Bec.Onvasurmonter
ça.»
Paselle.On.Pouruneraisonétrange,
ilétaitimpliquépourlelongterme,etle
cœurdelajeunefemmeeutunpetit
soubresaut.Touslesautreshommesavec
lesquelselleétaitsortieétaientsi
terrifiésparsonpèrequ’ilss’enfuyaient
aupremiersignedeprésencedece
dernier.MaisEthanavaitnonseulement
acceptédevenirauxCatskillspourle
dînerdeThanksgiving,maisenplus
pourtoutleweek-end.Elleespérait
justequ’ilnereprendraitpassesesprits
àmi-cheminetqu’ilneluidiraitpas
Oublieça.
«Essayonsdetrouverquelquechose
pourtechangerlesidées»,suggéra-t-il.
Ouais,quelquechoseendehorsdu
faitd’àquelpointceseraitgénialde
seshooteretderefoulertoutceweek-
end.
«Hum,comments’estpasséeta
dernièreséanced’enregistrement?»
«Trèsbien.»
Ilfitungrandsouriresansjamais
quitterlaroutedesyeux.Laneige
tombaitplusforttandisquele4x4
remontaitleflancdelamontagne.
«Çatedérangededévelopper?»
«J’aiajoutéavecquelquesnouveaux
riffs,etj’aidonnéuntoutautreniveauà
lachanson.»
Ilsheurtèrentuneplaquedeglace
souslaneige,etl’arrièredu4X4fitune
queuedepoisson.Beccas’agrippaàla
poignéedelaportièreetserrala
mâchoire,terroriséeàl’idéedepouvoir
vomirsielleouvraitlabouche.Lorsque
sonpoulsrevintàlanormale,elle
demanda:«Qu’est-cequis’estpassé?
»
«Çaacrééplusdeprofondeur.»
Ilfitralentirlavoituretandisquela
pentedevenaitplusescarpée.
«C’estbizarredefairecetalbum
solo.D’uncôté,çamemanqueencore
decollaboreravecTyetlesautres,mais
d’un
autre
côté,
c’est
tellement
libérateur.Jefaisenfinlamusiqueque
j’aime,j’enregistredeschansonsquime
parlent.»
«Ilyaunechancepourquejepuisse
écouterunextraitbientôt?»
Ilsecoualatête,toutcommeill’avait
faitquandelleavaitposélaquestionun
peuplustôt.
«Pasavantqueçanesoitprêt.»
«Etçaleseraquand?Quandest-ce
quetulelancessuriTunes?»
Ilrit.
«Non,Bec,tul’entendrasavantça.
J’essayejustedelefairebiensonner,si
tuvoiscequejeveuxdire.C’estunpeu
commenepasmontrertesbrouillons
pourunarticleàtarédactriceenchef.
Tuattendsjusqu’àcequetuaies
l’impressionquecesoitimpeccable
avantdelerendre.Pourmoic’estla
mêmechoseaveclamusique.»
LeGPSémitunbipetilralentitpour
semettreàrouleraupas.
«C’estlàquejedoistourner?»
Ellehochalatête,etsesnausées
décuplèrent.
La
voiture
passa
les
portes
métalliquesquiindiquaientledébutde
la
propriété
familiale
et
avança
lentementdansl’alléeétroitebordéede
sapinsquipenchaientsouslepoidsdela
neige.Cematin-là,elleavaitparléà
Ethandubulletinmétéorologiquequi
annonçaitunetempêtedeneigedansles
Catskills,maisilavaitfaitpeudecasde
samiseengardeetilluiavaitditqu’il
avaitgrandiàChicagoetquelaneigene
luiposaitaucunproblème.Lesarbres
s’écartèrentpourrévélerl’immense
demeureArtsandCraftsentouréede
troispavillonsdepluspetitetaille.
Ethanlaissaéchapperunfaible
sifflement.
«Jecroyaisquetudisaisquec’était
unchalet.Àmoins,biensûr,quetune
parlaisd’unedesmaisonspluspetites
là-bas.»
Ellelepoussamalicieusementetelle
semitàglousser.
«Tudevaisvoirlamaisonaubordde
lamerdanslesHampton.»
«Remarque,jeferaismieuxdeme
taire.Tudevraisvoirlechaletdema
familleaulacGenève.Ilfallaitqu’il
nousaccueilletouslesneufquandon
étaitenfants.»
«Enfait,c’étaitundespremiers
hôtelsdemonarrière-grand-père.Quand
larégionn’aplusétéàlamodedansles
années70,onl’atransforméenmaison
devacances.»
Ethangarale4X4derrièrelesautres
voitures,puisilsetournaverselle.
«Prête?»,
«Non»,gémit-elle.
Elledoutaitdufaitd’êtreprêteà
gérersonpère.
«Allez,Bec,tuesassezfortepour
surmonterça.Jesortiraimesmeilleures
manièresettoutmoncharmepoureux.»
Elle
aurait
aimé
pouvoir
être
d’accordaveclui.Ellenesavaitpas
lequeld’entreeuxsonpèreattaquerait
enpremier.Aumoins,Ethanavaitlaissé
tomberlelookderockerpourleweek-
end.Lepullmarincouleurcrèmequ’il
portaitdonnaitl’impressiondesortir
d’uncatalogueArmor-Lux-parfaitpour
un
week-end
rustique
dans
les
montagnes.
Il
avait
couvert
ses
tatouages,etmêmes’ilnes’étaitpas
rasécematin-là,sabarbedetroisjours
avaitl’airsoignée.
Maisilportaitsesbottespréférées,
cellesqueBeccaaimaittellement.Elle
luiétaitvraimentreconnaissanted’avoir
enviedes’intégreràsafamille,mais
toutengardantunepartdelui-même.
Ellerassemblasoncourageenmême
tempsquesonsacpourleweek-end,et
elleacquiesça.
«Allons-y.»
Lesarômeschaudsdeladinderôtieet
despatatesdoucesglacéesàl’érable
l’accueillirentlorsqu’elleouvritlaporte
d’entrée.Elleinspiraetellese
concentrasuràquelpointlanourriture
seraitdélicieuseaulieudepenserà
combienlerepasallaitêtreunetorture.
«Bonjour?»
MmeCordero,lagouvernantedeses
parentsapparutdanslevestibule,les
brasgrandsouverts.
«Rebecca,tuesvenue.»
Ellel’attiradansuneétreintebrutale
quicoupalesouffledelajeunefemme.
«Commenttuvas,mai?»
Beccaretirasonécharpetouten
reprenantsonsouffle.
«Bien,ettoi?»
«Jen’aipasàmeplaindre.»
EllepritlemanteaudeBecca,puis
ellesetournaversEthan.
«Etquiest-ce?¡Estásbueno!»
Ethanfitungrandsourireàlafemme
d’origineportoricained’âgemurqui
battaitdescilsenleregardant,etil
réponditenflirtantluiaussi.
«Vousd’abord,buena.»
LesjouesrondesdeMmeCordero
rougirent.EllepritBeccaàpartetelle
murmura:«Jel’aimedéjà.Vousdevriez
legarder.»
Beccagloussa.
«Jepenseaussi.»
Ildevenaitdeplusenplusfacilede
tomberamoureused’EthanKelly.Elle
n’arrivaitpasàs’empêcherd’afficherun
sourired’adolescenteamoureuseniaise
àchaquefoisqu’ellepensaitàlui.Il
pouvaitêtrelunatiqueetréservéparfois,
maisilétaittoujourslàquandelleavait
besoindelui.Attentionnéetintelligent,
ilsavaitcommentapaisersonâmequand
cettedernièreétaittroubléeetcomment
faireensortequesoncorpssetordede
plaisir.Maisencoreplusimportant,il
luidonnaitl’impressiond’êtrelafemme
laplusbelledumondeàchaquefois
qu’illaregardait.
«Ethan,voilàMmeCordero.Elle
travaillepourmafamilledepuisaussi
longtempsquejem’ensouviens.Mami,
voilàmonpetitami,Ethan.»
Ilgonflaletorselorsqu’ellele
présenta.
«C’estunplaisirdefairevotre
connaissance,MmeCordero.»
«Ohoui,jel’aimebien.»
Ellegloussaderrièresamainavantde
leurfairesignedelasuivre.
«Vousêtespileàl’heurepourle
dîner.»
MmeCorderos’occupaitdelamaison
devacancescommeellelefaisaitpour
lamaisondesparentsdeBeccaà
Manhattan-avecunedisciplinedefer,
maismodéréeparsabonnehumeur
joviale.Cen’étaitpassurprenantdutout
delavoirorchestrerledînerdefêtesà
lasecondeprécisecommeàlademande
dupèredelajeunefemme.Lorsqu’ils
arrivèrentdansl’immensesalleà
manger,deuxdomestiquesétaientdéjà
entraindeplacerlesentréesdevantles
invités.EllequittaBeccaetEthanpour
leurdonnerquelquesordresenespagnol
avantdeleschasserverslacuisine.
L’accueilaffectueuxetchaleureuxde
lagouvernantecontrastaitvivementavec
l’accueilfroidetinquisiteurqu’elle
reçutdelapartdesafamille.Sonpère
siégeaitauboutdelatable,sonregard
bleu-vertdurseposantd’abordsurelle,
puissurEthan.Lerestedelafamille-
lestantes,lesonclesetlescousins-
étaitassis,commedansl’attentede
recevoirlapermissiondemanger.
Clairearrivadesaplace,del’autre
côtédelatable,pourprendreBecca
danssesbras.
«Becca,jesuistellementcontente
quetonpetitamiettoivousayezpu
venir.Onétaitentraindes’inquiéter.»
«Oui,tuastroisminutesderetard,
Rebecca»,ditsonpèred’unevoixdure.
«Toninvitéettoi,vousretardezle
dîner.»
Deuxfautesdéjà,etjenesuismême
pasencoreassise.Elleseforçaà
arborerunsouriredistingué,puiselle
suivitClaireverslesdeuxchaisesvides
autourdelatable.
Heureusement,Ethanpritlaparole.
«Désolépourtoutça,M.Shore.Les
routesétaientunpeudangereusesà
causedelaneige,etjevoulaisêtre
encoreplusprudentpuisqueBeccaétait
danslavoiture.»
ClairepenchalatêtedansunOh
silencieux,maislepèredelajeune
femmerestastoïque.Ilplantasa
fourchettedanslebeignetdemaïsplacé
danssonassiette,sonattentiontournée
versEthan.
«Alorsd’habitudevousêtesun
conducteurimprudentquandmafilleest
avecvous?»
Ohmerde!J’imaginejustecomment
papadeviendraitfousiEthanlui
parlaitdesamoto.
MaisEthanrestaimperturbablefaceà
l’accusationdupèredelajeunefemme.
«Pasdutout.Enfaitjen’aimêmepas
devoiture.Jen’enaipasbesoinen
ville.»
«Alorsvouslacontraignezàprendre
lemétro?»
Beccaenroulasesdoigtsautourdesa
fourchetteetellesemorditlalèvrepour
retenirlaréponsedésobligeantequi
naquitsursalangue.Sisonpèrenelui
avaitpascoupélesvivres,ellen’aurait
paseuàprendrelemétro.
«Sielleenaenvie.»
Ethanplantaégalementsafourchette
danssonproprebeignetetilterminade
mâcheravantdepoursuivre.
«Jesuisconnupourpayeruntaxi
quandellen’enapasenvie.»
Lamanièrenonchalantedontilgérait
l’interrogatoiredesonpèrelastupéfiait,
maisellesedemandacombiendetemps
encoreilpourraitcontinuerdecette
manière.Ellel’avaitvuréagiravec
colèrequandonlepoussaittroploin,et
ellenevoulaitpasquecelaseproduise
danscettesituation.
«Ethanestungentleman»,dit-elleà
sonpèreetenpriantpourquecelasoit
lafindetoutcela.
Maisparsimpleprudence,elle
envoyauneprièresilencieuseàsonfrère
pourqu’ill’aide.
Jacobluifitunlégerhochementde
tête.
«Alors,Ethan,depuisquandtusors
avecmasœur?»
«ÀpeuprèsdepuisRochHachana.»
Ilsetournaverselle,ledésirbrûlant
danssesyeux.«Çaaétédeuxmois
magnifiques.»
Ellesentitlachaleurmonterdansses
joues,etelleneputs’empêcherde
sourire.
«Jesuisd’accord.»
«Tuesjuif?»,poursuivitJacob.
«Non,maisBeccaaétésuffisamment
gentillepourm’inviteràdînercejour-là
etpourm’expliquercertainesdes
coutumes.»
Lesnarinesdupèredelajeunefemme
frémirentetilouvritlabouche,mais
Clairel’interrompitavantmêmequ’ilne
puisseparler.
«Etqu’est-cequevousenavezpensé
?»
«Ellesétaientdoucesetsucrées.»
Sablaguefitrirel’oncledeBecca,et
toutetracedemalaisedisparutparmiles
invités.
Pourtoutlemonde,saufpourBecca
etsonpère.
Ellegardaitlatêtebaissée,son
attentionconcentréesursonassiettepour
nepascommettredegaffe.Tandisque
Clairedirigeaitlaconversationsurce
queJacobetsescousinsfaisaient,le
pèredeBeccacontinuaitàfixerEthan
ouvertementcommesicedernierétaitun
gigoloquisouillaitsafille.
Ilsjouèrentlasécuritéjusqu’àla
saladedepoiresetdenoixetlabisque
decourgebutternut,maislorsqueleplat
principalarriva,Ethanrelevales
manchesdesonpull,révélantainsises
brastatoués.
LesyeuxdupèredeBeccasortirent
deleurorbite.C’étaitprécisément
l’occasion
qu’il
recherchait
pour
reprendresoninterrogatoire.
«Alors,Ethan,qu’est-cequevous
faitesdanslavie?»
«Jesuismusicien»,répondit-ilavant
deprendreunefourchettepleinede
dindedanssabouche.
Beccafermalesyeuxetpriapourque
sonpères’arrête,mêmesiellesavait
pertinemmentquecelaneseraitpasle
cas.Letravaild’Ethanavaitravivé
l’opiniondesonpèreselonlaquelleelle
n’étaitriendeplusqu’uneratéeetavait
misdel’huilesurlefeu.
«Musicien,hein?»
Sonpèrefronçaunsourcil,sa
fourchetteplananttoujoursau-dessusde
sonassiette.
«Cen’estpasjusteunautremotpour
sansemploi?»
«Papa!»Elleenavaitassez.«Est-
cequetuvasarrêter?»
Ethanposasamainsurlasiennepour
lacalmer.
«Toutvabien,Bec.Jesuishabituéà
cequelesgenspensentça.»
Puisilsetournaverslepèredela
jeunefemme.
«J’étaisdansungroupe,maisons’est
séparésetjepoursuismeseffortsen
solomaintenant.»
«Doncçaveutdirequevousêtes
entredeuxboulots.»
Sonpèredécoupaunmorceaude
viandeavecplusdeforceque
nécessaire.
«Jesuisprêtàparierquevous
pensezquevousavezdelachance
d’avoirtrouvémafille.»
«Chaquejour,jesuisreconnaissant
delaconnaître»,répondit-ilenfaisant
unsourireàBeccaquifitfondrecette
dernière.
Touteslesfemmesàlatable
semblaientêtretouchéesdelamême
manière,maissonpèrecontinuaà
massacrersonplat,sansjamaisquitter
sonassiettedesyeux.Ilagrippaitson
couteaucommes’ilvoulaitpoignarder
quelqu’un,etnoncouperletendrefilet
dedinde.
«Ouais,jeveuxbienvouscroire.
Maisest-cequ’ellevousaditqu’ellene
pouvaitpastouchersonfondsfiduciaire
avantsesvingt-cinqans?Etencore,
mêmeàcemoment-là,jepourrais
demanderauxavocatsdemodifierson
accèspourqu’ellenedépensepastout
pourdeladrogue.»
L’appétit
de
Becca
s’évanouit,
laissantunebouledefeubouillonnante
aufonddesonestomac.Elleenavait
marred’avoirpeurdesonpère.À
présent,elleétaitjusterempliede
colère.Ellelaissatombersoncouteauet
safourchetteavecfracas,attirantvers
ellel’attentiondesonpère.
«Papa,çasuffit.»
«Jenefaisquefaireattentionàtoi,
Becca.Cen’estpascommesituavais
lesmeilleursantécédentspourcequiest
deprendredesdécisions.»
«Jesais.Tunemelaissesjamais
oublierquejesuisexactementcomme
mamère.»Ellejetasaserviettedans
sonassietteetelleseleva.«Maisence
quimeconcerne,lapiredécisionque
mamèreaprise,c’étaitdet’épouser.»
Latabledevintsilencieuse,toutle
mondeobservantlecombatderegards
entreelleetsonpère,attendantdevoir
quicèderaitenpremier.
«Assieds-toi,Rebecca,etarrêtede
faireunescène»,ordonna-t-il.
«Jesavaisquec’étaituneerreur.»
Elledonnauncouppourfairereculer
sachaiseavantdeseretourner.
«J’enaimarre.»
Elles’élançaverslaported’entrée
aussivitequ’elleleputsanscourir,sans
jamaisregarderpar-dessussonépaule
neserait-cequ’unefoispourvoirsi
quelqu’unlasuivait.Elleavaitessayé
defaireamendehonorableavecson
père,maisilétaittrèsclairqu’ellenele
satisferaitjamais.
Plusviteellepourraitrentrerà
Manhattan,mieuxceserait.
***
Ethanavaitobservélafrustration
grandissantedeBeccapendanttoutle
repas,alorsilnefutpassurpris
lorsqu’elleexplosa.Etcettefois,ilne
l’arrêtapas.Elledevaitsedresserface
àsonpèrepourdireleschosesqu’elle
avaitdites,neserait-cequepourles
fairesortirdesonsystème.Unefois
débarrasséedesacolère,ilseraitplus
facilepourelled’allerdel’avant.
Lepèredelajeunefemmel’avait
regardéavecdesyeuxplissésetfroids.
«Vousferiezmieuxd’yalleravant
qu’ellenepartesansvous.»
«J’endoute.»
Ethanmitsamaindanssapochepour
sortirsesclés.
«Alors,laissez-moimettreleschoses
auclair»,réponditlepèredeBecca,
dontlavoixétaitencoreplusdure
qu’avant.«Jesaisquevousenavez
uniquementaprèssonargent,etjeferai
toutcequiestenmonpouvoirpour
m’assurerquevousn’enayezjamaisun
centime.»
«Celameconvientparfaitement,M.
Shore.»
Ilcroisalesbrasetils’enfonçade
nouveaudanssachaise,ungestepour
montrerqu’iln’allaitallernullepart.
«Maisjustepourclarifierunpeules
choses,jen’aipasbesoind’argent.J’en
aibeaucoupmoi-même.»
Ilravalasonhésitationetilignorale
picotementfamilierdanssonbras
gauche.Ilétaitsurlepointdefairevoler
sacouvertureenéclatpourelle.
«Beccaaétémerveilleuseengardant
monidentitésecrète,maisdanslecas
présent,j’ail’impressionqu’ilest
nécessairequejevousdisetoutà
proposdemoi.MonnomestEthan
Kelly,etj’étaislechanteurleaderdu
groupeRavinia’sRejects.»
«Paspossible»,ditlefrèrede
Becca,lesyeuxécarquillés.«Vousêtes
superslesgars.»
«Merci,monpote.»
EthanlançaungrandsourireàJacob
avantdeseretournerverslepèredela
jeunefemme.
«Commevotrefilspeutvousledire,
leschosesallaientbienpournousavant
qu’onneperdenotreguitaristecetété.
Desdisquesdeplatine.Destournées
mondiales.Bonsang,rienquelalicence
pourunclipdequinzesecondesd’une
denoschansonspourunepubvalaitbien
danslesseptchiffres.»
LepèredeBeccarestabouchebée,
maisEthann’avaitpasencoreterminé.
S’ildevaitlancerunebombesurla
familledelajeunefemme,ildevaitau
moinss’assurerquecettedernière
suffiraitàsecouersonpère.
«Enoutre,M.Shore,j’aimoi-même
unfondsfiduciaire,alorsjen’aipas
besoindesonargent.Monpèreétait
SeanKellydeKellyProperties,à
Chicago.Jesuissûrquevousavezaussi
entenduparlerdelui.C’étaitluiqui
avaitsurenchérisurvouspourcette
propriétédeMichiganAvenueilya
quelquesannées.»
LepèredeBeccarestaimmobile
commeunestatue,leseulmouvement
perceptible
chez
étant
la
légère
dilatationdesesnarines.C’étaitlegenre
d’hommequin’étaitpashabituéàce
qu’ondéfiesonautorité,maisEthan
n’étaitpasprêtàcéder.
Àprésent,ilétaittempsd’assenerle
coupdegrâce.
«Alorsvousvoyez,jenesuispas
avezBeccapoursonargent.Jesuisavec
ellepourlapersonnemerveilleuse
qu’elleest.Elleaétélàpourmoi,pour
m’aideràaccepterlamortdemon
meilleuramiquifaisaitaussipartiedu
groupe,etàreprendremavieenmain.
Etpourça,jeluienseraiéternellement
reconnaissant.»
Ilselevalentement,toutenayant
toujourslecontrôledelasituation.
«ToutlemondevoitBeccacommela
personnequ’elleétaitilyatroisans,et
raressontceuxquisontprêtsàaccepter
qu’elleagrandietqu’elleachangé
depuis.Ilscontinuentderamenerson
passésurletapis.Maislefaitestque
nousfaisonstousdeserreurs.C’estce
quenousapprenonsd’ellesquicompte.
C’estmoiquil’aiconvaincuedevenir
aujourd’hui,etj’espèrequejen’aipas
faituneerreur.Maintenant,sivous
voulezbienm’excuser,jevaisvoirsi
ellevabienetsijepeuxlaconvaincre
dereveniràtable.»
Ethans’éloignaensilence,maisla
têteunpeuplushautequed’habitude.
Aprèsavoirpasséquelquesmoisàse
cacheretàtoutfairepournepasêtre
reconnu,ilenétaitfinalementarrivéà
devoirrévéleràdesétrangersquiilétait
etàs’attribuerleméritedesesréussites.
Celaleremplissaitd’unsentimentde
fiertéqu’iln’avaitpasressentidepuis
lespremiersjoursdesacarrière.
Maisilauraitletempsdesedélecter
decettedécouverteplustard.Pourle
moment,ildevaittrouverBeccaetla
convaincrededonnerencoreunechance
àsonpère.Évitersesdémons
personnelsétaitunechose.Lesécraser
enétaituneautre.Ilavaitappriscela
grâceàsamusiqueetilsesentaitplus
librequejamais.Àprésent,ildevait
aiderBeccaàatteindrelemêmeniveau
delibération.
IlcroisaMmeCorderodansle
vestibule.
«OùestBecca?»
«Dehors,prèsdutasdebois.»
ElletenditsonmanteauàEthan.
«Vousenaurezbesoin.»,
«Merci.»
Ilenfilacelui-ci.
«C’esttoutàfaitnormal.»
Elletenditlamainpourluipincerla
joue.
«Jesavaisquejevousaimaisbien.»
Ilseretintderire.Combiend’invités
delamaisondesShoreavaientdroità
unpincementdejouedelapartdela
gouvernante?Maisilyavaitaumoins
unepersonnequiapprouvaitlefaitqu’il
sorteavecBecca.
Laneigetombaitencoreplusfort
qu’avant,offrantunevisionblanche
trouble.
De
gros
flocons
lourds
s’accumulaientsursesépaules,ses
cheveuxetsescils.Cinqbons
centimètresétaienttombésdepuisqu’ils
étaientarrivés,etaveclanuitqui
approchait,ilétaithorsdequestionde
retourneràManhattan.Ilsétaient
bloquésicipourlanuit.
Les
plocs
lents
et
rythmés
accompagnaient
les
grognements
fémininsdel’autrecôtédelamaison.Il
suivitcesderniersjusqu’àcequ’il
trouveBeccaentraindecouperdubois.
Elleplantaitlalamedelahachedansun
rondin,lecoupantavecplusieurscoups,
puiselleleremplaçaitparunnouveau.
Ilseplaçaderrièreelleetilsaisitla
hacheaumomentoùellelevaitcette
dernièreau-dessusdesonépaule.
«Tuessayesdedevenirbûcheronne?
»
Ellelâchalemancheetellefitvolte-
face.
«Espèced’idiot.Tuauraispuêtre
blessé.»
«Avecça?»
Iltenaitlahachecommeuneguitare
enfaisantsemblantdejouersurlalame.
Ilsurpritlatraced’unsouriresurle
visagedelajeunefemmeavantqu’elle
nebaisselesyeuxetqu’ellenetentede
s’emparerdelahache.
«Rends-la-moi.J’enaibesoinpour
évacuermafrustration.»
«Etsiondansaitavec?»
Ilfittournerlemancheetilfit
tournoyerlajeunefemmedemanièreà
cequ’ellesoitimmobiliséecontrelui.
L’exerciceavaitaccentuél’odeurdeson
parfum,etilbaissalenezversl’endroit
situéderrièresonoreillepourle
respirer.Ilbalançaitseshanchesde
droiteàgauche,guidantcellesdela
jeunefemmeafinqu’ilss’accordentà
sespropresmouvementsdansunlent
foxtrot.
«Tuvois?C’estbeaucoupplus
sympaquedecouperdubois.»
Ellereniflaetelleluiarrachala
hachedesmains.
«J’aibesoindecouperencore
quelquesrondins.»
Ils’éloignapourêtrehorsdeportéeet
ils’appuyacontrelamaison,lesmains
dans
ses
poches,
tandis
qu’elle
recommençaitàcouperdubois.
«Tudevraisveniràl’intérieur.Il
cailleici.»
«J’aiencorepleindechaleuravec
ça.»
Ellelevalalameau-dessusdeson
épauleetellelabaissaavecune
précisionàglacerlesang.
«Maisilsvontbientôtservirle
dessert.»
Elles’interrompit,etilespéraque
sonamourpourlesucrépourraitla
persuaderderetournerverssafamille.
Ellesecoualatête.
«Nope.S’ilsecomportecommeun
connardfini,alorsjen’yprendraiaucun
plaisir.»
«C’estvraimentdommagequetune
soispasrestée.Jepensequej’aipeut-
êtreréussiàleconvaincrequejenesuis
pasuneespècedelooserquirecherche
uncompteenbanque.»
Celalafits’arrêter.Lahachetomba
desesmainsetellesetournaverslui.
«Qu’est-cequetuasfait?»
«Jeluiaiditquij’étais.»
Ilserapprochajusqu’àcequesonnez
glacénesoitqu’àquelquescentimètres
dunezrougedelajeunefemme.
«Etjemesuismêmelancédansune
petiteguerredemotsdontj’ailesecret
grâceàunpetitconseildemonfrère.»
«Maisjepensaisquetunevoulais
pasquelesgenssachentquituétais.»
«C’estvrai,maislàj’aifaitune
exception.»
Ilenroulasebrasautourd’elleetil
l’attiracontrelui,faisantbasculersatête
versl’arrièrepourqu’ellelèvelesyeux
verslui.
«Tuenvauxlapeine.»
Levisagedelajeunefemmes’éclaira
avantqu’ilnebaisseseslèvresversles
siennes.Lebaiserfutlent,maisilne
manquaitpasdepassion.Ildevenait
plusduràchaquesecondequipassait,et
ilfutobligédemettrefinaubaiseravant
d’êtretentédel’attirerdanslelitleplus
proche.
«Ethan,je...»
Elletremblaetelleseblottitcontre
lui,calantsatêtesoussonmenton.
«Tuesabsolumentmerveilleux,tu
saisça?»
«Tuesplutôtgénialetoiaussi.»
Etjesuisunsacréveinarddet’avoir.
«Alors,pourledessert?»
Ellerecula,lesyeuxbrouillésparle
doute.
«Peut-êtrequ’onpourraitleprendre
àemporter?»
Lesépaulesd’Ethantombèrent,ilétait
vaincu.Ilnepouvaitpaslaconvaincre
deveniràtable,maisilavaitencoretout
leweek-endpourl’aideràse
réconcilieravecsonpère.
«Pourl’emporteroù?»
«Cepavillon,là-bas.»
Ellesetrémoussacontrelui,éveillant
sondésirqu’unemanièrequidemandait
àêtresatisfaite.
«J’aidemandéàcequ’ondormelà-
baspourquetupuissesmebaiseraussi
fortquetuveuxsansquepersonnenous
entende.»
Sabouchedevintsècheettoutson
sangaffluaverssaqueue.
«Pourquoitunemel’aspasditplus
tôt?»
Illajetasursonépauleetilcourut
verslechalet.Beccarittoutlelongdu
trajet.
***
Beccaseglissadanslacuisineet
refermalaportedederrièreaussi
silencieusementqu’elleleput.La
maisonétaitbaignéedansl’obscurité,
aussisilencieusequelaneigequi
tombaitàl’extérieur.Elles’était
assoupieaprèsqu’Ethanl’aitfaitejouir
pourlaquatrièmefoisdelasoirée,mais
sonestomacgargouillantluiavait
rappeléqu’elleavaitratélamajeure
partiedurepasdeThanksgiving.Elle
marchaitsurlapointedespiedsjusqu’au
réfrigérateurafindetrouverdesrestes
aumomentoùlalumières’alluma.
LecœurdeBeccabondit.Ellese
figeaavantd’oserjeterunregardpar-
dessussonépaulepourvoirlapersonne
quil’avaitsurprise.
«Toinonplustun’arrivespasà
dormir?»demandaClaire.
Elleserrasarobedechambreautour
desachemisedenuitetellelaferma
tandisquesabelle-mèreserapprochait.
MêmeaprèsavoireuJacob,elleavait
conservésasilhouettequil’avaitaidéeà
fairelacouverturededizainesde
magazinesàlafindesannées80etau
débutdesannées90.
«J’aijustefaim.»
Beccaouvritleréfrigérateuretpritle
récipientcontenantdeladinde,suivipar
lesachetdepain.
«Jepeuxtepréparerquelquechose?
»
«Non,jevaisprendreunpeudelait.
»
Elles’assitsurundestabourets
entourantl’îlotgigantesquesituéau
centredelacuisine.
«Çaarrivetoutdesuite.»
Elleajoutalabriquedelaitàsapile
etellepassadel’autrecôtédel’îlot.
Elleversaunverreàsabelle-mère.
«Désoléepourledîner,Claire.J’ai
essayé.J’aivraimentessayé.»
«Jesais,machérie,maistuconnais
tonpère.»
Ellepoussaunsoupirlasetellefixa
sonlaitsansytoucher.
«ToutesmesfélicitationsàEthan
pourluiavoirtenutêtecommeill’afait.
Aucundetespetitsamisprécédentsn’a
eulecrandelefaire.»
Beccasourittoutenfixantson
sandwich.
«Ouais,c’estunmecgénial.»
«Jenesavaispasqu’ilétaitconnu
jusqu’àcequ’ilnousledise,maisune
foisquetonfrèrel’atrouvésurinternet,
jel’aireconnu.»Ellepritunegorgéede
lait.«Ilestmieuxaveclescheveux
courts.»
Beccasemitàglousser.
«Ilestplutôtsexytoutcourt.Maisil
estplusqu’uncorpsàsedamneravec
unevoixderêve.Ilmedonne
l’impressiondevaloirdesmillions
quandjesuisaveclui.»
«Commentvousvousêtesrencontrés
?»
Ellehésita,sedemandantcomment
Claireréagiraitsielleconnaissaittoute
lavérité.
«Hum...Ons’estrencontréàunede
mesréunionsNA.»
Sabelle-mèrehaussalessourcils.
«Luiaussic’estuntoxicomaneen
voiedeguérison?»
Beccahochalatête;elleterminason
sandwich,puisellecommençaàen
préparerunpourEthan.
«Sonmeilleuramiestmortd’une
overdoseetilaprisçacommeunsigne
quidisaitqu’ildevaitdevenirclean
avantdefinirpareil.»
«Maiscen’estpasdangereux?Tu
n’aspaspeurqu’ilrechuteetd’être
tentéedefairepareil?»
«Pasdutout.»
Elleposaunecouchededindesuivie
parautresurlepain,puisparunefeuille
delaitue.
«Jesuisfièredelàoùilenest
arrivé.Etonestdouéspours’aiderl’un
l’autreàévitercettetentationde
rechuter.»
Ellefitunepause,sesouvenantde
quelquechosequ’illuiavaitdit
quelquessemainesplustôt.
«Ilmecomprends.»
«Jecomprends,Becca,maisje
m’inquiètequandmême.»
«Nelesoispas.»
Ellesecoualabriquedelait.Ilen
restaitassezpourqu’Ethanetellepuisse
s’enservirunverrechacun.Ellela
glissasoussonbrasetellepritl’assiette
surlaquellelessandwichsétaientposés.
«Sérieusement,Claire,tun’imagines
mêmepascombienilaétébonpour
moi.Etàchaquefoisqu’ilestprèsde
moi,jedécouvreencoreuneraisonde
plusdetomberamoureusedelui.»
Ellecommençaàsedirigerversla
porte,maisClaireseprécipitadevant
elleetluibloqualepassage.Ellemit
sesbrasautourdeBeccapour
l’étreindre.
«Jesuisheureused’entendreça,
Becca,maisjet’enprie,net’enfuispas
pourtemarieravantdemeledire.»
Beccasemitàrire.
«Onnesortensemblequedepuis
deuxmois,Claire.Lemariagec’esttrès
trèsloin.»
«Maisdesfois,tusaisquec’estle
bon,c’esttout.»
Clairefittournersonallianceautour
desondoigt.
«Tonpèreetmoionnesortait
ensemblequedepuisautantdetemps
quandilafaitsademande.»
Ouais,etjenecomprendstoujours
pascommentunepersonneaussi
merveilleusequetoiestrestéemariée
aussilongtempsavecquelqu’uncomme
monpère.
Beccaluifitunsourirecrispé.
«Commejel’aidit,onn’estpas
pressés.»
Maissurlecheminquilaramenait
verslepavillon,ellesesurpritentrain
de
se
demander
à
quoi
cela
ressembleraitd’êtremariéeavecEthan
Kelly.
ChapitreTreize
Ethanappuyauncôtédesécouteurs
contresonoreilleetilsetrémoussasur
lachanson.
«Çadéchire»,luiditsoningénieur
duson,Damian.
«Merci,monpote.»
Ilfrappalepoingdecedernieravec
sonpoing.
«Maissérieusement,mec,tuas
vraimentfaitdeschansonsdetueur.
C’estpourçaquec’étaitfaciledeles
mixeretd’obtenircerésultat.»
Lachansonsetermina,maislesourire
nedisparutpasdesonvisage.Lenouvel
albumétaitdifférentdetoutcequ’il
avaitenregistréjusque-là.Pourla
premièrefoisdesacarrière,iln’avait
pasdemaisondedisquespourluidire
decollerausonhardrockquiavait
renduRavinia’sRejectscélèbre.Les
influencesrockétaientencorelà,maisil
lesavaitmélangéesavecdublues,dela
countryetdesbeatsélectroniquesselon
leschansons.Lerésultatétaitune
combinaisonquiluiétaitunique.
Etcelaluiplaisait.
Jusqu’ici,ilavaitétégangrenéparla
peur,parledouteetparlesenvies
toujourspersistantes.Ilyavaiteu
beaucoupdenuitsoùilavaitquittéle
studioensedemandantdansquoiil
s’étaitengagé.Ilremettaitenquestion
sontalent,savision,etmêmesasanté
mentale.Sonanciennemuseluifaisait
signederevenir,maisilluttaitpour
s’accrocheràlalibertéqu’ilvenaitde
trouveretàlajoiedefaireunemusique
quin’étaitpasteintéeparl’héroïne.
CommeBeccaleluiavaitditquelques
semainesplustôt,lesenviesne
disparaissaientjamaiscomplètement,
maisildevenaitplusfaciledefaire
avec.
Cependant,cejour-làfutlepremier
oùilfutcapabled’écoutersamusique
sansl’associeraupassé.
Ilretiralesécouteursetilmontradu
doigtlacléUSBsurl’ordinateur
portabledeDamian.
«Est-cequejepeuxemmenerçachez
moipourlemontreràmapetiteamie?»
«Elleesttouteàtoi.»
Aprèsquelquesclicssurleclavier,
Damiandébranchalaclé.
«Appelle-moisituasbesoinqueje
modifieautrechose.»
«Jeleferai.Etsouviens-toi,ilfaut
queçarestesecretjusqu’àceque
j’annoncelanouvelle.»
«Aucunproblème,monpote.C’est
coolpourmoi.»
Ilcommençaàrangersesaffaires.
«Etdèsquetuveuxqu’ontravaille
ensemble,jesuistonhomme.»
«Çaroule.»
IlmitlacléUSBdanssapocheavant
desaisirsaveste.Ilavaithâtedesavoir
cequeBeccaenallaitenpenser.
«Onseparleplustard.»
Ethanmontasursamotoetsortitdu
parking
situé
sous
le
studio
d’enregistrement.L’airdecedébutde
moisdedécembreétaitmordanttandis
qu’ilroulaitdeHell’sKitchenvers
Midtown,maisleslumièresvivesetles
décorationsdeNoëlchassaientla
monotoniedeslonguesnuitshivernales.
Cela,ainsiquelaprésenceconstante
d’uncertaincorpschauddanssonlit
touslessoirs.
Ilsegaradevantl’immeublesitué
devantl’endroitoùtravaillaitBecca,
attendantlemomentoùellesortiraitde
laportetournante.Iln’eutpasàattendre
longtemps.
Beccasortitencourantduhall,
portantdesleggingsquimoulaient
chacunedeslignesdélicieusesdeses
jambes.Elleluienvoyaunbaiseravant
demettresoncasqueetdemonter
derrièrelui.
«Pileàl’heure.»
«Jenevoulaispastefaireattendre.»
Il
démarra
le
moteur
et
ils
s’engagèrentverslenord,endirection
deCentralPark.
C’étaitunvendrediaprès-midi,etil
avaitprévuunrendez-vousamusant.
Aprèsuneséried’évènementsmondains
aucoursdesdeuxderniersmois,ilavait
hâted’avoiruneoccasiond’êtreune
personnenormale.Alorsqu’ilse
rapprochaitduparc,ilralentitjusqu’à
trouverunendroitoùilpourraitgarersa
motoentoutesécurité.
«Qu’est-cequetufais?»,demanda-
t-elle.
«C’estunesurprise.»Ill’aidaà
descendredesamotoetàdétacherson
casque.
«Contente-toideveniravecmoi.»
Ilssepromenèrentdansleparc,main
danslamain,enparlantdeleurjournée,
maisilnementionnapaslefaitque
l’albumétaitterminé.LacléUSBdans
sapocheluirappelaqu’ilavaitencore
unesurprisepourelleaprèscela.
Sesyeuxs’illuminèrentdejoie
lorsqu’ilstournèrentdansunealléedu
parcetqu’ellevitlapatinoireWollman.
«C’estcequ’onvafaire?»
«Ouais.»
Illaguidajusqu’audébutdelafile
d’attente,puisilsortitlesdeuxtickets
qu’ilavaitachetésplustôtcette
semaine-là.
«J’aipenséquecelledeRockefeller
seraitunpeutroptouristique,maisje
voulaisquandmêmefairequelquechose
pournousmettredansl’ambiancedes
fêtes»
«TuterendscomptequeHanoukka
estunefêtemineureetqu’ilresteencore
unesemaineetdemi?»,letaquina-t-
elleavantdedonnersapointureà
l’employédustanddelocationde
patins.
«Jesais,etNoëlestencoreplusloin,
maisjem’enfiche.Jevoulaisrevivre
l’excitationetlesfrissonsqu’onressent
quandonestunenfantetm’émerveiller
devantleslumièresquiclignotent.»
Illuitenditlespatinsdelocation.
«Moque-toidemoi.»
Ellelevalesyeuxaucielavec
malice,songrandsourirenelaissant
aucundoutesursonsarcasme.
«Jesupposequec’estcequejevais
faire.»
Lespatinsneressemblaientpasaux
lamespourlehockeysurlesquellesil
avaitapprisàpatinerétantenfant,et
lorsqu’ilarrivasurlaglace,iltrébucha
versl’avant.Sesbrass’agitèrentdans
touslessensdansunetentativede
récupérersonéquilibre,etilfrappa
Beccaàlapoitrine.Ilcommençaàse
sentirmal,maisilneparvenaitpasà
déterminersicelavenaitdufaitqu’il
l’avaitfrappéeaccidentellementoudu
faitqu’ilétaitentraindeseridiculiser
devanttoutlemonde.
LeriredeBeccalecalma.Ellepritsa
mainetelleluifitfaireletourdela
patinoire.
«C’estlapremièrefoisquetufaisdu
patinàglace?»
«Jet’enprie.Mongrandfrèreest
gardiendebutdanslaNHL.Onatous
passédutempssurlaglacequandon
étaitgamins.»
Ilmontradudoigtl’extrémitédentelée
surlespatins.
«Biensûr,iln’yapascestrucs-là
surlespatinsdehockey.»
«Ças’appelleunedent.»
«Peuimporte.»
Ladentpritdenouveaulaglace,le
faisantbasculerversl’avant.
«Putaindemerde!»
Peut-êtrequecen’étaitpasunesi
bonneidéequeçaaprèstout.
«Tut’yprendsmal»,ditBecca,tout
encontinuantàrire.«Ilfautl’utiliser
commeça.»
Ellelâchasamainetelleglissavers
lecentredelapatinoire,prenantdela
vitessetandisqu’ellepatinait.Puis,elle
plantalapointedanslaglaceetelle
sauta.Deuxtourscompletssurelle-
mêmeplustard,elleatterritsurunelame
avantdepoursuivreparunepirouette
rapide,sesbrasélégantstendusversle
ciel.
Ill’observa,letorsegonflédefierté.
Elleétaitmagnifique,etiln’arrivaitpas
àcroirequ’elleétaitàlui.
Lorsqu’ellerevintversluienpatinant,
illuidonnaunpetitcouplégeravecson
épaule.
«Tutelapètes.»
«Hey,c’estlerésultatdecinqansde
coursdepatinage.»Ellerepritlamain
d’Ethan.«Vousêtesprêtpourvotre
leçon,M.Kelly?»
«Non,jepréfèrefaireplusieurstours
depatinoireavecunefemmemagnifique
àmescôtés.»
LesjouesdeBeccadevinrentroses.
«Jetravailledansunmagazine.Je
suissûrequ’onpourratetrouverun
mannequin.»
«Jen’aipasbesoind’unmannequin
sijesuisavectoi.»
Ileffleurasonfrontdeseslèvres.
Ellerougitencoreplusavantde
mordresalèvreinférieure.
MonDieu,est-cequ’elleala
moindreidéed’àquelpointçam’excite
?
Lesangaffluadirectementverssa
queue,etilrésistaàl’envied’aspirer
cettelèvreentresesdentspourunbaiser
quiobligeraitlesparentsprésentsà
couvrirlesyeuxdeleursenfants.
Ellepoussasursespatinspourles
ramenerdansletraficdelapatinoire.
«Alors,c’étaitcommentlesvacances
avectafamille?»
«Lechaos.»
Maisalorsqu’ilpartageaitdes
histoiressursonenfance,ildevint
nostalgiquedel’époqueoùilpassaitson
tempsavecsesfrères.CalebetFrank
étaientgénéralementlesmeneursquand
ils’agissaitdeleurattirerdesennuis,
maisAdamétaittoujoursceluiquiles
empêchaitdebrûlerlamaisonoud’être
arrêtés.Aufinal,iln’auraitéchangé
aucundecessouvenirspourrienau
monde.
Ildevintsilencieuxetilbaissales
yeuxversBecca.Unsourirepensiferrait
surseslèvres,etsonregarddistantallait
bienau-delàdelapatinoire.
«Àquoitupenses?»,demanda-t-il.
«Aufaitquetonexpérienceétait
vraimentdifférentedelamienne.»
SiThanksgivingdevaitêtrepris
commeréférence,ilpouvaitseulement
imagineràquelpointelleavaitpassé
desvacancesetdesfêtescrispéeset
formelles.
«Pasdebataillesdenourriturepar-
dessuslatablenidetartinagedela
figureauchocolat?»
Ellesecoualatête.
«Jacobaquatreansdemoinsque
moietj’auraispum’entirer,maismon
pèremetenaitserrée.J’étaismême
limitéeàuneseulepièceenchocolatpar
soirpendantHanoukka.MaisClaire
m’endonnaitencachettequandilne
regardaitpas.»
«TuprévoisdefêterHanoukkaavec
euxcetteannée?»
Elleprituneprofondeinspirationet
toutsoncorpsseraidit.
«Probablementpas.»
Ilfitundemi-tourdelapatinoire,
réunissantsoncourageavantdelui
proposerdelerejoindredanssafolie.
«Çatediraitdeveniràlamaison
avecmoipourNoël?»
Ellelefitsortirdelafouleetellefit
demi-tourdevantlui.
«Tuesentraindem’inviterà
rencontrertafamille?»
«Nefaispascommesituétais
surpriseàcepoint-là.Tum’asprésenté
àlatienne.»
IlpritlevisagedeBeccadansses
mains,soncœurbattantlachamadeà
caused’uneémotionqu’ilétaitencore
effrayéàl’idéedereconnaître.Comment
avait-ilputomberamoureuxd’elleaussi
vite?Etpourtant,tandisqu’illa
regardaitdanssesyeuxbleu-vert,il
n’arrivaitpasàimaginernepasl’aimer.
«JeprometsdeteprotégerdeJasper.
EtdeFrank.»
Ellesepenchaversl’avant,enparfait
équilibresurcessatanésdents,etelle
l’embrassa.
«Jepourraisétudiertaproposition.»
«Qu’est-cequ’ilyaàétudier?»
«Lefaitderencontrertamère,pour
commencer.»
Elleseglissadenouveauàcôtédelui
etilssemêlèrentdenouveauàlafoule
depatineurs,sonregardfixésurla
glace.
«Jesaisquejen’aipaslameilleure
réputationquisoit.»
La
culpabilité
l’assaillit.
La
réputationdelajeunefemmeétaitune
desraisonspourlesquellesiln’avait
prévenupersonnedanssafamillequ’il
sortaitavecelle.Ilssauteraientaux
piresconclusionspossiblesensebasant
sursoncomportementpassé.
«Peut-être,maistuaschangé.En
plus,onn’estpasobligésdeleurdire
avantqu’ilsn’apprennentàteconnaître
etqu’ilsnevoientcommenttuasavancé
parrapportàtavied’avant.»
«Est-cequetupensesvraimentqu’ils
pourrontlefaire?»
«Absolument»,dit-il,remplid’une
fausseassurance.
Évidemment,
Adam
demanderait
vraimentunevérificationdeses
antécédents,etsamèrelaprendrait
sûrementàpartcommeleprocureur
qu’elleétaitautrefois.Maisunefois
qu’ilsapprendraientàlaconnaître,ils
verraientàquelpointelleétait
merveilleuse,toutcommeluilevoyait.
Ilserrasamain.
«Ilsvontt’adorer.»
Presqueautantquemoi.
***
Beccafaisaitdestoursetdestours
avecEthansanscesserderéfléchiràsa
demande.Ilvoulaitqu’ellerencontresa
famille.Etsisamèreressemblaitaux
mèresdesesancienspetitsamis,elle
supposeraitinstantanémentqueBecca
n’étaitpassuffisammentbienpourson
filsetelleferaittoutpourleprouver.Il
suffisaitdefaireunerecherchesur
Googlepourtrouverleserreursdeson
passécommepreuve.
Évidemment,ils’agissaitdel’étape
suivantedansunerelation-rencontrerla
familledel’autre.Laplupartdesfilles
seraientraviesàl’idéequ’EthanKelly
lesramènechezluipourrencontrersa
mère,maiselleneressentaitquedela
peur.Elleétaitentraindetomber
amoureusedelui.Lefaitqu’elleavait
coupélespontsavecsonpèrerendaitle
faitquecedernierdésapprouveleur
relationfacileàignorer,maisest-ce
qu’Ethanseraitcapabled’enfairede
mêmesisafamilleladétestait?
Ethan
resta
silencieux
pendant
plusieursminutesavantdedire:«
Désolédet’imposerça,Bec.Jeme
disaisjusteque...»
Ellelefittaireenposantundoigtsur
seslèvres.
«Pasdesouci.Jesuisplusnerveuse
qu’autrechose,c’esttout.»
«Nelesoispas.»
Ill’attiradanssesbras,prenantsa
mainsouslasiennepourlaplacerlàoù
soncœurbattait.
«Simonfrèrepeutprésentersapetite
amieenceinteàmamèrepour
Thanksgivingetnepasseretrouverdans
lamerde,jepeuxdéfinitivement
t’amenertoi.»
Ilfitunepauseetilfronçales
sourcils.
«Àmoinsquetunesoisenceinteet
quetunemel’aiespasdit.»
«Oh,bonsang!»
Elleessayadesetortillerpourse
dégagerdesesbras,maisillaserraplus
fort,toutcelasanscesserderire.
«Neplaisantepaslà-dessus!»
«J’essayejustedetemontrerquetu
n’asaucunsouciàtefaire.»
Ildéposaunbaisersursajoueetilla
lâcha.
Aumomentoùellefitvolte-facele
flashd’unappareilphotoretintson
attention.Entempsnormal,elleseserait
attendueàcequedesfamillesprennent
desphotosdeleursenfantssurlaglace,
maiselleneputréprimerlefrissonqui
laparcourutencetinstant.Elle
recherchal’origineduflashdansla
fouleetelleaperçutunhommequitenait
unappareilphotoavecuneimposante
lentilleclairementdirigéversEthanet
elle.
«Jecroisqu’onnousarepérés.»
Ellefitunsignedetêtediscretversle
photographependantqu’ilscontinuaient
àpatiner,remarquantaupassageàquel
pointcederniersuivaitlemoindrede
leurgeste.
Ethanleregardaducoindel’œilen
serrantlamâchoire.
«Tuveuxpartir?»,demanda-t-elle.
«Ouais.»
Illaconduisitversunbancetilretira
sespatins.
«Jedétestecesputainsdepaparazzi.
»
«Quilesaime?»
Maislesfourmillementsqu’elle
ressentait
dans
ses
colonnes
ne
disparaissaientpas.Ilyavaitquelque
chosedefamilierchezcephotographe.
Ellel’avaitdéjàvuavant,maisellene
savaitabsolumentpasd’oùellele
connaissait.Sajeunesseavaitétéune
visionflouedeflashs,alorsellepouvait
toutàfaitsupposerqu’ellel’avaitvuà
l’époque.
Ethanlafittournersursespatinset
l’éloignadelapatinoire.
«Iln’yaplusqu’àespérerqu’on
arriveàlesemerdansleparc.»
Ilsretournèrentàsamotosansaucun
autreflashd’appareilphoto.Ethanétait
encoretenduetsilencieuxlorsqu’il
tenditsoncasqueàBecca,chaque
centimètredesoncorpsenalertecomme
s’ils’attendaitàcequ’unharceleur
brandissantuncouteauseprécipitesur
euxàtoutinstant.
«C’estjusteunphotographe»,dit-
ellepourtenterdelecalmer.
«Jesais,maisjesaisaussiàquel
pointilspeuventêtredangereuxquand
ilspoursuiventleurscibles.»Ilattacha
soncasque.«Jeneveuxpasquetusois
blessée.»
Maistandisqu’ilsroulaientversle
loftd’Ethan,elleneputs’empêcherde
penserqueleurhistoiredigned’unconte
deféesprenaitfin.C’étaitunechose
d’êtreuncouplenormal.Maisquandla
célébritéentraitdansl’équation,cette
dernièreajoutaituntoutautreniveaude
complications.
«Jesuisdésoléequenotrerendez-
vousaittournéauvinaigre»,dit-elle
unefoisqu’ilsfurentarrivésauloft
d’Ethan.
«Moipas.»
Ilrangeasamotoàl’endroithabituel
etilaccrochasavesteauxcrochets
situésàcôtédescasques.
«Enplus,çamedonnel’occasionde
temontrerça.»
IlsortitunecléUSBdesapochequ’il
branchasursonordinateurportable.
Elleregardapar-dessussonépaule
tandisqu’ilsaisissaitlemotdepasse
pouraccéderaucontenudecette
dernière.
«Desinformationstopsecrètesquetu
asvoléesauxRusses?»
Ileutunpetitrireetilluitenditune
paired’écouteursBluetooth.
«Pastoutàfait.»
Ellemitlesécouteursetellese
retrouvaimmergéedansunmondede
musique.Mélodieux,maisenmême
tempssombreettroublant,unemusique
quifaisaitbattresoncœurplusvite
tandisqueseshanchessebalançaienten
suivantlerythme.Elleeutlesouffle
coupéenentendantlavoixfamilière
chanteràproposdufaitdesetrouver
dansl’obscuritéetderevenirversla
lumière.Deslarmesqu’elleretenait
brûlèrentsesyeuxetellesecouvritla
bouchepournepasfondreenlarmes
commeunbébé.Elleavaittoujours
adoréRavinia’sRejects,maisEthan
avaitamenélamusiqueàunniveauplus
profond,pluspersonnelquitouchaitson
cœuretquilafaisaitvoyageraveclui.
Ethannotachacunedesréactionsde
Beccajusqu’àlafindelachanson,et
sesyeuxs’illuminèrent,dansl’attentede
sescommentaires.Toutetracede
sarcasmeavaitdisparudesavoix
lorsqu’ildit:«C’estnul,pasvrai?»
Lerirepritlepassurleslarmesdela
jeunefemmeetelleluiassenaunepetite
tapeespièglesurletorse.
«Ohouais,c’estcomplètementnul.»
Ilenroulasesbrasautourdesataille
etill’attiraverslui.
«Dis-moicetupensesvraiment,Bec.
»
«Çadéchiregrave,commetoi.»
Ellepassasesdoigtsdanslescheveux
d’Ethanetellel’obligeaàbaisserses
lèvresverslessiennes.
«Alorstuasaimé?»
«Oui.»
«Etest-cequej’aidroitàunmerci
pourt’avoirpermised’êtrelapremière
personneàl’écouter?»
Ilsaisitsonculàpleinesmains,la
bosseduredesonérectionappuyant
contrelebas-ventredelajeunefemme,
enflammantledésirquicoulaitdansles
veinesdecettedernière.
«Jesuissûrequejepeuxtrouver
quelquechose.»
«Moiaussi.»
IllasoulevaetlesjambesdeBecca
s’enroulèrentinstinctivementautourde
latailled’Ethan.Unbaiserpassionnéen
entraînantunautre,chacunplusavide
queleprécédent,jusqu’àcequ’illa
portejusqu’aulitetqu’ilfasseensorte
qu’ellesoitpleinementsatisfaite.
ChapitreQuatorze
HildeattendaitdansleboxdeBecca
lorsquecettedernièrearrivaautravail
lelundimatin.Leweek-endavaitétéun
brouillarddebonheurcompletpasséà
fairel’amouretàécouterdelamusique
tandisqu’Ethanluidévoilaitune
chansonl’uneaprèsl’autre,maistout
celaavaitprisfinaumomentoùson
réveilavaitsonnécematin-là.
«J’aireçutonSMS.»
BeccatenditsoncaféàHilde.
«Autrechose?»
«Elainetecherchait.»
Beccajetaunregardversl’horlogeet
poussaunjuron.Elleavaitquasiment
unedemi-heurederetard.
«Elleétaiténervée?»
«Çaluiarrivedenepasl’être?»
Hildebutunegorgéedesatasseavant
depoursuivre:«Ellem’afaitattendre
icijusqu’àcequetuarrivespourqueje
puissetefairepassersonmessage.»
«Quiétait?»
«Elleveuttevoirdanssonbureau.
Pronto.»
Hildes’éloignaenbuvantsoncafé
commes’iln’yavaitaucunproblème.
Dessueursfroidespicotèrentlabase
delacolonnedeBecca.MêmesiElaine
avaitunebonnenouvellepourelle,elle
n’étaitpasàsonbureauaumomentoù
elleauraitdûyêtre.Ellerangeasonsac,
elleessuyasespaumessursajupeet
ellesedirigeaverslebureaudela
rédactriceenchef.
Lasecrétaired’Elaineluifitun
sourirecrispé.
«Ellet’attend,Rebecca.»
Merde!Lefaitquelasecrétairesoit
auxaguetsestmauvaissigne.Ilest
troptôtpourdemanderdescartons
pourrangermesaffaires?
Ellemarquaunepauseàlaporte,puis
elleprituneprofondeinspirationavant
detoquer.
«Entrez»,ditElainedepuisl’autre
côté.
Beccaavalalaboulequis’était
forméedanssagorge,puiselleentra.
«Tuasdemandéàmevoir,Elaine?»
Larédactriceenchefsetenaitdroite
derrièresonbureau,concentréesurles
documentséparpilléssurcedernier.
«Oui,c’estvrai.Approche.»
AlorsqueBeccas’approchaitdu
bureau,sapeursedécuplapourse
transformerenhorreur.Lesdocuments
qu’Elaineétaitentraind’examiner
étaientdesphotosd’elleetd’Ethan.En
traindesepromenerdansHell’s
Kitchen.ÀlapatinoireWollman.Au
borddufleuve.AucafédeGitta.Ilyen
avaitmêmelesmontrantentraindeskier
danslesCatskillspendantleweek-end
deThanksgiving.
Elainelevasonregardpénétrantvers
elle.
«Tum’ascachédeschoses?»
Beccaessayadeparler,maissagorge
seserra,l’étranglant.
«Jet’aidemandédemedonnerdes
infoscroustillantessurdesstars,ettu
mecachesl’histoiredel’année.»
EllelevaunephotomontrantBeccaen
traind’embrasserEthan.
LavoixdeBeccatremblalorsqu’elle
demanda:«Tum’espionnes?»
«Biensûr.»
Elainelaissatomberlaphotoet
s’enfonçadanssachaise.
«Quandtonpèreamentionnélefait
quetuavaisamenéEthanKellycheztoi
pourledînerdeThanksgiving...»
«Monpèret’aditqu’onsortait
ensemble?»
Ellesavaitquesonpèren’aimaitpas
Ethan,maisleschosesprenaientune
touteautredimension.
«Nem’interrompspas.»
Lesmotsd’Elaineétaientplus
aiguisésquelekatanad’unsamouraï.
«Etoui,j’aidéjeunéavectesparents
lasemainedernièreetilsm’ontparléde
tonnouveaupetitami.S’ilsnem’avaient
pasmontrécesphotos,jenelesaurais
pascrus.»
Elletapotasurunedesphotos
montrantEthanetBeccaentrainde
skier.
«Jesavaisqueçaseraituntruc
énorme,alorsj’aidemandéàArmando
detesuivre.»
Ellesurvolalesautresphotosd’un
gestedelamain.
«Tuasétéunefilletrèsoccupée.»
Beccas’enfonçadanssachaiseen
faced’Elaine,regrettantlebagelqu’elle
avaitmangéenguisedepetit-déjeuner
quiluiretournaitl’estomac.
«Qu’est-cequetuveux,Elaine?»
«Jet’aidemandéd’écrireunarticle,
etmaintenantjetedonneunevraie
missiontailléepourtoi.»
Larédactriceenchefcroisases
doigts.
«Jeveuxunarticleexclusifqui
dévoiletout.EthanKellyestuneénigme,
etdepuislamortdel’autremembrede
songroupe,ilestdevenuencoreplus
secret.Pourtanttuasl’airdele
connaîtredemanièreplutôtintime.»
Laréponseseformasurleslèvresde
Beccaavantmêmequ’ellepuisse
réfléchiràlaquestion.
«Non.»
«Danslejournalisme,toutestune
questiondegrandsujetd’article,celui
quicaptiveralepublic,quiferavendre
desjournauxetdesmagazinesetqui
amèneradesclicsversdessitesweb.Et
jesuissûrequedesmilliersdefemmes
auronthâted’acheterunexemplairede
Modernes’ilcontientdesrévélations
surEthanKelly.Jeveuxdesdétailssur
soncombatcontrelatoxicomanie,sur
sonnouvelalbum,sursaréactionàla
mortdesonpartenaire.»
«Jeneluiferaipasça.»
Elaineémituntss.
«Etc’estlaraisonpourlaquelletuas
toujourséchouédanslejournalisme.Ça
nepeutjamaisêtrepersonnel.C’est
toujoursunequestiondebusiness.Tune
peuxpaslaissertesémotionsinterférer
avectesarticles.»
Ellegrimaçadevantlafroideurdes
commentairesd’Elaine.Sic’étaitceque
signifiaitlefaitd’êtreunvrai
journaliste,ellenevoulaitpasdecela.
«Maisc’estmonpetitami,pasun
étrangercroisédanslarue.»
«C’estunpersonnagepublicetles
lecteursveulentensavoirplussurlui.»
Elainesepenchaau-dessusdeson
bureau,sonvisageexprimantdésormais
unetoléranceimpatiente.
«Rebecca,machérie,laseuleraison
quifaitquejet’aigardéeiciaussi
longtemps,c’estparcequejesuisamie
avectesparents.Quandtonpèrem’adit
quetuvoulaisdevenirunejournaliste
sérieuse,j’aifailliéclaterderire.Mais
commeilm’ademandédet’aider,j’ai
acceptédeteproposerunjob.Jusqu’ici,
tuasétéàlahauteurdemesattentes.»
ÀenjugerparlamanièredontElaine
laregardaitaveccondescendance,
lesditesattentesn’étaientpastrès
élevéesdanstouslescas.
Maislecôtéblessantdel’évaluation
d’Elainen’étaitriencomparéàladure
humiliationprovoquéeparlavérité.Son
pèreétaitlaseuleraisonpourlaquelle
elleétaitlà.Lefaitqu’ellesesoit
démenéepourêtrediplôméedel’Institut
deJournalismedel’UniversitédeNew
Yorknecomptaitpas.Pourlemonde
entier,elleseraittoujoursBeccaShore,
héritièreetfêtarde.
«Jesuisentraindetedonnerune
chancedemeprouverquej’aitort,
Rebecca.»
Elletenaitàlamainunephotodela
patinoire.
«JeveuxunarticlesurEthanKelly
dansmaboîtemailvendrediaprès-midi.
Situnepeuxpaslefaire,alorsne
prendsmêmepaslapeinedevenir
travaillerlundi.»
Ellelaissatomberlaphotoetelle
chassaBecca.
«Tuastamission.Nemedéçoispas.
»
Beccasentitsesgenouxtrembler
lorsqu’elleselevadesachaise,mais
elleseforçaàseleverdemanière
calmeetcontrôlée.Curieusement,elle
réussitàsortirdubureausansfaillir.Les
nauséesrefusaientdesecalmer;tendue,
elleseprécipitajusqu’auxtoilettesles
plusprochespourrendresonpetit-
déjeuner.Deslarmeschaudessuivirent,
etelles’agrippaàlacuvetteletemps
quesafrustrations’évanouisse.
Elleavaitbesoindecetravail.Sielle
leperdait,elleseraitforcéededépendre
denouveaudequelqu’un,etlamoindre
fibredesoncorpsrejetaitcetteidée.
Maissaconsciencerefusaitdelalaisser
gardersontravailentrahissantl’homme
qu’elleaimait.
Ildevaityavoirunjustemilieu.Il
devaityanavoirun.
Seslarmesséchèrentetelletrouva
l’énergiederecherchecefameuxjuste
milieu.
***
Ethanfixalafrisechronologiquesur
letableaublancsituédevantlui,lebout
d’unmarqueurappuyécontrelecoinde
sabouche.Danslepassé,ilavait
toujourslaisséunepersonnedesa
maisondedisquesgérerlesdétailsdes
nouveauxalbums.Àprésent,ilétaitseul
maîtreàbord.
Leplusdurétaitpassé.Ilavait
terminéunalbumdontilétaitfierenun
tempsrecord.Maisuntoutnouveau
royaumeseprofilaitdevantlui.Quand
devait-ilannoncerlenouvelalbumsolo
?Comment?Unsiteweb?Un
communiquédepresse?Est-cequ’il
devaitfairepasserunextraitàune
stationderadiolocale?
Etbiensûr,unefoisquelanouvelle
seraitpublique,laviesimpledontil
profitaitpendantqu’ilsecachait
arriveraitàsonterme.Ildevraitfaire
quelquesapparitionsdansdesémissions
detéléetdansdesconcerts.Aprèscela,
lesgenslereconnaîtraientdanslarueet
ilvivraitd’autressituationscomme
cellesduvendredisoirprécédent.
Ilsentitl’intérieurdesonpoignetle
brûler,etlasensationremontajusqu’à
l’arrièredesanuque.Dessueursfroides
perlaientsursapeau.Sesmusclesse
contractèrentetilsentitsonventrese
nouer.Lasensationdemanquelepritau
dépourvuavecsuffisammentdeforce
pourluifaireperdrel’équilibre.Pendant
plusieursminutesilseconcentrasur
l’airquientraitetquisortaitdeses
poumons,reconnaissantpourchaque
inspiration.Ilpouvaitsurmontercela,
toutcommeill’avaitfaitdesdizainesde
fois.Ildevaitjusteserappelerdetoutes
lesautreschosesquiremplissaientle
vide.
Quelquesminutesplustard,lemanque
disparutetlemonderedevintclair.Ilse
tournaverssonordinateuretilfitune
rechercherapidesursonnomsur
internet.Aucunephotones’afficha.Peu
importaitl’identitédupaparazzi,il
n’avaitpasvendulesphotosdeluietde
Beccaàlapatinoireàunmagazine.
Sontéléphonesonna,etilrépondit
sansregarderlenuméro.
«Bonjour,monchéri»,ditsamère
avecunevoixmielleuse.«Commenttu
vas?»
«J’iraisbienmieuxsituarrêtaisde
meparlercommesij’avaisencorecinq
ans,maman.»
Ilessayaitd’avoirl’airdur,maisily
avaitunpeudetaquineriedanssesmots.
«Oui,çava.Non,jen’aipasprisde
drogue.Etoui,j’aireprisletravail.
D’autresquestions?»
«Oùest-cequetuasapprisàêtre
aussiimpertinent?»
Unriresortitdelapoitrinedujeune
homme.
«Frank»,répondit-il.
«Jevaisdevoirparleràcejeune
hommequandilrentreraàlamaison
pourNoël.Enparlantdeça...»
Ilposalemarqueursurlatableetil
sautasurl’îlotdelacuisine.
«Jerentreàlamaison,maman.Ne
t’enfaispaspourça.»
«Merveilleux!Jevaisavoirtousmes
garçonsàlamaisonenmêmetemps.On
n’apasréussiàfaireçadepuistroisans.
»
«Cen’estpasdemafautesiBenet
Frankonttoujoursdesmatchesaux
alentoursdesvacances,ousiCalebest
toujoursdéployéquelquepart.»
«Ousituétaistoujourssurlaroute
avectongroupe.»
«Ehbien,jesuisunpeuoccupéà
organiserlasortiedemonpremier
albumsolo,maisjesupposequejepeux
mettreçadecôtéjusqu’àaprèsles
vacances.»
Ilfermalesyeuxetilsourit,savourant
lalibertéliéeaufaitdecontrôlersa
carrière.
Cela
voulait
dire
qu’il
profiteraitdevacancestranquillessans
desdizainesdejournalistesguettantle
moindredesesmouvements.
«Est-cequeDanamènesapetite
amie?»
«Oui,mêmesicettepauvrepetite
Jennyvaêtreenceintejusqu’auxdentsà
cemoment-là.Pourquoi?»
Latranquillitédesmomentspassés
étaitunpeueffacéeparlanervosité.
«Hum,est-cequeçairaitsij’amène
mapetiteamie,moiaussi?»
Ilpouvaitquasimentvoirlabouchede
samèregrandeouvertedurantlemoment
desilencequisuivit.
«Tuasunepetiteamieettuneme
l’aspasdit?»
«
Maman,
je
suis
un
adulte
maintenant,tutesouviens?Jen’aipasà
teracontertouslesdétailssurmavie.»
«Maistudevraisaumoinsmedire
quandtuvoisquelqu’un.»
«Passic’esttroptôt.Jevoulaisêtre
sûrequec’étaitlabonneavantd’en
parleràquiquecesoit.»
«Çafaitcombiendetempsquela
fréquentesexactement?»
Ilfitcourirsondoigtlelongdeson
col.
«Àpeuprèstroismois.Donconest
trèsloindelademandeenmariage,
maman,doncn’enparlemêmepas.»
«D’accord,jeneleferaipas»,même
sil’exaspérationdanssavoixrévélait
toutesadéception.
«Etn’enfaispastropavecles
décorationsreligieuses.Elleestjuive.»
«Juive?»
«Jecroisqueçafaitassez
d’informationspourlemoment,maman.
Neluiposepastropdequestionsquand
tularencontreras,OK?»
«Est-cequ’aumoinsjepeux
connaîtresonnom?»
«Becca.»
Ilraccrochaavantquesamèrene
puisseluisoutirerplusd’informations.
Beccaétaitdéjàsuffisammentassez
nerveuseconcernantlefaitqueson
passépuissejouercontreelle,etilne
voulaitpasdonneràsamèrequoiquece
soitquipourraitmettrelajeunefemme
encoreplusmalàl’aise.Elleavait
respectésonidentitéquandilavait
rencontrésafamilleetilpouvaitenfaire
demêmepourelle.
Enplus,ilsl’aimeraientforcément.Et
unefoisqu’ilsconnaîtraientlavraie
Becca,alorsilpourraitdonnersonnom
defamille.
Ilretournaàsontableaublancpour
continueràorganiserlasortiedeson
album,etilcherchaitdescabinetsde
relationspubliqueslorsquesonalarme
sonnapourluirappelersaréunionNA
hebdomadaire.Ilpritsoncasqueetsa
vesteensedemandantcequeGittaavait
prévucommespécialitédujourdansson
café.
***
Ari
marqua
un
temps
d’arrêt
lorsqu’elleentradansl’appartement.
«Qu’est-cequetufaisàlamaison
aussitôt,Becca?Tunedevaispasaller
àuneréunion?»
Beccaroulasesgenouxsoussa
poitrine.Assisesurlecanapé,elle
portaitdéjàsonpyjama.
«J’aiétémaladeautravail.»
Lapaniques’affichasurlevisagede
sacolocataire.«Resteloindemoi.Je
nepeuxpasmepermettred’êtremalade
encemoment.J’aiunprojetquejedois
rendrepourlasemaineprochaine,àLA.
»
«Cen’estpascegenredemaladie.»
Lapaniquecédalaplaceàde
l’inquiétude.
«Ohlà.Tun’espasenceinte,pasvrai
?»
«Maisc’estquoicedélireavecces
histoiresd’êtreenceinte?»Ellejetaun
coussinverssacolocataire.«Jeprends
mapiluletouslesjoursàlamêmeheure,
mercibeaucoup.»
«Désolée,tuasl’airunpeuémotive
cesdernierstemps.»
Aris’assitaubordd’unechaiseet
posasesmainssursesgenoux.
«Qu’est-cequinevapas?»
«Paroùjedoiscommencer?»
«Paroùtuveux.Aprèstout,jesuista
meilleureamie.»
Pourlapremièrefoisdepuisson
entrevueavecElainecematin-là,ellene
ressentitpasdenausées.
«Jet’aiditquej’avaisl’impression
quequelqu’unavaitprisdesphotos
d’Ethanetmoiàlapatinoirevendredi
dernier.Ehbien,j’aicomprispourquoi.
Elaineaembauchéquelqu’unpourme
suivre.Elleadesphotosdenousdeux
danstoutelaville.»
Souslasurprise,leslèvresd’Ari
s’entrouvrirent,etsesyeuxmarrons
devinrentdeuxfoisplusgrosquela
normale.
«Cettesalope.»
«Oh,tun’espasaucourantdela
moitié.Ellem’ademandédeuxfois
d’écrireunarticlesurEthan.Ellem’a
ditquesijenelerendaispasvendredi,
j’étaisbonnepourêtrevirée.»
«OhmonDieu!Elleaduculotcette
bonnefemme.»
«Etlehic,laseuleraisonpour
laquelleellem’aembauchée,c’était
parcequemonpèreademandéune
faveur.»
Beccasaisitunautrecoussinetle
serracontresapoitrine.
«Alorsmaintenant,jedoisfaireun
choixentretrahirEthanouperdrele
boulotquej’aiuniquementpuobtenir
grâceàmonpère.»
«Ilvafalloirduvin.»Ariselevade
sachaiseetdisparutdanslacuisine.
Ellerevintuneminuteplustardavecune
bouteilledevinrouge,untire-bouchon
etdeuxverres.
«Tusaisquejeneboispas.»
«Oui,maiss’ilyabienuneraison
pourquetulaissestesrèglesdecôté,
c’estbiencelle-là.»
Elleservitdeuxverresetelleen
tenditunàBecca.
«Bon,réfléchissonsauxoptions.»
Beccapritleverre,refusantd’en
prendreunegorgée,maisellefitun
sourireàsacolocataire.C’étaitce
qu’elleaimaitchezAri.Engrandissant,
elleavaittoujourstrouvéunmoyende
contournerlesrèglesetlesrestrictions,
etBeccaespéraitquesameilleureamie
l’aideraitàtrouverunmoyendegérerla
situation.
Aributunegrossegorgéedansson
verre.«OK,commençonsparles
extrêmes.Optionune:tudisàElainede
prendreceboulotetd’allervoirailleurs
situyes.»
Beccareniflaenrianttouten
imaginantlaréactiondesarédactriceen
chef.Elleposeraitseslunettesavantde
crachersescommentaires.
«Jen’aipaslecouragepourça.»
«Tul’avaisavant.»
Ariprituneautregorgée.
«Optiondeux:Tusuppliestonpetit
amipouravoirl’articlequitepermettra
desauvertonboulot.»
Ellesetortillaàcettesimplepensée.
«Jenesaispas,Ari.Ethanesttrès
secret,etlegenredechosesqu’Elaine
veut...ehbien,jedétesteraislui
demanderça.»
Arifitunsignedetêtecompatissant.
«Maissituluiexpliquaisla
situation...»
«Non,jenepeuxpas.»
Beccalâchasoncoussinetfitlescent
pasdevantlecanapé.
«Aprèstout,c’estàcausedemoisi
lespaparazzinousonttrouvés.Sijene
l’avaispasamenéchezmoipour
Thanksgiving,alorsmonpèren’aurait
pasparlédeluiàElaine,etiln’yaurait
pasdephotosdelui.Tuvois...savie
privéeestmenacée,etc’estdemafaute.
»
«Peut-être,maiscen’estpascomme
situl’avaisvendue.Aprèstout,c’estlui
quivoulaitveniravectoi.C’estluiquia
ditquiilétaitàtonpère.»
«Jesais,mais...»
Elles’interrompitetelleappuyala
paumedesamainsursonfront.Peu
importaitàquelpointelleessayaitde
toutrationaliser,elleavaitencore
l’impressiond’avoirtoutraté.
«J’essayaisvraimentdeleprotéger.
»
«Maisc’estungrandgarçon,Becca.
Ilpeutprendresoindeluitoutseul
maintenant.»
«Tucrois?Pourmoi,ilestencore
fragile,ilestencoreendanger,uncoup
durpourraitlefaireremettresurla
mauvaisefoi.»
«Etpastoi?»
AriselevaetserapprochadeBecca.
«Disonsquetufaiscequitesemble
justeetqueturefusesgentimentd’écrire
l’article.Tuvasperdreleseulboulot
quetuaiesjamaiseu,etencemomentle
marchén’estpasterriblepourles
nouveauxvenus.Dèsquetudiraston
nom,lesgensvonttirerleurspropres
conclusionsàproposdetoi.Onacet
endroitgratuitement,maisj’arriveraià
peineàpayerpourlanourritureetles
facturescourantes.»
«Tucroisquejen’yaipaspensé?»
«Alorstuasdeuxautresoptions.Un:
ramperdevanttonpèreetsupplierpour
avoiruneallocationmensuelle.»
Beccafronçalenez,chaquefibrede
soncorpsrejetantcetteidée.
«Tusaisquejeneferaipasça.»
«L’autreoptionc’estquetufasses
d’Ethantonvieuxpleinauxasetquetu
emménagesaveclui.Pasdedoute,ila
lesfondspourt’entretenir,ettuvis
pratiquementchezlui,detoutefaçon.»
«J’auraisencoreunelaisse.»Elle
s’enfonçadanslecanapé.«L’idée
derrièrecetrucdejournalisme,c’était
d’êtreindépendante,denepasavoirà
dépendresurquelqu’unpouravoirde
l’argent.»
«Ouais,maislesgenscommetoiet
moidevronttoujoursprouverqu’onest
plusquedespetitesfillesrichestrop
gâtées.»
«Apparemmenttun’aspasde
problèmesavectonboulot.»
«C’estparcequejefaisquelque
chosequej’aime.Descommuniquésde
presse,desévènementssociaux,les
spotsdesmédias...c’estvraimentmon
truc.»
Lesdéclarationsd’Elaineàproposdu
faitdenepaslaissersesémotions
interféreravecsesarticlesrevinrentla
hanter.
«Jepensaislamêmechoseàpropos
dujournalisme.»
Aris’assitprèsdeBeccaetpritcette
dernièredanssesbras.
«N’abandonnepasencore.Tu
trouverasunmoyendefairecequetu
aimes.
Quelqu’unsonnaàlaporteetArise
levapourallerouvrir.
Lavoixd’Ethansefitentendredansle
couloir.
«Ari,Beccan’étaitpasàlaréunion...
»
Beccaselevaducanapésansse
soucierdeporterunvieuxpyjamaen
flanelleetdemontrerdesyeuxrougesà
causedeslarmesqu’ellevenaitde
verser.
Ilfallutmoinsdedixenjambéesà
Ethanpourtraverserlapièceetpour
s’accroupirdevantelle.
«Çava?»
Elleseforçaàarborerunfaible
sourirepourlui.
«Çavaaller.»
«Commetun’étaispasàlaréunion,
jemesuisinquiété.»
Soncœurs’arrêta,luirappelanttoutes
lesraisonsqu’elleavaitdenejamaisle
trahir.
«Jen’étaispasbienenrentrantdu
boulot,c’esttout.»
«Est-cequeçaçapourraitte
remonterlemoral?»
Ilsortitunepetiteboîteportantle
logoducafédeGitta.
«Elleaditquec’étaitunesortede
gâteaudefêteetquetuaimeraisça.»
Ellecaressalajouedujeunehomme.
«Merci,Ethan.C’estvraiment
adorabledetapart.»
Lesyeuxdujeunehommeglissèrent
versleverredevinposéàcôtéde
Becca,etilserraleslèvres.
«Est-cequ’ilyaautrechosequeje
peuxfairepourtoi?»
ArisetenaitderrièreEthan,etelle
faisaitdessignesàBeccapourluidire
qu’elledevaitluiparlerdelasituation,
maiscettedernièresecontentade
secouerlatête.
«J’aijustebesoind’unpeudetemps
pourm’enremettre.»
Iljetadenouveauunregardversle
verredevinavantdeseredresser.
«Appelle-moisituasbesoindequoi
quecesoit.»
Ilsepenchapourdéposerunbaiser
sursonfrontetilditaurevoiràAri
avantdequitterl’appartement.
Lacolocatairedelajeunefemme
sautasurplaceàl’endroitqu’ilvenait
dequitterdevantelle.
«Qu’est-cequiclochecheztoi,
Becca?Ilveutt’aiderettunefaisque
lerepousser.»
«Jepeuxsurmonterçasanslui.»
«N’importequoi.»Arireculad’un
pas.«Tusaisquelaconfianceest
essentielledansunebonnerelation.»
«Oui,etilm’aconfiésessecrets,et
jenevaispaslesexploiterpoursauver
macarrière.»
«Maislaconfianceçamarchedans
lesdeuxsens,Becca.Toiaussitudois
luifaireconfiance.»
«Je...»
Ellen’arrivaitpasàtrouverune
bonneexcuse.Ariavaitraison.Elle
aussidevaitfaireconfianceàEthanpour
sessecrets.Maiselledétestaitl’idéede
sedéchargerdesesproblèmessurlui.
«Lanuitporteconseil.»
«D’accord,maisj’espèrequetu
oublierastesréserves,ouçavadevenir
ungrosproblèmeentrevousdeux.»
Beccaseretiradanssachambreet
essayadedormir,maispeuimportaitce
qu’ellefaisait,ellen’arrivaitpasà
apaisersonesprittroublé.Iln’yavait
toutsimplementaucunmoyensimple
poursortirdecettesituationdélicate.
Ellesetournaetseretournaencore
longtempsaprèsqu’elleaitentendusa
colocataireallersecoucher,puiselle
finitparseleverunpeuaprèsuneheure
dumatin.Quelquessecondesplustard,
ellecomposaitlenumérod’Ethan.
«Tuesdebout?»,demanda-t-il
lorsqu’ildécrocha.
«Ouais.Ettoi?»
«Ouais.»
Savoixsemblaitfragileetdouce
lorsqu’elledemanda:«Ilesttroptard
pourquejeviennecheztoi?»
«Tuveuxquejeviennetechercher?
»
«Non,jepeuxprendreuntaxi.»
Ellevérifiadanssonportefeuillesi
elleavaitsuffisammentd’argentpour
payerlacourse.
«J’arrive.»
Elleenfiladesvêtementsàlava-vite
etellehélauntaxi.
Ethanétaitentraindel’attendre
lorsqu’ellearriva,etill’attiradansses
bras.
«Qu’est-cequinevapas,Becca?»
«Tuconnaiscetteexpression:Être
entrelemarteauetl’enclume?Ehbien
imaginequec’estÉcraséeentrela
rocheetlafalaise.»
Ilserrasesbrasautourd’elleetilla
guidadanslesescaliers.
«Tuveuxbienm’expliquercequise
passe?»
«Peut-être.»
Elleretirasavesteetseschaussures
avantdemontersurlelitàcôtédelui,
soncorpsselovantinstinctivement
contrelesien.
«C’estunproblèmeauboulot.»
«Raconte-moi.»
Ilmassalecuircheveludelajeune
femmetoutenattendantquecelle-cilui
réponde.
Sespaupièresdevinrentlourdesà
causedelafatiguedelajournée,etelle
risquaitdes’endormirsiellene
soulageaitpassonâmerapidement.
«Marédactriceenchefm’aconfiée
unemissionaveclaquellejenesuispas
d’accord.»
«Pourquoi?»
Ellemâchouillasalèvreinférieureen
sedemandantàquelpointelledevaitlui
révélerdeschoses.
«Parcequedesgenspourraientêtre
blesséssij’écriscetarticle.»
«Etsitunelefaispas?»
«Ellemevire.»
Ilinspiraàtraverssesdentsserrées.
«C’estunedécisiondifficile.»
«Maintenanttusaispourquoijesuis
danstousmesétats.»
«Ouais,maisjeteconnaisaussi.Tu
vasécoutertoncœuretfairelebon
choix.»
«Mêmesiçasignifielafindema
carrièredanslejournalisme?»
«Quiaditqueceseraitlafin?Tues
unefemmebrillante,Bec,ettune
mettraspaslongtempsàtrouverunautre
boulot,mêmesic’estenfreelance.»
Illuidonnaunpetitcoupdecoude
espiègle.
«Enplus,cen’étaitpastoiquidisait
quetudétestaistravaillerlà-basde
toutesfaçons?»
«Si».
Elleseblottitencoreplusprèsdelui,
ettouslessoucisdelajournée
disparurent.Ethancroyaitenelle.
Maintenant,illuisuffisaitjustedecroire
aussienelle-mêmeetdefairelebon
choix.
«Mercidem’aideràmesentirmieux.
»
«Quandtuveux.»
Ildéposaunpetitbaisersurlehautde
latêtedelajeunefemmeetillagarda
danssesbrasjusqu’àcequ’ellefinisse
pars’endormir.
ChapitreQuinze
Beccaserenditaubureaudesonpère
lejeudimatin,ignorantlesprotestations
delasecrétairedecelui-ci.Deuxjours
s’étaientécoulés,etellen’avaittoujours
pastrouvédesolutionàsonproblème
detravail,maisellepouvaitaumoins
réglerleschosesavecsonpère.
«Papa,ilfautqu’onparle.»
Sonpèrelevalesyeuxdesonécran,
unsourcilarquéau-dessusdesesyeux
bleu-vert,etilcongédiasasecrétaire.
«Assieds-toi,Rebecca.»
Ellepritunechaiseenfacedeluiet
ellecroisalesjambes,lacolonneraidit
parladétermination.
«D’abord,jen’appréciequetuaies
parléd’EthanàElaine.»
«Onétaitsimplemententrainde
déjeunerentrevieuxamis,etonenest
venusàparlerdetoi.»
«Oui,maismaintenantellemeforceà
écrireunarticlesursaviepersonnelle,
sinonjerisquedeperdremonboulot.Un
boulotquej’aieugrâceàtoi,jeviensde
l’apprendre.»
«Tufonçaisdroitdanslemuravecta
poursuiteridiculed’unecarrièredansle
journalismeetj’aiouvertuneportepour
toi.»
«Maiscen’estpasridiculepourmoi.
C’estcequejeveuxfairedemavie.»
«Oh,jet’enprie.Tun’arrivespasà
restercleansuffisammentlongtemps
pourgarderuntravailquiimpliquedes
responsabilités.Etlefaitdesortiravec
unautretoxicomanecommecettestardu
rocknevafairequetetirerencoreplus
verslebas.»
Ellebonditsursespieds,lecorps
brûlantderage.
«D’abord,çafaitpresquetroisans
quejesuisclean,etçaaarrêtéd’êtreun
problèmequandjemesuisdétachéede
tesméthodesmanipulatricesetdeton
emprise.Ensuite,Ethanestenvoiede
guérison,toutcommemoi.Onpeut
s’aiderl’unl’autreàresterclean.»
«Ouvouspouvezvousfaire
rebasculerl’unl’autredanslesbas-
fondsdel’héroïne,exactementcomme
ças’estpasséavectamère.»
Beccaprituneprofondeinspiration
avantdelancerunesériedemotsde
cinqlettresàsonpère.
«Jen’aiaucunsouvenirdemamère,
alorsjenepeuxpasdiresijesuis
commeelleounon.Maiscequejesais,
c’estquelaraisonquiafaitquej’ai
commencéàenprendre,c’étaittoi.»
Lasurpriseselutsurlevisagedeson
père,
bouleversant
son
expression
impassiblependantunebrèveseconde
avantquecelle-cineréapparaisse.
«N’essayepasderejeterlafautesur
moi.Onsaittouslesdeuxquela
toxicomanieauncomposantgénétique.»
«Peut-être,maislefaitquetu
exigeaisdemoiquejesoisparfaiten’a
pasaidé.Est-cequetuaslamoindre
idéed’àquelpointc’étaitlepieddene
passesoucierdecequetupouvais
penserdemoi?Demesentirbiendans
mapeausansqu’onmerappelleles
centainesdechosesquetudésapprouves
chezmoi?»
Ilserenfonçadanssachaise,ses
doigtsécartéssursabouche,l’air
pensif.
«Jesaisquej’aitoujoursétéune
déceptionpourtoi.Jesaisquetu
n’attendaispasdemoiquejesoisplus
qu’uneespècedetoxicopauméeavecun
compteenfiducie.Maistuastort.J’ai
trouvéquelquechosequejevoulais
faire.Jevoulaisécriredesarticlespour
fairechangerleschoses.Jevoulais
défendrelesopprimésetfaireensorte
quelesautresprennentconsciencedu
contextedifficiledanslequelnous
vivons.Jevoulaisdesarticlesqui
pourraientunjourchangerlaviede
quelqu’un.Etpersonnen’acruenmoi,
saufAri.»
Elleappuyasesmainscontrela
surfaceenverreimmaculéedubureaude
sonpèreetellesepenchaenavant.
«Jesaispourquoituasparléd’Ethan
etdemoiàElaine,etjesuisvenuepour
tedirequemêmesitacombinepeutfinir
par
me
coûter
mon
poste,
je
n’abandonneraipasmonrêve,etjene
l’abandonneraipasluinonplus.»
Ellefitvolte-facesursestalonshauts
etellepartitsansunmot.
Aprèsavoireul’impressionqueson
mondes’écroulaitpendanttroisjours,
ellesentaitdenouveauqu’ellereprenait
lecontrôle.Lefaitdedireleschosesà
sonpèreluiavaitretiréunpoids,etau
momentoùellearrivaaurez-de-
chausséedelatourdubureaudece
dernier,elleavaituneidéedelamanière
dontelledevaitprocéderavecElaine.
***
Ethanjouaquelquesnotessurson
pianoavantdelesnoteravecunlarge
sourire.Mêmes’ilessayaitencore
d’organiserlasortiedesonnouvel
album,lamusiquecontinuaitdevenirà
lui.Aurythmeoùilallait,ilauraitun
autrealbumprêtàêtreenregistrépourle
printemps.
Ilregrettaitsimplementqueleschoses
nepuissentpasêtreaussisimplespour
Becca.Lesdeuxnuitsprécédentes,elle
avaitpassésontempsàtournersurelle-
mêmeàcôtédelui,nedormantqu’après
qu’illuiaitfaitl’amourauxpetites
heuresdumatin.Ellen’étaitpas
retournéeàsontravail,choisissantde
mâchouillerunedemi-douzainedes
crayonsd’Ethantoutengribouillantune
idéeaprèsl’autrequifinissaienttoutes
dansladéchiqueteuse.Cematin-là,
c’étaitlapremièrefoisqu’elles’était
réveilléeavecunregarddéterminé,et
celuiluiavaitlaisséprésagerqu’elle
avaittrouvéunesolutionàson
problème.
Elleétaitpartieavantl’aubepour
retournerdanssonappartement,etil
n’avaiteuaucunenouvelledepuis.Il
espéraitquesonsilenceétaitdebonne
augure?
Ilavaitécritquelquesmesures
supplémentaireslorsquesontéléphone
sonnaetquelenumérodeBecca
s’affiche.
«Hey,mabelle,commentçava?»
«Beaucoupmieux.J’aibalancéun
articleàElaineetjechercheunvolpour
lesCaraïbes.Ilyenaunpourla
Barbadedemainmatinàsixheures.Tu
veuxfaireunpetitvoyageéclairavec
moi?»
Ilregardalaneigeentrainde
s’empilersurlereborddesafenêtre.
«Unpeudesoleiletdesablechaud,
çamesemblepasmal.»
«Génial.Jeréservelesvolstoutde
suite.OndécolledeJFK,alorspourquoi
onneseretrouveraitpaschezmoiavant
d’yaller?»
«Vendu.»
Aumomentoùilraccrocha,son
sourireétaitencoreplusgrandqu’avant.
Beccaétaitredevenuelafemme
intrépidequ’elleétait,etilavaithâtede
voiràquelpointilspourraientpasserde
bonsmomentssouslestropiques.C’était
exactementlegenredevacancesdontil
avaitbesoinavantdesereplongersous
lesprojecteurs.
Etcelaluioffriraitl’occasionparfaite
delaconvaincredevenirchezluipour
Noël.
***
LegenoudeBeccan’arrêtaitpasde
tressautertandisquel’avionroulaitsur
lapistededécollage.
Àquoiest-cequejepouvaisbien
penserenprenantunavion?Jedéteste
voler.
Maisc’étaitunesorted’envie
impulsivesurlemoment.Elleavait
besoindefaireunecoupure,etClaire
avaiteulagentillessedeluidonnerun
numérodecartebancaireencas
d’urgencequelquesmoisplustôt.
Etlivrerunarticlequiluicoûterait
sûrementleseultravailqu’elleavait
jamaiseucomptaitcommeuneurgence.
Ethanlacalmaenposantsamainsur
sacuisse.
«Est-cequejedoisdemanderunsac
àvomiàl’hôtessedel’air?»
Ellesecoualatête.
«C’estlapremièrefoisquejeprends
l’aviondepuisunbail,c’esttout.»
Ilétaitinutilequ’elleajoutequ’il
s’agissaitdelapremièrefoisoùelle
prenaitl’avionenétantsobre.Ethan
hochalatête,etl’empathiequiselisait
danssesyeuxgrisluidisaitqu’il
comprenait
exactement
ce
qu’elle
voulaitdire.
«Aumoins,onestenpremière
classe.»
«Ouais,c’estunpeuunefolie.»
Elleregardalesoleilentraindese
leversurlavilleendessousd’euxà
traverslehublot.
«Maisjemesuisditquec’était
maintenantoujamais.»
«PourquoilaBarbade?»
«Mafamilleaunepetitemaisonen
borddemerlà-bas.Jen’ysuispasallée
depuis
des
années,
mais
c’est
suffisammentintimepournousdeux.»
Enplus,ilyavaituneclôtureenferet
unepiscineàdébordementavecunevue
merveilleusedel’eau.
«Mercid’êtrevenuavecmoi.»
«Biensûr.»
Ils’interrompit,etilpenchalatêtesur
lecôté.
«Alors,qu’est-cequis’estpasséau
boulot?Tuasditquetuavaisbalancé
tonarticle,maisjesaisquetuaseudu
malàl’écrire.»
Lesnauséesqu’elleressentaità
présentn’avaientplusrienàvoiravec
l’avion.
«J’aitrouvéquelquechosede
différent.Cen’estpascequ’ellevoulait,
cequiveutdirequ’enrentrant,j’aurai
sûrementune-maildelicenciement,
maisaumoinsj’ailaconscience
tranquille.
«Tunem’asjamaisditcequ’elle
voulaitquetuécrives.»
«Ons’enfoutmaintenant.»
Elleserrasamainetelleluisourit.
Ellen’avaitpascédéàlapressionparce
qu’ilcomptaitpluspourellequeson
travail.
«J’aifaitcequimesemblaitjuste,et
maintenantj’aihâtedepasserquelques
joursausoleilavectoi.»
«Lamême.»
Ils’installaconfortablementdansson
siègeetilfermalesyeux.
Beccamâchasalèvreinférieureen
regardantl’heuresursontéléphone.Il
restaitcinqheuresavantl’atterrissage.
Justeassezdetempspourqueson
estomacsenoue.
Eneffet,mêmesiellen’avaitpas
renduunarticlesurEthan,sonarticle
pouvaitlareplaceraucentredela
controverses’ilétaitpublié.
ChapitreSeize
Ethanplongeadanslapiscineà
débordementetnageasurtoutela
longueurdecettedernière,s’arrêtantau
niveaudelaparoiquisurplombaitles
Caraïbes.Lesoleilétaitentraindese
couchersurl’eaucommeuneboule
rougedefeuquis’embrasaitavantde
capitulerfaceauxombresdelanuit.
Uneautrejournéeparfaiteau
paradis.
«L’eauestbonne?»,demandaBecca
derrièrelui.
«Chaude.»
Ilseretournaetilrestebouchebée.
Beccasetenaitàcôtédelapiscine,
totalementnue.Ellelaissatomberla
serviettequ’elletenaitdanssamainet
elledescenditdansl’eauenondulantses
hanchesdemanièresexy.Elleleregarda
droitdanslesyeuxavecunregard
intenseetséducteur.Aumomentoùelle
arrivajusqu’àlui,ilétaitenpleine
érectionetilmouraitd’envied’êtreen
elle.
«Est-cetuesentraind’essayerdeme
direquelquechose?»,demanda-t-il,la
voixrauquerempliededésir.
Elleenroulasesbrasautourducou
d’Ethanetsesjambesautourdesataille,
soncorpssemoulantcontrelesien
commesielleavaitétéspécialement
faitepourlui.
«C’estagréabled’avoirunemaison
privéesurlaplage,pasvrai?»
«Eneffet.»
Ilbaissaseslèvresverscellesde
Beccadansunbaiserquinefit
qu’augmentersondésir.Leweek-end
avaitétéunmélangeidéald’amusement
etdesexe,desactivitésenextérieur
commelavoileetlaplongéeaux
longuessessionslangoureusesdesexe
danslachambre.Pasdetélévision.Pas
d’internet.Pasd’interruptions.Etétant
donnélamanièredontelleétaitentrain
deréagirquandillatouchait,elleen
voulaitencore.
Illafittournersurelle-mêmede
manièreàcequeledosdelajeune
femmesoitappuyécontrelemurdela
piscine.Lecoucherenflammaitles
refletsrouxdesescheveuxpourformer
unecouronnerayonnanteautourdesa
tête.Legoûtsubtildesmanguesqu’elle
avaitmangéess’attardaitsurseslèvres.
Sapeaumouilléeglissaitcontrela
sienne,
et
chaque
mouvement
le
provoquaitetletentait.Leparfumsucré
desfleurstropicalesremplissaitl’air
autourd’eux,semêlantàceluidu
shampooingàlanoixdecocoqu’elle
avaitutiliséplustôtdanslajournée.
Toutculminaitdansl’incarnationde
quelquechosequisemblaitsortird’un
rêve.
Etpourtant,toutétaitbienréel.Cette
femmesexy,intelligenteetgénéreuse
étaitdanssesbras,faisantdelui
l’hommelepluschanceuxdumonde.
Sonmaillotdebaincommençaà
tomberetill’envoyavoler.Ilsaisitson
cul,puisillahissahorsdel’eauetil
l’amenajusqu’ausofabiencapitonné
situéàcôtédelapiscine.
«Est-cequejedoisalleràl’intérieur
pourchercherunecapote?»
«Situveux,maisjemesouviens
avoirprismapiluleaujourd’hui.»
Ilhésita,leboutdesaqueueplanant
au-dessusdel’ouverturedusexede
Becca.
«Est-cequetuesentraindedireque
tumefaisconfiance?»
Elleacquiesça.
«Ettoi,tumefaisconfiance?»
Ill’avaitsuffisammentvuprendresa
pilulelematin,régléecommeune
horloge,poursavoirqu’ellen’étaitpas
entraind’essayerdelepiégeravecune
grossesse.Etmêmesilapilulene
marchaitpas,peuluiimportait.Ilvoulait
unfuturavecelle.Unquipourraitmême
incluredesenfantsunjour.
Maispourlemoment,iln’arrivaitpas
àpenseràautrechosequelefaitqu’il
étaitmerveilleuxd’êtreenelle.La
chaleurdesachatteserréeethumide.La
manièredontsesparoisintérieuresse
serraientautourdelui.Lamanièredont
seslèvress’ouvraientquandilentraiten
ellelapremièrefois,puisdontelle
gémissaitquandilcommençaitàbouger.
Ilpritsontemps,prolongeachaque
coupdereinexquis.Celapouvaitêtre
l’affaired’unefoisoudebeaucoup,
maisilétaitdéterminéàsavourer
chaquemomentdecetteexpérience.Le
corpsdeBeccasesoulevapour
rencontrelesien.Ilentrelaçasesdoigts
aveclessienstandisquesabouche
dévoraitlasiennedansdesbaisers
passionnés.Etlorsqu’illafitjouir,illa
tintserréecontreluialorsqu’ilvenait
luiaussi.
Lorsqu’ilretrouvasesesprits,lanuit
étaittombée.Leslampessolairesqui
éclairaientlesalléesdujardinmenantà
lamaisonetlequartierdeluneau-
dessusdeleurtêteluioffraientjustece
qu’ilfallaitdelumièrepourqu’ilpuisse
voirlevisagedelajeunefemme.Sa
beautéluicoupapresquelesouffle,mais
l’éclatquibrillaitdanssesyeuxfit
battresoncœur.
Elleluifitunsouriretimidetandis
qu’elleseredressaitpourcaresserson
visage,faisantcourirsesdoigtssursa
mâchoire.
«Jet’aime»,murmura-t-elle.
Letempssemblas’arrêter,maisau
lieud’êtreterrifié,ilétaitheureux.Il
voulaitquecemomentduretoujours
pourl’enregistrerdanssamémoire.Une
foisqu’ileutmémorisélemoindre
détail,ildégageaunemèchedecheveux
poséesursonfrontavantdeluidire:«
Moiaussi,jet’aime,Bec.»
Lesouriredelajeunefemmes’élargit
etellel’attiraversellepourunautre
baiser.
Etiln’arrivaitpasàsedirequesa
viepourraitêtreplusbellequ’encet
instant.
***
Letéléphoned’Ethansonna,lesortant
desderniersinstantsd’unsommeil
bienheureux.Ilvitlenomd’Adam
s’affichersurl’écranetilseprécipitaà
l’extérieurdelachambreavantquela
sonnerieneréveilleBecca.
«Salut,Adam»,répondit-iltouten
enfilantunerobedechambre.«
Commenttuvascematin?»
«Unpeucontrarié.Pourquoitune
m’aspasditquetusortaisavecBecca
Shore?»
Cettejournées’annonçaitcommeune
autrejournéemagnifiqueauparadis,
maislafroideurdanslavoixd’Adam
étaitévidenteetdonnalachairdepoule
àEthan.
«Parcequejesavaisquetuaurais
cetteréactiondemerde.»
Ilpouvaitsentirlacolèrequeson
frèreessayaitdecontenir.
«Alorstusavaisqu’elleposerait
problème?»
«Poserproblème?Pasmoyen.»
Ilsautasurl’îlotdelacuisineetilse
servitunverred’eau.
«Aucontraire,elleestlameilleure
chosequimesoitjamaisarrivée.»
«Alorstun’aspasencorevules
infos.»
Sabouchedevintsèche.
«Dequoituparles?»
«Allumelatélé.»
«Jenepeuxpas.»
«Pourquoi?»
«Parcequ’iln’yenapasdanscette
maison.»
Soncœurcommençaàbattrela
chamadeetsonespritpartitdansune
centaine
de
directions
différentes,
aucunen’étantpositive.
«Dis-moicequisepasse,Adam.»
«Ellet’avendu.»
Leverrecommençaàglisserdeses
mainsetillerattrapaavantqu’ilne
tombeetquelechocneréveilleBecca.
«Dequoituparles?»
«Exactementdeça.Apparemment,
elleavenduunarticleexclusifàpropos
detoiàunmagazinefémininqui
s’appelleModerne,etçafaitlebuzz
danslesmédias.L’articleparaîtra
demain,maislarédactriceenchef,
ElaineHalpern,alaisséfuirdesphotos
devousdeuxpendantquevousétiezàla
patinoire,etvousavezl’airplutôt
proches.»
«Putain!»
Ethansautadel’ilotetfitlescentpas
toutenpassantsesmainsdansses
cheveux.
«Commentelleafaitpourlesavoir?
»
«Ilsembleévidentquec’esttapetite
amiequilesluiadonnées.Ellet’a
probablementtenduunpiège.»
«Becn’estpascommeça.»
Etpourtant,ilressentaitunléger
doutequirefusaitdedisparaître.Ily
avaittropdechosesquinecollaientpas.
Sonsecretàproposdel’articlequ’elle
avaitrendu.L’argentqu’elleavait
soudainobtenupourpayerleursbillets
enpremièreclasse.Lamaisondela
plagetotalementcoupéedetousles
médias.
«OK,oublionssonpèrequia
probablementunedentcontrenouspour
lapropriétédeMichiganAvenue...
j’auraisdûcomprendrequandtum’as
posédesquestionssurlui.Oublions
aussiqu’ellen’apaslameilleure
réputation
possible,
elle
s’est
probablementjetéesurl’occasionde
refairelaunedesjournaux.Est-cequetu
imaginescequ’elleaputoucherpourte
traînerdanslaboue?»
«EtmoijetedisqueBecn’estpas
commeça.»
«Vraiment?Tun’aspasl’airplus
convaincuqueça.»
Ilentenditsonfrèretapersurson
clavier.
«Ici,ilestditquel’articlerévèlera
desdétailsàproposdetatoxicomanie,
detaguérisonetdetonprojetsoloà
venir.Sicen’estpasellequiadonné
toutescesinformations,quil’afait?»
Ilsentitsatêtetourneretils’écroula
surlecanapéavantquesesgenouxnele
soutiennentplus.Iln’yavaitaucune
autreexplication.Beccal’avaittrahi.
Cettegarcel’avaitattiréiciparlaruse,
elleluiavaitditqu’ellel’aimaitetelle
luiavaitfaitavouerqu’ill’aimaitlui
aussi,toutenessayerdel’empêcher
d’apprendrelavérité.
«Oùtuesencemoment?»,demanda
Adam,toutetracedecolèreayant
disparudanssavoix.
«LaBarbade.»
«Tuveuxquejeteprenneunbillet
surleprochainvol.»
Sonventreseserraenentendantla
pitiédanslavoixdesonfrère,àl’idée
qu’Adamsoitdenouveauobligédele
tirerd’affaire,maisunepartiedelui
étaitheureused’avoirquelqu’unqui
veillesurlui.
«S’ilteplaît.»
Ilentenditquelquesclicssurle
clavier.
«Ilyenaunquipartdansdeux
heuresetdemi.»
«Jepeuxl’avoir.»
IlluisuffisaitdeprendrelaJeep
qu’ilsavaientlouée,mêmesicela
voulaitdirequ’illalaissaitbloquéesur
place.
Après
tout,
elle
avait
probablement
gagné
suffisamment
d’argentenlevendantpoursepayerun
taxijusqu’àl’aéroport.
«Jel’airéservépourtoi.»
«Merci,Adam.»
Ilraccrocha,lesmainstremblantes.
Pourlapremièrefoisdepuisplusieurs
mois,ilétaitplusquetentédesepiquer
etd’oublierlemondeentier,maisil
refusaitderechuteràcaused’unefemme
quijouaitundoublejeu.Ilsavaitqu’il
devaitlaconfronter,luidirequetout
étaitfini,maisilressentaitunedouleur
aumilieudesapoitrineàl’idéedele
faire.
Ill’aimaittoujours.
C’étaitcequirendaitsatrahison
encoreplusdureàaccepter.
Maisjedoislefaire.
Ilouvritviolemmentlaportedela
chambre,lespoingsserrés.
Beccasursauta,lesyeuxécarquillés
parlapeur.
«Ethan,qu’est-cequinevapas?»
«Jesaiscequetuasfait.»
Ilessayaitd’avoirl’airduretfurieux,
pourtantlorsquesonregardtombasur
lescourbesnuesdelajeunefemme,sa
résolutionfaiblit.
Putain,j’aiencoreenvied’elle.
Ilattrapasonsacetilcommençaà
jetersesaffairesdanscedernierpour
s’empêcherdelatoucheretdeperdre
toutsonsang-froid.
«Dequoituparles?»
«Félicitations,Bec.Tuasfinipar
l’avoirlachancedetavie.Tonarticle
surmoifaitlaunepartout.»
«Maisdequoituparlesputain?»
Elleserraledrapautourd’elleetelle
s’avançaverslui,maisilfitvolerson
sacpourlemettrehorsdesaportéeetil
partitdanslasalledebainpour
récupérerlerestedesesaffaires.
«Pasétonnantquetunevoulaisrien
diresurl’articlequetarédactriceen
chefvoulaitqueturendes.Tuessayais
detrouverlemeilleurmoyendeme
trahir.»
Ilrevintdanslachambreetilenfila
unjean.
«Etjesuissûrquetuaspayéce
photographeàlapatinoireWollmanpour
qu’ilprennedesphotosdenous,juste
pourassurertoncoup.»
«Ethan,non.»Ellerestabouchebée,
incrédule.«Jen’airienfaitdetoutça.»
«Maistuétaisaucourant,hein?
Sinoncommenttarédactriceenchef
auraiteucesphotos?»
Ellecroisasesbrasautourdeson
ventre,donnantl’impressionqu’elle
étaitsurlepointdevomir.Une
confessionévidentedesaculpabilité
pourlui.
«Toutcediscoursàproposdufaitde
meprotégeretderespectermavie
privée.»
IlenfilaunT-shirtetilpritlesclés
poséessurlatabledechevet.
«Cen’étaitqu’unramassisde
mensongespourgagnermaconfianceet
pourmevendreaumomentoùtu
trouveraislameilleureoffre.»
Leslarmesremplirentlesyeuxbleu-
vertdeBeccaetsonmentonsemità
trembler.
«C’estvraimentcequetupensesde
moi?»
Ils’arrêta,etl’espaced’uneseconde
ilsedemandas’iln’avaitpassautésur
lamauvaiseconclusion.
«Qu’est-cequetuveuxquejepense
d’autrequandlemagazinepourlequeltu
travaillesprévoitdesortirunarticle
exclusifsurmoidemain?»
Ellefermalesyeux,laissantcouler
unelarmeunique.Maiselleserrales
dentsetlorsqu’ellelesrouvrit,son
regardétaitduretfroid.
«J’aitoujourstoutfaitpourqueton
identitérestesecrèteettucroisqueje
pourraismettreenscènedesphotoset
révélertoustessecretsàElaine?Je
croyaisquetumefaisaisconfiancepour
cequiétaitdefairelebonchoix.»
«Ilestclairquejemetrompaissur
toi.»
Elletrembla,maiscettefoisplusde
ragequedetristesse.Ellemontrala
portedudoigt.
«Dégage!»
«Avecplaisir.»
Ilfitvolte-faceetilsortitavantque
sestripesnelefassentregarderen
arrière.Peut-êtrequ’unefoisqu’ilserait
rentréchezluiilpourraits’apitoyerson
cœurbriséetseflagellerpouravoirété
stupideàcepoint-là.
Maispourlemoment,ilavaitun
avionàprendre.
***
Beccaattenditqueleronronnementdu
moteurdelaJeeps’atténueavantde
laisserlesanglotquibloquaitsagorge
s’échapper.Peuimportaitcequ’elle
avaitfait,ilétaitévidentquecelalui
exploseraitenpleinefigure.
Elleavaitrenduunarticlequiparlait
desapropretoxicomanieetdesapropre
guérison,etpourtantElaineavaitchoisi
decréersapropreversionàpropos
d’Ethan,aidéesansaucundoutepardes
informationsdonnéesparsonpèreet
Claire.Etpire,Ethanavaitchoiside
croirequ’ellel’avaitvendu.
Lessanglotss’intensifièrentetelle
enfouitsonvisagedanslesoreillers
pourlesétouffer.Lorsqu’ellearrivaau
stadeoùellen’arrivaitplusàpleurer,
ellerampahorsdulitpourallersousla
douche.L’eauchaudechassaleselde
seslarmesetsoulagealadouleurdeson
cœurbrisé.
Sonavionnepartaitquelemercredi
matin.Celaluilaissaitdeuxjourspour
trouverunplanpoursevengerd’Elaine
etdesesparents.Maisiln’yavait
aucunechancequ’ellepuisserécupérer
Ethan.Elleavaitbeaul’aimerdetout
soncœur,ilneluiavaitpasfait
confianceaumomentoùcelacomptaitle
plus.Etsansconfiance,ilsn’avaient
aucunfuturensemble.
ChapitreDix-Sept
BeccasortitduterminaldeJFKavec
sonchapeauenfoncésursatêteetle
regardabattu.Elleavaitaperçula
couvertureduderniernumérode
Moderne
dans
les
kiosques
de
l’aéroportetellenevoulaitpasqu’onla
reconnaisse
alors
qu’elle
allait
récupérersesbagagesàlaconsigne.
Unsifflementlafits’arrêteretlever
lesyeux.
Jacobsetenaitàcôtédeschauffeurs
quitenaientdespancartessurlesquelles
étaientinscritslesnomsdespersonnes
qu’ilsattendaient.Ilarboraitunsourire
radieuxetiltenaitunepancartesur
laquelleonpouvaitlireGrandesœuren
grandeslettresgriffonnées.
Elles’approchadelui.
«Qu’est-cequetufaislà?»
«J’ail’airdefairequoi?Jesuislà
pourteramenercheztoi.»
Ilsepenchaetilmurmura:«Aufait,
situveuxquetesplansdevoyage
restentsecrets,n’utilisepaslacartede
papa.Dèsqu’ilavulemontantdébité
sursoncompte,ilasuquelvoltu
prenaisetilm’aenvoyépourvenirte
chercher.»
«Alorsonestentraindeme
kidnapperetomm’amènedevantlui
pourquejerépondedemesactions?»
«Ouch!Détends-toi,Becca.Après
toutc’estlapremièrenuitdeHanoukka.
»
Ilpritsonbagagedecabineetil
l’emmenajusqu’àlazonederetraitdes
bagages.
«Etpourtant,jen’aimepasl’idée
d’êtreunchasseurdeprimes.»
«Jen’airienàluidire,tusais.»
«Peut-êtrequeleschosesseront
différentescettefois.»
IlsesaisitdusacdeBeccaaumoment
oùcelui-cipassasurletapisroulant.
«Aufait,oùestEthan?»
«Ilarompuavecmoietilestrentré
ilyadeuxjours.Ilm’aaccuséed’avoir
déballétoussessecretsauplusoffrant.
»
Jacobgrimaça.
«C’estnul.Ilmeplaisaitvraiment
bien.»
«Àmoiaussi.Maistusaiscomment
papapeutêtrequandleschosesnese
passentpascommeilleveut.»
«Est-cequetusous-entendsqu’ila
faitquelquechosepourvouspousserà
rompre?»
Jacoblaconduisitàl’extérieur,
jusqu’àl’endroitoùilavaitgarésaMini
Cooper.
«Biensûrqueoui.Aprèstout,ceux
quiontditàElainequ’onsortait
ensemble,c’étaitluietElaine.»
Elles’installadanslesiègepassager
etelleattenditquesonfrèrejetteses
bagagesàl’arrière.
Jacobseplaçaderrièrelevolant,
maisilnedémarrapaslemoteur
immédiatement.
«Écoute,Becca,jeneconnaispas
touslesdétails,maispapam’ademandé
devenirtechercherparcequ’ilvoulait
parlerdequelquechoseavectoi;etje
pensequetudevraisprendrelapeinede
l’écouteravantdel’envoyersefaire
voirencoreunefois.»
«Jenepensepasqu’ilpuisseavoir
quelquechoseàdirepourseracheter
pourcequ’ilafait,maispeuimporte.»
TandisqueJacobconduisaitpourles
ramenerenville,Beccaluidemanda
commentleschosessepassaientàYale,
sisescourssepassaientbienets’il
sortaitavecquelqu’un.Celaapaisason
humeurmaussadejusqu’àcequ’ils
arriventàlamaisondesesparents.Elle
sortit
de
la
voiture,
pleine
d’appréhensionàchaquepasquila
rapprochaitd’unesecondeconfrontation
avecsonpèreenmoinsd’unesemaine.
L’odeurdescrêpesdepommesde
terreentraindefrirel’accueillit
lorsqu’ellefranchitlaported’entrée.
Clairesortitdusalonlesbrastendus
avantdel’enlacer.
«JoyeuxHanoukka,Becca.»
Becca
resta
raide
et
distante,
impassibleàl’affectiondesabelle-
mère.Aprèstout,cettedernièrefaisait
partiedeceuxquiavaientfournides
informationsàElaine.
«Bonjour,Claire.»
Clairereculad’unpas,unfroncement
desourcilcréantdesridesàpeine
visiblessursonvisagehabituellement
sansdéfautgrâceauBotox.Elleregarda
Jacobenquêted’uneexplication,mais
celui-cisecontentadehausserles
épaules.Latensionembarrassante
continuadedevenirpluspesantejusqu’à
cequ’ellejoignesesmainsetqu’elle
disesuruntonpoli:«Tonpèreaimerait
teparlerdanssonbureau.»
«Finissons-enpourquejepuisse
rentrerchezmoipourcommencerà
refairemonCV.»
Ellen’avaitmêmepasprislapeine
deretirersonmanteauavantdese
dirigerverslapiècesituéedansla
partiearrièredelamaisondontles
étagèresennoisetierpoliimposantes
accueillaientdespremièreséditionstrès
raresd’œuvresclassiquesdela
littérature,ainsiquedesphotosde
complexes
touristiques
des
plus
somptueuxappartenantaugroupeShore
Hotels.L’entrevueseraitbrève.
Laporteétaitouverteetsonpèreétait
assisderrièresonbureau,entrainde
lirequelquechosesurl’écrandeson
ordinateur.Ilnelevapaslesyeuxavant
qu’ellenetousse.
«Becca,fermelaporteetassieds-toi.
»
«Non,papa,onvafairevitesitu
veuxbien.Félicitations.Nonseulement
tuasréussiàmefaireperdremonboulot
-quej’aiuniquementobtenugrâceàtoi
-maistuasaussifoutuenl’airmon
histoireavecunmecgénial.Alors
j’espèrequetuesheureux.»
Ellefitvolte-facepourpartir,maisle
tonsévèredesonpèrel’arrêta:«J’ai
ditfermelaporteetassieds-toi.»
Ellefermalaporteetelleselaissa
tomberdanslefauteuilencuirqu’il
montraitdudoigt,toutendéboutonnant
sonmanteau.
«Peuimportecequetuasàdire...»
«Jelediraiettuvasm’écouter
jusqu’auboutsansm’interrompre.»
Ilfitletourdesonbureauetils’assit
danslefauteuilassortidel’autrecôtéde
lapetitetableronde.
«J’aieuunautredéjeunerintéressant
avecElainevendredi.»
«
Pendant
lequel
tu
lui
as
probablementdittoutcequetunelui
avaispasencoreditàproposd’Ethan
pourqu’ellepuissepubliersonarticle.»
«Jet’aiditdemelaisserfinir.»
Ilcroisalesyeuxetilplissalesyeux
toutenétudiantsafille.
«Elleaditqu’ellet’avaitconfiéune
missionetquetuavaisrefuséde
t’exécuter.Pourquoi?»
«Parcequ’ils’agissaitdemonpetit
ami.Onavaitfaittellementd’effortslui
etmoipourprotégernotrehistoiredes
médias.Etencoreplusimportant,c’était
mal.J’aitrahisaconfiance.Maisgrâce
àElaineettoi,detoutefaçonilpense
quec’estmoilacoupable.»
«Jenepensaisabsolumentqu’elle
utiliseraitcequejeluiaiditjusqu’àde
telsextrêmes.»
Sonpèrebaissalesyeuxavantde
détournerleregard,unedesesmains
glissadesajoueverssonmenton.
«Alorsjesupposequelaunede
Moderneaprovoquédestensionsentre
vous.»
«Ilm’alarguéeàlaBarbade,
exactementcommetulevoulais.»
«Jen’aijamaisditquec’étaitceque
jevoulais.»
Mêmesilavoixdesonpèrerestait
calmeetposée,sesyeuxexprimaientde
lacolère.
«Non,c’estvrai,maisvulamanière
donttul’astraitéàThanksgiving,tune
peuxpasdirequetul’aimesbien.Je
pariequetuasdébouchélechampagne
aprèsquejesoispartie.»
«Rebecca.»
Ilavaitditsonnomcommes’il
s’agissaitd’unavertissementetilse
tortilladanssonfauteuil.
«Parcontre,Elainem’aenvoyéune
copiedetonarticle.»
Elles’attendaitàuneleçonsurlefait
quesonarticlesursatoxicomanieetsa
guérisonpouvaitnuireàlaréputationde
lafamilleShore,maissonpèreresta
silencieuxetpensifcommes’ilcherchait
avecsoinlesmotsqu’ilallaitprononcer.
«C’étaittrèsfort.»
Elleeutlesoufflecoupé.Enfait,il
étaitentraindeluifaireuncompliment.
«Est-cequej’aibienentenduceque
tuviensdedire?»
Illuiréponditparunlenthochement
delatête.
«Çam’afaitréfléchiràcequetu
m’asditdansmonbureaulasemaine
dernièreàproposdufaitdefaire
changermeschosesetd’éveillerles
consciences.Audébut,j’aipenséquetu
délirais,maisquandj’ailucetarticle...
»
Sabouchecommençaàtrembleretil
appuyasondoigtcontreseslèvrespour
lesempêcherdebouger.
«Enfait,tuasunvraitalentpour
l’écriture,Rebecca.»
Latêtedelajeunefemmetournait.
C’étaitladeuxièmefoisqu’ildisait
quelquechosedepositifsurelleencinq
minutes.Encoreuncompliment,etpeut-
êtrequelemondesemettraitàtournerà
l’envers.
«Heu,merci.»
«Çam’apermisdemerendrecompte
decombienturevenaisdeloinetdeme
direquejedevaispeut-êtretedonner
uneautrechance.Enplus,aprèsavoirlu
tonarticle,j’aiditàElainequ’en
travaillantpoursonmagazinetugâchais
tontalentetquetaplaceétaitplusdans
despublicationsplussérieuses.»
Ellemorditsalèvreinférieurepour
s’empêcherderireenimaginant
l’expressionchoquéequ’Elaineavaitpu
avoirquandilavaittenucespropos.
«Etleplusdrôle,c’estqu’elleétait
d’accordavecmoi.»
Sonpèresepenchaverselle,
rapprochantsachaisedelasienne.
«Elleaparlédecertainssujetsdont
tuavaisparléspendantdesréunions.
Apparemmenttuasunpenchantpourla
justicesocialeetpourlaprisede
consciencegénérale.»
«Jeveuxêtreplusqu’unesimple
petitefillerichetropgâtée.»
«Etjecommenceàvoirc’estlecas.
»
Ilserenfonçadanssonfauteuiletil
tapotasurlesaccoudoirs.
«Apparemmenttun’espaslaseule
danscettefamilleàvouloirrendrele
mondemeilleur.Avantquetongrand-
pèrenemeure,ilavaitcréélaFondation
Shore,uneinstitutioncaritative.J’étais
tropoccupéàfairedesaffairespourlui
accorderdel’attention,etj’aibienpeur
qu’elleaitététotalementlaisséeà
l’abandon.Peut-êtrequ’ilesttempsque
jelaconfieàquelqu’unquisauraen
fairebonusage.»
Ilmarquaunepauseetillaregarda
droitdanslesyeux.
Soncœurbattaitlachamadetandis
qu’elleprenaitconsciencedetoutesles
implicationsdel’offrequ’ilétaiten
traindeluifaire:«Tuveuxqueje
reprennelafondation?»
Illuiréponditparunlenthochement
delatête.
«Apparemmenttuaslavolontéqu’il
faut,etsipeuxcontinueràécriredes
articlespassionnésetconvaincants
commeceluiquetuasrenduàEthan,
j’ailesentimentquetupourraisrendre
lemondemeilleur.»
«Ettunetedispasquejevaistout
raterouquejevaisvolerdesfondspour
acheterdeladrogue?»
Cette
fois,
il
secoua
la
tête
négativement.
«Non,jepensequetuasprouvéque
jepeuxtefaireconfiance.»
Lesmainsetlavoixdelajeune
tremblaientlorsqu’elledit:«Jenesais
pasquoidire.»
«C’estcompréhensible.»
Évidemment,jenet’aipasparléde
touteslesconditionsliéesàceposte.Tu
recevrasunpetitsalaire,ettuseras
rembourséepourtouslesfraisde
déplacement
que
tu
estimeras
nécessaires.Tubénéficieraségalement
detouslesavantagesoffertsaux
employésdeShortHotels,et...»
Ellelefittaireenjetantsesbras
autourdesoncou.
«J’accepteleposte,papa.»
Reculantdansunpremiertemps,il
l’entouraensuitelentementdesesbras
pourluirendresonétreinte.
«Jesuistrèsfierdetoi.»
LagorgedeBeccaseserra,etmalgré
seseffortspourlesretenir,quelques
larmesrebellescoulèrentsursesjoues.
Pendanttoutesavie,elleavaittoujours
eulesentimentd’êtreunedéception
poursonpère.Ellen’avaitjamaisosé
rêverl’entendreunjourluidirequ’il
étaitfierd’elle.Ellerecula,puiselle
essuyasesjouesavecledosdesamain.
«Jepariequetun’asjamaisvuun
employéfondreenlarmesaprèsquetu
luiaiesproposéunboulot.»
«C’estvrai,maisenmêmetempsje
n’avaisjamaisembauchémafille.Je
saisquej’aiétéduravectoidansle
passé,maisjepensevraimentquela
fondationseraentredebonnesmains
maintenant.»
Iltapotalebrasdelajeunefemmeet
illuifitunsourirecontrit.
«Pourquoionnerejoindraitpas
ClaireetJacobpourmangerdesgalettes
depommedeterre?»
«Çam’al’aird’êtreuneidée
formidable.»
Elleretirasonmanteauetlesuspendit
àcôtédelaporteavantderejoindresa
familledanslasalleàmanger.
Lesoleils’étaitcouchéuneheureplus
tôt,maislesdeuxbougiesalluméessur
laménoradeHanoukkasereflétaient
gaiementdanslafenêtreoffrantunevue
surtoutCentralPark.Dèsqu’ellefut
assiseàtable,MmeCorderosortitdela
cuisineetdéposadevantelleune
assietterempliedegalettedepommes
deterrefumantes.Jacobluipassala
crèmeaigreetlacompotedepommes,et
ellepartagealabonnenouvelleavecle
restedelafamille.
Malgrésonenthousiasmeliéaufaitde
passercettesoiréedefêteavecsa
famille,unepartied’ellepleuraitencore
lafindesarelationavecEthan.Claire
semblas’enrendrecomptelapremière,
etelleluidemandadesnouvellesdu
jeunehomme.
«Ilnem’apascruequandjeluiaidit
quejen’avaisrienditsursavie
personnelleàElaine»,réponditBecca
avecunhaussementd’épaule,mêmesi
ces
accusations
étaient
encore
douloureusespourelle.«S’iln’apas
confianceenmoi,alorsquelespoirest-
cequej’aid’avoiruncouplesolide?»
SonpèreetClairesetinrentlamainet
seregardèrentavantquecettedernière
nedise:«C’estnousquiavonsparléde
luiàElaine,ets’ilyaquoiquecesoit
qu’onpuissefairepournousfaire
pardonner...»
«Nevousenfaitespas.»
Lesgalettesdepommesdeterre
savoureusessetransformaientenune
bouilliesèchedanssabouche,etelle
repoussasonassiette.
«Cequiestfaitestfait.»
«Alorsjesupposequetessentiments
pourluinesontpassifortsqueça»,
réponditsonpère,«situn’aspasla
volontédetebattrepourlerécupérer.»
Elleenfonçasesonglesdansses
paumes,ressentanttoujourslapeine
qu’illuiavaitcausée.
«Qu’est-cequetumesuggèresde
faire,papa?Ilnemecroitpas.Il
pensaitcequ’ilyavaitdepireàpropos
demoiaumomentçacomptaitleplus,
et...»
Elle
inspira
profondément
pour
retrouversonsang-froid.
«Jenevaispasramperàsespiedset
luidemanderqu’ilmepardonnealors
quejen’airienfaitdemal.»
«Alorspeut-êtrequetudevraislui
donnertapropreversiondel’histoire.»
«Jenevaispaspasseràlaradioet
lavermonlingesaleàl’antennedevant
lemondeentier,papa.J’aidéjàcausé
assezdescandalescommeça.»
«C’estcompréhensible.Laquestion,
c’estdesavoir»,poursuivitsonpère,«
situveuxqu’oninterviennedanstavie
privée.»
Ellemorditsalèvreinférieureetelle
réfléchitàl’offrequ’ilvenaitdelui
faire.Pendantlestroisannéesqui
venaientdes’écouler,elleavaitfaittout
cequ’elleavaitpupourrompretousses
liens
avec
sa
famille
et
être
indépendante,maisils’agissaitpeut-être
del’occasionpourelled’accepterleur
aidedebonnegrâce.
«Quelesttonplan?»
Sonpèrefitunsouriremalin.
«Tuvasvoir.Detoncôté,tuas
besoindetonpropresupportpourles
articlesquetuveuxécrire.»
IlsetournaversJacob.
«Peut-êtrequetupeuxaidertasœurà
créerundecesblogspourqu’ellefasse
passersonmessagepourlafondation
Shore.»
«Avecgrandplaisir»,ditsonfrère
avecungrandsourire.
Chapitredix-huit
EthanfrissonnaauboutdelaJetée84,
etilregardafixementleseauxagitéesde
l’Hudson.Unetempêteétaitsurlepoint
d’arriver,etleparchabituellementtrès
fréquentéétaitdésert.Celafaisaitdix
minutesqu’ilétaitsurplace,etiln’avait
pascroiséâmequivive.Ladernière
foisqu’ilétaitvenudanscetendroit,
c’étaitlorsqueBeccal’avaitsauvéen
l’empêchantdecéderdenouveauàson
anciennemuse.Maisdepuisqu’ill’avait
quittéeàlaBarbadeunesemaineplus
tôt,ilsesentaitplusperduquejamais.
Lamusiques’étaittarie,etsesrêves
nocturnesétaienthantésparladouleur
gravéesurlevisagedelajeunefemme
lorsqu’ilétaitpartienlalaissantseule.
Etilnevoulaitpaspenseràsondésirde
retomberdanssesanciennesmauvaises
habitudes.
Ilavaitachetéunexemplairede
Moderneetiltrouvaquelesdétailsqui
yétaientrapportésétaientaumieux
superficiels.Cen’étaitdéfinitivement
paslesrévélationscomplètesqui
avaientétéannoncées,cequil’amenaà
sedemandersiBeccaétaitvraiment
cellequiavaittoutdivulgué.Ilyavait
suffisammentdephotoslesmontranttous
lesdeux,maisellesdataienttoutesde
Thanksgiving.Iln’yavaitriendatant
d’avant.
Puis,ilavaitentendudirequ’elle
avaitéténomméeàlatêtedela
FondationShoreetilavaitlulesdeux
premiersarticlesqu’elleavaitpubliés
surleblogdecettedernière.Lepremier
portaitsurlareconfigurationdela
directiondelafondation,etlesecond
étaitunarticlesansconcessionsurla
toxicomanieetsurlamanièredontcelle-
cidéfiaitlesstéréotypes.Ennotedebas
depage,elleavaitindiquéquel’article
avaitétédansunpremiertempsproposé
aumagazineModerne,maisqu’ilavait
étérefuséparcequ’ilavaitétéjugénon
adaptépourlelectoratdecemagazine.
Maiscelaluiavaitparléetavait
terminédecompléterlespiècesdu
puzzle.C’étaitl’articlequ’elleavait
renduaulieudesrévélationsquesa
rédactriceenchefvoulait.
Ilsortitsontéléphoneetilcherchale
numérodetéléphonedelajeunefemme.
Illefixapendantquelquessecondes,
sansarriveràseconvaincrede
l’appeler.Ilsentaitsonestomac
bouillonnercommelefleuvequi
s’étendaitdevantlui,etuneenvie
différentes’emparadelui-celled’être
avecelle.
Aulieudecela,ilappelaAdam.
«Sors-moid’unmauvaispas.»
«Pourquoi?»
L’inquiétudeperçaitdanslavoixde
sonfrèreaîné.
«Est-cequetuenvisagesde
reprendredeladrogue?»
«Non.Jesuisentraindepenserà
l’appeler.»
«BeccaShore?»
«Non,MarilynMonroe.Biensûrque
jeparledeBecca.»
«Pourquoi?»
Ilfittraînersonpiedparterreetil
frappalabalustrade.
«Ellememanque.»
«Mêmeaprèsl’article?»
«Ouais.»
Ilfitunepauseavantd’ajouter:«Ce
qu’ilyadedrôle,c’estquejecroisque
cen’estpasellequiavendulamèche.
Jeveuxdire,n’importequiquiétait
présentàlatabledeThanksgivingaurait
pudirecequ’ilyadanscetarticle.Elle
avaitpirequeçasurmoi.»
«Alorsqu’est-cequetuendis?»
«Jecroisquej’aifaituneénorme
erreur.»
Ils’attendaitàcequ’Adamluisauteà
lagorgecommeill’avaitfaitune
semaineplustôt,maiscedernierfinit
pardire:«J’aieuunelongue
conversationtrèsagréableavecsonpère
aujourd’huiàproposd’uneproposition
d’affaires,etquandlaconversationa
commencéàportersurelle,j’aiappris
desinformationstrèsintéressantesetça
m’afaitréaliserquemoiaussijel’avais
peut-êtremaljugée.»
«Holà!Est-cequejeviens
t’entendreadmettrequetuavaistort?
M.Je-sais-tout-et-je-ne-prends-jamais-
de-mauvaise-décision?»
Adameutunpetitrire.
«Ouais,aveclemariagej’aiappris
l’humilité.»
«Tupourraism’apprendrecertaines
decesleçons?»
«Est-cequetuesentraindedireque
tuveuxqu’ellerevienne?»
«Plusquetout.Ellemestabilise.Elle
m’inspire.Ellem’aidequandj’ai
l’impressiondenepluspouvoiravancer.
C’estmamuse,etsansellec’estcomme
s’ilmemanquaitunepartiedemoi.»
Ethanretintsarespirationetsefrotta
lapoitrinelàoùsubsistaitunsentiment
devide.
«Jel’aimetoujours.»
«Alorspeut-êtrequetudevraiste
retourneretmeledireenface»,ditune
femmederrièrelui.
IlseretournaetilvitBeccaquise
tenaitàquelquesmètresdelui.
«Jeterappelleplustard»,murmura-
t-ilavantderaccrocher.«Qu’est-ceque
tufaislà?»
«Jetecherchais.»Elleresta
immobile,sesmainsenfoncéesdansles
pochesdesaveste.Leventfaisaitvoler
sescheveuxsombresautourdeson
visage.
«Enfait,j’étaisjustedevantcheztoi
quandtuesparti.Heureusementquele
chauffeurdetaxiabienvoulutesuivre.
»
Ilsentitl’espoirbrûlerenlui.Peut-
êtrequ’illuimanquaitautantqu’ellelui
manquait.
«Pourquoituesvenuechezmoi?»
Ellebaisselesyeuxverslesol.
«Onestlundi,j’étaisjustevenue
pourm’assurerquetuseraisàlaréunion
NAcesoir.Jesuistoujourslàpourtoi,
Ethan.Entouscasjusqu’àcequetu
prennesunedécisionàproposd’un
parrainofficiel.»
«Çafaitlongtempsquetueslà?»
«Suffisamment.»
Ils’attendaitàcequ’ellese
rapprochedelui,maisellerestaitaussi
immobilequ’unestatue.
Lemessageétaittrèsclair.Elle
voulaitqu’ilfasselepremierpas.
Ilavaitl’impressionquesalangue
avaitdoublédevolumeetilbalbutiales
motsqu’ilsavaitqu’ellevoulait
entendre.
«Jesuisdésolé,Becca.Jen’aurais
pasdût’accuserd’avoirvendulamèche
àproposdemoi.»
«Maisc’estcequetuasfait.»
«Etj’aiétéunidiotdepenserçade
toi.»
Ilfitcefameuxpremierpas,attendant
devoirsielles’enfuiraitavantqu’il
n’enfasseunautre.
«J’auraisdûécoutermoncœur.
J’auraisdûcroireentoi.»
Levisagedelajeunefemmeétait
toujoursindéchiffrabletandisqu’ilse
rapprochaitd’elle;ilpritdansses
mainssesjouesglacéesfrappéesparle
ventetilluifitleverlementonpour
pouvoirvoirsesyeuxbleu-vert.Des
larmesbrillaientdanscesderniers,etla
lèvreinférieuredeBeccatremblait,
maisellenedisaittoujoursrien.
«Jet’enprie,donne-moiuneautre
chance,Bec.»
«Sionn’apasconfiancel’undans
l’autre...»
«J’aiconfianceentoi.»
Ilcouvritseslèvresaveclessiennes
dansunbaiserquilasuppliaitdecroire
cequ’ildisait.
«Tuconnaismoncœuretmonâme
mieuxquequiconque,etiln’ya
personned’autreavecquijevoudrais
partagermessecrets.»
Savoixsebrisalorsqu’ilajouta:«
Sanstoi,jesuisperdue.»
Elleappuyasonfrontcontrelesienet
ellepoussaunénormesoupir.
«Dis-le,Ethan.J’aibesoinde
t’entendreledire.»
«Jet’aime,Becca.»
Ildéposaunbaisersursonfrontetil
lapritdanssesbras.
«Tuasgagné.»
Ellecalasatêtesoussonmentonet
ellel’étreignit.
«Moiaussi,jet’aime.»
Etàcetinstant,iltrouvalaseule
chosecapablederemplirlevideenlui.
Chapitredix-neuf
Rienn’avaitpréparéBeccaau
réveillondeNoëlaveclafamilleKelly.
Ethanl’avaitprévenuequ’ilavaitsix
frères,maislorsqu’ilsarrivèrentdansla
maisondesamèreàChicago,unénorme
chienblancluitendituneembuscadeet
lafittombersurundestasdeneigequi
bordaientl’alléeavantdecommencerà
luilécherlevisage.
«Çaveutdirequ’ilvousaimebien»,
criaunefemmeauxcheveuxargentés
depuislaported’entrée.
«Non,Jasperestunevraiemenace.»
EthanchassalechienetaidaBeccaà
retirerlaneigesursesvêtementsavant
delaconduireverslesmarchesmenant
àlamaison.
«Maman,jeteprésenteBecca.»
Samèrejetasesbrasautourdela
jeunefemmepourl’étreindre.
«Jesuisraviedefaireenfinvotre
connaissance.»
LesdernièresinquiétudesdeBecca
s’envolèrent.Aprèstoutelapagaillede
lasemaineprécédente,elles’était
attendueàcequelafamilled’Ethanla
méprise,maistouslesfrèresd’Ethan
l’accueillirentaussichaleureusement
queleurmère.
Lamaisonpleinedemonderaisonnait
denombreusesconversationsbruyantes,
chacundesfrèresessayantdeparlerplus
fortquelesautres.Desodeursdesapin
etdepaind’épicesimprégnaienttoutes
lespièces,tellementdifférentesdes
odeursdefritureauxquelleselleétait
habituéeàcettepériodedel’année.
Avantmêmequ’ellenecomprennece
quiétaitentraindesepasser,ellefut
recrutéepouraiderdanslacuisine.La
femmed’Adam,Lia,luiconfialatâche
d’ajouterlestouchesfinalesàlapurée
quidevaitaccompagnerl’énormecôte
debœufquiluidonnal’eauàlabouche.
Àlafindudîner,elleavait
l’impressiondefairedéjàpartiedela
famille.Benetsafemmelataquinèrent
parcequ’elleétaitfandesRangers1,tandisqueFranklasifflaitparcequ’elle
étaitfidèleauxGiants2.ElleappritqueleprochainprojetdeGideonétaitun
filmaveclefrèred’Ari,etellel’avertit
dufaitqueGabeavaitpourhabitudede
fairedesfarcessurlesplateaux.Elle
admiralesphotosdelavoitureque
Calebetsafemme,Alex,étaiententrain
derestaureretellepoussaunsoupiren
voyantlamanièredontDanétaitaux
piedsdesapetiteamieenceinte,Jenny.
Lafamilleseretiradanslesalon
aprèsledîner,maisEthanlapritàpart
etluimontralabranchedegui
suspendueau-dessusd’eux.
«Jenecroispasquecesoitune
traditiondeHanoukka»,taquina-t-elle.
«Moque-toidemoi.»Illevason
visageetill’embrassajusqu’àce
qu’ellenepuisseplusrespirer.
«Hey,prenezunechambretousles
deux»,semoquaFrankensecognant
contreEthantandisqu’ilpassaitàcôté
d’eux.
Ethanpoussal’imposantlinebacker
demanièretaquine,cequiengendraune
bagarrejoyeusequipritfinaumoment
oùleurmèrelançaunLesgarçons!
MmeKellyglissaensuitesonbras
sousceluideBeccaendisant:«Ilsne
grandissentjamais.»
«Oncomptesurtoipourgarderl’œil
ouvert,maman»,ditEthanendéposant
unbaisersurlajouedesamèreavantde
luivolerBecca.«Onvousrejointdans
uninstant.»
Illaconduisitdanslasalleàmanger
etilsortitlepetitécrinbleuetblancqui
nepouvaitvenirquedechezTiffany.
«JesaisqueHanoukkas’estterminée
aujourd’hui,maismieuxvauttardque
jamais,hein?»
Beccasentitsonpoulss’accélérer
tandisqu’elledénouaitleruban.L’écrin
avaitlatailleparfaitepourunebague,
mêmesisatêteluidisaitqu’ilétaitbien
troptôtpourcela.Aprèstout,ilvenait
justedes’avouerleuramour,ilyavait
unpeuplusd’unesemainedecela.
Elleouvritl’écrinetelletrouvaun
pendentifenformedecléendiamantset
enplatineetellearrêtaderetenirsa
respiration.
«Tut’attendaisàautrechose?»,
demanda-t-il,leregardrempliderires.
«Jemesenscommesoulagée.»
Ellesortitlecollieretelleadmirala
manièredontilscintillait.
«Ilestmagnifique.»
«Commetoi.»
Ilpritlebijouetillepassaautourdu
coudelajeunefemme.
«Jeteconfielaclédemoncœur.»
«Etjeteprometsdenepaslebriser.
»
«Jesais.»
Ilappuyaseslèvrescontrelessiennes
avantdemurmurerdanssonoreille:«
Mais,etsiçaavaitétéunebague?»
«Peut-êtrequej’auraisditoui»,
taquina-t-elle.«Aprèstout,tuasgagné.
»
Ilritavantdeluidonnerunbaiser
passionnéquifitchavirersoncœuret
quiluipromettaitunfuturencore
meilleurpourlesjoursàvenir.
1Rangers:RangersdeNewYork,uneéquipedehockey2Giants:Giants,uneéquipedefootballaméricain