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Plus de 2000 forages profondsont été réalisés dans le Bassin

parisien, dont plus de 1 000 enIle-de-France, essentiellement

en Seine-et-Marne et dansl’Essonne. Si les exploitations dusous-sol par forages laissent peu

de trace dans le paysage, ellessont plus insidieuses que celles

résultant des mines classiques etsont susceptibles d’avoir des

effets durables surl’environnement. C’est

pourquoi, aujourd’hui, toutesles dispositions sont prises pouréviter les atteintes durables aux

nappes de l’Albien et duNéocomien.

par Rémi GalinDRIRE Ile-de-FranceDvision sol et sous-sol

L es conséquences de l’arrêt desexploitations minières ont prisune ampleur particulière, en

1996, avec les affaissements qui se sontproduits dans l’est de la France. Lesphénomènes en cause ont fait l’objet debeaucoup d’études et la compréhen-sion des mécanismes en jeu a permis lamise en place d’outils de prévision. Ledispositif législatif du code minier a étérécemment aménagé pour mettre enplace les modalités d’une véritable ges-tion de l’après-mine ; les atteintes aupatrimoine et les impacts sur la gestion

de l’eau font l’objet d’une attention par-ticulière. Il est une activité minière qui laisse peude trace dans le paysage, mais qui estsusceptible d’avoir des effets durablessur l’environnement : il s’agit desexploitations par forages. Il est vrai quetous les forages ne relèvent pas strictosensu de l’activité minière, et qu’ils nesont pas tous réglementés par le codeminier, mais les risques engendrés parles forages sont semblables, dés lorsque leur réalisation nécessite desmachines de forage lourdes.

Une histoire relativementrécente

En 1859, à Titusville en Pennsylvanie, lecolonel Drake donnait le véritablecoup d’envoi de l’exploitation du sous-sol par forage, en réalisant le premierforage pétrolier à 21 mètres de profon-deur. Il n’était pasle premier à réali-ser un puits à voca-tion minière : aupremier siècleavant notre ère, lesChinois du Sichuan faisaient des son-dages de plusieurs centaines de mètrespour rechercher du sel.En Ile-de-France, Louis Arago, le pré-curseur, avait dirigé les travaux du pre-

mier forage à l’Albien pour rechercherde l’eau. Pendant 8 ans, jusqu’en 1841,les ouvriers de l’entreprise Mulot ontcreusé le sous-sol parisien jusqu’à laprofondeur, inouïe pour l’époque, de548 mètres.Plusieurs dizaines de forages atteignantl’Albien sont réalisés en Ile-de-Francedans les années 30, l’apparition de latechnique du forage « rotary » ayantfacilité considérablement les travaux.Dès le début des années 50, la France,à la recherche de son autosuffisance enpétrole, lance de grands programmesde recherches dans le Bassin parisien. Ala même époque, Gaz de Francerecherche les structures géologiquessusceptibles de stocker le gaz au plusprès des lieux de consommation, afinde lisser les variations de la consomma-tion entre l’été et l’hiver. Dans lesannées 70, les besoins en énergie inci-tent au développement de la géother-mie à partir de la nappe du Dogger à

près de 2 000mètres sous le sol,en particulier àl’est de Paris et enSeine-et-Marne.En fait, en tenant

compte des forages profonds réaliséspour l’eau et d’autres recherches, cesont plus de 2 000 forages profonds quiont été réalisés dans le Bassin parisien,dont plus de 1 000 (voir la figure 1 ci-

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Les forages profonds : un autre après-mine ?

Fig. 1. - Les ressources accessible par forage profond en Ile-de-France.

Eau douce

Stockage de gaz

Géothermie

Pétrole900

210

28

71

231

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puits actifs

puits bouchés

Dès le début des années 50,la France, à la recherche de sonautosuffisance en pétrole, lancede grands programmes derecherches dans le Bassin parisien

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dessous) en Ile-de-France, essentielle-ment en Seine-et-Marne et dans l’Essonne.Prés de 800 d’entre eux atteignent outraversent tous les aquifères d’eaudouce et, en particulier, les nappes del’Albien et du Néocomien (voir lesfigures 2 et 3 ci-contre). Certes, leseaux souterraines ne contribuent qu’àhauteur de 2 % des besoins permanentsen eau potable de la région ; ceux cisont assurés de manière très excéden-taire par les usines qui traitent l’eau dela Seine, de la Marne et de l’Oise ; maisles nappes de l’Albien et duNéocomien représentent un intérêt par-ticulier puisqu’elles constituent lesréserves ultimes en cas de crise trèsgrave avec pollution simultanée destrois cours d’eau précités et des eauxsouterraines peu profondes.La question posée aujourd’hui est cellede la vulnérabilité de ces nappes vis-à-vis de ces nombreux forages.

Les risques du forage La fonction d’un forage est de permettrel’accès à une couche géologique ciblepour sa reconnaissance ou son exploita-tion. Dans ce dernier cas, le forage assu-re une liaison pour prélever un fluide(pétrole, eau, gaz) ou en injecter (géo-thermie, stockage de gaz). Le forage tra-verse des roches différentes susceptiblesde contenir des fluides de caractéris-tiques variées. On sait, par exemple, quela salinité de l’eau augmente avec laprofondeur et la rend ainsi impropre à laconsommation humaine. Pour lesforages d’eau en nappe captive, il fautveiller à la conservation de la ressourceen quantité.Les actions de creusement et d’exploi-tation peuvent conduire à des contami-nations par les fluides utilisés, extraitsou injectés. Enfin, ces ouvrages cesse-ront d’être utilisés un jour, et un rebou-chage insuffisamment pérenne - ou,pire, son absence - peuvent conduire àune contamination permanente.L’ensemble de ces problèmes estaujourd’hui particulièrement bienappréhendé par les techniques misesen œuvre et la réglementation.L’exercice de cette dernière est assuréen Ile-de-France par la DRIRE pour lesmines d’hydrocarbures et de géother-

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Fig. 2. - Coupe schématique du Bassin parisien.

Fig. 3. - Coupe géologique indicative de la région de Marolles en Brie (Seine-et-Marne).

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mie, les stockages souterrains de gaz et,pour l’eau, à partir du toit de l’Albien.Qu’elles relèvent de la loi sur l’eau, desordonnances de 1958 sur les stockagessouterrains de gaz en nappe aquifèreou du code minier (hydrocarbures etgéothermie), les prescriptions imposéesaux exploitants reposent sur les mêmesprincipes dont le détail a été publiédans le titre « Forage » du règlementgénéral des industries extractives(RGIE), en mars 2000.Le creusement d’un trou impose quetrois fonctions soient réalisées simulta-nément :- l’arrachage de la roche en fonds detrou ;- la remontée des déblais en surface ;- le maintien des parois du trou.L’arrachage de la roche est réalisé parun outil en rotation continue ; lesdéblais sont remontés par un fluidedont la composition et la densité sontsoigneusement calculées et suivies toutau long du forage. Cette boue assureégalement le refroidissement de l’outilet la tenue des parois jusqu’à la pose ducuvelage, généralement en acier. (voirla figure 4 ci-contre).La composition de la boue doit être enadéquation avec le fluide contenu dansles roches. Ainsi, on utilisera pour lesaquifères supérieurs des boues à l’eauau carbonate de calcium ou avec despolymères biodégradables et nontoxiques.La barytine sera retenue pour descouches géologiques plus profondes oùson impact est négligeable en regard dela composition des fluides contenusdans les roches. Les boues à l’huile ouau fioul sont aujourd’hui réservées auxcouches géologiques pétrolifères.Une surveillance particulière doit êtreexercée pendant le forage afin dedétecter les pertes dans les aquifèressensibles. C’est en particulier le casdans les couches calcaires (Champignynotamment), mais l’utilisation de bouesà base de bentonite sont utilisables etpermettent de circonscrire rapidementles pertes. Le risque de pertes en coursde forage est aujourd’hui assez faible,car la géologie du Bassin parisien nerévèle guère de surprise.La connaissance de la géologie joueun rôle important pour l’établissementdu programme de forage. Celui-ci

détermine l’architecture du puits, lenombre et la position des cuvelages,de façon à isoler entre elles lescouches de caractéristiques sem-blables ainsi que les types de bouesqui seront utilisées. Un inventaire desrisques, notamment les pertes ou lesincidents de forages, conduit à appro-visionner le chantier de forage enmatériaux ou matériels requis (bento-nite, trépans…). Une attention particu-lière est apportée au contrôle de lapression dans le puits : on pense auxéruptions qui sont cependant impro-bables dans notre région. A contrario,il faut être vigilant pour qu’en aucunmoment la pression dans le puits nedépasse la pression de fracturation desroches avec pour conséquence l’effon-drement de l’ouvrage et le coincementdu matériel du forage.

L’étape critique suivante est lacimentation entre le cuvelage et leterrain. Elle seule peut garantir l’iso-lement des couches géologiquesentre elles pendant l’exploitation etbien après. La cimentation doit fairel’objet d’un travail soigné et contrô-lé ; les foreurs remettent un rapportde cimentation permettant de validerles qualités et quantités de cimentmises en œuvre. Les contrôles de cimentation peuventse faire à l’aide d’outils spécifiquesmesurant l’atténuation des ondesacoustiques (CBL : Cement Bound Log ;CET : Cement Evaluation Tool). Cesoutils sont fiables pour des dimensionsrelativement petites (9’’ 3/8 ou 244mm) ; au-delà, des artefacts peuventconduire à des interprétations erronées.En cas de mauvais résultats ou de

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Fig. 4. - Coupes techniques d’un puits pétrolier phase par phase. Source : EditionsTechnip, Le forage, J-P. Nguyen, 1983.

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doutes, des cimentations complémen-taires peuvent être réalisées.Cependant, chaque dossier de nouveauforage doit anticiper l’échec du forage,il est donc systématiquement accompa-gné d’un programme de bouchage pré-visionnel qui doit être approuvé par laDRIRE. Ce programme de bouchagedoit répondre à des règles très précisesqui résultent de l’expérience et fait par-tie aujourd’hui du règlement généraldes industries extractives.

Les risques pendantl’exploitation

Pendant l’exploitation, les risques sontd’une autre nature. Il faut empêcherque les fluides transitant dans le foragene gagnent les autres couches géolo-giques. La perte de confinement peutprovenir d’une cimentation insuffisanteou dégradée, rarement constatée, oudes effets de la corrosion. Tous les per-cements constatés en Ile-de-Francerésultent de la corrosion interne et par-fois externe. Les puits les plus exposéssont les puits géothermiques, en raisondu fluide transporté et des conditionsd’exploitation.Des suivis d’exploitation basés, notam-ment, sur l’évolution des pressions sontde nature à permettre la détection desfuites ou des entrées dans le forage.Les forages géothermiques sont particu-lièrement exposés à des risques de per-cement en cours d’exploitation. Lanécessité d’une chambre de pompagene permet pas le maintien d’un ou plu-sieurs annulaires de contrôle commepour les puits pétroliers. Le fluide estparticulièrement agressif et de nom-breux percements ont été constatés dansles premières années d’exploitation sanspour autant, grâce à la distribution despressions, conduire à des fuites. En effet,les pressions dans le forage peuvent,grâce aux pompages, être inférieures à lapression dans les terrains ; dans ce caslà, le fluide extérieur aura tendance àrentrer dans le forage.Pour prévenir ces incidents, les exploi-tants sont contraints de contrôler pério-diquement les cuvelages et lescimentations des forages d’exploitationet d’injection. Cette démarche, com-plétée par un traitement préventif par

inhibiteur en fonds de puits, a fait bais-ser la fréquence des incidents et permetde prendre des mesures de maintenan-ce comme le re-chemisage.D’une manière générale, l’exploitantdétecte rapidement la perte d’intégritéd’un forage en exploitation et peutmettre en œuvre les mesures correc-tives qui limitent considérablement leseffets des fuites éventuelles, lorsquecelui-ci contribue directement à l’acti-vité économique de l’entreprise.L’activité d’exploita-tion pétrolière estsujette à des fluctua-tions importantesliées au prix de vente du pétrole brut :les périodes fastes succèdent auxpériodes difficiles. Dans le passé, cer-tains forages d’exploitation peu ren-tables ont été mis à l’arrêt, l’exploitantattendant alors des jours meilleurs.Pour cela, les forages ont été mis souscocons et remplis de fluide inhibiteurde la corrosion. Il est toutefois arrivéque ces précautions se soient révéléesinsuffisantes. Un cas de pollution de lanappe des calcaires de Brie par l’eaudu Dogger a été constaté dans la régionde Chailly-en-Bière (Seine-et-Marne)en 1992 : le puits a été repris, la pollu-tion stoppée, la qualité de l’eau a étélégèrement et temporairement altéréepar augmentation de la salinité sansconséquence pour l’alimentation eneau potable. Cette pratique est aujourd’hui solide-ment encadrée puisque aucun puits nepeut être laissé en fermeture provisoireplus de quatre ans ; pendant ce laps detemps, les puits concernés restent sou-mis à un contrôle périodique des pres-sions.

Les risques après l’arrêtdéfinitif du forage

Au fil du temps, la structure du forageinutilisé va se détruire par corrosion etmettre en communication toutes lesformations géologiques entre elles. Lanature a horreur du vide et certainesroches plastiques (marne, argile, sel)ont tendance à fluer, ce phénomènebien connu des mineurs est favorable àune reconstitution « naturelle » ; on nesaurait s’en contenter.

Deux cas principaux se présentent sui-vant que le bouchage est exécutéimmédiatement après la réalisation duforage ou après une certaine périoded’exploitation. Cette période d’exploi-tation peut aller de quelques années àplusieurs décennies ; ainsi, le premierforage d’Arago ne sera bouché que pro-chainement, soit plus de 160 ans aprèssa création. La problématique n’est évi-demment pas la même, puisque, dansle deuxième cas, l’intérieur du forage

peut être dégradéou obstrué, etcertaines infor-mations impor-

tantes provenant de la phase decréation peuvent avoir été perdues.Dans les cas d’obstruction partielle, ilconvient d’adapter au mieux les règlesexposées ci-après.Toute opération de bouchage doitêtre précédée d’une phase prépara-toire de rassemblement des informa-tions sur la géologie et l’état del’ouvrage, car il n’y a pas deux bou-chages identiques. Il est procédé, toutd’abord, à l’analyse et à la synthèsedes documents sur lesquels sontconsignés les événements survenuslors de la foration initiale (notammentzones à pertes, à venues, stabilité desformations, etc.). L’analyse des dia-graphies complète également laconnaissance des terrains traversés.Les problèmes éventuels rencontrésen cours d’exploitation doivent égale-ment être analysés. Vient ensuite lediagnostic de l’ouvrage, avant de lan-cer la procédure d’abandon. Cettephase permet de vérifier l’état dupuits afin d’établir concrètement leprogramme d’abandon. Suivant le caset la complexité de l’ouvrage à traiter,on peut être amené à procéder auxopérations suivantes :- contrôle du fond de puits, afin de véri-fier la présence ou non d’éboulementdans le puits ;- calibrage des tubages par outil de dia-graphie (mécanique, ultrasonique…),afin de connaître les zones de corrosionéventuelles (ou dépôts) ; dans certainscas, un contrôle par vidéo caméra peutêtre également effectué ;- vérification de la qualité de la cimen-tation annulaire des tubages par diagra-phie ;

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Le premier forage d’Arago ne serabouché que prochainement, soitplus de 160 ans après sa création

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- analyse de la qualité chimique du flui-de en place, de sa pression et des écou-lements, afin de choisir une qualité deciment compatible avec lui et, d’autrepart, pouvoir, le cas échéant, luiadjoindre un inhibiteur de corrosion ;- un test simple de mise en pression dutubage permet d’en vérifier l’intégrité.Ce n’est qu’ensuite que le programmede bouchage peut-être défini avec pré-cision en vue de restaurer l’isolationdes différents niveaux géologiques per-méables à débit potentiel par des bar-rières de façon à :- interdire toute possibilité de fuite aujour des effluents ;- prévenir la pollution et protéger l’uti-lisation future des aquifères ;- empêcher la circulation des fluidesentre les niveaux perméables.Les barrières doivent être pérennes et,seuls les bouchons de ciment d’unelongueur suffisante (au moins 50 mvoire 100 m dans les défavorables), misen place dans les cuvelages cimentésou dans les annulaires, répondent à cecritère. La barrière de surface est consti-tuée d’un bouchon de ciment d’aumoins 50 m, surmonté d’une plaqueboulonnée et soudée située à quelquesmètres sous la surface du sol.Chaque niveau perméable à débitpotentiel est isolé au moins d’un autreniveau perméable, par une barrièred’isolation, ainsi que de la surface, pardeux barrières d’isolation, sauf pour lesniveaux perméables trop proches de lasurface pour lesquels il est impossiblede placer deux barrières distinctesd’une longueur suffisante.La multiplicité des situations possiblesrendrait fastidieuse la description desdispositions à mettre en œuvre, la figu-re 5 (voir ci-contre), issue des recom-mandations de l’industrie du pétrole,présente un cas simple.

L’influencede l’hydrogéologie

Les risques de pollutions relèvent enpremier lieu de l’intégrité du forage quine doit pas rompre l’isolement descouches créé par l’histoire géologique.Il convient d’examiner ce qui peut seproduire quand cette intégrité est mise

en défaut, ce qui équivaut à considérerl’injection d’un fluide dans une napped’eau ou dans une roche poreuse.La propagation d’éléments dissous dansune nappe dépend des principauxmécanismes suivants :- la convection, qui est l’entraînementde l’élément à la vitesse moyenne del’eau ;- la dispersion, qui provoque l’étale-ment du nuage de pollution sous l’effetde l’hétérogénéité du milieu ;- les échanges, avec la phase solide etla phase eau immobile ou adsorption ;ces échanges induisent un retard àl’avancement du polluant et atténuentles teneurs. Pour apprécier ces mécanismes et lesmodéliser, il importe de connaître avecune précision suffisante les principauxparamètres hydrogéologiques des aqui-fères (porosité cinématique, perméabi-lité, gradient piézométrique). Le débitinjecté dépend de la pression intérieuredu forage et de la dimension du perce-ment, la nature du fluide doit être éga-lement prise en compte.Heureusement, si l’aquifère de l’Albienest assez bien connu, il n’en est pas demême pour le Néocomien qui est peuexploité.Des scénarios de fuites provenant deforages géothermiques ont été exami-nés à la fin des années 80, et des cal-culs de propagation de contaminationde l’Albien et du Néocomien ont puêtre réalisés au prix d’hypothèses sim-plificatrices. Ainsi, dans le cas d’unaquifère homogène, isotrope, de hau-teur faible et en négligeant les phéno-mènes de diffusion, on obtient(modèle de Muskat 1946) un panacheovale de grand axe parallèle à la vites-se de déplacement naturelle de lanappe. Si une fuite vers l’Albien avecun débit constant de 20m3/h n’étaitpas détectée après une année, la zonemoyenne envahie serait inscrite dansun rectangle d’environ 200 m par160.En cas de fuite connue, il est possibled’en prévoir les conséquences, notam-ment vis-à-vis des éventuels captagesd’eau à destination de l’alimentationhumaine et de prendre les dispositionsadaptées comme la maîtrise de la fuiteet le pompage des eaux contaminées. Ilest évident que les coûts sont très éle-

vés, un forage d’intervention à l’Albiencoûtant au moins 5 millions de francs.

Le cas des anciens foragesLes forages profonds réalisés, exploitésou rebouchés aujourd’hui, bénéficientdes connaissances techniques et duretour d’expérience de cinquanteannées d’activité intensive dans leBassin parisien. Une réglementationrenforcée et une préoccupation parta-gée par tous les opérateurs concernéspour la protection des nappes pro-fondes permettent aujourd’hui d’affir-mer que toutes les dispositions sontprises pour éviter les atteintes durablesaux nappes de l’Albien et duNéocomien.

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Fig. 5. - Exemple de bouchage d’unpuits d’exploration.

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Il n’en a pas toujours été ainsi.L’examen des dossiers de fin de sonda-ge, archivés à la DRIRE, sont explicitessur le sujet. Sans s’étendre sur lesconditions de réalisations des ouvrageset, notamment, sur les boues utilisées,le seul examen des modalités de bou-chage montrent que les pratiques del’époque sont très éloignées de cellesd’aujourd’hui. On retrouve cependantfréquemment deux bouchons dedimensions variables, l’un assez systé-matiquement posé prés des couchesprofondes et un sous la surface. Maisde nombreux autres cas se présentent.Une analyse exhaustive et méthodiques’impose pour juger des risques.Le traitement de la question des risquesengendrés par les forages anciensimpose de définir une méthodologieadaptée et d’engager des moyensimportants. Comme cela a été indiqué,le risque engendré par un foragedépend de sa conception, de ses condi-tions de réalisation, d’exploitation et debouchage ; les bonnes pratiques sontaujourd’hui connues, il est donc pos-sible d’établir une classification desforages en comparant chaque forage àces pratiques. Les paramètres géolo-giques et hydrogéologiques détermi-nent, quant à eux, la sensibilité de lanappe à une éventuelle pollution. Lecroisement de ces informations doitpermettre d’établir des zones d’aléas etd’établir des propositions d’action pourrenforcer la protection des aquifèresconcernés.Le BRGM s’est vu confier cette étudefinancée par l’Agence de l’eau Seine-Normandie et sur crédits de service

public. Elle concerne tout le Bassinparisien.A partir d’une étude documentaire surles dossiers de forage et leur bouchage,les incidents et les modalités d’exploi-tation, il reviendra au comité techniquede pilotage, animé par la DRIRE, latâche délicate de définir et de pondérerles paramètres à prendre en compte,afin de procéder au croisement desrisques liés aux ouvrages avec la sensi-bilité des nappes. La qualité et la quantité des informa-tions relatives aux forages disponiblesauprès des DRIRE (dossiers au titre dela police des mines et des stockagessouterrains), de la DIMAH (gestion dudomaine minier par le service deconservation des gisements d’hydrocar-bures), du BRGM (banque des donnéesdu sous-sol), de l’AESN et des opéra-teurs pétroliers ainsi que de Gaz deFrance apparaissent suffisantes pourréaliser un travail complet. Les nom-breuses études réalisées sur l’Albien etle Néocomien apporteront les para-mètres hydrogéologiques indispen-sables.Les résultats sont attendus au premiersemestre 2002 et devraient permettred’apprécier la fragilité des nappes del’Albien et du Néocomien et de propo-ser les moyens propres à renforcer leurprotection.

Des risquesnon négligeables

Les conséquences des exploitations dusous-sol par forage sont moins visibles

que celles résultant des mines clas-siques. Plus insidieuses, elles peuventprovoquer de graves dommages.Les modalités actuelles de réalisationdes forages avec l’utilisation de bouesadaptées assurent une bonne protec-tion des aquifères, de même que lesexigences réglementaires et les pra-tiques des professionnels pendant laphase d’exploitation. On peut être raisonnablement confiantsur la pérennité et la qualité des bou-chages actuels. Cependant, les risquesengendrés par les anciens forages nepeuvent être raisonnablement négligés.Leur étude approfondie, déjà engagée,devrait permettre, début 2002, d’encerner l’ampleur. •

RÉFÉRENCESDOCUMENTAIRES

- Mémento des eaux minérales (1996 – 1999).- Environnemental guidance document well aban-donment and inactive well practices for US explo-ration and production operations (API bulletinJanuary 31,1993).- Titre forage du règlement général des industriesextractives ( mars 2000).- Estimation de l’incidence de fuites hydrauliques àla paroi de forages géothermiques captant le réser-voir du dogger (Institut mixte de recherche géother-mique, A. Menjoz, J-L. Honegger, J-C. Martin ; juin1988).- Risque de pollution des nappes d’eau douce dufait des exploitations géothermales de l’aquifère dudogger de bassin parisien (BRGM R 38034 - juin1994).- Recommandations de bouchage de la chambresyndicale de l’exploration-production d’hydrocar-bures (1996).- Cahier des charges de l’étude des risques engen-drés par les forages profonds dans le Bassin de Paris(AESN, DRIRE IDF, DIMAH, avril 2000).- Le forage pétrolier, J-P. Nyguyen, Editions Technip,1983.

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