Les fondements des théories migratoires...

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19 X Chapitre I X Les fondements des théories migratoires contemporaines (1) Victor Piché Introduction : un premier tour d’horizon Les théories migratoires se sont considérablement développées depuis les premières tentatives que la plupart des auteurs attribuent à Ernest George Ravenstein qui, dans ses deux textes parus en 1885 et en 1889, suggère une série de lois migratoires. Comme plusieurs chapitres du présent ouvrage l’attestent, en particulier ceux d’Alan Simmons et d’Everett Lee, les lois de Ravenstein ne constituent pas à proprement parler une théorie de la migra- tion, mais elles introduisent les essais théoriques qui vont suivre. Une théorie migratoire doit accomplir essentiellement deux choses : (1) expliquer pourquoi les gens migrent (les causes) ; (2) démontrer dans quelle mesure la migration atteint ses objectifs (les effets). Dans le premier cas, du point de vue des individus, on parle des raisons ou des motifs qui suscitent la décision de migrer ; d’un point de vue plus global, on recherche plutôt les facteurs sociaux et économiques qui poussent les gens soit à migrer, soit à rester sur place. Cette distinction individu-société ou micro-macro traverse le champ migratoire jusqu’à aujourd’hui. On la retrouve de façon encore plus marquée dans le deuxième volet de la théorie migratoire, soit l’étude des ef- fets de la migration. S’il y a consensus sur l’aspect positif de la migration pour le migrant qui se déplace de façon volontaire (2) , le débat sur l’impact social et économique de la migration dans les sociétés d’accueil a toujours été fort virulent et l’est encore aujourd’hui. Toutes ces questions sont abordées dans les textes sélectionnés dans le présent ouvrage. L’objectif de ce chapitre est donc de rendre compte de l’évolution des théories migratoires contemporaines, au cours des cinquante dernières an- nées, à partir des contributions qui ont marqué le champ migratoire. Les pre- mières tentatives de théorisation, à l’exception des lois de Ravenstein, ont porté sur le développement de typologies migratoires (e.g. Peterson, 1958). (1) Je remercie Olivia Samuel et Martine Rousso-Rossmann pour les commentaires sur la première version de ce chapitre. (2) La migration forcée appartient à un autre paradigme que celui qui domine le champ migratoire et qui repose sur la notion de prise de décision rationnelle. Nous y reviendrons.

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X Chapitre I X

Les fondements des théories migratoires contemporaines(1)

Victor Piché

Introduction : un premier tour d’horizon

Les théories migratoires se sont considérablement développées depuis les premières tentatives que la plupart des auteurs attribuent à Ernest George Ravenstein qui, dans ses deux textes parus en 1885 et en 1889, suggère une série de lois migratoires. Comme plusieurs chapitres du présent ouvrage l’attestent, en particulier ceux d’Alan Simmons et d’Everett Lee, les lois de Ravenstein ne constituent pas à proprement parler une théorie de la migra-tion, mais elles introduisent les essais théoriques qui vont suivre.

Une théorie migratoire doit accomplir essentiellement deux choses : (1) expliquer pourquoi les gens migrent (les causes) ; (2) démontrer dans quelle mesure la migration atteint ses objectifs (les effets). Dans le premier cas, du point de vue des individus, on parle des raisons ou des motifs qui suscitent la décision de migrer ; d’un point de vue plus global, on recherche plutôt les facteurs sociaux et économiques qui poussent les gens soit à migrer, soit à rester sur place. Cette distinction individu-société ou micro-macro traverse le champ migratoire jusqu’à aujourd’hui. On la retrouve de façon encore plus marquée dans le deuxième volet de la théorie migratoire, soit l’étude des ef-fets de la migration. S’il y a consensus sur l’aspect positif de la migration pour le migrant qui se déplace de façon volontaire(2), le débat sur l’impact social et économique de la migration dans les sociétés d’accueil a toujours été fort virulent et l’est encore aujourd’hui. Toutes ces questions sont abordées dans les textes sélectionnés dans le présent ouvrage.

L’objectif de ce chapitre est donc de rendre compte de l’évolution des théories migratoires contemporaines, au cours des cinquante dernières an-nées, à partir des contributions qui ont marqué le champ migratoire. Les pre-mières tentatives de théorisation, à l’exception des lois de Ravenstein, ont porté sur le développement de typologies migratoires (e.g. Peterson, 1958).

(1) Je remercie Olivia Samuel et Martine Rousso-Rossmann pour les commentaires sur la première version de ce chapitre.(2) La migration forcée appartient à un autre paradigme que celui qui domine le champ migratoire et qui repose sur la notion de prise de décision rationnelle. Nous y reviendrons.

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Ces premières tentatives ont été élaborées dans un contexte historique où les données factuelles étaient fort limitées. Le texte d’Alan Simmons (1987, chapitre 2(3)) constitue un texte pionnier dans la mesure où il vise à mettre de l’ordre dans les définitions et les typologies et surtout à resituer les théo-ries migratoires dans leurs contextes historiques. Il suggère trois paramètres comme fondements pour définir la migration : un changement de résidence, un changement d’emploi et un changement de relations sociales. En général, la migration est définie essentiellement selon le premier critère, à savoir le changement de résidence. La suggestion innovatrice de Simmons d’en élargir la définition s’imposera de plus en plus, en particulier dans les recherches centrées sur les facteurs macrostructurels.

Simmons note également une grande fragmentation du domaine, due au fait que les théories couvrent des types de migrations spécifiques dont les explications relèvent de contextes sociaux et historiques déterminés. Par exemple, il suggère deux périodes historiques, la première relevant de l’essor de la société industrielle où la migration joue un rôle positif comme support à l’industrialisation. On reconnaît ici la thèse fonctionnaliste de la moderni-sation des sociétés grâce entre autres à la mobilité, surtout rurale-urbaine, qui permet d’échapper aux forces traditionnelles réfractaires au changement socioéconomique, défini ici comme le passage à une société moderne(4). Pour comprendre la deuxième période, Simmons fait appel à l’imagerie postindus-trielle : la migration est alors vue sous l’angle cybernétique, à travers les no-tions de réseaux, de voies de communication, de rétroactions, d’interdépen-dance systémique dans une économie mondialisée. Notons que dans cette deuxième période, la migration est perçue comme neutre ou négative. Il y a donc un changement de perception d’une période à l’autre, idée qui sera reprise par De Haas (2010) et dont nous reparlerons plus loin en discutant de l’impact de la migration sur le développement.

I. Origines et causes de la migration

1. Les approches micro-individuellesL’une des toutes premières approches explicatives des migrations tant in-

ternes qu’internationales se concentre sur la prise de décision individuelle. Avant de prendre la décision de quitter son lieu de résidence, l’individu exa-mine les coûts, de même que les bénéfices liés à la migration potentielle. Cette approche est souvent associée au texte de Larry Sjaastad publié en 1962 (cha-pitre 3), dans lequel il se propose d’identifier les coûts et les bénéfices impor-tants, à la fois individuels et sociaux, et de déterminer le « retour sur inves-tissement » résultant des migrations. On voit d’emblée que même si l’analyse repose sur l’individu, les facteurs qui entrent en ligne de compte sont autant individuels que sociaux, et s’apparentent aux approches macrostructurelles

(3) Les mentions de chapitre en italiques renvoient au présent ouvrage.(4) La littérature relevant de l’école fonctionnaliste est abondante, surtout dans les années 1970-1980 : le chapitre de Zelinski (1971) dans le présent ouvrage est un bon exemple de l’approche fonctionnaliste de la modernisation.

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dont nous parlerons plus loin. En outre, le texte fait le lien entre les causes (les coûts et bénéfices) et les effets (retour sur investissement). En effet, l’auteur considère la migration comme un « investissement qui augmente la productivité des ressources humaines », investissement qui comporte des coûts et rapporte également des bénéfices. Les coûts ne sont pas que monétaires et il suggère de considérer les coûts non monétaires (coûts d’opportunité, i.e. le manque à gagner accumulé pendant le voyage et durant la recherche et l’apprentissage d’un nouveau travail ; coût « psychique »). Malheureusement, l’idée d’exami-ner à la fois les causes et les effets sera largement ignorée dans les recherches qui suivront et le champ migratoire restera divisé entre la recherche des causes et celle des effets des migrations.

Une autre proposition de l’auteur, elle aussi largement ignorée du fait de cette division, concerne la distinction entre les taux bruts et les taux nets de migration, distinction qui aboutit à un paradoxe. Comme il l’affirme, « si l’on considère le départ de 62 500 personnes comme étant la preuve que le Mississippi est une zone à faibles revenus, nous devons accepter, de la même manière, que l’arrivée de 51 900 personnes prouve inversement qu’il s’agit effectivement d’un bon endroit où gagner sa vie ». En fait, Sjaastad introduit ici la notion de migration sélective : si l’émigration concerne surtout des per-sonnes peu qualifiées alors que l’immigration est davantage qualifiée, le ré-sultat net peut produire une augmentation du revenu par habitant dans la localité en question. Il conclut alors qu’il « est possible d’envisager des condi-tions qui causeraient une augmentation d’autant plus rapide des revenus que le solde migratoire serait faible ».

L’apport le plus significatif de Sjaastad est certainement l’introduction de la notion de capital humain dans la théorie migratoire afin de contourner la diffi-culté liée à l’estimation des bénéfices. Ainsi, dit-il, « il est particulièrement utile d’employer le concept de capital humain et d’envisager les migrations, la forma-tion et l’expérience comme des investissements dans le facteur humain ». L’approche de Sjaastad est explicite sur le postulat de base, à savoir que l’analyse des coûts et bénéfices individuels n’est valable que dans le cas de migrations volontaires qui, dans une économie concurrentielle, vise une répartition « optimale » des ressources. Il conclut que « les migrations ne peuvent être étudiées isolément ; les investissements complémentaires dans le facteur humain sont probablement aussi, sinon plus, importants que le processus de migration lui-même ».

Le texte de Sjaastad, tout comme le texte de Stouffer (1940) sur les op-portunités intermédiaires ou les facteurs médiateurs (« intervening opportu-nities ») ont ouvert la voie au cadre général présenté par Everett Lee en 1966 (chapitre 4). La théorie de Lee se fonde sur les caractéristiques individuelles pour expliquer le volume de même que les courants et contre-courants mi-gratoires. Partant également du postulat que la migration est le résultat d’un calcul individuel fondé sur les facteurs d’attraction (lieu de destination) et les facteurs de répulsion (lieu d’origine), cette évaluation des facteurs s’ap-parente grandement à l’analyse coût-bénéfice suggérée par Sjaastad (1962), même si lui-même n’utilise pas ce vocable(5).

(5) Lee fait allusion dans son texte au fait que la décision de migrer n’est pas tout à fait rationnelle, décision de migrer n’est pas tout à fait rationnelle, mais cet aspect sera complètement évacué dans la suite de son argumentation.

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L’un des grands mérites du modèle de Lee est d’introduire le concept d’opportunités intermédiaires entre le lieu d’origine et le lieu de destination. Ouvrant la porte à Todaro (dont nous parlerons plus loin), il précise que ce ne sont pas tant les caractéristiques objectives que les perceptions individuelles des lieux d’origine et de destination qui provoquent la migration. Parmi les facteurs qui interviennent dans le processus migratoire, Lee mentionne les contacts personnels et les sources d’information existant dans le lieu de desti-nation. Nous ne sommes pas loin, ici, de la notion de réseaux migratoires qui deviendra centrale dans les théories migratoires à partir des années 1980 (voir Boyd, 1989 ; Massey, 1990).

Outre les notions de facteurs d’attraction et de répulsion et celle des fac-teurs intermédiaires, Lee fait allusion, en parlant des lois migratoires, quoique de façon fort succincte, à d’autres éléments qui seront développés plus tard par d’autres chercheurs. On pense à la notion de spécialisation dans les qua-lifications et dans les emplois qui annonce l’hypothèse de la segmentation du marché du travail défendue, entre autres, par Piore (1979) et Portes (1981 dont nous parlons plus loin). Il parle également de la discrimination et de la « création de nouvelles formes de diversité au sein de la population », ouvrant la voie aux nombreuses recherches futures sur les sociétés multiraciales et multiculturelles. Dans sa loi numéro 5, il affirme que les migrations augmen-tent avec le temps (propos qui sera repris par Zelinski, 1971), augmentation propulsée par les écarts économiques de plus en plus importants entre les régions du monde, la scolarisation croissante et les progrès technologiques, en particulier dans les communications et les moyens de transports, qui di-minuent les obstacles intermédiaires. Ce sont là des thèmes précurseurs qui domineront la littérature scientifique sur les migrations internationales dans le contexte de la mondialisation. Enfin, il note que l’augmentation des migra-tions peut également être due aux migrations elles-mêmes, dans la mesure où les premières vagues de migrants surmontent les obstacles intermédiaires, rendant les frontières moins difficiles à franchir pour les vagues suivantes. Il est tentant de voir dans cette intuition la notion de causalité cumulative développée par Douglas Massey (1990, voir le chapitre 12).

Bien que dans les revues de littérature sur les théories migratoires, le mo-dèle de Lee soit bien présent, les critiques ont été nombreuses. Deux aspects méritent l’attention. D’une part, toutes les critiques s’entendent pour dire qu’il ne s’agit pas d’une théorie en tant que telle, mais plutôt d’un cadre conceptuel permettant de classifier les divers facteurs expliquant la migration. D’autre part, les critiques notent la prédominance, pour ne pas dire l’exclusivité des facteurs micro-individuels surtout ceux liés au capital humain, au dépend des facteurs macrostucturels. Le modèle de Lee est indissociable du postulat mi-croéconomique de la migration volontaire au sein d’une économie concurren-tielle, postulat qui est au cœur de la théorie microéconomique des migrations mettant l’accent sur les choix individuels. Ce modèle théorique a été large-ment développé par Michael Todaro (Todaro, 1969 et 1976 ; Harris et Todaro, 1970) et Borjas (1989). Le grand mérite de Todaro est d’avoir adjoint la notion de revenu attendu ou, selon le langage de Sjaastad, le retour net « attendu » sur l’investissement. Le retour attendu est fonction (1) de la probabilité de

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pouvoir demeurer dans le lieu de destination, (2) la probabilité d'y trouver un emploi et (3) le niveau des revenus dans ce lieu. Ces probabilités sont compa-rées à celles existant dans le lieu d’origine (opportunités d’emploi et revenus) et finalement à la somme totale des coûts liés au déplacement. La décision de migrer sera positive si la somme totale des « attentes » et des coûts est plus favorable dans le lieu de destination (Massey et al., 1998, p. 19 ; voir aussi Massey, 1990, chapitre 12).

Jusqu’ici, nous avons examiné les premières ébauches tentant de dévelop-per une théorie migratoire répondant à la question « pourquoi migrer ? ». Tout en demeurant dans l’approche microindividuelle, une autre question se pose quant à l’évolution des mouvements migratoires. Wilbur Zelinski (1971, voir le chapitre 5) est l’un des premiers à avoir formulé l’esquisse d’une théorie de la mobilité, fondée sur la notion de transition chère à la démographie(6). Il tente ainsi d’introduire la migration dans la théorie de la transition démographique qui, traditionnellement, se concentre uniquement sur les changements dans les niveaux de fécondité et de mortalité. Comme l’affirme Zelinski :

En résumé, nous avons ajouté à la transition vitale un second processus séquentiel spatio-temporel, la transition de la mobilité, qui est essentiel pour comprendre le phénomène de modernisation.

Ainsi, la théorie de la transition de la mobilité (Zelinski parle plus modes-tement d’hypothèse) se situe d’emblée dans la théorie de la modernisation, dominante dans les années 1970.

Le texte de Zelinski est important pour une autre raison : il propose une réflexion intéressante, rarement reprise par la suite, sur les concepts. Il fau-dra attendre les années 2000 pour voir apparaître une littérature démogra-phique critique replaçant les catégories scientifiques dans leurs contextes (voir par exemple Riley et McCarthy, 2003 ; Szreter et al., 2004)(7). En particu-lier, Zelinski critique le fait que, dans la littérature portant sur la migration, l’espace est presque toujours traité comme un absolu, à savoir qu’une distance entre deux points est considérée comme constante. Il pose la question : la façon dont nous évaluons et percevons le temps est-elle plus immuable que la perception de la distance ? Peut-on dire en toute confiance qu’une heure équivaut à une heure quand il s’agit de comparer une société à une autre, ou d’étudier une même société mais à des époques différentes ?

Sans entrer dans le détail des différentes phases de la transition migra-toire, il convient de souligner quelques suppositions, dont certaines se sont réalisées, d’autres non. Zelinsky suggère par exemple que la transition de la mobilité implique une homogénéisation à terme des populations dans les dernières phases (phases IV et V). Cette notion d’homogénéisation se trouve actuellement au centre des thèses sur la mondialisation. En revanche, sa prédiction qu’avec la disparition de réserves importante de travailleurs non qualifiés, on assistera à un arrêt de tout déplacement de main-d’œuvre à bas

(6) Pour qui s’intéresse à l’histoire des idées, les références bibliographiques données par Zelinsky, dont la plupart sont aujourd’hui oubliées, constituent un bon point de départ.(7) En ce qui concerne l’exemple africain, on peut consulter l’excellent ouvrage d’Ittmann, Cordell et Maddox, 2010.

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salaire vers les régions développées, ne s’est pas réalisée. La pénurie de main-d’œuvre peu qualifiée dans certains secteurs des économies développées s’est certes avérée réelle, mais Zelinski n’a pas prévu que les États du Nord élabo-reraient des programmes de travailleurs migrants temporaires pour combler ces besoins. Nous reviendrons sur ce point dans la prochaine section.

Malgré le vocabulaire ancien et dépassé de l’article de Zelinski, sa contri-bution est significative à deux niveaux. Dans un premier temps, il propose d’intégrer la migration au sein de la théorie de la transition démographique prise dans son ensemble. Il se réfère d’ailleurs à la théorie de la réponse mul-tiphase (« multiphasic response ») de Davis (1963) qui relie l’ensemble des com-portements démographiques (fécondité, mortalité, migration) aux contextes historiques de chaque société.

D’une part, cette hypothèse permet de dépasser la fragmentation du champ démographique en faisant appel à la notion de régime démographique. Selon les époques, chaque société développe des stratégies de reproduction démographique en combinant les mécanismes reproductifs que sont la fécon-dité, la mortalité et la migration. Ainsi, la migration n’est pas une stratégie isolée : elle est articulée aux autres comportements. Les régimes démogra-phiques constituent le résultat de l’ensemble des stratégies : par exemple, dans une société non marchande où le travail domestique prédomine, les enfants sont des atouts (d’où une fécondité élevée), et tout est fait pour éviter la mort selon les connaissances en cours. Avec la monétarisation de l’économie, la mi-gration des membres de la famille viendra compléter les besoins monétaires (Gregory et Piché, 1985).

D’autre part, l’intuition initiale de Zelinski a été suivie, quoique de façon fort limitée, par des travaux tentant d’établir une théorie plus générale de la transition démographique. On pense ici aux réflexions théoriques de Walter Mertens (1995) qui tente d’étendre la notion de transition démographique à l’ensemble des composantes démographiques. Il parle alors de trois transi-tions fondamentales : (1) la transition démographique au sens strict, incluant la transition de la fécondité (transition familiale, transition dans le rôle des femmes), la transition de la mortalité (transition de santé, transition épidémio-logique) et la transition des âges ; (2) la transition de la population active ; (3) la transition urbaine (transition migratoire). Outre l’identification des diverses transitions, l’important est de montrer que ces transitions interagissent, pro-duisant ainsi une théorie globale du changement démographique.

Enfin, même si sa présentation de la théorie de la transition démogra-phique (vitale) est aujourd’hui largement dépassée, celle de la transition de la mobilité est intéressante, surtout dans sa phase avancée. Malheureusement, peu de travaux ont suivi cette voie. Les travaux d’Alan Simmons constituent une exception. Dans un texte publié en 1995, Simmons adopte une approche historique faisant le lien entre les diverses phases du développement du capi-talisme. Il affirme que si l’objectif est d’analyser la migration internationale et le rôle de l’État sur une longue période, l’utilité de la théorie du système monde ne fait pas de doute. En revanche, la théorie de la nouvelle division du travail, bien développée par Cohen (1987), apporte un éclairage plus concret pour comprendre le statut des migrants, leur place dans la structure

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de classes et les caractéristiques de la crise économique (Simmons, 1995, p. 360). En 2002, il approfondit la relation entre la migration internationale et la mondialisation. En particulier, il tente d’élargir la notion de mondialisation à des dimensions autres qu’économiques. Pour lui, la mondialisation doit te-nir compte des craintes de pertes d’emplois, des transformations culturelles et des politiques restrictives des États pour limiter et encadrer les migrations internationales (Simmons, 2002). Ce point fera l’objet de discussions dans la troisième partie portant sur les politiques migratoires.

La critique la plus courante de l’approche de Zelinski est son caractère évolutionniste issu de la théorie de la modernisation. Cette approche, mal-gré les nombreuses critiques « d’occidentalocentrisme », est demeurée jusqu’à aujourd’hui, au centre de la conception du changement social et du dévelop-pement en démographie, en particulier en ce qui concerne la théorie de la transition démographique. En effet, les premières formulations de la théorie de la transition démographique sont apparues en pleine période coloniale et sont fortement teintées d’évolutionnisme. Les théories de la modernisation sont dominantes et présentent les sociétés « traditionnelles et non industria-lisées » comme les miroirs inverses des sociétés industrialisées et modernes. Les sociétés traditionnelles sont alors essentiellement décrites en référence aux sociétés modernes par une longue liste de manques ou d’insuffisances : manque de capitaux, insuffisance des marchés intérieurs, importance du pas-sé, absence de planification, absence de structures politiques démocratiques, absence de rationalisme, etc. Dans une perspective évolutionniste, ces socié-tés se développeront en adoptant des structures plus modernes et les attitudes qui les sous-tendent. La théorie structuro-fonctionnaliste en sociologie et en anthropologie et la théorie néolibérale en économie viendront apporter un support scientifique à la thèse de la modernisation.

Aujourd’hui, la perspective évolutionniste a été presque totalement aban-donnée, du moins en sociologie et en anthropologie, entre autres à cause de l’influence de l’approche postmoderne qui conteste toute velléité universa-liste des théories en sciences sociales. S’agissant des théories migratoires, deux courants de recherche, issus du postmodernisme, ont eu une influence relative. Un premier courant remet en question la prétention universelle des catégories statistiques, suggérant que les catégories sont des constructions so-ciales et politiques historiquement déterminées (Szreter et al., 2004 ; Ittman, Cordell et Maddox, 2010). Cette approche critique s’est particulièrement at-taquée aux catégories officielles produites par les recensements, en particu-lier les catégories raciales et ethniques (Nobles, 2000 ; Zuberi, 2001 ; Simon et Piché, 2012). Un deuxième courant réuni sous la rubrique « les études post-modernes », a également influencé les recherches sur les migrations en se situant, en quelque sorte, à l’opposé du paradigme de la modernisation. Le postmodernisme rejette les théories unilinéaires universalistes du progrès et remet en question le postulat rationaliste en donnant plus d’importance à la culture (Cordell, 2010). Un sous-courant important fait référence au post-colonialisme mis en avant par les nouvelles élites intellectuelles d’Asie et d’Afrique, mais aussi par les diasporas, et qui montre comment les chercheurs et intellectuels européens ont décrit les populations et les sociétés d’Asie et

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d’Afrique comme des populations homogènes et dont les caractéristiques sont à l’opposé de celles des Européens(8).

Au centre des controverses et polémiques entourant la thèse postcoloniale se trouve la question des conséquences du transfert humain et symbolique des séquelles coloniales au cœur de la métropole (Simon, 2010). En effet, contrairement à l’immigration en provenance d’Europe, les migrations issues des anciennes colonies, désignées comme des migrations postcoloniales, pos-sèdent des caractéristiques spécifiques.

Ces spécificités tiennent autant de l’expérience commune de la colonie que de l’expérience continuée de la postcolonie en métropole, marquée par les préjugés ethniques et raciaux et par les discrimina-tions (Simon, 2010, p. 362).

C’est de cette spécificité dont il faut tenir compte dans la recherche sur l’intégration des migrants postcoloniaux.

2. Les approches macro-structurellesLes textes qui suivent mettent plus ou moins l’accent sur le contexte dans

lequel se prennent les décisions migratoires. Pour paraphraser Lee, il s’agit de tenir compte des facteurs structurels dans l’analyse coût-bénéfice. Une première formulation a consisté à inscrire les mouvements migratoires dans un système impliquant la circulation de divers flux entre les lieux d’origine et de destination : flux de personnes, mais aussi flux de biens, de services et d’idées. C’est avec Akin Mabogunje (1970, voir le chapitre 6) que l’on voit l’apparition de l’approche systémique. Dans son schéma analytique, il pré-sente tous les éléments de l’environnement pouvant affecter les mouvements migratoires. Il s’agit davantage, encore une fois, d’un cadre analytique identi-fiant de nombreux facteurs, allant de l’environnement économique (salaires, prix, préférences des consommateurs, degré de développement industriel), à la technologie (transport, communications, mécanisation), à l’environnement social (éducation, santé) et enfin aux facteurs politiques. Il est intéressant de souligner l’introduction de la notion de sous-système, en particulier celui de la famille identifiée comme sous-système de régulation et de contrôle. Il men-tionne également deux autres facteurs qui seront largement développés par la suite, à savoir, le rôle important de la circulation de l’information et le main-tien des contacts avec le lieu d’origine, ouvrant la porte aux nombreux tra-vaux qui insisteront sur l’importance des réseaux sociaux et familiaux et des transferts monétaires dans le processus migratoire (Oberai et Manmohan, 1980). L’approche de Mabogunje permet d’appréhender la migration non plus comme un mouvement linéaire et unidirectionnel, mais comme un phéno-mène circulaire imbriqué dans un système de variables interdépendantes. La circularité migratoire sera également un thème important de la littérature migratoire (Burawoy, 1976). Enfin, il propose d’examiner chaque élément du système pour expliquer la présence d’interconnections prévues par la théorie ou, au contraire, détecter celles qui ne fonctionnent pas.

(8) Voir en particulier Saïd (1978) et Appadurai (1996).

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Certes, l’approche systémique n’est pas facile à opérationnaliser tant les facteurs identifiés par Mabogunje sont nombreux. Toutefois, l’approche a continué à inspirer plusieurs auteurs, comme en témoigne l’ouvrage collectif dirigé par Kritz, Keely et Tomasi (1981) qui soulignent dans leur introduction que la migration internationale peut être abordée comme l’un des éléments des échanges complexes (commerce, technologie, capital, culture) entre pays inégaux tant sur le plan économique que militaire et politique (ibid., p. XIV). L’approche systémique de Mabogunje permet ainsi de déboucher sur une conception de la migration internationale en lien avec la mondialisation, suggérant même l’idée d’un marché de travail global dans une économie mondialisée (Gregory et Piché, 1978 ; Petras, 1981). Cette perspective globale devient de plus en plus en vogue à partir des années 2000 et donne lieu à une importante littérature sur les réseaux transnationaux (Schiller, Bash et Blanc-Szanton, 2000 ; Faist, 2000). Nous l’évoquons plus loin à propos du texte fondateur d’Oberai et Manmohan (1980).

Pour approfondir l’approche systémique, il faut dépasser les générali-tés du cadre conceptuel de Mabogunje. C’est précisément ce que propose Michael Burawoy (1976) dans son texte sur les migrations circulaires (cha-pitre 7). Dès le début, il fait référence aux travaux pionniers britanniques, en particulier ceux de Wolpe (1972), de Wilson (1972) et de Stichter (1982) qui ont également apporté une contribution significative à la théorie des migra-tions circulaires. Ce sont les conditions migratoires prévalant en Afrique du Sud, et en particulier la politique de l’apartheid, qui ont inspiré ces travaux théoriques (Gregory et Piché, 1983). La contribution originale de Burawoy est double : il a d’abord élargi le modèle circulatoire en le généralisant à toutes les formes de migrations circulaires (surtout internationales), puis a illustré ses hypothèses par une approche comparative impliquant le cas Mexique-États-Unis et celui de l’Afrique du Sud.

Il commence par remettre en question le postulat de l’acteur rationnel : il affirme que l’individu ne peut pas être considéré uniquement comme un acteur rationnel maximisant des intérêts sous l’effet des forces du marché. Il introduit dans l’équation des facteurs politiques et structurels. La notion clé de sa théorie repose sur le principe de la séparation géographique des fonc-tions de renouvellement (reproduction) et d’entretien de la force de travail. Le renouvellement est assuré par la fécondité alors que l’entretien comprend tous les éléments du travail domestique, de même que la sécurité sociale et économique. C’est l’articulation de ces deux fonctions qui est à la base du fonctionnement du système circulaire. D’une part, l’économie domestique doit continuer à fonctionner, non seulement du point de vue de la production de subsistances, mais aussi comme un système de sécurité sociale pour l’en-semble des membres de la famille, y compris ceux et celles ayant émigré et qui arrivent sur un marché de travail sans garanties, c’est-à-dire sans sécurité sociale en cas d’accidents, de maladies ou de chômage. Par ailleurs, les be-soins monétaires obligent une partie des membres de la famille à émigrer là où se trouvent les marchés de travail associés à l’économie de marché.

Il est intéressant de noter qu’à peu près à la même date, en fait une an-née avant Burawoy, Claude Meillassoux (1975), que l’auteur ne cite pas, avait

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proposé dans le contexte africain la même approche de l’articulation entre les modes de production domestique et capitaliste et la séparation des deux fonc-tions (reproduction et entretien de la force de travail). Cette démarche a, par la suite, inspiré plusieurs travaux sur les migrations africaines, tant internes qu’internationales (Gregory et Piché, 1985). La thèse de Burawoy se distingue des travaux de Meillassoux par le fait que, selon lui, l’articulation implique une double dépendance et repose à la fois sur une base économique et sur des institutions politiques et juridiques : « La double dépendance à deux modes de production ne se reproduit pas sans recourir à des institutions non écono-miques ». Bref, et c’est là l’élément clé du modèle de l’articulation, « les facteurs économiques ne peuvent pas imposer à eux seuls la séparation du migrant et de sa famille ; ils doivent être soutenus par des structures coercitives. » Cette affirmation mérite d’être nuancée. En effet, l'exemple ouest-africain, bien do-cumenté, montre que dans le cas du travail forcé, les deux bases économiques et politiques sont nécessaires pour initier les mouvements migratoires. En revanche, même après la disparition des structures coercitives (i.e. l’aboli-tion des travaux forcés), le système de travail migrant temporaire persiste (Cordell, Gregory et Piché, 1996).

Ce modèle remet en question l’approche classique liant développement et migration selon laquelle le développement engendre l’émigration en détrui-sant la société préindustrielle et en libérant la main-d’œuvre pour le travail dans les nouveaux marchés de travail, souvent urbains (Massey, 1988). Ce faisant, on s’attend à ce qu’avec le temps, la migration, considérée comme un mécanisme de réallocation des ressources, rétablisse l’équilibre entre les zones de départ et d’arrivée (Todaro, 1969). Ici, deux correctifs s’imposent : premièrement, dans les sociétés dites préindustrielles, la migration est gé-nérée de façon forcée, mais elle peut continuer même sans développement réel, comme cela a été démontré pour le cas de l’Afrique de l’Ouest (Cordell, Gregory et Piché, 1996). Deuxièmement, la société préindustrielle, caractéri-sée par le mode de production domestique, n’est pas détruite puisqu’elle doit continuer à assurer la subsistance des membres restés sur place et la sécurité « sociale » de ceux et celles qui ont émigré.

Le modèle de Burawoy et de Meillassoux demeure encore pertinent au-jourd’hui. En effet, les programmes de travailleurs temporaires qui refont surface dans les pays développés se caractérisent également par la double dé-pendance, économique et institutionnelle. En fait, même si ces travailleurs sont rémunérés sur la base des salaires du marché (ce qui n’est pas nécessai-rement le cas), on cherche avant tout à éliminer les coûts d’entretien liés à l’intégration socioéconomique, en refusant les droits liés à la citoyenneté. La réémergence de la pertinence des programmes de travailleurs temporaires re-çoit présentement un large appui, tant parmi les organisations internationales comme le Bureau international du travail et l’Organisation internationale des migrations que parmi les chercheurs (Piché, 2012). Bref, il s’agit d’un système qui permet d’externaliser les coûts de reproduction et d'entretien de la main-d’œuvre alors que les employeurs et les États se doivent uniquement d’entrete-nir les travailleurs quand ils sont employés. Nous reviendrons sur les impacts de la migration à propos du chapitre de Oberai et Manmohan.

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L’approche développée par Burawoy introduit les facteurs macro- structurels dans le processus migratoire. Au-delà de la propension individuelle à migrer en fonction du capital humain, pour certains auteurs, la migration répond d’abord et avant tout à la demande de main-d’œuvre. Saskia Sassen (1988) présente les formulations les plus explicites des facteurs qui influent sur la demande de main-d’œuvre immigrante dans les destinations privilé-giées de ces migrations (voir le chapitre 8). L’immigration est un phénomène essentiellement urbain et concerne en particulier les grands centres urbains du monde développé. C’est à Sassen que revient le mérite d’avoir développé le concept de ville mondiale depuis laquelle l’économie mondiale est dirigée. Elle traite de la réorganisation de la production industrielle, dont témoigne en particulier la prolifération des ateliers exploitant une main-d’œuvre clan-destine ainsi que le travail à domicile. Cette nouvelle économie a également provoqué une explosion de l’offre d’emplois peu rémunérés. Comme elle l’af-firme, « la croissance dynamique de ces secteurs joue un rôle décisif dans l’ex-pansion de ce qui pourrait être décrit comme un secteur économique infor-mel à la fois de production et de commerce de détail. Pour le dire autrement, même les secteurs de l’économie les plus dynamiques et les plus avancés sur le plan technologique peuvent créer des emplois susceptibles d’être occupés par des travailleurs étrangers non qualifiés. »

Aujourd’hui, dit-elle, la nécessité d’un vaste appareil central pour contrôler et gérer le système politico-économique mondial a façonné le secteur des ser-vices. Comme nous le verrons plus loin avec le texte de Bimal Gosh, la néces-sité d’une gestion globale des migrations internationales deviendra également un leitmotiv important dans la littérature à partir des années 2000. Dans les années 1980, la notion de travail temporaire n’étant plus à l’honneur, cela peut expliquer pourquoi Sassen parle surtout de main-d’œuvre clandestine mais, depuis les années 2000, la demande dans les secteurs d’emploi à faible qualification s’est accrue, préparant ainsi la voie aux nouveaux programmes de travail migrant temporaire.

Les recherches de Sassen se sont centrées sur la restructuration de l’acti-vité économique qui a changé aussi l’organisation du travail et modifié la de-mande de main-d’œuvre. En particulier, elle montre que la décentralisation a réduit l’offre de postes à revenus moyens dans les grandes villes, tandis que la centralisation a généré des emplois à très hauts revenus ou à bas salaires. Ainsi, l’arrivée massive d’immigrants de pays à faibles revenus depuis une quinzaine d’années ne peut être interprétée en dehors de ces transforma-tions. Autre constat intéressant : cette restructuration résulte de tendances qui dépassent les configurations nationales telles que l’opposition entre Nord et Sud et relèvent de changements fondamentaux tant à l’échelle nationale que mondiale.

Les analyses de Sassen révèlent que les postes à bas salaires sont essen-tiellement occupés par des travailleurs non syndiqués, des immigrants ou des femmes de minorités autochtones. Cette notion sera reprise et dévelop-pée entre autres par Alejandro Portes, qui a identifié divers modes d’intégra-tion sur le marché de travail, dont un secteur secondaire précaire largement occupé par les immigrants (Portes, 1981). Nous y reviendrons plus loin.

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3. L’approche par le genreJusqu’ici, la littérature migratoire se conjuguait au masculin. Le numéro

spécial de l’International Migration Review sur les migrations féminines, paru en 1984 et dirigé par Mirjana Morokvasic, rappelle que la migration est éga-lement féminine. Le titre de son article (voir le chapitre 9) fait référence à l'ouvrage désormais classique de Michael Piore, Birds of Passage, paru en 1979 et soutient que les femmes aussi sont des « oiseaux de passage ». L’apport de Morokvasic porte surtout sur la diversité des destins des femmes migrantes à travers le monde en illustrant les nombreux cas d’exploitation de cette main-d’œuvre. Selon elle, la migration féminine peut être positive (émancipation, autonomie financière), mais elle peut aussi renforcer les inégalités de sexe. Quoiqu’il en soit, il faut dépasser la dichotomie des migrations à des fins ma-trimoniales versus les migrations autonomes. Les études sur les migrations féminines étaient plutôt rares à cette époque, mais la suite lui donnera raison puisque plusieurs travaux, surtout dans les pays en développement, montre-ront l’importance des migrations féminines dans la sphère économique.

Il faut reconnaître néanmoins que l’approche féministe appliquée aux mi-grations n’a pas complètement pénétré le champ migratoire dominant. Les revues de littérature récentes font peu de place aux migrations féminines (voir Massey et al. 1998 ; Zlotnik, 2003). Dans la version anglaise de l’impor-tante synthèse de la démographie de Caselli, Vallin et Wunsch (2006), l’index de l’ouvrage indique seulement deux pages sous la rubrique « genre et migra-tion » (Pinnelli, 2006). Bref, même si l’accent continue à être mis sur la migra-tion des hommes, le texte de Morokvasic constitue un point de départ obligé en ce qui concerne la théorisation du rôle des femmes dans la migration.

Dans la lignée de Morokvasic, deux thèmes de recherche vont caractériser les migrations féminines : (1) le rôle des rapports de genre dans les décisions migratoires et leurs impacts sur la situation des femmes migrantes, et (2) la question des migrations féminines autonomes. Dans le premier cas, il s’agit essentiellement de développer une théorie spécifique de la place des femmes dans la société. Cette théorie doit aller au-delà d’une simple prise en compte du sexe comme une variable parmi d’autres, pour en faire un concept cen-tral (Pessar, 1999 ; Piper, 2006 ; Lutz, 2010). Cette construction théorique dé-montre que la division sexuelle du travail, qui assigne aux femmes l’essentiel du travail domestique, les place dans une position subordonnée, restreignant leur mobilité géographique dans les zones de départ ou les confinant souvent à des emplois précaires dans les zones de migrations. Pour Boyd et Grieco (2003), l’approche féministe considère le genre comme une construction so-ciale qui réfère au patriarcat comme système hiérarchique de pouvoir, de domination et de contrôle et qui donne aux hommes un accès préférentiel aux ressources économiques et sociales. La migration des femmes s’inscrit donc dans ces rapports de pouvoir et les recherches examinent non seulement la manière dont ces rapports façonnent les décisions migratoires des femmes, mais aussi comment la migration féminine peut changer le système patriar-cal. Pour plusieurs auteurs, la position marginale des femmes sur le marché du travail résulte d’arbitrages familiaux qui maintiennent les inégalités entre les sexes (Tienda et Booth, 1991).

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Tout en reconnaissant le caractère contraignant de la place des femmes dans la sphère domestique, plusieurs travaux suggèrent que certaines femmes migreraient de façon autonome. Cela est particulièrement le cas en Afrique où l’augmentation des migrations féminines est souvent associée à des migrations autonomes (Findley, 1997 ; Adepoju, 2002). Comme l’attestent nos propres travaux sur l’Afrique de l’Ouest, malgré l’absence quasi totale des femmes dans la littérature sur les migrations, nous avons montré que tout au long du XXe siècle, les femmes ont été impliquées de façon significative dans les réseaux migratoires. Certes, si plusieurs femmes « suivent les hom-mes », d’autres migrent de façon autonome (Cordell, Gregory et Piché, 1996). Dans des analyses plus récentes, nous avons observé une recrudescence des migrations de femmes célibataires du milieu rural vers le milieu urbain au Burkina Faso, ce qui va dans le sens d’une thèse de l’augmentation des mi-grations féminines autonomes. Cependant, les changements relevés appa-raissent assez subtils et s’inscrivent plutôt dans la continuité, les migrations féminines demeurant encore sous l’emprise de la division sexuelle du travail (Le Jeune et al., 2005).

L’approche « genre et migration » a été au centre des analyses sur les stra-tégies familiales et les réseaux. Ces nouvelles approches, que nous abordons dans la partie suivante en se centrant sur la famille comme unité d’analyse (plutôt que l’individu), accordent une place importante aux femmes, en parti-culier en ce qui concerne leur rôle dans les réseaux migratoires.

4. Les réseaux migratoiresLa théorie néoclassique a été particulièrement critiquée par une nouvelle

école de pensée, la nouvelle économie de la migration de travail, rattachée surtout à l’économiste Oded Stark (1991). Le texte de Stark et Bloom (1985, voir le chapitre 10), tout en se situant du côté de l’offre de travail, se distin-gue des théories micros-économiques en ce qu’il introduit la notion de stra-tégie familiale qui souligne l’interdépendance mutuelle entre le migrant et sa famille. Rattachée au concept de stratégie familiale, la nouvelle économie de la migration de travail insiste sur la gestion et du partage des risques. La migration est alors analysée au niveau du ménage et de la famille et revêt un caractère de sécurité sociale. Bref, au-delà du capital humain si cher à la théorie néoclassique, il existe aussi le capital des réseaux et de la parenté. Cette approche s’est généralisée dans les recherches sur les migrations dans les pays en développement, en particulier en ce qui concerne les stratégies de survie et la capacité des migrants à devenir des acteurs de changement (De Haas, 2010). En sortant de la vision individualiste et atomistique, il devient possible de concevoir la migration comme relevant d’actions collectives et familiales qui relient des migrants et des non-migrants dans un ensemble de relations que captent les nouvelles analyses centrées sur la notion de réseau.

Le texte de Monica Boyd (1989) constitue l’un des plus marquants de la lit-térature sur les réseaux et le genre (voir le chapitre 11). Non seulement elle sys-tématise, en quelque sorte, les apports de Morokvasic et de Stark en mettant la notion des réseaux personnels et sociaux au cœur de la théorie migratoire,

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mais elle intègre les facteurs structurels (macro) et la perspective systémique. En outre, elle tient compte du modèle néomarxiste en utilisant l’approche du système monde axée sur la demande, en lien avec le texte de Sassen dont nous avons déjà parlé, mais aussi avec le texte de Castles et Kosack (1972) présenté plus loin. Enfin, elle fait allusion, quoique succinctement, à d’autres notions qui seront reprises par la suite et deviendront prédominantes dans les théo-ries migratoires comme, par exemple, la persistance des flux via les réseaux, développée par Douglas Massey (1990) à propos des facteurs cumulatifs de la migration. Mentionnons également l’enclave ethnique définie par Boyd comme une entité de petites entreprises appartenant à des membres d’une communauté ethnique travaillant à leur compte et avec une main-d’œuvre ethnique. Ce sera l’une des contributions importantes d’Alejandro Portes dont nous parlerons plus loin. Elle soulève déjà ce qui deviendra un débat impor-tant dans la littérature migratoire, à savoir si l’enclave ethnique a des effets positifs sur l’insertion des immigrants ou s’il s’agit plutôt d’effets négatifs résu-més dans la notion de « mobility trap » (« piège anti-mobilité »)(9).

Mais la contribution de Boyd qui mérite d’être le plus soulignée par rap-port aux travaux antérieurs est le fait d’inclure les réseaux comme liens entre les lieux de départ et d’arrivée. Les réseaux constituent des facteurs inter-médiaires, médiateurs, entre les facteurs structurels (macro) et les acteurs (micro). À ce titre, la famille joue un rôle central, définie ici comme unité domestique, à travers des stratégies de survie. Enfin, elle insiste sur les rap-ports entre genre et réseaux dans les migrations en soulignant qu’il faut tenir compte de la division sexuelle du travail dans les relations sociales de produc-tion au sein de la société. Elle rejoint ainsi la distinction, issue des travaux de Burawoy (1976) et de Meillassoux (1975), entre la sphère publique et la sphère privée et surtout la nécessaire articulation entre les deux pour comprendre les stratégies migratoires féminines. Comme nous l’avons déjà souligné, le statut secondaire des femmes migrantes sur le marché du travail doit être rattaché à leur rôle dans la famille en termes de prise de décision migratoire. Contrairement aux hommes, elles doivent composer entre la production do-mestique et la production marchande et le salariat.

L’approche des réseaux est à la base du modèle de Douglas Massey (1990) sur la causalité cumulative (chapitre 12). Le texte de Massey, comme ceux de Simmons et de Boyd, est important en raison de son imposante revue de littérature sur les théories migratoires(10). Il résume bien l’ensemble des ap-proches présentées jusqu’ici :

Pour résumer, je défends l’idée que les décisions de migration sont prises conjointement par les membres de la famille au sein des mé-nages ; que les décisions des ménages sont influencées par les condi-tions socioéconomiques locales ; que les conditions locales sont à leur tour influencées par l’évolution des structures politiques, sociales et économiques aux niveaux national et international.

(9) Voir à se sujet l’échange entre Sanders et Nee (1992) et Portes et Jansen (1992).(10) Cette revue de littérature sera reprise et élargie dans un ouvrage incontournable, à savoir Massey et al., 1998.

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Sa formulation sur la nécessité d’intégrer les niveaux micro et macro im-plique une distinction conceptuelle cruciale entre, d’une part, les théories macroéconomiques et structurelles qui expliquent comment les institutions déterminent les structures d’opportunités locales et, d’autre part, la théorie du capital humain qui analyse la façon dont les individus prennent des décisions au sein de ces structures. Il s’agit là d’un programme de recherche ambitieux qui veut décloisonner le champ migratoire et qui donnera naissance à une nou-velle approche que nous appelons plurielle (voir la dernière partie du présent chapitre). Le texte offre également une bibliographie assez complète des études américaines majeures, antérieures à 1990. Malheureusement, comme la plupart des revues de littérature américaines, celle-ci ignore les travaux européens, en particulier les études d’inspiration marxiste et l’approche par le « genre ».

C’est surtout le concept de causalité cumulative que Massey a contribué à diffuser et qui mérite une attention particulière. La notion de réseau consti-tue un élément de la structure sociale, à partir duquel Massey établit un lien entre le réseau (via la notion de seuil critique) et l’effet de rétroaction sur la migration. Après un certain temps, à travers un processus de causalité circu-laire et cumulative, la migration devient auto-entretenue. Enfin, en faisant référence à la notion de minimisation des risques à travers les stratégies fami-liales, il justifie l’approche de causalité cumulative en affirmant :

Chaque nouveau migrant élargit le réseau et réduit les risques liés à la migration pour toutes les personnes auxquelles il est lié ; il n’est alors presque plus risqué et coûteux de diversifier la répartition de la main-d’œuvre du ménage (Massey, 1998).

Une autre contribution importante du texte de Massey est de suggérer une distinction entre les processus d’initiation de la migration et ceux de son maintien, distinction qui sera reprise et davantage développée dans Massey et al., 1998. Dans un premier temps, la pénétration des marchés dans les régions en développement détruit progressivement les structures commu-nautaires traditionnelles et crée ainsi des conditions locales favorables à la migration, et celle-ci est ensuite déclenchée par le recrutement de main-d'œuvre. Ce n’est qu’une fois que la migration a commencé que « différents mécanismes d’auto-alimentation interviennent pour perpétuer et élargir les flux migratoires au fil du temps, qui se répercutent à leur tour sur les structures communautaires pour renforcer la causalité cumulative ». Cette approche a été particulièrement développée par la suite, en particulier pour expliquer les migrations internationales.

C’est la notion de capital social qui a donné au réseau migratoire toute sa signification explicative. C’est à Pierre Bourdieu que l’on doit d’avoir introduit et développé le concept de capital social en sociologie(11). Pour lui, le concept se centre sur les bénéfices que reçoivent les individus du fait d’être membres de groupes, résultat de la sociabilité et de la solidarité. Selon Portes (1998), le capital social signifie donc la capacité des acteurs à s’assurer des bénéfices, grâce à leur participation à des réseaux sociaux et autres structures sociales.

(11) Bourdieu aborde la question de capital social dans ses nombreux travaux qu’il serait trop long de citer ici. Parmi ses premières ébauches, voir Bourdieu (1980).

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Il identifie trois fonctions distinctes du capital social applicables dans des contextes variés : comme source de contrôle social, comme source de support familial et comme source de bénéfices provenant de réseaux extrafamiliaux. Dans le champ migratoire, la notion de capital social permet de comprendre pourquoi et comment l’appartenance à des réseaux augmente les probabilités de migrer : grâce aux ressources des réseaux, les coûts et les risques dimi-nuent et les bénéfices de la migration augmentent (Palloni et al., 2001).

Ceci dit, les réseaux et le capital social ne renvoient pas uniquement à des références aux effets positifs, car il peut également en résulter un accès limité aux opportunités, une restriction de la liberté individuelle et des demandes excessives auprès des membres du groupe (Portes, 1998). Sans nier l’impor-Sans nier l’impor-tance des réseaux, le modèle de Massey a été fortement critiqué par Krissman (2005). En particulier, il considère que la notion de réseau migratoire tel que développé par Massey est trop restrictive parce qu’elle se concentre sur les réseaux sociaux et familiaux provenant surtout des mêmes régions d’origine que celles des migrants. Selon Krissman, il faut également inclure beaucoup d’autres acteurs qui agissent comme intermédiaires, soit aux frontières, soit dans les régions de destination. Ces acteurs peuvent être les employeurs qui recherchent de la main-d’œuvre migrante, mais aussi les trafiquants. Ainsi, tous les acteurs impliqués dans les réseaux migratoires ne sont pas que des facilitateurs, mais peuvent aussi être des exploiteurs. Les nombreux rapports sur le trafic des êtres humains témoignent de vastes réseaux de passeurs sou-vent liés à des organisations criminelles (Skeldon, 2002)(12).

II. Les effets de la migration

Même si la distinction entre causes et effets est difficile à maintenir concep-tuellement, il n’en demeure pas moins que le champ migratoire reste, encore aujourd’hui, fragmenté entre les théories explicatives des migrations et celles qui concernent leurs effets. À l’intérieur même des travaux sur les effets des mi-grations, une double fragmentation existe entre les approches macro et micro et entre le contexte des pays développés et celui des pays en développement.

1. Les effets économiques de l’immigration : approche macro-structurelle dans les pays développésLe texte de Stephen Castles et Godula Kosack (1972) présente un point

de vue macro, surtout dans le contexte européen (chapitre 13), qui a permis de considérer l’immigration comme découlant d’une nécessité structurelle en réponse aux besoins du capital et du patronat. Ce texte pionnier sur la contribution économique des immigrants établit une série d’hypothèses qui guideront la recherche par la suite. Il représente un courant fort important en Europe, courant qui demeure encore valable aujourd’hui pour plusieurs

(12) Pour un tour d’horizon sur l’état du trafic des êtres humains dans le monde, voir Laczko et Gozdziak, 2005.

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formes d’immigration, comme par exemple l’immigration des moins qualifiés, l’immigration irrégulière et la migration temporaire dans certains secteurs comme l’agriculture, la construction et la restauration. Cette approche, insis-tant sur les besoins structurels de l’économie sera reprise dans un contexte plus politique par Georges Tapinos (2000).

La contribution essentielle de Castles et Kosack a été d’insister sur l’exis-tence d’une hiérarchie dans la structure des emplois, les immigrants se re-trouvant souvent au bas de l’échelle socioéconomique, au niveau de la classe ouvrière ce qui, selon les auteurs, renforce la division de la classe ouvrière. Il n’est pas surprenant que cette classe sociale exprime parfois une certaine peur face à l’immigration, un argument surtout repris aux États-Unis et qui a été à la base de plusieurs études ayant tenté de montrer qu’elle était non fondée objectivement, quoiqu’elle existe bel et bien subjectivement. Le débat prend ici une orientation micro en se centrant sur l’effet de l’immigration sur les salaires des natifs, débat que nous reprendrons plus en détail lorsqu’il sera question du texte de Borjas.

Dans la lignée des travaux de Castles et Kosack, les études d’inspiration marxiste ont eu tendance à insister sur les effets plutôt négatifs de l’im-migration, en particulier sur la division de la classe ouvrière. Cette même perception négative sera reprise dans les recherches sur la migration et le développement, débat que nous aborderons dans la prochaine section. Plus récemment, la recherche sur les effets économiques plus globaux de l’immi-gration (niveau macro), indique des résultats pour le moins contradictoires et incertains (Héran, 2002). La limite la plus importante des études qui ont tenté de mesurer les effets économiques est d’ordre méthodologique. La plu-part des chercheurs admettent que les techniques d’analyse existantes ne permettent pas de tirer des conclusions définitives. Cela explique aussi la grande divergence dans les résultats, ceux-ci variant entre des effets positifs, négatifs, ou indéterminés(13). Et dans tous les cas, les effets mesurés demeu-rent très faibles, voire non significatifs. Une première raison de cette limite méthodologique vient du fait que le nombre de paramètres dont il faudrait tenir compte dans les modèles est considérable et défie toute tentative em-pirique, du moins jusqu’à aujourd’hui. Une deuxième raison est plus fonda-mentale : les études évaluatives se situent à court terme alors que les pleins bénéfices ne se manifestent qu’à moyen et long terme (Goldin et al., 2011). Comme l’affirme Termote (2002, p. 59), « à court terme, statistiquement par-lant, il est normal qu’un petit nombre d’immigrants comparé à l’ensemble de la population d’un pays ou même d’une région ait un impact marginal sur les valeurs moyennes globales (comme par exemple le PNB, les taux de chômage, etc.) ». Évidemment de telles études sur le long terme sont rares. Si l’on se fie à l’étude américaine de Carter et Sutch (1999) qui porte sur une période de 80 ans (1820-2000), les aspects bénéfiques de la migration appa-raissent clairement. En effet, l’immigration peut avoir des impacts impor-tants sur l’ensemble de la structure économique, incluant les taux d’activité,

(13) Les 102 chapitres présentés dans les quatre volumes colligés par Zimmermann et Bauer en 2002 illustrent l’état du débat et surtout la divergence dans les appréciations des effets économiques.

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le niveau des qualifications de la population, la quantité et la qualité du ca-pital et l’organisation de la production (Carter et Sutch, 1999, p. 339). Une autre revue plus récente du débat sur les effets de l’immigration dans les pays développés conclut que, de façon globale, les effets sont positifs, tant du point de vue de la croissance que du point de vue de l’innovation et des apports fiscaux (Goldin et al., 2011, chapitre 6).

2. Migration et développement : le cas des pays en développementDans les pays en développement, les débats sur les effets économiques de

la migration ont pris une tournure radicalement différente. Ce n’est plus la situation des régions d’immigration qui préoccupe les chercheurs, mais plutôt les liens entre l’émigration et le développement dans les régions d’émigra-tion. Cela n’a pas toujours été le cas, comme en témoigne le texte d’Oberai et Manmohan (1980, chapitre 14). Comme ils l’affirment :

Jusqu’à présent, les recherches consacrées aux migrations des campagnes vers les villes dans les pays en développement ont sur-tout visé les effets de ces mouvements sur les régions de destinations, en particulier les économies urbaines.

Ainsi, on a accordé beaucoup moins d’attention aux effets qu’ils produi-saient dans les zones rurales. Le grand mérite de ce texte est justement de renverser la problématique en considérant les liens entre les émigrants et les zones de départ à travers la notion de transferts monétaires qui constituent, selon eux, l’un des vecteurs clé de l’impact de l’émigration dans les pays en dé-veloppement. On doit donc aux auteurs le mérite d’avoir initier les premières réflexions à ce sujet. L’effet précis de ces envois de fonds sur l’économie rurale est difficile à déterminer a priori. Ils peuvent s’ajouter à des investissements productifs visant à développer et à diversifier l’agriculture ou à des activités non agricoles dans les zones rurales, être consacrés au logement ou à l’éduca-tion ou, tout simplement, servir à soulager la misère de ceux qui restent dans les villages. Ainsi, les transferts peuvent aussi être utilisés de façon improduc-tive, et ce sera l’un des leitmotivs des recherches à venir, à savoir comment rendre plus productifs les transferts monétaires.

Les auteurs mentionnent que le migrant saisonnier ou « à objectif limité » peut commencer à envoyer des fonds assez rapidement, idée qui sera reprise par plusieurs auteurs dont Portes (2009) qui, dans son bilan de la recherche, conclut que la migration temporaire est celle qui produit le plus d’effets po-sitifs. Oberai et Manmohan mentionnent également que l’effet relatif des en-vois de fonds est plus grand sur les ménages les plus pauvres ; il y aurait donc une amélioration visible de la répartition du revenu à l’intérieur de la catégo-rie des ménages d’émigrants.

À quoi servent les transferts de fonds ? Selon les données présentées par les auteurs, plus des trois quarts des ménages dépensent les fonds qu’ils ont reçus en nourriture et en vêtements et plus d’un quart en articles ménagers, la seule autre rubrique d’une certaine importance étant les « cérémonies et mariages ». Seule une faible proportion des ménages (6,1 %) les consacre à

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des investissements productifs, consistant pour une bonne part en achats de terres cultivables, de matériel agricole et de semences, d’engrais et de produits utilisés contre les parasites. Ces résultats sur l’utilisation des sommes reçues grâce aux transferts monétaires sont toujours valables aujourd’hui.

Les conclusions des auteurs demeurent fort nuancées en suggérant que la distinction entre investissements productifs et improductifs n’est pas étanche. Ainsi, les dépenses sont certes orientées vers la consommation, mais celle-ci ne doit pas être considérée comme essentiellement improductive. En effet, lorsque le niveau de vie est bas, les dépenses de consommation sont souvent fonctionnelles et peuvent entraîner une amélioration sensible de la productivité du travail. Passant du niveau des ménages à celui des régions, les auteurs suggèrent que ces versements améliorent non seulement la ré-partition du revenu parmi les ménages d’émigrants, mais aussi la répartition générale dans les régions rurales. Ils demeurent prudents car leur but n’est pas d’évaluer l’effet global des migrations sur le développement rural ; pour ce faire, il faudrait considérer, outre les mouvements de fonds, ceux du capital humain et du capital tout court.

Les hypothèses d’Oberai et Manmohan ont lancé un véritable program-me de recherches qui s’est développé dans deux directions. Dans un premier temps, une prise de conscience a eu lieu sur l’importance considérable de la masse des transferts monétaires. Ainsi, plusieurs chercheurs ont tenté d’estimer les flux monétaires à l’échelle planétaire. Selon une étude récente, en 2011, les transferts monétaires vers les pays en développement ont tota-lisé la somme de 372 milliards de dollars, soit une augmentation de 12,1 % par rapport à 2010. Avec un taux de croissance de 7 à 8 % par an, la somme des transferts pourrait atteindre 467 milliards de dollars en 2014 (Ratha et Silwal, 2012). Ainsi, toutes les organisations internationales impliquées dans le développement ont adopté l’idée que les migrants pouvaient devenir des agents du développement (Faist, 2008). La deuxième direction de recherche, en lien avec la précédente, a produit de nombreux travaux sur le phénomène du transnationalisme (Waldinger, 2006). Dans cette conception de la migra-tion, on ne parle plus de rupture permanente, mais plutôt du maintien des liens entre les milieux d’origine et les milieux de résidence puisque la vie des migrants traverse les frontières nationales, réunissant deux sociétés dans un seul champ social (Schiller et al., 2006, p. 1). Ce nouveau paradigme du trans-nationalisme repose sur un certain nombre de prémisses : (1) les concepts tels que le groupe ethnique, la nation, la société ou la culture, par leur caractère fermé, limitent les possibilités de capter le phénomène du transnationalisme ; (2) celui-ci, s’il doit être compris dans le contexte de la mondialisation, s’ins-crit néanmoins dans les activités quotidiennes des migrants ; et, enfin (3) l’ex-périence transnationale force les migrants à redéfinir leurs identités (Schiller et al., 2006, p. 5).

Le transnationalisme véhicule souvent une perception positive de la mi-gration qui a été largement reprise et diffusée par les organisations inter-nationales, entre autres, la Banque mondiale, l’Organisation internationale des migrations et les diverses instances des Nations-Unies (e.g. le Fonds des Nations-Unies pour la population, la Division de la population). De

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nombreuses critiques ont tenté de relativiser l’engouement pour les capacités développementalistes des transferts monétaires et du transnationalisme. En particulier, les revues de la littérature sur les études empiriques concernant les impacts des transferts monétaires suggèrent que les situations sont très hétérogènes et que les transferts monétaires ne peuvent, à eux seuls, avoir un impact significatif sur le développement économique d’une région (ou d’un pays), s’il n’existe pas de possibilités réelles d’investissement dans les localités où vivent les ménages bénéficiaires des transferts (e.g. Skeldon, 2008 et De Haas, 2010)(14). Bref, si les ménages ne peuvent pas surmonter les obstacles structurels au développement (accès au crédit, confiance dans les institutions, politiques migratoires favorables à l’investissement, etc.), les transferts monétaires ne pourront avoir d’effets significatifs sur le dévelop-pement local ou national.

3. Les effets micro-économiques de l’immigrationAu-delà des effets globaux dont nous avons parlé, ce sont les effets de

l’immigration au niveau individuel qui ont largement préoccupés les cher-cheurs(15), et en particulier trois problématiques fondamentales : quel est l’im-pact des flux d’immigration sur les revenus et les opportunités d’emploi des natifs ? Les immigrés ont-ils vraiment un effet négatif sur ces opportunités ? Enfin, les groupes de natifs sont-ils tous affectés de la même manière par l’entrée d’immigrants sur le marché du travail ? George Borjas a été au cœur des travaux sur ces questions, en particulier depuis le milieu des années 1980.

La conclusion la plus importante de Borjas dans son texte de 1990 (cha-pitre 15), est que l’arsenal méthodologique de l’économétrie moderne est inca-pable de détecter une seule preuve montrant que les immigrants auraient un impact substantiel et négatif sur les revenus et les opportunités d’emploi des natifs aux États-Unis. En outre, selon Borjas, deux points de vue s’opposent quant aux façons dont l’immigration affecte le marché du travail des natifs. Certains observateurs affirment que les immigrants prennent les emplois des natifs : or, de telles affirmations ne sont généralement fondées sur aucune preuve empirique. D’autres observateurs soutiennent le contraire, à savoir que les immigrants n’auraient pas d’impact sur les opportunités de travail des natifs. Borjas quant à lui, a tendance à pencher pour le deuxième point de vue, car le déclin des salaires des natifs attribuable à une augmentation du nombre d’immigrants est négligeable. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que le consensus parmi les chercheurs semble être que les travailleurs natifs et les immigrants sont, en moyenne, de faibles substituts en termes de production.

Il faut reconnaître qu’en dépit de toutes les craintes et des discussions sur l’importance d’un impact négatif présumé de l’immigration sur les opportu-nités de revenus des natifs, les recherches empiriques menées de manière rigoureuse suggèrent que cette inquiétude n’est pas justifiée. Les revenus du

(14) Pour une revue plus ancienne étendue à l’ensemble des régions du monde, voir Massey et al., 1988, chapitres 8 et 9.(15) Pour une excellente synthèse critique de cette littérature, voir Héran, 2002.

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natif type sont à peine affectés par l’entrée d’immigrants sur le marché du travail local. Cette découverte inattendue soulève une question importante : pourquoi les preuves empiriques et les idées répandues dans le débat politique divergent-elles à ce point ? Toujours selon Borjas, l’absence de tout effet négatif substantiel s’explique peut-être, de la manière la plus plausible, par le fait que l’immigration aux États-Unis au cours des deux dernières décennies, bien qu’importante et croissante en taille, a constitué une composante relative-ment modeste des changements démographiques, particulièrement en termes de contribution de l’immigration à la croissance de la population active.

En revanche, les immigrants sont susceptibles d’avoir un effet négatif, quoique faible, sur leurs propres revenus. En d’autres termes, les immigrants sont plus substituables à eux-mêmes qu’à des natifs. Plusieurs travaux ont éga-lement montré que l’impact de l’immigration peut avoir un effet dépressif sur les revenus des travailleurs natifs moins qualifiés, mais encore une fois, les effets demeurent minimes, voire même négligeables (Card, 2009).

Il faut reconnaître que Borjas a quelque peu changé d’idée depuis cette pu-blication (Héran, 2002, p. 55). Dans son livre publié en 1999, intitulé Heaven’s Door, Borjas est devenu plus négatif face à l’immigration, réclamant une im-migration davantage sélective en faveur des plus qualifiés. Malgré le caractère très scientifique, et parfois très économétrique des études, les points de vue sur les effets de l’immigration sont devenus parfois virulents. Entre autres, on a pu constater l’affrontement entre deux économistes réputés, Borjas d’un côté, et Card de l’autre(16). Bref, le débat n’est pas clos. Si Borjas reste la réfé-rence dans ce domaine, la littérature économique sur les différences de reve-nus entre natifs et immigrants demeure contradictoire.

Dans les pays en développement, la problématique de l’impact de la mi-gration au niveau individuel a pris une orientation un peu différente. D’une certaine façon, le débat se ressemble dans la mesure où s’affrontent les points de vue négatifs et positifs. Mais il diverge en ce qu’il se concentre sur le sort des populations migrantes dans les marchés de travail des grandes villes. La perception principale concernant les liens entre migration et emploi dans les pays moins développés a longtemps été le faible potentiel d’insertion des migrants et des migrantes dans un marché de travail déjà limité, voire sa-turé. Dans cette approche, l’exode rural participe à la création d’un chômage urbain massif et à la marginalisation d’une portion importante des popula-tions urbaines(17). Cette conception de la « non-insertion » pose néanmoins un dilemme important : comment expliquer l’afflux constant de populations migrantes dans les villes des pays pauvres si la seule perspective est la pau-vreté extrême ? Depuis le milieu des années 1980, de nombreuses recherches ont montré la façon dont les migrants développent leur capacité d’insertion en milieu urbain par la prolifération des petites entreprises informelles (Portes et Benton, 1984 ; Portes et Schauffler, 1993)(18). Un deuxième courant

(16) Voir Card, 2005 ; voir également le compte rendu de ce débat dans Lowenstein, 2006.voir également le compte rendu de ce débat dans Lowenstein, 2006.(17) Cette perspective est partagée autant par les théories néoclassiques de l’hyperurbanisation (e.g. Bairoch, 1973) que par les théories marxistes présentant les populations migrantes comme les exclus de l’économie urbaine moderne (Gregory et Piché, 1978).(18) Mentionnons le texte fondateur de Hart (1973).

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de recherches, axé sur l’insertion différentielle des populations migrantes en milieu urbain pose de façon générale que celles-ci sont nettement désa-vantagées par rapport aux autres populations urbaines « de souche », de par le plus grand accès de ces dernières aux ressources urbaines, en particulier l’instruction et les réseaux familiaux et sociaux. À ce titre, à leur arrivée en ville, les migrants passeraient une période de temps assez longue en inacti-vité en attendant de trouver un emploi. En outre, les emplois du secteur infor-mel étant considérés comme moins rémunérateurs, et donc moins valorisés que ceux du secteur formel, ils sont utilisés comme indicateurs d’une inser-tion plus ou moins « réussie » sur le marché de travail(19). Grâce à des données rétrospectives originales permettant des analyses statistiques biographiques (voir Antoine et al., 2009 [1999]), nos propres travaux sur l’Afrique de l’Ouest ont permis de montrer que ces hypothèses sont non fondées, les migrants s’insérant rapidement sur le marché de travail urbain et constituant un fac-teur dynamique (Piché et Gingras, 1998 ; Zourkaleini et Piché, 2007).

L’un des problèmes conceptuel de la recherche sur l’insertion écono-mique des migrants, que ce soit dans les pays développés ou en développe-ment, est de considérer le marché du travail comme étant unique. On doit à Alejandro Portes et à son équipe l’idée qu’il existe plusieurs modes d’insertion sur le marché du travail (Wilson et Portes, 1980, chapitre 16). Si l’on peut rat-tacher ce courant de recherche à la théorie de la segmentation du marché du travail telle que lancée par Michael Piore (1979), c’est Alejandro Portes qui est le plus associé à ce courant, en particulier dans son texte de 1981 qui suggère trois modes d’insertion sur le marché du travail. Les deux premiers modes font référence aux secteurs primaire et secondaire du marché du tra-vail. Le secteur primaire renvoie aux emplois professionnels et qualifiés, sou-vent syndiqués et où les possibilités d’avancement sont réelles. Ce secteur est caractérisé par la stabilité, des chances de promotion, des salaires élevés et de bonnes conditions de travail. Le secteur secondaire quant à lui est l’image in-versée du secteur primaire, caractérisé par des emplois peu ou non qualifiés, précaires et avec un faible taux de syndicalisation. C’est dans le deuxième secteur que l’on retrouverait de nombreux immigrants.

Mais c’est le troisième mode d’insertion qui constitue la contribution la plus originale, celui que l’on nomme « l’enclave ethnique ». Celle-ci comprend des groupes d’immigrants concentrés dans un espace distinct qui mettent sur pied des entreprises servant leur propre marché ethnique et/ou la population générale (Portes, 1981, p. 290). La caractéristique principale de l’enclave est qu’une proportion importante de la main-d’œuvre immigrante travaille dans des entreprises appartenant à d’autres immigrants (Light, 1972). Ce troisième mode d’insertion sur le marché du travail introduit l’idée que les immigrants non qualifiés ne se retrouvent pas tous au bas de l’échelle socioéconomique et que travailler dans l’enclave ethnique peut être bénéfique puisque cela offre de réelles opportunités d’avancement. Les travaux essentiellement améri-cains à la base de ce mode d’insertion font surtout référence aux immigrants asiatiques (Japonais, Coréens), mais aussi aux Cubains de Miami.

(19) Cette hypothèse est particulièrement bien développée dans les premières formulations du modèle de Todaro (1969).

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Les premiers travaux sur l’entreprise ethnique ont d’abord été réalisés aux États-Unis(20) et au Canada(21), mais ont également trouvé preneurs dans d’autres contextes (Boubakri, 1999)(22). De nombreux travaux plus récents ont été très critiques par rapport à l’approche de l’enclave ethnique. Dans sa criti-que, Waldinger (1993) conclut que la notion d’enclave conduit à une impasse conceptuelle et empirique et suggère que pour progresser, il serait utile de se débarrasser du concept d’enclave et de ne retenir que celui d’économie ethnique. Les débats lancés par les travaux de Portes ont surtout porté sur les effets positifs ou négatifs de l’enclave du point de vue de l’insertion éco-nomique. A contrario des tenants de cette approche, plusieurs chercheurs ont remis en question le fait que l’enclave ethnique était avantageuse pour les immigrants (Sanders et Nee, 1992). Dans un texte publié en 2006, Portes et Shafer sont revenus sur les critiques de l’hypothèse de l’enclave ethnique pour conclure que leur hypothèse était toujours valable.

Tout en ayant une valeur heuristique certaine, la typologie tripartite de Wilson et Portes demeure limitée dans la mesure où il existe d’autres modes d’insertion. En particulier, avec la réémergence des programmes de tra-vailleurs temporaires dans plusieurs pays développés, un quatrième mode doit être ajouté, à savoir, l’insertion dans les secteurs caractérisés par le tra-vail temporaire (domesticité, construction, restauration, etc.). Il s’agit d’une catégorie d’emplois peu ou pas qualifiés, boudés par les travailleurs nationaux (voir Sassen, chapitre 8). Ce mode d’insertion est caractérisé par une grande vulnérabilité, par le non-respect des droits des travailleurs migrants et par la création de non-citoyens (Piché, 2012).

4. Les effets politiquesL’immigration n’a pas que des effets économiques liés au marché du tra-

vail. Il faut également considérer les facteurs politiques. Le premier aspect qui vient à l’esprit est l’impact crucial des politiques migratoires sur les possibili-tés de migration ou, dit autrement, sur les facteurs d’inclusion et d’exclusion. Nous reviendrons sur la question des politiques migratoires dans la partie suivante. Ici, nous examinons d’une part, les facteurs internationaux de la for-mation des mouvements de réfugiés et, d’autre part, la question des rapports entre minorités et majorités au cœur des débats identitaires.

La plupart des textes présentés jusqu’à présent visent la migration régu-lière et volontaire. Deux autres types de migration méritent l’attention : la migration des réfugiés et la migration irrégulière. Avec le texte de Zolberg, Suhrke et Aguayo (1986, chapitre 17), nous abordons la migration des réfugiés, un type de migration fort courant tout au long de l’histoire du XXe siècle, et qui reste important aujourd’hui. Quant à la migration irrégulière, nous y revien-drons à propos de la contribution de Tapinos (chapitre 21).

(20) Le nom de Bonacich est également rattaché à ce type de recherche (Bonacich et Modell, 1980).(21) Au Canada, ce sont les travaux de Jeffrey Reitz (1980 et 1998) qui ont le plus marqué la re-cherche sur l’entreprenariat ethnique.(22) Bien que le concept d’enclave ou d’économie ethnique ne soit pas présent, les travaux d’Alain Tarrius ont traité des réseaux commerçants informels entre le Maghreb et l’Europe, don-nant naissance à une nouvelle expression de « mondialisation par le bas » (Tarrius, 1992).

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Dans leur recherche des facteurs de la migration des réfugiés, Zolberg, Suhrke et Aguayo font une distinction importante entre les effets internes et externes. En effet, les déterminants de la persécution, base de la définition du réfugié selon la Convention de Genève, sont internes à l’État en question, mais des effets externes peuvent également se manifester, moins directe-ment certes, sous la forme de facteurs exacerbant les conditions économiques et sociales, augmentant ainsi la probabilité que se déclenchent des conflits produisant des réfugiés. Autre idée importante de ce texte, les politiques me-nées par les pays d’accueil potentiels constituent la forme d’effets externes la plus problématique. Comme ils l’affirment :

Les politiques à l’égard des réfugiés dépendent en partie de pré-occupations nationales, mais elles ont un rôle souvent décisif quand elles sont utilisées comme instrument de politique étrangère, leur confèrant dans ce contexte, un rôle décisif.

La décision d’accorder aux citoyens d’un État en particulier le statut for-mel de réfugié implique habituellement la condamnation du gouvernement en question pour la persécution de ses citoyens ou le manque de protection qu’il leur accorde.

Ils discutent également des migrations de refuge dans un contexte glo-bal où le réseau mondial est fondé sur d’importantes asymétries de pouvoirs et de richesses. La théorie de la dépendance et celle du système-monde à la Wallerstein (1974, 1980) nous éclairent sur les relations entre les pays en développement qui « présentent des distorsions structurelles dues à leur in-présentent des distorsions structurelles dues à leur in-tégration dans le système économique mondial, en premier lieu en tant que producteurs de matières premières, et plus généralement dans le cadre d’un système de préférence impériale ou quasi impériale ». Ces pays participent donc à l’économie mondiale dans des conditions défavorables, exacerbant les conflits en tous genres, en particulier les conflits ethniques sous toutes leurs formes qui, selon les auteurs, sont aujourd’hui endémiques en Asie et en Afrique. Bref, ils démontrent que les dynamiques conduisant à l’amorce des conflits sociaux ne sont pas uniquement internes, mais transnationales, et alors que les conflits se développent, ils tendent à s’internationaliser da-vantage. En conclusion, dans la mesure où les causes sont internationales, les solutions réclament également des actions au niveau international. Le grand mérite de ce texte est d’introduire les effets du contexte politique mondial dans la détermination des flux de réfugiés.

On ne peut pas dire que ce genre d’analyses se soit développé depuis les travaux de Zolberg, Suhrke et Ahuayo dans les années 1980. La question des réfugiés est davantage étudiée sous les aspects reliés à l’application de la Convention de Genève. Les travaux récents montrent par exemple que les pays européens tentent de restreindre l’accès à l’asile, voire à supprimer en pratique l’asile en Europe (Legoux, 2006). En effet, à partir des années 1990, le nombre de demandeurs d’asile en forte croissance a fait basculer la question du refuge vers une problématique migratoire. Dorénavant, le discours politi-que s’oriente vers la nécessité de maîtriser les flux migratoires, y compris les flux de réfugiés. Pour ce faire, les États vont utiliser plusieurs moyens, dont la dissuasion, l’endiguement ou l’obligation de visa, le refoulement et le rejet de la

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demande grâce entre autres à des procédures discrétionnaires (Legoux, 2004). En outre, les États externalisent plusieurs fonctions de contrôle migratoire en recourant à des organismes externes qui appliquent des mesures de plus en plus répressives (e.g. Marchetti, 2010 ; Kasparek et Wagner, 2012). Les analyses plus globales sur la gestion des flux migratoires montrent clairement que les politiques deviennent de plus en plus restrictives et répressives, rendant de plus en plus difficiles et risquées les tentatives de migration (Piché, 2012). Nous y reviendrons dans la section sur les politiques migratoires.

5. Les effets sociaux de la migration : minorités versus majoritésLa diversité croissante des sociétés constitue l’une des conséquences im-

portantes des mouvements migratoires. Thomas Faist (2009) parle de la di-versité comme d’un nouveau mode d’incorporation. Cette diversité pose des défis importants quant au mode de gestion des différences sociales, raciales et ethniques (Simon et Piché, 2012). À ce sujet, Castles (1993) propose une série d’hypothèses sur la situation des migrants et des minorités en Europe occidentale, au regard notamment des politiques migratoires, de la probléma-tique de la citoyenneté, du racisme et de la question identitaire (chapitre 18). Sans reprendre ici chacune de ses onze hypothèses, il importe de souligner quelques aspects qui sont toujours d’actualité, quant aux effets de l’immigra-tion sur les relations interethniques et raciales.

Devant l’importance des migrations internationales, la situation des mino-rités ethniques en Europe ne peut être pleinement appréhendée que dans un cadre planétaire, d’autant plus que l’on assiste, selon Castles, à une défaillance générale des mécanismes gouvernementaux et supranationaux de régulation de l’immigration et d’installation des immigrants. Il s’agit là d’une intuition qui sera reprise maintes et maintes fois par les tenants de la gouvernance mondiale des flux migratoires. Le chapitre de Bimal Gosh (chapitre 20) constitue l’une des voix les plus écoutées sur ce point. Castles reprend la notion de l’auto-entretien des migrations développée par Massey en affirmant qu’une fois lancée, la dyna-mique de migration crée une chaîne migratoire qui survit à ses causes initiales ou aux mesures qui l’ont encouragée. Il mentionne également le phénomène de la restructuration des économies et des marchés du travail des pays indus-trialisés depuis vingt ans, phénomène bien développé dans le texte de Sassen.

La contribution originale de Castles est d’aborder la question du racisme en Europe et le risque que la « “conscience européenne” se construise sur les bases de l’exclusion et de la discrimination et soit fondée sur la peur d’une déferlante des « masses désespérées » venant du Sud ». En effet, la formation de nouvelles minorités issues de l’immigration, avec leurs propres cultures, identités et institutions, est un processus irréversible, qui bouscule les notions existantes d’identité nationale et de citoyenneté. Il affirme que les modèles multiculturels se présentent comme la meilleure solution, mais les obstacles à leur réalisation sont importants. La conséquence à long terme de l’immigra-tion devrait être l’apparition de sociétés multiculturelles, qui renouvellera les concepts de citoyenneté et d’État. Enfin, en lien avec le débat sur les relations

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entre migration et développement dont nous avons parlé plus haut, Castles a déjà suggéré que rien ne prouvait que la migration contribue en quoi que ce soit au développement des régions d’origine. C’est plutôt par des politiques de développement économique et social que l’on pourra s’attaquer aux problè-mes de déséquilibres entre les régions du monde.

Les hypothèses de Castles sont encore très pertinentes dans le monde actuel. Deux courants de recherche se sont particulièrement développés. D’abord, presque tous les travaux sur les facteurs d’insertion économique sug-gèrent que la discrimination joue un rôle important dans les difficultés d’in-sertion de certains groupes d’immigrants, en particulier ceux que l’on appelle les minorités visibles, selon le vocable en vogue en Amérique du Nord. Les travaux sur l’insertion économique des immigrants montrent que l’effet net de l’origine nationale demeure même après le contrôle des autres facteurs, indiquant ainsi que la discrimination touche certains groupes, notamment ceux provenant des pays en développement (Piché, Renaud, Gingras, 2002 ; Richard, 2004). Le deuxième courant porte sur les effets de l’immigration sur les identités nationales. Ici aussi, les débats sociaux et politiques sont particu-lièrement virulents entre les tenants du pluralisme et ceux qui pensent que l’immigration remet en question les valeurs nationales. La montée des partis d’extrême-droite un peu partout dans le monde s’appuie entre autres sur des discours anti-immigration, parfois liés à l’islamophobie.

III. Les politiques migratoires

Les théories migratoires ne servent pas qu’à comprendre et expliquer les phé-nomènes, elles servent également à justifier les choix en matière de politiques migratoires. Toutes les politiques migratoires du XXe siècle sont fondées sur un postulat considéré comme immuable : l’immigration est un privilège et non un droit. Il s’agit du paradigme qui fonde les politiques migratoires sur les besoins économiques des pays, et donc essentiellement orientées vers le marché du travail. Il est, en outre, fondé sur le principe de la souveraineté na-tionale en matière de politiques migratoires (Piché, 2009). Dans ce contexte, parler de libre-circulation des personnes comme l’a fait Joseph Carens dès 1987 peut paraître téméraire (chapitre 19).

Carens part du principe que le lieu de naissance et les liens de parenté constituent des contingences naturelles qui sont arbitraires d’un point de vue moral. Selon lui, l’idée que l’immigration réduirait le bien-être économique des citoyens actuels ne prévaut pas sur la priorité à l’immigration. En outre, l’impact de l’immigration sur l’histoire et la culture n’est pas un argument valable « tant que les valeurs démocratiques libérales fondamentales ne sont pas menacées ». Sa discussion du principe communautarien, à savoir la justi-fication de l’exclusion par les droits des communautés à l’autodétermination, le conduit à poser la question :

Si la liberté de mouvement à l’intérieur d’un État est si importante qu’elle l’emporte sur les revendications des communautés politiques

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locales, quelles raisons pouvons-nous avoir de restreindre la liberté de mouvement entre les États ?

Il va plus loin, énonçant un principe également revendiqué aujourd’hui dans le cas des travailleurs migrants temporaires.

Il est juste d’affirmer que notre société devrait permettre aux tra-vailleurs immigrants d’accéder à la pleine citoyenneté. Toute autre politique serait incompatible avec nos principes démocratiques libé-raux. Une politique d’immigration restrictive ne ferait pas exception à la règle.

Certes, pour Carens, la liberté de mouvement n’est peut-être pas réalisable dans l’immédiat, mais demeure un but vers lequel nous devrions tendre.

Il faudra attendre la fin des années 2000 pour que cette approche refasse surface de façon systématique. Un livre récent a particulièrement ébranlé les certitudes quant à l’immuabilité du principe utilitariste. Dans le collectif di-rigé par Antoine Pécoud et Paul de Guchteneire (2009), les auteurs proposent une série d’arguments en faveur de l’approche des « migrations sans frontiè-res ». Plusieurs chapitres de ce livre examinent les arguments contre le scéna-es arguments contre le scéna-rio de la libre-circulation et concluent qu’aucun d’entre eux, qu’il soit éthique, économique ou social, ne va à l’encontre d’une ouverture des frontières. La situation actuelle, bien exposée dans cet ouvrage, permet d’entrevoir que ce scénario n’est pas aussi lointain qu’on pourrait l’imaginer. Certes, plusieurs régions sont encore régies par des frontières intérieures et extérieures rigides (e.g. l’Afrique australe, l’Asie et l’Amérique du Nord). En revanche, l’Europe constitue un exemple de disparition des frontières intérieures parallèlement au maintien de frontières extérieures rigides. Enfin, même s’il n’existe pas à proprement parler de cas sans frontières intérieures ni extérieures, on peut néanmoins inclure ici l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique latine, dans la mesure où la question de la liberté de circulation est largement débattue et admise dans certains cas(23).

Sans aller jusqu’à proposer la libre-circulation qu’il juge irréalisable, Bimal Gosh (2000) a été l’un des premiers à systématiser une approche globale de la gestion migratoire. Son texte (chapitre 20) vise à mettre en lumière quelques-unes des carences des politiques et des pratiques migratoires existantes et plaide en faveur d’un régime multilatéral de gestion des migrations qui soit plus global, plus équilibré et plus transparent. Il souligne l’absence de politi-ques adaptées et de cadres d’action solides pour faire face à la nouvelle donne migratoire. Du fait de la montée de la pression à l’émigration :

[…] pour la majorité des pays d’accueil, aucune source de ten-sions et d’angoisse n’a été plus forte que la peur, à la fois objective et subjective, de voir, dans les prochaines années et décennies, dé-ferler d’immenses vagues d’immigrants originaires de pays pauvres et vulnérables.

Cette pression est due à l’évolution défavorable de la pauvreté et de la ré-partition des revenus. De cette situation résulte une demande accrue pour les

(23) Pour une étude de cas détaillée de l’Afrique de l’Ouest, voir Kabbanji, 2010.

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passeurs et les intermédiaires, créant ainsi des conditions favorables au trafic des êtres humains.

Comme l’avait déjà souligné Sassen dans son chapitre, Gosh affirme qu’il existe dans les pays industrialisés une demande considérable de main-d’œuvre non satisfaite. Et d’ajouter, cette demande « ne concerne pas que des emplois sales, difficiles et dangereux (“les 3D”(24)), mais plusieurs autres ca-tégories de professions et de secteurs comme le bâtiment, l’hôtellerie et le tourisme ou encore la distribution. » Il faut noter qu’il existe également une forte demande de travailleurs très qualifiés, en particulier dans des secteurs comme l’informatique. Ces transformations du marché de travail et la de-mande en main-d’œuvre concourent à l’essor de l’économie souterraine et du travail au noir, accentuant la fragmentation du marché du travail. Ce phé-nomène, nous dit-il, contribue lui aussi à l’augmentation de la demande de travailleurs étrangers en situation irrégulière.

La remarque fondamentale soulevée par Gosh est que, plutôt que de s’at-taquer aux causes premières qui créent ou alimentent les tensions favorables aux mouvements migratoires désordonnés dans les pays émetteurs ou qui at-tirent des flux de migrants dans les pays d’accueil via des filières clandestines, la réponse des gouvernements a été l’adoption de mesures répressives et res-trictives. Sa thèse principale est que les migrations sont en train d’échapper à tout contrôle et l’importance de la migration irrégulière dans le monde té-moigne de l’inefficacité des contrôles. La formulation de Gosh se résume ainsi :

[…] lorsqu’il existe une forte pression à l’émigration dans les pays émetteurs et de puissants facteurs d’attraction dans les pays d’ac-cueil, et surtout quand les deux phénomènes convergent, l’adoption de règles plus restrictives ne permet pas à elle seule de juguler les flux ; ils sont simplement détournés vers les filières illégales.

Selon lui, la seule façon de faire face aux transformations des migrations internationales est de développer une gouvernance mondiale. Il prône la nécessité du multilatéralisme en matière de politiques migratoires. Il faut reconnaître que de nombreuses initiatives de discussions multilatérales ont émergé dans les années 1990. L’analyse de ces initiatives multilatérales montre qu’elles ont des visées restrictives axées uniquement sur le contrôle des frontières, en particulier afin de combattre les migrations irrégulières et le trafic des êtres humains (Pellerin, 2004). Certaines instances des Nations-Unies ont joué un rôle-clé dans l’organisation de discussions inter-étatiques en matière de migration. Mais dans tous les cas, le respect de la souveraine-té nationale sur la gestion des migrations internationales n’est jamais remis en question(25).

Sans aller jusqu’à une gouvernance mondiale, on a assisté, depuis les an-nées 1990, à une gestion des migrations dans un contexte d’intégration ré-gionale, que ce soit en Europe avec l’Union européenne, en Afrique avec la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO), en Amérique du Nord

(24) Les « 3 D » correspondent en anglais aux termes « dirty, difficult and dangerous »(25) Pour une analyse plus approfondie sur les interventions des Nations-Unies en matière de multilatéralisme, voir Piché (2009).

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avec l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), en Amérique latine avec le Marché commun du Sud (MERCOSUR) ou encore en Asie avec l’Asso-ciation sud-asiatique de coopération régionale (ASACR)(26). L’interdépendance croissante des États, de même que leur intégration dans un système global favorise le développement de politiques migratoires régionalisées (Overbeek et Pellerin, 2001).

L’approche de Gosh a donné lieu à ce que l’on pourrait appeler un nouveau paradigme en matière de gestion migratoire, le « migration management ». Dans cette approche, la gestion migratoire signifie gérer pour atteindre des objectifs plus ordonnés, prévisibles et humains, grâce à une gouvernance glo-bale du régime migratoire. Elle est donc fondée sur une prémisse de base, à savoir que la migration, bien gérée, peut être positive pour tout le monde : les pays d’origine, les pays de destination et les migrants eux-mêmes (d’où le fameux slogan « win-win-win »). Selon plusieurs analyses, la gestion migra-toire constitue un paradigme qui tente de diffuser une approche globale hé-gémonique présentant la migration comme une caractéristique normale du monde globalisé d’aujourd’hui. Cette approche a essentiellement émergé dans le contexte historique d’une Union européenne préoccupée par la migration irrégulière considérée comme une menace et difficile à gérer, compte tenu de l’extension des frontières prévues dans les traités et conventions (Geiger et Pécoud, 2010 et 2012).

En pratique, la gestion migratoire met en place trois séries de mesures : (1) un contrôle plus efficace des frontières, y compris des mesures de « dé-terriorisation » visant à intercepter les migrants avant leur accès à l’Union européenne ; (2) la signature d’accords avec les pays tiers et les pays de transit afin de les amener à mettre un terme aux migrations irrégulières et de per-mettre le renvoi des migrants interceptés dans ces pays ; et (3) l’élaboration de programme de co-développement en partenariat avec les pays de transit et/ou d’émigration. Enfin, au cœur de cette approche se trouvent les organi-sations internationales – et en particulier, l’Organisation internationale des migrations (OIM) – qui jouent un rôle central dans la diffusion du discours de l’approche gestionnaire et se retrouvent souvent en position de poursuivre des objectifs migratoires controversés au sein même des pays de l’Union euro-péenne, qui préfèrent laisser à ces organisations le soin de les gérer.

L’approche globale de la gestion migratoire n’implique pas nécessairement que le contenu des politiques soit de nature restrictive et contraire aux droits des migrants. Mais dans les faits, c’est dans cette direction que les politiques migratoires se développent. En effet, les mesures de gestion mises en place deviennent de plus en plus sélectives et répressives pour les populations mi-grantes les plus vulnérables : les migrants irréguliers, les revendicateurs de statut et les travailleurs temporaires. Les politiques répressives varie d’un pays à l’autre, tant par leur degré d’application que par leur sévérité, créant ainsi un certain flou, ou un espace incertain à l’intérieur duquel se meuvent à grand risque les populations migrantes.

(26) Kabbanji (2011) présente une synthèse détaillée des politiques migratoires dans le contexte de l’intégration régionale.

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Comme nous l’avons dit, c’est le spectre de la montée des flux migratoires irréguliers (clandestins) qui façonne une partie du discours politique actuel et sert à justifier les mesures restrictives. Malheureusement, la recherche scientifique concernant ces flux migratoires fait défaut. Le texte de Georges Tapinos (2000) est une exception et complète bien les analyses de Bimal Gosh, surtout en ce qui concerne les migrations irrégulières (chapitre 21). Selon Tapinos, examiner les enjeux économiques et politiques de la migration clandestine, c’est s’interroger sur ce qu’il y a de spécifique dans la migration clandestine par rapport à la migration régulière. Au-delà des problèmes de mesure, c’est l’impact économique de la migration irrégulière qui fait souvent l’objet de débats. Pour l’auteur, les avantages de la migration irrégulière se trouvent du côté de l’employeur. L’état d’irrégularité est propice à des pra-tiques discriminatoires, compte tenu de la situation de précarité du migrant irrégulier et de son faible pouvoir de négociation.

Selon lui, les migrants employés irrégulièrement sont un des éléments de l’économie souterraine, ils n’en sont pas la cause. Cependant, l’existence d’une économie souterraine renforce la possibilité de recruter des migrants clan-destins et ce, d’autant plus que les réseaux de migrants facilitent l’embauche de ceux-ci dans le secteur informel. À la question posée précédemment par Borjas concernant l’impact de l’emploi des immigrants clandestins sur l’em-ploi et les salaires des natifs et des immigrants légaux, Tapinos propose une réponse positive. La conclusion de Tapinos va dans le sens de celle de Gosh. En effet, le problème de la maîtrise des migrations ne se pose pas de façon bilatérale : la gestion de la migration internationale passe par la coordination entre les gouvernements. Il s’agit donc d’une gestion multilatérale, car selon Tapinos, il est anachronique d’envisager le contrôle de l’immigration exclusi-vement en termes de souveraineté.

IV. Une approche plurielle

La période 1960-1980 aura été caractérisée par des confrontations entre di-verses théories migratoires, chacune réclamant l’hégémonie. En particulier, aux théories micro-individuelles centrées sur la rationalité économique et la notion d’équilibre, on a souvent opposé les théories macro-structurelles, centrées sur la demande de main-d’œuvre migrante créée par les transfor-mations de l’économie capitaliste mondiale (Wood, 1982). Comme cela est souvent le cas, les débats théoriques dépendent de la quantité et de la qualité des données statistiques sur lesquelles ils se fondent. Grâce entre autres au développement de l’arsenal des analyses de régressions multivariées, et en particulier les analyses biographiques, les hypothèses sous-tendant les théo-ries ont pu être testées simultanément. Par exemple, les analyses empiriques présentées dans l’ouvrage dirigé par Massey (1998), portant sur toutes les ré-gions du monde (sauf l’Afrique), concluent que chaque théorie explique une partie du processus migratoire. En outre, ils affirment que certaines théories semblent plus pertinentes selon la région considérée, et, ajouterions-nous, selon l’époque historique.

CHAPITRE I X�LES FONDEMENTS DES THÉORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES

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Nous avons présenté les diverses approches théoriques en suivant de façon schématique une certaine évolution dans les idées. Comme nous venons de le dire, plutôt que de s’opposer, chaque approche apporte un éclairage spéci-fique et toute explication des phénomènes migratoires doit en tenir compte. Dans la figure qui suit, nous proposons un cadre analytique qui considère la migration comme un phénomène multifactoriel et multidimensionnel et intègre les trois ingrédients principaux de la migration : l’origine et la desti-nation, les niveaux d’analyse micro, méso, macro et global, et les dimensions économiques, sociales et politiques (Piché, 2004). D’un point de vue métho-dologique, on voit que le temps est au centre du modèle. D’une part, les effets macro de la migration ne se font sentir qu’à long terme (temporalité histo-rique) et, d’autre part, l’intégration dans une nouvelle société est fonction de la durée de séjour de l’immigrant (temporalité biographique). Il faut rajouter que, comme l’a bien démontré Borjas (1985), les analyses doivent également tenir compte de l’effet de cohortes. Plusieurs techniques de collecte nouvelles sont venues à la rescousse des chercheurs voulant intégrer le temps et le suivi des cohortes dans les analyses. On pense aux enquêtes rétrospectives (Antoine et al., 1999), aux enquêtes longitudinales (Piché, Renaud et Gingras, 2002) et aux enquêtes multiniveaux et multi-sites (Massey, 1987, Beauchemin et al., 2012).

La figure 1 s’inspire d’un modèle multivarié présenté par Goldlust et Richmond en 1974. Le modèle initial portait sur les facteurs d’intégration. Ici, nous le généralisons à l’ensemble des facteurs agissant sur le processus mi-gratoire en considérant à la fois les facteurs à la base de la décision de migrer ainsi que ceux affectant le processus d’intégration. Nous avons également ra-jouté les facteurs liés à la mondialisation. Les théories présentées dans les sections précédentes constituent autant de pièces d’un casse-tête que le cadre analytique permet de réunir dans une approche plurielle. Ainsi, il est clair que la migration (utilisée ici à la fois dans sa dimension « prise de décision » et intégration) s’inscrit d’emblée dans une perspective systémique reliant les sociétés d’origine et de destination, comme l’ont proposé Mabogunje et Lee. Quant aux facteurs en cause, le modèle proposé inclut les trois types de fac-teurs suggérés par les théories migratoires, soit les facteurs macro-structurels, les facteurs micro-individuels et les réseaux sociaux et familiaux. Ces facteurs sont à l’œuvre à la fois au départ, mais aussi à la destination. Finalement, comme nous l’avons déjà dit, le temps et la durée sont deux facteurs clé du processus migratoire.

Le contexte mondial (les facteurs de type « A ») affecte autant les sociétés d’origine que celles d’accueil(27). Par exemple, cette série de facteurs fait réfé-rence, entre autres, aux relations internationales, aux rapports entre pays du Nord et du Sud, aux politiques extérieures, à la mondialisation et au transna-tionalisme (voir les chapitres de Simmons ; Gosh ; Sassen ; Zolberg, Suhrke et Aguayo). Ces facteurs déterminent à la fois les conditions de départ dans les pays d’origine et les politiques de sélection et d’intégration des pays d’accueil : c’est ce que nous appelons dans la figure 1 le contexte dans la société d’origine (facteurs de type « B ») et le contexte dans la société d’accueil (facteurs de type « C »). Dans le premier cas (B1), on peut mentionner comme exemples pour

(27) Nous reprenons ici les analyses présentées dans Piché, 2004.

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Figure 1. Cadre conceptuel pour l’étude des facteurs de migration et d’intégration

Impacts Temps historique MIGRATION Temps biographique Modes d’intégration

Contexte dans la société d’origine (B)

Facteursmacro-

structurels (B1)

GenreRéseaux/

Capitalsocial (B3)

Facteursmicro-

individuels (B2)

Retours/transferts

Contexte mondial (A)

Contexte mondial (A)

Genre

Contexte dans la société d’accueil (C)

Facteursmacro-

structurels (C1)

Réseaux/Capital

social (C3)

Facteursmicro-

individuels (C2)

Genre GenreRétr

oact

ion/

Caus

alité

cum

ulat

ive Rétroaction/Causalité cum

ulative

* Adapté de Goldlust et Richmond, 1974 et Piché, 2004.

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la société d’origine, les facteurs tels que : les niveaux de développement, d’in-dustrialisation, d’urbanisation et de scolarisation ; les systèmes politiques ; les politiques de l’État affectant les migrations ; les guerres ; les catastrophes « na-turelles », etc. Pour la société d’accueil, des exemples de facteurs (C1) seraient les conditions économiques et démographiques, la segmentation du marché de travail, le degré de pluralisme, les niveaux de discrimination, d’urbanisa-tion et de stratification, les politiques gouvernementales et, en particulier, la demande de main-d’œuvre et les politiques d’immigration. Les travaux de Sassen, Castles, Gosh, Zolberg et al. et Tapinos identifient plusieurs de ces facteurs macro-structurels.

Les caractéristiques « pré-migratoires » individuelles (B2) réfèrent essen-tiellement au capital humain (l’éducation, la qualification professionnelle, l’expérience de travail), aux origines sociales et aux caractéristiques démo-graphiques. Il en va de même pour les caractéristiques « post-migratoires » individuelles (C2) qui comprennent les mêmes caractéristiques qu’au départ, mais qui doivent être renégociées dans la nouvelle société. Par ailleurs, il faut ajouter le statut d’immigration qui constitue une variable clé de l’intégration. Il s’agit, la plupart du temps, de théories mettant l’accent sur le capital humain (Sjaastad) ou sur les analyses rationnelles des coûts et bénéfices réalisées par le migrant individuel (Lee).

Les variables de réseaux impliquent les conditions dans lesquelles s’ef-fectue la migration en tant que tel (B3) et le processus d’intégration dans la société d’accueil (C3). Dans les deux cas, il s’agit essentiellement du rôle de la famille, des réseaux formels (les églises, les communautés ethniques, les syndicats, les associations patronales, etc.) et des réseaux informels (les in-termédiaires, les amis, etc.), l’ensemble de ces facteurs constituant le capital social. En général, les réseaux sont supposés faciliter l’émigration (à l’origine) et l’intégration (à la destination). On retrouve ici les contributions essentielles de Stark et Bloom, Boyd et Massey. Par ailleurs, en accord avec la critique de Krissman (2005), ces réseaux peuvent également comprendre des passeurs et des employeurs peu scrupuleux, contrecarrant les projets des migrants.

Le genre constitue un facteur-clé et se situe à la fois entre les facteurs de réseau et les facteurs micro-individuels, d’une part, et entre les réseaux et les facteurs macrostructurels d’autre part. Comme l’ont montré Morokvasic et Boyd, il ne s’agit pas uniquement de considérer le sexe comme une variable individuelle comme les autres, mais bien comme une construction sociale reflétant les rapports hommes-femmes et la division sexuelle du travail tant dans la société d’origine que dans la société d’accueil.

Tous les types de facteurs mentionnés ici expliquent, chacun à leur ni-veau, les modalités multiples d’intégration des immigrants (Wilson et Portes). Ils interviennent également pour comprendre les effets de l’immigration tant sur les revenus des natifs (Borjas) que sur la structure sociale (Castles et Kosack). Le schéma fait également une place centrale au temps et à la durée : le processus d’intégration est fortement fonction de la durée de séjour dans la société d’accueil, de même que l’impact de la migration ne se comprend qu’à long terme. Malheureusement, peu d’études incorporent cette dimension dans leurs analyses.

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La flèche de retour vers la société d’origine permet de tenir compte de plusieurs réalités migratoires. Une première réalité a trait à la migration cir-culaire et temporaire (Burawoy) qui caractérise de nombreux systèmes mi-gratoires dans le monde actuel, en incluant les nouveaux programmes de travailleurs temporaires mis en place par plusieurs pays. Cette flèche fait éga-lement référence aux transferts monétaires (Oberai et Manmohan) provenant des populations migrantes, en lien avec les débats sur le transnationalisme et le développement. Enfin, le modèle complet prévoit les effets de rétroaction sur les sociétés d'origine et d'accueil, effets qui sont à la base du phénomène de causalité cumulative (Mabogunje, Simmons, Massey).

Comme tout cadre conceptuel, celui présenté ici peut difficilement repré-senter graphiquement les principes fondamentaux à la base des mouvements de population au niveau international. En particulier, le postulat de base des travaux stipule que l’immigration est un privilège et que les pays, dans leur prérogative souveraine, peuvent décider qui peut entrer ou non. Le texte de Carens remet en question ce postulat dans son plaidoyer pour la libre-circu-lation des personnes. De même, le graphique ne tient pas compte des chan-gements qui peuvent se produire dans les régimes migratoires à travers le temps. Simmons et Zelinski ont suggéré diverses phases dans les transitions migratoires, ce qui implique que chaque époque historique (ou phase) aura une combinaison de facteurs différente : le schéma reste valide si l’on admet que le poids de chaque type de facteurs varie dans le temps. Il faut recon-naître que l’approche historique fait grandement défaut dans la recherche ac-tuelle sur les migrations.

Conclusion

Les textes fondateurs présentés ici s’arrêtent à l’an 2000. Est-ce à dire que depuis cette date il n’y a pas eu de développement théorique important dans les études migratoires ? Si l’on se fie aux revues de littérature qui ont vu le jour depuis 2000, on serait tenter de répondre par l’affirmative. Si on ana-lyse, par exemple, l’ouvrage dirigé par Alejandro Portes et Josh DeWind en 2007, ou encore celui de Corrado Bonifazi, Marek Okolski, Jeannette Schoorl et Patrick Simon paru en 2008, les thèmes traités ne se démarquent pas de ceux qu’ont abordés les textes fondateurs. D’une certaine façon, on peut dire que les chercheurs ont à leur disposition un corpus théorique fort développé qu’il s’agit maintenant d’approfondir et surtout d’appliquer dans des contextes historiques et géographiques spécifiques.

Deux dimensions de la migration mériteraient d’être davantage théorisées dans l’avenir. La première dimension a trait à l’apparition du nouveau para-digme migratoire dont nous avons parlé, à savoir celui de la mondialisation des flux migratoires, qui est en train de changer fondamentalement la donne en ce qui concerne le rôle des migrations internationales dans les sociétés actuelles. Même si quelques auteurs ont abordé cette question, il reste l’im-portant défi d’expliquer les tendances actuelles. En particulier, deux ques-tions doivent être davantage étudiées : (1) quels sont et seront les nouveaux

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besoins en main-d’œuvre des économies des pays développés ? (2) Comment les États nationaux et supranationaux vont-ils réagir à ces nouveaux besoins ? À l’heure actuelle, la réponse des gouvernements va dans le sens de la restric-tion de la migration permanente au profit de la circularité et de la migration temporaire, avec comme conséquence l’apparition de nouvelles catégories de non-citoyens. Ce nouveau paradigme impliquerait la « substitution du concept de migration par celui de mobilité », cette dernière constituant la situation la plus propice pour l’optimisation des bénéfices (Pellerin, 2011). Peut-on par-ler ici de contradictions fondamentales entre le néo-libéralisme, qui fait la promotion de la libre-circulation du capital, des biens et des services, et le nouveau modèle protectionniste de gestion migratoire axé sur la flexibilité et la circularité ? Et surtout, pour combien de temps encore la contradiction va-t-elle se maintenir ?

La deuxième dimension qui doit être davantage intégrée dans les théories migratoires concerne les droits qui devraient être octroyés aux migrants. Il s’agit d’un paradigme qui sort des sentiers purement utilitaristes en proposant d’inclure, dans les paramètres politiques, la question des droits des migrants. Les recherches sur cette question demeurent encore trop idéologiques et pas suffisamment axées sur l’étude des conditions concrètes dans lesquelles vi-vent les travailleurs migrants et les membres de leur famille. Ce qui importe ici, c’est d’introduire la question des droits comme partie intégrante des poli-tiques migratoires(28).

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(28) Les travaux de Martin Ruhs sont particulièrement novateurs sur cette question (Ruhs et Ha-Joon, 2004 et Ruhs, 2011).

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