LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

63
LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE Les travaux des psychologues factorialistes dans le domaine de l’intelligence ont permis d’édifier des représentations fournissant une description de la structure des aptitudes intellectuelles commune à tous les individus à partir de l’information apportée par les tests (cf. chapitre 3). Pour autant, ces approches descriptives n’informent que très peu sur les processus intellectuels qui sous-tendent la performance observée aux tests. Comment alors atteindre, au-delà du constat des différences de performance, les mécanismes ayant engendré celles-ci ? Avec l’essor, vers la fin des années 50, de la psychologie cognitive générale et le développement de méthodes de recherche permettant une exploration fine des processus mentaux mis en œuvre dans le fonctionnement cognitif, les psychologues différentialistes ont progressivement pris conscience des avantages à tirer de l’application des outils conceptuels et méthodologiques de l’approche du traitement de l’information à l’étude des aspects cognitifs des différences individuelles. Ainsi est né un domaine d’investigation original se proposant d’appliquer les approches expérimentale et différentielle à l’étude de la relation entre mécanismes cognitifs et intelligence mesurée par les tests. L’intégration de l’approche fonctionnelle de la cognition et de l’analyse des différences individuelles offre des perspectives très intéressantes. Elle contribue tout d’abord à l’identification des mécanismes cognitifs qui sous-tendent les différences de performance aux tests. A ce titre, elle éclaire sous un autre jour les théories de l’intelligence et des aptitudes humaines. Elle contribue aussi à l’identification de variations individuelles dont le caractère systématique a pu échapper aux théories générales de la cognition mais doit être pris en compte. Ce chapitre illustre la diversité des points de vue et des méthodes d’investigation mises en œuvre pour réaliser ce projet. Nous verrons qu’un premier ensemble de travaux a échoué à « localiser » les processus élémentaires responsables des différences d’efficience intellectuelle. Une autre direction de recherche combinant les approches expérimentale et différentielle s’est intéressée aux ressources de traitement du système cognitif humain en tant que composante stable et générale de la cognition. Les résultats obtenus n’éclairent cependant que très partiellement les différences individuelles de performance aux tests d’intelligence. On peut également douter de la valeur d’une explication générale des différences de performance aux tests d’intelligence tant est grande la diversité inter- et intra-individuelle des stratégies de résolution mises en œuvre, tant est complexe le jeu des relations entre processus de haut niveau (impliqués par exemple dans la planification et la sélection des stratégies, la surveillance et le contrôle de l’activité cognitive, etc.) et connaissances générales ou plus spécifiques. L’examen d’ensemble des faits d’expérience dont certains sont présentés et discutés dans ce chapitre suggère que le produit de l’activité cognitive doit être compris comme le résultat d’une interaction entre différents niveaux d’intégration de la connaissance, différents degrés de savoir-faire, différents types de processus cognitifs, les processus de contrôle de l’activité cognitive s’alimentant pour leur part à des connaissances situées à un niveau supérieur d’organisation. En conséquence, les différences d’efficience intellectuelle mises en évidence par les tests sont à comprendre comme des différences dans le fonctionnement d’un système d’unités cognitives interdépendantes qu’il est souhaitable d’appréhender à des niveaux d’organisation différents. LECTURES CONSEILLÉES Ouvrages généraux : HUTEAU, M., & LAUTREY, J. (1999). Evaluer l’intelligence : psychométrie cognitive. Paris : Presses Universitaires de France. 1/ 6

Transcript of LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Page 1: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

LES FONDEMENTSCOGNITIFS DE

L’INTELLIGENCE Les travaux des psychologues factorialistes dans le domaine de l’intelligence ontpermis d’édifier des représentations fournissant une description de la structure desaptitudes intellectuelles commune à tous les individus à partir de l’informationapportée par les tests (cf. chapitre 3). Pour autant, ces approches descriptivesn’informent que très peu sur les processus intellectuels qui sous-tendent laperformance observée aux tests. Comment alors atteindre, au-delà du constat desdifférences de performance, les mécanismes ayant engendré celles-ci ?

Avec l’essor, vers la fin des années 50, de la psychologie cognitive générale et ledéveloppement de méthodes de recherche permettant une exploration fine desprocessus mentaux mis en œuvre dans le fonctionnement cognitif, les psychologuesdifférentialistes ont progressivement pris conscience des avantages à tirer del’application des outils conceptuels et méthodologiques de l’approche du traitementde l’information à l’étude des aspects cognitifs des différences individuelles. Ainsiest né un domaine d’investigation original se proposant d’appliquer les approchesexpérimentale et différentielle à l’étude de la relation entre mécanismes cognitifs etintelligence mesurée par les tests. L’intégration de l’approche fonctionnelle de lacognition et de l’analyse des différences individuelles offre des perspectives trèsintéressantes. Elle contribue tout d’abord à l’identification des mécanismes cognitifsqui sous-tendent les différences de performance aux tests. A ce titre, elle éclaire sousun autre jour les théories de l’intelligence et des aptitudes humaines. Elle contribueaussi à l’identification de variations individuelles dont le caractère systématique apu échapper aux théories générales de la cognition mais doit être pris en compte.

Ce chapitre illustre la diversité des points de vue et des méthodes d’investigationmises en œuvre pour réaliser ce projet. Nous verrons qu’un premier ensemble detravaux a échoué à « localiser » les processus élémentaires responsables desdifférences d’efficience intellectuelle. Une autre direction de recherche combinantles approches expérimentale et différentielle s’est intéressée aux ressources detraitement du système cognitif humain en tant que composante stable et générale dela cognition. Les résultats obtenus n’éclairent cependant que très partiellement lesdifférences individuelles de performance aux tests d’intelligence. On peut égalementdouter de la valeur d’une explication générale des différences de performance auxtests d’intelligence tant est grande la diversité inter- et intra-individuelle desstratégies de résolution mises en œuvre, tant est complexe le jeu des relations entreprocessus de haut niveau (impliqués par exemple dans la planification et la sélectiondes stratégies, la surveillance et le contrôle de l’activité cognitive, etc.) etconnaissances générales ou plus spécifiques.

L’examen d’ensemble des faits d’expérience dont certains sont présentés et discutésdans ce chapitre suggère que le produit de l’activité cognitive doit être compriscomme le résultat d’une interaction entre différents niveaux d’intégration de laconnaissance, différents degrés de savoir-faire, différents types de processuscognitifs, les processus de contrôle de l’activité cognitive s’alimentant pour leur partà des connaissances situées à un niveau supérieur d’organisation. En conséquence,les différences d’efficience intellectuelle mises en évidence par les tests sont àcomprendre comme des différences dans le fonctionnement d’un système d’unitéscognitives interdépendantes qu’il est souhaitable d’appréhender à des niveauxd’organisation différents.

LECTURES CONSEILLÉES

Ouvrages généraux :

HUTEAU, M., & LAUTREY, J. (1999). Evaluer l’intelligence : psychométriecognitive. Paris : Presses Universitaires de France.

1/6

Page 2: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

La quatrième partie de l’ouvrage (« Les perspectives de renouvellement ») présenteun bilan des travaux sur les différences de traitement de l’information responsablesdes différences de performance aux tests.

MACKINTOSH, N.J. (2004). QI et intelligence humaine. Bruxelles : DeBoeckUniversité.

Texte très accessible qui aborde de manière critique la notion de QI sous forme desynthèse bien documentée de l’approche cognitive expérimentale des aptitudesintellectuelles.

Pour aller plus loin :

LAUTREY, J. (Ed.) (1995). Universel et différentiel en psychologie. Paris : P.U.F.

Pour avoir un aperçu général de la psychologie différentielle. Certains textes de cetouvrage collectif complètent plusieurs des thèmes abordés dans ce chapitre.

LAUTREY, J., & RICHARD, J.-F. (Eds.) (2005). L’intelligence. Paris : Lavoisier.

La diversité des approches qui caractérise cet ouvrage témoigne de la multitude despoints de vue qui ont été adoptés pour étudier l’intelligence. La première partie(« L’intelligence vue comme compétence individuelle ») est en lien avec certains despoints abordés dans ce chapitre.

REUCHLIN, M. (1999). Evolution de la psychologie différentielle. Paris : PUF.

Cet ouvrage regroupe un ensemble d’articles théoriques portant par exemple sur lesrelations entre psychologie générale et psychologie différentielle, la différenciationinterindividuelle, les différences individuelles dans le fonctionnement cognitif, etc.

WILHELM, O., & ENGLE, R.W. (Eds.) (2005). Handbook of understanding andmeasuring intelligence. London: Sage Publications.

Le lecteur trouvera dans cet ouvrage récent des revues de question consacrées à despoints traités dans ce chapitre : le rôle de la mémoire de travail dans la cognition(chapitres 5, 6, 22 et 23), les liens entre connaissance et intelligence (chapitres 7, 8et 20).

2/6

Page 3: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

AL’INFLUENCE DE LA

PSYCHOLOGIE COGNITIVE

La psychologie cognitive dont le développement a révolutionné les conceptionsclassiques de l’intelligence humaine, s’est progressivement dessinée en psychologieexpérimentale à partir des années 60. Elle peut être présentée aujourd’hui commel’étude des processus mentaux mis en jeu dans l’attention, la perception, lamémoire, le langage, le raisonnement, etc., ainsi que celle de la connaissance, de sonorganisation, de son utilisation et des mécanismes par lesquels elle s’acquiert (cf.Grand Amphi, Psychologie Cognitive). S’il existe une grande variété de modèles dufonctionnement cognitif, les psychologues qui étudient la cognition humaine onttous en commun de définir un niveau de description fondamental qui est celui dutraitement de l’information et d’explorer les processus mentaux au moyen deparadigmes permettant de tester des hypothèses sur le fonctionnement du systèmecognitif humain.

La démarche qu’adopte la psychologie cognitive est la même que celle des autresdisciplines scientifiques. Elle consiste d’abord à élaborer une théorie, un ensemblede principes explicatifs qui visent à rendre compte d’une catégorie donnée dephénomènes cognitifs. Des prédictions vérifiables (ou hypothèses) déduites de cettethéorie sont ensuite soumises à l’épreuve des faits. Pour cela, on imagine dessituations contrôlées visant à provoquer des conduites. Ces situationsexpérimentales permettent de recueillir aussi rigoureusement que possible desdonnées d’observation, grâce auxquelles le caractère de vraisemblance deshypothèses peut être empiriquement testé et évalué statistiquement. La réplicationdes résultats obtenus permettra d’étayer la formulation de nouvelles hypothèsessusceptibles d’enrichir la théorie.

1. Un schéma minimal d’architecture cognitive

Pour des raisons qui tiennent à la démarche adoptée, les modèles de la psychologiecognitive évoluent et l’interprétation d’un phénomène cognitif donné peut êtrerapidement remise en question par de nouvelles données empiriques noncompatibles avec les prédictions du modèle. On peut néanmoins tenter de dégagerquelques propositions fonctionnelles minimales susceptibles d’être appliquées à unelarge variété de phénomènes cognitifs.

Le schéma d‘architecture cognitive présenté ci-après met l’accent sur plusieurscatégories de processus en relation avec différentes étapes du traitement del’information. L’information sensorielle doit d’abord être transformée en uneinformation de nature symbolique (par exemple, la perception d’un stimulus visueldonnera lieu à la construction d’une image mentale). Des processus cognitifsopèrent alors pour sélectionner l’information pertinente (fonctions attentionnelles),organiser, interpréter et maintenir active cette information en mémoire temporaire(fonction mémoire de travail). L’action de ces processus, y compris les plusprécoces, est guidée par les connaissances stockées en mémoire à long terme(arrière-plan de connaissances).

Schéma d’architecture cognitive

3/6

Page 4: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

processus attentionnelssélectionencodage

mém

oire sensorielle

Mémoire de travail

Mémoire à long termearrière-plan de connaissances structurées par domaines

récupération, intégration,organisation

activation, coordination

Evénementsexternes

Réponse

Le psychologue qui étudie les différences individuelles dans le fonctionnementintellectuel peut s’appuyer sur ce cadre théorique très général pour chercher àidentifier les mécanismes cognitifs susceptibles d’expliquer les différences deperformance aux tests d’aptitudes et d’intelligence.

2. L’interprétation cognitive des différences de performance aux tests

L’approche différentielle du fonctionnement intellectuel, prédominante enpsychologie de l’intelligence jusqu’à la fin des années 50, a progressivement suscitédes critiques de plus en plus vigoureuses. Les critiques d’ordre théorique remettaienten question la conception, à la fois dispositionnelle et statique, que certainsdifférentialistes de l’époque avaient largement contribué à valider et diffuser. Onreprochait aussi à ces derniers d’utiliser une méthode essentiellement descriptive nepermettant pas la confrontation d’explications psychologiques rivales desdifférences de performance aux tests d’aptitudes (cf. chapitre 2, l’analyse factorielleconfirmatoire). Pour beaucoup de psychologues différentialistes pourtant, lesrésultats des analyses factorielles pouvaient être interprétés en termes de processuspsychologiques sous-jacents. Ceux-ci ont donc été de plus en plus nombreux àréaliser les possibilités offertes par les concepts de la psychologie cognitive pourdécrire et expliquer les différences individuelles dans le fonctionnement intellectuel.

Au milieu des années 70, Carroll, un psychologue spécialiste de l’analysefactorielle, suggère de faire appel aux concepts de la psychologie cognitive pour« interpréter » les sources de variation de la performance aux tests. Pour mener àbien cette première spécification, Carroll s’appuie sur un modèle de fonctionnementcognitif très influent à l’époque, le modèle en systèmes de production de Newell etSimon (1972) pour préciser comment et dans quelle mesure les différences liées auxstructures, aux processus et à leur organisation pourraient contribuer aux différencesrévélées par l’analyse factorielle.

Note marginale *******************************************************

Le modèle en systèmes de production est défini comme un ensemble ordonné deséquences de production (condition-action : si...alors) impliquées dans la sélectionde l’information, le traitement et le stockage de l’information en mémoire à courtterme, le stockage et la récupération en mémoire à long terme, etc.

************************************************ fin de la note marginale

Prenons pour exemple le facteur primaire de vitesse perceptive dont un desmeilleurs indicateurs est le test des Figures Identiques. L’analyse cognitive qu’enpropose Carroll fait référence à la nature des stimuli, aux contenus mentauxcorrespondants, aux opérations sur ces contenus et aux produits qui en résultent.Elle se traduit par les hypothèses suivantes: 1) les processus sous-jacents sont desprocessus de recherche visuelle ; 2) les différences individuelles sont principalementassociées à des paramètres temporels (vitesse d’encodage, vitesse de comparaison);3) la structure impliquée est la mémoire à court terme (stockage temporaire d’uneinformation visuo-spatiale).

Encadré*************************************************************

Test des Figures Identiques : test papier-crayon de la batterie des AptitudesMentales Primaires de Thurstone. Pour chaque item, le sujet a pour consigne deretrouver dans une série de formes simples celles qui sont identiques à une figure deréférence (les bonnes réponses sont en noir dans l’exemple ci-dessous). Le score autest est le nombre d’items auxquels le sujet a répondu correctement en un tempsdonné (2 planches d’items à résoudre en 3 mn).

4/6

Page 5: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Les tests de ce type saturent le facteur de vitesse perceptive décrit comme la rapiditéavec laquelle un individu peut comparer des figures et les retrouver au sein d’unensemble d’autres figures (cf. chapitre 3).

******************************************************Fin de l’encadré

Mais cette description a posteriori des variables latentes dont l’analyse factoriellerévèle l’existence n’est que peu satisfaisante si les conclusions tirées ne sont pasultérieurement mises à l’épreuve. Cette prise de conscience va conduire audéveloppement d’une approche dans laquelle les différences individuelles dans lefonctionnement cognitif sont étudiées à partir de données d’observation recueilliesdans des situations expérimentales.

3. L’étude expérimentale des bases cognitives de l’intelligence

Les premiers travaux réalisés dans ce domaine reposent sur l’hypothèse qu’unnombre réduit de mécanismes cognitifs généraux joue un rôle fondamental dans laperformance aux tests. Certains chercheurs ont ainsi étudié les corrélations entre lavitesse d'exécution et/ou l'efficacité de processus élémentaires mesurés dans uncadre expérimental spécifié et la performance aux tests d’intelligence ou d’aptitudes.D’autres ont proposé de décomposer l'activité mentale mise en jeu lors de larésolution d’items de tests d’intelligence en modélisant les étapes du traitement del’information. Quelle que soit l’approche privilégiée, on admet que les valeurs desparamètres de traitement de l’information ainsi mesurés sont fonction de l’efficacitéde processus cognitifs de base qu’il s’agit d’identifier (section B). L’interprétationde ces paramètres est souvent réductionniste.

Note marginale*******************************************************

Réductionnisme : réduction systématique d’un niveau de description etd’explication à un autre niveau de description et d’explication ; réduire par exemplele psychologique au biologique (les différences d’intelligence sont principalementdues à des différences dans la vitesse de transmission de l’influx nerveux), lepsychologique au social (les différences dans le développement cognitif sontessentiellement dues à des facteurs sociaux).

************************************************Fin de la note marginale

Un autre courant de recherches, plus soucieux que les précédents de référencesthéoriques explicites et validées par la psychologie cognitive, s’est ensuite tournévers les notions d’allocation des ressources attentionnelles et de capacité de lamémoire de travail pour expliquer les différences de performance aux testsd’intelligence. L’objectif des travaux effectués dans cette perspective est d’éluciderle rôle des ressources de traitement de l’information dans la performance aux teststout en considérant que les processus sous-jacents opèrent de manière relativementindépendante des contenus symboliques (section C).

Les postulats qui fondent ces approches générales se sont cependant révélés parfoispeu compatibles avec les faits. L’approche élémentariste de l'activité mentale s’estpar exemple heurtée à la diversité des procédures mises en jeu pour résoudre unetâche donnée. L’approche des ressources de traitement n’apporte de son côté qu’unéclairage limité au rôle des connaissances dans la perception et la compréhension del’information à traiter. Si l’individu face aux demandes de la tâche peut en effet nepas allouer les ressources de traitement suffisantes pour mettre en œuvre unestratégie de résolution adaptée, il peut aussi ne pas disposer des connaissancesnécessaires lui permettant la sélection de la stratégie la plus adaptée. On conçoitdonc, sur les bases de ce qui précède, l’intérêt à adopter un point de vue qui tienne àla fois compte des contraintes imposées par la tâche et des connaissances etressources de l’individu. Plusieurs voies de recherche ont été empruntées.

L’une d’entre-elles a consisté à décrire les stratégies individuelles utilisées lors de larésolution d’items de tests d’intelligence et à étudier l’évolution des choixstratégiques avec l’apprentissage. Quantitative jusqu’alors, l’approche des basescognitives de l’intelligence s’est intéressée à des aspects plus qualitatifs dutraitement de l’information en tentant de mieux comprendre le rôle des choixstratégiques et celui de la flexibilité de ces choix dans les différences deperformance aux tests (section D).

L’idée que les différences de performance aux tests d’intelligence renvoient, au

5/6

Page 6: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

moins en partie, à la structure, l’accessibilité et la disponibilité de certainesconnaissances acquises nécessaires à la résolution de ce type d’épreuves a servi deguide à un autre grand courant de recherche. L’accent a été mis cette fois sur laspécificité, liée à l’arrière-plan de connaissance, des processus mis en œuvre dansles tests d’aptitudes. L’expertise est devenue un objet d’étude privilégié en tantqu’affectant la manière avec laquelle les individus organisent, représentent etinterprètent l’information. En résumé, les processus étudiés sont des processus dehaut niveau impliqués dans l’utilisation et l’acquisition des connaissancesstratégiques (section E).

Les chercheurs ont fait appel à diverses méthodes, le plus souvent corrélationnelles,pour identifier et préciser le rôle des divers médiateurs cognitifs potentiels de laperformance aux tests d’intelligence. Le simple constat d’une corrélation entre deuxvariables n’étant pas suffisant (cf. chapitre 5), certaines formes de contrôle ont doncété employées. On sait que lorsque l’objectif est d’établir l’existence d’une relationde causalité entre deux variables, une première forme de contrôle consiste àneutraliser expérimentalement l’impact d’un mécanisme cognitif sur la performanceaux tests pour explorer plus précisément le rôle d’un autre mécanisme. Maisbeaucoup de situations dans ce domaine de recherche ne permettent pas de contrôlepurement expérimental. On parle de contrôle quasi-expérimental quand on distingueplusieurs groupes de sujets par rapport à une variable invoquée (par exemple,l’étendue des connaissances des sujets, leur expertise dans un domaine particulier)pour comparer les observations effectuées sur chaque groupe et tenter de mieuxcomprendre les mécanismes cognitifs qui sous-tendent les différences deperformance entre groupes. Le contrôle statistique est une autre forme de contrôlequi permet d’estimer, toutes choses restant égales par ailleurs, les relations entre desunités cognitives impliquées dans la performance aux tests d’intelligence (parexemple, la relation entre deux variables en ne tenant pas compte des relations quel’une et l’autre entretiennent avec une troisième). Nous verrons à plusieurs reprisesque le contrôle statistique offre aussi la possibilité de modéliser dans le cadre de ceque l’on appelle les « modèles structuraux » les relations d’ensemble de ces unités(cf. chapitre 2).

6/6

Page 7: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

B LES DIFFERENCES DANS LES PROCESSUS ÉLÉMENTAIRES

1. La recherche de preuves corrélationnelles

Au début des années 70, Hunt, Lunneborg et Lewis (1975) cherchent à unifier lesthéories de l’intelligence et de la cognition en tentant d’identifier des mesuresabsolues de certains aspects de la capacité de traitement de l’information plutôt quedes mesures relatives à la performance moyenne d’une population de référence.Hunt estime que la performance intellectuelle dépend de l’efficacité de la« mécanique mentale » qui permet la manipulation de l’information symboliquereprésentée en mémoire indépendamment de la signification qui y est attachée. Sonpoint de vue est élémentariste en ce sens qu’il postule que les caractéristiques decertaines fonctions élémentaires peuvent expliquer les différences observées à unniveau supérieur d’activité. La démarche qu’il adopte est corrélationnelle ; elleconsiste à étudier la relation entre la performance à une tâche expérimentale decalibrage mesurant un processus cognitif fondamental et la performance à un testd’intelligence dans lequel on suppose que ce processus intervient.

Encadré ************************************************************

Une tâche expérimentale de calibrage est une procédure élaborée pour permettrel’identification et la mesure d’un processus élémentaire de traitement del’information. Le paradigme dit de « balayage en mémoire visuelle » de SaulSternberg est une tâche de calibrage qui a été fréquemment employée dans lesrecherches corrélationnelles. Le sujet est face à un écran d’ordinateur sur lequelapparaissent des chiffres présentés un à un. Chaque séquence à mémoriser comprendun nombre variable de chiffres (de 1 à 5). Quelques dixièmes de seconde après laprésentation du dernier chiffre de la séquence, un chiffre-cible est présenté au sujet.Ce dernier doit indiquer aussi rapidement et précisément que possible si le chiffreappartenait ou non à la séquence initiale. On mesure le TR en millisecondes (ms) etla précision - généralement très élevée - à la tâche.

350

400

450

500

550

1 2 3 4 5

Sujet 1TR=344+47n

Sujet 2TR=331+31n

Nombre d ’éléments de la séquence (n)

Tem

ps d

e ré

pons

e m

oyen

(mse

c.)

Jugements d ’appartenance

On constate classiquement une augmentation linéaire du TR en fonction du nombred’éléments à maintenir en mémoire à court terme (MCT). Cette relation linéairepermet de calculer individu par individu la régression des TR sur le nombre

7/6

Page 8: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

d’éléments de la séquence. Deux estimations (ou paramètres de traitement del’information) peuvent ainsi être obtenues. La pente de la régression estgénéralement interprétée comme une mesure du temps nécessaire à la récupérationd’un élément en MCT. Sur l’exemple ci-dessus correspondant à des donnéesrecueillies chez des étudiants, le sujet 2 récupère plus rapidement l’information quele sujet 1 (31 vs 47). Quant à l’ordonnée à l’origine (ici, 344 ms pour le sujet 1), ellemesurerait la durée des processus d’encodage et de réponse motrice.

D’après Sternberg, S. (1969)

******************************************************Fin de l’encadré

Hunt et ses collègues s’intéressent au processus d’accès lexical qui reliel’information visuelle et auditive du mot à sa signification. Ils constatent que lessujets les plus rapides à une tâche dans laquelle il faut décider le plus vite possible siune série de lettres est un mot (LOIN) ou pas (LONI) tendent à avoir un niveau deperformance plus élevé que les autres à des épreuves verbales de compréhension detextes. Cette corrélation se révèle modérée chez des adultes normaux (de l’ordre de0,35). Elle est plus importante chez des individus déficients intellectuels moyens.Ces premiers travaux ont été suivis par de nombreux autres dans les domaines verbalou spatial. Ils se sont généralement traduits par le constat d’une corrélation modeste- ce que Hunt a appelé la « barrière des .30 » - entre la performance à des tâches decalibrage et celle à des tests d’aptitudes supposés activer les processus élémentairesmesurés (cf. document 4B1). Une revue des études employant le paradigme debalayage en mémoire visuelle aboutit ainsi à des corrélations moyennes de –0,27entre le TR moyen et le Quotient Intellectuel (QI), de –0,35 entre la variabilité intra-individuelle des TR et le QI, de –0,11 entre la pente des TR ou « vitesse derécupération d’un élément en mémoire à court terme » et le QI, de –0,30 entrel’ordonnée à l’origine (la durée des processus d’encodage et de réponse motrice) etle QI.

Note marginale*******************************************************

Accès lexical : entrée dans le lexique (dictionnaire mental). Cf. Grand Amphi,Psychologie cognitive.

************************************************ fin de la note marginale

De nombreuses études utilisant la méthodologie décrite ci-dessus ont cherché àdépasser les différences spécifiques liées à des processus élémentaires précis pourtenter de démontrer l’existence de différences générales dans la vitesse de traitementde l’information ou « vitesse mentale ». Deux paradigmes ont été principalementappliqués dans cette perspective à l’étude des différences individuelles : leparadigme de Hick et celui de temps d’inspection.

Encadré ************************************************************

Paradigme de Hick. Dans ce paradigme classique de temps de réaction, le sujet doitéteindre une lumière dès qu’elle s’allume en appuyant le plus vite possible sur lebouton correspondant. On parle de tâche de TR « simple » quand une seule lampeest présentée. Dans ce cas il n’y a pas de choix à effectuer et la quantitéd’information à traiter est nulle. On parle de tâche de TR « avec choix » quand lasérie dans laquelle il faut éteindre la lampe comporte plusieurs alternatives. Laprésence de deux lampes nécessite une décision binaire (21, soit 1 bitd’information), celle de 4 lampes en nécessite deux (22, soient 2 bits d’information),celle de 8 lampes en nécessite trois (23, soient 3 bits d’information), etc. On constateclassiquement une augmentation linéaire du TR avec la quantité d’information. Lapente de la droite de régression du TR sur la quantité d’information est considéréepar certains auteurs comme un indicateur de la vitesse mentale ou vitesse detraitement de l’information des sujets, les plus rapides étant supposés avoir besoinde moins de temps pour traiter chaque bit d’information.

Paradigme de temps d’inspection. Il s’agit d’une tâche de discrimination visuelleou auditive. En modalité visuelle par exemple, il faut indiquer, entre deux lignes delongueurs peu différentes, laquelle est la plus longue. Les stimuli sont présentéspendant différentes durées d’exposition et sont immédiatement suivis d’un masquevisuel. Le temps d’inspection (TI) est la durée de présentation nécessaire pourparvenir à un niveau donné de précision (par ex. 95% ou 97,5%). Le TI varie enmoyenne de 40 ms à 130 ms chez l’adulte sain. Son interprétation en termes devitesse de traitement de l’information est discutée (cf. exercices 4B2).

****************************************************** fin de l’encadré

8/6

Page 9: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Le paradigme de Hick a été utilisé à de multiples reprises, notamment par Jensen(pour revue, 1998) qui a défendu avec beaucoup vigueur l’hypothèse de la vitessementale. Selon Jensen, la corrélation moyenne observée entre la pente des TR etl’intelligence mesurée par les tests serait de l’ordre de -0,20 (données recueillieschez 1195 sujets). Celle observée entre la variabilité des TR en cours de tâche(variabilité intra-individuelle) et l’efficience intellectuelle mesurée par des testsd’intelligence générale serait légèrement supérieure (de l’ordre de –0,25). Desrésultats sensiblement comparables ont été retrouvés dans les études employant leparadigme de temps d’inspection (de l’ordre de -0,30 entre TI et QI).

Que penser de cette corrélation faible mais répétable entre vitesse mentale etperformance aux tests d’intelligence ? Pour Jensen ou Eysenck, l’importance de lavitesse mentale résulterait avant tout du fait qu’elle est essentielle à l’acquisitiond’une information nouvelle en temps limité. L’explication proposée est la suivante;plus l’information à traiter est complexe, plus les processus mis en jeu sontnombreux, plus l’importance de la vitesse d’exécution de ces processus se fait sentir.L’avantage apporté par une vitesse d’exécution élevée serait de réduire d’autant lesrisques de perte d’information en cours de traitement. Le point final del’argumentaire est que ces différences de vitesse mentale seraient causées par desdifférences d’efficience de l’activité neuronale et du fonctionnement cortical. Jensenet Eysenck considèrent ainsi que les résultats exposés plus haut, le constat decorrélations entre vitesse mentale et performance aux tests d’autant plus élevées queles tests sont plus fortement saturés en facteur d’intelligence générale et celui plusdiscutable de corrélations entre la vitesse mentale et certains indicateursphysiologiques et métaboliques du fonctionnement cérébral plaident en faveur del’hypothèse de la vitesse de traitement de l’information comme base fondamentaledes différences d’intelligence générale révélées par les tests.

Les raisons qui conduisent à rejeter cette « explication » réduisant les différencesindividuelles observées à un niveau comportemental à des différences de niveauinférieur, psychologique ou même neurobiologique, sont multiples (par exemple,Juhel, 1995). Le constat tout d’abord d’une corrélation entre la mesure d’unprocessus cognitif élémentaire et la mesure d’une aptitude intellectuelle complexen’implique en aucun cas que l’efficacité du processus conditionne le niveaud’aptitude. Même si l’on dispose a priori d’un modèle explicitant le rôle duprocessus dans le fonctionnement cognitif, il n’est en fait possible de conclure aveccertitude que lorsque aucune corrélation n’est observée, l’hypothèse d’une relationde causalité entre processus et aptitude devant alors être rejetée.

L’interprétation d’une corrélation entre vitesse mentale et performance aux testsd’intelligence est par ailleurs d’autant plus fragile que la signification psychologiquedes procédures expérimentales utilisées est incertaine. La vitesse mentale en effet estévaluée par des tâches qui malgré leur simplicité apparente mesurent aussi desaspects perceptifs et pré-attentionnels du traitement de l’information, engagent desprocessus attentionnels de haut niveau ou permettent la mise en œuvre de plusieursstratégies de résolution (cf. exercices 4B2). Le lien avec la perception, l’attention oula cognition est donc très étroit. L’idée qui consiste à penser qu’une tâcheexpérimentale élémentaire nécessite la mise en œuvre d’un simple processus cognitifde base, d’exécution plus ou moins rapide selon les individus, est loin d’aller de soi.La faiblesse des corrélations observées entre des mesures différentes (maisthéoriquement identiques) de la vitesse mentale comme la vitesse de décisionlexicale ou la pente des TR en fonction de la quantité d’information renforced’ailleurs ce doute. On devrait même s’attendre à ce que les corrélations entre lestâches les plus simples (c’est-à-dire, celles où la vitesse prime) soient les plusélevées. Or on observe exactement le contraire; les tâches cognitives élémentairesqui nécessitent le plus de temps (c’est-à-dire, les moins « simples ») sont pluscorrélées à la fois entre elles et à la performance aux tests d’intelligence. Il faut aussisignaler que ce sont les mesures les plus globales et les moins comprises d’un pointde vue théorique qui présentent les corrélations les plus fortes avec l’intelligencegénérale. C’est le cas par exemple de la variabilité intra-individuelle des TR qui estun indicateur de la stabilité des TR de l’individu. On voit alors mal l’intérêt à mettreen œuvre une analyse expérimentale fine pour mesurer la vitesse mentale quand unsimple TR global se révèle plus prédictif des différences de performance aux testsd’intelligence.

Les critiques précédentes conduisent donc à préférer une explication plus intégréedans laquelle plusieurs processus contribueraient par leur fonctionnementd’ensemble et à des degrés divers à rendre compte des différences de performanceaux tâches élémentaires dites - trop rapidement sans doute – de vitesse de traitementde l’information. La vitesse de traitement de l’information et l’efficience mesurée

9/6

Page 10: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

par les tests d’intelligence seraient alors deux indicateurs distincts mais serecouvrant partiellement du fonctionnement d’un même système cognitif.

2. La décomposition de l’activité cognitive

D’autres auteurs ont préféré chercher à identifier les composantes de base del’intelligence en analysant expérimentalement la performance de sujets à des tâchescomplexes comme celles que l’on peut trouver dans les tests d’intelligence. RobertSternberg présente ainsi dans un ouvrage publié en 1977 un ensemble de méthodesqui visent à décomposer l’activité de traitement de l’information (cf. document4B3). Le principe général de ces méthodes dites d’analyse composantielle estd’identifier les composantes du traitement de l’information en influençantsélectivement celles-ci par une manipulation systématique des caractéristiques del’information à traiter (cf. exercices 4B4).

Note marginale *******************************************************

Composantes : le terme recouvre pour Sternberg les processus mentaux et lesstratégies utilisés par les sujets comme le processus d’encodage d’une informationsensorielle en une information symbolique, celui de transformation d’unereprésentation mentale en une autre, la comparaison globale d’une forme à uneautre, etc.

************************************************ fin de la note marginale

L’analyse composantielle repose sur trois hypothèses principales :

- l’activité de traitement de l’information peut être décomposée en une successiond’opérations cognitives ;

- la durée et l’efficacité des opérations spécifiées dans le modèle cognitif de la tâchevarient selon les caractéristiques de l’information à traiter ;

- le temps de résolution total d'un item (resp. la précision à l’item) est égal(e) à lasomme des temps d'exécution (resp. au produit des précisions) de chacune desdifférentes opérations spécifiées.

L’analyse composantielle a été appliquée à des adaptations informatisées de tests deraisonnement afin de mesurer la vitesse et la précision des réponses à des tâches deraisonnement analogique (chaussure est à pied comme gant est à ?), de résolution desyllogismes (tous les chiens sont des mammifères ; tous les teckels sont des chiens:tous les teckels sont-ils des mammifères ?), de raisonnement visuo-spatial (plier unefeuille carrée en deux puis en quatre; faire un trou près d’un coin; imaginer ce quel’on voit une fois le papier déplié), etc. L’analyse composantielle a été aussi utiliséepour décomposer l’activité mentale lors de la résolution de tâches moins complexes,peu échouées et comportant un grand nombre d’items. En voici un exemple.

Il s’agit d’une épreuve informatisée de rotation mentale dans laquelle on présenteune forme géométrique (la figure-cible). Lorsque le sujet estime avoir mémorisécette information, il appuie sur une touche du clavier, faisant ainsi disparaître lafigure-cible et apparaître une figure présentée dans une orientation différente (letest). Le sujet doit indiquer aussi vite que possible si le test est superposable à lacible. On mesure le TR et la précision de la réponse fournie à chaque item.

Encadré*************************************************************

L’analyse des processus engagés dans la résolution d’une tâche de rotationmentale. L’activité cognitive est ici décomposée en trois processus (oucomposantes) successifs :

- encodage ou élaboration d’une représentation mentale de la figure-test ;

- rotation mentale de la représentation de la figure-test pour la superposer à lareprésentation mentale de la figure-cible ;

- comparaison entre les deux représentations puis décision et réponse.

10/

Page 11: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Manipulationsexpérimentales

Figure-test

Figure-cible

Réponsechronométrée

Processus Encodage Rotation Comparaison

degré decomplexité de

la figure

degré dedifférenciation

angulaire

type dejugement

= ou ≠

Divers aspects de la situation sont manipulés expérimentalement. On s’attend ainsi àce que l’augmentation du nombre de sommets de la figure augmente la durée del’étape d’encodage. On fait aussi l’hypothèse que l’augmentation de l’angle de larotation à effectuer mentalement pour superposer les deux formes (par exemple de30 à 90°) accroît la durée de l’étape de rotation. Enfin, la durée de l’étape decomparaison peut varier selon que les formes sont identiques ou pas. Le matériel estconstruit en croisant ces facteurs (cf. Grand Amphi, Les méthodes en psychologie,chapitre 4).

****************************************************** fin de l’encadré

Une fois les composantes et leur ordre d’intervention spécifiés, l’étape suivanteconsiste à tester l’adéquation du modèle cognitif aux données recueillies. 0n évaluepour cela l’écart entre les prédictions du modèle (les estimations de la précision etdu TR pour chaque type d’item) et la précision et les TR observés. Si cet écart estjugé suffisamment faible, on dit que le modèle décrit correctement les observations.Il est alors possible de quantifier individuellement l’efficacité des différentescomposantes dont le modèle fait l’hypothèse. Ces scores théoriques oucomposantiels ne sont pas des scores observés mais des scores estimés à partir desTR et de la précision dans le cadre d’un modèle cognitif de la tâche dont on aantérieurement évalué l’adéquation aux données recueillies (cf. documents 4B3).

L’analyse composantielle a conduit au développement de modèles moyens qui sesont révélés généralement aptes à décrire l’organisation des étapes du traitement del’information. Elle a ainsi contribué à éclairer la relation entre vitesse de réponse etniveau de performance. Par exemple, on a pu observer à des tâches de raisonnementanalogique que les sujets les plus efficients consacraient plus de temps à l’encodagedes termes du problème qu’ils n’en consacraient à effectuer des opérations sur lesreprésentations venant d’être élaborées. Sternberg a également remarqué que cesmêmes sujets consacraient proportionnellement plus de temps à la planificationglobale de la tâche qu’à sa planification locale. L’observation répétée decorrélations médiocres entre les scores composantiels et la performance aux testsd’intelligence (le plus souvent aux environs de 0,40) reste cependant, comme lereconnaît Sternberg, « une des surprises les moins agréables de l’analysecomposantielle ». En cela, ces résultats ne sont guère différents de ceux desrecherches corrélationnelles. L’analyse composantielle est donc d’un intérêt limité siles différences d’efficience à des tâches complexes ne sont comprises qu’en termesde différences dans la vitesse et/ou l’efficacité de processus de plus bas niveau.C’est d’ailleurs ce qu’a très bien perçu Sternberg qui a proposé de distinguerplusieurs catégories de composantes hiérarchiquement organisées en attribuant auxcomposantes de niveau supérieur un rôle essentiel dans l’efficience intellectuelle.

Note marginale*******************************************************

Planification globale, planification locale : la planification globale recouvre lacompréhension de la nature du problème et la mise au point d’une stratégie généralede résolution. La planification locale correspond à la formation et l’exécution deprocédures plus spécifiques de traitement de l’information.

************************************************ fin de la note marginale

Note marginale*******************************************************

Processus ou composantes de niveau supérieur : on dit aussi processus exécutifsou métacognitifs. Ces composantes d’un niveau élevé d’intégration seraientimpliquées dans la sélection, la coordination et le contrôle des composantes de plus

11/

Page 12: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

bas-niveau.

************************************************ fin de la note marginale

L’analyse composantielle n’a cependant pas permis de comprendre commentl’information est traitée par l’individu et cela pour plusieurs raisons. Le principe quiconsiste à localiser une composante suspectée d’être impliquée dans une tâchecognitive donnée à une place précise dans une séquence déterminée d’étapes detraitement de l’information est sans doute erroné. Beaucoup d’éléments permettentaujourd’hui de penser que c’est au contraire le système formé par les composantesimpliquées dans l’activité cognitive qui joue un rôle déterminant. C’est donc lefonctionnement de ce système qu’il faut tenter de comprendre plutôt que d’attribuerla responsabilité des différences de performance à l’une ou l’autre, prises isolément,des composantes impliquées dans l’activité mentale.

Une autre critique faite à l’analyse composantielle porte sur la nature descomposantes, souvent insuffisamment spécifiée. Dans la tâche de rotation mentalepar exemple, l’encodage peut porter sur certains traits spécifiques ou sur des sous-ensembles plus globaux de traits. Il en est de même pour la comparaison qui peuts’appuyer sur un élément jugé discriminant, sur l’ensemble de la figure lorsqu’elleest simple ou sur quelques traits spécifiques lorsque la figure est complexe. Parlerd’étape d’encodage ou de comparaison n’est donc que peu informatif du point devue des processus engagés. De nombreux résultats d’études expérimentalesmontrent aussi qu’un seul modèle de décomposition de la tâche est en généralinsuffisant pour rendre compte de l’activité cognitive de sujets différents. Le fait quedes sujets différents puissent activer différentes opérations mentales ou qu’un mêmesujet puisse faire appel à plusieurs procédures de résolution pour résoudre unemême tâche fait donc souhaiter une analyse plus fine des stratégies individuelles.Les raisons pour lesquelles telle procédure plutôt que telle autre puisse être préféréepar un individu donné amène aussi à poser la question des contraintes internes (parexemple, les ressources de traitement) qui conditionnent certains de ces choix.

12/

Page 13: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

C LES DIFFÉRENCES DANS LES

RESSOURCES DE TRAITEMENT

La capacité limitée de traitement de l’information est un aspect central des modèlesdu fonctionnement cognitif de l’être humain (cf. Grand Amphi, Psychologiecognitive, chapitres 3 et 5). Il n’est donc pas étonnant que l’on ait cherché àexpliquer les différences individuelles de performance aux tests d’intelligence pardes différences dans les limites de traitement associées aux capacités restreintes del’attention et de la mémoire à court terme. Nous évoquerons ici deux catégoriesd’études différentielles dont les conclusions soulignent l’importance des limites detraitement dans la cognition de haut niveau. La première explique les différences deperformance aux tests par des différences dans la capacité attentionnelle, dansd’allocation et dans le contrôle des ressources de traitement. La seconde les expliquepar des différences dans la capacité de la mémoire de travail définie à l’originecomme un espace de travail dans lequel opèrent simultanément les fonctions demaintien temporaire et de traitement concurrent de l’information.

1. Différences individuelles dans l’attention

On pense intuitivement que lorsque des individus doivent résoudre un testd’intelligence, l’attention considérée comme une ressource générale a un effet sur leniveau de performance au test. Mais les conclusions sur ce point ne sont pasunanimes d’autant que l’attention est un concept controversé et que les tâchesutilisées pour mesurer les fonctions attentionnelles reposent sur des rationnelsparfois différents.

L’attention et l’intelligence mesurée par les tests paraissent entretenir une certainerelation lorsque les tâches employées sont d’un degré modéré de complexité, sontpeu coûteuses en ressources de traitement et nécessitent de rester concentré sur unstimulus spécifique pendant une assez longue période. La forme d’attention ainsimesurée est dite soutenue. Schweizer et Moosbrugger (2004) utilisent par exempleune tâche d’une durée de 6 minutes dans laquelle le sujet doit appuyer sur la touche« 1 » d’un clavier d’ordinateur quand apparaît une configuration cible (« 2 pointsdans un carré » ou « 3 points dans un cercle ») et sur la touche « 0 » quand il s’agitd’une configuration distractrice (« 3 points dans un carré » ou « 2 points dans uncercle »). Le niveau de performance à cette tâche se révèle assez fortement corrélé àla performance à deux tests d’intelligence non verbale administrés aux 120participants de l’étude (de l’ordre de 0,50). Des corrélations substantielles avecl’intelligence ont été également observées avec des tâches dites de commutation quiimposent des changements rapides entre diverses opérations cognitives. Les sujetsles moins performants aux tests d’intelligence auraient donc plus de difficultés queles sujets plus performants à allouer « en continu » les ressources attentionnellessuffisantes à ce type de tâches.

Les résultats sont plus incertains pour d’autres formes d’attention, par exemplel’attention sélective définie comme la capacité à sélectionner, amplifier lesinformations pertinentes et à inhiber les informations non pertinentes pouvantperturber l’activité cognitive (cf. Grand Amphi, Psychologie cognitive, chapitre 3).Mesurée avec des tâches de discrimination perceptive, l’attention sélective nesemble pas être en relation avec la performance aux tests d’intelligence. Maisl’attention sélective peut aussi être mesurée avec des tâches de résistance àl’interférence qui nécessitent un niveau de contrôle plus élevé, par exempledénommer le plus vite possible une figure (par exemple, un cercle) à l’intérieur delaquelle est écrit le nom d’une autre forme (par exemple, « triangle »). Dans ce cas,

13/

Page 14: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

la capacité à résister à l’interférence est un prédicteur significatif des différencesd’intelligence générale.

Des constats similaires ont été faits pour l’attention divisée ou capacité à partagerl’attention, habituellement mesurée à l’aide de paradigmes de concurrencecognitive dans lesquels le sujet doit réaliser conjointement deux tâches, la chargecognitive de l’une d’entre elles étant éventuellement manipulée expérimentalement.S’il est bien établi qu’une tâche dont la charge cognitive n’est pas trop élevée estplus corrélée à l’efficience générale quand elle est administrée en concurrence ou encoordination avec une autre que lorsqu’elle est administrée seule (cf. documents4C1,1), l’hypothèse d’une relation entre la performance aux tâches d’attentiondivisée et celle aux tests d’intelligence reste fragile. L’étude de Ben-Shahar etSheffer (2001) montre cependant qu’une relation modeste peut être observée lors del’administration initiale de la tâche d’attention divisée mais que celle-ci disparaîtavec l’automatisation du traitement et la diminution du niveau de contrôle. Cesrésultats sont en accord avec les conclusions d’Ackerman (1988) qui a montré quelors de l’apprentissage d’une habileté cognitive spécifique (par exemple, apprendreà réagir aussi rapidement que possible en réponse à diverses combinaisons designaux lumineux), la réduction du coût attentionnel de la tâche tend à atténuerfortement la relation entre performance à la tâche et efficience intellectuellegénérale. Cette observation a conduit Ackerman à proposer une théorie des relationsentre fonctions attentionnelles et efficience intellectuelle dans laquelle le niveau defonctionnement attentionnel (la disponibilité en ressources de traitement contrôlé)est identifié au niveau de fonctionnement intellectuel.

Encadré*************************************************************

Concurrence cognitive ou double tâche. Hunt utilise par exemple un paradigmecomportant une tâche principale et une tâche secondaire de surveillance. La tâcheprincipale est une tâche d’apprentissage dans laquelle le sujet doit mémoriser desassociations lettre-chiffre. La tâche secondaire consiste à appuyer sur une touche dèsl’apparition d’un signal visuel. L’épreuve suit le déroulement suivant: A=7 (3s);B=3 (3 s); B=? (réponse verbale du sujet); B=4 (3 s); signal visuel (réponse motricepour la tâche secondaire) A=? (réponse verbale); A=5 (3 s); etc.

La charge cognitive représente la quantité de ressources de traitement nécessaires àla réalisation d’une tâche donnée. Dans cet exemple, la charge cognitive de la tâcheprincipale est manipulée en augmentant le nombre de paires à mémoriser. La chargecognitive dépend des caractéristiques de la tâche mais aussi d’aspects liés àl’individu (ses connaissances, les stratégies employées, etc.).

****************************************************** fin de l’encadré

Encadré*************************************************************

La théorie des relations entre fonctions attentionnelles et efficience intellectuelleproposée par Ackerman est basée sur une interprétation de l’intelligence générale entermes d’effort attentionnel ou quantité de ressources allouées au traitement nonautomatique de l’information. Cette théorie est née d’observations effectuées dansdes situations d’exercice intensif (i.e. durant plusieurs dizaines d’heures) au coursdesquelles les sujets doivent apprendre à discriminer rapidement un signal visuel ouà suivre au plus près le déplacement circulaire d’une cible sur un écran. Les sujetssont soumis à deux conditions expérimentales: 1/ la pratique consistante danslaquelle, par exemple, la même réponse convient toujours au même signal; 2/ lapratique variable (ou inconsistante) dans laquelle le couplage entre signal et réponsevarie en cours de tâche.

L’expérience montre que lorsque la pratique est consistante, la performances’améliore sensiblement avec l’exercice alors qu’elle reste de même niveau lorsquela pratique est inconsistante. Ackerman explique l’amélioration de la performanceen pratique consistante par l’automatisation du traitement qui entraînerait uneréduction du coût attentionnel de la tâche. Quant à la performance en conditioninconsistante, elle resterait limitée par la disponibilité en ressources de traitementcontrôlé. Par ailleurs, plusieurs recherches différentielles montrent que: 1/ lesdifférences individuelles dans les ressources attentionnelles allouées lors despremières phases d’une situation d’exercice intensif sont en relation avec cellesidentifiées par les facteurs intellectuels d’un haut niveau de généralité; 2/ laréduction du coût attentionnel de la tâche (en augmentant sa consistance, endiminuant la charge en mémoire, etc.) tend à atténuer fortement l’amplitude de cetterelation. L’efficience intellectuelle apparaîtrait ainsi directement associée à ladisponibilité en ressources attentionnelles de traitement contrôlé.

14/

Page 15: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

****************************************************** fin de l’encadré

Une vision assez globale de la relation entre différences de performance aux tâchesd’attention et différences de performance aux tests d’intelligence est fournie par uneétude récente de Schweizer, Moosbrugger et Goldhammer (2005) qui administrent à197 participants une quinzaine de tâches expérimentales et de tests papier-crayonmesurant divers types d’attention (soutenue, sélective, divisée, etc.) ainsi que 2épreuves d’intelligence fluide (Gf). Les auteurs adoptent une démarche demodélisation structurale (cf. chapitre 2) qui consiste à mesurer avec un modèled’analyse en facteurs communs les variables latentes (VL) « attention » et« intelligence ». Des techniques statistiques permettent de choisir parmi différentsmodèles de mesure de l’attention celui qui reproduit le mieux les corrélationsobservées entre les mesures effectuées. Le modèle retenu comporte deux VL« attention » et une VL « intelligence ». La première VL d’attention correspond autraitement perceptif ; elle est mesurée principalement par des tâches d’alerte,d’attention spatiale et d’attention sélective. La seconde VL d’attention correspondau traitement de niveau supérieur et au contrôle exécutif ; elle est mesurée par destâches d’interférence, d’attention divisée ou d’attention soutenue. Bien quedistinctes, ces deux VL sont très corrélées (environ 0,80) ce qui signifie que lesmêmes ressources -ou des ressources fortement reliées- sont allouées à l’une etl’autre de ces deux étapes de traitement. La part de variance commune à ces deuxVL « attention » permet enfin de prédire un tiers environ de la variance de la VLintelligence. Ainsi opérationnalisées, les ressources de traitement renvoient à unedimension de contrôle de l’attention qui contribuerait de manière plus ou moinsspécifique aux différences de performance aux tests.

2. Différences individuelles dans la capacité de la mémoire de travail

En 1974, Baddeley et Hitch font appel au concept de mémoire de travail (MT) pourreplacer les processus cognitifs impliqués dans le maintien temporaire del’information dans le contexte de mécanismes cognitifs plus généraux (cf. GrandAmphi Psychologie Cognitive, chapitre 5). Ils proposent de dissocier la structure dela MT en un exécutif central et deux sous-systèmes asservis, la boucle phonologique(registre phonologique de stockage passif et mécanisme d’autorépétitionarticulatoire) et le calepin visuo-spatial (formation, maintien et manipulation del’information sous forme imagée). L’exécutif central est conçu comme un systèmeattentionnel aux ressources limitées qui contrôle, supervise et coordonne lesfonctions de maintien actif et de traitement de l’information. La capacité de la MTest définie opérationnellement par la quantité maximale d’unités d’information quele sujet est capable de maintenir en un état actif lors d’un traitement concurrent. Parexemple, dans peut-être la forme la plus courante de tâche de MT, les sujets doiventlire à haute voix des listes de 2 à 6 phrases tout en mémorisant le dernier mot dechaque phrase. La capacité de la MT mesurée par cette tâche dite d’empan de lecture(Daneman et Carpenter, 1980) est le nombre de mots parfaitement rappelés(généralement entre 2 et 5 chez des sujets tout-venant).

De nombreuses épreuves ont été construites pour mesurer la capacité de la MT et ilest difficile aujourd’hui de dire précisément ce qu’est un « bon » indicateur de lacapacité de la MT. Trois grandes fonctions au moins paraissent pouvoir êtredistinguées : a) le maintien temporaire d’une information brièvement présentée encontexte de traitement concurrent ; b) la coordination définie comme la formation denouvelles relations et structures (avec ou sans contraintes mnésiques, avec ou sansmanipulation de l’information) ; c) la supervision définie comme le contrôle dansdes conditions d’interférence et de compétition des processus cognitifs guidés parles buts poursuivis (Oberauer, Süβ, Wilhelm et Wittmann, 2003). Malgré lecaractère pluriel du concept de capacité de la MT et la diversité des tachesemployées, les résultats des investigations menées maintenant depuis plus de 25 anspermettent de penser qu’une relation assez étroite existe entre la capacité de la MTet les différences de performance aux tests d’intelligence, notamment à ceux quimesurent la composante fluide de l’efficience intellectuelle.

Daneman et Carpenter (1980) ont été les premiers à signaler que la capacité de laMT mesurée par la tâche d’empan de lecture était un bon prédicteur du niveau decompréhension du langage et de vocabulaire (de l’ordre de 0,40) (cf. documents4C1,2). De nombreuses études ont observé depuis une relation significative entre lacapacité de la MT et Gf mesurée le plus souvent par le test des Matrices Progressivesde Raven. L’amplitude de cette relation reste cependant débattue. Quelques auteurspensent que la capacité de la MT peut être assimilée au facteur g de Spearman enraison de la corrélation parfois très élevée observée au niveau latent entre la capacitéde la MT et Gf (entre 0,85 et 0,95) mais ce point de vue est minoritaire. On admet

15/

Page 16: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

généralement que la capacité de la MT et Gf sont des constructions différentes ayantun pourcentage relativement important de variance en commun. Ackerman, Beier etBoyle (2005) qui ont récemment analysé les résultats d’une soixantaine derecherches consacrées à cette question estiment que le pourcentage de variancecommune à ces deux constructions est de l’ordre de 25% mais d’autres recherches lesituent entre 50% et 75%. Ces résultats permettent donc d’affirmer sans équivoqueque la capacité de la MT déduite des modèles de la cognition humaine est un bonprédicteur, sinon le meilleur, de la performance aux tests d’intelligence fluide.

Carpenter, Just et Shell (1990) ont proposé que la capacité à maintenir active del’information (par exemple, des résultats partiels devant être appliquésultérieurement) tout en manipulant temporairement une autre information étaitparticulièrement critique dans la relation entre l’empan de lecture et la performanceaux Matrices Progressives de Raven. L’efficacité de la seule composante detraitement de la MT (par exemple, la disponibilité de stratégies spécifiques etd’heuristiques de traitement) jouerait donc un rôle moindre qu’on l’a longtempspensé. Les études structurales conduites par Engle, Tuholski, Laughlin et Conway(1999) ont aussi démontré que lorsque des tâches de MT, de mémoire à court terme(MCT) et des tests d’intelligence fluide sont administrés à un même ensemble desujets, la capacité de la MT permet de prédire Gf indépendamment de la MCT (de 25à 35% de variance commune) alors que la variance commune à la capacité de la MTet à la MCT (la composante de stockage) ne permet de prédire que 10% de lavariance de Gf . Ni les différences d’efficacité de traitement (qui contraignent lacapacité de la MT), ni celles de capacité de stockage (qui contraignent aussi lacapacité de la MT) ne paraissent donc pouvoir expliquer à elles seules la relationobservée entre la capacité de la MT et Gf.

Une explication compatible avec les observations effectuées repose sur le rôle ducontrôle exécutif exercé par la MT, rôle qui émergerait de la nécessité de mainteniractive de l’information en contexte de traitement. C’est l’hypothèse que testent chezde jeunes adultes Friedman, Miyake, Corley et al. (2006) dans une étude sur lesrelations entre les fonctions exécutives d’inhibition des réponses dominantes, demise à jour des contenus de la MT et de commutation attentionnelle entre opérationsmentales d’une part, les composantes fluide (Gf) et cristallisée (Gc) de l’intelligenced’autre part. Ils observent que la fonction de mise à jour partage 50% de varianceavec Gf ainsi qu’avec Gc et en attribuent la responsabilité à l’efficacité desmécanismes d’attention contrôlée responsables de l’activation des représentationspertinentes, de leur maintien actif face à la distraction et de l’inhibition del’information non pertinente au regard des buts poursuivis. Dans le même temps, laperformance à certains tests de raisonnement (par exemple, verbal) semble être plusreliée à la capacité de la MT lorsqu’elle mesurée par des tâches de MT portant surdes contenus de même nature (par exemple, verbal) plutôt que sur des contenus denature différente (par exemple, spatial). L’interaction entre des mécanismesgénéraux d’attention contrôlée et la nature de l’information traitée (spatiale vsverbale ou numérique) pourrait ainsi expliquer pourquoi la MT ne semble être nientièrement unitaire, ni entièrement séparable en sous-systèmes spécialisés (cf.documents 4C1,3).

L’hypothèse générale émise par Engle et Kane (2004) associe également la capacitéd’attention contrôlée aux aspects exécutifs de la MT. Les résultats en faveur de cettehypothèse proviennent notamment d’études quasi-expérimentales dans lesquelles laperformance à diverses tâches d’attention est comparée chez des sujets à forte et àfaible capacité de la MT. Il a pu ainsi être montré que les sujets de faible capacité dela MT étaient plus sensibles à l’interférence (par exemple, dénommer la couleur dumot « jaune » écrit en rouge) ou plus en difficulté pour inhiber des réponses réflexesvisuelles (par exemple, orienter l’œil dans la direction opposée à celle où apparaîtun avertisseur périphérique) que les sujets à forte capacité de la MT. Signalons queces observations peuvent être aussi interprétées en termes de capacité à limiter laquantité d’information en MT en rafraîchissant les contenus de la MT ou ensupprimant l’information activée non pertinente. D’autres modèles de la MT,contrairement à celui de Baddeley, conçoivent d’ailleurs la MT comme une portionactivée de la mémoire à long terme, comme une sorte de champ associatif danslequel se diffuserait une activation (Grand Amphi, Psychologie Cognitive, p. 290).La capacité de la MT y est alors synonyme de limites d’activation qui réfléchissentde multiples demandes en ressources attentionnelles (contrôle, focalisation)provoqués par exemple par le partage entre le maintien temporaire de l’informationet le traitement concurrent, le rafraîchissement de la trace mnésique face à ladistraction, l’établissement et le maintien temporaire de couplages entre éléments oula suppression de l’activation de l’information non pertinente.

16/

Page 17: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

La capacité de la MT serait donc un bon prédicteur de la performance aux testsd’intelligence fluide parce qu’elle réfléchit des différences individuelles dans lacapacité à fournir l’effort cognitif nécessaire au maintien de l’information dans unétat actif ou facilement accessible dans des contextes riches en interférences. Lesdifférences individuelles liées aux mécanismes qui sous-tendent l’engagement dansla tâche (par exemple, l’attention contrôlée) pourraient être aussi en partieresponsables des différences dans l’apprentissage initial de faits nouveaux et deprocédures et dans la manière avec laquelle cette connaissance peut être ensuite à lafois récupérée et intégrée. La capacité de la MT est donc très certainement unfacteur explicatif important des différences de performance aux tests d’intelligence(cf. exercice 4C2). Elle n’est pas pour autant « l’explication » de ces différences.Des aspects déclaratifs, procéduraux et conditionnalisés de la connaissance jouentaussi un rôle central dans la performance aux tests notamment à ceux qui mesurentles composantes de l’intelligence liées à la scolarisation et à l’expérience del’individu.

Encadré*************************************************************

Capacité de contrôle attentionnel et apprentissage

Woltz (1988) administre à plus de 600 adultes une tâche complexe d’apprentissageprocédural (apprendre au cours d’un exercice de plus de 700 essais à agir seloncertaines règles en appliquant une suite de consignes du type « Si... alors ») ainsique des tâches de contrôle attentionnel (1) trouver l’ordre de 4 lettres à l’aide de 3propositions successives décrivant leurs positions respectives; 2) transformermentalement une série de lettres en appliquant une règle donnée - par exemple, sérieinitiale RDJ; règle –2; réponse PBH - et d’activation automatique de la MT (1)indiquer si deux mots présentés sont synonymes ou pas ; 2) indiquer si le premiermot appartient à la catégorie désignée par le second). Les observations effectuéespermettent de penser que les mesures d’attention contrôlée en MT sont desprédicteurs significatifs de la performance à la tâche complexe tout au long del’apprentissage (de l’ordre de 0,35).

Système de traitement contrôlé

comportement guidé par les représentations symboliques et la connaissance culturelle,stratégiquement coordonné

avec les buts (spécifiés par la tâche, motivationnels)

Différences individuelles dans la capacité d’attention

contrôléeModification dynamique

du contenu et des propriétés

fonctionnelles de la connaissance.

Système de traitement contrôlé

comportement guidé par les représentations symboliques et la connaissance culturelle,stratégiquement coordonné

avec les buts (spécifiés par la tâche, motivationnels)

Différences individuelles dans la capacité d’attention

contrôléeModification dynamique

du contenu et des propriétés

fonctionnelles de la connaissance.

Modification dynamique du contenu et des

propriétés fonctionnelles de la

connaissance.

******************************************************Fin de l’encadré

17/

Page 18: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

DLES DIFFERENCES

DANS LES STRATÉGIES

1. La mise en évidence de la diversité interindividuelle des stratégies

D’importantes différences entre individus dans les stratégies employées ont pu êtreidentifiées dans de nombreux domaines de la cognition. Les premières observationsont été effectuées par Pask et Scott (1972) à propos de l’apprentissage d’uneclassification artificielle d’animaux imaginaires. Celles-ci les ont amenés àdistinguer deux types d’individus. Les uns dits « holistes » tendraient à rechercherl’information sur plusieurs fronts à la fois pour disposer d’une représentationglobale des relations entre éléments d’un même domaine. Les autres dits« analytiques » tendraient au contraire à rechercher pas-à-pas l’information, àapprendre l’une après l’autre chacune des règles de classification. Park et Scott onten outre constaté que malgré la présence de quelques sujets capables de changeraisément de stratégie, le choix de l’une ou l’autre de ces deux stratégies restaitrelativement stable au cours des exercices.

Cette diversité des stratégies et l’existence de préférences stratégiques relativementstables ont été aussi signalées pour des tâches apparemment très simples (cf.Exercices 4D1,1). Marquer (1995) utilise par exemple une version modifiée duparadigme de Posner chez 28 participants. La méthode d’identification desstratégies repose sur l’analyse des verbalisations des sujets et sur la vérification de lacompatibilité du pattern de TR observés avec celui des TR correspondantthéoriquement à l’emploi d’une stratégie donnée. L’auteur est amenée à distinguer 4groupes de sujets qui emploient la même stratégie quel que soit le type de couple delettres : 5 sujets adoptent une stratégie d’identification physique, huit une stratégiephonétique, 2 une règle d’imagerie visuelle et 2 une stratégie de double codagevisuel et phonétique. Dix autres sujets utilisent une stratégie différente selon le typede couple de lettres, un dernier sujet ne pouvant être classé dans aucun groupe.Revus un an plus tard, les deux tiers de sujets appliquent en fin d’expérience lamême stratégie que celle identifiée lors de la première expérience.

Note marginale *******************************************************

Paradigme de Posner : la tâche consiste à décider le plus vite possible si deuxlettres présentées sur un écran d’ordinateur sont identiques ou pas. Les lettrespeuvent être strictement identiques (AA, BB, etc.) ou phonétiquement identiques(Aa, Bb, etc.). Selon Posner, le traitement reposerait sur une identification physiquedans le cas de lettres strictement identiques et sur une identification du nom dans lecas de lettres phonétiquement identiques.

************************************************ fin de la note marginale

L’existence de différences individuelles dans l’utilisation des stratégies ad’importantes implications sur la compréhension de l’intelligence mesurée par destests stratégiquement « impurs ». Nous avons brièvement évoqué dans la section Bla diversité inter-individuelle des stratégies à laquelle s’est heurtée l’analysecomposantielle de l’activité cognitive. Lohman et Kyllonen (1983) utilisent parexemple une tâche visuo-spatiale conçue à partir d’un test de visualisation spatiale.Le modèle cognitif sous-jacent fait l’hypothèse de diverses opérations mentales(mémorisation, synthèse, rotation, comparaison). Le niveau de complexité des itemss’étend de la simple comparaison perceptive de polygones à la synthèse d’imagesnon contiguës après rotation. La diversité des stratégies de traitement mises en jeuest frappante.

18/

Page 19: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Encadré*************************************************************

Diversité des stratégies de traitement d’une information visuo-spatiale

cible test

mémorisation

rotation

synthèse Lors de l’étape de synthèse par exemple, certains sujets font la synthèse des deuxformes avant de la mémoriser, d’autres mémorisent les éléments séparés, d’autresprocèdent de l’une ou l’autre façon selon le niveau de complexité des items. Unrésultat comparable est observé lors de l’étape de comparaison. Certains sujetscomparent l’ensemble de la représentation formée à la figure-test, d’autrescomparent élément par élément, d’autres enfin procèdent de l’une ou l’autremanière. Lohman et Kyllonen observent aussi que l’emploi de certaines procédures,apparemment lié au niveau de performance à des tests spatiaux, conduit à uneperformance plus rapide et à un meilleur niveau de précision (cf. exercices 4D1,3).

****************************************************** fin de l’encadré

La signification des scores aux tests, même relativement simples, est donc ambiguë.Par exemple, un individu peu compétent dans le domaine visuo-spatial peut l’êtreparce qu’il applique correctement une stratégie peu efficace ou parce qu’il appliquemal une stratégie adaptée. Un même test peut ainsi mesurer des aptitudes différentesselon la manière avec laquelle il a été résolu. On comprend alors l’intérêt de testscognitifs informatisés permettant un diagnostic automatique des stratégies detraitement de l’information. C’est le cas par exemple du logiciel « Samuel »développé par Rozencwajg, Corroyer et Altman (2002). La tâche, inspirée du testdes cubes de Kohs, un test d’intelligence non-verbale, consiste à reproduire unmodèle à l’aide de carrés rouges, blancs ou bicolores. La méthode employée permetd’inférer les stratégies employées à partir d’indices comportementaux comme lafréquence des regards vers le modèle ou l’ordre de placement des carrés pargroupements formant une figure géométrique simple (ou gestalt). Trois stratégiespeuvent ainsi être identifiées : globale (ajustement par essais et erreurs), analytique(découpage du modèle en carrés puis reconstruction pas à pas) et synthétique(placement des carrés suivant des gestalts invariantes à travers les modèles), cettedernière étant plus fréquemment employée chez les sujets plus performants. Desapproches diagnostiques de ce type offrent l’avantage de dépasser le constat habitueld’un niveau de performance pour une compréhension plus qualitative dufonctionnement cognitif du sujet.

L’identification des stratégies de traitement mises en œuvre lors de la résolution detests d’intelligence éclaire aussi sous un autre jour les différences quantitatives deperformance. Vigneau, Caissie et Bors (2006) analysent les mouvements oculairesde 55 sujets lors de la résolution des Progressive Matrices de Raven (cf. chapitre 3),un test d’intelligence générale dans lequel il faut choisir la bonne réponse parmiplusieurs distracteurs. Les observations effectuées témoignent d’une certainerelation entre stratégies de traitement employées et niveau de performance au test.Ainsi, les sujets qui utilisent préférentiellement une stratégie d’identification « pardéfaut » de la réponse en éliminant celles qui leur paraissent mauvaises (tempsimportant consacré à l’examen des propositions de réponse) tendent à être moinsperformants au test que ceux qui font appel à une stratégie de construction de laréponse (temps important consacré à l’encodage de la matrice). Par ailleurs, lessujets semblent poursuivre des objectifs différents lors de l’inspection de la matrice.Certains, plus performants au test, se focalisent sur une case de la matrice alors qued’autres, moins performants, étendent le traitement à des cases adjacentes. Ce typede résultat pourrait signifier que les individus cherchent à utiliser au mieux leursressources de traitement en choisissant les stratégies les plus en appropriées à leurniveau d’aptitude. Pour autant, ce choix s’effectue aussi vraisemblablement sur labase de la disponibilité stratégique, fonction de l’expérience antérieure et descompétences acquises.

2. Les changements intra-individuels de stratégie en cours de tâche

La stabilité des préférences stratégiques individuelles n’est que relative. Celle-ci

19/

Page 20: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

s’accompagne en effet de variations autour d’une tendance moyenne, ce qui renddifficile de caractériser un individu par l’emploi d’une stratégie identique pourchaque item. L’existence chez un même sujet de changements de stratégie en coursde tâche a été démontrée très tôt dans le cadre de l’analyse composantielle.Kyllonen, Lohman et Woltz (1984) testent deux types de modèles pour chaque étapede traitement (encodage, synthèse et comparaison) lors de la résolution des items dela tâche visuo-spatiale décrite dans l’encadré précédent : des modèles à stratégieunique d’une part, des modèles à changement de stratégie d’autre part. Ils constatentque les modèles à changement de stratégie présentent un ajustement très supérieur àcelui des modèles à stratégie unique. Ces changements de stratégie paraissent plusprécisément provoqués par des changements dans les caractéristiques pertinentesdes items, par exemple lors du passage d’un item facile à un item plus difficile (cf.exercices 4D1,2). Lohman et Kyllonen ont ainsi établi qu’en comparaison aux sujetsspatialement les moins aptes, les sujets les plus aptes tendaient à plus employer desstratégies réduisant la composante visuelle des items les plus difficiles afin d’endiminuer le coût de traitement.

Les changements de stratégie accompagnent souvent l’apprentissage. Glück et sescollègues (2002) entraînent un groupe de sujets à effectuer la rotation mentaled’objets bi-dimensionnels de complexité croissante. L’identification des stratégiesindividuelles a lieu avant (pré-test) et après l’entraînement (post-test). Elle esteffectuée au moyen d’un test de rotation de cubes dont les items sont conçus defaçon à pouvoir distinguer l’emploi d’une stratégie d’« appariement sur identité depattern » de celle d’une stratégie « authentiquement spatiale ». L’évolution deschoix stratégiques des sujets entraînés est comparée à celle de sujets n’ayant pasbénéficié de cet entraînement (groupe contrôle). Les auteurs font état dechangements qualitatifs chez deux tiers environ des sujets entraînés mais pas chezles sujets du groupe contrôle. Ces changements se traduisent par l’abandon d’unestratégie d’appariement au profit d’une stratégie spatiale. Ils sont majoritairementobservés chez les sujets ayant le meilleur niveau initial de performance au test derotation de cubes. D’autres études montrent aussi qu’il est possible d’entraîner desindividus à utiliser plus efficacement certaines stratégies de traitement del’information (cf. documents 4D2).

Certains de ces changements intra-individuels de stratégie en cours de tâchetémoigneraient de la capacité variable selon les individus à s’adapter auxchangements liés à la tâche. Pour Schunn et Reder (2001) qui parlent à ce sujetd’adaptabilité stratégique, les sujets pourraient disposer du même répertoire destratégies mais différer dans leur capacité à sélectionner la « meilleure » stratégiepour une situation donnée et plus particulièrement dans leur capacité à détecter et àutiliser le taux de réussite des stratégies employées. Schunn et Reder testent cettehypothèse à partir d’observations recueillies dans une situation complexe qui simuledes aspects dynamiques du contrôle du trafic aérien. Leurs résultats montrent que lesindividus diffèrent en termes de présence/absence, niveau et vitesse de l’adaptabilitéstratégique en fonction du taux de réussite antérieur sans que ces différences nepuissent être attribuées à une connaissance différentielle de la tâche. Selon lesauteurs, les différences d’efficacité des processus de sélection stratégiqueproviendraient de différences dans la vitesse de traitement de l’information, lacapacité de la mémoire de travail et la capacité de raisonnement inductif. Lesobservations précédentes sont à rapprocher de celles, plus anciennes, de Kyllonen etde ses collaborateurs (1984) qui faisaient la preuve d’une meilleure adaptation intra-tâche des choix stratégiques chez les sujets de haut niveau d’aptitude générale.

Note marginale *******************************************************

Adaptabilité stratégique : capacité de l’individu à sélectionner la stratégie la mieuxadaptée au problème et qui lui convient le mieux. L’adaptabilité stratégiquedépendrait de facteurs comme la capacité à s’adapter à de nouvelles consignes, lacapacité à changer de représentation, l’évaluation du taux antérieur de réussite de lastratégie, etc.

************************************************ fin de la note marginale

L’importance de la capacité à changer de stratégie, de la « flexibilité » cognitive, aété également soulignée par Richard (1993) à propos du test du Passalong analysécomme une situation de résolution de problème. Cette importance est liée au fait quela reconnaissance de l'analogie entre problèmes dont dépend la résolution des itemsdifficiles nécessite un changement d'interprétation lorsque celle adoptée jusqu’alorsn’est plus adéquate. Confronté à une impasse c’est-à-dire un point où les stratégiesemployées jusqu’alors ne sont plus adaptées, le sujet doit envisager un changement,par exemple un détour ou une réorientation. Ce changement nécessite que le sujet

20/

Page 21: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

reste attentif aux propriétés pertinentes de la situation alors même que la résolutionsuccessive de problèmes semblables contribue à la mise en œuvre de routines quiconstituent un obstacle à la prise en compte des propriétés pertinentes de lasituation. La flexibilité cognitive est donc un aspect central, en lien sans doute avecle système de contrôle cognitif, des différences individuelles dans les situations detests d'intelligence.

Note marginale *******************************************************

Le test du Passalong : Il est constitué de neuf items de difficulté croissante. Lematériel est constitué de pièces bleues (situées en haut du cadre) et rouges (situéesen bas du cadre). Le but consiste à descendre les pièces bleues et à remonter lespièces rouges en un nombre minimum de coups.

************************************************ fin de la note marginale

L’étude de la flexibilité stratégique présente donc un très grand intérêt d’un point devue théorique. Mais comme précédemment quand il était postulé que les individusdifféraient dans la vitesse d’exécution de processus fondamentaux ou que tous lesitems d’une même tâche étaient résolus avec une même procédure, il serait erroné depenser que les sujets peuvent être caractérisés par le seul emploi d’une stratégiedonnée ou par une manière définie de changer de stratégie. Si un niveau élevé deperformance aux tests implique une certaine capacité de flexibilité stratégique,nombreuses sont les situations où les sujets les plus aptes ne changent que très peude stratégie, ce qui suggère l’existence d’une interaction entre les connaissances etles processus de sélection des stratégies.

21/

Page 22: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

ELES DIFFÉRENCES LIEES AUX CONNAISSANCES

Comme les premières théories de la cognition humaine, les recherches sur les basescognitives de l’intelligence mesurée par les tests ont été principalement guidées parune conception du fonctionnement intellectuel mettant l’accent sur les processusplutôt que sur le contenu symbolique sur lequel ils opèrent ou sur la finalité de leurmise en œuvre par l’organisme. L’usage a donc été d’employer des tâches supposéesfaire aussi peu appel que possible à des connaissances spécifiques. Or même dans cecas, la connaissance nécessaire à la résolution de ces tâches est moins triviale qu’iln’y paraît. Comment par exemple expliquer qu’on juge en moyenne plus rapidementl’affirmation « 103 est à peu près égal à 100 » que celle « 100 est à peu près égal à103 » sans faire référence à l’organisation des connaissances et des savoir-faireaccumulés au cours des expériences dans le domaine de la numération par lesindividus? Les variations dans l’organisation de l’arrière-plan de connaissances del’individu, dans ce que celui-ci (re)connaît de la situation particulière à laquelle ilest confronté, dans ce qu’il sait des procédures permettant d’atteindre les buts fixéset de leur efficacité, jouent donc un rôle important dans les différences deperformance observées aux tests d’intelligence. Mais malgré les nombreux travaux àce sujet, l’articulation très complexe entre connaissance, processus et ressourcesdans la détermination de la performance aux tests reste aujourd’hui encore malcomprise.

1. Que nous apprend l’analyse de l’expertise cognitive ?

Les individus très compétents dans un domaine spécifique de connaissance et desavoir-faire (les experts) sont par définition les plus aptes à résoudre les problèmesde ce domaine. Il est donc intéressant d’analyser l’expertise de ces individus placésdans des situations de raisonnement et de résolution de problème portant sur desdomaines riches en connaissances spécifiques (par exemple, les sciences physiques,l’architecture, l’interprétation de clichés radiographiques, les échecs, etc.) afind’identifier ce qui les différencie de manière critique des individus n’ayant pasd’expérience du domaine (les novices).

Les conceptualisations de la connaissance varient bien sûr selon les approches.Certains auteurs font appel à la notion de schéma ou représentation d’une catégoriegénérale de choses, situations ou phénomènes (par exemple, la notion de voiture).D’autres s’appuient sur l’idée de modèle mental ou « analogue structural dumonde » qui réfléchirait la connaissance, l’expérience et les buts de l’individu. Uneconceptualisation assez partagée est celle de réseaux de propositions représentant laconnaissance déclarative et la connaissance procédurale et dans lesquelsl’activation se propagerait. Quelle que soit la conception théorique adoptée, lesrésultats de l’analyse des performances des experts en comparaison à celle desnovices témoignent de l’importance des différences liées à la structure conceptuellede la connaissance.

Note marginale*******************************************************

Connaissance déclarative : reconnaissance et compréhension de l’informationfactuelle sur les objets, idées, événements, etc. (par exemple, le soleil se lève à l’est;2+2=4; si la voiture freine, elle s’arrête)

Connaissance procédurale : savoir-faire ou stratégies pouvant être activésrapidement et sans effort (par exemple, ouvrir une porte fermée à clé, se brosser lesdents).

22/

Page 23: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

************************************************Fin de la note marginale

Encadré*************************************************************

La structure de la connaissance : c’est l’organisation de la représentation mentalede la connaissance (cf. Grand Amphi, Psychologie Cognitive: chapitre 5). Lastructure de la connaissance est déterminée en partie par l’étendue de laconnaissance disponible et peut être définie en termes de cohérence et de degré dehiérarchisation de la connaissance. La cohérence de la structure dépend du niveaud’intégration de la connaissance, à la fois d’un point de vue local (relations entreconcepts voisins) et d’un point de vue global (relations entre sous-structureshiérarchisées). L’organisation de la connaissance déclarative et procéduraleconditionnerait la rapidité d’accès à la connaissance et en déterminerait la bonneutilisation.

******************************************************Fin de l’encadré

On a ainsi pu remarquer dans une des premières études sur l’expertise cognitivequ’un même stimulus pouvait être perçu et compris différemment selon le niveaud’expertise. Par exemple, les bons joueurs d’échecs mémorisent mieux que lesnovices l’emplacement des différentes pièces sur des configurations réelles. Mais lacomparaison entre ces deux catégories d’individus ne dégage pratiquement pas desupériorité mnésique des experts lorsque les configurations de pièces sont aléatoires.La meilleure mémorisation des experts tiendrait donc plus à une meilleureconnaissance des configurations signifiantes leur permettant d’en réaliser lesimplications stratégiques (par exemple, le déplacement d’une pièce vers un endroitprécis) qu’à l’efficacité de processus généraux de mémorisation de l’information.Cette capacité propre à l’expert de développer dans son domaine d’expertise unesensibilité à des patterns d’information signifiante a été retrouvée dans de nombreuxautres domaines. Elle impliquerait le développement de structures conceptuellesorganisées guidant la manière de représenter et de comprendre les problèmes.

D’importantes différences dans la manière avec laquelle la connaissance estorganisée chez les experts et les novices ont en effet été relevées dans plusieursdomaines (cf. documents 4E1,1). En physique ou en histoire par exemple, lesnovices travaillent sur la base d’unités d’analyse assez superficielles et n’ont qu’uneconnaissance partielle des conditions d’application des principes et des règlesidentifiés. La représentation qu’élaborent les experts du problème n’est passimplement une liste de faits mais s’appuie prioritairement sur des principes plusabstraits, non immédiatement identifiables. On demande par exemple à des étudiantsen début et en fin de formation de trier des problèmes de physique en fonction deleur ressemblance. Le niveau d’expertise détermine la manière de définir lesproblèmes. Chez les novices, l’organisation des problèmes est basée sur des traits desurface (par exemple, la chute d’un objet). Chez les experts au contraire, elle estbasée sur des similitudes structurelles et des principes abstraits (par exemple, lesprincipes de physique nécessaires pour résoudre les problèmes).

Ces observations attestent que la connaissance des experts est effective etconditionnalisée en ce sens que les éléments de connaissance sont étroitement liés àdes procédures et à leurs conditions d’application. Cela explique sans doutepourquoi l’expertise est aussi caractérisée par une récupération automatique et fluidede la connaissance devant être mobilisée dans une tâche donnée. On comprend aussil’avantage d’une connaissance hautement organisée et facilement disponible dupoint de vue des possibilités d’allocation à d’autres aspects de l’activité cognitivedes ressources de traitement rendues ainsi disponibles. Des différences entreindividus attribuées à l’efficacité de certains processus ou aux ressources detraitement pourraient donc être liées à des différences dans l’organisation et ladisponibilité des connaissances spécifiques au domaine où se manifestent cesdifférences.

Note marginale*******************************************************

Connaissance conditionnalisée : connaissance incluant une spécification descontextes dans lesquels elle est utile (par exemple, les conditions temporelles etlocales d’utilisation des procédures).

**************************************************Fin de note marginale

Encadré*************************************************************Lemécanisme de procéduralisation de la connaissance : Anderson (1983) a proposéun modèle de l’apprentissage qui accorde une place centrale à ce mécanisme. Danscette théorie, la connaissance effective et conditionnalisée des procédures ne peut se

23/

Page 24: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

construire qu’à partir des informations contenues en mémoire permanente. Lors del’apprentissage de savoir-faire cognitifs nouveaux, l’individu générerait une solutioninitiale en appliquant, par analogie par exemple, la connaissance dont il dispose.Des représentations mnésiques se développeraient alors progressivement sous formede composantes de production pour s’enchaîner ensuite les unes aux autres, pour se« procéduraliser ». La procéduralisation automatique de la connaissance créeraitdonc au cours de l’apprentissage une connaissance nouvelle, spécifique au domaineet contribuerait en conséquence à améliorer la performance dans ce domaine.

******************************************************Fin de l’encadré

L’analyse de l’expertise peut aussi aider à mieux comprendre les différencesindividuelles dans les mécanismes d’acquisition des informations nouvelles quiviennent se cumuler aux connaissances actuelles de l’individu (par exemple, lemécanisme de « procéduralisation » de la connaissance). Les résultats d’études surle développement de l’expertise mettent aussi en lumière l’existence d’une relationentre l’importance de la pratique délibérée et la qualité des efforts fournis lors del’apprentissage de connaissances d’une part, le niveau de performance à la tâched’autre part (Exercices 4E2,1). Il semble aussi qu’avec l’apprentissage certainschangements qualitatifs, ici synonymes d’interconnections de plus en plus étroitesentre représentations anciennes et plus nouvelles, se produisent à la fois dans laconnaissance, dans la structure organisée de cette connaissance et dans les modesd’utilisation de la connaissance. Ce sont de tels changements qualitatifs dans lesstratégies cognitives d’enfants apprenant l’addition (par exemple, compter sur sesdoigts, dénombrer mentalement, récupérer le résultat en mémoire) qui font penser àSiegler (1996) que les différences dans le degré d’organisation des règles et faitsarithmétiques stockés en mémoire à long terme (4+4=8) contribuent à expliquer ladiversité inter- et intra-individuelle des procédures de résolution. Il semble doncqu’il y ait un lien entre les différences individuelles dans l’organisation, ladisponibilité et l’utilisation de la connaissance, les différences dans les ressources detraitement et les choix stratégiques individuels.

2. Les différences de niveau métacognitif

Les tâches les plus révélatrices de différences individuelles dans le fonctionnementcognitif nécessitent généralement de reconnaître le type de problème, de définir lesbuts, de comparer plusieurs alternatives et d’élaborer le chemin de pensée à suivre,de sélectionner les procédures de résolution, de gérer l’allocation des ressources, decontrôler l’activité cognitive et d’en modifier éventuellement le cours en fonctiondes informations reçues en retour. Ces différences s’expriment dans des processusexécutifs ou métacognitifs dont on pense qu’ils sont généralisés au fur et à mesurequ’ils sont appliqués à une variété croissante de domaines de connaissances (cf.documents 4E1,2).

Note marginale*******************************************************

Les processus exécutifs sont des processus de haut niveau impliqués dans laplanification, la surveillance, le contrôle et la régulation de l’activité cognitive.

************************************************Fin de la note marginale

Encadré*************************************************************Qu’est-ce que la métacognition? « La métacognition fait référence à la connaissance quenous avons de nos propres états et processus cognitifs ainsi qu’à leur régulation.Conceptuellement, deux composantes peuvent être distinguées: l’une est laconnaissance métacognitive, l’autre est l’expérience métacognitive. La connaissancemétacognitive, c’est ce que l’individu connaît de lui-même et des autres en tantqu’individus traitant de l’information. Elle comprend ce que l’on connaît sur lesdifférences entre personnes c’est-à-dire ce que l’on connaît des variations de sonpropre fonctionnement, des différences de fonctionnement entre soi et les autres, dela cognition en général. Elle comprend également ce que l’on connaît des tâches, desdemandes qui y sont liées et des caractéristiques de l’information disponible. Ellecomprend enfin ce que l’on connaît des procédures cognitives du point de vue deleur capacité à permettre d’atteindre des buts spécifiques. [...] L’expériencemétacognitive, parfois appelée contrôle métacognitif et stratégies d’auto-régulation,fait référence aux expériences cognitives et affectives de l’individu. Cette expériencemétacognitive inclut les activités mentales impliquées par exemple dans larégulation de l’apprentissage. C’est le cas des activités de planification (parexemple, définir les buts à atteindre, survoler un texte ou se poser quelquesquestions avant de le lire) qui peuvent faciliter l’activation de la connaissance,l’organisation et la compréhension du matériel à apprendre ou de celles permettant

24/

Page 25: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

la surveillance du bon déroulement de l’activité mentale (par exemple, focaliser sonattention sur un point précis, s’auto-évaluer en cours d’apprentissage). C’est aussi lecas des processus d’évaluation du produit de l’activité cognitive (par exemple,l’évaluation de l’efficacité des procédures employées). L’expérience métacognitiveinclut également les jugements sur la qualité de l’apprentissage ou le niveau deconfiance de l’individu. Ces expériences métacognitives, par exemple ce que l’onapprend lors de la régulation de l’apprentissage, peuvent modifier et enrichir laconnaissance métacognitive. »

Extrait et traduit de Corkill (1996).

******************************************************Fini de l’encadré

On se souvient par exemple que Sternberg a montré que les individus les plus aptesà des tâches de raisonnement analogique consacraient proportionnellement plus detemps à l’étape d’encodage que ne le faisaient les moins aptes. On a également puremarquer que par rapport aux mauvais lecteurs, les bons lecteurs répartissent mieuxleur temps de lecture en fonction de la difficulté et du contenu des différentspassages du texte qu’ils ont à lire. Ici, l’aspect critique concerne l’encodage del’information pertinente en fonction de la manière dont l’activité cognitive estplanifiée. Les caractéristiques et les exigences de la tâche semblent aussi être mieuxcomprises par les individus les plus efficients, ce qui pourrait entraîner uneutilisation de stratégies de résolution ou d’acquisition plus appropriées ainsi qu’uneallocation mieux adaptée des ressources disponibles. Par exemple, Borkowski et sescollègues comparent les performances d’enfants de 7 ans doués et normaux (enfonction de leurs résultats à une batterie d’épreuves psychométriques) à une tâchenon familière d’apprentissage de couples de lettres associées. Ils constatent qu’audébut de l’expérience, la performance est sensiblement la même pour tous lesenfants, aucun d’entre eux ne semblant disposer des connaissances spécifiquesappropriées à la tâche. Ils remarquent aussi que tous les enfants peuvent profiterd’un entraînement à l’utilisation d’une stratégie spécifique permettant d’améliorer laperformance. Mais ils observent surtout qu’à entraînement égal, les enfants douéstransfèrent plus facilement que les autres la stratégie apprise à une situationdifférente pouvant être résolue avec la même stratégie. Cette supériorité des enfantsdoués dans la généralisation stratégique pourrait s’expliquer par une plus grandeefficacité des processus exécutifs qui permettrait de penser de manière analogiquedes domaines nouveaux en s’appuyant sur des domaines familiers de connaissance.

Encadré*************************************************************

Différences individuelles dans la planification de l’activité cognitive. Ondemande à des enfants de dernière année de primaire (efficients vs peu efficients) demémoriser des informations textuelles concernant deux robots hypothétiques auxfonctions différentes. Le premier texte décrit les caractéristiques structurelles desdeux robots. Plus élaboré, le second texte précise les liens entre les caractéristiquesstructurelles et les fonctions des robots. On constate que les élèves moins efficientsse rappellent mieux les caractéristiques des robots dans la seconde condition. Cen’est pas le cas pour les élèves plus efficients, comme s’ils fournissaientspontanément l’effort de relier les caractéristiques structurelles aux fonctions desrobots lorsque cette information n’est pas fournie. On demande également auxenfants d’évaluer la difficulté de chacun des textes. Pour les enfants efficients, c’estle texte 1 qui jugé le plus difficile; ils y consacrent d’ailleurs plus de temps. Cerésultat est en accord avec l’hypothèse que les élèves plus efficients cherchent àrelier l’information lue à d’autres éléments du texte. A l’inverse, les élèves moinsefficients consacrent plus de temps au texte 2, comme s’ils relisaient le texte pourl’apprendre.

Extrait et traduit de Borkowski et Muthukrishna (1992).

******************************************************Fin de l’encadré

Un aspect critique du fonctionnement exécutif semble être aussi lié au contrôle, à lasurveillance de la démarche cognitive et à la capacité à maintenir activés les buts etsous-buts à atteindre pour résoudre une tâche complexe ou lors d’un comportementnouveau. Les résultats de plusieurs études ayant analysé les erreurs commises pardes enfants ou des adultes lors de la résolution des Progressive Matrices de Ravenmontrent ainsi que dans leur très grande majorité, celles-ci sont essentiellement duesà l’oubli d’une règle au cours de la résolution de l’item. De plus, les individus lesmoins aptes tendraient plus facilement que les autres à oublier les règles les pluscomplexes. Les différences dans l’efficacité des stratégies de surveillance elles-mêmes ou dans la connaissance qu’ont les individus de ces stratégies pourraient

25/

Page 26: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

expliquer de tels résultats.

Encadré*************************************************************

Un modèle de l’interaction entre processus exécutifs et connaissancesmétacognitives.

Les premiers travaux sur le fonctionnement métacognitif se sont focalisés sur laconnaissance dont dispose l’individu à propos de stratégies spécifiques (parexemple, savoir quand et comment mettre en œuvre une stratégie donnée, savoirquels avantages sont liés à son utilisation, etc.). Mais des facteurs personnels etmotivationnels (par exemple, les buts d’apprentissage, les croyances d’attribution,etc.) alimenteraient les processus de contrôle exécutif nécessaires à la sélection desstratégies, à leur application et à la surveillance de l’activité cognitive.

croyances d'attribution,motivation d'accomplissement,etc.

tâche

processusexécutifs

connaissances stratégiquesspécifiques

application de la stratégie performance

Le fonctionnement exécutif émerge des activités d’apprentissage associées à desactivités cognitives de bas-niveau pour être plus tard associé à des étatsmotivationnels positifs (cf. figure). Le déroulement peut être décrit comme suit.L’enfant apprend d’abord à utiliser une stratégie spécifique puis avec la répétition,acquiert des connaissances à son sujet. Ces connaissances concernent l’efficacité dela stratégie, son champ d’application, la manière de l’utiliser correctement dansdiverses tâches. [...] L’enfant apprend ensuite d’autres stratégies et les applique àdifférents contextes. Le domaine des connaissances liées à ces stratégies s’élargit ets’enrichit. L’enfant vient alors à comprendre quand, où et comment chaque stratégiepeut être appliquée : il apprend aussi à différencier les mérites respectifs de chaquetype de stratégie. Graduellement se développe la capacité à sélectionner lesstratégies adaptées à une catégorie de tâches données ainsi que celle à superviser etcontrôler leur bonne mise en œuvre. Les processus exécutifs ou processus decontrôle de niveau supérieur émergent alors ; le comportement s’auto-régule de plusen plus. La fonction initiale de ces processus exécutifs (analyse de la tâche, sélectionde la stratégie la plus adaptée) évolue vers une fonction de supervision etd’évaluation de l’activité. Au fur et à mesure que ces processus exécutifs etstratégiques s’affinent, différentes formes de connaissance se développent (parexemple, des croyances d’attribution causale, des buts d’apprentissage, etc.).

D’après Borkowski (1996).

******************************************************Fin de l’encadré

Note marginale*******************************************************

Croyances d’attribution : On explique généralement ce qui nous arrive ou laconduite d’autrui en l’attribuant à des causes. Ces croyances d’attribution causalepeuvent être par exemple internes (« ce qui m’arrive dépend de mes efforts, de mesaptitudes ») ou externes (« je n’y suis pas arrivé parce que je n’ai pas eu dechance »). Les différences dans les croyances d’attribution peuvent ainsi conduire àdes différences dans l’intérêt à l’égard d’une tâche, l’effort qui y est alloué, etc.

Buts d’apprentissage : On peut souhaiter apprendre pour soi et pour atteindre uncertain niveau de compétence; on peut aussi le souhaiter pour obtenir un diplôme oupar crainte d’un échec. Selon les buts d’apprentissage, les stratégies développées parles uns ou les autres peuvent différer.

************************************************Fin de la note marginale

Il est pour l’instant difficile de fournir une explication satisfaisante du rôle sur

26/

Page 27: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

l’efficience intellectuelle des différences individuelles dans les processus exécutifset dans les connaissances avec lesquelles ils interagissent (cf. Exercices 4E2,2).L’idée importante est celle d’interaction: elle signifie que la mise en œuvre de cesprocessus contribue à faire évoluer les connaissances - dont leur efficacité dépend -vers des connaissances et des savoir-faire de mieux en mieux intégrés, de plus enplus généralisables. Il est vraisemblable que des différences dans par exemple laplanification, la connaissance et l’utilisation des stratégies ou le contrôle del’activité cognitive ((cf. Exercices 4E2,3). naissent de cette interaction permanenteau cours d’actes cognitifs spécifiques, répétés sur de longues périodes de temps.Intégrés différemment selon les individus, les produits de cette interactionpermanente pourraient donc être à l’origine de certaines des différences deperformance observées aux tests d’intelligence.

27/

Page 28: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

DOCUMENT

4 B 1 – L’analyse des corrélats cognitifs des aptitudes : une illustration

1 - PRÉSENTATION

On décrit et commente ici la démarche et les principaux résultats d’une analyse descorrélats cognitifs des aptitudes réalisée par Lansman, Donaldson, Hunt & Yantis(1982). Le plan d’expérience de cette étude est multivarié : la performance àplusieurs tâches « de calibrage » y est mise en relation avec la performance à destests choisis en référence au modèle des aptitudes de Horn et Cattell (cf. chapitre 3).

2 - PROBLEMATIQUE

L’objectif principal de cette recherche de validation est de souligner le caractèreétroit de la correspondance existant entre deux grandes distinctions. La première,suggérée par la psychologie différentielle, concerne la différence entre lescomposantes cristallisée (Gc) et spatiale (Gv) de l’intelligence. La seconde est cellequ’effectue la psychologie expérimentale entre traitement de l’information verbale ettraitement de l’information visuo-spatiale.

Trois questions sont abordées:

- dans quelle mesure différents indicateurs d’un même processus cognitiffournissent-ils des informations de même nature ?

- quelles relations théoriques y a-t-il entre des processus différents?

- les facteurs mesurés avec des tâches expérimentales sont-ils en relation avec ceuxmesurés avec les tests?

3 - PROCEDURE

A/ Tests psychométriques

Les auteurs utilisent plusieurs indicateurs - ici des tests papier-crayon - pourmesurer chacune des variables latentes (ou facteurs) suivantes: intelligencecristallisée (Gc), intelligence fluide (Gf), visualisation spatiale (Gv) et vitesseperceptive (Vp). Le modèle de mesure appliqué est celui de l’analyse en facteurscommuns (cf. chapitre 2). Une brève description des tests administrés est donnéedans le tableau ci-dessous dans lequel on indique quel facteur dit « associé » estsupposé être mesuré par l’indicateur.

Indicateur Tâche à effectuer Facteur associéAnalogiesésotériques

analogies entre mots simples mais avec des relations complexes Gc

Vocabulaire choisir la définition correcte d’un mot donné GcInformationgénérale:

répondre à une questionnaire de connaissances à choix multiples Gc

Associationsverbales

trouver un mot relié à trois mots donnés Gc

Analogiescommunes

analogies entre mots complexes mais avec des relations simples Gf

Matrices choisir le dessin qui complète logiquement une matrice 2x2 de dessins. GfSéries de lettres déterminer la letttre qui suit logiquement la série présentée GfFigures déterminer si deux figures sont exactement superposables GvCubes déterminer si deux images d’un cube sur les faces desquelles apparaissent des

informations différentes sont compatibles.Gv

Rotation de cartes indiquer celles qui dans une série de formes planes présentées dans des orientationsdifférentes peuvent être mises en congruence avec une forme cible.

Gv

Dépliage après qu’une feuille de papier ait été pliée et percée, choisir la bonne image montrant àquoi ressemble le papier une fois déplié.

Gv

Surfacesdéveloppées

indiquer si la surface développée correspond à l’objet présenté Gv

Puzzle mental indiquer les formes plane qui placées de manière contiguë reproduisent le modèle GvFormes identiques choisir l’image identique au modèle VpBarrage barrer les mots contenant la lettre A VpCollationnement déterminer si deux nombres de 7 chiffres sont identiques Vp D’après Lansman, M., & collaborateurs, op.cit.

B/ Tâches de calibrage

La mesure des paramètres élémentaires du traitement de l’information repose surtrois paradigmes: celui de rotation mentale pour le traitement de l’information

28/

Page 29: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

spatiale, ceux de comparaison de couples de lettres et de comparaison phrase-dessinpour le traitement de l’information verbale. Chaque processus étudié est mesuré dedeux manières différentes: a) une passation « assistée par ordinateur » (AO)permettant une mesure item par item des TR et b) une passation « papier-crayon» (PC) fournissant une mesure plus globale (nombre d’items d’un type donnécorrectement résolus en un temps donné).

Paradigme de rotation mentale

Principe : les sujets doivent décider le plus vite possible si des paires d’objets bi-dimensionnels ou tri-dimensionnels présentés dans une orientation différente (bi:rotation dans le plan; tri: rotation dans un plan parallèle ou en profondeur)correspondent à des objets de même forme ou de formes différentes (symétrique enmiroir). La manipulation expérimentale porte sur l’importance de la disparitéangulaire entre les deux objets (0°, 30°, 60°, 90°, etc.).

Résultat majeur : lorsque les formes présentées sont identiques, on observe enmoyenne une augmentation linéaire du TR avec le degré de disparité angulaire entreles objets: plus cette disparité est grande, plus le TR est long.

Interprétation : ce résultat est interprété par les auteurs comme témoignant ducaractère analogique et séquentiel du processus de rotation mentale.

Paramètre individuel de traitement de l’information : la pente de la droite décrivantl’augmentation du TR en fonction de la disparité angulaire mesurerait la “vitesse derotation mentale” de l’individu.

Paradigme de comparaison de lettres

Principe : il s’agit de juger si deux lettres apparaissant sous deux conditionscorrespondant à deux consignes différentes sont identiques ou pas. La premièreconsigne est de juger de l’Identité Perceptive des lettres (condition IP: les couplesAA, aa sont identiques; les couples Aa, AB, Ab ne le sont pas). La seconde consigneest de juger de l’identité des lettres du point de vue de leur dénomination ou Identitéde Nom (condition IN: les couples AA mais aussi Aa sont identiques).

Résultat majeur : Posner a été le premier à mettre en évidence que le TR dans lacondition IP est en moyenne moins long que celui observé dans la condition IN(différence moyenne de l’ordre de 70 msec. chez l’adulte).

Interprétation : la condition IN étant plus dépendante d’associations linguistiquesque ne l’est la condition IP, l’écart IN-IP traduirait la mise en œuvre dans lacondition IN par rapport à la condition IP d’un processus de décodage, detransformation de la représentation physique d’une lettre en un code linguistiquestocké en mémoire à long terme.

Paramètre individuel de traitement de l’information : le paramètre IN-IP mesureraitla vitesse avec laquelle l’individu peut accéder à un code linguistique.

Paradigme de comparaison phrase-dessin

Principe : les sujets doivent comparer une information présentée sous formelinguistique (« croix est au-dessus de étoile ») à une information imagée (le dessind’une croix sur ou sous une étoile). La manipulation expérimentale porte sur lanature affirmative ou négative de la phrase et sur la compatibilité entre la phrase etle dessin.

Résultat majeur : le TR est fonction du type de couples phrase-dessin, ce tempsétant par exemple plus court pour une proposition affirmative-vraie que pour uneproposition affirmative fausse.

Interprétation : les auteurs adoptent ici l’interprétation selon laquelle les sujetsutiliseraient une stratégie linguistique de recodage des phrases négatives en phrasesaffirmatives mais l’interprétation de cette tâche est considérablement plus complexeque Lansman et ses collègues ne semblent le penser (cf. cours 4D1). D’autresstratégies, par exemple imagées, peuvent en effet être employées par certains sujets(cf. Exercices 4D1).

Paramètre individuel de traitement de l’information : le paramètre vitesse derecodage linguistique (moyenne des TR pour les phrases négatives moins moyennedes TR pour les phrases affirmatives) mesurerait l’efficacité du traitement.

C/ Sujets et procédure

L’ensemble de ces épreuves est administré au cours de dix sessions d’une heure à 91

29/

Page 30: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

étudiants (45 hommes, 46 femmes) constituant un échantillon représentatif, du pointde vue de leur niveau d’aptitude spatiale, de la population des étudiants de 1re annéede l’Université de Washington. Les consignes, l’ordre de passation des épreuves etcelui des items dans chaque épreuve sont les mêmes pour tous les sujets.

4 – ANALYSE DES RESULTATS ET DISCUSSION

A/ Corrélations entre les indicateurs des quatre aptitudes

Les tests psychométriques ayant été sélectionnés en fonction d’hypothèses précisesquant à leur association avec chacune des quatre aptitudes, il est nécessaire devérifier le respect de ces hypothèses sur l’échantillon expérimental. Lansman et sescollègues appliquent l’analyse factorielle confirmatoire aux corrélations entre lestests psychométriques.

Le principe de l’analyse factorielle confirmatoire consiste d’abord à spécifier apriori les variables théoriques à partir des variables observées qui en constituent lesindicateurs. Des hypothèses concernant l’existence ou non de corrélations entre lesvariables théoriques peuvent également être faites. Il est ensuite possible d’estimer,pour chaque ensemble d’hypothèses, les différents coefficients (saturations,corrélations entre facteurs) puis d’apprécier au moyen de tests d’ajustement dansquelle mesure le ou les modèles considérés permettent de rendre compte descorrélations observées (cf. chapitre 2).

Les auteurs aboutissent à un modèle en facteurs corrélés, très proche des hypothèsesde départ (cf. tableau précédent). Les saturations (colonnes Gc, Gf, Gv et Vp),unicités (pourcentage de variance résiduelle) et corrélations entre facteursapparaissent ci-dessous.

Indicateur Gc Gf Gv Vp Unicité

Analogies ésotériques 0,84 0,30Vocabulaire 0,73 0,47Information générale: 0,61 0,62Associations verbales 0,35 0,83Analogies communes 0,23 0,22 0,88Matrices 0,35 0,88Séries de lettres 0,79 0,38Figures 0,67 0,53 0,31Cubes 0,68 0,29 0,47Rotation de cartes 0,73 0,28 0,35Dépliage 0,54 0,71Surfaces développées 0,79 0,38Puzzle mental 0,62 0,62Formes identiques 0,52 0,74Barrage 0,43 0,62 0,51Collationnement 0,49 0,76

GC 1Gf 0,20 1Gv 0,19 0,10 1Vp -0,03 -0,14 -0,04 1

D’après Lansman, M., & collaborateurs., op.cit.

Explications

– Pour rendre compte de manière satisfaisante des corrélations observées, les auteursont dû admettre que certains indicateurs soient saturés dans plusieurs facteurs. C’estpar exemple le cas de trois mesures de Gv (Figures, Cubes, Rotation de cartes), quiparce qu’elles sont plus simples que les autres, impliquent plus le facteur Vp. C’estaussi le cas de l’épreuve Barrage qui s’avère être saturée à la fois dans Vp et Gf oude Associations verbales saturée dans Vp et Gc. On peut remarquer que le meilleurindicateur de Gc est Analogies ésotériques (0,84) ou que celui de Gf, assez malmesurée dans cette étude, est Séries de lettres (0,79).

– Les valeurs apparaissant dans la colonne Unicité sont des variances résiduelles.Elles peuvent être interprétées comme la quantité de variance de chaque indicateurnon expliquée par l’ensemble des facteurs. Plus l’unicité d’un indicateur donné estimportante, moins le pouvoir explicatif du système de variable latentes est élevépour cet indicateur. Analogies communes et Matrices dont la variance résiduelle estforte mesurent donc mal les variables théoriques.

– Enfin, les valeurs estimées des corrélations entre aptitudes montrent que cesdernières sont bien différenciées sur l’échantillon étudié. Ces corrélations sont dites

30/

Page 31: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

“désatténuées” car le modèle appliqué en permet l’estimation indépendamment deserreurs de mesure.

B/ Corrélations entre les mesures AO et PC des tâches de calibrage

Les résultats rapportés par les auteurs mettent en évidence deux points importants:

a) Les corrélations entre mesures globales de la performance à une même tâcheprésentée sous deux formats différents (AO et PC) sont, comme attendu,relativement élevées. Pour la tâche de rotation mentale par exemple, la corrélationentre le TR moyen sur l’ensemble des items (procédure AO) et le nombre d’itemsrésolus (procédure PC) est de –0,63. Les sujets globalement les plus rapides à latâche informatisée tendent à être aussi les plus précis à l’épreuve papier-crayon. Desrésultats semblables sont observés pour les tâches de comparaison de lettres (-0,55)et de comparaison phrase-dessin (-0,73).

b) Les corrélations entre estimations théoriques de la vitesse d’un même processusmesuré par les procédures AO et PC sont par contre plus faibles que les précédentes:0,43 pour la vitesse de rotation mentale (pente), 0,29 pour la vitesse d’accès à uncode linguistique (IN-IP), 0,40 pour la vitesse de recodage linguistique(TR_négative - TR_affirmative). Cette convergence relativement faible entremesures « dérivées » contraint les auteurs à ne pas retenir ces estimations pourtantcensées être les plus intéressantes d’un point de vue théorique.

La stratégie suivie pour analyser les corrélations entre les diverses mesures globales(TR moyen pour chaque type d’items pour la procédure AO; nombre d’items dechaque type résolus pour la procédure PC) effectuées pour les 3 tâches de calibrageest la même que dans la section précédente. L’application de l’analyse factorielleconfirmatoire permet d’aboutir à un modèle à trois facteurs spécifiques: Le facteurRotation Mentale (RM) sature les mesures globales aux tâches AO et PC de rotationmentale (médiane des saturations = 0,79). Le facteur Appariement de Lettres (AL)sature les mesures globales aux tâches AO et PC de comparaison de lettres (médianedes saturations = 0,70). Le facteur Vérification de phrase (VP) sature les mesuresglobales aux tâches AO et PC de comparaison phrase-dessin (médiane dessaturations = 0,83). RM est faiblement corrélé à AL (0,14) et VP(0,14). Lacorrélation entre ces deux facteurs est très forte (0,77).

Explications

– La plus forte convergence observée entre les mesures globales (pas d’explicationdu processus) par rapport aux mesures dérivées ne peut que décevoir ceux quicherchent à mettre en relation l’efficacité d’un processus cognitif et la performance àun test psychométrique. Ce résultat, répliqué dans de nombreuses études, amènenotamment à s’interroger sur la validité du modèle général qui sous-tendl’estimation théorique, individu par individu, de la vitesse du processus étudié. Cemodèle, en mettant l’accent uniquement sur la vitesse du processus, estnécessairement limité. Il est aussi douteux qu’un seul modèle soit suffisant pourexpliquer les performances d’individus différents.

– Les tâches de comparaison de lettres et de comparaison phrase-dessin impliquanttoutes les deux le traitement d’une information verbale, on comprend l’observationd’une corrélation désatténuée de forte amplitude entre AL et VP. Indépendant desprécédents, le facteur RM, résume les différences individuelles dans le traitementd’une information spatiale. En termes de différences individuelles, la dimension decontenu (verbal vs spatial) est donc particulièrement saillante.

C/ Analyse des relations entre facteurs expérimentaux et aptitudes

La considération simultanée à l’aide d’une analyse factorielle confirmatoire descorrélations entre mesures globales aux tâches de calibrage et performances auxtests d’aptitudes permet d’aboutir à l’estimation des corrélations entre facteurs (lescorrélations en gras sont significatives au seuil de .05).

Facteur RotationMentale

Appariementde lettres

Vérificationde phrase

Gc: intelligence cristallisée 0,04 0,07 0,28Gf: intelligence fluide -0,10 0,02 0,00Gv: visualisation spatiale 0,78 -0,10 -0,07Vp: vitesse perceptive 0,21 0,69 0,38

D’après Lansman, M., & collaborateurs., op.cit.

Explications

31/

Page 32: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

L’examen des estimations montre le caractère spécifique des corrélationsdésatténuées entre facteurs mesurant ici des niveaux de performance.

– Le facteur rotation mentale est très fortement corrélé au facteur visualisationspatiale. On mesure donc bien, dans l’aptitude spatiale, la capacité à encoder,mémoriser et surtout manipuler une image visuelle.

– La forte corrélation entre les facteurs appariement de lettres et vitesse perceptivesemble traduire le faible niveau de difficulté des tâches correspondantes, la vitessede réalisation différenciant alors les individus. Une analyse complémentaire montrecependant que la corrélation partielle du TR moyen d’IN avec Gc est significative à .05 (r=0,35; le TR moyen d’IP étant contrôlé). Ce résultat conduit à penser quel’aptitude verbale est sans doute en partie reliée à la vitesse d’accès à des codesverbaux contenus en mémoire à long terme. L’observation d’une corrélation de 0,28entre le facteur vérification de phrase et Gc est d’ailleurs en accord avec cettehypothèse.

5 – COMMENTAIRES GENERAUX

– Les analyses précédentes soulignent la correspondance entre la distinction Gc-Gvd’une part, celle entre traitement verbal et traitement spatial d’autre part. Ellesindiquent que les tests psychométriques semblent, à un niveau assez globald’observation, mobiliser des processus nécessaires à la résolution de tâchesexpérimentales.

– L’analyse de la performance à une tâche de calibrage sous l’angle de la vitesseet/ou l’efficacité d’un processus élémentaire montre aussi ses limites. Lesestimations théoriques correspondantes semblent instables, étroitement dépendantesdes caractéristiques spécifiques de la tâche et peu en relation avec un niveau plusglobal de performance. Il est donc illusoire de vouloir rendre compte des différencesobservées à un niveau global en évoquant exclusivement des différences liées à unniveau élémentaire de traitement de l’information.

32/

Page 33: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

EXERCICES

4 B 2 – Temps d’inspection et intelligence

1 - PRESENTATION

La procédure de temps d’inspection visuelle (TI) a été très largement utilisée dansles études sur le rôle de la vitesse mentale dans l’intelligence (cf. cours 4B1). Leprincipe en est très simple. Il suffit d’indiquer de quel côté est située la ligneverticale la plus longue (cf. figure a). Pour empêcher le traitement de l’informationau-delà de la durée de présentation de la cible, on utilise une technique de masquagevisuel (cf. figure b). La discrimination devient évidemment très difficile quand lemasque succède très rapidement à la cible (intégration phénoménologique de lacible et du masque). La mesure effectuée est une mesure de seuil ou temps minimumdont a besoin le sujet pour effectuer « correctement » la discrimination, par exemple,dans 95 ou 97,5% des cas.

a b

2 - EXERCICE 1

On étudie l’effet sur le temps d’inspection visuelle d’une tâche secondaire que lesujet doit réaliser simultanément. Dans la tâche de TI, le sujet doit appuyer sur unbouton ou un autre pour indiquer de quel côté se situe la ligne la plus longue. Dansla tâche secondaire, le sujet doit imaginer le déplacement d’un élément dans un carréde 9 cases. Les instructions sur le déplacement sont auditives et le sujet indiqueoralement par un chiffre de 1 à 9 la position de l’élément après le déplacement. Les35 adultes participant à l’expérience sont placés dans la condition « TI seul » puisdans la condition « TI + imagerie ». On détermine leur TI dans chaque condition.

Les analyses effectuées montrent que le TI moyen est de 47 msec en condition « TIseul » et de 99 msec en condition « TI+Imagerie » [t(34)=5,46, p<0.001]. Ce résultatest-il compatible avec une interprétation du TI en termes de vitesse de traitement del’information ?

3 - EXPLICATIONS

Si le TI mesurait la vitesse d’un processus automatique et extrêmement précoce deprise d’information, on devrait observer une stabilité des mesures effectuées encondition « TI seul » et en condition « TI+imagerie ». Or cette prédiction n’est pasen accord avec les observations effectuées. En effet, le TI moyen augmentesignificativement de la condition « TI seul » à la condition dans laquelle il estmesuré en même temps que le sujet doit réaliser la tâche secondaire. La tâche de TI,malgré sa simplicité apparente, est en fait psychologiquement complexe.

Le résultat observé peut d’abord s’expliquer par le rôle médiateur des ressourcesattentionnelles dans le TI (amorçage et maintien du niveau de vigilance, focalisationde l’attention sélective, contrôle du balayage de l’information ; cf. cours 4C1), cesressources attentionnelles étant également nécessaires à la bonne réalisation de latâche secondaire. Une autre interprétation possible repose sur l’implication decapacités de visualisation et d’orientation spatiale dans la tâche de TI et dans celled’imagerie spatiale. Les mesures de TI sont aussi sensibles à des processus dedécision qui interviennent après la présentation de la cible et du masque. Cesprocessus de nature exécutive (auto-surveillance, évaluation de la performance àchaque essai, etc.) sont évidemment sollicités par la tâche secondaire, ce qui peutproduire des interférences avec la tâche de TI et conduire à l’observation de TI enmoyenne plus élevés.

4 - EXERCICE 2

Bors, Stokes, Forrin & Hodder (1999) mesurent chez 20 étudiants de 1ère annéed’université : a) la performance aux Matrices Progressives de Raven ; b) le TI lorsde 3 occasions (300 essais chaque jour, 3 jours de suite). Les résultats obtenus sontrésumés dans le tableau ci-dessous :

33/

Page 34: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

TI (msec.) 1er jour 2ème jour 3ème jourMinimum 40 36 37Maximum 140 135 113Moyenne 85 73 66Ecart-type 30 31 25

Corrélation avec les Matrices de Raven -0,43* -0,15 -0,07

* : p<.05 D’après Bors, D.A., & collaborateurs(1999)

1. La diminution du TI entre le 1er et le 3ème jour (p<.001) est-elle compatible avecune interprétation de cette mesure en termes de vitesse de traitement del’information ?

2. Que penser de la diminution avec les occasions de mesure de la corrélation entrele TI et l’intelligence fluide mesurée par les Matrices de Raven ?

5 – EXPLICATIONS

Question 1

Par définition, la vitesse de traitement de l’information est relativement peu sensibleà l’entraînement. Or le TI moyen dérivé des 300 premiers essais est nettement plusimportant que celui mesuré le 3ème jour. Il faut ajouter que l’entraînement semblesurtout profiter aux sujets les moins performants lors de la 1ère session puisque le TIminimum est à peu près constant d’une session à une autre. Le TI réfléchirait doncquelque chose d’autre (ou de plus) que la vitesse de traitement de l’information, parexemple, des processus perceptifs ou cognitifs, peut-être stratégiques, dont la vitesseet/ou l’efficacité bénéficieraient de l’entraînement. Ce résultat est en accord avecd’autres observations qui suggèrent que beaucoup de participants développent desstratégies de réponse au fil des essais (par exemple, en s’appuyant sur des indices demouvement apparent liés à la technique de masquage employée).

Question 2

La corrélation négative observée entre le TI mesuré le 1er jour et la performance autest des Matrices de Raven est de l’ordre de ce qui est habituellement observé: lesindividus les plus aptes intellectuellement tendent à présenter des TI plus courts. Ilest ici particulièrement intéressant de noter que l’entraînement atténue la relationentre le TI et l’intelligence, celle-ci disparaissant dès le second jour. Tout sembledonc se passer comme si les individus les plus performants au test des Matrices deRaven présentaient un avantage initial lors de la mesure du TI. Cet avantagedisparaîtrait ensuite en raison de l’amélioration chez les individus les moins aptesintellectuellement de leur niveau d’adaptation à la tâche de TI. L’implication deprocessus autres que la vitesse de traitement de l’information semble donc pouvoirexpliquer la corrélation observée entre le TI mesuré en contexte de nouveauté et laperformance au test des Matrices de Raven.

34/

Page 35: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

DOCUMENT

4 B 3 – Principes de mise en œuvre d’une analyse composantielle

1 - PRÉSENTATION

Robert Sternberg (1977) décrit une méthode visant à identifier les différentescomposantes (processus mentaux et stratégies) impliquées dans la résolution detâches complexes comme des analogies (gris est à nuage comme jaune est à ?), desséries de lettres (A, C, E, ?) ou des syllogismes (aucun B n’est A, tous les C sont B:aucun C n’est A). Cette méthode, appelée analyse composantielle, consiste àélaborer un modèle cognitif de la tâche puis à utiliser ce modèle pour définir etmesurer les diverses composantes mises en jeu, afin d’étudier dans quelle mesure lesdifférences individuelles ainsi « localisées » contribuent à expliquer celles observéesà un niveau plus global de performance.

Les extraits présentés ci-après décrivent l’ensemble des procédures à suivre pourmettre en œuvre une analyse composantielle.

----------------------------------L’analyse composantielle-----------------------------------

1. La décomposition de la tâche

« La première chose à faire est de décider de ce que l’on souhaite analyser. Il estdonc nécessaire de disposer d’une théorie du domaine cognitif spécifique auquel ons’intéresse. Celle-ci doit être suffisamment complète et applicable à un largeensemble de problèmes pour le domaine considéré. Elle doit aussi nécessiter unnombre suffisamment réduit de paramètres et d’hypothèses de travail. [...] Laperformance à la tâche doit pouvoir être quantifiée. La tâche doit aussi possédercertaines propriétés de mesure avant que ses propriétés psychologiques puissent êtreévaluées. [...] Il faut ensuite décomposer la tâche en une série de sous-tâches, avecl’hypothèse que les sous-tâches qui nécessitent moins de traitement sont emboîtéesdans celles qui en nécessitent plus. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pourmener à bien cette décomposition. Le principe de la méthode dite de « pré-indiçage» consiste à fournir aux individus une certaine quantité d’information concernantl’item, avant que celui-ci ne leur soit présenté dans son intégralité. Dans la méthodedite des « sous-tâches partielles », on présente des items impliquant soit l’ensembledes composantes hypothétiques, soit un sous-ensemble de ces composantes. [...]

2. Le test du modèle et l’estimation de ses paramètres

Une fois les scores obtenus à des items dont les caractéristiques sontexpérimentalement manipulées, il faut quantifier le modèle composantiel. Latechnique employée dépend de la tâche et de la méthode de décomposition utilisées.Elle est conduite de manière à utiliser la régression multiple comme moyen deprédire la variable dépendante à partir d’une série de variables indépendantes. Lavariable dépendante est habituellement le TR ou le nombre d’erreurs. Les variablesindépendantes sont généralement le nombre de fois où une série donnée decomposantes de traitement est exécutée. On prédit ainsi la latence, le pourcentaged’erreurs ou la probabilité de réponse en fonction du nombre de fois où chaquecomposante du modèle est activée.

Les paramètres de latence sont des coefficients de régression qui représentent lesdurées des diverses composantes. Un modèle linéaire simple permet ainsi de prédirele TR comme une fonction additive du nombre de fois où chacune des ncomposantes est exécutée (n variable indépendantes) multiplié par la duréed’exécution de chacune de ces composantes (n paramètres de latence estimés). Onfait de la même manière l’hypothèse que le pourcentage d’erreurs est égal à lasomme des difficultés rencontrées en exécutant chaque composante. Un modèlelinéaire semblable au précédent permet de définir le pourcentage d’erreurs commeune fonction additive du nombre de fois où chacune des n composantes est exécutée(n variables indépendantes) multiplié par la difficulté de la composante (nparamètres de difficulté estimés). [...]

Une fois le modèle formulé, il est nécessaire de le tester. Au cours de cette étape devalidation interne, on examine [notamment] la proportion de variance dans lesdonnées dont le modèle est capable de rendre compte et la contribution de chacundes paramètres. [...] Le modèle proposé doit être testé sur les données de groupe(modèle général) mais aussi individu par individu, conduisant ainsi à l’estimation deparamètres individuels. Il est en effet possible que le modèle rende convenablementcompte des données de groupe mais ne convienne pas pour certains sujets en raison

35/

Page 36: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

de différences dans les stratégies individuelles.[...]

3. La validation externe du modèle

La validation externe nécessite de tester les paramètres du modèle proposé contredes critères externes, avec au moins deux objectifs. Le premier objectif est defournir une source complémentaire de vérification du modèle. [...] Il est par exempleimportant de montrer que les paramètres supposés opérer sur des représentationsspatiales entretiennent des corrélations plus élevées avec des tests spatiaux qu’avecdes tests verbaux.[...] Le second objectif est de tester le degré de généralité dumodèle. Si on ne peut trouver de critère externe en relation avec les paramètresestimés sous hypothèse du modèle, celui-ci, ou peut-être la tâche, ne présente pas ungrand intérêt théorique. Par exemple des paramètres estimés pour une tâche deraisonnement analogique ne sont intéressants que s’ils s’avèrent être corrélés àdivers tests de raisonnement inductif mais pas à des tests de vitesse perceptive. [...]

En pratique, le modèle n’est pas correctement formulé au départ. Il est donc souventnécessaire de le reformuler sur la base des données observées et de valider le modèlerévisé sur une autre série de données. [...] Il est aussi important de montrer que lemodèle proposé n’est pas spécifique à la tâche. Ma propre stratégie a été d’étendreles modèles composantiels d’une tâche de raisonnement inductif d’un format donné,d’un contenu donné, à des tâches de raisonnement inductif présentées dans desformats différents, correspondant à des contenus différents.[...] Ce processus degénéralisation est nécessaire car la théorie cognitive doit l’emporter sur l’analyse dela tâche.[...] »

Extrait et traduit de Sternberg, R.J. (1985).

2 – EXPLICATIONS

A/ La décomposition de la tâche

Voici, pour illustrer cette première étape, le modèle de décomposition proposé parSternberg pour la résolution d’un problème d’analogie du type « A est à B comme Cest à D» (réponse de type vrai-faux). Le sujet doit d’abord encoder les différentséléments du problème (étape d’encodage). Il doit ensuite découvrir la relation entreA et B (étape d’inférence) puis apparier la relation entre A et B à la relation entre Cet une solution idéale à l’analogie (étape d’appariement ou d’homologie). Il doitenfin appliquer la relation afin de déterminer si la réponse proposée lui paraîtappropriée (étape d’application) puis répondre.

A : B :: C : D

encodage

préparation réponse

inférenceappariement

application

La méthode dite de pré-indiçage consiste à éliminer successivement chacun destermes de l’analogie. Quatre sous-tâches comportant deux parties peuvent ainsi êtreformées. Une certaine quantité d’information est d’abord présentée sur l’écran d’unordinateur: cela peut être « pas d’information », « A », « A:B » ou « A:B::C ».Lorsque le sujet estime avoir suffisamment traité l’information qui lui est présentée(temps de préparation), il fait apparaître l’analogie complète en appuyant sur unetouche du clavier. Le modèle de décomposition fait l’hypothèse que le temps mispar le sujet pour répondre (TR) est fonction de la quantité d’informationpréalablement traitée. Il est donc d’autant plus court que la quantité d’informationprésentée en pré-indiçage est importante.

B/ L’estimation des paramètres du modèle

Reprenons les hypothèses du modèle précédent appliqué à la décomposition du TR àdes analogies entre figurines pouvant être décrites par des attributs comme la taille,la corpulence, la couleur et le genre.

Soient « a » la durée de l’étape d’encodage, « x » la durée de l’étape d’inférence,« y » la durée de l’étape d’appariement, « z » la durée de l’étape d’application et« c » une constante de temps correspondant aux temps de préparation et de réponse.On définit a priori le nombre « f » d’attributs de A et de B (de C et de D) inféréspuis appliqués et le nombre « g » d’attributs appariés entre A:B et C:D.

36/

Page 37: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

1. Pré-indiçage75 items par

condition

Durée dutraitement

correspondant

2. Présentationde l’analogie

Décomposition du TR Estimation de la durée descomposantes (n = 16)

0 indice: - - A:B :: C:D TR0 = 4a + fx + gy + fz + c encodage: 556 msec.1 indice: A A A:B :: C:D TR1 = 3a + fx + gy + fz + c inférence: 134 msec.2 indices: A:B 2a + fx A:B :: C:D TR2 = 2a + gy + fz + c appariement: 199 msec.3 indices: A:B :: C 3a + fx + gy A:B :: C:D TR3= a + fz + c application: 94 msec.

constante: 452 msec.D’après Sternberg, R.J., op. cit.

La lecture du tableau précédent montre que le TR est décomposé différemment selonle type de traitement effectué en pré-indiçage. La différence TR0-TR1 fournit uneestimation de « a ». Connaissant « a » et « f », il est alors possible d’estimer « x » àpartir de TR1-TR2 puis d’estimer « y » à partir de TR2-TR3, etc.

Sur cet exemple, le pourcentage de variance expliquée du modèle (i.e. le carré de lacorrélation entre les données reconstruites par le modèle et les données observées)est de 0,92. De plus, les composantes dont le modèle fait l’hypothèse sont toutes desprédicteurs significatifs des différences individuelles dans les TR. Enfin,l’application du modèle aux données recueillies pour chaque individu montre qu’ilrend compte en moyenne de 80% de la variance observée. Ce modèle a donc unetrès bonne validité interne tant par rapport aux données de groupe que par rapportaux données individuelles.

C/ La validation externe du modèle

Le premier type de validation externe ou validation convergente (corrélation entreles paramètres et les mesures externes avec lesquelles ils sont supposés corrélés)doit s’accompagner d’une recherche de validation discriminante. On doit en effetvérifier que les corrélations entre les paramètres et les mesures externes sont duesaux mécanismes psychologiques spécifiés et non à des sources de variations« cachées » comme par exemple une dimension plus générale.

La stratégie de recherche suggérée par Sternberg consiste à comparer des modèlesdu point de vue de leur capacité à « reconstruire » les données observées. Une desdifficultés de cette approche est qu’il est souvent possible de trouver a posteriori unmodèle plus vraisemblable que les autres. On peut alors, lorsque l’effectif est detaille suffisante, identifier le modèle reconstruisant le mieux les données sur unepartie de l’échantillon et questionner sa validité en l’appliquant ensuite à l’ensembledes sujets restants. On pourra aussi évaluer le degré de généralité du modèle édifiéen étudiant sa capacité à reconstruire des données recueillies sur un autreéchantillon avec un matériel plus ou moins comparable.

37/

Page 38: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

EXERCICES

4 B 4 – Que mesure le test de substitution ?

1 - PRESENTATION

Le test dit de « substitution » est une épreuve très souvent utilisée dans l’évaluationde l’efficience intellectuelle d’enfants ou d’adultes. Dans ce test factoriellementambigu mais très corrélé à la performance cognitive complexe, le sujet doit coder enun temps donné (par exemple, 2mn) un maximum de symboles en respectanttoujours les mêmes associations symbole-chiffre (cf. figure).

1 2 31 14 75 6 8 9

Les résultats expérimentaux présentés dans les exercices suivants proviennent d’uneétude réalisée par Gilmore, Royer, Gruhn et Esson (2004). Ces auteurs appliquentd’abord une méthode d’analyse composantielle basée sur la manipulation deplusieurs caractéristiques du matériel. Ils analysent ensuite le rôle des processus derecherche visuelle dans la performance au test.

2 – EXERCICE 1

Gilmore et collaborateurs administrent différentes formes du test de substitution à74 participants. Chaque forme de test comprend 1 série de référence présentant les 9associations symbole-chiffre (cf. figure) et 4 lignes de 25 symboles à compléter en90 s. Les 20 formes du test sont construites en croisant factoriellement trois types demanipulations expérimentales des symboles présentés dans la série de référence :

- la composition de la série (COMP): les symboles de la série peuvent être touscomposés de segments horizontaux et verticaux (R) ou tous composés dediagonales (D), que l’on sait plus difficiles à traiter ;

- le degré de confusion visuelle de la série (CONF): la série peut être composée desymboles très différents les uns des autres (degré de confusion nul) ou trèsressemblants les uns aux autres (degré de confusion maximum) ;

- la charge en information de la série (INFO) c’est-à-dire la moyenne sur lessymboles de la série de la charge en information de chaque symbole définie commele nombre de symboles différents produit par les rotations de 90° et celles en miroir(par exemple, 1 pour le symbole « + » ; 8 pour le symbole « F »).

1) De quelles composantes de traitement de l’information faire l’hypothèse surlesquelles les manipulations du matériel pourraient avoir un impact ?

2) Les analyses de variance effectuées montrent l’existence d’effets simples deCOMP, CONF et INFO sur le niveau de performance. L’effet le plus important estcelui de CONF. Que peut-on en conclure ?

3 - EXPLICATIONS

Question 1

On peut penser que des composantes de traitement comme l’encodage du symbole,le maintien du symbole en mémoire à court terme et la recherche visuelle dusymbole dans la série de référence interviennent, sans doute interactivement, dans laperformance au test de substitution.

L’encodage du symbole est manipulé dans cette étude en variant la composition dela série. Les segments horizontaux et verticaux étant identifiés plus rapidement etqualitativement mieux traités que les segments diagonaux, on s’attend à observer unniveau de performance supérieur aux formes de type R en comparaison aux formesde type D. Il paraît également raisonnable de penser que la manipulation de lacharge en information de chaque symbole a un effet sur les processus d’encodage etde maintien en mémoire du symbole. Il est donc possible de dissocierexpérimentalement ces deux catégories de processus en variant la charge eninformation des séries de type R ou de type D. Les études sur les processus derecherche visuelle ayant par ailleurs montré que la recherche d’une cible est plusdifficile lorsqu’elle est entourée de distracteurs perceptivement proches, on peutfaire l’hypothèse d’un impact négatif du degré de confusion visuelle sur la vitesse

38/

Page 39: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

et/ou l’efficacité de la composante de recherche visuelle. Un degré élevé deconfusion visuelle de la série devrait donc s’accompagner d’une baisse du niveau deperformance à la forme de test correspondante.

Question 2

Ces résultats démontrent que les trois manipulations du matériel ont des influencesdistinctes sur la performance au test de substitution, ce qui est une forme devalidation du modèle composantiel du test. L’effet de COMP (R vs D) constitue unrésultat intéressant qui illustre d’un point de vue général l’importance de la vitessed’encodage dans le niveau de performance. On ne dispose cependant pas d’élémentsqui permettent d’en juger d’un point de vue différentiel. La démonstration d’effetsséparés de INFO et de CONF est également à retenir. Un symbole à charge eninformation élevée est plus difficile à encoder et plus coûteux à maintenir enmémoire à court terme. Mais la recherche visuelle d’un symbole complexe estrendue encore plus difficile par la présence d’autres symboles perceptivementproches. La capacité à extraire un symbole donné d’une série où règne une forteconfusion visuelle en supprimant activement les symboles distracteurs paraît doncjouer un rôle très important dans la performance au test de substitution.

4 – EXERCICE 2

On définit dans l’expérience précédente un score individuel de recherche visuelle(RV) qui rend compte, toutes choses étant égales par ailleurs, de l’amélioration de laperformance avec la baisse du degré de confusion visuelle de la série. Les sujets sontcontrastés en deux groupes selon que leur performance s’améliore très sensiblement(groupe RV+ : 10 sujets) ou pas (groupe RV- : 9 sujets) lorsque CONF diminue. Ilsparticipent ensuite à une tâche de recherche visuelle dans laquelle il faut décider leplus vite possible si la lettre G est présente dans une série de 5 lettres (50% desitems). Les séries de lettres sont composées de 0 à 3 distracteurs présentant un degréélevé de confusion visuelle avec la cible (C, D, O ou Q). Les autres distracteursprésentent un faible degré de confusion visuelle avec la cible ; ils peuvent être desmatrices de points de la taille des lettres, des lettres faciles (E, K, X, Y ou Z) ou deslettres plus difficiles à identifier (A, H, M, N ou W).

Les observations effectuées montrent que quand la série est composée d’une cible etde distracteurs perceptivement éloignés, le temps de détection de la cible ne diffèrepas d’un groupe à l’autre. Un effet d’interaction (p<.05) est constaté entre le grouped’appartenance et le type de distracteur (cf. tableau ci-dessous : temps de détectionet écart-type, en ms) mais pas entre le groupe d’appartenance et le degré deconfusion visuelle.

Groupe Distracteurs"Recherche visuelle"

Matrices de points Lettres faciles Lettres difficilesRV+ 617 (17) 639 (18) 627 (17)RV- 647 (25) 695 (41) 723 (38)

Quelle interprétation suggèrent ces résultats ?

5 - EXPLICATIONS

Les deux groupes se différencient sur la base de leur comportement de recherchevisuelle objectivé à l’aide de certaines des formes du test de substitution (cf.expérience 1). Leur temps de détection est semblable lorsque le degré de confusionvisuelle est élevé mais contrairement aux sujets RV-, les sujets RV+ gagnent enrapidité lorsque le degré de confusion visuelle est faible. Avec l’hypothèse que lessujets procèdent de la même manière quel que soit le matériel, tout semble donc sepasser comme si les sujets RV+ survolaient des distracteurs présentant descaractéristiques perceptives très différentes de la cible, contrairement aux sujets RV-qui continueraient à les examiner de façon détaillée.

La présence d’un effet d’interaction du groupe d’appartenance avec le type dedistracteur mais pas avec le degré de confusion visuelle de la tâche de recherchevisuelle peut s’interpréter en termes de seuil d’activation lié au déclenchement del’analyse des lettres. Le temps de détection de la cible par les sujets RV+ reste eneffet le même quel que soit le distracteur (de 617 à 639 ms). Les sujets RV+ auraientdonc un seuil d’activation relativement élevé. Les traitements qu’ils mettent enœuvre seraient dominés par des analyses globales et en parallèles, ce qui conduiraitau rejet plus rapide des distracteurs. Ces traitements ne sont évidemment plusadaptés lorsque le degré de confusion visuelle est élevé. Les sujets RV- auraient au

39/

Page 40: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

contraire un seuil d’activation plus bas associé à une analyse sérielle plus détaillée.Ils ne mettraient donc pas plus de temps que les sujets RV- lorsque le degré deconfusion visuelle du test de substitution est élevé mais seraient plus lents lorsquecelui-ci est faible.

40/

Page 41: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

DOCUMENTS

4 C 1 – Les ressources de traitement du système cognitif

PRESENTATION

Dans le document 1, on présente des résultats extraits d’une recherche conduite parHunt et ses collaborateurs sur l’aptitude à intégrer des informations en provenancede différentes sources. L’interprétation des auteurs repose sur l’hypothèse d’unecapacité générale de contrôle attentionnel (ou ressources attentionnelle).

Les conclusions de l’étude présentée dans le document 2 soulignent l’importance del’exécutif central de la mémoire de travail dans la performance à une tâche decompréhension de lecture. La méthode utilisée consiste à comparer des enfants neprésentant pas de difficultés d’apprentissage à des enfants d’un niveau équivalentd’intelligence (QI) mais qui présentent des difficultés d’apprentissage.

Le document 3 résume et commente les principaux résultats d’une recherche quimontre que la capacité de la MT réfléchit une aptitude générale d’attention contrôléeou d’attention exécutive. On retiendra que l’attention contrôlée reste un prédicteurimportant des différences de performance à diverses épreuves de raisonnementlorsque l’on contrôle statistiquement les processus de stockage spécifiques audomaine verbal et au domaine spatial.

DOCUMENT 1 : Capacité de contrôle attentionnel et efficience intellectuelle

« On se propose d’étudier la relation entre l’aptitude à intégrer une informationprésentée dans deux modalités différentes et l’efficience intellectuelle. Onadministre à des étudiants deux tâches d’attention. Dans la tâche auditived’attention, on présente simultanément deux séquences différentes de mots enfaisant entendre chacune d’elles à chacune des oreilles du sujet au moyen d’uncasque stéréophonique. Les mots se répartissent en deux catégories (noms de lettres,de chiffres) dont l’une est la catégorie-cible, une oreille étant désignée comme lecanal-cible durant la première partie de l’expérience, l’autre oreille l’étant pendantla seconde partie. Le sujet doit indiquer quels mots de la catégorie-cible ont étéentendus dans le canal-cible. La tâche d’amorçage lexical comporte deuxconditions. Dans la condition « traitement automatique », on donne un nom decatégorie puis on présente une série de lettres. Le sujet doit indiquer si ces lettresforment un mot (et dans ce cas il appartient à la catégorie) ou n’en forment pas un.Dans la condition « traitement contrôlé », le mot appartient à une autre catégorie quecelle donnée en amorce. Un test d’intelligence générale, les Matrices Progressivesde Raven, est également administré aux sujets. [...]

Tâche d’amorçage« automatique »

Tâche d’amorçage« contrôlé»

Matrices de Raven

Tâche auditive d’attention 0,28 0,31 0,46Tâche d’amorçage« automatique »

0,92 0,56

Tâche d’amorçage « contrôlé » 0,59

L’examen des corrélations entre les épreuves (toutes significatives au seuil de .05)montre que la tâche auditive d’attention est plus corrélée avec les Matrices de Ravenqu’elle ne l’est avec les tâches d’amorçage automatique ou contrôlé. [...] Ons’aperçoit encore mieux de cet effet si on compare la corrélation partielle entre latâche auditive d’attention et les Matrices de Raven (la variance associée aux tâchesd’amorçage étant supprimée) à celle entre la tâche auditive d’attention et les tâchesd’amorçage (la variance associée aux Matrices de Raven étant supprimée); lapremière est en effet de 0,38 alors que la seconde n’est que de 0,07. Ce résultatindique qu’une capacité générale de contrôle attentionnel est aussi associée à laperformance à une épreuve de raisonnement fluide. [...]

Considérons, pour résumer notre point de vue, une tâche abstraite aux exigencesattentionnelles élevées. On peut estimer que la variance interindividuelle stablereprésente environ la moitié de la variance totale, l’autre moitié étant associée à desfluctuations non systématiques. Ajoutons que la moitié de cette variance stable (soit25% de la variance totale) représente des variations individuelles dans la capacitégénérale de contrôle attentionnel ; les 25% qui restent représentent des variationsliées aux aspects spécifiques des tâches. »

41/

Page 42: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Extrait et traduit de Hunt, Pellegrino & Yee (1989).

Remarque

Effet d’amorçage lexical : la présentation préalable de l’amorce (ici le nom de lacatégorie à laquelle appartient le mot) diminue le temps de décision lexicale. Ils’agit d’un phénomène d’activation lexico-sémantique accélérant le traitementultérieur de la séquence de lettres (cf. cours, partie B et Grand Amphi, Psychologiecognitive).

Explications

La corrélation observée entre la tâche auditive d’attention et les Matrices de Ravenest de 0,46 ce qui correspond en première approximation à 0,46×0,46×100=21%environ de variance commune. La corrélation partielle entre la tâche auditived’attention et les Matrices de Raven en contrôlant ce que celles-ci ont en communavec les tâches d’amorçage est de 0,38 (environ 15% de variance commune). Les21% de variance qu’ont en commun la tâche auditive d’attention et les Matrices deRaven se décomposent donc de la manière suivante : 15% exclusivement encommun et 6% en commun avec les tâches d’amorçage. D’un autre côté, lacorrélation entre la tâche auditive d’attention et les tâches d’amorçage est de l’ordrede 0,30 (9% de variance commune). La corrélation partielle entre la tâche auditived’attention et les tâches d’amorçage en neutralisant ce que celles-ci ont en communavec les Matrices de Raven est de 0,07 (soit 0,5% de variance commune). Les 9% devariance qu’ont en commun la tâche auditive d’attention et les tâches d’amorçage sedécomposent donc ainsi : 0,5% exclusivement en commun et 8,5% en commun avecles Matrices de Raven. Au total, les tâches d’attention utilisées par Hunt renvoient àun ensemble de processus communs dont l’efficacité est aussi mesurée par lesMatrices de Raven, un test considéré généralement comme un très bon indicateur del’intelligence fluide. Les différences de performance aux tâches d’attention utiliséesdans cette étude réfléchiraient donc avant tout l’efficacité de processus de hautniveau impliqués dans le contrôle de l’attention. La corrélation moyenne observéepar Hunt entre les Matrices de Raven et les tâches d’attention est d’environ 0,50 cequi correspond à 25% de variance représentant les variations individuelles dans lacapacité générale de contrôle attentionnel.

DOCUMENT 2 : capacité de la mémoire de travail et efficience en lecture

« L’objectif de l’étude est de déterminer dans quelle mesure la mémoire de travail(MT) et la mémoire à court terme (MCT) opèrent indépendamment l’une de l’autredans la compréhension de lecture. [...] 31 mauvais lecteurs et 70 bons lecteurs âgésen moyenne d’une douzaine d’années participent à l’étude. Trois tâches sontutilisées pour mesurer ces processus mnésiques. [...] Dans la première tâche de MT,les sujets doivent comprendre une série de phrases et retenir le dernier mot dechacune d’entre elles. Le score d’empan de lecture est le nombre maximum de motsque les enfants sont capables de rappeler. [...] La précédente tâche ne permettant pasde dissocier les composantes de la MT (c’est-à-dire, l’exécutif central des systèmesasservis), on administre une autre tâche de MT pour évaluer le fonctionnement del’exécutif central. Dans cette tâche dite de mémoire concurrente, on présenteoralement des séries de chiffres pendant que les sujets doivent trier des cartes. Onmanipule la charge en mémoire en faisant varier le nombre de chiffres (3 ou 6) et lesdemandes par rapport aux systèmes asservis en faisant varier les modalités de tri(catégorisation sémantique d’images; tri en fonction de la forme). La variabledépendante est le pourcentage de chiffres correctement rappelés. [...] La troisièmetâche dite de pré-charge est un indicateur de la MCT. On lit aux enfants une série dechiffres (3 ou 6) puis une liste de mots. La consigne est de rappeler les mots puis leschiffres dans l’ordre. Les variables dépendantes sont le pourcentage de rappel pourles mots et pour les chiffres. [...] Un test de compréhension de lecture est égalementadministré aux enfants.[...]

Une analyse factorielle hiérarchique des différents scores de mémoire montred’abord que les mesures de MT sont fortement convergentes, tout en possédant unepart de spécificité en accord avec la dissociation suggérée par Baddeley. [...] Cetteconvergence signe un aspect des tâches de MT qui paraît être la coordinationd’opérations entre composantes indépendantes. [...] On notera que le recouvremententre les mesures de MCT et celles de MT est par ailleurs négligeable. [...]

L’étude indique également que l’amplitude des corrélations observées entre MT etcompréhension de lecture est plus fonction des différences individuelles dans lacompétence à utiliser certaines composantes de la MT que fonction des différencesde compétence en lecture. [...] Ce n’est pas à cause de la lecture mais à cause d’une

42/

Page 43: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

moindre capacité de la MT que les mauvais lecteurs ont des scores faibles auxtâches de MT. [...] Nos résultats montrent aussi que [compréhension de] lecture etMT sont surtout interdépendantes pour les moyens et les bons lecteurs, [...] cescorrélations s’amplifiant avec l’augmentation du degré d’efficience en lecture. [...]Enfin, La MCT ne joue pas un rôle aussi critique dans la compréhension de lectureque la MT. Un tel résultat fait pencher plutôt pour des modèles « descendants » desdifficultés en lecture en suggérant que si des processus de bas niveau [commel’utilisation du code articulatoire dont l’efficacité est mesurée par la tâche de MCT]ont une influence sur le traitement exécutif, leurs effets ne peuvent être qu’indirectset minimums. [...] Les problèmes des mauvais lecteurs sont fonctionnellement reliésà des processus de haut niveau comme le traitement exécutif central. »

Extrait et traduit de Swanson, H.L. (1993)

Explications

La tâche de mémoire concurrente employée dans cette étude est un bon exemple detâche double visant à mesurer la fonction d’attention contrôlée de l’exécutif centralde la MT. Les demandes en ressources sont manipulées via le niveau de difficulté (3ou 6 chiffres) et les modalités de tri (formes non verbales, catégories sémantiques,cartes vierges). Les résultats montrent que quelles que soient les modalités de tri, lesmauvais lecteurs sont aussi performants que les autres quand les demandes enressources exécutives sont faibles (3 chiffres) mais sont moins performants que leurshomologues lorsque les demandes en ressources exécutives sont élevées (6 chiffres).Les différences de performance de rappel n’étant pas limitées à l’une ou l’autre desmodalités de tri, les processus impliqués seraient donc généraux plutôt quespécifiques à un système de représentation donné (figuratif vs verbal). Swanson aétabli ultérieurement qu’en comparaison aux enfants qui ne rencontrent pas deproblème d’apprentissage en lecture, les « mauvais lecteurs » présentent desdifficultés liées à certains aspects exécutifs de la MT. Ces derniers auraientnotamment plus de difficultés à supprimer ou interdire l’accès de l’information nonpertinente en MT ainsi qu’à rafraîchir les contenus de la MT. D’autres fonctionsexécutives (par exemple, la planification, l’autorégulation ou la prise de décision)seraient par contre tout à fait préservées chez les enfants d’intelligence normale quiprésentent des difficultés d’apprentissage.

DOCUMENT 3 : MT = attention exécutive + mécanismes de stockage.

Kane, Hambrick, Tuholski et al. (2004) administrent à 250 étudiants des épreuvesde MT (3 à contenu verbal et 3 à contenu spatial) ainsi qu’une batterie de tests deraisonnement portant sur des domaines spécifiques (5 de raisonnement verbal et 5de raisonnement spatial) ou représentant des formes décontextualisées deraisonnement (3 épreuves dont les Matrices Progressives de Raven). Les relationsobservées entre toutes ces épreuves sont analysées à un niveau latent au moyen detechniques de modélisation structurale.

Modèle de mesure de la capacité de la MT – Kane et ses collègues testentsuccessivement un modèle à une variable latente « capacité de la MT » (CMT) et unmodèle à deux variables latentes (CMT verbale : CMT-V ; CMT spatiale : CMT-S)dans lequel la corrélation estimée entre CMT-V et CMT-S est de 0,93. Ils retiennentdonc la solution unidimensionnelle (CMT).

Modèle de mesure du raisonnement – La solution retenue comporte 3 variableslatentes : Gf, (intelligence fluide) mesurée par tous les tests de raisonnement et dontle meilleur indicateur est le test des Matrices de Raven ; R-V mesurée par les 5 testsde raisonnement verbal et dont le meilleur indicateur est une épreuve decompréhension de lecture ; R-S mesurée par les 5 tests de raisonnement spatial etdont le meilleur indicateur est une épreuve de puzzles mentaux.

Modèle de régression de Gf, R-V et R-S sur CMT – Les estimations des coefficientsde piste sont les suivantes : 0,64 de Gf sur CMT (41% de la variance de Gf sontprédits par les variations de CMT) ; 0,31 de R-V sur CMT (9% de la variance de R-V sont prédits par CMT) ; 0,24 de R-S sur CMT (4,5% de la variance de R-S sontprédits par CMT). Ces estimations sont toutes significatives au seuil de .05.

Ces premiers résultats amènent Kane et ses collègues à la conclusion que la capacitégénérale de la MT est un prédicteur important de l’intelligence fluide mais aussi unprédicteur significatif de dimensions spécifiques du raisonnement.

Les observations effectuées avec 6 épreuves supplémentaires de mémoire à courtterme (3 à contenu verbal, 3 à contenu spatial) sont cumulées avec celles faites avecles tâches de MT. Les auteurs retiennent un modèle de mesure de ces 12 épreuves

43/

Page 44: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

mnésiques qui distingue 3 variables latentes : l’attention exécutive (AttnExec)mesurée par toutes les épreuves de MCT et de MT et dont le meilleur indicateur estl’empan de lecture ; le stockage verbal (Stockage-V) mesurée par les 3 tâches deMCT à contenu verbal et dont le meilleur indicateur est l’empan de chiffres (retenirdes chiffres énoncés oralement); le stockage spatial (Stockage-S) mesurée par les 3tâches de MCT à contenu spatial et dont le meilleur indicateur est l’empan dematrices (retenir les positions de croix dans des tableaux).

Les estimations des coefficients de piste du modèle de régression des variableslatentes R-V, Gf et R-S sur AttnExec, Stockage-V et Stockage-S apparaissent dansle tableau ci-dessous :

Note : ns pour non significatif au seuil de .05.

Explications

On voit que la variable latente d’attention contrôlée (AttnExec) qui représente lavariance commune aux tâches de MCT et de MT est un prédicteur important del’intelligence fluide Gf (27% de variance commune) et dans une moindre mesure desdimensions spécifiques du raisonnement R-V (8,5%) et R-S (6,25%). On constateaussi que les variables latentes de stockage d’un contenu spécifique (verbal ouspatial) sont de bons prédicteurs des dimensions spécifiques du raisonnement (16%pour R-V ; 24% pour R-S). Enfin, si la faiblesse du pourcentage de variance de Gf

prédit par Stockage-V (environ 2,5%) est en accord avec la théorie de l’attentioncontrôlée, c’est loin d’être le cas des 29% de variance de Gf prédits par Stockage-S.Ce résultat est caractéristique du domaine spatial pour lequel il a été montré que lestaches qui nécessitent le stockage « passif » de l’information ne sont pasfactoriellement distinctes des tâches qui nécessitent un traitement additionnel del’information (Miyake et al., 2000).

44/

R-V Gf R-SStockage-V 0,40 0,16 nsAttnExec 0,29 0,52 0,25Stockage-S ns 0,54 0,49

Page 45: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

EXERCICE

4 C 2 – Mémoire de travail, attention soutenue, raisonnement

et intelligence cristallisée

1 - PRESENTATION

Alors que les modèles de l’intelligence distinguent classiquement des dimensions deniveau intermédiaire liées à la nature verbale, numérique ou visuo-spatiale des tests(cf. cours chapitre 3), les recherches sur la relation entre MT et intelligence prennentrarement en compte la composante cristallisée de l’efficience intellectuelle.L’étroitesse de la relation entre l’exécutif central de la MT et les dimensions decontrôle et de capacité de focalisation de l’attention rend aussi souhaitabled’introduire dans les recherches de ce type des tâches d’attention qui impliquent unniveau élevé de contrôle. C’est ce que font Buehner, Krumm, Ziegler et Pluecken(2006) qui administrent à un échantillon de 121 étudiants une batterie de testsmesurant la capacité de la MT, l’attention soutenue (ATT), le raisonnement (R) etl’intelligence cristallisée (Gc).

2 – PROCEDURE

Trois catégories de tâches informatisées sont utilisées pour mesurer la MT. Ellessont choisies du double point de vue de la fonction qu’elles opérationnalisent (cf.cours 4C2) et de leur contenu, verbal, numérique ou visuo-spatial. Il s’agit : a) detâches doubles nécessitant de rappeler après traitement concurrent une informationbrièvement présentée (fonction « stockage en contexte de traitement »); b) de tâchesde commutation (switching) qui imposent d’appliquer successivement une consignepuis une autre selon les caractéristiques des items (fonction de « supervision ») ; c)de tâches de monitoring dans lesquelles il faut repérer des modifications quisurviennent de façon imprévisible dans les relations entre objets (fonction de« coordination »). Des tâches élémentaires de traitement de l’information sontégalement administrées aux sujets afin de déterminer des TR de base utiles au calculd’indices de coût aux tâches de commutation. L’attention soutenue est mesurée avecune tâche de barrage (barrer certains signes, par exemple, d’ ou p" ; ne pas en barrerd’autres, par exemple, d" ou p’) et la tâche que nous avons décrite plus haut (cf.cours 4C1). Neuf tests de raisonnement et six tests de connaissance complètent labatterie.

Les hypothèses testées à l’aide des modèles structuraux sont les suivantes :

a) l’attention soutenue (ATT) est corrélée à la capacité de la MT, notamment à lafonction « coordination » (CO) de la MT ;

b) les prédicteurs les plus significatifs du raisonnement (R) sont les fonctions« stockage en contexte de traitement » (S+T) et « coordination » (CO) ;

c) la capacité de la MT n’étant pas reliée, contrairement au raisonnement, à desstructures conceptuelles, la relation entre les fonctions de la MT et raisonnementdevrait rester stable après contrôle de l’intelligence cristallisée (Gc).

3 - RESULTATS

On a regroupé dans la figure ci-dessous les estimations standardisées (toutessignificatives au seuil de .05) obtenues dans le cadre du modèle de régression de Rsur S+T, SUP, CO et ATT ainsi que celles correspondant au modèle de régressionde R sur S+T, SUP, CO et ATT avec contrôle de Gc. L’impact de Gc dans la relationentre R et S+T, SUP, CO et ATT est contrôlé en mesurant Gc avec les tests deconnaissances ainsi qu’avec les tests de raisonnement. Dans cette seconde partie dumodèle, les pistes supplémentaires sont en pointillés et les nouvelles estimations enitaliques. On rappelle que les variables latentes sont représentées dans des cercles,que les flèches bidirectionnelles entre variables latentes correspondent à descorrélations, que les flèches unidirectionnelles allant d’une variable latente à uneautre variable latente se lisent « est un prédicteur de » et que les valeurs numériquesfigurant sur ces pistes sont des coefficients de régression (standardisés). Il est aussiutile de savoir que les petites flèches qui aboutissent à une variable latente (parexemple, R) sans partir d’une autre variable latente correspondent à de la variancerésiduelle c’est-à-dire à de la variance non prédite par les variables situées en amont(dans ce cas S+T et CO). Enfin, l’absence de flèche entre certaines variables latentesdu modèle témoigne d’une relation de prédiction non significative au seuil de .05.

45/

Page 46: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

0,51

0,53 (0,53)

0,60 (0,61)R

Tests de raisonnement

VerbalNumérique

Spatial

Tâches de mémoire de travail

Fonction« Stockage et traitement »

Fonction« Supervision »

Fonction« Coordination »

Tâches d’attentionsoutenue

S+T

SUP

CO

ATT

0,41

0,23

0,76

0,53

0,34

0,51 Gc

Tests de connaissancesHistoire/Géo.

EconomieArt/culture

MathsSciences

Vie quotidienne

1-R2 = 0,17 1-R2 = 0,74

Avant introduction de Gc Après introduction de Gc

0,51

0,53 (0,53)

0,60 (0,61)R

Tests de raisonnement

VerbalNumérique

Spatial

Tâches de mémoire de travail

Fonction« Stockage et traitement »

Fonction« Supervision »

Fonction« Coordination »

Tâches d’attentionsoutenue

S+T

SUP

CO

ATT

0,41

0,23

0,76

0,53

0,34

0,51 Gc

Tests de connaissancesHistoire/Géo.

EconomieArt/culture

MathsSciences

Vie quotidienne

1-R2 = 0,17 1-R2 = 0,74

Avant introduction de Gc Après introduction de Gc

1) Préciser le statut des variables latentes S+T, SUP, CO et ATT dans ce modèle.Quel est celui de R ? Quel est celui de Gc ?

2) Les résultats sont-ils en accord avec l’hypothèse de corrélations ente l’attentionsoutenue (ATT) et les fonctions de la MT ? Pourquoi les auteurs s’attendent-ils àune corrélation plus forte entre l’attention soutenue et la fonction « coordination »de la MT ?

3) Quels sont les prédicteurs du raisonnement (R) ? Quel pourcentage de variancede R permettent-ils de prédire ? Que peut-on en conclure ?

4) L’hypothèse c) est-elle validée ? Quelle explication peut-on donner de cerésultat ?

4 - EXPLICATIONS

Question 1

La capacité de la MT et l’attention soutenue sont considérées dans le modèle commedes prédicteurs du raisonnement R et de l’intelligence cristallisée Gc. Elles ont doncle statut de variables exogènes (on dit aussi indépendantes, en amont). La variablelatente R est prédite par S+T, SUP, CO et ATT ; elle est donc une variable endogèneayant le statut de variable dépendante (ou critère). Elle a aussi le statut de variableintermédiaire en raison de son statut de prédicteur de Gc. Le statut de Gc est celui devariable dépendante (on dit aussi ultime, en aval).

Question 2

Les corrélations estimées entre ATT et les fonctions de la MT sont de 0,76 pour lafonction « coordination », 0,54 pour la fonction « stockage en contexte detraitement » et 0,34 pour la fonction « supervision », ce qui valide l’hypothèse a).Comme attendu, la corrélation la plus forte est obtenue entre les variables latentesATT et CO. Rappelons que l’attention soutenue est définie comme la capacité àmaintenir un niveau élevé d’attention sur un stimulus donné pendant un temps assezlong, permettant ainsi que les ressources nécessaires soient disponibles tout au longdes différentes étapes du traitement. L’observation d’une corrélation entre ATT etCO n’est pas surprenante. Il semble en effet qu’un processus crucial dans l’attentionsoutenue soit la combinaison d’opérations élémentaires en une opération de niveausupérieur nécessaire à l’atteinte du but poursuivi. Cette idée de combinaison rejointcelle d’intégration d’éléments ou d’opérations que l’on trouve aujourd’hui dans ladéfinition de la fonction de coordination de la MT (cf. cours 4C2, Oberauer et al.,2003). L’hypothèse d’une fonction d’intégration commune pourrait donc expliquerles 0,78×0,78×100=58% de variance que ATT et CO partagent sur cet échantillon.Une autre hypothèse plausible est celle de la vitesse de traitement de l’informationqui pourrait jouer un rôle déterminant dans la performance aux 2 catégories detâches.

Question 3

Les prédicteurs significatifs du raisonnement sont CO (coefficient de régression de0,60) et S+T (coefficient de régression de 0,53). Ils prédisent ensemble 83% de lavariance de R, ce qui est considérable. Quant à l’attention soutenue, elle ne préditpas de variance de R indépendamment de CO. La capacité de la MT est donc unprédicteur d’autant plus important de l’efficience intellectuelle qu’elle est mesurée

46/

Page 47: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

avec des tâches impliquant les fonctions de « stockage en contexte de traitement » etde « coordination ».

Question 4

La relation entre les fonctions de la MT et raisonnement reste stable après contrôlede l’intelligence cristallisée (Gc) puisque le coefficient de régression de R sur S+Tconserve la même valeur (0,53) ainsi que celui de R sur CO (0,61). La part devariance de Gc prédite par R est de 26%. La capacité de la MT prédit doncindépendamment de Gc un pourcentage important de la variance de R (cf. cours4C2).

47/

Page 48: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

EXERCICES

4 D 1 – Formes de variabilité des procédures de résolution

1 - PRÉSENTATION

Des individus différents confrontés à une même tâche peuvent employer desstratégies différentes (exercice 1). Cette variabilité interindividuelle s’accompagnede certaines formes de variabilité intra-individuelle : le niveau de difficulté desitems par exemple peut provoquer des changements de stratégie chez certains sujets(exercice 2). D’un point de vue différentiel, la mise en évidence de différences dansles stratégies de résolution de problème conduit à s’interroger sur les facteursindividuels qui peuvent conduire l’individu à utiliser une stratégie plutôt qu’uneautre dans une situation donnée (exercice 3)?

******************************Exercice1*****************************

Plusieurs recherches consacrées à l’étude des stratégies individuelles ont utilisé leparadigme de comparaison phrase-dessin de Clark et Chase (voir par exemple,MacLeod, Hunt et Mathews, 1978). Une phrase (affirmative ou négative: « la croixest au-dessus de étoile ») est d’abord présentée sur l’écran de l’ordinateur. Le sujetdétermine lui-même le temps de présentation de la phrase (« temps decompréhension ») puis appuie sur une touche du clavier, la présentation d’uneinformation imagée remplaçant alors celle de la phrase. Le sujet doit juger de laconformité entre la phrase et l’information imagée en répondant « vrai » ou « faux »par l’intermédiaire des touches correspondantes du clavier (« temps devérification »).

Les résultats individuels n’étant pas tous conformes aux résultats observés surl’ensemble du groupe, on forme deux groupes contrastés de sujets. L’un dit « bienajusté » est composé de 8 sujets ; l’autre dit « mal ajusté » en comporte 4. Les tempsde compréhension et de vérification correspondants sont présentés ci-après.

msec Affirmative Négative Temps de compréhension 2343 2740

Vrai Faux Vrai FauxTemps de vérification 1237 1440 1547 1567

msec Affirmative Négative Temps decompréhension

groupe 1: bienajusté

groupe 2: mal ajusté

28872623

28253043

Vrai Faux Vrai FauxTemps de vérification groupe 1: bien

ajustégroupe 2: mal ajusté

1321876

16211204

1904896

18391207

D’après Marquer, J., & Pereira, M. (1990)

2 – EXERCICE 1

1. Caractériser la stratégie « moyenne » susceptible de rendre compte du pattern desde compréhension et de vérification recueillis ici sur un échantillon d’étudiants.

2. Comment interpréter les résultats du groupe « mal ajusté » par rapport à ceux dugroupe « bien ajusté »?

3 – EXPLICATIONS

Question 1

La comparaison des temps de compréhension montre l’existence d’un effetsignificatif (<.05) du type de phrase (affirmative vs négative). On peut donc penser,si l’on accepte l’hypothèse que le temps consacré à la lecture de la phrase estproportionnel à la durée de l’encodage de l’information, que, par rapport àl’encodage d’une phrase affirmative, celui d’une phrase négative comporte une ouplusieurs étapes supplémentaires (par exemple, une étape de transformation de laphrase négative en une phrase positive).

Le pattern des temps de vérification suggère par ailleurs que la procédure de

48/

Page 49: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

vérification est un peu plus longue, peut-être parce que plus exhaustive, lorsqu’il y adésaccord entre la phrase et l’image. Ce résultat moyen est conforme aux hypothèsesd’un modèle dans lequel le sujet se représente la phrase sous une forme linguistique,recode l’information imagée sous une forme linguistique puis compare ces deuxreprésentations. La vérification est de plus longue durée lorsqu’elle s’effectue enréférence à la représentation linguistique d’une phrase négative que lorsqu’elles’effectue en référence à celle d’une phrase affirmative. La vérification, lorsqu’elles’effectue en référence à la représentation linguistique d’une phrase négative est deplus longue durée pour un jugement de type faux que un jugement de type vrai.

Question 2

La stratégie linguistique précédemment décrite semble être préférentiellementemployée par les sujets du groupe 1, chez qui on constate une courbe des tempsmoyens de vérification conforme à celle prédite par le modèle linguistique. Cela nesemble cependant pas être le cas pour les sujets du groupe 2 puisque la courbe destemps de vérification ne traduit pas d’effet du type de phrase mais bien plutôt uneffet important du type de jugement. Ce résultat indique que les sujets de ce grouperecodent la négation pendant l’étape de compréhension, soit sous formelinguistique, soit sous forme imagée. Le temps moyen de compréhension étant pluslong dans le groupe 2 que dans le groupe 1, la stratégie de recodage n’estvraisemblablement pas la même. On peut par exemple faire l’hypothèse que lessujets du groupe 2 adoptent une stratégie qui consiste à se représenter la phrase sousune forme imagée puis à comparer cette représentation à celle du dessin. On noteraau passage que l’utilisation de cette stratégie conduit à des temps de vérificationplus courts.

******************************Exercice2*****************************

Bethell-Fox, Lohman et Snow étudient chez 40 lycéens âgés de 14ans 6 mois à 18ans les différences individuelles dans la performance à une tâche d’analogiesgéométriques du type « A est à B comme C est à ? ». Les items dont deux exemplessont donnés ci-dessous sont construits en faisant varier le nombre d’éléments de A(1, 2 ou 3), le type de relation entre A et B (changement de taille, rotation,symétrie...) et le nombre d’alternatives de réponse (2 et 4).

?A B C 2 alternatives

?A B C 4 alternatives

1

2

La procédure utilisée permet de mesurer le temps de réponse (en secondes) et lepourcentage d’erreurs des sujets. Elle permet aussi de décrire le pattern desdifférentes fixations oculaires lors de la résolution de chacun des items (techniqued’analyse du mouvement des yeux reposant sur la mise en correspondance entrefixation oculaire et activité de traitement de l’information).

Nombre d'éléments

1 2 3

4

8

1

2

16

2

0er

reur

s (%

)

1 2 3

.04

.0

6

.08

.1

0

.12

fréq

uenc

e de

réin

spec

tion

de A

et B

apr

ès C

tem

ps d

e ré

pons

e (s

ec.)

1 2 3

2

4

6

8

10

1 2 3

.04

.0

6

.08

.1

0

.12

fréqu

ence

de

réin

spec

tion

de A

et B

apr

ès D

D’après Bethell-Fox, Lohman & Snow (1984)

Les auteurs mesurent la fréquence des réinspections de A et B « après examen de Cet avant examen des alternatives de réponse » (AB-C) et « après le premier examendes alternatives de réponse » (AB-D). Les résultats correspondants, observés pourles items à 2 alternatives (trait plein) et à 4 alternatives (trait pointillé) apparaissentsur les figures ci-dessus.

4 – EXERCICE 2

1. La difficulté des items est-elle fonction du nombre d’éléments de A? Dépend-elle

49/

Page 50: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

du nombre de possibilités de réponse? Y a-t-il un effet d’interaction entre lesfacteurs expérimentaux « nombre d’éléments » et « nombre de possibilités deréponse » ?

2. Peut-on dire que les caractéristiques de la tâche et la difficulté des itemsinduisent, au moins chez certains sujets, un changement de stratégie?

5 - EXPLICATIONS

Question 1

L’examen des TR et des erreurs met en évidence un effet du nombre d’éléments deA sur la difficulté des items d’autant plus marqué que le nombre de possibilités deréponse est élevé: les items à 3 éléments et à 4 possibilités de réponse conduisent àun TR particulièrement plus long et à une précision moindre que ceux à 1 élément età 2 possibilités de réponses. L’analyse de variance dégage un effet d’interactionsignificatif au seuil de .05. Le nombre de possibilités de réponse est donc, en soi eten interaction avec le nombre d’éléments de A, une facette importante de ladifficulté des items. Il semble obliger les sujets à activer des composantes detraitement supplémentaires ou à appliquer un nombre plus élevé de fois les mêmescomposantes.

Question 2

Les résultats de l’analyse du mouvement des yeux montrent qu’aux items les plusdifficiles (3 éléments, 4 possibilités de réponse) correspondent globalement plus deretours en arrière, de réinspections de A et de B. Les allures respectives des courbesAB-C indiquent quant à elles que les sujets se préparent d’autant plusprécautionneusement que les items sont difficiles. On peut donc faire l’hypothèseque les sujets, avant l’examen des possibilités, cherchent à élaborer de manièreséquentielle une représentation de la solution idéale (stratégie « de construction »).Plus l’item est difficile, plus la construction de la solution nécessite de réinspectionsde A et de B. Le constat d’une faible fréquence de réinspections de A et B aprèsexamen des alternatives (courbes AB-D) tend à prouver que cette stratégie estefficace pour les items les plus faciles.

Pour les items les plus difficiles, on constate une augmentation de la fréquence desréinspections de A et B après examen des possibilités de réponse. Il se peut doncque certains sujets ne puissent apparier leur réponse à une des possibilités deréponse, par exemple en raison d’une mauvaise mémorisation de la représentationde la solution idéale. On peut alors se demander si la difficulté de certains itemsn’oblige pas certains sujets à renoncer, éventuellement provisoirement, à unestratégie de construction et à lui préférer une stratégie « d’élimination de réponse »consistant à éliminer les possibilités de réponse incorrectes pour obtenir la bonnesolution par défaut.

******************************Exercice3*****************************

On veut tester l’existence d’une relation directe entre aptitude et stratégie,l’hypothèse étant que chaque individu utiliserait spontanément les stratégies lesmieux adaptées à ses niveaux respectifs d’aptitude dans les domaines verbal etspatial. Pour ce faire, on administre à 40 étudiants (20 de haut niveau d’aptitudespatiale ou S+, 20 de bas niveau d’aptitude spatiale ou S-), tous d’un niveaud’éducation élevé, une tâche d’orientation assistée par ordinateur.

Dans cette épreuve, les sujets doivent indiquer aussi précisément et rapidement quepossible la position finale d’un mobile ayant effectué à partir d’une position initiale6, 7 ou 8 déplacements successifs (par exemple, un pas vers l’est, un pas vers lenord, un pas vers le nord...). Pour chaque item, la description écrite de l’ensembledes déplacements effectués apparaît sur l’écran jusqu’à ce que le sujet indiqueverbalement la position finale du mobile (une des branches, numérotées de 1 à 16,de la rose des vents). Deux stratégies différentes semblent pouvoir être utilisées. Lastratégie spatiale repose sur l’élaboration d’une représentation spatiale du parcoursétape par étape. La stratégie de suppression repose sur la suppression, pas à pas, dela direction opposée à chaque déplacement, la dernière direction constituant laréponse correcte. Cette seconde stratégie ne nécessite que des savoir-fairenumériques simples.

Les variables mesurées sont le TR et la précision. La stratégie décrite par lesparticipants à la fin de la tâche est utilisée comme variable de classification, le TR etla précision étant utilisés pour confirmer la validité de la verbalisation.

50/

Page 51: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Résultats des mesures et de la catégorisation (1 sujet n’a pu être classé)

TR moyen(sec.)

Erreurs (%)

Stratégie spatiale (n=19) 14.7 52.3Stratégie de suppression (n=20) 6.8 12.3HO: pas d’écart entre les deuxgroupes

p<.01 p<.01

Tableau de fréquences

stratégiespatiale

stratégie desuppression

Groupe S+ 4 16Groupe S- 15 4 test d’indépendance χ2=14.8, p<.01

D’après Roberts, Gilmore & Wood (1997).

6 – EXERCICE 3

1. Quelle est la stratégie apparemment la plus efficace?

2. Y a-t-il une relation entre le niveau d’aptitude spatiale et le choix stratégique?Que penser d’un tel résultat?

7 - EXPLICATIONS

Question 1

On lit dans le tableau que la stratégie de suppression est associée à des TRsignificativement plus courts et à une précision significativement plus élevée. Cesrésultats sont conformes à l’hypothèse que, pour cette tâche d’orientation, lastratégie spatiale est cognitivement plus exigeante et moins efficace que la stratégiede suppression.

Question 2

Les auteurs constatent en effet que le niveau d’aptitude spatiale (S+ versus S-) estun prédicteur significatif du choix stratégique. Mais cette relation est apparemmentcontre-intuitive car les individus du groupe S+ utilisent préférentiellement lastratégie de suppression, non spatiale, alors que ceux du groupe S- privilégient lastratégie spatiale. Au contraire des sujets d’un niveau élevé d’aptitude spatiale, lesparticipants d’un faible niveau d’aptitude spatiale ne semblent donc pas réaliser quela stratégie de suppression est mieux adaptée que ne l’est la stratégie spatiale. Onpeut faire l’hypothèse que par rapport aux premiers, les seconds évaluent moins bienl’inadaptation de la stratégie spatiale aux contraintes de la tâche et/ou disposentd’un répertoire moins étendu de stratégies, éventuellement non spatiales, pourrésoudre la tâche.

Ces résultats montrent que les individus particulièrement aptes dans le domainespatial ne tendent pas nécessairement à utiliser au maximum des représentationsspatiales. La relation entre aptitudes et choix stratégiques est donc plus à considérerà un niveau général plutôt que spécifique. Ils montrent aussi les difficultés liées àl’utilisation des tests dits d’aptitudes dans l’identification du mode defonctionnement cognitif préférentiellement utilisé par l’individu.

51/

Page 52: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

DOCUMENTS

4 D 2 – L’entraînement des stratégies cognitives

PRESENTATION

Peut-on entraîner des individus à utiliser efficacement des stratégies de traitement del’information afin d’améliorer leurs performances intellectuelles ? Le document 1apporte des informations d’ordre méthodologique qui concernent l’évaluation deseffets de l’entraînement stratégique sur la performance. La question des effetsdifférentiels, c’est-à-dire d’effets variables selon les individus de l’entraînementstratégique sur la performance est ensuite abordée (document 2). Enfin et puisquedepuis la fin des années 80 ont été développés de multiples programmesd’entraînement des stratégies cognitives chez l’enfant, on s’interroge sur l’efficacitéde ces programmes et sur les mécanismes par lesquels ils pourraient opérer.Quelques éléments de réponse sont apportés dans le document 3 à propos duprogramme « Cognitive Training for Children » qui vise à accroître une capacitécentrale dans la performance aux tests d’intelligence fluide, la capacité deraisonnement inductif.

DOCUMENT 1 : L’évaluation des effets de l’entraînement « ciblé » de certainesstratégies

Le plan le plus simple fait appel à deux groupes équivalents dont l’un bénéficie d’unentraînement pour utiliser une stratégie donnée (par exemple, une stratégied’imagerie mentale), l’autre groupe n’en bénéficiant pas (groupe témoin). On évalueensuite la performance à une situation-problème choisie comme critère et déjàanalysée du point de vue des processus mis en jeu. Il faut d’abord vérifier que lesstratégies utilisées dans le groupe qui a bénéficié de l’entraînement diffèrent decelles employées par les sujets du groupe contrôle. Il s’agit surtout de savoir si lamise en œuvre de la stratégie nouvellement apprise a conduit à une amélioration dela performance des sujets du groupe entraîné.

Un type de plan plus complexe fait appel à deux groupes contrastés (par exemple, deniveau intellectuel différent, d’âge différent, avec ou sans pathologie cérébrale, etc.).On administre d’abord un pré-test afin d’établir le niveau de performance des deuxgroupes et d’identifier les opérations préférentiellement mises en œuvre. Après lepré-test, le groupe dont on cherche à améliorer la performance (par exemple, defaible niveau intellectuel, d’âge très élevé, etc.) participe à un entraînement visant àinduire l’utilisation des stratégies préférentiellement mises en œuvre par les sujetsde l’autre groupe. Les sujets de ce second groupe participent également à unentraînement visant à leur faire utiliser les stratégies employées par les sujets dupremier groupe. On évalue finalement la performance des sujets des deux groupesdans une situation-problème critère. Voici ci-dessous un exemple fictif avecplusieurs types de résultats.

Mesure Niveau intellectuel faible Niveau intellectuel élevéPré-test Post-test Pré-test post-test

Résultats de type 1 ProcessusNiveau deperformance*

A25%

A+B+C75%

A+B+C75%

A25%

Résultats de type 2 ProcessusNiveau deperformance

A25%

A+B40%

A+B+C75%

A+C60%

Résultats de type 3 ProcessusNiveau deperformance

A25%

A+B+C40%

A+B+C75%

A60%

* pourcentage par rapport au niveau maximal de performance.

Explications

Si l’entraînement simule correctement les procédures utilisées par les deux groupes,les résultats doivent être du type 1; on peut alors dire que le traitementcomplémentaire B+C conduit à une amélioration de la performance et rend comptede la différence intellectuelle entre les deux groupes. [...] Les résultats de type 2indiquent que l’entraînement n’a pas eu les effets escomptés. Les individus deniveau intellectuel faible n’ont pas mis en œuvre le processus C, ceux de niveauélevé ont activé A mais aussi C. Des aspects de la situation d’entraînement doivent

52/

Page 53: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

donc être changés. [...] Les résultats de type 3 correspondent à un entraînement quisimule les processus ciblés, ces derniers ne rendant pas pleinement compte desdifférences entre les deux groupes. [...]

Illustrations

Dans une première étude, on entraîne des adultes retardés mentaux à utiliser desprocessus de répétition et d’attention pour mieux mémoriser l’ordre d’uneinformation verbale. L’étude des TR montre un effet d’entraînement mais l’examende la performance dégage une précision moindre que celle d’adultes sans retardintellectuel. Ces résultats sont de type 3. [...] Dans une autre expérience, on entraînedes enfants retardés mentaux à répéter l’information, utiliser et enchaîner desmécanismes de récupération de la même façon que le font des adultes sans retardintellectuel. L’étude des TR et de la précision indique que l’entraînement a induitchez les enfants retardés l’utilisation des mêmes procédures que les adultes. Lesmesures de performance montrent de plus qu’après entraînement, les enfantsretardés tendent à être un peu plus précis que des adultes normaux non entraînés.[...] Ces résultats de type 1 permettent de penser que des différences dans lesstratégies de répétition et de mémorisation utilisées contribuent largement àexpliquer les différences observées entre individus avec et sans retard intellectueldans la performance à une tâche de mémoire verbale. [...]

Extrait et traduit de Butterfield (1985)

DOCUMENT 2 : Bénéfices différentiels de l’entraînement des stratégies

Deux groupes d’enfants âgés d’environ 12 ans (32 enfants dont le quotientintellectuel moyen est de 64; 32 enfants sans retard intellectuel) participent àl’étude. Une batterie d’épreuves de « métamémoire » (capacité à évaluer ladifficulté, connaissance des stratégies de mémorisation possibles, capacité à répartirle temps autorisé, capacité à prédire le niveau de performance à une tâche demémoire donnée) et plusieurs autres épreuves (compréhension de lecture,catégorisation et rappel d’images, mémoire de lettres, taux d’utilisation desstratégies de répétition et de récupération à une tâche de mémoire d’objets) sontadministrées aux enfants. Ceux-ci doivent aussi évaluer la difficulté de chaquetâche. Enfin, on reprend la tâche précédente de mémoire d’objets après avoirentraîné les enfants à employer une stratégie dite de répétition et d’organisation enmémoire qui conduit à une meilleure performance. Les analyses effectuées montrentque quel que soit le niveau de difficulté perçue, la stratégie utilisée est un prédicteursignificatif (p<.01) de la performance aussi bien chez les enfants déficients que chezles enfants normaux. Les résultats suivants sont en outre observés.

Difficulté perçue Performance Mémorisation

d’objetsMémorisation

d’objets +entraînementstratégique

Mémorisationd’objets

Mémorisationd’objets +

entraînementstratégique

Enfants déficients 7.06 6.85 pas d’améliorationEnfants normaux 5.67 5.06 amélioration: t(33)=1.80, p<.05

D’après Rellinger et al., (1995).

Explications

L’entraînement stratégique tend à réduire la difficulté perçue de la tâche chez lesenfants sans retard intellectuel mais pas chez les enfants déficients. Il y a donc là unpremier effet différentiel de l’entraînement stratégique sur la perception de la tâcheet de son niveau de difficulté. Tout se passe comme si les enfants sans retardintellectuel avaient mieux compris que les autres les bénéfices à tirer de l’emploi dela stratégie de répétition et d’organisation en mémoire. Un second effet différentielest celui de l’entraînement stratégique sur la performance, l’entraînement stratégiquene profitant qu’aux enfants sans retard intellectuel. Ces résultats montrent qu’il estimportant pour l’enfant de bien comprendre le lien entre la stratégie employée et laperformance, ce que confirme la corrélation significative observée sur le seul grouped’enfants sans retard intellectuel entre la métamémoire et la performance (un scoreélevé aux épreuves de métamémoire est alors associé à un meilleur rappel).

DOCUMENT 3 : Les limites de l’efficacité des programmes d’entraînement desstratégies cognitives

Le « Cognitive Training for Children » (CTC) a été développé par Klauer pourenseigner aux enfants des stratégies de pensée susceptibles d’améliorer leur capacitéde raisonnement inductif. On rappelle que le raisonnement inductif consiste à

53/

Page 54: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

découvrir des régularités et des irrégularités en détectant des similitudes et/ou desdifférences entre : a) attributs d’objets ou d’ensembles d’objets ; b) relations entreobjets ou entre ensembles d’objets. La logique du programme est donc d’enseignerdes procédures assez générales de traitement de l’information comme lagénéralisation, la discrimination, la catégorisation, la reconnaissance et ladifférenciation de relations ou la construction de système. Le support matérielconsiste en objets concrets, en images et en symboles abstraits. L’enseignementindividuel ou en petit groupe repose sur la découverte guidée et le retour réflexif.L’entraînement s’effectue au cours d’une dizaine de séances de 20 mn.

Voici certains des enseignements que tirent Hager et Hasselhorn (1998) des résultatsd’une méta-analyse de 17 recherches d’évaluation de l’efficacité du CTC.

« Malgré l’apparente complexité et la diversité des résultats des études prise ici enconsidération, il est possible de conclure que le CTC améliore la performance auxtests traditionnels d’intelligence fluide. On peut néanmoins se demander si ces effetssont dus ou pas à une augmentation de la capacité de raisonnement inductif desenfants. La question se pose en effet de savoir pourquoi et comment le CTCaméliore la performance aux tests d’intelligence.

L’efficacité tout d’abord du CTC semble principalement provenir des tâchesd’entraînement plutôt que de la pédagogie employée pour enseigner les stratégies decomparaison des attributs d’objets et des relations entre ces objets. Les tâchesconstitueraient donc la composante procédurale centrale du CTC.

Par ailleurs, s’il n’y a pas de raison de douter que le CTC améliore la capacité desenfants à repérer les similitudes et dissimilitudes entre objets et évènements, leseffets du CTC ne sont pas nécessairement associés à une augmentation de lacapacité de raisonnement inductif au sens de capacité à détecter (et à appliquer) desrègles ou à trouver des régularités. Ils pourraient plutôt se traduire par uneaugmentation de la vitesse et de la précision de la perception visuelle desenfants ayant pour conséquence une amélioration de la performance à ceux des testsd’intelligence qui dépendent de la vitesse et de la précision de la perception visuelle.Cette hypothèse est aussi plus pertinente pour expliquer les patterns spécifiques deseffets de transfert du CTC […] et notamment le constat d’une effet du CTC sur desmesures pures de vitesse et de précision perceptive ou sur la performance à des testsvisuo-spatiaux ne sollicitant pas des processus de raisonnement inductif. »

Extrait et traduit de Hager et Hasselhorn (1998).

54/

Page 55: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

DOCUMENTS

4E1 – Experts, novices et résolution de problème

PRÉSENTATION

Le document 1 présente une méthode d’analyse de l’expertise qui repose sur ladescription empirique de la « pensée observée » d’experts et de novices. Lesdifférences dans l’organisation de la connaissance sont typiques de ce qui a pu êtreobservé dans d’autres domaines de connaissance. Ces différences auraient aussi uneincidence sur l’identification, la définition et la représentation de problème(document 2).

DOCUMENT 1 : Des différences d’organisation de la connaissance…

Cinq enfants de 7 ans ayant une très bonne connaissance des dinosaures sontcomparés à 5 enfants du même âge sans connaissance particulière de ce domainespécifique. On demande à chacun de ces enfants de répartir 20 images de dinosauresen différents groupes. L’analyse des commentaires des enfants pendant cette tâchede tri montre d’abord que les experts emploient plus de conjonctions (parce que, si)que les novices. Considérons l’extrait suivant: « Et il avait les pattes palmées, ce quifait qu’il pouvait nager, et son nez avait la forme d’un bec de canard, ce qui lui avaitdonné son nom. » Ce résultat suggère que lorsque les experts activent un concept,plusieurs autres attributs et concepts sont fortement activés; les propositions situéesavant les conjonctions proviennent de la description de l’image alors que cellesplacées après proviennent d’une connaissance implicite associée à ces attributs. Lesproductions des enfants novices consistent au contraire en une simple descriptiondes attributs explicites apparaissant sur l’image: « Il a les dents pointues. Il a troisdoigts. Il a une grande queue. » [...] On constate aussi que les experts changent plusfacilement de thème dans leur propos. Chaque thème comme par exemple le modede défense du dinosaure, semble fortement relié à d’autres attributs comme sonalimentation, son habitat, son comportement social, son apparence physique. [...]Les experts ont donc une représentation de ces associations qui leur rend difficile des’en tenir à un thème sans en aborder d’autres, expliquant ainsi la plus grandefréquence de transitions observée chez ceux-ci [...]

L’utilisation beaucoup plus fréquente de conjonctions par les experts traduit l’effetque peut avoir une structure de connaissance hautement associée et très intégrée surson utilisation. [...] Une autre différence essentielle dans la manière avec laquelle lesexperts et les novices emploient leur connaissance réside dans le nombre decomparaisons faites entre dinosaures. Par rapport aux novices, les experts effectuentbeaucoup plus de comparaisons et mentionnent aussi bien les différences que lessimilitudes. [...] On constate aussi que les experts s’appuient principalement surquelques attributs pour en déduire l’alimentation du dinosaure, la présence oul’absence d’un de ces attributs leur permettant de dire si le dinosaure est herbivoreou carnivore. On peut donc penser que la formation de catégories hiérarchisées estbasée sur le développement de tels contrastes. Les novices ne lisent pas les attributsde manière aussi contrastée. Il leur faut un plus grand nombre d’attributs pourpouvoir catégoriser. [...] Les représentations des experts sont ainsi plus différenciéesque celles des novices.

Extrait et traduit de Chi, Hutchinson et Robin (1989).

DOCUMENT 2 – … qui affectent la manière avec laquelle l’expert identifie,définit et représente les problèmes dans son domaine d’expertise

Toute situation de résolution de problème engage des processus de haut niveau (desmétacomposantes dans la théorie triarchique de l’intelligence de Sternberg).comme : a) reconnaître l’existence du problème ; b) définir sa nature ; c) allouer lesressources mentales et physiques nécessaires à sa résolution ; d) décider commentreprésenter l’information à son sujet ; e) planifier le traitement c’est-à-dire générerl’ensemble des étapes nécessaires pour le résoudre ; f) combiner ces étapes en unestratégie de résolution opérante ; g) surveiller le déroulement du processus derésolution ; h) évaluer la solution. Les experts ont des représentations plusefficientes de leur domaine que les novices : les détails non pertinents en sont« gommés » et elles sont structurées plus en profondeur en raison notamment duregroupement de certaines unités d’analyse. Ces différences dans la structure deconnaissance ont une influence sur la manière avec laquelle l’expert identifie, définitet représente le problème. En voici une illustration.

Les recherches sur la résolution de problème ont montré que la pensée analytique est

55/

Page 56: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

plus puissante et moins vulnérable aux heuristiques et aux biais que la penséeimplicite, globale ou intuitive. Il semble cependant que le caractère approprié del’analyse ou de l’intuition dépende de la complexité perçue et de la logique duproblème mais aussi du niveau d’expérience dans le domaine de l’individu.L’analyse serait une stratégie appropriée pour les individus disposant deconnaissances du domaine car leur expertise les aiderait à reconnaître l’informationclé et à mieux définir le problème. Les novices au contraire, parce qu’ils repèrentmoins bien l’information pertinente et perçoivent moins bien la structure duproblème, se focaliseraient sur l’information non pertinente dont ils tireraient desconclusions erronées. Dans une étude récente, nous avons examiné l’impact de lastratégie utilisée, celui de la complexité du problème et du niveau d’expertise enrésolution de problème chez des adolescents et des jeunes adultes. Les problèmessont « bien définis » c’est-à-dire que les buts, la voie à suivre et les obstacles àcontourner sont clairs au regard de l’information fournie ; ils sont regroupés selonleur niveau de complexité. Le niveau d’expertise est opérationnalisé par le niveau descolarisation. L’utilisation stratégique est manipulée par des consignes. La stratégieanalytique est basée sur un modèle commun du cycle de résolution deproblème (définir le problème, identifier l’information pertinente, allouer lesressources, évaluer les résultats). Dans la stratégie intuitive, il faut imaginer lasituation avec le plus de vivacité possible, appréhender le problème globalement etsuivre son intuition. Les résultats montrent que la stratégie intuitive aide les novices(elle accroît leurs chances de prendre en compte l’information pertinente) alors quela stratégie analytique bénéficie aux experts.

Extrait et traduit de Pretz, Naples et Sternberg (2003).

56/

Page 57: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

EXERCICES

4E2 – Connaissances spécifiques et cognition de haut niveau

1 - PRÉSENTATION

On considère aujourd’hui en psychologie cognitive que les différences individuellesdans l’organisation, la disponibilité et l’utilisation de la connaissance jouent un rôletrès important dans les différences cognitives. Le premier exercice porte sur larelation entre les connaissances antérieures et l’apprentissage de connaissancesnouvelles. Dans le second exercice, on s’intéresse à la relation entre le niveau deconnaissance dans un domaine donné et le niveau de compréhension d’un texteportant sur des aspects précis de ce domaine. Dans le troisième exercice enfin, onprésente des résultats qui suggèrent que la capacité de la mémoire de travail et lesconnaissances dans un domaine donné pourraient contribuer indépendamment àl’efficience dans ce domaine.

******************************Exercice 1*****************************

Dans un travail consacré à l’étude de la relation entre connaissance générale acquiseet apprentissage d’une connaissance nouvelle, Kyllonen, Tirre et Christal (1991)évaluent chez 400 jeunes adultes leur capacité d’apprentissage associatif, leurrapidité à décider si deux mots sont synonymes ou pas (même type de paradigmeque celui de comparaison de lettres; cf. cours 4D1) et leur niveau de connaissanceen vocabulaire.

Pour chacun des 20 items de la tâche d’apprentissage associatif, il s’agit d’étudierune série de 10 paires « mot cible :: mot sonde » (par exemple, camion :: bonté)présentées successivement. Selon les items, la durée de présentation ou « tempsd’examen » de chaque paire est de ½, 1, 2, 4 ou 8 secondes. Les sujets doiventensuite retrouver l’une de ces paires dans laquelle le mot sonde a été remplacé parun synonyme (par exemple, camion :: bienveillance) parmi cinq propositions. Lesdistracteurs utilisés sont des synonymes de certains des mots-sondes présentés dansla série étudiée pour lesquels on a vérifié dans une étude préparatoire qu’ils étaientparfaitement connus en tant que tels. On mesure le pourcentage de bonnes réponses.

Voici les pourcentages de bonnes réponses à la tâche d’apprentissage associatif pourles quatre groupes constitués en contrastant les sujets à la fois par rapport au niveaude connaissance (voc+ vs voc-) et à leur rapidité de décision à la tâche decomparaison de synonymes (lent vs rapide).

Groupe Temps d’examen (sec)Connaissance Vitesse 1/2 1 2 4 8Voc -Voc -Voc +Voc +

lentrapidelent

rapide

2027.52835

28353846

31454659

36495467

43526271

2 – EXERCICE 1

Ces résultats paraissent-ils en accord avec l’hypothèse d’un effet du niveau deconnaissance sur l’efficacité de l’apprentissage associatif ? Il est conseillé dereprésenter graphiquement l’évolution de la précision moyenne (en ordonnée) enfonction de l’augmentation du temps d’examen (en abscisse).

3 - EXPLICATION

La consultation du tableau ci-dessus permet de constater que le niveau deconnaissance mesuré par la quantité de vocabulaire a, quel que soit le tempsd’examen, un effet sur la probabilité d’apprentissage. Testé par les auteurs, cet effetdu niveau de connaissance sur le pourcentage de bonnes réponses est significatif àp<.001. Les résultats d’analyses plus précises non rapportés dans ce documentindiquent également l’existence d’un effet significatif (p<.001) de la rapidité decomparaison de synonymes sur l’apprentissage associatif.

On voit que si l’on privilégie une interprétation qualitative du temps mis pourcomparer deux synonymes en termes de disponibilité et d’organisation de laconnaissance (la comparaison serait d’autant plus rapide que la connaissance estplus disponible, plus cohérente, mieux organisée), ces deux résultats témoignent del’importance des connaissances, du double point de vue de leur étendue et de leurfacilité d’activation, dans l’apprentissage d’une connaissance nouvelle.

57/

Page 58: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

*******************************Exercice 2****************************

Alexander, Kulikowich et Schulze (1994) étudient l’influence de la connaissancesur la compréhension d’un texte scientifique chez 209 étudiants se destinant à lacarrière d’enseignant. La connaissance est considérée à un niveau général (parexemple, en biologie) ainsi qu’à un niveau plus spécifique (par exemple, la divisioncellulaire).

Les auteurs évaluent l’étendue de la connaissance générale en sciences physiques(les concepts, les principes fondamentaux) au moyen d’un questionnaire à choixmultiples comprenant des questions du type: « Qu’est-ce que le mouvementBrownien ? ». Les étudiants sont ensuite répartis en 3 groupes en fonction de leursscores standardisés ou scores z: 1/ le groupe « faible » (score z < -1); 2/ le groupe« moyen » (-1≤ score z ≤ +1); 3/ le groupe « fort » (score z > +1).

L’épreuve de compréhension est composée de deux textes: l’un sur la théorie desquarks, l’autre sur la contribution du physicien Stephen Hawking au rapprochemententre théorie de la relativité et mécanique quantique. Le niveau de connaissancespécifique est préalablement évalué en fonction du contenu de ces deux textes.Quant au niveau de compréhension des textes, il est mesuré par plusieurs questionsde rappel comme : « Un quark contient ... leptons ». On demande enfin auxétudiants d’évaluer de 1 (peu intéressant) à 10 (très intéressant) l’intérêt éprouvépour chacun des textes.

Variable Score maximumPossible

“faible”n=32

“moyen”n=130

“fort”n=47

Prédicteurs Connaissance générale dudomaineConnaissance spécifique - Texte « Quarks » - Texte « Hawking »

25

1212

7.78 (1.31)

.12 (0.33)1.12 (1.13)

12.76 (1.96)

.25 (0.76)2.08 (1.55)

19.53 (2.22)

1.53 (1.65)3.57 (2.21)

Critères Compréhension - « Quarks » - « Hawking »Intérêt - « Quarks » - « Hawking »

1313

1010

3 (2.76)3.31 (3.10)

4 (2.12)5.63 (2.07)

4.53 (2.76)4.95 (2.41)

4.25 (2.28)5.98 (2.08)

7.06 (2.85)7.92 (2.81)

5.70 (2.25)7.30 (2.38)

On présente ci-dessus les scores moyens et écarts-types (entre parenthèses)observés. Une série d’analyses de régression est ensuite effectuée sur les donnéescorrespondant à chacun des deux textes. Les résultats obtenus montrent que :

- pour le texte « Quarks »: le pourcentage de la variance expliquée du score decompréhension (resp. du score d’intérêt) par le score de connaissance générale estde 21%, p<.001(resp. 8%, p<.01);

- pour le texte « Hawking »: le pourcentage de la variance expliquée du score decompréhension par les scores de connaissance générale et de connaissancespécifique est de 32%, p<.001. Pour le score d’intérêt, 13% de la variances’explique par les scores de connaissance générale et de connaissance spécifique(p<.01).

4 – EXERCICE 2

1. Au vu des données de groupe, que peut-on dire de la relation entre le niveau deconnaissance générale du domaine et le niveau de connaissance spécifique desétudiants?

2. Le niveau de connaissance a-t-il une influence sur la compréhension des textesprésentés? Que penser de la relation entre niveau de connaissance et intérêt?

5 - EXPLICATION

Question 1

Il faut d’abord noter le faible niveau de connaissance spécifique des étudiants etplus particulièrement la très faible connaissance des notions abordées dans le texte «Quarks ». Cette remarque faite, on peut voir que le niveau de connaissance desnotions spécifiques du texte « Hawking » est plus élevé chez les étudiants du groupe« fort » qu’il ne l’est chez ceux du groupe « faible ». Malgré le peu de connaissancesspécifiques dont disposent les étudiants, ce résultat suggère l’existence d’une liaison

58/

Page 59: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

positive entre ces deux niveaux de connaissance; les étudiants d’un niveau élevé deconnaissance générale du domaine semblent aussi en connaître certains aspects plusspécifiques.

Question 2

Pour le texte « Quarks », la connaissance du domaine est le seul prédicteursignificatif du score de compréhension. La variabilité interindividuelle du niveau deconnaissance spécifique étant extrêmement faible, il n’est pas étonnant que cettevariable n’apporte aucune explication. Pour le texte « Hawking », la connaissancedu domaine et celle de notions plus précises rendent compte environ du tiers de lavariance du score de compréhension. On peut donc conclure à l’existence d’unerelation entre le niveau de connaissance dans un domaine donné et le niveau decompréhension d’un texte portant sur des aspects précis de ce domaine.

Il est enfin intéressant de remarquer que l’intérêt éprouvé pour la tâche semble allerde pair avec le niveau de connaissance d’autant que d’autres résultats, non rapportésici, montrent que plus l’individu se déclare intéressé, plus grande est l’attentionqu’il porte à la situation. La connaissance, l’intérêt et la compréhension semblentdonc bien entretenir des relations fonctionnelles.

*******************************Exercice 3****************************

L’influence de la capacité de la mémoire de travail (CMT) sur la performancecognitive varie-t-elle selon le niveau de connaissances ? En d’autres termes, laconnaissance est-elle un modérateur de la relation entre CMT et performancecognitive ? Cette question est abordée empiriquement par Hambrick et Oswald(2005) dans une étude qui confronte trois hypothèses. La première hypothèse dite decompensation prédit que le niveau de connaissance atténue l’influence de la CMTsur la performance. La seconde hypothèse dite du « riche qui s’enrichit » postuleque la CMT facilite l’utilisation de la connaissance. Enfin, l’hypothèse d’influencesindépendantes énonce que les effets de la connaissance et de la CMT sur lacognition de haut niveau sont indépendants et se cumulent.

La performance cognitive est mesurée chez les 318 jeunes adultes qui participent àl’étude à l’aide d’une tâche de navigation spatiale et d’une tâche de base-ballconstruites exactement de la même manière (items identiques dans deux contextesdistincts). La consigne est la même pour chaque tâche. Il faut suivre le déroulementà l’écran d’une mission spatiale (d’un match de base-ball) pour indiquer ensuite : a)quelle planète (ou quelle base) est occupée après chaque déplacement de vaisseau(ou de joueur) ; b) quels vaisseaux retournent à la planète E (quelles bases sontoccupées après chaque lancer) ; c) quels vaisseaux quittent la planète E (quelsjoueurs sont à l’extérieur des bases). On mesure également la connaissance qu’ontles participants du base-ball (règles, terminologie, etc.), la CMT (tâches d’empancomplexe) et la vitesse perceptive.

On observe les corrélations (toutes significatives à p<.01) suivantes entre les 3prédicteurs et les 2 critères :

1 2 3 4 51. Capacité de la mémoire de travail (CMT) 1,002. Vitesse perceptive (VP) 0,52 1,003. Connaissance spécifique du base-ball (CS_BB) 0,17 0,15 1,004. Performance mnésique à la tâche de navigation spatiale (PM_NS) 0,37 0,27 0,22 1,005. Performance mnésique à la tâche de base-ball (PM_BB) 0,47 0,35 0,43 0,54 1,00

Les analyses effectuées conduisent à retenir parmi les modèles correspondant auxhypothèses testées le modèle ci-dessous :

59/

Page 60: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

0,34CMT

VP

CS_BB

1-R2 = 0,84

1-R2 = 0,65

PM_NS

PM_BB

0,31

0,160,41

0,36

0,17

1-R2 = 0,97

0,34CMT

VP

CS_BB

1-R2 = 0,84

1-R2 = 0,65

PM_NS

PM_BB

0,31

0,160,41

0,36

0,17

1-R2 = 0,97

Note : Les variables représentées ici dans des rectangles sont observées. Lesestimations des coefficients de piste sont toutes significatives à .05 (voir lescommentaires de l’exercice 4C2).

6 – EXERCICE 3

Quelle est l’hypothèse dont les prédictions sont les plus en accord avec lamodélisation ci-dessus ?

7 – EXPLICATION

Ces résultats ne sont pas en accord avec l’hypothèse de compensation selon laquellele niveau de connaissance atténuerait l’influence de la CMT sur la performance. Eneffet, la relation directe entre CMT et PM_BB est positive et forte alors que larelation indirecte via CS_BB est de plus faible amplitude. La seconde hypothèse quipostule que la CMT facilite l’utilisation de la connaissance ne peut êtrevéritablement évaluée avec ce modèle. Tout au plus peut-on noter l’effet significatifpositif de la CMT sur la connaissance du base-ball, ce qui montre que les tâches demémoire de travail mesurent des aspects fondamentaux de la cognition et del’apprentissage (cf. cours 4C). Les résultats sont plutôt en accord avec l’hypothèsed’influences indépendantes de la CMT et de la connaissance spécifique (domaine dubase-ball). En effet, la relation entre la CMT et la performance mnésique évolue peuquand les participants passent de la tâche de navigation spatiale à celle de base-ball(on pourrait vérifier que la différence entre les deux coefficients de piste 0,34 et0,41 n’est pas significative). La connaissance spécifique par contre semble être unmeilleur prédicteur de la performance mnésique à la tâche de base-ball que de celleà la tâche de navigation spatiale (on pourrait vérifier que la différence entre 0,16 et0,36 est significative). La CMT et la connaissance spécifique du base-ball opèrentdonc de manière indépendante dans la cognition de haut niveau.

60/

Page 61: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Bibliographie

Ackerman, P.L. (1988). Determinants of individual differences during skillacquisition: Cognitive abilities and information processing. Journal of ExperimentalPsychology: General, 117, 288-318.

Ackerman, P.L., Baier, M.E., & Boyle, M.O. (2005). Working Memory andIntelligence: The Same or Different Constructs? Psychological Bulletin, 131, 30–60.

Alexander, P.A., Kulikowich, J.M., & Schulze, S.K. (1994). How subject-matterknowledge affects recall and interest. American Educational Research Journal, 31,313-337.

Anderson, J. (1983). The architecture of cognition. Cambridge, MA: HarvardUniversity Press.

Baddeley, A. D., & Hitch, G. (1974). Working memory. In G. H. Bower (Ed.), Thepsychology of learning and motivation: Vol. 8. Advances in research and theory (pp.47–89). New York: Academic Press.

Ben-shahar, G., & Scheffer, L. (2001). The relationship between the ability to divideattention and standard measures of cognitive ability. Intelligence, 29, 293-306.

Bethell-Fox, C.E., Lohman, D.F., & Snow, R.E. (1984). Adaptive reasoning:Componential and eye movement analysis of geometric analogy performance.Intelligence, 8, 205-238.

Borkowski, J.G. (1996). Metacognition: theory or chapter heading? Learning andIndividual Differences, 8, 391-402.

Borkowski, J.G. & Muthukrishna, N. (1992). Moving metacognition into theclassroom: “Working models” and effective strategy teaching. In M. Pressley, K.Harris et J. Guthrie (Eds.), Promoting academic literacy: Cognitive research andinstructional innovation (pp. 477-501). Orlando, FL: Academic Press.

Bors, D.A., Stokes, T.L., Forrin, B., & Hodder, S.L. (1999). Inspection Time andIntelligence: Practice, Strategies, and Attention. Intelligence, 21, 111-129.

Buehner, M., Krumm, S., Ziegler, M., & Pluecken, T. (2006) Cognitive abilities andtheir interplay: Reasoning, crystallized intelligence, working memory components,and sustained attention. Journal of Individual Differences, 27, 57–72.

Butterfield, E.C. (1985). Instructional methods of studying the ontogeny of humanintelligence. In D.K. Detterman (Ed.). Current topics in human intelligence (Vol. 1,pp. 202-222). Norwood, N.J.: Ablex.

Carpenter, P.A., Just, M.A., & Shell, P. (1990). What one intelligence test measures:A theoretical account of the processing in the Raven Progressive Matrices Test.Psychological Review, 97, 404–431.

Chi, M.T., Hutchinson, J.E., & Robin, A.F. (1989). How inferences about noveldomain-related concepts can be constrained by structured knowledge. Merrill-Palmer Quarterly, 35, 27-62.

Corkill, A.J. (1996). Individual differences in metacognition. Learning andIndividual Differences, 8, 275-279.

Daneman, M., & Carpenter, P.A. (1980). Individual differences in working memoryand reading. Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 19, 450–466.

Engle, R.W., & Kane, M.J. (2004). Executive attention, working memory capacity,and a two-factor theory of cognitive control. In B. Ross (Ed.), The psychology oflearning and motivation (pp. 145–199). New York: Academic Press.

Engle, R.W., Tuholski, S.W., Laughlin, J.E., & Conway, A.R.A. (1999). Workingmemory, short-term memory, and general fluid intelligence: a latent-variableapproach. Journal of Experimental Psychology: General, 128, 309–331.

Friedman, N.P., Miyake, A., Corley, R.P., Young, S.E., DeFries, J.C., & Hewitt,J.K. (2006). Not all executive functions are related to intelligence. PsychologicalScience, 17, 172-179.

Gilmore, G.C., Royer, F.L., Gruhn, J.J., & Esson, M.J. (2004). Symbol-digitsubstitution and individual differences in visual search ability. Intelligence, 32, 47-64.

Glück, J., Machatb, R., Jiraskob, M., & Rollettb, B. (2002). Training-related

61/

Page 62: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

changes in solution strategy in a spatial test: An application of item responsemodels. Learning and Individual Differences, 13, 1–22.

Hager, W., & Hasselhorn, M. (1998). The effectiveness of the cognitive training forchildren from a differential perspective: a meta-evaluation. Learning and Instruction,8, 411-438.

Hambrick, D.Z., & Oswald, F.L. (2005). Does domain knowledge moderateinvolvment of working memory capacity in higher-level cognition? A test of threemodels. Journal of Memory and Language, 52, 377-397.

Hunt, E., Lunneborg, C.E., & Lewis, J. (1975). What does it mean to be highverbal? Cognitive Psychology, 7, 194-227.

Hunt, E., Pellegrino, J.W., & Yee, P.L. (1989). Individual differences in attention.The Psychology of Learning and Motivation, 24, 285-310.

Jensen, A. R. (1998). The g factor: The science of mental ability. Westport, CT:Praeger.

Juhel, J. (1995). L'étude des bases biologiques de l'intelligence. In J. Lautrey (Dir.),L'universel et le différentiel en psychologie (pp. 449-477). Paris : P.U.F.

Kane, M.J., & Engle, R.W. (2002). The role of prefrontal cortex in working-memorycapacity, executive attention, and general fluid intelligence: An individual-differences perspective. Psychonomic Bulletin & Review, 9, 637–671.

Kane, M.J., Hambrick, D.Z., Tuholski, S.W., Wilhelm, O., Payne, T.W., & Engle,R.W. (2004). The generality of working-memory capacity: A latent-variableapproach to verbal and visuo-spatial memory span and reasoning. Journal ofExperimental Psychology: General, 133, 189–217.

Kyllonen, P.C., Lohman, D.F. & Woltz, D.J. (1984). Componential modelling ofalternative strategies for performing spatial tasks. Journal of EducationalPsychology, 76, 1325-1345.

Kyllonen, P.C., Tirre, W.C., & Christal, R.E. (1991). Knowledge and processingspeed as determinants of associative learning. Journal of Experimental Psychology:General, 120, 57-79.

Lansman, M., Donaldson, G., Hunt, E, & Yantis, S. (1982). Ability factors andcognitive processes. Intelligence, 6, 347-386.

MacLeod, C.M., Hunt, E.B. & Mathews, N.N. (1978). Individual differences in theverifcation of sentence picture relationships. Journal of Verbal¸ Learning and VerbalBehavior, 17, 493-507.

Marquer, J. (1995). Variabilité intra- et interindividuelle dans les stratégiescognitives : l’exemple du traitement de couples de lettres. In J. Lautrey (Dir.),L'universel et le différentiel en psychologie (pp. 107-130). Paris : P.U.F.

Marquer, J., & Pereira, M. (1990). Les stratégies dans la vérification phrase-dessinIn M. Reuchlin, F. Longeot, C. Marendaz et T. Ohlmann (Eds.), Connaîtredifféremment (pp. 243-260). Nancy: P.U.N.

Miyake, A., Friedman, N.P., Emerson, M.J., Witzki, A.H., & Howerter, A. (2000).The unity and diversity of executive functions and their contributions to complex“frontal lobe” tasks: A latent variable analysis. Cognitive Psychology, 41, 49–100.

Oberauer, K., Süß, H.-M., Wilhelm, O., & Wittmann, W.W. (2003). The multiplefaces of working memory: Storage, processing, supervision, and coordination.Intelligence, 31, 167–193.

Pask, G. & Scott, B.C.E. (1972). Learning strategies and individual competence.International Journal of Man-Machine Studies, 4, 217-253.

Pretz, J.E., Naples, A.J., & Sternberg, R.J. (2003). Recognizing, defining andrepresenting problems. In J.E. Davidson and R.J. Sternberg (Eds.), The psychologyof problem solving (pp. 3-30). Cambridge: Cambridge University Press.

Rellinger, E., Borkowski, J.G., Turner, L.A., & Hale, C.A. (1995). Perceived taskdifficulty and intelligence: determinants of strategy use and recall. Intelligence, 20,125-143.

Richard, J.-F., & Zamani, M. (1997). L’analyse des stratégies dans les tests à l’aidedes modèles de résolution de problème. In J. Juhel, T. Marivain & G. Rouxel (Eds.),

62/

Page 63: LES FONDEMENTS COGNITIFS DE L’INTELLIGENCE

Psychologie et différences individuelles: questions actuelles (pp. 83-86). Rennes :PUR.

Roberts, M.J., Gilmore, D.J., & Wood, D.J. (1997). Individual differences andstrategy selection in reasoning. British Journal of Psychology, 88, 473-492.

Rozencwajg, P., Corroyer, D. & Altman, P. (2002). SAMUEL : diagnostic dufonctionnement cognitif. Manuel d’instructions. Delta Expert, Cergy.

Schunn, C.D., & Reder, L.M. (2001) Another source of individual differences:Strategy adaptivity to changing rates of success. Journal of ExperimentalPsychology: General, 130, 59-76.

Schweizer, K., & Moosbrugger, H. (2004). Attention and working memory aspredictors of intelligence. Intelligence, 32, 329–347.

Schweizer, K., Moosbrugger, H., & Goldhammer, F. (2005). The structure of therelationship between attention and intelligence. Intelligence, 33, 589–611.

Siegler, R.S. (1996, 2000 pour l’édition française). Intelligences et développementde l’enfant : variations, évolution, modalités. Bruxelles : DeBoeck Université.

Sternberg, R.J. (1977). Intelligence, information processing and analogicalreasoning: The componential analysis of human abilities. Hillsdale, NJ: Erlbaum.

Sternberg, R.J. (1985). Componential analysis: A recipe. In D.K. Detterman (Ed.),Current topics in human intelligence (Vol. 1, pp. 179-201). Norwood, N.J.: Ablex.

Sternberg, S. (1969). Memory-Scanning: mental processes revealed by reaction-timeexperiments. American Scientist, 57, 421-457.

Swanson, H.L. (1993). Individual differences in working memory. Intelligence, 17,285-332.

Vigneau, F., Caissie, A.F., & Bors, D.A. (2006). Eye-movement analysisdemonstrates strategic influences on intelligence. Intelligence, 34, 261–272.

Woltz, D.J. (1988). An investigation of the role of working memory in proceduralskill acquisition. Journal of Experimental Psychology: General, 117, 319–331.

63/