Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

11
115 Femme Kharia, Jahrkand, Inde Photo : Christian Erni Les femmes indigènes et le militantisme en Asie : elles relèvent le défi à leur façon Jannie Lasimbang Les femmes autochtones d’Asie ont parcouru un long chemin, participant activement dans presque tous les domaines de la lutte pour l’autodétermination. L’implication et l’engagement sans faille des militantes comme des femmes ordinaires ont contribué à mettre en lumière la situation des peuples autochtones dans son ensemble. La prise de décisions, la sécurité alimentaire et le développement, le travail politique dans les instances internationales, la dénonciation des trafics de femmes, les conflits et les changements sociaux sont les principaux domaines où sont intervenus des changements significatifs dans la situation des femmes durant les trois dernières décennies. Ces changements n’ont pas été que positifs et nous examinerons ici tous leurs aspects.

Transcript of Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

Page 1: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

115

Femme Kharia, Jahrkand, Inde

Photo : Christian Erni

Les femmes indigènes et le militantisme en Asie : elles relèvent le défi à leur façon

Jannie Lasimbang Les femmes autochtones d’Asie ont parcouru un long chemin, participant activement dans presque tous les domaines de la lutte pour l’autodétermination. L’implication et l’engagement sans faille des militantes comme des femmes ordinaires ont contribué à mettre en lumière la situation des peuples autochtones dans son ensemble. La prise de décisions, la sécurité alimentaire et le développement, le travail politique dans les instances internationales, la dénonciation des trafics de femmes, les conflits et les changements sociaux sont les principaux domaines où sont intervenus des changements significatifs dans la situation des femmes durant les trois dernières décennies. Ces changements n’ont pas été que positifs et nous examinerons ici tous leurs aspects.

Page 2: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

116

Les femmes et les prises de décisions Le processus de prise de décisions est considéré à présent comme crucial par les femmes autochtones. Elles ont rompu avec leur rôle traditionnel de femme à la maison élevant les enfants, ce qui leur a permis de partager les responsabilités du foyer, jouissant ainsi de plus de liberté pour accomplir d’autres tâches. Elles ont acquis plus de visibilité et plus de compétence pour assumer des rôles et des positions de direction, même s’il faut encore y encourager beaucoup d’entre elles. Toutefois, au fil des années, la dynamique de la participation féminine dans la prise de décisions a changé en raison de la discrimination sexuelle croissante. Aujourd’hui les femmes sont encore laissées de côté pour différentes raisons. L’une tient à leur bas statut dans les sociétés à domination masculine où les critères actuels d’efficacité, d’agressivité, de haut niveau d’éducation et le point de vue des hommes prévalent. La capacité d’une femme d’être à la fois mère et travailleuse est communément demandée à une dirigeante plutôt que de faire montre des valeurs traditionnelles de sagesse et de bonne influence. Jouer un rôle dans la prise de décisions - tant au niveau communautaire ou national qu’international - a un impact direct et indirect sur le statut des femmes et sur la part que prennent les sociétés autochtones dans les questions concernant les violations des droits de l’homme, la sécurité alimentaire et le développement. Ce nouveau rôle peut aussi aider à changer la perception que la société a des relations de genre. Par exemple, ce qui limite encore la liberté des femmes et l’équité dans la jouissance de la propriété et les possibilités offertes par la société peut être modifié si les femmes participent directement aux prises de décisions. En Asie, les femmes autochtones ont toujours joué un rôle important dans ce domaine, quoique différemment selon leurs communautés d’appartenance. On peut citer dans ce cas Bali Aga ou Dusun parmi les communautés traditionnelles de Sabah; à Sabah les prêtresses Bobohizan, les guérisseuses, les spécialistes de rituels sont très bien considérées et font partie du Conseil des Anciens de leur Communauté. Elles sont aussi les principales décisionnaires en

Page 3: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

117

matière de production agricole pour la consommation domestique, d’éducation et de santé des enfants. Cependant, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, des changements sont survenus récemment. Tomunsi Matanul, 85 ans, est l’une des dernières bobohizan kadaz de Sabah, en Malaisie. Elle a pratiqué pendant 70 ans. Elle dit : « On doit toujours pratiquer les adat (systèmes traditionnels autochtones) des anciens. Autrefois, il n’y avait pas d’autre travail, sauf pour gagner sa vie. Nous avions besoin des bobohizan pour nous soigner parce qu’il n’y avait pas d’hôpital. Quand quelqu’un tombait malade, on avait recours à la façon traditionnelle de soigner et la personne guérissait…Pour l’apprendre il fallait se servir de notre esprit - nous ne savions pas écrire », Makitaak-17, publication du Paco Trust. Les femmes, la sécurité alimentaire et le développement Les femmes jouent un rôle crucial pour assurer la sécurité alimentaire à tous les niveaux : domestique, communautaire, national et international. Mais leurs efforts restent souvent invisibles parce que leurs points de vue sont négligés ou ignorés y compris dans les discussions politiques et l’établissement de programmes de développement communautaire. Elles contribuent pourtant de façon significative à une production alimentaire adéquate et de bonne qualité. Selon les chiffres fournis par la FAO (Organisation de l’ONU pour l’Agriculture et l’Alimentation) en 1995, plus de 50 % de la nourriture mondiale est produite par les femmes. Elles constituent 60 % de la force de travail agricole en Thaïlande, 54 % en Indonésie, 47 % aux Philippines et 35 % en Malaisie. Au Népal, la récolte de fourrage pour les buffles est une tâche exclusivement féminine et au Pakistan les femmes assurent de 60 à 80 % de l’entretien, de la nourriture et de la traite du bétail. Les femmes autochtones d’Asie accomplissent la plupart des opérations de production et de stockage des produits agricoles, elles en assurent souvent la commercialisation outre qu’elles cuisinent pour leurs familles. Elles ont une connaissance particulière et une grande compétence pour la préservation de la biodiversité et des patrimoines

Page 4: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

118

génétiques des plantes, essentielles pour garantir la sécurité alimentaire. Cependant on continue à les traiter comme quantité négligeable, on ne reconnaît pas que les politiques commerciales et économiques et d’ajustements structurels, la mondialisation des industries agro-alimentaires et la dégradation des ressources naturelles ont des effets néfastes sur les femmes aussi. Les militantes ont durement travaillé ces dix dernières années dans les négociations internationales pour gagner la reconnaissance de leur rôle dans la sauvegarde de la biodiversité. Elles ont aussi fait prendre conscience que, si on veut que les projets réussissent, les points de vue féminins doivent être pris en considération dans les forums sur le développement à tous les niveaux. On a du mal à croire que la dirigeante autochtone C.K.Janu n’a aucune formation scolaire. Elle a défié sans crainte les autorités sur les questions de développement concernant son adivasi (communauté tribale de l’Inde rurale), particulièrement pour défendre les femmes. Elle a travaillé sans relâche ces dix dernières années pour organiser sa communauté, pour exiger la reconnaissance de ses terres traditionnelles et de son rôle dans la préservation de l’environnement et pour assurer que les projets de développement n’impliquent pas le déplacement des communautés autochtones. Les femmes dans l’action politique internationale Durant les trois dernières décennies, les femmes autochtones d’Asie ont été actives dans les instances internationales : réunions des Nations Unies, conférences organisées par leurs agences spécialisées, par les ONG et les gouvernements intéressés aux questions des droits de l’Homme, des droits des femmes, de l’environnement et du développement. Des efforts pour apporter aux participantes un soutien financier par l’intermédiaire du Fonds Volontaire des Nations Unies, du Fonds pour les Droits de l’Homme des Peuples Autochtones, d’autres agences gouvernementales, leur ont permis d’être présentes et visibles dans ces divers forums. On doit savoir gré à ces différents donateurs et aux nombreuses femmes autochtones et non autochtones

Page 5: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

119

grâce à qui se sont créés des assemblées de femmes, le Réseau International des Femmes Autochtones (International Indigenous Women’s network, IIWN) et le Réseau des Femmes Autochtones pour la Biodiversité (Indigenous Women Biodiversity Network, IWBN). On citera, parmi ces femmes militantes Joji Carino, Vicky Tauli-Corpuz, Herminia Deg awan (toutes Philippines), Stella Tamang (Nepal), Chandra Roy (Bangladesh) et Yuki Hasegawa (Japon). Beaucoup d’autres d’Indonésie, de Thaïlande, d’Inde, de Myanmar, du Tibet, de Malaisie, de Taïwan, du Pakistan et du Sri Lanka n’ont pu, malgré leur intérêt, se rendre dans les réunions internationales en raison des barrières de langue ou de la situation politique de leur pays. Les femmes d’Asie occidentale et de Chine participent rarement et leurs interventions sont très politisées ou ne concernent pas les questions autochtones. Par manque d’information, certaines militantes qui jouent un rôle important au plan local ont une perception erronée du militantisme à l’échelle internationale et minimisent l’importance d’y défendre leur cause. Beaucoup de militantes qui s’impliquent dans les instances internationales viennent de communautés où, traditionnellement, les femmes ont une position forte. Elles appartiennent aussi à des pays anglophones. Pour celles qui ne maîtrisent pas l’anglais, il faut trouver de l’argent pour des interprètes afin qu’elles aient accès à l’information et qu’elles puissent participer aux débats et communiquer avec d’autres femmes. Il faut également qu’elle apprennent quels sont les mécanismes de l’ONU où l’on peut faire état des violations des droits de l’homme sans passer nécessairement par les réunions internationales. La participation des femmes doit évoluer et passer de la dénonciation de la situation des peuples autochtones à leur association aux prises de décision. Yuki Hasega, femme ainu (Japon) a décidé de poser la question des peuples autochtones au niveau international. Elle dit que, malgré les problèmes de langue, elle sera un jour capable de se servir du droit international pour faire reconnaître les droits des Ainu et des autres peuples autochtones. Intervenir dans un atelier de femmes au Congrès Mondial contre le Racisme, à Durban en 2001, fut une expérience

Page 6: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

120

éprouvante pour elle, mais sa détermination et le soutien des autres femmes lui en ont donné le courage.

Les femmes et le trafic des êtres humains Les efforts incessants et l’engagement des militantes ont mis en lumière les trafics de femmes, y compris des femmes autochtones, en Asie où elles sont réduites à l’état de travailleuses sous-payées, liées à leur employeur, ou prostituées ou même « donneuses » d’organes. Les gouvernements refusent le plus souvent de reconnaître le problème et certains ont l’audace de se servir des prostituées pour attirer la clientèle touristique étrangère et faire rentrer des devises. Le changement des comportements sociaux, le déclin des valeurs, l’indifférence même dans de nombreuses sociétés autochtones permettent que ces actes criminels et le nombre de victimes atteignent des niveaux jamais atteints auparavant. Malheureusement, la facilité des voyages et de la communication transfrontalière depuis deux décennies a conduit à cette augmentation alarmante. Les sociétés autochtones ont du mal à trouver des solutions à ces nouveaux problèmes et à l’expansion du sida qui en est la conséquence. En dépit des efforts des militantes, ces questions deviennent tragiquement plus complexes et impliquent l’existence de trafiquants de drogues et des autorités elles-mêmes. Aucun effort réel n’a été fait, par aucun gouvernement asiatique, pour remédier aux iniquités et aux actes dont les femmes ont été victimes depuis si longtemps. Beaucoup de femmes autochtones, engagées dans des ONG se sont concentrées sur le travail d’assistance sociale pour aider les femmes atteintes du sida et ont cessé de s’interroger sur la moralité et l’éthique de sociétés qui permettent le trafic des êtres humains. Malgré cela leur prise de conscience se développe dans leurs propres communautés, elles exigent des législations meilleures et plus efficaces - y compris l’établissement d’institutions judiciaires qui dépassent les frontières nationales - et l’organisation de campagnes d’information du public sur le trafic des êtres humains. Il est nécessaire d’accorder beaucoup plus d’attention à cette question et de

Page 7: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

121

dépister de nouvelles formes de trafic comme le recrutement, par des agences apparemment autorisées légalement, de jeunes ruraux autochtones, soi-disant volontaires. Kittiya Shimnee, femme lisu de Thailande, a perdu très jeune ses parents, atteints de paludisme. Ils sont morts après que le gouvernement les eut déplacés dans une aire de regroupement. Kittiya, sachant combien les jeunes femmes autochtones sont vulnérables quand elles arrivent à la ville à la recherche d’un travail ou d’une formation, a pris en charge, chez elle, des jeunes qui ne peuvent pas payer leur formation. Avec un groupe de femmes, elles utilisent leurs propres ressources pour aider les jeunes à gagner un peu d’argent en faisant de la couture, de la broderie traditionnelle et à se former pour trouver d’autres emplois. Elle dit qu’il y a de plus en plus de femmes forcées de quitter leurs collines où les terres sont converties en « aires protégées », c’est-à-dire réservées obligatoirement à des projets de développements. Les femmes et les conflits politiques et armés En Asie, les conditions politiques actuelles sont extrêmement diverses ce qui rend difficile de généraliser les tendances et les situations dans cette région. Un nombre croissant de pays affrontent des conflits politiques accompagnés d’une escalade de violences et de militarisation dans les territoires autochtones. Les communautés de Myanmar, du nord-est de l’Inde, des Chittagong Hill Tracts, de Papouasie Occidentale, Aceh, Mindanao, du Tibet et du Cachemire ont subi des conflits armés et connu des génocides, ces trente dernières années. Les femmes sont souvent prises comme cibles, violées ou sexuellement harcelées, afin de soumettre ou de briser leurs communautés. Dans celles dont les hommes sont partis pour se défendre par les armes, les femmes sont devenues encore plus vulnérables, les militaires visant particulièrement les militantes. On recrute de plus en plus de femmes des deux côtés, mais on ne sait pas ce qu’il advient des femmes faites prisonnières.

Page 8: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

122

Dans les zones de conflits armés, les femmes doivent se débrouiller seules, pour elles-mêmes et leur famille, les hommes étant requis pour le travail forcé, ou ont fui pour ne pas être recrutés ou ont été arrêtés ou ont rejoint les mouvements de résistance armée. Certaines d’entre elles sont forcées de se convertir. Après des années d’opérations militaires dans une région, les militaires s’immiscent dans les affaires des communautés et prennent des femmes pour épouses ou concubines; à leur départ, ces femmes et leurs enfants sont laissés sans soutien. Certains pensent que mariages et conversions religieuses font partie d’une stratégie de l’armée ayant pour but de détruire les sociétés autochtones, les femmes ayant une forte influence morale dans l’éducation des enfants. Les militantes, se rendant compte de l’impact de la violence et des atrocités sur le bien-être et la sécurité des enfants, les ont dénoncées, mettant en danger leurs propres vies. Des groupes, comme l’Union des Femmes Naga et l’Association des Mères dans le nord-est de l’Inde, se sont constitués en réponse aux violences exercées par les forces de sécurité. Beaucoup ont joué un rôle de médiatrices entre ces forces et leur communauté. Dans les guerres inter-ethniques, dues aux pressions sur les terres dans la Cordillère des Philippines, les femmes mariées dans un clan belligérant sont sollicitées pour exercer une médiation, dans le cadre du bodong, pacte de paix, mécanisme traditionnel de résolution des conflits. Les femmes et le changement social Dans de nombreuses sociétés autochtones asiatiques, les femmes ont encore un statut inférieur à celui des hommes; elles ne peuvent hériter, particulièrement de la terre. La raison alléguée est que les filles se marient et sont prises en charge par leur mari. Les divorcées ou veuves sont ainsi désavantagées; malgré des exceptions c’est une disposition qui prévaut encore dans de nombreuses communautés autochtones. Il faut, cependant, noter que les femmes ont toujours respecté le concept de propriété collective ou communautaire des biens et de la terre et que ceci ne concerne que les biens familiaux héritables.

Page 9: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

123

Jarjum Ete est la présidente de la Société pour le Bien-être des Femmes Arunachal (Arunachal Pradesh Women’s Welfare Society, APWWS); personne ne peut croire qu’elle est déjà grand-mère. Ardente avocate des droits de la femme, elle pense que l’état ne traite pas la question du statut des femmes de manière adéquate. La loi de 2000 sur « L’enregistrement et l’établissement des terres d’Arunachal Pradesh » définit comme inapte (à posséder) : les veuves, les femmes célibataires, les divorcées ou (les femmes) dont le mari est membre des Forces armées ». Ces catégories de personnes doivent avoir un « tuteur », homme évidemment. L’APWWS a protesté, exigeant pour les femmes le droit à la propriété de la terre et à d’autres biens. Les femmes qui choisissent de ne pas se marier ou de ne pas avoir d’enfants, ou qui ne le peuvent pas, sont déconsidérées et n’atteignent pas un statut élevé dans la société, quelles que soient leurs capacités. Les mères seules (célibataires ou abandonnées par leur mari) ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin et la société les repousse malgré les souffrances qu’elles ont souvent endurées. Autrefois, les femmes enceintes hors mariage (même à la suite d’un viol) étaient forcées de se marier. Bien qu’il y ait aujourd’hui plus de compréhension et d’acceptation des mères célibataires, car elles sont de plus en plus nombreuses, beaucoup reste à faire. De nombreux cas de violence familiale surviennent dans les communautés autochtones, mais celles-ci les considèrent plus comme un problème domestique que comme un crime contre des femmes. Les tribunaux coutumiers traditionnels ou les mécanismes locaux de résolution des conflits ont toujours tendance à réunir des couples pourtant irréconciliables. Il est encourageant cependant de voir que de plus en plus de communautés montrent de la compréhension vis-à-vis des disputes familiales et viennent en aide aux femmes en difficulté. Les facilités de communication et les voyages ont permis aux femmes d’apprendre les unes des autres. Bien que beaucoup de femmes jouent désormais un rôle dans la prise de décision au niveau communautaire, il est encore difficile d’obtenir des changements qui assurent la parité des hommes et des femmes dans la société. Certaines mettent les normes sociales en question, réclamant une réforme du droit de la

Page 10: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

124

famille pour introduire des valeurs positives qui améliorent la vie des femmes dans la société. Les questions et les besoins encore… Il faut voir combien le rôle des femmes a changé et s’assurer qu’il est considéré comme suffisamment important, dans leurs communautés, pour qu’elles participent, de façon égalitaire, à la prise de décision; y parvenir, au sein des sociétés autochtones, suppose le dialogue, l’obtention du consensus, l’acceptation, la reconnaissance et, finalement, l’abandon de préjugés contre les femmes. Les relations entre les sexes, basées sur le respect, l’équité et l’harmonie doivent être développées ou continuer à évoluer. Il faut éviter que les communautés soient divisées en secteurs séparant les sexes. Les groupes de femmes, constitués pour s’occuper des questions auxquelles elles sont confrontées, tendent à renforcer leurs positions traditionnelles dans l’agriculture, l’éducation et la santé de la famille plutôt qu’à alléger leur fardeau en encourageant l’égalité des sexes. La discussion des questions de genre et de leur perspective doit intervenir dans toutes les conférences et rencontres au lieu de s’en tenir aux rencontres entre femmes pour débattre de questions féminines. Il faut aussi dépasser le niveau des communautés et des programmes de développement. Comme dans tous les processus de la lutte pour l’autodétermination, les questions de genre doivent être examinées dans le contexte des droits et des politiques, du niveau local au niveau international. On répétera qu’une forte participation féminine dans les forums est d’importance cruciale. Les femmes doivent coopérer avec les hommes qui, généralement, occupent des positions dominantes dans toutes les agences des Nations Unies, des gouvernements et les ONG; on sait qu’ils représentent les principaux décideurs et dirigeants des plus grandes institutions financières et commerciales, des entreprises multinationales et des agences de développement, comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International.

Page 11: Les femmes indigènes et le militantisme en Asie

125

Défis : aménager la sagesse traditionnelle Il est important, pour les communautés autochtones, de développer des stratégies d’ouverture, d’aménager et revitaliser les rôles et les savoirs féminins traditionnels et de reconnaître la nécessité d’assurer la participation des femmes à tous les niveaux. Ainsi sera-t-il relativement plus facile de dépasser des normes sociales et culturelles injustes. Les questions des droits politiques et du caractère collectif des savoirs et des sagesses autochtones devront être aussi examinées. L’absence de rôle des femmes dans la prise de décisions influe sur les réponses données par les sociétés autochtones à tous les niveaux. On citera, par exemple, le ciblage des femmes dans les stratégies visant à détruire une communauté, la soumission des femmes à la stérilisation forcée, le viol et le harcèlement sexuel, les conversions qui exploitent le rôle des femmes dans la formation spirituelle des familles. La participation féminine aux prises de décisions fait partie du processus de mise en œuvre de l’autodétermination; les conflits entre les sexes et dans la société auront de meilleures chances d’être réglés. Considérer les institutions traditionnelles et les systèmes qui ont promu la participation féminine apportera une meilleure intelligence des problèmes, particulièrement au niveau communautaire.