Les Faux Dieux

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Table of ContentsCover Title Page The Horus Heresy Dramatis Personae Le Traitre Un Deux Trois Quatre Cinq La Lune Pestiferee Six Sept Huit Neuf Dix Onze Douze La Maison Des Faux Dieux Douze Quatorze Quinze Seize Dix-Sept La Fin De La Croisade Dix-Huit Dix-Neuf Vingt Vingt Et Un A Propos De L'Auteur Legal eBook license

THE HORUS HERESY

THE HORUS HERESYCest une poque lgendaire... Des hros continuent de se battre pour rgenter la portion de galaxie que les vastes armes de lEmpereur de Terra ont conquise durant leur Grande Croisade. Une myriade de races extraterrestres ont t crases par les combattants dlite de lEmpereur et effaces des annales de lhistoire. Laube dune re de suprmatie se lve sur lHumanit. Des citadelles clatantes dor et de marbre clbrent les nombreux triomphes de lEmpereur. Sur un million de mondes sont rigs des monuments rappelant les exploits piques de ses plus formidables guerriers. Premiers parmi eux, les primarques, des hros surpuissants, imposants et magnifiques, laboutissement ultime des exprimentations gntiques de lEmpereur, ont men leurs armes de Space Marines de victoire en victoire. Les Space Marines sont les plus puissants guerriers humains que la galaxie ait jamais connus, chacun deux surpassant une centaine de soldats ordinaires. Organiss en lgions de dizaines de milliers de combattants placs sous les ordres dun primarque, ils ont conquis limmensit spatiale au nom de lEmpereur. Le plus illustre parmi ces primarques est Horus le Glorieux, lAstre Brillant, favori de lEmpereur. Il est le Matre de Guerre, commandant en chef de la puissance militaire impriale ayant assujetti un millier de milliers de mondes, grand conqurant, guerrier sans gal et diplomate suprme. Horus est une toile montante, mais jusquo une toile peut-elle monter avant de retomber ?

Dramatis Personae

Dramatis Personae

Sons of Horus Horus, Le Matre de Guerre, Commandant de la Lgion des Sons of Horus Ezekyle Abaddon, Premier Capitaine Tarik Torgaddon, Capitaine de la 2e Compagnie Iacton Qruze, Le Mal Entendu, Capitaine de la 3e Compagnie Hastur Sejanus, Capitaine de la 4e Compagnie (dcd) Horus Aximand, LAutre Horus, Capitaine de la 5e Compagnie Serghar Targost, Capitaine de la 7e Compagnie, Matre de Loge Garviel Loken, Capitaine de la 10e Compagnie Luc Sedirae, Capitaine de la 13e Compagnie Tybalt Marr, Soit lUn, Capitaine de la 18e Compagnie Verulam Moy, Soit lAutre, Capitaine de la 19e Compagnie Kalus Ekaddon, Capitaine, Escouade Reaver Catulan Falkus Kibre, Le Faiseur de Veuves, Capitaine, Escouade Terminator Justaerin Nero Vipus, Sergent, Escouade Tactique Locasta Maloghurst, Le Retors, Ecuyer du Matre de Guerre

Primarques Angron, Primarque des Word Eaters Fulgrim, Primarque des Emperors Children

Autres Space Marines Erebus, Premier Chapelain des Word Bearers Khrn, Capitaine de la 8e Compagnie dassaut des Word Eaters

Lgio Mortis Princeps Esau Turnet, Commandant du Dies Irae, Titan de classe Imperator Moderati Primus Cassar, Membre de lquipage du Dies Irae Moderati Primus Aruken, Membre de lquipage du Dies Irae

Davinites Prtresse de loge Akshub, Figure dirigeante de la loge du Serpent Tsi Rekh, Agent de liaison davinite Tsepha, Cultiste de Davin et auxiliaire

Personnages Impriaux Non-Astartes Petronella Vivar, Palatina Majoria de la maison Carpinus ; descendante dune famille noble et fortune de Terra Maggard, Garde du corps de Petronella Vivard Seigneur Commandant Varvaras, Commandant en chef des troupes de lArme Impriale rattaches la lgion dHorus Adeptus Regulus Reprsentant auprs dHorus du Mechanicum, qui commande aux robots de la Lgion et entretient ses machines de combat

Il est de la folie des hommes de se croire des acteurs sur la scne de lhistoire, de croire que leurs actes puissent affecter la grande procession quest le passage du temps. Cette chimre, lhomme puissant, convaincu que sans sa prsence le monde ne tournerait plus, les montagnes seffondreraient et les mers sasscheraient, peut la serrer contre son sein pour parvenir sendormir. Mais si la commmoration de lhistoire nous a appris une chose, cest que tout est transitoire : dinnombrables civilisations avant la ntre ne sont plus que poussire et os, et les grands hros de leur temps, plus que lgendes oublies. Nul homme ne vit ternellement, et tandis que sestompe la trace de ses actes, ainsi sestompe son souvenir. Cest l une vrit universelle, une loi invitable qui ne peut tre dnie, malgr les protestations des vaniteux, des arrogants et des tyrans. Mais Horus tait lexception.

Kyril Sindermann, prface aux Commmorateurs Dcrire le Matre de Guerre ncessiterait un millier de lieux communs, chacun plus vrai que le prcdent.

Petronella Vivar, Palatina Majoria de la maison Carpinus Tout se dgrade entre les mains des hommes.

Ignace Karkasy, Mditations sur le Hros lgiaque

UN

UNDescendante de Terra / Les colosses / Lune rebelle

Magnus le cyclope, Rogal Dorn, Leman Russ ; des noms chargs dhistoire, des noms qui avaient fait lhistoire. Ses yeux continurent de remonter la liste : Corax, Night Haunter, Angron Tout un hritage dhrosme et de conqute, de mondes clams au nom de lEmpereur, pour faire partie de lImperium de lHumanit en permanente expansion. Il lexaltait de seulement prononcer ces noms dans sa tte. Mais plus majestueux que tout autre, un nom occupait le haut de la liste. Horus, le Matre de Guerre. Lupercal, avait-elle entendu ses soldats lappeler ; un surnom affectueux pour leur commandant bien-aim. Un nom gagn dans les flammes de la bataille, sur Ullanor, sur Meurtre, sur Soixante-Trois Dix-Neuf, un monde que ses habitants, dans leur ignorance, avaient cru tre Terra. Et un millier dautres batailles quelle navait pas encore confies ses implants mnmoniques. Lide de se trouver si loin de ses proprits familiales de Kairos et de poser bientt le pied sur le Vengeful Spirit pour y enregistrer lhistoire lui coupait le souffle. Elle ntait pas simplement l pour garder trace de lhistoire en marche : au plus profond de son me, elle savait quHorus tait lhistoire. Elle passa les doigts dans ses longs cheveux dun noir de jais, ramens vers le haut dune faon considre comme du dernier chic la cour de Terra. Non que quiconque put le savoir si loin dans lespace. Les ongles de sa main descendante effleurrent sa peau lisse et sans dfaut. Ses traits olivtres avaient t soigneusement mouls par une vie de richesse et de modlisation faciale pour paratre royaux et distingus, avec juste ce quil fallait de distance hautaine exprime dans la ligne de sa mchoire. Grande et saisissante, elle se tenait assise son critoire, un hritage dont son pre clamait firement quil avait t un prsent de lEmpereur son arrire-arrire-grand-mre aprs les serments prts dans les montagnes de lOural. La pointe dor de sa mnmoplume, dont les circuits ractifs crivaient en rponse son excitation, courait sur sa plaque de donnes. Des mots divers se griffonnaient sur lcran luisant, des penses ramasses en surface de ses lobes frontaux par la plume et ses cristaux organiques de rtention. Croisade Hros Sauveur Destructeur Elle sourit et effaa les mots dun revers dongle lgamment manucur, au bord lisse jusquau niveau fractal. Puis elle se mit crire, dune criture cursive aux dlis prononcs. Cest avec une grande exaltation et un sens solennel de lhonneur que moi, Petronella Vivar, Palatina Majoria de la maison Carpinus, jcris ces mots. Pendant une longue anne, jai voyag depuis Terra, endurant maintes incommodits Elle frona les sourcils et se hta deffacer ce quelle avait crit, fche davoir copi laffectation pompeuse qui lavait tant agace dans la production que les commmorateurs avaient envoye depuis le front principal de la Grande Croisade. Les textes de Sindermann en particulier, mme sils staient faits rares dernirement, avaient le don de lirriter. Dion Phraster produisait quelques symphonies acceptables ; rien qui naurait eu la faveur des salles de bal plus dun jour ou deux sur Terra, mais assez plaisantes. Et les paysages de Keland Roget taient certes pleins de vie, mais montraient une hyperbole quelle estimait gratuite dans leur coup de pinceau. Ignace Karkasy avait compos quelques pomes passables, mais qui dpeignaient selon elle une vision de la Croisade peu adapte une entreprise aussi glorieuse. En particulier Le sang de lincomprhension. Petronella se demandait souvent pourquoi le Matre de Guerre autorisait encore de tels crits. Peut-tre les rfrences caches de cette posie lui passaient-elles par-dessus la tte. Elle se mit rire, lide que quoi que ce fut put chapper quelquun comme lui. Elle senfona dans son fauteuil, et posa la plume dans son lthencrier. Un doute lassaillait soudain. Elle qui se montrait si critique envers les autres commmorateurs navait pas encore test son propre talent parmi eux. Pouvait-elle faire mieux ? Pouvait-elle rencontrer le plus grand hros de leur re, que certains qualifiaient de demi-dieu, bien que ce concept ft parfaitement ridicule et pass dusage, et russir l o dautres avaient selon elle singulirement chou ? Qui tait-elle pour croire que ses talents parviendraient faire justice aux fables que le Matre de Guerre forgeait sur lenclume de la bataille ? Alors son lignage lui revint lesprit et sa posture se redressa. Ntait-elle pas de la maison Carpinus, la plus altire et la plus influente des maisons nobles de laristocratie de Terra ? La maison Carpinus navait-elle pas chroniqu lessor des domaines de lEmpereur durant les Guerres dUnification ; ne les avait-elle pas vu grandir, et passer dun groupe de plantes un empire qui en cette heure mme stendait vers les deux bords de la galaxie pour reprendre les royaumes perdus de lHumanit ? Comme pour se rassurer davantage, Petronella ouvrit son sous-main la garniture de cuir incruste dun monogramme et en tira une liasse de papiers. Au sommet de la pile se trouvait une image, le clich dun Astartes aux cheveux blonds, agenouill en armure devant un groupe de ses pairs dont lun lui prsentait un long parchemin. Petronella savait que ces rituels taient appels des serments de linstant, prts avant la bataille pour jurer de ddier toutes ses aptitudes et sa dvotion au combat venir. Un E et un K entrelacs dans le coin de limage lidentifiaient comme lune de celles prises par Euphrati Keeler, et mme sil lui cotait de reconnatre du talent une autre commmoratrice, cette composition tait proprement merveilleuse. En souriant, elle posa limage de ct pour trouver en dessous une page de papier gros grain. Celle-ci portait le filigrane familier de laigle deux ttes reprsentant lunion de lEmpereur et du Mechanicum de Mars. Lcriture presse et angulaire tait celle du Sigillite, dont certaines lettres demi inacheves voquaient un homme rdigeant en hte. Les boucles penches de ses lettres hautes indiquaient un esprit largement proccup, mme si elle ignorait pourquoi il devait en tre ainsi maintenant que lEmpereur avait regagn Terra. Elle sourit nouveau, et pour ce qui devait tre la centime fois depuis quelle avait quitt le port de Gyptus, tudia ce qui reprsentait le plus grand honneur accord sa famille. Un frisson danticipation lui courut sur lchine quand elle entendt les sirnes distantes. La voix automatise et distordue sortie des haut-parleurs cerclage dor, ceux du couloir lextrieur de sa suite, annona que son vaisseau tait prsent ancr en haute altitude autour de la plante. Elle tait arrive. Petronella tira sur une charpe dargent prs de lcritoire. peine un instant plus tard, le carillon de la porte la fit encore une fois sourire, car elle savait sans avoir se retourner que seul Maggard aurait pu rpondre cette convocation aussi rapidement. Bien quil ne pronont jamais un mot en sa prsence, et jamais il ne le ferait, grce la chirurgie administre par les chaperons de la famille, Petronella le reconnaissait toujours aux trpidations de sa mnmoplume, laquelle ragissait la morsure dacier de son esprit. Elle se retourna dans le capitonnage gnreux de son sige. Cest ouvert. La porte pivota lentement, et elle laissa linstant en suspens tandis que Maggard attendait la permission de se tenir en sa prsence. Je vous autorise entrer. Elle regarda son garde du corps austre, g de vingt ans seulement, franchir le seuil entour de frises dor et dargent. Chacun de ses mouvements tait prcis et contrl, comme si son corps tout entier, depuis les muscles sculpts de ses jambes jusqu ses larges et puissantes paules, tait sous tension. Maggard fit un pas de ct tandis que la porte se refermait derrire lui. Les iris dansants de ses yeux dors balayaient la vote filigrane du plafond et les antichambres adjacentes, la recherche du moindre signe suspect dans diverses gammes chromatiques. Il gardait une main sur la poigne lisse de son pistolet, lautre sur celle de sa rapire kirlienne lame dor. Ses bras nus portaient les cicatrices estompes dune chirurgie amlioratrice, des lignes ples sur sa peau noire, ples comme les tissus autour de ses yeux, que les praticiens de la maisonne avaient remplacs par de coteux implants danalyse spectrale et biomtrique pour lui permettre de mieux protger la descendante de la maison Carpinus. Vtu de son armure de bandes dor flexibles et de mailles argentes, Maggard hocha la tte pour annoncer quil dclarait la pice sans danger, ce que Petronella aurait pu lui dire elle-mme sans tout ce crmonial. Mais puisque Maggard aurait pay de sa vie le moindre incident fcheux, elle supposa pouvoir comprendre tant de prcaution. O est Babeth ? lui demanda-t-elle en rangeant la lettre du Sigillite dans son sous-main avant de reprendre la plume dans son lthencrier. Elle en posa la pointe sur sa plaque et vida son esprit, pour permettre aux penses de Maggard de donner forme aux mots quil ne pouvait exprimer par sa gorge. Ce quelle lt la fit froncer les sourcils. Elle na pas dormir, rpondit Petronella. Je dois tre prsente au plus illustre hros de la Grande Croisade, et je ne tiens pas me prsenter devant lui en ayant lair dune souillon en plerinage. Allez la chercher, et dites-lui dapporter ma robe en velours de coton, la rouge avec le haut col. Je veux la voir ici dans cinq minutes. Maggard acquiesa et se retira, mais pas avant quelle net senti un dlicieux frisson dinterdit faire trembler la mnmoplume dans sa main. Quelques lettres furent traces sur la plaque. onnasse Dans lune des langues anciennes de Terra, son nom signifiait Jour de Colre , et Jonah Aruken le jugeait amplement mrit. Dress devant lui comme quelque dieu des temps reculs, le Dies Irae tait un monument la guerre et la destruction, sa tte blinde observant firement les quipes au sol, qui saffairaient autour de lui comme autant dadorateurs. Le Titan de classe Imperator constituait le pinacle de la connaissance et du savoir-faire du Mechanicum, le point culminant de plusieurs millnaires de technologie militaire. Lui qui navait dautre but quanantir avait t conu avec toute cette prdisposition naturelle de lHumanit pour lacte de tuer. Tel un gant colossal bard dacier, le Titan slevait de quarante-trois mtres sur ses jambes aux dfenses crneles, capables daccueillir chacune une pleine compagnie de soldats et leur matriel de soutien. Jonah regarda la longue bannire or et sable tre droule entre ces deux jambes, semblable au pagne dun tre sauvage, blasonn du symbole tte de mort de la Legio Mortis. Des dizaines de parchemins portant le nom dune des glorieuses victoires du Matre de Guerre avaient t cousus cet tendard dhonneur, et Jonah savait que bien dautres sy ajouteraient avant que la Grande Croisade ne soit acheve. Dpais cblages nervurs pendaient depuis les noyaux dalimentation au plafond du hangar, jusque dans le torse cuirass de la machine de guerre, o le racteur plasma se nourrissait dune puissance comparable celle dune toile mise en cage. La coque dadamantine tait griffe, crible des traces de la guerre contre les arachnides que les techno-adeptes continuaient de panser. Ce spectacle invitait lhumilit, mais narrangeait rien la douleur dans le crne dAruken, ni aux remous intestinaux dus ses excs damasec de la veille au soir. Suspendues au plafond, des grues soulevaient en grommelant les trmies massives charges dobus et les longs missiles nez court vers les baies de chargement. Chacune des armes principales du Titan avait la taille dun immeuble, des pices sur support rotatif, des obusiers trs longue porte, et un monstrueux canon plasma assez puissant pour raser une ville. Pris dune bouffe de fiert familire tandis quil approchait, il observa les quipes dartilleurs, et ne put sempcher de sourire devant la symbolique virile vidente de ce gant apprt pour la guerre. Il sauta de ct au passage dun chariot charg dobus Vulkan, lequel lvita de justesse tandis quil ngociait un chemin pleine vitesse au milieu du chaos organis du personnel de maintenance. Le vhicule sarrta dans un crissement de pneus et son conducteur tourna schement la tte. Tu peux pas regarder un peu o tu vas, espce dabruti ? cria-t-il en sautant de son sige pour marcher sur lui dun pas emport. Vous autres, les membres dquipage des Titans, vous vous croyez tout permis, mais je vais te dire, ici cest m Les mots moururent dans la gorge de lhomme, et il se figea au garde--vous quand il et remarqu sur les paulires de Jonah les clous grenat et lemblme du crne ailettes, qui le dsignaient comme un des moderati primus du Dies Irae. Dsol, sourit Jonah en cartant les bras dans un geste dexcuse, tandis que lautre luttait pour ne pas linvectiver davantage. Je ne vous avais pas vu, chef, je trane une sacre gueule de bois. Quoi quil en soit, pourquoi conduisez-vous si vite ? Vous auriez pu me tuer. Cest vous qui vous tes mis sur mon chemin, moderati, dit lhomme, le regard fix vers un point par-dessus lpaule de Jonah. Vraiment ? Ah Vous devriez quand mme faire plus attention la prochaine fois, dit Jonah, qui sloignait dj. Et vous, regardez o vous allez murmura dans un souffle le conducteur aigri, avant de rejoindre son vhicule pour repartir.

Dornavant, faites plus attention ! lana encore Jonah, en imaginant quelles insultes colores lautre avait dj en tte au sujet de lquipage des Titans pour pouvoir raconter lincident ses camarades de besogne. Le hangar, pourtant long de plus de deux kilomtres, paraissait exigu Jonah mesure quil approchait du Dies Irae. Lodeur dhuile de moteur, de graisse et de sueur ne laidait pas vraiment oublier son mal de tte. Toute une horde de la Legio Mortis se tenait pare : des Reavers rapides pour le combat mi-distance, des Warhounds grimaants, et les imposants Warlords, ainsi que quelques nouveaux Titans de la classe Night Gaunt, mais aucun ngalait la splendeur crasante dun Imperator. Le Dies Irae les ridiculisait tous par sa taille, sa puissance et sa magnificence, et rien, savait Jonah, rien dans toute la galaxie ne pouvait faire obstacle une machine aussi terrifiante. Il ajusta son col et ferma les boutons cuivrs de sa veste, pour lajuster sa forme trapue avant davoir atteint le large pied du gant de mtal, puis passa la main dans ses cheveux coups lpaule. Il fallait essayer, au moins, de donner limpression quil navait pas dormi dans ses vtements. La fine silhouette de Titus Cassar, son compagnon moderati primus, tait luvre derrire un terminal de monitorage. Jonah ne souhaitait aucunement recevoir de nouvelle leon sur les quatre-vingt-dix-neuf vertus chres lEmpereur. Apparemment, le fait dtre bien habill devait compter parmi les plus importantes. Bonjour, Titus, dit-il en adoptant un ton lger. Le visage surpris de Cassar se redressa brusquement, et il glissa une brochure plie sous une pile de rapports dinspection technique. Vous tes en retard, dit-il, ayant vite recouvr ses esprits. Le rveil a t sonn il y a plus dune heure. La ponctualit est la marque de lhomme dvou. Ne commencez pas, dit Jonah en tendant vivement le bras pour saisir le pamphlet que Cassar avait t si prompt dissimuler. Cassar voulut len empcher, mais il fut plus rapide et le lui brandit sous le nez. Si le princeps Turnet vous prend en train de lire ceci, vous serez devenu un serviteur dartillerie avant mme davoir compris ce qui vous arrive. Rendez-le-moi, Jonah. Sil vous plat. Je ne suis pas dhumeur recevoir un nouveau sermon que vous aurez tir de ce Lectio Divinitatus. Trs bien, je vais le ranger, mais rendez-le-moi, daccord ? Jonah y consentit et tendit le petit fascicule corn, que Cassar sempressa de glisser dans la poche de sa veste duniforme. En se massant les tempes entre ses deux paumes, Jonah demanda : De toute faon, o est lurgence ? a nest pas comme si notre grande fille tait dj prte pour les vrificatifs de prdploiement, nest-ce pas ? Jaimerais que vous arrtiez de vous y rfrer comme une personne, Jonah. Cest de lanthropomorphisme paen. Un Titan est une machine de guerre, rien de plus : de lacier, de ladamantium et du plasma. La chair et le sang sont uniquement aux commandes. Comment pouvez-vous dire a ? demanda Aruken en sapprochant tranquillement des plaques dune des sections de jambe, pour grimper quelques marches vers larcade daccs. Il frappa du plat de la main sur lpais mtal. Elle est manifestement de sexe fminin, Titus. Regardez-moi ces jambes et le galbe des hanches. Et est-ce quelle ne nous porte pas en elle comme une mre porte son enfant ? Dans la moquerie circule le germe de limpit, le rabroua Cassar sans la moindre trace dironie. Et je ne le tolrerai pas. Oh, allons, Titus, continua Aruken, qui commenait prendre cur le thme de leur discussion. Vous ne lavez jamais senti quand vous tiez lintrieur delle ? Vous nentendez pas comme le battement de son cur dans le ronflement du racteur, vous navez jamais senti sa colre quand elle ouvre le feu ? Cassar se pencha de nouveau sur lcran de surveillance. Non, jamais, et je ne souhaite pas entendre davantage de vos insanits. Nous sommes dj en retard sur nos vrificatifs de prdploiement. Turnet nous fera clouer la coque si nous ne sommes pas prts temps. O est le princeps ? demanda Jonah, brusquement redevenu srieux. Auprs du conseil de guerre, lui apprit Cassar. Aruken hocha la tte et redescendit les marches du pied du Titan. Il rejoignit Cassar sa station en lui dcochant une dernire plaisanterie. Ce nest pas parce que vous ntes pas sensible aux charmes fminins que jai forcment tort. Cassar lui adressa un regard cinglant. a suffit. Le conseil sera bientt termin, et je ne laisserai pas dire que la Legio Mortis ntait pas prte accomplir la volont de lEmpereur. La volont dHorus, vous voulez dire, le corrigea Jonah. Nous en avons dj amplement discut, mon ami, dit Cassar ; lautorit dHorus lui vient de lEmpereur. Nous ne devons pas loublier. Peut-tre, mais il sest pass bien des jours et des pisodes sanglants depuis que lEmpereur se battait nos cts, nest-ce pas ? Et Horus na-t-il pas toujours t l pour se battre avec nous ? Cest vrai, et pour cela je le suivrai au combat, mme au-del des toiles du Halo, reconnut Cassar. Mais mme le Matre de Guerre doit en rpondre lEmpereur-Dieu. LEmpereur-Dieu ? susurra Jonah avec gravit, en se penchant sur Cassar alors quun bon nombre de prposs au sol avaient tourn la tte vers eux. coutez, Titus, vous devez surveiller vos paroles. Un jour, vous direz cela la mauvaise personne et on vous fracassera le crne. LEmpereur lui-mme sest dfendu dtre un dieu. Seul un tre vritablement divin pourrait nier sa divinit. Cassar citait une fois encore un extrait de ses lectures. Jonah leva les mains en signe dimpuissance. Trs bien. Faites comme vous voudrez, Titus. Mais ne venez pas dire que je ne vous aurais pas prvenu. Le juste na rien craindre des tres dans le tort, et pargnez-moi vos leons dthique, soupira Jonah, en se retournant pour regarder un dtachement de lArme Impriale pntrer au pas cadenc dans le hangar, fusils lasers passs autour de lpaule par leurs bandoulires de toile. Des nouvelles concernant ce que nous allons affronter sur ce caillou ? demanda-t-il pour changer de sujet. Les peaux-vertes, jespre ; nous avons toujours une revanche prendre sur eux pour la destruction du Vulkas Tor sur Ullanor. Vous pensez que ce sera les peaux-vertes ? Cassar haussa les paules. Je nen sais rien, Jonah. Est-ce que cest important ? Nous combattons ce quon nous ordonne de combattre. Jaimerais simplement le savoir. Vous le saurez quand le princeps sera de retour. En parlant de a, vous ne feriez pas mieux de prparer le pont de commandement pour son arrive ? Jonah hocha la tte. Son compagnon moderati avait raison et il avait perdu assez de temps lasticoter. Esau Turnet mritait amplement la rputation impitoyable qui lui tait faite et dirigeait le Dies Irae dune main de fer. Les quipages de Titans sautorisaient souvent plus de dsinvolture que le reste du corps militaire, mais Turnet navait jamais tolr aucun laxisme de la sorte. Vous avez raison, Titus, je suis dsol. Ne soyez pas dsol, lui retourna Cassar en lui dsignant louverture dans la jambe du Titan. Soyez professionnel. Jonah baucha un salut rapide et monta les marches de lentre deux deux, en laissant Cassar finir de surveiller le rapprovisionnement en nergie. Il traversa un groupe de soldats, qui eux aussi allaient embarquer et grommelrent quand il les bouscula. Certains auraient lev la voix, mais en voyant son uniforme, ils pensrent que leurs vies dpendraient bientt de lui et leurs reproches stouffrent deux-mmes. Jonah marqua une halte lentre du Titan, et saccorda une seconde pour savourer cet instant sur le seuil. Il bascula la tte en arrire, contempla la hauteur de la machine, prit une profonde inspiration et passa la grande arche surmonte dun aigle et dclairs entrelacs. Une lumire rouge le baignait dans cet intrieur dur et froid. Jonah se mit remonter les corridors exigus avec lhabitude ne des innombrables heures passes apprendre lemplacement du moindre rivet et du moindre boulon dans lassemblage du Dies Irae. Il nexistait pas un seul recoin du Titan que Jonah ignorait : chaque passage, chaque coutille et chaque secret que cette grande fille avait en elle, il les avait faits siens. Mme Titus et le princeps Turnet ne la connaissaient pas aussi bien que lui. Ayant atteint le bout dun couloir trangl, il approcha dune paisse porte de fer garde par des soldats en plastrons noirs passs sur des chemises de mailles. Les deux portaient un masque moul selon la forme du crne de la Legio, et taient arms dune matraque incapacitante, ainsi que dun pistolet dcharge rang au ct. Ils se crisprent quand ils le virent paratre, mais se dtendirent un peu en le reconnaissant. Jonah leur sourit avant dannoncer : Moderati primus, en dplacement depuis les niveaux infrieurs vers les niveaux mdians. Le soldat le plus proche de lui hocha la tte et lui indiqua le panneau de verre noir proche de la porte. Lautre dgaina son pistolet, dont le canon tait lgrement vas, et deux aiguilles dacier en dpassaient de faon menaante ; entre elles dansaient des tincelles dune lumire bleue. Les arcs lectriques pouvaient calciner la chair dun homme, sans risquer de ricocher dans cet espace confin comme laurait fait une munition solide. Jonah pressa sa paume contre la plaque et attendit que le rayon jaune et fini de la lui scanner. Une lampe passa au vert au-dessus de la porte. Le premier des deux soldats fit tourner la roue de mtal qui ouvrt le battant. Merci, lcha Jonah en franchissant lcoutille, pour sengager dans lun des escaliers en colimaon qui remontaient la jambe du Titan. Les marches troites senroulaient autour dun pais rseau de fibres pseudomusculaires et de cbles dalimentation, entours dun champ dnergie miroitant, mais Jonah ne leur jeta pas mme un regard, trop accapar par le tangage de son estomac durant cette ascension touffante. Il lui fallut sarrter la moiti du chemin, pour reprendre son souffle et essuyer la sueur de son front avant de repartir vers le niveau suivant. cette hauteur, lair redevenait enfin plus frais ; de puissantes units de recyclage dispersaient la chaleur gnre par la ventilation du noyau plasma. Des adeptes encapuchonns du Mechanicum piaient les lueurs des panneaux de contrle pour sassurer dune lente monte en rgime du racteur. Dans les passages confins des entrailles du Titan, des membres dquipage le croisaient en le saluant. Le Dies Irae ne comptait que des hommes et des femmes de valeur, car le princeps Turnet ne les aurait sinon jamais accepts. Tous bord de ce Titan avaient t personnellement choisis pour leur expertise et leur dvouement. Jonah atteignit finalement la porte de la salle des moderati et glissa son authentificateur dans la fente prvue cet effet. Moderati Primus Jonah Aruken, articula-t-il. Le mcanisme de verrouillage cliqueta, et sur une mlodie de quelques notes, la porte glissa le long de son rail. lintrieur, une chambre incurve, aux cloisons de mtal brillant. Sur sa vote, une dizaine douvertures souvraient intervalles rguliers. Jonah vint se tenir au centre de la pice. Pont de commandement, Moderati Primus Jonah Aruken. Le sol ondula comme une flaque de mercure. Un disque circulaire parfait se forma sous ses pieds et souleva Jonah au travers dun des trous du plafond, lui faisant remonter le tube de transfert vers le sommet du Titan. Les parois du tube luisaient de leur propre lumire intrieure, et Jonah rprima un billement alors que le disque dargent le faisait merger sur le pont en ralentissant. Lintrieur de la tte du Dies Irae tait large et plat. Des renfoncements sinsraient dans le sol de part et dautre de la passerelle principale o adeptes et serviteurs se trouvaient en interface directe avec les fonctions primaires de la machine colossale. Et comment va tout le monde ce matin ? lana Jonah personne en particulier. Prts aller affronter les barbares une fois de plus ? Comme chaque fois, personne ne lui rpondit, et Jonah secoua la tte avec un sourire en rejoignant lavant du pont. Ses maux de crne lui semblaient dj refluer lide dtre bientt reli linterface de commande. Trois siges capitonns occupaient lestrade plante devant lcran vert de visualisation tactique. Des accoudoirs et du dossier de chacun deux tombaient dpais faisceaux de cbles gains. Il se faufila outre le fauteuil central, celui du princeps Turnet, et sassit dans celui de droite, en se glissant dans le creux confortable que le cuir avait adopt au fil des ans. Branchez-moi. Des adeptes en robes rouges du Mechanicum apparurent de chaque ct de lui, leurs lents mouvements en parfait accord avec ceux de lautre, et laidrent glisser ses mains dans des gantelets microcellulaires, dont les surfaces intrieures, plaques contre sa peau, enregistrrent ses constantes vitales. Un autre adepte lui abaissa sur la tte une dentelle argente de senseurs encphalographiques. Le contact frais du mtal contre sa peau tait

une sensation bienvenue. Ne bougez pas, moderati, pronona ladepte dans son dos, dune voix apathique et sans vie. Les dendrites corticales sont prtes tre dployes. Jonah entendit les clamps sortir en murmurant de chaque ct de lappuie-tte, et vit en priphrie de sa vision les filaments de mtal serpentins en merger leur tour. Il se prpara ressentir la douleur momentane de la connexion, tandis quils lui glissaient le long de la joue, tels des vers argents se dirigeant vers ses yeux. Alors, il les vit pleinement : des cbles incroyablement fins, pas plus pais quun cheveu humain, et nanmoins capables de convoyer dimmenses quantits dinformations. Les clamps lui agripprent fermement la tte tandis que les filins dargent pntraient par le coin de ses yeux, se tortillaient le long de son nerf optique, jusque dans son cerveau, o ils entrrent finalement en interface directe avec son cortex crbral. Il grogna quand la sensation glace lui traversa le crne, mais se relcha bientt, en sentant que son corps et celui du Titan ne faisaient plus quun. Linformation qui afflua en lui, filtre par les dendrites vers des parties de son encphale quil nutilisait pas le reste du temps, lui permettait de ressentir le moindre lment de la machine gigantesque comme sil sagissait dune extension de sa chair. Aprs quelques microsecondes, les implants posthypnotiques des portions inconscientes de son cerveau entamaient dj les vrificatifs de prdploiement. lintrieur de ses globes oculaires se projetrent les donnes tlmtriques, le statut des diffrentes armes, les niveaux de carburant et un million dautres chiffres utiles, qui allaient lui permettre de diriger cette belle, cette merveilleuse machine. Comment vous sentez-vous ? demanda ladepte, et Jonah se mit rire. Cest bon dtre le roi, dit-il. Alors que les premiers points lumineux sallumaient dans le ciel, Akshub sut que le cours de lhistoire avait rejoint son monde. Sa main griffue serra son bton auquel pendaient de multiples ftiches. Un moment historique approchait, un moment que lHumanit noublierait jamais, annonant un jour o les dieux eux-mmes sortiraient du mythe et de la lgende pour forger le futur dans le sang et le feu. Elle avait attendu ce jour depuis que les grands guerriers du ciel lui avaient amen la nouvelle de la tche sacre qui lui tait dvolue, quand elle ntait encore gure plus quune enfant. Tandis que le grand orbe rouge du soleil slevait du nord, les vents chauds et secs portaient la fragrance des floraisons amres, celles des valles quencombraient les tombeaux des empereurs trpasss. Depuis les hauteurs des montagnes, elle voyait ce jour parmi les jours se lever devant elle, et ses yeux sombres et ovales versrent sur ses joues rides des larmes de ravissement, alors que les points de lumire devenaient des tranes ardentes, et striaient les nuages en direction du sol. En dessous delle, sur la savane verdoyante, les grands troupeaux de btail cornes cheminaient vers les points deau au sud ; bientt, le jour serait devenu trop chaud pour se dplacer, et les rapides prdateurs aux crocs acrs mergeraient de leurs tanires rocheuses. Des nues doiseaux longues pennes volaient en cercles au-dessus delle, autour des plus hauts sommets ; leurs cris lui parvenaient, rauques et pourtant musicaux, tandis que vieillissait ce jour capital. Les vies, dans toute leur multitude et leur varit, se poursuivaient leur manire coutumire, ignorant que sur ce monde quelconque, des vnements changeraient bientt le destin de la galaxie. En ce jour parmi les jours, elle seule pouvait pleinement lapprcier. La premire vague de modules datterrissage se posa autour de la chane centrale prcisment 16 heures 04 heure locale, dans le hurlement de leurs rtrofuses, aprs avoir franchi la basse atmosphre sur des colonnes de flammes. Les oiseaux dassaut les suivirent, tels des rapaces dangereusement graciles se jetant sur quelque victime infortune. Noircis par la chaleur de leur entre dans lair, les trente modules soulevrent limpact de grands nuages de poussire et de terre. Leurs larges rampes basculrent et frapprent la steppe dans un bruit percutant. Trois cents guerriers en armures de plaques en dbarqurent vivement et se dispersrent avec une prcision mcanique, tablirent rapidement les liaisons ncessaires avec les autres escouades, pour former un primtre dfensif au centre de leur schma darrive. Les oiseaux dassaut tournaient en circuits superposs comme pour dfier quiconque doser approcher. Sur un signal invisible, les engins volants brisrent leur formation et slevrent dans le ciel, o la forme anguleuse dun Thunderhawk descendait des nuages, le ventre noir, tranant aprs lui un sillage blanc bleu. Les oiseaux dassaut, plus gros, lentouraient comme des mres protgeant leur petit, et lescortrent jusqu la surface, o il se posa dans un gonflement de poussire rouge. Les Warhawks entamrent en hurlant leurs circuits de patrouille tandis que la rampe avant du Thunderhawk souvrait en grognant, dans le sifflement de son air pressuris. Dix guerriers arborant leurs casques crte et les armures des Sons of Horus quittrent le cuirass au pas de marche, des capes de diverses couleurs accroches aux paules. Chacun portait en travers du torse un bolter chemis dor. Leurs ttes pivotaient de droite et de gauche, lafft dune menace. Derrire eux arriva un dieu vivant, son armure dun vert ocan rehausse dor, encadre la perfection par sa cape violine. Un unique il rouge tait sculpt au centre de son plastron, et une couronne de laurier reposait sur sa tte illustre. Davin, soupira Horus. Je naurais jamais cru revoir cet endroit.

DEUX

DEUXTu saignes / Une bonne guerre / Jusqu ce que brle la galaxie / Lheure dcouter

Mersadie Oliton se fora regarder quand la lame abattit sur Loken le coup qui mettrait sans doute fin sa vie. Mais comme chaque fois, Loken esquiva le revers fatal une vitesse que ne laissait pas souponner sa carrure dAstartes, et leva son pe temps pour bloquer une autre attaque. Un gourdin frappa vers sa tte, mais Loken avait de toute vidence anticip le coup et se baissa pour le laisser passer au-dessus de lui. Le bti de la cage trpidait tandis que les armes tournaient, piquaient et fendaient lair, cherchant aveuglment dmembrer le guerrier massif qui leur rsistait. Son corps aux muscles fermes luisait dune couche de sueur. Loken grogna ; une lame venait de lui lacrer le haut du bras, et Mersadie frmit en voyant la fine ligne de sang scouler de son triceps. Aussi loin que portait sa mmoire, ctait la premire fois quelle le voyait se blesser dans les cages dentranement. Le gant blond, Sedirae, et Vipus, lami de Loken, avaient dj quitt la salle depuis quelque temps, la laissant seule avec le capitaine de la 10e compagnie. Aussi flatte quelle avait pu tre quil lui et demand de venir le regarder, elle avait vite souhait que ce rituel de punition volontaire sachevt, afin quils pussent parler de ce qui tait survenu sur Davin, et des vnements qui les menaient dsormais devoir se battre sur sa lune. Assise sur lun des bancs froids, prs de la cage, elle avait dj enregistr dans ses boucles mmorielles plus dimages quil ne lui en fallait. De plus, pour tre honnte, le caractre obsessionnel de cette joute mcanise que livrait Loken avait quelque chose de perturbant. Elle avait dj assist ses entranements, mais ceux-ci avaient toujours t un complment leurs discussions classiques, jamais le point central dune rencontre. Il devait se passer quelque chose. Comme si le capitaine des Luna Wolves Non, pas des Luna Wolves, se reprit-elle ; des Sons of Horus. Alors que Loken dtournait un nouvel assaut, elle consulta sa pendule interne. Il faudrait bientt partir. Karkasy nattendrait pas ; son prodigieux apptit prenait le pas sur toute notion de courtoisie, et il rejoindrait sans elle le djeuner donn par les itrateurs. Il allait y trouver une copieuse quantit de vin gratuit, et malgr le rcent zle quavait montr Ignace dans son rle de commmorateur, elle naimait pas lide que son chemin croist nouveau celui dune telle profusion dalcool. Elle carta Karkasy de ses penses lorsque les hmisphres de la cage scartrent en sifflant et quun carillon se mit sonner. Loken descendit de lespace dexercice, ses cheveux blonds, plus longs quauparavant, plaqus sur son crne, et son visage rougi par leffort. Vous tes bless, dit-elle en lui tendant une serviette pose sur le banc. Il rpondit les yeux baisss, comme sil ne sen souciait pas. a nest rien, lui assura-t-il, et il frotta le sang dj sec. Sa respiration tait saccade et elle tcha de masquer sa surprise. Voir un Astartes essouffl tait pour elle prodigieusement surprenant. Depuis combien de temps sentranait-il avant son arrive dans la salle ? Loken essuya la sueur de son visage et de son torse tout en se dirigeant vers sa chambre darmement personnelle. Mersadie le suivit, et comme chaque fois, ne put sempcher dadmirer la perfection physique de son corps amlior. Les anciennes tribus de lHgmonie Olympienne appelaient prtendument de tels exemples de beaut corporelle des Adonis ; si cela tait vrai, ce mot lui allait comme un gant, comme une armure Mk IV faonne de main de matre. Dun clignement dyeux, presque sans y penser, elle enregistra une image. Vous tes encore en train de me regarder, dit Loken sans se retourner. Sur linstant, dcontenance, elle sexcusa. Dsole, je ne voulais pas Il se mit rire. Je vous taquine. a ne me drange pas. Si lon doit se souvenir de moi, jaime autant que ce soit au mieux de ma forme, plutt que comme un vieillard dent en train de baver dans son assiette. Je navais pas ralis que les Astartes pouvaient vieillir, rpliqua-t-elle en retrouvant sa contenance. Loken haussa les paules, prit un canon davant-bras de son armure et un chiffon polir. Je nen sais rien moi non plus. Aucun de nous na vcu assez longtemps pour le dcouvrir. Ncoutant que sa capacit deviner le non-dit, elle songea que ce pouvait tre langle dapproche dun nouveau chapitre, sil souhaitait sexprimer davantage sur le sujet. La mlancolie de limmortalit, ou le paradoxe dtres sans ge pris dans le flux des changements constants. Des mouches se dbattant dans lambre de lhistoire. Elle ralisa quils nen taient pas encore l. Cela ne vous drange pas de ne pas vieillir ? Il y a peut-tre une part de vous qui le voudrait. Pourquoi voudrais-je vieillir ? stonna Loken en ouvrant sa petite bote de poudre abrasive quil appliqua sur la pice darmure, dont la nouvelle couleur, un vert mtallique ple, ne paraissait pas encore familire Mersadie. Vous, vous souhaitez vieillir ? Non, admit-elle. Inconsciemment, elle leva la main pour caresser la peau lisse de son crne modifi, oblong et lisse. Non, je prfrerais ne pas devoir vieillir. Pour tre honnte, cela meffraie. Pas vous ? Non. Comme je vous lai dit, je nai pas t fait pour ressentir ce genre de chose. Je suis devenu puissant, pourquoi voudrais-je que cela change ? Je ne sais pas. Je me disais que si vous vieillissiez, vous pourriez peut-tre, un jour, vous retirer du service. Une fois que la Croisade serait termine, bien sr. Termine ? Oui, quand les combats seront achevs et que les domaines de lEmpereur auront t rcuprs. Loken ne rpondit pas immdiatement, et continua de polir son armure. Elle fut sur le point de lui poser nouveau sa question. Je ne suis pas certain que cela terminera un jour, Mersadie. Depuis que jai rejoint le Mournival, jai parl bon nombre de gens qui semblent croire que nous ne parviendrons jamais la Grande Unification. Ou que si nous y parvenons, cette unit ne durera pas. Elle rit. Vous parlez comme si vous aviez pass trop de temps avec Ignace. Sa posie est redevenue fataliste ? Il secoua la tte. Non. Alors quy a-t-il ? Quest-ce qui vous fait penser de cette manire ? Ces livres que vous avez emprunts Sindermann ? Non, rpta Loken. Ses yeux gris ple sassombrirent la mention du vnrable itrateur, et elle sentit quil ne se laisserait pas engager plus loin sur ce sujet. Mersadie mit cette conversation de ct pour une prochaine occasion, lorsquil se montrerait plus loquace sur ces considrations dune porte inhabituelle. Elle venait de dcider dune question qui allait faire dvier le sujet vers une direction plus agrable, quand une ombre tomba sur eux deux. En se retournant, elle trouva penche sur elle la silhouette massive du premier capitaine Abaddon. Comme laccoutume, ses longs cheveux taient dresss dans une gaine dargent sur son crne autrement chauve. Le capitaine de la 1re compagnie des Sons of Horus tait vtu dune simple tenue dexercice, mais avait amen avec lui une grande pe trononneuse au tranchant dentel. Il jetait sur elle un regard dsapprobateur. Premier capitaine Abaddon, amora-t-elle en sinclinant. Il ne la laissa pas finir. Tu saignes ? dit-il en saisissant le bras de Loken. La tonalit sonore de sa voix ne faisait quaccentuer sa prsence impressionnante. La machine dentranement a fait couler le sang dun Astartes ? Loken jeta un il sur son muscle saillant, o le coup de lame avait travers le tatouage daigle bicphale qui sy trouvait. Oui. a nest rien, Ezekyle. Ctait une longue session, et je commenais fatiguer. Abaddon poussa un petit grognement ddaigneux. Tu te ramollis, Garviel. Peut-tre quen passant plus de temps en compagnie de guerriers plutt quavec des potes curieux et des scribouillards, tu serais moins enclin te sentir fatigu. Peut-tre, concda Loken. Mersadie sentit la tension devenir palpable. Abaddon salua Garviel dun bref signe de tte et adressa la commmoratrice un dernier regard assassin avant de sloigner vers lespace dentranement. Son pe sveilla la vie dans un bourdonnement vibrant. Les yeux de Loken suivaient Abaddon, et Mersadie y vit ce quelle ne se serait jamais attendue y trouver : de la mfiance. Quest-ce qui se passe ? demanda-t-elle. tait-ce en rapport avec ce qui sest pass sur Davin ? Loken haussa les paules. Je ne saurais le dire. Davin. Les ruines languissantes disperses sur ses dserts voquaient une culture civilise, mais lanarchie de la Longue Nuit avait dtruit la socit qui avait pu prosprer ici des sicles plus tt. Davin tait prsent un monde sauvage, balay de vents arides, cuit sous le sinistre il rouge de son soleil. Et cela faisait soixante ans que Loken ny avait pas pos le pied. Ils lavaient nomme lpoque Soixante-Trois Huit, le huitime monde ramen lobissance par la 63e force expditionnaire. Selon lui, lobissance navait pas amlior grand-chose. La surface tait dure, faite dargile cuite parseme dune vgtation broussailleuse, et de forts de hauts arbres aux senteurs marques. Lhabitat se bornait des bourgades primitives le long des valles fluviales fertiles, mme si de nombreuses tribus nomades solitaires parcouraient limmensit des dserts infests de serpents. Loken se souvenait bien des batailles quil avait d livrer pour soumettre ce monde, des engagements courts et pres contre les castes guerrires autochtones, presque ananties rciproquement par leurs propres guerres intestines. crass par le nombre, dsesprment surclasss, les combattants locaux staient battus avec une grande rsolution et navaient offert leur reddition quaprs avoir accompli tout ce que lhonneur exigeait. Les Luna Wolves avaient t impressionns par leur courage, et par leur volont daccepter ensuite le nouvel ordre. Le commandant, pas encore Matre de Guerre, avait dclar quils avaient beaucoup apprendre dadversaires aussi braves. Les hommes des tribus taient spars du gnome humain par des millnaires disolement et partageaient peu de traits avec les colons venus sinstaller aprs le passage des Astartes. Mais Horus avait permis ces individus sauvages de survivre, pour leur enthousiasme embrasser la faon de vivre impriale. Itrateurs et commmorateurs ntaient alors pas encore devenus une constante officielle des flottes de croisade, mais les quelques civils et rudits que les expditions tranaient avec elles se fondaient dans la populace pour y promulguer la gloire et la vrit de lImperium. Ces messagers avaient t accueillis ici bras ouverts, pour une bonne part grce aux efforts dment entrepris par les chapelains de la 17e lgion, les Word Bearers, au lendemain de la conqute. Cette guerre avait t une bonne guerre, gagne rapidement et sans verser de sang, en tout cas du point de vue des Luna Wolves. Lennemi vaincu lavait t de manire rapide et efficace, ce qui avait permis au commandant de laisser Kor Phaeron des Word Bearers finir damener lillumination sur Davin. Oui, cavait t une bonne guerre. Ctait du moins ce quil stait dit. La sueur lui coulait larrire de la tte, et dgoulinait sous son armure dont la couleur verte lui paraissait encore trop nouvelle, bien quil let repeinte des mois plus tt. Loken aurait pu laisser cette tche aux bons soins dun des nombreux artificiers de la lgion, mais un instinct, au plus profond de son tre, lavait pouss soccuper lui-mme de son quipement de bataille. Il avait donc pris la peine de repeindre chaque segment de plaque la main. Il regrettait lclat impeccable de la livre blanche, mais le Matre de Guerre avait dcrt quune nouvelle couleur serait adopte pour accompagner le nouveau nom de sa lgion : les Sons of Horus.

Loken se rappela les vivats et les acclamations aux pieds du Matre de Guerre quand son annonce stait rpandue dans les rangs de lexpdition. Les poings staient levs, les voix staient rendues rauques par leur jubilation bruyante. Loken stait joint au reste de ses frres, mais un vague malaise lavait pris lorsquil avait entendu quel serait leur nouveau nom. Torgaddon, toujours dhumeur plus lgre, avait not quelle ombre fugitive lui passait sur le visage. Quest-ce quil y a ? Tu voulais que ce soit les Sons of Loken ? Il avait souri. Non, cest juste que Juste que quoi ? Est-ce quon ne le mritait pas ? Est-ce que le commandant na pas bien mrit cet honneur ? Bien sr que si, Tarik, avait cri Loken pour se faire entendre par-dessus la joie rugissante de la lgion. Il le mrite plus que nimporte qui. Mais tu ne crois pas quavec ce nom, nous donnons une impression dautosatisfaction ? Dautosatisfaction ? stait esclaff Torgaddon. Ce sont ces commmorateurs qui te suivent partout comme des chiots qui tont appris de nouveaux mots ? Allez, profite un peu, et ne sois pas un tel rabat-joie. Lenthousiasme de Tarik stait montr le plus fort, et Loken avait acclam de nouveau, jusqu senrouer lui aussi. Il retrouvait presque cette sensation dans sa gorge en inspirant profondment les vents cres qui soufflaient sur Davin depuis le nord lointain. En cet instant, il aurait souhait se trouver en nimporte quel autre endroit. Cette plante ntait pas sans charme, mais Loken ne laimait pas, mme sil naurait pu expliquer ce quil avait lui reprocher. Un malaise stait install dans son ventre durant le trajet depuis Xenobia jusquici, mais il lavait touff pour descendre devant son commandant sur la surface de ce monde. Pour un natif des cavernes industrielles cauchemardesques de Cthonia, Loken ne pouvait pas nier que les grands paysages ouverts de Davin revtaient une beaut enivrante. louest de leur position, des pics levs semblaient frler les toiles, et plus au nord, Loken savait que des valles sencaissaient jusquaux profondeurs de la terre. L se trouvaient les tombeaux danciens souverains. Oui, la guerre quils avaient livre sur Davin avait t une bonne guerre. Alors pourquoi les Word Bearers les amenaient-ils ici nouveau ? Quelques heures plus tt, sur le pont du Vengeful Spirit, Maloghurst venait dallumer la plaque de donnes quil tenait dans son semblant de main : une serre noueuse aux tissus fondus, dun rose moite, malgr les meilleures attentions que lui avaient accordes les apothicaires de la lgion pour la rparer. Il parcourut une nouvelle fois le contenu de la plaque, fch par la tournure quavait employe la solliciteuse. Il ne gotait gure la perspective de devoir montrer ce message au commandant, et se demanda brivement sil pouvait lignorer, ou prtendre quil ne lui tait jamais parvenu. Mais Maloghurst ntait pas devenu lcuyer du Matre de Guerre en lui pargnant les contrarits. Il soupira ; en cette priode, les moindres demandes dadministrateurs insipides taient investies de lautorit de lEmpereur, et pour autant quil le dsirt, Maloghurst ne pouvait ignorer ce message en particulier. Le Matre de Guerre naccepterait jamais, mais Maloghurst devait le lui dire. Dans un moment de faiblesse, il se retourna et partit en boitant vers le sanctum dHorus. Il y laisserait la plaque sur sa table, pour laisser le Matre de Guerre la trouver plus tard. Les portes du sanctum scartrent en silence, rvlant la salle sombre et paisible. Maloghurst venait souvent y apprcier la solitude ; la fracheur de lair y apaisait la souffrance de sa main vif et de ses vertbres tordues. Le seul son briser la quitude ambiante tait le raclement de sa respiration. La cambrure anormale de sa colonne plaait une pression indue sur ses poumons. Maloghurst contourna pniblement la longueur ovale et polie de la table, et tendit le bras pour poser la plaque la place dhonneur o le Matre de Guerre sasseyait. Cela faisait bien trop longtemps que le Mournival ne stait runi ici, pensa-t-il. Bonsoir, Mal, dit une voix venue des ombres, au timbre maussade et fatigu. De surprise, Maloghurst fit volte-face vers lendroit do provenait cette voix, prt rprimander quiconque avait os sintroduire dans le sanctum du Matre de Guerre. Les tnbres laissaient se profiler une forme massive, et il se dtendit en reconnaissant les traits familiers du commandant, quclairaient par en dessous la lumire rouge de son gorgerin. Le Matre de Guerre, qui avait endoss son armure complte, tait assis au fond de la salle, les coudes appuys sur ses genoux, la tte entre les mains. Monseigneur, le salua Maloghurst. Est-ce que tout va bien ? Horus fixait les dalles du sol et frotta entre ses deux paumes son crne ras. Son noble visage hl, ses yeux espacs taient dans lombre, et Maloghurst attendit patiemment quil lui rpondt. Je ne sais plus. Entendant ces mots, Maloghurst sentit un frisson parcourir son dos ravag. Il ne pouvait quavoir mal compris. Il tait inconcevable que le Matre de Guerre ne pt pas dcider de quelque chose. Me fais-tu confiance ? demanda soudain Horus. Bien entendu, monseigneur, rpondit immdiatement lcuyer. Alors pourquoi es-tu venu me dposer quelque chose ici plutt que de vouloir me lapporter ? le questionna Horus en approchant de la table. Maloghurst hsita. Vous navez pas besoin de ce nouveau fardeau, monseigneur. Une commmoratrice de Terra, ayant des amis haut placs, ce quil semble. Parmi eux, le Sigillite. Petronella Vivar de la maison Carpinus, lut Horus sur la plaque. Je connais cette famille. Ses anctres ont tenu la chronique de lascension de mon pre, durant les jours qui prcdrent lUnification. Ce quelle sollicite est proprement ridicule, cracha Maloghurst. Vraiment ? Suis-je ce point insignifiant que je naie pas besoin dtre commmor ? Maloghurst en fut choqu. Monseigneur, de quoi parlez-vous ? Vous tes le Matre de Guerre, choisi par lEmpereur aim de tous pour tre son rgent dans cette grande entreprise. Les commmorateurs de cette flotte peuvent rapporter tous les faits auxquels ils assistent ; sans vous, ils ne verraient rien. Sans vous, tout ceci naurait aucun sens. Vous tes au-dessus de tous. Au-dessus de tous, ricana Horus. Jaime ce que tu dis. Mais je nai jamais rien voulu dautre que mener cette croisade la victoire et accomplir la tche que mon pre ma dlgue. Vous tes un exemple pour nous tous, monseigneur, lui assura firement Maloghurst. Je suppose que cest l tout ce quun homme peut esprer durant sa vie, acquiesa Horus. De fixer un exemple, et aprs la mort, de rester dans lhistoire comme une source dinspiration ; peut-tre peut-elle maider tendre vers cet idal. La mort ? Mais vous tes un dieu parmi les hommes, monseigneur, immortel et aim de tous. Je sais ! cria Horus, et Maloghurst recula devant son soudain accs de rage volcanique. Bien videmment, lEmpereur naurait pas cr un tre tel que moi, capable dapprhender linfini, pour que je nexiste que si peu de temps. Vous avez raison, toi et Erebus. Mon pre ma conu pour tre immortel, et la galaxie devrait me connatre. Dans dix mille ans de cela, je veux que mon nom soit connu aux quatre coins des cieux. La conviction furieuse du Matre de Guerre avait quelque chose denivrant. Difficilement, Maloghurst mit un genou au sol. Que rclamez-vous de moi, seigneur ? Va dire cette Petronella Vivar que son audience lui est accorde, mais que cela doit tre maintenant, dit Horus, dont linquitant coup de sang tait pass. Et dis-lui que si elle devait me faire bonne impression, je lautoriserai devenir ma documentaliste personnelle pour aussi longtemps quelle le dsirera. En tes-vous bien certain, monseigneur ? Tout fait, mon ami, sourit Horus. prsent, relve-toi, je sais que cette posture test pnible. Horus aida Maloghurst se redresser et posa doucement son gantelet sur lpaule de son cuyer. Me suivras-tu toujours, quoi quil puisse se passer ? Vous tes mon seigneur et matre, jura Maloghurst. Je vous suivrai jusqu ce que brle la galaxie et que les toiles se consument. Cest tout ce que je te demande, mon ami. prsent, nous allons voir ce quErebus va nous dire. Davin Qui aurait cru que nous y reviendrions un jour ? Deux heures aprs latterrissage en surface. La communication dErebus qui avait amen la 63e flotte expditionnaire Davin parlait dun vieux compte rgler, dune dispute arbitrer, sans rien dire de sa cause ou de ses protagonistes. Aprs le carnage sur Meurtre et lextraction dsespre du quartier de lExtranus, Loken stait attendu une zone de conflit constant, mais cette zone de guerre, si toutefois on pouvait lui prter ce nom, tait dun calme mortel, et paisible. Il narrivait pas dcider sil devait tre du ou sen rjouir. Horus tait parvenu la mme conclusion peu aprs quils eurent atterri, en reniflant lair et en donnant limpression de le reconnatre. Il ny a pas de guerre ici, avait-il affirm. Pas de guerre ? avait demand Abaddon. Comment pouvez-vous en tre sr ? On finit par apprendre, Ezekyle. Lodeur du mtal et de la chair brle, la peur et le sang rpandu. Il ny a rien de tout a sur ce monde. Alors pourquoi sommes-nous ici ? avait demand Aximand, en levant les mains afin de retirer son casque. Il semblerait que nous soyons ici parce quon nous y a convoqus, avait rpondu Horus, dont le ton sassombrissait, et Loken navait pas aim la faon dont le mot convoqus tait sorti de sa bouche. Qui aurait os convoquer sa convenance le Matre de Guerre ? La rponse leur avait t donne quand une colonne de poussire avait grandi lhorizon, vers lest. Huit vhicules chenilles arrivaient de la steppe dans leur direction. Sous lombre des oiseaux dassaut qui avaient accompagn le Matre de Guerre, les vhicules sombres aux coques dacier bross et aux longues antennes radio portaient lhraldique dune lgion Astartes. Sur le Rhino de tte se dressait un grand support dvotionnel orn daigles dors et de livres ouverts, et dont les clairs ornementaux taient sertis de lapis-lazuli. Erebus, maugra Loken. Tenez tous votre langue, les avertit Horus quand les Rhinos se furent rapprochs. Cest moi de lui parler. Bizarrement, cette yourte sentait la pomme, mme si Ignace Karkasy ne voyait de fruits sur aucun des plats de bois sculpt, rien que les morceaux entasss dune viande qui lui paraissait un peu trop crue pour son palais dpicurien. Mais il aurait pu jurer sentir une odeur de pommes. Il regarda autour de lui, se demandant si peut-tre une sorte de cidre local allait leur tre offert. Un indigne hirsute, aux yeux noirs impntrables, lui avait dj propos une bole de la liqueur locale, un breuvage daspect trange sentant le lait caill, mais il lavait poliment dcline, sous linsistance du regard dEuphrati Keeler. Tout comme cette boisson, la yourte tait sommaire, non sans une certaine majest primitive, attirante pour le romantique qui tait en lui. Sa jugeote lui disait nanmoins que cet environnement primitif tait bien beau, jusqu ce quil faille y vivre. Une centaine de personnes se pressaient ici : des officiers de lArme Impriale, des adeptes de strategium, quelques commmorateurs, scribes et aides militaires. Tous venus pour le conseil de guerre du commandant. En perant du regard latmosphre lgrement enfume, Karkasy stait dcouvert en bien illustre compagnie : Hektor Varvaras, seigneur commandant de lArme Impriale, se tenait prs dun Astartes vot, habill de robes couleur crme, dont Ignace savait quil devait sagir de lcuyer du Matre de Guerre, Maloghurst. Une figure morose dans luniforme noir dun officier de Titan se tenait droit comme un I lavant du rassemblement. Karkasy reconnut les traits enjous du princeps Esau Turnet, commandant de lImperator Dies Irae. Sur Meurtre, le Titan de Turnet avait men larmada de machines de guerre au cur du territoire arachnide. Dans la gloire quil y avait eu en tirer, la Legio Mortis stait taille la part du lion. Karkasy se rappela limmense Titan, dominant de toute sa hauteur la prsentation architecturale que Peeter Egon Momus avait donne sur Soixante-Trois Dix-Neuf, et frmit. Mme immobile, la machine avait provoqu

en lui une raction intense, et il prfrait ne pas chercher imaginer en action une puissance destructrice aussi formidable. La collection bruissante dtais et de rouages qui renfermaient les vestiges dune chair vaguement humanode devait tre lAdepte Regulus. Karkasy voyait aussi autour de lui assez dinsignes et de mdailles pingls sur des torses bombs pour dcorer tout un bataillon. Malgr une telle prsence de sommits, il se prit rprimer un billement tandis que lui et le reste de lauditoire prtaient une oreille la matresse de loge davinite, Tsi Rekh, qui interprtait dans la langue locale un chant labor. Aussi intressant quil avait pu tre de rencontrer les habitants tranges et presque inhumains, le faire assister cette interminable crmonie de bienvenue ne pouvait tre la seule raison pour laquelle le capitaine Loken avait autoris sa prsence. Un itrateur au visage mielleux, nomm Yelten, traduisait le propos de la prtresse en langage gothique imprial, dune voix module avec prcision qui portait ses mots jusquau fond de la yourte. On pouvait dire ce quon voulait sur les itrateurs, ils savaient en tout cas articuler pour les ranges du fond. Combien de temps est-ce que a va encore durer ? chuchota Euphrati Keeler en se penchant son oreille. Vtue de son sempiternel treillis de combat et dune veste blanche serre, chausse des bottillons dun fantassin, Keeler avait tout de laventurire. Quand est-ce que le Matre de Guerre va arriver ? Aucune ide, lui rendit Karkasy en hasardant un regard dans son dcollet. Sous le tissu, quelque chose, quoi que cela pt tre, pendait une fine chane dargent autour de son cou. Mon visage est ici, Ignace, dit Euphrati. Je sais, ma chre, rpondit-il, mais je mennuie terriblement, et ce que je vois est beaucoup plus mon got. Laisse tomber. a narrivera pas. Il haussa les paules. Je sais, mais cest une fiction plaisante. Et le fait quune qute soit impossible nest pas une raison suffisante pour labandonner. Elle lui sourit. Ignace savait quil tait peut-tre un peu amoureux dEuphrati Keeler, mme si lexistence avait t dure pour elle depuis que cette crature xenos lavait attaque aux Pics des Murmures. Et pour tre honnte, il stonnait de la voir ici. Elle avait perdu du poids, et portait dsormais ses cheveux blonds en une queue-de-cheval serre ; toujours magnifiquement fminine malgr tous ses efforts pour le dguiser. Il avait autrefois crit un pome pique pour la Marquise Xorianne Delaquis, lune des grandes beauts supposes de la cour de Terra. Une uvre sur commande, qui lavait rpugne, mais ce genre de travail payait bien. La beaut de cette femme avait t artificielle et creuse, compare la vitalit quil lisait prsent sur le visage de Keeler comme si celle-ci avait ressuscit. Lui ne jouait pas dans la mme ligue, avec ses proportions trop gnreuses, ses yeux de chien battu et son visage rond ; cependant, son apparence ne lavait jamais dcourag de tenter de sduire les belles femmes. Cela ne faisait quaccrotre le niveau du dfi. Karkasy avait ainsi russi quelques conqutes en profitant de son adulation pour ses uvres passes. Rflexions et odes lui avait valu quelques aventures charnelles notables, mais dautres membres plus facilement impressionnables du sexe oppos avaient succomb son seul badinage. Il savait dj quEuphrati Keeler tait trop intelligente pour cder un jeu de sduction aussi manifeste, et se contentait de la compter comme une simple amie. Il sourit en ralisant que jamais auparavant il navait song une femme comme une amie. Pour rpondre srieusement ta question, ma chre, reprit-il, jespre que le Matre de Guerre sera bientt l. Ma bouche est aussi sche quune sandale de Tallarn et je crois quun verre me ferait du bien. Ignace Puisse le destin nous prserver des gens la fibre moralisatrice, soupira-t-il. Je ne voulais pas dire quelque chose dalcoolis. Mme si je pourrais tout fait vider tout de suite une bouteille de ce quils buvaient sur Soixante-Trois Dix-Neuf. Je croyais que tu avais trouv ce vin parfaitement immonde, dit Keeler. Ah, certes, mais quand on en est rduit boire le mme cru depuis des mois, il est surprenant de constater ce quon serait prt ressayer, rien que pour le changement. Elle sourit, et plaa sa main sur ce qui pendait au bout de sa chane. Je prierai pour toi, Ignace. Les mots quelle avait choisis le surprirent, puis il vit natre sur ses traits une expression dadoration profonde, alors quelle levait son appareil vers quelque chose derrire lui. Il se tourna pour voir scarter le rabat lentre de la yourte, et la carrure massive dun Astartes entrer en se baissant. Il lui fallut un temps pour se rendre compte aprs coup que larmure ntait pas celle des Sons of Horus, mais portait le gris granite des Word Bearers. Le guerrier avait en main un bton couronn dun livre, et autour duquel senroulait une longue charpe de tissu incarnat. Son casque tait cal sous son bras, et il parut surpris de voir l autant de commmorateurs. Karkasy constata que le visage aux traits larges de lAstartes tait srieux et pntr, son crne ras couvert dinscriptions. Une de ses paulires tait drape dun lourd parchemin aux lettrines enlumines, et lautre arborait licne distinctive dun livre au centre duquel brlait une flamme ; mme sil symbolisait lillumination jaillissant du verbe, Karkasy le dtestait dinstinct. Il voquait son me de pote la Mort du Savoir, une terrible priode de lhistoire de lancienne Terra o les fous et les dmagogues avaient brl les manuscrits, les bibliothques et les crivains par crainte des ides quils pouvaient colporter. Aux yeux de Karkasy, de tels symboles appartenaient aux barbares et aux philistins, pas des Astartes chargs dtendre les frontires de la connaissance et du progrs. Cette dlicieuse hrsie le fit sourire, et il se demanda sil pouvait lexprimer dans un sonnet sans que le capitaine Loken ne sen rendt compte, mais alors mme que cette ide sditieuse se formait dans son esprit, il lcrasa aussitt. Son protecteur soumettait dsormais toutes ses uvres un Kyril Sindermann devenu de plus en plus solitaire. En dpit de sa morosit, Sindermann ntait pas un imbcile quand il sagissait de percer les textes, et lui reprerait coup sr toute rfrence ose. Auquel cas, malgr le patronage dun Astartes, Karkasy allait se retrouver sur le prochain transport de masse de retour vers Terra. Alors, qui est-ce ? demanda-t-il Keeler, reportant son attention vers le nouvel arrivant tandis que Tsi Rekh cessait de chanter et sinclinait. son tour, le guerrier leva son bton en signe de salut. Keeler lui adressa un regard de ct, en le regardant comme sil venait soudain de lui pousser une seconde tte. Tu es srieux ? susurra-t-elle. On ne peut plus srieux, ma chre, qui est-ce ? Celui que tu vois, annona-t-elle firement en capturant une nouvelle image de lAstartes, cest Erebus, premier chapelain des Word Bearers. Et soudain, Ignace Karkasy sut de faon tout fait claire pourquoi le capitaine Loken lavait voulu prsent. En posant le pied sur la crote dure de Davin, Karkasy stait rappel la chaleur oppressante de Soixante-Trois Dix-Neuf. Pour sloigner du souffle des rotors atmosphriques de la navette et de leur rugissement assourdissant, il avait couru en trbuchant moiti, ses robes de facture exquise battant lair autour de lui. Le capitaine Loken lattendait, resplendissant dans son armure vert ple, apparemment indiffrent la chaleur ou aux tourbillons de poussire. Merci davoir pu venir dans un dlai si court, Ignace. Je vous en prie, capitaine, avait cri Karkasy pour couvrir le bruit des racteurs quittant le sol. Jen suis trs honor, et assez surpris, pour tout vous dire. Ne soyez pas surpris. Je vous ai patronn parce que vous tes une personne sincre, nest-ce pas ? Oui, capitaine. Vous me lavez dit, en effet. Karkasy rayonnait. Est-ce pour a que je suis l ? Dun certain point de vue, oui, avait reconnu Loken. Vous tes un parleur invtr, Ignace, mais aujourdhui, jai besoin que vous coutiez. Vous mavez bien compris ? Je pense. Quest-ce que vous voulez que jcoute ? Pas quoi , mais qui . Trs bien. Qui voulez-vous que jcoute ? Quelquun en qui je nai pas confiance.

TROIS

TROISUne feuille de verre / Un homme de bonne disposition / mots cachs

La veille de la descente la surface de Davin, Loken cherchait Kyril Sindermann dans la chambre darchivage numro trois afin de lui rendre le livre quil lui avait emprunt. Il passa entre les piles poussireuses de feuillets jaunis, sous les globes lthargiques dont la faible lumire oscillait juste au-dessus du niveau de sa tte, son pas lourd rsonnant dans le calme solennel. Ici et l, un rudit isol cherchait dans la pnombre, perch sur un sige tlescopique, mais aucun deux ntait son mentor. Loken remonta une nouvelle alle vertigineusement haute borde de manuscrits et de tomes relis, sur la tranche desquels brillaient des titres comme Cantiques du dogme omniastrien, Mditations sur le hros lgiaque et Penses et souvenirs de la Longue Nuit. Aucun deux ne lui tait familier, et il commenait dsesprer de ne jamais retrouver Sindermann au milieu de ce labyrinthe darcanes, lorsquil vit enfin la silhouette de litrateur penche sur une longue table, entoure dun empilement douvrages et de vieux parchemins spars, rassembls par des cordelettes de cuir. Sindermann lui tournait le dos, ce point absorb par sa lecture qutonnamment, il ne semblait pas avoir entendu Loken approcher. Encore de la mauvaise posie ? demanda ce dernier distance respectueuse. Sindermann sursauta, et regarda par-dessus son paule avec une expression de surprise, mle de la mme discrtion inhrente sa personne que la premire fois o Loken lavait rejoint ici. Garviel, dit-il, et Loken dcela dans sa voix une note de soulagement. Vous attendiez quelquun dautre ? Non. Non, pas du tout. Il est rare de rencontrer quiconque dans cette partie des archives. Le sujet quelle traite est un peu trop dcri pour la plupart des gens srieux. Loken contourna la table en observant les manuscrits tals devant litrateur ; lcriture resserre tait inintelligible. Des gravures spia dpeignaient des monstres cumants et des hommes entours de flammes. Ses yeux remontrent vers le vieil homme, qui sous son regard scrutateur se mordit lintrieur de la lvre. Je dois confesser avoir pris got ces textes anciens, expliqua Sindermann. Ceux-ci sont trs crus et sanglants, comme Les chroniques dUrsh que je vous ai prtes. Nafs et hyperboliques lextrme, mais nanmoins prenants. Jai justement fini de les lire, annona Loken en posant louvrage emprunt devant Sindermann. Et ? Comme vous le disiez, ces histoires sont violentes, crues, et recourent parfois exagrment au fantastique Mais ? Mais je ne peux mempcher de croire que vous aviez une arrire-pense en me conseillant ce livre. Une arrire-pense ? Garviel, je vous assure quil ny avait l aucun subterfuge, se dfendit Sindermann. Loken ntait pas certain de le croire. En tes-vous certain ? Certains passages mont sembl porter un peu plus quun soupon de vrit. Allons, Garviel, vous ne pouvez pas le croire srieusement, le railla Sindermann. Le murengon, mentionna Loken. La bataille finale dAnult Keyser contre les conclaves nordafrikains. Sindermann hsita. Qua-t-elle de si particulier ? Je lis dans vos yeux que vous savez dj ce que je vais vous dire. Non, Garviel, je nen sais rien. Je connais les pages que vous voquez, mais bien quelles constituent une lecture intressante, je ne pense pas que leur prose puisse tre prise trop au pied de la lettre. Je le reconnais, acquiesa Loken. Tout le passage sur le ciel se dchirant comme de la soie et les montagnes se renversant est clairement insens, mais il est question dhommes se transformant en dmons et se retournant contre leurs frres. Ah Je comprends, prsent. Vous y avez vu un rapport avec ce qui est arriv Xavyer Jubal ? Pas vous ? demanda Loken, en retournant un des parchemins jaunis, o stalait limage dun monstre longs crocs, vtu de fourrures, avec au front les cornes enroules dun blier et une hache sanglante estampe dun crne entre les mains. Jubal sest chang en dmon et a essay de me tuer ! Comme cela est arriv Anult Keyser lui-mme ; lun de ses lieutenants, un homme appel Wilhym Mardol, est devenu un dmon lui aussi, et la assassin. Tout a ne vous rappelle rien ? Sindermann se tassa dans son sige et ferma les yeux. Loken remarqua quel point il paraissait fatigu. Sa peau avait pris la teinte des parchemins quil compulsait et ses vtements flottants semblaient draps sur son seul squelette. Le vnrable itrateur tait extnu. Pardonnez-moi, dit Loken en sasseyant lui aussi. Je ntais pas venu ici pour vous chercher querelle. Le sourire quesquissa Sindermann rappela Loken combien il en tait arriv chercher ses sages conseils. Sans avoir t proprement parler un tuteur, Sindermann avait rempli quelque temps le rle de mentor et de prcepteur. Cela avait t un choc de dcouvrir que le vieil homme ne possdait pas toutes les rponses. Ce nest rien, Garviel. Il est bon que vous vous interrogiez, cela montre que vous comprenez que la vrit ne se borne pas ce que nous voyons demble. Je suis sr que le Matre de Guerre tient en haute estime cet aspect de votre personne. Comment va-t-il ? Lui aussi est fatigu, lui apprit Loken. Les exigences de ceux qui rclament son attention se font chaque jour plus insistantes. Les communiqus quenvoie chaque flotte expditionnaire le sollicitent dans toutes les directions, et les directives insultantes quenvoie le Conseil de Terra cherchent faire de lui un administrateur plutt quun Matre de Guerre. Il porte un immense fardeau, Kyril. Mais ne croyez pas que vous arriverez dtourner le sujet aussi facilement. Cela fit rire Sindermann. Vous devenez trop perspicace, Garviel. Trs bien. Que voudriez-vous savoir ? Les hommes dont ce livre dit quils utilisaient des pouvoirs, taient-ils des sorciers ? Je nen sais rien, admit Sindermann. Cest trs possible. Les pouvoirs dont ils usent nont certainement pas lair naturel. Mais comment leurs chefs ont-ils pu souscrire lusage de tels pouvoirs ? Ils devaient bien avoir constat quils taient dangereux ! Peut-tre, mais songez cela : nous savons nous-mmes bien peu de chose sur ce sujet, et nous avons pourtant les lumires de lEmpereur et de la science pour nous guider. Combien ces peuples-l devaient en savoir moins que nous. Mme un barbare reconnatrait o se trouve le danger, dit Loken. Un barbare, rpta Sindermann. Cest l un terme bien pjoratif, mon ami. Ne soyez pas si prompt juger. Nous ne sommes pas si diffrents des tribus de lancienne Terra que vous pourriez le croire. Vous ntes pas srieux, gronda Loken. Nous sommes aussi diffrents delles quune toile lest dune plante. En tes-vous si sr, Garviel ? Vous pensez que le rempart sparant la civilisation de la barbarie est solide comme lacier, mais il ne lest pas. La distinction est aussi fine quune feuille de verre. Une pression ici et une autre l, et nous pourrions ramener le rgne de la superstition, la peur du noir et le culte de nouvelles entits dans des temples remplis. Vous exagrez. Est-ce vraiment le cas ? demanda Sindermann en se penchant vers lui. Imaginez un monde rcemment reconquis faisant la cruelle exprience dune pnurie dune ressource vitale, telle que le carburant, leau ou la nourriture ; combien de temps faudrait-il avant que tout comportement civilis ne soit abandonn au profit dun comportement barbare ? Lgosme humain nen pousserait-il pas certains combattre pour sapproprier cette ressource tout prix, mme si cela signifiait de devoir se commettre dans le mal ? Ne pourraient-ils pas en priver dautres de cette ressource, ou mme les tuer dans leur dsir de se lapproprier pour eux seuls ? La morale et les convenances ne sont quun fin vernis appliqu sur lanimal qui sommeille au cur de lhomme, et qui ne demande qu en sortir quand cela lui est permis. Vous parlez comme sil ny avait aucun espoir pour nous. Loin de moi cette ide, Garviel, dmentit Sindermann en secouant la tte. LHumanit est continuellement perplexe devant sa propre existence, mais grce au grand ouvrage de lEmpereur, je suis fermement convaincu quun jour viendra o nous obtiendrons la matrise de toute chose. Le temps pass depuis le fondement de notre civilisation nest quun fragment de lexistence de lhomme, et ne sera quun fragment des res venir. La loi de lEmpereur, lharmonie au sein des communauts, lgalit des droits et des privilges, et lducation universelle annoncent une socit dun plan suprieur vers laquelle notre exprience, notre intelligence et notre connaissance nous font tendre. Ce sera alors le renouveau, sous une forme plus haute, de la libert, de lgalit et de la fraternit que recherchaient les anciennes tribus des hommes avant la venue des seigneurs de guerre comme Kalagann ou Narthan Dume. Loken sourit. Et dire que je vous croyais en proie au dsespoir. Sindermann retourna Loken son sourire. Non, Garviel, bien au contraire. Jadmets avoir t branl aprs cette descente aux Pics des Murmures, mais plus je lis, plus je constate que nous avons fait du chemin et que nous sommes prs de russir tout ce que nous avons toujours rv. Je me flicite chaque jour que nous ayons la lumire de lEmpereur pour nous guider vers ce futur blouissant. Et je redoute ce quil adviendrait de nous sil nous tait enlev. Nayez aucune crainte, le rassura Loken. Cela narrivera jamais. Aximand regarda par un creux dans les coutures. Erebus est arriv, annona-t-il. Horus acquiesa et se tourna face aux quatre membres du Mournival. Vous savez tous quoi faire. Non, voulut plaisanter Torgaddon, nous avons tous oubli. Vous ne voudriez pas nous le rappeler encore une fois ? La lgret de Torgaddon fit sassombrir le regard dHorus. Il suffit, Tarik. Il y a un temps pour chaque chose, mais a nest pas le moment de faire de lhumour, alors tais-toi. Torgaddon parut choqu par la remontrance du Matre de Guerre, et lana un regard interloqu ses compagnons. Loken avait t moins surpris que lui, aprs avoir vu leur commandant semporter plusieurs fois contre ses subordonns lors des semaines coules depuis leur dpart des rgions de linterex. Horus navait plus connu de paix depuis le terrible bain de sang devant la Galerie des Objets de Xenobia, et lopportunit manque dune unification avec linterex ne cessait de le hanter. Depuis ces dboires, le Matre de Guerre stait mur dans une mlancolie renfrogne, et demeurait de plus en plus souvent reclus dans son sanctum, o Erebus le conseillait. Les capitaines du Mournival avaient peine vu leur commandant depuis leur retour dans lespace imprial, et se sentaient profondment exclus. Quand ils auraient autrefois guid le Matre de Guerre, seul Erebus parvenait dsormais se faire couter. Cela avait donc t avec un certain soulagement que le Mournival avait appris le dpart dErebus, qui allait partir en avant de lexpdition vers Davin avec sa propre lgion.

Mme pendant le trajet vers ce systme, le Matre de Guerre navait pas eu un moment de rpit. Les requtes daide ou dassistance lui arrivaient rptition de toute la galaxie, mises par ses frres primarques, par des commandants de lArme Impriale, ou pire encore, par tout le contingent dadministrateurs civils qui staient engouffrs dans le sillage de leurs conqutes. Les aexactors de Terra, mens par une haute administratrice du nom dAenid Rathbone, harcelaient chaque jour le Matre de Guerre pour quil facilitt leur dispersion dans tous les nouveaux territoires conciliants afin de commencer y lever la dme impriale. Tous ceux dous dune once de bon sens savaient que la mesure tait prmature, et Horus avait fait tout son possible pour freiner Rathbone et ses collecteurs. Mais ceux-ci ne se laisseraient pas carter indfiniment. Si le choix mtait laiss, avait-il dit Loken un soir tandis quils discutaient de nouvelles manires de retarder la taxation des mondes rcemment annexs, je ferais excuter tous les aexactors de lImperium, mais je suis sr que des avis dimposition nous arriveraient de lenfer ds le lendemain. Le rire de Loken stait teint quand il avait ralis quHorus tait srieux. Ils avaient atteint Davin, et dautres problmes plus importants rclamaient leur attention. Rappelez-vous, souligna Horus. Tout doit se drouler exactement comme je vous lai dit. Un silence rvrencieux tomba sur lassemble et chaque personne prsente mit un genou terre quand le successeur que lEmpereur stait choisi fit son entre. Karkasy se sentit faiblir la vue du dieu vivant, revtu de son magnifique ensemble darmure la couleur dun ocan lointain, envelopp de sa cape dun violet profond. Lil de Terra brillait sur son poitrail, et Karkasy fut subjugu par tant de beaut magistrale. Avoir pass tant de temps auprs de la 63e expdition et ne poser que maintenant les yeux sur le Matre de Guerre lui sembla constituer la plus grosse perte de temps de sa vie. Karkasy se rsolut arracher toutes les pages quil avait crites cette semaine dans son Bondsman numro 7 pour composer un soliloque sur la noblesse du commandant. Le Mournival entra sa suite, ainsi quune femme lance et sculpturale dans une toilette de velours carlate, au col haut et aux manches bouffantes, ses longs cheveux ramens en une coiffure compose en dpit du sens pratique. Il se sentit bouillir dindignation en ralisant que ce devait tre Vivar, cette commmoratrice venue de Terra dont ils avaient entendu parler. Horus leva les bras pour sadresser eux. Amis, je ne cesse de rpter que personne na sincliner en ma prsence. LEmpereur seul est digne dun tel honneur. Lentement, comme sils rechignaient ne plus lui tmoigner leur vnration, les membres de la foule se remirent debout tandis quHorus passait parmi les plus proches en leur serrant la main, et en les blouissant par la spontanit de son esprit et de son contact. Karkasy observait les visages de ceux qui il sadressait, envahi par une jalousie intense de ne pas compter parmi ces lus. Sans rflchir, il se mit fendre lassistance en y recevant des regards hostiles et un occasionnel coup de coude cens le punir du trouble quil occasionnait. Quelquun tira sur son col, et il tournait la tte pour protester contre celui qui osait prendre une telle libert avec ses habits coteux. Celle quil vit derrire lui tait Euphrati Keeler, et il crut dabord quelle avait cherch le retenir, mais finit par sourire en comprenant quelle comptait venir avec lui en profitant de lespace que dgageait sa masse. Il tait ainsi arriv six ou sept rangs de lavant quand il se rappela quelle raison premire lavait fait accepter dans cet auguste rassemblement. Ses yeux sarrachrent du Matre de Guerre pour observer Erebus des Word Bearers. Karkasy en savait peu sur la 17e lgion, hormis que son primarque, Lorgar, tait proche dHorus et avait sa confiance. maintes reprises, leurs deux lgions avaient combattu et vers leur sang cte cte pour la gloire de lImperium. Les membres du Mournival savancrent, et un par un, treignirent Erebus comme un frre depuis longtemps perdu. Ils rirent, entrechoqurent leurs armures en signe de bienvenue, mme si Karkasy entrevit une mesure de rticence dans laccolade que se donnrent Loken et le Word Bearer. Reste concentr, Ignace, se murmura-t-il pour lui-mme quand ses yeux eurent t attirs une fois de plus par la radiance du Matre de Guerre. Il en dtourna le regard temps pour voir Abaddon et Erebus se saisir les mains une dernire fois. Une lueur argente passa entre leurs paumes. Il ne pouvait en tre certain, tout stait fait si vite, mais lobjet ressemblait une pice ou une sorte de mdaillon. Le Mournival et Vivar prirent alors position une distance respectueuse derrire le Matre de Guerre, tandis que Maloghurst gagnait sa place au ct de son matre. Horus ouvrit nouveau les bras. Mes amis, vous allez devoir supporter une fois encore que nous discutions des plans qui amneront dans les endroits sombres la lumire de la vrit. De petits rires polis et des applaudissements se propagrent vers le pourtour de la yourte alors quHorus poursuivait. Nous voici revenus sur Davin, le site dun grand triomphe. Le huitime monde que nous ayons ralli nous. Cest vritablement Matre de Guerre, lana une voix depuis le centre de la yourte. Les mots avaient t prononcs avec douceur. Lauditoire nen laissa pas moins chapper un hoquet collectif devant un manquement aussi flagrant ltiquette. Sous ses yeux, lhumeur dHorus parut devenir massacrante, et Karkasy comprit quil navait pas coutume dtre interrompu de la sorte, avant de reporter son attention sur celui qui avait parl. La foule scarta dErebus, comme si elle redoutait que sa tmrit puisse tre contagieuse. Erebus, intervint Maloghurst. Avez-vous quelque chose dire ? peine une correction formuler, cuyer, expliqua le Word Bearer. Karkasy vit un Maloghurst inquiet adresser un regard en coin au Matre de Guerre. Une correction, dites-vous. Quauriez-vous corriger ? Le Matre de Guerre a dit que ce monde tait ralli nous, formula Erebus. Ce qui est vrai, gronda Horus. Tristement, Erebus secoua la tte. Pendant un bref instant, Karkasy crut dceler une trace damusement lugubre dans les paroles qui suivirent. Non, dit Erebus. a nest pas le cas. Loken sentit monter sa colre devant cet affront fait leur honneur, et perut cette mme raction chez le reste du Mournival la faon dont leurs dos se raidirent. tonnamment, Aximand alla jusqu porter la main son pe, mais Torgaddon le lui dconseilla de la tte, et lAutre Horus retira la main du pommeau de son arme. Il ne connaissait Erebus que depuis peu de temps, mais Loken avait vu de quel respect et de quelle estime jouissait le chapelain. Son conseil avait toujours t sage, ses manires gales et sa foi en Horus inbranlable, mais la subtile infiltration dErebus au ct du Matre de Guerre avait dcontenanc Loken au-del de la simple jalousie. Depuis quil prenait conseil auprs du premier chapelain, leur commandant tait devenu grave, inutilement polmique et repli sur lui-mme. Maloghurst avait exprim ses proccupations au Mournival propos de lascendant croissant que gagnait le Word Bearer. Aprs une conversation avec lui sur le pont dobservation avant du Vengeful Spirit, Loken avait cru discerner que le vrai visage du chapelain ntait pas celui quil donnait voir en premier lieu. La graine de la suspicion avait t plante dans son cur ce jour-l, et les mots dErebus tombaient maintenant sur elle comme une frache pluie de printemps. Aprs quil et gagn tant dinfluence depuis Xenobia, Loken ne pouvait croire que celui-ci avait choisi dagir de manire aussi rustre. Auriez-vous lamabilit de dvelopper votre propos ? le pria Maloghurst, qui visiblement luttait pour garder son calme. Loken navait jamais autant admir lcuyer. Si vous le souhaitez, rpondit Erebus, mais peut-tre est-ce l un sujet dont il nous faudrait discuter en priv. Dites ce que vous avez dire, Erebus. Ceci est mon conseil de guerre, et il nest fait aucun secret ici, laiguillonna Horus. Loken sut alors que le rle que le Matre de Guerre leur avait destin ntait plus daucune importance. Les autres membres du Mournival lavaient eux aussi ralis. Monseigneur, commena Erebus, je vous prie de mexcuser si Gardez vos excuses, larrta Horus. Vous avez du cran pour vous tre prsent ainsi devant moi. Je vous ai adopt dans mon cercle proche, offert une place mon conseil de guerre, et cest de cette faon que vous men remerciez ? Par le dshonneur ? Par de linsolence ? Je ne le tolrerai pas, que cela soit bien clair. Mavez-vous bien compris ? Oui, monseigneur, et je ne voulais aucunement vous offenser. Si vous mautorisez poursuivre, vous verrez que a ntait pas mon intention. Une atmosphre lectrique emplissait la yourte. Loken souhaita en silence que le Matre de Guerre mt un terme cette farce en se retirant dans un endroit plus isol, mais lhumeur dHorus tait chauffe, et il distinguait bien que la confrontation nallait pas sachever maintenant. Continuez, lcha son commandant entre ses dents serres. Comme vous le savez, seigneur, nous avons quitt cette plante il y a soixante ans. Davin tait alors complaisante et semblait devoir devenir un monde clair de lImperium. Hlas, cela ne sest pas droul de la sorte. Venez-en au fait, Erebus, simpatienta le Matre de Guerre, les poings crisps en deux boulets meurtriers. Bien sr. Pendant notre trajet vers Sardis pour rejoindre notre point de rendez-vous avec la 203e flotte, le trs rvr seigneur Kor Phaeron ma pri deffectuer un dtour par Davin afin de massurer que la parole de lEmpereur aim de tous y tait toujours dfendue par le commandant Temba et les troupes dont il disposait. O est Temba ? rclama Horus. Je lui avais laiss assez dhommes pour touffer le moindre vestige de rsistance. Si ce monde ntait plus subordonn, il nous laurait signal. Eugan Temba est un tratre, monseigneur, annona Erebus. Il se trouve sur la lune de Davin, et ne reconnat plus lEmpereur comme son matre. Un tratre ? cria Horus. Impossible ! Eugan Temba tait un homme de bonne disposition, lesprit martial admirable. Je lavais personnellement choisi pour lui confier cet honneur. Jamais il naurait trahi ! Jaimerais que cela soit vrai, monseigneur, dit Erebus, qui en paraissait sincrement dsol. Alors, au nom de lEmpereur, que fait-il sur cette lune ? demanda Horus. Les honorables tribus de Davin avaient accept de se plier notre autorit, pas celles de la lune, expliqua Erebus. Pour les amener dans le droit chemin, Temba a men ses hommes dans une opration glorieuse, mais finalement imprudente. Pourquoi imprudente ? Il sest acquitt du devoir dun commandant imprial. Ce fut imprudent, monseigneur, parce que les tribus de cette lune ne conoivent pas lhonneur comme nous le faisons. Et il semble que quand Temba proposa des pourparlers honorables, elles employrent certains moyens pour biaiser la perception de nos hommes et les retourner contre vous. Quels moyens ? Parlez plus clairement ! semporta Horus. Je rpugne les nommer, monseigneur, mais ils seraient sans doute dcrits dans les textes anciens comme de comme de la sorcellerie. Loken sentit dun coup se dfaire lquilibre des humeurs de son corps, et toute la yourte incrdule strangla la mention de ce mot. Temba sert dsormais le s