Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un...

23
Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2013 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 20 avr. 2021 04:02 Lien social et Politiques Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque » : vivre et survivre Sue-Ann MacDonald Accompagnement des jeunes en difficulté Numéro 70, automne 2013 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1021164ar DOI : https://doi.org/10.7202/1021164ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Lien social et Politiques ISSN 1703-9665 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article MacDonald, S.-A. (2013). Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque » : vivre et survivre. Lien social et Politiques,(70), 205–226. https://doi.org/10.7202/1021164ar Résumé de l'article Le but de l’article est de dévoiler les représentations des notions de risque chez les jeunes itinérants. Son objectif est de contribuer à la compréhension de la notion de risque concernant un groupe qui se dépeint lui-même comme « à risque » et évoluant dans un monde et une phase de vie définis comme incertains (Galland, 1993 ; Gilbert, 2004 ; Le Breton, 2005 ; Parazelli, 1999 ; Turz, 1993). Plus précisément, la recherche sur laquelle se base l’article s’intéressait à appréhender les constructions du risque que font les jeunes de la rue eux-mêmes en lien avec leurs identités en évolution, d’autant plus que ces jeunes sont définis comme un groupe à risque. Une sociologie de la jeunesse à risque prend de l’ampleur dans la littérature et oscille entre deux pôles : victimisation et déviance. Or les expériences des jeunes sont méconnues et peu considérées hors de ce pendule. L’article tente de combler ce vide.

Transcript of Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un...

Page 1: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2013 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 20 avr. 2021 04:02

Lien social et Politiques

Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque » :vivre et survivreSue-Ann MacDonald

Accompagnement des jeunes en difficultéNuméro 70, automne 2013

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1021164arDOI : https://doi.org/10.7202/1021164ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Lien social et Politiques

ISSN1703-9665 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleMacDonald, S.-A. (2013). Les expériences méconnues des jeunes itinérants « àrisque » : vivre et survivre. Lien social et Politiques,(70), 205–226.https://doi.org/10.7202/1021164ar

Résumé de l'articleLe but de l’article est de dévoiler les représentations des notions de risque chezles jeunes itinérants. Son objectif est de contribuer à la compréhension de lanotion de risque concernant un groupe qui se dépeint lui-même comme « àrisque » et évoluant dans un monde et une phase de vie définis commeincertains (Galland, 1993 ; Gilbert, 2004 ; Le Breton, 2005 ; Parazelli, 1999 ;Turz, 1993). Plus précisément, la recherche sur laquelle se base l’articles’intéressait à appréhender les constructions du risque que font les jeunes de larue eux-mêmes en lien avec leurs identités en évolution, d’autant plus que cesjeunes sont définis comme un groupe à risque. Une sociologie de la jeunesse àrisque prend de l’ampleur dans la littérature et oscille entre deux pôles :victimisation et déviance. Or les expériences des jeunes sont méconnues et peuconsidérées hors de ce pendule. L’article tente de combler ce vide.

Page 2: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

Les expér iences méconnues des jeunes i t inérants « à

r i sque » : v ivre et surv ivre

SU e-a n n M aCdona ldProfesseure adjointe école de service social Universi té de Montréal Montréal

l e S j e U n e S i t i n é r a n t S : U n g r o U P e j U g é « à r i S q U e »

Les jeunes itinérants sont un groupe «à risque» parce qu’ils ont été définiscomme tels de plusieurs manières. La majorité des recherches sur les jeunesitinérantsillustrentqu’ilsontvécuuneenfanceenproieàlavictimisation(abus,négligenceetabandon)lespoussantàfuirleurmilieuetàtrouverrefugedansles rues (Baron, 2003a; Cauce et al., 2000; Gaetz, 2004; Gaetz et O’Grady,2002;Gilbert,2004;Karabanowet al.,2005;Karabanow,2004;Kurtzet al.,1991;MounieretAndujo,2003;PublicHealthAgencyofCanada,2006).Deplus, lesmauvaises pratiques d’éducation et les relations parent/enfant diffi-ciles (DiPaolo, 1999; Gilbert, 2004; Stefanidis et al., 1992; Whitbeck et al.,1999;WhitbecketSimons,1990),l’éclatement,l’instabilitéetlarecompositiondesfamilles(Bearsley-Smith,2008;Bellot,2001;Caputo,1997;Jones,1997;Laird,2007)sontdesfacteursderisquequiplacentcesjeunesdansdespositionsplusprobablesd’itinérance,devictimisationetd’engagementdansdesactivitésdéviantes (Baron et al., 2007;Whitbeck et al., 1999).Certains auteurs souli-gnentquecesfacteursetfissuresfournissentunpuissantmélangeetun«terraind’entraînement»pourladélinquance(Baronet al.,2007;Whitbecket al.,1997)ainsiquedesconditionsfavorablesàlavictimisation(Boivinet al.,2005;Cauceet al.,2000;Gaetz,2004;Hoytet al.,1999;Hwang,2000;Royet al.,2004).

Bienquelesjeunesreprésententuntiersdelapopulationcanadiennedessans-abris(Laird,2007), ilssontlesmoinssusceptiblesdedemanderdel’aideetdecomptersurlesservicesd’urgence(Gaetz,2004,2009;Karabanow,2004),quisetrouventpourtantêtrelesterrainsdelaplupartdesrecherchesmenéessurcepublic.Aulieuderecourirauxressources,ilsdépendentlargementdesréseauxsociauxinformelspoursurvivre(TyleretMelander,2011).Bienqu’ilssoientconsidéréscommeextrêmementvulnérables (Nickersonet al.,2004)etqueleurscomportementssoientfortementstigmatisés(Benoitet al.,2007),ces

© Lien social et Politiques, no 70, automne 2013.AccompAgnement des jeunes en difficulté, p. 205 à 226.

Page 3: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

206 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

jeunes restent un groupe très peu étudié (Bradley, 1997; Kraus et al., 2001;Marshallet al.,2008).Ilexisteunmanquedeconnaissances,enparticulierdeconnaissanceslongitudinales,surlesexpériencessubjectivesdesjeunesitiné-rants(Aubry,2008;Aubryet al.,2007;Benoitet al.,2007;Kidd,2006;Tyler,2008;Whitbecket al.,1999),notammentencequiconcerneleursconceptionsdesrisquesassociésàleurmodedevie.Cetteétudecommenceparcomblercettelacuneenexplorantlafaçondontlesjeunesitinérantsconceptualisentlerisquedansleurviequotidienne.

Lerisqueestdansl’airdutempsdelasociétémoderneetilestembléma-tiquedelapréoccupationdelasociétéenverslasécurité(Furedi,2006).L’essencemêmedurisquen’estpasquequelquechosedemauvaiss’est passé,maisplutôtquequelquechosepeut arriver(AdametvanLoon,2000).L’imagedesjeunesitinérants vivant dans les rues rappelle le risque: les rues évoquent la peur,ledanger,lavictimisationetladéviance.Uneperceptiond’anarchieomnipré-sente y est associée. Lesmultiples représentations demanque de respect desloismisesenévidencepardesbilanssurlaprostitution,lamendicité,lesvols,lesqueegee,laviolence,laconsommationdedrogues,lespratiquesanticonfor-mistes,etc.,(Baron,2003a,2003b;Baronet al.,2007;Gaetz,2004;Karabanow,2004)envahissent la littératureetdonnentde lacrédibilitéàuneconceptiondelaruecommelieudanslequellesjeunesnedevraientpassetrouver.Cetteculturedelapeur,encequiconcernelerisque,affectelafaçondontlesjeunesitinérants sont compris et représentés. Celamagnifie les notions de vulnéra-bilitéetdefragilitéàcausedeleurjeuneâgeetdeleurstatutsocialmargina-lisé.Enoutre, cetteculturedepeurdéveloppéedans la littératureet souventexploitéedanslesmédiastendàhomogénéiseretàréduirelesexpériencesdecettecatégoriedejeunes.Laconstructiondecettepopulation«àrisque»,mêmes’iln’yapasdeconsensussurceque«àrisque»signifie(Furedi,2006),coupléeavecl’idéequelesruessontrisquées,dangereusesetfavorisentl’engagementdansdesactivitésà«hautrisque»,impliquentquecesjeunessoientdifférentsoudéficientsetnécessitentuneinterventionparl’intermédiaired’uneprotectionoud’unesurveillance(Bellot,2001;Sharland,2006).

Lebutduprésentarticleestdediffuserlesrésultatsd’unprojetderecherchequis’intéressaitauxreprésentationsdesnotionsderisquechezlesjeunesitiné-rants.Danslarechercheicidécrite,leconceptderisqueintègrel’idéedesoppor-tunitésetdesprisesderisque,aulieud’êtredéfinidemanièrestrictecomme«unmaléventuel»(Bernstein,1996;Fox,1999).Ancréedansuneperspectivedoubleduconstructionnismesocial(BergeretLuckman,1966)etdel’interactionnismesymbolique (Blumer, 1986), cette recherche a permis de saisir comment lesjeunes définissent leur capacité à estimer, à gérer, à éviter ou à prendre desrisquesdevant lesobstacleset lesmoyensde survie telsque les systèmesdeservicessociaux,desanté,delogement,lesliensd’amitiéetlesliensfamiliaux.

Page 4: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 207Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

L’utilisation d’une perspective longitudinale a permis de suivre comment laconstruction identitaire des jeunes observés a influencé leurs perceptions durisque et leurs pratiques de débrouillardise. En outre, cette étude a illustrécommentlesconstructionsidentitairesetlescadresthéoriquesdurisquesontétroitementliés,commentilsagissentetinteragissentlesunsaveclesautresetcommentilstransformentcontinûmentlesnotionsderisque.

Le présent article est voulu comme une réponse au schéma binairesimpliste d’expériences de victime/déviant, sur lequel les caractéristiques1 decepublicsontétablies.Ceschémasuggèrequelasociologiedurisquealarge-mentsupplantélasociologiedeladévianceetdelavictimisation,etquecesdeuxcatégoriescontinuentàservirdepôlesauxquelssontrattachéeslesdiffé-rentesformesderisque.Eneffet,lalittératuresurlesjeunesitinérantstendàpositionnerlesexpériencesderuecommedesmarqueursdevictimisationetdedéviance(prostitution,violence,vol,consommation,troubledesantémentale,etc.).Traitantdesprincipauxconcernéscommedesobjetspassifs,cescatégoriesdites«objectives»sontconstruitesàpartirdesconceptualisationsdeschercheursetdeleurpositionsociale,alorsqueleurposturemoraleetleursprésomptionssontpeusouventdévoilées.Or,cettesociologiedurisque,quihomogénéisedesexpériencescomplexesetignoretouteautreréalité,sertdebaseauxcatégoriesconceptuellesdesdiscoursetdessavoirsdesexperts.L’absencedeparticipationetdecollaborationdesjeunesdansladéfinitiondeleursexpériencesrendcescadresde représentationdu risquepartiels, enparticulier encequi concernel’identité.L’impactdel’identitésurlescadresdurisqueestpeuconsidéré,bienquecelui-cisoittoutsaufabsentdesdiscours(TullochetLupton,2003).Ainsi,alorsquelerisqueestomniprésentdanslesdiscoursenglobantlapopulationdesjeunesitinérants,l’intangibilitédesrisquesassociésàleurmodedevieimpliquenécessairement que toute connaissance produite sur cette réalité dépende del’interprétationdeceluiquilaregardeetdeceluiquilavit.Leprésentarticleviseàéclairercettezoned’ombreconceptuelleetempiriqueenexaminantl’inte-ractionentre lescadresdedéfinitiondurisqueet l’identitédesacteurs,ainsiqu’enposantunregardsurdesexpériencescomplexesetrésilientesdejeunesitinérants.

l a P r i S e d e r i S q U e d a n S l a C o n S t r U C t i o n i d e n t i t a i r e

d e S j e U n e S i t i n é r a n t S

Une caractéristique principale de la société occidentale contemporaine estl’importanceprimordialequ’elleaccordeàl’évitementdesrisques–qu’ilssoientassimilés à un danger ou à la prise de risque – en adoptant un culte de lasécurité.Bienquenousvivionsàuneépoqueoùlasécuritéestsansprécédent

1. Accentuationetanalysedel’auteure.

Page 5: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

208 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

(Furedi, 2006), ladiabolisationdes risques fournituneboussolemoraledanslarégulationdescomportementsconsidéréscommeétant«àrisque»,«dange-reux»et«polluants»(Douglas,1985).L’adolescenceaétéprésentéecommeunmomentdeprisederisquesetd’expérimentation,etelleseheurteauxnormesdominantesdela«sécuritéàtoutprix»(Colombo,2008).Alorsquelesdiscoursdominantsdes experts ontqualifié les ruesdedangereuses et risquées, doncendroitsquinesontpassansdangerpourlesrassemblementsdejeunes2,d’autresontémisl’hypothèsequelesruessontégalementdesespaceshautementsymbo-liquesdedangeretd’excitation(Bellot,2001;Colombo,2008;Parazelli,2002).Conceptualiserlesruescommeunlieud’expérimentationetdedécouvertedesoienraisondesrisquesqu’ellesreprésententvabienau-delàdeladichotomieréductricevictimisation/déviance.

Desétudesanthropologiquesontattribué lepenchantdes jeunespour laprisederisqueàunritedepassageobligatoire(Jeffrey,2005;LeBreton,1991,2003),enraisondel’absence,ànotreépoquecontemporaine,deritetraditionneldepassageàl’âgeadulte(d’Allondans,2005).Encesens,letestritualiséetseslimitessymbolisentlerecoursàdesconduitesderisquepoursesentir«vivant»,unbesoinauparavantcomblépar les ritesdepassagecollectifs (d’Allondans,2005;Jeffrey,2005;LeBreton,2005,2003,1991).Uneapprochedurisqueaxéesurla«sécuritéàtoutprix»(Colombo,2008;Furedi,2006)tendàisoleretàéloignerlesjeunesdeleursaînés,etànier,detouteévidence,l’unedesdimen-sionsessentiellesdel’adolescence,soitlaprisederisques,larecherchedesensa-tionsfortesetl’évaluationdeseslimites(Hall,1904;Turz,1993).Cetarticlesepréoccupede ces tensions enétendant et enapprofondissant les analysesderisquesetd’identité.

En s’appuyant sur une étude ethnographique longitudinale auprès desjeunesitinérantsenmilieuurbaindansunegrandevillecanadienne,lacontri-butionmajeuredecetarticleestd’offriruneréponsephénoménologiquepluscomplexeencapturantlescadresderisquesdesjeunesitinérantsdansleurviedetouslesjours.Nousavonsprisladécisiondenousbasersurunenotionderisque plus large, évoquant une période pendant laquelle la prise de risquesétaitconceptualiséecommepouvantapporterdesbénéfices(symboliséspardebonnesopportunités),oudesmaux(symboliséespardemauvaisesopportunités)(Bernstein, 1996; Fox, 1999). Dans ce sens, une notion de risque plus vastepermetdesortirdeladiabolisationdurisqueetdemieuxrefléterlesexpériencesdesjeunesensituationderue.Alorsquecertainesgrandesthéoriessocialesdurisque (Beck,1996,1995,1992;Douglas, 1992,1985,1969;Foucault, 1991)ont tendance à expliquer le risque de manière plus macrosociologique,ellesnepermettent pas d’approfondir la compréhensiondes expériences individuelles

2. Commecelaestexaminéetdécritdansl’introduction.

Page 6: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 209Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

lors de la négociation des risques (Lupton, 1999a), en particulier en ce quiconcernel’interactionavecl’identité(TullochetLupton,2003).Bienquediversesapproches conceptualisent le risque différemment, plusieurs voient le risquecommeunconceptculturel,socialetpolitiquefondamental,quinousdomineetnouspréoccupe,telundangerpotentiel.Cesapprochesabordentlesréactionsàcesmenacesdemanièreuniformeet linéaire,dansunerationalitéd’«homo prudens»,d’acteurdouéderaison(Kemshall,2010).Cetarticleproposeplutôtunancrageempiriquedanslafaçondontlesindividusnégocientlesrisquesdansleurviequotidienne,singulièreetcomplexe.

Eneffet, l’articleappréhendelaconstructiondel’identitécommequelquechosedeprovisoire,decontinuetdecomplexe,quin’apasdebutnidequêtespécifique(Erikson,1968;Hall,1904).Cetteconstructiondel’identités’appuiesurlesthéoriesdel’expérimentationetdeladécouvertedesoi,enserapportantplusparticulièrementàlaperception,àlaprisederisquesetàlagestiondesrisques.Ellerecourtauxaspectsdelathéoriedel’identitédeBajoit(2003,2000,1999), basée sur trois dimensions entrelacées: l’identité engagée, soit l’iden-titéréelleencoursdeconstructionetperçueparl’individu;l’identitéassignée,qui renvoieà l’expériencede son identitéà travers ses relations sociales; et,enfin,l’identitédésirée,quiréfèreàlapersonnequel’onespèredevenir(Bajoit,2003, 2000, 1999). La théorie de l’identité de Bajoit souligne les différentessphèresd’interaction:lavisionquequelqu’unadelui-mêmedansuncertaintempsetlieu;lafaçondontquelqu’unestperçuparlesautresetcommentcelainfluence la perception de soi. Une telle conceptualisation de l’identité s’estavéréeparticulièrementappropriéedanslecadredecetarticlepourcomprendrelaconstructiondurisquechezlesjeunes.Defaçoncomplémentaire,larecherchedeLucchini(1996)démontrecommentlesjeunesdelarue,àtraversdifférentessphères ou «domaines» de vie (économie formelle ou informelle, logement,école,viefamilialeetactivitésdanslarue),expérimententdiversesfacettesdesrôles qu’ils jouent et développent, en conséquence, des identitésmultiples etnuancées.Cettepriseencomptedelacomplexitéillustrecommentlesgrandesthéoriesdu risqueproposées semblentdéfaillantes sur lesplans empirique etindividueldel’expérience.Enajoutantdesconceptsidentitairesauxnotionsderisque, ildevientalorspossibled’approfondirnotrecompréhensiondu risquedansl’interprétationduquotidienetaussidevaloriserlesjeunescommeacteursdeleurvie,ensortantd’uneorientationréductionnistequilesconsidèrecommedesobjetsderecherchepassifsetappauvris.

U n e r e C H e r C H e e t H n o g r a P H i q U e l o n g i t U d i n a l e av e C

d e S j e U n e S f a i S a n t l ’ e x P é r i e n C e d e l ’ i t i n é r a n C e

Uneapproche ethnographiqueprivilégiantune épistémologie ancréedans lesexpériencesdesjeunesaétépréconiséepourembrasserdesnotionsdurisque

Page 7: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

210 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

pluscomplexesquecellesancréesdansdesexplicationsréductionnistesdevicti-misationetdedéviance.Enjumelantleconstructionnismesocialavecl’interac-tionnismesymbolique,lebutétaitdesortirdesstéréotypesassociésauxjeunesetdelesreconnaîtrecommedesacteursdeleurproprevie.LeconstructionnismesocialdéveloppéparBergeretLuckman(1966:13)propose laréalitécommeune construction sociale, et la sociologie de la connaissance comme devantétudiercetteconstruction,rechercherlamanièredontlaréalitéestconstruite.Encomplément, l’interactionnismesymboliquedeBlumer (1986) reconnaît lasubjectivitédel’acteuraulieudeleconsidérercommeunobjetderecherche.

Visantunecoproductiondesconnaissancesencollaborantavecdesjeunesafindecontextualiserleurscompréhensionsdesrisquesdanslescontextesoùilssetrouvent,cetterecherchesouhaitaitainsiaccéderauxinterprétationsqu’ilsfontdeleurspropresexpériencesenconstructionetdeleuridentitémultiple.Uneméthodelongitudinale impliquant lesuividedix-huit jeunessurunepérioded’unàquatreansapermisdedéconstruireleurstrajectoiresetdecomplexifierleurs expériences et leurs prises de décisions. Cette approche a permis d’ali-menterunchampdeconnaissancessouventnégligé,alorsquelesexpériencesdecesjeunessontfréquemmentinstrumentalisées,catégoriséesentrevictimisa-tionetdéviance,àlalumièredeméthodesetd’analysesbaséessurdescollectesponctuelles.Laconstructionderelationsaveclesparticipantssurunelonguepériodedetempsfutuneffortdélibérépourdéplacerlanaturedelaproductiondeconnaissanceset,ainsi,saisirlacomplexitéontologiquedel’expériencedesjeunes. Cela a également servi à déconstruire les conceptualisations relativesauxcatégoriesdites«àrisque»,souventimposéesparleschercheursetrepro-duitesdanslesdiscoursdesexperts.Préconiserunedéfinitionlargedurisquepermetdefaireressortirlesnuancesetlessubtilitésduquotidiendecesjeunes.

L’étude a utilisé l’observation participante et des techniques d’entrevueinformellepour recueillirdesdonnéespertinentes, ens’engageantdans l’éta-blissementderelationsavecunéchantillondejeunes.SelonSchnapper(2011:3-4), «les spécialistes de méthodologie distinguent les différentes formes departicipation selon ledegréd’implicationduchercheurdans legroupe socialqu’ilentendétudier:ilpeutparticiperdemanière«périphérique«,«active»ou«complète»;ilpeutadoptersonrôleouvertement(overt)ouavancerdissimuléoumasqué(covert).»Danscecas-ci,j’étaisdéjàfamilièreaveclemilieuàtitred’intervenantependantplusieurs années avant le démarragede la recherche.J’ai doncassuméouvertementmondouble rôle, celui d’intervenante et celuidechercheuse.L’observationparticipantem’apermisd’alleràlarencontredesjeunesetdebâtirunliendeconfianceaveceuxpourmedonneraccèsàleursconnaissances.Lebutdecetteméthodeconsistait,d’unepart,àdécouvrirdefaçonplusintimeunmondedistinctdeceluiduchercheur,etced’unefaçoninformelleetengageanteparl’intermédiairedel’observation,et,d’autrepart,à

Page 8: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 211Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

avoiruneparticipationplusactiveenéchangeantaveceuxaucoursdesrencon-tresspontanées(Schensulet al.,1999).

Lareproductiondeleursdiscoursétaitbaséesurlesnotesdeterrainprisesdirectementaprèsdesentretiensetdesobservations,oupendantdesentrevuesnon directives. Les observations et les entrevues avaient lieu dans plusieursmilieuxdifférents,àl’intérieurouàl’extérieurd’organismesquidesserventlesjeunesitinérants,ensuivantcertainsd’entreeuxetenlesobservantdansleursactivitésquotidiennes,seulsouàplusieurs,ouencoreenlesinvitantàmanger.Decesnotesdeterrainpréliminaires,soitdesobservationsoudesentretiens,nousavonsprocédé,aprèslasortieduterrain,àlaconstructiondenotespluscomplètes. Le plus souvent possible, les verbatims étaient rédigés in situ oudirectementaprèslesséancesdeterrainafindecapterl’essencedelasignifica-tiondel’interprétationdesacteurs.Danslesrésultatsquisuivent,serontprésen-téescertainesreconstructionsdeleursproposissusdesentretiensoùlaprisedenotesétaitpossible,alorsquedesmots-clésévoquésparlesparticipantsserontmisàcontributionenréférenceauxéchangesetauxobservationsoùlaprisedenotesn’étaitpaspossible.

Entantquetravailleusesocialedansuneéquipecommunautaireauservicedes jeunes itinérants pendant près d’une décennie, j’étais bien intégrée pourrecruterdesparticipantsqu’ilauraitétédifficilederencontrerautrement.Monbutétaitde«suivre»quinzejeunesitinérantspendantuneàplusieursannées.Lescritèresdesélectionpourleprojetétaientlessuivants:lesparticipantsdevaientavoirentreseizeetdix-septansaudébutdel’étude;êtreémancipés(juridique-mentindépendantsetnenécessitantpasdeconsentementparentalpourparti-ciperàl’étude);parlerl’anglaisoulefrançais;etêtreitinérants(dormirdansdesabris,faireducouch-surfing3,dormir«àladure»,ouêtrelogésmarginalement);permettreauchercheurdelesobserver,deleurparleretderesterencontactaveceuxaucoursdelapériodederecherche.

Lacollectedesdonnéesacommencéendécembre2006ets’estpoursuiviejusqu’audébutde2010.L’accèsauxparticipantsetlerecrutementinitialonteulieudansquatreagencesquidesserventlesjeunesitinérantsàOttawa(Canada).En tout, dix-huit jeunes ont participé à l’étude. La majorité des participantsétaientdesjeunesfemmes(12)etuntiersétaientdesjeuneshommes(6).Lesparticipants venaient pour la plupart de la région d’Ottawa ou des régionsenvironnantes.Environ lamoitiédesparticipantsavaientétéélevésdansdesfoyersdegroupe,des famillesd’accueiloudes famillesélargies,ousortaientdecentresdedétentionpourjeunes, laplupartayanttraverséunmélangedemodesdegardedesubstitution.Dix jeunessontentrésdans lavie itinérantedirectementdepuisleurfamilled’origineetnesortaientpasd’unmodedegarde

3. Dormirtemporairementchezdesamis.

Page 9: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

212 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

de substitution. Tous les participants ont connu une instabilité de logement,et une grande proportion vivaient dans la rue ou dans des abris d’urgence.Certainsjeunesontétéobservésrégulièrement:onaeuaveceuxdesentretiensetdes tempsd’échangesaumoinsune foispar semaine, sinonplusieurs foisparsemaine.D’autresontétérencontrésàseulementquelquesreprisesaucoursdel’étude,mêmesi lesoccasionsd’observationétaientlesmêmes.Lapériodede familiarisation avec chaque participant se déroulait différemment, maisdébutaitparunediscussionausujetdesrisquesquisontprésents.Ceséchangesétaient certainement contaminés par la chercheuse, qui décrivait son intérêtpourlerisqueausenslarge,enincorporantdesconceptsdehasardetd’oppor-tunité.Decettemanière,desthèmesémergentsontététirésdeleursrécitsetdeleursexpériencesaujourlejour,etlesanalysessesontlaisséinfluencerparlaconceptiondurisquedelachercheusequi,endonnantunsenslargeauconceptderisque,visaitàhonorerlacomplexitédesvécusdesparticipantsetàsortirdelabanalisationdeleursexpériences.

P r e n d r e d e S r i S q U e S P o U r « v i v r e S a v i e »

Lesjeunesontcaractériséleurvieitinérantedefaçonstrèsdifférentes,dedange-reuseetexcitanteàennuyeuse,etcesobservationsontévoluéaufildutempspour chaque personne. Ces perceptions affectaient tous les types de risquesqu’ilsprenaient.L’ennuiétaitsouventl’élémentdéclencheurdelaprisederisquevolontaire, commeessayerdesdrogues, dormir dehorsouvoyagerdans toutlepays.Plusieursjeunesontrévéléquelaruen’étaitpasplusdangereusequeles situationsqu’ils ontquittées,maisque le contextedesdangers (degrédedangerosité?) était tout à fait différent. Alors que les jeunes décrivaient dessituations familialesviolentesetchaotiques, lesdangersde la ruesemblaientplusaléatoires.Lesjeuness’inquiétaientd’êtrevolésouagressésauhasard,maisdécrivaientcelacommefaisantpartiedelavieitinérante.Ilsontaussipartagédeshistoiressensationnalistes,lesquelles,dansunecertainemesure,semblaientglorifierlavieitinérante.Lesparticipantsontsouventformulécesexpériencescommedesritesdepassage,acceptantla«façondontleschosessont»danslarue.Certainsrisquesontétéperçuscommedesoccasionssusceptiblesdecréerl’excitationetd’expérimenterdesmodesdeviedifférents,commedormirdehorsoufairedustop.Lesjeunesontsouventdécritlaprisederisquescommel’exer-ciced’unecertaineautonomieetlamiseenplaced’unpouvoirpersonnelsurleurvieetleurquêted’identité,chosequiauraitétéincompréhensibledansleurvieantérieure.

Plusieursparticipantsontrévéléquel’unedesraisonspourlesquellesilsontétéattirésparlavieitinéranteétaitl’excitationetl’imprévisibilité,àsavoirlesrisquesquelaviederuereprésentait.Ilsestimentégalementqu’ilsontplusdecontrôlesurleurvieitinérantequesurleurviepassée.Certainsontrévéléque

Page 10: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 213Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

l’attirancede lavie itinérantese faisaitprécisémentparce leurvieantérieureétaitrégiepardesrèglescontraignantesetsouventennuyeuses,etparcequ’ilssentaient qu’il y avait des attentes dans la vie soi-disant «normale», alorsqu’eux-mêmes ne s’estimaient pas normaux. Deux histoires illustrent le lienentrelerisqueetl’identité,etéclairentlafaçondontlesdiscoursprofessionnels(«savants»)durisquesontencontradictionaveclevécudesjeunesitinérants.

Ingrid4 révèle qu’elle avait été attirée par la vie itinérante parce qu’ellevivait dans une maison familiale, dans une petite ville étouffante et qu’ellevoulait «vivre lavie».Cetteexplication rappelle lepointdevueanthropolo-giquesurlaprisederisquesproposépard’Allondans(2005),Jeffrey(2005)etLeBreton(1991,2003),c’est-à-dire:prendredesrisquespoursesentirvivantdansunequêtedelibertéetd’excitation,cequireprésentaitunenotioncentraledanslesrécitsdesparticipants.

Ingrid avait 17 ans au début de l’étude et provenait d’une communautéfrancophoneàl’extérieurd’Ottawa.Dèsl’âgede12ans,elleaétéàplusieursreprises chasséede lamaison familiale lesfinsde semaine,pourn’avoirpasrespectélesrèglesdesesparents(parexempleêtreàlamaisonpourlecouvre-feuourevenirdel’écoleàl’heure)etsefaisaitappeler,enplaisantant,la«guerrièreduweek-end».

J’ai commencéàveniraucentre-ville lesfinsde semainequand j’avais12ans,j’étaisunevraieguerrièreduweek-end.Mesparentsmemettaientdehorsparcequejenelesécoutaispas,ouquejenerentraispasàlamaisonpourlecouvre-feu,ninerevenaisdel’écoleàl’heure.Jefaisaisdustopjusqu’aucentre-villelesfinsdesemaineavecmonsacàdos«Barbie»,pleindecracketdecokeàvendre.J’aicommencéàprendredeladrogue,maisjenemesuisjamaisfaitprendreparcequejerestaisàl’extérieurlesfinsdesemaine,souslespontsetdanslesparcs,avecdesamisplusâgésquejem’étaisfaitsetquimefournissaient.

Aprèsuneàdeuxannéesdecetteviepassagère,ellefaitlesautpourlavieitinéranteàtempsplein.Elleaadmisquevivrecettevie«neluiparaissaitpasrisquéàl’époque»etquemêmesiellea«vudelamerdefolle»etpensequ’elle«devraitêtremorte»,ellearéponduàcesprisesdeconscience:«J’aiaiméetj’aimetoujoursêtredanslarue.J’aimelavie.»Alorsqu’ellevivaitdanslaruedepuisquatreans,unévénementtragique–l’assassinatdesonpetitami–l’aamenéesoudainementàtransformersesidéesdurisqueetdelavieitinérante.Elle a décidé de s’installer dans son premier appartement. Cependant, aprèsquelquesmoisdevie surpeupléeoùsonappartementétaitdevenuun«crash pad»5 pour ses amis etunabripour la consommationdedrogues, elle a été

4. Despseudonymesserontemployés.5. Un lieu, souvent un appartement, qui devient un espace de rassemblement pour dormir et

consommer.

Page 11: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

214 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

expulsée.Ellearompusesrelationsavecsesamisitinérantsetestretournéeverslamaisonfamiliale.Pendantcettepériode,Ingridadiminuésaconsommationdemorphineetaarrêtédeconsommerpendantplusieursmois.Lamonotoniede la vie avec ses parents, le fait d’être déconnectée de la vie itinérante, enparticulier l’abstinencede consommationdedrogues et laparticipationàun«travailennuyeux»,ontdéclenchésonretouràlavieitinérante.Aumilieudel’étude,ellearéaliséàquelpoint«lavie»luimanquait.«Mêmemaintenant,ilmemanquelalibertéd’êtredanslarueavecmonsacàdosetêtrecapabledepartiràtoutmoment,àMontréaloudansl’Ouest…Maintenant,j’aidesrespon-sabilités.»Elleaadmisque«lepire,c’estquejeveuxjustetoutabandonneretrevenirenarrière».

La capsule d’Ingrid démontre la nature changeante de la perception durisquequiinformesursaconsciencedurisque.Enréfléchissantsursavieplusjeune et itinérante, elle a réalisé quelques-unsdes dangers qui rôdaient.Desévénementsimportantsdesavie,commel’assassinatdesonpetitamisouslepontoùilsdormaient,aaiguisésaperceptiondesrisques.Àlafindel’étude,sanostalgiedelaliberté,del’excitation,lemanquederesponsabilités–àsavoirlesconceptualisationsnormativesdevivreunevie«normale»–etsonenviedeconsommerdeladroguesontdevenustropgrands,etelleestretournéeverslavieitinérante.

J’aibesoindesortirdecettepetiteville.Jefaislamêmemerdetouslesjours.Je sens que je deviens folle,mais le bon côté, c’est que je fais de l’argentdécemment.…Lavieesttellementennuyeuse.Jetravaillede8hà18h.«Lavie»etlalibertédechoisirdemeleveretdem’enallerquandl’enviemeprendmemanquent.

Alorsquesaconsciencedudangeravaitgrandietquesesperceptionsdurisqueavaientchangéenréponseàcetteprisedeconscience,elleétaittoujoursattiréeparlavieitinéranteetlaconsommationdedrogues.Sacompréhensiondesapropreidentitéaégalementsubiplusieurstransformations.Audébut,sonidentité assignée (la personneque ses parents voulaient qu’elle soit) était enconflitavecsonidentitédésirée(cellequ’ellesouhaitaitdevenir).Elleaexpéri-mentécetteidentitédésiréeetl’afusionnéeavecsonidentitéengagée(utilisa-tiondedroguesetjeunesseitinérantelibre).Elleaensuitequittélesruesetapoursuiviunevie«plusnormale,ennuyeuse».Maiscetteidentitéengagéeestànouveauentréeenconflitavecsonidentitédésiréeet,ànouveau,retouràlavieitinérante,expérimentationsetabsencederesponsabilités.Entantquetelles,lesperceptionsdesrisquesnesontpastoujourslesplusrationnellesetsontforte-ment encadrées par les constructions identitaires. L’histoire d’Ingrid est celled’unerechute,dufaitdecontracterl’hépatiteC,delaviolenceetdelapauvreté.Choisir devivre ce styledeviemalgré ses conséquencesnéfastesn’est doncpastoujourslucide.Nepasêtrecontraintpardesresponsabilités,êtrecapabledeprendredesdécisionssuruncoupdetête,dormirdehors,fairedustopavec

Page 12: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 215Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

desamisetconsommerdeladrogueontétédesexpériencescommunespourplus d’unemoitié des participants et représentaient les côtés passionnants etexpérimentauxdelavieitinérante.Cescôtéspassionnantsnesontpasconsi-déréscommedangereuxpourlaplupartetilsontétéintégrésdanslesnotionsd’identité.

Unautreparticipant,Shane,afaitéchoàd’Ingriddanssaquêtedeliberté.Ilaimaitsauterdansdestrainsetvoyagerdanstoutlepays.«Jepeuxfairecequejeveux,quandjeveux,oùjeveux.»Iln’ajamaisséjournédanslesrefugesparcequ’iln’avaitpasconfianceenceslieux:«Toutlemondeesttropoccupéàarnaquertoutlemonde.Jepréfèredormirdehorsaveclespersonnesenquij’aiconfiance.»Lechoixdedormirdehorsavecdesamisetdevoyagerdanstoutlepaysreprésentaituneopportunité.Cesjeunesontadoptéuncertainmodedeviequ’ilspensentêtrefondésurlaliberté,l’excitationetlacapacitéd’expérimenterdifférentesfaçonsdevivreetdifférentesfacettesdeleuridentité.LesrésultatsdutravaildeParazelli(1999,1997)vontdanslemêmesensetavancentquelesruesconstituentunlieudesocialisationmarginaliséeetunforumde«recompositionidentitaire»quipermetd’expérimenterdesrôlesdifférentsdanslaconstructiondeleuridentité.

L’expériencedeLuc,poursapart,metenreliefcetterecherchedel’expéri-mentationetdeladécouvertedesoi.Lucaétéexpulsédudomicilefamilialparsamère,car ilpréférait s’habilleren femmeetqu’ellenepouvait supporter satranssexualité.Lucavait17ansetavaitsouventséjournédansunrefugepourjeunes,maisavaitégalementparticipéactivementàunerecherchedelogement.Aucoursdestroisansdeparticipationàlarecherche,ilachangédeconditionsdelogement,enpassantdesappartementsprivésetsubventionnésauxabrisetauxnuitsà labelleétoile. Ilaassistéàunprogrammed’études secondairesàtempspartiel.Lucadécritsafamillecommeétanttrès«conservatrice»–illustréeparlaprofessiondesonpèrequiestingénieur–etadéclaréqu’ilseconsidéraitcommeun«filsdeputetaré»quiaimait«fairepaniquerlesgens».Lucarévéléquesonidentitéengagéeesttrèsliéeàsonidentificationavecdesactivitésnonconformisteset«déviantes».Lesoir,ilselançaitdansdes«missionspoursemerlapagaille»etestdevenuun«petitbâtard»,détruisantlesbienspublicsdanslesparcs(tablesdepique-nique,parexemple),s’accrochantàdesfeuxdecirculation,volantdesvélosetfaisantdesgraffitis.Ilaaffirmésanséquivoquesa«rébellioncontrel’autorité,l’amourdel’anarchietotaleetlahainedelanormalité».

Paradoxalement, Luca expliquéque l’undes risques lesplus importantsauxquels il faisait facedans larueaété lahonted’être identifiéentantquejeune itinérant: «Tous ces enculés de jugeurs conservateurs qui vous disentdetrouverunemploi,quevousêtesunsaleclodo.»AlorsqueLucsedépeintlui-mêmecommeundéviant,unpreneurderisquesmalicieuxetqu’ildéclarequ’ilprenddeplusgrandsrisquesavecletemps,ilreconnaîtqu’ilyaunelimite

Page 13: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

216 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

aux types de risques qu’il est prêt à prendre. Par exemple, il a fait le choixconscientdecesserdes’injecterdeladrogueenraisondesonimpactnégatifsur sa santémentale, endéclarantqu’il étaitdevenu tropsuicidairequand ilutilisaitdesdroguesparinjection.Ilrêvaitaussidel’aveniretpensaitpoursuivreunecarrièreentantqu’ingénieur.Alorsqu’ilseprésentaitcommeunpreneurderisques,iln’étaitpasentièrement«insouciant»,bienquecesoitl’idéequ’ilvoulaitdonnerdelui.

Il y avait diverses significations derrière sa perception des risques, quiétaitcomplexeetenconstanteévolutionetquiaégalementétéconstituéedemanière interactionnelle: une matrice qui conjugue tensions et interactionsentresesidentitésengagée,affectéeetdésirée.Parexemple,saperceptionquel’undesplusgrands risquesauxquels sontconfrontés les jeunesest lahontequ’ilsressententen«public»,l’apousséàs’engagerdavantagedansdesactivitésdéviantes, prisdans sa constructionde lui-mêmecomme «différent»,mélan-geantalorssesidentitésengagéeetaffectée.Toutefois,sondésird’exerceruneprofessioncommecelledesonpère, formantainsiunepartiedeson identitédésirée,correspondaitégalementauxsouhaitsquesesparentsavaientpourlui,ausujetdesquelsildevaitserebelleretaveclesquelsilaeudesdifficultésàseréconcilier.AlorsqueLucs’estlancédanslavieitinérantepourlespossibilitésd’expérimentationetdenon-conformitéqu’elleprésente,ilperçoitl’undesesplusgrandsrisquescommeétantlejugementquiestrattachéàcetteimagequ’ilestpourtantdésireuxdeprojeter.Ceparadoxedevouloirêtreconsidérécommeunespièglenonconformeetpreneurderisquesestàdoubletranchant.Alorsqu’ilveutprojetercetteimagede«l’anarchietotale»,ilperçoitaussil’undesesplusgrandsrisquescommeétantlastigmatisationquiestassociéeaufaitd’êtreidentifié commeun jeune itinérant (identité assignée). Bien qu’il veuille êtrejugédifféremment,ilaaussi,dansunecertainemesure,enviederentrerdanscestéréotype,ensoulignantses«missionsdesemerlapagaille»etensequalifiantlui-mêmede«petitbâtard»(identitéengagée).

Il est important de noter que Luc ne considère pas ses actes malicieuxcommeétantnocifs,maisplutôtcommedéviants.Cesactes fontpartiedesaconceptionpositivedurisque.Lesconnotationsnégativesdurisquesontétroite-mentliéesàlastigmatisationetàladépendanceauxdrogues.Cequicompliquelasituation,c’estlaviolenceetlesmenacesdeviolence,l’obtentionetl’utilisa-tiondedrogues,et,pourcertains,l’engagementdansdesactes«déviants»,quisesuperposentpourcréerdesélémentsdedangeretd’excitationquionttouchéetparfoisencouragélesjeunesàprendredesrisquesetquiétaientsouventliésàl’identitéqu’ilsvoulaientprojeter.Deshistoiresàsensationsrelativesàl’expé-rimentationetàlaprisederisquesontsouventétépartagéesdefaçonunpeu«folklorique»entrejeunesitinérants,afindetranscenderparfoislesvéritablesdangersqu’ilspercevaient,deraviverlesmontéesd’adrénalineoudeprouver

Page 14: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 217Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

leurférocité,créantainsidesexpériencescommunes,poursedonnerunsenti-mentd’appartenance.

L’histoire de Luc, par exemple, met en évidence les éléments sensation-nels des activités à risque élevé, ceux d’une génération en quête de risquesetd’adrénalineainsiquedesonpenchantpour lesactivitésà risque,afindesentirqu’ilexiste,qu’ilestvivantetqu’iln’est«pasnormal»(identitéassignée).Le tag6 de Luc – «pas réel» – est emblématique de ce sentiment, expliquantque«toutestuneblague».Cecisymbolise,encoreunefois,lesconnaissancesanthropologiquesrelativesàlajeunesse,enutilisantdesconduitesàrisqueafinde se sentir «vivant», en l’absence de rites de passage traditionnels (Jeffrey,2005;LeBreton,2003,1991)et,cefaisant,enserebellantcontrelesnotionsconservatricesdela«sécuritéàtoutprix»(Furedi,2006).Pourlespreneursderisquesplusactifsquiontparticipéàcetteétude–unpeuplusdelamoitiédel’échantillon,proportionquiachangéetdiminuéaucoursdel’étude–lesruesreprésentaientunterraindejeuetdediversespossibilitésd’évasion,enplusdereprésenterunedoubleréalité,détestéeparLuc:«conservatismeetnormalité».Sesactesdenon-conformitéetsonengagementdanslapriseactivederisquessymbolisentlerejetdesonpasséetdesreprésentationsdesafamille,àsavoir«conservatrice,BCBGetprofessionnelle».Ilvitpourlacourse,l’excitationetledangerdesopportunitésquelaruepeutluifournir,intimementliées,d’ailleurs,àlaconstructiondesonidentité.

Lesrécitsdesjeunessurleursidentitéschangeantesontégalementétéforte-mentancrésdansleurhistoired’enfance,danslaperceptiondeleurfamille,ainsiquedansl’impactquecesconstructionsavaientsurleuridentité,quioscillaitentreacceptationetrejet.Certainsjeunesontacceptéleurmodedevieitinérantcommedesactesdudestin,c’est-à-direcommedesimpératifsbiologiques,enraisondelasituationdeprécaritéqueleursparents,quifaisaientdanscertainscasusagededrogues,avaientvécue,oudeparentsquiconnaissaientencorel’itinérance.Parexemple,Tylerseconsidéraitcommeunarnaqueuretuntoxicomane:«Mamèreestunetoxicomaneetjelesuisaussi.Jelesais.»Tandisqued’autresontrejetécestypesdeconstatsetsesontplutôtralliéscontreceux-ci,enfaisantdeschoixdifférentsdeceuxdeleursparents,poursedistancerdeleursinfluences.Shaneadit:«Mamèreesttoujoursdansdesrelationsabusives,doncjechoisisdenepasl’être.Jenebattraijamaisunefemme.»Sedétacheretrejetersesrelationsavecsafamilleaété,pourbeaucoup,unacted’autopréservationetderésilience,quilesaégalementinformésdeleurperceptiondurisqueetdeschoixqu’ilsontfaitsdanslarue,toutenconstruisantleuridentité.Cesexpériencesd’identitéétaientenconstanteévolution:maillage,interactionsetcoexistenceaveclesdifférents

6. Sasignatureengraffiti

Page 15: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

218 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

aspectsdel’identitéengagée,assignéeetdésirée,letoutayanteuunimpactdirectsurleurscadresderéférenceetleurspratiquesdurisque.

d e l ’ i M a g e d e v i C t i M e S e t d e d é v i a n t S à C e l l e d e

S U r v i va n t S e t d e P r e n e U r S d e r i S q U e S

Il est important de souligner d’autres dimensions de l’expérience des jeunesitinérants,rarementmisesenavant,cellesdel’adaptabilitéetdelacréativité,englobéesdansuncadredesurvie.Cesontdesnotionsqui,souvent,nécessitentdeprendredesrisques.Prendredesrisquesestunélémentcommundel’expé-riencedesjeunesitinérants,quecelasoitcompriscommeunbesoind’adolescent–cequ’illustrentlesthéoriessociologiques,psychologiquesetanthropologiquessurl’adolescence–ouenraisondecontraintesstructurelles–examinéesdansd’autres écrits comme des obstacles à l’accès au logement et au marché dutravail.Lespossibilitésdelavieitinérante,conceptualiséescommeétantcontri-butivesàlaprisederisques,ontétéexposéesparplusdelamoitiédugroupeen tant que justification à leur vie itinérante. Ces jeunes ont indiqué qu’ilsestimaientavoirplusdecontrôlesur leurvieet,finalement,plusdepouvoir,danslesruesquedansleurvieantérieure.Ilsontégalementévoquédessenti-mentsd’aliénation,desolitude,d’ennuietdecontraintes,quiontdéclenchéleurarrivéedanslavieitinéranteetdansl’expérimentationdelarue.Encesens,l’absencederitesdepassagetraditionnels(d’Allondans,2005;Jeffrey,2005;LeBreton,2005)etletestritualisédeseslimitessemblentavoiruneimportanceparticulière, à la fois individuellement et structurellement. L’examende cetteabsencederiteetl’intégrationéventuelledemesuresculturellementappropriéesetdestructuressocialespourremédieràcettelacunepeuventêtredesmoyensutilespourrépondreàcetteabsence,aulieudeniersonexistenceetdetenterd’empêcherl’apparitiondel’adolescence,commelesouligneParazelli(1999).

La trahison, l’abandon et le sentiment de contrainte rencontrés dans lafamille étaient des thèmes récurrents et forts. Beaucoupde jeunes ont décrits’êtretoujourssentis«différents»desmembresdeleurfamille.Quelesjeunessesoientidentifiéscommeétant«leboucémissaire»delafamille,lacibledel’inti-midationdugroupeoulepuissantvoleurderue,ilsontracontéleurhistoireàlalumièred’expériencesdifficilesdesurvieetdelamiseenplacederéponsescréativesauxobstacles.Alorsquecertainsjeunesontfaitressortirlesrôlesdanslesquelsilssesentaientvictimesoudéviants,ilnes’agissaitpaslàdedescriptionsuniformesdeleuridentité,maisplutôtdefiguresattachéesàcertainsaspectsouàcertainsrôlesissusdeleurrécit.Danscertainscas,ilsseconsidéraientcommedéviants (par exemple dans le cas de Tyler lorsqu’il usait d’arnaques poursurvivre),oucommeprotecteurs(lorsdelaprotectiondesapetiteamiecontreleharcèlementsexuel),ouencorecommepreneursderisques.Lesidentitésétaientconstamment en cours d’expérimentation, elles se déplaçaient, ouvertes à de

Page 16: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 219Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

nouvellesexpériencesetparfoisfaçonnéesàlalumièredenouvellesresponsabi-lités,parexemplecellededevenirparent.Cesrôlesetcesaspectsdeleuridentitémouvanteaffectaienttouslestypesdedécisionsqu’ilsavaientàprendrefaceauxmenacesouauxopportunitéset,notamment,auxrisques.Cependant,ilestintéressantdenoterqueplusieursjeunesontrévéléqu’ilsétaientconscientsdel’imagequ’ilsprojetaientet,danscecontexte,qu’ilsseconsidéraientcommedespersonnescréativesetadaptables,dépassantlesnotionsdesurvie.

Certainsparticipantsontégalementracontéleshistoiresdesrôlespuissantsetimportantsqu’ilsontjouésdanslesrues,toutenreconnaissantqueparfoisilsoccupentlaplacedel’oppresseur.Enfait,certainsjeunesontnomméd’autresjeunescommeétant leursprincipales sourcesd’oppressionetde risquesdanslesrues.Ainsi,lesjeunesétaienttoutàfaitconscientsdesmultiplesrôlesqu’ilsont joués et projetés pour accroître leur stabilité, diminuer les conséquencesjuridiquesd’uneparticipationcriminelle,obtenirdesservicesetdesressourcesdontilsontbesoinoudémarrerunprocessusdedésengagementdelavieitiné-rante.Cesnotionsvontàl’encontredudiscoursdujeunepassifet«àrisque»,àmoitiéabruti,quilespositionnecommevictimesoudéviants.Ildémontrequelesjeunesréfléchissentsurleurscontraintesetsurleursoptions,qu’ilssonttrèsconscientsdelastigmatisationetdesreprésentationssociales,etqu’ilssaventquandetcommentmanipulerafindesurvivre.

Lesjeunesontexpérimentélaviederueàpartirdeleurspropresidéesetils ont démontré des sentiments de contrôle et de pouvoir sur les contextesdans lesquels ils se trouvaient. S’engager dans différentes formes de travail,en particulier dans l’économie informelle – comme la vente de drogues oud’autresproduitsillicites,lamendicité,lesqueegeeetlasollicitationsexuelle–apermisauxjeunesd’expérimenterdesrôlesdifférentsetadonnéàplusieurslesentimentd’uncertaincontrôleetd’unpouvoirsurleurproprevie.Toutcela,toutefois,dansunearènedechoixsouventcontraints:pensonsseulementauxobstaclesstructurelsquesont lesaccèsaumarchédutravailetau logement.Laplupartdesjeunesontestiméqueleuridentitésedécalaitenfonctiondesdifférents rôles qu’ils avaient à jouer, dans certains contextes, afin de satis-faireleursbesoins,parexemple,mentirpourentretenirdesrelationsavecdesfournisseursdeservicesouaveclafamille.Danslaplupartdescas,ils’agissaitleplussouventd’histoiresdesurvie.Sefaisantl’échodesconclusionsdutravaildeLucchini(1996),lapreuvequelesjeunesseglissentdansdesrôlesdifférentsetdes«domaines»(e.g.école,famille,travail,rue)variésetqu’ilsonttraversélesfrontièresentresoietl’autre,étaitévidentedansleurrécit.Lesconceptua-lisationsrelativesàdesfrontièresnettesetrigidesdeSoietdel’Autre,commecelaaététhéorisé(Douglas,1992,1985,1969),nepouvaientêtreentièrementprisesenchargealorsquelesjeunessedéplaçaiententredifférentsdomaines.Eneffet,lesfrontièresétaientplusmodestesetimprécisesetdépendaientbeaucoup

Page 17: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

220 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

dugenred’activitésauxquelleslesjeunesavaientparticipé,dugenred’identitéqu’ilsvoulaientprojeteretducontextedeleursrelations.

L’unedesimplicationsetdescontributionscentralesdecetteétudeestquelaconceptualisationdurisqueesttrèsintégréeàlamanièredontnousperce-vons,àcommentnouspensonsquenoussommesperçusparlesautresetàquinousvoulonsdevenir.L’utilisationdelathéorietripartite(1999,2000,2003)deBajoitsurlaconstructionidentitairepermetunemeilleurecompréhensiondelarelationentrelaperceptiondesparticipantsquantaurisqueetleursconstruc-tionsidentitaires.Cettenaturedynamiquedelaconstructionidentitairesoulignelanaturechangeanteetévolutivedelaperceptionetdelagestiondurisque.Lesjugementssurlesrisquesétaientintuitifs,organiques,ancrésdanslesidéesdes jeunes au sujet d’eux-mêmes, des autres, de leurhistoire, et affectés pardesdangersetdesopportunitéslocalisées.Ceconstatvaàl’encontredesidéesexposéesdanslathèsedelasociétédurisque(Beck,1996,1992).Eneffet,laconstructiondesrisquesaéténonseulementinclusedansle«qui»lesjeunesperçoiventetdésirentêtre,maiségalementdansle«quoi»,relatifaucontextelocal. Les événements importants dans laviedes jeunesont aussi profondé-ment transformé leurs notions du risque. Ces bifurcations ont considérable-mentmodifié leur trajectoire et leurs pratiques du risque. Pour certaines, lesgrossessesnondésiréesou imprévues lesont forcéesàmodifierradicalementleurscomportementsetleurmodedevie,parexemple,trouverunlogementouarrêterlaconsommation.Laviolenceliéeàlavieitinérante,lamauvaisesanté,lagrossesseetl’avortementétaientaussidescatalyseurs.Cesexpériencesontpoussélesjeunesàenvisagerlesrisques(dangersetopportunités)inhérentsàlapoursuitedelavieitinérante.Pourcertains,ilyaeuuneprisedeconscienceàproposdesinstabilitésetdesrupturesfaceàleurvieactuelle.Celaaaboutiàdeschangements,etceschangementsontgrandementaffectéleursidéessurl’identité,surleurcapacitéàagiretsurlaresponsabilité.

M i e U x C o M P r e n d r e l ’ e x P é r i e n C e d U r i S q U e d U P o i n t

d U v U e d e S j e U n e S

Becker(1963:17)remarquequel’adolescenceaposécertainsproblèmesencequiconcernelesrèglessociales,lesnormesetlaresponsabilité:«Lesadolescentsseretrouvententouréspardesrèglessurdesquestionsquiontétéposéespardes personnes plus âgées et plus stables. Cela est considéré comme légitime,puisquelesjeunesnesontniassezsagesniassezresponsablespourétablirdesrèglesappropriéesd’eux-mêmes.»Aulieudustéréotypecommunquiimprègnelalittératureadolescenteetquiconsidèrelesjeunescommeimpulsifs,rebellesetretardéssurleplancognitif,cetteétudearévéléquelesjeunessontaussiréflé-chisparrapportàleurvie,leuridentitéetleursrelationsaveclesautresetqu’ilssonttrèsconscientsdelastigmatisationsociale.Eneffet,leursconceptionssont

Page 18: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 221Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

plusriches,plusprofondesetplusnuancéesquecequiestsuggérédanslalitté-raturesurlesjeunes«àrisque».

Cettedémarchevisaità sortirde l’essentialismeetde lacaricatureencequiatraitauvécudesjeunes,décritdanslalittératurecommedesexpériencesconstitutivesdevictimisationoudedéviance.Lesjeunesontparlédesrisquesqu’ilsprenaientetilssontbienconscientsdesconséquences.Ilsn’ontpascarac-tériséleursexpériencesdanslesregistresdelavictimisationoudeladéviance,maisplutôtcommeétantdesexpériencesnuisiblesouexcitantes,ouencorepourtesteretforgerleurcaractère.Alorsquecertainsjeunessedécriventeux-mêmescomme«responsables»,d’autresontvouluprojeteruneimagedeladésinhibi-tion:«defilsdeputetaré»(Luc);de«guerrier»(Ingrid);de«survivant»(Tyler).Peut-êtreétait-cedansuneffortderésistanceàl’idéeàlamodedela«sécuritéàtoutprix».Laplupartdutemps,lesjeunesseconsidèrenteux-mêmescommedessurvivantsdébrouillardsetcréatifs,quinesontpasnécessairementpassifs,maisquipratiquentunerésistanceactiveàceuxquiontessayéd’exerceruneautoritésureux(famille, instances,police,autresjeunes).Alorsqueplusieursontdécritlesrisquesqu’ilsontpriscommeétantnécessairesàleursurvie,leursréponses à ces expériences illustrent leur créativité, leur adaptabilité et leurrésilience,quileurontpermisdedécouvrirdeschosessureux-mêmesetsurcequ’ilssouhaitentdevenir.Celacontribuant,parlasuite,àmodifierleurspercep-tionsfuturesdurisqueetdeleurspratiques.

r é S U M é | A b S t R A C t

Lebutdel’articleestdedévoilerlesreprésentationsdesnotionsderisquechezlesjeunesitinérants.Sonobjectifestdecontribueràlacompréhensiondelanotionderisqueconcernantungroupequisedépeintlui-mêmecomme«àrisque»etévoluantdansunmondeetunephasedeviedéfiniscommeincertains(Galland,1993;Gilbert,2004;LeBreton,2005;Parazelli,1999;Turz,1993).Plusprécisément,larecherchesurlaquellesebasel’articles’intéressaitàappréhenderlesconstructionsdurisquequefontlesjeunesdelarueeux-mêmesenlienavecleursidentitésenévolution,d’autantplusquecesjeunessontdéfiniscommeungroupeàrisque.Unesociologiedelajeunesseàrisqueprenddel’ampleurdanslalittératureetoscilleentredeuxpôles:victimisationetdéviance.Orlesexpériencesdesjeunessontméconnuesetpeuconsidéréeshorsdecependule.L’articletentedecomblercevide.

the goal of this article is to explore conceptualizations of risk among homeless youth. It offers a wider lens into notions of risk by exploring more complex and nuanced understandings from their point of view and in conjunction with the evolu-tion of their identities. this article argues that a sociology of risk has arisen in the literature to describe and categorize homeless youth’s experiences, and oscillates between two poles : victimization and deviance. However, while homeless youth have been identified as « at-risk » due to their young age, their marginalized status and the uncertain times in which we live (Galland, 1993 ; Gilbert, 2004 ; Lebreton, 2005 ;

Page 19: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

222 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

Parazelli, 1999 ; turz, 1993), little is known about how youth perceive, negotiate and respond to risk in their everyday lives. this article is an attempt to respond to these unknowns.

r é f é r e n C e S B i B l i o g r a P H i q U e S

ADAM,BarbaraetJoostVANLOON.2000.«Introduction:RepositioningRisk.TheChallengeforSocialTheory»,dansBarbaraADAM,UlrichBECKetJoostVANLOON(dir.).the Risk Society and beyond.London,Sage:1-32.

AUBRY, Tim, Fran KLODAWSKY, Rebecca NEMIROFF, Sarah BIRNIE et CristinaBONETTA.2007.Panel study on persons who are homeless in Ottawa : phase 2 results. Ottawa,Rapportderecherche,Universitéd’Ottawa,Centrederecherchesurlesserviceséducatifsetcommunautaires.

AUBRY,Tim.2008.Homelessness, victimization and crime : knowledge and actio-nable recommendations.Ottawa,Rapport de recherche,Université d’Ottawa,InstituteforthePreventionofCrime.

BAJOIT,Guy.1999.«Notessurlaconstructiondel’identitépersonnelle»,Recherches sociologiques, 2:69-84.

BAJOIT,Guy.2000.«Qu’est-cequelasocialisation?»,dansGuyBAJOIT,FrançoiseDIGNEFFE, Jean-Marie JASPARDetQuentinNOLLETDEBRAUWERE (dir.).Jeunesse et société : la socialisation des jeunes dans un monde en mutation.Bruxelles,DeBoeckUniversité:19-43.

BAJOIT,Guy.2003.Le changement social : approche sociologique.Paris,ArmandColin.

BARON, Stephen W. 2003a. «Street youth violence and victimization», trauma, Violence & Abuse, 4,1:22-44.

BARON, Stephen W. 2003b. «Self-control, social consequences, and criminalbehaviour:streetyouthandthegeneraltheoryofcrime»,Journal of Research in Crime and Delinquency,40,4:403-425.

BARON, Stephen W., David R. FORDE et Leslie W. KENNEDY. 2007. «Disputa-tiousness, aggressiveness, and victimization among street youths», Youth Violence and Juvenile Justice, 5:411-425.

BEARSLEY-SMITH, Cate A., Lyndal M. BOND, Lyn LITTLEFIELD et Lyndal R.THOMAS.2008.«Thepsychosocialprofileofadolescentriskofhomelessness»,European Child & Adolescent Psychiatry,17,4:226-234.

BECK,Ulrich.1992.Risk Society : towards a New Modernity.London,Sage.BECK,Ulrich.1995.Ecological Politics in an Age of Risk.Cambridge,PolityPress.BECK, Ulrich. 1996. «Risk Society and the Provident State», dans Scott LASH,

Bronislaw SZERSZYNSKI et Brian WYNNE (dir.). Risk, Environment and Modernity : towards a New Ecology.London,Sage:27-43.

BECKER,HowardSaul.1963.Outsiders : Studies in the Sociology of Deviance.NewYork,TheFreePress.

BERGER,PeterL.etThomasLUCKMAN.1966.the Social Construction of Reality : A treatise in the Sociology of Knowledge.London,PenguinPublishing.

BELLOT,Céline.2001.Le monde social de la rue : expériences des jeunes et pratiques d’intervention à Montréal.ThèseprésentéeàlaFacultédesétudessupérieures,philosophiædoctorencriminologie.Montréal,UniversitédeMontréal.

Page 20: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 223Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

BENOIT,CeciliaM.,Mikael JANSSONetMurrayANDERSON. 2007. «Understan-ding Health Disparities Among Female Street Youth», dans Bonnie J. RossLEADBEATERetNiobeWAY(dir.). Urban Girls Revisited : building Strengths.NewYork,NewYorkUniversityPress:321-337.

BERNSTEIN,PeterL.1996.Against the Gods : the Remarkable Story of Risk.NewYork,JohnWiley&Sons.

BLUMER,Herbert.1986.Symbolic Interactionism : Perspective and Method.Berkeley,UniversityofCaliforniaPress.

BOIVIN,Jean-François,ÉliseROY,NancyHALEYetGuillaumeGALBAUDduFORT.2005.«Thehealthofstreetyouth»,Canadian Journal of Public Health, 96,6:432-437.

BRADLEY,Jon.1997.Stress, Social Support and Adjustment.NewYork,GarlandPublishing.

CAPUTO, Tullio, Richard WEILER et Jim ANDERSON. 1997. «The street lifestylestudy ».HEALTHCANADA,OfficeofAlcohol,DrugsandDependencyIssues,Ottawa:1-61.

CAUCE, Ana Mari, Matthew PARADISE, Joshua Aaron GINZLER, Lara EMBRY,CharlesJ.MORGAN,YvetteLOHRetJimTHEOFELIS.2000.«Thecharacteris-ticsandmentalhealthofhomelessadolescents:ageandgenderdifferences»,Journal of Emotional and behavioural Disorders,8,4:230-239.

COLOMBO,Annamaria.2008.La reconnaissance : un enjeu pour la sortie de la rue des jeunes à Montréal.Thèseprésentéeà laFacultédes études supérieures,philosophiæ doctor en études urbaines. Montréal, Université du Québec àMontréal.

d’ALLONDANS,ThierryGoguel.2005.«Desritesdepassageauxpassagessansrite:anthropologiede l’adolescence»,dansDenisJEFFREY,DavidLeBRETONetJosephJosyLÉVY(dir.).Jeunesse à risque, rite et passage.Québec,LesPressesdel’UniversitéLaval:35-44.

DIPAOLO,Michael.1999.the Impact of Multiple Childhood trauma on Homeless Runaway Adolescents.NewYork,GarlandPublishing.

DOUGLAS,Mary.1969.Purity and Danger : An Analysis of Concepts of Pollution and taboo.London,RoutledgeandKeganPaul.

DOUGLAS,Mary.1985.Risk Acceptability According to the Social Sciences.NewYork,RussellSageFoundation.

DOUGLAS, Mary. 1992. Risk and blame : Essays in Cultural theory. London,Routledge.

ERIKSON,ErikH. 1968. Identity : Youth and crisis.NewYork,W.W.NortonandCompany.

EWALD, François. 1991. «Insurance and Risk», dans Graham BURCHELL, ColinGORDONetPeterMILLER(dir.).the foucault Effect : Studies in Governmenta-lity.Chicago,UniversityofChicagoPress:197-210.

FOUCAULT, Michel. 1991. «Governmentality», dans Graham BURCHELL, ColinGORDONetPeterMILLER(dir.).the foucault Effect : Studies in Governmenta-lity.Chicago,UniversityofChicagoPress:87-104.

FOX,Nick.1999.«PostmodernReflectionson“Risks”,“Hazards”andLifeChoices»,dansDeborahLUPTON(dir.).Risk and Sociocultural theory : New Directions and Perspectives.Cambridge,CambridgeUniversityPress:12-33.

FUREDI,Frank.2006.Culture of fear Revisited : Risk-taking and the Morality of Low Expectation. London,Continuum.

Page 21: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

224 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

GAETZ,StephenetBillO’GRADY.2002.«Makingmoney:Exploringtheeconomyofyounghomelessworkers»,Work, Employment and Society, 16,3:433-456.

GAETZ,Stephen.2004.«Safestreetsforwhom?Homelessyouth,socialexclusion,andcriminalvictimization»,Canadian Journal of Criminology and Criminal Justice, 46,4:423-455.

GAETZ, Stephen. 2009. «Whose safety counts? Street youth, social exclusion,and criminal victimization», dans David HULCHANSKI, Philippa CAMPSIE,Shirley CHAU, Stephen HWANG et Emily PARADIS (dir.). finding Home : Policy Options for Addressing Homelessness in Canada. TorontoCitiesCentre,UniversityofToronto:1-23.

GALLAND,Olivier.1993.«Adolescenceetpost-adolescence:Laprolongationdelajeunesse», dansAnneTURZ,YvesSOUTEYRANDet L.RachidSALMI (dir.).Adolescence et risque.Paris,Syros:29-40.

GILBERT,Sophie.2004.L’idéal du moi comme point de mire et le social en toile de fond : Une compréhension de la dynamique sociopsychique de l’itinérance des jeunes adultes.Thèsededoctoratenpsychologie.Montréal,UniversitéduQuébecàMontréal.

HALL,G.Stanley.1904.Adolescence : Its Psychology and its Relations to Physiology, Anthropology, Sociology, Sex, Crime, Religion, and Education (Vols. I & II).NewYork,D.,AppletonetCo.

HOYT,DanR.,KimberlyRYANetAnaMariCAUCE.1999.«Personalvictimizationinahigh-riskenvironment:homelessandrunawayadolescents»,Journal of Research in Crime and Delinquency,36,4:371-392.

HWANG, Stephen W. 2000. «Mortality among men using homeless shelters inToronto, Ontario», Journal of the American Medical Association, 283:2152-2157.

JEFFREY, Denis. 2005. «Conduites à risque et rites de passage à l’adolescence»,dansDenisJEFFREY,DavidLEBRETONetJosephJosyLÉVY(dir.).Jeunesse à risque, rite et passage.Québec,LesPressesdel’UniversitéLaval:45-56.

JONES, Gillian. 1997. «Youth Homelessness and the “Underclass”», dans RobertMACDONALD (dir.).Youth, the “Underclass” and Social Exclusion. London,Routledge:96-112.

KARABANOW,Jeff.2004.being Young and Homeless :Understanding How Youth Enter and Exit Street Life.NewYork,PeterLangPublishing.

KARABANOW, Jeff, Philip CLEMENT, Alexa CARSON et Katie CRANE. 2005.«GettingOfftheStreet:ExploringStrategiesUsedbyCanadianYouthtoExitStreet Life», dans National Homelessness Initiative. Youth Justice RenewalFund,DepartmentofJusticeCanada,andNovaScotiaDepartmentofHealth:1-265.

KEMSHALL,Hazel.2010.«Riskrationalitiesincontemporarysocialworkpolicyandpractice»,british Journal of Social Work,40:1247-1262.

KIDD,SeanA.2006.«Factorsprecipitatingsuicidalityamonghomelessyouth:Aquantitativefollow-up»,Youth & Society, 37,4:393-422.

KRAUS,Deborah,MargaretEBERLEetLubaSERGE.2001.«EnvironmentalScanonYouthHomelessness:FinalReport»,Canadian Mortgage And Housing Corpo-ration.GovernmentofCanada:1-81.

KURTZ,P.David,GailL.KURTZetSaraV.JARVIS.1991.«Problemsofmaltreatedrunawayyouth»,Adolescence,26:544-555.

Page 22: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

sue-ANN mAcdoNAld 225Lesexpériencesméconnuesdesjeunesitinérants«àrisque»:vivreetsurvivre

LAIRD, Gordon. 2007. «Homelessness in a Growth Economy: Canada’s 21stCenturyParadox ».AReport for theSheldonChumirFoundation forEthicsinLeadership.Calgary,SheldonChumirFoundationsforEthicsinLeadership:1-97.

LEBRETON,David.1991.Passions du risque.Paris,ÉditionsMétailié.LEBRETON,David(dir.).2003.L’adolescence à risque.Paris,Hachettelittératures.LEBRETON,David.2005.«Approcheanthropologiquedesconduitesàrisquedes

jeunes»,dansDenisJEFFREY,DavidLeBRETONetJosephJosyLÉVY(dir.).Jeunesse à risque, rite et passage.Québec,LesPressesdel’UniversitéLaval:17-34.

LUCCHINI, Riccardo. 1996. Sociologie de la survie : l’enfant dans la rue. Paris,PressesuniversitairesdeFrance.

LUPTON,Deborah.1999a.Risk.London,Routledge.LUPTON, Deborah. 1999b. Risk and Sociocultural theory : New Directions and

Perspectives.Cambridge,CambridgeUniversityPress.MARSHALL, BrandonD. L., ThomasKERR, Chris LIVINGSTONE, Kathy LI, Julio

S.G.MONTANERetEvanWOOD.2008. «HighprevalenceofHIV infectionamonghomelessandstreet-involvedAboriginalyouthinaCanadiansetting»,Harm Reduction Journal, 5:35.

MOUNIER, Carrie et Estela ANDUJO. 2003. «Defensive functioning of homelessyouthinrelationtoexperiencesofchildmaltreatmentandcumulativevicti-mization»,Child Abuse & Neglect, 27:1187-1204.

NICKERSON, Amanda B., Frank SALAMONE, Jennifer L. BROOKS et Sarah A.COLBY. 2004. «Promising approaches to strength-building and family-centeredpractices:Applicationstoresidentialtreatment»,Residential treat-ment for Children and Youth, 22:1-18.

PARAZELLI, Michel. 1997. Pratiques de « socialisation marginalisée » et espace urbain : le cas des jeunes de la rue à Montréal (1985-1995).Thèsededoctoratenétudesurbaines.Montréal,UniversitéduQuébecàMontréal.

PARAZELLI,Michel.1999.«Prévenirl’adolescence?»,dansMadeleineGAUTHIERetJean-FrançoisGUILLAUME(dir.).Définir la jeunesse ? D’un bout à l’autre du monde.Sainte-Foy,Pressesdel’UniversitéLaval:55-74.

PARAZELLI,Michel.2002.La Rue Attractive : Parcours et pratiques identitaires des jeunes de la rue.Sainte-Foy,Pressesdel’UniversitéduQuébec.

PUBLICHEALTHAGENCYOFCANADA.2006. Street Youth in Canada : findings from Enhanced Surveillance of Canadian Street Youth, 1999-2003.

ROY, Élise, Nancy HALEY, Pascale LECLERC, Lyne CÉDRAS, Lucie BLAIS etJean-François BOIVIN. 2004. « Drug injection among street youths inMontreal:Predictorsofinitiation», Journal of Urban Health, 80,1:92-105.

SCHENSUL, Stephen L., SCHENSUL, Jean J., et LECOMPTE, Margaret D. 1999.Essential Ethnographic Methods.NewYork:Altamira.

SCHNAPPER,Dominique.2011.«L’expérience-enquêteauConseilconstitutionnel»,Sociologie,3,2:295-309.

SHARLAND, Elaine. 2006. «Young people, risk taking and risk making: Somethoughtsforsocialwork»,british Journal of Social Work, 36:247-265.

STEFANIDIS, Nikolaos, Julia PENNBRIDGE, Richard G. MACKENZIE et KarlPOTTHARST. 1992. «Runaway and homeless youth: The effects of attach-menthistoryonstabilization»,American Journal of Orthopsychiatry,62,3:442-446.

Page 23: Les expériences méconnues des jeunes itinérants « à risque ...leS jeUneS itinérantS : Un groUPe jUgé « à riSqUe » Les jeunes itinérants sont un groupe « à risque » parce

226 lieN sociAl et politiques, No 70Accompagnementdesjeunesendifficulté

TULLOCH,JohnetDeborahLUPTON.2003.Risk and Everyday Life.London,Sage.TURZ,Anne.1993.«Desdiversesapprochesdurisqueàl’adolescence»,dansAnne

TURZ,YvesSOUTEYRANDetL.RachidSALMI (dir.).Adolescence et risque.Paris,Syros:135-149.

TYLER,KimberlyA.2008.«Socialnetworkcharacteristicsandriskysexualanddrugrelatedbehavioursamonghomelessyoungadults»,Social Science Research,37:673-685.

TYLER,KimberlyA.etLisaA.MELANDER.2011.«Aqualitativestudyoftheforma-tionandcompositionofsocialnetworksamonghomelessyouth»,Journal of Research on Adolescence,21,4:802-817.

WHITBECK,LesB.,DannyR.HOYTetKevinA.ACKLEY.1997. «Abusive familybackgrounds and later victimization among runawayandhomeless adoles-cents»,Journal of Research on Adolescence,7,4:375-392.

WHITBECK, LesB.,DanR.HOYTetKevinA.ACKLEY.1999. «A risk-amplifica-tionmodel of victimization anddepressive symptomsamong runawayandhomeless adolescents»,American Journal of Community Psychology, 27, 2:273-296.

WHITBECK,LesB.etRonaldL.SIMONS.1990.«Lifeonthestreets:Thevictimiza-tionofrunawayandhomelessadolescents»,Youth & Society, 22,1:108-1225.