les entretiens vigne vin L-R - Institut Francais de la ... · besoin d’autres milieux que la...

3
« PAYSAN DU MIDI » - SPÉCIAL IFV 2013 6 lesentretiensvignevinL-R La biodiversité au vignoble : intérêts agronomiques et conseils de gestion Ce sujet a fait l'objet d'une pré- sentation lors des 4 es Entretiens Vigne Vin Languedoc-Roussillon le 31 janvier 2013 à Narbonne. Un article de Benjamin Porte (IFV), Lionel Pirsoul et Carole Sainglas (CEN-LR). Résumé Face à la détérioration progressive des écosystèmes et agrosystèmes mondiaux, les politiques publiques font de la protection de la biodiver- sité un enjeu sociétal majeur. Com- me l’ensemble du monde agricole, la viticulture et ses différents acteurs se mobilisent en faveur d’un changement de vision et de pra- tiques pour adopter un mode de fonctionnement plus favorable à la biodiversité. Le présent article illus- tre deux exemples d’initiatives menées en Languedoc-Roussillon en faveur de la biodiversité inféodée au parcellaire viticole. Ces retours d’expériences avancent quelques préconisations relatives à une ges- tion durable du vignoble et de ses abords, bénéfique à la fois au viti- culteur et à l’environnement. Introduction Défini officiellement en 1988 par Edward O. Wilson (Wilson, 1988), le terme “biodiversité” caractérise l’ensemble des êtres vivants ainsi que leurs interactions et leurs fonc- tions. La diversité biologique ne représente donc pas seulement un ensemble de plantes, d’animaux et de micro-organismes mais consti- tue également la source de nom- breuses fonctions écologiques, agronomiques et patrimoniales assurant l’équilibre écosystémique. Ainsi, la biodiversité conditionne directement ou indirectement le fonctionnement, la productivité et la stabilité d’un écosystème, naturel ou cultivé. Le déclin de la biodiversité menace l’intégrité des écosystèmes et agro- systèmes et les espèces qui y vivent, incluant l’Homme (Millenium Eco- system Assessment, 2005). Cette prise de conscience a grandi au cours de la deuxième moitié du XX e siècle et a permis l’émergence de la notion même de biodiversité, comme le rappelle Wilson : “Le concept de biodiversité a grandi avec la perception de sa perte en rai- son de l’impact humain croissant et de la mauvaise gestion de l’environ- nement”. Wilson met directement en cause les effets d’une mauvaise gestion des espèces et des habitats par l’Homme mais sous-entend éga- lement que ce dernier est le seul capable d’agir afin d’enrayer cette perte. Les agrosystèmes ne sont donc pas épargnés, bien au contraire. Sujet à une intensification généralisée depuis plusieurs décennies, le pay- sage agricole a été conquis par des systèmes de production visant à maximiser le rendement et la renta- bilité aux dépens de leur durabilité. Il est maintenant admis que de tels systèmes mènent à une exploitation non soutenable des ressources naturelles et à une diminution substantielle de la biodiversité inféodée aux milieux agricoles. Les changements de pratiques et la conservation de la biodiversité agri- cole sont donc nécessaires pour assurer la pérennité de l’agriculture française, y inclus la viticulture. Assurer la durabilité des agrosystè- mes viticoles constitue l’une des clés du maintien de l’excellence de la viticulture française face à une concurrence internationale grandis- sante. Quelles actions possibles en faveur de la biodiversité ? Régulièrement pointées du doigt, les pratiques viticoles intensives font l’objet d’améliorations inno- vantes permettant de réduire leur impact sur l’environnement. L’op- timisation des outils de pulvérisa- tion, l’évolution vers des substan- ces actives plus sélectives, les nou- veaux procédés d’entretien du sol sont entre autres, des avancées qui permettent de combiner rentabili- té et durabilité des exploitations viticoles. Malgré tout l’intérêt de ces progrès et l’attente qu’ils suscitent, l’ap- pauvrissement de la biodiversité associée au vignoble intervient à une telle allure qu’il convient d’en- treprendre des méthodes de pro- tection complémentaires, basées sur une meilleure gestion du par- cellaire viticole et des espaces non productifs qui y sont associés, savamment appelés “Infrastructu- res Agro-Ecologiques” (IAE). Ces Zones Ecologiques Réservoirs (ZER) constituent des habitats semi-naturels gérés de manière extensive et qui ne reçoivent aucun intrant chimique ni fertili- sant. Ce sont les haies, les bandes enherbées, les fossés, les arbres isolés mais aussi les mares, les fri- ches ou encore les enclaves de gar- rigue entre les parcelles cultivées. Ces éléments du paysage sont indispensables pour permettre à des espèces “sauvages” de fréquen- ter le vignoble. En effet, la faune a besoin d’autres milieux que la vigne pour boucler son cycle vital : se reproduire, s’alimenter, hiver- ner, etc. Pour caricaturer, seuls quelques ravageurs n’utilisent que la vigne au cours de leur vie ! Pour ce qui est de la flore, le travail du sol et les traitements phytosanitai- res ne laissent plus beaucoup de place à une diversité floristique dans les inter-rangs. Conserver des abords de parcelles non travaillés (non cultivés, non retournés) sur lesquels le viticulteur laisse la végétation spontanée se dévelop- per (pas de semis ou seulement la première année, puis laisser les espèces vivaces se développer) est donc une condition indispensable pour maintenir une biodiversité au vignoble. La gestion extensive de ces IAE apparaît d’autant plus importante pour le viticulteur qu’elle condi- tionnera sans doute en partie le versement du prochain “paiement vert” de la future Politique Agrico- le Commune 2014-2020. En effet, l’une des conditions requises pour l’attribution de cette aide financiè- re est le maintien de 7 % de la Sur- face Agricole Utile (SAU) en Surfa- ce d’Equivalent Topographique (SET) ou IAE. Rien d’alarmant pour les viticulteurs compte tenu du fait qu’une grande majorité possède déjà sur leur exploitation plus de 10 % de zones écologiques réservoir (graphique). L’enjeu de conservation de la biodiversité réside alors dans l’entretien exten- sif de ces surfaces et l’optimisation de leur potentiel écologique ; c’est alors que le vigneron joue un rôle primordial. Analyser les zones favorables à la biodiversité et savoir les gérer Exemple du projet “Viticulture et Biodiversité” en Côtes de Thongue Le Conservatoire des Espaces Natu- rels du Languedoc-Roussillon (CEN-LR) accompagne la profes- sion viticole dans la gestion durable des abords de parcelles, pour une meilleure prise en compte de la bio- diversité. Depuis un an déjà, le Syn- dicat des producteurs des vins de pays des Côtes de Thongue en lien réalisée par les vignerons. Le CEN- LR leur fournit ensuite un diagnos- tic individuel de leurs exploitations en y intégrant des préconisations de gestion adaptées à leur situation. Ceci leur permet de mieux cibler les améliorations possibles à apporter par une gestion adaptée. Un plan d’actions “Aménagement” est ensui- te élaboré d’un commun accord avec le groupe. L’installation de haies, de bandes enherbées ou encore de mares sont autant d’ac- tions qui viennent prolonger la phase de diagnostic. Grâce à cette démarche, les vigne- rons accèdent à une vue d’ensemble de leurs exploitations et prennent conscience des services rendus par la biodiversité à eux-mêmes, au ter- ritoire et aux concitoyens. “Cet outil est très facile à utiliser, on ne se prend pas la tête ! La méthodologie est faite pour des gens qui n’ont aucune connaissance naturaliste !” témoigne Jean Gabriel Fis, viticul- teur de la cave coopérative des vignerons d’Alignan du Vent. En chiffres : 463 hectares invento- riés, 3 300 mètres linéaires de haies plantées et 45 arbres isolés plantés ; 3 ha de milieux ouverts restaurés, depuis le lancement du projet il y a un an. Cette démarche permettra, entre autre, de contribuer à la dura- bilité de la filière viticole sur le ter- ritoire et valorisera en même temps son image. Pour 2013, le projet s’é- tend à d’autres sections IGP et intè- gre désormais la prise en compte de la qualité de l’eau. 90 viticulteurs vont être formés cette année. Suite page 7 Association de vigne et d’Infrastructures Agro-Ecologiques sur le vignoble limouxin (source : CA 11) Graphique : Répartition en % de l’assolement caractérisé sur 700 ha à dominance viticole sur l’AOC Costières de Nîmes (source : IFV Rodilhan) Formation à la phase d’autodiagnostic (source : CEN-LR) avec la Fédération Héraultaise des IGP a mis en place un projet volon- taire et ambitieux de prise en comp- te de la biodiversité dans les exploi- tations viticoles : projet porteur d’avenir et de valorisation du travail des vignerons. Avec le Conseil Général de l’Hérault qui soutient activement ce projet et grâce à l’accompagnement scienti- fique du CEN-LR, treize vignerons des Côtes de Thongue ont pu réali- ser un autodiagnostic de l’état de conservation de la biodiversité sur leurs exploitations. Plus concrètement, l’autodiagnostic porte sur tous les abords de parcel- les qui constituent des refuges pérennes pour la faune et la flore. Ils ont fait l’objet dans un premier temps, d’un diagnostic réalisé par les vignerons eux-mêmes, accompa- gnés de spécialistes. Il en a découlé une cartographie de l’état quantitatif et qualitatif de ces abords de parcelles, également L’objectif final est d’entraîner dans cette expérience humaine et envi- ronnementale l’ensemble des vigne- rons des IGP de l’Hérault pour que cette démarche soit largement dif- fusée et valorisée sur le territoire dans les années à venir. Le premier arbre planté en Côtes de Thongue (source : CEN-LR) cultures annuelles bâti friche herbacée forêt jardin prairie oliveraie verger ripisylve friche arbustive parcelle arrachée vigne eau chemin de terre haie chemin de fer route goudronnée espace interstitiel

Transcript of les entretiens vigne vin L-R - Institut Francais de la ... · besoin d’autres milieux que la...

« PAYSAN DU MIDI » - SPÉCIAL IFV 2013

6lesentretiensvignevinL-R

La biodiversité au vignoble : intérêts agronomiques et conseils de gestionCe sujet a fait l'objet d'une pré-sentation lors des 4es EntretiensVigne Vin Languedoc-Roussillonle 31 janvier 2013 à Narbonne.

Un article de Benjamin Porte(IFV), Lionel Pirsoul et CaroleSainglas (CEN-LR).

RésuméFace à la détérioration progressivedes écosystèmes et agrosystèmesmondiaux, les politiques publiquesfont de la protection de la biodiver-sité un enjeu sociétal majeur. Com-me l’ensemble du monde agricole,la viticulture et ses différentsacteurs se mobilisent en faveur d’unchangement de vision et de pra-tiques pour adopter un mode defonctionnement plus favorable à labiodiversité. Le présent article illus-tre deux exemples d’initiativesmenées en Languedoc-Roussillonen faveur de la biodiversité inféodéeau parcellaire viticole. Ces retoursd’expériences avancent quelquespréconisations relatives à une ges-tion durable du vignoble et de sesabords, bénéfique à la fois au viti-culteur et à l’environnement.

IntroductionDéfini officiellement en 1988 parEdward O. Wilson (Wilson, 1988),le terme “biodiversité” caractérisel’ensemble des êtres vivants ainsique leurs interactions et leurs fonc-tions. La diversité biologique nereprésente donc pas seulement unensemble de plantes, d’animaux etde micro-organismes mais consti-tue également la source de nom-breuses fonctions écologiques,agronomiques et patrimonialesassurant l’équilibre écosystémique.Ainsi, la biodiversité conditionnedirectement ou indirectement lefonctionnement, la productivité etla stabilité d’un écosystème, naturelou cultivé.Le déclin de la biodiversité menacel’intégrité des écosystèmes et agro-systèmes et les espèces qui y vivent,incluant l’Homme (Millenium Eco-system Assessment, 2005). Cetteprise de conscience a grandi aucours de la deuxième moitié du XXe siècle et a permis l’émergencede la notion même de biodiversité,

comme le rappelle Wilson : “Leconcept de biodiversité a grandiavec la perception de sa perte en rai-son de l’impact humain croissant etde la mauvaise gestion de l’environ-nement”. Wilson met directementen cause les effets d’une mauvaisegestion des espèces et des habitatspar l’Homme mais sous-entend éga-lement que ce dernier est le seulcapable d’agir afin d’enrayer cetteperte.Les agrosystèmes ne sont donc pasépargnés, bien au contraire. Sujet àune intensification généraliséedepuis plusieurs décennies, le pay-sage agricole a été conquis par dessystèmes de production visant àmaximiser le rendement et la renta-bilité aux dépens de leur durabilité.Il est maintenant admis que de telssystèmes mènent à une exploitationnon soutenable des ressourcesnaturelles et à une diminution substantielle de la biodiversitéinféodée aux milieux agricoles. Leschangements de pratiques et laconservation de la biodiversité agri-cole sont donc nécessaires pourassurer la pérennité de l’agriculturefrançaise, y inclus la viticulture.Assurer la durabilité des agrosystè-mes viticoles constitue l’une des clésdu maintien de l’excellence de laviticulture française face à uneconcurrence internationale grandis-sante.

Quelles actions possibles en faveur de la biodiversité ?Régulièrement pointées du doigt,les pratiques viticoles intensivesfont l’objet d’améliorations inno-vantes permettant de réduire leurimpact sur l’environnement. L’op-timisation des outils de pulvérisa-tion, l’évolution vers des substan-ces actives plus sélectives, les nou-veaux procédés d’entretien du solsont entre autres, des avancées quipermettent de combiner rentabili-té et durabilité des exploitationsviticoles.Malgré tout l’intérêt de ces progrèset l’attente qu’ils suscitent, l’ap-pauvrissement de la biodiversitéassociée au vignoble intervient àune telle allure qu’il convient d’en-treprendre des méthodes de pro-tection complémentaires, baséessur une meilleure gestion du par-

cellaire viticole et des espaces nonproductifs qui y sont associés,savamment appelés “Infrastructu-res Agro-Ecologiques” (IAE). CesZones Ecologiques Réservoirs(ZER) constituent des habitatssemi-naturels gérés de manièreextensive et qui ne reçoiventaucun intrant chimique ni fertili-sant. Ce sont les haies, les bandesenherbées, les fossés, les arbresisolés mais aussi les mares, les fri-ches ou encore les enclaves de gar-rigue entre les parcelles cultivées.Ces éléments du paysage sontindispensables pour permettre àdes espèces “sauvages” de fréquen-ter le vignoble. En effet, la faune abesoin d’autres milieux que lavigne pour boucler son cycle vital :se reproduire, s’alimenter, hiver-ner, etc. Pour caricaturer, seulsquelques ravageurs n’utilisent quela vigne au cours de leur vie ! Pource qui est de la flore, le travail dusol et les traitements phytosanitai-res ne laissent plus beaucoup deplace à une diversité floristiquedans les inter-rangs. Conserver desabords de parcelles non travaillés(non cultivés, non retournés) surlesquels le viticulteur laisse lavégétation spontanée se dévelop-per (pas de semis ou seulement lapremière année, puis laisser lesespèces vivaces se développer) estdonc une condition indispensablepour maintenir une biodiversitéau vignoble.La gestion extensive de ces IAEapparaît d’autant plus importantepour le viticulteur qu’elle condi-tionnera sans doute en partie leversement du prochain “paiementvert” de la future Politique Agrico-le Commune 2014-2020. En effet,l’une des conditions requises pourl’attribution de cette aide financiè-re est le maintien de 7 % de la Sur-face Agricole Utile (SAU) en Surfa-ce d’Equivalent Topographique(SET) ou IAE. Rien d’alarmantpour les viticulteurs compte tenudu fait qu’une grande majoritépossède déjà sur leur exploitationplus de 10 % de zones écologiquesréservoir (graphique). L’enjeu deconservation de la biodiversitéréside alors dans l’entretien exten-sif de ces surfaces et l’optimisationde leur potentiel écologique ; c’estalors que le vigneron joue un rôleprimordial.

Analyser les zones favorables à la biodiversité et savoir les gérerExemple du projet “Viticulture et Biodiversité” en Côtes de ThongueLe Conservatoire des Espaces Natu-rels du Languedoc-Roussillon(CEN-LR) accompagne la profes-sion viticole dans la gestion durabledes abords de parcelles, pour unemeilleure prise en compte de la bio-diversité. Depuis un an déjà, le Syn-dicat des producteurs des vins depays des Côtes de Thongue en lien

réalisée par les vignerons. Le CEN-LR leur fournit ensuite un diagnos-tic individuel de leurs exploitationsen y intégrant des préconisations degestion adaptées à leur situation.Ceci leur permet de mieux cibler lesaméliorations possibles à apporterpar une gestion adaptée. Un pland’actions “Aménagement” est ensui-te élaboré d’un commun accordavec le groupe. L’installation dehaies, de bandes enherbées ouencore de mares sont autant d’ac-tions qui viennent prolonger laphase de diagnostic. Grâce à cette démarche, les vigne-rons accèdent à une vue d’ensemblede leurs exploitations et prennentconscience des services rendus parla biodiversité à eux-mêmes, au ter-ritoire et aux concitoyens. “Cet outilest très facile à utiliser, on ne seprend pas la tête ! La méthodologieest faite pour des gens qui n’ontaucune connaissance naturaliste !”témoigne Jean Gabriel Fis, viticul-teur de la cave coopérative desvignerons d’Alignan du Vent. En chiffres : 463 hectares invento-riés, 3 300 mètres linéaires de haiesplantées et 45 arbres isolés plantés ;3 ha de milieux ouverts restaurés,depuis le lancement du projet il y aun an. Cette démarche permettra,entre autre, de contribuer à la dura-bilité de la filière viticole sur le ter-ritoire et valorisera en même tempsson image. Pour 2013, le projet s’é-tend à d’autres sections IGP et intè-gre désormais la prise en compte dela qualité de l’eau. 90 viticulteursvont être formés cette année.

� Suite page 7

Association de vigne et d’Infrastructures Agro-Ecologiques sur le vignoble limouxin(source : CA 11)

Graphique : Répartition en % de l’assolement caractérisé sur 700 ha à dominanceviticole sur l’AOC Costières de Nîmes (source : IFV Rodilhan)

Formation à la phase d’autodiagnostic (source : CEN-LR)

avec la Fédération Héraultaise desIGP a mis en place un projet volon-taire et ambitieux de prise en comp-te de la biodiversité dans les exploi-tations viticoles : projet porteur d’avenir et de valorisation du travaildes vignerons. Avec le Conseil Général de l’Héraultqui soutient activement ce projet etgrâce à l’accompagnement scienti-fique du CEN-LR, treize vigneronsdes Côtes de Thongue ont pu réali-ser un autodiagnostic de l’état deconservation de la biodiversité surleurs exploitations. Plus concrètement, l’autodiagnosticporte sur tous les abords de parcel-les qui constituent des refugespérennes pour la faune et la flore.Ils ont fait l’objet dans un premiertemps, d’un diagnostic réalisé parles vignerons eux-mêmes, accompa-gnés de spécialistes. Il en a découlé une cartographie del’état quantitatif et qualitatif de cesabords de parcelles, également

L’objectif final est d’entraîner danscette expérience humaine et envi-ronnementale l’ensemble des vigne-rons des IGP de l’Hérault pour quecette démarche soit largement dif-fusée et valorisée sur le territoiredans les années à venir.

Le premier arbre planté en Côtes deThongue (source : CEN-LR)

cultures annuelles

bâti

friche herbacée

forêt

jardin

prairie

oliveraie

verger

ripisylve

friche arbustive

parcelle arrachée

vigne

eau

chemin de terre

haie

chemin de fer

route goudronnée

espace interstitiel

« PAYSAN DU MIDI » - SPÉCIAL IFV 2013

7lesentretiensvignevinL-R

La biodiversité au vignoble : intérêts agronomiques et conseils de gestion (suite)Mettre en place des actionsde conservation de la biodiversité au vignobleExemple du projet Life +BioDiVine sur les AOC Costièresde Nîmes et LimouxLes travaux réalisés dans le cadredu projet Life + BioDiVine(www.biodivine.eu) sont principale-ment axés sur la mise en place dehaies composites et d’enherbementsparcellaires. De tels aménagementssont effectués grâce à une collabo-ration active des vignerons avec lespartenaires du projet. L’objectifrecherché est l’installation d’IAEd’intérêt agronomique (bénéfiquesau viticulteur) et écologique (favo-rables à la biodiversité). Pour ce faire, il convient de considérer deuxcritères d’importance particulière :les espèces sélectionnées et l’empla-cement de l’aménagement. Ces cri-tères doivent être décidés avec soinafin de garantir un aménagementréellement bénéfique à la biodiversi-té et qui ne vient pas fragiliser lacapacité de production du vignoble,voire qui l’améliore.Les haies composites :La diversité végétale d’une haie estun déterminant majeur de la diver-sité faunistique que l’on peut re-trouver dans cet habitat. En règlegénérale, l’augmentation de ladiversité botanique d’une haieinflue favorablement la richesse dela faune qu’elle héberge, particuliè-rement l’entomofaune. Les insectesphytophages sont les premiersbénéficiaires d’une végétation diver-sifiée. Une augmentation de ladiversité en phytophages est suivied’une hausse des populationsd’auxiliaires, potentiellement utilesen viticulture. Bien que tous lesphytophages ne se nourrissent pasdirectement de la vigne, il convienttout de même de s’assurer que leratio auxiliaires/phytophages soitfavorable afin que la haie ne pré-sente aucun risque pour le vignobleadjacent. Ainsi, les espèces végéta-les sélectionnées seront potentielle-ment bénéfiques à une régulationnaturelle des ravageurs de la vignepar l’intermédiaire des auxiliaires.D’après leurs études menées survergers, Debras et al. (2002) préco-nisent l’emploi d’un maximum dequinze espèces végétales afin que lahaie soit davantage favorable auxauxiliaires qu’aux ravageurs, lerisque d’augmentation des phyto-phages étant incertain au-delà de cenombre. De plus, le choix d’espècesbotaniques éloignées taxonomique-ment de la famille des Vitacées estnécessaire afin de limiter le nombrede potentiels ravageurs de la vigneprésents dans la haie. Par ailleurs, l’abondance de l’ento-mofaune étant relativement varia-ble d’une espèce végétale à une au-tre, la richesse botanique d’une haieest favorable à un cortège d’arthro-podes diversifié. Des espèces dephénologies différentes doivent êtresélectionnées afin de bénéficier à unmaximum d’insectes, phytophages

et auxiliaires confondus, en garan-tissent la présence de ressourcesnutritives tout au long de la saison.Il convient alors de préconiser unmélange d’espèces précoces, inter-médiaires et tardives.Outre sa fonction de ressourcenutritive, une haie joue le rôle d’ha-bitat pour de nombreux mammifè-res et insectes. Associer des espècescaduques à des espèces persistantesest un moyen d’assurer cette fonc-tion d’habitat lors de la saison hiver-nale particulièrement critique pourcertains individus qui nécessitentun abri dans l’attente du printemps. L’emplacement de la haie doit êtrejudicieusement choisi de manière àoptimiser ses fonctions agrono-miques et limiter les gênes qu’ellepourrait occasionner pour le viticul-teur. Dans les zones de coteaux, leshaies doivent être implantées per-pendiculairement à la pente demanière à jouer pleinement leurrôle de maintien des sols face à l’é-rosion. Le viticulteur peut parexemple profiter d’un large bord dechemin pour y installer sa haie afinque celle-ci ne gêne pas le passagedes engins agricoles.

en parcelle viticole car elle répon-dait aux besoins du viticulteur. Or,ce type d’association végétale présente très peu d’intérêt pour labiodiversité. L’enherbement naturel maîtrisé estune alternative intéressante puis-qu’il présente l’avantage d’être com-posé d’espèces autochtones, adap-tées aux conditions pédoclima-tiques et à l’entomofaune locale.Malgré tout, il peut présenter desproblèmes liés à une faible couver-ture du sol et à un envahissementpar des espèces indésirables auvignoble (source ITV-ITAB). La mise en place d’enherbementsdirectement favorables à la biodi-versité est donc une pratique peu oupas répandue jusqu’alors. Dans lecadre du projet Life + BioDiVine, lescouverts enherbés sont sélectionnésen priorité pour leur intérêt écolo-gique en s’assurant que leurs effetsnon intentionnels sur la vignesoient limités voire très faibles. Ain-si, les enherbements choisis sontsensiblement différents des mélan-ges connus en viticulture. Ce sontdes enherbements semés, composésde graminées et de légumineusesassociées dans la mesure du possi-ble à des espèces dites “messicoles”.Ce type de mélange permet derépondre aux attentes du projetBioDiVine ainsi qu’à celles des viti-culteurs. Tout d’abord, les grami-nées augmentent la portance du solsans concurrencer la vigne en pério-de de stress hydrique. En complé-ment, les légumineuses sont favora-bles au développement mycorhizienet aux microorganismes du sol.Leur capacité à fixer l’azoteatmosphérique leur permet de s’au-toalimenter et de ré-enrichir le solen azote assimilable lorsqu’ellessont installées durablement. L’asso-ciation de plusieurs légumineusestelles que par exemple, le sainfoin(Onobrychis viciifolia), la luzerneméditerranéenne (Medicago sp), lelotier corniculé (Lotus cornicula-tus) et le trèfle incarnat (Trifoliumincarnatum) permet de diversifierles ressources polliniques et nectari-fères. Le couvert ainsi produit serabénéfique à un large cortège de pol-linisateurs incluant les abeilles sau-vages et domestiques.L’association graminées-légumineu-ses sélectionnée peut être agrémen-tée d’espèces dites “messicoles” tel-les que par exemple, le coquelicot(Papaver rhoeas) ou le bleuet (Cen-taurea cyanus). L’ajout de telles espè-ces est d’intérêt écologique maisaussi patrimonial, les “messicoles”étant des espèces en net déclin quifont l’objet de mesures spéciales deconservation au niveau européen.Vivaces ou annuelles, ces espècessont adaptées aux pratiques agrico-les traditionnelles comme le labour.Le repeuplement d’une parcelle devigne et de ses abords par les “mes-sicoles” n’est cependant possible quedans le cas de pratiques viticolesextensives, garantissant l’établisse-ment pérenne de ces espèces.Dans le vignoble du pourtour méditerranéen, sujet à une fortecontrainte hydrique en saison sèche,l’enherbement apparaît souvent

comme une action délicate pour leviticulteur. Les parcelles irriguées sont les plusappropriées à la mise en place d’unenherbement peu ou pas impactantpour la culture de la vigne. L’irriga-tion permet de “protéger” la vignede toute concurrence hydrique etfacilite ainsi la mise en place d’uncouvert herbacé diversifié sur unesurface importante de la parcelle.Il n’est cependant pas impossibled’enherber des parcelles non irri-guées avec de tels mélanges en pre-nant les précautions nécessairesafin de limiter l’effet négatif du cou-vert herbacé sur les rendements etla qualité des raisins. Les parcellesde vigne à enherber devront doncêtre sélectionnées rigoureusementet l’enherbement devra se faire pro-gressivement.La mise en place d’un couvert végé-tal sera donc privilégiée sur des solsprofonds ou de fond de vallée, danslesquels la réserve utile en eau n’estpas limitante. Le matériel végétalest également un critère important ;les cépages les plus tolérants à lacontrainte hydrique comme le Grenache seront plus facilementenherbés que d’autres. Un plantierdépourvu d’irrigation pourra diffici-lement être enherbé au risque devoir son développement impactépar la compétition générée par lecouvert herbacé. A l’inverse, unevieille vigne dont les racines sedéveloppent majoritairement enprofondeur pourra être enherbéedans son intégralité sans risquemajeur de concurrence hydro-azo-tée. Dans des conditions pédoclima-tiques similaires, une vigne vigou-reuse sera privilégiée à une vigneplus faible, potentiellement sensibleà la concurrence de l’enherbement.Une fois les parcelles à enherber etles semences sélectionnées, la surfa-ce à semer pourra être modulée enfonction des attentes du viticulteur.Sur une parcelle jugée “potentielle-ment sensible”, le couvert herbacépeut tout d’abord être semé un inter-rang sur deux ou sur quatre, sur unelargeur limitée d’inter-rang et selonune densité de semis faible oumoyenne. Il pourra être broyé avantl’apparition des premiers stresshydriques. Si cet enherbement necause pas de diminution notable desrendements et de la qualité des rai-sins lors des premières années, ilpourra être mis en place sur une sur-

face plus importante en élargissantl’inter-rang semé et en augmentant lenombre d’inter-rangs enherbés.

ConclusionLes directives de l’OILB (Organisa-tion Internationale de Lutte Biolo-gique et Intégrée contre les Animauxet les Plantes Nuisibles) concernantla production intégrée de raisins,établies en 2002, préconisent lemaintien d’un minimum de 5 % dela SAU en zones écologiques réser-voir. Depuis, le déclin de la biodiver-sité inféodée à l’agrosystème viticoles’est poursuivi, soulevant alors deuxnécessités relatives à la gestion duparcellaire viticole : augmenter lasurface en IAE et améliorer leurpotentiel écologique. En Languedoc-Roussillon, les IAEs’étendent en moyenne sur une sur-face supérieure aux préconisationsde l’OILB ou de la future PAC 2014-2020. L’enjeu pour la profession viti-cole, l’IFV et le CEN-LR réside alorsdans le maintien de ces surfacesmais surtout dans l’amélioration deleur plus-value écologique et ce, àune échelle supérieure à celle de l’ex-ploitation. La diversification deshabitats semi-naturels disponiblespour la flore et la faune qui fréquen-tent le vignoble doit se faire dans unelogique de connectivité à l’échelleterritoriale afin de participer à lamise en place de réseaux d’habitatsstables et pérennes. Préserver lamosaïque paysagère caractéristiquedu pourtour méditerranéen est d’in-térêt non seulement écologique maisaussi agronomique, économique,social, patrimonial et culturel. Lamobilisation des viticulteurs langue-dociens en faveur de la biodiversitéet la valorisation de leur terroir par lebiais de pratiques favorables à l’envi-ronnement sont des initiatives quidoivent donc être relayées par l’en-semble des acteurs du monde agri-cole et plus largement encore.Références bibliographiques etinformations complémentairesdisponibles sur demande.

Récent semis de graminées, légumineuses et “messicoles” sur une jeune vigneirriguée des Costières de Nîmes (source : IFV Rodilhan)

Avec l’appui financier et/ou technique de :Programme LIFE + BioDiVine, ConseilGénéral de l’Hérault, Fédération Héraul-taise des IPG, Syndicat d’Appellationd’Origine Contrôlée Costières de Nîmes,Syndicat des producteurs des vins depays des Côtes de Thongue, Chambred’Agriculture de l’Aude, Syndicat d’Appellation d’Origine Contrôlée Limoux.

Si la haie est implantée de façoncontigüe à une parcelle, “comme unrang de vigne”, les espèces choisiesdoivent être peu concurrentielles afinde limiter la compétition à la vignepour les ressources hydro-azotées.Pour les mêmes raisons, leur systèmeracinaire doit être peu développé.Une telle haie peut être élaguée etrognée à l’image d’un rang de vigneafin de faciliter son entretien par leviticulteur. Ainsi, les espèces sélec-tionnées doivent être tolérantes à lataille mécanisée sous peine de ne paspouvoir s’implanter correctement.Plantée en aval des ceps de vignepar rapport au vent, une haie joue-ra le rôle de “coupe-vent” et facilite-ra la colonisation de la parcelle parles Phytoseiidae, acariens préda-teurs d’acariens phytophages (Tixieret al., 2002).

Les enherbements des inter-rangs parcellaires :En viticulture, l’enherbement inter-rang est employé pour diverses rai-sons : augmenter la matière orga-nique des sols, améliorer leurportance, limiter la vigueur de lavigne, lutter contre l’érosion enzone de forte pente, … L’association de deux graminées,caractérisée par le mélange clas-sique “Fétuque - Ray-grass” (Festu-ca-Lolium), a longtemps été utilisée

Jeune haie constituée d’espècescaduques et persistantes.

En partenariat avec

« PAYSAN DU MIDI » - SPÉCIAL IFV 2013

www.pellenc.com