Les Entretiens de la CMI - #1 Juin 2013 - Guillaume Ruzoviyo (Burundi)

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« L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir ; il porte avec lui l’immensité. » (François René de Chateaubriand) Les Enttiens de la Conférence Monarchiste Internationale CMI : Les mouvements royalistes ont été de nouveau autorisés au Burundi en 1992 mais la famille royale semble divisée tout comme les partis royalistes au- jourd’hui. Quelles sont les raisons de ces divisions ? Guillaume Ruyovizo : Les mouvements royalistes ont été autorisés non pas en 1992, mais en 2000, par l’Ac- cord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi. Jusqu’à cette date, ils étaient expressément interdits dans toutes les constitutions qui se sont succédées depuis le renversement de la monarchie en 1966. Ainsi, en 1992, le fondateur du PRP avait dû le changer d’appellation, sous peine de ne pas être agréé : au lieu de « Parti Royaliste Parlementaire », il avait dû l’appeler « Parti pour la Récon- ciliation du Peuple ». La famille royale n’est pas divisée. Toute la famille royale du Burundi, les Ganwas, s’identifie sans aucune contesta- tion à ce jour dans Ishaka, l’ASBL reconnue par la loi qui nous regroupe tous au point de vue social. Mais, comme toute communauté sociale, elle est traversée par des cou- rants d’idées différents. En ce qui concerne les partis politiques monarchistes, je peux affirmer sans l’ombre d’un doute qu’ils sont aujourd’hui unis. Les leaders de ces partis se voient régulièrement et sont d’accord sur tous les dossiers les concernant, qu’il s’agisse du rapatriement de la dépouille du roi Mwambut- sa IV ou de la recherche de celle du roi Ntare V. Au point de vue politique, les Ganwa, comme tous les Burundais, ont le droit d’appartenir à n’importe quelle for- mation politique existant au Burundi. Ainsi, des Ganwa sont membres du CNDD-FDD, le parti au pouvoir qui a gagné les élections de 2010, d’autres sont membres des partis de l’opposition, mais des Ganwa sont aussi membres des partis royalistes. Quelquefois, des Ganwas font une confusion, volontaire ou pas, entre leur appartenance partisane et les aspira- tions de leur communauté. Ils privilégient alors leur lutte politique et peut être leurs frustrations dans leurs position- nements. Ce sont ceux-là qui risquent de porter atteinte aux intérêts de la communauté à laquelle ils appartiennent et qu’ils prétendent défendre. Heureusement qu’ils sont un très petit nombre. Comme dans tous les pays modernes, au Burundi nous avons deux camps politiques antagonistes : le camp de la majorité présidentielle et le camp de l’opposition. Mon vœu est que les Ganwas évitent de transposer leurs diffé- rences au point de vue politique à la question royale. Guillaume Ruzoviyo Ambassadeur du Burundi Président du Parti Monarchiste Parlementaire un entretien réalisé par Frédéric de Natal, Secrétaire général de la CMI BURUNDI N°1 - JUIN 2013 Votre Excellence, vous avez fondé le Parti monarchiste parlementaire du Burundi-Abagenderabanga (PMP), ac- tuellement membre de la coalition gouvernementale et de la Conférence Monarchiste Internationale, vous avez été nommé Ambassadeur du Burundi en Russie il y a deux ans. En 2012, l’actualité royaliste a été médiatiquement forte au Burundi. D’abord avec les festivités du cinquante- naire de l’indépendance du Burundi auxquelles ont été associées la famille royale et la famille royale belge, la recherche du corps du Mwami Ntare V, l’affaire du transfert de la dépouille du Mwami Mwambutsa IV et enfin un mystérieux mouvement armé affirmant désormais se battre pour le retour de la monarchie au Burundi.

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Entretien exclusif avec SE Guillaume Ruzoviyo , Ambassadeur du Burundi en Russie sur la résurgence du monarchisme au Burundi pour la Conférence monarchiste internationale.

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« L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir ; il porte avec lui l’immensité. » (François René de Chateaubriand)

Les Entretiensde la Conférence Monarchiste Internationale

CMI : Les mouvements royalistes ont été de nouveau autorisés au Burundi en 1992 mais la famille royale semble divisée tout comme les partis royalistes au-jourd’hui. Quelles sont les raisons de ces divisions ? Guillaume Ruyovizo : Les mouvements royalistes ont été autorisés non pas en 1992, mais en 2000, par l’Ac-cord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi. Jusqu’à cette date, ils étaient expressément interdits dans toutes les constitutions qui se sont succédées depuis le renversement de la monarchie en 1966. Ainsi, en 1992, le fondateur du PRP avait dû le changer d’appellation, sous peine de ne pas être agréé : au lieu de « Parti Royaliste Parlementaire », il avait dû l’appeler « Parti pour la Récon-ciliation du Peuple ».

La famille royale n’est pas divisée. Toute la famille royale du Burundi, les Ganwas, s’identifie sans aucune contesta-tion à ce jour dans Ishaka, l’ASBL reconnue par la loi qui nous regroupe tous au point de vue social. Mais, comme toute communauté sociale, elle est traversée par des cou-rants d’idées différents.En ce qui concerne les partis politiques monarchistes, je peux affirmer sans l’ombre d’un doute qu’ils sont aujourd’hui unis. Les leaders de ces partis se voient régulièrement et sont d’accord sur tous les dossiers les concernant, qu’il s’agisse du rapatriement de la dépouille du roi Mwambut-sa IV ou de la recherche de celle du roi Ntare V.Au point de vue politique, les Ganwa, comme tous les Burundais, ont le droit d’appartenir à n’importe quelle for-mation politique existant au Burundi. Ainsi, des Ganwa sont membres du CNDD-FDD, le parti au pouvoir qui a gagné les élections de 2010, d’autres sont membres des partis de l’opposition, mais des Ganwa sont aussi membres des partis royalistes. Quelquefois, des Ganwas font une confusion, volontaire ou pas, entre leur appartenance partisane et les aspira-tions de leur communauté. Ils privilégient alors leur lutte politique et peut être leurs frustrations dans leurs position-nements. Ce sont ceux-là qui risquent de porter atteinte aux intérêts de la communauté à laquelle ils appartiennent et qu’ils prétendent défendre. Heureusement qu’ils sont un très petit nombre.Comme dans tous les pays modernes, au Burundi nous avons deux camps politiques antagonistes : le camp de la majorité présidentielle et le camp de l’opposition. Mon vœu est que les Ganwas évitent de transposer leurs diffé-rences au point de vue politique à la question royale.

Guillaume RuzoviyoAmbassadeur du Burundi Président du Parti Monarchiste Parlementaire

un entretien réalisé par Frédéric de Natal, Secrétaire général de la CMI

BURUNDI

N°1 - JUIN 2013

Votre Excellence, vous avez fondé le Parti monarchiste parlementaire du Burundi-Abagenderabanga (PMP), ac-tuellement membre de la coalition gouvernementale et de la Conférence Monarchiste Internationale, vous avez été nommé Ambassadeur du Burundi en Russie il y a deux ans. En 2012, l’actualité royaliste a été médiatiquement forte au Burundi. D’abord avec les festivités du cinquante-naire de l’indépendance du Burundi auxquelles ont été associées la famille royale et la famille royale belge, la recherche du corps du Mwami Ntare V, l’affaire du transfert de la dépouille du Mwami Mwambutsa IV et enfin un mystérieux mouvement armé affirmant désormais se battre pour le retour de la monarchie au Burundi.

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Les Entretiens GUILLAUME RUZOVIYO

2 LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013

Le Burundi compte officiellement trois mouve-ments politiques royalistes, Abahuza, le Parti de la Réconciliation du Peuple et le Parti monarchiste parle-mentaire du Burundi-Abagenderabanga. Quelles sont actuellement les relations entre ces deux premiers mouvements et le PMP ? Les relations entre le PMP et les deux autres formations monarchiques sont réellement au beau fixe aujourd’hui. Entre le PMP et le PRP, les relations sont plus étroites parce que nos deux partis politiques ont fait partie de la Coalition pour des Elections Libres, Apaisées et Transpa-rentes (CELAT) qui a soutenu le CNDD-FDD, au pouvoir pour le deuxième mandat consécutif. Entre le PMP et Abahuza, il n’y a plus aucune mésentente. Avant mon départ du pays, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec l’ac-tuel Président de Abahuza. Nous avons constaté qu’il n’y a plus de sujet qui nous divise et nous sommes convenus d’œuvrer pour la même cause.

En avril 2012, une équipe scientifique menée par le Professeur Jean-Jaques Cassiman a tenté en vain de retrouver le corps du Mwami Ntare V, assassiné dans de mystérieuses conditions quarante ans plus tôt. Comment le rôle des anciens monarques est-il perçu par les jeunes Burundais en 2013 ? D’abord, je voudrais vous dire que le roi Ntare V n’a pas été assassiné « dans de mystérieuses conditions ». Les circonstances de son assassinat sont bien connues. Ntare V a été exécuté la nuit du 29 avril 1972 par le capitaine Ntabiraho, sur ordre du Président Micombero. C’était un assassinat programmé, parce que Ntare V avait été littéra-lement kidnappé de Kampala, lors de son premier voyage en Afrique depuis son renversement le 28 novembre par le même Micombero. Il a passé un mois en résidence sur-veillée avant d’être exécuté ce fatidique jour du 29 avril 1972 sous le prétexte fallacieux qu’il avait commandité une armée de rebelles hutus pour le remettre sur le trône. C’est son enterrement, probablement dans une fosse commune, qui a fait l’objet du plus grand secret parce que le lieu n’a jamais été retrouvé jusqu’à ce jour. Chose cu-rieuse, quelques acteurs (ou complices) de cet assassinat sont encore en vie, mais personne ne leur demande rien (ou n’ose rien leur demander ?).

Il est prévu que la mort de Ntare V et celle des milliers de Hutus qui a suivi fassent partie des cas qui seront analysés par la Commission Vérité-Réconciliation à venir. Espérons qu’à ce moment, qui tarde à venir, nous en saurons plus.En ce qui concerne l’image que les Burundais, plus par-ticulièrement les jeunes, ont des anciens rois, c’est une image positive.

Il est vrai que depuis le renversement du dernier roi, en 1966, les régimes militaro-régionalistes qui se sont succédés ont fait un véritable lavage de cerveau de la population, présentant d’une façon très négative les rois et toute la période monarchique, dans le but de légitimer leur pouvoir. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ont fait disparaître du langage écrit et parlé les Ganwas, l’ethnie dont descendent les rois, et qui pourtant existe bel et bien. Mais malgré cela, ils ne sont pas parvenus à effacer de la mémoire collective l’image du roi fédérateur de tout le peuple, le roi dont la justice est impartiale mais aussi im-placable, le roi patriote qui défend avec ardeur son pays contre toute intrusion extérieure, prêt à se sacrifier, s’il le faut, pour le bien de son peuple. La preuve de cette vision est donnée par les efforts que le gouvernement actuel est en train de déployer pour ra-mener la dépouille du roi Mwambutsa IV et pour retrouver l’endroit où a été enterré le roi Ntare V, afin de les enterrer dans la dignité et avec tous les honneurs. Ceci signifie que le gouvernement actuel, qui est jeune dans son ensemble et à la tête duquel se trouve un homme encore jeune, est conscient de l’image positive que les Burundais gardent de leurs rois. Les rois constituent encore aujourd’hui le symbole de l’unité, tant malmenée depuis leur départ, du patriotisme et de l’intégrité morale des dirigeants. En vou-lant ériger des monuments sur les lieux de leur sépulture, le gouvernement reconnait clairement l’action bénéfique des rois, leur importance dans l’histoire du Burundi, et il reconnait implicitement l’existence de leurs descendants, au moment où ces derniers sont en train de réclamer que l’on leur « restitue » leur ethnie. Cela signifie que nos diri-geants sont conscients du rôle que peuvent jouer les rois, même morts, dans la politique de réconciliation nationale en train d’être mise en place au Burundi.Vous comprendrez aisément mon incompréhension face à la position de la princesse Esther Kamatari, qui prétend vouloir défendre la dignité du roi Mwambutsa IV en le fai-sant garder dans un cimetière suisse.

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Les EntretiensGUILLAUME RUZOVIYO

3LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013

Le Mwami Mwambusta IV repose en Suisse dans le ci-metière de Meyrin. Le gouvernement a souhaité son retour lors des célébrations du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi ; cependant la Princesse Esther Kamatari s’est opposée devant les tribunaux à ce retour du souverain dans son pays, affirmant que le gouvernement entendait utiliser politiquement la dépouille de l’ancien monarque et ne respectait pas les volontés du défunt mwami de reposer sur son lieu d’exil. L’affaire est toujours en cours devant les tribu-naux ; quelle est la position du PMP dans ce conflit dynastico-politique ? La position du PMP dans cette polémique créée par la princesse Kamatari est claire : le roi Mwambutsa doit ren-trer. Il doit rentrer pour continuer à jouer son rôle, le rôle que la mémoire collective des Burundais lui donne. Ce rôle, c’est le rôle de père de la nation burundaise, qui doit donc garder un œil protecteur sur son peuple, même mort. Cette protection morale de la nation burundaise par nos ancêtres est très importante. Grâce à eux, « le Burundi ne s‘est jamais effondré », comme le dit un dicton. Il est clair que le roi Mwambutsa ne peut pas jouer ce rôle s’il reste loin de la terre de ses ancêtres.En ramenant le roi au Burundi, on ne lui ôte pas dignité, au contraire on lui redonne la dignité qui lui a été ravie. Je suis convaincu que de l’au-delà, il est d’accord avec ceux qui veulent le ramener au Burundi. De plus, le contexte a changé. Ses tombeurs sont à leur tour partis. Aujourd’hui sont au pouvoir des personnes qui veulent « l’utiliser » pour une cause juste, la cause de la réconciliation natio-nale. Ce sont ceux qui veulent le garder en Suisse qui sont en train de « l’utiliser » mais à des fins politiques et lui faire jouer le rôle de la division. De son vivant, Mwambutsa n’a jamais joué ce rôle. Ce n’est pas aujourd’hui que l’on doit le lui faire jouer.

Après avoir été membre du parlement sous les cou-leurs du parti au pouvoir (le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la dé-mocratie), que devient aujourd’hui la Princesse Rosa Paula Iribagiza, actuelle prétendante au trône du Bu-rundi ? Aux dernières nouvelles, la princesse Rosa Paula Iri-bagiza vit tranquillement au Burundi et s’occupe de ses affaires privées.

Les prochaines élections auront lieu en 2015. Votre mouvement est actuellement membre de la coalition gouvernementale au pouvoir. Que représente le PMP sur la scène politique du Burundi ? Combien d’adhé-rents et d’élus locaux avez-vous ? Le PMP a été agréé en 2000. Au Burundi, pour être agréé, un parti politique doit remplir beaucoup de conditions, no-tamment celle de démontrer son implantation dans toutes les provinces du pays par des actes d’adhésion dûment signés par les membres. Le PMP l’a fait. Le PMP possède donc des membres. Pour les élections de 2005, nous ne nous sommes pas estimés suffisamment préparés pour mener campagne et présenter des candidats. Nous avons tout de même appor-

té notre soutien au CNDD-FDD. En 2010, nous avons fait partie d’une coalition de partis politiques qui ont soutenu le CNDD-FDD. Le CNDD-FDD a gagné les élections haut la main. Cependant, cette coalition, le CELAT (Coalition pour des Elections Libres, Apaisées et Transparentes), s’est engagée tardivement dans la campagne et n’a pas pu réu-nir le pourcentage requis pour bénéficier d’élus au niveau des législatives. Aujourd’hui, nos yeux sont tournés vers les élections de 2015. Je ne puis vous révéler la stratégie que compte utiliser le PMP pour ces élections, mais il en fera surement partie. Sur la scène politique burundaise, le PMP est présent dans toutes les rencontres des partis politiques, il est pré-sent sur le terrain et il compte bien accroitre ses assisses dans la population.

Récemment est apparu sur la scène politique bu-rundaise, le Mouvement National du Burundi. Son Président, Ciramunda Richard-Delvaux, affirme vou-loir le retour de la monarchie ? Que pensez- vous de ce parti politique et de ses nouvelles prétentions roya-listes ? Je ne connais pas le parti politique dont vous me parlez. A ma connaissance, il n’existe pas au Burundi de parti politique de ce nom. Les seuls partis politiques à carac-tère monarchiste qui fonctionnent au Burundi sont le PMP, ABAHUZA et le PRP.

Le Mouvement National du Burundi (MNB-Umuvugizi Umuhari Abiguruburundi) a été créé à Bujumbura en 1990. Dirigé par monsieur Ciramunda Richard-Delvaux depuis le 5 septembre 2010, le Mouvement National Burundais a annoncé vouloir la restauration de la monarchie au Burundi (http://royaume-du-burundi.e-monsite.com/pages/histoire/historique-de-la-lutte-pour-le-retour-a-la-monarchie.html) dans un communiqué le 30 juillet 2012. Il n’existerait au-cune activité politique au Burundi de ce mouvement qui affirme que ses membres sont exilés dans le monde en-tier. Il n’est pas enregistré comme parti au Burundi.

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Les Entretiens GUILLAUME RUZOVIYO

4 LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013

Pensez-vous que la monarchie peut revenir au Burun-di ? L’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi signé en 2000 entre les politiciens burundais dit ceci : « Le statut et le rétablissement de la monarchie fe-ront l’objet d’une décision de l’Assemblée nationale, tout parti militant pacifiquement en faveur de la monarchie a le droit de fonctionner » (Chapitre Premier, Article 2, Point 4). La constitution actuelle, qui doit se conformer à l’Accord d’Arusha, autorise donc l’existence des partis monarchistes. C’est cela l’important. Le reste n’est qu’une question de management. Grâce à l’ouverture créée par l’Accord d’Arusha en 2000, nous avons pu créer des partis monarchistes, ce qui est un pas important. Aujourd’hui, il s’agit alors de travailler, et gagner les Burundais à la cause monarchiste. Nous nous appuyons pour cela sur une base composée de monar-chistes inconditionnels. Ils sont nombreux et répartis dans toutes les ethnies et toutes les couches de la population. Nous nous appuyons aussi sur une mémoire collective qui a gardé de la période des rois l’image d’une société plus juste, une société soudée où les divisions ethniques n’existaient pas, une société où, pour les dirigeants, l’inté-rêt général primait sur l’intérêt personnel et où ils étaient les garants de la sécurité et de l’abondance pour tous.Les thèmes de campagne sont là. Il s’agit alors de trouver les moyens. C’est cet aspect qui est hypothétique.

Excellence, vous avez été nommé Ambassadeur du Burundi en Russie. Aujourd’hui que représente la coo-pération entre vos deux pays ? La coopération entre la Russie et le Burundi est excellente. L’année passée, nous avons fêté le 50ème anniversaire de l’instauration des relations diplomatiques entre le Bu-rundi et la Russie. Les relations entre nos deux pays sont donc relativement vieilles. Elles se sont traduites par des actions diverses et dans des domaines variés. Ainsi par exemple, des centaines de cadres civils et militaires ont été formés en Russie. Aujourd’hui, un flux de plus en plus important de touristes russes se dessine en direction du Burundi. Des hommes d’affaires russes sont en train d’in-vestir au Burundi. Je suis convaincu que dans les années qui viennent, la Russie et le Burundi deviendront des par-tenaires importants. Quelles ont été et sont aujourd’hui les relations entre la République du Burundi et le Royaume de Belgique ? Les relations entre le Burundi et le Royaume de Belgique sont historiques. Elles ont commencé en 1917, après la Première Guerre mondiale, quand la Société Des Nations, l’ancêtre de l’ONU, a confié la tutelle du Burundi à la Bel-gique.Au Burundi, la lutte pour l’indépendance, obtenue le 1er juillet 1962, n’a pas été aussi tumultueuse qu’au Rwanda ou au Congo, où une véritable guerre civile a éclaté.

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5LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013

Même si nous déplorons l’assassinat du charismatique héros de la lutte pour l’indépendance, le Prince Louis Rwagasore, le Burundi a connu une indépendance apai-sée. Cela a certainement eu une influence sur les relations post coloniales entre les deux pays.Aussi bien pendant la période coloniale que post coloniale, la Belgique s’est investie dans beaucoup de projets de dé-veloppement au Burundi, et dans des domaines variés. Certains secteurs comme l’agriculture et les transports ont connu une véritable révolution grâce à la Belgique. D’autres ont eu des résultats mitigés comme le secteur de l’éducation, surtout pendant la période coloniale. Pendant les périodes les plus sombres du Burundi post colonial comme en 1972 ou en 1993, la Belgique s’est toujours sentie interpellée. Aujourd’hui, la Belgique est au côté du Burundi dans ses efforts de réconciliation nationale. La Belgique s’est donc toujours senti une responsabilité his-torique dans le cours de l’histoire du Burundi. Du côté du Burundi, l’image première que les Burundais gardent de la Belgique est celle du colonisateur, c’est-à-dire un donneur d’ordre, qui punit à coups de fouet à la moindre incartade. Le système d’administration indirecte que les Belges ont instauré a fait du roi et des chefs de chefferie des auxiliaires administratifs qui devaient obéir au doigt et à l’œil aux administrateurs belges. Pendant cette période, les relations entre la Belgique et le Burundi sont donc celles de « colonisateur-colonisé », avec tout ce que cela comporte de frustration et de sentiment d’injustice pour les Burundais. Après l’indépendance, les relations entre la Belgique et le Burundi sont devenus beaucoup

plus décomplexées. Ce qui a donné lieu à des ententes négociées entre le deux parties dans tous les domaines, et quelquefois à des mésententes passagères

Pensez-vous qu’une enquête internationale doit être ouverte afin de découvrir la vérité sur l’assassinat du Prince Rwagasore, père de l’indépendance ? Certainement. Je pense que le rôle de la Belgique doit être éclairci. On ne peut pas réduire l’assassinat du prince Louis Rwagasore à une simple lutte fratricide, sans au-cune ingérence extérieure. Cela est impossible. Je pense que la mort de Rwagasore doit être analysée dans l’esprit du temps. Trois leaders charismatiques et nationalistes sont morts presque simultanément dans les trois colo-nies belges : Lumumba au Congo, le roi Rudahigwa au Rwanda, le Prince Rwagasore au Burundi. Est-ce un hasard ? Seule une justice neutre pourra démêler les fils conducteurs de ces actes. La Belgique a reconnu sa responsabilité dans l’assassinat de Lumumba. Cet assas-sinat a-t-il été un acte isolé ou s’inscrit-il dans une ligne plus globale ? C’est à cette question qu’une justice neutre devrait permettre de répondre.

On parle souvent des ethnies Tutsis, Hutus ou Twa mais peu des Ganwas ? Qui sont –ils ? Les Ganwas constituent historiquement une ethnie, au même titre que les Hutus, les Tutsis et les Twas. Aujourd’hui ils ont été rayés de la liste des ethnies existantes au Bu-rundi par la volonté de ceux qui ont renversé le Royaume du Burundi, le 26 novembre 1966. Jusqu’à cette date, en effet, tous les documents, tous les discours, tous les écrits parlaient des quatre ethnies existant au Burundi : les Hutus, le Tutsis, les Twas, les Ganwas. Mais comme ces derniers constituent l’ethnie dans laquelle se trouvaient le roi et la plupart des chefs de chefferie, les tombeurs de la monarchie ont compris que cette ethnie devait être sup-primée du langage écrit et parlé s‘ils voulaient éviter toute chance aux très nombreux monarchistes à cette époque de faire revenir la monarchie au Burundi. Je possède une fiche d’identité de mon père datant de la période coloniale. Sur cette fiche, il est bien mentionné que mon père est de l’ethnie Ganwa. Les Ganwas sont les descendants de Ntare Ier Rushat-si, le roi fondateur du Royaume du Burundi. Ils se sont subdivisés en 4 clans dynastiques, qui alternaient au pou-voir. Dans ces quatre clans, nous retrouvons des sous clans, exactement comme dans les ethnies Hutu, Tutsi et Twa. Pour leur renier leur identité, les pouvoirs qui se sont succédés ont décidé, sans demander aucun avis aux concernés, qu’ils sont Tutsis. En même temps, ils font cou-rir le bruit que les Ganwas sont des Hutus parce que leur ancêtre Ntare Rushatsi serait Hutu. Mais ni l’une ou l’autre hypothèse ne peut être prouvée. Aujourd’hui les Ganwas revendiquent donc que leur ethnie soit reconnue et men-tionnée dans les textes légaux de la République, au même titre que les Hutus, les Tutsis et les Twas.Pour plus d’informations sur cette question, que l’on veuille se référer à un article que j’ai écrit dans votre journal (La réhabilitation des Ganwa au Burundi, La Toile #12, pp.26-33).

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6 LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013

Peut-on dire aujourd’hui que les Burundais se sont ré-conciliés avec leur histoire ? Non, les Burundais ne se sont pas encore réconciliés avec leur histoire. Le contentieux est trop grand entre les deux plus grandes ethnies du Burundi, les Hutus et les Tutsis. Les cycles « attaque/répression, répression/at-taque » ont fait des centaines de milliers de victimes dans les deux camps, emportant au passage des Ganwas et des Twas. On parle même de génocide dans chacun des deux camps. Chacun des deux camps possède donc son interprétation propre de l’histoire du Burundi, et se pose en victime face à l’autre camp.Des actions sont en train d’être faites dans le sens d’écrire une Histoire du Burundi commune à tous les Burundais, avec l’appui de la communauté internationale, dans le cadre de la Commission Vérité-Réconciliation Nationale. Ce ne sera pas facile, mais c’est possible.

Votre Excellence, quel message souhaiteriez-vous adresser aux royalistes Français ? Aux royalistes français je dis : « Tenez bon ! ». Ce n’est pas aisé d’être royaliste dans une société républicaine comme la vôtre, vieille de plus de deux siècles, et qui pré-tend être détentrice de toutes les vertus de la démocratie. Je leur dis aussi : le PMP a besoin de vous ! En ma qua-lité de Président du Parti Monarchiste Parlementaire du Burundi, je les informe que nous sommes sur le terrain aujourd’hui, et que nous travaillons beaucoup. La flamme monarchiste est encore vivace au Burundi. Il s’agit de la ranimer. Il y a quelques années, un Président du Burundi a annoncé à des proches que « tous les Burundais sont mo-narchistes dans l’âme ». C’est vrai. Mais le PMP a besoin de moyens. Nous faisons donc appel à votre solidarité.

La Conférence Monarchiste Internationale vous remer-cie de lui avoir une nouvelle fois accordé un entretien et adresse un message de réconciliation à tous les Burundais.

Relisez le dossier Burundi de La Toilehttp://latoile.monarchiste.com/?collec_100

LIENSBiographie de Guillaume Ruzoviyo http://www.sylmpedia.fr/index.php/Guillaume_Ruzoviyo

Biographie de la Princesse Esther Kamatari http://www.sylmpedia.fr/index.php/Kamatari

Histoire du Parti monarchiste parlementaire du Burundi http://www.sylmpedia.fr/index.php/Parti_monarchiste_parlementaire_du_Burundi

Site officiel du Gouvernement du Burundihttp://www.burundi-gov.bi

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Les EntretiensGUILLAUME RUZOVIYO

7LES ENTRETIENS DE LA CONFERENCE MONARCHISTE INTERNATIONALE - #1 - JUIN 2013

Population : 8 090 068 habitantsLangues : kirundi, kiswahili et françaisRépublique parlementaire

Principaux partis politiques • Union pour le progrès national• Front pour la démocratie du Burundi• Conseil national pour la défense de la démocra-

tie-Forces de défense de la démocratie• Mouvement pour la solidarité et la démocratie Partis royalistes• Abahuza • Parti de la Réconciliation du Peuple• Parti monarchiste parlementaire du Burundi

CHRONOLOGIE DU BURUNDI

Vers 1530: la dynastie Ntare s’impose au Burundi.1890-1916 : colonie allemande.1899 : fondation de Bujumbura.1916-1962 : colonie belge de l’Urundi-Ruanda.13 octobre 1961: élections générales remportées par l’Uprona du Prince Louis Rwagasore. Premier ministre, il est assassiné.23 novembre 1961 : le Burundi devient une monarchie constitutionnelle.1er juillet 1962 : indépendance du Burundi.15 janvier 1965 : assassinat du Premier Ministre Pierre Ngendandumwe.8 juillet 1966 : destitution du Roi Mwambutsa IV, remplacé

par son fils Charles Ntare V.23 novembre 1966 : proclamation de la première répu-blique burundaise suite à un coup d’état. Dictature militaire et interdiction des partis politiques monarchistes. Hégé-monie de l’UPRONA.29 avril 1972 : assassinat du roi Ntare V. Un génocide de 300 000 personnes est organisé.30 juin 1922 : création du Parti Royaliste Parlementaire qui deviendra le Parti de la Réconciliation du Peuple pour se conformer à la constitution qui interdit les mouvements monarchistes.21 octobre 1993 : assassinat du président Ndadaye Melchior (FRODEBU), premier Président élu démocrati-quement le 1er juin de la même année. 6 avril 1994 : assassinat des présidents Cyprien Ntarya-mira du Burundi et Juvénal Habyarimana du Rwanda. Génocide dans toute la région des Grands Lacs.Juillet 1995 à mars 2003 : guerre civile.28 août 2000 : signature de l’Accord de paix d’Arusha fi-nalisé en novembre 2003. Les mouvements monarchistes autorisés. Participation du PRP au gouvernement (Minis-tère des mines) jusqu’en 2002.Juin-juillet 2005: élection générale. Victoire de l’ancienne rébellion du CNDD-FDD du président Pierre Nkurunziza. Participation du mouvement royaliste Abahuza de la Prin-cesse Esther Kamatari.2010 : Pierre Nkurunziza est réélu avec une coalition de plusieurs partis dont le Parti monarchique parlementaire du Burundi.

LE BURUNDI EN BREF...

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Les EntretiensGUILLAUME RUZOVIYOBiographie...Homme politique burundais né en 1956, il a fondé en juin 1992 avec Mathias Hitimana le Parti de la Réconciliation du Peuple avant de créer le 12 janvier 2005 le Parti mo-narchiste parlementaire du Burundi-Abagenderabanga.

Ancien Directeur du Centre Burundais pour l’Étude et l’Animation Culturelle (CEBULAC) fondé par le gouverne-ment burundais en 2007, Guillaume Ruzoviyo collabore également avec l’association des princes burundais, la Fraternité Ishaka.

Lors des élections législatives et présidentielles de 2010, le Parti monarchiste parlementaire du Burundi s’est allié au Conseil National pour la Défense de la Démocra-tie-Forces pour la Défense de la Démocratie (C.N.D.D-F.D.D). Grâce à cette alliance, Guillaume Ruzoviyo a obtenu le poste d’Ambassadeur du Burundi en Russie.

Membre du Conseil d’administration de la Conférence monarchiste internationale, Guillaume Ruzoviyo sou-haite que les meurtriers du Roi Ntare V soient traduits en justice afin que la vérité sur les faits liés à ce meurtre soit connue.

Guillaume Ruzoviyo reconnaît les prétentions au trône de la Princesse Rose Iribagiza Mwambusta.

Membre d’une branche de la famille royale du Burundi, marié à Jeanne Ndabemeye, il a eu 3 enfants.

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Umuganwa mwezi Guillaume RUZOVIYO

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