Les enquêtes de la DGCCRF en matière de pratiques ... · d’officiers de police judiciaire. ......

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112 REVUE LAMY DE LA CONCURRENCE JANVIER/MARS 2008 N 0 14 Droit I Économie I Régulation La détection d’indices de pratiques an- ticoncurrentielles repose essentiellement sur l’action des agents des unités dépar- tementales, appuyés par les enquêteurs plus spécialisés répartis dans huit Bri- gades interrégionales d’enquêtes de concurrence (BIEC). L’analyse de l’in- dice permettra ainsi d’ouvrir une enquête de concurrence. Au-delà de cette veille concurrentielle qui n’exclut aucun domaine d’activité, le ciblage des enquêtes s’opère de pré- férence vers les secteurs qui représen- tent un enjeu économique majeur et vers ceux qui se caractérisent par une fai- blesse structurelle de la concurrence ou par des dysfonctionnements concurren- tiels récurrents. L’enquête a pour but de rétablir le libre jeu de la concurrence, en apportant les éléments de preuve nécessaires pour en- visager un rappel de réglementation par la DGCCRF, une saisine du Conseil, ou éventuellement une transmission au Pro- cureur de la République si des éléments suffisants de l’implication de personnes physiques dans la conception et/ou la participation aux pratiques sont réunis. Ces enquêtes sont effectuées par une BIEC, ou, lorsque la pratique suppose des investigations nationales, ou que les entreprises sont d’envergure nationale ou internationale, par la Direction Na- tionale des Enquêtes de Concurrence, de Consommation et de Répression des Fraudes (DNECCRF). Les enquêtes mettent en œuvre des moyens d’investigation prévus par le Code de commerce (visite des entreprises, prise de copie de documents, recueil des déclarations des responsables), le cas échéant par le biais d’opérations de vi- site et de saisie de documents après au- torisation judiciaire. La spécialité de la mission concurrence confiée par la loi à la DGCCRF se traduit par la possibilité de mettre en œuvre des pouvoirs d’enquête limités à ces do- maines. Il s’agit là de la stricte applica- tion des dispositions de l’article 28 du Code de procédure pénale qui prévoient que des fonctionnaires peuvent être char- gés de fonctions de police judiciaire, même si ces agents n’ont pas la qualité d’officiers de police judiciaire. « Des fonctionnaires et agents des admi- nistrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pou- voirs de police judiciaire exercent ces pou- voirs dans les conditions et dans les li- mites fixées par ces lois ». Ainsi, toutes les investigations se dérou- lent dans le respect des règles de procé- dure pénale fixées par ces textes. De plus, les actes d’enquête se traduisant par la rédaction de procès-verbaux sont de ce fait interruptifs de la prescription de l’ac- tion publique. Les enquêtes diligentées pour la recherche et la constatation des infractions aux ar- ticles L. 420-1 à 6 du Code de commerce sont effectuées sur le fondement des pouvoirs prévus aux articles L. 450-1 à L. 450-8 et R. 450-1 et R. 450-2 du Code précité. Deux types d’enquête sont utilisés par la DGCCRF dont la différence résulte des modalités d’investigations plus ou moins étendues qui seront utilisées. Aux termes de l’article L. 450-1 alinéa 1, « des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l’économie peu- vent procéder aux enquêtes nécessaires à l’application des dispositions du présent livre ». Les enquêteurs habilités à mettre en œuvre les pouvoirs des articles L. 450-1 à L. 450-4 font partie de ceux visés à l’ar- ticle 28 du Code de procédure pénale. Concernant plus spécifiquement les opé- rations de visite et saisie prévues à l’ar- ticle L. 450-4, un arrêté du 22 janvier 1993 habilite les fonctionnaires de ca- tégorie A, placés sous l’autorité du di- recteur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à procéder à ces opéra- tions. Lors de celles-ci, ils peuvent être assistés par un ou plusieurs fonction- naires de catégorie B. Ainsi, seuls les fonctionnaires de catégorie B agissant dans la cadre des pouvoirs de l’article L. 450-4 du Code de commerce doivent être nominativement désignés par un arrêté ministériel pour pouvoir mettre en œuvre les pouvoirs de l’article L. 450- 4 dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de catégorie A (Arr. 11 mars 1993, modifié par arr. 8 juin 2007, JO 4 juill.). Le pré- sident du TGI de Versailles a ainsi re- 1029 Par André MARIE, Directeur Départemental, Chef du bureau B1 de la DGCCRF chargé des pratiques anticoncurrentielles Les enquêtes de la DGCCRF en matière de pratiques anticoncurrentielles La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) est d’abord et avant tout une Direction d’enquêtes, et l’essentiel de ses effectifs est composé d’enquêteurs présents au quotidien sur le terrain. Contrairement à une idée reçue, les interventions ne sont pas uniquement guidées par des dénonciations, des plaintes ou des demandes du Conseil de la concurrence, lui-même saisi par une entreprise ou s’étant auto-saisi. Ce sont les enquêtes sectorielles et la présence de la DGCCRF au cœur de la vie économique sur l’ensemble du territoire qui permettent de repérer les dysfonctionnements de la concurrence. Grâce à son expérience sur le terrain, André Marie, Directeur départemental et chef du bureau B1 de la DGCCRF chargé des pratiques anticoncurrentielles nous propose un tour d’horizon complet mais aussi très pratique sur les pouvoirs d’enquête de la DGCCRF en matière de concurrence. RLC RLC14_P112_P128_MARIE 11/01/08 10:21 Page 112

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La détection d’indices de pratiques an-ticoncurrentielles repose essentiellementsur l’action des agents des unités dépar-tementales, appuyés par les enquêteursplus spécialisés répartis dans huit Bri-gades interrégionales d’enquêtes deconcurrence (BIEC). L’analyse de l’in-dice permettra ainsi d’ouvrir une enquêtede concurrence.Au-delà de cette veille concurrentiellequi n’exclut aucun domaine d’activité,le ciblage des enquêtes s’opère de pré-férence vers les secteurs qui représen-tent un enjeu économique majeur et versceux qui se caractérisent par une fai-blesse structurelle de la concurrence oupar des dysfonctionnements concurren-tiels récurrents.L’enquête a pour but de rétablir le librejeu de la concurrence, en apportant leséléments de preuve nécessaires pour en-visager un rappel de réglementation parla DGCCRF, une saisine du Conseil, ouéventuellement une transmission au Pro-cureur de la République si des élémentssuffisants de l’implication de personnesphysiques dans la conception et/ou laparticipation aux pratiques sont réunis.Ces enquêtes sont effectuées par uneBIEC, ou, lorsque la pratique supposedes investigations nationales, ou que lesentreprises sont d’envergure nationale

ou internationale, par la Direction Na-tionale des Enquêtes de Concurrence, deConsommation et de Répression desFraudes (DNECCRF).Les enquêtes mettent en œuvre desmoyens d’investigation prévus par leCode de commerce (visite des entreprises,prise de copie de documents, recueil desdéclarations des responsables), le caséchéant par le biais d’opérations de vi-site et de saisie de documents après au-torisation judiciaire.La spécialité de la mission concurrenceconfiée par la loi à la DGCCRF se traduitpar la possibilité de mettre en œuvre despouvoirs d’enquête limités à ces do-maines. Il s’agit là de la stricte applica-tion des dispositions de l’article 28 duCode de procédure pénale qui prévoientque des fonctionnaires peuvent être char-gés de fonctions de police judiciaire,même si ces agents n’ont pas la qualitéd’officiers de police judiciaire.« Des fonctionnaires et agents des admi-nistrations et services publics auxquelsdes lois spéciales attribuent certains pou-voirs de police judiciaire exercent ces pou-voirs dans les conditions et dans les li-mites fixées par ces lois ».Ainsi, toutes les investigations se dérou-lent dans le respect des règles de procé-dure pénale fixées par ces textes. De plus,les actes d’enquête se traduisant par larédaction de procès-verbaux sont de cefait interruptifs de la prescription de l’ac-tion publique.Les enquêtes diligentées pour la rechercheet la constatation des infractions aux ar-ticles L. 420-1 à 6 du Code de commerce

sont effectuées sur le fondement despouvoirs prévus aux articles L. 450-1 àL. 450-8 et R. 450-1 et R. 450-2 du Codeprécité.Deux types d’enquête sont utilisés parla DGCCRF dont la différence résulte desmodalités d’investigations plus ou moinsétendues qui seront utilisées.Aux termes de l’article L. 450-1 alinéa 1,« des fonctionnaires habilités à cet effetpar le ministre chargé de l’économie peu-vent procéder aux enquêtes nécessaires àl’application des dispositions du présentlivre ».Les enquêteurs habilités à mettre enœuvre les pouvoirs des articles L. 450-1à L. 450-4 font partie de ceux visés à l’ar-ticle 28 du Code de procédure pénale.Concernant plus spécifiquement les opé-rations de visite et saisie prévues à l’ar-ticle L. 450-4, un arrêté du 22 janvier1993 habilite les fonctionnaires de ca-tégorie A, placés sous l’autorité du di-recteur général de la concurrence, dela consommation et de la répressiondes fraudes, à procéder à ces opéra-tions. Lors de celles-ci, ils peuvent êtreassistés par un ou plusieurs fonction-naires de catégorie B. Ainsi, seuls lesfonctionnaires de catégorie B agissantdans la cadre des pouvoirs de l’articleL. 450-4 du Code de commerce doiventêtre nominativement désignés par unarrêté ministériel pour pouvoir mettreen œuvre les pouvoirs de l’article L. 450-4 dans les mêmes conditions que lesfonctionnaires de catégorie A (Arr. 11 mars1993, modifié par arr. 8 juin 2007, JO 4 juill.). Le pré-sident du TGI de Versailles a ainsi re-

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Par André MARIE,Directeur Départemental, Chef du bureau B1 de la DGCCRF chargé des pratiques anticoncurrentielles

Les enquêtes de la DGCCRF en matière de pratiques

anticoncurrentielles

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) est d’abordet avant tout une Direction d’enquêtes, et l’essentiel de ses effectifs est composé d’enquêteurs présents au quotidien

sur le terrain. Contrairement à une idée reçue, les interventions ne sont pas uniquement guidéespar des dénonciations, des plaintes ou des demandes du Conseil de la concurrence, lui-même saisi par une entreprise

ou s’étant auto-saisi. Ce sont les enquêtes sectorielles et la présence de la DGCCRF au cœur de la vie économiquesur l’ensemble du territoire qui permettent de repérer les dysfonctionnements de la concurrence.

Grâce à son expérience sur le terrain, André Marie, Directeur départemental et chef du bureau B1de la DGCCRF chargé des pratiques anticoncurrentielles nous propose un tour d’horizon complet

mais aussi très pratique sur les pouvoirs d’enquête de la DGCCRF en matière de concurrence.

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jeté la demande de nullité d’un procès-verbal de visite et de saisie au motifque les enquêteurs n’avaient pas justi-fié de leur habilitation : « Attendu, enl'espèce et ainsi qu'il résulte du procès-verbal de notification et du procès-verbalde visite et de saisie dressés le 14 avril2005 et remis en copie le même jour àMonsieur X., que les enquêteurs n'ontpas manqué, d'une part, de faire état deleur qualité d'inspecteur des services dé-concentrés de la DGCCRF et d'en justifier,étant précisé que tous les inspecteurs decette direction générale sont statutaire-ment des cadres de catégorie A, d'autrepart, de mentionner leur habilitation àprocéder aux visites et saisies nécessairesà l'application de l'article L. 450-4 duCode de commerce par l'article L. 450-1de ce même code et des arrêtés des 22 jan-vier et 11 mars 1993 » (TGI Versailles 29 juill.2005, Mobilitas, inédit).Le Conseil de la concurrence s’est pro-noncé dans le même sens (Cons. conc., déc.n° 07-D-16, 9 mai 2007, Marchés de la collecte et de lacommercialisation des céréales, RLC 2007/12, n° 819).Dès lors qu’ils sont régulièrement saisis,les fonctionnaires ainsi habilités peuventexercer leurs pouvoirs d’enquête sur toutel’étendue du territoire national (C. com.,art. L. 450-1 al 5 ; cf. Cons. conc., déc. n° 07-D-16, 9 mai2007, préc.).Enfin, peuvent recevoir des commissionsrogatoires de la part des juges d’instruc-tion les fonctionnaires de catégorie A spé-cialement habilités à cet effet par le gardedes sceaux, sur proposition du ministrechargé de l’économie (Arr. 2 mars 2005,JO 30 mars).Les pouvoirs d’enquête des agents habi-lités sont définis aux articles L. 450-3 etL. 450-4. L’article L. 450-3 reconnaît auxenquêteurs le droit de procéder eux-mêmeset sans autorisation judiciaire à certainesopérations de contrôle non coercitives (I).L’article L. 450-4 réglemente les investi-gations accompagnées de moyens coer-citifs qui ne peuvent être effectuées quesous de strictes conditions (II).La DGCCRF a toute latitude dans lamise en œuvre de ces pouvoirs. Ellepeut démarrer une enquête indifférem-ment en usant des pouvoirs de l’articleL. 450-3 ou L. 450-4 si le juge l’a au-torisé à le faire. Il s’agit d’un choix dis-crétionnaire de l’Administration. Natu-rellement la réalisation d’une partiedes investigations avec les pouvoirs del’article L. 450-3 ne ferme pas la voiede l’article L. 450-4 pour poursuivrel’enquête (Cass. com., 1er juin 1999, n° 98-30.010,n° 98-30.145 et n° 98-30.016 ; Cass. crim., 6 oct. 2004,n° 03-85.707, aff. « Le Galec »).Suivant un raisonnement parallèle, lachambre criminelle de la Cour de cassa-

tion n’exige pas une enquête préalablepour mettre en œuvre les pouvoirs coer-citifs de l’article L. 450-4 (Cass. crim., 2 avr.2003, n° 00-30.212, RLC 2005/4, n° 300, obs. Marie A.; Cass.crim., 10 sept. 2003, n° 02-81.419, D).Bien évidemment, l’enquête ne setermine pas le lendemain des opéra-tions de visites et de saisie. Les piècesrecueillies à cette occasion seront ex-ploitées, recoupées et des explica-tions seront éventuellement deman-dées aux entreprises concernées,ainsi d’ailleurs que de nouveaux do-cuments dans le cadre des pouvoirsde l’article L. 450-3 (Cons. conc., déc. n° 06-D-15, 14 juin 2006, Pose et de l’entretien des voies dechemin de fer).

I. – POUVOIRS D’INVESTIGATIONSCLASSIQUES OU ORDINAIRES (C. COM., ART. L. 450-3)Les dispositions de l’article L. 450-3 duCode de commerce définissent précisé-ment quatre types de moyens d’investi-gations pour permettre aux agents de laDGCCRF d’accomplir leurs missions.Ceux-ci sont déclinés en autant de droitspouvant conduire les agents à relever unprocès-verbal d’opposition à fonctionsen cas d’obstacle à leur exercice par l’en-treprise.Il s’agit du droit d’accès à l’entreprise, dudroit d’obtenir la communication de do-cuments professionnels, du droit deprendre copie de ces documents et dudroit de recueillir renseignement et justi-fication auprès de l’entreprise concernée.On a vu que la DGCCRF avait toute ini-tiative pour déclencher une enquête etqu’elle n’agissait pas uniquement surplainte ou dénonciation ou saisine duConseil de la concurrence. Le juge a no-tamment admis que la DGCCRF pouvait« procéder à un contrôle sur la foi de ren-seignements anonymes […], dès lorsqu’en s’y décidant, elle use de son pou-voir propre d’appréciation quant au cré-dit qu’elle entend accorder à ces rensei-gnements, et que le contrôle est opérédans le respect des procédures et des droitsde la défense » (CA Bordeaux, 29 nov. 1991).La Cour de cassation a estimé que les dis-positions de l’article L. 450-3 qui permet-tent aux enquêteurs de recueillir des ren-seignements d’ordre factuel auprèsd’entreprises soupçonnées de pratiquesanticoncurrentielles, ne sont contrairesni à l’article 14.3 du Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques, ni àl’article 6 de la Convention européennedes droits de l’homme (Cass. crim., 14 nov. 2000n° 00-81.084). Le Conseil de la concurrencea quant à lui précisé que ces mêmes dis-positions étaient compatibles avec celles

de l’article 8 de la Convention européennede sauvegarde des droits de l’homme etdes libertés fondamentales (Cons. conc., déc.n° 00-D-08, 4 avr. 2000, Peintures pour carrosserie de la so-ciété Du Pont de Nemours, BOCCRF 23 mai, p. 285).

A. – Accès aux locaux de l’entreprise

L’article L. 450.3 du Code de commerceprécise que « les enquêteurs peuvent ac-céder à tous locaux, terrains ou moyensde transports à usage professionnel ».

1) Identification de l’enquêteur

En l’absence de dispositions du Code decommerce, les heures d’intervention sontcelles au cours desquelles s’exerce l’ac-tivité professionnelle. Lors de l’entréedans les lieux, les enquêteurs présententleur carte professionnelle. Mais ils nesont pas tenus de produire une habilita-tion nominative individuelle pour effec-tuer leurs investigations (Cons. conc., déc. n° 03-D-54, 28 nov. 2003, Marché des énergies renouvelables,BOCCRF 13 févr. 2004, p. 42, Recueil Lamy, n° 932, comm.Sélinsky V.; Cons. conc., déc. n° 06-D-04, 13 mars 2006, Sec-teur de la parfumerie de luxe, RLC 2006/8, n° 557, obs.M.D.) ou un mandat précis (Cons. conc., déc.n° 00-D-08, 4 avr. 2000, préc.). La Cour d’appelde Grenoble a considéré que constituaitle délit d’opposition à fonction le faitpour l’entreprise d’exiger des enquêteurs,la signature d’un registre, le port d’unbadge, le dépôt de la carte de l’enquê-teur, pour accéder à des établissementsqui n’étaient pas une « base militaire ounucléaire » (CA Grenoble, 17 nov. 1988).Concernant par ailleurs la durée des in-terventions, et en l’absence d’indicationdes textes, la Cour d’appel de Paris a va-lidé des interventions qui avaient duré,à trois reprises, plus de 6 heures, en es-timant que « la durée des opérations deremise indiquée dans les procès-verbaux,n’apparaît nullement excessive comptetenu du nombre de pièces communiquéeset de la nécessité d’en prendre connais-sance, ne serait-ce que de façon approxi-mative, et de les photocopier avant de lesappréhender » (CA Paris, 27 oct. 1998, pompes fu-nèbres à Gonesse, BOCCRF 20 nov., p. 647, puis rejet du pour-voi par Cass. com., 9 mai 2001, no98-22.150, Bull. civ., n° 85).

2) Indication de l’objet de l’enquête

Cette information de la personne concer-née par les investigations sur l’objet del’enquête ne résulte pas des dispositionsdu Code de commerce. Ce principe figureà l’article 14 du pacte de New-York quiprécise que « Toute personne accusée d’uneinfraction pénale a le droit en pleine éga-lité, au moins aux garanties suivantes :à ne pas être forcée de témoigner contreelle-même ou de s’avouer coupable ».Ainsi, la Cour d’appel de Paris a été >

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conduite, sur ce fondement, à annulerdes procès-verbaux mentionnant que lecontrôle portait sur l’évolution des prixdes carburants, alors que ces procès-ver-baux avaient par la suite été utilisés pourcaractériser une entente (CA Paris, 8 avr. 1994,distribution des carburants dans le département d’Eure etLoire, BOCCRF 18 mai 1994, p. 175).Au début de son intervention, l’enquê-teur doit donc indiquer à la personnecontrôlée dans quel domaine il effectueses recherches. La loyauté dans la re-cherche de la preuve est suffisammentassurée si l’enquêteur informe son inter-locuteur que les investigations qu’il en-treprend concernent le respect par l’en-treprise des règles garantissant unfonctionnement loyal de la concurrence.On comprend bien que les conseils desentreprises souhaiteraient que les enquê-teurs indiquent très précisément le contraten cause ou la pratique spécialement vi-sée pour disposer de moyens de nullitéplus larges. Mais, une enquête de concur-rence annoncée comme telle doit être suf-fisamment large pour appréhender toutesles pratiques illicites relevant de la concur-rence, qu’il s’agisse de pratiques viséesaux article L. 420-1 à 6 du Code de com-merce ou des autres pratiques illicites dulivre IV du Code de commerce sanction-nées pénalement (facturation, revente àperte, prix minimum imposé, conditionsgénérales de vente, délais de paiement…)ou civilement (C. com., art. L. 442-6).La Cour de cassation et la Cour d’appelde Paris ont ainsi estimé que l’enquêteurn’avait pas l’obligation de délimiter pré-cisément le marché sur lequel porteraitl’enquête « la qualification du marché re-levant des pouvoirs du conseil et, en casde recours, de la cour » (CA Paris, 16 déc. 1994,Kangourou Déménagements e.a, BOCCRF 28 déc. 1994,p. 591; CA Paris, 14 avr.1995, SA Martinken e.a., BOCCRF18 mai 1995, p. 160; Cass. com., 21 mars 2000, no 98-11.957,Bull. civ. IV, no 63).Cette position est logique et s’inscrit éga-lement dans la droite ligne de l’arrêt dela chambre commerciale de la Cour decassation estimant qu’aucune dispositionlégislative ou réglementaire n’impose àl’administration de justifier des motifspour lesquels elle procède à une enquêtesur le fondement de l’article L. 450-3 duCode de commerce (Cass. com., 4 févr. 1997, n° 95-10.486, Bull. civ. IV, no 40, BOCCRF 25 mars 1997, p. 184).Elle confirme l’arrêt de la Cour d’appel deParis du 16 décembre 1994 qui avait pré-cisé que « n’ont pas à être produites lesnotes internes éventuellement échangéesentre ses services extérieurs et sa directiongénérale préalablement au déclenchementde l’enquête » (CA Paris, 16 déc. 1994, préc.).C’est ainsi que les agents de la DGCCRFont un large pouvoir d’initiative pour re-

chercher des indices de pratiques anti-concurrentielles à l’occasion de leuractivité habituelle, sans s’appuyer obli-gatoirement sur une demande d’enquêtespécifique prescrite par l’administrationcentrale de la DGCCRF. Le Conseil de laconcurrence a ainsi pu légitimement va-lider de telles investigations qui consti-tuaient le préalable indispensable au dé-clenchement d’une enquête spécifique(Cons. conc., déc. n° 07-D-29, 26 sept. 2007, Marchés detravaux électriques au château de Versailles : après avoir étéalertés par le directeur de l’établissement sur le comporte-ment de deux sociétés à l’occasion d’un appel d’offres, laDGCCRF lui avait demandé de lui adresser des documentsrelatifs à ces marchés ; l’enquête de concurrence ayant étéouverte postérieurement, les documents reçus montrant desprésomptions de pratiques anticoncurrentielles).De plus, la Cour de cassation a déjà ad-mis que cette indication en début d’in-

tervention n’interdisait pas à l’enquê-teur de modifier par la suite l’orienta-tion de l’enquête à condition d’en in-former la personne contrôlée (Cass. crim.,18 déc. 2001, n° 01-80.576, D). Dans cette affaireles agents de la DGCCRF réalisaient uncontrôle sur la qualité des essences decitron mises sur le marché par l’entre-prise, ont constaté des indices de contre-façon. Ils ont alors donné une nouvelleorientation à leur enquête et dressé unprocès-verbal pour délit de contrefçon.Cette manière d’opérer a été validée parla Cour de cassation (cf. encadré).

3) Modalités d’accès aux locaux

Les enquêteurs ne sont pas tenus deprendre un rendez-vous préalable à leursinterventions dans l’entreprise. L’inter-vention peut être inopinée (Cons. conc., déc.

LES ENQUÊTES DE LA DGCCRF EN MATIÈRE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

« Aucune des dispositions viséesaux moyens n’impose aux

enquêteurs de mentionner expressément à peine de nullité des procès-verbaux qu’ilsétablissent qu’ils ont fait connaître aux personnes entendues l’objet de leursinvestigations » (Cass. crim., 25 janv. 2001 n° 99-30.077, D ; Cass. crim., 6 mai 2002, n° 02-81.130, D,

rendu en matière de répression des fraudes mais parfaitement transposable).Sur la rédaction des procès-verbaux, la Cour de cassation a désormais une positionclairement affirmée depuis 2001, en dépit de multiples recours encore introduits surcette question. Elle considère, à juste titre, que l’indication de la mention de l’objetde l’enquête résultant de la mention pré-imprimée figurant dans les procès-verbaux« avons indiqué l’objet de notre enquête », sans qu’il y ait lieu de décrire cet objet,constitue la preuve que cet objet a bien été précisé à l’entreprise. Ce qui esteffectivement une réalité sur le terrain. Les enquêteurs, respectueux du principe deloyauté, n’ont nul besoin de ce type de stratagème pour conduire efficacement leursenquêtes. D’ailleurs, dans l’affaire des carburants de l’Eure (Cons. conc., déc. no 93-D-24,

15 juin 1993, Secteur de la distribution des carburants dans le département d’Eure-et-Loir, Recueil Lamy,

no 539), ce n’est pas la déloyauté, mais bien au contraire le souci d’être transparentavec l’entreprise, qui avait conduit aux précisions en cause qui, en définitive, ontprovoqué la nullité du procès-verbal. En effet, les enquêteurs contrôlaientl’application du décret du 8 août 1990 fixant des prix maximums de l’essence aprèsla crise du golfe persique auprès des entreprises distributrices de carburant et enavaient informés celles-ci oralement et par une mention sur les procès-verbauxd’audition. Ils constatèrent par suite et avec les recoupements nécessaires, que cesentreprises avaient noués des accords anticoncurrentiels, mais n’eurent pas le réflexede réorienter l’enquête en ce sens.Cette position est affirmée depuis avec constance par la Cour d’appel de Paris et leConseil de la concurrence (Cons. conc., déc. n° 03-D-40, 5 sept. 2003, Secteur des batteries

industrielles, Recueil Lamy, no 927, obs. Sélinsky V. ; Cons. conc., déc. n° 03-D-46, 30 sept. 2003, transport

des élèves dans le département des Alpes Maritimes, BOCCRF 17 déc., p. 1008, confirmé par CA Paris,

30 mars 2004 ; Cons. conc., déc. n° 04-D-07, 11 mars 2004, Boulangeries dans le département de la Marne,

Recueil Lamy, no 943, comm. Bouloc B., confirmée par CA Paris 26 oct. 2004 ; Cons. conc., déc. n° 04-D-15,

28 avr. 2004, Secteur des revêtements synthétiques pour sols sportifs, BOCCRF 6 sept., Rapp. Cons. conc.

pour 2004, p. 177 ; Cons. conc., déc. n° 04-D-49, 28 oct. 2004, Secteur de l’insémination artificielle bovine ;

Cons. conc., déc. n° 04-D-74, 21 déc. 2004, Marché des liaisons maritimes entre la France et les îles anglo-

normandes ; Cons. conc., déc. n° 05-D-51, 21 sept. 2005, Marché de travaux pour la construction d’un

hémicycle et de bureaux pour le Parlement Européen de Strasbourg ; Cons. conc., déc. n° 05-D-63, 17 nov.

2005, Secteur du traitement du courrier ; Cons. conc., déc. n° 06-D-03 bis, 9 mars 2006, Secteur des

appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation, RLC 2006/8, n° 547, obs. Sélinsky V. ;

Cons. conc., déc. n° 06-D-04 bis, 13 mars 2006, préc.). Il appartient donc à la personne concernée par

l’enquête de démontrer qu’elle a été trompée sur l’objet de l’enquête (Cass. com., 20 nov. 2001,

n° 99-16.776, Bull. civ., IV, n° 182).

« Avons indiqué l’objetde notre enquête »

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n° 95-D-83, 12 déc. 1995, Marchés publics relatifs à la res-tauration des murailles du fort Saint-Louis à Fort de FranceMartinique).De même, l’intervention peut être effec-tuée simultanément dans les locaux deplusieurs entreprises (Cons. conc., déc. n° 98-D-33, 3 juin 1998, Marchés publics de voirie et réseaux dansle département de l’Hérault).Les enquêteurs ne sont pas cantonnésà un bureau ou à une salle de réunion.Ils ont un accès libre à tous les locauxde l’entreprise et donc à ses différentsservices.

B. – Communication de documentsprofessionnels

L’article L. 450-3 précise que « les enquê-teurs peuvent demander la communica-tion des livres, factures et tous autres do-cuments professionnels et en obtenir ouen prendre copie par tous moyens et surtout support ».L’enquêteur peut donc consulter des do-cuments professionnels, notion qui re-couvre à la fois l’ensemble des documentsdont un texte rend la détention obliga-toire par les entreprises (droit fiscal, droitcommercial, droit social, etc.) ainsi quetoute documentation liée au fonctionne-ment de l’entreprises (dossiers clients,correspondances professionnelles, contratscommerciaux, conditions de vente, circu-laires, agendas professionnels rapports dereprésentants, comptes rendus de ré-unions, notes internes, etc.).La communication de documents peutêtre obtenue dans l’entreprise auprès den’importe quel salarié en l’absence desdirigeants ou d’une personne pouvantengager l’entreprise et « l’exercice par lesenquêteurs de leur droit de communica-tion n’est en aucun cas subordonné à laprésence d’une personne ayant pouvoirde diriger, de gérer ou même d’engager àtitre habituel ladite entreprise » (CA Paris,13 déc. 2005, Stés Appia Revillon et Roger Martin).La DGCCRF n’a naturellement pas à fairela preuve de la détention des documentsdont la tenue et la conservation est im-posée par un texte, à la condition bienentendu que la communication en soitdemandée au cours de la période de leurconservation obligatoire. La preuve dela non-détention légitime est dans ce casà la charge de l’intéressé.En revanche pour les documents dont ladétention n’est pas prévue par la loi, l’en-quêteur peut demander la communica-tion de ceux dont il sait que l’entrepriseles établit ou les détient et qui sont doncconnus et identifiables (CA Paris, 9 sept. 1997,sociétés Simat et Carayon, BOCCRF 7 oct. 1997, p. 695).Au regard de l’article L. 450-3 du Codede commerce, « la demande de commu-nication de documents formulée par les

enquêteurs ne peut être imprécise et gé-nérale mais doit porter sur des documentsdont ils connaissent l’existence et qu’ilssont en mesure d’identifier » (CA Paris, 16 déc.1994, Kangourou Déménagement e.a, BOCCRF 28 déc. 1994,p. 591). Ainsi, la Cour de cassation a puapprouver la décision d’une cour d’ap-pel, qui, après avoir constaté que les en-quêteurs avaient demandé la communi-cation de pièces et documents relatifsaux études et devis effectués au cours dedeux années déterminées, a énoncé que« cette demande n’était ni générale ni im-précise dès lors qu’elle identifiait les do-cuments, devis et études de déménage-ments, ainsi que la période de leurétablissement » (Cass. com., 4 févr. 1997, n° 95-10486, BOCCRF 25 mars 1997 p. 184).De même, la Cour d’appel de Paris apu valider la communication de cas-settes audio qui avaient servies à enre-gistrer les intervenants à une assem-

blée générale et qui ont été écoutées etretranscrites sur procès-verbal en pré-sence du dirigeant de l’entreprise (CAParis, 1re ch., sect. H, 26 oct. 2004, n° 04/07315, boulan-gerie dans le département de la Marne, RLC 2005/2, n° 151,obs. Cheynel B., confirme Cons. conc., déc. n° 04-D-07,11 mars 2004, Secteur de la boulangerie dans le départe-ment de la Marne, BOCCRF 4 mai 2004, p. 412). Envertu de l’article L. 450-7, les enquê-teurs peuvent accéder à tout documentou élément d’information détenu parles services et établissements de l’Étatet des autres collectivités publiques sansque l’on puisse leur opposer le secretprofessionnel.Ce droit de communication peut êtreexercé non seulement auprès de la per-sonne qui fait l’objet de la vérificationmais aussi auprès de tous professionnelsqui détiendraient des documents utilesà l’enquête.

C. – Prise de copie de documentsL’article L. 450-3 précise que « les en-quêteurs peuvent […] demander la com-munication des livres, factures et tousautres documents professionnels et enobtenir ou prendre copie par tous moyens

et sur tous supports ». « L’indication qu’ila été demandé communication des piècesainsi que le font apparaître les procès-verbaux établis par les enquêteurs aucours de leurs interventions, les docu-ments recueillis lors de ces investigationsn’ont pas été saisis mais communiquéssur la demande des enquêteurs par lesresponsables des entreprises concernées »(Cons. conc., déc. n° 95-D-83, 12 déc. 1995, Marchés pu-blics relatifs à la restauration des murailles du fort SaintLouis en Martinique).Les pièces ainsi obtenues en copie doi-vent être recueillies par procès-verbalafin de justifier l’origine licite de cettecommunication et de « permettre decontrôler que les enquêteurs n’ont pas ex-cédé les limites de l’article L. 450-3 sus-visé » (Cons. conc., déc. n° 05-D-32, 22 juin 2005, Pra-tiques mises en œuvre par la société Royal Canin et sonréseau de distribution).En revanche, la rédaction d’un procès-verbal n’est pas obligatoire, et la commu-nication peut donc être obtenue sansforme particulière, lorsque des pièces sontobtenues des services et établissementsde l’État et des collectivités locales envertu des dispositions de l’article L. 450-7 du Code de commerce (Cass. com., 26 janv.1999, n° 97-30.113, D; Cons. conc., déc. n° 00-D-59, 6 déc.2000, Secteur des pompes funèbres dans le département dela Seine-Maritime).De même, l’article L. 450-7 du Code decommerce n’interdit pas aux services etétablissements de l’État et des collectivi-tés locales de communiquer spontané-ment à la DGCCRF tous documents sus-ceptibles d’intéresser celle-ci (Cons. conc., déc.n° 07-D-29, 26 sept. 2007, Marchés de travaux électriques auChâteau de Versailles ; il s’agissait, en l’espèce, de pièces re-latives à des appels d’offres dont l’établissement public esti-mait qu’elles pouvaient révéler une entente).

D. – Recueil de renseignements et justifications

L’article L. 450-3 dispose que « les en-quêteurs peuvent recueillir, sur convoca-tion ou sur place, les renseignements etjustifications ».

1) Sur le fond

Les dispositions des textes laissent toutelatitude aux enquêteurs de la DGCCRFpour entendre les professionnels des en-treprises et confronter les responsablesdes entreprises avec les auteurs de décla-rations qui les mettent en cause. Cela étant,cette disposition ne constitue pas une obli-gation pour la DGCCRF qui n’est tenue,si elle y procède, ni d’entendre toutes lesentreprises visées, ni de confronter les en-treprises avec les déclarations de personnesqui les mettent en cause, ni d’entendreplusieurs fois les mêmes entreprises, nide veiller à la parfaite représentativité des >

Les enquêtes de concurrenceEnquêtes

Les enquêteurs peuventaccéder à tout document

ou élémentd’information détenu

par les services etétablissements de l’État

et des autres collectivitéspubliques sans que l’onpuisse leur opposer lesecret professionnel.

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entreprises du secteur faisant l’objet desinvestigations (« les enquêteurs, dont les investigationsportaient sur une pratique affectant le fonctionnement d’unmarché, n’étaient pas tenus d’entendre chacun des chirurgiensconcernés » : CA Paris, 15 avr. 1992, Asseco-Cfdt, BOCCRF30 avr. 1992, p. 156). Ainsi, « les règles de l’en-quête définies par [le Code de commerce]précité ne font pas obligation aux enquê-teurs qui réalisent les investigations d’in-terroger plusieurs fois les personnes qu’ilsont entendues, ni, au demeurant, de lesconfronter avec les auteurs des déclara-tions les mettant en cause ou de recueillirleurs observations sur les pièces appréhen-dées chez des tiers » (CA Paris, 26 janv. 1999, Bianco et Arbex, BOCCRF 16 févr 1999; cf., également, CA Paris16 déc. 1994, préc.).Cette position a été régulièrement confir-mée tant par la Cour d’appel de Paris quepar le Conseil de la concurrence (CA Paris,14 janv. 2003, no 00-16.962, Bull. civ. IV, no 7, BOCCRF27 févr. 2003; Cons. conc., déc. n° 04-D-49 28 oct. 2004,Secteur de l’insémination artificielle bovine, BOCCRF 21 janv.2005, p. 77; Cons. conc., déc. n° 05-D-66, 5 déc. 2005, Sec-teur des produits électroniques grand public, RLC 2006/6,n° 488, obs. Sélinsky V.).De même, la représentativité des per-sonnes entendues lors de l’enquête a puêtre contestée, l’entreprise estimant quela DGCCRF n’avait procédé à l’auditionque d’un faible nombre de personnes in-tervenant dans le secteur. Le Conseil aété amené à préciser que cette manièrede procéder ne pouvait provoquer la nul-lité des auditions recueillies.« Si les allégations touchant à la fiabilitéde certaines des affirmations du rapportd’enquête peuvent être opérantes pourcontester le bienfondé des griefs notifiés,elles n’ont en revanche pas d’incidencesur la régularité de la procédure » (Cons.conc., déc. n° 04-D-49, 28 oct. 2004, Secteur de l’insémina-tion artificielle bovine, préc.).

2) Présence de l’avocat

Très souvent, le professionnel souhaiteêtre entendu en présence de son avocat.En l’absence de dispositions législativesou règlementaires sur ce point, la DGC-CRF agit avec tact et accepte cette pré-sence, ce qui ne signifie pas pour autantqu’il appartiendrait à celle-ci de préciserà l’entreprise qu’elle peut recourir à cetteassistance. En effet, « les dispositions de[l’article R. 463-6 du Code de commerce]qui prévoit que “les personnes entenduespeuvent être assistées d’un conseil” nes’appliquent qu’aux auditions auxquellespeuvent procéder les rapporteurs. […] dèslors, le moyen tiré de ce que les personnesinterrogées lors de l’enquête administra-tive auraient du être averties oralementde la possibilité de se faire assister parun conseil n’est pas fondé » (CA Paris, 16 déc.1994, Ste Kangourou déménagements, préc.; CA Paris, 14 avr.

1995, Société Martinken e.a., BOCCRF 18 mai 1995, p. 160;CA Paris, 23 févr. 1996).Cette assistance, lorsqu’elle est acceptéene doit pas perturber le bon déroulementde l’enquête. Il n’appartient pas, parexemple, à l’avocat à se substituer auresponsable de l’entreprise entendue oude modifier les déclarations faites à l’en-quêteur.

3) Modalités du recueil de déclarations

Les déclarations doivent impérativementêtre recueillies par un procès-verbal pourpouvoir être utilisées dans la procédure.Ainsi le Conseil de la concurrence a-t-ildéjà écarté la référence faite dans un rap-port d’enquête à des déclarations du res-ponsable d’un syndicat professionneldont il ne pouvait pas être justifié qu’ellesauraient été recueillies par un procès-verbal :« ces déclarations ne sont effectivementpas consignées dans un procès-verbal ;qu’en conséquence, elles ne peuvent pasêtre utilisées pour établir l’existence d’unepratique anticoncurrentielle et doiventêtre retirées du dossier » (Cons. conc., déc. n° 00-D-26, 21 juin 2000, Marché d’électrification rurale dans ledépartement des Pyrénées-Atlantiques).Le procès-verbal recueillant les décla-rations de l’entreprise n’est pas un pro-cès-verbal d’interrogatoire ou d’audi-tion au sens des dispositions del’article 429 du Code de procédure pé-nale qui prévoit que tout procès-verbald’audition doit comporter les questionsauxquelles il est répondu. En effet, lesagents de la DGCCRF agissent dans lecadre de leurs pouvoirs propres fixéspar le Code de commerce ainsi que leprécise l’article 28 du Code de procé-dure pénale précité. Or, aucune dispo-sition spécifique du code de commercen’impose aux enquêteurs de la DGCCRFla transcription des questions posées.L’objectif de l’enquête est de rechercheret mettre en lumière les preuves des pra-tiques présumées en ayant justifié le dé-clenchement. Un dispositif de questions-réponses dans les procès-verbaux,pourrait à l’inverse conduire l’entrepriseentendue à s’auto-accuser et lui ouvrirle droit à demander l’annulation des pro-cès-verbaux en vertu des principes po-sés par la Convention européenne desdroits de l’homme et l’article 14g du pactede New York. Ce dispositif conduirait endéfinitive à un recul de l’efficacité desenquêtes de concurrence.N’oublions pas que l’expérience des tech-niques d’enquête de la DGCCRF et desenquêteurs est forte et ancrée sur des di-zaines d’années; tant d’ailleurs en droitde la concurrence, qu’en droit de la

consommation, pour l’application du-quel les pouvoirs mis en œuvre sont si-milaires. C’est ainsi que plus de10 000 procès-verbaux sont dresséschaque année et que les annulations pro-noncées par le juge sont exceptionnelles.De plus, la pratique du recueil des décla-rations de l’entreprise, sans que ne soientmentionnées les questions fait l’objet d’unejurisprudence constante tant de la part dela Cour de cassation, de la Cour d’appelde Paris, que du Conseil de la concurrence(Cass. crim., 14 nov. 2000 n° 00-81.084, D; CA Paris, 16 déc.1994, Ste Kangourou déménagements, préc.; CA Paris, 23 mai2000, EDF c/Climespace; CA Paris, 25 nov. 2003, SAS Prefalle.a.; CA Paris, 19 juin 2007, Produits électroniques grand pu-blic; Cons. conc., déc. n° 01-D-41, 11 juill. 2001, Marchés destitres restaurant et de titres emploi-service, BOCCRF 24 sept.,p. 855; Cons. conc., déc. n° 02-D-57, 19 sept. 2002, Secteurdes roulements à billes, BOCCRF 28 nov., p. 1092, RecueilLamy, no 906, comm. Sélinsky V.; Cons. conc., déc. n° 03-D-36, 29 juill. 2003, Marché des fraises dans le Sud Ouest, BOC-CRF 8 oct., p. 738, Rapp. Cons. conc. pour 2003, p. 150 et 283;Cons. conc., déc. n° 06-D-03, 9 mars 2006, préc.; Cons. conc.,déc. n° 06-D-13, 6 juin 2006, Rapp. Cons. conc. pour 2006,p. 185, RLC 2006/9, no 636, obs. V.S.).

4) Recueil par procès-verbal de déclaration anonyme

Les enquêteurs peuvent recueillir parprocès-verbal des déclarations de per-sonnes désirant conserver l’anonymat.Les renseignements ainsi recueillis peu-vent servir de fondement à des investi-gations permettant, le cas échéant, d’éta-blir les faits révélés (Cass. com, 13 janv. 1998,nos 96-30.097, 96-30.098 et 96-30.099, Bull. civ. IV, no 22;Cass. com., 16 juin 1998, no 96-30.135, Bull. civ. IV, no 202).

5) Prise de photographies

Par ailleurs, des photographies peuventéventuellement illustrer les constatationsopérées. En effet, bien que contestée cettefaculté a été reconnue tant par le jugejudiciaire que par le Conseil de la concur-rence qui ont estimés que les disposi-tions de l’article L. 450-3 n’excluaientpas cette possibilité (TGI Angers, 6 févr. 1991;Cons. conc., déc. n° 05-D-24, 31 mai 2005, Marchés publicsroutiers dans le département de la Somme).

E. – Rédaction des procès-verbauxL’exercice des pouvoirs d’enquête se tra-duit par la rédaction de procès-verbauxattestant des investigations conduites dansl’entreprise, des déclarations recueillieset de la remise de documents. Ces pro-cès-verbaux font partie intégrante de laprocédure et sont systématiquement an-nexés au rapport d’enquête transmis auConseil de la concurrence. Selon les dis-positions de l’article L. 450-2 du Code decommerce, ces procès-verbaux font foijusqu’à preuve du contraire. Mais cettepreuve ne peut pas être apportée par un

LES ENQUÊTES DE LA DGCCRF EN MATIÈRE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

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simple témoignage produit par l’entre-prise (CA Paris, 27 oct. 1998, Groupement d’entreprisesde services, BOCCRF 20 nov. 1998 p. 647; CA Paris, 9 sept.1997, sociétés Simat et Carayon, BOCCRF 7 oct. 1997 p. 695).

1) Contenu

Le procès-verbal doit indiquer la nature,la date et le lieu des constatations (CA Paris,2 avr. 1996, marchés d’aménagements hydrauliques et diverstravaux publics dans les régions Provence Alpes Côte d’Azuret Languedoc-Roussillon, BOCCRF, 15 mai 1996, p. 167) etrendre compte des opérations avec exac-titude. Ainsi a pu être annulé un procès-verbal indiquant que les enquêteursavaient été accueillis par le gérant de l’en-treprise qui leur avait remis des docu-ments, alors que les investigations avaientdébutées avec un salarié de l’entrepriseavant l’arrivée du gérant (CA Paris, 16 janv. 1992,Sarl Pierre Rossetto, BOCCRF 1er févr. 1992, p. 59).En ce qui concerne la mention de l’ob-jet de l’enquête et la transcription desquestions posées, on se référera aux dé-veloppements ci-dessus.Le Code de commerce ne prévoit pasl’obligation d’indiquer la qualité etl’adresse de la personne entendue parl’enquêteur, et leur absence ne peut doncentraîner la nullité de l’acte (Cons. conc., déc.n° 01-D-41, 11 juill. 2001, Marchés des titres restaurant et detitres emploi-service, BOCCRF 24 sept., p. 855).

2) Signatures

Les procès-verbaux doivent être signés del’enquêteur et de la personne concernéepar les investigations (C. com., art. R. 450-1). LaCour d’appel de Paris a indiqué que l’ap-position des signatures avait pour objetde certifier, jusqu’à preuve du contraire,la sincérité et l’exactitude du déroule-ment des investigations (CA Paris, 26 sept. 2000,Entreprise Jean Lefebvre).Les enquêteurs qui participent aux consta-tations doivent signer le procès-verbal(CA Besançon, 4 juill. 1991, BID n° 2/1995). Toutefois,le défaut de signature de l’un d’entre euxsi plusieurs enquêteurs ont établi l’actene provoque pas la nullité du procès-ver-bal mais prive simplement de force pro-bante les constatations auxquelles il au-rait procédé seul (Cass. crim., 26 sept. 1994,n° 93-84.098, RJDA 1995, no 43).Les enquêteurs ne sont pas tenus deparapher chaque pages du procès-ver-bal (CA Paris, 16 déc. 1994, Ste Kangourou déménage-ments e.a). Le Conseil de la concurrence amême pu indiquer que l’approbationdes ajouts et des rectifications sur leprocès-verbal était facultative (Cons. conc.,déc. n° 93-D-21, 8 juin 1993, Acquisition de la Société eu-ropéenne des supermarchés par la société Grands Maga-sins B du groupe Cora, BOCCRF 25 juill., p. 197, RecueilLamy, n° 538, comm. André M.-E.), disposition quieffectivement n’est pas prévue par leCode de commerce.

Pour l’entreprise, c’est la personne qui aeffectivement participé à la visite quisigne et « non le représentant légal de lasociété s’il n’a pas lui même été témoindes opérations menées par les enquêteurs »(CA Paris, 2 avr. 1996, préc.).En revanche, n’est pas exigée la signa-ture de la personne qui n’a fait aucunedéclaration, ni communiqué de docu-ments, ou qui a simplement reçu les en-quêteurs et assisté aux opérations en pré-sence du dirigeant de l’entreprise qui seula remis des documents et a effectué desdéclarations (CA Paris, 2 avr. 1996, préc. ; CA Paris,19 janv. 1999, Société Laurent Bouillet ; CA Paris, 15 juin1999, Société Solatrag; Cass. com., 9 mai 2001, n° 98-22.150,Bull. civ. IV, no 85).Si le responsable de l’entreprise est en-tendu par la DGCCRF en présence de sonavocat, la signature de ce dernier, dontla présence n’est pas prévue par les textes,n’est pas requise et son absence ne sau-rait entacher le document d’irrégularité(Cons. conc., déc. n° 01-D-36, 28 juin 2001, Secteur du bé-ton prêt à l’emploi en Côte d’or).En cas de refus de signature du procès-verbal par la personne entendue, la men-tion de ce refus doit être portée au pro-cès-verbal (C. com., art. R. 450-1). L’absence decette mention entraîne la nullité de l’acte(CA Paris, 17 mai 1994, Cerp, BOCCRF 7 juin 1994 p. 203).L’absence de signature d’un procès-ver-bal de constatations de l’enquêteur n’alogiquement pas d’incidence sur la va-leur des constatations opérées dans lamesure où cette signature n’équivaut pasà une approbation des faits recueillis.Bien évidemment la signature des actesne prive pas l’entreprise de tout droitd’en contester le contenu (CA Paris, 9 sept.1997, sociétés Simat et Carayon, BOCCRF 7 oct. 1997 p. 695).

3) Remise d’un double

L’article L. 450-1 du Code de commerceprévoit qu’un double du procès-verbalest remis à l’entreprise. Le procès-verbalen fait mention. En cas d’absence de re-mise, l’acte ne pourra pas être utilisécomme mode de preuve devant les tri-bunaux, ces dernies n’étant alors pas en

mesure « de s’assurer que les prescrip-tions de l’article [L. 450-2 du Code decommerce] ont été exactement respectées(CA Paris, 10 juill. 1992, Syndicat autonome de l’industriehôtelière de la Gironde e.a).En revanche, le procès-verbal ne sera pasécarté si l’entreprise ne conteste pas enavoir reçu copie ou si d’autres pièces dudossier en atteste » (Cons. conc., déc. n° 00-D-08, 4 avr. 2000, Distribution des peintures pour carrosseriede la société Du Pont de Nemours).Les textes ne fixent pas de délai impéra-tif pour la rédaction du procès-verbal etla remise du double. La remise peut êtreeffectuée « sur le champ » (Cons. conc., déc.n° 95-D-83, 12 déc. 1995, Marchés publics relatifs à la restau-ration des murailles du fort Saint Louis en Martinique) oupas « s’il est constant qu’un double desprocès-verbaux contestés n’a été remis auxpersonnes entendues par lettre recomman-dée avec accusé de réception que plus desix mois après la rédaction des actes, iln’en résulte pas que ces personnes aientété mis dans l’impossibilité de vérifierl’exactitude de leurs propres déclarations »(Cons. conc., déc. n° 95-D-74, 21 nov. 1995, Secteur de la ré-paration automobile dans le département de l’Indre).

II – POUVOIRS D’INVESTIGATIONSSUR AUTORISATION JUDICIAIRE (C. COM., ART. L. 450-4)Les enquêtes conduites par la DGCCRFpour rechercher des indices de dysfonc-tionnement de la concurrence ou les in-formations dont elle dispose à la suite deplaintes peuvent révéler des comporte-ments permettant de présumer des pra-tiques anticoncurrentielles mais dont lespreuves nécessaires à une parfaite dé-monstration de ces pratiques sont sus-ceptibles de disparaître ou ne peuvent,compte tenu de leur caractère occulte,être apportées avec les seuls pouvoirs del’article L. 450-3 du Code de commerce.Dans ces circonstances, il est naturelle-ment envisagé le recours aux pouvoirsde l’article L. 450-4, plus contraignantspour les entreprises, mais qui nécessitentune autorisation du juge des libertés et

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Les enquêtes de concurrenceEnquêtes

Article L. 450-4 et Convention européenne des droits de l’HommeLa Cour de cassation a reconnu la compatibilité des dispositions de l’articleL. 450-4 avec celles de la Convention européenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamentales, « dès lors qu’elles assurent la conciliationdu principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre lespratiques anticoncurrentielles et que les droits à un procès équitable et à unrecours effectif sont garantis, tant par l’intervention d’un juge qui vérifie le bien-fondé de la requête de l’Administration, que par le contrôle exercé par la Courde cassation » (Cass. crim., 8 mars 2006 n° 04-87.351, D ; cf., également, Cass crim, 11 janv. 2006,

n°04-85.230, D et Cass. crim., 14 févr. 2007, n° 06-80.177, D).

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de la détention (JLD) sur la base d’unerequête de la DGCCRF présentant les pré-somptions dont elle dispose à l’égard des entreprises spécialement identifiées.Certaines entreprises sont parfois ame-nées à demander au juge de prononcerla nullité d’une enquête conduite avecdes pouvoirs classiques en soutenant quecelle-ci aurait du nécessiter une autori-sation judiciaire. Dans ce cas, la juridic-tion saisie examine les conditions danslesquelles les investigations ont été me-nées par les enquêteurs pour déterminerquels types de pouvoirs ont été mis enœuvre. Cela étant, la DGCCRF est bienévidemment suffisamment vigilante etrespectueuse des pouvoirs qui lui sontconfiés pour ne pas opérer de visites etsaisies sans autorisation judiciaire.Ainsi dans une affaire ou le mis en causesoutenait que le seul fait de pénétrer dansles locaux d’une entreprise sans y avoirété invité constituait une visite au sensde l’article L. 450-4, la Cour de cassation,tout en rappelant les dispositions de l’ar-ticle L. 450-3 a pu préciser « qu’en effec-tuant le contrôle des factures et des contratsrelatifs aux opérations de coopération com-merciale et en se faisant communiquerpar le directeur de la société les seuls do-cuments utiles à la manifestation de lavérité l’agent n’a pas procédé à une visitedomiciliaire requérant une autorisationpréalable » (Cass. crim., 6 déc. 2006, n° 06-82.834, Bull.crim., n° 306, RLC 2007/11, n° 773, obs. Bouloc B.)Dans une autre affaire, l’entreprise esti-mait qu’un certain nombre de circons-tances ayant caractérisé le déroulementde l’enquête permettait de qualifier les in-vestigations de visites et saisies nécessi-tant une autorisation judiciaire. Mais laCour d’appel de Paris a rejeté ces argu-ments, estimant que les enquêteursn’avaient pas outrepassé les pouvoirs d’en-quête administrative définis à l’articleL. 450-3 : « (...) qu’il ressort du procès-ver-bal établi le 9 octobre 2001 par les servicesde la DGCCRF que les enquêteurs ont étéreçu, en l’absence du président de la fédé-ration, par Monsieur X auquel a été indi-qué l’objet de l’enquête, et demandé com-munication d’un certain nombre dedocuments, la communication de ces do-cument dont il a été pris copies ayant étéeffectuée par une secrétaire désignée parl’intéressé qui s’est absenté à plusieurs re-prises (…), que sur la demande des en-quêteurs de recevoir communication ducompte rendu et des notes prises lors del’assemblée générale tenue le 23 avril 2001,le directeur de la fédération a remis auxenquêteurs les cassettes audio sur lesquellesavaient été enregistrés les discours des in-tervenants à cette assemblée générale parmilesquels se trouvait le président de la fé-

dération, M. Y et sur la question des en-quêteurs après audition sur place des cas-settes [et retranscrites devant lui] authen-tifié la voix de ce dernier. Qu’il ne résulted’aucune de ces circonstances que les en-quêteurs auraient outrepassé les pouvoirsd’enquête administrative définis àl’article L. 450-3 » (CA Paris, 2 oct. 2004, secteur dela boulangerie dans le département de la Marne, préc.).Par ailleurs, le fait que la DGCCRF ait en-trepris des investigations sur le fonde-ment de l’article L. 450-3 ne lui interditpas de solliciter une autorisation judi-ciaire pour poursuivre ses investigationsavec les pouvoirs de l’article L. 450-4 (Cass.crim., 6 oct. 2004, n° 03-85.707, D, affaire « le Galec »). Enrevanche, l’autorisation judiciaire sollici-tée du juge n’est pas conditionnée par laproduction dans la requête de la DGC-CRF de documents obligatoirement re-cueillis dans le cadre d’une enquête préa-lable réalisée avec les pouvoirs de l’articleL. 450-3 (Cass. crim., 10 sept. 2003 n° 02-81.419, D).Inversement, lorsque les opérations de vi-

sites et de saisies ont été réalisées, la DGC-CRF poursuit logiquement son enquêteavec les pouvoirs de l’article L. 450-3(Cass. crim., 20 oct. 2004, n° 02-87.096, Bull. crim., n° 251)notamment pour entendre les explica-tions des entreprises sur les documentssaisis (Cons. conc., déc. n° 06-D-15, 14 juin 2006, préc.)et n’a pas l’obligation de présenter auxentreprises à cette occasion les procès-verbaux de visite et de saisie antérieure-ment dressés pas plus que la liste desdocuments précédemment saisis (Cons.conc., déc. n° 00-D-68, 17 janv. 2001, Marchés de transportde personnels d’entreprise).

A. – Nécessité de recourir à desopérations de visite et de saisie

Seuls, le ministre de l’Économie et le Rap-porteur général du Conseil de la concur-rence peuvent demander une enquête dece type. Le ministre peut déléguer sa com-pétence au directeur général de la DGCCRF.La Commission européenne peut égale-ment en vertu des dispositions du règle-ment n° 1/2003 du 16 décembre 2002,chapitre V, article 20 et suivants, sollici-ter l’assistance des autorités françaises

et notamment des enquêteurs de la DGC-CRF avec utilisation des pouvoirs de l’ar-ticle L. 450-4 afin de l’aider à réaliser uneenquête qu’elle a décidée préalablement.Les visites et saisies sont subordonnéesà une autorisation judiciaire accordéepar ordonnance du juge des libertés etde la détention (JLD) du tribunal degrande instance dans le ressort duquelsont situés les lieux à visiter.Lorsque ces lieux sont situés dans le res-sort de plusieurs juridictions et qu’une ac-tion simultanée doit être menée dans cha-cun d’eux, une ordonnance unique peutêtre délivrée par l’un des JLD compétents(Cass. crim., 8 nov. 2006, n° 04-87.351, D) qui donnecommission rogatoire aux autres JLD ter-ritorialement compétents qui exercerontle contrôle sur les opérations de visite etde saisie jusqu’à leur clôture et désigne-ront à cette fin le ou les officiers de po-lice judiciaire territorialement compétents.

1) Contenu de l’ordonnance

L’ordonnance n’a pas à préciser la com-pétence territoriale de ces officiers; le seulfait de mentionner leur qualité d’officierde police judiciaire satisfait aux exigencesde l’article L. 450-4 du Code de commerce(Cass. crim., 28 mai 2003, n° 01-86.887, D).Par ailleurs, l’existence d’une ordonnancerectificative désigne implicitement lesOPJ déjà mentionnés dans l’ordonnanceinitiale (Cass. crim., 14 févr. 2007, n° 06-80.177, D).La demande d’autorisation de l’adminis-tration doit être motivée. La DGCCRF pro-duit au JLD des présomptions de l’exis-tence de pratiques anticoncurrentiellessuffisamment graves, précises et concor-dantes. Toutefois, pour la constatationd’infractions aux dispositions du livre IVdu Code de commerce en train de se com-mettre prévue à l’article L. 450-4 alinéa 2,la demande d’autorisation peut ne com-porter que les indices permettant de pré-sumer l’existence de pratiques prohibées.Le juge doit vérifier que la demande d’au-torisation qui lui est soumise est fondée.Il s’assure de la qualité des personnesayant demandé l’autorisation et du carac-tère suffisant des présomptions produites.La Cour de cassation précise que le JLDdoit se référer en les analysant, fût-ce suc-cinctement, aux éléments d’informationfournis par l’administration dont il extraitles faits fondant son appréciation (Cass. com.,5 févr. 1991, n° 89-15.030, n° 89-15.134, n° 89-15.588 et n° 89-15.133 ; Cass. com., 21 avr. 1992, n° 90-25.955). Rienn’interdit au JLD de retenir comme élé-ments de présomption des pratiques an-ticoncurrentielles, des documents d’infor-mation datant de plus de trois ans dansla mesure où ils sont confirmés par desdocuments non prescrits (la prescriptionest maintenant de cinq ans depuis l’or-

LES ENQUÊTES DE LA DGCCRF EN MATIÈRE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Certaines entreprisessont parfois amenées àdemander au juge deprononcer la nullité

d’une enquête conduiteavec des pouvoirs

classiques en soutenantque celle-ci aurait du

nécessiter uneautorisation judiciaire.

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donnance n° 2004-1173 du 4 novembre2004 (Cass. crim., 28 mai 2003, n° 01-86.883, D).En revanche, la DGCCRF n’a pas à rendrecompte de son choix de recourir à la pro-cédure de l’article L. 450-4 (Cass. crim., 10 sept.2003, n° 02-81.419, D), y compris lorsque la re-quête est fondée sur une demande declémence (Cass. crim., 5 sept. 2007, n° 05-86406, So-ciétés BP France : l’entreprise soutenait que la coopérationobligatoire du demandeur de clémence à la production depreuves ne justifiait pas la mise en place de visite et saisie)et la mesure autorisée n’a pas un carac-tère subsidiaire par rapport aux autresprocédures pouvant être utilisées par l’ad-ministration (Cass. crim., 2 avr. 2003, n° 00-30.212,D; Cass. crim., 5 mai 2004, n° 02-86.059, D).L’administration n’est tenue de communi-quer que les documents utiles au JLD pourfonder son autorisation et non tous les do-cuments en sa possession (Cass. crim., 9 févr.2005, n°03-85.302, Bull. crim., n°51; Cass. crim., 27 sept. 2006,n° 05-84.413, D; Cass. crim., 20 oct. 1998, n° 96-30.117, D).L’ordonnance d’autorisation doit respec-ter de nombreuses règles qui, en cas dedéfaut, aboutirait à sa nullité et à cellede tous les actes d’enquête qui en sontla suite directe (Cass. crim., 30 sept. 1991, n° 90-83.579 : annulation d’un arrêt d’une Cour d’appel condam-nant pour abus de biens sociaux les personnes mises encause lors de poursuites engagées au seul vu des résultatsd’une visite domiciliaire autorisée par ordonnance du prési-dent du tribunal de grande instance, ladite ordonnance, frap-pée de pourvoi, ayant été postérieurement annulée).Elle doit mentionner le nom du juge, l’in-dication précise de l’objet de l’enquête,la qualité des personnes ayant demandél’autorisation, la désignation des officiersde police judiciaire chargés d’assister auxopérations, la désignation précise deslieux où la visite est autorisée. Toutefois,le JLD n’est pas tenu d’identifier dansson ordonnance l’ensemble des sociétésd’un même groupe, domiciliées à la mêmeadresse (Cass. crim., 6 déc. 2006, n° 05-85.341, D).En outre, la décision d’autorisation doitêtre motivée.

2) Nature juridique de l’ordonnance

La nature juridique de cette ordonnanceest civile. Elle n’est susceptible que d’unpourvoi en cassation qui doit être formédans les cinq jours de la notification del’ordonnance. Le contrôle de la légalitéde la requête ne saurait être opéré par lejuge administratif sur la base d’un re-cours pour excès de pouvoir (CAA Nancy,27 juin 1996, Légifrance n° 94NC00365) de mêmequ’une action en responsabilité concer-nant les éléments fournis à l’appui de larequête (TA Strasbourg, 14 mai 1991, à propos de l’ar-ticle L.16 B du Livre des procédures fiscales).Depuis le 1er décembre 1986, date de l’or-donnance ayant soumis les opérations devisites et saisies à une autorisation judi-ciaire, la chambre commerciale de la Cour

de cassation puis la chambre criminelledepuis le 1er novembre 2001 (il s’agitd’une mesure d’organisation interne dela Cour de cassation décidée par le pre-mier président) a précisé au fil de trèsnombreux arrêts les règles devant impé-rativement être respectées par le JLD tantsur le plan formel que sur le fond pourautoriser ces opérations.Depuis une dizaine d’année, ce conten-tieux continue à se développer car uneentreprise sur deux faisant l’objet d’unetelle opération en conteste la légalité, maisaucune annulation d’opération n’est in-tervenue. L’on doit reconnaître que laDGCCRF reste mesurée dans le nombrede ses demandes de visite et de saisie(1/3 de ses enquêtes environ) et produitau JLD des éléments probants et gravesmontrant des présomptions de pratiquesanticoncurrentielles. De plus, elle maî-trise parfaitement les exigences justifiéesde la Cour de cassation et ne manque pasd’en faire le rappel aux JLD les moins ex-périmentés. Il lui est même arrivé excep-tionnellement d’abandonner une telleopération dans un cas où le JLD ne vou-lait pas tenir compte de certaines obliga-tions pourtant prescrites par la Cour decassation, mais qui de toute évidence ris-quait de conduire à la censure de la Courde cassation et par la même à la nullitédes opérations réalisées.Il convient de noter que les pouvoirs del’article L. 450-4 peuvent être utilisés lorsdes opérations d’assistance prêtée par laDGCCRF aux agents de la Commissioneuropéenne, venant investiguer sur le ter-ritoire national. À cette occasion, une or-donnance de visite et de saisie est systé-matiquement demandée au JLD afin desurmonter l’éventuelle opposition de l’en-treprise aux opérations conduites par laCommission. Cette ordonnance est noti-fiée à l’entreprise par les agents de la DGC-CRF dès l’entrée sur les lieuxcomme lors d’une opérationclassique.Cela étant, si l’entreprise co-opère sans difficultés et nes’oppose ni totalement nipartiellement aux opérations(ex. : refus de donner copied’un document particulier),le procès-verbal de visite etde saisie dressé à l’issu ducontrôle fait état de cette co-opération et indique qu’enconséquence les agents n’ontpas mis en œuvre les pou-voirs de visite et de saisie ti-rés de l’article L. 450-4.Cette mention ferme alorsautomatiquement la rece-vabilité d’un recours de l’en-

treprise en contestation devant le JLD.« Attendu qu’il résulte du procès-verbalétabli par Mesdames D. et V. les 20 et21 mai 2003 et signé par Monsieur C. re-présentant la Caisse Nationale des Caissesd’Épargne et de Prévoyance, signature noncontestée, que celui-ci a accepté de colla-borer aux vérifications des agents manda-tés par la Commission des communautéseuropéennes et qu’il n’avait pas été néces-saire d’utiliser les pouvoirs de saisie et vi-site pour lesquels l’autorisation de miseen œuvre avait été sollicitée préventive-ment et notifiée dans le même but, qu’iln’a d’ailleurs été saisi aucun document,qu’il est dès lors manifeste que la procé-dure de visite et saisie prévue par l’articleL. 450-4 du Code de commerce n’a pas étéutilisée même si l’entreprise avait été avi-sée qu’elle le serait en cas de refus de col-laborer de sa part; qu’en l’absence de cettemise en oeuvre, tout recours effectué surle fondement de l’alinéa 12 de l’articleL. 450-4 du Code de commerce devant leJuge des libertés et de la détention ne peutêtre qu’irrecevable » (Ord. JLD Paris, 15 oct. 2003,deux décisions inédites Caisse d’Epargne et Crédit Agricole;Ord. JLD Nanterre, 26 oct. 2004, Wanadoo, inédit).Lorsque les entreprises coopèrent, lespouvoirs utilisés par la DGCCRF sont lesmêmes que ceux mis en œuvre par lesagents communautaires, c’est-à-dire ceuxdes articles 20 et 21 du règlementn°1/2003 du 16 décembre 2002.

B. – Déroulement des opérationsde visite et de saisie

La visite commence par la notificationde l’ordonnance (cf. encadré).Dès que la procédure de notification del’ordonnance est terminée, la perquisi-tion peut commencer. Pendant toutes lesopérations, la visite doit se dérouler enprésence de l’occupant des lieux, oud’une personne mandatée par ce dernier >

Les enquêtes de concurrenceEnquêtes

La notificationLa notification est obligatoire car elle fixe le départ du délai de pourvoi en cassation de 5 jours contrel’ordonnance du JLD devant la Cour de cassation. Unprocès-verbal de notification est rédigé et une copie estlaissée à l’occupant des lieux. Il est signé par l’occupantdes lieux ou son représentant, le ou les OPJ et lesenquêteurs. Il certifie que l’occupant des lieux a prisconnaissance de l’ordonnance, qu’il en a reçu une copiecertifiée conforme à l’original, qu’il a été informé desrègles à respecter pour former un pourvoi en cassation.La notification ne concerne que la communication desordonnances principales et secondaires, si nécessaire. Larequête de la DGCCRF adressée au JLD pour obtenirl’autorisation de visite et saisie et les pièces annexéesn’ont pas à être communiquées aux entreprises viséesdans l’ordonnance (Cass. com., 5 févr. 1991, n° 89-15.030,

n° 89-15.134, n° 89-15.588 et n° 89-15.133, P+B).

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pour y assister, et de l’OPJ (CA Paris, 22 janv.2002, BOCCRF, 27 mars 2002, répartition pharmaceutique :il était soutenu, à tort, que l’opération avait débuté avant lanotification de l’autorisation)L’officier de police judiciaire assiste auxopérations et tient le juge informé de leurdéroulement; il peut prendre toutes lesréquisitions nécessaires au bon déroule-ment des opérations, comme par exemplerechercher un serrurier pour faire ouvrirla porte d’un bureau. Il est par ailleursle garant auprès du JLD du ressort del’entreprise visitée de la loyauté du dé-roulement des opérations et pourraprendre contact avec lui en cas de né-cessité pour l’informer de toute difficulté.En fin d’intervention, les enquêteurs pro-cèdent à la mise sous scellé des documentsconformément à l’article 56 du Code deprocédure pénale. Un procès-verbal de vi-site et de saisie est établi. Il clôt les opé-rations, rappelle la procédure de notifica-tion et décrit le déroulement de la visitetant en ce qui concerne les locaux visitésque les incidents survenus (départ de l’oc-cupant des lieux, suspension de visite, ap-pel du juge,…). Il est signé par l’occupantdes lieux ou son représentant, le ou lesOPJ et les enquêteurs. Une copie est re-mise à l’entreprise. Les originaux du pro-cès-verbal de notification et du procès-ver-bal de visite et saisie sont remis au JLD.L’article L. 450-4, dernier alinéa, prévoitque les entreprises visitées peuvent sai-sir le JLD présent dans le ressort territo-rial de l’entreprise pour toute contesta-tion relative au déroulement desopérations pendant leur déroulement. Cemagistrat peut ainsi se rendre sur placeet même décider à tout moment la sus-pension ou l’arrêt de la visite.Après la clôture des opérations, elles de-vront saisir le JLD les ayant autorisées dansun délai de deux mois à compter de la no-tification de l’ordonnance pour les per-sonnes occupant les lieux où les opéra-tions se sont déroulées, ou pour lespersonnes mises en cause ultérieurement,à compter de la date à laquelle elles onteu connaissance de l’existence de ces opé-rations, ou au plus tard à compter de lanotification des griefs par le Conseil de laconcurrence prévue à l’article L. 463-2 duCode de commerce (Cass. crim., 9 févr. 2005, n° 03-86.795, Bull. crim., n° 53 et Cass. crim., 9 févr. 2005, n° 04-83.859, Bull. crim., n° 52, RLC 2005/4, n° 300, obs. Marie A.).Les dispositions de l’article L. 450-4 duCode de commerce, si elles permettent àtoute entreprise mise en cause par une no-tification de griefs du Conseil de la concur-rence de contester le déroulement des opé-rations de visite et de saisie, qu’elles aientou non fait l’objet de ces opérations, n’au-torisent en aucun cas une entreprise ayantfait l’objet d’une telle opération, et qui n’a

engagé aucun recours, à contester le dé-roulement des opérations réalisées au sièged’entreprises concurrentes, même si cesdernières ne les ont pas contestées nonplus (CA Paris, 30 janv. 2007, Travaux routiers en Seine-Ma-ritime, Contrats conc. consomm. 2007, comm. 3).Les recours introduits à ce titre devantle JLD sont donc relatifs à l’exécutiondes opérations et ils visent à obtenir l’an-nulation des opérations elles-mêmes oul’annulation de la saisie de tout ou par-tie des pièces.S’est ainsi constitué un corpus de règlesprécises et stables ayant définies les ga-ranties de loyauté apportées aux entre-prises visitées par la fixation des condi-tions et limites des pouvoirs de la DGCCRF.L’ensemble de ces décisions a égalementdécrit l’étendue de ces pouvoirs, considé-rés comme indispensables à la préserva-tion de l’ordre public économique, à lalutte efficace contre les pratiques anticon-currentielles préjudiciables au fonction-nement loyal du marché et partant auxintérêts des consommateurs.Les questions les plus souvent traitées parce type de contentieux concernent d’unepart les contestations liées aux conditionsde déroulement des opérations (1) et,d’autre part, les contestations relatives àla saisie des documents (2)

1) Contestations liées aux conditions de déroulement des opérations

Seront abordées les problèmes de l’ob-jet de l’enquête (a), de l’occupant deslieux (b), la présence de l’avocat de l’en-treprise (c), les locaux de l’entreprise (d)et la fouille de véhicules et de porte-do-cuments (e).

a) Objet de l’enquêteL’objet de l’enquête est indiqué très pré-cisément dans le corps de l’ordonnanced’autorisation de visite et de saisie et suf-fit donc à informer loyalement l’entre-prise des opérations (CA Paris, 25 sept. 2001, So-ciété Courriers de Seine et Oise e.a., transports de personneld’entreprises, BOCCRF 24 juill. 2001).Il n’est par ailleurs pas nécessaire quelors de la notification de l’ordonnanceau début de la visite, l’entreprise puisseen faire une lecture exhaustive.Ainsi, une entreprise critiquait le procès-verbal de notification de l’ordonnance devisite et de saisie qui précisait que l’ob-jet de l’enquête, tel que figurant dans ledispositif de l’ordonnance d’autorisation,avait été indiqué à l’occupant des lieux.Ce dernier estimait n’en avoir pas euconnaissance dans la mesure où il n’avaitpas eu le temps de lire toute l’ordonnanceavant le début des opérations : « le pro-cès-verbal relate que les enquêteurs ont,

lors de leur arrivée sur les lieux, été reçuspar M. A lui-même, à qui ils ont indiquél’objet de l’enquête, et qu’ils lui ont en-suite notifié la décision d’autorisation;qu’il a désigné un employé pour le repré-senter puis, qu’ensuite, une partie de lavisite des locaux a été opérée en sa pré-sence; qu’il ne peut dès lors être utilementsoutenu, à partir des réserves exprimées,que l’intéressé aurait remis des documentsaux fonctionnaires de la DGCCRF en mé-connaissant la nature des poursuites en-gagées et qu’il aurait été porté atteinte auprincipe de loyauté » (CA Paris, 22 janv. 2002, ré-partition pharmaceutique, BOCCRF 27 mars 2002).« Il convient de noter que Monsieur D. neconteste pas avoir reçu la copie de l’ordon-nance lors du début des opérations et qued’ailleurs il a pu en prendre connaissancepuisqu’à 10 h l5, il a téléphoné à son avo-cat pour s’entretenir avec lui de l’objet del’enquête. Il n’était pas nécessaire d’attendrequ’il ait lu l’ordonnance dans son entieravant de commencer les opérations. Lesdroits de la défense n’ont pas été violés etla demande de nullité et de restitution fon-dée sur ce motif est rejetée » (Ord. JLD Bobigny,12 juill. 2005, Adecco/Védior et Védiorbis, inédit).

b) Occupant des lieuxL’article L. 450-4 du Code de commerceprévoit que l’ordonnance est notifiée àl’occupant des lieux ou à son représen-tant, et que la visite est effectuée en pré-sence de l’occupant des lieux ou sonreprésentant. Il « n’impose nullement laprésence d’une personne ayant le pou-voir de diriger, gérer ou le pouvoir d’en-gager à titre habituel l’entreprise » (CA Pa-ris, 22 janv. 2002, répartition pharmaceutique, BOCCRF27 mars 2002). La notion de représentant peuts’entendre des représentants légaux oud’un salarié bénéficiant d’une délégationde pouvoirs (Cass. com., 18 mai 1999, n° 97-30.169, D).Par ailleurs, plusieurs personnes peuventse succéder au cours des opérations enqualité d’occupant des lieux ou de repré-sentant de l’occupant des lieux. Dans cecas seule la personne présente lors de laclôture des opérations est tenue de signerle procès-verbal de visite et de saisie. L’ab-sence de signature de l’occupant des lieuxou de son représentant présent au débutdes opérations mais ayant par suite quittéles lieux n’est naturellement pas exigée,les prescriptions n’exigeant pas que lesprocès-verbaux soient signés par toutesles parties ayant assisté aux opérations(CA Paris, 9 avr. 2002, Dijon Béton, BOCCRF 24 juin 2002).

c) Présence de l’avocat de l’entrepriseLa Cour de cassation a déjà eu plusieursfois l’occasion de préciser que « la pos-sibilité de faire appel à un conseil oud’avoir des contacts avec l’extérieur du-

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rant les opérations de visite et saisie do-miciliaire n’est pas prévue par la loi,s’agissant d’une mesure d’instruction de-vant se dérouler, en présence de l’occu-pant des lieux ou de son représentant, leplus rapidement possible, en présenced’un ou de plusieurs officiers de police ju-diciaire chargés de veiller au respect desdroits de la défense et du secret profes-sionnel, de prendre connaissance des do-cuments avant leur saisie et d’informerle juge du déroulement des opérations »(Cass. com., 21 janv. 1997, 5 arrêts nos 94-18.855 à 94-18.859, Bull. civ., IV, n° 19).Dans ces décisions, la Cour prend biensoin de noter que le respect de la régula-rité et de la loyauté des opérations appar-tient à l’officier de police judiciaire assis-tant systématiquement aux opérations,qui est le représentant du juge des liber-tés et de la détention et doit prendre contactavec lui s’il estime que les enquêteurs dela DGCCRF outrepassent leurs pouvoirs.Cependant, soucieuse du bon déroule-ment de la visite et pour permettre à l’en-treprise de bénéficier du soutien de sonavocat, la DGCCRF ne s’est jamais op-posée à la présence de l’avocat, à condi-tion toutefois que certaines règles soientobservées par ce dernier. Naturellement,les opérations ne peuvent en aucune ma-nière être différées ou suspendues dansl’attente de l’arrivée de l’avocat.Il est en revanche fréquent que la pré-sence de deux ou plusieurs avocats ensus de l’occupant des lieux perturbe lebon déroulement des opérations. C’estpourquoi un seul avocat est générale-ment admis. À son arrivée la DGCCRFlui précise que sa présence est acceptéealors même que les textes ne le prévoitpas, l’informe de la teneur des décisionssusvisées de la Cour de cassation et luiindique qu’il ne peut pas prendre connais-sance des documents que les agents en-visagent de saisir conformément aux dis-positions de l’article L. 450-4 « lesenquêteurs, l’occupant des lieux ou sonreprésentant ainsi que l’officier de policejudiciaire et, le cas échéant, les agents etautres personnes mandatées par la Com-mission européenne peuvent seuls prendreconnaissance des pièces et documentsavant leur saisie ».Enfin, les agents le mettent en gardecontre toute tentative de perturbationdes opérations qui les conduiraient à de-mander à l’OPJ de les écarter des bu-reaux visités.Il faut bien admettre, et on le comprendaisément, que la tentation est trèsgrande pour l’avocat, attentif aux inté-rêts de son client, de ne rien faire pourfaciliter le déroulement des opérations.Il se trouve que la DGCCRF a dû se

rendre à l’évidence au cours des opé-rations qu’elles a conduite ces deux der-nières années, qu’elle n’était plus enmesure d’accomplir sa mission avec sé-rénité et avec la célérité requise du faitdes nombreuse perturbations généréespar la multiplication des interventionsde certains avocats telles que les inter-pellations des enquêteurs, la prise deconnaissance des documents devantêtre saisis, la dissimulation de docu-ments pendant l’absence momentanéede l’enquêteur…Cette situation a conduit la DGCCRF àappliquer strictement les dispositions dutexte et l’interprétation qui en a été don-née par la Cour de cassation en refusanttoute présence de l’avocat pendant cesopérations. En effet, comme l’indique laCour de cassation, la perquisition est unemesure d’instruction qui doit se dérou-ler le plus rapidement possible et doncsans perturbation.

L’objectif de la mesure vise à rechercheret à saisir tous documents visé par l’or-donnance d’autorisation le plus rapide-ment possible afin de ne pas perturber lebon fonctionnement de l’entreprise. Lesenquêteurs ne demandent ainsi aucuneexplication particulière sur les documentsqu’ils entendent saisir, d’ailleurs, le textene le prévoit pas. Aussi ces opérationsdoivent être effectuées dans le strict res-pect de la loyauté dans la recherche despreuves et en veillant à la préservation dusecret de la correspondance des avocats.Il appartient à l’OPJ présent en perma-nence sur les lieux et qui peut prendreconnaissance des pièces dont la saisie estenvisagée de faire respecter ces principeset au besoin d’avertir le JLD. À ce stadede l’enquête, nous ne sommes pas dansla phase contradictoire de la procédurependant laquelle l’avocat pourra interve-nir et faire valoir ses observations.Cette intervention pendant l’instructionest d’autant moins justifiée qu’à l’issuedes opérations, l’avocat retrouvera pleine-ment son rôle et sera à même de contes-ter à la fois les conditions de déroulementdes opérations ainsi que la nature despièces saisies en diligentant un recours de-vant le JLD. Ce recours préserve ainsi to-talement les droits de l’entreprise visitée.

d) Locaux de l’entrepriseÀ l’arrivée sur les lieux, les enquêteurspeuvent constater la présence de plusieurssociétés dont les locaux sont difficilementidentifiables. La Cour de cassation a ainsiété amenée a valider les visites effectuéesdans une entreprise alors que celle-ci sou-tenait que les enquêteurs étaient interve-nus dans les locaux d’une autre entreprisenon visée par l’ordonnance de visite et desaisie, et ce en raison notamment del’« étroite imbrication entre les deux socié-tés entretenue par leur papier à en-tête »(Cass. com., 18 mai 1999, n° 97-30.188, D).Dans une affaire récente visant le secteurdes droits dans le football professionnelet de la publicité dans les stades de foot-ball, le JLD de Paris avait autorisé la DGC-CRF à procéder à une opération de visiteet saisie dans les locaux de la société Ca-nal+ à Boulogne-Billancourt et à Issy-les-Moulineaux. À cette dernière adresse,se trouvait la SA Groupe Canal+ et à Bou-logne-Billancourt, les deux sociétés SAGroupe Canal+ et SA Canal+, toutesdeux présidées par Monsieur X et char-gées de conclure les contrats en cause.La société Groupe Canal+ avait introduitune contestation des opérations de visiteet de saisie opérées à Issy-les-Moulineaux,au motif qu’elles se seraient dérouléesdans les locaux exclusivement occupéspar la SA Groupe Canal+ non concernéspar l’autorisation du JLD. Le JLD de Pa-ris avait fait droit à cette demande et an-nulé les opérations réalisées à cette adresse(JLD Paris, 30 juin 2005, SA Groupe Canal+). Sur pour-voi introduit par la DGCCRF, la Cour decassation censure cette décision en pré-cisant que « l’autorisation qui visait lessociétés Canal+ sans précision quant àla forme sociale concernait la sociétéGroupe Canal+ (…) la cassation est en-courue » (Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 05-85.739, D).Dans une autre affaire, l’entreprise sou-tenait, à tort, que les opérations ne pou-vaient se faire que dans les bureaux dessalariés travaillant pour le « secteur GrandsTravaux » puisque l’ordonnance men-tionnait, à l’adresse visée, le nom de l’en-treprise avec la mention « secteur GrandsTravaux » et qu’il s’agissait d’une « simplesubdivision au sein de la même entre-prise », les agents de la concurrenceétaient en l’espèce autorisés à visiter tousles locaux appartenant à cette société (TGIMetz, 22 févr. 2005, Demathieu et Bard inédit).

e) Fouille de véhiculeet de porte-documentLes enquêteurs peuvent fouiller les véhi-cules de l’entreprise situés dans l’enceintede celle-ci, « le président du Tribunal quia autorisé une visite et saisie de documentsdans un lieu n’étant pas tenu de prendre >

Les enquêtes de concurrenceEnquêtes

La possibilité de faireappel à un conseil ou

d’avoir des contacts avecl’extérieur durant lesopérations de visite et

saisie domiciliaire n’estpas prévue par la loi.

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une ordonnance spécifique autorisant lavisite du véhicule appartenant à l’occu-pant de ces lieux et s’y trouvant » (Cass. crim.,21 janv. 1997, 5 arrêts, nos 94-18.855 à 94-18.859, préc.).De même, aucune autorisation spécifiquen’est nécessaire pour fouiller une « sacochepersonnelle » présente dans les locaux del’entreprise visitée (Cons. conc., déc. n° 01-D-07, 11avr. 2001, Marché de la répartition pharmaceutique).

2) Contestations liées auxdocuments saisis lors des opérations

Sans conteste, les documents saisis occu-pent logiquement la majeure partie desrecours introduits par les entreprises (a).La question s’est également posée de sa-voir s’il était possible aux enquêteurs d’en-chaîner une enquête avec les pouvoirs del’article L. 450-3 immédiatement aprèsune opération de visite et de saisie (b.).Le secret des affaires est souvent abordéainsi que le sort des pièces annulées (d.).

a) Pièces saisiesNous verrons ainsi qu’une jurisprudenceconstante a tracé les conditions précisesdans lesquelles les documents papierspeuvent licitement être saisis par la DGC-CRF. Les documents informatiques ontfait l’objet de quelques décisions impor-tantes dont certaines sont soumises à laCour de cassation.

• Les documents papiersCe n’est pas parce qu’un document ne se-rait pas utile à démontrer une pratique an-ticoncurrentielle qu’il devrait ipso facto êtrerestitué. Le critère n’est pas celui de l’uti-lité de la pièce mais bien celui du champde l’autorisation. L’entreprise va tenter dedémontrer que les pièces saisies sont endehors du champ de l’autorisation.Il résulte de la jurisprudence que troistypes de situations peuvent être distin-guées selon que le document contesté sesitue bien dans le champ de l’autorisa-tion, hors du champ de l’autorisationmais pour partie utile à la preuve despratiques et hors du champ de l’autori-sation, mais pour partie utile à la preuvedes pratiques et susceptible de traduiredes compensations entre les entreprisesen cause sur des marchés passés à lamême époque. Les consultations d’avo-cats sont naturellement soumises à desrègles spécifiques. L’ensemble des docu-ments saisis doit être inventorié.

Documents papiers situés dans le champde l’autorisation. Pour obtenir l’autori-sation de visite et de saisie, la DGCCRFdispose le plus souvent d’indices de pra-tiques anticoncurrentielles portant surun marché particulier, éléments qu’elleaura recueilli par exemple lors de l’ana-

lyse des offres des candidats à un ap-pel d’offres lors d’un marché public.Mais il est bien certain qu’en cette ma-tière, si une entente est nouée entre lesentreprises, celle-ci sera fréquemmentfondée sur une répartition préalable demarchés de même nature passés par dif-férents acheteurs publics et pour les-quels ces entreprises sont concurrentes.Dans ce cas, le JLD autorisera les opéra-tions en considérant que les élémentsproduits par la DGCCRF pour fonder uneautorisation de visite et de saisie, ne sontque des illustrations de pratiques quipourraient être beaucoup plus larges. Dece fait, il autorise logiquement la saisiede documents concernant d’autres ap-pels d’offres que celui expressément visédans son ordonnance. Naturellement, lesentreprises ont systématiquement de-mandé l’annulation de pièces saisies dansces conditions en soutenant qu’elles setrouvaient en dehors du champ de l’au-torisation (cf., notamment, Cass. com., 18 mai 1999,n° 98-30.008, D; sur les opérations de visite concernant despratiques relevées dans le secteur des marchés de fourniturede câbles à isolation synthétique, cf. Ord. JLD Paris, 22 sept.2003, Sagem; Ord. JLD 30 sept. 2003, Nexans confirmée parCass. crim., 9 févr. 2005, n° 03-86.664 et Ord. JLD Paris,30 oct. 2003 Draka confirmée par Cass. crim., 9 févr. 2005n° 03-86.795, Bull. crim. n° 53). La Cour de Cas-sation a récemment approuvé une déci-sion des juges du fond en ces termes :« l’arrêt constate que l’ordonnance d’au-torisation de visites et de saisies décrivaitdes pratiques d’entente présumées quiauraient été commises par des entreprisesdont l’implantation nationale leur avaitpermis d’obtenir des marchés dans descommunes situées sur l’ensemble du ter-ritoire national ; que l’arrêt observe qu’au-delà des villes nommément désignées parl’ordonnance, était visé l’ensemble du marché de transport urbain de per-sonnes qui pouvait être concerné par lespratiques anticoncurrentielles présumées ;que l’arrêt relève ainsi le caractère nonexhaustif de la liste des marchés pour les-quels cette ordonnance avait observé l’exis-tence de présomptions, les marchés men-tionnés n’étant que des illustrations dela pratique dont la preuve était recher-chée dans un secteur déterminé ; que lacour d’appel, en écartant le détournement deprocédure allégué, n’a pas dénaturél’ordonnance invoquée, sans encourir les griefs allégués ; que le moyen n’estfondé en aucune de ses branches » (Cass.com., 9 oct. 2007, n° 06-12.446, D, rejetant le pourvoi intenté contre CA Paris, 7 févr. 2006, Transdev, Kéolis etConnex, confirmant Cons. conc., déc. n° 05-D-38, 5 juill. 2005, Marché du transport public urbain de voyageurs).Toute velléité du JLD d’annuler la saisiede documents situés dans le champ del’autorisation définit par l’ordonnance

d’autorisation est censurée par la Courde cassation. Il appartient à l’entreprise qui contestela saisie de documents en soutenant qu’ilsseraient en dehors du champ de l’auto-risation donné par le JLD d’en apporterla preuve. Il n’est pas suffisant pour celade faire une simple référence aux pré-somptions de pratiques anticoncurren-tielles mentionnées dans l’ordonnanceet d’en conclure que les pièces en ques-tion «ne se rapporteraient manifestementpas à ces agissements » (JLD Paris, 30 juin 2005,2 décisions SA Canal+ et SA Groupe Canal), sans lamoindre précision supplémentaire pou-vant permettre de savoir sur quel raison-nement elle se fonde pour soutenir cetargument . Ce type de contestation n’estpas recevable car beaucoup trop géné-ral. En la matière, il n’y a pas de renver-sement de la charge de la preuve et c’estbien au demandeur au recours d’appor-ter la preuve de ce qu’il avance et non àla DGCCRF défenderesse au recours dejustifier la saisie. Pourtant, le JLD de Pa-ris, dans les deux décisions ci-dessus,avait annulé les pièces contestées. Cettedécision a été censurée par la Cour decassation (Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 05-85.739, D).

Documents papiers hors champ de l’au-torisation mais considérés « pour partieutile ». La Cour de cassation admet ré-gulièrement qu’il est loisible aux enquê-teurs de saisir des documents en dehorsdu champ de l’autorisation à conditionqu’ils traduisent un lien avec les pra-tiques anticoncurrentielles suspectées.Ainsi, dans le dossier des marchés pu-blics passés pour la construction despistes d’atterrissage de l’aéroport deRoissy, la Cour a validé la saisie de piècesconcernant la construction de la piste 4déjà construite, alors que l’autorisationvisait la piste 3 car si l’Administration nepeut appréhender que des documents serapportant aux agissements retenus parl’ordonnance d’autorisation de visite etsaisie domiciliaires, il ne lui est pas in-terdit de saisir des pièces pour partieutiles à la preuve desdits agissements.Dans l’affaire des pistes d’atterissage, laCour de cassation a ainsi confirmé la dé-cision de première instance, en affirmantque « les marchés relatifs à la construc-tion de la piste 4 ne sont pas sans lienavec ceux relatifs à la construction de lapiste 3, dès lors que les offres déposées envue de la construction de la piste 4 onteu une incidence sur l’établissement dubudget afférent à la construction de lapiste 3 et sur les appels d’offres en décou-lant, les pièces dont la saisie est contes-tée étant ainsi de nature à permettre d’ap-porter un éclairage sur les pratiques

LES ENQUÊTES DE LA DGCCRF EN MATIÈRE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

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anticoncurrentielles présumées. […]Toutes ces pièces peuvent ainsi être consi-dérées comme étant des documents denature à être pour partie utiles à la preuvedes agissements frauduleux soupçonnés »(Cass. crim., 19 nov. 2003, n° 02-81.997, D).Ce raisonnement est conduit dans ungrand nombre d’affaires (Cass. crim., 9 févr.2005, n° 03-86.664, D).

Documents papiers hors champ de l’au-torisation mais considérés « pour partieutile » et susceptibles de traduire des com-pensations entre les entreprises en causesur des marchés passés à la même époque.En matière de marchés publics, nombred’affaires traitées par le Conseil de laconcurrence démontrent que les entre-prises parties à la concertation nouent desententes de répartition des marchés surune large zone géographique, et parfoismême l’ensemble du territoire. Elles sontdonc amenées fort logiquement à trom-per les acheteurs publics en simulant laconcurrence par des offres de couverturepour ne pas attirer trop abruptement l’at-tention de ces derniers. Naturellement, laDGCCRF peut ne détenir des indices quesur un ou deux marchés.La Cour de cassation valide fort opportu-

nément la saisie de pièces étrangères auchamp de l’autorisation si l’analyse de cespièces démontre que les entreprises sontles mêmes sur les deux marchés, et queces marchés susceptibles de compensa-tion ont été passés à la même période (Cass.com., 16 nov. 1999, n° 98-30.316, D). Dans une af-faire de marchés publics concernant lestravaux de construction de la ligne ferro-viaire TGV Nord, la Cour de cassation avalidé la saisie de pièces concernant desmarchés passés pour la construction dela ligne TGV Rhône-Alpes, dans la me-sure où ces dernières pièces n’étaient pasétrangères à l’autorisation accordée et sontpour partie utiles à la preuve des agisse-ments retenus, dès lors qu’elles concer-nent « des pratiques concertées susceptiblesde limiter la concurrence par un jeu decompensations réciproques entre les mêmessociétés et à la même époque sur différentsmarchés individualisés, faisant ainsi res-sortir le lien entre le marché public visépar l’ordonnance et les autres marchés pu-blics en cause » (Cass. com., 13 juill. 2004 n° 03-11.430, confirme CA Paris, 14 janv. 2003).

Consultations d’avocats. Les consulta-tions et avis juridiques des avocats sontcouverts par le secret professionnel (L. n° 71-

1130, 31 déc. 1971, art. 66-5, modifié par la L. n° 2004-130,11 févr. 2004) et ne peuvent pas être saisissauf si le document apporte la preuve dela participation de l’avocat à la fraude.Il ressort de la jurisprudence de la Courde cassation (Cass. crim., 7 mars 1994 n° 93-84.931, enmatière d’ABS, faux et usage de faux et abus de confiance)que les agents peuvent saisir des corres-pondances entre un avocat et son clientlorsque celles-ci ne concernent pas lesdroits de la défense « si, selon les principesrappelés par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les correspon-dances échangées entre le client et son avo-cat sont, en toutes matières, couvertes parle secret professionnel, il demeure que lejuge d’instruction tient de l’article 97 duCode de procédure pénale le pouvoir de lessaisir dès lors qu’elles ne concernent pasl’exercice des droits de la défense, dans l’af-faire pour laquelle les opérations de visiteet de saisie sont autorisées.Si les documents concernent les droits dela défense, ils sont insaisissables » (Cass.com., 20 oct. 1998 n° 96-30.117).Cette décision implique naturellement queles agents prennent connaissance despièces. En tout état de cause, l’entreprisepourra toujours introduire un recours de-vant le JLD si elle estime que ses droitsont été transgressés. De ce point de vue,cette possibilité de recours accordée à l’en-treprise dès la fin des opérations de visiteet saisie offre toute la protection néces-saire qui doit être reconnue à ces consul-tations et à la différence du droit commu-nautaire pour lequel les entreprises sontà la merci de l’exploitation de ces piècesjusqu’à la décision de la Commission, cequi vient de justifier la décision Akzo du17 septembre 2007 (TPICE, 17 sept. 2007, aff. T-125/03 et T-253/03, Akzo Nobel Chemicals c/ Commission ;pour un commentaire sur cette décision, cf. la rubrique Droitprocessuel de cette revue, RLC 2007/14, n° 1015) interdi-sant aux agents de la Commission euro-péenne de prendre connaissance desconsultations pendant leur investigations.Il convient de noter que lorsque les agentsde la DGCCRF utilisent les pouvoirs de l’ar-ticle L. 450-3 du Code de commerce (cf. ci-dessus), ils ne demandent jamais à prendreconnaissance des consultations d’avocats.Mais a contrario, « il résulte des disposi-tions combinées des articles 66.5 de la loidu 31 décembre 1971 et L 16.B du livredes procédures fiscales qu’en toute ma-tière, les consultations adressées par unavocat à son client ou destinées à celui-ci, et les correspondances échangées entrele client et son avocat sont couvertes parle secret professionnel ; qu’une saisie depièces répondant à cette définition ne peutêtre autorisée ou maintenue […] qu’à lacondition que les documents saisis soientde nature à établir la preuve de la parti- >

Qu’en est-il de la saisie de cahiers, agendas, manuscrit contenant de nombreuses pagesdont certaines seulement contiennent des informations entrant dans le champ del’autorisation? Plusieurs ordonnances du JLD ont déjà eu l’occasion de se prononcer surla question en affirmant que « la saisie de la pièce litigieuse, dont les cotes ne peuventêtre dissociées puisque constituant un tout, n’est pas manifestement étrangère au butde l’autorisation accordée » (Ord. JLD Paris, 22 sept. 2003, Sagem, inédit) ou encore, que lesdifférentes cotes d’un scellé « sont les différentes pages d’un cahier à spirale constituantun tout et […] qu’il convient par conséquent de maintenir la saisie de l’ensemble despages de ce cahier constituant une entité non dissociable » (Ord. JLD Paris, 30 oct. 2003,Draka Paricable confirmée par Cass. crim., 9 févr. 2005 n° 03-86.795, Bull. crim., n° 53). De même,un document qui apparaît bien se rapportant, pour partie, à l’objet de l’enquêtediligentée a pu être considéré comme un « document unique » qu’il n’est pas possiblede scinder (Ord. JLD Metz, 22 févr. 2005, Demathieu et Bard, inédit). Même chose pour les 16pages d’une note agrafées, qui constituent un document unique intitulé dont la saisie« ne permet pas d’en dissocier les pages et implique que l’intégralité de celui-ci soitrespectée » (Ord. JLD Tarascon, 25 avr. 2005, Guintoli, inédit). Enfin, s’agissant de cahiersmanuscrits reliés, dont les pages les composants ne peuvent être dissociées, le juge aestimé qu’ils formaient un tout, « pour partie, utiles à la preuve des agissementsmentionnés dans l’ordonnance » (Ord. JLD Paris, 15 avr. 2005 PSG, inédit).Notons enfin que quatre décisions du JLD de Paris rendues le 13 avril 2007 traduisentexactement la position actuelle de la jurisprudence en la matière sur la notion de « pourpartie utile ». En effet, même si ces documents ne font pas expressément référence à laconcertation présumée, ils sont utiles car ils concourent à la recherche de la preuve (Ord.JLD Paris, 13 avr. 2007, Snip ; Lafarge Platres (pourvoi) et Placoplatre, inédits ; Ord. JLD Paris, 12 juill.2007, Du Pont de Nemours, inédit).Ainsi, le juge valide nécessairement la saisie notamment des documents suivants :relations avec la clientèle, réunions internes, politique de l’entreprise, conjoncture dumarché, enjeux stratégiques, stratégie commerciale, évolution du marché, politiquetarifaire, hausses de prix programmées, remises, marges, garanties de performances,parts de marchés, produits distribués y compris ceux des concurrents, études deproduits, normes des produits, politique de distribution des produits.

« Pour partie » utile

Les enquêtes de concurrenceEnquêtes

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cipation de l’avocat à la fraude présu-mée » (Cass. com., 5 mai 1998, nos 96-30.115 et 96-30.116;Cass. com., 9 mars 1999, n° 97-30.029, D).Les documents établis par le juriste del’entreprise ne sont en aucun cas couvertspar la protection liée au secret profession-nel. Ainsi, les notes dressées par le direc-teur juridique concernant des éléments àdévelopper dans le cadre d’un conten-tieux devant le Conseil de la concurrencepeuvent être saisis (TGI Paris, 10 avr. 2002, Suez,inédit). Le TPICE a pris une décision simi-laire pour l’application du droit commu-nautaire (cf. TPICE, 17 sept. 2007, aff. T-125/03, préc.).

Inventaire incomplet, imprécis. En find’intervention, il est procédé à la misesous scellé des documents conformémentà l’article 56 du Code de procédure pé-nale qui dispose que « tous objets et do-cuments saisis sont immédiatement in-ventoriés et placés sous scellés. Cependant,si leur inventaire sur place présente desdifficultés, ils font l’objet de scellés fermésprovisoires jusqu’au moment de leur in-ventaire et de leur mise sous scellés défi-nitifs et ce, en présence des personnes quiont assisté à la perquisition suivant lesmodalités prévues à l’article 57 […] ».En règle générale, les documents sontsaisis sous forme de scellés ouverts. Unefois numérotés, les documents sont pla-cés dans une chemise cartonnée. Ils sontalors percés et reliés par une ficelle. Uncachet de cire est apposé sur la couver-ture de la chemise cartonnée. Dans cha-cun des scellés, les documents sont nu-mérotés en continu. Chaque scellé estnuméroté et la couverture est complé-tée de l’indication du bureau où ont étésaisis les documents. En fin d’interven-tion, ils sont signés par les personnesayant assisté aux opérations, le ou lesOPJ et au moins par un enquêteur.Si l’entreprise en fait la demande, unecopie des pièces saisies lui est laissée (TGIMarseille, 31mars 1994, inédit).En cas d’impossibilité matérielle de pro-céder à un scellé ouvert, l’enquêteur peutprocéder à la mise sous scellés fermésdes documents saisis. Ces scellés fermésseront ouverts ultérieurement en présencede l’occupant des lieux et de l’OPJ. Cetteprocédure peut être utilisée pour la sai-sie d’un ordinateur ou d’un disque dur.Les textes n’exigent pas que les docu-ments soient analysés. Il suffit qu’ilssoient brièvement désignés, côtés et pla-cés sous scellés (TGI Paris, 18 sept. 1995, Eurosyn-tec, inédit). Dresser l’inventaire ne signifiepas énumérer chaque document, maisdénombrer ceux-ci et les regrouper sousune appellation permettant leur identi-fication (TGI Toulouse, 16 oct. 1996, Giesper, inédit).Le Conseil de la concurrence n’exige pas

que le contenu des documents saisis soitdécrit très précisément (Cons. conc., déc. n° 01-D-07,11 avr. 2001, Marché de la répartition pharmaceutique, BOC-CRF 24 juill., p.613, Recueil Lamy, no852, comm. Respaud J.-L.).La Cour de cassation a confirmé cette ana-lyse très fermement par une décision danslaquelle elle casse l’ordonnance du JLDqui s’était montré trop exigeant. Une en-treprise contestait la saisie estimant quecertaines pièces n’auraient pas été réper-toriées ni même mentionnées dans le pro-cès-verbal de visite et de saisie. Le JLDavait fait droit à cette requête en annulant,qui plus est, la totalité du procès-verbalde visite et de saisie et non les seules piècesen cause, ce qui était parfaitement contes-table (JLD Paris, 30 juin 2005, SA Canal+).Sur pourvoi de la DGCCRF, la Cour cassecette décision en décidant que « pour an-nuler la saisie de tous les documents sai-sis (…) et en ordonner la restitution à lasociété Canal+, l’ordonnance attaquée,après avoir énoncé que si l’inventaire peutêtre dressé sans énumérer chaque docu-ment mais en les dénombrant, et ajoutéqu’il importe peu que l’intitulé retenu pourles regrouper permette leur identificationafin que chaque document fasse l’objetd’une désignation, prononce par les mo-tifs repris au moyen ; Mais attendu qu’ense prononçant ainsi alors qu’il résulte deses propres constatations que tous les do-cuments répertoriés dans les différents in-titulés ont un rapport certain et direct avecla dénomination choisie, et qu’ainsi, l’in-ventaire a été régulièrement dressé, le jugedes libertés et de la détention a méconnule sens et la portée des textes susvisé »(Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 05-85.739, D).

• Les documents informatiques et les supports d’information

Les saisies informatiques sont expressé-ment prévues par le Code de Commercequi a inclus, dans les dispositions de l’ar-ticle L. 450-4 du Code de commerce « toutsupport d’information ».Le membre de phrase « saisie de tout sup-port » a été ajouté au texte par la loin° 2001-420 du 15 mai 2001 pour per-mettre justement ces « saisies informa-tiques ». La notion de support d’informa-tion renvoie en réalité non à desdocuments contenant des données infor-matiques mais bien plutôt à des objetstels que le micro ordinateur lui-même, ledisque dur de l’ordinateur ou le disquedur externe, le CD ou DVD, la clé USB, etc.Cette interprétation vient d’être confir-mée très nettement par la Cour de cas-sation. En effet, dans une affaire liée auxdroits du football, le JLD de Paris avaitautorisé une opération de visite et de sai-sie, l’entreprise estimait que l'ordonnanceautorisait uniquement la saisie de tous

documents papiers et non de documentsinformatiques car l’ordonnance ne men-tionnait pas le membre de phrase « toutsupport d’information » de l’article L. 450-4. Le JLD avait fait droit à cette demandeen estimant que la notion de documentrenvoyait à celle d'un support papier etne pouvait concerner un support de don-nées informatiques et que c’était pourpallier cette lacune que l’article L. 450-4 du Code de commerce avait été modi-fié par la loi NRE afin de permettre la sai-sie de tout support d’informations : « lescourriers électroniques contenus dans lesmessageries ont été saisis par un procédéde copie, en les gravant sur un DVD, ou-til dont il peut être sérieusement soutenuqu'il ne constitue pas un support d'infor-mation ; c'est à tort que la DNECCRF sou-tient que le visa de l’article L. 450-4 duCode de commerce en tête de l'ordonnanceétait suffisant pour permettre aux enquê-teurs de saisir des supports d’informa-tion alors que la portée de l'autorisationjudiciaire est déterminé par son disposi-tif qui limitait les pouvoirs de ces enquê-teurs à la saisie de documents » (JLD Paris,30 juin 2005, 2 décisions, SA Groupe Canal+ et SA Canal+).Sur pourvoi de la DGCCRF, la Cour decassation casse cette décision en consi-dérant « qu’en prononçant ainsi, alorsque l’autorisation judiciaire en cause vi-sait aussi bien des documents sur sup-port papier que sur support informatique,le JLD a méconnu le sens et la portée destextes susvisés et du principe sus énoncé »(Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 05-85.739, D).La DGCCRF a développé depuis quelquesannées un savoir faire en matière infor-matique. Elle utilise un logiciel spécifiquequi est connecté sur l’ordinateur visité etpermet d’accéder directement au disquedur et de rechercher à partir de mots cléstous éléments susceptibles de se ratta-cher aux pratiques suspectées, ce qui peutconduire à la saisie globale d’une mes-sagerie qui constitue un fichier uniquedont il convient de garantir l’intégrité.Lorsque ces éléments sont identifiés, lesmessageries dans lesquelles ils se trou-vent ainsi que les zones personnelles sontgravés sur CD ou DVD et identifiés parune signature numérique destinée à ga-rantir l’authenticité des documents.En effet, le système utilisé attribue unel’empreinte numérique aux fichiers visésavant leur transfert sur le logiciel utilisé,celle-ci a pour fonction d’empêcher toutemodification au cours ou après ce trans-fert. Sur un plan technique, une modifi-cation d’un fichier saisi qui serait opéréeaprès coup est impossible. De même,l’ajout d’un fichier par la DGCCRF avantou après les opérations réalisées dans l’en-treprise serait très facilement repérable.

LES ENQUÊTES DE LA DGCCRF EN MATIÈRE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

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Lorsque les fichiers ont été transférés parle logiciel spécifique sur l’ordinateur dela DGCCRF, ils sont gravés sur troisCD/DVD distincts. L’inventaire des do-cuments saisis est gravé sur un CD/DVDdistinct ou édité sous forme papier et jointau procès-verbal de visite et de saisie.Un exemplaire du CD/DVD est placé sousscellé fermé et sera transmis au Conseil dela concurrence en l’état. Le deuxième estutilisé pour l’exploitation des pièces par laDGCCRF. Les éléments utilisés seront édi-tés et annexés au rapport d’enquête. Letroisième exemplaire est laissé à l’entre-prise afin qu’elle ait une parfaite connais-sance des documents saisis. Neuf décisionsinédites importantes de JLD dont une confir-mée par la Cour de cassation (cf. encadré),sont venues préciser les conditions danslesquelles ces investigations pouvaient êtreconduites par la DGCCRF (Ord. JLD Tours, 20 oct.2005, Sita, inédit (confirmé par Cass. crim., 12 déc. 2007, réfé-rence non connue à ce jour); Ord. JLD Lille, 20 déc. 2005, Co-mité français du butane et du propane, inédit (CFBP); Ord. JLDParis, 13 avr. 2007 (5 décisions), Lafarge Platres (pourvoi), BPBPlaco et Placoplatre, Knauf SAS (pourvoi), Knauf Sud-Ouest(pourvoi) et syndicat des industries du plâtre (Snip), inédits;Ord. JLD Paris, 12 juill. 2007, Du Pont de Nemours, inédit ; Ord.JLD Paris, 27 sept. 2007, SAS Syngenta Agro et SA SyngentaFrance, inédit). Ces décisions traitent des condi-tions de validité des opérations tant sur laméthode de saisie globale mise en œuvrepar la DGCCRF que sur la manière d’éta-blir un inventaire des pièces saisies.

Saisies globales. Le juge constate queles enquêteurs ont bien effectué desrecherches sur les messageries afin devérifier que celle ci contenaient desdocuments entrant dans le champ del’autorisation donnée avant de procé-der à leur saisie globale. Il valide lasaisie en confirmant que les fichiersde messagerie sont insécables et leurcontenu garanti par le numéro d’iden-tification.Dans la mesure où le procès-verbal fait ex-pressément mention que, préalablementà la saisie, les enquêteurs ont examiné lecontenu de l’ordinateur et constaté la pré-sence de documents entrant dans le champd’application de l’autorisation donnée, lasaisie est validée. Dans une affaire où lesinspecteurs avaient examiné, par une fouillesommaire, le contenu de l’ordinateur debureau présent dans cette pièce et que,constatant la présence de documents en-trant dans le champ de l’autorisation devisite et de saisie, ils avaient extrait et gravésur un CD-R vierge non réinscriptible desfichiers informatiques issus de disques Zip,le juge a pu décider que chaque fichierconstituant un tout indissociable, il y avaitlieu de procéder « à sa copie intégrale afind’éviter toute manipulation, dès lors que

l’un des documents contenu est pour par-tie utile à la preuve des agissements rete-nus » (Ord. JLD Paris, 13 avr. 2007, Snip, CFBP, Lafarge,BPB, Knauf SAS et Knauf SO, préc. ; Ord. JLD Paris, 27 sept.2007, Syngenta, préc.).L’omission de cette mention qui pourraitlaisser un doute sur le modus opérandi en-traîne l’annulation du procès-verbal et l’ab-sence de vérification, « même sommaire »,du contenu des messageries avant la sai-sie permettant de s’assurer de l’existencede documents de nature à entrer dans lechamp de l’autorisation donnée « rend ir-régulière la saisie des messageries électro-niques » (Ord. JLD Paris, 13 avr. 2007, Lafarge, préc.).Il importe peu que les messageries et leszones personnelles ne soient pas stoc-kées sur le disque dur de l’ordinateur vi-sité mais sur un serveur pour être vali-dées à condition que la procédureci-dessus soit respectée : « il résulte duprocès-verbal établi le 17 octobre 2006 parles inspecteurs de la DGCCRF, qu’ils ontdemandé de rapatrier sur l’ordinateur deM.A, les messageries présentes sur le ser-veur Microsoft Outlook de messieurs B, C,D et mesdames E et F, ainsi que les zonespersonnelles de mesdames E et F et leszones communes partagées par MessieursA et B, qu’ils ont procédé à une analyseapprofondie des messageries et zones per-sonnelles et communes ainsi rapatriéesdepuis le serveur et extrait des fichiers in-

formatiques qui, après authentificationnumérique, ont été gravés sur trois DVD-R finalisés de sorte à empêcher tout ajout,retrait ou modification et placés sous scel-lés […] » (Ord. JLD Paris, 13 avr. 2007, Knauf Sas, préc.).Il convient de préciser que la Cour de cas-sation, dans son arrêt du 14 novembre2007 (Cass. crim., 14 nov. 2007, n° 05-85.739, D), acassé les deux décisions du JLD de Parisdu 30 juin 2005 et donc validé les saisieinformatiques telles qu’elles avaient étéréalisées par la DGCCRF, c’est-à-dire, se-lon la méthodologie décrite ci-dessus.Dans la mesure où la Cour casse ces or-donnances sans renvoi, et cela alors mêmeque les entreprises du groupe Canal+contestaient cette méthodologie y com-pris devant la Cour, il est légitime de pen-ser que celle-ci ne décèle pas de critiquejuridique à ces processus. Cela ne seraitpas surprenant puisque, faut-il le rappe-ler, la DGCCRF pourraient parfaitementsaisir directement les ordinateurs ou lesdisques durs de ceux-ci, perturbant ainsibeaucoup plus profondément le fonction-nement des entreprises concernées.C’est la position de la Cour de cassationqui, le 12 décembre 2007, a confirmé l’or-donnance du JLD de Tours du 20 octobre2005 dans l’affaire Sita (cf. encadré).

Inventaire. L’article L. 450-4 du Code decommerce et l’article 56 du Code de pro-

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Les enquêtes de concurrenceEnquêtes

12 décembre 2007 : la Cour de cassation confirmel’ordonnance du JLD dans l’affaire SitaEn décrivant les diligences des recherches effectuées par la DGCCRF permettant dedécouvrir sur les messageries des ordinateurs visités et, par le biais de mots clés, desdocuments présumant l’existence de pratiques anticoncurrentielles, le JLD estimait que lacopie globale de ces messageries était alors justifiée et offrait toutes les garanties àl’entreprise du fait de l’authentification numérique des fichiers révélant toute substitution etou modification: Il validait également l’inventaire réalisé à l’aide du logiciel utilisé et annexéà la procédure.Le JLD avait ainsi indiqué que « l’article 56 du Code de procédure pénale auquel renvoiel'article L. 450-4 du Code de commerce n'exige pas de description exhaustive des piècessaisies ; Ici, en conformité avec l'alinéa 4 du même article 56, il fut procédé non à la saisiedu support physique des données informatiques mais à de simples copies en présencedes personnes qui assistaient à la perquisition. Les fichiers informatiques copiés sur CD-ROM faisaient bien, le 30 juin 2005, l'objet d'un inventaire dont mention était inscrite auprocès-verbal qui nous a été transmis. L'inventaire systématique s'annexait dans unrépertoire nommé “DGCCRF” et des trois exemplaires crées, un était toujours remis àl'occupant des lieux. L'entreprise connaît avec exactitude les éléments saisis et au stadeactuel de l'enquête il est compatible avec les droits de la défense de ne pas connaîtreavec précision les points à charge qui seront retenus en phase contentieuse. Il ne futdiligenté aucun enlèvement physique de disque dur et la copie des boîtes demessagerie était complète puisque d'une part ce document est insécable et que de plusseule la saisie de ce fichier indissociable donne une garantie d'origine pour ne pasmodifier le numéro d'identification par une entrée. À défaut de cette garantie,respectueuse des droits de la défense, la polémique naîtrait sur la source. L'autorisationdu 8 juin 2005 s'étendait au secteur des déchets hospitaliers dans la région Bretagne,Pays de Loire et Centre; or le mot clé "Vendôme " intéresse un marché du CentreHospitalier de Vendôme qui s'intègre dans le champ de l'autorisation.Se vérifie donc le respect de l'obligation d'inventaire et l'exécution, le 30/06/05, del'Ordonnance du 8/6/05 restait dans les limites précises du champ de cetteautorisation, donc la requête ne saurait prospérer. » La Cour de cassation a rejeté lepourvoi intenté contre cette décision (Cass. crim., 12 déc 2007).

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cédure pénale n’exigent pas la tenue d’uninventaire exhaustif consistant à men-tionner chaque document saisi. Le re-groupement de pièces sous une dénomi-nation permettant leur identification etexcluant toute fraude ou erreur est suffi-sante. Le juge estime que la procédureprévue par les textes est respectée si deuxconditions sont réunies : la mention dubureau visité et du fichier de messagerieconcerné et la copie laissée à l’entreprisedu fichier placé sous scellé et emportépar les enquêteurs (CD ou DVD) ou lacopie papier (Ord. JLD Paris, 13 avr. 2007, Sita et CFBP,préc. ; Ord. JLD Paris, 27 sept. 2007, Syngenta, préc.).Le JLD valide cette procédure d’inven-taire dans la mesure où celui-ci comportepour chacun des fichiers, son nom, sonempreinte numérique et son chemin d’ac-cès permettant son identification, quecet inventaire soit sous forme papier (Ord.JLD Paris, 13 avr. 2007, Snip et Du Pont de Nemours, préc.)ou sous forme informatique (Ord. JLD Paris,13 avr. 2007, Lafarge, Knauf Sas, Knauf SO, préc. ; Ord. JLDParis, 27 sept. 2007, Syngenta, préc.).

b) Enchaînement des opérations (C. com., art. L. 450-4 et L. 450-3)La question pourrait se poser de savoirsi les dirigeants d’une entreprise visitéepourraient être entendus tout de suiteaprès la clôture des opérations. La Courde cassation a admis la légalité de la prisede déclaration et de documents sur labase de l’article L. 450-3 du Code de com-merce après clôture d’une opération devisite et de saisie effectuée sur la base del’article L. 450-4 : « Attendu que le prési-dent du tribunal de grande instance deNanterre a, dans le cadre d’une enquête

sur des pratiques anticoncurrentielles, au-torisé le directeur de la Direction natio-nale des enquêtes de concurrence, deconsommation et de répression desfraudes, à procéder à la visite et à la sai-sie de documents dans les locaux de lasociété Hervé et a donné commission ro-gatoire au président du tribunal de grandeinstance de Versailles afin de contrôler cesopérations ; postérieurement à celles-ci,la société Hervé a saisi ce magistrat afinde voir prononcer la nullité de l’auditionde son dirigeant à laquelle avait procédédes fonctionnaires du service précité, àl’issue de la visite et de la saisie de docu-ments ; Attendu que, pour se déclarer in-compétent pour statuer sur cette demande,le juge énonce que cette audition a eu lieu,en vertu des dispositions des articlesL.450-2 et L. 450-3 du Code de commerce, aprèsqu’aient été clôturées les opérations de vi-site et de saisie de documents faites surle fondement de l’article L. 450-4 duditcode ; Attendu qu’en l’état de ces énon-ciations, et dès lors que le procès-verbald’audition étant étranger à la procéduresoumise au contrôle du juge, la contesta-tion sur sa régularité ne relève pas de sacompétence, le président du tribunal degrande instance a justifié sa décision »(Cass. crim., 20 oct. 2004, n° 02-87.096, Bull. crim. n° 251).

c) Conséquences de l’annulation de certains documentsL’annulation de documents par le JLDconduit la DGCCRF à restituer ces der-niers par procès-verbal de restitutionaprès le bris des scellés posés sur cesderniers. L’ensemble de ces opérationsétant naturellement effectuées en pré-

sence de l’entreprise. Cela étant, la nul-lité prononcée par le juge ne concerneque les documents en cause et n’a pasd’incidence sur le reste de la procédure :« Mais attendu que l’ordonnance retientà bon droit que, dès lors qu’il est alléguéque certains des documents saisis au ca-binet de l’avocat étaient couverts par lesecret professionnel, il y a lieu d’ordon-ner la production desdits documents, sansannulation du procès-verbal établi à cetteoccasion, seules la saisie de ces documentsdevant éventuellement être annulée etleur restitution ordonnée » (Cass. com., 5 mai1998, nos 96-30.115 et 96-30.116).Il arrive fréquemment que des cahiersou agendas ou autres documents reliéssoient saisis dans la mesure ou ils contien-nent certaines pièces entrant dans lechamp de l’autorisation. Naturellementces documents comportent égalementdes documents ou annotations sans rap-port avec l’autorisation.Une entreprise avait demandé à un JLDd’interdire à la DGCCRF de faire usagedes mentions n’entrant pas dans le champde l’autorisation tout en reconnaissantque d’autres mentions se trouvaient biendans le champ de l’ordonnance. Cettedemande a été rejetée en ces termes :«La régularité de la saisie de ces pièces n’estpas contestée et il n’appartient pas au jugede statuer sur cette demande dès lors quela saisie des pièces est régulière; Cette de-mande sera en conséquence rejetée » (Ord.JLD Bourg en Bresse, 15 déc. 2004, Cegelec Est, inédit).

C. – Rédaction de procès-verbauxet de rapports d’enquête

1) Rapports d’enquête

Comme on l’a examiné ci-dessus, les in-vestigations conduites par la DGCCRFfont l’objet de procès-verbaux (recueilde pièces, recueil de déclarations, visiteset saisies). L’ensemble des constatationsopérées et des informations obtenuesdans les entreprises est analysé et détaillédans un rapport de synthèse décrivantles pratiques relevées, le marché concernéet l’analyse concurrentielle de ces pra-tiques au regard des articles L. 420-1 àL. 420-6 du Code de commerce.Il ne peut être reproché à la DGCCRF deprocéder à l’analyse des faits constatésen terme de concurrence, de prendre po-sition au regard des textes et donc de qua-lifier les faits en les imputant aux entre-prises visées. Cette manière de procéderne peut en aucun cas constituer un vicede procédure ainsi que l’a déjà reconnule Conseil de la concurrence : « Si le rap-port d’enquête est critiqué comme rele-vant le parti pris de l’enquêtrice favorableaux vétérinaires, la position prise par l’en-

LES ENQUÊTES DE LA DGCCRF EN MATIÈRE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Le secret des affairesLe secret des affaires ou le secret professionnel, hormis les correspondancesd’avocats, n’est pas opposable aux enquêteurs pour les pièces saisies dans le cadred’une autorisation délivrée par un Juge des Libertés et de la Détention, sous son autorité et son contrôle et en présence d’un officier de police judiciaire. Lesagents de la DGCCRF sont eux-mêmes tenus au secret professionnel et informent le Conseil de la concurrence de la protection devant être accordée à telle ou tellepièce qui sera signalée par l’entreprise. En effet, c’est bien devant le Conseil de la concurrence que sera mise en place une procédure spécifique de protection des secrets d’affaires prévue par l’article L. 463-4 du Code de commerce.Vainement certaines entreprises ont engagé des recours sur ce point :« Attendu que, de plus, la saisie de documents couverts par le secret professionnelest possible dans la mesure où celle-ci a été effectuée dans le cadre d’une autorisation donnée par le Juge des Libertés et de la Détention » (Ord. JLD Metz, 22 févr. 2005, inédit ; Ord. JLD Tarascon, 22 avr. 2005, inédit). « L’article L. 450-4 du Codede commerce n’exclut pas du champ des documents pouvant faire l’objet d’unesaisie, ceux qui seraient de nature à porter atteinte au respect de la vie privée et àla protection du secret des affaires ; que pour ces derniers d’ailleurs, l’article L. 463-4 du Code de commerce permet, en cas de contentieux devant le Conseil de laconcurrence, à la partie mise en cause, de demander le retrait du dossier oul’occultation partielle de pièces mettant en jeu ledit secret » (Ord. JLD Paris, 13 avr. 2007

Lafarge Platres, BPB Placo et Placoplatres, Knauf et du syndicat des industries du plâtre (Snip), inédits).

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quêtrice ne peut en elle-même constituerun vice de procédure, la réalisation durapport d’enquête conduisant nécessaire-ment l’enquêteur à exposer ses propresconvictions aux termes des investigationsauxquels il a procédé » (Cons. conc., déc. n° 04-D-49, 28 oct. 2004, Secteur de l’insémination artificielle bo-vine, BOCCRF 21 janv. 2005, p. 77; cf., dans le même sens,CA Paris, 16 déc. 1994, Kangourou Déménagements et autres,BOCCRF 28 déc. 1994 p. 591; Cons. conc., déc. n° 98-D-33,3 juin 1998, Marchés publics de voirie et réseaux divers dansle département de l’Hérault, BOCCRF 1998, p. 498).Cette position est parfaitement justifiée.En effet, un tel rapport de synthèse est lefruit d’un travail d’enquête de plusieursmois au cours desquels auront été enten-dus de nombreux interlocuteurs de la DGC-CRF. Comment imaginer que ce rapportpourrait se contenter de décrire les faitsrelevés sans en tirer la moindre consé-quence juridique et économique? Cela neserait satisfaisant ni pour la DGCCRF, nipour le Conseil de la concurrence d’ailleurs.Il est déterminant qu’à ce stade, la DGC-CRF exprime ses conclusions, ses convic-tions et ses doutes sans pour autant queceux-ci ne lient en quoi que ce soit le rap-porteur du Conseil chargé de l’instructionni le collège du Conseil de la concurrence,qui n’est d’ailleurs pas plus lié par les pro-positions du rapporteur, qu’il s’agisse denotifier des griefs ou de proposer un non-lieu. Le Conseil a été amené à le rappeler(Cons. conc. déc. n° 98-D-33, 3 juin 1998, préc.).D’ailleurs, la Cour d’appel de Paris rap-pelle ces précisions pour démontrer quela transmission du rapport d’enquête parla DGCCRF au Conseil de la concurrenceest un acte interruptif de la prescription :« Le dépôt du rapport administratif d’en-quête détaille les mesures d’enquêtes aux-quelles il a été procédé par la DGCCRF surdemande du rapporteur, analyse les mar-chés sur lesquels les pratiques sont recher-chées, présente la synthèse des élémentsde preuves recueillies, décrit précisémentles pratiques constatées et propose unequalification juridique de celles-ci; que dece fait il s’agit bien d’un document ten-dant à la recherche et à la constatationdes faits » (CA Paris, 26 juin 2007, parfums).Cependant, à la différence des procès-ver-baux qui, au terme de l’article L. 450-2du Code de commerce font foi jusqu’à,preuve contraire (cf. supra), le rapport d’en-quête ne revêt en lui-même aucune forceprobante s’il n’est pas accompagné desprocès-verbaux établis pendant les in-vestigations. Ainsi dans une affaire oùun concessionnaire automobile avait as-signé un constructeur devant le tribunalde commerce afin d’obtenir des dom-mages-intérêts pour refus abusif decontracter, celui-ci avait produit aux dé-bats des procès-verbaux et un rapport

administratif de la DGCCRF. Cependant,les procès-verbaux étaient entachés d’uneirrégularité puisqu’ils n’avaient pas étéremis en double aux personnes concer-nées. La Cour de cassation approuve laCour d’appel d’avoir écarté ces procès-verbaux irréguliers et partant d’avoir dé-nié toute force probante au rapport d’en-quête à défaut des actes à l’appui desquelsil avait été rédigé (Cass. com., 10 oct. 2000, n° 98-12.393, Bull. civ., IV, n° 149).

2) Communication des rapports,information des entreprises

Il convient tout d’abord de distinguerdeux phases dans la procédure conten-tieuse, celle de l’enquête et celle de lanotification de griefs. Dans le second cas,la procédure se traduit par l’organisationd’un débat pleinement contradictoire au-quel sont associés les entreprises misesen cause comme les plaignants. Dans lepremier cas, l’information des entreprises

est en effet plus limitée ce qui est justi-fié puisque les actes d’investigations ef-fectués dans le cadre d’enquêtes prépa-ratoires ne sont pas assujettis aux mêmesgaranties procédurales que les actes d’ins-truction dans le cadre d’un contentieuxcomme le rappelle la jurisprudenceconvergente de la Cour de cassation (Cass.crim, 29 mars 1995, n° 94-81.778, Bull. crim., n° 133) etde la CEDH (CEDH, 19 sept. 2001, IJL e.a. c/RoyaumeUni). Ces arrêts rappellent en particulierque le droit à un procès équitable tel quedéfini par l’article 6 de la Convention eu-ropéenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamentalesest inapplicable au stade de la constata-tion des infractions en raison de la né-cessité de ne pas gêner en pratique la re-cherche des infractions, notamment, dansle domaine des activités commerciales.De plus, les actes d’investigations sontsusceptibles de recours spécifiques (surla légalité de l’ordonnance de visite etsaisie et sur le déroulement des opéra-tions) en dehors de la procédure contra-dictoire ouverte au contentieux.Plusieurs hypothèses sont envisageables :

– si l’enquête a donné lieu à une saisinedu Conseil ou résulte d’une demande duConseil, ce dernier doit en tout état decause rendre une décision de sanction, denon lieu ou de rejet de la saisine qui seranotifiée aux parties concernées. Celles-cibénéficient bien entendu du droit d’intro-duire un recours en appel et la décisionest publiée. L’information de l’ensembledes entreprises concernées est donc bienassurée dans un délai raisonnable. On saiten effet, que l’un des premiers objectifsde la charte de coopération conclue le28 janvier 2005 entre la DGCCRF et leConseil de réduire au maximum les dé-lais de traitement des affaires qu’elles onten charge est parfaitement atteint, soit 11mois pour l’enquête de la DGCCRF et 18mois pour l’instruction de l’affaire par leConseil jusqu’à la date de la décision;– si l’enquête administrative diligentée àl’initiative de la DGCCRF aboutit à uneinformation du procureur de la Répu-blique en vertu de l’article L. 420-6 duCode de commerce, celui-ci ne prévoitaucune obligation d’information des en-treprises. Au contraire, l’article 11 du Codede procédure pénale assure le secret decette phase d’enquête. Il appartient parsuite au procureur de la République dedécider de l’opportunité de poursuites,et donc de l’information des personnesphysiques et morales concernées;– par ailleurs, une simple décision de« classement administratif » d’un rapportd’enquête ne constitue pas un acte deprocédure susceptible en soi de générerune information utile aux entreprisesayant fait l’objet d’investigations car lesrésultats de ces investigations peuvent,à tout moment, être réutilisés en cas d’ap-parition de faits nouveaux justifiant unereprise de l’action administrative. À cetégard, la pratique de la DGCCRF estd’ailleurs comparable à celle de la Com-mission européenne : celle-ci n’adresseen effet jamais de courrier pour signifierqu’elle n’entend pas ouvrir de procédureà la suite d’une enquête n’ayant pasconduit à constater une infraction auxrègles de concurrence.Toutefois, si des pratiques anticoncurren-tielles sont relevées sans qu’une saisinedu Conseil soit justifiée en raison parexemple d’un dommage à l’économie li-mité, la DGCCRF peut adresser un cour-rier aux entreprises à l’origine de ces pra-tiques, voire aux opérateurs susceptiblesd’être affectés par leur mise en œuvre,rappelant les constatations effectuées,analysant leurs effets et les mettant engarde contre les risques d’une réitérationde ces pratiques.En outre, les plaignants qui se sont adres-sés à la DGCCRF sont généralement in-

Les enquêtes de concurrenceEnquêtes

Le droit à un procèséquitable est

inapplicable au stade dela constatation des

infractions en raison dela nécessité de ne pasgêner en pratique la

recherche desinfractions, notamment,

dans le domaine desactivités commerciales.

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formés en temps utile des suites qui ontété réservées à leur plainte y compris encas de classement du dossier, le caséchéant.Par ailleurs, la décision du Conseil d’É-tat « imagerie médicale du Nivolet » apermis de préciser utilement les condi-tions de communication des documentsadministratifs produits en application del’article L. 450-2 du Code de commerce(procès-verbaux et rapports d’enquête).Dans cette affaire, le Conseil d’État a in-diqué que « l’administration saisie d’unedemande de communication de tels do-cuments [doit] rechercher si celle-ci peutêtre refusée en application des disposi-tions de l’article 6 de la même loi, notam-ment dans le cas où elle serait de natureà porter atteinte au déroulement de pro-cédures engagées devant une juridictionou à l’un des secrets protégés par la loi,au nombre desquels figure le secret del’instruction prévu par l’article 11 du Codede procédure pénale » (CE, 9e et 10e sect., 1er mars2004, nos 247733 et 251338, Ministre de l’Economie c/SCM« Imagerie médicale du Nivolet », BRDA 2004, no 6, p. 11).Le Conseil d’État impose à l’administra-tion saisie d’une demande de communi-cation de rechercher tout d’abord si cettedemande peut être refusée en applica-tion de l’article 6 de la loi du 17 juillet1978 modifiée, notamment dans l’hypo-thèse où la divulgation des documentsporterait atteinte au déroulement de pro-cédures engagées devant les juridictionsou d’opérations préliminaires à de tellesprocédures ou encore aux secrets proté-gés par la loi (secrets commerciaux, don-nées nominatives…).La DGCCRF se conforme donc scrupu-leusement aux prescriptions de la loi de1978 en examinant au cas par cas les de-mandes qui peuvent lui être adresséespour y donner les suites requises (parexemple communication de documentsadministratifs après occultation des in-formations dont la confidentialité est lé-galement protégée).Mais dans le cas d’espèce, il faut bienvoir que la demande de communicationde documents émanait de la société Ima-gerie médicale du Nivolet auprès de quides investigations avaient été conduiteset qui avait été informée par la DGCCRFque celles-ci avaient révélées des pra-tiques imputables à la société pouvanttomber sous le coup des dispositions duCode de commerce. Cependant aucunsuite n’avait été donnée à cette enquête,ni devant le juge civil ou pénal, ni de-vant le Conseil de la concurrence. Danscette mesure, il était parfaitement ad-missible qu’elle demande et obtiennecommunication des éléments établis lorsde l’enquête qui la mettait en cause.

Il convient de rappeler cependant quel’établissement d’un procès-verbal faittoujours l’objet d’une délivrance d’undouble à l’intéressé. Mais la Cour d’ap-pel de Paris a précisé qu’aucune dispo-sition législative ou réglementaire n’im-pose à la DGCCRF de communiquer àl’auteur d’une plainte les procès-verbauxet les pièces réunies dans le cadre d’uneenquête ayant abouti à l’établissementd’un rapport (CA Paris, 8 avr. 2005, Suberdine c/mi-nistre de l’Économie).Dans cette affaire, la société Suberdineavait saisi la DGCCRF d’une plainte àl’égard de son fournisseur et dénonçaitdes pratiques discriminatoires, au sensde l’article L. 442-6 du Code de Com-merce, dont elle aurait été victime de lapart de celui-ci, pratiques toutefois nonconfirmées par l’enquête. Les conclu-sions de cette enquête ont été portées àla connaissance de la société. Mécon-

tente, celle-ci a réclamé à la DGCCRF lacommunication de procès-verbaux dres-sés au cours de l’enquête. Devant le re-fus opposé, elle a assigné la DGCCRF enréféré devant le Président du TGI de Pa-ris pour voie de fait (violation des dis-positions de l’article L. 450-2 du Code decommerce, de la loi du 17 janvier 1978sur la communication des documentsadministratifs) en demandant au juged’enjoindre à la DGCCRF de lui commu-niquer les procès-verbaux dressés.La Cour estime qu’en réalité la personne in-téressée et/ou concernée est celle qui estentendue lors de l’enquête et non la partieplaignante et que de ce fait, le refus de com-munication ne peut être analysé en une voiede fait. De plus, la société ne pouvait pass’appuyer sur la décision du Conseil d’Étatdu 1er mars 2004 ci-dessus pour caractéri-ser une voie de fait dans la mesure ou ellen’était pas mise en cause par la DGCCRF. ◆

LES ENQUÊTES DE LA DGCCRF EN MATIÈRE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

En cas d’opposition aux fonctions des enquêteurs de la DGCCRF, ceux-ci seraient amenés àrelever cette infraction aux dispositions de l’article L. 450-8 du Code de commerce par unprocès-verbal transmis au procureur de la République : « le délit d’opposition à fonctionn’implique pas, pour qu’il soit constitué, que la mission n’ait reçu aucun commencementd’exécution mais l’infraction est caractérisée dès lors que quiconque s’est dressécontre, à contrarié, contredit, contrecarré ou fait obstacle à l’exécution de cettemission » (CA Caen, 5 avr. 1991).Le délit est caractérisé dès lors qu’un obstacle est opposé à l’un quelconque des pouvoirsdes agents, qu’il s’agisse de ceux énumérés à l’article L. 450-3 du Code de commerce(droit d’accès aux locaux, droit de communication de pièces, droit de prendre copie dedocuments, droit de recueillir sur place ou sur convocation tout renseignement oujustification) ou de ceux précisés à l’article L. 450-4.Ainsi, ce délit a été constaté par procès-verbal dressé par la DGCCRF transmis au procureurde la République dans les circonstances suivantes :Après la réalisation d’une opération de visite et de saisie, les enquêteurs de la DGCCRFs’étaient rendus dans les locaux d’une entreprise dans laquelle des documents laissantprésumer sa participation à une entente avaient été saisis. Ils furent reçus par le présidentdirecteur général et le directeur général. Après de multiples échanges de courriersdesquels il résultait la probabilité d’un entretien fort délicat. Sur place, invités à produire desfactures et à s’expliquer sur la signification de certaines pièces saisies, les dirigeants avaientrefusés de laisser accès à la photocopieuse de l’entreprise et exigeaient que lesenquêteurs recopient manuellement les mentions des factures. De plus, ils refusaient toutd’abord de communiquer les renseignements et justifications demandées en soutenantque le mode de consignation des déclarations par procès-verbal ne lui convenait pas, puis refusaitde s’expliquer autrement que sous la forme d’un questionnaire comportant des questionset des réponses dont la transcription devait figurer dans leur intégralité dans le procès-verbal. L’ensemble de ces refus furent réitérés malgré plusieurs demandes des enquêteurs.La Cour d’appel de Paris, a confirmé le délit d’opposition à fonction retenu par le jugecorrectionnel et « considéré que le comportement des deux dirigeants manifestaitdans son ensemble une certaine volonté d’entraver l’enquête de la Directionnationale des enquêtes de concurrence ». La Cour de cassation saisi sur pourvoirappelle la compatibilité des dispositions de l’article L. 450-3 du Code de commerceavec celles de l’article 14.3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et del’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et précise : « l’infraction estcaractérisée à l’égard des prévenus par leur refus de fournir aux enquêteurs certainsrenseignements et documents qui leur étaient demandées et par un ensemble demanœuvres dilatoires tendant à empêcher la poursuite des investigations » (T. corr. Paris,14 avr. 1999, CA Paris, 13e ch., sect. B, 21 janv. 2000, n° 9 ; Cass. crim., 14 nov. 2000, n° 00-81.084, D).

Qu’est-ce que le délit d’opposition à fonctions?

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