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Les enfants difficiles

Les enfants difficilesPrface du traducteurDr. H. SchafferLa mdecine du XIXe sicle, uniquement proccupe par la lsion anatomique et le trouble fonctionnel, ignorait l'me et, de ce fait, abandonnait en grande partie la religion le domaine psychique. Avec les dcouvertes de Freud et d'Adler, la naissance de la psychologie profonde cra, ds le dbut de XXe sicle, une nouvelle conception des choses. L'intgration dans les recherches de la psychopathologie d'une fonction psychique, de ses lois et de ses perturbations posait le croyant avec son orientation mtaphysique, religieuse et le mdecin de formation scientifique en face d'un problme dont les multiples aspects n'chappaient ni au psychothrapeute, ni au directeur de conscience. Une dlimitation trs prcise de leur champ d'action tait devenue ncessaire sur le plan pratique, une dfinition de leur optique s'avrait indispensable au point de vue thorique. Mais alors que Freud se refusait a toute explication avec la religion, la considrant comme une illusion nvrotique, Adler s'efforce de dfinir son propre point de vue, essentiellement scientifique comme on le verra, en reconnaissant une immense valeur a la notion de Dieu en tant qu'expression du but idal le plus lev propos la perfection humaine. Dans la mesure o cet idal se place au service de la notion sociale, se conformant a la dfinition d'une religion dynamique dans le sens bergsonien, elle reprsente pour Adler la concrtisation intuitive d'une ncessit inhrente la vie psychique humaine - direction vers l'lvation, aspiration a la perfection - dont la psychologie individuelle compare a dfini les donnes scientifiques. Mais entre la foi d'une part et le savoir d'autre part la diffrence n'est pas seulement de qualit, ces notions se plaant sur deux plans diffrents, dans deux catgories diffrentes de la pense. Il s'agissait alors de prciser les positions, de fixer les points de contact, de mentionner les divergences.L'dition originale de ce travail parut en 1933.Dans la premire partie, le thologien de formation luthrienne, le pasteur Jahn, expose le point de vue de lglise. l'aide de citations empruntes aux critures Saintes, Jahn dmontre la valeur universelle et ternelle de certaines vrits psychologiques et humaines.Extraites de leur contexte, ces citations perdent toutefois beaucoup de leur valeur. En voici, une, par exemple, tire (page 35) de l'ptre aux Romains (VII, 16-24): Malheureux homme que je suis! Qui me dlivrera de ce corps qui me voue la mort? Il et t souhaitable, semble-t-il, de reprendre en entier, comme nous le faisons, le passage oit saint Paul exprime l'antinomie entre les besoins du corps et les aspirations de l'me: Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le pch qui habite en moi. Je dcouvre donc cette loi. Quand je veux faire le bien, c'est le mal qui se prsente moi. Car je me complais dans la loi de Dieu au point de vue de l'homme intrieur. Mais j'aperois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m'enchane la loi du pch qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis! Qui me dlivrera de ce corps qui me voue a la mort?Afin de permettre au lecteur de se reporter aux textes originaux, nous avons ajout ces citations les rfrences bibliographiques respectives.Dans la deuxime partie de l'ouvrage, le Pr Adler, fondateur de la psychologie individuelle compare, se fait le dfenseur d'une conception scientifique, base sur des vues psychosociales, o l'idal social reprsente la mesure de toute manifestation psychique. Car Adler considre le sentiment social comme la condition essentielle de toute activit humaine de valeur. L'amour pour nos semblables devient ainsi une ncessit bio psychologique.Le choix entre la notion de Dieu, invention la plus noble de l'esprit humain d'une part, et la notion sociale, cadeau le plus prcieux de Dieu aux hommes, d'autre part, est l'enjeu, de la prsente polmique.Vis--vis de la psychothrapie, l'attitude du croyant, l'heure actuelle, n'est pas trs nettement dfinie: refus complet, considrant la psychothrapie comme un pch, rserve prudente ou bienveillante, alternent avec des tentatives de mettre la psychothrapie au service de la religion. Inversement, on peut constater chez certains thrapeutes la tendance se servir de la religion comme moyen thrapeutique. Un trs grand psychothrapeute n'a-t-il pas propos ses malades d'accommoder leur personnalit nvrose la religion qui leur convient le mieux. Or, il ne faut pas oublier que si le directeur de conscience, s'adressant la vie consciente du sujet, s'efforce de rapprocher l'homme de Dieu afin de sauver son me et lui garantir son salut, le psychothrapeute, s'adressant aux lments inconscients et incompris de son malade, dans le but de rsoudre ses conflits, recherche en premier lieu sa gurison.Dans ses relations interhumaines et dans un but de dlecter les manifestations nvroses d'un formalisme religieux rigide, le directeur de conscience saura profiter de l'enseignement que lui offre la psychologie profonde.Le psychothrapeute, par contre, doit savoir qu'il ne remplace pas la religion et qu'il ne peut accorder le pardon au pcheur. Il doit respecter la foi du malade et tre conscient de ce que, bien souvent, l'homme trouve dans la religion un guide, des rgles de conduite et une scurit dont il saura tirer le plus grand profit.Voici, prciss, certains des innombrables problmes que suscite la confrontation de la religion avec la psychothrapie. Le lecteur ne manquera pas d'en voquer d'autres. Il n'est pas dans l'intention des auteurs, comme il est dit dans l'pilogue, de rsoudre ces problmes, mais plutt de les poser.Les tudes qui suivent sont de nature mdicale et psychopdagogique. Dans deux articles, La Nvrose Obsessionnelle et Complment a l'tude de la Nvrose Obsessionnelle, parus respectivement en 1931 et 1936 dans la Revue Internationale de Psychologie Adlerienne, l'auteur, fidle sa conception d'un style de vie, schma ractionnel faonn dans les premires annes de l'existence de l'tre humain, dfinit les caractristiques de la personnalit de l'obsd et les circonstances donnant lieu l'apparition du symptme morbide. Adler s'tait dj attaqu ce problme dans le chapitre 15 de son ouvrage Pratique et Thorie de la Psychologie Individuelle Compare1Traduction franaise en prparation.

. En face de certains problmes de la vie qu'elles estiment insurmontables, ces personnalits nvrotiques ragissent d'une faon imprative par les innombrables modalits de la maladie obsessionnelle, dont il s'agit pour le thrapeute de saisir, dans leur absurdit, le sens cach. Crainte d'tre rabaisses, attitude hsitante en face de la solution des problmes sociaux, activits striles sur un champ de bataille secondaire et socialement inutile, caractrisent ces personnalits. L'auteur nous fournit une srie de subtiles analyses psychologiques traitant des diffrentes modalits de l'obsession: ide de tuer, de sauter par la fentre, besoin de se laver d'une faon incessante, scrupules, interrogations sans fin, etc.La contrainte n'est pas impose au malade par l'ide et encore moins par sa constitution, mais par les exigences de notre vie sociale. Le mcanisme de l'apparition d'une obsession ne peut tre saisi qu'a l'aide de cette optique psychosociale et finaliste.La gurison du nvros s'obtient en le librant de sa fausse causalit subjective, construite par lui-mme, et en l'adaptant la vie sociale relle.Les vues d'Alfred Adler sur le dveloppement psychique de l'enfant, le faonnage de sa personnalit dans les premires annes de sa vie grce aux facteurs du milieu environnant et a la ralisation de ses possibilits organiques, mais en fonction d'une utilisation active de certains d'entre eux (formation du style de vie), le rle de la mre en tant que premier partenaire dans le dveloppement du sentiment social du tout petit, sont, l'heure actuelle, universellement admises. L'aspect caractriologique de l'enfant gt, passif - candidat ventuel la nvrose - de celui ha, dtest, mais actif, dont l'volution risque de prendre le chemin de la dlinquance - font, notre poque, partie intgrante de la pense collective. Peut-tre est-il indiqu, au point de vue historique, de rappeler l'originalit de l'tude sur les enfants difficiles parue en 1926 et de faire connatre les textes qui ont donn lieu une immense littrature psycho-pdagogique, dont l'importance grandit sans cesse. Le rle de la mre, la fonction sociale du pre, les erreurs d'une ducation mal comprise ou mal ralise et leurs consquences immdiates (nursie, frayeurs nocturnes, manque d'initiative et de spontanit chez l'enfant) ou lointaines (nvrose, psychonvrose, dlinquance, troubles psychosomatiques) sont ici clairement dfinis.Les proccupations et les conclusions de rcents congrs de psychopdagogie, recommandant la bienveillance vis--vis de l'enfant difficile, le renoncement toute intervention immdiate (punitive ou corrective) en face de tout dfaut d'enfant, l'tude de sa personnalit, de sa comprhension en somme, en vue de son redressement, nous les trouvons judicieusement exposes dans ce travail, qui, publi en 1926, se place au premier rang de l'actualit psychopdagogique.Dr H. SCHAFFER.Les enfants difficilesLorsqu'on constate un dfaut chez un enfant, il faut s'arrter un instant et mditer sur la nature et la cause de ce dfaut. Quel en est le motif? A quoi est-il d? Quels sont les facteurs qui ont pu dtourner les enfants de l'activit utile pour les inciter a des agissements nuisibles. Saisissant ces facteurs, nous nous efforcerons de les carter. Pour que cette tche soit ralisable il nous faut nous placer dans un bon rapport affectif avec l'enfant, gagner sa confiance, afin qu'il se confie nous, qu'il nous ouvre son me et que nous puissions le comprendre dans sa structure intime. Dans ces conditions seulement notre entreprise se montrera efficace.Je considre comme absolument impossible que quelqu'un arrive pareil rsultat s'il engage une lutte avec l'enfant. Dans une situation difficile l'enfant prsentera toujours des dfauts. Il faut renoncer tout systme punitif et abandonner la conception exigeant une punition immdiate de l'enfant menteur ou voleur. Les parents d'enfants difficiles disent souvent: nous avons essay la bont, c'tait sans succs. Nous avons essay la svrit, c'tait galement inutile. Que devons-nous faire? Il ne faut pas s'imaginer que je considre la bont comme un moyen thrapeutique passe-partout; mais elle est ncessaire pour gagner l'enfant notre action ducative visant une transformation totale de sa personnalit. Car les dfauts infantiles qui nous frappent et constituent le point de dpart de notre intervention ne reprsentent que la surface du problme. Il ne sert a rien de punir un enfant qui ment; la punition le rendra plus mfiant. Il deviendra plus prudent et plus peureux. Il se dissimulera davantage, cachera mieux son jeu et poursuivra la recherche de son succs par la ruse et d'autres activits inutiles.Ceci nous amne parler de la vie psychique de l'enfant. Ds les premiers jours de la vie enfantine apparat un sentiment de tendresse. L'enfant commence s'intresser son entourage. C'est avant tout la mre, premire personne qu'il rencontre, qui veillera son intrt. Ceci est un processus capital car il signifie la fin de l'isolement de l'enfant, un veil et la cration d'un monde o d'autres tres humains commencent jouer leur rle. L'enfant apprend se lier aux autres. Le rle de la mre ne se borne donc pas donner naissance l'enfant, elle doit devenir son partenaire, son compagnon sur lequel l'enfant peut compter et dans lequel il peut avoir confiance, qui lui est utile et qui l'aide. Dans ces conditions et grce ses relations avec la mre le sentiment social du tout petit se dveloppera. L'enfant ne reste plus isol, il s'tablit un rapport social entre l'enfant et la mre.Nous entrevoyons ds prsent o commence le dveloppement de l'enfant et o peuvent apparatre les premires erreurs. Cette premire cellule sociale n'est que le point de dpart et la prparation pour d'autres cellules, la famille et le monde environnant. C'est le dbut de l'tre social.L'homme n'est pas seul dans ce monde, il n'est pas une unit isole; grce a la fonction maternelle il trouve la voie qui le conduit ses semblables et lui permet de se mettre en communication avec la socit. C'est dans ce sens que doivent se dvelopper et se construire ses formules vitales.Ce contact peut chouer si la mre est absente ou si l'enfant est confi des parents nourriciers qui se soucient peu de la fonction maternelle, ou encore si l'enfant passe de famille en famille o personne ne lui manifeste de la chaleur. Dans ces conditions l'enfant cherche une formule vitale o il reste seul, isol, croyant constamment que les autres sont ses ennemis. Nous pouvons deviner les traits caractriels de pareil enfant. Toujours maltrait, perscut, conduit durement, pareil enfant grandira comme en pays ennemi. Si parmi ces modalits, je cite le cas extrme, il est souvent possible de rencontrer des enfants ou des adultes, prsentant certains de ces traits caractriels qui nous permettent de conclure une insuffisante prise de contact du sujet avec le monde social.Cette constatation est lourde de consquences. Pareil enfant se trouvera toujours isol, ne se rapprochera pas des autres, ne se liera pas eux; il se montrera insuffisant dans toutes ces fonctions qui exigent un sentiment social fortement dvelopp. Peut-on prtendre que ces facteurs soient ngligeables? Ces facteurs nous semblent tre parmi les plus importants dont peut disposer l'tre humain. Car ces enfants ne sauront se faire des amis. Ils seront dpourvus de toutes ces vertus telles que fidlit, esprit de sacrifice et d'entraide, gards envers les faiblesses des autres. Tous ceux qui s'occupent d'ducation sont frapps par le grand nombre d'enfants prsentant pareils dfauts, traduisant ainsi l'entrave qu'a subi le dveloppement de leur sentiment social. Ils connaissent ces enfants sans gards envers leurs camarades, leurs parents, leurs matres, ne pouvant jamais s'entendre avec les autres, se querellant constamment et se montrant grossiers. Un examen approfondi rvle l'absence de la mre, soit qu'elle ait t vraiment absente, soit qu'elle n'ait pas su ou pu, pour diffrentes raisons, accomplir ses devoirs et ses obligations maternelles naturelles.Il ne faut pas, d'autre part, toujours rendre la mre responsable de cet tat de choses. Bien souvent elle a fait ce qu'elle a pu, mais trop accapare par le travail, ou empche par le destin, malade, elle n'a pas pu remplir sa fonction maternelle. Quoi qu'il en soit la mre a compltement dtruit les bases de toute ducabilit de l'enfant.Si on veut veiller la haine dans l'univers psychique de l'enfant il suffit de le corriger en public. Comment peut-on se rendre compte par quelle erreur le contact social avec la mre a t interrompu? Nous avons fait la connaissance d'un grand nombre d'individus, enfants et adultes, dont la vie a t gche uniquement par le fait qu'ils n'ont pas pu raliser un contact satisfaisant avec leur mre et partant avec la socit. Le contre-argument invoqu parfois, le grand amour de la mre pour son enfant, ne vaut pas pour nous, car cette mre n'a pas agi dans un sens satisfaisant. On ne peut le lui reprocher, elle ne savait pas agir autrement. C'est dans ces conditions que grandissent les enfants isols, adoptant une attitude combative, ne sachant s'incorporer des jeux collectifs, ne pouvant s'entendre avec d'autres en vue d'une action commune. Ces enfants dans des cas favorables arrivent peut-tre vivre une vie isole, mais succombent par la froideur qu'ils dgagent. Le monde ne les comprend pas, mais ressent leur froideur. Ces enfants sont trs mal prpars pour affronter d'autres fonctions importantes, plus compliques de la vie sociale.Le dveloppement du langage par exemple prsume pareille possibilit de contact entre les tres humains. Il est n de ce contact intime et mieux encore il constitue ce nouveau lien entre l'individu et ses semblables. Nous trouvons constamment des dfauts dans le dveloppement du langage si l'enfant n'arrive pas se lier aux autres. C'est ici que nous trouvons de nombreux cas de retard du langage ou encore de bgaiement. Bien souvent la mre ne prive pas l'enfant d'affection, mais elle ne sait pas tablir ce contact indispensable de l'enfant avec autrui. J'ai souvent vu des enfants qui, du fait de leur bgaiement, ont t opprims. Il n'est pas possible d'amliorer ces tats tant que leur cause n'est pas connue. Nous devons donc nous efforcer d'affermir leur contact. Mais pour le faire il est indispensable de connatre toute la vie, toute l'histoire du cas. Or, celui qui intervient avec sa poigne n'y parviendra pas. Seul celui qui, grce a sa patience et mditant sur le cas, obtiendra la collaboration de l'enfant aura des chances de russir. Je me souviens d'un enfant de 9 ans qui en bas ge avait t loign de sa mre pour tre lev par une paysanne qui ne le comprenait pas. l'ge scolaire on constata que le dveloppement de son langage tait trs insuffisant. Il avait une attitude hostile en face des gens, n'ayant jamais pu trouver la prparation ncessaire pour pouvoir entrer en contact avec les autres. Il n'a jamais ou d'amis, ne s'intressait personne. Il fallut l'loigner de sa mre nourricire et le placer dans une collectivit o il put apprendre tablir des contacts avec ses semblables.Ce n'est pas seulement le dveloppement du langage qui est menac par pareilles circonstances nfastes. Il en est de mme pour le dveloppement de la comprhension dans le sens d'une fonction demandant tre valable pour tout le monde. Pour que mes penses soient justes, ou pour que je puisse les considrer comme l'tant, il faut que chaque tre raisonnable soit susceptible de formuler des penses semblables. Mais comment mettre mes ides l'preuve si le contact avec les autres manque? Je ne peux le faire si je me trouve en face d'eux comme un ennemi et si je les considre comme m'tant hostiles. Nous trouvons chez ces enfants un dveloppement de l'intelligence infrieur la moyenne.Pour un individu qui vit seul le dveloppement de la morale semble une chose superflue. Le solitaire ne saurait que faire de la morale. La morale est un produit du sentiment social, une fonction de la socit, une forme vitale des tres humains qui vivent dans une interraction permanente. Si nous constatons un manque de sens moral chez l'enfant, nous pouvons coup sr dire que son contact avec les autres est troubl. Avant d'avoir rtabli ce dfaut il nous est impossible de donner une ducation morale a cet enfant.Il en est de mme pour les sentiments esthtiques, etc. Tout ce qui honore l'tre humain se trouve en rapport troit avec son sentiment social.Suivons prsent le dveloppement assez curieux, mais tragique, de pareil enfant qui se trouve en pays ennemi. Il a de son avenir une opinion des plus mauvaises. Il est opprim par ses rapports sociaux. Il se croit le plus faible et le plus petit et n'a jamais ressenti ce que signifie l'affection des autres. Il s'ensuit qu'ayant peu d'estime pour lui-mme, il aura un trs puissant sentiment d'infriorit. On s'en apercevra car cet enfant ne se joindra a aucun groupe et manifestera souvent dans ces circonstances des signes indubitables d'anxit. Tous les pdagogues savent que ces enfants prsentent des tendances a se ngliger et sont souvent lches. On ne peut pas nier cette lchet en argumentant que l'enfant fait preuve de courage en grimpant par exemple sur des arbres. Cela ne prouve pas son courage. Le courage se manifeste uniquement sur le ct utile de l'activit humaine.Lorsque vous examinez un enfant, essayez de vous tablir un schma trs simple de sa personnalit. Tracez une verticale, notez gauche les dynamismes utiles et droite les dynamismes inutiles de l'enfant. A droite il n'y a ni courage ni vertu, mme si apparemment le sujet semble en possder. Nous ne pouvons, par exemple, considrer l'esprit de bande, ses attitudes chevaleresques, comme tant des manifestations utiles; toute son orientation se place dans le domaine socialement inutile.Lorsque les enfants quittent la famille et commencent frquenter l'cole - qui groupe aujourd'hui tous les enfants et dont le rle consiste dpister les dfauts infantiles et les corriger - leur attitude est des plus significatives: ces enfants manifestent une hostilit et une anxit permanentes craignant toujours d'tre dsavantags, essayant toujours de quitter l'cole et de rejoindre un endroit qui leur procure une certaine scurit, cherchant rompre les contacts humains dj tablis. Ils constituent un mauvais matriel pour l'cole. Car aujourd'hui l'cole exige un puissant sentiment social et une confiance suffisante en soi-mme. Pareils enfants manquent de confiance en eux-mmes et en leur avenir, cela se remarque et menace le rendement scolaire. Ds les premiers jours ces enfants se placent parmi les plus mauvais. Trs vite les rsultats scolaires s'avrent insuffisants, prouvant que le sujet n'est pas meilleur l'cole qu' la maison. L'enfant est ainsi renforc dans son opinion que cette vie est misrable et que seules la ruse et la malice permettent de se soustraire toute contrarit.Par tous les moyens ces enfants essayent de quitter l'cole. Toute leur conduite le prouve.Je viens de dire que bien souvent leur capacit et leur dveloppement restent insuffisants. Ce n'est pas de leur faute. Ils n'ont pas appris classer leurs acquisitions. Ils ne savent pas se concentrer. prsent qu'ils frquentent l'cole on exige d'eux ces facults et s'ils n'en disposent pas on les punit. C'est comme si on voulait juger une mlodie d'aprs une seule mesure. Cette mesure ne trouve sa valeur que dans sa connexion avec l'ensemble. Je ne peux comprendre l'erreur de l'enfant que si je connais sa mlodie. Il est indispensable de procder d'une faon applique. Il ne faut pas croire qu'on peut duquer un enfant, un adulte ou une masse en lui imposant des charges. Tous ces dfauts ont des racines profondes et se rfrent au dveloppement de l'enfant.Dans les cas extrmes tout le dveloppement de la vie est menac. l'cole ils sont considrs comme des corps trangers et ressentent l ce qu'ils ont ressenti auparavant. Le monde ne semble leur avoir rserv qu'hostilit, mauvaise conduite et brutalit. Si quelqu'un maltraite pareil enfant il ne fait que renforcer la mauvaise opinion que l'enfant a dj du monde et de lui-mme, confirmant ainsi son erreur.Je voudrais tudier le dveloppement de ces enfants uniquement jusqu'au point o ils perdent toute confiance en eux-mmes et en leur avenir.C'est le moment o ces enfants passent au stade de la ngligence, voire de la dlinquance. Il n'est pas possible qu'un enfant garde constamment le sentiment de son incapacit, de son inutilit; il cherche une issue. force de cder au ct inutile de la vie ces enfants tombent dans une ngligence complte. C'est toujours le mme processus et cela se comprend. Je n'ai jamais vu un enfant nglig qui n'aurait pas prsent en mme temps un dcouragement complet et dfinitif quant ses succs scolaires. D'o il rsulte, pour nous, la ncessite d'organiser l'cole de faon empcher l'enfant de perdre la confiance en ses possibilits. Ces enfants quittent l'cole avec de mauvaises notes, critiqus, dcourags, punis, convaincus de leur incapacit; on leur demande de se comporter d'une faon utile et de devenir des lments positifs de la socit. En les examinant on se rend compte qu'ils sont moins expriments et moins srs d'eux que la moyenne des enfants. Ils ne savent pas ce qu'ils veulent devenir et leurs mots sont souvent vides de sens. Ces enfants chouent chaque examen professionnel. Ils ne persistent dans aucun travail, ont perdu la confiance en eux-mmes, et sont si mal prpars tout examen que petit petit germe en eux l'ide qu' tout prix et d'une faon quelconque il faut montrer aux autres qu'on n'est tout de mme pas absolument incapable.Ces ternelles remontrances que bien souvent, et bien souvent tort, on leur a rabches: Tu finiras en prison, tu es un vaurien, tu ne sais rien, tu ne peux rien, tombent sur un terrain fertile. L'enfant lui-mme n'a jamais cru qu'il valait quelque chose et qu'il savait quelque chose. Afin de pouvoir survivre et pour chapper ce sentiment de honte et d'humiliation ils se rfugient dans des actions inutiles. Dj vis--vis de l'cole ces enfants traduisent cette tendance la fuite et se dtournent de cette institution toutes les fois qu'ils le peuvent. Ils s'en mfient comme d'un ennemi et toutes les occasions sont bonnes pour manquer l'cole. On falsifie les excuses des parents, les notes et bien souvent les parents et les instituteurs se laissent tromper. Si les parents ou l'instituteur prtendent qu'ils ne se laissent pas tromper, l'enfant se dit: Si je suis rus je saurai tout dissimuler. Il fait l'cole buissonnire. cette occasion il rencontre d'autres enfants qui ont suivi le mme chemin et qui le font profiter de leur exprience. Ils savent comment on peut gagner en valeur et montrer quel costaud on est. Bien souvent les plus expriments restent l'arrire-plan, incitant les plus jeunes se montrer. Parfois les novices tombent entre les mains de la police. En prison ils frquentent d'autres sujets qui leur font part de leurs expriences et qui les incitent procder de faon plus ruse. Comme la route du succs social lui semble barre le jeune reste du ct de l'activit inutile. Tout ce malheur est d au fait qu'il ne se considrait pas comme faisant partie de la collectivit humaine.On ne peut efficacement traiter ces enfants qu'en leur rendant possible ce contact avec leurs semblables. On sait quel point sont heureux les enfants qui ont ralis une nouvelle exprience sociale ou rencontre quelqu'un qui les comprenant, se montre humain, s'efforce sans cesse de les placer dans la situation qui leur convient en leur facilitant le contact interhumain. Bien souvent, ce contact peut tre gn par des futilits. Il en est ainsi lorsque l'enfant n'est pas plac suffisamment tt dans un groupe avec d'autres enfants et que, de ce fait, son sens de la collectivit ne se dveloppe pas, ou encore lorsque le responsable de l'ducation est lui-mme solitaire ou qu'il ne trouve pas le temps de s'occuper de l'enfant. Dans ces conditions, les facults de prise de contact chez l'enfant ne s'panouissent pas. Bien souvent, des vnements intimes de la vie journalire et familiale pourraient servir de point de dpart pour l'panouissement de ces facults. Dans ce sens je considre le moment du repas familial comme trs important. Il faut utiliser ces heures communes pour renforcer le contact avec l'enfant. On n'y parvient pas en faisant la moue, en plaant le martinet a cte de soi, en critiquant l'enfant. La o c'est possible, je conseille de commencer la journe par un petit djeuner en commun. Il faut viter que les membres de la famille le prennent des moments diffrents et que l'un soit encore au lit alors que l'autre est dj prt pour partir l'cole. D'autres fautes doivent tre vites. Il ne faut pas gcher aux enfants le plaisir du repas collectif en parlant de problmes qui ne les intressent pas, l'enfant ayant alors hte de quitter la table. Il faut galement s'abstenir de lire le journal, donnant ainsi a l'enfant l'impression que sa prsence est inutile et gnante. Il reste ncessaire, bien entendu, de cultiver ce contact avec les enfants galement en dehors des repas, jusqu' ce qu'ils apprennent se lier d'autres. Voici pourquoi il me semble extrmement important, ds l'ge de trois ans, d'incorporer tout enfant une collectivit.Parfois la mre tablit un contact si troit entre elle-mme et l'enfant que ce dernier n'arrive plus se lier d'autres. C'est la une grosse erreur, une relation mre-enfant s'tablissant qui exclut toute autre intervention. Il s'agit dans ce cas d'enfants gts. Du fait de sa supriorit la mre constitue une aide considrable pour l'enfant, constamment sollicite par lui, toujours prte le secourir, le stimuler. Elle est sa disposition, le prserve de tous les dangers, le surveille anxieusement et ne permet pas l'enfant d'panouir ses propres possibilits et de dvelopper ses propres dynamismes. La mre faisant tout pour l'enfant, ce dernier ne prend aucune initiative. Nous retrouvons dans cette seconde catgorie d'enfants les mmes difficults que celles cites dans la premire. Ils se trouvent limins de toute collectivit. Ils n'ont ralis que la mre, qui a empch chez eux toute exprience concernant les autres tres humains. Il arrive que le pre, remarquant cette fausse volution, tente d'y remdier en proposant une ducation plus svre. Que se passe-t-il alors? L'enfant renforce son contact avec la mre et exclut le pre, ne voulant plus le connatre. Il est donc ncessaire que pre et mre se mettent d'accord sur un plan d'ducation qui rapproche l'enfant du pre. Il est relativement facile pour ce dernier de gagner l'enfant, mais il faut savoir que de ce fait tous les problmes ne sont pas rsolus. Il est ncessaire, que l'enfant approche d'autres tres humains.L'enfant anxieux appartient ce mme groupe de sujets gts, l'anxit n'tant rien d'autre qu'un appel au secours. chaque pas, nous retrouvons ce besoin d'aide chez ces enfants. Ce besoin a tellement pntr la personnalit de l'enfant dans tout son comportement physique qu'il ne peut rester debout et s'appuie constamment contre quelque chose (un mur, un meuble). Si la mre est prsente, il s'appuie contre la mre, hurlant lorsqu'elle le quitte. la longue, cela devient une lourde charge pour elle. Ainsi se venge cette erreur ducative sur la personne mme de celle qui l'a commise. L'enfant a acquis des formes vitales inhabituelles et rien ne sert de lui faire des remontrances, pas plus que de le gronder dans le cas o l'enfant, devenant turbulent, ne s'endort pas, gne le repos nocturne, dans l'unique but de se lier la mre. Pendant le sommeil le sentiment d'isolement peut tre si fort que les enfants commencent crier la nuit, reprsentant ainsi une des formes de l'enfant nerveux. On a alors recours au mdecin. Des mcanismes semblables jouent chez les nuretiques. C'est comme si l'enfant s'exprimait par des possibilits somatiques et voulait dire: Il ne faut pas me laisser seul, il faut me surveiller, me couver. Chez ces enfants les punitions restent sans rsultat. Les svices qu'on leur fait subir bien souvent n'aboutissent a rien. On trouve parfois dans l'entourage de ces enfants des adultes qui, oubliant toute notion de civilisation, les martyrisent de faon atroce. Mais il faudrait s'y prendre de manire toute diffrente et plus humaine. On ne change pas la personnalit de l'enfant en le punissant. Nous devons comprendre que le sentiment d'inscurit est si fort chez lui que, mme la nuit, il fait appel sa mre. Il en est de mme des enfants qui prsentent des difficults au moment du coucher. Il faut ranger leur couverture, laisser la lampe allume et ne pas fermer la porte. Ces enfants, bien entendu, sont mal prpars pour l'cole et il ne faut pas nous tonner s'ils s'y dfendent mal. Lorsque, avec beaucoup de peine, on y amne ces enfants et que, tremblants, hurlant, pleurant, ils y rencontrent un matre aimable, beaucoup plus aimable qu'ils ne l'auraient pens, que ce matre prend la peine de s'occuper d'eux, alors tout peut encore s'arranger; sinon le cas s'aggrave. Ce type d'lve arrive en retard, ne russit pas ses devoirs, perd ses livres, ses objets scolaires et se montre tout a fait indiffrent. En l'examinant on constate qu'il ne peut se concentrer. Sa mmoire semble affecte, mais en ralit elle est fixe sur d'autres proccupations, sa facult de concentration attire par d'autres points. Il ne se voit pas en bon rapport avec ses camarades, ne trouvant le contact avec autrui qu' condition d'tre accueilli avec beaucoup de chaleur.On peut rencontrer des cas o l'enfant, auparavant affectueux, se transforme en un tre tout fait diffrent. Il faut savoir que les dsirs de ces enfants gts augmentent progressivement. Les demandes qu'ils adressent leur mre deviennent finalement irralisables et pourtant ils exigent qu'elles soient ralises. Tt ou tard arrive le moment o ils commencent tyranniser leur mre, criant et trpignant. Mais en ralit le prlude pareil comportement remonte bien plus loin. Bien souvent, la mre nous dit: Cet enfant tait trs affectueux, comment a-t-il pu changer ce point? A-t-il vraiment change de personnalit? Pas du tout. Si on lui faisait ses quatre volonts, il se montrerait affectueux. Mais prsent ce n'est plus possible. Ces enfants ont besoin, l'cole, d'un temps de mnagement pendant lequel ils peuvent se dvelopper et apprendre tenir le pas avec les autres lves. Or, actuellement, on ne se proccupe pas assez de ces notions.Je suis convaincu que tous ceux qui examinent ces problmes suivant notre point de vue adopteront notre conclusion: il faut duquer les enfants lentement, avec patience, ne jamais perdre de vue le point sensible de ces enfants et essayer de les rendre indpendants. Ces enfants se montrent dsordonns, exigeant ainsi que quelqu'un range leurs affaires. Et lorsqu'on me parle d'un enfant menteur, j'imagine dans son entourage une personnalit dominatrice laquelle il tente d'chapper par le mensonge. Le mensonge traduit le mcanisme de fuite.Il faut encore mentionner un autre groupe d'enfants, ceux qui naissent avec des organes en tat d'infriorit physique. Ils doivent affronter les mmes difficults que les autres enfants, normaux eux. Tous les devoirs leur paraissent pesants. Certains ne voient ou n'entendent pas bien et toutes leurs facults psychiques sont affectes par ces infriorits. D'autres prsentent des troubles digestifs, des coliques, ils souffrent jour et nuit et leur sommeil est trouble; leur dveloppement et leur alimentation s'avrent difficiles. Parfois leur appareil respiratoire est fragile et ils prsentent constamment un sentiment de faiblesse. Ce sentiment prend parfois des proportions extraordinaires. Ils ont, bien entendu, une tendance surmonter ce sentiment de faiblesse. Nous trouvons souvent des peintres qui prsentent une infriorit de l'appareil visuel, des musiciens dont l'oue est affecte et cela depuis leur naissance. Beethoven, Bruckner sont les plus illustres exemples qui confirment cette hypothse. Mais ils ont surmont leurs difficults, sans perdre courage, et ont constamment tente de triompher de leur infriorit. Dans cette lutte avec les difficults, ils ont puis de nouvelles forces. Parmi les peintres de grande valeur on trouve des daltoniens partiels ou complets. En observant leur peinture on voit quel point ils taient sensibles aux nuances, tout cela parce qu'ils n'ont pas perdu courage et qu'ils ont persist dans leur entranement.Les infriorits de certains enfants peuvent s'avrer comme tant utiles, condition qu'on ne sape pas le courage du sujet. Mais lorsque nous sapons son courage, le sort le plus cruel peut le frapper. Et cela est vrai non seulement pour l'enfant, mais aussi pour l'adulte, voire pour des groupes et peuples entiers.Nous demandons aux ducateurs et aux parents qu'ils dirigent les tendances de l'enfant dans le sens d'une activit socialement utile, et qu'ils ne dcouragent pas l'enfant. Ces deux exigences nous semblent primordiales.Notre monde n'est vivable que pour des sujets courageux, confiants en eux-mmes. N'y trouvera sa part que celui qui se sent lie aux autres sans craindre les difficults qu'il doit affronter pour les surmonter, si complexes qu'elles puissent se prsenter. De ces rapports entre l'homme et l'univers, son semblable et son partenaire sexuel, l'ge adulte, se dduisent des rgles de vie, valables pour notre activit, pour l'organisation de notre existence et pour notre dveloppement. Il nous faut reconnatre les principes qui tiennent compte de ces connexions, principes capables de faire d'un tre humain un vritable habitant de ce monde, un homme sociable au sein d'une collectivit, lui permettant ainsi une sage comprhension de ses problmes vitaux en vue de leur solution.