Les Elites Politiques t Lq Peise de Decision Gouverne,Entqle These

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET ECONOMIQUES DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE UNIVERSITE DE BUCAREST FACULTE DE SCIENCES POLITIQUES LES ELITES POLITIQUES ET LA PRISE DE DECISION GOUVERNEMENTALE Considérations sur le cas roumain 1989-2007 Dissertation présentée en vue d’obtenir le titre de docteur en Science politique Par Alexandra Alina IONASCU Sous la direction du Professeur Jean Michel DE WAELE, Professeur Cristian PREDA Année académique 2008-2009

Transcript of Les Elites Politiques t Lq Peise de Decision Gouverne,Entqle These

UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET ECONOMIQUES

DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE

UNIVERSITE DE BUCAREST

FACULTE DE SCIENCES POLITIQUES

LES ELITES POLITIQUES ET LA PRISE DE DECISION

GOUVERNEMENTALE

Considérations sur le cas roumain 1989-2007

Dissertation présentée en vue d’obtenir le titrede docteur en Science politique

Par Alexandra Alina IONASCU

Sous la direction du

Professeur Jean Michel DE WAELE,

Professeur Cristian PREDA

Année académique 2008-2009

REMERCIEMENTS

Je remercie à mes deux directeurs de thèse Jean Michel De Waele et Cristian Preda pour toute leur confiance et leurs encouragements durant la rédaction de la thèse. Pendant les trois dernières années, leurs conseils, leur support et leur capacité à réorienter l’agenda de mon travail m’avaient véritablement aidé dans le développement de mon étude. Sans la gentillesse, la patience et surtout la capacité inébranlable de ceux-ci à supporter mes entêtements, cette thèse n’aurait pas vu le jour.

Je tiens à remercier à Jean Michel De Waele pour la manière ouverte et bienveillante dans laquelle il m’avait reçu à l’ULB et pour tout son soutien durant cette période d’aller-retour entre deux pays. Sa franchise, ses avis et la collaboration avec lui m’avaient déterminé réfléchir et reconfigurer mes propos. Je remercie à Cristian Preda d’avoir refusé, il y a cinq ans, mon beau sujet de licence sur la pensée foucaldienne et d’avoir orienté mon parcours vers tout un autre domaine de la recherche. Durant toutes ces années ses observations pointues, ses explications, ses corrections ont constitué un précieux stimulant pour mon parcours scientifique.

L’étude qui s’ensuit est le résultat de l’intériorisation des nombreux débats, des critiques et des suggestions. De la sorte, je tiens à souligner l’importance fondamentale pour mon travail des commentaires critiques, des questions et des conseils attentifs de Daniel Barbu et de Jean Benoit Pilet, et je voudrais les remercier pour tous leurs efforts et disponibilité. Je voudrais remercier également Antoine Roger qui avait accepté, avec beaucoup de gentillesse, d’être membre de mon jury.

Ces trois années constituèrent pour moi des enchainements des rencontres heureuses. Les conférences, les séminaires doctoraux ont rendu possible que je bénéficie d’un regard critique extérieur sur mes travaux. Les débats avec les autres doctorants avaient enrichi mon approche, en constituant des ressorts importants pour l’appropriation d’une manière « décontractée » de mon sujet de recherche. De cette manière, ma gratitude s’oriente aussi vers les collègues de Cevipol et les doctorants de la Faculté de Sciences Politiques de Bucarest avec lesquels j’avais partagé de bons moments durant ce trajet sinueux supposé par la rédaction d’une thèse. Les petites pauses café ou, pour moi, les fréquentes « pauses cigarette » restent dans la mémoire de l’écriture de ce texte.

Je voudrais également exprimer toute ma reconnaissance et mon affection à ma famille qui avait été toujours près de moi. Un grand merci à la mère (qui a du accepter que sa fille maximisa à son profit son statut de doctorante afin de rien faire à la maison) et à ma source de bonne humeur Gabi. Enfin, milles merci à tous mes amis pour leur compréhension de mes « disparitions du paysage » devenues déjà célèbres, d’avoir écouté incessamment mes plaintes et mes doutes, pour leur chaleur qui avait constituée pour moi un véritable réservoir d’énergie.

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TABLE DES MATIERES

IL Y EST À REMARQUER QUE MALGRÉ L’EXISTENCE D’UNE CERTAINE COMPOSANTE MOTIVATIONNELLE QUI PEUT ÊTRE IDENTIFIÉE AU NIVEAU DE CERTAINES RECHERCHES, CETTE DIMENSION EST MOINS FRÉQUENTE DANS L’ÉTUDE DES ÉLITES POSTCOMMUNISTES. UN L’EXEMPLE EN CE SENS EST CONSTITUÉ PAR L’APPROCHE DE GEORGES MINK ET JEAN-CHARLES SZUREK PROCÉDÂT À UNE RECHERCHE AYANT COMME BUT D’ÉCLAIRCIR, À LA BASE DES ENTRETIENS AVEC LES ACTEURS POSTCOMMUNISTES, LES PROCESSUS DE MUTATION SUBIS PAR LES ANCIENS MEMBRES DU PARTI COMMUNISTE RECONVERTIS APRÈS 1989 AU NIVEAU DE LEURS REPRÉSENTATIONS QUANT AU « CAPITALISME POSTCOMMUNISTE ». V. GEORGES MINK, « LA SOCIÉTÉ POST-COMMUNISTE : THÉORIES ET DONNÉES SOCIOLOGIQUES (5ÈME PARTIE) », DANS DOMINIQUE COLAS (ED.), L’EUROPE POST-COMMUNISTE, PUF, PARIS, 2002, PP. 443-537. V ÉGALEMENT GEORGES MINK ET JEAN-CHARLES SZUREK, « CONVERSIA POLITICĂ ŞI ECONOMICĂ A NOMENCLATURI ÎN EUROPA DE EST [LA CONVERSION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA NOMENCLATURE EN EUROPE DE L’EST] » DANS ELITE COMUNISTE ÎNAINTE ŞI DUPĂ 1989[ELITES COMMUNISTES AVANT ET APRÈS 1989], L’ANNUAIRE DE L’INSTITUT POUR L’INVESTIGATION DES CRIMES DU COMMUNISME EN ROUMANIE, VOL II, NO.2, POLIROM, BUCAREST, 2007, PP 147-199...................................25

LE TERME EST EMPLOYÉ PAR ROBERT DAHL AFIN DE DÉCRIRE LE FONCTIONNEMENT POLITIQUE DES SOCIÉTÉS OCCIDENTALES. LA POLYARCHIE EST CARACTÉRISÉE PAR LA PLURALITÉ DES SOURCES DE POUVOIR ET LA PACIFICATION DES CONFLITS. QUANT À SES ATTRIBUTS, ELLE EST DÉCRITE PAR LE DROIT DE PARTICIPATION DES CITOYENS AUX ÉLECTIONS ET LE DROIT D’ÊTRE ÉLU, LE DROIT D’ASSOCIATION, LA MULTIPLICITÉ DES SOURCES D’INFORMATION ETC. V. ROBERT DAHL, DEMOCRACY AND ITS CRITICS, YALE UNIVERSITY PRESS, 1989, P. 221. ................................................................ 26

ROBERT O. KEOHANE, GARY KING, SIDNEY VERBA, DESIGNING SOCIAL INQUIRY: SCIENTIFIC INFERENCE IN QUALITATIVE RESEARCH, PRINCETON UNIVERSITY PRESS, NEW YORK, 1994, PP.70-72. ......................................... 55

TONY VERHEIJEN, « ROMANIA » DANS ROBERT ELGIE (ED.), SEMI-PRESIDENTIALISM IN EUROPE, OXFORD UNIVERSITY PRESS, OXFORD, 1998, PP. 193-216 (P.212) ; CRISTIAN PREDA, PARTIDE ŞI ALEGERI ÎN ROMÂNIA POSTCOMUNISTĂ: 1989-2004, NEMIRA, BUCAREST, 2005 ; FRANÇOIS FRISON-ROCHE, LE MODÈLE « SEMI-PRÉSIDENTIEL » COMME INSTRUMENT DE LA TRANSITION DANS L’EUROPE POST-COMMUNISTE, BRUYLANT, PARIS 2005. .......................................... 87 IL EST INTÉRESSANT DE REMARQUER QUE LE DOMAINE « LE PLUS POLITISÉ » EST ÉGALEMENT CELUI QUI EST PLUS AFFECTÉ PAR LE PROCESSUS D’EUROPÉANISATION. EN CE CAS DE FIGURE, LA CONTRAINTE EXTERNE IMPLIQUERAIT UNE POLARISATION DES OPTIONS EN AVANTAGEANT CERTAINS ACTEURS PAR RAPPORT AUX AUTRES. RACHEL A. EPSTEIN, « CULTIVATING CONSENSUS AND CREATING CONFLICT INTERNATIONAL INSTITUTIONS AND THE (DE)POLITICIZATION OF ECONOMIC POLICY IN POST COMMUNIST EUROPE», COMPARATIVE POLITICAL STUDIES, VOL. 39, NO. 8, OCTOBRE 2006, PP. 1019- 1042(PP.1038-1039) .............................................................................................................................................. 136 MATTEI DOGAN, « HOW TO BECOME A CABINET MINISTER IN FRANCE», PP.1-24. ..................................................... 162 UNE LISTE NON EXHAUSTIVE DE NOS SOURCES COMPREND : ***ROMPRES, PROTAGONIŞTI AI VIEŢII PUBLICE [LES PROTAGONISTES DE LA VIE PUBLIQUE], 3 VOL., AGENŢIA NAŢIONALA DE PRESA ROMPRES, BUCAREST, 1994; ***, PERSONALITATI PUBLICE, POLITICE 1992-1994 [PERSONNALITÉS PUBLIQUES, POLITIQUES 1992-1994], ED. HOLDING REPORTER, 1994 ; ***, PERSONALITATI PUBLICE, POLITICE 1995-1996[PERSONNALITÉS PUBLIQUES, POLITIQUES 1995- 1996] (3ÈME ÉDITION), ED. HOLDING REPORTER, 1996, ***, PERSONALITATI PUBLICE, POLITICE 1996- 1997[PERSONNALITÉS PUBLIQUES, POLITIQUES 1996-1997], ED. HOLDING REPORTER, 1997 ; GHEORGHE CRISAN, PIRAMIDA PUTERII – OAMENI POLITICI SI DE STAT, GENERALI SI IERARHI DIN ROMANIA (DECEMBRIE 1989- 10 MARTIE 2004) [LA PYRAMIDE DU POUVOIR – HOMMES POLITIQUES ET HOMMES D’ETAT, GÉNÉRAUX, HIÉRARQUES EN ROUMANIE (DÉC. 1989 -10 MARS 2004)] VOL I ET II, ED. PRO HISTORIA, BUCAREST, 2004 ; ***, WHO’S WHO IN ROMANIA 2002, PEGASUS PRESS, BUCAREST, 2002, MAIS AUSSI ***, CARTEA ALBASTRĂ A DEMOCRAŢIEI. UN GHID AL INSTITUŢIILOR PUBLICE CENTRALE DIN ROMÂNIA[LE LIVRE BLEU DE LA DÉMOCRATIE. UN GUIDE DES INSTITUTIONS PUBLIQUES CENTRALES EN ROUMANIE], ASOCIAŢIA PRO DEMOCRAŢIA, BUCAREST, 1997 AINSI QUE LE VOLUME PUBLIÉ POUR 2001. LES SOURCES ÉLECTRONIQUES SE SONT AUSSI AVÉRÉES UTILES. DES SITES COMME CELUI DE WHO’S WHO : HTTP://ROMANIA-ON- LINE.NET/WHOSWHO; LE SITE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTES WWW.CDEP.RO; OU LE SITE DU GOUVERNEMENT WWW.GOV.RO ETC. ......................................................................................................................................................................... 165

LAURENTIU ŞTEFAN, « DE LA UN STALINISM LA ALTUL. DIMENSIUNEA TEHNOCRATICĂ IN GUVERNELE GHEORGHE GHEORGHIU DEJ 1952-1965 COMPARATIV CU GUVERNELE CEAUŞESCU 1965-1974”[D’UN STALINISME À UN AUTRE. LA

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DIMENSION TECHNOCRATIQUE DANS LES GOUVERNEMENTS GHEORGHE GHEORGHIU DEJ 1952-1965 EN COMPARAISON AUX GOUVERNEMENTS CEAUŞESCU 1965-1974], DANS ELITE COMUNISTE ÎNAINTE ŞI DUPĂ 1989, L’ANNUAIRE DE L’INSTITUT POUR L’INVESTIGATION DES CRIMES DU COMMUNISME EN ROUMANIE, VOL II, NO.2, POLIROM, BUCAREST, 2007, P.57. 169

6.3 LES GERMES DE LA PROFESSIONNALISATION : L’ACCUMULATION D’UN SAVOIR-FAIRE EXÉCUTIF ................................... 210 4.1.2 LE PROGRAMME POLITIQUE : « LA GAUCHE RÉVOLUTIONNAIRE ET NATIONAL IDENTITAIRE » ................................ 243 4.1.3 LA CONSTRUCTION DU CABINET : UNE SÉLECTION QUI MET EN EXERGUE LE PASSÉ ................................................... 244 4.1.4. LES DÉBUTS DU POSTCOMMUNISME : LA CONTINUITÉ DÉCISIONNELLE ET LA COORDINATION LIMITÉE ........................ 250 4.2 1996-2000 : LES SANGLES DE L'ALGORITHME ET LE CONFLIT POLITIQUE ................................................................ 264

4.4. 2000-2004 : ADRIAN NĂSTASE : COHÉSION ET COORDINATION POLITIQUE ...................................................... 278

LE RENFORCEMENT DU NOMBRE DES MEMBRES PEUT ÊTRE EXPLIQUÉ PAR LES CONTRAINTES LÉGALES, PAR EFFET PARTICULIER DE L’EUROPÉANISATION QUI S’EST ARTICULÉ D’UNE MANIÈRE IDIOSYNCRATIQUE AU NIVEAU LOCAL OU ENCORE EN TANT QUE PHÉNOMÈNE QUI ACCOMPAGNE UN PROCESSUS DE DÉCENTRALISATION QUI ENGENDRE LA NÉCESSITÉ POUR UN CONTRÔLE DIFFÉRENT DE LA DISTRIBUTION DES RESSOURCES ETC. V. ROBERT LADRECH, « EUROPEANIZATION AND POLITICAL PARTIES », PARTY POLITICS, VOL. 8, NO. 4, 2002, PP. 389-403; P. MAIR, « THE EUROPEANIZATION DIMENSION », PP.340-343) ............................................................................................................................................................ 326 CRISAN GHEORGHE, PIRAMIDA PUTERII – OAMENI POLITICI SI DE STAT, GENERALI SI IERARHI DIN ROMANIA (DECEMBRIE 1989- 10 MARTIE 2004) [LA PYRAMIDE DU POUVOIR – HOMMES POLITIQUES ET HOMMES D’ETAT, GÉNÉRAUX, HIÉRARQUES EN ROUMANIE (DÉC. 1989 -10 MARS 2004)] VOL I ET II, ED. PRO HISTORIA, BUCAREST, 2004 ; ................................. 390

***, Protagonişti ai vieţii publice [Les protagonistes de la vie publique], 3 vol., Agenţia Naţionala de Presa Rompres, Bucarest, 1994; ........................................................................................................................... 390

***, Personalitati publice, politice 1992-1994 [Personnalités publiques, politiques 1992-1994], ed. Holding Reporter, 1994 ; ...................................................................................................................................... 390 ***, PERSONALITATI PUBLICE, POLITICE 1995-1996[PERSONNALITÉS PUBLIQUES, POLITIQUES 1995-1996] (3ÈME ÉDITION), ED. HOLDING REPORTER, 1996, ................................................................................................................................ 390

***, Personalitati publice, politice 1996-1997[Personnalités publiques, politiques 1996-1997], ed. Holding Reporter, 1997 ; ...................................................................................................................................... 390

***, Who’s Who in Romania 2002, Pegasus Press, Bucarest, 2002, ....................................................... 390 ***, CARTEA ALBASTRĂ A DEMOCRAŢIEI. UN GHID AL INSTITUŢIILOR PUBLICE CENTRALE DIN ROMÂNIA [LE LIVRE BLEU DE LA DÉMOCRATIE. UN GUIDE DES INSTITUTIONS PUBLIQUES CENTRALES EN ROUMANIE], ASOCIAŢIA PRO DEMOCRAŢIA, BUCAREST, 1997 ...................................................................................................................................................... 390

PREMIERE PARTIE :

UNE EXPLORATION DES TROIS FACETTES DES GOUVERNEMENTS ROUMAINS POSTCOMMUNISTES

CHAPITRE 1 . L’IDENTIFICATION DU POUVOIR GOUVERNEMENTAL EN ROUMANIE POST-COMMUNISTE ............ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

1. VERS UNE CONCENTRATION DU POUVOIR AU NIVEAU DES GOUVERNEMENTS ? ...... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2. LE RAPPORT ENTRE LES INSTITUTIONS : LA DÉLÉGATION ET LA RESPONSABILITÉ DANS LES RÉGIMES SEMIPRÉSIDENTIELS .................................................................................................................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2.1 CONCEVOIR LA DÉLÉGATION ET SES LIMITES ..................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3. LES RAPPORTS ENTRE L’EXÉCUTIF ET LE LÉGISLATIF ...................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3.1 LE PROCESSUS DE DÉLÉGATION LÉGISLATIVE EN ROUMANIE POSTCOMMUNISTE ..... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3.2 UNE FAIBLE RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT DEVANT LE PARLEMENT ........... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4. LA DISTRIBUTION DU POUVOIR À L’INTÉRIEUR DU POUVOIR EXÉCUTIF ................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

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4.1 LES RAPPORTS PRÉSIDENT – GOUVERNEMENT. QUEL POUVOIR POUR LE PRÉSIDENT ? .... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 4.2 LA CAUSE D’UNE DIFFICILE DÉFINITION DU POUVOIR : LES ATTRIBUTIONS DU PRÉSIDENT . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

a. La fonction de représentation du président ........................................... Error: Reference source not found b. La capacité des présidents d’influencer les politiques ........................... Error: Reference source not found c. La construction de l’équipe gouvernementale ....................................... Error: Reference source not found

4.3 LE RAPPORT A L’APPAREIL BUREAUCRATIQUE ........................ Error: Reference source not found 4.3.1 Quel type de bureaucratie en Roumanie postcommuniste ? ......... Error: Reference source not found

5. EN GUISE DE CONCLUSION .......................................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

CHAPITRE 2 . PARTIS AU GOUVERNEMENT : LIMITES EXPLICATIVES DE LA PRISE DE DÉCISION ....... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

1. LA THÉORIE PARTISANE DE LA PRISE DE DÉCISION : UNE LIMITE DANS L'AFFIRMATION DU RÔLE DES ÉLITES ........... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2. LE PARTI AU GOUVERNEMENT ET LA PRISE DE DÉCISION ................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3. LA CONSTRUCTION D’UN MODÈLE ANALYTIQUE .............................................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4. COURT INTERMEZZO : L’IMPORTANCE DU CONTEXTE ....................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.1. SUR LA PERTINENCE MÊME DE L’INVESTIGATION DU RÔLE DU PARTI AU GOUVERNEMENT ..... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 4.2 LE CARACTÈRE SUI GENERIS DU CONTEXTE DÉCISIONNEL ................................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

5. QUELLES TENDANCES GÉNÉRALES DANS LES DÉPENSES GOUVERNEMENTALES ? .... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

5. 1 QUEL TABLEAU GÉNÉRAL AU NIVEAU DES PROJECTIONS BUDGÉTAIRES ? .............. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND a. Le renforcement de l’Etat ....................................................................... Error: Reference source not found b. La réforme économique. ......................................................................... Error: Reference source not found c. Les formules de solidarité : la question de l’Etat providence . ............... Error: Reference source not found

5. 2 NOTE EXPLICATIVE QUANT AUX LIMITES DE L’ANALYSE DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES SECTORIELLES . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 5.3 UNE ANALYSE DES DOMAINES INDIVIDUELS DES POLITIQUES DISTRIBUTIVES ........... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

6. LES FILTRES DÉCISIONNELS AU NIVEAU DE LA FORMULATION DES POLITIQUES ...... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

6.1 LE BROUILLAGE DES RESTRUCTURATIONS : LES LIMITES MÉTHODOLOGIQUES DE L’APPROCHE .. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 6.2 UNE ANALYSE DES PRIORITÉS DÉCISIONNELLES DES CABINETS ROUMAINS .............. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 6.3 UNE ANALYSE DES DOMAINES INDIVIDUELS DES PRIORITÉS GOUVERNEMENTALES . . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

a.Une analyse sectorielle des politiques gouvernementales ...................... Error: Reference source not found b.Une approche portant sur les cabinets .................................................... Error: Reference source not found

7. A LA RECHERCHE D’UNE VUE D’ENSEMBLE : QUELLES CONVERGENCES DANS L’ACTIVITÉ GOUVERNEMENTALE ? .. . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

8. LES DÉFIS INTERPRÉTATIFS QUANT AUX COMPORTEMENTS DES PARTIS POLITIQUES AU POUVOIR .......... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

9. EN GUISE DE CONCLUSION : QUELLE PLACE POUR LES ÉLITES ? ........................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

CHAPITRE 3 . LES VOIES D’ACCÈS DANS LE GOUVERNEMENT:QUELLES TRAJECTOIRES DES ÉLITES GOUVERNEMENTALES ? .................................................................................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

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1. LES ACTEURS INDIVIDUELS ET LEUR IMPACT AU NIVEAU DE L’EXÉCUTIF ............. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2. DÉLIMITER LES GRANDS AXES D’ANALYSE DES ÉLITES GOUVERNEMENTALES ....... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2. COURT APERÇU MÉTHODOLOGIQUE ............................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3. LES HÉRITAGES DU COMMUNISME ET LES ÉLITES GOUVERNEMENTALES ............... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3.1 UN REGARD DANS LE PASSÉ DU PROCESSUS DE RECRUTEMENT .............................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3.2 IMAGE GÉNÉRALE SUR L’INFLUENCE DU PASSÉ DANS LE PRÉSENT ROUMAIN ........... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3.3 LE RÔLE DU PASSÉ DANS L’ARTICULATION D’UNE ÉLITE MINISTÉRIELLE ............... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3.4 LE PORTEFEUILLE DE SECRÉTAIRE D’ETAT UN ABRI POUR OCCULTER LE PASSÉ ? .. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3.5 LE PASSÉ COMMUNISTE ET SON POUVOIR EXPLICATIF DE LA PROMOTION EN POLITIQUE .... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4. QUELLES TRAJECTOIRES POUR LES ACTEURS POSTCOMMUNISTES ? ..................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.1 UN PROFIL GÉNÉRAL DU PERSONNEL MINISTÉRIEL EN ROUMANIE POSTCOMMUNISTE ........ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

a.Une diversification dans le profil des élites ............................................ Error: Reference source not found b. La formation des acteurs ministériels .................................................... Error: Reference source not found c. Le profil occupationnel des ministres et le profil non politique ............ Error: Reference source not found

4.2 LES FONDATIONS POLITIQUES DE LA PROMOTION EN FONCTIONS EXÉCUTIVES ........ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 4.3 QUELLES TRAJECTOIRES POLITIQUES SONT LE PLUS VALORISÉES ? ....................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.3.1 Les aléas des fonctions locales .......................................................... Error: Reference source not found 4.3.2 « Le creuset parlementaire » en tant que principal ressort de la promotion . . . Error: Reference source

not found4.3.3 Le domaine exécutif en tant que secteur d’autoreproduction .......... Error: Reference source not found 4.3.4 « L’expérience mandarinale » et ses limites dans le cas roumain ... Error: Reference source not found

4.4 QUELLES ROUTES D’ACCÈS À UNE FONCTION MINISTÉRIELLE ? ........................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

5. LES SECRÉTAIRES D’ETAT : UN OBJET D’ÉTUDE DIFFICILEMENT IDENTIFIABLE . . . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

5.1 LES SECRÉTAIRES D’ETAT UNE POPULATION EXÉCUTIVE À PART ? ....................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 5.2 UN PROFIL POLITIQUE FRAGMENTÉ DES ÉLITES EXÉCUTIVES ................................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 5.3 DES RESSOURCES NON-POLITIQUES ET L’ACCÈS AU SECOND ÉCHELON DU POUVOIR ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

6. « ACTEURS CENTRAUX OU PASSAGERS » : UNE ANALYSE DE LA PROFESSIONNALISATION DES ÉLITES EXÉCUTIVES ... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

6.1 FIXER LES CADRES D’ANALYSE DE LA PROFESSIONNALISATION DES ACTEURS ......... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 6.2 LES LIMITES DE LA PROFESSIONNALISATION DES ACTEURS : LES REMANIEMENTS . . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 6.3 LES GERMES DE LA PROFESSIONNALISATION : L’ACCUMULATION D’UN SAVOIR-FAIRE EXÉCUTIF ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 6.4 VERS UNE PROFESSIONNALISATION DU PERSONNEL EXÉCUTIF ? ............................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

7. EN GUISE DE CONCLUSION .......................................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

DEUXIEME PARTIE :

QUELLE INFLUENCE DES ELITES SUR LA PRISE DE DECISION?

CHAPITRE 4 . EXPLICITER LES (I)-RÉGULARITÉS DE LA PRISE DE DÉCISION GOUVERNEMENTALE : MÉCANISMES DE RECRUTEMENT ET LEURS EFFETS ..................................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

1. LES ÉLITES ET L’ACTIVITÉ GOUVERNEMENTALE. LES BASES DE LA DISCUSSION .... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2. TRAJECTOIRES POLITIQUES ET PRISE DE DÉCISION GOUVERNEMENTALE ................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

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2.1 MANIÈRES D’ENVISAGER LA PRISE DE DÉCISION GOUVERNEMENTALE ................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 2.2 RELIER LA PRISE DE DÉCISION ET LE PROFIL DES ACTEURS ................................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3. ACTEURS POLITIQUES ET PRISE DE DÉCISION EN ROUMANIE POSTCOMMUNISTE. LES LIGNES GÉNÉRALES DE L’ANALYSE .................................................................................................................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3.1 UN TABLEAU INSTITUTIONNEL ......................................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3 .2 ANALYSER LES PRATIQUES : ACTEURS ET PROCESSUS DÉCISIONNELS EN ROUMANIE ......... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3 .3 COMMENT ÉTUDIER L’ACTIVITÉ GOUVERNEMENTALE: LES LIMITES MÉTHODOLOGIQUES . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4. LES TRAJECTOIRES GOUVERNEMENTALES ET LA PRISE DE DÉCISION EN ROUMANIE POSTCOMMUNISTE . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.1 1989-1992 : LES DÉBUTS INCERTAINS DU POSTCOMMUNISME ROUMAIN ............. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 4.1.1 Le contexte général .......................................................................... Error: Reference source not found 4.1.2 Le Programme politique : « La gauche révolutionnaire et national identitaire » ...... Error: Reference

source not found4.1.3 La construction du cabinet : une sélection qui met en exergue le passé . . . Error: Reference source not

found4.1.4. Les débuts du postcommunisme :la continuité décisionnelle et la coordination limitée ............ Error:

Reference source not found4.1.5 Sélection du personnel gouvernemental et activité gouvernementale 1990-1992 ....... Error: Reference

source not found4.2 1992-1996 : LA CONTINUITÉ NON RÉFORMISTE ................................................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.2.1 Le contexte politique général ............................................................. Error: Reference source not found 4.2.2 Le Programme politique : «le conservatisme de gauche à prégnance nationaliste» . . Error: Reference

source not found4.2.3 La Formation du cabinet : La reproduction des réseaux personnels ........ Error: Reference source not

found4.2.4 L’équipe unitaire et la prise de décision ........................................... Error: Reference source not found 4.2.5 1992-1996 : La cohésion occupationnelle et la coordination économique Error: Reference source not

found4.2 1996-2000 : LES SANGLES DE L'ALGORITHME ET LE CONFLIT POLITIQUE ........... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.3.1 Le contexte politique général ............................................................. Error: Reference source not found 4.3.2 Le Programme : «un libéralisme ambigu et l’ouverture à une occidentalisation radicale» ....... Error:

Reference source not found4.3.3 La composition de l’équipe gouvernementale et l’absence de consensus .. Error: Reference source not

found4.3.4 Prise de décision gouvernementale et les contraintes de la coalition ........ Error: Reference source not

found4.3. 5 1996-2000 : Logiques conflictuelles de la coalition et prise de décision . . . Error: Reference source not

found4.4. 2000-2004 : ADRIAN NĂSTASE : COHÉSION ET COORDINATION POLITIQUE ......... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.4.1 Le contexte politique .......................................................................... Error: Reference source not found 4.4.2 Le Programme : « la social-démocratie en quête d'une définition» Error: Reference source not found 4.4.3 Les embryons de la professionnalisation politique et l’émergence de la cohésion ..... Error: Reference

source not found4.4.4 Deux formules décisionnelles, deux manières d’assurer la coordination . Error: Reference source not

found4.4.5 2000-2004 Cohésion et coordination d’un parti monolithique ........ Error: Reference source not found

4.5 2004-2008 LA COALITION CONFLICTUELLE : COORDINATION À LA DÉPENSE DU SUPPORT POLITIQUE ... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4.5.1 Le contexte politique .......................................................................... Error: Reference source not found 4.5.2 Le Programme : La fin de la transition et les tendances européanistes .... Error: Reference source not

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4.5.3 L’équipe : L’échec de la codification en tant qu’élément de cohésion ...... Error: Reference source not found

4.5.4 Une esquisse de la prise de décision gouvernementale au début du cabinet . . . Error: Reference source not found

4.5.5 Les débuts du cabinet Tariceanu : logique conflictuelle et absence de coordination . Error: Reference source not found4.6 TABLEAU GÉNÉRAL DE LA RELATION ENTRE LE RECRUTEMENT ET LA PRISE DE DÉCISION .. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

CHAPITRE 5 . LES ACTEURS DES EXÉCUTIFS ET LA COORDINATION DES PARTIS .. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

1. LES GOUVERNANTS ET LE CONTRÔLE DU PARTI ............................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

1.1 LE PARTI AU GOUVERNEMENT : QUEL IMPACT SUR LES ACTEURS ? .......................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2. TABLEAU GÉNÉRAL DES PARTIS POLITIQUES GOUVERNEMENTAUX ET DE LEUR ÉVOLUTION ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2.1 LA PRÉSENTATION DES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DES PARTIS POLITIQUES GOUVERNEMENTAUX ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

2. 1.1 Les sociodémocrates : le PSD et le PD ............................................ Error: Reference source not found 2.1.2 Les libéraux : le Parti National Libéral ........................................... Error: Reference source not found 2.1.3 La famille chrétienne démocrate : Le Parti National Paysan Chrétien et Démocrate ............... Error:

Reference source not found2.1.4 Les minorités: l’Union Démocratique des Hongrois de Roumanie Error: Reference source not found

2.2 QUELLE IMAGE GÉNÉRALE DES PARTIS AU GOUVERNEMENT ? .............................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3. LES RAPPORTS QUI SE DRESSENT À L’INTÉRIEUR DES PARTIS GOUVERNANTS ........ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3.1. LE PARTI À LA BASE : LES MEMBRES DES PARTIS ET LEUR POUVOIR ORGANISATIONNEL . . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3.1.1. Le parti à la base d’un point de vue formel : quelle définition pour les membres ? .. Error: Reference source not found

3.1.2 Le parti à la base et ses évolutions .................................................... Error: Reference source not found 3.2. LE LEADERSHIP CENTRAL DU PARTI ET DES DÉVELOPPEMENTS ............................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3.2.1 Comment les leaders des partis arrivent-ils à la tête des formations politiques ? ....... Error: Reference source not found

3.2.2 Le leadership du parti et sa reconfiguration ..................................... Error: Reference source not found 3.3 COMPOSANTE EXTRAPARLEMENTAIRE ET COMPOSANTE GOUVERNEMENTALE DES PARTIS GOUVERNANTS ...................................................................................................................................................................... ERR OR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3. 4 LA COMPOSANTE DU PARTI EN FONCTIONS PUBLIQUES : LES RAPPORTS ENTRE L’EXÉCUTIF ET LE LÉGISLATIF AU NIVEAU DES ACTEURS ........................................................................................................ ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3.4.1 Quelle évolution statutaire pour la composante parlementaire des partis ? .... Error: Reference source not found

3.4.2 La composante parlementaire et son influence politique ................. Error: Reference source not found 3.5 LES RAPPORTS ENTRE LES REPRÉSENTANTS DU PARTI DANS LE LÉGISLATIF ET L’EXÉCUTIF .... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND 3.6 QUELLE COORDINATION POSSIBLE DE LA PART DE L’ORGANISATION POLITIQUE ? . . ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4. EN GUISE DE CONCLUSION .......................................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

CONCLUSIONS GENERALES… ......................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

1. COURTE (RÉ) EXPLICITATION DE L’APPROCHE GÉNÉRALE ................................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

8

2. LA PRÉSENTATION (PAR CHAPITRE) DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE DANS LE CAS ROUMAIN ......... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

3. L’ARTICULATION DE LA RELATION ENTRE LES ÉLITES POLITIQUES ET LA PRISE DE DÉCISION DANS LE CAS ROUMAIN ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

4. LES ACTEURS POLITIQUES ET LA PRISE DE DÉCISION GOUVERNEMENTALE. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ............... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

5. DES POSSIBLES PISTES DE RECHERCHE ET AJUSTEMENTS D’AUTRES THÉORIES ....... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................. ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

LISTE DES SOURCES : .......................................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

INDEXE ................................................................................................... ERROR: REFERENCE SOURCE NOT FOUND

9

LISTE D’ABREVIATIONS :

CFSN – Le Conseil du Front du Salut NationalCPUN – Le Conseil Provisoire d’Union NationaleCNPE- Le Conseil National pour la Planification EconomiqueELDR- Le Parti Européen Libéral DémocrateFDSN- Le Front Démocratique du Salut NationalFSN - Le Front du Salut NationalMER – Le Mouvement des Verts RoumainFER – La Fédération des Verts en RoumanieIS – L’Internationale SocialistePC- Le Parti ConservateurPCR – Le Parti Communiste RoumainPD- Le Parti DémocratePDAR- Le Parti Démocrate Agraire de RoumaniePDL- Le Parti Démocrate LibéralPDSR- Le Parti de la Démocratie Sociale en RoumaniePGR- Le Parti la Grande RoumaniePHR- Le Parti Humaniste RoumainPLD – Le Parti Libéral DémocratePNL- Le Parti National LibéralPNLAT- Le Parti National Libéral aille jeunePNPCD- Le Parti National Paysan Chrétien et DémocratePSD- Le Parti Social DémocratePSDR- Le Parti Social Démocrate de RoumaniePPE – Le Parti Populaire EuropéenUDHR- L’Union Démocratique des Hongrois de RoumanieUE- L’Union européenne

LISTE DES TABLEAUX

Table 1 Schéma des effets engendrés par le recrutement sur le système politique ..................................... 42

Table 2 L’activité gouvernementale 1990-2008 ........................................................................................ 75

Table 3 Les cabinets roumains postcommunistes et leur support parlementaire ........................................ 81

Table 4 Les décrets des présidents roumains postcommunistes (1990-2008) ............................................ 90

Table 5 La force du travail dans l’administration publique et dans la défense 1991-2006 ...................... 100

Table 6 Tableau des allocations budgétaires 1990-2008 ......................................................................... 130

Table 7 Les dépenses budgétaires prévues dans les lois du budget dans les principaux secteurs de l’activité gouvernementale ....................................................................................................................... 133

Table 8 Les dépenses gouvernementales en fonction des domaines (% des dépenses) ............................ 134

Table 9 Tableau des décisions visant les reconfigurations institutionnelles des exécutifs ....................... 140

Table 10 Le nombre des décisions gouvernementales organisées par domaine d’action ......................... 146

Table 11 Les effectifs des partis communistes en perspective comparative (*) ....................................... 168

Table 12 L’image générale de la professionnalisation des élites gouvernementales 1990-2008 .............. 171

Table 13 Niveau étatique de l’expérience exécutive communiste des ministres ...................................... 172

Table 14 Profil Non Politique des Acteurs Gouvernementaux 1990-2008 .............................................. 186

Table 15 Les fondements politiques de la promotion en fonctions exécutives ........................................ 186

Table 16 Expérience locale des ministres 1990-2008 .............................................................................. 188

Table 17 Expérience nationale des acteurs ministériels 1990-2008 ......................................................... 190

Table 18 Expérience gouvernementale antérieure dans une fonction ministérielle .................................. 191

Table 19 Les grands facteurs déterminants du processus de la sélection ................................................. 194

Table 20 Profil général des secrétaires d’Etat .......................................................................................... 196

Table 21 Tableau général de la superposition entre les secrétaires d’Etat et les autres types de fonctions nationales ................................................................................................................................................. 196

Table 22 Expérience politique des secrétaires d’Etat avant la nomination ............................................... 197

Table 23 Tableau des ressources non politiques des secrétaires d’Etat 1990-2008 .................................. 199

Table 24 Tableau général de la volatilité des portefeuilles du personnel gouvernemental ....................... 207

Table 25 Taux de reproduction du personnel gouvernemental 1990-2008 .............................................. 211

Table 26 Tableau de la volatilité des portefeuilles et l’expérience gouvernementale des acteurs ............ 213

Table 27 Expérience des secrétaires d’Etat 1990-2008 ............................................................................ 217

Table 28 La relation entre le recrutement et la prise de décision. Présupposés théoriques ...................... 231

Table 29 Tableau général du recrutement et de la prise de décision au niveau gouvernemental .............. 299

Table 30 Les évolutions dans la structure des membres des partis gouvernementaux ............................ 324

Table 31 La force électorale des principaux partis gouvernementaux 1990-2004 ................................... 325

Table 32 La rotation politique à l’intérieur de la Chambre des Députés et du Sénat . L’expérience politique parlementaire ............................................................................................................................ 342

Table 33 La Rotation Parlementaire des Députés Roumains de la Législature 2004-2008 ...................... 343

Table 34 La discipline politique. La migration politique 1992-2007 ....................................................... 345

11

12

LISTE DES GRAPHIQUES

Figure 1 . La délégation et la responsabilité dans le régime semi-présidentiel roumain ............................ 67

Figure 2 La délégation et la responsabilité dans le régime semi-présidentiel roumain au niveau de la pratique .................................................................................................................................................... 106

Figure 3 La tendance générale dans l’allocation des subsides sur les trois grands axes de financement . . 123

Figure 4 L’évolution du nombre des décisions gouvernementales par secteur d’activité ........................ 142

Figure 5 Les différences entre les ministres et les secrétaires d’Etat dans la conversion des anciens nomenklaturistes ...................................................................................................................................... 175

Figure 6 Les taux d’expérience politique de parti et exécutive des ministres avant leur nomination ....... 215

INTRODUCTION

Vers un modèle analytique :Les trajectoires politiques et de leur influence sur la décision gouvernementale

La littérature portant sur les élites politiques, notamment sur l’étude des trajectoires individuelles, connaît une longue tradition. Les diverses approches, développées au fil du temps, sous-tendent toute une série de tensions quant au rôle explicatif qu’on peut attribuer aux acteurs politiques. En se concentrant sur les diverses manières d’envisager l’influence des acteurs et de leurs trajectoires dans la compréhension de l’activité politique, ce chapitre identifie la grande question de la recherche et délimite nos principaux choix théoriques. De la sorte, dans une démarche qui reprend les grands effets identifiés au niveau de la littérature quant à l’influence des acteurs individuels sur l’activité politique notre étude essayera de fournir quelques réponses possibles à la question : Comment les acteurs exécutifs influent-ils le processus de la prise décision gouvernementale en Roumanie postcommuniste ?

LA NATURE DU PROBLÈME ▪ LES CARRIÈRES POLITIQUES : COMMENT PEUT-ON ANALYSER LES TRAJECTOIRES DES ACTEURS POLITIQUES ? ▪ QUELLES INFLUENCES DES CARRIÈRES POLITIQUES AU NIVEAU DE LA PRISE DE DÉCISION ? ▪ LA CONSTRUCTION DE L’APPROCHE ANALYTIQUE : ÉLITES GOUVERNEMENTALES ET PROCESSUS DÉCISIONNELS EN ROUMANIE POSTCOMMUNISTE

1. La nature du problème

Loin d’être nouveau, le débat portant sur les élites au sommet de l’Etat s’inscrit dans une

longue tradition de la littérature scientifique. Contestées et disposant de moins de confiance de la

part des électeurs1, les élites constituent, dans une perspective traditionnelle de la science

politique, des miroirs de la représentativité du régime politique en place. Les carrières politiques,

les voies d’accès vers une fonction publique furent ainsi considérées en tant que fondements de

l’analyse de la légitimité d’un régime2 ou d’une organisation politique3.

Certes, même dans les démocraties stables, les élites politiques ne présentent pas de

configurations uniques et l’importance de certaines ressources menant à des sélections

successives dans des positions de pouvoir varie en fonction du contexte historique ou de l’édifice

institutionnel du pays4. Cependant, bien au-delà des évolutions et des différences dans le profil

des leaders politiques, l’idée toujours présente dans l’analyse de ces acteurs a porté sur le fait que

ce sont les élites politiques celles qui en dernier ressort s’instituent comme les principaux

décideurs de la scène politique5. Or, cette seconde dimension visant la relevance de l’étude des

dirigeants resta plutôt non-explicitée au niveau de la littérature. De la sorte, les acteurs

individuels ont continué d’être considérés plutôt comme des ‘boîtes d’excuse’ auxquelles on

avait fait référence dans les cas extrêmes qui n’obéissent pas aux modèles classiques

d’interprétation des phénomènes politiques6.

1 Mattei Dogan, « Erosion of Confidence in Thirty European Democracies » dans Mattei Dogan (ed.), Political Mistrust and the Discrediting of Politicians, Brill, Leiden, Boston, 2005, Pp. 13, 18-19. 2 Richard Katz, « Party in Democratic Theory » dans Richard Katz, William Crotty (eds.), Handbook of Political Parties, Sage, 2006, Pp.34-47, Kenneth Prewitt, The recruitment of Political Leaders: A Study of Citizen-Politicians, Bobbs-Merrill, Indianapolis and New York, 1970, Pp. 205-217.3 Gideon Rahat, «Candidate Selection: The Choice Before the Choice», Journal of Democracy, Vol. 18, No. 1, Janvier 2007, Pp. 157-170 ; Reuven Y Hazan, Gideon Rahat, « Candidate Selection Methods and Consequences », dans Richard Katz, William Crotty (eds.), Op.Cit., Pp. 109-122; Lars Billie « Democratizing a democratic procedure ? Myth and reality? Candidate selection in Western European Parties », Party Politics, Vol. 7, no.3, 2001, Pp. 363-380 ; Krister Lundell, « Determinants of Candidate Selection. The degree of Centralisation in Comparative Perspective», Party Politics, Vol. 10, No. 1, 2004, Pp. 25-474 Mattei Dogan, « Introduction. Diversity of Elite Configurations and Clusters of Power » dans Mattei Dogan (ed.), Elite Configurations at the Apex of Power, Brill, Leiden, Boston, 2003, Pp. 1-17 (P. 6).5 Giovani Sartori, Theory of Democracy Revisited. The Contemporary Debate, Chatham House Publishers, Chatham NJ, 1987, Pp. 214-253.6 Dwaine Marvick, «Continuities in Recruitment Theory and Research: Towards a New Model » dans Heinz Eulau, Moshe Czudnozski (eds.), Elite Recruitment in Democratic Polities. Comparative Studies Across Nations, Halsted Press, Sage, New York, 1976, P. 30.

15

De cette manière, la mise en examen des élites politiques et de leurs carrières a été

marquée par le sceau de l’ambiguïté. D’une part, on avait postulé l’importance de connaître les

caractéristiques et les mécanismes de promotion de ces acteurs individuels, car ils sont envisagés

comme disposant d’un rôle décisif dans l’articulation de la décision politique et de l’autre part,

on avait apporté peu d’éléments dans la compréhension de l’impact concret qu’un acteur

individuel puisse avoir sur les politiques menées dans des cadres institutionnels. En délimitant le

domaine de la recherche des élites aux stratégies politiques qui visent l’accès et le maintien du

pouvoir politique, sans intégrer aussi en tant qu’objet d’étude les stratégies décisionnelles que

ces acteurs adoptent en tant que gouvernants7, la littérature portant les élites avait ainsi permis

que la décision politique soit principalement analysée par le biais d’autres facteurs. Le

fonctionnement de l’administration publique, les groupes d’intérêts, la conditionnalité externe ou

d’autres caractéristiques systémiques8 ont été en échange mobilisés comme des facteurs

explicatifs de la formulation des politiques. Sans exclure l’importance de ces facteurs au niveau

de l’articulation de l’activité politique, nous considérons cependant que le profil politique de

l’acteur et son activité, même si présentant des natures distinctes, s’entremêlent dans la pratique.

Or, la littérature ne fournit pas suffisamment de raisons afin de pouvoir automatiquement

considérer que lorsqu’un homme politique accède à une fonction publique, celui-ci abandonne

ses connaissances9 et ses ressources du passé ou qu’il se transforme en simple fantoche de

7 Alain Eraly, Le pouvoir enchaîné. Etre ministre, Labor, Bruxelles, 2002, P.15.8 Au niveau de la littérature, il existe une pluralité d’approches qui réclament l’explicitation de la prise de décision politique. L’activité gouvernementale fut ainsi analysée : 1. à partir du concept du « core government » incluant à la fois le côté politique, mais surtout en mettant en exergue l’importance du niveau administratif (David Marsh, David Richards, Martin J. Smith, Changing Patterns of Government in the United Kingdom: Reinventing Whitehall? Palgrave, Londre, 2001; R. A. W. Rhodes, Understanding Governance: Policy Networks, Reflexivity and Accountability, Open University Pres, Buckingham, 1997; K. H. Goetz, (ed.), « Executive Governance in Central and Eastern Europe », numéro special Journal of European Public Policy, Vol. 8, No. 6, 2001); 2. de la conditionnalité externe (A. Agh, « Europeanization of Policy-Making in East Central Europe: The Hungarian Approach to EU Accession », Journal of European Public Policy, Vol. 6, No. 5, 1999, Pp. 839-854; H. Grabbe, « How does Europeanization Affects CEE Governance? Conditionality, Diffusion and Diversity », Journal of European Public Policy, Vol. 8, No.6, 2001, Pp. 1013-1031); 3. en prenant en compte le cadre institutionnel (M. Brusis, V. Dimitrov, « Executive Configuration and Fiscal Performance in Post-Communist Central and Eastern Europe », Journal of European Public Policy, Vol. 8, No. 6, 2001, Pp. 888-910) ou encore 4. par rapport à la relation avec d’autres acteurs sociaux : Carles Boix, « Partisan Governments, the International Economy, and Macroeconomic Policies of the Advanced Nations, 1960–93 », World Politics, Vol. 53, 2001, Pp. 38–73; David Ost, « Illusionary Corporatism in Eastern Europe: Neoliberal Tripartism and Post-communist Class Identities », Politics and Society, Vol. 28, No. 4, 2000, Pp. 503–30; Oscar Molina, Martin Rhodes, « Corporatism: The Past, present and Future of a Concept », Annual review of Political Science, 5, 2002, Pp.305-331; Oscar Molina and Martin Rhodes, « Industrial relations and the welfare state in Italy: Assessing the potential of negotiated change », West European Politics, Vol. 30, No. 4, 2007, Pp. 803 – 829) etc.9 Alain Eraly, Op.Cit., P.18

16

l’appareil administratif ou des groupes d’intérêts. De cette manière, l’impact, ou au contraire,

l’absence des conséquences du profil de certains acteurs au sommet de l’Etat nécessiterait plus

de clarifications.

En partant des constats développés au niveau des recherches empiriques qui ont essayé

d’estimer l’impact des trajectoires dessinées par la promotion en politique des acteurs individuels

sur leur activité politique ultérieure, notre étude visera d’apporter quelques éclairages quant à

l’explicitation des mécanismes qui relient les élites à la prise de décision politique. Nous

procéderons ainsi à une analyse ayant comme but de fournir quelques réponses à la question :

Comment les trajectoires politiques des acteurs en fonctions publiques influent-elles sur

l’activité politique ?

Dans ce qui suit, notre démarche sera articulée autour de trois axes. Après un court

aperçu portant sur les principales manières d’envisager l’étude des carrières politiques, dans la

seconde partie de cette introduction nous essayerons d’établir quels ont été les principaux types

d’effets décrits au niveau de la littérature portant sur les élites politiques et la prise de décision.

Enfin, dans une dernière étape, nous procéderons à la construction de nos propres dimensions

d’analyse concernant la relation entre les carrières des élites politiques et la prise de décision.

2. Les carrières politiques : Comment peut-on analyser les trajectoires des acteurs ?

La plupart des études portant sur les élites se concentrèrent sur l’identification des grands

modèles de promotion en politique, ayant en tant qu’objectif principal de fournir une réponse à la

question : « Comment les acteurs politiques arrivent-ils au pouvoir ? ». On avait ainsi placé, au

centre des interrogations théoriques, les modèles de recrutement en considérant que ceux-ci

« peuvent expliquer certaines caractéristiques dans l’orientation et dans la performance dans le

rôle des représentants dans les portefeuilles politiques»10. L’étape la plus importante de la

promotion en politique11 visant « le processus par lequel un parti politique décide qui parmi les

10M Moshe M. Czudnowski, «Political Recruitment», dans Fred Greenstein, Nelson Polsby (eds.) Handbook of Political Science, Vol. 2, MicroPolitical Theory, Addison-Wesley Publishing Company, 1975, Pp. 155-242, (P. 156).11 Ibidem, P. 219

17

personnes légalement éligibles pour obtenir une position élective sera désignée » (la sélection

des candidats12) ou la question plus large concernant le décryptage « des processus par lesquels

les individus sont introduits dans des rôles politiques»13 (le recrutement politique) sont devenues

des thèmes consacrés dans l’analyse des dirigeants dans les divers pays.

Malgré une certaine convergence concernant la thématique de la recherche et de la

manière d’envisager les élites14, le champ analytique des trajectoires politiques découvre

plusieurs approches qui ne sont pas toujours contradictoires15. La variation dans les modèles

d’exploration résulta de la pluralité des facteurs mobilisés afin de décrire, de la meilleure façon,

les caractéristiques des acteurs qui nous gouvernent. En essayant de classifier les diverses

manières d’envisager l’étude des acteurs politiques, on peut déceler, selon Dwaine Marvick, trois

composantes, correspondant à trois manières de penser le processus de recrutement16 : (a) une

composante structurelle, (b) une composante motivationnelle et (c) une composante

décisionnelle.

2.1 La composante structurelle (institutionnelle) et le recrutement des acteurs

12 Reuven Y Hazan, Gideon Rahat, Op.Cit., P. 109.13 A différence des analyses portant sur la sélection des acteurs politiques (qui sont les élites politiques, quels sont les critères de leur sélection et qui est le principal décideur dans la sélection) le processus de recrutement prend également en compte l’analyse des conditions qui rendent possible la promotion en politique (les cadres institutionnels, la culture politique ou d’autres facteurs de socialisation extérieurs à la politique sont de tels exemples), V. Dwaine Marvick, Op.Cit., P.29.14 En dépit d’une vaste littérature qui porte sur le rôle des acteurs politiques, il n’existe pas d’accord portant sur le terme générique qu’il faudrait leur assigner aux acteurs politiques. En fonction de la tradition de laquelle les divers auteurs se réclament on avait préféré des noms distinctes : l’élite, les élites, l’establishment, le personnel politique, les catégories dirigeantes, la classe dominante ou encore la classe dirigeante etc. Dans une tradition libérale, qui se concentre sur la structure du pouvoir et le leadership, on utilise la notion d’élite(s) ou les catégories dirigeantes (V. Raymond Aron, «Classe sociale, classe politique, classe dirigeante», Archives européennes de sociologie, Vol. 1, No.2, 1960, Pp. 260–281, Idem, «Catégories dirigeante ou classe dirigeante? », Revue française de science politique, Vol.15, no. 1, 1965, Pp.7–27) tandis que dans une tradition néo marxiste on préfère le terme de classe politique (Klaus Stolz, « Moving up, moving Down: Political Careers across Territorial Levels», European Journal of Political Research, Vol. 42, 2003, Pp. 223-248). Enfin d’autres approches utilisent les deux notions en essayant leur conciliation. On distingue ainsi entre les divers niveaux de l’action : tels que le plan de l’acteur et le plan du système, entre les intérêts visant le contrôle politique et les intérêts d’auto-préservation de dirigeants (Klaus Von Beyme, «The concept of political class: A new dimension of research on elites? », West European Politics, Vol. 19, No. 1, Jan. 1996, Pp. 68 - 87 (P.70)). Pour un débat plus en détail portant sur les diverses dénominations et leurs relations sous-jacentes par rapport aux divers paradigmes de la science politique voir également. Mattei Dogan, « Is there a Ruling Class in France? », Comparative Sociology, Vol. 2, No. 1, 2003, Pp. 17-89 ainsi que William Genieys, « The Sociology of Political Elites in France: The End of an Exception? », International Political Science Review, Vol.26, No. 4, 2005, Pp. 413–430).15 Moshe M Czudnowski identifie six approches dans explicitation du recrutement mobilisant une pluralité de facteurs : 1. l’origine sociale et les caractéristiques socio-démographiques ; 2. le processus de socialisation ; 3. l’apprentissage ; 4. les occupations ; 5. les motivations ; 6. la sélection et la structure de l’opportunité. V.M Czudnowski, Op.Cit., P.17716 Dwaine Marvick, Op.Cit., Pp.30-40.

18

Les élites politiques et leur promotion en politique ont été étudiées à partir d’un cadre

analytique intégratif incluant à la fois l’édifice institutionnel, le contexte politique du pays, mais

aussi les caractéristiques individuelles des acteurs politiques. L’enchaînement des fonctions et les

mécanismes de promotion délimiteraient ainsi les carrières politiques des acteurs. Pour les

analyses qui se construisent à partir de cette composante, les carrières politiques « doivent être

placées dans une logique séquentielle dans laquelle des diverses phases des trajectoires peuvent

être identifiées »17. De la sorte, les expériences politiques dans des fonctions publiques

antérieurement détenues deviennent des ressources pour les nominations ultérieures. La

composante « structurelle » du processus du recrutement propose ainsi un décryptage des divers

modèles de promotion en politique en prenant en compte les expériences passées des acteurs

mais aussi l’environnement politique. On aurait ainsi à distinguer entre une opportunité formelle

de la promotion en politique, qui délimite la population politique qui peut accéder à une fonction

publique conformément aux exigences institutionnelles et législatives et une opportunité

effective qui porte sur les attributs des acteurs ainsi que sur les relations développées entre ceux-

ci et leurs sélecteurs (les personnes qui ont le pouvoir de décider qui seront les acteurs politiques

nommés en fonctions publiques).

Un premier exemple d’une telle analyse est constitué par les études innovatrices menées

par Lester G. Seligman qui mettent en avant l’importance des relations qui se forgent entre les

acteurs politiques à l’intérieur du parti, en ce qui concerne la délimitation des modèles de

promotion en politique. Les carrières politiques sont à envisager dans un contexte d’interactions

où les sélecteurs jouent un rôle essentiel18. Cependant, pour Seligman, au-delà du rôle

fondamental de l’organisation politique dans la sélection, l’accès à une fonction publique est

également configuré par d’autres facteurs de l’environnement tels que le système électoral et le

système des partis, le degré de stabilité de la forme du régime, l’existence des conflits

structurants, la manière même dans laquelle la représentation est pensée au niveau de la société,

etc.19. Ces facteurs constituent des « inputs » venant de l’extérieur de l’organisation partisane et

17 Ibidem, P.3318 Seligman précisait que « les carrières politiques sont lancées ou bloquées par certains groupes significatifs qui choisissent un candidat en tant qu’agent, porte-parole ou trustee », V. Lester G. Seligman, « Elite recruitement and political development », Journal of Politics, Vol. 26, No.3, Août 1964, Pp. 612-626 (P.617)19 Lester G. Seligman, « Political parties and the recruitment of political leadership » dans Lewis J. Edinger (ed.), Political Leadership in Industrial Societies : Studies in Comparative Analysis, John Wiley, New York, 1967, Pp. 294-315 (Pp. 300-304)

19

ils mènent à une modification continuelle de ses objectifs internes et donc au changement des

priorités du parti dans la sélection de ses représentants20. Les trajectoires politiques, les fonctions

publiques antérieurement détenues, constituent ainsi une ressource personnelle pour une

nomination future tandis que les conditions délimitant le profil « désirable » d’un candidat pour

une fonction publique sont déterminées par le système des partis, les sélecteurs et les sponsors

des candidats.

Cette manière d’envisager la promotion en fonctions publiques fut celle qui connut le

plus grand essor au niveau de la littérature, car elle rend possible d’une part la comparaison entre

des systèmes politiques distinctes et d’autre part, car elle met en relation la littérature portant sur

les élites et les études visant les partis politiques. Suivant une perspective similaire, Pippa Norris

propose une distinction entre un niveau macro de l’analyse du processus du recrutement et un

niveau micro du même processus. Si dans le cadre de son modèle analytique Norris prend en

compte la structure d’opportunité de la sélection des candidats aux élections législatives (les

conditions légales, les réglementations électorales ou la structure du système de parti), le

processus de recrutement est essentiellement pensé sur le modèle du marché, en relevant de la

différence entre l’offre du candidat et la demande du sélecteur21. De la sorte, la promotion en

politique peut être comprise en prenant en compte plusieurs phases : (i) une phase de

certification (qui dépend des conditions formelles), (ii) une étape de nomination (qui se définit

en fonction de l’agencement entre les demandes des sélecteurs du parti et l’offre des candidats

éligibles) et enfin, (iii) la phase de l’élection proprement dite (prédéterminée par les demandes

des électeurs, les demandes des médias et les supporters financiers des candidats)22. Le modèle

proposé par Norris renoue ainsi avec la tradition des travaux Seligman quant à la perspective

dynamique et les interactions entre les caractéristiques des candidats et les demandes de

l’organisation politique23 .

20 Ibidem, P.299.21Pippa Norris, « Introduction : Theories of Recruitment » dans Pippa Norris (ed.), Passages to Power. Legislative Recruitment in Advanced Democracies, Cambridge University Press, 1997, Pp. 1-15 (Pp.11, 12,13).22 Pippa Norris, « Recruitment » dans Richard Katz, William Crotty (eds.), Op.Cit., Pp. 89-109, (P. 91).23 Ainsi Norris reprend les propos de Seligman, en adoptant une perspective dynamique de la relation entre les caractéristiques des représentants en fonctions publiques et celles des sélecteurs (L. J. Seligman, « Political parties and the recruitment of political leadership », P. 308), tout comme la conception de l’auteur américain portant sur la séparation des niveaux de l’analyse et la perspective en étapes dans l’explicitation de la promotion en politique. A différence de Seligman, qui identifie deux étapes dans l’analyse de la sélection : - une étape de certification qui consiste dans le filtrage social et politique qui résulte dans l’éligibilité du candidat et une étape de sélection qui inclut le choix des candidates aux élections, Pippa Norris envisage un processus en 3 étapes (considérant la certification comme étant définie par les éléments formelles et structurelles). (V. Lester G. Seligman, « Political

20

La démarche structurelle/institutionnelle dans l’étude des élites revêt de nombreuses

facettes. Des auteurs comme Mattei Dogan ou Jean Blondel qui ont dirigé des enquêtes de

grande ampleur notamment sur les élites gouvernementales ont pris en compte surtout les

caractéristiques des acteurs individuels tels que le profil socioprofessionnel et politique des

acteurs, sans mettre en exergue les mécanismes de recrutement à l’intérieur de l’organisation du

parti24. En revanche, d’autres auteurs ont centré leurs études sur l’importance au niveau de la

nomination du triptyque : sélecteurs-candidats-critères de sélection25 ou ils ont spécifié la

nécessité d’intégrer d’autres variables lorsqu’on détermite le profil des élites sélectionnées pour

une fonction publique (par l’exemple le degré de décentralisation du pays ou la différence entre

les acteurs élus et ceux directement nommés26).

D’ailleurs, cette perspective analytique portant sur l’étude des trajectoires politiques fut

reprise au niveau des recherches portant sur le personnel politique dans les nouvelles

démocraties de l’Europe Centrale et Orientale. Considérant les nouvelles élites au pouvoir

comme disposant d’une marge de liberté décisionnelle plus grande que dans le cas des acteurs

politiques des démocraties stables27, les études portant sur le personnel politique de cette région

s’articulent par rapport à la question de la persistance des relations entre le passé communiste et

la promotion en politique après 1989. Les origines non-communistes des nouvelles élites, la

discontinuité du personnel par rapport à l’ancien régime ont été considérées comme une

condition nécessaire pour la réussite de la transition démocratique28. Dans une perspective qui

met l’accent sur la « différenciation des élites et leur unité »29, l’analyse des trajectoires dans les

nouvelles démocraties peut être ainsi approximée par l’étude de la circulation des élites et de la

conversion d’anciens nomenklaturistes. L’ampleur du renouvellement du personnel politique

recruitment and party structure: a case study », dans American Political Science Review, 55, 1961, Pp. 77-86, Lester G. Seligman, «Elite recruitment and political development», Pp. 612-626)24 A savoir : Mattei Dogan. « Introduction: Selecting Cabinet Ministers », dans Idem (ed.), Pathways to Power: Selecting Rulers in Pluralist Democracies, Westview Press, Boulder, CO , 1989; Mattei Dogan, « Filières pour devenir ministre de Thiers à Mitterrand », Pouvoirs, 36, 1986, Mattei Dogan, « How to Become a Cabinet Minister in France – Career Pathways, 1870-1978 », Comparative Politics, Vol. 12, Nr. 1, oct. 1979, Pp.1-25; Jean Blondel, Government Ministers in the Contemporary World, Sage Publication, London, 1986.25 Robert Putnam, The Comparative Study of Political Elites, PrenticeHall, New Jersey, 1976, Pp. 45-7126 Reuven Y Hazan, Gideon Rahat, Op.Cit., Pp. 109-122.27 Anton Steen, Between Past and Future: Elites, Democracy and the State in Post-Communist Countries. A Comparison of Estonia, Latvia and Lithuania, Ashgate, Aldershot, Bookfield USA, Singapore, Sidney, 1997, P.228Michael G. Burton, John Higley, « Elites Settlements », American Socialogical Review, Vol.52, no. 3, (Juin .1987), Pp 295-307 (P. 297)(n. tr.). 29 Andras Bozoki, «Theoretical Interpretations of Elite Change in CEE countries», dans Mattei Dogan (ed.), Elite Configurations at the Apex of Power, Pp. 215-249 (Pp. 220-221).

21

ainsi que les mécanismes visant le changement des élites décrivent ainsi les principaux axes

analytiques dans l’étude des élites des nouvelles démocraties30.

Indifféremment de la pluralité des approches de cette première catégorie ou qu’il s’agit

des démocraties stables ou des périodes de transition, ce qui est spécifique pour la composante

« structurelle » est qu’elle met l’accent sur une double analyse, imbriquant les conditions

institutionnelles et les dimensions micro du comportement politique. En dépit du nom que

Marvick attribue à cette catégorie d’études, « les structures » influant la promotion politique

sont à envisager plutôt en tant que facteurs généraux déterminant le niveau d’autonomie des

élites31 dans la sélection et dans la prise de décision.

La démarche met ainsi en relief l’importance d’un enchaînement des fonctions publiques

pour la sélection ultérieure dans un portefeuille politique. Mise en valeur surtout par le biais des

approches positionnelles dans l’étude des élites, en prenant donc en compte la place occupée

par les élites dans les institutions formelles de l’Etat32, la composante structurelle permet un

décryptage des trajectoires à l’intérieur d’une structure d’interactions qui souligne à la fois les

carrières acteurs comprises sur un axe temporel et les relations qui se nouent entre les élites et

leurs sélecteurs.

2.2 La composante motivationnelle et la promotion en politique

La seconde manière d’envisager le processus de recrutement met l’accent sur les

motivations des acteurs politiques. La démarche est centrée principalement sur la manière dans

laquelle les mécanismes de support et de loyauté se créént pour qu’ils mènent à la promotion en

30 John Higley, György Lengyel, « Elite Configurations after State Socialism » dans Idem (eds.), Elites After State Socialism, Rowman & Littlefield, Lanham, 2000, Pp.1-21 (P.5).31 L’approche procède ainsi de la perspective de la démocratie libérale. Le degré d’autonomie des élites est donné par le cadre institutionnel, toute comme l’autonomisation des élites constitue une des conditions historiques qui rendent possible l’instauration d’une démocratie stable. Pour plus de détails voir E. Etzioni-Halevy, The elite connection. Problems and potential of Western Europe, Polity Press, Cambridge, 1993, P. 101; Idem, « Democracy elite theory: stabilisation versus breakdown of democracy », Archives européennes de sociologie, Vol.31, No.2, 1990, Pp. 317-350.32 M. Czudnowski, Op.Cit., P. 155, R. Putnam, Op.Cit., P.16

22

fonctions publiques33. Valorisant l’importance de la temporalité dans l’octroi du support

politique, cette perspective connut plusieurs évolutions et elle peut être plutôt identifiée

aujourd’hui au niveau des études portant sur le leadership ou encore sur la définition

(motivationnelle) des rôles joués par les acteurs politiques.

Les premiers adeptes de cette approche, comme Laswell, se concentrèrent surtout sur les

traits de personnalité et la capacité des acteurs « à faire face à l’incertitude du monde

politique »34. Mobilisant des éléments censés rendre compte de l’implication de l’acteur en

politique, de son appétence pour le pouvoir ou encore des comportements des leaders au pouvoir

(en expliquant même les déviations totalitaires)35, ces démarches étaient imprégnées d’une forte

dimension psychologique. De cette façon, les attributs personnels des leaders et non pas les

ressources résultant de leurs trajectoires se trouveraient à la base de la configuration de la scène

politique. Un exemple en ce sens, plus récent, est donné par Anthony King qui délimite deux

grands types d’influences dépendant des attributs personnels des leaders : une influence directe,

dans la mobilisation des électeurs, et une influence indirecte qui s’exerce sur les gouvernants qui

obéissent généralement aux personnalités qui occupent l’avant-scène de la vie politique36.

En contrepartie, d’autres études de la même famille ont essayé de mettre en relation le

type d’autorité dont un leader dispose et les attributs de l’analyse organisationnelle (tel que le

degré de cohésion du parti ou le fonctionnement des institutions). En introduisant le concept du

leadership non charismatique qui mélange les orientations des comportements des dirigeants

fondées sur des moyens rationnels d’accès aux ressources avec la loyauté pour une personne37,

Ansell et Fish rattachent à chaque type de leadership un modèle de comportement

33 D. Mavrick, Op. Cit., P.34-3534 Harold Laswell, « The selective effect of Personality on Political Participation » dans Richard Christie and Marie Jahoda, Studies in the Scope and Method of the Authoritarian Personality, The Free Press, Glencoe, Illinois, 1954, P. 223.35 Pour un répertoire de la littérature dans cette perspective voir R. Putnam, Op.Cit., Pp. 71-106.36 Anthony King, « Do Leaders' Personalities Really Matter? », Idem (ed.), Leaders' Personalities and the Outcomes of Democratic Elections, Oxford University Press. Oxford Scholarship Online. Oxford University Press, 2002, P.5. http://www.oxfordscholarship.com/oso/public/content/politicalscience/0199253137/toc.html,. 37 Selon les deux auteurs, le leadership non-charismatique décrierait des personnalités politiques telles que H.Kohl ou M. Teacher qui ont institué une forme d’identification personnelle tout en gardant un type d’autorité légale. Selon les deux auteurs, les leaders des partis dont la caractéristique principale est le patronage sont orientés vers la distribution, le leader d’un un parti charismatique a comme but ultime de l’action politique la transformation, les rôles quasi-charismatiques ont comme objectif principal la représentation des diverses catégories et tandis que, les acteurs décrits par une personnalité non charismatique présentent plutôt un objectif transactionnel. V. Christopher K. Ansell, Steven Fish, « The Art of Being Indispensable. Noncharismatic Personalism in Contemporary Political Parties”, Comparative Political Studies, Vol. 32, No. 3, Mai 1999, Pp. 283-312 (P.285).

23

organisationnel.38 Ces divers modèles centrés sur le type d’autorité imprègnent le caractère du

parti et influent directement sur le degré de cohésion organisationnelle. Dans une logique

similaire, Alain Eraly39 met en relief la pluralité des ressources qui sont importantes pour la

promotion dans une fonction ministérielle. La promotion en politique serait ainsi « l’art de se

faire a.i.m.e.r » correspondant à des ressources stratégiques spécifiques et complémentaires.

L’adhésion interne à un parti, les ressources interpersonnelles, l’enracinement local, la

représentation constitueraient des facteurs rendant un acteur politique plus proche d’une fonction

ministérielle et supposeraient le développement des comportements politiques particuliers.

A présent, les approches motivationnelles se constituent dans des explicitations

complémentaires de l’action politique qui se forgent sur l’impact des attributs des leaders sur

l’électorat, le parti ou le fonctionnement institutionnel, en préservant en même temps l’idée de

l’importance des mécanismes psychologiques qui configurent les actions des acteurs politiques.

D’une manière renversée, la composante motivationnelle, lorsqu’elle se rattache à un

décryptage des rôles joués par les acteurs peut constituer une justification de l’action individuelle

des leaders politiques. La façon d’approprier le rôle de ministre, de parlementaire ou de chef de

parti devient un ressort dans l’explication de l’articulation de l’activité ultérieure de l’acteur

politique en cause40. Ainsi, les attributs antérieurs à la nomination des élites politiques seront à

envisager, encore plus que dans le cas de la composante structurelle, comme déterminants pour

l’activité des acteurs lorsqu’ils se trouvent en fonctions publiques.

38 Ibidem, Pp. 287-28839 Alain Eraly, Op.Cit., P.37.40 Pour l’état de l’art de la littérature visant la sociologie des rôles parlementaires V. Olivier Costa et Eric Kerrouche, Qui sont les députés français ? Enquête sur les élites inconnues, Sciences Po, Paris, Pp. 23-25. Pour une telle perspective voir également Donald Searing, « Roles, Rules, and Rationality in the New Institutionalism », The American Political Science Review, vol. 85, no. 4, 1991, Pp. 1239-1260.

24

Moins fréquente dans l’analyse des nouvelles démocraties41, la composante

motivationnelle (dans sa version « non ajustée » par d’autres approches) procède des

caractéristiques personnelles des leaders, en ignorant en même temps toute dimension

institutionnelle du comportement politique. L’analyse des trajectoires des acteurs porte moins

sur l’enchaînement des positions des divers leaders ou même sur leurs compétences acquises

dans d’autres fonctions publiques et favorise les attributs individuels, les personnalités et les

capacités de mobilisation dont chaque dirigeant politique dispose.

En même temps, cette approche souligne plus que la composante antérieurement décrite

la relation entre le profil des acteurs politiques au pouvoir et leur activité politique. Ce que les

acteurs font lorsqu’ils détiennent des positions de pouvoir est intrinsèquement lié aux

caractéristiques personnelles de ces leaders. En procédant de l’étude de ces acteurs politiques

qui détiennent le pouvoir, la dimension motivationnelle affirme l’importance des élites dans la

compréhension des comportements décisionnels vus comme résultats d’un vécu personnel.

2.3 La composante décisionnelle et le profil des acteurs individuels

Enfin, la troisième manière d’étudier le processus de recrutement propose un décryptage

de l’impact des effets systémiques sur la promotion en politique. A différence d’autres

approches, la dimension décisionnelle procède de la prémisse d’une pluralité des sources de

pouvoir concurrentielles à l’intérieur d’une société. Intrinsèquement liée à l’idée de la

différenciation entre un modèle de la démocratie élitiste et un modèle de démocratie

participative42, on conçoit l’agencement de la structure du pouvoir à l’intérieur d’un système

politique sur une dimension horizontale, en considérant les rapports qui se nouent entre les

41 Il y est à remarquer que malgré l’existence d’une certaine composante motivationnelle qui peut être identifiée au niveau de certaines recherches, cette dimension est moins fréquente dans l’étude des élites postcommunistes. Un l’exemple en ce sens est constitué par l’approche de Georges Mink et Jean-Charles Szurek procédât à une recherche ayant comme but d’éclaircir, à la base des entretiens avec les acteurs postcommunistes, les processus de mutation subis par les anciens membres du parti communiste reconvertis après 1989 au niveau de leurs représentations quant au « capitalisme postcommuniste ». V. Georges Mink, « La société post-communiste : Théories et données sociologiques (5ème partie) », dans Dominique Colas (ed.), L’Europe post-communiste, PUF, Paris, 2002, Pp. 443-537. V également Georges Mink et Jean-Charles Szurek, « Conversia politică şi economică a nomenclaturi în Europa de Est [La conversion politique et économique de la nomenclature en Europe de l’Est] » dans Elite comuniste înainte şi după 1989[Elites communistes avant et après 1989], L’Annuaire de l’Institut pour l’Investigation des Crimes du Communisme en Roumanie, Vol II, No.2, Polirom, Bucarest, 2007, Pp 147-199.

42 Andras Bozoki, Op.Cit., P.215.

25

acteurs comme étant similaires à ceux décrits par le modèle polyarchique43. Les élites ne sont ni

unitaires, ni des simples miroirs de la société, résultats d’un réflexe de la représentation, mais

elles constituent les principaux décideurs. Le pluralisme politique, « révélateur d’un processus

constaté empiriquement »44, impliquerait, de cette manière, l’existence des élites qui se trouvent

dans un processus de négociation constant. En ce contexte, l’analyse des trajectoires des acteurs

politiques serait un facteur révélateur de leur savoir-faire acquis, de leurs réseaux de cohésion et

du support dont celles-ci bénéficient au niveau de la prise de décision en tant qu’effets d’un

processus de socialisation préalable.

La socialisation des acteurs politiques, la spécialisation dans un domaine de compétence

constituent des facteurs essentiels dans l’analyse des trajectoires politiques. Dans un cadre qui

essaie à relier les acteurs politiques aux politiques adoptées, les phénomènes d’apprentissage

(dans des divers contextes et à des divers niveaux) deviennent des facteurs explicatifs de la

promotion dans des fonctions publiques. Les modèles de promotion sont appelés des carrières 45

et ils comprennent, d’une manière nécessaire, une dimension temporelle importante. La

composante décisionnelle met donc en exergue la nécessité de la compréhension du processus de

socialisation préalable à la nomination dans un portefeuille politique.

D’ailleurs, cette manière d’envisager l’étude des trajectoires, consacrée par Robert

Dahl46, fut revigorée par les études des élites dans les nouvelles démocraties. Adoptant une

perspective qui affirme la pluralité des acteurs participant à la sphère du pouvoir, ces nouvelles

études ne se sont pas focalisées sur une dimension institutionnelle, mais elles visèrent plutôt la

question de l’influence des expériences décisionnelles communistes des acteurs dans la

43 Le terme est employé par Robert Dahl afin de décrire le fonctionnement politique des sociétés occidentales. La polyarchie est caractérisée par la pluralité des sources de pouvoir et la pacification des conflits. Quant à ses attributs, elle est décrite par le droit de participation des citoyens aux élections et le droit d’être élu, le droit d’association, la multiplicité des sources d’information etc. V. Robert Dahl, Democracy and its critics, Yale University Press, 1989, P. 221.

44 Voir l’analyse de Pierre Birnbaum dans l’introduction au livre de Robert Dahl, Qui gouverne ?, Armand Colin, Paris, 1971, P.XII mais aussi Robert Dahl, « A critique of the ruling elite model », American Political Science Review, Vol. 52, 1958, Pp.463-469.45 Marvick, Op.Cit. P.3846 La démarche de Robert Dahl qui mettait en avant la transformation d’une inégalité cumulative dans une inégalité non cumulative et les effets apportés par cette transfiguration sur la prise de décision constitue un exemple en ce sens. Dans la conception de Dahl, la situation d’inégalité cumulative décrivait une période historique - quand une personne était très avantagée par rapport à son proche dans une ressource particulière, elle était d’habitude avantagée en presque toutes les autres domaines qu’il s’agissait du statut social, de la légitimité, du pouvoir légitime. En contrepartie, résultat d’une évolution historique, l’inégalité non-cumulative signifie que l’aire dans laquelle une personne est avantagée est circonscrite à son domaine direct d’action. Robert Dahl, Qui gouverne?, P.95.

26

construction d’un capitalisme après 198947. Les questions de la mobilité sociale et la formation

d’une nouvelle classe dirigeante48 expliqueraient ainsi les raisons d’action des acteurs

postcommunistes49. Menées en tant qu’études de la conversion des anciens cadres communistes,

ces études ont été entamées autour de l’idée de l’importance du profil occupationnel des acteurs

postcommunistes qui sont décrits par l’accumulation de certaines formes de capital durant la

période communiste (politique, économique et/ou culturel).

Dans un environnement dynamique, de transformation, les carrières sont donc à

apercevoir comme une stratégie de valorisation des privilèges déjà détenus50. L’analyse des

« ajustements des trajectoires » des élites postcommunistes, formulée en termes de conversion

des anciens leaders du passé, quantifie ainsi l’impact d’une expérience accumulée à l’intérieur de

l’ancienne nomenklatura communiste dans l’échafaudage des carrières à l’intérieur des nouvelles

démocraties.

La composante décisionnelle, qui donnera naissance à une approche distincte dans

l’analyse les élites51, réunit les caractéristiques de la composante structurelle visant la manière

séquentielle dans la compréhension des carrières politiques, avec une dimension subjective

quant à l’existence d’une intériorisation de l’expérience politique ou sociale précédente qui

déterminerait les actions des acteurs politiques dans l’exercice de leur mandat (caractèristique

similaire à la composante motivationnelle). La carrière d’un acteur est le résultat des positions

antérieurement détenues, mais elle est également déterminée par la maximisation des

47 Gil Eyal, Eleanor Townsley, & Iván Szelényi, « The Theory of Post-Communist Managerialism », New Left Review, No. 222, 1997, Pp. 60-92 ; Eva Fodor, Edmund Wnuk-Lipinski, Natasha Yershova, « The New Political and Cultural Elite », Theory and Society, Vol.24, No.5, 1995, Pp.783-800. 48 Iván Szelényi, Szonja Szelényi, « Circulation or Reproduction of Elites during the Post-communist Transformation of Eastern Europe », Theory and Society, Vol. 24. No. 5, 1995, Pp. 615-638.49 G. Eyal, I.Szelenyi, E. Townslyey, Making Capitalism without Capitalists. The New Ruling Elites in Eastern Europe, Verso, Londre et New York, 1998, Pp.1-17 (P.2).50 G. Eyal, I.Szelenyi, E. Townslyey, Making Capitalism without…., Pp. 1-17 voir également David Stark, « Recombinant Property in East European Capitalism », American Journal of Sociology, Vol.101, No.4, janvier 1996, Pp. 993-1027.51 D’habitude on considère que les élites peuvent être étudiées en suivant soit une approche élitiste ou une approche décisionnelle. Néanmoins, cette perspective classique est de plus en plus contestée en considérant que l’existence d’une élite monolithique ou plurale ne constitue pas une prémisse de la recherche, mais plutôt le résultat constaté empiriquement au niveau des configurations des élites. V. Mattei Dogan, « Introduction. Diversity of Elite Configurations and Clusters of Power » dans Mattei Dogan (ed.), Op.Cit., Pp. 1-17 (P. 5). Pour une application qui part de l’idée que la perspective élitiste, celle de classe dirigeante ou encore celle pluraliste sont plutôt d’idéal types qui doivent fusionner au niveau d’un modèle interprétatif V. John Higley, Ursula Hoffmann-Lange, Charles Kadushin, Gwen Moore, « Elite intergration in stable democracies : a reconsideration », European Sociological Review, Vol.7, No.1, mai 1991, Pp.35-53.

27

perspectives de promotion en politique par le biais des comportements et des perceptions

individuelles.

La carrière politique d’un acteur serait donc à envisager en tant qu’une « possibilité

occupationnelle » et suppose « une combinaison de mérite, chance, stratégie, sponsors et

persévérance »52. Dans cette perspective, la promotion en politique peut être comprise lorsqu’on

prend en considération non seulement l’hiérarchie des fonctions antérieurement détenues par un

acteur politique ou encore les référentiels stratégiques des partis, mais au moment où on

comprend l’influence des actions des acteurs à l’intérieur des institutions ou des organisations.

Le rapport aux institutions est loin d’être oblitéré. Cependant à l’origine de cette approche on

retrouve l’idée que l’adaptation des élites à un nouvel environnement n’implique pas

uniquement une composante intentionnelle et stratégique, mais elle comprend également une

dimension path dependency qui se réclame « d’une réinterprétation collective » des rôles que les

acteurs politiques doivent jouer53. Ainsi, l’analyse des trajectoires des élites suit au fond des

indicateurs similaires à la composante structurelle, mais l’interprétation qu’on attribue aux

étapes antérieures à la nomination diffère substantiellement de la manière de penser

l’interaction entre l’acteur et l’environnement politique.

2.4 Manières d’étudier les trajectoires des élites

L’analyse du processus de recrutement dévoile l’importance des expériences politiques

préalables des acteurs politiques. Les diverses approches mettent en exergue l’effet cumulatif du

passé des élites pour une nouvelle nomination en politique. Cependant, la valorisation des divers

facteurs explicatifs mobilisés pour l’explicitation des nominations en fonctions publiques diffère

selon les approches. La composante structurelle met en avant le rôle des expériences des acteurs

dans des cadres institutionnels, la composante motivationnelle souligne la relevance de l’étude

des éléments de personnalité des leaders qui définissent leurs comportements tandis que la

composante décisionnelle relève principalement des expériences de socialisation et de

spécialisation occupationnelle des élies en certains domaines d’action.

Malgré la possibilité de délimiter un cadrage analytique distinct pour l’investigation des

carrières politiques, celui-ci reste artificiel, en soulignant surtout des lignes de démarcation entre

52 Marvick, Op.Cit. P.38.53G. Eyal, I.Szelenyi, E. Townslyey, Making Capitalism without., P. 2.

28

les présupposés analytiques de base. De la sorte, les études empiriques emploient des variables

spécifiques aux autres approches analytiques et mobilisent des arguments complémentaires quant

à l’interprétation des résultats des enquêtes menées. En ce sens, les différences entre les diverses

démarches sont difficilement opérables. La composante structurelle n’exclue pas une

interprétation des expériences politiques des acteurs en tant que ressource de savoir-faire et de

socialisation, la démarche décisionnelle peut se construire à partir d’une délimitation de la

population en fonction des hiérarchies des fonctions à l’intérieur des institutions, la composante

motivationnelle s’accompagne de plus en plus souvent par des éléments institutionnels ou

décisionnels.

De surcroît, beaucoup de recherches choisissent se concentrer sur certains aspects tels

que le profil socioprofessionnel, ou la socialisation des acteurs sans prendre en compte les

éléments structurels ou respectivement des éléments décisionnels. Par ailleurs, indifféremment

de l’approche, la tendance générale des recherches a été plutôt celle d’aboutir à l’élaboration des

typologies des voies d’accès en politique et non pas celle de dresser des analyses compréhensives

des rapports qui s’établissent entre les divers facteurs déterminant la création des carrières

politiques et de leurs effets dans la structuration de l’activité politique.

En dépit de cette variation, les diverses études suggèrent, suite à leurs propres

articulations internes, des possibles effets que les trajectoires des acteurs peuvent avoir sur le

système politique. A une première vue, une composante structurelle appliquée dans la

délimitation des voies d’accès vers une fonction publique serait censée suggérer plutôt des effets

institutionnels et sur l’organisation des partis politique, la composante motivationnelle se

rattache plutôt aux questions de la mobilisation électorale, tandis que la composante

décisionnelle prend en considération l’existence des effets directs des acteurs au niveau de la

prise de décision. De cette façon, le tableau composite des recherches qui imbrique plusieurs

composantes suggérerait un possible effet cumulatif de ces approches impliquant l’existence à la

fois des effets institutionnels, décisionnels ou médiatiques du processus de recrutement.

Néanmoins, afin d’estimer le type des conséquences de l’articulation des carrières politiques

dans un certain pays, il faudrait tout d’abord passer en revue quels types d’effets, autres que ceux

visant la représentation politique, ont été envisagés jusqu’à présent.

29

3. Quelles influences des carrières politiques au niveau de la prise de décision ?

L’étude des carrières et des divers aspects visant le profil des acteurs politiques menant à

leur recrutement s’inscrit dans une longue tradition de l’analyse du personnel politique. Malgré

l’évolution impressionnante de la production scientifique, la littérature portant sur l’analyse des

élites et de leurs carrières peut être résumée, en grande partie, par le titre d’un chapitre de

l’histoire de Lewis Caroll, « a caucus race and a long tale » 54 . Le processus de sélection

coïnciderait ainsi à un jeu dont le sens reste partiellement caché, dans lequel chaque personne

court en cercles et arrive nulle part. Formulée de la perspective de la science politique, la plus

grande difficulté d’une littérature très riche au niveau de la description des caractéristiques des

acteurs et de leur promotion fut justement de fournir une réponse à la question portant sur

l’impact des individus sur l’activité politique55. Analysé plutôt en tant que variable dépendante,

le recrutement fut décrit par « toute une constellation » des facteurs explicatifs des filières vers

une fonction publique sans pour autant que les conséquences de ce processus soient explicitées.

Au-delà des études qui s’articulent autour la question de la représentativité des élites

dirigeantes, même si pas nombreuses, les recherches empiriques ou théoriques qui ont essayé

d’évaluer les effets du processus de recrutement au niveau de l’activité des acteurs ont identifié

toute une série de conséquences de ces processus dans les divers secteurs de la politique ou

encore dans le fonctionnement organisationnel. En prenant en compte la diversité d’approches

dans l’analyse des trajectoires politiques, on peut déceler deux niveaux où on pourrait localiser

l’émergence des conséquences directes du processus du recrutement : (a) le niveau du parti

politique qui fait la sélection ou (b) le niveau des institutions publiques.

Indifféremment du locus où cette influence s’exerce, en ce qui concerne les possibles effets

des trajectoires des élites sur l’activité politique on peut considérer deux grandes conséquences

concrètes résultant du profil des élites au pouvoir: (a) la sélection des élites et leur profil ont une

influence sur l’articulation des relations entre les acteurs déterminant ainsi le degré de stabilité

organisationnelle ou institutionnelle ou (b) les élites influencent directement sur les résultats des

54 Les diverses traductions dans les éditions françaises comprennent plusieurs versions de la traduction du titre du chapitre 3 du livre de Lewis Caroll, Alice au Pays des Merveilles. A l’exemple « Course à la candidature et une longue histoire », « Une course à la Comitarde et une longue histoire » ou encore « Course des politicards et une longue histoire» etc.55 Robert Putnam, Op.Cit., P.X.

30

politiques adoptées. Dans ce qui suit, nous procéderons donc à une exploration de ces

conséquences telles qu’elles furent décrites dans les diverses études menées jusqu’à présent.

3.1 Le conflit interne du parti versus la stabilité et cohésion organisationnelle

La dimension partisane de la sélection ne peut pas être ignorée dans l’étude des carrières

politiques. Le parti conçu comme lien entre les électeurs et les acteurs politiques au pouvoir56

constitue ainsi le principal filtre d’accès dans les fonctions publiques. La nature même de

l’organisation et sa capacité de contrôle sur l’activité politique dépendent, au moins

partiellement, de la manière dans laquelle le parti traite la question de la promotion de son

personnel57. Dans cette perspective, le choix des leaders n’est pas à penser comme le résultat

d’un cadre institutionnel, mais il doit être envisagé plutôt comme dépendant des facteurs

organisationnels58. Les ressources mobilisées par les acteurs politiques, leur profil en politique,

qui permettent l’accès à une fonction publique dépendent du niveau où on prend la décision de

nomination à l’intérieur du parti59. Au-delà des idiosyncrasies qui peuvent apparaître60, on avait

considéré que l’articulation des trajectoires politiques peut constituer un instrument qui dévoile

la structure du pouvoir à l’intérieur d’un parti61. Les trajectoires des acteurs, les relations qu’ils

nouent avec les autres membres de parti ont ainsi un premier effet portant sur l’explicitation des

degrés de cohésion ou de conflit organisationnel62.

56 Lawson propose une investigation du parti politique en tant que chaine de délégation entre les électeurs, les candidates et les élites politiques au pouvoir. Pour plus de détails voir Kay Lawson, « When linkage fails » dans Kay Lawson and Peter H. Merkel (eds.), When parties fail: Emerging alternative organizations, Princeton University Press, Princeton, 1988, Pp. 13-38.57 K. Lundell, Op.Cit., P. 26.58 Ibidem, Pp. 25-47.59 Les études sur les élites parlementaires montrent que le profil des représentants sélectionnés en tant que candidats lors des élections change en fonction du niveau où se situe de la prise de décision concernant le recrutement. Voir Michael Gallagher, « Introduction » mais aussi « Conclusions », Michael Gallagher, Michael Marsh (eds.), The Secret Garden: Candidate Selection in Comparative Perspective, Sage, London 1988, Pp. 1-19, 236-278, mais aussi les études de cas présentées dans Pippa Norris (ed), Passangers to Power.60 Montero montre ainsi que la décentralisation dans la sélection en Espagne n’avait pas apporté une reconfiguration dans le profil des élites nationales ou l’accroissement de la perméabilité de l’accès au pouvoir entre les divers niveaux du parti. Pour plus de détails R. Montero, « The limits of decentralization: Legislative Careers and the Territorial Representation in Spain », West European Politics, Vol. 30, No.3, 2007, Pp. 573-594.61 Lester G. Seligman, « Political recruitment and party structure: a case study », P.86.62V. Michael Gallagher, Op.Cit, Pp. 1-2, R.Hazan et G. Rahat, Op.Cit., P.110, Pippa Norris, « Introduction: Theories of Recruitment », P.89.

31

Angelo Panebianco est un des auteurs qui ont soutenu cette thèse en montrant que la

stabilité organisationnelle d’un parti dépend, parmi d’autres facteurs, du contrôle du recrutement

et des relations qui se forgent entre ses élites63. L’émergence et l’articulation d’une catégorie des

carriéristes, membres de parti fortement motivés et directement intéressés dans la distribution

des ressources, constituent des sources potentielles de factionnalisme et d’instabilité

organisationnelle64. Les carriéristes, qui représentent aussi une base de sélection pour le

leadership en place, deviennent d’une grande importance dans la compréhension des possibles

rivalités intra l’organisationnelles, qui sont principalement des conflits structurés autour de la

question de la distribution des portefeuilles. Les procédures de promotion en fonctions publiques,

délimitant les principaux types de ressources politiques nécessaires à la nomination, peuvent

ainsi engendrer, la survie organisationnelle ou au contraire la scission du parti.

Dans une logique similaire, on avait envisagé la décentralisation de la sélection des

dirigeants comme ayant des possibles effets sur la cohésion interne de l’organisation politique.

Dans une première perspective, les méthodes plus inclusives de sélection, qui permettent

l’existence d’un grand nombre de sélecteurs ont été pensées comme des facteurs censés

d’encourager la politique de la personnalité et donc mener à des niveaux bas de cohésion

partisane65. Cependant, d’autres auteurs, d’une manière contraire, avaient affirmé qu’un certain

type décentralisation, menant à la mobilisation des simples membres de parti dans la sélection

des représentants en fonctions publiques, produit un phénomène de renforcement du pouvoir des

dirigeants du parti66. Les deux thèses ne sont cependant pas contradictoires. Les deux types de

comportements peuvent être présumés en fonction du profil du système des partis, du

développement organisationnel des diverses formations politiques et des évolutions historiques

décrites au niveau de la littérature.

L’idée conformément à laquelle le degré de centralisation de la sélection a un impact sur

la cohésion organisationnelle, parue pour la première fois dans les recherches portant sur le cas

américain, revêt cependant une portée plus large67. Dans ce cas précis, l’introduction des

63 Angelo Panebianco, Political Parties: organization and power, Cambridge University Press, 1988, Pp. 36, 39, 4364 Ibidem, P. 2765 Gideon Rahat, Op.Cit., P. 166.66 Richard Katz, « The Problem of Candidate Selection and Models of Party Democracy », Party Politics, Vol. 7, No.3, 2001, Pp. 277 – 296.67 Lester G. Seligman, « Elite recruitment and political .. », P.187. Voir également Lester G. Seligman, « Presidency and Political Change », Annals of the American Academy of Political Science, Vol. 466, Implementing Governmental Change, 1983, Pp. 179-192 (P. 191)

32

méthodes de sélection interne plus démocratiques (les primaries pour la sélection du personnel

politique) avait permis l’émergence de nouveaux leaders politiques. L’adoption d’un système de

sélection à la base d’élections directes affecte la cohésion organisationnelle, mais encourage en

même temps un accroissement du rôle des élites par rapport à l’organisation politique. La

faiblesse organisationnelle et par l’absence d’une distribution claire de rôles à l’intérieur d’une

organisation politique articulent ainsi un autre type d’effet des élites qui met en exergue

l’autonomisation des dirigeants par rapport à leur parti d’origine.

La sélection des acteurs politiques, les mécanismes de sélection qui s’articulent à

l’intérieur de l’organisation du parti influencent ainsi la stabilité organisationnelle et la

cohésion de ses membres. Le factionnalisme, les conflits entre les représentants du parti en

fonctions publiques seront à apercevoir aussi en tant que résultat de l’agencement interne des

procédures de promotion des acteurs ayant un profil politique spécifique. Ces constats sont

d’ailleurs intéressants car les relations cohésives ou au contraire conflictuelles, ou encore une

certaine autonomisation des leaders politiques centraux par rapport à l’organisation du parti

sont censés d’être transférées au niveau institutionnel lorsque les divers acteurs sont nommés en

fonctions publiques. De la sorte, un premier type d’influence du recrutement rend compte, d’une

manière indirecte, du caractère des relations qui s’établissent entre les acteurs politiques

nommés par le parti politique dans des divers portefeuilles.

3.2 La prise de décision politique résultat de l’action de la composante du parti au

gouvernement

Lorsqu’on regarde l’influence du recrutement sur l’organisation politique on peut surtout

délimiter une série d’éléments censés d’influer sur les comportements ultérieurs des dirigeants du

parti une fois arrivés au pouvoir. Néanmoins, d’autres recherches ont mis en avant l’existence

d’une relation directe entre le processus de sélection et la prise de décision. Centrées surtout sur

les représentants des partis en fonctions exécutives, ces approches ont eu la tendance de

concevoir les équipes exécutives comme une extension du parti qui est envisagé comme étant

décrit par plusieurs niveaux distincts tels que la base du parti, le leadership central et les

représentants du parti en fonctions publiques. En ce contexte, d’une manière directe ou indirecte,

33

les acteurs sélectionnés pour un portefeuille politique seront censés d’avoir un impact substantiel

au niveau des décisions politiques entamées.

Une première tentative à relier les gouvernants et leurs trajectoires aux politiques appartient à

Seligman qui essaie d’expliciter l’accroissement de l’impact des présidents américains dans la

prise de décision économique. Seligman suggère que le but initial de l’investigation de cette

relation ne doit pas se concentrer sur le caractère d’innovation des politiques (qui peuvent

mobiliser d’une manière cumulative et sélective des positions développées dans le passé).

L’impact du recrutement serait plutôt à identifier au niveau du décryptage de

l’institutionnalisation de nouveaux rôles des élites politiques68. Dans un processus comprenant

plusieurs étapes (portant sur les transformations institutionnelles qui accompagnent le

changement dans le statut des présidents américains) ces transfigurations dépendront, en grande

mesure, des rénovations rencontrées au niveau des partis politiques. De la sorte, l’ouverture de la

sélection des candidats, la professionnalisation de la politique et la diminution du rôle des

activistes de parti, la présence des consultants professionnels dans la vie interne du parti ainsi

que le caractère médiatique de la politique américaine ont produit, selon Seligman, une scissure

entre l’organisation du parti et les présidents en la faveur de ces derniers69. Ce changement dans

les degrés d’autonomie des leaders politiques en fonctions publiques par rapport à leur parti avait

facilité ainsi un accroissement de l’influence dans la délimitation des directions des politiques

entamées (dans une première phase) et leur a permis également de reconstruire des cadres

formels et institutionnels en concordance à ces nouveaux rôles.

Le développement d’une littérature portant sur le parti au gouvernement70 qui détient les

ressorts de la prise de décision politique, souleva, d’une manière différente, la question des

rapports qui se créent entre les élites politiques et le gouvernement. Le problème a été formulé

68 Lester G. Seligman, « Presidency and Political Change », Pp. 181, 182.69 Ibidem, P. 191.70 En esquissant une définition du parti qui se trouve au gouvernement R. Katz précisait qu’il s’agit d’une forme de réglementation des conflits sociaux au cadre duquel une pluralité des partis politiques qui sont démocratiquement organisés jouent un rôle relativement dominant dans la médiation sociopolitique et dans le processus de la prise de décision (Richard Katz, « Chapter 2. Party Government. A Rationalistic Conception», F.G. Castels, R. Wildenmann eds., Visions and Realities of Party Government, Vol.1 De Gruyter, Berlin, 1986, Pp.31-72 (P.42). Afin de pouvoir parler d’un parti au gouvernement il existe plusieurs conditions qui doivent être conjointement accomplies: les ministres soit nommés par le parti en cause ainsi que le Premier ministre et les lignes politiques de la décision soit établies par le parti en cause. Pour une autre définition v. également Richard Rose, « The Variability of Party Government ; A theoretical and empirical critique », Political Studies, Vol. 17, No.4, Pp. 413-445;

34

comme une l’investigation des degrés d’autonomie et d’interdépendance entre l’organisation du

parti d’une part et les représentants du parti en fonctions publiques, de l’autre71. Les degrés de

liberté dont le personnel politique dispose au niveau de la prise de décision dépenderaient ainsi

des méthodes de recrutement72. Vu le fait que les partis politiques tendent à désigner dans des

fonctions exécutives des dirigeants présentant de longues carrières politiques et des positions très

puissantes à l’intérieur du parti73, ces élites seront censées d’avoir une influence notable sur les

décisions politiques des exécutifs.

La sélection du personnel gouvernemental constitue donc un premier « dispositif de

filtrage par lequel le parti en fonctions publiques est reproduit »74 et donc un premier moyen pour

le parti de s’assurer que les acteurs politiques sont des membres loyaux et prêts à obéir dans les

décisions politiques entamées aux intérêts et à la volonté de l’organisation politique75. Le souci

dans la sélection pour la promotion des leaders politiques ayant une longue expérience politique

engendre ainsi un processus de la professionnalisation du leadership qui peut à son tour entraîner

plusieurs conséquences décisionnelles. De la sorte, la promotion en fonctions publiques des gens

ayant une longue expérience politique peut mener au développement d’une compréhension

commune entre les partis politiques au pouvoir ou la construction des objectifs similaires des

acteurs quant à une quête pour les ressources financières. La similarité des trajectoires des

dirigeants des partis politiques facilita ainsi la création des cartels politiques76 et conduira vers

une politique gouvernementale qui privilégie en tant qu’objectif principal la distribution des

ressources.

71 Jean Blondel, « Party government, patronage and party decline in Western Europe » dans Richard Gunther, Jose Ramon Montero, Juan J. Linz, Political Parties. Old Concepts and New Challenges, Oxford University Press, 2002, Pp. 233-257.72 Gideon Rahat, Op.Cit., P.158.73 Jean Blondel, Maurizio Cotta, « Conclusions » dans Idem (eds), Party government. An Inquiry into the Relationship between Governments and Supporting Parties in Liberal Democracies, MacMillan Press Ltd., 1996, Pp. 249, 252.74 R. Katz, « The Problem of Candidate Selection and Models of Party Democracy », P. 277.75 Par la suite, au moins en théorie, les partis politiques nomment directement dans ces fonctions d’une très haute visibilité les hommes politiques ayant des positions très puissantes dans les partis ainsi que des longues carrières politiques (Jean Blondel et Maurizio Cotta, Party and Government. An Inquiry into the Relationship Between Governements and Supporting Parties in Liberal Democracies, MacMillan Press LTD, London, 1996, pp.249, 252)76R. Katz, « The Problem of Candidate Selection and Models of Party Democracy », Pp. 288-289. Voir également Katz and Mair, Peter Mair « Party Organisation from Civil Society to the State» dans R.Katz et P.Mair (eds.), How Parties Organize. Change and Adaptation in Party Organisations in Western Democracies, Sage, Londre, Thousand Oaks, New Delhi, 1997, Pp. 1-23

35

En ce contexte interprétatif dans lequel l’exécutif est plutôt réduit à une composante

partisane, les attributs du parti au gouvernement peuvent être envisagés par l’agencement des

trois dimensions conçues comme étant interdépendantes : les nominations des membres du

gouvernement, la prise de décision et la distribution des fonctions et des ressources au niveau des

institutions subordonnées au gouvernement (le patronage)77. La configuration des élites influerait

donc sur les relations qui se nouent entre les ministres au niveau de la prise de décision (les

styles décisionnels) ainsi que sur les mesures distributives à l’intérieur des gouvernements (le

patronage politique étant de cette manière un sous-type des politiques que le gouvernement

entame qui vise une allocation préférentielle de ressources). Cependant, cette relation d’influence

entre la sélection des leaders politiques et les décisions gouvernementales, définie au niveau

théorique est plutôt difficilement décryptable d’une manière empirique. Les analyses qui ont

procédé de cette interprétation reliant le profil des acteurs à leur activité se sont plutôt structurées

autour de l’identification des divers modèles décrits par le recrutement ou la prise de décision et

non pas sur la compréhension des mécanismes qui rapprochent les deux processus.

L’interprétation du fonctionnement du pouvoir exécutif en fonction du degré de

dépendance ou d’indépendance quant à l’organisation du parti avait suggéré l’accroissement du

rôle des acteurs politiques individuels. Résultat d’une faiblesse organisationnelle ou de

l’articulation des partis politiques, la perspective selon laquelle les institutions sont plutôt à

penser en tant qu’une extension du parti avait permis d’approximer l’existence d’un impact

directe des dirigeants sur les processus décisionnels. Même si pas explicité au niveau théorique

(car on part d’une prémisse de l’uniformité organisationnelle des partis politiques dans un

contexte politique), le poids et la manière dans laquelle cette influence s’exerce, devraient

varier en fonction du contexte politique78, mais aussi en fonction de la construction

organisationnelle de chaque parti au gouvernement.

3.3 Les rapports entre les acteurs politiques et la prise de décision institutionnelle

Les effets des trajectoires des élites ont été pris en compte non seulement d’une manière

indirecte, en maximisant l’influence de ces acteurs à l’intérieur de l’organisation du parti ou en

77Jean Blondel, « Party government, patronage and party decline in Western Europe », P. 239.78 Ibidem, Pp. 233-257

36

considérant les cabinets79 comme une simple extension du parti, mais aussi au niveau systémique.

De la sorte, en ignorant la variation introduite par le spécifique de chaque formation politique,

d’autres études ont mis en exergue l’importance des trajectoires dans l’articulation de la prise de

décision au niveau des institutions publiques. Tout comme dans le cas précédent, les principaux

effets du recrutement sur l’activité politique des acteurs furent délimités pour le cas du pouvoir

exécutif. Les divers profils des élites politiques, les carrières de celles-ci, sont considérées

comme ayant de l’importance dans la définition des relations qui se forgent entre acteurs

gouvernementaux au niveau de la prise de décision. De la sorte, un premier volet de l’importance

des élites au niveau institutionnel touche la question de la stabilité et de la cohérence

décisionnelle dans l’activité gouvernementale.

Un premier effet du recrutement sur l’activité gouvernementale a été mis en relief par

Mattei Dogan. Les trajectoires des acteurs et l’accumulation de l’expérience exécutive résultante

d’une pratique de rotation en fonctions publiques du personnel peuvent s’instituer comme dans le

cas de la Troisième et de la Quatrième République Française en tant qu’éléments de la

stabilisation du fonctionnement gouvernemental. Comme Dogan le montre « l’instabilité

ministérielle en France est un phénomène dont la signification est beaucoup moins profonde

qu’on pense généralement, car un changement de gouvernement ne veut forcement dire

changement d’équipe ministérielle, ni de majorité parlementaire, ni d’orientation politique, ni de

méthode. Il s’agit bien souvent d’une nouvelle cristallisation de la même majorité parlementaire

autour d’une nouvelle équipe ministérielle qui comprend très peu de nouveaux entrés dans le

cabinet et qui propose un programme dont l’innovation consiste surtout dans l’ordre des

priorités »80. La valorisation de la continuité d’un nombre d’acteurs dont le profil politique

suppose une importante expérience décisionnelle déterminera selon Dogan la continuité et donc

la cohérence de l’activité gouvernementale même dans des contextes politiques instables.

Dans une autre perspective, on avait considéré que la sélection des certains acteurs

détermine la balance du pouvoir à l’intérieur du pouvoir exécutif81. Le recrutement des acteurs

pour des fonctions publiques devient, en ce contexte, un mécanisme de contrôle de la loyauté et

79 L’étude utilisera dorénavant les termes « gouvernement » ou « cabinet » d’une manière interchangeable.80M. Dogan, P. Campbell, « Le personnel ministériel en France et en Grande Bretagne », Revue Française de Sciences Politiques, Vol. VII, N.2, avril - juin, octobre –décembre 1957 p.313-345, 793-824, (P. 326).81 Gideon Rahat, Op.Cit., P. 159.

37

le désir d’être sélectionné pour un nouveau mandat se transforme dans une contrainte au niveau

du comportement de l’acteur lorsqu’il occupe une fonction publique (que ce soit elle une position

exécutive82 ou une position parlementaire83). Par conséquent, pour toute une série d’auteurs, la

manière dans laquelle les acteurs politiques arrivent au pouvoir et les critères institués pour leur

sélection ont des conséquences directes sur le comportement des acteurs politiques et configurent

la discipline et de cohésion de groupe des gouvernements84.

La sélection des candidats joue ainsi un rôle important dans le cadre du processus de

délégation à l’intérieur des démocraties représentatives85. L’analyse des trajectoires des candidats

pour une fonction publique peut être conçue comme une manière de l’identification des

mécanismes qui mènent à la diminution du risque des actes d’indiscipline de ces acteurs

politiques86. Dans ce processus, le contrôle des sélecteurs sur le personnel politique détermine le

maintien de la stabilité de la prise de décision gouvernementale. L’ancienneté dans le parti et le

comportement des acteurs dans les fonctions publiques antérieurement détenues constituent

autant de garanties pour la fiabilité des actions87 ainsi que pour la collégialité décisionnelle à

l’intérieur des cabinets88.

Si les procédures de sélection valorisant un processus de filtrage ex ante des acteurs

garantissent la construction d’une équipe parlementaire ou gouvernementale cohésive et fiable,

on avait suggéré le fait que ces facteurs peuvent avoir également une fonction plutôt contraire.

La professionnalisation des acteurs politiques peut apporter un désir d’autonomisation surtout

82 Jean Blondel, Maurizio Cotta, Op.Cit., p. 253.83 Donald R. Matthews, « Legislative Recruitment and Legislative Careers », dans Gerhard Loewenberg, Samuel C. Patterson, Malcom E. Jewell (eds.), Handbook of Legislative Research, Harvard University, Cambridge MA, 1985, Pp. 17-55 (Pp. 36-37).84 Gideon Rahat, Op.Cit., P 159.85 Thomas Saalfeld, « Members of the Parliament and Governments in Western Europe: Agency Relations and Problems of Oversight », European Journal of Political Research, Vol. 37, 2000, Pp 353-376, Rudy Andeweg, « Collegiality and Collectivity: cabinets, cabinet committees, and cabinet ministers » dans P.Weller, H. Bakvis, R. Rhodes, The Hollow Crown: countervailing trends in the core executive, Macmillan, Basingstoke, 1997; Rudy B. Andeweg, « Ministers as double agents? The delegation process between cabinet and ministers », European Journal of Political Research, No. 37, 2000, Pp. 377-395.86 Kaare Strom, « Parliamentary Government and legislative organization », Herbert Doring (ed.), Parliaments and Majority Rule, Cambridge University Press, Cambridge, 1995, Pp. 51-81(P. 76).87 Seligman avait souligné le rôle des caractéristiques de la relation établie entre les sponsors et les candidats aux fonctions publiques. Ces derniers agissent en tant qu’agents des sponsors au niveau de la prise de décision Lester G.Seligman, Recruiting Political Elites, General Learning Press, New York, 1971, P.16.88 Jean Blondel, Nick Manning, « Do Ministers Do What They Say? Ministerial Unreability, Collegial and Hierachical Governments », Political Studies, Vol. 50, 2002, Pp. 455-476.

38

dans un cadre où on perçoit l’acte gouvernemental en tant qu’une profession technique ou

managériale89.

Au niveau systémique le profil des élites se trouve à la base de l’émergence d’un principe de

cohésion et de collégialité entre les élites gouvernementales ou parlementaires. La balance du

pouvoir à l’intérieur des cabinets tout comme la collaboration entre les acteurs politiques

semble être déterminée par le profil des élites qui sont sélectionnées pour une fonction politique.

Les attributs des acteurs politiques sont ainsi à penser en tant que garanties pour leur

comportement ultérieur, indifféremment des caractéristiques de leur parti d’origine. La sélection

devient ainsi un processus de limitation du risque d’indiscipline et elle devient l’instrument

principal qui assure la cohésion décisionnelle dans les institutions publiques. Les attributs des

acteurs expliqueraient ainsi les relations qui se forgent entre les divers leaders politiques au

niveau des interactions qui se déroulent dans des cadres qui restent cependant définis en

principal par les règles institutionnelles du pays et par le fonctionnement des pouvoirs publics.

A différence des autres types d’effets déjà mentionnés, le rapport aux autres composantes

organisationnelles du parti est cependant ignoré et les relations entre le profil des acteurs et la

prise de décision restent à analyser uniquement à l’intérieur des institutions publiques.

3.4 La prise de décision et la formulation des politiques au niveau systémique

La relation entre les trajectoires des élites et la prise de décision fut postulée surtout à la base

des relations qui se forgent entre celles-ci déterminant le style décisionnel ou la relation

d’autonomie ou de dépendance par rapport aux sélecteurs. Néanmoins, au niveau empirique,

visant le contenu des politiques ou des décisions que ces élites adoptent, il n’existe pas

suffisamment d’épreuves concernant l’instauration d’une relation causale entre le profil des

acteurs et les politiques que ceux-ci mènent. Même si la plupart des études postulent cette

relation sous la forme de la probabilité (ou remarquent justement l’absence d’investigations en ce

89 R. Katz « The Problem of Candidate Selection », Pp. 287-288.

39

domaine) les élites politiques au pouvoir semblent être plutôt « des éléments résiduels » dans

l’explicitation d’une action politique orientée vers la formulation des politiques publiques.

De cette manière, même la recherche de référence de Robert Dahl sur les élites décisionnelles

de New Haven a comme objectif principal de mettre en avant le rôle de la spécialisation des

élites politiques dans la configuration du pouvoir. Les politiques sont vues par Dahl plutôt en tant

qu’instruments d’analyse (qui permettent une délimitation de la position des acteurs dans un

champ d’action) que des sujets de l’étude de la relation qui se crée entre les acteurs et leurs

actions. Ainsi, la réponse de Dahl à la question « Qui gouverne ? » est celle d’une élite plutôt

qu’une autre, mais l’explication de l’apport individuel des acteurs par rapport aux contraintes

structurelles ou les effets institutionnels, reste en grande mesure non explicitée.

La relation entre les acteurs qui sont nommés en fonctions publiques et le contenu des

politiques se trouve toujours sous le signe du possible. Les essais d’étudier cette relation

portèrent, comme dans le cas de Seligman, sur l’analyse des relations qui se forgent entre les

sponsors d’un candidat et l’acteur politique en cause. Une fois arrivé au pouvoir, un acteur

politique est censé de poursuivre les buts politiques de son sponsor90. Néanmoins, ce processus

est plutôt à regarder d’une manière hypothétique, car les recherches empiriques n’avaient pas mis

en exergue les mécanismes de cette influence ou encore les limites dans lesquelles les acteurs

politiques obéissent à leurs sponsors.

Une autre perspective portant sur l’échafaudage de cette relation fut apportée par les études

menées dans les nouvelles démocraties. La concentration d’une vaste littérature sur le

changement de régime semblait ainsi se nourrir de l’observation que la simple appartenance à un

parti n’est pas suffisante afin d’expliciter les comportements des acteurs individuels91. De la

sorte, le processus de démocratisation fut souvent perçu comme « processus guidé par les élites »

et par leurs décisions92. Dans des cadres de la démocratisation, les institutions sont à considérer

comme des créations des acteurs politiques au pouvoir93 plutôt que les « principaux instruments

de contrôle » des actions des élites94. L’absence d’un contrôle institutionnel suffisamment fort, le

90 Seligman, « Political recruitment and party structure: a case study », P.85. 91 Putnam, Op.Cit., Pp. 166-214.92 A Bozoki, Op.Cit,, P. 215.93 Antoni Z. Kaminski, Joanna Kurczewska, « Strategies of Post-Communist Transformations : Élites as Institution-Builders », dans Bruno Grancelli (ed.) Social Change and Modernization : Lessons from Eastern Europe, Walter de Gruyter, Berlin, 1995, Pp. 131–152.94 A. Steen, Op.Cit., P.2

40

comportement rent-seeking des élites amènerait à la formation d’un Etat dominé par les réseaux

des élites qui déterminent directement les politiques entamées95. En ce sens, la transformation

décisionnelle subie par les nouvelles démocraties, même si elle n’est pas à envisager comme le

produit des élites qui repartent de zéro, mais plutôt comme résultat de la reconstruction des

organisations et des institutions « avec les ruines du communisme »96 met en exergue le rôle

primordial du profil des élites durant cette étape.

Un raffinement de l’approche peut être construit ainsi à partir de la remarque de

Gallagher qui spécifie que la qualité des candidats peut déterminer « parfois » la politique du

pays « surtout s’il y a des changements notables dans la politique de sélection»97. Même si pas

développée dans son texte, cette perspective introduit l’idée que la manière de se rapporter au

processus de sélection et ses effets doit procéder du contexte politique, en spécifiant l’importance

de l’environnement. De la sorte, le questionnement visant la délimitation des effets généraux des

acteurs aurait moins de pertinence, que l’interrogation quant à l’identification des conditions

dans lesquelles le rôle élites nous apparaît comme étant plus ou moins foncé.

Moins développée au niveau de la littérature, l’estimation d’un impact direct du profil

des acteurs sur les politiques entamées fut plutôt statuée qu’analysée en détail. L’idée d’une

relation directe entre les caractéristiques des élites dirigeantes et le contenu même des

politiques menées fut développée surtout dans des cadres de démocratisation en considérant que

la faiblesse structurelle de l’Etat permettrait d’une part une reconstruction institutionnelle en

fonction des représentations et des intérêts personnels des acteurs politiques et de l’autre une

refonte de l’économie obéissant aux intérêts de groupe ou personnels des dirigeants en place.

Même en ces cas, la relation entre le profil des élites au pouvoir et le sens des politiques a été

plutôt affirmée et non pas analysée en détail.

95 Ibidem, P.335.96 David Stark, « Sommes-nous toujours au siècle des transitions? Le capitalisme est-européen et la propritété recombinante », dans Politix- Revue des Sciences Sociales du Politique, éd, L’Harmattan, n°. 47, p. 1999, Pp. 89-129 (P. 93) (la traduction de l’article antérieurement citée). Pour une analyse similaire de la reconfiguration des relations économiques et la construction d’un type de capitalisme sui generis en Europe Centrale et Orientale V. David Stark et László Bruszt, Postsocialist Pathways. Transforming Politics and Property in East Central Europe, Cambridge University Press, New York, 1998 ou János Kornai, Du socialisme au capitalisme. L’exemple de la Hongrie, Gallimard, Paris, 1990).97 M. Gallagher, Op.Cit., Pp.1-19.

41

3.5 Le processus de recrutement et ses effets au niveau décisionnel

Un répertoire des effets identifiés au niveau de la littérature quant à la sélection des

acteurs politiques, nous a révélé un tableau hétéroclite des domaines d’action et des niveaux

touchés par ce processus. Les diverses études visèrent plutôt des aspects ponctuels de ces

interdépendances, tandis que d’autres effets sont pour le moment théoriquement fondés sans que

leurs mécanismes soient explicités en détail. Quel est donc le tableau des sphères d’influence des

élites tel qu’il se détache de la littérature portant sur les acteurs politiques dans les démocraties

stables ?

Table 1 Schéma des effets engendrés par le recrutement sur le système politique

Le locus de l’influence

Le partiLe système politique–les institutions–

Le type d’influence(les effets).

Représentation Démocratie interne du partiReprésentation et participation politique

Stabilité organisationnelle

Unité ou factionnalisme du partiStyles décisionnels : consensusou conflit

PolitiquesAutonomie ou dépendance par rapport aux intérêts du parti

L’influence du contenu des politiques en fonction des intérêts particuliers

Si on prend en considération les types d’effets engendrés par le processus de recrutement

sur la prise décision, on peut déceler deux conséquences différentes : (1) la stabilité

organisationnelle ou (2) la configuration des politiques adoptées. Développés en principal pour

l’analyse du personnel exécutif, les deux effets sont forgés sur une vision interactionniste des

élites et ils supposent la mise en relation de l’étude des trajectoires des acteurs aux autres

processus du système politique. De cette manière, les modèles de recrutement et la valorisation

de certaines ressources dans la sélection suggèrent l’importance de l’expérience politique des

acteurs dans l’émergence des relations de cohésion entre les élites ayant poursuivi les mêmes

filières d’accès au pouvoir ainsi qu’au niveau du contrôle des décisions que le gouvernement

adopte.

La deuxième grande différenciation entre les conséquences du processus de recrutement

porte sur le niveau où on estime l’émergence de ces effets. La plupart des études se concentrent

notamment sur l’interaction entre la sélection et l’agencement organisationnel du parti politique.

42

En considérant une définition minimale du parti politique, comme un « groupe qui se présente

aux élections et qui réussit à placer des représentants dans des fonctions publiques » 98, la

sélection des candidats devient une des fonctions de base de l’organisation politique99.

Cependant, d’autres auteurs essayèrent de mettre en exergue des effets généraux du profil des

acteurs sur l’activité des institutions et du fonctionnement du système politique en général, en

outrepassant ainsi le niveau du parti. Le caractère consensuel ou conflictuel dans la prise de

décision ou la concentration du pouvoir dans les mains de certaines élites qui décident peuvent

être conçues en tant que caractéristiques trans-partisanes. Dans ces études, peu nombreuses, le

domaine d’influence des élites sur le fonctionnement du gouvernement n’est plus de nature

indirecte, passant par l’organisation politique, mais il s’institue directement au niveau

systémique.

Les difficultés engendrées par l’analyse empirique de la relation entre le recrutement et la

prise de décision, tout comme la difficulté explicative de l’inférence du niveau micro vers le

niveau macro de la politique, limitent le nombre d’études qui ont essayé d’étudier l’influence des

acteurs individuels au niveau de l’activité gouvernementale. Cependant, quatre grands effets des

trajectoires des acteurs qui arrivent d’être nommés en fonctions publiques peuvent être estimés.

1. Les trajectoires des élites influent sur la stabilité organisationnelle des partis politiques, sur leur unité ou sur leur factionnalisme.

La promotion de certains acteurs par rapport aux autres affecte la balance de pouvoir à l’intérieur du parti et constitue une source potentielle de conflit entre les acteurs. D’une manière indirecte, ce type d’effet biunivoque (entre la promotion de certains acteurs et la cohésion de parti) est censé d’influer le comportement des élites lorsqu’elles arrivent au gouvernement.

2. Les trajectoires des élites influent sur les styles décisionnels définis à l’intérieur des institutionsLa similarité des trajectoires et une longue expérience politique déterminent une stabilisation de la prise de décision gouvernementale et la création des mécanismes consensuels au niveau de l’activité des institutions. Les bonnes relations entre les acteurs facilitent ainsi la loyauté des actions politiques et le

98 Giovanni Sartori, Parties and Party Systems: A Framework for Analysis; Cambridge University Press, Cambridge, 1976, P. 64.99 Austin Ranney, « Candidate Selection », dans David Butler, Howard R. Penniman, Austin Ranney (eds.), Democracy at the Polls, American Entreprise Institute, Washington D.C., 1981, Pp. 75-106 (P.103)

43

consensus décisionnel entre les membres de l’équipe gouvernementale limitant ainsi les risques d’indiscipline.

3. Les trajectoires des élites déterminent le degré d’autonomie ou de dépendance des représentants du parti au gouvernement et elles peuvent expliquer l’émergence d’un comportement rent seeking des élites au pouvoirLes trajectoires des élites, leur expérience en la politique et dans le parti déterminent le degré d’autonomie dont les acteurs gouvernementaux disposent dans l’édification des politiques selon les intérêts personnels ou encore les intérêts du parti. La relation biunivoque entre les nominations, la prise de décision et le patronage permet ainsi l’émergence des interactions entre les élites et les politiques entamées, surtout lorsqu’il s’agit du patronage politique.

4. Le profil des acteurs politiques au pouvoir détermine le contenu des politiques en fonction de leurs propres intérêts ou des intérêts de leurs sélecteursEffet souligné surtout dans le cas de la littérature visant le processus de démocratisation ou des systèmes politiques où les partis sont généralement faibles, le profil des acteurs (relié à certaines ressources spécifiques) et leurs relations directes avec certains sponsors sont censés d’influer directement sur la formulation des politiques gouvernementales.

Malgré un volume impressionnant de littérature portant sur les élites politiques au

pouvoir dans les démocraties stables, la recherche a peu avancé quant à l’explication

mécanismes des effets produits par le processus de recrutement et par les trajectoires politiques

des acteurs individuels. Les théories des élites évitèrent généralement se placer par rapport aux

études visant les partis politiques ou le fonctionnement gouvernemental. De la sorte, à la

question « comment les élites influent-elles sur le gouvernement ? » la réponse reste plutôt

esquissée et fragmentaire. Néanmoins, certaines conséquences directes ou indirectes du

recrutement sur la prise de décision ont été soulignées surtout dans le cas des élites

gouvernementales. Dans ce qui suit, on se propose une exploration de ces effets sur les

dimensions déjà décrites, à partir d’une étude de cas : la Roumanie postcommuniste.

4. La Construction de l’approche analytique : Elites gouvernementales et processus décisionnels

Si la plupart de la littérature portant sur les élites s’orienta vers l’étude de la question de

leur représentativité et légitimité adoptant plutôt un visage typologique, notre recherche propose

44

de relier à une tradition scientifique moins développée, en analysant les possibles effets des

carrières politiques sur l’activité politique. De cette manière, nous procéderons à un

renversement du questionnement quant aux origines et aux mécanismes de promotion en

politique, en considérant ces attributs des acteurs gouvernementaux en tant qu’une variable

indépendante dans la compréhension de la prise de décision. Le renversement de la

problématique dans l’étude des trajectoires permet une analyse des élites comprises dans un

contexte plus large, intégrant non seulement le niveau des acteurs individuels mais aussi les

institutions et les organisations politiques. Dans ce qui suit, nous procéderons donc à la

délimitation des principales lignes de la démarche analytique que nous allons développer dans

les chapitres suivants.

4.1 La délimitation de la population à étudier : les élites gouvernementales

La plupart des effets des trajectoires sur la prise de décision politique ont été développés

afin de décrire l’influence des élites politiques au niveau des exécutifs. Considérant le

gouvernement en tant que le principal locus de la prise de décision, notre étude constituera une

exploration d’une possible relation qui s’établit entre les caractéristiques des élites

gouvernementales et la formulation des politiques publiques.

Vu le côté décisionnel de notre analyse, le concept « d’élite gouvernementale », au sens

où il sera employé dorénavant, ne comprend pas uniquement les ministres, le premier échelon

de pouvoir de l’exécutif, mais en utilisant une définition large du concept de « gouvernement »,

nous rattacherons à ce premier niveau, la population exécutive du second échelon de pouvoir,

les secrétaires d’Etat100. Tout comme les ministres, les secrétaires d’Etat sont nommés sur les

critères politiques, conformément à la volonté du Premier ministre et des partis au

gouvernement. De surcroît, les secrétaires d’Etat présentent des attributions similaires aux

ministres : ils dirigent les politiques dans un certain sous-secteur d’activité, ils représentent le

100 Il existe une pluralité d’études qui appliquent une définition large du concept de « gouvernement » en y incluant aussi les échelons inférieurs du pouvoir. Voir Jean Blondel, « Introduction » dans Jean Blondel, Maurizio Cotta (ed.), The nature of party government - A Comparative European Perspective, Palgrave, 2000, p. 14 or Alain Eraly, Op. Cit. Cette définition plus large est rencontrée dans l’étude des élites et elle a été consacrée par Mattei Dogan qui considère comme faisant partie du cabinet non seulement des ministres mais aussi les secrétaires et les sous-secrétaires d’Etat. Voir Mattei Dogan, « Sociologia elitelor politice [La Sociologie des élites] », dans Sociologie politică- Opere alese [Sociologie politique. Textes choisis], ed. Alternative, Bucarest, 1999, P. 60.

45

ministère devant le parlement, ou ils assurent la coordination décisionnelle avec les autres

membres des ministères101.

D’ailleurs, le fait que la plupart des études empiriques menées ont été centrées sur la

compréhension de la relation entre les acteurs gouvernementaux et l’activité des exécutifs n’est

pas le résultat d’un simple hasard. Les élites gouvernementales, par le biais des fonctions

qu’elles détiennent au sein des cabinets ont été considérées comme celles qui peuvent produire

et mettre en pratique des politiques nationales102. Le rôle central de ces élites a été ainsi mis en

relation au déclin du rôle des Parlements et à un processus croissant de délégation des

compétences décisionnelles de la part du législatif vers le pouvoir exécutif103. De cette façon,

malgré la durée réduite d’un mandant ministériel, la fonction exécutive constitue le sommet

d’une carrière politique permettant l’accès direct des élites à la formulation des politiques et aux

ressources de l’Etat.

Nous avons donc choisi de configurer notre recherche autour les acteurs des deux

premiers échelons du pouvoir exécutif : les ministres et les secrétaires d’Etat. Nous considérons

ainsi qu’en dépit des inconvénients imposés par une délimitation positionnelle de la population

de l’étude104, l’option pour les élites gouvernementales peut s’avérer porteuse quant à

101 Selon les divers objets d’étude, nous pouvons retrouver une diversité des critères qui ont été appliqués afin de délimiter les gouvernements (Bernard Grofman, Peter Van Roozendaal, « Review Article : Modelling Cabinet Durability and Termination », British Journal of Political Science no .27, 1997 p. 422-426.). Ainsi, après avoir présenté les avantages et des désavantages d’utiliser les divers critères employés dans la littérature, Arendt Lijphart identifie cinq éléments qui déterminent la durée du mandat d’un cabinet : (i) un changement dans la composition partisane au niveau du gouvernement, (ii) le changement du statut de la coalition, (iii) le changement du Premier ministre, (iv) la démission du cabinet et (v) les élections parlementaires (v Arendt Lijphart, « Measures of Cabinet Durability : A Conceptual and Empirical Evaluation », Comparative Politics Studies, Vol. 17, No.2, 1984, Pp. 256-279). Vu la haute variation de la composition politique des cabinets du cas qu’on va prendre en compte ainsi que les coalitions parfois non transparentes, nous allons prendre en compte dans ce qui suit uniquement les trois derniers critères.102 Robert Putnam, Op. Cit., p. 6.103 Mattei Dogan, The mandarins of Western Europe. The Political Role of the Top Civil Servants, Sage Publications, 1975, p. 7.104 En se concentrant sur la topologie des élites dans des cadres institutionnels, cette méthode implique trois grandes difficultés qui émergent du fait que : (1) toutes les positions formelles ne sont pas parfaitement corrélées à l’influence de l’acteur à l’intérieur de l’organisation, (2) qu’on assume qu’on peut identifier les institutions les plus importantes dans la configuration du pouvoir étatique (et on pourrait rajouter à cela le fait que les institutions les plus importantes restent les mêmes à travers le temps) et enfin, (3) de la grande difficulté dans l’approximation de la taille de la population qu’on doit prendre en considération à l’intérieur de ces institutions. Pour une analyse de la méthode positionnelle et de ses limites voir M. Czudnowski, Op.Cit., P. 155, R. Putnam, Op.Cit., P.16, M. Dogan, « Is there a Ruling Class ? », P.20

46

l’explicitation ou le raffinement des principaux mécanismes d’interdépendance qui s’installent

entre le recrutement et la prise de décision politique au niveau gouvernemental.

4.3 La Roumanie postcommuniste en tant que terrain d’investigation

Dans l’analyse des acteurs politiques d’une perspective qui implique une dimension

décisionnelle, la littérature porta le signe d’une division majeure délimitant d’une part toute une

série d’études décrivant les élites et leur comportement dans les démocraties stables, de l’autre

part, les théories portant sur les dirigeants politiques et leur rôle dans le processus de

démocratisation.

Si la première catégorie d’études soit limita sa portée à l’analyse des éléments ponctuels

de l’activité politique en se subordonnant plutôt à la littérature portant sur les partis politiques,

cela ne fut pas le cas de théories concernant les élites dans des contextes de changement de

régime. Pour ces dernières, l’étude des trajectoires politiques est à apercevoir comme un facteur

essentiel dans la compréhension de la prise de décision politique et du processus de

démocratisation105.

Ce hiatus qui est manifesté au niveau de la littérature n’a pas trouvé d’unification. Le

phénomène de l’institutionnalisation des élites106 conçu en tant qu’une redéfinition des rôles des

acteurs (et donc de l’influence exercée par les acteurs individuels) n’avait pas constitué une

thématique principale dans la recherche portant sur les élites. On avait ainsi considéré le passage

d’une étape de transition et vers une démocratie stable plutôt comme le résultat des

transformations graduelles et « naturelles » obéissant à des principes qui se rapprochent dans des

divers degrés soit aux théories portant sur les élites dans un contexte de changement de régime,

soit aux modèles de promotion en politique caractérisant les démocraties stables.

Dans cette perspective, l’analyse longitudinale des élites gouvernementales dans les pays

qui ont subi un changement de régime et qui ont réussi à consolider des formules démocratiques

105 Pratiquement la littérature portant sur les élites dans des contextes de changement de régime affirme clairement l’importance des acteurs individuels dans la définition des nouveaux systèmes politiques. A l’exemple John Higley et Richard Gunther, Elites and Democratic Consolidation in Latin America and Southern Europe, Cambridge University Press, 1992 ; Mattei Dogan, John Higley, « Elites, Crises, and Regimes in Comparative Perspectives » dans Idem (eds.), Elites, Crises and the Origins of Regimes, Rowman et Littlefiled, 1998. 106 Il n’existe pas beaucoup d’études mettant en relation d’une manière longitudinale les processus de l’institutionnalisation d’une élite politique avec le processus d’institutionnalisation du système politique dans un contexte de démocratisation. Pour un exemple assez singulier V. Robert Robins, Political Institutionalisation and the Integration of Elites, Sage Library of Social Research, Beverly Hills, London, 1977

47

peut s’avérer une ressource heuristique importante dans l’unification de ces deux perspectives de

la recherche. La réponse à la question de l’influence des trajectoires des acteurs individuels sur la

prise de décision permettra de dépasser cette division artificielle, résultante force des évolutions

générales des pays analysés. De cette manière, notre étude essayera de surprendre non seulement

l’influence des acteurs sur la prise de décision dans des cadres de faiblesse institutionnelle et en

pleine transformation, mais elle portera également, dans une dimension continuelle, sur l’impact

des élites politiques au niveau d’un régime politique stabilisé.

4.3.1 Le choix du cas : la Roumanie postcommuniste

Entre les pays postcommunistes de l’Europe Centrale et Orientale, la Roumanie fut un

des pays ayant subi un processus de démocratisation très lent. Immédiatement après 1989, quoi

qu’en déclin, le climat rémanent d’absence de confiance et de duplicité a prolongé le modèle

autoritaire de direction et de domination qui avait été établi par l’élite dirigeante de l’époque

communiste107. Par la suite, les caractéristiques d’une société divisée, atomisée, régie par une

culture de méfiance ont engendré une difficulté dans la négociation et dans l’établissement du

consensus à tous les niveaux108. Le vide du pouvoir qui a succédé aux événements de 1989 a

permis à l’ancienne élite dominante de s’instituer « non pas comme une partie dans la

négociation du changement, mais comme un arbitre de celle-ci »109. De la sorte, selon Daniel

Barbu, dans le cas roumain, durant les premières années de la transition, on ne pourrait pas

parler, d’un renouvellement au niveau des élites, mais seulement d’une reconfiguration du niveau

institutionnel.

Le changement abrupt de régime et la continuité des anciens membres de la

nomenklatura dans des fonctions politiques durant premières années du postcommunisme110 ont

fait de la Roumanie, si on applique la typologie de Higley et Lengyel,111 le candidat le plus

107 Vladimir Tismăneanu, Stalinism pentru eternitate. O istorie politica a comunismului romanesc [Stalinisme pour l’éternite. Une histoire du communisme roumain], Polirom, Bucarest, 2005, P. 279.108 George Shopflin, « Post-communism: Constructing New Democracies in Central Europe », International Affaires (Royal Institute of International Affaires 1944-), Vol. 67, No. 2, (Avril 1991), Pp. 235-250.109 Daniel Barbu, Republica absentă [La République absente], Nemira, Bucarest, 1999, P. 22.110 V. Raluca Grosescu, « The Political Regrouping of the Romanian Nomenklatura during the 1989 Revolution », Romanian Journal of Society and Politics, Vol. 4, No.2, Mai 2004, Pp. 97-123111 Dans leur démarche Higley et Lengyel partent de la prémisse que dans les pays postcommunistes, l’ampleur du changement du personnel, dans le sens d’une rupture par rapport aux anciens cadres communistes et la manière dans laquelle ce changement s’articule (d’une manière lente ou abrupte) déterminent le succès de la démocratisation. De cette perspective, le changement superficiel du personnel politique d’après 1989 en Roumanie et le remplacement

48

probable à un processus de démocratisation échoué. D’ailleurs, les articles écrits avant la

première alternance au pouvoir qui eût lieu que vers la fin de l’année 1996 soulignaient plutôt un

échec du processus de la démocratisation dans ce pays112. Devant une élite plutôt homogène dans

son passé, caractérisée au début des années 1990 par la nostalgie du collectivisme et du national

populisme113, par une incapacité de réaliser un consensus sur les procédures et les valeurs

démocratiques et par l’absence constante de la confiance du publique en tant que principe

légitimateur114, la Roumanie (tout comme la Bulgarie) fut considérée plutôt comme une catégorie

à part qui sortait des patterns de démocratisation rapide décrits par les pays de l’Europe Centrale.

Néanmoins, en dépit d’un processus lent de transformation, le profil du pays et de ses

élites ont lentement changé. Les cinq élections déroulées ont supposé trois alternances au

pouvoir et le taux des acteurs ayant des relations le passé communiste a diminué visiblement.

Même si plus tard par rapport aux autres pays de la région, la Roumanie est devenue membre de

l’OTAN et le 1 janvier 2007 membre de l’Union Européenne115. Petit à petit, l’absence de

consensus sur les procédures démocratiques fut remplacée vers l’année 2000 avec un consensus

du discours portant sur les valeurs européennes.

abrupte suite aux événements révolutionnaires en Roumanie, rendait plutôt improbable la démocratisation du pays John Higley, György Lengyel, Op.Cit., Pp.1-21112 La critique de Higley, Kullberg et Pakulski à l’égard du cas roumain se concentre sur les origines des nouvelles élites dominantes: «Le gouvernement a placé ses lieutenants dans l’administration étatique et dans des institutions clé comme la télévision nationale et la justice, et il est très favorable aux hommes d’affaires qu’il soutient ». Voir John Higley, Judith Kullberg et Jan Pakulski, « The persistance of Post-communist Elites», Journal of Democracy, Vol. 7, No.2, 1996, Pp. 133-147 (p. 143) ( n. tr.)113 Geoffrey Pridham, “Uneasy Democratisations Pariah Regimes, Political Conditionnality and Reborn Transitions in Central and Eastern Europe”, Democratization, Vol. 8, No.4, 2001, Pp. 65-94, (P. 75). 114 L’évolution de la confiance de la population dans les leaders politiques est supérieure à la confiance dans les partis politiques et elle souffre des variations pendant toute la période. Cependant une tendance générale vers sa diminution est à remarquer. Si en octobre 1996 36% des répondants déclaraient leur confiance dans les leaders politiques en octobre 1998, seulement 22% soutenaient la même chose, tandis qu’en octobre 2001 34% des citoyens s’exprimaient dans la même direction. Les variations ont continué durant la période en octobre 2003 24% des citoyens exprimaient leur confiance dans les leaders politiques tandis qu’en octobre 2006, 21% pensaient la même chose. Par ailleurs, les taux du BOP de 2007 montrent une chute notable de la confiance de la population arrivant à 16% de confiance support (Source : Gabriel Badescu, Mircea Comsa, Dumitru Sandu, « Barometrul de Opinie Publica », Octobre 2007. BOP 1998-2007 [Le baromètre de l’opinion publique. Octobre 2007. BOP 1998-2007], BOP, Soros, Pp 30-63, http://www.soros.ro/115 La Roumanie est devenue membre de l’OTAN, le 29 mars 2004 suite à la décision prise au Sommet de Prague du 2002, plus tard que la Pologne, l’Hongrie et la Tchéquie qui ont été invités à rejoindre l’OTAN le 8 juillet 1997 et sont devenues membres en plein droits le 12 Mars 1999. En ce qui concerne l’UE, le traité d’adhésion de Roumanie fut signé le 25 avril 2005, la Roumanie en devenant membre le 1 janvier. L’adhésion de Roumanie à l’UE marque également un retard par rapport à dix pays de la région qui ont signé le traité l’adhésion à Athènes le 16 avril 2003 et qui sont devenues membres de l’Union le 1er Mai 2004.

49

De cette manière, par rapport aux autres pays de la région, la Roumanie révèle un cas

d’un processus plutôt « tourmenté » de démocratisation. La sélection du cas est ainsi porteuse

pour la recherche non seulement car elle présente en détail (car les processus furent plus lentes)

le passage d’une étape de transition vers une étape de consolidation, mais aussi car, selon les

théories portant sur les élites et le changement de régime, il s’agit d’un des cas le moins probable

de réussite de la démocratisation.

La seconde raison qui nous mène à choisir ce cas porte justement sur le fait que le

contexte politique roumain devrait, en principe, présenter (au moins au niveau des indicateurs

statistiques) plutôt une absence d’influence des élites sur les politiques décisionnelles. En dépit

de l’existence des institutions plutôt faibles, la grande homogénéité du personnel politique au

pouvoir immédiatement après la chute du communisme et les contraintes externes exercées par le

Fond Monétaire International, la Banque Mondiale ou encore l’Union européenne, devront en

principe laisser peu de marges de liberté et de variation dans la manière de penser et de conduire

les nouvelles politiques.

Vu ces deux grands éléments de contexte, la reconfiguration de l’influence des élites au

niveau décisionnel et la manière plus lente dans la réalisation de l’institutionnalisation d’une

nouvelle élite politique fait de la Roumanie, non pas un cas « typique » mais certainement un cas

« porteur » quant à l’explicitation des mécaniques de l’influence des acteurs individuels au

niveau des processus décisionnels et en ce qui concerne leurs transfigurations. Le choix du cas

permettrait ainsi une analyse fondée sur les principes de retraçage des processus116 d’influence

des élites gouvernementales sur la prise de décision compris sur deux dimensions (en tant que

stabilité institutionnelle et comme l’adoption explicite de certaines politiques).

4.3.2 Les limites explicatives du cas et précautions prises au niveau de l’analyse

L’option pour une étude monographique a peu de valeur dans la délimitation des effets

causals définitifs de l’influence des acteurs individuels sur la prise de décision. Néanmoins, nous

116 Nous procéderons ainsi à une démarche de process tracing, c'est-à-dire, par le biais d’une étude empirique nous allons essayer d’établir si la relation causale théorisée entre les élites et la prise de décision se traduit au niveau empirique, au niveau des mécanismes, dans des relations causales entre les causes et les effets présumés. V. Alexander George, Andrew Bennet, Case Studies and Theory Development in Social Sciences, The MIT Press, Massachussets, Cambridge, 2005, P.5.

50

considérons qu’un tel choix peut s’avérer d’une valeur heuristique importante quant à

l’éclaircissement des mécaniques déjà suggérées au niveau de la littérature, qui relient les

trajectoires des élites avec le fonctionnement gouvernemental117. Ce propos n’est cependant pas

exempté de toute une série de difficultés qui résultent de notre propre option méthodologique118.

Le problème d’établir des inférences valides à partir de l’expérience d’un seul pays fut souligné à

plusieurs reprises. La difficulté de placer les résultats de la recherche dans un cadre plus large, la

tendance de mettre en exergue des idiosyncrasies sont des véritables problèmes de toutes les

études de cas. Ces difficultés sont d’ailleurs magnifiées par la proximité entre le chercheur et le

terrain de son étude119 (la Roumanie postcommuniste), ce qui peut engendrer une difficile de

distanciation par rapport à l’objet d’étude. Afin de surmonter ou, au moins limiter ces difficultés,

notre étude implique toute une série de précautions initiales.

Le choix du cas roumain trouve sa justification dans sa désignation comme le cas le plus

contrasté parmi les pays postcommunistes. Dans un souci qui vise justement la délimitation des

sphères d’applicabilité de la théorie, notre étude n’aboutira pas à des conclusions générales, mais

à la formulation des pistes d’investigation quant à l’influence des acteurs individuels sur le

gouvernement. Seules des certitudes contextuelles portant sur le cas en cause seront tirées120.

Néanmoins, nous considérons qu’afin d’éviter les problèmes de maximisation des idiosyncrasies,

notre étude doit prendre en compte un côté comparatif121.

Le contrôle pour les éléments particuliers du système politique roumain est d’autant plus

important vu les raisons mêmes qui nous ont conduits à le choisir. Le possible « caractère

exceptionnel »122 du processus de démocratisation en Roumanie, souvent cité, peut, au-delà de sa

117 Alexander George et Andrew Bennet montrent que l’étude d’un seul cas, surtout du cas le plus contrasté implique un apport heuristique important qui porte sur 4 dimensions : la validation conceptuelle, la capacité d’engendrer des nouvelles hypothèses, capacité d’adresser la complexité de l’inférence causale, la capacité d’appliquer en profondeur la question des inférences causales supposées par la littérature. Alexander George, Andrew Bennet, Op.Cit., P.19 118 Les deux grandes limites impliquées par de telles études portent sur la selection des cas et sur le fait que les conclusions tirées peuvent être pensés qu’en termes de marges d’application d’une théorie. Pour plus de détails V. Alexander George, Andrew Bennet, Op. Cit.,Pp. 22-25. V. également David Collier, James Mahoney, « Insights and Pitfalls: Selection Bias in Qualitative Research », World Politics, Vol. 49, No. 1. 1996. Pp. 56-91. 119 Mattei Dogan, « Introduction », p.6.120 Edwin A. Locke, Op.Cit., P.885121 Arend Lijphart, « Comparative Politics and the Comparative Method », The American Political Science Review, Vol. 65, n° 3, 1971, (P. 691).122 La tendance générale dans les analyses path dependency forgées sur la réalité roumaine postcommuniste soutient l’existence d’un caractère exceptionnel du cas roumain par rapport aux autres pays de la région. Pour ces auteurs, la spécificité du régime communiste roumain avait engendré directement une spécificité du postcommunisme. V. Vladimir Tismaneanu, « Romanian Exceptionalism? Democracy, Ethnocracy, and Uncertain Pluralism in Post-

51

lenteur, induire des caractéristiques spécifiques en ce qui concerne les élites et leur influence sur

l’activité des exécutifs. De la sorte, en suivant les propos de Sartori123, on utilisera la méthode

comparative afin de contrôler si les généralisations faites au niveau de chaque inférence

proximale établie au niveau de la recherche on trouve des similarités dans les pays de la région

ou elles sont plutôt des extrapolations des éléments qui tiennent du spécifique du pays.

La comparaison implicite nous permettra ainsi d’une part, de mettre en avant les

mécanismes qui sont moins tributaires aux caractéristiques du cas pris en compte et, de l’autre

part, de souligner les déterminants contextuels qui introduisent des comportements spécifiques

pour le cas roumain124. De cette manière, la portée de la comparaison de notre étude restera

réduite, n’infligeant pas d’une manière automatique des conclusions généralisables quant aux

autres systèmes politiques. Ces limites sont d’ailleurs engendrées surtout par la pénurie des

recherches utilisant des structures des données similaires, mais elles résultent aussi d’une option

de contrôler les défauts intrinsèques de toute comparaison implicite.

4.4 Une explicitation des principales considérations méthodologiques

En considérant que la promotion en politique, les voies d’accès vers le pouvoir et les

règles non écrites qui permettent à certains dirigeants de préserver leurs positions dépendent

(bien évidemment) du profil personnel des acteurs, mais aussi des demandes institutionnelles et

de l’articulation de la scène politique125, notre analyse appliquée sur le cas de la Roumanie

postcommuniste, mettra en avant les possibles relations qui se nouent entre le profil des acteurs

gouvernementaux et leur activité politique à l’intérieur des exécutifs. D’une manière non

classique, au lieu de centrer l’analyse sur les attributs des acteurs et en considérant directement

leur importance au niveau des processus décisionnels, nous considérons qu’il faudrait plutôt

Ceausescu Romania », dans K. Dawisha et B. Parrott (eds.) Politics, Power, and the Struggle for Democracy in South-East Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, Pp. 403-451123 Giovanni Sartori, «Bien comparer, mal comparer », Revue Internationale de la Politique Comparée, n°1, Avril 1994, P.20.124 Sur le rôle porteur des études de cas et leur traitement à la base des comparaisons avec d’autres études développées sur le même sujet V.Peter Mair « Comparative Politics : An Overview », dans Robert E Goodin, Hans-Dieter Klingemann (eds), A new handbook of political science, Chap 12, Oxford University Press, Oxford, 1998, Pp. 309-336 (Pp. 327-331).125 Moshe M. Czudnowski, Op. Cit., Pp. 155-242, (P.161).

52

renverser la question de départ en se demandant : « Comment le gouvernement est-il influé par

les compétences et les caractéristiques de ceux qui en font partie ? »126.

Le changement de perspective analytique replace la recherche sur les élites politiques

dans un cadre d’interactions plus large et permet à la fois l’identification du domaine d’action

des élites et de leur influence, tout en prenant en compte les limites qui relèvent du contexte

politique127 et de la nature distincte des deux processus. La thématique de l’étude et la spécificité

du cas pris en compte nécessitent cependant une explicitation supplémentaire de la manière de se

rapporter aux élites et à l’approche générale de l’étude.

4.4.1 Quelle perspective sur les élites gouvernementales et leur statut ?

Les mirabilis de la science politique, les élites ont des influences différentes non

seulement en fonction du référentiel théorique duquel on se réclame, mais aussi à l’intérieur de

chaque système politique128. En considérant que la question de l’importance de l’analyse des

élites politiques au niveau des effets politiques engendrés, compris dans une dimension

longitudinale, n’est ni le simple résultat d’un conflit entre la perception des choses et leur

compréhension, ni le produit d’une étape de l’évolution (à lire le spécifique de la transition),

nous proposons une analyse des élites politiques en procédant à un décryptage des mécaniques

de leur influence sur l’activité du gouvernement. Cependant la spécificité du cas pris en compte

ne peut pas être oubliée. Le caractère consolidé ou pas de la démocratie dans le cadre duquel les

acteurs agissent, l’échafaudage institutionnel ou organisationnel, les ressources des acteurs

politiques, leur passé dans le cadre des institutions communistes ont une importance dans la

compréhension des comportements ultérieurs des acteurs dans des fonctions publiques sans pour

autant épuiser l’explicitation de leur influence.

On considère ainsi que la délimitation des mécanismes qui relient les acteurs à la prise de

décision ne relève pas uniquement des caractéristiques contextuelles. Dans cette perspective, le

principe de différenciation entre les élites ne se limitera à l’affirmation de l’existence d’une

distinction entre les élites des démocraties stables et celles qui dirigent les gouvernements dans

126 Dwaine Marvick, Op.Cit., P. 29.127 Edwing A Locke, « The Case for Inductive Theory Building», Journal of Management, Vol. 33, No. 6, 2007, Pp.867-890 (P. 884).128 M. Dogan, « Introduction », P.13

53

les contextes de démocratisation, ou encore en considérant que le contexte du pays détermine des

configurations distinctes. La différenciation entre les élites sera assumée d’une autre manière.

Dans ce qui suit, on procédera à une étude micro qui part de la prémisse que cette

diversité générale, identifiée au niveau des configurations dans les divers pays couvre également

une diversité à l’intérieur d’un système politique, dépendant des modèles décrits par les divers

partis politiques ou des diverses institutions. L’influence des acteurs individuels, de leur profil

politique, sur la prise de décision peut être analysée lorsqu’on prend en compte, au moins dans

une première phase, un principe de la distinction qui va au-delà du profil du pays. Dans ces

cadres précis, les trajectoires des acteurs, comprenant les caractéristiques individuelles des élites,

mais aussi les mécanismes qui rendent possible leur arrivée au pouvoir seront pensés dans une

relation d’interdépendance avec le fonctionnement des exécutifs.

Nous procéderons donc à une analyse des élites gouvernementales conçues en tant

qu’entités capables de formuler et d’implémenter des décisions, tout en considérant que celles-ci

ne sont pas isolées des cadres institutionnels dans lesquels elles agissent, ni du contexte

politique qui à leurs tour exercent une influence sur l’ajustement du comportement ultérieur des

acteurs politiques au niveau de la prise de décision129.

4.4.2 Comment résoudre les problèmes d’inférence ?

Malgré cette manière de comprendre le rôle et le statut des élites à l’intérieur d’un

système politique, la question « Comment les élites politiques influent-elles le gouvernement ? »

contient en elle-même un problème d’inférence qui porte principalement sur les unités d’analyse

129 Nous transférons ici la même conception de la relation entre la structure et l’agent. De la sorte, on considère que ceux-ci peuvent être pensés sous la forme des relations temporelles d’antériorité ou de postériorité (M. Archer). La structure sociale exerce une influence sur le comportement des acteurs parce que dans tout moment antérieur la structure sociale comprend une distribution particulière des intérêts et des ressources. Ainsi adoptant une réinterprétation des cadres aristotéliciens de l’analyse des forces causales, Lewis propose d’envisager les élites politiques en tant que causes efficaces de la prise de décision et tandis que l’influence de l’environnement devient qu’une cause matérielle du résultat. (Paul A. Lewis, Agency, « Structure and Causality in Political Science : A Comment on Sibeon », Politics, 2002, Vol 22, No 1, PP. 17-23(P.20)) Pour plus de détails v. Marsh, Smith, « Understanding the Policy Network Towards a Dialectical Approach, Political Studies », Vol. 48, 2000, Pp. 4-21 (Pp 5, 6-9); Margaret S. Archer, « Théorie sociale et analyse de la société », Sociologie et sociétés, vol. XXX, n°1, printemps 1998)ou Idem, Realist Social Theory. The Morphogenetic Approach, Cambridge University Press, Cambridge, 1995, Pp.65-92, 137-158.

54

pris en compte130. Il ne s’agit pas ici d’un caractère flou de la question ou d’un simple problème

d’opérationnalisation (c’est-à-dire qu’est-ce qu’on comprend exactement par le

« gouvernement », comment approximer « la prise de décision », comment fixer les domaines

politiques etc.). Tout au contraire, le problème soulevé par une telle question comporte justement

une difficulté qu’on peut saisir à travers toute la littérature portant sur les élites qui cherche

d’établir l’importance des acteurs individuels et de leurs trajectoires. Une première solution

envisagée afin de dépasser cet obstacle fut de délimiter l’objet de l’analyse à une étude des

trajectoires et d’ignorer l’explicitation de leurs effets131, les autres études ont du, d’une manière

ou d’une autre, trouver les ressorts afin de pouvoir fonder le passage d’une analyse des attributs

individuels à l’approximation des effets systémiques.

Le problème qui ne touche pas seulement l’étude des élites peut trouver plusieurs

solutions généralisables132. Si King, Keohane et Verba133 considèrent que le caractère de

scientificité d’une étude est donné par l’existence d’une inférence systématique conduite à la

130 On reprend ici la définition de l’inférence de Collier selon laquelle « par l’inférence on comprend la capacité de généraliser à la base des observations spécifiques en tant qu’éléments fondamentaux dans les sciences sociales » (n. tr.). V. David Collier, John Seawright, Geraldo L. Munck, « The Quest for Standards: King, Keohane, and Verba’s Designing Social Inquiry » dans Henry Brady et David Collier (eds.) Rethinking Social Inquiry: Diverse Tools, Shared Standards, MD: Rowman and Littlefield, Lanham, P. 23. Pour une critique similaire V. Timothy J McKeown, « Case Studies and the Statistical Worldview: Review of King, Keohane, and Verba's Designing Social Inquiry: Scientific Inference in Qualitative Research », International Organization, Vol. 53, No. 1, 1999, Pp. 161-190.131 La littérature reste divisée entre d’une part les grands paradigmes néo-institutionnalistes ou néo-fonctionnalistes qui comportent généralement une « incapacité d’utiliser l’human agency dans l’explicitation du changement» (Colomy, p. 266) et qui « intègrent une conception implicite portant sur une nature routinière du comportement des acteurs politiques » (DiMaggio, Powell, pp. 15-21 et Paul Colomy, P.267) et,de l’autre part, les approches mettant en avant le rôle des acteurs individuels qui dénoncent implicitement la tendance de réification de la prise de décision (l’attribution de la capacité décisionnelle à des entités qui ne sont pas des acteurs les différences de propriété (Sibéon, 1999, Pp.140-144) et réduisant les institutions à des mécanismes de contrainte peu analysées en tant que telles qui délimitent les marges de liberté des acteurs politiques (Sibéon 1999, Pp. 139, 140-141). Pour plus de détails concernant le rapport aux acteurs dans l’explicitation des processus politiques et sociaux voir Paul Colomy, « Neofunctionalism and Neoinstitutionalism : Human Agency and Interest in Institutional Change », Sociological Forum, Vol.13, No.2, Juin 1998, Pp. 265-300 ; Paul J DiMaggio, Walter W Powell, « Introduction » in Idem, The new institutionalism in Organisational Analysis, Chicago University Press, Chicago, 1991, Pp. 1-38; Ronald L Jepperson, « Institutions, institutional effects and institutionalism », Walter W Powell and Paul DiLaggio (eds.) Op.Cit, Pp. 143-163; R Sibeon, « Agency, Structure and Social Change as Cross Disciplinary Concepts», Politics, Vol. 19, No. 3, 1999, Pp. 139-144; R Bhaskar « Possibility of Naturalism: A Philosophical Critique of the Contemporary Human Sciences», Hemel Hempstead: Harvester Wheatssheaf, 1989.132 Pour la fondation de l’argument de la convergence de la problématisation au niveau des méthodes en sciences sociales non pas de la perspective d’une opposition entre le quantitatif versus qualitatif par rapport aux sens attribués à l’inférence causale V. James Mahoney, « Strategies of Causal Inference in Small-N Analysis », Sociological Methods & Research, Vol. 28, No. 4, 2000, Pp.387-424.133

Robert O. Keohane, Gary King, Sidney Verba, Designing Social Inquiry: Scientific Inference in Qualitative Research, Princeton University Press, New York, 1994, Pp.70-72.

55

base des procédures valides visant en principal des techniques de régression, Collier, Seawright

et Munck134 envisagent un effet cumulatif de la description et de l’explication. Dans la première

perspective, la causalité se confond avec l’explication, tandis que dans la seconde, la démarche

descriptive ou encore les études de cas contrastés peuvent avoir un rôle dans la compréhension

des phénomènes sociaux. Malgré le fait que les deux positionnements reconnaissent

discursivement le rôle des études qualitatives et qualitatives dans l’analyse des processus

politiques, tout comme le rôle de l’exploration et de la causalité dans la compréhension des

phénomènes sociaux, le statut et les présupposées qui sont assignées à celles-ci différent. Notre

approche se situera dans la seconde perspective méthodologique visant l’affirmation du rôle de

l’observation et de la démarche exploratoire dans la compréhension de la relation qui s’établit

entre les acteurs gouvernementaux et la prise de décision.

Si les deux positions ci-dessous mentionnées s’orientèrent surtout sur les conditions

nécessaires pour la construction des recherches valides dans une logique hypothético-déductive,

dominante de nos jours, on considère que l’épistémologie de la causalité contrefactuelle, même

si importante, n’est pas la seule logique capable à mener à une inférence explicative. Nous

procéderons donc à une exploration de l’articulation de la scène gouvernementale, en essayant de

décrypter les relations qui s’établissent entre le recrutement des acteurs politiques et la prise de

décision non pas à partir des hypothèses, mais plutôt en procédant à l’investigation de

l’agencement des mécanismes qui relient les deux processus et leur articulation dans le cas

roumain. Afin d’adresser le problème de l’inférence qui se trouve à la base de l’explication, notre

étude se propose « à se concentrer sur les causes proximales plutôt que sur les dernières causes

des choses » 135. Nous commencerons donc par une approche exploratoire des trois facettes du

gouvernement afin de passer à une interrogation des relations directes qui s’établissent entre le

recrutement et la prise de décision, en faisant attention à la délimitation des domaines et des

limites des conditions de l’application des conclusions tirées dans chaque étape de notre

investigation.

En n’adoptant pas le sens analytique de la déduction (du général vers le particulier), mais

le sens reversé, nous procéderons du niveau des observations portant sur les élites et leur

comportement vers la généralisation sur le cas en cause et la formulation des possibles pistes

d’investigation concernant l’influence des élites politiques sur le processus de la prise de

134 David Collier, John Seawright, Geraldo L. Munck, Op.Cit., P.43.135 Edwin A. Locke, Op. Cit., Pp. 883-885.

56

décision. Conduite dans un souci principalement théorique, traitant les diverses

conceptualisations des élites exécutives et de leur rôle, notre approche se situe plutôt dans une

démarche d’exploration des directions analytiques qui procède des principaux concepts de la

littérature et essaye de mettre en avant les mécanismes qui relient les trajectoires des élites et la

prise de décision dans un cas précis.

4.5 Recrutement et prise de décision dans le cas roumain. Courte présentation de l’approche

Par le biais d’une recherche portant sur les trajectoires des élites, notre étude a comme

but de retracer l’influence des acteurs individuels au niveau de la prise de décision, en tant que

possible variable intervenante dans l’explicitation de l’activité des exécutifs roumains. Nous

procéderons ainsi à un décryptage des mécaniques qui régissent l’influence des acteurs politiques

sur l’activité gouvernementale dans un contexte général de redéfinition des rôles des acteurs

politiques roumains. En adoptant une vision séquentielle dans l’analyse des trajectoires

(spécifique pour la composante structurelle du recrutement), sans pour autant ignorer le rôle

important de la socialisation des acteurs politiques (qui relève plutôt d’une perspective

décisionnelle), nous essayerons mieux comprendre : Comment les profils des nouvelles élites

politiques influent-ils sur les processus décisionnels entamés en Roumanie postcommuniste ?

Les élites gouvernementales délimitées suivant une logique positionnelle seront

comprises comme décrivant un processus d’institutionnalisation. Les transformations introduites

par le processus de démocratisation impliqueront un ajustement continuel des ressources des

acteurs individuels par rapport aux demandes des partis, mais aussi un ajustement du

comportement des élites au niveau des processus décisionnels au niveau des institutions. Vu que

le pouvoir politique d’un acteur est à estimer d’un point de vue institutionnel (des règles

formelles, des règlements qui délimitent les sphères légales de son action), mais son influence

relève des marges fluctuantes des sphères leurs actions, des pratiques et du contexte politique136,

dans ce qui suit, nous allons entamer une analyse de l’articulation de cette influence dans le cas

136 Lester G. Seligman, « The Presidential Office and The President as a Party Leader », Law and Contemporary Problems, Vol. 21, No.4, 1956, Pp. 724-734 (P.726)

57

des gouvernements roumains. De la sorte, nous essayerons de relier les élites gouvernementales

et la prise de décision au sein des exécutifs, en prenant en compte le développement des relations

qui se nouent entre les carrières des acteurs et les politiques publiques entamées à l’intérieur des

cadres qui relèvent des particularités du système politique137.

Dirigée d’une manière constructiviste, la recherche suscitera la délimitation d’une série

de réponses possibles à la question : Comment les trajectoires politiques des ministres et des

secrétaires d’Etat influent-elles sur le gouvernement ? Dans notre étude, « le gouvernement »

sera donc approximé par le processus de la formulation des politiques compris sur deux

dimensions : (1) une dimension qui vise les relations qui se forgent entre les acteurs au niveau

organisationnel –institutionnel (visant la manière dans laquelle les politiques sont adoptées) et

(2) une dimension qui porte sur le contenu même des politiques entamées. D’une manière

compréhensive, intégrant plusieurs dimensions de la littérature portant sur les élites, le cadre

analytique imbriqua les deux niveaux où généralement on considère que la sélection des acteurs

comporte des conséquences directes : le niveau du parti et le niveau systémique.

De la sorte, l’investigation des effets des élites gouvernantes et de leur impact sur la prise

de décision prendra en compte deux grandes dimensions : une dimension exploratoire décryptant

les différentes articulations du comportement des exécutifs roumains en fonction du contexte

politique, et une dimension explicative qui vise justement l’identification et la délimitation des

relations qui s’établissent entre le profil des acteurs et leurs actions entamées à l’intérieur des

cabinets. L’étude qui s’ensuit sera donc articulée dans deux grandes parties.

La première partie sera structurée en trois chapitres investiguant les cadres dans

lesquels les élites politiques actionnent. Les trois premiers chapitres constitueront ainsi une

analyse des trois facettes du gouvernement censées configurer les actions des élites

gouvernementales : le niveau institutionnel, le niveau des partis et le niveau des acteurs.

Dans le chapitre 1 nous procéderons à une investigation des pratiques des institutions

publiques considérées en tant « en tant que premiers facteurs dans la définition d’une espace

137 Jean Blondel, Government Ministers in the Contemporary World, Pp. 16, 24.

58

dans lequel la confrontation politique prend place »138. Par le biais d’une analyse des relations de

délégation et de responsabilité qui se créent entre les institutions étatiques nous décrypterons

ainsi quel est le poids des gouvernements roumains au niveau de la prise de décision en

Roumanie postcommuniste. Le chapitre 2 constitue, en contrepartie, une investigation des

cabinets de la perspective de l’activité décisionnelle des partis politiques au gouvernement. Le

chapitre établira les limites explicatives dressées par l’argument partisan mobilisé souvent pour

la compréhension de l’activité gouvernementale et délimitera les principales logiques

décisionnelles qui régirent la formulation des politiques dans le cas roumain. Enfin, le chapitre 3

concernera l’investigation des exécutifs de la perspective des élites gouvernementales. Procédant

d’une interrogation visant la professionnalisation des acteurs politiques et l’existence d’un

savoir-faire décisionnel des élites exécutives, le chapitre mettra en exergue l’évolution dans le

profil des dirigeants et les éventuelles idiosyncrasies dans la construction des équipes

gouvernementales en Roumanie postcommuniste.

Le premier axe d’analyse revêtit ainsi une formule exploratoire des conditions dans

lesquelles les acteurs politiques agissent. En revanche, le second axe de notre étude, comprenant

deux grands chapitres, réunira les éléments de la première partie en procédant à une démarche

explicative visant une compréhension des mécanismes qui relient la construction des carrières

gouvernementales et la prise de décision politique au sein des exécutifs. En procédant à une

investigation des principaux effets délimités au niveau théorique quant à l’impact des

trajectoires au niveau de la formulation des politiques, nous délimiterons l’articulation de cette

relation et ses limites dans le cas roumain.

Le chapitre 4 poursuivra ainsi l’analyse du processus de recrutement dans les cabinets

roumains postcommunistes afin de comprendre la relation qui se crée entre les logiques sous-

jacentes dans la formation des équipes gouvernementales et la manière dans laquelle l’activité

décisionnelle s’articule au niveau des exécutifs. En procédant à une analyse des relations qui se

nouent entre les membres des exécutifs et de leurs degrés d’autonomie dans la formulation des

politiques, le chapitre mettra en exergue l’influence des élites gouvernementales sur l’activité des

138 Maurizio Cotta « On the relationship between Party and Government », No.6, 1999, résultats préliminares publiés en tant que chapitre edité par J. Blondel and M. Cotta, The Nature of Party Government, London, Macmillan, 2000, Pp. 1-49 (P.27)

59

exécutifs roumains postcommunistes. Enfin, le dernier chapitre, le chapitre 5, s’appliqua à une

délimitation des marges de liberté des acteurs gouvernementaux par rapport à leur propre

organisation partisane. Considérant que les diverses composantes organisationnelle du parti sont

censées d’encadrer les marges de liberté de leurs représentants en fonctions publiques, et donc de

leur influence, le chapitre constitue une analyse du développement des principaux partis

politiques gouvernementaux et des reconfigurations des rapports d’autonomie ou de

subordination établis entre l’organisation du parti et les leaders en fonctions publiques.

60

PREMIERE PARTIE :

UNE EXPLORATION DES TROIS FACETTES DES GOUVERNEMENTS ROUMAINS POSTCOMMUNISTES

L'IDENTIFICATION DU POUVOIR GOUVERNEMENTAL EN ROUMANIE POSTCOMMUNISTE ▪ PARTIS AU GOUVERNEMENT : LIMITES EXPLICATIVES DE LA PRISE DE DÉCISION ▪ LES VOIES D'ACCÈS DANS LE GOUVERNEMENT : QUELLES TRAJECTOIRES DES ÉLITES GOUVERNEMENTALES ?

CHAPITRE 1

L’identification du pouvoir gouvernemental en Roumanie postcommuniste

Une réponse à la question « Quel est le statut du pouvoir gouvernemental en Roumanie postcommuniste ? » peut être formulée à partir de l’agencement des institutions d’après 1989. En explorant l’édifice constitutionnel en place, ainsi que les pratiques institutionnelles émergeantes durant la période postcommuniste, ce chapitre met en exergue le processus d’autonomisation du pouvoir décisionnel au niveau des cabinets roumains. En s’inspirant d’une tradition néo-institutionnaliste, on analyse dans un premier temps le processus de délégation du pouvoir législatif vers le pouvoir exécutif, pour que, dans une deuxième étape, on décrypte les rapports qui s’installent à l’intérieur du pouvoir exécutif entre d’une part, les cabinets et le président et de l’autre entre les membres du cabinet et le personnel bureaucratique.

VERS UNE CONCENTRATION DU POUVOIR AU NIVEAU DES GOUVERNEMENTS ? ▪ LE RAPPORT ENTRE LES INSTITUTIONS : LA DÉLÉGATION ET LA RESPONSABILITE DANS LES REGIMES SEMIPRESIDENTIELS ▪ LES RAPPORTS ENTRE L’EXÉCUTIF ET LE LEGISLATIF ▪ LA DISTRIBUTION DU POUVOIR À L'INTÉRIEUR DU POUVOIR EXÉCUTIF▪ EN GUISE DE CONCLUSION

1. Vers une concentration du pouvoir au niveau des gouvernements ?

Durant les dernières décennies, le développement des médias, la polarisation des

élections, la personnification croissante des campagnes électorales ont contribué, partout en

Europe, à un phénomène de « convergence des formes de délibération et de décision » qui

suggèrent un renforcement au moins apparent des exécutifs139. Cependant, comme Jean Michel

De Waele et Paul Magnette suggèrent, cette homogénéité des formules (visant la concentration

du pouvoir au niveau des gouvernements) est doublée par une multiplication des formes de

contrôle de l’activité de l’exécutif. De la sorte, « les démocraties européennes donnent

l’apparence des régimes donnant aux dirigeants exécutifs une puissance subjective toujours plus

forte, mais une capacité de décision objective toujours encadrée »140. Dans cette perspective, des

facteurs contraignants tels que : le contrôle de la constitutionnalité des lois, les transformations

apportées par les exigences d’une économie globale, la décentralisation du pouvoir, le réveil de

la délibération parlementaire, les actions concertées des organisations syndicales ou encore la

consultation directe des citoyens141 participent à une différenciation structurelle des régimes

politiques européennes et à l’articulation des centres du pouvoir en fonction de chaque système

politique national.

Ce tableau général des régimes politiques européens est encore plus complexe dans le cas

des pays comme la Roumanie qui souffrirent un processus de démocratisation. Le système

administratif qui reste fortement centralisé, en dépit d’une décentralisation dont les effets sont

superficiels142, l’atrophie structurelle du mouvement associatif et syndical143, une pratique

référendaire limitée, ou encore les restrictions formelles et informelles dans la vérification de la

139 Jean Michel De Waele, Paul Magnette, “Introduction” dans Jean Michel de Waele, Paul Magnette (eds.), Les démocraties européennes. Une approche comparée des systèmes politiques nationaux, Armand Colin, Paris, 2008, Pp. 3-9, Voir également Thomas Poguntke, Paul Webb (eds.), The Presidentialisation of Politics, Oxford University Press, Oxford, 2005.140 Jean Michel de Waele, Paul Magnette, Op. Cit., P.7.141 Ibidem, P. 5.142 Cristian Preda, Sorina Soare, « Roumanie », dans Jean Michel De Waele, Paul Magnette (eds.), Op. Cit., P.356 143 Olivier Payroux, « Rôles et influences actuels des contre-pouvoirs associatifs et syndicaux en Roumanie », Studia Political, Romanian Political Science Review, Vol, III, No.4, 2003, Pp 987- 1073.

63

constitutionnalité des lois144, suggèrent, dans une première instance, que les formes de contrôle

classiques, encadrant la personnification de la politique et la concentration du pouvoir au niveau

des exécutifs, s’avèrent très faibles dans le cas roumain. La reconfiguration de la scène politique

roumaine, qui se caractérisa au début des années 1990 par un processus de renouvellement

préservant cependant des acteurs et des pratiques de l’ancien régime, a dû trouver ses propres

mécanismes de fonctionnement, ses propres règles de transformation et des mécaniques de

contrôle hypothétiquement différentes en ce qui concerne l’institutionnalisation de facto d’un

équilibre des pouvoirs.

Comme dans le cas d’autres pays de la région, en Roumanie, après un moment de

négociation constitutionnelle des règles et des procédures portant sur la compétition politique,

dans un deuxième temps, on assiste à un phénomène de consolidation démocratique, quand tous

les mécanismes du pouvoir s’instituent et commencent à fonctionner145. Malgré la micro

continuité des élites qui caractérisa le postcommunisme roumain, en rendant difficile la

pacification et légitimation du régime politique émergeant146, le processus de réaménagement des

institutions eût une grande ampleur. La situation paradoxale de cette reconfiguration

institutionnelle vise, tout comme dans les pays voisins, la nécessité d’instituer des méta-

réglementations, dans un contexte général où il n’y avait pas de consensus établi portant sur les

formules constitutionnelles à suivre147. De cette façon, la question « Quels sont les poids du

pouvoir exécutif en Roumanie après 1989 ? » trouve une première réponse dans l’analyse de ce

premier aménagement du pouvoir tel qu’il soit décrit par les nouvelles règles constitutionnelles.

Le système politique résultant des reconfigurations institutionnelles a permis, à travers le

temps, l’apparition des variations par rapport au modèle idéal typique décrit par la forme du

144 Cristian Preda, Sorina Soare, Regimul, partidele şi sistemul politic din România [Le Régime, les partis politiques et le système politique en Roumanie], Nemira, Bucureşti, 2008, Pp. 28, 44-49, sur la faible articulation d’une justice autonome et indépendante voir Ramona Coman, «La réforme du système judiciaire roumain dans le contexte de l’adhésion à l’UE » , Thèse non publiée, défendue à l’Université Libre de Bruxelles, mai 2008.145 Geoffrey Pridham, Paul G.Lewis, « Introduction - Stabilizing fragile democracies and party system development », dans Geoffrey Pridham, Paul G.Lewis (eds.), Stabilizing fragile Democracies. Comparing new party systems in Southern and Eastern Europe, Rutledge, London and New York, 1994, Pp.1-22.146 Daniel Barbu, Republica absentă, [La République absente], P. 133. Pour plus de détails V. Michael G. Burton et John Higley, « Elites Settlements », Pp. 295-307 John Higley, Judith Kullberg et Jan Pakulski, Op.Cit., Pp. 133-147 et George Mink, Jean Charles Szurek, « De la nomenklatura polonaise aux élites économiques de l’après communisme », Ezra Suleiman, Henri Mandras (eds.), Le recrutement des élites en Europe, La Découverte, Paris, 1995.147 Klaus von Beyme, « Institutional Engineering and Transition to Democracy », Jan Zielonka (ed.), Democratic Consolidation in Eastern Europe Volume 1: Institutional Engineering, Oxford University Press, Oxford Scholarship Online. Oxford University Press. 2001, P.6 http://www.oxfordscholarship.com/oso/public/content/politicalscience/0199244081/toc.html

64

régime, en ce qui concerne la distribution du pouvoir, permettant ainsi à certains acteurs de

s’instituer en tant que facteurs clé dans la formulation et application des nouvelles politiques. Le

simple décryptage de l’articulation formelle du système politique n’est pas suffisant dans la

compréhension des caractéristiques systémiques du postcommunisme roumain. L’énonciation

des principes de responsabilité et de balance entre les divers pouvoirs étatiques ainsi que le

design des institutions n’impliquent, d’une manière automatique, ni l’institutionnalisation d’une

démocratie fonctionnelle, ni au moins la certitude des trajectoires qu’un pays poursuivra dans

son processus de consolidation démocratique148.

Ainsi, l’option pour un régime semi-présidentiel en Roumanie postcommuniste suggère

l’existence d’une séparation souple des pouvoirs, impliquant un processus de délégation entre le

pouvoir législatif et un exécutif bicéphale ainsi que la mise en pratique de mécanismes de

contrôle réciproque149, mais elle ne rend pas compte de tous les mécaniques du système politique

instauré. En imbriquant l’analyse du côté formel et les réflexes des pratiques instituées, nous

nous interrogerons dans ce qui suit sur la concentration du pouvoir dans les mains de certains

acteurs institutionnels du postcommunisme roumain.

2. Le Rapport entre les Institutions : La délégation et la responsabilité dans les régimes semi-présidentiels

Le choix dans la construction institutionnelle d’un Etat est fondamental pour la définition

des limites d’action des acteurs politiques et il suppose une conception distincte sur la manière

d’envisager le processus de représentation et celui de responsabilité (accountability). Le

nouveau régime politique adopté prit dans le cas roumain la forme du premier présidentialisme.

Avec un président directement élu disposant des prérogatives limitées et un gouvernement

responsable devant le parlement, système politique roumain emprunta une formule similaire à la

constitution française, située sur une échelle entre une forme de parlementarisme pur et les

caractéristiques d’un régime présidentiel150. Une telle définition du type de régime implique a

148 Comme Morlino le souligne, il n’existe pas une seule voie qui peut mener vers la consolidation démocratique V. Leonardo Morlino, «La consolidation démocratique : La théorie de l’ancrage », Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 8, No.2, 2001, Pp. 245-267149 Matthew Soberg Shugart, John M. Carey, Presidents and Assemblies : Constitutional Design and Electoral Dynamics, Cambridge University Press, 1992, Pp. 56-76.150 Le terme est utilisé par Shugart et Carey afin de délimiter un type de régime situé entre le régime parlementaire et celui présidentiel, dans lequel le président est directement élu et il existe un Premier ministre et un cabinet ayant des compétences exécutives dépendant du vote de confiance du Parlement. V. Matthew Soberg Shugart, John M. Carey,

65

priori l’idée que c’est le partage de pouvoir entre le législatif et un exécutif bicéphale celui qui

donne la différence spécifique du fonctionnement du système politique et elle ignore le cadre

général assurant le caractère démocratique du régime. Cette définition restrictive du régime

n’accentue donc pas les implications qu’un certain agencement institutionnel ait sur la manière

dans laquelle les citoyens ont la possibilité d’influer les résultats des politiques que les leaders

nationaux formulent151. Or, dans la lignée de Bergman, Muller et Strom, nous pouvons

concevoir le type de régime adopté en tant qu’une chaîne de délégation des compétences dans la

formulation des politiques qui commence au niveau des électeurs et qui s’achève au niveau

l’appareil bureaucratique.

De la sorte, la chaîne de délégation dans un régime parlementaire impliqua le fait que les

électeurs délèguent leur pouvoir au parlement, les parlementaires à leur tour délèguent la plupart

de leurs compétences dans la formulation des politiques qui servent l’intérêt général au Premier

ministre. Le Premier ministre afin de pouvoir décider délègue son pouvoir à son équipe

ministérielle. Pour la formulation des politiques publiques les ministres, à leur tour, délèguent

les compétences à leurs chefs de départements (les secrétaires d’Etat) ou directement aux hauts

fonctionnaires152. La configuration d’une telle chaîne se forge sur les capacités et les ressources

des acteurs institutionnels dans le processus de la prise de décision.

Le caractère démocratique de la délégation est en même temps assuré par la création des

mécanismes de responsabilité (accountability), entre celui dont on lui a délégué des

compétences et celui qui les a délégué153. Si dans le cas d’une démocratie parlementaire cette

chaîne de délégation peut être imaginée comme ayant un caractère unique et impliquant à la fois

des relations de responsabilité uniques, cela n’est pas le cas des régimes présidentiels qui

décrivent des relations de délégation et de responsabilité plus compliquées154. De surcroît, la

chaîne de délégation dans un régime parlementaire peut être encore plus compliquée en

imaginant les rapports qui se créent à l’intérieur du parlement (entre la majorité parlementaire et

Op.Cit., P.23151 Torbjorn Bergman, Wolfgang C. Muller, Kaare Strom, « Introduction. Parliamentary Democracy and the Chain of Delegation », European Journal of Political Research, Vol. 37, 2000, Pp. 255-260 (P.255).152 Kaare Strom, « Delegation and accountability in Parliamentary Democracies », European Journal of Political Research, Vol. 37, 2000, Pp. 261-289, (P. 267)153 Torbjorn Bergman, Wolfgang C. Muller, Kaare Strom, Op. Cit., P. 257, V. Kaare Strom, « Democracy; accountability and coalition bargaining », European Journal of Political Research, Vol. 31, 1997, Pp. 47-62 (P. 48)154 Kaare Strom, « Delegation and accountability in Parliamentary Democracies », P. 269

66

l’opposition) ou à l’intérieur des cabinets coalition qui puissent engendrer des conflits entre les

partis membres du gouvernement.

De cette façon, l’option pour un régime semi présidentiel en Roumanie post-communiste

complexifie la compréhension des relations entre les institutions. D’une part, il est important à

s’interroger sur les limites et le caractère du processus de délégation entre le législatif et

l’exécutif tels qu’ils s’articulent dans le cadre général du processus de la démocratisation, mais

de l’autre côté, d’une manière plus générale, il est essentiel à comprendre comment la structure

d’un exécutif bicéphale influe sur la concentration du pouvoir au niveau de l’exécutif et sur le

fonctionnement des mécanismes de responsabilité instaurés.

Il est à observer également le fait que si dans la chaîne de délégation, dans son

articulation, nous pouvons déceler l’idée sous-jacente de l’homogénéité interne des

comportements des acteurs tels que l’électorat, le Parlement et l’appareil bureaucratique, les

exécutifs sont les seuls à s’échapper à cette règle constitutive. De la sorte, dans l’explication de

la dyade délégation-responsabilité dans le fonctionnement des institutions, les exécutifs sont

conçus comme incluant une pluralité d’acteurs censés d’exhiber des intérêts et des volontés

différents (Pour une description schématique des rapports de délégation et de responsabilité,

modifiant le modèle parlementaire décrit par Strom en 2000 voir le graphique).

Figure 1 . La délégation et la responsabilité dans le régime semi-présidentiel roumain

Les électeurs Parlement

Président

Premier ministre

Ministre A

Ministre B

Secrétaire D’Etat 2

Secrétaire D’Etat 1

Secrétaire D’Etat

DEP 3

Dép. 1 (ADM)

Dép. 2 (ADM)

…..

Le gouvernement

67

Cette option d’apercevoir les exécutifs comme ayant une nature composite, en intégrant

des rapports de délégation et de responsabilité entre les acteurs politiques individuels sera

cependant ignorée dans cette première étape de notre étude. Afin d’estimer le poids des exécutifs

roumains sur la scène politique nous traiterons dans ce qui suit les cabinets en tant qu’acteurs

unitaires.

2.1 Concevoir la délégation et ses limites

Le régime semi-présidentiel peut être compris comme un type de délégation particulier,

comme une manière à structurer le processus démocratique de représentation et de la prise de

décision155. Dans ce cadre général, le caractère démocratique d’un régime est assuré par la

présence d’un processus de délégation contrôlé et par le fait que tous les rapports qui

s’établissent entre les acteurs institutionnels représentent des liens forts qui respectent non

seulement formellement, mais aussi substantiellement, le sens de la délégation faite156.

Autrement dit, les parlementaires écoutent aux désirs de l’électorat et ils sont responsables

devant celui-ci, les cabinets ont le plus grand appui dans le processus de formulation des

politiques publiques, mais ils restent sous le contrôle du parlement, les bureaucrates disposant

de leur expertise participent directement à la création et à l’implémentation des politiques

publiques, mais à leur tour, sont responsables devant leurs chefs politiques.

La chaîne de délégation supposée par le type de régime peut cependant encourir de

nombreux obstacles157, même dans le cas des démocraties consolidées. L’articulation de la

responsabilité peut varier, vue l’absence des informations complètes des acteurs politiques

impliqués dans la prise de décision, la divergence des intérêts que les représentants des partis

politiques dans des fonctions publiques exhibent ou encore même les degrés de compétence

différents que certains acteurs politiques ou bureaucratique détiennent. L’articulation diverse de

ces difficultés rend difficile le fonctionnement idéal typique du régime. Les problèmes de

délégation affectent directement le fonctionnement de facto des mécanismes de responsabilité et

155 Ibidem, P. 262.156 Arthur Lupia, Mathew McCubbins, « Representation or abdication? How citizens use institutions to help delegation succeed ? »¸ European Journal of Political Research, 37, 2000, Pp. 291-307, (P.304)157 Ibidem

68

le principe selon lequel les partis au gouvernement respectent la volonté (déléguée) des

citoyens158. Chaque injonction de la chaîne implique de tels problèmes : les parlementaires

peuvent ne pas écouter des désirs de l’électorat, le cabinet peut ne pas prendre en compte les

exigences des parlementaires et il peut même essayer à cacher les décisions qu’il entame, les

bureaucrates à leur tour puissent aussi ne pas obéir aux demandes exigées par les ministres en

place.

En dépit de ces procédures de contrôle établies contre l’apparition des problèmes de

délégation, on peut imaginer, au niveau des pratiques, l’émergence d’un sens faible ou un sens

fort de la délégation. Dans un sens faible, la délégation qui assure la centralité de l’exécutif est

décrite par le simple processus spécifique à toute démocratie parlementaire et elle garde la

fonctionnalité des mécanismes de responsabilité politique. Au contraire, dans le sens fort de la

délégation, celle-ci vise l’autonomisation puissante de l’exécutif doublée par une faible

responsabilité pour les actions entreprises. Ce second scénario, impliquant le sens fort de la

délégation, viserait ainsi la description d’une forme de « démocratie de délégation »,

caractérisant surtout la période de consolidation démocratique159. La démocratie de délégation

est décrite par l’absence des mécanismes de responsabilités des gouvernants qui, une fois au

pouvoir, peuvent prendre des décisions sans répondre pour leurs actions au-delà du processus

électoral. Désignant une forme de démocratie, autre que celle représentative, la démocratie de

délégation comprendrait la présence des mécanismes assurant la responsabilité sur la verticale

(les élections libre), mais non pas les mécanismes de responsabilité sur l’horizontale.

Les sections suivantes porteront sur le fonctionnement de la chaîne de délégation dans le

cadre du régime politique roumain postcommuniste, ignorant dans cette première étape les

relations qui se forgent à l’intérieur des institutions telles qu’elles sont définies par la

constitution. En décryptant les relations qui s’établissent entre le législatif et l’exécutif, mais

aussi à l’intérieur de l’exécutif entre le gouvernement, le président et l’appareil bureaucratique

nous esquisserons une réponse à la question suivante : Quel est le poids des gouvernements

roumains de la perspective des relations de délégation et de responsabilité qui se créent entre

les divers volets du pouvoir étatique ?

158 Stephan Haggard, Marthew D. McCubbins, « Introduction, Political Institutions and the Determinants of Public Policy », Idem (eds.), Presidents, Parliaments and Policy, Cambridge University Press, Cambridge, 2001, Pp.1-27159 Guillermo O’Donnell, « Delegative Democracy », Journal of Democracy, Vol. 5, No. 1, 1994, Pp. 55-69, (P.59). V. également Guillermo O’Donnell, « Horizontal Accountability in New Democracies », Andreas Schedler, Larry Diamond, Marc F. Plattner (eds.), The Self-Restraining State, Lynne Rienner, Boulder, 1999.

69

3. Les rapports entre l’exécutif et le législatif

Durant les dernières décennies, on assiste à un déclin du rôle des Parlements et à un

processus croissant de délégation des compétences vers le pouvoir exécutif qui tend à devenir le

centre du pouvoir étatique160. Le processus de délégation du pouvoir semble s’instituer ainsi,

dans les divers degrés dans tous les pays Occidentaux, balayant vers un processus de formulation

des politiques entièrement contrôlé par l’exécutif. On assisterait ainsi à une « présidentialisation

des régimes parlementaires », un processus dans lequel dans la pratique, on peut identifier une

personnification de la politique qui implique une autonomisation des ressources du pouvoir du

leader de l’exécutif, sans que cela détermine une modification des règles formelles de

fonctionnement du régime161.

La tendance vers une délégation croissante des compétences vers l’exécutif fut expliquée

généralement par toute une série d‘éléments ponctuels. De cette manière, la tendance du cabinet

à contrôler l’agenda des politiques publiques162, les ressources limitées dont les parlementaires

disposent dans un cadre général de complexification de la politique, des formules

institutionnelles (telles que la configuration des commissions parlementaires) ou encore des

stratégies politiques des acteurs législatifs à l’égard de leur propre électorat163 se constituent en

tant que variables explicatives du renforcement de l’influence des exécutifs. Caractéristique

systémique des régimes parlementaires ou semi-présidentiels contemporains ou une question

ponctuelle du fonctionnement institutionnel, le processus de délégation du pouvoir du législatif

vers l’exécutif fut perçu comme phénomène endémique, non pas d’une manière instrumentale (le

Parlement délègue de ses compétences dans la formulation des politiques), mais d’une manière

substantielle (le Parlement délègue ses compétences vers un exécutif qui est de plus en plus

moins responsable au niveau pratique devant le parlement). Or, c’est seulement dans ce second

cas qu’on puisse véritablement parler d’un exécutif qui devient un centre du pouvoir décisionnel.

160 Mattei Dogan, The mandarins of Western Europe, P. 7.161Thomas Poguntke, Paul Webb, « The Presidentialisation of Politics in Democratic Societies : A framework », T. Poguntke, P. Webb (eds.) Op. Cit., P.5.162 George Tsebelis, Veto players. How political institutions work, Russel Sage Foundation, New York, 2002, P.14.163 Pour un example d’analyse théorique qui prend en compte ces éléments V. David Epstein et Sharyn O’Halloran, « Asymmetric Information, Delegation ; and the Structure of Policy Making », Journal of Theoretical Politics, Vol. 11, No.1, 1999, Pp. 37-56.

70

Il existe plusieurs processus par lesquels le parlement exerce un contrôle sur le pouvoir

exécutif : (1) la dimension contractuelle (le contrôle sur l’investiture du cabinet), (2) les

mécanismes de sélection pour les fonctions ministérielles (qui valorisent une trajectoire

parlementaire dans l’esprit de discipline et d’activité intense) (3) les procédures institutionnelles

de contrôle exercées par le parlement ( les questions et les interpellations) (4) le contrôle externe

de l’activité de l’exécutif (des commissions d’enquête mais aussi des organismes indépendantes

qui surveillent les actions financières du gouvernement)164. Un processus de délégation qui mène

à la diminution du rôle du législatif et à la consolidation de l’exécutif en tant que principal acteur

décisionnel impliquerait non seulement le fait que le gouvernement domine le champ de la

formulation des politiques, mais aussi un décroissement du poids de ces quatre dimensions de

contrôle parlementaire.

Les quatre procédures de contrôle de l’activité du gouvernement peuvent être regroupées

dans deux catégories selon le moment dans lequel ceux-ci peuvent être mobilisés (avant ou après

les élections) : des formes de contrôle ex ante (1 et 2) et des formes de contrôle ex post (3 et 4)165.

Tandis que les mécanismes ex ante dépendent directement des caractéristiques des partis

politiques (le rapport de forces à l’intérieur d’un parti, les procédures de sélection etc.), les

mécanismes ex-post, le contrôle du législatif sur l’exécutif, visent généralement le

fonctionnement institutionnel.

Dans ce qui suit, nous nous proposons d’analyser les rapports instaurés entre le législatif

et l’exécutif dans le cas roumain en ce qui concerne la forme de régime dessinée après 1989. Y a-

t-il un processus de centralisation du pouvoir qui s’instaure au niveau de l’exécutif ? Sans

ignorer le rôle que les mécanismes ex-ante ont dans la préservation d’un mécanisme de

responsabilité de l’exécutif devant le législatif, nous nous concentrerons sur l’analyse des

mécanismes ex-post. Notre choix est lié au fait que même si „le système des partis et leur

organisation interne déterminent la structure d’opportunité du contrôle exécutif”166, leur

mobilisation dans analyse des rapports institutionnels tant au niveau formel qu’au niveau des

164 D.R Kiewiet, M. D. McCubbins, The logic of Delegation: Congressionnal parties and the appropriation process, Chicago Univ Press, Chicago, 1991, P. 27.165 Thomas Saalfeld, Op.Cit., P.356.166 Ibidem, P.357.

71

pratiques impliquerait l’utilisation des variables qui ont un autre statut et un autre pouvoir

explicatif167.

3.1 Le processus de délégation législative en Roumanie postcommuniste

La principale fonction du Parlement en Roumanie postcommuniste est celle de légiférer

tandis que le rôle principal du gouvernement est « la réalisation de la politique interne et externe

du pays » (l’art 102, 2003). En même temps, le gouvernement exerce la direction de

l’administration publique. Néanmoins, il existe certaines situations telles que celle de l’initiative

législative ou de la délégation législative où le Parlement partage ses compétences avec les

cabinets.

Même si l’intention des constitutionnalistes roumains fut celle de créer un équilibre entre

les pouvoirs, répondant aux exigences d’une démocratie moderne, dans la pratique il existe

plutôt une situation contorsionnée quant au fonctionnement concrète des mécanismes prévus qui

recoupent, en suivant un principe d’homologie formelle, certains éléments de la « mimic

democracy »168 de l’entre-deux-guerres, quand les Parlements sont le résultat du fonctionnement

des gouvernements. Vue dans la longue durée, malgré les différences fondamentales dans la

morphologie du pouvoir exécutif, la période postcommuniste recouperait de cette manière des

caractéristiques systémiques d’un passé plus éloigné169 décrit par une opposition parlementaire

faible et la domination du pouvoir exécutif sur le législatif170.

167 Par exemple la procédure de sélection des ministres qui valorise l’expérience parlementaire, (mécanisme ex ante) peut agir en tant qu’élément explicatif du fait que l’exécutif reste responsable devant le législatif tout court, mais peut expliquer également le comportement des acteurs politiques dans l’utilisation d’autres formes de contrôle ex-post (les parlementaires qui veulent devenir ministres vont être des parlementaires actifs en utilisant les formes de contrôle parlementaire tels que les questions et les interpellations).168Mattei Dogan, Analiza statistica a « democratiei parlamentare in Romania, Editura Partidului Social Democrat, Bucarest, 1946, P. 369.169 Pour une analyse en profondeur des similitudes entre l’entre l’entre-deux-guerres et la période post-communiste non seulement au niveau des renvois discursifs mais aussi d’un point de vue des caractéristiques de la construction politico – juridique, V. Cristian Preda, Romania postcomunista si Romania interbelica [La Roumanie postcommuniste, la Roumanie de l’entre deux guerres], ed. Meridiane, Bucarest, 2002.170 Plusieurs éléments peuvent être cités afin de soutenir la thèse de la centralité du pouvoir exécutif durant l’entre-deux guerres tels que : les élections sont les instruments des gouvernements en place (nommés cependant par le roi) qui les organisent et les contrôlent afin de se doter d’un corps législatif, le rôle clé du roi dans la vie politique qui pouvait choisir les ministres (même en dehors du Parlement) et les limoger à son gré (constitution 1923, art 88, 96), mais aussi, au niveau des pratiques, l’initiative législative comme un attribut du gouvernement. Entre 1919-1940 de 4574 des projets de loi introduits au Parlement 71% étaient des initiatives du gouvernement, le reste des projets portant surtout sur des questions mineures (Keith Hitchins, Romania 1866-1947, Humanitas, Bucarest, 1994, P.406). Pour plus de détails aussi Mattei Dogan, « L’origine sociale du personnel parlementaire d’un pays essentiellement

72

(a) Prenons tout d’abord le cas de l’initiative législative. Malgré le fait que dans le

texte de la Constitution de 1991, l’initiative législative est partagée entre le Gouvernement, le

Parlement et les citoyens, elle reste de facto l’apanage des cabinets. En regardant les lois

adoptées par le Parlement chaque année, nous pouvons observer que l’écrasante majorité des lois

sont le résultat d’une initiative gouvernementale qui de cette manière, contrôle l’agenda politique

du parlement.

Entre 1989 et 2007, de 5687 lois déposées au Parlement et ultérieurement promulguées,

4969 étaient le résultat des initiatives Gouvernementales représentant 87,37% des lois [V.

Tableau 1]. Malgré le fait que les citoyens partagent le droit à l’initiative législative, et malgré le

fait que la Constitution (dans sa forme révisée) apportait une facilitation de l’initiative de la part

des citoyens171, une seule loi fut adoptée suite à l’initiative des citoyens172. En ce qui concerne les

propositions législatives provenant de la part des parlementaires qui se transforment en lois,

celles-ci restent très limitées d’un point de vue numérique ainsi qu’en ce qui concerne leur

impact au niveau du fonctionnement de la société173.

Ce déséquilibre entre le législatif et l’exécutif à l’égard de l’initiative législative n’est pas

pour autant le résultat d’une faible activité parlementaire. Si nous prenons comme exemple

l’activité des membres des groupes parlementaires de la Chambre des Députés, on peut compter

2486 propositions de loi venant de la part des députés (plus ceux venant de la part des députés et

des sénateurs). Néanmoins seulement 549 (22,08%) de ces propositions ont été promulguées en

tant que lois. Cette situation, marquant un rôle marginal du parlementaire dans l’initiative

législative est assumée au niveau discursif par le fait que le cabinet est l’image de la majorité de

support au sein du Parlement, ayant à sa disposition plus de ressources techniques dans la

agraire : la Roumanie », Revue de l’Institut de Sociologie, n 2-3, Bruxelles, 1953.171 La forme révisée de la Constitution prévoit que l’initiative doit appartenir à 100000 citoyens. Ceux-ci doivent être distribués au moins dans un quart des départements du pays et dans tous ces départements le nombre des signatures recueillies doit dépasser 5000 signatures de support pour l’initiative. Outre cela, il est spécifié que les citoyens ne peuvent pas avoir l’initiative dans les domaines fiscaux, ceux ayant un caractère international ou touchant à l’amnistie et l’action de gracier certaines personnes. La Constitution de 1991 prévoyait (art.73) qu’au moins 250.000 citoyens ayant le droit de vote pouvaient soutenir une initiative législative. Outre cela, le nombre des signatures de support nécessaires en chaque département s’élevait à 10.000.172 La Loi 9/ 1990 – La Loi concernant l’interdiction temporaire d’aliénation des terrains par actes entre les vivants, publiée dans M. Of. 95/ du 1.08.1990173 Ainsi durant la période 1990-2005 sur 487 lois résultantes de l’initiative parlementaire, 187 d’entre elles portent sur le changement de statut des communes et des localités, 25 concernent le régime des décorations et les divers ordres honorifiques et 22 sont centrées les questions festives et commémoratives (des journées nationales, donner à des diverses villes le titre de ville martyre de la Révolution de 1989 etc.)

73

construction des projets de lois174. Cette position est aussi soutenue au niveau théorique par le fait

que le pouvoir parlementaire de légiférer n’est pas limité à l’initiative et à la formulation initiale

du texte de législatif, mais il comprend également le pouvoir d’ajustement, d’amendement des

textes initiés par l’exécutif175.

(b) Le poids de l’exécutif dans l’articulation de l’agenda public et dans la définition

des nouvelles lois ne se limita pas à l’initiative législative. Un intérêt important souleva la

question des ordonnances d’urgence. Conçues par la Constitution de 1991 comme des

décisions que le gouvernement adopte dans « les cas exceptionnels » et dont l’effet soit

immédiat, les ordonnances eurent un statut particulier, difficilement contrôlable par le parlement

en ce qui concerne les délais de leur application et leur domaine d’action176. La forme révisée de

la Constitution de 2003, apporta plus de précisions concernant les délais et les procédures

parlementaires177 sans que cela implique une limitation forte de la marge de l’application de cette

procédure pour le gouvernement.

En ce contexte, les cabinets roumains postcommunistes ont utilisé abusivement cette

procédure178. Si l’adoption des ordonnances d’urgence reste marginale jusqu’en 1996, le cabinet

Nicolae Văcăroiu (1992-1996) formulant seulement 16, à partir de 1996, on remarque une

tendance continuelle de croissance dans l’articulation de telles décisions. De la sorte, on peut

compter l’adoption de 104 ordonnances pendant le cabinet Victor Ciorbea (1996-1998), 260

durant le cabinet Radu Vasile (1998-1999), 296 pour le cabinet Mugur Isărescu (1999-2000) et

174 Un des éléments récurrents des 35 entretiens menées avec les parlementaires roumains de la législature 2004-2008 ont mis en exergue l’importance d’un appareil d’experts au niveau de l’exécutifs rendant possible une meilleure formulation des projets de loi (voir la liste des entretiens dans la présentation des sources de la recherche).175 Herbert Doring, « Time as a scarce Resource: Government Control of the Agenda » H Doring (ed.), Parliaments and Majority rule in Western Europe, St Martin’s Press, New York, Pp. 223-246 (Pp. 234, 236)176 Le point 3 de l’article 114, de la Constitution 1991, concernant la délégation législative précisait vaguement que « si la loi d’habilitation le demande, les ordonnances sont soumises à l’approbation du Parlement, conformément à la procédure législative, jusqu’au terme d’habilitation. » Aucune autre spécification n’était donnée concernant les délais de cette procédure. En outre, il est très difficile d’estimer, en partant du texte constitutionnel de 1991 si ces ordonnances peuvent modifier des lois organiques. La solution « herméneutique » fut pourtant que les ordonnances d’urgences peuvent intervenir dans le domaine réservé aux lois organiques.177 Conformément à l’art 115 alinéa 5-6 de la Constitution de 2003 on additionne le fait que si après 30 jours après que la loi soit déposée à la Chambre concernée il n’y ait pas une prononciation de la Chambre concernant l’ordonnance elle est considérée comme étant directement adoptée et envoyée à l’autre chambre aussi en procédure d’urgence. Cela permet plus facilement l’adoption des lois portant sur les ordonnances d’urgences. Le seul frein législatif rajouté à la procédure visant l’utilisation des ordonnances concerne le domaine de compétence de ces décisions, car il clairement spécifié le fait qu’elles ne peuvent pas viser certains domaines telles que : le régime des institutions fondamentales de l’Etat, les droits de l’homme, les droits électoraux ainsi que le passage de certains biens en propriété publique (point 6).178 V. Cristian Preda, Sorina Soare, Regimul, partidele şi sistemul politic…, P. 39.

74

692 dans le cas du cabinet Adrian Năstase (2000-2004). Pendant les trois premières années du

cabinet Călin Popescu Tăriceanu (2004-2007), le taux des ordonnances s’est élevé à 502.

Table 2 L’activité gouvernementale 1990-2008

Ordonnances d’urgence

Décisions gouvernementales

Initiatives législatives*

Total de l’activité

gouvernementale

Total initiatives

% Initiatives

Gouv2007 157 1574 243 1974 321 75,702006 136 1888 369 2376 480 76,882005 209 1842 421 2472 494 85,222004 142 2373 492 3007 602 81,732003 127 1530 500 2072 609 82,102002 209 1546 614 2232 683 89,902001 195 1328 781 2022 796 98,122000 297 1333 198 1939 233 84,981999 218 1001 195 1642 210 92,861998 72 927 241 1317 261 92,341997 92 911 200 1307 221 90,501996 13 1492 121 1639 142 85,211995 2 1027 121 1146 139 87,051994 2 911 131 1059 146 89,731993 2 767 90 902 96 93,751992 1 831 129 940 130 99,231991 0 754 82 835 82 100,001990 0 779 41 872 42 97,62Total 1874 22814 4969 29753 5687 87,37

(c) En outre, si nous prenons en compte également le fait que le gouvernement a assumé

à plusieurs reprises sa responsabilité pour des diverses lois controversées, nous avons l’image

complète du rôle disproportionné que le Gouvernement joue dans le processus de la formulation

des politiques. Prenons donc un exemple : la Loi visant le statut du fonctionnaire public179. Après

beaucoup de débats parlementaires et d’initiatives législatives qui ont été retirées, c’est

seulement en 1999, à la demande explicite de l’Union européenne que cette loi fut adoptée180.

Cependant l’adoption de la loi n’avait pas suivi la procédure parlementaire classique et le

gouvernement a du assumer sa responsabilité devant le Parlement. La modification de cette loi,

en 2003, est toujours le résultat de la même procédure appliquée cette fois-ci, non seulement par

rapport à une loi particulière, mais par rapport à un paquet des lois. C’est ainsi que la Loi

161/2003 concernant certaines mesures pour assurer la transparence dans l’exercice des dignités

179 Le Statut du fonctionnaire public, la Loi no. 188/ du 8 décembre 1999, publiée dans le Journal Officiel Monitorul Oficial, no. 600, 1999. 180 Support for Improvement in Governance and Management in Central and EasternEuropean Countries (SIGMA) Reports, Romania Public Service and the Administrative Framework Assessment, 2004, http://www.sigmaweb.org/dataoecd/41/11/34989409.pdf

75

publiques et des fonctions publiques et dans le milieu d’affaires naîtra. De la sorte, le cabinet

Năstase força l’adoption du « paquet de lois anticorruption » sans que ces lois soient

individuellement soumises à un débat parlementaire sur des divers points et réglementations

compris dans les lois.

(d) L’argument fort visant le maintien d’une certaine forme de contrôle parlementaire

sur l’activité gouvernementale au niveau de la capacité de légiférer est construit autour la

capacité des représentants du législatif d’ amender et de réviser les projets venant de la part de

l’exécutif. Durant les deux dernières législatures on peut d’ailleurs identifier une tendance de

croissance de la quantité des projets, des rapports et des avis soumis aux canevas des

commissions parlementaires. Ainsi, si on regarde l’activité du Sénat des deux dernières

législatures on peut identifier une intensification du travail parlementaire181. Si durant la période

2000-2004 le Sénat avait reçu 3070 projets pour le rapport et 3521 avis lui ont été demandés,

durant la législature 2004-2008 leur nombre fut élevé à 3372 projets pour le rapport et 4415 avis.

Ainsi le Sénat avait formulé durant la législature précédente 2970 rapports et 3258 avis, tandis

que durant la législature 2004-2008 les commissions sénatoriales ont formulée 3108 rapports et

4062 avis. A part cette première remarque on peut également noter le fait que durant les deux

dernières législatures analysées il existe une absence d’équilibre entre les projets et les rapports

formulés, entre les demandes d’avis et les avis donnés. Cette situation peut être interprétée

comme le résultat de la surcharge de certaines commissions parlementaires qui reçoivent la

plupart des demandes pour des rapports ou des avis. A l’exemple, si la Commission pour la

culture, l’art et les communications avait reçu 68 (2000-2004) respectivement 89 (2004-2008)

projets pour le rapport, la Commission pour le budget et les finances avait reçu 605 (2000-2004)

respectivement 515 (2004-2008) de tels projets. Une telle surcharge apparaît également dans le

181 Les données sont tirées des Buletins législatifs de l’activité de la Chambre des Députés pour les périodes : février-juin 2003, septembre-décembre 2003, février-juin 2004, septembre-décembre 2004, février-juin 2005, septembre-décembre 2005, février-juin 2006, septembre-décembre 2006, février-juin 2007, septembre-décembre 2007 disponibles sur le site de la Chambre des Députés V. http://www.cdep.ro/pls/proiecte/upl_pck.home ainsi que des Buletins législatifs du Sénat du 1 juillet 2004, 19 décembre 2005, 1 Juillet 2005, 15 décembre 2006, 26 juin 2006, 21 Juin 2008, 12 Décembre 2007, et 18 juin 2008. Les synthèses portant sur l’activité du Sénat sont disponibles sur le site officiel du Sénat V. http://www.senat.ro/PaginaPrincipala.aspx?tdID=169&divID=4&b=0&adr=%2fpagini%2fProceduri+parlamentare%2fResurse+parlamentare%2fbuletin+legislativ+2008%2fbuletin+1%2fbuletin_legislativ_2008_1.htm

76

cas de la Commission juridique du Sénat où on peut compter 464 projets de rapport dans la

législature 2000-2004 et 665 durant la période 2004-2008.

Une situation similaire apparaît lorsqu’on prend en compte l’activité de la Chambre des

Députés qui dévoile également une intensification du travail parlementaire. Si on est à comparer

les trois dernières sessions parlementaires du mandat 2000-2004 (la période février 2003-juin

2004) avec la période analogue de la législature suivante (février 2007-juin 2008), on peut

identifier une décroissance du nombre des séances (de 2239 à 2003), des initiatives (de 2295 à

1942) et des avis (de 2121 à 1875). En contrepartie, le nombre des mémoires et des

amendements déposés avait souffert une multiplication d’ampleur. De cette manière, le nombre

des mémoires a été presque doublé en passant de 2113 à 4198 et les amendements déposés à

l’intérieur des commissions ont augmenté de 5071 à 9328. La même situation fut maintenue au

niveau des amendements retenus par les commissions : si durant la période février 2003-juin

2004, 4691 amendements ont été admis (92,5% du total des amendements déposés) durant la

période février 2007-Juin 2008, 7677 de tels amendements ont été retenus (82,3%).

La même surcharge que celle identifiée dans le cas du Sénat est aussi présente dans le cas

de la Chambre des Députés. Surtout dans le cas de la Commission de budget-finances, de

l’industrie et des services et de la commission juridique de la Chambre des Députés. De cette

manière, si on est à prendre en considération la situation des amendements, on peut observer que

durant trois sessions parlementaires (2007-2008) les membres de la Commission de budget ont

du discuter 1029 amendements, ceux de la Commission industrie et services ont débattu 1582

amendements et ceux de la commission juridique 1759 amendements. Afin de se rendre compte

de la quantité de travail demandé aux parlementaires prenons l’exemple de la Commission

juridique. Les députés faisant partie de cette commission se sont réunis dans 134 séances, ils ont

eu à débattre 362 initiatives, 221 rapports, 676 avis et 311 mémoires. De la sorte, dans une

séance de maximum 5 heures (prévues dans l’horaire officiel de la Chambre) les députés de cette

commissions aurions du négocier en moyenne 3 initiatives, formuler à peu près 2 rapports,

donner 5 avis, discuter 2 mémoires et se prononcer sur 13 amendements. Or, il va de soi que

dans cette situation le temps alloué à un débat en profondeur portant sur les procédures et sur le

contenu des documents à fournir par la commission n’est pas suffisant. Par conséquent, la

capacité décisionnelle du parlement se retrouve réduite non pas par l’absence d’activité, mais par

77

un programme accablé dans le cas de certaines commissions clé qui en principe constituent des

filtres parlementaires de la décision politique.

Le processus de délégation du pouvoir du volet législatif vers le pouvoir exécutif a

impliqué l’utilisation in extenso de l’initiative législative, l’adoption des ordonnances d’urgence

et aussi la procédure par laquelle le gouvernement s’est assumé la responsabilité devant les

deux chambres. Dans un cadre de la complexification et de la multiplication des décisions

gouvernementales adoptées (durant la période 1990-2007, 22814 décisions gouvernementales

ont été prises par l’exécutif), le processus croissant de délégation et du contrôle de l’agenda

s’inscrit dans une tendance identifiable aussi dans d’autres démocraties consolidées. En outre,

le processus d’amendement des projets de loi qui arrivent dans le parlement se trouve borné par

la surcharge dans l’activité des certaines commissions parlementaires qui se voient débordées

par la quantité de travail qui leur est allouée.

Néanmoins, avant de tirer une conclusion concernant l’existence d’un processus de

délégation du pouvoir législatif vers le pouvoir exécutif dans le sens fort de la délégation, il

faudrait se demander si ce processus de délégation est-il accompagné ou pas par l’effacement

au niveau pratique des mécanismes de responsabilité de l’exécutif devant le législatif.

3.2 Une faible responsabilité du gouvernement devant le Parlement

Dans le cas roumain, même si les mécanismes constitutionnels permettent un équilibre

entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif182 instituant des dispositifs de responsabilité

(accountability), dans la pratique une relation déséquilibrée fut établie, favorisant le pouvoir

gouvernemental. Ainsi, au niveau formel, malgré un possible processus de délégation, la position

du Parlement semble être consolidée, l’art. 109 de la Constitution précisant explicitement le fait

que « le Gouvernement répond politiquement devant le Parlement pour tout son activité ».

182 Le cabinet est responsable devant le Parlement (l’art. 102, 1991/l’art. 108, 2003). Il existe également plusieurs formes de contrôle parlementaire, à savoir : les motions, les interpellations ou les questions (l’art. 111-112, 2003). En outre, le Parlement contrôle la nomination du Premier ministre et en certaines conditions il peut déposer une motion afin de limoger le gouvernement en place (l’art.113, 2003).

78

Il existe deux types de fonctions de contrôle qui sont exercées par le Parlement : les

formes de contrôle puissant et les formes de contrôle sans sanction183. En ce qui concerne le

premier type de contrôle avec sanction : (1) il s’agit de la procédure désignation du Premier

ministre et le vote d’investiture pour le gouvernement184 et (2) la possibilité de limoger le

gouvernement suite à une motion de censure185. Le second type de contrôle parlementaire, celui

sans sanction, vise l’idée que le Gouvernement doit périodiquement informer le Parlement de la

manière dans laquelle il accomplit son programme (l’art 111, 2003), par le biais de réponses

offertes aux questions et aux interpellations. D’autres formes de contrôle parlementaire sont les

motions simples, et les Commissions d’enquête.

(a) Les formes de contrôle avec sanction sont directement liées à la relation qui

s’établit entre le gouvernement et l’opposition parlementaire et la saillance du conflit résidant

entre les représentants de la majorité et les autres partis186. En théorie, les formes de contrôle

avec sanction, surtout les motions de censure, peuvent être utilisées avec succès lorsque le

gouvernement en place est minoritaire et lorsqu’il n’existe pas une majorité de support

considérable au Parlement. Cependant, en regardant les parlements roumains postcommunistes,

on peut remarquer qu’en dépit de la tendance de la formation des "minorités naturelles" et donc

de la formation des majorités parlementaires plurielles»187, aucune des quinze motions de censure

débattues188 n’a jamais été adoptée par le Parlement. Les représentants de l’opposition, lorsqu’ils

183 Yves Mény, Yves Surel, « Les parlements » (Chap. 5) dans Idem, Politique comparée: les démocraties Allemagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, 7eme édition, EJA, Montchrestien, Paris, 2004, Pp. 235-292.184 Le Parlement désigne le chef de l’exécutif à la proposition du Président. Pourtant nous devons préciser que ce pouvoir de contrôle est limité, car si le vote de confiance n’est pas accordé dans une période de 60 journées après la première sollicitation et deux propositions de Gouvernement sont rejetées par le parlement, le Président peut dissoudre le législatif et on procède à l’organisation des élections anticipées (l’art 89, 2003)185 Au cas où la motion de censure est adoptée, le cabinet est démis. La motion de censure peut être initiée par un quart du nombre total des sénateurs et des députés et elle peut être adoptée à majorité (l’art.113, 2003). Il existe cependant une limite dans l’exercice de cette pratique : les initiateurs ont le droit de déposer une seule motion de censure par session parlementaire, sauf le cas où il n’existe pas une nouvelle tentative d'assumer la responsabilité de la part du gouvernement186 Nous partons du constat de Saalfeld conformément auquel « la nature des incitations concernant le contrôle de l’activité gouvernementale varie en fonction de l’appartenance à la majorité ou à l’opposition parlementaire » et donc en fonction du rapport des forces au parlement. V. Saalfeld, Op.Cit., P. 356. A cette égard voir également King Anthony, « Modes of Executive Legislative Relations: Great Britain, France and West Germany”, Legislative Studies Quarterly, Vol. I, Febr 1976, Pp. 11-36 (Pp.17-18)187 Cristian Preda, «Système politique et familles partisanes en Roumanie post-communiste», Studia Politica Revista Romana de Stiinte Politice, Vol. 2, n. 2, ed. Meridiane, Bucuresti, P. 566.188 Pour la liste des motions de censure débattues durant la période 1990-2007 voir Cristian Preda, Sorina Soare, Regimul, Partidele si Sistemul Politic…, P.41.

79

se sont retrouvés majoritaires au sein du parlement ont failli à mener à la démission des cabinets

en place [Tableau 2]. Résultant aussi du caractère coopératif de l’opposition roumaine189, le vote

de l’investiture du gouvernement, celui contre les motions de censure mais aussi le support pour

la loi du budget190, la plus importante loi qui exhibe le support pour le gouvernement, montrent

l’existence d’un faible contrôle parlementaire sur l’activité de l’exécutif, même lorsqu’il s’agit

des cabinets ultra minoritaires. De cette manière, le cas roumain souligne le fait que malgré

l’existence des règles formelles d’investiture du gouvernement191 et des réglementations moins

restrictives, menant à la démission du cabinet192, au niveau parlementaire ces relais

institutionnels s’avèrent non utilisés. Jusqu’à présent, les démissions des Premiers ministres

roumains ont été exclusivement reliées à des conflits intra exécutifs et non pas à des conflits

avec l’opposition parlementaire. Ainsi, les motions de censure restent plutôt une manière de

manifestation du désaccord et non pas un outil censé de mettre fin à une crise politique.

(b) Les procédures de contrôle qui ont connu une multiplication dans leur application

ont été celles qui impliquent des formes de contrôle sans sanction. Il s’agit d’un mécanisme qui

domine l’activité parlementaire n’ayant pas des effets concrets ou d’impact sur l’activité

gouvernementale. Conçu comme possible outil qui puisse permettre de ramasser un plus

d’informations sur l’activité gouvernementale, menant à une possible motion de censure193, les

formes de contrôle sans sanction ont été plutôt utilisées dans leur forme faible qui permet plutôt

au parlementaire de se faire remarquer à l’intérieur de son groupe politique.

189 Irina Ionescu, « The Parliamentary activity of Romanian Opposition Parties : The Cooperative Opposition: A Post-Communist Phenomenon? », CEU Political Science Journal The Graduate Student Review, avril-mai 2006, Pp. 23-29.190 Pour la distribution des voix allouées aux projets de budget et au projet de budget pour les assurances sociales. V. Cristian Preda, Sorina Soare, Regimul, partidele…, P. 38. L’analyse du vote en ce cas dévoile le fait que même quand on est dans la présence d’un cabinet minoritaire disposant d’un support déclaré de moins de 20% au parlement, le budget pour l’année ultérieure est soutenu par une majorité parlementaire confortable. De la sorte, il n’y a pas de superposition entre le dessein des majorités au parlement et leur comportement lors du vote du budget.191 I.Bergman, « Formation rules and minority governments », European Journal of Political Research, Vol. 23, 1993, Pp.55-66 (P.57).192 Car le vote d’une motion de censure est suffisant pour méner à la demission du gouvernement V. Lieven De Winter, « The role of parliament in government formation and resignation », H. Doring (ed), Op.Cit., Pp 115-151 (P.135)193 Wiberg, « Parliamentary Questioning : control by communication? » dans H Doring (ed.), Op.Cit, Pp. 179-222, (P.186).

80

(i) Cependant l’utilisation de plus en plus fréquente des questions et des

interpellations adressées par les députés est impressionnante194. Au niveau général, il est à noter

que si au niveau du nombre des questions posées au gouvernement la croissance est générale, les

interpellations furent plutôt utilisées par les partis de l’opposition. A l’exemple, prenons le cas du

parti qui a toujours eu le plus grand groupe parlementaire : le PDSR (PSD). Durant la législature

1992-1996 le PDSR, se trouvant au gouvernement a cumulé 433 questions, tandis que durant sa

période d’opposition 1996-2000 les représentants du même parti ont adressé 448 questions et

467 interpellations.

Table 3 Les cabinets roumains postcommunistes et leur support parlementaire

ANNEE Durée de vie

cabinet

Composition Equipe Gouvernementale

Vote investiture

Majorité Parlement

Motions de Censure

Pro Contre Cdep Sénat Pro Contra

ROMAN II 1990 473 FSN 330 11 293 95 - -1991 FSN, PNL - -

STOLOJAN 1991 393 FSN, PNL - - 318 1041992 FSN, PNL 314 100 - -

VACAROIU

1993

1489

PDSR

260 203

196 79 192 260223 236

1994 PDSR, PUNR 158 68 220 227206 249

1995 PDSR, PUNR 155 68 - -1996 PDSR 134 63 - -

CIORBEA 1997 491 CDR, UDMR, PSDR, PD

316 152* 200 87 147 286158 276

VASILE 1998 616 CDR, UDMR, PSDR, 317 124 195 85 158 2771999 CDR (sans PAR), 147 286

ISARESCU 2000 366 CDR (sans PAR), 305 35 186 77 - -

NASTASE2001

1469PSD+PUR

314 145

182 77 132 58198 77

2002 198 74 - -2003 PSD 188 74 163 2812004 188 74 - -

TARICEANU

2005

En fonction

PNL+PD+UDMR+PC265 200

171 70 186 265

2006 PNL+PD+UDMR 140 60 214 246145 235

2007PNL+UMDR 302 27

78 35 115 112220 152

2008 78 35 - -

Cette tendance de croissance est maintenue durant la période du gouvernement 2000-

2004 quand les députés PSD adressent 591 de questions mais seulement 120 interpellations,

tandis que durant les premières trois années du cabinet Tăriceanu, les députés du même groupe

194 Pour un tableau complet des questions et des interpellations des groupes parlementaires durant la période postcommuniste voir Cristian Preda, Sorina Soare, Regimul, Partidele si Sistemul…, P. 42.

81

avaient posé 988 questions et formulé 1467 interpellations. Tous les autres groupes

parlementaires exhibent la même tendance d’accroissement constant de leur activité

parlementaire. Un autre exemple intéressant en ce sens vise le groupe du PNL, parti se trouvant

au gouvernement durant la période 2004-2007. Si pendant la période 2000-2004 (quand en

opposition) les représentants du parti ont augmenté le taux des questions adressés dans la

Chambre à 293 et celui des interpellations à 285, durant sa période au gouvernement le niveau

des interpellation se diminue à 52, mais le nombre de questions posées durant les premières trois

années de la législature 2004-2008 est de 1061.

L’accroissement du nombre des questions et des interpellations est également

accompagné par la multiplication des déclarations des parlementaires. La croissance dans le

nombre des interventions personnelles des députés roumains peut avoir à la base le besoin de

s’exprimer sur toute une série des politiques, mais aussi un soin pour un plus de visibilité ou pour

la création de l’image d’une activité appliquée au nom du député. Si on prend comme exemple la

situation dans la Chambre des Députés, on peut identifier 306 interventions personnelles des

députés en 2001, 627 en 2002, 1078 en 2003, 1140 en 2004, 1699 en 2005, 1625 en 2007. Cette

tendance générale vers la vocalisation des positions personnelles des députés roumains peut

cependant être interprétée dans un cadre plus général qui mena non pas à une efficacité du travail

parlementaire, mais au contraire, à un blocage général de ce travail. De la sorte, on peut

remarquer une croissance constante de la densité des interventions personnelles des députés qui a

atteint un point maximal en 2006 quand on pouvait compter en moyenne 71 interventions

personnelles des députés par séance. Ce taux est d’autant plus important si on le compare à celui

de l’année 2001 quand on compte en moyenne 11 telles interventions par séance ou en 2002

quand on avait moins de vingt prises de position pendant une seule séance parlementaire.

La multiplication des formes de contrôle sans sanction signale un changement dans le

comportement des représentants des partis au parlement. Il ne s’agit pas d’une procédure utilisée

uniquement par l’opposition parlementaire, mais elle est aussi mobilisée par les partis

gouvernementaux. Le changement dans le comportement des parlementaire peut être donc perçu

non seulement comme le soin pour le développement d’une activité intense visant une meilleure

l’information du publique, mais il peut également rendre compte d’un hypothétique court-circuit

de communication à l’intérieur des organisations des partis ou à l’intérieur de la coalition se

trouvant au gouvernement. Ainsi, les partis formant la coalition gouvernementale peuvent utiliser

82

ces mécanismes afin de surveiller l’activité d’autres ministres provenant d’autres partis

politiques195.

(ii) Une autre forme de contrôle sans sanction utilisée par les parlementaires consiste

dans les motions simples. Celles-ci n’ont pas d’effets juridiques, car elles ne peuvent pas mener

à la fin d’un cabinet ou d’un mandat d’un ministre, mais, une fois adoptées, les lignées politiques

comprises dans le texte de la motion deviennent obligatoires pour l’activité gouvernementale. Or,

aussi dans ce domaine il existe une croissance notable dans l’utilisation des motions. De la sorte,

si en 1996-2000 19 motions simples étaient déposées, en 2000-2004, 32 motions simples étaient

débattues et durant les trois dernières années 23 de telles motions simples ont été formulées. Le

changement de perspective vient du fait qu’à l’exception des années 1990 quand on adopte de

telles motions, c’est seulement durant cette dernière législature (2004-juin 2008) que quatre des

23 motions ont été votées et adoptées par les parlementaires. Malgré l’adoption de certaines

motions simples, celles-ci n’ont pas produit des « gestes de responsabilité politique ». En

revanche on assiste plutôt à des débats parlementaires qui eurent à la base des éléments de

circonstance196.

(iii) Enfin, la dernière forme de contrôle parlementaire que notre étude prend en

compte vise les commissions d’enquête parlementaire. La menace a posteriori de

l’investigation des actions politiques des exécutifs peut en théorie engendrer un phénomène

d’autocensure dans les actions gouvernementales et donc une limitation dans la sphère d’action

de l’exécutif. En regardant de plus près les commissions d’enquêtes des parlements roumains

postcommunistes ont peut voir un développement notable de cette forme de contrôle ainsi qu’une

diversification des domaines concernés par cette procédure. De cette façon, si durant la première

législature 1990-1992 les commissions d’enquête ont visé les conflits sociaux – la descente des

mineurs de juin 1990 et celle de septembre 1991 ainsi que certains événements durant la

révolution, le profil des commissions change à partir de l’année 1996. Les cinq commissions

d’enquête de la législature 1996-2000 ont visé surtout des thèmes économiques tels que :

l’économie forestière, l’investigation du FPS et du FNI-SOV. Toujours durant la même période,

on peut remarquer une tendance vers un contrôle de la sphère politique avec l’investigation des

financements des campagnes électorales des partis politiques. Néanmoins, l’utilisation des

195 Lanny W. Martin, « The Government Agenda in Parliamentary Democracies », American Journal of Political Science, Vol. 48, No.3, 2004, Pp.445-461 (P.458).196 Cristian Preda, Sorina Soare, Regimul, Partidele…, P. 43.

83

commissions d’enquête trouve à la fois une diversification des objectifs, une multiplication mais

aussi des résultats ayant des effets concrets que durant la dernière législature. Quinze

commissions d’enquête ont été organisées visant des domaines très divers (jusqu’en juin 2008).

En dépit des résultats des commissions parlementaires d’enquête précédentes, la

préoccupation des parlementaires pour l’investigation du passé persiste (par les commissions

pour l’enquête des comptes bancaires de Ceausescu et de la société ICE Dunarea). L’intérêt pour

les affaires économiques devient une constante de l’activité parlementaire197. Cependant, d’autres

commissions d’enquête marquent une reconfiguration dans la perception du rôle de cette forme

de contrôle parlementaire. De cette manière, pour la première fois durant le postcommunisme

roumain on peut identifier des commissions menant à l’investigation des actions des institutions

étatiques telles que la Cour des Comptes ou le Ministère de l’Economie et du Commerce, ou

encore des commissions ayant une mission de « censure politique » telle que la commission pour

la suspension du président. En outre, il est à remarquer également que pour la première fois le

parlement exerce un contrôle visant la sanction des organismes qui se trouvent sous le contrôle

parlementaire et qui visent la sécurité nationale. Les commissions d’enquête portant sur

l’interception des communications ou encore l’investigation des possibles survols non autorisés

du territoire national sont des exemples illustratifs dans ces cas.

La relation entre le législatif et l’exécutif est marquée par un processus de délégation

important de la part de législatif vers le gouvernement. Ce processus est à la fois doublé par le

maintien au niveau pratique des faibles relations de responsabilité entre les deux pouvoirs

étatiques. Cela permit en fait une autonomisation accentuée de la sphère exécutive par rapport

au législatif. Néanmoins, il est à observer que si pendant les premières années du

postcommunisme on peut parler de l’apparition d’une forme de démocratie de délégation à

partir des années 2000 et surtout de l’année 2004, il existe une intensification dans l’activité

parlementaire et des formes de contrôle sans sanction.

Résultant de la pratique et non pas d’une configuration institutionnelle, les exécutifs

roumains ont bénéficié durant la période postcommuniste d’une concentration du pouvoir qui

les a transformé dans le centre du pouvoir étatique. Malgré l’accroissement des formes de 197 Ainsi on peut identifier la création de la commission d’enquête visant l’analyse de la privatisation de la société Petrom, la situation du parc Bordei. D’autres commissions d’enquête mélangent le symbolique et l’économique comme dans le cas de la construction du complexe Cathédral Plaza dans la proximité de la Cathédrale catholique. Saint Joseph)

84

contrôle sans sanction, les législateurs ont refusé à s’attribuer le rôle de sanction puissante

même là où ils détenaient les mécanismes et le pouvoir nécessaire de les appliquer. En outre,

malgré l’intensification de l’activité parlementaire visant le processus de formulation des

politiques, l’influence du gouvernement, même dans des conditions d’un cabinet qui manque le

support d’une majorité parlementaire reste primordial dans la création des nouvelles politiques.

En outre, la capacité d’amendement des projets de loi, prérogative qui constitue le dernier

ressort du pouvoir parlementaire se trouve noyé dans la multitude des projets de loi. Les

commissions d’enquête du parlement, malgré un certain essor portent sur des procédures assez

lourdes ayant rarement un poids réel dans la configuration du pouvoir postcommuniste.

4. La distribution du pouvoir à l’intérieur du pouvoir exécutif

Le processus de délégation législative doublé par de faibles mécanismes de contrôle du

pouvoir exécutif mena à un transfert du pouvoir législatif vers l’exécutif. Le développement d’un

appareil bureaucratique autonome et puissant ou, au contraire, d’un appareil bureaucratique

politisé influe la distribution du pouvoir à l’intérieur du pouvoir exécutif198. En outre, la structure

bicéphale de l’exécutif roumain soulève le problème des rapports qui s’établissent entre le

président et le cabinet (notamment le Premier ministre). Afin d’établir la centralisation du

pouvoir à l’intérieur de l’exécutif et le statut des cabinets, nous procéderons à une analyse des

relations instituées d’une part entre le cabinet et le président et de l’autre entre les

gouvernements et les membres de l’administration publique.

4.1 Les Rapports Président – Gouvernement. Quel pouvoir pour le président ?

L’existence de deux chefs de l’exécutif, séparément sélectionnés, le président par le biais

des élections directes, le Premier ministre sur la proposition du président et validé par le

198 Dans une étude sur la bureaucratie Putnam consacre une distinction entre le profil du bureaucrate classique, wébérien et la bureaucratie politique qui ne fait pas la séparation entre le politique et la sphère administrative (Voir Robert Putnam, «The Political Attitudes of Senior Civil Servants in Britain, Germany and Italy », dans Mattei Dogan, The mandarins of Western Europe…, Pp. 87-126). Mattei Dogan souligne le fait que dans les pays où la haute administration publique est très politisée, ces acteurs ne peuvent pas jouer un rôle décisif dans le processus de la prise de décision, mais le noyau dur du pouvoir décisionnel se retrouve au niveau du personnel politique du cabinet V. Mattei Dogan, The mandarins of Western Europe …, P.14.

85

Parlement impliqua dans le cas roumain l’émergence d’une double légitimité à nature différente

et d’un conflit portant sur les compétences199. L’élection directe du président fait de celui-ci la

figure symbolique dominante200, cependant cette caractéristique n’est un indicateur direct de son

pouvoir dans la formulation, la modification ou le veto concernant des politiques publiques. De

la sorte, seul le critère de l’élection directe du président et de la validation du Premier ministre

par le Parlement n’est pas suffisant quand on établit ses compétences ou encore lorsqu’on veut

analyser la nature du régime instauré en Roumanie après 1989201.

De cette manière, l’étude du type de régime instauré en Roumanie postcommuniste a

révélé, aussi selon la période, une pluralité parfois contradictoire d’interprétations en ce qui

concerne la force des présidents. Au début des années 1990, au niveau des pays de l’Europe

Centrale et Orientale, on considérait que les plus hauts taux du pouvoir présidentiel sont présents

en Hongrie et en Pologne, suivis par la Roumanie et la Bulgarie202. En même temps, d’autres

auteurs mettaient en exergue en Roumanie, Bulgarie, Pologne et Slovaquie la forme

parlementaire de régime politique (avec la Pologne et la Roumanie s’inspirant du modèle

français)203.

La variation dans l’interprétation de la forme de régime instauré dans les pays de

l’Europe Centrale et Orientale est d’ailleurs interrogée par Krouwel qui cite une pluralité de

classifications au niveau de la littérature des années 1990. Dans ces études, la Roumanie était

classifiée plutôt en tant que régime présidentiel et semi-présidentiel (dans la plupart des cas très

proche de l’exemple de la Russie)204. Les études plus récentes, comme celle de Krouwel,

identifient dans le cas roumain un index de présidentialisation (mesurant le pouvoir du président)

assez bas, similaire celui de l’Estonie ou de la Slovaquie (de 2,5) beaucoup inférieur à d’autres

pays de la région (la Bulgarie 3,5, la Pologne et la Lituanie 4 et l’Hongrie 3). Néanmoins, ce

tableau change quand on prend en compte d’autres indexe parus durant la même période.

199 M. Shugart, J. Carey, Op. Cit., Pp. 63-65.200 T. Baylis, « Presidents versus Prime ministers. Shaping Executive Authority », World Politics, Vol. 48, 1996, Pp. 297–323, (P. 299)201 Giovanni Sartori, « Sul sistema costituzionale romeno », Studia Politica. Romanian Political Science Review, Vol. II, No.1, 2002, Pp. 9-12(P.10)202 James McGregor «The Presidency in East Central Europe », RFE-RL Research Report, Janvier 14, 1994, Pp. 23-31203 T. Baylis, Op.Cit., P.300.204 Ainsi la Roumanie était considérée par Baylis avant 1996 en tant qu’un régime présidentiel, par Derbyshire et Derbyshire en 1996 comme un semi-présidentialisme limité, en 1998 par Elgie en tant qu’un régime semi-présidentiel etc. V. André Krouwel, « Measuring presidentialism and parliamentarism: An Application to Central and East European Countries », Acta politica, Vol. 38, No. 4, 2003, Pp. 333-364 (P.336)

86

Toujours à la base des prérogatives constitutionnelles du président, la Roumanie aurait, selon

Siaroff, un score de 5 (4 si on prend en compte les modifications constitutionnelles de 2003), le

même que la Lituanie et la Croatie, mais supérieur à celui de la Pologne d’après 1997 et de la

Bulgarie (3)205.

Les différences dans l’estimation de la force du président et le fonctionnement des

régimes varient selon les diverses critères employés dans la construction des classifications.

Même quand il s’agit des critères purement constitutionnels, la littérature manque de consensus

quant au pouvoir des présidents de la région. Ayant à l’origine des prescriptions

constitutionnelles insuffisamment définies, l’évaluation des pouvoirs du président et leur impact

sur le type de régime sont encore plus difficiles à cerner si on est à considérer les pouvoirs

informels des présidents. L’absence de clarté législative et les différences entre le formel et

l’informel, ont déterminé plutôt la mise en avant d’un caractère sui generis du système politique

roumain, qui permet une définition fluctuante de la nature du régime, dépendant surtout de la

personnalité des acteurs au sein du pouvoir exécutif206.

4.2 La cause d’une difficile définition du pouvoir : les attributions du président

La relation entre le formel et l’informel, entre de fait et de droit, représente un élément

constant dans l’analyse du système politique roumain post-décembriste. Comme dans d’autres

cas des pays de l’Europe Centrale et Orientale207, en Roumanie, il existe des disparités entre la

visibilité et la popularité de la plupart des présidents et leurs pouvoirs circonscrits par la

constitution. Afin d’établir l’équilibre des forces à l’intérieur de l’exécutif, il faudrait tout

d’abord esquisser l’évolution des compétences formelles et informelles des présidents roumains

postcommunistes. C’est à partir de ces compétences et de leur définition que la plupart des

205 V Alan Siaroff, « Comparative presidencies: The inadequacy of the presidential, semi-presidential and parliamentary distinction », European Journal of Political Research, Vol. 42, 2003, Pp. 287–312 (Pp. 299-300). Les critères que Siaroff prend en compte sont le fait que le président soit directement élu, la superposition entre les élections présidentielles et les élections parlementaires, le pouvoir de nomination discrétionnaire du président, la capacité à diriger les séances du cabinet, le droit de veto, le pouvoir à émettre des décrets, le rôle central dans la politique étrangère, le rôle centrale dans la formation du gouvernement, la capacité à dissoudre le Parlement. 206

Tony Verheijen, « Romania » dans Robert Elgie (ed.), Semi-Presidentialism in Europe, Oxford University Press, Oxford, 1998, Pp. 193-216 (P.212) ; Cristian Preda, Partide şi alegeri în România postcomunistă: 1989-2004, Nemira, Bucarest, 2005 ; François Frison-Roche, Le modèle « semi-présidentiel » comme instrument de la transition dans l’Europe post-communiste, Bruylant, Paris 2005.

207 T. Baylis, Op. Cit, P.302.

87

conflits intra exécutifs eurent lieu et que le rapport de force entre le Président et le Premier

ministre fut défini.

a. La fonction de représentation du président

Les divers rôles du président (l’art. 80, 1991) impliquent sa fonction de représentation

du corps électoral, de garant de l’indépendance de l’Etat, de l’unité et de l’intégrité territoriale.

Le président exerce également la fonction de médiation entre les divers pouvoirs de l’Etat et

entre l’Etat et la société, veillant, en vertu de sa légitimité, à la préservation d’un climat de la

paix sociale208 ou de garant de la Constitution209. Ces deux attributs, conçus par les interprétations

du texte constitutionnel comme étant cumulatifs, révèlent cependant des images distinctes quant

au rôle du président et en ce qui concerne la fonction de représentation. Si le premier attribut

renvoie à un référentiel théorique de la souveraineté populaire, le second met l’accent sur

interprétation libérale du rôle du chef de l’Etat. L’accent mis sur une des deux interprétations

dans l’exercice du mandat présidentiel impliqua des manières et des actions distinctes des

présidents en place.

Le président du pays dispose, grâce à la Constitution, de tous les attributs de la

représentation nationale. Cependant, le président incorpore l’Etat sans que cela implique le rôle

de son administration210. Dans ce contexte, le rôle « primordial » du chef de l’Etat changea en

variant dans la pratique en fonction des diverses conceptions que chaque président avait

développé par rapport à l’hiérarchie de ses rôles et surtout en ce qui concerne l’image de ce que

c’est la représentation politique. De la sorte, le premier président postcommuniste Ion Iliescu

(1990-1992, 1992-1996 mais aussi 2000-2004) lança durant les premiers mois après la chute du

communisme une vision sur la représentation qui exprimait également les principes de

fonctionnelles de la première formule de direction postcommuniste : le Front du Salut National.

Ion Iliescu consacra une vision sur le fonctionnement du système politique qui porte moins sur

l’idée du pluralisme politique et l’équilibre des pouvoirs, mais qui se forge sur la « participation

des masses et leur contrôle sur l’acte politique et administratif et l’harmonie sociale »211. Le rôle

du président serait celui d’assurer une pacification de la société, une pacification qui à différence 208 Mihai Constantinescu, Antonie Iorgovan, Ioan Muraru, E. Simina Tanasescu, Constituţia României revizuită, All Beck, Bucuresti, 2003, P.140 209 Tudor Drăganu, Drept Constitutional şi Instituţii politicem Vol.II, ed Lumina Lex, Cluj, 2000. Pp. 224-235210 Daniel Barbu, Op.Cit., P. 196.

88

d’autres pays de la région, ne porte pas sur un accord portant sur les valeurs et les procédures

nécessaires afin de fonder un nouveau régime démocratique. Le consensus sur les politiques et

non pas le consensus sur les procédures fut ainsi un objectif principal de son mandat.

Les deux autres présidents de la Roumanie, Emil Constantinescu et Traian Băsescu,

adoptèrent des positions distinctes concernant le rôle du président. Si le président Emil

Constantinescu (1996-2000) mit l’accent sur la fonction de médiation du président au niveau du

fonctionnement des institutions de l’Etat, le président Traian Băsescu (2004-2009) définit son

mandat en fonction de la médiation de la relation entre l’Etat et la société, en opposant la classe

politique à la société. En dépit du fait que ces deux présidents ont défini le rôle du président

principalement en fonction d’un principe de démocratie libérale (de la limitation du pouvoir), et

malgré le fait que l’image de la représentation des citoyens dévoile des similarités importantes

(les deux se déclarant en tant que représentants de leurs électeurs directs mais aussi du corps

électoral en entier212), il existe des divergences majeures au niveau de l’action dans l’exercice des

prérogatives de la fonction présidentielle. Tandis qu’Emil Constantinescu avait opté pour un

mandat minimal de représentation formelle surtout sur le plan externe, Traian Basescu avait

défini la fonction présidentielle par le syntagme du « président joueur », représentant du corps

électoral disjoint par rapport aux élites politiques.

Ces changements de référentiel en ce qui concerne l’articulation générale du principal

rôle du président influèrent sur la manière dans laquelle les prérogatives présidentielles furent

exercées durant la période postcommuniste et donc sur le poids du président dans la vie

politique.

b. La capacité des présidents d’influencer les politiques

A part les fonctions de représentation le Président peut formuler des décrets et il

promulgue les lois. Le président ne peut pas donner naissance à des normes légales. Ses décrets

211 Alexandra Ionescu, « Pluralisme et représentation. La définition ambiguë des acteurs politiques de la Roumanie postcommuniste », Studia Politica. Romanian Political Science Review, Vol. VI, No.4, Nemira, Bucarest, 2006, Pp. 821-867 (P.833)212 Dan Pavel, Iulia Huiu, Nu putem reuşi decât împreună. O istorie analitică a Convenţiei Democratice, 1989-2000[On ne peut pas réussi qu’ensemble. Une histoire analytique de la Convention Démocratique 1989-2000], Polirom, Bucarest, 2003, Pp. 413-420 ; V également « La confrontation électorale finale pour les élections présidentielles le second tour entre Traian Basescu et Adrian Năstase », novembre 2004, enregistrement TVR1.

89

ne doivent pas toujours être contre signés par le Premier ministre213, néanmoins l’existence d’une

contre signature ne le déroge pas de sa responsabilité prévue dans l’article 84 (3)214. Toujours le

même article consacre un trait distinctif du régime semi-présidentiel en Roumanie, car il stipule

la possibilité constitutionnelle du chef de l’Etat d’assumer, au-delà de sa responsabilité juridique,

une responsabilité politique devant le Parlement215.

Il est à observer qu’à travers les années le nombre des décrets issus par le président à

connu un accroissement constant, signe d’une intensification de l’activité présidentielle. Si en

1991 que 81 décrets ont été signés par le président, leur nombre était de 568 en 1997, de 1130 en

2001 et de 1390 en 2005. Cette tendance varie cependant à l’intérieur des mandats des présidents

roumains. Pendant les premiers deux mandats du président Ion Iliescu (1990-1992, 1992-1996)

le nombre des décrets souffre une croissance notable en arrivant un maximum durant l’année

électorale. Après ce moment, des variations importantes peuvent être notées. Tant dans le cas du

mandat d’Ion Iliescu (2000-2004) que durant le mandant d’Emil Constantinescu (1996-2000) la

tendance générale instituée faisait que le niveau des décrets soit plus élevé durant l’année

préélectorale et durant celle postélectorale. Ces fluctuations peuvent par ailleurs être expliquées

par les changements du personnel que le président peut nommer dans des diverses portefeuilles.

Cependant les décrets du président ont une portée réduite, bien délimitée par la législation

roumaine, reflétant l’activité du président telle qu’elle soit définie dans la constitution (art 100

alinéa 1). De la sorte, le contenu des décrets présidentiels vise justement l’accréditation des

ambassadeurs ou leur limogeage, l’octroi des distinctions militaires, la grâce individuelle. Si on

observe ces prérogatives, on peut noter l’existence des ces modèles qui suivent les diverses

attributions des présidents, mais aussi une diversification de cette activité (pour un exemple voir

le taux de présence des nominations ou révocations des ambassadeurs V le tableau).

Table 4 Les décrets des présidents roumains postcommunistes (1990-2008)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Total décrets 31 81 162 203 289 414 591 568 486 467

213 Radu Carp, « Rule of Law vs. Presidential Power: the case of Exculpation Decrees », Studia Politica. Romanian Political Science Review, Vol. V, no.1, 2005, Pp. 131-143 (P. 134)214 Cela résulte de l’absence d’une stipulation expresse en ce sens. Pour plus de détails V. Mihai Constantinescu, Antonie Iorgovan, Ioan Muraru, E. Simina Tanasescu, Op.Cit., P.158.215 Cristian Ionescu, Constituţia României. Legea de revizuire comentată şi adnotată cu dezbateri parlamentare, All Beck, Bucarest, 2003, P.145.

90

Décrets pour la nomination/ révocation ambassadeurs216 12 34 22 29 27 14 47 43 40 39

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Total décrets 6131130

1062 933

1186

1390

1475

1160

565*

Décrets pour la nomination/ révocation ambassadeurs 46 56 33 17 37 28 77 43 17

*jusqu’au 13 juin 2008Source. Le répertoire législatif de la Chambre des Députés www.cdep.ro

Le président n’a pas de droit d’initiative législative et il ne dispose pas de prérogatives en

ce qui concerne la formulation des politiques. Les seuls relais de son pouvoir à cet égard

subsistent dans sa capacité d’influer la création de l’agenda publique par le fait qu’il peut

renvoyer des projets de loi au parlement et par le biais du refus de signer une proposition de loi

en vertu de l’absence de constitutionnalité. Cependant, en ce qui concerne la capacité du

président de renvoyer les propositions législatives et les projets de loi au parlement il faudrait

spécifier le fait que celui-ci ne dispose pas d’un pouvoir de veto absolu. De surcroît, le président

doit expliciter dans la demande de mise en examen du projet de loi déjà approuvé par le

parlement, les raisons pour lesquelles il demande au législatif de rediscuter l’initiative, sans pour

autant qu’il puisse faire des propositions à l’égard du contenu du texte. L’utilisation de cette

procédure durant les quatre dernières années quand 71 projets de loi (12 en 2005, 15 en 2006, 30

en 2007 et 13 jusqu’en juin 2008) visant surtout l’octroi des divers privilèges aux catégories

sociales parlementaires, militaires, diplomates ou magistrats montrent que le pouvoir de cette

procédure dépend directement des rapports institués entre le président et le parlement. Dans un

cadre général conflictuel entre le président et la majorité parlementaire formelle et informelle les

projets de loi sont restés, dans la plupart des cas, non modifiés.

La seconde possibilité du président d’amender les politiques adoptées porte sur la

demande de contrôle de la constitutionnalité des lois avant leur promulgation (l’art 146, 2003).

Cependant de 160 demandes formulées jusqu’en 2004 que deux d’entre elles, en 1999 et en 2001

ont été faites par les présidents. Cette situation avait souffert une reconfiguration après le

changement constitutionnel d’après 2004 : de 49 saisies formulées 11 ont été initiées par le

216 Nous avons choisi comme méthode de travail l’addition des décrets présidentiels portant sur la nomination voir la révocation de certains ambassadeurs et non pas le nombre explicite des nominations et des révocations. Il n’existe pas de superposition exacte entre le nombre des nominations ou des révocations faites et le nombre des décrets issus. Pour la liste des décrets présidentiels voir le site de la Chambre des Députés, le répertoire législatif. www.cdep.ro

91

président en place. Néanmoins, il faudrait préciser que la portée de l’utilisation de cette

procédure reste réduite et elle ne constitue pas dans un dispositif de blocage utilisé constamment.

De la sorte, la manière dans laquelle le président perçoit son propre rôle, ainsi que sa

capacité d’institutionnaliser son charisme sont des points essentiels dans le statut du président sur

la scène politique217. Les marges d’intervention des présidents dans la construction de l’agenda

publique et dans la redéfinition de projets de loi sont ainsi limitées. En outre, les expériences des

pays postcommunistes montrent que la tendance constante des présidents de prendre parole dans

des questions controversées mène à une érosion de leur image218. Dans le cas roumain, le

comportement « actif » du président, impliquant une redéfinition de ses compétences

coutumières, fut aussi sanctionné par le parlement219. L’utilisation des procédures

constitutionnelles qui permettent au président de sanctionner les politiques resta pour cette raison

une procédure marginale dans son application dépendant en grande partie du degré d’ouverture

et de la volonté du parlement.

c. La construction de l’équipe gouvernementale

217 T. Baylis, Op.Cit., Pp. 308, 309.218 Ibidem.219 Durant le postcommunisme roumain, deux procédures de suspension du président ont été initiées par le Parlement. La première visait les déclarations d’Ion Iliescu qui avait essayé d’influencer la justice en critiquant les arrêts des cours qui favorisaient la rétrocession des propriétés. Le 7 juin 1994, après la décision de la Cour Constitutionnelle soutenant le fait que les déclarations d’Ion Iliescu ne constituaient pas une transgression grave de la Constitution, le Parlement a rejeté avec 242 voix contre et 166 voix pour le vote la demande de suspension du Président. La seconde procédure de suspension du président visait le président Traian Basescu. Le 12 février 2007, 182 parlementaires de l'opposition ont déposé au parlement un projet de demande de suspension du président de la République au motif que ce dernier se serait rendu coupable d’avoir violé à plusieurs reprises la constitution. Les parlementaires accusaient le président T. Băsescu de sortir de son rôle constitutionnel en intervenant activement et continuellement dans la vie politique. Tout comme en 1994, l’avis consultatif de la Cour constitutionnelle, rendu le 5 avril 2007, estimait que la proposition de suspension du président « fait référence à des actes et à des faits qui, par leur contenu et leurs conséquences, ne peuvent pas être qualifiées de violations graves de la constitution ». Cependant, la proposition de suspension du président T. Băsescu a pourtant été adoptée le 19 avril 2007 par les membres du parlement par 322 voix pour, 108 contre, et 10 abstentions. A la suite de ce vote, un référendum pour la destitution du président a été organisé le 19 mai 2007, rejetant en grande majorité (74,48 %) la destitution du président.

92

Un des points les plus importants d’un point de vue des conséquences politiques

impliquant le pouvoir présidentiel vise son rôle dans la sélection du gouvernement (l’art.85).

Dans le cas où il n’existe pas un parti qui gagne la majorité des sièges au Parlement, le Président

de la République nomme le Premier ministre en se consultant avec les partis politiques qui

forment la majorité au sein du Parlement. Néanmoins, le président n’a pas à sa disposition la

possibilité de limoger le chef du cabinet, ce qui engendra de nombreux conflits entre le Premier

et le président (tel que celui entre Ion Iliescu et Petre Roman, entre Emil Constantinescu et le

Radu Vasile ou celui entre Traian Basescu et Călin Popescu Tăriceanu).

Le poids du président dans la sélection du Premier ministre dépend de la nouvelle

représentation de la politique dans l’histoire politique de la Roumanie, impliquant l’idée que les

cabinets se forment suite à l’organisation des élections220. En principe, la nomination du chef du

cabinet dépend des résultats des partis aux urnes. Cependant, malgré le fait qu’après 1989 les

cabinets se forment pour la première fois suite aux élections221, la majorité gouvernementale fut

construite suite à des redéfinitions postélectorales des allégeances entre les partis politiques.

Cette caractéristique dans la création des majorités gouvernementales peut être interprétée par

rapport à une tradition historique roumaine, plus ou moins éloignée, favorisant plutôt des

phénomènes de consécration des majorités construites artificiellement222. Cependant elle peut

être également être inscrite plus généralement dans une tendance des systèmes semi-

présidentielles (surtout en Europe Centrale et Orientale) dans lesquelles, au moins en théorie, « le

président n’est pas formellement contraint dans ses choix du Premier ministre »223, disposant de

la possibilité de chercher à reconfigurer la majorité de support pour le gouvernement résultante

suite aux urnes.

220 Pendant l’entre-deux-guerres, le roi était le détenteur du pouvoir exécutif, la Constitution de 1923 stipule « le gouvernement exerce le pouvoir exécutif au nom du roi » (art. 92) qui exerce le pouvoir exécutif en conformité à la constitution (art 39). La décision de désigner le parti se trouvant au gouvernement lui appartenait et c’est seulement après la formation d’un nouveau cabinet qu’on organisait des élections. Durant le communisme, la formation du cabinet était directement surveillée par le leadership communiste en place. Le Premier ministre et les ministres étaient nommés et révoqués de leurs fonctions par le Conseil d’Etat (l’art 64, point 2,4 de la Constitution de 1965 forme révisée, republiée en 1986) dont le président était le président du pays (l’art. 66). Le Conseil d’Etat était l’organe suprême du pouvoir dans l’Etat ayant une activité permanente (art 62, la Constitution de 1965, forme republiée en 1986). 221 Cristian Preda, Partide şi alegeri în România postcomunistă : 1989-2004[Partis et élections en Roumanie postcommuniste], Nemira, Bucureşti, 2005, P. 49.222 Daniel Barbu, Op.Cit., P. 155.223 Oleh Protsyk, « Prime Ministers’ Identity in Semi-Presidential Regimes: Constitutional Norms and Cabinet Formation Outcomes, » European Journal of Political Research, Vol. 44, No.5, 2005, Pp. 721-748, (P.723).

93

Formellement, le Président roumain dispose d’un rôle important dans la désignation du

Premier ministre et dans la formation de la majorité. Cependant, on avait considéré pour

longtemps que celui-ci n’a aucun mot à dire par rapport à la composition du cabinet ainsi

qu’en ce qui concerne le remaniement des ministres, considérés comme la prérogative exclusive

du Premier ministre et des partis au gouvernement224. Cette situation a changé en 2007, début de

l’année 2008, quand deux arrêts de la Cour constitutionnelle ont mis fin à cette interprétation

coutumière de la Constitution. De la sorte, c’est la Cour Constitutionnelle qui reconfigura les

rapports entre les deux chefs de l’exécutif, en statuant que « les rapports entre le Premier

ministre et le président ne puissent pas être purement formels ».

L’article 85 de la constitution indique que le président nomme et révoque sur proposition

du Premier ministre certains membres du cabinet. Cette disposition constitutionnelle était

cependant interprétée plutôt d’une manière formelle. Les décisions récentes de la Cour

établissent le droit du président de rejeter la candidature d’un ministre à la base d’une motivation

fondée sur « la vérification de la correspondance du candidat pour la fonction proposée, en tenant

compte des critères nécessaires pour accomplir sa tâche »225. Le président a ainsi le droit à

s’opposer à une proposition du Premier ministre. Le droit du président de se prononcer d’une

manière substantielle sur la qualité des ministres sélectionnés pour des portefeuilles exécutifs

vise cependant une situation bien délimitée, respectivement « quand celui-ci se trouve dans la

situation de décider lui-même la nomination d’un ministre », c'est-à-dire quand il s’agit de la

nomination d’un nouveau ministre, remplaçant un autre membre de l’équipe gouvernementale et

qui ne sera pas mis en examen par les commissions parlementaires pour sa validation. Pensé

d’une manière non explicite sur un principe de symétrie avec les procédures d’audition des

commissions parlementaires lors de l’investiture d’un cabinet, ce mécanisme a de l’importance

224 Conformément à l’article 103 de la Constitution de 2003: (1) « le président désigne un candidat pour la fonction de Premier ministre, suite à la consultation du parti qui a la majorité absolue au Parlement ou s’il n’y a pas une telle majorité, des partis représentés au Parlement ». Le second paragraphe stipule : « Le candidat pour le premier ministre demandera, dans un délai de 10 jours de sa désignation le vote de confiance du Parlement sur le programme du cabinet ainsi que sur sa liste gouvernementale ». Comme le 3ème paragraphe le précise le programme et la composition du futur cabinet doivent être débattus par les deux chambres réunies et doivent recevoir le vote de confiance de la majorité des députés et des sénateurs.225 Selon la Cour des critères comme la formation générale du candidat, la compétence dans le domaine concerné, l’expérience, l’instruction et les aptitudes en fonction du domaine, la bonne réputation et la moralité peuvent se trouver à la base d’un rejet d’une proposition visant une position ministérielle. La décision de la Cour Constitutionnelle no. 356 du 5 avril 2007 concernant la demande de solution du conflit juridique de nature constitutionnelle entre le Président de la Roumanie et le Gouvernement, formulée par le Premier ministre Călin Popescu Tăriceanu, publiée dans M.Of. no. 322 du 14.05.2007. http://www.ccr.ro/decisions/pdf/ro/2007/D356_07.pdf

94

surtout dans le cas où il existe un conflit intra exécutif, entre d’une part, le Président et de l’autre

le Premier ministre disposant d’un support parlementaire, conflit qui décrit notamment les

situations des cabinets minoritaires226. Dans les autres cas, le Président peut imposer ses fidèles

dans des positions ministérielles d’une manière informelle, non pas en mobilisant ses

prérogatives présidentielles, mais en vertu de sa relation privilégiée avec parti qui forme le

gouvernement (à l’exception des situations de cohabitation).

D’un point de vue institutionnel le président roumain, malgré son élection directe,

présente des prérogatives limitées. Il peut dissoudre le parlement, mais seulement dans des

conditions très restrictives et il est responsable devant le parlement au cas où il ne respecte pas

la Constitution (la procédure de suspension).

Les présidents roumains ont eu un rôle important au niveau de la formation des

majorités après les élections et dans la création du support pour certaines politiques. Dans des

situations exceptionnelles, le président peut consulter le gouvernement et il peut présider les

séances du gouvernement. Il détient également des prérogatives dans le domaine des affaires

étrangères et dans les questions de sécurité nationale. Néanmoins, une fois le gouvernement en

place l’appui du président à l’égard de l’action gouvernementale reste limité, surtout dans le

contexte d’une relation conflictuelle avec la majorité parlementaire. Le président ne peut pas

formuler des politiques et ne peut sanctionner les actions de gouvernement que par la saisie de

la Cour Constitutionnelle lorsque l’activité gouvernementale ne respecte pas le cadre

constitutionnel. En outre, les présidents roumains ne disposent pas d’un pouvoir extensif dans la

formation des cabinets et la sélection des ministres.

Comme dans le cas d’autres pays de la région, les présidents roumains s’appuyèrent

dans leurs actions sur l’interprétation des mécanismes constitutionnels, sur les cours

constitutionnelles ainsi que sur les divers partis politiques227. Malgré un renforcement de la

fonction présidentielle à partir de 2004, assumé aussi au niveau public et discursif par le

226 Protsyk montre que le conflit intra exécutif dépend du caractère de l’opposition parlementaire et du développement du système de partis, la plupart prenant la forme d’un conflit entre le Premier ministre et le Président, mais qui puissent également prendre la forme d’un conflit entre un exécutif unitaire et le parlement. L’auteur montre que les gouvernements minoritaires sont plus susceptibles à développer la première forme de compétition, une compétition intra exécutive. V. Oleh Protsyk, « Intra-Executive Competition Between President and Prime minister : Patterns of Institutional Conflict and Cooperation under Semi-Presidentialism », Political Studies, 2006, Vol. 54, Pp. 219-244 (Pp. 219, 221, 239).227 T. Baylis, Op.Cit., Pp. 311-313.

95

président en place, le rôle constitutionnel du président reste insuffisamment défini. De la sorte,

les pouvoirs informels du président varient selon sa popularité, mais surtout en fonction de la

majorité parlementaire et de ses rapports aux partis politiques. Malgré l’apparence d’une forte

institution présidentielle, les chefs d’Etat roumains ont bénéficié d’un pouvoir d’action réduit à

la fois par rapport au Premier ministre nommé et par rapport aux décisions du parlement. De

cette manière, nous pouvons estimer, qu’à l’exception de certaines situations ponctuelles, le

transfert du pouvoir du législatif vers l’exécutif ne concerne pas le président de la république

qui reste circonscrit dans sa portée, mais il vise plutôt les cabinets dirigés par les Premiers

ministres.

Les cabinets postcommunistes deviennent ainsi le point central de notre recherche.

Néanmoins, afin de délimiter le poids réel des acteurs gouvernementaux au niveau de la prise de

décision, il faudrait d’abord d’établir quel est leur rapport à l’appareil bureaucratique.

4.3 Le rapport à l’appareil bureaucratique

La création d’un corps bureaucratique autonome est essentielle dans la définition du

processus décisionnel d’un pays. Le problème des rapports entre l’appareil bureaucratique et le

personnel gouvernemental touche toutes les démocraties parlementaires et il porte sur les

relations de délégation et de responsabilité (accountability) créés entre les divers acteurs

impliqués dans la chaîne de représentation. Si nous considérons l’idéal type de la démocratie

parlementaire en tant « qu’une chaîne unique de direction dans lequel un seul principal délègue

et chaque agent est responsable devant le principal »228, alors l’un des plus grands problèmes

théoriques vise la nature de la relation instaurée entre les membres des cabinets et les membres

de la bureaucratie. Si la relation entre le politique et l’appareil administratif est facilement

envisageable de la perspective du processus de délégation, la relation inverse de responsabilité

n’est pas évidente. Dans cette perspective, ce n’est pas par hasard qu’on assiste plutôt à

l’émergence de toute une littérature qui analyse les politiques gouvernementales en mobilisation

prioritairement l’influence de l’administration publique. La relation qui s’établit entre les

ministres les fonctionnaires publiques vise la question reliée à la maximisation d’agency loss.

Autrement dit, les processus de délégation et de responsabilité ne fonctionnent pas au niveau

228 Kaare Strom, « Delegation and accountability… », P.269.

96

idéal typique, car il existe des actions et des informations cachées par les acteurs, suite à des

intérêts et des incitations différentes entre le principal et l’agent229.

Cette difficulté à penser les mécanismes de responsabilité directe, entre les ministres et

les hauts fonctionnaires, résulte de la définition même de la bureaucratie et de ses mécanismes de

fonctionnement. La bureaucratie désigne “un ensemble des positions non-électives, fondées

publiquement au niveau de l’administration publique centrale”, dont les nominations sont

censées à obéir à une logique méritocratique dans le domaine de compétence requis230. La

fonction publique implique, au moins en théorie, la stabilisation d’un corps de fonctionnaires

autonomes qui restent en poste en dépit du changement du gouvernement et qui assurent la

formulation des solutions alternatives à des diverses politiques, ainsi que l’implémentation des

décisions du cabinet. Néanmoins, la rationalité d’action présumée du corps administratif n’est

pas un garant de la convergence des intérêts et des représentations entre le politique et

l’administratif. Obéissant à des principes qui ne puissent pas être sanctionnés facilement par le

pouvoir politique en place, la bureaucratie classique tend à s’autonomiser d’autant plus dans le

cas des exécutifs instables231. En ce cas, les fonctionnaires seront dans la situation où ils se

confrontent à un dilemme concernant leur intérêt à mener à bien leur devoir étant donné le fait

qu’ils ne disposent pas de la certitude que leurs efforts seront appréciés et récompensés232.

L’attitude réticente du corps bureaucratique d’un ministère par rapport à la politique est

essentielle dans la délimitation de la compétence du leader à influencer sur l’agenda du cabinet.

Ainsi les membres de l’appareil administratif peuvent agir soit d’une manière négative (négative

229 John D. Huber, « Delegation to civil servants in parliamentary democracies », European Journal of Political Research, Vol. 37, 2000, Pp. 397-413.230 Guy Peters, The politics of bureaucracy, 5th ed., Routledge, London, New York. 2004, P.86; Conor O’Dwyer, « Runaway State Building. How Political Parties Shape States in Post-communist Eastern Europe », World Politics, Vol. 56, No. 4, 2004, Pp. 520-553, (P.523). 231 J.D. Huber met en exergue le fait que, dans le cas des changements d’ampleur du personnel politique, la difficulté d’une action gouvernementale efficace se trouve au niveau de la circulation de l’information. Ainsi, dans les cas des gouvernements fort instables, l’administration peut bloquer le ministre à prendre des décisions et à avoir des initiatives au niveau des politiques publiques en lui refusant (par des délais successifs) l’accès à l’information. Le doute sur une relation de longue durée entre l’administration et le ministre en fonction peut ainsi engendrer des blocages qui mènent à une baisse de l’efficacité. V. John D. Huber, « How Does Cabinet Instability Affect Political Performance? Portofolio Volatility and Health Care Cost Containment in Parliamentary Democracies? », The American Political Science Review, Vol. 92, No. 3, (Sept. 1998), Pp. 577-591 (Pp. 581, 578) ainsi qu’Ezra Suleiman, Politics, Power and Bureaucracy in France, Princeton University Press, New York, 1974, Chap. VII, Pp. 165-169.232 John D. Huber, Arthur Lupia, « Cabinet Instability and Delegation in Parliamentary Democracies », American Journal of Political Science, Vol. 45, No.1, 2001, Pp. 18-32(P.19).

97

agenda) en étant capable à bloquer certaines initiatives du cabinet, soit d’une manière classique,

positive, par la possibilité à proposer des nouvelles politiques233.

En ce contexte, le maintien des mécanismes de responsabilité du corps bureaucratique par

rapport à la politique dépend du renforcement des procédures non formelles favorisant « la

discrétion politique »234 par rapport à la transparence. On assisterait plutôt à l’application des

mécanismes de contrôle ex ante visant le contrôle informel de la sélection des fonctionnaires

publiques et la politisation de l’appareil bureaucratique235 que les procédures ex post concernant

la surveillance de l’activité proprement dite des fonctionnaires. La création des filtres d’accès au

niveau administratif assurerait ainsi la loyauté de ceux-ci dans l’application de la volonté du

pouvoir exécutif et dans le respect de la lignée idéologique du parti se trouvant au gouvernement.

Etant donné que l’autorité dans la distribution des fonctions à la base du patronage236 soit

concentrée dans les mains des décideurs exécutifs237, le processus de formation d’un appareil

bureaucratique directement responsable et obéissant aux exigences du politique dépendrait de

l’exercice de la distribution des faveurs aux individus en échange de leur support politique238.

Fondée initialement sur une logique d’échange social forgée sur l’appropriation et la

distribution des ressources239, la politisation de la bureaucratie comprendrait une dimension de

contrôle (en tant que diffusion de la politique dans la société et de levier dans le processus

offrant aux partis politiques au gouvernement de l’accès et du contrôle des ressources étatiques),

mais elle obéirait également à une règle d’efficacité de la prise de décision et la création

stratégique de la continuité décisionnelle. La double fonction positive de la politisation viserait

ainsi la fluidisation de la formulation des politiques et le renforcement de la base du personnel

disposant d’une expertise technique au niveau du parti240.233 Lanny Martin, Op. Cit., P447.234 Nous utilisons ici le concept de « discrétion politique » tel qu’il fut compris par Grzymala Busse, c'est-à-dire l’accès discrétionnaire aux ressources symboliques et matérielles de l’Etat. Voir Anna Grzymala-Busse, « The Discreet Charm of Formal Institutions. Post-communist Party Competition and State Oversight », Comparative Political Studies, Vol.39, No.3, 2006, Pp. 271-300 (P.273).235 J.D. Huber, « Delegation to civil servants in parliamentary… », P. 399.236 Par patronage comprenons le processus de division des bénéfices que les leaders politiques distribuent aux votants, à ceux qui travaillent pour la campagne électorale et aux divers contributeurs en échange de l’octroi du support politique (V. Martin Shefter, Political Parties and the State, Princeton University Press, 1993, P.283)237 Oleh Protsyk, Andrew Wilson, « Centre Politics in Russia and Ukraine: Patronage, Power and Virtuality », Party Politics, Vol. 9, no. 6, 2003, pp. 703–727, (P. 708).238 Jean Blondel, « Party Government, Patronage, and Party Decline in Western Europe », P.241.239 Luis Roninger, Ayse Gunes-Ayata, Democracy, Clientelism and Civil Society, Lynne Rienner Publishers, Londre, 1994, P.9.240 Peter Mair, Richard Katz, « Party Government, Patronage, and Party Decline in Western Europe », Richard Gunther et les autres (eds.), Op.Cit., Pp. 112-135 (P. 124).

98

Cette logique visant la concentration des mécanismes de responsabilité sur les procédures

ex ante, de contrôle des nominations, engendra moins une responsabilité dans l’esprit

démocratique et plus de la dépendance dans l’esprit des logiques clientélistes, de contrôle et

surtout d’ancrage241. L’appétence pour de telles logiques du pouvoir peut être mise en acte plus

facilement dans les pays où le cadre légal protégeant le corps administratif n’était pas

implémenté, où dans le sens de Schefter, les partis précédent la formation d’un appareil

bureaucratique consolidé242. De la sorte, les anciens pays postcommunistes constituent un terrain

de prédilection pour l’apparition de telles pratiques. Cependant, l’apparition d’une bureaucratie

politisée impliqua moins des relations horizontales de délégation et de responsabilité que des

mécanismes hiérarchiques. Paradoxalement, les dispositifs dans la création de la responsabilité

se transforment dans des procédures qui diminuent la qualité de la représentation qu’ils devaient

assurer. En même temps, ce processus permet aussi, en la présence des parlements faibles, la

centralisation du pouvoir au niveau des cabinets.

4.3.1 Quel type de bureaucratie en Roumanie postcommuniste ?

Le processus de la reconfiguration législative qui eût lieu en Roumanie après 1989 a

longtemps ignoré la réforme de l’administration publique. En l’absence d’un cadre légal qui

réglemente le fonctionnement du corps des fonctionnaires publiques, la Roumanie porta le signe

de la difficile l’articulation d’un appareil bureaucratique dans le sens wébérien243 du terme. C’est

241 L’ancrage de la société désigne un processus qui se déroule de haut en bas, dans lequel les élites politiques ne sont plus considérées en tant de l’expression de la société civile et en tant que représentants de divers intérêts dans la sphère décisionnelle, mais elles se concurrencent afin de développer des mécanismes de ralliement de la société civile par le biais des incitations positives, assurant de cette manière un effet de consolidation et de stabilisation. V. Leonardo Morlino, « La consolidation démocratique : La théorie de l’ancrage », Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 8, No.2, 2001, Pp. 245-267 (Pp. 253-254).242 A part de cette explication générale de l’émergence des procédures de politisation en Europe Centrale et Orientale, plusieurs facteurs favorisants furent invoqués par la littérature tels que : les caractéristiques du régime communiste et l’héritage historique (V. Herbert Kitschelt, « Linkages between Citizens and Politicians in Democratic Polities », Comparative Political Studies, Vol. 33, No. 6/7, 2000, Pp.845-879 (P.858), l’absence d’une société civile puissante et de la privatisation ont transformé les positions administratifs dans des positions clés dans la distribution des resources (Daniel Barbu, Republica absenta[La République absente], P.161), la manière dans laquelle les lois électorales et le système de partis se définirèent (Anna Grzymala-Busse, « Political Competition and the Politicization of the State in East Central Europe », Comparative Political Studies, Vol.36, No.10, 2003, Pp.1123-1147).243 Pour l’analyse du terme bureaucratie dans la conception de Max Weber voir Max Weber, « Bureaucracy » (Chap. VIII), dans Gerth et Mills, From Max Weber: Essays in Sociology, Oxford University Press, New York, 1958 Pp 196-267. Voir également Chap. VII « Politics as a Vocation », Pp. 77-128.

99

vers la fin des années 1990, que les premières mesures visant la création d’un appareil

bureaucratique autonome ont été adoptées. Neufs années après la chute du communisme, les

fonctionnaires publiques étaient toujours sujet du code du travail, employés et limogés de leurs

fonctions au bon gré du pouvoir politique en place244. Cette pratique se constitue ainsi dans une

tradition du corps administratif roumain. Les rapports Sigma avaient signalé à plusieurs reprises

le fait que « la tradition roumaine est que chaque ministère et institution […] disposent à leur gré

de leur propre personnel commençant par les procédures de recrutement jusqu’au limogeage, en

tant que domaine de compétence directe du pouvoir politique du ministre en place »245.

Table 5 La force du travail dans l’administration publique et dans la défense 1991-2006

Année 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998Administration publique

99000 112700 117000 125000 130600 125000 125100 130600

Année 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006Administration publique

134000 141000 146700 142600 148100 154800 159400 173200

Sources : Statistique territoriale 2007. Repères économiques et sociales régionales, Institut National de Statistique, Bucarest 2007 ; Annuaire statistique de la Roumanie, l’Institut National de Statistique, 1997, 2004, 2006.

Au niveau général, au-delà des mécanismes décrits par les rapports européens, il est

difficile à identifier le taux réel de la politisation du corps administratif en Roumanie

postcommuniste. Ce qu’on peut observer cependant sont des variations au niveau du taux global

des membres de l’appareil administratif, en fonction de la période pré ou post électorale.

L’observation est d’autant plus difficile vu le fait que les chiffres existants portent sur l’ensemble

du personnel administratif et non pas sur les personnes occupant les positions dirigeantes qui

sont généralement les plus affectées par la politisation politique. Néanmoins, on peut déceler

l’existence de deux grandes périodes. Jusqu’en 2002, moment dans lequel le statut du

fonctionnaire public n’est pas entièrement implémenté, quand la taille du corps administratif

varie en fonction des cycles électoraux et après cette date, quand on assiste à un processus

d’accroissement constant du nombre des fonctionnaires publics. La reconfiguration de la logique

244 Cornelia Lefter, « Country Report: Romania. Civil services Report and State Administration (CSSA) », 31, March 1999, www.oecd.org/dataoecd/53/8/1850069.pdf.245 Support for Improvement in Governance and Management in Central and Eastern European Countries (SIGMA) reports “Romania Public Service and the Administrative Framework Assessment”, Sigma 2002, P.11. http://www.sigmaweb.org/dataoecd/41/8/34989490.pdf

100

du personnel n’implique cependant pas l’absence de politisation, les deux modèles de

comportement peuvent être interprétés comme marque d’une politisation opérée différemment246.

De la sorte, on peut observer une fluctuation du nombre général des fonctionnaires. A

l’exemple en 1995, il y avait 130.607 fonctionnaires, en 1996 (année électorale) 125.145 tandis

qu’après l’alternance au gouvernement il y avait 130.344. De telles variations sont identifiables

aussi dans l’histoire plus récente du pays. En décembre 2000, on assiste à une diminution du

nombre des fonctionnaires, en mars 2001 il y avait 115.000 fonctionnaires publics, en 2002

135.000 et en juin 2003 on voit de nouveau une diminution importante à 110.505 fonctionnaires.

Cependant, la simple présentation des chiffres ne permit pas d’affirmer d’une manière irréfutable

que toutes ces fluctuations sont le résultat des politiques de personnel soumises à la

politisation247. La haute fonction publique est considérée comme hautement politisée (le rapport

de la Commission européenne 1999). On peut ainsi envisager un processus de politisation forgé

dans deux manières : par le haut (la cooptation du personnel administratif dans les partis se

trouvant au pouvoir) ou par le bas (par le limogeage du personnel détenant des hautes fonctions

dans l’appareil administratif et leur remplacement par des fidèles du parti)248.

La Loi du fonctionnaire publique 188/1999, adoptée tardivement par rapport à d’autres

pays de l’Europe Centrale et Orientale249, suite aux demandes explicites de l’Union européenne

lors du processus de négociation de l’adhésion, n’a pas mis fin au processus de la politisation de

l’appareil bureaucratique. Les nouvelles formules de patronage émergèrent qui ont enregistré une

transformation d’un référentiel personnalisé vers un processus stratégique, guidé d’une manière

programmatique par les partis au gouvernement. Les effets de l’adoption de la loi ne furent pas

immédiats250. L’article 97 de la loi introduisit cependant certaines modifications qui ont permis le

gel de la structure du personnel de l’administration publique centrale. Cette stipulation fut à

246 Conor O’Dwyer, Op.Cit., Pp. 520-553.247 V la liste des rapports de la Commission Européenne et des rapports Sigma.248 Pour la description des deux stratégies V. Guy Peters, Jon Pierre, « The politicization of the civil service : concepts, causes, consequences », Idem (eds.), The politicization of the Civil Service in Comparative Perspective. The quest for control, Routledge, London, New York, 2004, Pp.1-14.249 La Roumanie est un des derniers pays à adopter le Statut des fonctionnaires publics. Les autres pays de la région ont adopté de telles législations beaucoup plus en avant : la Slovénie en 1992, l’Hongrie et la Lettonie en 1993, Estonie en 1995, en 1996 la Pologne et en 1998 la Bulgarie. Le seul pays qui adopta la loi du fonctionnaire publique après la Roumanie fut la République Tchèque. V A. Grzymala-Busse, « The Discreet Charm of Formal… », Pp. 277-278250 Les rapports Sigma de 2002 et 2004 précisent que le processus de création d’un corps de fonctionnaires publiques autonomes fut retardé aussi par l’absence de l’adoption de la législation secondaire concernant les procédures de recrutement qui furent mises en route qu’en 2001 et qui dans la plupart des cas n’ont jamais appliqués.

101

l’origine de la continuité des pratiques de politisation, les nouveaux gouvernements essayant

d’ancrer leur propre personnel dans l’appareil administratif251.

L’adoption d’un cadre législatif plus restrictif avait permis la protection partielle des

droits des hauts fonctionnaires, nonobstant, la loi offre peu de protection à ceux qui occupent une

position de direction et qui ne peuvent pas bénéficier de la protection des syndicats (car ils n’ont

pas le droit d’en devenir membres252). De la sorte, le processus de politisation de la bureaucratie

continua, cette fois-ci par l’utilisation des diverses stratégies coordonnées par le parti au

gouvernement telles que l’instrumentalisation de certaines lacunes dans la législation, la

continuelle reconfiguration législative du domaine253, le retard ou voir même le refus dans

l’implémentation des nouvelles réglementations. De cette façon, la politisation garda son

caractère de personnalisation254 essayant en même temps de préserver l’apparence de la légalité,

ou au moins le respect de certaines procédures.

Entre les stratégies mobilisées afin d’assurer le changement du personnel dans les

positions administratives clé, l’une a visé la réduction du personnel administratif d’une manière

urgentée. A l’exemple, en 2003, le cabinet Năstase essaya d’introduire des quotas pour les

positions dirigeantes dans l’administration. Le nombre des décideurs dans les ministères fut

réduit de 20000 à 8000. L’application rapide de cette réglementation avantagea nettement les

251 En ce sens un des anciens leaders de l’Agence Nationale de la Fonction Publique, nous déclara : “ Ils sont chassés, au niveau des plus hautes positions de l’administration centrale, le secrétaire général et les directeurs des ministères. Il s’agit d’une véritable chasse. On les aligne et on leur dit : « Tu as travaillé avec l’autre personne. Tu as 48 heures ou 72 heures à présenter te trouver un nouveau emploi : » Bien évidemment les choses ont changé et si on est intransigeant on peut s’opposer. » (Entretien avec Romeo Postelnicu, ancien président de l’Agence des Fonctionnaires Publiques, réalisé le 5 mars 2006). Ces déclarations sont soutenues aussi par le chef de l’Union syndicale des Fonctionnaires Publiques, Vasile Marica qui invoque l’instrumentalisation de l’argument du potentiel de blocage des fonctionnaires publiques en tant que raison « de limogeage, permettant la nomination des parents, des neveux ou des amis dans les portefeuilles restants vides ». Pour ce leader il n’y a pas de séparation entre le politique et l’administratif (Entretien avec le leader de l’Union des Syndicats des Fonctionnaires Publics,Vasile Marica, dirigé le 12 février 2006).252 Support for Improvement in Governance and Management in Central and Eastern European Countries (SIGMA) reports “Romania Public Service and the Administrative Framework Assessment”, 2003, http://www.sigmaweb.org/dataoecd/41/10/34989438.pdf , P.4. 253 La loi no 188 du 8 décembre concernant le Statut de fonctionnaires publiques fut republiée à deux reprises en mars 2004 et en Mai 2007 et souffrit depuis son adoption à la fin de l’année 1999, 25 modifications dont 19 suite à d’autres lois et six comme conséquence de l’application des ordonnances d’urgences. V. www.cdep.ro254 Le rapport Sigma de 2002 précisait : « le connexions politiques et personnelles des fonctionnaires publics sont les seuls facteurs qui comptent lorsqu’il s’agit de la promotion et du développement de leur carrière » et le même type de rapport en 2005 montrait que « qu’il y a des réglementations concernant le recrutement et le limogeage des fonctionnaires qui ne sont pas strictement appliqués par le gouvernement en place »(V. Sigma 2005 Http://www.oecd.org/dataoecd/55/40/35850904.pdf, P.6).

102

personnes le plus informées à cet égard, détenant des ressources privilégiées255. La

restructuration du gouvernement et la modification des organigrammes étaient une autre manière

de contrôle des nominations et des limogeages dans l’appareil administratif. La création de

nouveaux ministères qui récupérèrent les activités des anciennes, tout comme la transformation

de certains ministères dans des agences gouvernementales ont permis à l’exemple en 2001 l’écart

d’un tiers des fonctionnaires publiques de l’administration centrale (Sigma 2002). Il faudrait

cependant mentionner qu’il est difficile d’estimer l’ampleur des procédures de destitution, car

très peu de fonctionnaires publiques ont déclaré qu’ils ont été limogés pour des raisons politiques

et ils se sont tournés vers la justice256. En outre, les représentants syndicaux des fonctionnaires

publiques de l’époque soutinrent l’idée selon laquelle, l’Agence des Fonctionnaires Publics

n’avait pas enregistré toutes les pétitions réclamant une forme de politisation dans la destitution

de la fonction257. D’autres procédures ont été aussi développées telles que la duplication des

structures administratives par des structures politiques (augmentation visible du corps du

personnel contractuel) ou le contrôle des concours258.

La tendance vers la politisation de l’administration rencontrée au niveau national est aussi

visible au niveau local, suivant des stratégies similaires. De la sorte, au niveau des villes il y

avait un vrai débat contre la transformation des fonctions des managers publics dans des

positions contractuelles (rapport Sigma 2005). En outre, la mise en pratique de la décision selon

255 A savoir le limogeage d’un tiers des fonctionnaires publics en 2001 a été réalisé suite à l’application « d’un test de compétence » dont les critères restèrent incertains, afin de valider leur nomination en fonction en tant que résultat de l’application du Statut du fonctionnaire public (Sigma 2002, V. Cristian Ghinea, « Managerul public nr. 1. O alegere periculoasa. Politizarea in administratia publica centrala [Le manager public. Un choix dangereux. La politisation de l’administration publique centrale]”, ww.sar.org.ro/files_h/docs/advocacy_foia/10_pm1.pdf). La même procédure fut reprise en 2003. De la sorte un secrétaire d’Etat de la période nous a déclaré: « la formule de simplification a produit du mécontentement au niveau de tous les fonctionnaires publiques. Certains sont restés chefs autres pas. Et puis, évidemment, on a du décider qui reste et qui part. Cela ne pouvait pas être décidé dans deux jours s’il fallait appliquer les critères de performance, donc le seul critère appliqué fut celui du népotisme…Les choses se sont passées que dans quelques jours. Quel fut le résultat ? Les meilleurs n’ont pas été sélectionnés et les pires ont été promus dans les positions dirigeantes et ce sont eux ceux qui décident à présent dans les ministères. », Entretien avec un secrétaire d’Etat du Ministère du Travail du cabinet Năstase, réalisé en janvier 2005).256 Cela permit aux officiels de l’Agence Nationale des Fonctionnaires Publics de déclarer: « Il est difficile à introduire dans la conscience de quelqu’un qu’il a le droit à se défendre, nous n’avons rien fait car on n’avait pas eu des complaintes écrites…Quand ils se sont décidés d’agir en justice, ils gagnèrent. Certains nous ont appelés en accusant le fait d’être limogé pour des raisons politiques. Quand, j’avais appelé le ministre, il m’avait dit que ceux-ci avaient participé activement à la campagne électorale. ». Par ailleurs, l’argument de la mobilisation de l’appareil administratif durant la campagne électorale est soutenu également par les rapports de surveillance des campagnes électorales de l’Association Pro Democratia de 2000 et 2004 (www.apd.ro). 257 Entretien avec l’ancien leader du Syndicat des Fonctionnaires Publics, Janvier 2006.258 Un ancien leader de l’Agence des Fonctionnaires publics, Romeo Postelnicu, nous déclara « le problème principal vise le problème de l’équité des concours. Sincèrement, à présent, dans les meilleurs des cas 30-35% des concours se passent d’une manière correcte, mais on espère à arriver à un taux de 85% »

103

laquelle à partir du janvier 2006 les préfets ont obtenu le statut de fonctionnaire public a

engendré beaucoup d’effets pervers. Les préfets en fonction ont du ainsi renoncer à leurs

affiliations politiques et passer un concours. Néanmoins, il n’y avait pas une structure ouverte de

compétition, ce qui avantagea nettement ceux qui étaient déjà en fonction. De 42 portefeuilles de

préfet, 39 ont été occupés par les anciens préfets démissionnaires de leurs fonctions d’origine259.

L’appareil administratif tel qu’il s’est développé au début des années 1990 peut être

décrit par une politisation accentuée de la fonction publique. Les logiques personnelles, parfois

clientélistes ont décrit plutôt la politique du personnel en ce domaine. Malgré l’introduction des

limites législatives, le phénomène est toujours présent, mais il a une portée plus réduite en

imbriquant plutôt des comportements stratégiques et non pas des caractéristiques systémiques.

Cependant la constance du processus de politisation sur la scène politique détermina la création

des relations de dépendance de l’administration par rapport à la politique qui permet de

préfigurer l’existence d’un principe de loyauté et non pas des relations de responsabilité entre le

volet politique et le volet administratif du gouvernement.. Cette structuration de la scène

gouvernementale engendra de cette manière une concentration du pouvoir au niveau politique

des exécutifs.

5. En guise de conclusion

Le contexte politique roumain fut marqué par une concentration du pouvoir au niveau de

l’exécutif. Le rôle important des cabinets au niveau de l’initiative législative, la multiplication

des décisions gouvernementales portant sur des diverses politiques ainsi que le faible pouvoir de

contrôle du Parlement ont permis une autonomisation de l’exécutif qui détienne un monopole

décisionnel.

L’effet de la délégation du pouvoir de la part du législatif vers l’exécutif ne visa

cependant pas tout l’exécutif. Un pouvoir présidentiel circonscrit et une politisation du corps

administratif menèrent à une autonomisation du cabinet, et donnèrent une marge de manœuvre

très large au personnel politique du gouvernement. De la sorte, les prescriptions

259 Sigma Report, “Romania. Public Service and the Administrative Framework, Assessment”, mars 2006, P.3, http://www.oecd.org/dataoecd/7/5/38218637.pdf

104

constitutionnelles qui ne sont pas clairement définies, mais aussi l’extrapolation des stipulations

légales consolidèrent la position des cabinets roumains en tant que centres du pouvoir

décisionnel. L’agencement institutionnel, tout comme la pratique politique, a consacré une

centralisation excessive de la sphère politique. Durant les premières années du postcommunisme

roumain le régime politique peut ainsi décrit par un centralisme démocratique260 . La séparation

des pouvoirs favorisant nettement le cabinet, un pouvoir administratif unifié avec des relations

hiérarchiques et de subordination, la politisation excessive de l’appareil bureaucratique décrivent

le nouveau système politique en place.

Cependant, ces caractéristiques générales sont nuancées à travers le temps. A partir de

l’année 2000 on assiste à une croissance de l’activité parlementaire. Censé à reconfigurer le

caractère de la démocratie de délégation, en l’absence des mécanismes de contrôle plus

puissants, ces transformations conduisent plutôt à l’atomisation des centres de pouvoir ayant leur

propre logique et non pas à la création d’une chaîne de délégation dans le sens classique (voir le

graphique 2). De la sorte, en ce qui concerne la concentration du pouvoir au niveau de la

formulation des politiques, le cabinet se constitue dans un noyau dur décisionnel du

postcommunisme roumain et les partis au gouvernement représentent la source principale

du changement politique durant la période.

Etant donnée cette centralisation du pouvoir au niveau du personnel politique des

exécutifs et donc au niveau du parti au gouvernement. Or, à cet égard, comme on le verra dans ce

qui suit, il existe des interprétations concurrentielles quant à l’impact concret des partis qui

forment l’équipe gouvernementale. Généralement, la plupart les études (visant l’activité politique

du gouvernement) n’ont pas pris en compte l’influence des acteurs politiques dans l’articulation

de la prise de décision, mais elles ont considéré que l’activité de l’exécutif peut être entièrement

comprise lorsqu’on se rapporte aux caractéristiques des partis au gouvernement. En ce contexte,

les élites politiques seront plutôt à considérer en tant qu’éléments résiduels dans la

compréhension de la prise de décision politique.

260, Klaus H. Goertz, Helen Z. Margetts, « The Solitary Center: The Core Executive in Central and Eastern Europe », Governance. An International Journal of Policy and Administration, Vol. 12, No.4, octobre 1999, Pp. 425-453 (P.445)

105

Figure 2 La délégation et la responsabilité dans le régime semi-présidentiel roumain au niveau de la pratique

Avant de procéder à toute recherche quant à une influence possible des acteurs

gouvernementaux sur les décisions des exécutifs, il faudrait tout d’abord vérifier si les attributs

des partis gouvernants n’épuisent pas l’explicitation des politiques gouvernementales. De la

sorte, en ce qui suit, nous décrypterons la seconde facette du gouvernement visant la dimension

partisane de la prise de décision. Nous investiguerons ainsi le pouvoir explicatif du

comportement des partis gouvernants dans la compréhension des décisions entamées. Est-ce que

le parti au gouvernement en tant qu’acteur unitaire peut-il rendre compte de l’activité

gouvernementale ? Est-ce que les relations de délégation et de responsabilité à l’intérieur des

cabinets sont-elles de facto des épiphénomènes des actions du parti au gouvernement ?

Faible

LE CABINET- niveau politique= le parti se trouvant au gouvernement

Faible

L’électorat

Parlement

Premier Ministre

Ministre 1 Ministre 2

Secrétaire d’Etat

Secrétaire d’Etat

Secrétaire d’Etat

Secrétaire d’Etat

Président

Adm. 1 Adm. 2 Adm. 3 Adm. 4

Dep Dép. Dep Dep

INCONNUE

106

CHAPITRE 2

PARTIS AU GOUVERNEMENT : Limites explicatives de la prise de décision

Dans un cadre général de la concentration du pouvoir décisionnel au niveau de l’exécutif, il est important à se demander sur l’existence d’un comportement unitaire du parti au gouvernement. Est-ce que les caractéristiques des partis au gouvernement ne sont-elles pas suffisantes pour la délimitation et la compréhension des politiques et de l’action gouvernementale en général ?

En se penchant sur une étude des dépenses gouvernementales ainsi que sur l’agenda des politiques que les gouvernements ont adoptées, nous essayerons d’établir si les acteurs politiques n’occupent-ils pas un rôle secondaire, n’ayant pas de pouvoir explicatif dans l’articulation de la prise de décision et dans la délimitation des rôles des exécutifs. De la sorte, ce chapitre se constitue dans une investigation des conditions de possibilité dans la délimitation du rôle des élites politiques gouvernementales.

LA THÉORIE PARTISANE DE LA PRISE DE DÉCISION: UNE LIMITE DANS L'AFFIRMATION DU RÔLE DES ELITES▪ LE PARTI AU GOUVERNEMENT ET LA PRISE DE DÉCISION▪ LA CONSTRUCTION DU MODELE ANALYTIQUE ▪ COURT INTERMEZZO ; L'IMPORTANCE DU CONTEXTE ▪ QUELLES TENDANCES GENERALES DANS LES DEPENSES GOUVERNEMENTALES ? ▪ LES FILTRES DECISIONNELS AU NIVEAU DE LA FORMULATION DES POLITIQUES PUBLIQUES▪ A LA RECHERCHE D'UNE VUE D'ENSEMBLE: QUELLES CONVERGENCES DANS L'ACTIVITE GOUVERNEMENTALE▪ EN GUISE DE CONCLUSION

1. La théorie partisane de la prise de décision : une limite dans l'affirmation du rôle des élites

Comme dans le cas des démocraties parlementaires consolidées, l’échelon

gouvernemental en Roumanie bénéficia d’une concentration du pouvoir décisionnel. Cependant,

la concentration du pouvoir au niveau d’une institution ne vise pas nécessairement les élites

politiques qui peuplent ces portefeuilles. Ce sont les partis politiques au pouvoir, en tant

que « principaux véhicules organisationnels dans le cadre desquels l’action politique prend

place »261 ceux qui ont été plutôt considérés en tant que les grands facteurs explicatifs de la prise

de décision politique. Le processus de la formulation des politiques, censé mettre les problèmes

sur l’agenda publique, définir les priorités au court et long terme, choisir les moyens appropriés

et implémenter les décisions à l’intérieur d’un cadre institutionnel262 devient ainsi une

prérogative essentielle des ces organisations politiques. Par conséquent, le gouvernement comme

facteur intégratif des politiques gouvernementales263 s’institutionnalisa comme le domaine

régalien d’action des partis politiques. Par conséquent, les élites politiques gouvernementales

seraient à considérer plutôt en tant qu’éléments résiduels dans la compréhension du processus de

la prise de décision.

Ce chapitre constitue donc une interrogation portant sur les conditions de possibilité

d’établir un impact des élites gouvernementales sur l’activité des exécutifs. En partant de la

prémisse de l’existence d’une relation entre le politique et les décisions entamées par les

gouvernements, on essayera à fournir une réponse à la question suivante : Est-ce que les acteurs

gouvernementaux peuvent être considérés que des éléments secondaires dans l’explicitation de la

prise de décision ? Ou, d’une manière reformulée, Est-ce que les partis au gouvernement sont-ils

suffisants dans la compréhension de l’impact du politique sur l’articulation de l’activité

gouvernementale ?

261 Kaare Strom, Wolfgang C. Muller, « Political Parties and Hard Choices », Kaare Strom, Wolfgang C. Muller (eds.), Policy Office or Votes? How Political Parties in Western Europe Make Hard Decisions, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, P.1.262 Anton Steen, Op.Cit. P.285.263 Patrick Dunleavy, Richard A. W. Rhodes, « Core Executive Studies in Britain », Public Administration, Vol. 68, No.1, 1990, Pp. 3–28 (P.4).

108

2. Le parti au gouvernement et la prise de décision

L’idée selon laquelle la prise de décision gouvernementale est fondamentalement influée

par la composition politique du gouvernement, par les partis politiques qui en font partie, se

trouve à la base de la démocratie représentative. Si on était à la rejeter « le but même des

élections devient obscure »264. Les mécanismes de base du fonctionnement démocratique

impliquent l’idée que les partis politiques actionnent en tant que couronne de transmission entre

les différentes préférences politiques des électeurs et les politiques que le gouvernement entame.

Reliant les électeurs à la prise de décision, à la formulation et l’implémentation des politiques,

les partis au pouvoir seront ainsi le ressort principal de l’explication du fonctionnement

gouvernemental.

Dans cette perspective, au niveau idéal typique, un regard « idéalisé d’un gouvernement

responsable » 265 envisagerait la chaîne de délégation construite de la manière suivante : le corps

électoral en entier délègue ses compétences à un parti politique (ou à des partis politiques) qu’il

choisit à la base des propositions des politiques comprises dans le programme du parti et, le(s)

parti(s), une fois au gouvernement, traduit à son tour sa plateforme électorale dans des politiques

menant à des résultats en concordance à ses propos électoraux. Dans ce cadre idéal typique,

l’analyse des partis au gouvernement aurait, comme le montre Hans Keman, une double fonction

: d’une part d’explicitation des politiques et de leurs résultats, et de l’autre, de rendre compte du

degré dans lequel la gouvernance démocratique soit assurée par le fonctionnement du système

politique266.

L’affirmation même du rôle du parti au gouvernement en tant qu’acteur unitaire qui

détermine la prise de décision, se nourrit de toute une série de présupposés (conditions de

nécessité qui restent cependant non investiguées de la plupart d’études empiriques) portant sur

les comportements politiques tels que la responsabilité des partis devant l’électorat et leur

capacité de contrôler la prise de décision et de formuler des politiques en accord avec les

principes de leurs programmes politiques. De cette façon, sans ignorer l’importance d’autres

264 Ian Budge, Michael J. Laver, « The Relationship between party and coalition policy in Europe : An empirical synthesis», dans Idem (eds.), Party Policy and Government Coalitions, St. Martin Press, 1992, Pp. 409-431 (P.409)265 D. Judge, Representation: Theory and Practice in Britain, Routledge, Londre, 1999, P. 71266 Keman Hans, « Parties and Government. Features of Governing Representative Democracies », Richard Katz, Crotty (eds.), Op.Cit., Pp. 160-175 (P. 161).

109

facteurs (économiques, culturels et systémiques) déterminant le processus de la prise de

décision267, la théorie partisane de l’action gouvernementale considéra les partis en tant

qu’acteurs centraux et unitaires dans la formulation des politiques268. La plus grande polarisation

idéologique, la couleur politique du gouvernement, la présence d’un parti pivot dans le système

influenceraient directement sur les politiques adoptées par les partis au gouvernement

notamment en ce qui concerne la politique budgétaire des exécutifs (la structure des dépenses)269.

Le parti au gouvernement (ou les coalitions des partis270), décrit par un double ressort, celui de la

maximisation du nombre des portefeuilles (office-seeking behaviour) et celui de la mise en

pratique des politiques qui leur sont plus proches d’un point de vue idéologique (policy-seeking

behaviour)271 aurait, de cette manière, un impact sur les politiques publiques adoptées au moins

d’un point de vue de la gestion des ressources.

Formulée de cette manière, la théorie partisane de l’action gouvernementale trouve ses

limites dans les présupposés mêmes de l’existence d’un parti au gouvernement. Par conséquent,

la pertinence du modèle serait à mettre sous le signe d’interrogation à cause des reconfigurations

des systèmes de partis. De sorte, comme le montre Peter Mair272, la décroissance de la

polarisation idéologique (notamment du clivage entre la gauche et la droite), le développement

d’un comportement politique de type attrape-tout, la tendance à former des coalitions qui

ignorent la dimension idéologique, la reconfiguration des partis politiques qui tournent vers une

« politique de la dépolitisation» sont des facteurs menant à la mise en doute d’un modèle d’un

parti au gouvernement même dans les démocraties occidentales. Devant un électorat de plus en

267 En considérant les résultats des politiques gouvernementales comme relevant du domaine d’étude de l’administration publique et étant expliqués par des éléments tels que le développement et la croissance économique, le changement structurel de la société ou des trajectoires de dépendance des divers pays, la littérature portant sur les gouvernements a longtemps ignoré l’importance des facteurs politiques dans la définition de la prise de décision gouvernementale. V. Hans Keman, « Policy Making Capacities of European Party Government » dans Kurt Richard Luther, Ferdinand Muller-Rommel (eds.), Political Parties in New Europe, Oxford, Oxford University Press, 2002, P.212. Pour une revue de la littérature visant le développement de l’analyse des politiques gouvernementales v. Pp. 210-215.268 Keman Hans, « Parties and Government. Features of Governing Representative Democracies », P. 160.269 Hans Keman, « Policy Making Capacities of European Party Government », Pp. 217-224. V. également Ian Budge, Hans Keman, Parties and Democracy. Coalition Formation and Government Functioning in Twenty States, Oxford University Press, Oxford, 1990.270 Pour une discussion sur la relation entre les coalitions des partis et les politiques gouvernementales voir Ian Budge, Michael J. Laver, Op.Cit. Pp. 409-431271 Hans Keman, « Parties and Government. Features of Governing … », P132.272 Peter Mair, « The Challenge to Party Government », West European Politics, Vol. 31, No. 1 & 2, janvier 2008, Pp. 211 – 234. Pour une discussion sur la nature du parti au gouvernement et les défis de celui-ci voir également Mark M. Gray « Promising Parties: Can Parties in Government still Deliver? », European Review, Vol. 16, No. 3, 2008, Pp. 305–318

110

plus amorphe d’un point de vue social et un acte gouvernemental déroulé plutôt dans une logique

de la discrétion politique, les partis au pouvoir seraient ainsi de moins en moins responsables

devant l’électorat et incapables d’offrir d’alternatives politiques fondées idéologiquement. Dans

la logique de Mair, on assisterait plutôt à l’instauration des tendances d’uniformisation générale

de la politique gouvernementale qui poursuivrait plutôt des dispositions lourdes conditionnées

historiquement ou des intérêts particuliers du moment273. Les discordances dans les politiques

gouvernementales se construiront plutôt à partir d’une logique de contradiction de la politique

menée par l’ancien gouvernement que par le biais d’un référentiel idéologique polarisant. Dans

ce cadre général, les partis formant les exécutifs seront caractérisés par un affaiblissement

systémique qui ne leur permettrait pas d’influer substantiellement le contenu des politiques et

attaqueront donc la valeur heuristique de l’application du concept de « parti au gouvernement ».

3. La construction d’un modèle analytique

La théorie partisane de l’action gouvernementale ainsi que les contestations actuelles

visant la capacité des partis au gouvernement d’influer substantiellement la direction des

politiques publiques élude le rôle des élites politiques du processus de la prise de décision.

Partant de la prémisse d’un possible rôle du politique dans l’articulation décisionnelle, ces

théories supposent une uniformité du comportement des acteurs politiques au gouvernement soit

comme résultat du contrôle du parti, soit en tant que conséquence de la convergence des intérêts

politiques désidéologisées dans les sociétés contemporaines. L’impact du politique sur la

formulation des décisions reste ainsi enclenché dans les conditions systémiques et les effets des

élections sont circonscrits par le statut des partis à l’intérieur d’un système politique. A la base

de cette manière d’envisager l’impact des partis sur le gouvernement, deux types de

comportement peuvent être envisagés d’un point de vue des résultats des politiques que le

gouvernement entame.

Le premier type de comportement porte sur les partis au gouvernement en tant que

facteurs de distinction de la politique entre la gauche et la droite274. Dans cette perspective, les

273 Une telle tendance viserait ainsi la diminution du rôle de l’Etat providence en Europe Occidentale. Pour plus de details V. Maurizio Ferrera, « The European Welfare State: Golden Achievements, Silver Prospects », West European Politics, Vol. 31, No. 1 & 2 , Janvier 2008, Pp. 82 – 107274 L’axe principal dans l’analyse de cette action visa en principal les questions de la distribution des ressources en accord avec l’idée gauche-droite fondé sur les distinctions économiques V. B. Amable, D. Gatti, J. Schumacher,

111

politiques refléteraient substantiellement la division entre les cabinets en fonction d’une

affiliation idéologique des partis gouvernants transposée dans les différences émergeantes

entres le programmes gouvernementales. Les cabinets de droite, ayant un référentiel néolibéral

considéreraient ainsi que les différences ou les disparités sociales ou économiques sont le signe

d’une stabilisation de la compétition politique fonctionnelle, tandis que les cabinets de gauche,

d’une vision communautariste, seraient plutôt penchés vers une politique de redistribution plus

ou moins foncée275. Par ailleurs, on peut également anticiper que dans ce scénario, l’attention

accordée aux domaines décisionnels soit hiérarchisée en fonction de la famille idéologique du

parti au gouvernement : les conservateurs développeront plutôt des politiques visant la sécurité,

les affaires étrangères ou la justice, les libéraux vont privilégier les politiques économiques, la

justice, l’éducation, la sécurité interne, tandis que les socialistes étaleront surtout des politiques

dans les secteurs de la santé et la protection sociale, le travail, l’économie et l’industrie.276Ainsi,

l’alternance au pouvoir constituerait un moment de scissure dans la reconfiguration des logiques

décisionnelles et déterminerait une tendance stable de comportement des partis qui contrôlent la

formulation des politiques.

A l’opposé, le second type de comportement hypothétique vise plutôt la non-distinction

entre la gauche et la droite suite à une tendance de convergence des partis et de leurs politiques

vers le centre. Les gouvernements se caractériseraient par l’absence de discrimination notable

entre les cabinets au niveau des politiques qui s’accompagnèrent en même temps d’une politique

de rent-seeking. Cette politique de la non-discrimination substantielle devrait être identifiable

également quant au développement de l’agenda public. Les variations au niveau des politiques

seraient ainsi le résultat du contexte et ne pourraient pas ébranler la logique instituée dans la

prise de décision. Dans ce second cas, l’alternance gouvernementale ne constitue pas un point de

rupture essentiel dans le déroulement de l’activité politique.

Ces deux manières distinctes d’envisager la relation entre les partis politiques et le

gouvernement constituent deux manières idéales typiques de se rapporter au rôle du parti qui

gouverne. Elles mettent en exergue plutôt un principe d’uniformité : la première position -une

«Welfare-state retrenchment: the partisan effect revisited », Oxford Review of Economic Policy, Vol.22, No.3 , 2006, Pp. 426-444; David Bradley, Evelyne Huber, Stephanie Moller, Francois Nielsen, John D. Stephens, «Distribution and Redistribution in Postindustrial Democracies », World Politics, Vol. 55, No.2, 2003, pp. 193-228 mais elles peuvent porter également sur d’autres secteurs d’activité tels que les politiques d’immigration voir le numéro dédié à ce sujet de Journal of European Public Policy, (Vol. 15, No. 3, Avril 2008 , Pp. 453 – 464)275 Daniel Barbu, La République absente, P.117.276 V. Ian Budge, Hans Keman, Op. Cit., P. 97.

112

uniformité de vision sur la politique à l’intérieur des cabinets dirigés par les partis d’une certaine

affiliation politique, la seconde position, une uniformité trans -gouvernementale. Ce que les deux

approches ont cependant en commun est la construction des hypothèses à partir d’une série de

prémisses ou d’observations portant sur le comportement général de l’électorat et des partis

politiques en général pour finir avec l’élaboration des hypothèses quant au rôle central ou limité

des partis politiques en tant qu’organisations. En partant des prémisses différentes d’un point de

vue empirique sur le profil électoral et le comportement des partis on construit une démarche qui

explique la prise de décision politique.

Dans ce qui suit, on procédera plutôt à une approche renversée, en développant notre

démarche à partir d’une mise en examen des politiques gouvernementales. On se propose donc

de décrypter le type de politiques que les gouvernements postcommunistes roumains avaient

menées, en mettant en exergue quelles sont les limites explicatives des deux visions présentées

quant à la compréhension de la relation entre la politique et la prise de décision gouvernementale

en Roumanie postcommuniste. On pourrait ainsi établir les possibles degrés de liberté du

comportement gouvernemental par rapport à la théorie partisane de la prise de décision. Par la

suite, ce chapitre concernera la question : En quelle mesure la présence d’un certain parti au

gouvernement peut-elle rendre compte de la position du gouvernement à l’égard des politiques

adoptées ? Ou autrement dit, les caractéristiques des partis représentés dans les cabinets ne

sont-ils pas suffisants pour la délimitation et l’explicitation des grandes politiques publiques

entamées après 1989 ?

Afin de retracer les référentiels décisionnels des gouvernements roumains deux grandes

variables seront prises en compte : les allocations budgétaires des cabinets roumains

postcommunistes et l’articulation de l’agenda gouvernementale durant cette période. De la sorte,

en considérant que la préparation du budget annuel est la plus difficile tâche gouvernementale,

demandant à la fois un effort de coordination de la part de tous les ministères, mais aussi influant

tous les secteurs gouvernementaux d’une manière non cumulative277, on procédera à une analyse

de la distribution des fonds alloués par les cabinets roumains postcommunistes. Nous

considérons ainsi que les plus grandes différences quant à un référentiel néolibéral ou

277 Ainsi pour l’augmentation des allocations budgétaires dans un domaine il faudrait diminuer les ressources allouées à un autre domaine, ce qui implique un choix réel dans l’hiérarchie des préférences d’un gouvernement en place. V. Vesselin Dimitrov, Klaus H. Goetz, Hellmut Wollomann, Governing after communism, Institutions and Policy Making, Rowmann and Littlefield Publishers, Lanham, Boulder, New York, Toronto, Oxford, Pp. 38, 240.

113

communautaire devraient apparaître à ce niveau qui représente le domaine identifié par les

études empiriques où l’influence de la couleur politique des partis politiques est la plus visible.

En même temps, on peut imaginer que l’intérêt d’un parti politique pour un certain

secteur d’activité n’est pas toujours accompagné par un accroissement des subsides allouées au

niveau budgétaire. L’étude des allocations budgétaires n’est pas suffisante afin d’établir la

direction des politiques d’un cabinet. Surtout dans le cadre de démocratisation, les réformes

entamées ou la reconfiguration d’un secteur d’activité ne sont pas nécessairement corrélées aux

taux de dépenses du domaine en cause. On avait ainsi considéré relevant de rajouter un second

indicateur de l’activité gouvernementale concernant l’agenda politique des cabinets stricto sensu.

En procédant à une analyse du nombre des décisions gouvernementales touchant les principaux

domaines d’activité des cabinets, on essayera d’établir une hiérarchie des préférences pour

certaines politiques des acteurs politiques au pouvoir et d’établir une possible relation entre cet

agenda et le profil des partis qui gouvernent278.

4. Court intermezzo : l’importance du contexte

Les théories visant l’importance ou voir même l’absence de pertinence du concept du parti au

gouvernement ont été développés pour les cas des démocraties stables. De la sorte,

l’investigation même de tels effets présumés en Europe Centrale et Orientale soulève deux

grandes difficultés visant d’une part, (a) la validité de l’application de la théorie partisane avec

tous ses présupposés implicites pour un pays en plein processus de démocratisation, et de l’autre,

(b) les distorsions produites par le caractère sui generis du contexte dans lequel une telle

investigation prend place. De la sorte, avant de procéder à une étude des politiques

gouvernementales, il faudrait éclaircir notre position quant à ces deux grandes séries de

difficultés et d’essayer à délimiter notre rapport aux aspects spécifiques qu’on peut présumer

d’apparaître dans le cas roumain.

278 Certes, le simple nombre des décisions gouvernementales portant sur un domaine peut s’avérer insuffisants en ce qui concerne l’ambition d’identifier l’intérêt pour une politique gouvernementale ou une autre. Une analyse de contenu de ces décisions aurait pu apporter beaucoup plus d’informations sur l’activité gouvernementale. Cependant le grand nombre de ces décisions fait impossible pour le moment de dresser un tableau exhaustif de l’activité gouvernementale. Néanmoins, nous avons essayé de combler cette lacune de l’étude en mobilisant des sources de second degré portant sur les lignes générales des contenus des politiques gouvernementales postcommunistes.

114

4.1 Sur la pertinence même de l’investigation du rôle du parti au gouvernement

La théorie partisane de l’action gouvernementale a été pensée à s’appliquer que dans les

cas où les identités idéologiques des partis politiques sont déjà cristallisées. Une possible relation

entre l’idéologie des partis qui expliquerait les changements des positionnements politiques dans

l’action gouvernementale implique donc un certain degré d’institutionnalisation des partis. Or, en

se tournant vers les caractéristiques de partis politiques en Europe Centrale et Orientale, on peut

remarquer le fait que ceux-ci peuvent plutôt être décrits en tant qu’ « utilités publiques »279,

gravitant autour d’un nombre restreint d’acteurs centraux et présentant de faibles articulations

idéologiques. Ces caractéristiques générales des partis sont également identifiables dans le cas

roumain. Dans un système de partis dont le principal parti socio-démocrate280 est considéré

durant la plupart de la période analysée en tant qu’un parti successeur « partiellement réformé »

qui ne réussit pas de processus de conversion281 et la catégorie des partis historiques est

caractérisée par une forte idéologisation discursive282 qui relève « d’une polysémie des

représentations de la droite »283, il est difficile d’envisager une polarisation idéologique capable

d’être transférée au niveau des politiques de la même manière que dans les démocraties stables.

Cependant, en utilisant l’idée d’une « homologie formelle » avec les partis des

démocraties stables, les antagonismes observés sur la scène politique roumaine postcommuniste

peuvent suggérer la présence « d’équivalents structuraux » à ceux rencontrés dans d’autres

systèmes de partis plus consolidés284. D’ailleurs, on assiste durant la période postcommuniste à

un développement graduel d’une compétition électorale entre les partis politiques, une

compétition portant sur des propos qui visent la formulation des politiques publiques et

279 Ingrid Van Biezen, « Political Parties as Public Utilities », Party Politics, Vol. 10, No.6, 2004, Pp. 701-722.280 Le parti changea de dénomination. Dans ses formes antérieures le parti porta les noms suivants : le Front du Salut National, le Front Démocratique du Salut National, le Parti de la Démocratie Sociale en Roumanie, le Partie Social Démocrate. 281 Andras Bozoki, John Ishiyama, The Communist Successor Parties of Central and Eastern Europe, Armonk, M. E. Sharpe, New York, Londre, 2002, Pp. 6-9.282 Jean Michel De Waele, Petia Gueorguieva, « La difficile émergence des partis libéraux en Europe Centrale et Orientale », Pascal Delwit (ed.), Libéralismes et libéraux en Europe Centrale et Orientale, ULB, Bruxelles, 2002, P. 273.283 Cristian Preda, “Le système de parties et familles politiques en Roumanie postcommuniste”, dans Jean Michel De Waele (ed), Partis politiques et démocratie en Europe Centrale et Orientate, Humanitas, Bucarest, 2003, Pp. 283-284.284 Jean Michel De Waele, Antoine Roger, « La formation des clivages partisans en Europe Centrale et Orientale », Jean Michel De Waele (ed.), Les clivages politiques en Europe Centrale et Orientale, ULB, Bruxelles, 2004, Pp. 17, 25.

115

l’appropriation de certains thèmes saillants pour les électeurs285. Les exigences du renforcement

des structures économiques internes, la nouvelle discipline budgétaire plus stricte et la réforme

économique, visibles en fait dans des prises de parole et dans les documents électoraux des partis

politiques placés sur des positions minimalistes-maximalistes286 devraient trouver un miroir dans

les comportements des partis qui gouvernent.

Même si le terme de parti au gouvernement n’est pas approprié pour la réalité politique

roumaine (au moins durant les premières années de transition), la tendance de bipolarisation de

la scène politique287 et la consolidation de certains partis centraux constituent des éléments

suffisants pour une investigation des effets du profil des partis qui gouvernent sur les politiques

adoptées.

4.2 Le caractère sui generis du contexte décisionnel

Une deuxième limite dans l’identification des effets des partis politiques sur le processus

de la prise de décision est tributaire à la grande influence du contexte politique caractérisant le

cas roumain. La simultanéité du processus de transformation politique à celui de la

reconfiguration économique, ayant des natures différentes288, a des implications notables sur le

comportement des partis politiques et influe sur le processus décisionnel. De la sorte, la prise de

décision dans la région (la Roumanie n’en fait pas d’exception) ne peux pas être entièrement

dépouillée des effets de la construction institutionnelle ou de l’évolution de l’institutionnalisation

des partis politiques en tant que tels. En outre, deux autres éléments s’ajoutent donnant un

caractère sui generis de l’activité gouvernementale : l’héritage du communisme et la

conditionnalité européenne289.

Les héritages culturels et institutionnels du passé communiste influèrent l’activité

gouvernementale surtout durant la période de transition en limitant la capacité du gouvernement

285 Magit Tavits, « Policy positions, issues, importance and party compétition in New Democracies », Comparative Political Studies, Vol.41, No.1, Pp. 48-72(Pp. 49, 51)286 Jean Michel De Waele, Antoine Roger, Op. Cit. P. 19.287 Plusieurs analyses portent sur la polarisation du système de partis v Alexandra Ionescu, « Partis, régime politique et bureaucratie d’Etat dans le postcommunisme roumain », Studia Politica, Vol III, N°4, 2003, p.921-943 ; Cristian Preda, « Système politique et familles partisanes en Roumanie post-communiste », Pp.555-579 et « Les partis politiques dans le postcommunisme roumain », Studia Politica, Vol III N°4, 2003, p.943-987, Sorina Soare, Les partis potiques roumains après 1989, ULB, Bruxelles, 2004.288 Voir J.M. de Waele, «Les théories de la transition à l’épreuve de la démocratisation…», Pp. 29-59.289 Vesselin Dimitrov, Klaus H. Goetz, Hellmut Wollomann, Op.Cit., P.10, 23.

116

de répondre aux nouveaux défis relevés par le contexte postcommuniste. Durant le communisme

les structures étatiques étaient subordonnées aux structures parallèles du parti qui contrôlaient de

facto le processus décisionnel290. La tendance de l’adoption du modèle staliniste en Europe

Centrale et Orientale impliqua ainsi plusieurs éléments tels que l’industrialisation ayant à la base

la planification économique et la nationalisation des moyens de production, la collectivisation de

l’agriculture et l’abolition de la propriété privée.291 . Cependant, il faudrait préciser que la

préservation de ce modèle surtout durant la dernière étape du communisme a varié à travers les

divers pays et influa dans des manières différentes sur leurs développements politiques et

économiques ultérieurs292.

L’écroulement des régimes socialistes en Europe Centrale et Orientale apportait donc non

seulement une refonte institutionnelle de l’Etat et en particulier des processus décisionnels, mais

aussi le besoin d’une reconfiguration totale de l’économie par un vaste processus de

privatisation293. Les politiques décisionnelles entamées par les gouvernements postcommunistes

se diversifieront suite à des mesures adoptées d’une manière volontariste par les gouvernements,

mais aussi en fonction des divers héritages non uniformes du passé. Néanmoins, si la

performance des réformes politiques et économiques se différencie en fonction des divers points

de départ294, les chemins entamées afin de réaliser les transfigurations économiques et politiques

ont été dépendantes des politiques choisies par les gouvernements en place. Le choix d’une

thérapie de choque en Pologne ou d’une privatisation plus lente en Roumanie, les diverses

techniques de privatisation soit par la transformation des entreprises d’Etat dans des sociétés par

action, soit par la fermeture des entreprises en faillite ou par l’adoption du système de vouchers

290 Ibidem, P.30291 V. Vladimir Tismaneanu, Reinventarea politicului. Europa rasariteana de la Stalin la Havel [La réinvenion du passé. L’Europe de l’Est de Stalin à Havel], Polirom, Iasi, 1999(P.51), Katherine Verdery, « Ce a fost socialismul si de ce s-a probusit el? [Qu’est ce que le socialisme et pourquoi a-t-il atteint ses fins ?]», Vladimir Tismaneanu (eds.), Revolutiile din 1989: Între trecut si viitor [Les révolutions de 1989. Entre le passé et le futur], Polirom, Iasi, 1999, Pp. 75-99, Daniel Barbu, Op. Cit., P.57.292 Ainsi Vladimir Tismaneanu explique les évolutions politiques des pays postcommunistes et l’émergence des phénomènes tels que le ressentiment ou la dé satisfaction menant à la montée des mouvements ethnocratiques en les mettant en relation les traditions politiques instituées dans ces pays. Ainsi on pourrait diviser les pays de la région en trois grandes catégories : celles qui aboutissent à un expériment démocratique de succès (la Pologne, la république Tchèque, la Slovénie, les Etats Baltes), « le juste milieu » (la Bulgarie, la Roumanie et la Bulgarie) et les pays quasi-démocratiques (la Russie, la Moldavie, l’Albanie, la Biélorussie, la Serbie) V. Vladimir Tismaneanu, « Discomforts of Victory. Democracy, Liberal Values and Nationalism in Postcommunist Europe », Jan Zielonka, Peter Mair (eds.), The Enlarged European Union: Diversity and Adaptation, Frank Cass, Londre, 2002, Pp. 80–100 (P.81-82).293 A.Steen, Op.Cit., P. 326294 Attila Agh, The Politics of Central Europe, Sage, Londre, 1998, Pp.52-62.

117

accordés à tous les citoyens295 ont été des stratégies différentes engendrant des effets distinctes

dans les pays postcommunistes.

De même, les politiques sociales prirent des formes diverses suivant cependant des

reconfigurations en fonction de la période de transition et le processus de consolidation. De cette

manière, en dépit des phénomènes semblables quant à l’adoption d’une politique de libéralisation

du marche et des reconfigurations économiques ou la tendance commune de développer des

situations de crise fiscale au milieu des années 1990296, l’évolution des politiques et les avancés

chronologiques dans des secteurs divers changent d’un pays à l’autre. Or, c’est justement cette

variation dans les transfigurations dans les divers domaines celle qui donne les limites de

l’impact du passé sur les évolutions postcommunistes. La Pologne, l’Hongrie, la Tchéquie

malgré un passé communiste qui les rapproche, et malgré des avancés plus foncés quant aux

progrès économiques exhibent des différences notables entre les divers secteurs et entre les

diverses stratégies décisionnelles de réforme adoptées.

Le second grand facteur déterminant les politiques gouvernementales visa en principal la

conditionnalité européenne. Même si au début des années 1990 les négociations avec le Fond

Monétaire International et la Banque Mondiale, ainsi que les investissements externes297 ont joué

un rôle important quant à l’établissement des repères de la politique postcommuniste, la plus

grande contrainte sur la prise de décision gouvernementale porta forcement sur la reconfiguration

de l’activité afin d’accomplir les critères d’adhésion à l’Union européenne. Cependant, la

pluralité des modèles que l’UE exporta durant cette période298 ainsi le fait que l’acquis

communautaire contient plutôt des règles techniques que des stipulations normatives permit la

persistance de la diversité entre les divers pays de l’Europe Centrale et Orientale299. La

conditionnalité européenne a agi dans des façons différentes dans les pays de la région sans

mener à un effet d’homogénéisation générale des évolutions politiques.

295 A.Steen, Op.Cit., Pp. 327-328.296 V. Dimitrov, K. H. Goetz, H. Wollomann, Op.Cit, P.17297 Anca Mot, « Le passage du socialisme aux capitalismes. Déterminants sociohistoriques de la trajectoire polonaise et roumaine », Transitions, XLIII, 2002, No.1, Pp. 65-111.298 Heather Grabbe, « Europeanization Goes East: Power and Uncertainty in the EU Accession Process » dans Kevin Featherstone et Claudio Radaelli (eds.), The Politics of Europeanization, Oxford University Press, Oxford, Pp.303-330 (P.313)299Jan Zielonka, Peter Mair, « Introduction: Diversity and Adaptation in the Enlarged Union », West European Politics, Numéro spécial, The Enlarged European Union. Diversity and Adaptation, Vol. 25, No.2, 2001, Pp. 1-18.

118

En même temps, l’instrumentalisation du discours européen afin de légitimer les

politiques nationales, l’option pour un faible et réversible processus d’institutionnalisation des

nouvelles procédures en tant qu’une stratégie de préadhésion ainsi la capacité des institutions à

résister aux contraintes européennes (sous estimée dans une première étape par l’UE) mettent en

doute l’impact de facto de la contrainte européenne sur la dynamique décisionnelle interne300. De

la sorte, l’impact de l’européanisation fut lié à la question des divers héritages culturels,

économiques et politiques301 et rattaché plutôt à la volonté des acteurs politiques nationaux de

l’application des normes européennes. Entre le poids du passé et la fonctionnalité du principe

d’européanisation il y aurait ainsi un rapport renversé de proportionnalité qui passe cependant

par la volonté interne des acteurs politiques (à lire les partis politiques) d’appliquer ou pas les

réformes désirées. On pourrait par la suite considérer que même si les demandes européennes

influencent, en certains degrés, la prise de décision gouvernementale, l’ampleur même de cette

influence dépend des acteurs politiques internes et les voies choisies afin de réaliser la

convergence avec les autres Etats de l’UE dépendent des partis au gouvernement. Néanmoins,

l’importance des acteurs individuels et leur rôle dans l’intégration, même si largement reconnue

reste en grande mesure non explicitée302.

5. Quelles tendances générales dans les dépenses gouvernementales ?303

Même entre les pays de l’Europe Centrale et Orientale, le cas roumain exhibe tout une

série d’idiosyncrasies. La forme du communisme paroissial, la lenteur de la réforme, la difficile

articulation du champ politique sont que peu d’exemples portant sur la différenciation de la

Roumanie par rapport à d’autres pays de la région. Néanmoins, malgré les retards, le pays a

300 V. Dimitrov, K. H. Goetz, H. Wollomann, Op.Cit, Pp. 255-258, 301 Burzt relie le processus de l’européneisation des marchés internes avec les traditions économiques du passé V. Laszlo Bruszt, « Making markets and Eastern enlargement : diverging convergence? », West European Politics, Numéro spécial, The Enlarged European Union. Diversity and Adaptation, Vol. 25, No. 2, Avril 2002, Pp.121-140. 302 Peter Mair, «The Europeanization Dimension », Journal of European Public Policy, Vol. 11, No. 2, Avril 2004, Pp. 337 – 348. 303 Dans la construction de la structure événementielle de l’analyse nous avons employé Domniţa Ştefănescu. Cinci ani din istoria României. O cronologie a evenimentelor (decembrie 1989 – decembrie 1994)[Cinq années de l’histoire de la Roumanie. Une chronologie des événements (décembre 1989-décembre 1994)], Maşina de Scris, Bucureşti, 1998 ; Idem, Doi ani din istoria României. O istorie a evenimentelor (ianuarie 1995 – ianuarie 1997) [Deux ans de l’histoire de la Roumanie.Une histoire des événements (janvier 1995- Janvier 1997)], Maşina de Scris, Bucureşti, 1998; Stan Stoica, România. O istorie cronologică 1989-2002[Roumanie. Une histoire chronologique 1989-2002], ed. Meronia, Bucureşti, 2002, ainsi que les chronologies parus dans la colléction de la Revue Studia Politica.

119

poursuit une trajectoire similaire aux autres pays en ce qui concerne l’adoption des mécanismes

démocratique et de l’économie de marché. Dans ce qui suit, on se propose de décrypter, par le

biais d’une analyse des allocations budgétaires dans les principaux secteurs gouvernementaux304,

les principaux référentiels de la prise de décision. Est-ce que les partis qui ont détenu le pouvoir

exécutif en Roumanie ont-ils conduits des politiques budgétaires en accord à leur propre

affiliation idéologique ?

5. 1 Quel tableau général au niveau des projections budgétaires ?

En essayant de délimiter les grands domaines d’intervention des partis politiques : le

domaine économique, celui des questions sociales et culturelles et la question de la sécurité

publique, on regarda quelles ont été les principales lignes décisionnelles en Roumanie

postcommunistes. Nous procéderons donc à une analyse générale de la structure des dépenses

gouvernementales305 sur trois grandes dimensions qui sont les principaux domaines d’action

gouvernementale et où on avait identifié au niveau de la littérature des variations en fonction de

304 La partie qui s’ensuit procédera à l’analyse des lois des bugets telles qu’elles furent adoptées dans la forme initiale. A l’exception du budgét des premières deux années quand on prend en compte les rectifications bugétaires publiées après 1990, l’étude ignora les modifications ultérieures des allocations bugétaires. V. La loi no.20 du 26 février 1991, La loi pour la rectification du budget de l’Etat pour l’année 1990, M.Of. no. 41/1 mars. 1991; La Loi no.21 du 12 mars 1992 concernant la rectification budgétaire concernant le budgét de l’Etat pour l’année 1991, M.Of. no. 50/25 mars 1992 ; La Loi no.36 du 8 avril 1992, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1992 M.Of. no. 69/21 avril 1992; La Loi no.21 du 6 mars 1993, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1993 ; M.Of. no. 89/11 mai. 1993; La Loi no.36 du 9 juin 1994, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1994 ; M.Of. no. 148/10 juin. 1994 ; La Loi no.22 du 21 mars 1995, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1995, M.Of. no. 53/22 mar. 1995 ; La Loi no.29 du 6 mai 1996, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1996, M.Of. no. 91/6 mai. 1996; La Loi no.72 du 29 avril 1997, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1997; M.Of. no. 76/29 apr. 1997 ; La Loi no.109 du 3 juin 1998, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1998, M.Of. no. 207/3 iun. 1998; La Loi no.36 din 8 mars 1999 du budget de l’Etat pour l’année 1999, M.Of. no. 97/8 mar. 1999; La Loi no.76 du 4 mai 2000 du budget de l’Etat pour l’année 2000 ; M.Of. no. 195/5 mai. 2000; La Loi no.216 du 26 avril 2001 La Loi du budget de l’Etat pour l’année 2001, M.Of. no. 214/26 apr. 2001; La Loi no.743 du 6 décembre 2001 du budget de l’Etat pour l’année 2002, M.Of. no. 784/11 dec. 2001; La Loi no.631 du 27 novembre 2002 du budget de l’Etat pour l’année 2003, M.Of. no. 863/29 noi. 2002 ; La Loi no.507 du 28 novembre 2003 du budget de l’Etat pour l’année 2004 ; M.Of. no. 853/2 dec. 2003; La Loi no.511 du 22 novembre 2004 du budget de l’Etat pour l’année ; M.Of. no. 1121/29 noi. 2004; La Loi no.379 du 15 décembre 2005 du budget de l’Etat pour l’année 2006; M.Of. no. 1151/19 dec. 2005, La Loi no.486 du 27 décembre 2006, du budget de l’Etat pour l’année 2007 M.Of. no. 1043/29 dec. 2006, La Loi no.388 du 31 décembre 2007 du budget de l’Etat pour l’année 2008, M.Of. no. 902/31 dec. 2007 305 Le texte de cette section est construit sur la base des données disponibles au niveau des lois du budget adoptées après 1989. Nous aurions préféré construire notre étude à partir des rapports des gouvernements portant sur les dépenses proprement dites des cabinets chaque année, mais des rapports centralisateurs des dépenses ne sont pas disponibles.

120

la couleur politique du parti au gouvernement306 : (a) la manière d’envisager le rôle d’autorités

étatiques (b) la manière de concevoir la réforme économique et (c) le statut de la protection

sociale.

a. Le renforcement de l’Etat

Durant les premières années après le démantèlement du communisme, les Etats de la

région se caractérisèrent par une faiblesse structurelle. La tendance de mimétisme

institutionnel307, le caractère hétéroclite et de compromis de constitutions émergeants mélangeant

des référentiels aux démocraties occidentales mais aussi des éléments du passé de l’entre-deux-

guerres et des anciens régimes communistes308 ont constitué autant de facteurs engendrant des

conflits ultérieurs ainsi que des différences entre le comportement prévu des institutions et les

pratiques. Si la force des Etats postcommunistes est donnée principalement par leur capacité de

contrôle et de coordination tandis que leur fonctionnalité résulte des mécanismes constitutionnels

établis, le caractère du pouvoir étatique et la manière dans laquelle les acteurs politiques s’auto-

représentent l’Etat peuvent être décelés également par le biais des politiques gouvernementales.

De la sorte, au niveau des choix gouvernementaux concernant le financement des domaines

régaliens de l’Etat, on peut identifier une option constante pour le renforcement des structures

étatiques. Le postcommunisme roumain semble être ainsi caractérisé par un souci constant de

renfort de l’Etat. Cette tendance s’est manifestée par un accroissement des fonds prévus pour le

fonctionnement des institutions publiques et par une tendance, qu’on pourrait interpréter

comme autoritariste, qui consiste dans l’augmentation générale des dépenses qui sont allouées

aux question de sécurité (défense et sécurité interne).

Un premier élément soutenant l’image d’un souci du renfort de l’Etat vise la

préoccupation pour l’accroissement des subsides qui ont été allouées aux autorités étatiques.

306 Pour de telles études voir F. G. Castles, Comparative Public Policy: Patterns of Postwar Transformation, Edward Elger, Cheltenham, 1998; A. Hicks, D. H. Swank, « Politics, institutions, and welfare spending…», Pp. 658–674; J. P. Allen, L. Scruggs, « Political partisanship and welfare state reform in advanced industrial societies », American Journal of Political Science, Vol. 48, No. 3, 2004, Pp.496–512.307 Claus Offe, « Designing Institutions in East European Transitions » dans John Elster, Claus Offe, U.K. Preuss (eds.), Institutional Design in Postcommunist Societies: Rebuilding the Ship at Sea, Cambridge University Press, Cambridge, 1996, Pp.199-226 (P.212).308 V. Darina Malova, Tim Haughton « Making Institutions in Central and Eastern Europe and the Impact of Europe», West European Politics, Vol. 25, No.2, 2001, Pp. 101-120 V. également Steven Holmes, « Conceptions of Democracies in the Draft Constitutions of the Post-communist Countries» dans B. Crowford, Markets, States and Democracy, Westview, Boulder, 1995, Pp. 71-81

121

Durant la période postcommuniste, il existe une politique soutenue visant l’augmentation de

fonds pour les autorités publiques (pour le fonctionnement des ministères, la rémunération des

autorités juridiques). De la sorte, si en 1990, 1,38% des dépenses gouvernementales allaient vers

le financement des autorités publiques, en 2007, 10,72% des dépenses prévues dans la loi du

budget visaient le même objectif. L’émergence d’une telle pratique révèle un des paradoxes du

postcommunisme. Même si en principe, le démantèlement du communisme avait apporté une

réduction du rôle de l’Etat et la désagrégation d’une bureaucratisation pesante, les

gouvernements postcommunistes ont choisi plutôt un référentiel contraire qui va dans le sens de

la consolidation des structures étatiques (au moins au niveau de leur financement). D’ailleurs,

cette tendance de support des autorités publiques peut être mise en relation à une tendance

générale de l’augmentation de la taille du corps administratif qu’on avait pu identifier après 1989

(voir chapitre 1). Ces taux sont bien évidemment influés par le processus de négociation de

l’adhésion à l’UE qui impliqua la création des agences et des organismes décisionnels

intermédiaires. Cependant, cette direction budgétaire peut être conçue également comme une

politique nationale vu que de telles tendances sont décryptables à travers toute la période

analysée.

Le deuxième axe qui suggère un renforcement du domaine de l’Etat surtout dans sa

dimension « autoritaire » porte sur l’attention accordée au support de l’ordre interne. Durant la

période postcommuniste, les domaines de la sécurité interne et extérieure ont connu un

financement croissant, en passant de 10,20% des dépenses gouvernementales durant la période

1990-1992, à 16,35% des dépenses durant la période 1993-1996, et à 14,96% pendant la période

d’alternance entre 1996 et 2000. Le trend ascendant est encore plus foncé à partir de l’année

2000 : 19,79% des dépenses budgétaires prévues allaient dans la direction de la protection des

citoyens entre 2000-2004 et 23,19% des dépenses allouées dans les lois du budget visaient le

même objectif durant le cabinet Călin Popescu Tăriceanu (à partir de 2005). De la sorte, si en

1991 10,93% des revenus des gouvernements étaient censés financer le domaine général de

sécurité, en 2007, ce taux fut doublé arrivant à 22,63%. Il est à préciser que la préoccupation

pour le renforcement de la sécurité des citoyens ne fut cependant ni le résultat de l’émergence

d’un sentiment d’insécurité, ni la réponse donnée par rapport à l’apparition des menaces internes

ou externes. En outre, il est également à observer que le seul gouvernement qui n’ait pas

poursuivi la tendance de renforcement des dépenses pour la sécurité, fut un gouvernement de

122

coalition de droite (ayant en tant que parti formateur un parti plutôt conservateur) entre 1996-

2000, celui qui a dirigé la plupart des reconfigurations dans le domaine de la défense afin que la

Roumanie adhère à l’OTAN.

Les tendances generales Allocations buget

0

10

20

30

40

50

60

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Securite

Autoritati publice

Social Cultural

Economic general

Figure 3 La tendance générale dans l’allocation des subsides sur les trois grands axes de financement

b. La réforme économique.

Cependant, le domaine principalement ciblé par les plus grandes reconfigurations au

niveau budgétaire fut, comme on pourrait d’ailleurs anticiper, le domaine de l’économie

générale. Les exigences des organismes internationaux tels que le Fond Monétaire International

ou l’UE, visant la réforme économique, la privatisation, l’effacement des subsides et la fermeture

des entreprises non compétitives auraient du en fait diminuer les dépenses allouées aux questions

économiques. En principe, cette tendance devrait être plus foncée dans les cas des

gouvernements dirigés par les partis de droite, qui adoptèrent au début des années 1990 des

positions discursives minimalistes.

Effectivement, en regardant la structure des dépenses pour le secteur économique on peut

identifier une certaine décroissance durant la période postcommuniste surtout dans le cas des

123

cabinets de droite (entre 1990-1992 40,51% ; 1992-1996 28,96% ; 1996-2000 15,1% ; 2001-

2004 21,47% et enfin 2005-2008 20,87%). Si au début des années 1990 plus de moitié des fonds

allaient vers le domaine économique soutenant les entreprises d’Etat en faillite et des formules

protectionnistes, en 2007 que 20% des dépenses budgétaires ont été pensées d’être distribuées

vers le financement de l’économie générale. Néanmoins, les allocations budgétaires pour ce

grand domaine font l’objet d’importants changements qui n’obéissent pas à la logique de la

composition politique du gouvernement. Ces variations correspondent par ailleurs aux aléas des

positions gouvernementales quant aux reconfigurations économiques que la Roumanie devait

entreprendre.

De la sorte, en avril 1990 le collectif dirigé par Tudorel Postolache rédigeait une stratégie

de la mise en place d’une économie de marché, différente de celle de la théorie de choque

appliquée par Leszek Balcerowicz en Pologne. La stratégie gouvernementale réclamait une

vision d’une transition douce qui entremêlait la question de la réforme à l’idée de limitation des

coûts sociaux309. A l’exception de l’année 1991, cette politique de distribution encourageant une

forme protectionniste de l’Etat sur l’économie, soufra un processus lent de reconfiguration

décryptable au niveau des allocations financières.

La tendance lente de transfiguration de l’économie est par ailleurs le résultat d’une

politique assumée du contrôle des coûts sociaux. Malgré les demandes externes portant sur la

privatisation des 6000 entreprises d’Etat non-rentables, le cabinet socio-démocrate (1992-1996) a

décidé de privatiser seulement 1000 entreprises310. En outre, les diverses stratégies de

privatisation ayant comme but la création d’un paquet d’actions qui aurait du correspondre à

60% du capital des entreprises publiques furent aussi retardées. Dans ce contexte, les premières

grandes mesures visant la reconfiguration économique ont été entamées par les gouvernements

de droite qui sont arrivés au pouvoir à la fin de l’année 1996. Le paquet portant sur les réformes

économiques et sociales du gouvernement lancé en février 1997 visait ainsi libéralisation totale

des prix du cours d’échanges, l’accélération de la privatisation et le processus de liquidation des

entreprises qui n’étaient pas rentables311. Néanmoins, en dépit de la réduction de subsides pour

309 Catalin Zamfir, « La politique sociale dans la Roumanie en transition : hypothèses concernant l’explication d’un paradoxe » dans Nicolas Pélissier, Alice Marrié, François Despres (eds.), La Roumanie Contemporaine. Approches de la « transition », l’Harmattan, Paris, 1996, Pp. 179-195(P.186)310 Cristophe Chatelot, « Les Multiples Vitesses de l’économie Roumaine », dans N. Pélissier, A. Marrié, F. Despres (eds.), Op.Cit., Pp. 77-85311 Dan Pavel, Iulia Huiu, “Nu putem reusi decat impreuna”, P.329.

124

l’économie, la réforme économique fut ralentie suite à des pressions sociales mais aussi par

« l’incapacité d’administrer l’économie informelle et de contrôler les réseaux plus vastes de

distribution d’avantages »312. La tendance réformatrice de l’économie et le taux réduit des

allocations budgétaires se sont maintenus durant les premières deux années du cabinet social

démocrate investi à la fin de l’année 2000. Jusqu’en 2003 les taux d’allocations budgétaires pour

le domaine économique en général ont atteint des valeurs minimales. Après cette date et malgré

une alternance qui consacré une coalition de droite, en 2004, on remarque une tendance vers la

hausse des fonds alloués aux secteurs économiques.

Le tableau général que la prise de décision économique nous dévoile, montre le fait que

les choix de la distribution des fonds respecta d’une manière limitée le positionnement

idéologique des partis gouvernementaux. Il est d’ailleurs intéressant que le changement du

modèle décisionnel en empruntant soit des éléments de droite, soit des éléments de gauche est

encore plus visible après l’année 2000 quand les partis politiques avaient développée une

identité idéologique plus claire.

c. Les formules de solidarité : la question de l’Etat providence.

Le processus de démocratisation fut souvent perçu dans les pays de l’Europe Centrale et

Orientale comme un changement de référentiel vers un Etat qui se contente d’assurer la

protection des citoyens et qui ne dépasse pas les bornes de la justice procédurale. Cette

interprétation d’un néolibéralisme qui met le signe d’équivalence entre l’idée de la démocratie

représentative et le principe libéral de l’Etat minimal soulève la question de l’existence des

formules de protection sociale.

Le plus souvent les pays de la région ont perçu le rapport entre une formule de l’Etat

providence et la réforme économique comme un rapport de contradiction qui ne peut donc pas

souffrir de conciliation. L’édifice des systèmes intégratives de protection et d’assurance sociale

qui auraient du se construire à la base de d’un principe de solidarité forgée « par la conscience

claire d’un destin commun qui s’accomplit par tous par tous les membres d’une société »313

semble de cette manière remis en doute dans ce contexte de démocratisation. En outre, le peu de

312 Daniel Barbu, Op.Cit., P.155.313Ibidem, P.119.

125

stipulations dans l’acquis communautaire visant les questions sociales, la diversité rencontrée

même au niveau européen quant à ces provisions limitèrent l’influence de l’import et du

développement d’un principe de solidarité qui se trouve cependant à la base de la construction

européenne314. La réforme des politiques sociales, dans un sens large du terme, a suivi donc un

chemin imprégné plutôt par le contexte national et par la volonté des partis politiques. De la

sorte, dans ce qui suit, on essayera d’investiguer le rapport du gouvernement par rapport à ces

politiques.

Les chapitres de dépenses budgétaires qui souffrirent un de plus grands changements

durant la période postcommuniste sont ceux touchant aux questions sociales et culturelles. Les

dépenses qui visent les problèmes de l’enseignement, de la santé publique ou des assurances

sociales varient durant les 18 années, mais aussi à l’intérieur de chaque cabinet. Au niveau

général on peut observer une tendance générale de décroissance : si en 1990-1992 33,14% des

dépenses budgétaires visaient les domaines socioculturels, en 1992-1996 28,78% des dépenses

allaient dans cette direction tandis que, en 1997-2000, 27,52% des fonds étaient distribués à cet

objectif. Néanmoins, la plus grande baisse dans l’allocation des fonds est identifiable durant le

cabinet socio-démocrate de 2001-2004 : que 21,79% des dépenses budgétaires étaient prévues

pour de tels secteurs. De surcroît, l’arrivée au pouvoir d’une coalition de centre droite en 2005

apporte un nouveau changement. Pour la première fois dans le postcommunisme roumain, un

accroissement de subsides pour les questions socioculturelles peut être identifié (32,1%). Ces

lignes directrices visant la distribution des ressources décrivent surtout les tendances dans le

comportement des cabinets compris entre deux échéances électorales, mais elles sont

accompagnées en fait par une variation importante - d’une année à l’autre - à l’intérieur des

gouvernements (voir le tableau pp. 132-133).

A partir de 1990, les dépenses pour les secteurs illustrant un principe de solidarité

montrent une tendance de décroissance qui dure jusqu’en 1996. Pendant la période 1996-1997,

période électorale et postélectorale les dépenses visant ce domaine montent et pour qu’ensuite

elles poursuivent plutôt une tendance négative jusqu’en 2002. De la sorte, le passage d’un

gouvernement de droite (1996-2000) à un gouvernement social démocrate en 2000 n’amène pas

de croissance budgétaire visant les politiques relevant d’un référentiel d’un Etat providence.

314 Hans-Jurgen Wagener, « The welfare state in transition economies and accession to the EU », West European Politics, Vol. 25, No. 2, 2002, Pp. 152-174.

126

C’est seulement à partir de 2003, que les dépenses pour ces secteurs vont augmenter afin

d’atteindre par ailleurs le maximum de la période postcommuniste toujours pendant un

gouvernement libéral, le cabinet Călin Popescu Tăriceanu. Ainsi, l’application du principe de

solidarité au niveau budgétaire n’obéit pas, dans le cas roumain, à la couleur politique du parti au

gouvernement et il n’implique pas un comportement unitaire pendant la durée d’un mandant. Ces

reconfigurations n’esquissent pas ainsi une tendance homogène de comportement des divers

partis selon un principe de cohérence de la politique décisionnelle d’une équipe

gouvernementale, des variations importantes dans les politiques budgétaires étant décryptables à

l’intérieur du même cabinet.

Les allocations budgétaires gérées par les partis politiques formant les exécutifs ont

souffert toute une série de reconfigurations qui ne sont pas intrinsèquement liées aux

changements de la configuration politique au niveau des cabinets. Le choix visant le

renforcement graduel des domaines régalien de l’Etat, la réforme lente du secteur économique

et les variations ultérieures quant à la manière d’envisager la structure budgétaire et enfin, les

variations continuelle qui ignorent la couleur politique du cabinet en ce qui concerne les

domaines socioculturels donnent une image générale hétéroclite du comportement des parti qui

ont gouverné le pays.

5. 2 Note explicative quant aux limites de l’analyse des politiques budgétaires sectorielles

Avant de procéder à une analyse en détail des logiques allocations budgétaires en certains

secteurs d’activité, il faudrait préciser que l’analyse des politiques budgétaires n’est pas sans

faille. L’ampleur des formules protectionnistes ou l’ampleur de la volonté réformatrice des

cabinets sont plutôt approximées dans le cadre de cette étude. Notre choix méthodologique n’est

pas dépourvu de certaines limites et il constitue plutôt une exploration des comportements

généraux et non pas une analyse exhaustive des politiques. Ces limites peuvent cependant

engendrer des distorsions dans l’image générale de l’activité des exécutifs roumains. Les taux

cités portent sur les allocations budgétaires telles qu’elles sont prévues dans la loi du budget.

Cette option implique cependant trois grands inconvénients.

127

Prenons le domaine de l’économie générale. Comme on l’avait précisé, les allocations

budgétaires concernant ce domaine ont atteint le plus bas score durant la période 1996-2000.

Cependant, les prévisions budgétaires telles qu’elles apparaissent dans la loi n’incluent pas les

éventuels rééchelonnements ultérieurs et ne peuvent rendre compte ni des corrections introduites

ultérieurement par le biais des ordonnances, ni d’autres mesures allant dans un sens différent.

Plusieurs cas échappent ainsi à l’analyse tels que la politique de l’effacement des dettes des

sociétés commerciales315, pratique qu’on retrouve à gauche ou à droite du spectre politique ou

encore les mesures distributives formulées ad-hoc afin de répondre aux pressions sociales.

Une seconde limite de l’approche est constituée par le fait qu’elle est déterminée en

grande partie par le cadre de définition institutionnel du pouvoir en Roumanie postcommuniste.

Prenons l’exemple des assurances sociales. Dans le budget national on peut remarquer plutôt une

tendance de croissance en ce qui concerne les fonds visant ce secteur, avec une diminution qui

reste réduite cependant durant l’année 2000. Néanmoins, il faudrait observer le fait qu’à partir du

milieu des années 1990 les allocations financières portant sur les assurances sociales n’ont pas

uniquement une source nationale mais elles impliquent aussi un financement soutenu par les

budgets locaux (dont l’apport reste diminué). Par conséquent, malgré le fait que les allocations

financières du centre restent la principale source de financement, les budgets locaux peuvent

changer la balance quant à la politique générale que les dirigeants adoptent dans ce secteur316.

Enfin une troisième limite porte sur le fait qu’elle ignore les reconfigurations qui existent

dans la structure des dépenses telle qu’elle soit décrite dans le texte législatif. Or les différences

et les transformations dans les formulations des diverses lois du budget sont notables. Si on est à

prendre l’exemple entre la loi du budget de 1996 et celle de 1999 on peut remarquer tout d’abord

une reconfiguration importante quant à l’explicitation des domaines des revenus et des dépenses,

mais aussi une transformation dans la manière d’envisager la distribution des ressources

étatiques. Si en 1996 on précisait dans la synthèse générale des dépenses gouvernementales

315 De tels exemples d’ordonnances d’urgence censées l’effacement partiel ou total de dettes ou d’octroi des facilités dans le but de la privatisation: l’OUG 95/29 juin 2000 concernant l’effacement des obligations des agents économiques qui fournissent des produits et des services pour les institutions publiques du système de défense, ordre public et sûreté nationale, l’OUG 40/2002 et l’OUG 128 /2006 concernant la récupération des arriérés budgétaires. Ou encore toute une pléiade d’ordonnances. D’autres mesures qui peuvent être citées dans le même esprit d’une intervention étatiste dans l’économie : l’OUG 43 / 1998 pour l’octroi des facilités dans le payement des créances fiscales vers le budget de l’Etat dans le cas de la société Tractorul Brasov, L’OUG 45/2004 pour l’effacement des dettes de Rafo et Camrom, l’OUG 119 et 152/ 2001 concernant la privatisation de Sidex S.A. Galaţi etc. Source : www.cdep.ro316 Dans le cas en cause, les années où il existe une décroissance au niveau général des fonds alloués pour les assurances sociales sont 1998 et 2004.

128

l’existence des subventions qui touchent principalement les institutions publiques, les

subventions pour les produits et les activités et celles censées à couvrir les différences entre les

prix et les tarifs, en 1999, il devient clair comment la distribution des fonds obéit aux impératifs

du moment et au profil des partis politiques au gouvernement. De la sorte, à part les payements

vers le Fond National de la Préadhésion, on peut remarquer également une préoccupation pour le

Fond National pour le Développement Social, pour le soutien accordé aux organisations

minoritaires et non politiques, pour les roumains à l’étranger, mais aussi, des mesures de

protection sociale pour ceux travaillant dans le secteur minier ou dans le transport ferroviaire.

Les différences d’accent et de construction dans le texte législatif suggèrent ainsi que plus que

les dépenses en tant que telles, le financement de certains sous-secteurs privilégiés peuvent se

constituer des facteurs explicatifs importants décrivant les domaines prioritaires dans l’action du

parti au gouvernement.

Une autre limite additionnelle de notre étude regarde le fait que même lorsqu’il y a une

structuration des dépenses qui reste inchangée, à l’exemple les dépenses pour les autorités

publiques, les rapports entre le partage des ressources à l’intérieur du chapitre changent d’une

manière dramatique. Si en 1996 les dépenses allouées au législatif représentaient 28,55% des

129

Table 6 Tableau des allocations budgétaires 1990-2008

Tableau des allocations budgétaires 1990-2008 (SUITE)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

0 310437 367 1120,52611,

211748,5

16616,7

20174,6

52731,9

88443,7 93384,4143755,

3194398,

2291045,

1291045,

1351291,8 387955,2 43655,2 64639,4 78867,9

1 9513,6 32,8 137 260,2 1260,3 1772,7 1939 5276,2 6793,1 7854,2 11678,6 17748,8 23231,1 31754,8 36996,1 42627,7 4324,1 5388,4 8078,6

3,06 8,94 12,23 9,96 10,73 10,67 9,61 10,01 7,68 8,41 8,12 9,13 7,98 10,91 10,53 10,99 9,91 8,34 10,24

2 3438,1 7,3 36,7 126,9 711,5 1021,2 1481 2562,9 5317,8 6435,6 11268,3 19166,6 24917,4 32395,8 38852,4 44274 6904,4 9238,5 9259,8

1,11 1,99 3,28 4,86 6,06 6,15 7,34 4,86 6,01 6,89 7,84 9,86 8,56 11,13 11,06 11,41 15,82 14,29 11,74

3 4286,3 8,8 34,8 137,4 594,5 862,7 791,8 1888,9 3285,6 3661,3 7272,1 119921 14244,6 18325,2 23400,2 26543,5 2207,4 6928,8 8078,6

1,38 2,4 3,11 5,26 5,06 5,19 3,92 3,58 3,71 3,92 5,06 6,17 4,89 6,3 6,66 6,84 5,06 10,72 10,24

4 Na 0,972 4,489 43,6 142,5 167,1 180,2 474,9 997,1 1269,1 2491,4 3993,1 4689,1 5872,3 7895,2 8099,7 1189,608 1685,539 1451,459

Na 0,26 0,4 1,67 1,24 1,01 0,96 0,9 1,13 1,36 1,73 2,05 1,61 2,03 2,25 2,09 2,73 2,61 1,84

5 Na 0,767 2,6 4,9 18,6 29,3 34,6 112,7 141,1 216,2 117,5 225,8 265,5 747,7 1520,1 1592,6+544, 332,775 316,024 Na

Na 0,21 0,23 0,19 0,16 0,18 0,17 0,21 0,16 0,23 0,08 0,12 0,09 0,26 0,43 0,55 0,76 0,49 Na

6 Na 6,367 27,2 73,4 340,8 479,5 424,9 1018,3 1618,1 1495,8 3483,2 5445,3 6818,2 8711,3 10666,9 12389,7 1558,108 1858,642 2492,134

Na 1,73 2,43 2,81 2,9 2,89 2,11 1,93 1,83 1,6 2,42 2,8 2,34 2,99 3,04 3,19 3,57 2,88 3,16

7 107953,1 122,4 350,7 731,4 3254,5 4626,4 6370,7 17239 24194,1 22974,7 36564,7 43934,5 53625,5 65187 83296 109513,6 12602,5 23097,7 29625,6

34,77 33,35 31,3 28,01 27,7 27,84 31,58 32,69 27,36 24,6 25,44 22,6 18,43 22,4 23,71 28,23 28,87 35,73 35,56

8 6648,9 47,512 63,35 357,2 1383,2 2053,2 3004,7 6739,1 11850,3 10654,3 19783,3 10098 12770,7 15335,6 17465,5 23329,9 2532,2 8220,5 9688,9

2,14 12,95 5,65 13,68 11,77 12,36 14,89 12,78 13,4 11,41 13,76 5,19 4,39 5,27 4,97 6,01 5,8 12,72 12,28

9 18975,2 38,572 108,57 213 1019,9 1502,3 1758,4 4177,6 3838,9 3692,3 3802,7 7042,4 9807,9 12428,4 12417,3 15177,9 1473,7 2124,3 2909,5

6,11 10,51 9,69 8,16 8,68 9,04 8,72 7,92 4,34 3,95 2,65 3,62 3,37 4,27 3,53 3,71 3,38 3,29 3,69

10 632,4+112,6 1,769 Na 14,6 97,5+33,2 176,7 398 817 1459,4 1480,5 2489,9 3296,6 3795,4 4855,5 7284,8 8579,4 979,4 1197,1 1762,8

0,24 0,49 Na 0,56 0,83/ 1,2 1,06 1,97 1,55 1,65 1,59 1,73 1,7 1,3 1,67 2,07 2,21 2,24 1,85 2,24

11 25563,3 33,385 Na Na Na Na Na 5505,3 7045,3 7147,5 10488,8 23497,5 27278,5 32567,5 46128,4 62426,4 7617,2 11555,8 15265,4

8,23 9,1 Na Na Na Na Na 10,44 7,97 7,65 7,3 12,09 9,37 11,19 13,13 16,09 17,45 17,88 19,36

12 2995,8 +7504,4 22,5 Na 277,4 1216,2 1704,7 1776,3 4128 4654,8 4892 7426,5 9718 11617,2 14099,1 24017,2 28822,1 3145,8 3.729,80 6331,9

3,38 6,13 Na 10,62 10,35 10,26 8,8 7,83 5,26 5,24 5,17 5 3,99 4,84 6,84 7,43 7,21 5,77 8,03

13 1867,2 13,7 54,4 111,6 631 883,6 Na 1772 3267,9 6816,3 9604,2 15554,7 18469,1 30307,6 36568,7 37229,3 4077,5 (+12,1)

5197,1+28

7011,2

0,6 3,73 4,85 4,27 5,37 5,32 Na 3,36 3,69 7,3 6,68 8 6,35 10,41 10,41 9,6 9,34 8,04 8,89

14 161518,2 102 467,5 845,8 3763,1 4762,3 4594,5 8295 10818,6

14997,2

23545,5 36875,6 44688,5 73496 92483,9 91505,2 9594,3 11489,7 15857,56

52,03 27,79 41,72 32,39 32,03 28,66 22,77 15,73 12,23 16,06 16,38 18,97 15,35 25,25 26,33 23,59 21,98 17,78 20,11

15 Na 49,575

210,3 348,1 Na Na 1539,3 2002 2080,1 2078,4 4158,8 6084,1 7484,5 15260,5 17537,9 10239,1 621,4 506,3 107,246

Na 13,51 18,77 13,33 Na Na 7,63 3,8 2,35 2,23 2,89 3,13 2,57 5,24 4,99 2,64 1,42 0,78 0,6

16 1032 Na Na 23,2 149,3 217,2 202 460 798,4 1807,3 2439,8 3174,5 4637,3 5818,9 7895,9 7105,8 883 1463,9 1683,1

0,33 Na Na 0,89 1,27 1,31 1 0,87 0,9 1,94 1,7 1,63 1,59 2 2,25 1,83 2,02 2,26 2,13

17 Na Na Na Na Na in agr 157,8 142,7 272,9 449,5 683,1 1499,8 2137 2306,9 2489,2 3339,3 220,4 554,1 457,8

Na Na Na Na Na Na 0,78 0,27 0,31 0,48 0,48 0,77 0,73 0,79 0,71 0,86 0,5 0,86 0,58

0) total budget (1) défense, (2) Intérieur, (3) Autorités publiques, (4) Juridique (sd), (5) gouvernement (sd), (6) ministères (sd) (7) social culturel, (8) enseignement (sd), (9) santé (sd) (10) culture cultes(sd), (11) assurances (sd) ; sd représente un sous domaine d’un chapitre budgétaire autonome (12) agriculture, (13) transports (14) économie (15) industrie-commerce (sd), (16) services-logement, (17) environnement ; sd représente un sous domaine d’un chapitre budgétaire autonome.

131

dépenses prévues pour les autorités exécutives dans le même chapitre budgétaire, tandis que les

autorités judiciaires recevaient des fonds correspondants à 74,14% des sommes que les autorités

exécutives recevaient, en 1999 le législatif recevait 19, 26% par rapport au taux total reçu par

l’exécutif et le pouvoir judiciaire 39,21% de la même somme. Les différences sont notables vu le

fait qu’il s’agit des budgets qui ont été créés à une distance de trois ans. De la sorte, l’option pour

l’agrégation des domaines et l’absence d’une étude profonde des changements dans les

allocations budgétaires risquent à cacher des reconfigurations majeures dans les politiques

décisionnelles des gouvernements roumains.

5.3 Une analyse des domaines individuels des politiques distributives

La manière dans laquelle les gouvernants roumains avaient pensé la distribution des

ressources vers certains grands domaines décisionnels comprend toute une série de régularités,

mais aussi des fluctuations importantes. De cette façon, les gouvernements roumains ont adopté

des stratégies différentes et les partis qui ont gouverné le pays ont reconfiguré à maintes reprises

les principaux domaines d’intervention gouvernementale. Néanmoins, au-delà de ces effets

d’agrégation sur les trois grands axes, on peut observer que tous les chapitres budgétaires sont

marqués par des hautes fluctuations qui transgressent les moments de changement de

compositions politiques des cabinets. Afin de conclure sur la manière dans laquelle les cabinets

ont pensé les politiques budgétaires, il faudrait cependant jeter un regard sur les secteurs

singuliers de la prise de décision gouvernementale et sur les limites explicatives de ces politiques

quant aux options concrètes de partis qui se sont trouvés au gouvernement.

De la sorte, le domaine du « renforcement de l’Etat » s’éclate dans une constellation des

comportements distincts au niveau des secteurs qui le composent et qui relèvent à leur tour toute

une série d’autres logiques dans l’action gouvernementale. Malgré l’accroissement constant des

fonds pour la sécurité des citoyens, la manière dans laquelle les divers cabinets avaient pensé le

rapport entre la sécurité interne et la sécurité externe n’est pas une constante et elle exhibe de

nombreuses variations. Ainsi, la question de la défense a été marquée par des changements

importants quant au fonds qui lui ont été destinés. Si en 1991 on disposait de 8,94% des dépenses

budgétaires, en 1992, on pouvait compter 12,23% du budget et en 1993 9,96%. A partir de 1997

jusqu’en 2003, période par ailleurs importante pour le pays en ce qui concerne les préparations

pour l’adhésion à l’Otan (qui en plus dépasse les bornes instituées par l’alternance

gouvernementale de 2000), le niveau de financement pour la défense nationale souffre un

processus de décroissance. La même variation intra gouvernementale peut être identifiée même

après 2005.

En contrepartie, la question de l’ordre publique a bénéficié d’un support constant au

niveau du financement, variant de 1,1% des dépenses gouvernementales en 1990 à un taux de

15,82% des revenus en 2006. Des accroissements notables au niveau budgétaire sont également

visibles lors des années électorales et postélectorales, phénomène partiellement expliqué soit par

l’implication des forces d’ordre publique dans le respect du bon déroulement des procédures

électorales, soit par le fait qu’à plusieurs reprises les questions administratives ont été mises

ensemble au niveau institutionnel avec la sécurité interne.

Table 7 Les dépenses budgétaires prévues dans les lois du budget dans les principaux secteurs de l’activité gouvernementale

Le Domaine

1990-1992 1993-1996 1997-2000 2001-2004 2005-2008Mean Std Mean Std Mean Std Mean Std Mean Std

Défense8,08 4,65 10,24

0,55

8,561,02

9,641,34

9,87 1,12

Intérieur2,13 1,09 6,1

1,01

6,41,27

10,151,21

13,32 2,11

Juridique0,78 0,78 1,03

0,15

1,570,41

20,27

2,39 0,48

Enseignement6,91 5,51 13,18

1,39

12,841,03

4,96 0,4 9,2 3,81

Santé8,77 2,34 8,65

0,36

4,722,26

3,7 0,4 3,52 0,21

Culture Cultes0,37 0,18 1,2

0,58

1,630,08

1,690,31

2,14 0,19

Assurances8,67 0,62 na na 8,34

1,43

11,451,59

17,7 1,35

Agriculture4,76 1,94 10,01

0,82

5,88 1,3 5,17 1,2 7,11 0,96

Transports3,06 2,2 4,99

0,62

5,262,02

8,791,99

8,97 0,68

Economie40,51

12,16

28,964,46

15,11,93

21,485,22

20,87 2,5

Services0,33 .na 1,12 0,2 1,35

0,55

1,870,31

2,06 0,18

Environnement

.na na 0,78 na 0,390,11

0,750,04

0,7 0,19

Social Culturel

33,14 1,74 28,781,87

27,523,63

21,792,31

32,1 4,11

133

Std=l’écart type

En ce qui concerne les autorités publiques, elles bénéficient d’une croissance

continuelle des fonds qui leurs sont allouées. Néanmoins, la variation intervient quant à

distribution des ressources entre les diverses composantes institutionnelles. Prenons le cas des

autorités judiciaires. Vu l’importance assumée au niveau discursif d’une réforme de la justice, les

autorités judiciaires bénéficièrent d’une amplification constante des dépenses prévues.

Cependant, un plus grand support financier leur a été accordé durant la période de négociation de

l’adhésion de la Roumanie à l’UE entre 2000-2001 et à partir de 2003. Suite aussi à des critiques

concernant la performance de l’acte de justice en Roumanie et l’arrivée au pouvoir d’un

gouvernement de droite, les autorités judiciaires en Roumanie ont reçu durant les dernières

années 2006-2007 les plus hauts taux de financement de la période postcommuniste. Etant

donnée que pour l’année 2008, après l’adhésion à l’UE, la programmation budgétaire semble

suggérer une diminution des fonds pour ces autorités, on peut interpréter les décisions antérieures

non pas comme le résultat d’une préférence politique, mais plutôt comme résultat d’une

contrainte informelle externe. L’exemple ci-dessous mentionné est porteur pour l’explicitation de

plusieurs phénomènes. Tout d’abord, il montre l’existence d’une réponse institutionnelle des

partis qui étaient au gouvernement face aux critiques soulevés par l’Union européenne.

Deuxièmement, il dévoile l’approche stratégique des exécutifs face aux contraintes imposées de

l’extérieur317. Enfin, en dernier lieu, la variation des fonds pour le domaine de la justice dévoile

une attitude face à la conditionnalité européenne qui est identifiable aussi dans d’autres pays de

la région. L’intégration de la Roumanie en UE apporte une relâche par rapport aux pratiques

adoptées durant la phase de préadhésion (et qui ne répondaient pas à une dynamique

décisionnelle venant de l’intérieur) tout comme une reconfiguration des priorités

gouvernementales en accord avec l’agenda politique interne.

Table 8 Les dépenses gouvernementales en fonction des domaines (% des dépenses)

Les dépenses gouvernementales en fonction des domaines (% des dépenses)

1 2 3 4 5 6

Cul

7 8 9 10 11 12Roman II 6,00 1,55 0,

33

7,55 8,3

1

0,3

7

8,67 4,76 2,17 39,

91

0,3

3

.naStolojan 12,23 3,28 1,

67

5,65 9,6

9

.na .na .na 4,85 41,

72

na. na.

317 Sur la superficialité de la réforme judiciaire et le rôle réduit du processus de l’européanisation en Roumanie dans ce secteur voir Ramona Coman, thèse défendue à l’Université Libre de Bruxelles.

134

Văcăroiu 10,24 6,10 1,

03

13,18 8,6

5

1,2

0

.na 10,0

1

4,99 28,

96

1,1

2

0,78Ciorbea 8,85 5,44 1,

25

13,09 6,1

3

1,6

0

9,21 6,55 3,53 13,

98

0,8

9

0,29Vasile 8,41 6,89 1,

73

11,41 3,9

5

1,5

9

7,65 5,24 7,30 16,

06

1,9

4

0,48Isărescu 8,12 7,84 2,

05

13,76 2,6

5

1,7

3

7,30 5,17 6,68 16,

38

1,7

0

0,48Năstase 9,64 10,1

5

2,

00

4,96 3,7

0

1,6

9

11,4

5

5,17 8,79 21,

48

1,8

7

0,75Tăricean

u

9,87 13,3

2

2,

39

9,20 3,5

2

2,1

4

17,7

0

7,11 8,97 20,

87

2,0

6

0,70Les domaines 1 : défense, 2 intérieur, 3 autorités juridiques, 4 enseignement, 5 santé publique, 6 culture, 7 assurances, 8 agriculture, 9 transports, 10 économie, 11 services, 12 environnement

Comme on l’avait déjà souligné, même au niveau d’agrégation de plusieurs domaines, la

question de la solidarité a été envisagée dans des manières différentes à l’intérieur d’un seul

gouvernement. En regardant de plus près des les assurances sociales, la santé publique,

l’éducation et la culture, des différences notables entre les diverses années et donc entre les

diverses lois du budget nous sont relevées. Pour ce qui est de l’enseignement public, les plus

bas taux alloués sont à identifier pendant le gouvernement social démocrate 2001, tendance qui

perdure cependant après l’alternance gouvernementale de 2004 et l’arrivée au pouvoir d’une

coalition entre les chrétiens démocrates et les libéraux. Ainsi, c’est seulement en 2007 qu’on

assiste à un accroissement du financement du domaine de l’éducation publique sur une toile de

fond d’un débat général portant sur la réforme du système d’enseignement. A différence du

domaine de l’enseignement, le domaine de la santé publique souffre un processus de sous-

financement qui commence en 1994 et qui est préservé, avec de petites variations à travers toute

la période. Au pôle opposé se trouvent les domaines de la culture et des assurances sociales qui

sont marqués généralement par une croissance des fonds. De la sorte, on peut remarquer que

même si certains domaines visant la protection directe des citoyens tels que la santé publique

souffrent une décroissance du support financier, il existe un principe qui s’instaure quant à

l’introduction de certaines formules qui permettent l’apparition des formes de protection sociale.

L’analyse des secteurs individuels découvre toute une panoplie de stratégies ponctuelles

quant à la prise de décision gouvernementale. Plus qu’on délimite des sous-domaines, plus on

entre dans une espace de la pluralité des fluctuations. De la sorte, l’image générale des politiques

gouvernementales d’un point de vue des allocations budgétaires semble dévoiler une multitude

des stratégies sectorielles forgées sur l’application d’une logique de la pluralité événementielle.

Il semblerait ainsi que les politiques gouvernementales des cabinets dirigés par les partis ont peu

suivi une logique d’action antérieurement définie, en construisant les politiques plutôt sur un

modèle de réaction aux événements ou aux demandes ponctuelles.

135

Cependant, l’image d’une logique d’action dans l’immédiat des cabinets est mise en

balance par l’émergence de quelques tendances générales qui ne se superposent pas, dans tous

les cas, sur le profil idéologique des partis qui gouvernent. Dans ces cas précis, on pourrait parler

plutôt en termes de degré de différenciation entre les cabinets et leurs politiques. Ainsi seul le

secteur économique, le plus atteint par ailleurs par la surveillance des organismes internationaux

semble répondre partiellement et plutôt au niveau de la planification budgétaire à une certaine

polarisation idéologique des partis politiques318.

6. Les filtres décisionnels au niveau de la formulation des politiques

La plupart de la littérature portant sur le fonctionnement des gouvernements met en

exergue le rôle fondamental des partis dans l’articulation des politiques que chaque cabinet

adopte. Présupposé de base de toute une littérature portant sur la formation des coalitions319, le

comportement policy-seeking des partis qui arrivent au pouvoir fut cependant très peu étudié

d’une manière appliquée. De la sorte, l’analyse des politiques gouvernementale a été, dans la

plupart des cas, assignée au domaine d’étude visant les politiques publiques, constituant un

corpus de recherche séparé par rapport à l’objectif de la compréhension du comportement des

acteurs politiques individuels ou des partis320. En outre, le peu d’études existantes à ce sujet se

318 Il est intéressant de remarquer que le domaine « le plus politisé » est également celui qui est plus affecté par le processus d’européanisation. En ce cas de figure, la contrainte externe impliquerait une polarisation des options en avantageant certains acteurs par rapport aux autres. Rachel A. Epstein, « Cultivating Consensus and Creating Conflict International Institutions and the (De)Politicization of Economic Policy in Post communist Europe», Comparative Political Studies, Vol. 39, No. 8, Octobre 2006, Pp. 1019-1042(Pp.1038-1039)

319 Plusieurs études ont mis en exergue la relation entre la composition des cabinets, la distribution des portefeuilles et le développement du système de partis ou encore des résultats des politiques. V Austen-Smith et Jeffrey Banks, « Stable Governments and the Allocations of Policy Portfolios », American Political Science Review, 84,1990, Pp. 891–906; Michael Laver and Kenneth Shepsle, Making and Breaking Governments: Cabinets and Legislatures in Parliamentary Democracies, Cambridge University Press, New York, 1996, Hans-Dieter Klingemann, Richard I. Hofferbert et Ian Budge, Parties, Policies and Democracies, Westview Press, Boulder, 1994 et beaucoup d’autres prirent en compte la dimension idéologique dans l’explication et la prediction de la construction des coalitions gouvernementales. Pour un exemple d’une telle approche et l’état de l’art à cet égard voir Ian Budge, Michael J. Laver, « Introduction », dans Ian Budge, Michael Laver, Op.Cit., Pp.1-12. 320 La solution d’unir l’analyse des politiques publiques aux éléments politiques apporta des solutions multiples soit en invoquant une nature duale administrative et politique, soit en se penchant sur les réseaux décisionnels décrivant la gouvernance dans des cadres nationaux ou multi niveau. V. Jon Pierre (ed.), Debating Governance, Oxford University Press, Oxford, 1996 ; R.A.W Rhodes, Understanding Governance. Policy Networks, Governance, Reflexivity and Accountability, Open University Press, Buckingham, 1997; David Marsh., David Richards et Martin J. Smith, Changing Patterns of Governance: Reinventing Whitehall?, Palgrave, Basingstoke, 2001 ; Guy Peters, « Managing Horizontal Government: the Politics of Co-ordination », Public Administration, Vol. 76, No.3, 1998, Pp. 295-311 ; Fritz W. Scharpf, « Notes Toward a Theory of Multilevel Governing in Europe », Scandinavian

136

développèrent dans des cadres comparatives et essayèrent plutôt de mettre en relation l’affiliation

idéologique des partis au gouvernement aux politiques budgétaires. De cette perspective, dans la

diversité croissante des configurations politiques et du profil des pays, les résultats de telles

études mettent en exergue plutôt une hétéroclisie des cas et l’émergence d’une relation entre

l’affiliation idéologique des partis au gouvernement et les politiques adoptées surtout en certains

pays.

Cependant, la simple mise en relation des préférences pour certains secteurs politiques et

les dépenses gouvernementales n’est pas suffisante. Les politiques gouvernementales, même si

impliquant en grande mesure la question de la distribution des ressources financières,

comprennent également une dimension concernant l’agencement décisionnel qui va au-delà des

sommes distribuées. Surtout dans les pays en voie de démocratisation, le développement de

certains politiques ne doit pas toujours viser la question de l’ampleur des dépenses déployées par

l’Etat. L’agenda gouvernemental et la capacité décisionnelle dans un certain domaine peuvent

rendre compte des priorités du parti au gouvernement. L’accent mis sur l’adoption de certaines

politiques sectorielles peut également témoigner de l’emprise de l’activité gouvernementale par

les partis à la base des intérêts particuliers relevant de leur propre idéologie. En ce contexte,

avant de tirer une conclusion sur la correspondance entre le caractère unitaire du processus de la

prise de décision des partis gouvernementaux, on procédera à une analyse de l’agenda politique

des cabinets roumains postcommunistes.

6.1 Le brouillage des restructurations : les limites méthodologiques de l’approche

Le processus de consolidation démocratique et les transformations qu’il suppose

touchèrent non seulement les partis politiques, mais aussi le cadre institutionnel à l’intérieur

duquel ces partis agissent. De la sorte, les nouvelles formules gouvernementales en place

essayèrent de trouver le meilleur agencement institutionnel afin de faciliter le processus de la

prise de décision. Devant l’instabilité structurelle qui s’installa, il est difficile de délimiter des

secteurs d’activité clairs. Le réarrangement institutionnel continuel, l’instabilité des structures

ainsi que la superposition des compétences entre les divers ministères obscurcit en fait

l’identification d’un principal décideur ou domaine d’action pour certains secteurs d’intervention

Political Studies, Vol. 24, No.1, 2001, Pp. 1-26

137

gouvernementale. Durant 16 années (1990-2006), 1123 des décisions gouvernementales furent

adoptées afin de restructurer ou de modifier le fonctionnement des divers ministères ou des

agences gouvernementales. Chaque année, environ 66,06 décisions ont modifié d’une façon plus

ou moins visible le fonctionnement d’un certain secteur institutionnel du pouvoir exécutif. En

outre, il n’existe pas de tendance vers la disparition de cette pratique. On assiste à l’instauration

d’une coutume selon laquelle chaque cabinet qui arrive au pouvoir décide la restructuration du

cabinet et la recomposition des domaines d’actions de certains ministères. Ainsi, on peut compter

en 1990 – 107 des décisions gouvernementales adoptées pourvu qu’elles modifient l’édifice

institutionnel du gouvernement, en 1992 - 98, en 2001 -72 et 156 des décisions peuvent être

comptées durant l’année 2005 (voir le tableau).

La persistance d’une tendance de reconfiguration du fonctionnement institutionnel des

domaines gouvernementaux n’est pas nécessairement le signe d’une faiblesse décisionnelle, elle

peut revêtir également une tendance stratégique321 des partis qui gouvernent quant au contrôle de

certaines institutions. Cependant, ce qu’on peut affirmer sans aucun doute est que la multitude

des décisions concernant des changements institutionnels à des niveaux distinctes des exécutifs

et dans des manières différentes, les transferts des attributions ainsi que les nominations dans les

divers échelons de l’exécutif subordonnées aux cabinets constituent par leur ampleur des

domaines en soi de l’activité gouvernementale. En additionnant toutes ces mesures on arrive à la

conclusion que 15 % des décisions des cabinets ont visé justement la construction des cadres

pour la formulation des décisions ayant un impact sur les politiques publiques. Si on rajoute ici

les 2123 décisions gouvernementales portant sur le transfert du patrimoine d’un ministère ou

d’une institution à une autre, on peut conclure qu’un quart des mesures entreprises par les

cabinets s’orientèrent justement vers côté formel qui en principe aurait du jouer un rôle minimal.

Cette manière de reconstruction et de transformation institutionnelle constante engrena au

niveau de notre étude toute une série de difficultés méthodologiques quant à un découpage des

secteurs de l’activité gouvernementale qui soit compatible en même temps aux réalités

institutionnelles. Ainsi, notre étude délimita 19 grands domaines de l’activité gouvernementale

qui se retrouvent au niveau des décisions entamées par les cabinets roumains dont 14

représentent des politiques sectorielles (les affaires étrangères, les affaires européennes, les

finances, le travail et la protection sociale, la santé publique, la culture jeunesse et l’éducation,

321 V. Dimitrov, K. H. Goetz, H. Wollomann, Op. Cit., P.19.

138

l’industrie, le commerce et le tourisme, l’économie, la défense, les affaires internes, les

transports et l’infrastructure, l’agriculture - l’alimentation et l’environnement, la justice). A cette

première catégorie décisionnelle s’ajoutent cinq autres « domaines » : la reconfiguration des

agences gouvernementales, la réorganisation des ministères, autres réaménagements

institutionnels au niveau plus bas, un domaine des politiques distributives des ressources

gouvernementales, les diverses nominations et enfin une catégorie hétéroclite portant sur d’autres

décisions.

Notre choix méthodologique fut celui d’agréger les décisions visant deux ou plusieurs

domaines en suivant la logique de cumulation des divers secteurs au niveau ministériel. La

méthode n’est pas sans faille car elle reproduit mieux les options de cabinets qui structurellement

ont décidé de réunir les domaines concernés et elle est limitée en ce qui concerne l’explication de

l’attention gouvernementale pour un secteur lorsqu’il existe une pluralité de ministères ayant des

compétences dans le domaine précis.

A l’exemple prenons le cas du domaine du travail et de la protection sociale. Pendant la

plupart des cabinets postcommunistes (1990, 1991-1992, 1996-2000) il y avait un seul ministère

coordonnant ces mesures. Néanmoins, entre 1990 et 1991 s’ajoute un second ministre d’Etat

« pour l’activité industrielle et commerciale, l’orientation économique, la qualité de la vie et la

protection sociale » ayant également un but de coordination. Durant le cabinet Năstase les limites

entres ces secteurs sont brouillées par la création du ministère de la Santé et de la famille,

recoupant de cette manière une partie des attributions des anciens ministères du Travail et de la

protection sociale.

Toujours pendant le même cabinet, la relation avec les partenaires sociaux, secteur qui

auparavant faisait partie des attributions du ministère du Travail, dévient un ministère autonome.

Ces reconfigurations institutionnelles influent directement le dessin des domaines d’action et

implique une difficulté dans l’encadrement des diverses activités gouvernementales dans une

seule catégorie. Les décisions gouvernementales impliquent souvent plusieurs domaines de

compétence ainsi que plusieurs ministères. D’ailleurs, il est intéressant à remarquer que le choix

même pour la reconfiguration des ministères peut être lu comme une option spécifique des partis

au gouvernement. Les politiques étatistes du gouvernement Văcăroiu mettant l’accent sur des

politiques de redistribution sont aussi visibles à travers l’option pour la transformation du

ministre de la Protection sociale en ministre d’Etat. L’orientation de gauche du PSD qui avait

139

bénéficié durant la campagne électorale de 2000 du support des grandes confédérations

syndicales322 a une importance dans la création d’un ministère une année avant les élections de

2004 ayant comme but les discussions avec ces partenaires sociaux.

Table 9 Tableau des décisions visant les reconfigurations institutionnelles des exécutifs

Le domaine d’action gouvernementale. Les restructurations

Patrimoine Réorganisation des agences

Restructurations ministérielles

Autres nominations323 et reconfigurations

N % N % N % N %1990 21 2.75 85 11.13 22 2.88 109 14.271991 23 3.07 60 8.01 13 1.74 32 4.271992 24 2.89 62 7.46 36 4.33 82 9.871993 48 6.27 27 3.53 24 3.14 178 23.271994 71 7.81 21 2.31 26 2.86 135 14.851995 130 12.67 27 2.63 10 0.97 105 10.231996 163 10.92 12 0.80 16 1.07 297 19.911997 69 7.58 11 1.21 19 2.09 51 5.601998 60 6.47 40 4.31 17 1.83 76 8.201999 84 8.39 62 6.19 16 1.60 38 3.802000 113 8.48 21 1.58 14 1.05 183 13.732001 118 8.91 27 2.04 45 3.40 247 18.642002 177 11.45 27 1.75 17 1.10 76 4.922003 178 11.64 41 2.68 29 1.90 78 5.102004 355 14.97 49 2.07 35 1.48 128 5.402005 253 13.74 129 7.00 27 1.47 130 7.062006 236 12.50 27 1.43 29 1.54 120 6.36

TOTAL 2123 10.01 728 3.43 395 1.86 2065 9.74

% =représente le pourcentage des décisions du domaine précisé du nombre total des décisions gouvernementales entamées durant l’année pris en compte

Des choix semblables qui peuvent mettre en discussion la classification des décisions

portent sur les décisions ayant une nature économique. Pratiquement, il n’existe pas d’unité ou

de continuité au niveau des structures institutionnelles régissant ces domaines. Ainsi le ministère

des Finances publiques est souvent unifié au ministère de l’Economie Nationale mais aussi au

ministère de l’Industrie, tandis que le ministère du Commerce apparaît en certains cas joint au

domaine du tourisme. Quant aux industries elles sont soit un domaine fragmenté comme dans le

cas du gouvernement provisoire, soit regroupées au ministère du Commerce (cabinet Vasile,

322 Sur le support politique offert par les diverses confédérations syndicales aux partis politiques roumains V. Olivier Payroux, Op.Cit., Pp 987- 1073323 Il s’agit ici non pas des nominations des secrétaires d’Etat, mais aussi d’autres chefs des institutions déconcertées qui se trouvent sous la coordination directe du gouvernement ou encore des sous-secrétaires d’Etat.

140

Isărescu) soit comprises dans un domaine plus vaste de l’économie comme après 2003. Le

problème de cette volatilité structurelle n’est cependant pas une fausse difficulté, car celle-ci

remet en cause le sens même qu’on puisse attribuer à certains secteurs d’activité. Les partis qui

ont gouverné le pays semblent ainsi avoir adopté des visions complètement différentes quant à ce

que la protection sociale représente, et en ce qui concerne le « comment » des questions

économiques et financières doivent être comprises etc. De la sorte, au-delà des logiques qui

remontent même à la manière initiale du partage de portefeuilles, ces choix institutionnels

constituent à la fois une limite dans l’approximation des domaines de l’action gouvernementale

dans le sens imprégné par les partis gouvernants et un élément porteur dans la compréhension de

par rapport à l’activité de l’exécutif en tant que telle.

6.2 Une analyse des priorités décisionnelles des cabinets roumains

Durant les 16 dernières années, 21240 des décisions ont été rédigées et adoptées par les

gouvernements roumains postcommunistes, environ 1327,5 décisions par années. La

multiplication graduelle et constante du nombre de ces décisions est ainsi témoin de la

complexification de la prise de décision, mais aussi d’une certaine professionnalisation et

bureaucratisation de l’acte décisionnel. L’inflation décisionnelle, signe d’une certaine

institutionnalisation du pouvoir et résultat d’un besoin de répondre aux exigences externes, peut

également être comprise de la perspective du renforcement de l’Etat. La croissance des

réglementations dans tous les domaines porterait ainsi la marque de l’accroissement du contrôle

étatique sur la réalité sociale et économique, non pas suite à l’instauration d’une manière

autoritaire de gouvernement, mais à l’intermède de l’accroissement du nombre des interventions

gouvernementales ponctuelles. Quelle image de l’activité gouvernementale peut-on décrypter à

la base des décisions entamées par les partis qui ont gouverné le pays ? En essayant de classifier

ces décisions à la base de leur domaine, nous avons essayé de décrypter quels sont les domaines

privilégiés au niveau des cabinets roumains postcommunistes au niveau des politiques entamées.

D’une perspective générale, il existe nettement une domination des décisions portant sur

les questions économiques (économie, l’industrie et les finances) 37,4%, suivies par les décisions

portant sur les affaires étrangères 11,2%. Le domaine ordre interne, administration et défense

compte 7% du nombre total des décisions, tandis que les questions socioculturelles (la santé

141

publique, la protection sociale, éducation, culture) disposent ensemble de 9,4% des décisions

adoptées par le gouvernement. Néanmoins, ces taux généraux cachent une pluralité des

comportements à travers les années analysées.

De cette manière, au niveau national, les décisions visant la réforme (ou au moins la

réglementation de l’économie) constituent le centre de la prise de décision durant les années

postcommunistes. Cependant, il existe une grande variation quant à la construction de l’agenda

gouvernementale en fonction du moment analysé. Les périodes où il existe une intensification

dans la réglementation de ces domaines est représentée au moins jusqu’en 2000 par les moments

d’accélération de la réforme : en 1991, 1997-1998 quand le nombre des décisions

gouvernementales ayant un caractère économique constituent environ moitié de toute l’activité

de l’exécutif.

0

10

20

30

40

50

60

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

No

de

cis

ion

s

1

2

3

4

5

6

Figure 4 L’évolution du nombre des décisions gouvernementales par secteur d’activité

Les domaines 1 questions patrimoniales, 2 politiques externe, 3 restructurations gouvernementales, 4 économie, 5 socioculturel, 6 sécurité et administration

Des variations notables sont à identifier également en ce qui concerne les relations

externes. La plupart des décisions gouvernementales concernant la signature des accords de

coopération qui ont été conclus la période 1992-1993(environ 16% du total de décisions

142

gouvernementales) et en 1999 (17,2%). En ce qui concerne la relation à l’extérieur, il est

cependant à remarquer le fait qu’il n’existe pas de constante de la politique roumaine, ni de

stratégie unitaire.

Enfin, l’analyse des décisions gouvernementales portant sur les questions socioculturelles

produit également une surprise. Malgré la définition inclusive de ce qui constitue le social

culturel (englobant la protection sociale, la santé, le travail, la famille, la culture, les cultes et

l’enseignement) et l’image intuitive quant à la reconfiguration continuelle des politiques dans ces

secteurs, l’analyse en tant que telle dévoile une situation contrastée. A part la période du début

des années 1990 (1990-1993) et paradoxalement la période comprenant la fin des premiers

cabinets de droite (1999-2001), le niveau de réglementation de ces secteurs reste très bas. Moins

de 7% de toutes les décisions entamées en 1993, 1998 et en 2006 visaient d’une manière

cumulée tous ces domaines. Certes, le nombre réduit des réglementations ne constitue pas un

indicateur suffisant afin de soutenir d’une manière irrévocable l’absence d’intérêt. Néanmoins, si

en 1998 que 57 décisions gouvernementales couvraient ces domaines, 480 décisions visaient le

secteur économique, 79 portaient sur la relation à l’extérieur et 133 décisions constituaient des

diverses reconfigurations et nominations, les deux autres gouvernements de droite exhibent des

taux beaucoup plus élevés quant à ces problématiques. De cette façon, en 1999 le gouvernement

avait entamé 146 de telles décisions et en 2000 le gouvernement ayant la même composition

politique formula 209 décisions touchant le domaine socioculturel.

Avant de conclure cette analyse générale du comportement gouvernemental qui implique

cependant d’importantes fluctuations d’une année à une autre, il faudrait retarder un moment sur

l’analyse d’une catégorie des décisions des cabinets qui ne relèvent pas d’un secteur précis ou

d’une politique publique précise. Il s’agit de la catégorie transversale portant sur les questions

patrimoniales. Cette catégorie vise l’allocation des terrains ou des bâtiments vers des divers

instituts ou le passage de tels éléments de patrimoine d’un ministère ou d’une institution vers une

autre. Ces mesures peuvent être pensées sous l’aspect institutionnel, mais elles peuvent

également être envisagées sous l’angle des politiques de patronage, de distribution des incitations

vers les fidèles du parti qui ont montré leur loyauté envers les leaders en place. Les questions de

patrimoine impliqueraient une « colonisation » de l’Etat et de ses ressources324. Il est intéressant 324 L’expression appartient à Petr Kopecky, désignant le comportement rent-seeking des partis politiques à l’intérieur de l’appareil étatique. Voir Petr Kopecky, « Political Parties and the State in Post-Communist Europe: The Nature of Symbiosis », Journal of Communist Studies and Transition Politics, Vol. 22, No. 3, Septembre 2006, Pp. 251-273 (P.258).

143

à observer que, durant 16 années, 2123 des décisions gouvernementales ont eu un tel caractère,

représentant environ 10% du nombre total des décisions prises au niveau gouvernemental. De la

sorte, « les décisions patrimoniales » occupent de facto une place importante sur l’agenda des

politiques gouvernementales en Roumanie postcommuniste, en permettant d’être comparées, au

moins en ce qui concerne le souci pour la réglementation, aux affaires étrangères ou aux autres

restructurations institutionnelles.

6.3 Une analyse des domaines individuels des priorités gouvernementales

Les gouvernements roumains adoptèrent des principes convergents en ce qui concerne

l’hiérarchisation des priorités au niveau des politiques. Leurs décisions se sont concentrées plutôt

sur les questions visant la réglementation du secteur économique et l’ouverture vers l’extérieur,

mais aussi sur l’instrumentalisation de l’accès aux ressources étatiques. Néanmoins, au-delà des

considérations générales portant sur le fonctionnement des cabinets, il existe des variations

importantes quant au nombre et la nature des décisions dessinées d’une manière longitudinale

par les exécutifs roumains. Même s’il existe clairement un biais introduit par l’existence d’un

ministère en cause en ce qui concerne le degré de réglementation d’un secteur particulier, et donc

le nombre général des décisions serait influencé par cette contrainte structurelle, on considère

que cela n’empêche pas de décrypter la préférence pour certains domaines à un moment donné.

Dans ce qui suit, on procédera à une analyse des décisions gouvernementales sur deux grands

axes : (1) un axe longitudinal des domaines d’activité et de leurs poids dans l’économie générale

de la prise de décision et (2) un axe temporel visant l’hiérarchie des politiques et leur évolution à

l’intérieur des divers cabinets.

a. Une analyse sectorielle des politiques gouvernementales

Si on est à regarder les principales questions économiques, on peut identifier une

variation constante dans l’attention accordée à ses divers sous domaines, sans pour autant que

ces fluctuations respectent toujours une logique partisane. Ainsi, les finances publiques ont

constitué sujet de transformations surtout en 1991 en 1997 et après 2003. Il s’agit par ailleurs des

années des grandes décisions économiques visant la libéralisation des prix (1991,1997) et le

144

début des politiques de privatisation. Pour ce qui est de la période plus récente, l’accroissement

des réglementations peut être directement mis en relation au besoin de réformes pour l’adoption

et l’application de l’acquis communautaire, ainsi qu’à la nécessité de croissance et de

convergence des politiques économiques roumaines dans un contexte d’adhésion325. Au secteur

financier s’oppose le secteur du commerce et du tourisme dont les taux de réglementation sont

plus faibles durant la période de reconfiguration financière. La même situation d’opposition peut

être identifiée au niveau des rapports du secteur industriel et le secteur économique. Les années

dans lesquelles on assiste à l’implémentation plus ou moins rapide du processus de privatisation

1994-1998 sont également les années dans lesquelles les politiques visant spécialement les

problématiques industrielles en tant que telles sont moins importantes. Par ailleurs, les variations

émergeantes s’inscrivent dans un rapport normal, cependant il faudrait observer que celles-ci

n’obéissent pas à un principe d’action partisan, la préférence formelle pour l’adoption des

décisions répond plutôt à des exigences transversales, dépassant la durée du mandat d’un cabinet,

et aux contraintes externes en engendrant plutôt la formulation des réponses stratégiques.

En contre partie, les domaines socioculturels sont entrés dans l’attention des gouvernants

dans les intervalles de pause des réformes économiques, surtout autour de l’année 2000. Ainsi la

protection sociale, la santé publique mais aussi le système d’enseignement sont visés durant les

années 1999-2000. Tandis que le secteur de la santé sera remis en examen en 2005, la protection

sociale et de la culture ont continué d’être reconfigurées surtout durant les premières années du

cabinet socio-démocrate arrivé au pouvoir en 2000.

325 En procédant à une analyse des investissements étrangers dans les cadres nationaux des pays postcommunistes, Rachel Epstein met en exergue le fait que l’ouverture vers l’infusion de capital (à lire vers des politiques économiques visant le libre marché) peut être comprise par le biais des réponses stratégiques de la situation économique du pays en cause. Cela expliquerait ainsi la grande ouverture du secteur banquier roumain pour les investissements externes, dans des conditions générales d’une performance économique limitée. V. Rachel A. Epstein, « The social context in conditionality: internationalizing finance in postcommunist Europe », Journal of European Public Policy, Vol. 15, No. 6, September 2008, Pp. 880 – 898.

145

Table 10 Le nombre des décisions gouvernementales organisées par domaine d’action

DOM L’année1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

PatrimoineN 21 23 24 48 71 130 163 69 60 84 113 118 177 178 355 253 236% 2.7 3.1 2.9 6.3 7.8 12.7 10.9 7.6 6.5 8.4 8.5 8.9 11.4 11.6 15.0 13.7 12.5

Affaires

étrangères

N 31 100 120 113 126 112 109 76 78 119 141 117 187 177 210 126 140% 4.1 13.4 14.4 14.8 13.9 10.9 7.3 8.4 8.4 11.9 10.6 8.8 12.1 11.6 8.9 6.8 7.4

Affaires

européenne

N 0 0 1 2 2 0 0 6 1 32 17 26 34 31 47 50 50% .0 .0 .1 .3 .2 .0 .0 .7 .1 3.2 1.3 2.0 2.2 2.0 2.0 2.7 2.6

FinancesN 72 132 83 115 133 159 243 180 148 135 228 161 231 287 553 416 553% 9.4 17.6 10.0 15.0 14.6 15.5 16.3 19.8 16.0 13.5 17.1 12.2 14.9 18.8 23.3 22.6 29.3

Travail &

social

N 22 13 14 18 13 20 19 20 10 62 149 99 37 44 57 54 39% 2.9 1.7 1.7 2.4 1.4 1.9 1.3 2.2 1.1 6.2 11.2 7.5 2.4 2.9 2.4 2.9 2.1

Santé

publique

N 7 10 13 5 8 14 16 13 13 20 22 11 17 23 39 34 26% .9 1.3 1.6 .7 .9 1.4 1.1 1.4 1.4 2.0 1.7 .8 1.1 1.5 1.6 1.8 1.4

Culture-

enseign;

N 90 47 52 24 41 50 66 33 34 64 38 66 103 107 94 62 39% 11.8 6.3 6.3 3.1 4.5 4.9 4.4 3.6 3.7 6.4 2.9 5.0 6.7 7.0 4.0 3.4 2.1

IndustrieN 82 37 24 17 28 29 42 26 40 81 35 55 80 68 84 53 46% 10.7 4.9 2.9 2.2 3.1 2.8 2.8 2.9 4.3 8.1 2.6 4.2 5.2 4.4 3.5 2.9 2.4

Commerce

& tourisme

N 89 114 81 33 32 29 43 56 57 60 20 74 93 86 76 61 27% 11.6 15.2 9.7 4.3 3.5 2.8 2.9 6.2 6.1 6.0 1.5 5.6 6.0 5.6 3.2 3.3 1.4

EconomieN 42 36 52 31 160 206 305 210 235 40 201 113 136 121 232 31 110% 5.5 4.8 6.3 4.1 17.6 20.1 20.4 23.1 25.4 4.0 15.1 8.5 8.8 7.9 9.8 1.7 5.8

DéfenseN 6 3 6 4 6 7 8 5 4 9 12 8 15 17 33 21 21% .8 .4 .7 .5 .7 .7 .5 .5 .4 .9 .9 .6 1.0 1.1 1.4 1.1 1.1

IntérieurN 22 45 74 61 33 29 50 56 43 56 62 78 144 92 143 133 186% 2.9 6.0 8.9 8.0 3.6 2.8 3.4 6.2 4.6 5.6 4.7 5.9 9.3 6.0 6.0 7.2 9.9

Transport

Infrastruct.

N 24 24 23 14 24 31 29 25 19 43 21 29 46 55 64 74 99% 3.1 3.2 2.8 1.8 2.6 3.0 1.9 2.7 2.0 4.3 1.6 2.2 3.0 3.6 2.7 4.0 5.2

Agriculture,

Environ.

N 25 24 41 22 27 36 30 32 17 62 35 37 83 63 101 143 90% 3.3 3.2 4.9 2.9 3.0 3.5 2.0 3.5 1.8 6.2 2.6 2.8 5.4 4.1 4.3 7.8 4.8

JusticeN 2 2 4 6 4 1 3 3 4 8 6 2 4 10 25 16 12% .3 .3 .5 .8 .4 .1 .2 .3 .4 .8 .5 .2 .3 .7 1.1 .9 .6

146

L’analyse au niveau des secteurs étroitement circonscrits dévoile en grande mesure

la réponse des cabinets postcommunistes par rapport aux contraintes externes. Ces

influences externes sont encore plus visibles dans le cas du secteur de la défense qui fut

touché par les reconfigurations dans les périodes qui ont précédé l’adhésion à l’Otan ou

encore le secteur des affaires européennes. De même, il est à observer des configurations

précédant l’adhésion dans le secteur de l’agriculture ou dans le domaine de la justice. Il est

important de noter le fait que la réponse gouvernementale quant à ces contraintes n’implique

pas automatiquement l’institutionnalisation des améliorations, ni leur maintien au centre

décisionnel d’une manière constante, mais elle produit automatiquement une action qui

influe sur l’activité gouvernementale générale.

b. Une approche portant sur les cabinets

Les tendances longitudinales analysées révèlent plutôt l’existence des réponses

ponctuelles des exécutifs roumains aux facteurs du contexte. Les négociations avec le Fond

monétaire international au début des années 1990, les observations de la Banque mondiale ou

la surveillance de près de la Commission européenne surtout dans le cas de certains secteurs

déclenchèrent des réponses immédiats et décryptables dans la construction de l’agenda

gouvernementale. Comme on l’avait précisé, ces réponses prirent des formules particulières,

le sens de l’implémentation des demandes varia en fonction des gouvernements. Les

solutions diverses et répondant aux exigences du moment semblent ne pas décrire un modèle

clair d’action, en accord avec l’affiliation idéologique du parti qui gouverne. Si au niveau des

tendances générales on peut retrouver des similitudes comportementales entre des cabinets de

droite et de gauche, dans ce qui suit on procédera à une analyse à l’intérieur de ces cabinets.

Comment s’articule-t-il le changement d’agenda de l’exécutif à travers des divers cabinets

postcommunistes ?

Si les décisions portant sur la réorganisation gouvernementale suggèrent une faible

décroissance à travers la période 1992-1996, cela n’est pas le cas des décisions portant sur la

dimension économique qui vont s’amplifier de 278 en 1992 à 725 en 1996. Deux grandes

dimensions semblent régir la politique du cabinet durant cette période : la réforme lente de

l’économie et la construction des liens avec l’étranger. On visait ainsi de diminuer les effets

de l’isolement du pays et de redresser son image, affectée par la descente des mineurs à

Bucarest au début des années 1990 et par les conflits ayant une base nationaliste à Targu

147

Mures. Pour ces raisons une grande partie des décisions gouvernementales seront centrées sur

la signature des traités parfois contestés par une partie du spectre politique (période

comparable au niveau du nombre des décisions entamées au mandat du gouvernement social-

démocrate d’Adrian Năstase, surtout durant la période 2002-2003). Vers la fin de la période,

on assiste à la multiplication des décisions visant d’acquérir du support électoral. De la sorte,

on peut observer une croissance notable du nombre décisions concernant la création des

divers instituts et des divers corps gouvernementaux (l’évolution du nombre de décisions est

remarquable : 24 en 1992, 48 en 1993, 71 en 1994, 130 en 1995 et 163 en 1996), mais aussi

de celles, visant les questions de culture, cultes et éducation. En fait, l’accroissement

d’attention pour la culture et les cultes, visa moins un intérêt soudain pour les manifestations

culturelles et plus toute une série d’incitations positives pour les églises (en espérant en fait

que celles-ci vont agir en tant que vecteurs électoraux). Cette multiplication des mesures

visant les questions socioculturelles en général peut être considérée comme s’inscrivant dans

une tendance plus générale de l’intensification de l’activité gouvernementale, cependant les

discordances en valeur absolue du nombre de décisions entre les deux premières années du

cabinet et les deux dernières initialisent en fait une pratique qu’on pourra rencontrer

également dans le cas d’autres cabinets postcommunistes.

Pendant la période 1996-2000 la tendance croissante du nombre des décisions

gouvernementales portant sur des questions économiques est préservée. Il s’agit de la période

où on commence la réforme économique, la diminution des subsides accordés au domaine

économique et la politique de la privatisation. En outre, la tendance remarquée durant 1992-

1996 est aussi présente, car il existe une augmentation du nombre des décisions portant sur

les questions patrimoniales. On assisterait de cette manière à la création d’un modèle

comportemental avant les élections. Devant l’incertitude des résultats, les acteurs politiques

essaient à placer en tant que récompenses des immeubles et des terrains à leurs fidèles (on

passe de 60 telles décisions en 1996 à 113 en 2000). Toujours durant cette période

préélectorale on peut identifier une intensification du travail des cabinets quant à l’adoption

des mesures visant la protection sociale. Cette tendance multiplicative au niveau des mesures

de solidarité, même quand il s’agit d’un gouvernement qui a assumé discursivement une

version minimaliste de l’Etat, montre en fait l’instrumentalisation des mesures de protection

sociale. D’ailleurs, les modifications concernant le travail et la protection sociale

sont marquantes : de 10 décisions visant ce domaine en 1998 on arrive à 149 en 2000. Un

pattern similaire peut être observé pour les questions visant la culture, les cultes et

148

l’enseignement et la santé publique, cette fois-ci une année avant les élections. Certes, dans le

cas de l’enseignement l’accroissement du nombre de décisions est également accompagné par

des réformes, en ne touchant pas uniquement les politiques distributives. Cependant, la

préférence pour des politiques socioculturelles vers la fin des cabinets, qui affectent

directement le quotidien des électeurs, peut être conçue comme un contrepoids

gouvernemental pour les effets négatifs du processus de privatisation massive des premières

années du mandat.

La période 2000-2004 fut régie par le même type de comportement au niveau

gouvernemental. La tendance déjà observée de multiplication du nombre des décisions

économiques est maintenue, mais cette fois-ci l’ampleur du changement est beaucoup

diminuée. Durant la période on développe en fait les négociations pour l’adhésion du pays à

l’Union européenne. C’est pour cette raison que la plupart des politiques économiques

menées ont été plutôt orientées vers le renforcement de la réforme économique entamée dans

la période antérieure, surtout en ce qui concerne la finalisation du processus de privatisation.

Toujours dans le souci du respect des lignes imposées par la Commission, malgré la couleur

politique du gouvernement en place, on peut identifier très peu de mesures protectionnistes à

l’égard de la vie des citoyens. Pour la plupart de la période du cabinet Năstase le principe de

solidarité fut obscurcit. On peut par ailleurs expliquer la plupart des mesures que le

gouvernement adopte durant cette période en tant que réponses aux exigences des

négociations menées avec l’UE et le Fond monétaire international. C’est seulement vers la fin

du mandant qu’on peut décrypter la réémergence des priorités partisanes dans le processus de

la prise de décision, surtout en ce qui concerne le contrôle des ressources de l’Etat. Ainsi, une

tendance de croissance est retrouvable au niveau des mesures portant sur les décisions visant

la sécurité interne et l’administration, la santé publique et le travail, le transport et

l’infrastructure à partir de 2003. Comme dans le cas d’autres cabinets, les décisions

patrimoniales, présentes dans la période préélectorale, confirment et consolident une tradition

déjà instituée (de 118 décisions en 2001 on arrive à 353 en 2004).

En ce qui concerne les décisions qui furent adoptées durant les premières deux années

du mandant du cabinet Călin Popescu Tăriceanu (2004-2008), elles poursuivirent le même

modèle d’accroissement du nombre des décisions portant sur le domaine économique. Même

si en principe la réforme du secteur économique est achevée, l’hyper réglementation du

domaine reste une constante de la politique gouvernementale. Les trois autres domaines qui

149

sont marqués par une croissance au niveau des décisions prises sont le domaine de l’intérieur/

l’administration, la justice, les transports et l’infrastructure. Secteurs importants au niveau du

processus d’adhésion à l’UE et les réformes subis par ces trois domaines ont soulevé à

l’époque de nombreuses critiques. De la sorte, au moins au niveau du nombre des décisions

prises, la conditionnalité européenne semble fonctionner au niveau des derniers deux

cabinets, même si la simple adoption des mesures ne coïncide pas à leur implémentation

proprement dite et elle ne constitue pas un garant de la performance.

7. A la recherche d’une vue d’ensemble : quelles convergences dans l’activité gouvernementale ?

Tant l’analyse des politiques budgétaires que l’étude des décisions gouvernementales

dévoilent une image hétéroclite de l’activité des exécutifs. Les contraintes exercées par les

institutions internationales, les mouvements sociaux ou encore la préparation des élections

semblent déterminer un panorama de la diversité décisionnelle. Néanmoins, au-delà des

différences et de l’absence d’une articulation claire des politiques en fonction de l’affiliation

des partis, il existe quelques éléments qui s’institutionnalisent en tant que des modèles

comportementaux au niveau des exécutifs. Quelle est donc l’image générale du

fonctionnement gouvernemental telle qu’elle soit relevée par l’analyse des décisions

gouvernementales ?

L’étude portant sur l’activité gouvernementale fut construite à partir de deux grandes

dimensions : une dimension budgétaire et une dimension de la prise de décision. Les

allocations budgétaires conçues en tant qu’un indicateur de l’implication et du support du

gouvernement dans plusieurs secteurs décrivent une politique générale visant la consolidation

de certaines dimensions. Le renforcement de l’Etat surtout en ce qui concerne le financement

de l’ordre public et des autorités administratives, la reconfiguration de l’économie mais à des

vitesses différentes selon les gouvernements de gauche ou de droite et une instrumentalisation

des domaines socioculturels surtout dans les périodes électorales, retracent, de cette manière,

la logique d’allocation budgétaire des gouvernements roumains.

A cette tendance générale s’ajoute les résultats d’une seconde analyse portant sur

l’agenda gouvernemental. Au-delà de la logique de distribution directe des ressources, cet

indicateur découpe deux autres grandes tendances. De la sorte, toute une série de secteurs

souffrent un processus soutenu de réforme étant marqués par des reconfigurations. La

multiplication du nombre des décisions portant sur les questions économiques, en dépit de la

150

diminution constante du rôle de l’Etat dans ce secteur constitue le principal exemple. Mais il

y en a d’autres aussi, qui semblent révéler l’influence de la conditionnalité européenne sur les

politiques gouvernementales : l’agriculture et l’environnement. L’absence de la

réglementation au début des années 1990, suivant aussi l’idée que la rétrocession des

propriétés agraires implique une réduction des compétences du niveau étatique et transfère la

prise de décision au niveau du privé fut petit à petit dépassée. Face aux contraintes de la

négociation de l’adhésion à l’UE, ce secteur qui devient de plus en plus central, en souffrant,

un processus graduel d’accroissement du nombre des décisions : de 27 décisions en 1990 et

en arrivant en 2006 à 260 de décision touchant les problèmes connexes à ce domaine. Le

nombre des réglementations reste réduit dans l’économie générale de la prise de décision

gouvernementale, cependant par rapport aux premières années, il marque une croissance

d’intérêt notable.

En contrepartie, une seconde tendance semble s’instituer dans le champ de la prise de

décision. On pourrait ainsi déceler au niveau de la prise de décision gouvernementale

l’institutionnalisation de certains secteurs en tant que domaines sensibles aux cycles

électoraux. De telles variations relèvent surtout des domaines socioculturels. Comme dans le

cas l’enseignement (surtout à cause de l’agrégation de ce domaine avec celui de la culture et

des cultes – beaucoup de décisions durant la période préélectorale visent en fait des dons vers

les diverses églises). En 1993, il y avait 29 décisions gouvernementales concernant

l’enseignement et la culture, tandis qu’en 1996, 103 décisions furent adoptées. En 1997 le

gouvernement adopta 45 décisions et en 2000 - 64, en 2001 84 tandis qu’en 2004 il y avait

184 décisions visant l’enseignement et la culture. Des fluctuations semblables puissent être

mises en relief dans le cas de la santé publique et du travail. En 1997 que 49 décisions

visaient ce domaine tandis qu’en 2000 leur niveau touchait 185 décisions prises. De cette

manière, on peut identifier une certaine instrumentalisation de l’idée de solidarité dans des

buts électoraux.

Toujours dans le cadre de cette tendance générale il est essentiel se concentrer sur la

question des décisions patrimoniales. Le transfert interinstitutionnel des terrains et des

éléments de patrimoine, la réallocation des divers bâtiments qui se trouvent dans la propriété

de l’Etat exhibent une tendance de croissance surtout vers la fin de mandant de chaque

gouvernement. Si en 1992-1993 il y avait 23 respectivement 24 décisions gouvernementales à

ce sujet, en 1996, année électorale, on peut compter 164 de telles décisions. Le même modèle

est identifiable durant la période 1996-2000 : si en 1997 il y avait 72 décisions patrimoniales,

en 2000 114 de telles décisions étaient prises par le gouvernement en place. En 2001, juste

151

après les élections, 118 des décisions visaient de tels transferts tandis qu’à la fin du mandant

nous pouvons compter 362 décisions à cet égard. De la sorte, ce domaine transversal,

touchant plusieurs sphères décisionnelles, se transforma dans une vraie ressource de la

politique gouvernementale. Cette pratique montre également que les simples allocations des

fonds budgétaires vers un secteur ou un autre n’est pas la seule méthode du contrôle des

mécanismes de récompenses par rapport aux acteurs politiques loyaux. Par la suite, en

prenant en compte les deux axes d’analyse, peut on décrypter un comportement des partis

politiques qui gouvernent en consonance à leur affiliation politique ?

La réponse à cet égard n’est pas tranchante et elle dépend du secteur d’activité. Le

domaine qui semble décrire un modèle plus proche par rapport à la couleur politique des

membres des gouvernements est l’économie, surtout durant les périodes 1997-1999, 2005-

2006 et 2003-2004. Les cabinets de droite se caractérisent par une diminution relative du

nombre des décisions et en même temps par une réduction d’allocations budgétaires pour ce

secteur tandis que le cabinet de gauche va dans le sens opposé. Il est également à remarquer

le fait que la contrainte externe peut jouer également un rôle réduit. Si on prend le cas du

cabinet socio-démocrate de la période 1992-1996, on peut observer qu’en dépit d’une

réduction visible, au moins au niveau de la programmation budgétaire du support de l’Etat

pour l’économie, à partir de 1994 ce comportement est mis en balance par une tendance

croissante de réglementation du domaine. Néanmoins, il est à spécifier, que la grande

différenciation entre le comportement des gouvernements quant aux questions économiques

ne vise ni les allocations budgétaires, ni l’existence de la réglementation. Elle semble à ne

porter même pas sur l’initiation de certains objectifs généraux qui font l’objet durant la

période de transition et de préadhésion des objectifs tracés par les institutions européennes,

mais elle vise en principal l’option pour la manière dans laquelle on avait envisagé la voie

vers la réalisation de ces objectifs.

Si dans les domaines économiques les politiques gouvernementales semblent être

influées plus par la couleur politique des cabinets, cela n’est nécessairement pas le cas

d’autres domaines. Indifféremment de la position idéologique, les partis politiques au pouvoir

ont privilégié une politique du renforcement de l’Etat sur le plan interne, par l’octroi des

subsides pour la sécurité interne et les autorités publiques. Cette politique est doublée par une

tendance apparemment contraire visant les restructurations continuelles du pouvoir exécutif.

En ce contexte, la politique gouvernementale par rapport aux formules institutionnelles visa

non pas la consolidation de l’Etat en tant que tel mais le support pour des formules

organisationnelles conformes à leurs propres représentations quant à la construction de l’Etat.

152

Dans la même lignée les politiques visant les modèles de distributions de ressources

semblent obéir également à une logique qui dépasse la polarisation idéologique des partis.

L’instauration des patterns de financement et décisionnels montrant un souci pour la

distribution surtout dans les années préélectorales et électorales en est témoin à ce sujet. En

outre, il faudrait remarquer qu’au-delà de ces incitations positives visant l’électorat, il existe

une seconde logique de distribution qui obéit aux mêmes règles et qui porte sur la

réallocation des ressources non budgétaires tenant du « patrimoine » des instances exécutives.

8. Les défis interprétatifs quant aux comportements des partis politiques au pouvoir

Avant de conclure, on considère qu’il serait nécessaire de procéder à un détour

concernant les possibles conséquences des comportements décrits par le processus de la prise

de décision. Malgré le brouillage des frontières entre les divers cabinets et la diversité des

manières à s’approprier la décision, les exécutifs roumains étalent une institutionnalisation de

certaines stratégies décisionnelles. Ces stratégies sont effectivement beaucoup influencées par

le contexte politique du pays, mais elles constituent également un mixage des deux modèles

envisagés quant au rôle des partis qui gouvernent. Ainsi, d’une part en ce qui concerne le

noyau dur du travail décisionnel portant sur les questions économiques les cabinets dévoilent

un principe de différenciation selon la couleur politique des partis. En revanche, lorsqu’il

s’agit des politiques de redistribution, celles-ci semblent être plutôt ancrées dans des

stratégies du moment et elles poursuivent des évolutions transversales.

Il est encore à préciser que les politiques gouvernementales jalonnent un pattern qui va

au-delà d’un critère proprement partisan qui se trouve sur un continuum entre l’image du

parti au gouvernement et la position de ses contestataires. Les politiques gouvernementales

les deux premières années du mandant (1992-1996, 1996-2000 et 2000-2004) sont nettement

différentes par rapport à la période qui s’ensuit. De la sorte, l’évolution de l’action

gouvernementale n’est pas linéaire, mais implique l’adoption des mesures économiques

réformatrices et des diminutions des politiques distributives surtout immédiatement après

l’investiture du cabinet en place. L’anticipation des futures élections change ces politiques

engendrant une transmutation de référentiel dans l’activité gouvernementale indifféremment

des cas des cabinets de gauche ou de droite. Ces pratiques décisionnelles instaurées en

Roumanie postcommuniste n’impliquent cependant ni l’homogénéité des politiques, ni un

principe portant sur l’interchangeabilité entre les divers partis qui gouvernent. Les manières

153

distinctes d’apercevoir la prise de décision influent de facto sur les politiques publiques

entamées.

Bien au-delà de ces principes généraux, il existe une autre interprétation possible de ces

résultats. Les fluctuations importantes dans le nombre des décisions entamées tout comme les

modifications dans les fonds qu’un secteur détient à sa disposition découvrent l’image des

cabinets à une géométrie variable. A part le secteur économique (notamment les finances et

l’économie) et les affaires étrangères qui montrent une certaine stabilité dans l’influence

décisionnelle, tous les autres domaines d’activité gouvernementale semblent être soumis aux

aléas du processus de la démocratisation. L’absence de l’hiérarchie stable dans les

préférences décisionnelles et de l’institutionnalisation des secteurs prioritaires remet en cause

la possible prédictibilité de l’action gouvernementale. Dans cette perspective, la saillance de

certains portefeuilles326 considérés comme « distributives » par leur capacité d’affecter les

perspectives électorales des partis, est, au moins dans le cas roumain, très variable. En ce

contexte, toute une série de cadres interprétatives portant sur la formation des coalitions et sur

les préférences des partis relatifs aux certains portefeuilles trouvent leurs limites

explicatives327. Un portefeuille de ministre du Travail et de la protection sociale, n’a pas la

même importance dans la période qui suit juste après les élections et à la fin du mandant, les

politiques économiques d’un cabinet ne sont pas les mêmes selon la temporalité décrite par le

découpage des élections.

326 L’idée selon laquelle il existerait une hiérarchie des préférences constantes des partis par rapport à certains portefeuilles clé a été ainsi développée par Mattei Dogan. Voir Mattei Dogan et P. Campbell, « Le personnel ministériel … », Pp. 334, 314. De l’autre côte, Jean Blondel utilise 9 domaines : Affaires étrangères, Défense, Justice, Finances et Commerce (y compris les ministères pour la planification), l’Industrie et le Transport, l’Agriculture, la Santé publique et la Protection Sociale, le Travail et l’Education. La théorie est reprise notamment au niveau des théories portant sur les coalitions V. Michael Laver, W. Ben Hunt, Policy and Party Competition, Routledge, New York, 1992, Wolfgang C. Müller, Kaare Strøm, (eds.), Coalition Governments in Western Europe, Oxford University Press, Oxford, 2000.327 De la sorte si on prendrait en compte les hiérarchies des experts portant sur l’importance des portefeuilles ministériels en Roumanie en tant qu’image des priorités décisionnelles des partis gouvernants on peut remarquer que le Premier ministre, le Ministre des affaires étrangères et celui de l’Economie des Finances et de l’Intérieur qui se trouvent en tête de liste semblent avoir une influence qui peut être soutenue également par les politiques décisionnelles que notre étude avait analysée. Néanmoins, en ce qui concerne l’hiérarchie des autres portefeuilles qui s’ensuivent comme Industrie et Commerce, Justice, Transports, Administration publique locale, Travail et protection sociale, secrétaire général du gouvernement, Travaux publics etc., ces domaines souffrent des reconfigurations et des fluctuations décisionnelles qui ne leur permettent pas une hiérarchisation pour une longue période. (Pour un classement de la saillance des portefeuilles James N. Druckman et Andrew Roberts, «Measuring Portfolio Salience in Eastern European Parliamentary Democracies », European Journal of Political Research, 2007, Pp.1-34.voir Pp. 28-30 Appendix 2)

154

9. En guise de conclusion : Quelle place pour les élites ?

La réponse à la question « Est-ce que la simple présence d’un parti au gouvernement

est-elle suffisante dans l’explication du fonctionnement d’un exécutif ? » semble trouver dans

le cas roumain une réponse négative. Les grandes lignes de l’activité gouvernementale

postcommuniste racontent l’histoire d’une pratique non-unitaire d’un point de vue de la

couleur politique du cabinet. A part la question de la réforme économie qui polarise surtout

jusqu’en 2000 les mesures des exécutifs, les autres domaines sont sujets des fluctuations

marquantes. Des logiques trans-partisanes semblent s’instituer tout comme certaines

pratiques découpent les gouvernements temporellement entre les premières années et la fin de

leurs mandats. La plurivalence des allocations budgétaires, les variations dans la saillance de

certains secteurs gouvernementaux semblent munir le champ gouvernemental d’une absence

de cohérence substantielle.

D’une certaine manière, on pourrait interpréter ce mouvement brownien dans la prise

décisionnelle comme une conséquence d’un difficile héritage du passé qu’impose un principe

de contestation328. Les partis gouvernementaux n’avaient pas agi dans un sens clairement

idéologique, mais ils ont « administré en permanence d’habitude contre les gouvernements

qui leurs ont précédé »329. L’obsession discussive pour la réforme en l’absence d’un projet

engendrait une panoplie toujours changeante des politiques existantes. Le fait que les

gouvernements ont plutôt réagi au lieu d’agir est visible par rapport à la réponse des cabinets

aux contraintes externes. Des solutions fragmentaires et de moment ont été en principe les

principales options des gouvernements roumains.

Héritages du passé, la situation économique, les contraintes européennes et l’absence

d’un projet politique de longue durée se réunissent ainsi afin d’influer sur la prise de décision.

Y a-t-il donc de la place pour les acteurs individuels ? Autrement dit, est-ce qu’en ce contexte

structurellement déterminé, les élites politiques ont-elles joué un rôle au niveau de la prise de

décision ?

Les héritages du passé eurent un impacte direct dans le développement ultérieur des

pays de l’Europe Centrale, surtout durant la période de transition. L’état de l’économie et la

configuration des institutions furent déterminants durant les premières années d’après

l’écroulement des régimes communistes. Néanmoins, les reconfigurations institutionnelles

328 Daniel Barbu, Op.Cit., P.132329 Ibidem, P.112

155

ultérieures, les changements adoptés devraient en principe diminuer le rôle des déterminants

du passé. Il ne s’agit pas ici de parler en termes de performance économique, ni de mise à

niveau avec d’autres Etats occidentaux, mais de la configuration de la prise de décision en ce

qui concerne les directions et les contenus des politiques menées. Le poids du passé devrait

ainsi être limité. A son tour, les contraintes externes, surtout le processus d’européanisation

dans les pays de l’Europe Centrale et Orientale ne supposa pas l’imposition d’un modèle

unique. Même si l’acquis communautaire introduit petit à petit dans la législation nationale

détermine des mécanismes décisionnels et des critères qui modifient le comportement des

acteurs nationaux, le sens du fonctionnement de nouveaux organismes ainsi que la

profondeur des changements au niveau des réponses institutionnelles et décisionnelles

dépendent de la volonté des acteurs nationaux.

En ce contexte, les variations dans les politiques menées, certes dépendent des

contraintes introduites par les organismes internationaux, mais elles restent une prérogative

des dynamiques internes et de la volonté des acteurs étatiques. La faiblesse originaire des

partis gouvernementaux ne peut pas se constituer comme argument quant à un possible

export décisionnel à l’extérieur du système politique roumain. En revanche, la faiblesse des

partis politiques peut expliquer l’absence de cohérence du processus de la prise de décision.

De cette manière, les dynamiques décisionnelles peuvent être conçues dans deux manières

distinctes : soit en tant qu’option stratégique des partis qui gouvernèrent le pays, soit, au

contraire, en tant qu’une impossibilité de coordination et de contrôle des acteurs politiques

gouvernementaux. Dans les deux cas cependant le rôle des acteurs individuels, des élites

politiques, qui occupent les portefeuilles reste essentiel pour la définition de la prise de

décision gouvernementale. Dans le premier cas de figure, au niveau actionnel, les élites

aménageraient d’une manière stratégique la prise de décision et la reconfiguration

institutionnelle au-delà des arguments idéologiques et dans la seconde interprétation, elles

auront à leur disposition des marges de liberté d’action très larges qui leur permettraient à

influer fondamentalement l’activité gouvernementale en fonction de leurs propres intérêts et

compétences.

La différence entre les deux interprétations quant aux conditions de possibilité d’une

variable intervenante dans la compréhension du processus de la prise de décision ne porte pas

sur le sujet de l’explication (les élites), mais sur les mécanismes hypothétiques de l’influence

(le degré de professionnalisation, la relation avec les sélecteurs ou encore les interactions

entre les élites lorsqu’ils sont au gouvernement). De la sorte, l’importance du rôle des acteurs

156

individuels ne se nourrirait pas seulement d’une tradition de la personnification du pouvoir,

mais également des développements politiques postcommunistes.

Phénomène présent également dans les pays occidentaux, en Europe Centrale et

Orientale les exécutifs semblent être configurés autour des individus et sont caractérisés par

« l’osmose entre le ministre et le portefeuille »330. La Roumanie n’en fait pas exception.

Devant un processus décisionnels marqué par des logiques fluctuantes, les élites se

préfigurent comme l’explicitation de la dynamique décisionnelle. Dans cette perspective le

questionnement sur les élites n’implique juste un décryptage de leur rôle au niveau de la

légitimation du régime mais soulève également une interrogation portant sur leur influence

directe dans l’agencement de l’activité gouvernementale.

330 L’argument d’une relation entre la transposition, l’application et la manière dans laquelle le processus d’européanisation se déroule par le biais des filtres décisionnels nationaux fut développé à plusieurs reprises, en étant mis en relation aux préférences politiques des acteurs politiques au pouvoir et de leurs capacités décisionnelles V. Christoph Knill, Andrea Lenschow, « Adjusting to Eu Regulatory Policy: Change and Persistence of Domestic Administrations, » dans James Caporaso, Maria Green Cowles, Thomas Risse (eds.), Europeanization and Domestic Change, Cornell University Press, Ithaca, New York, 2001, Pp. 116-137 ; Adrienne Héritier, « Differential Europe: National Administrative Responses to Community Policy », James Caporaso, Maria Green Cowles, Thomas Risse (eds.), Op.Cit, Pp.44-60.

157

CHAPITRE 3

Les voies d’accès dans le gouvernement. Quelles trajectoires des élites gouvernementales ?

Les limites explicatives de l’influence de la conditionnalité externe et du comportement des partis gouvernants au niveau des politiques gouvernementales soulèvent une interrogation portant sur le profil des élites exécutives. Y a-t-il un processus de professionnalisation des élites exécutives qui donnerait en théorie la possibilité de contrôler le processus de la prise de décision ?

A la base d’une étude portant sur les carrières des élites politiques des cabinets postcommunistes (ministres et secrétaires d’Etat) ce chapitre essaie d’identifier le portrait général de la population gouvernementale tel qu’il est construit à partir de trois dimensions : (1) la relation au passé communiste des leaders, (2) les voies d’accès vers une fonction exécutive et (3) les tendances vers une possible accumulation d’un savoir faire décisionnel.

LES ACTEURS INDIVIDUELS ET LEUR IMPACT AU NIVEAU DE L’EXECUTIF▪ DELIMITER LES GRANDS AXES D'ANALYSE DES ELITES GOUVERNEMENTALES▪ COURT APPERCU METHODOLOGIQUE▪ LES HERITAGES DU COMMUNISME ET LES ELITES GOUVERNEMENTALES▪QUELLES TRAJECTOIRES POUR LES ACTEURS POSTCOMMUNISTES? ▪ LES SECRETAIRES D'ETAT UN OBJET D'ETUDE DIFFICILEMENT IDENTIFIABLE ▪ ACTEURS CENTRAUX OU PASSAGERS: UNE ANALYSE DE LA PROFESSIONNALISATION DES ELITES EXECUTIVES▪ EN GUISE DE CONCLUSIONS

158

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

1. Les acteurs individuels et leur impact au niveau de l’exécutif

Les variations importantes décrites par les politiques gouvernementales, même dans

un cadre déterminé à la fois par les contraintes institutionnelles, mais aussi par une forte

conditionnalité externe, soulèvent une question portant sur l’agencement décisionnel au

niveau des élites. Encore plus que dans les démocraties stables, dans les pays

postcommunistes les ressources personnalistes réussissent à dépasser les restrictions

institutionnelles331. De la sorte, la capacité et les directions décisionnelles des cabinets

dépendent des stratégies développées par les acteurs politiques. Au fond, la question d’une

possible contradiction entre la politique (telle qu’elle soit définie d’un point de vue

idéologique) et les politiques que le gouvernement adopte n’est pas nouvelle et elle peut être

identifiée dans des divers degrés dans tout régime politique.

Les dirigeants politiques procèdent généralement à une distribution des ressources qui

permet une maximisation de leurs chances de rester au pouvoir332. Néanmoins, l’emplacement

de l’argument volontariste ainsi que celui d’une tendance naturelle d’autoconservation des

positions de pouvoir au cœur même du débat sur les élites et leur impact dans la prise de

décision n’est pas suffisant pour l’explicitation des différences observées au niveau de

l’activité gouvernementale. Au-delà de la simple volonté personnelle quant aux directions des

politiques à mener, il faudrait que les acteurs politiques soient capables d’entamer et

d’implémenter toute une série de décisions. Or, le degré de contrôle qu’un acteur possède

dans la formulation et l’implémentation des politiques peut varier substantiellement en

fonction du contexte politique général.

Même si on exclut d’autres facteurs déterminant l’activité de l’acteur politique

(l’échafaudage institutionnel, les coutumes décisionnelles dans l’exécutif etc.), l’émergence

d’un principe de rationalité dans la formulation des politiques est quasi impossible en

l’absence des compétences décisionnelles333. Par conséquent, les profils politiques des élites

dirigeantes acquirent une importance qui va au-delà de la question de légitimité du régime ou

de la représentativité des élites. Les compétences des acteurs individuels, leur passé en

politique, les fonctions détenues avant leurs nominations, constituent des facteurs favorisant

331 V. Dimitrov, K. H. Goetz, H. Wollomann, Op.Cit. , Pp. 230-231332 Bruce Bueno de Mesquita, James D. Morrow, Randolph Siverson, Alastair Smith, « Political Competition and Economic Growth », Journal of Democracy Vol.12, No. 1, Janvier, 2001, Pp. 58-72.333 Jacques Breillat, Du communisme au postcommunisme. Les intellectuels interpellés par la politique, Ant. N. Sakkoulas, Bruylant, 2002, P. 242

159

la préfiguration d’un contrôle exercé sur le processus de la prise de décision. L’existence

d’un certain savoir faire décisionnel qui se trouve à la base de la professionnalisation des

élites est, de cette perspective, d’autant plus importante dans un contexte postcommuniste qui

ne dispose pas d’une longue expérience démocratique.

La fonction exécutive est considérée comme un sommet d’une carrière politique334

surtout de la perspective de l’influence directe que les leaders politiques peuvent avoir dans la

formulation des politiques dont l’application est immédiate. Dans les démocraties stables, les

partis politiques sont censés à nommer dans ces fonctions des acteurs centraux des

organisations politiques ayant une vaste expérience décisionnelle. Le choix assure, au moins

au niveau idéal typique, à la fois l’existence d’une compétence minimale de l’acteur testée à

l’intérieur de l’organisation et une certaine loyauté par rapport à la politique générale de

l’organisation politique. Cependant, l’existence d’une connaissance décisionnelle uniforme et

d’un degré de professionnalisation minimal des acteurs politiques ne peut pas fonctionner en

tant que prémisse acceptable d’une manière automatique pour tous les systèmes politiques.

La grande variation des trajectoires et des pratiques de recrutement est d’ailleurs

reconnue, engendrant des logiques différentes de la construction des équipes ministérielles335.

En considérant que la délimitation des grandes filières d’accès à une fonction exécutive peut

rendre compte des capacités et compétences décisionnelles ainsi que des possibles freins dans

l’accomplissement d’une cohérence décisionnelle, on procédera donc à une investigation des

trajectoires gouvernementales des acteurs politiques336. On essayera ainsi à fournir une

réponse à la question : Y a-t-il un processus de professionnalisation des élites

gouvernementales en Roumanie postcommuniste ?

2. Délimiter les grands axes d’analyse des élites gouvernementales

334 Jean Blondel, Government Ministers in the Contemporary World, Pp. 16 et 24 et aussi Jean Blondel et Maurizio Cotta, « Conclusions », Idem (eds.), Party and Government…, Pp. 249, 252.335 Pour un exemple de la grande diversité des formules choisies dans la construction des équipes gouvernementales voir le numéro coordoné par Mattei Dogan, « The Selection of cabinet Ministers in Contrasting Political Systems », Revue Internationale de Sciences Politiques, Vol.2, No.2, 1981.336 Nous utilisons une définition large du terme de gouvernement, consacrée par Mattei Dogan, en prenant en compte les ministres et les secrétaires d’État en tant qu’acteurs exécutifs nommés politiquement, selon la volonté du Premier ministre et des partis qui forment les cabinets. V. Mattei DOGAN, «Sociologia elitelor politice [La sociologie des élites politiques] », in Sociologie politică – Opere alese [Sociologie politique- Anthologie], Ed. Alternative, Bucarest, 1999, P. 60.

160

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

Malgré le vaste intérêt suscité par la question « Qui sont les élites ? » très peu de

conclusions furent tirées quant à l’impact concret des caractéristiques des acteurs politiques

au niveau du processus décisionnel. Au-delà de la multiplication des indicateurs visant

l’analyse des origines sociales et des trajectoires politiques, la question portant sur la

relevance de ces études est toujours d’actualité.

La formulation du problème de l’influence du profil des élites sur les politiques

entamées en termes « de nécessité » mène à un blocage. On ne peut pas être certains qu’une

élite représentative d’un point de vue social amène un plus de stabilité ou de responsabilité au

niveau de la prise de décision337. Il est déjà fait connu que dans la plupart des systèmes

politiques la base sociale des acteurs politiques n’est jamais très large338 et que la perméabilité

des structures de pouvoir apparaît surtout dans des cas précis de reconfigurations sociales,

politiques ou économiques339. En outre, les études plutôt récentes essayant d’établir une

relation de convergence entre le profil des élites et les représentations quant à la prise de

décision ont fini dans une impasse340. Le pouvoir explicatif limitée des origines du personnel

politique en ce qui concerne ses actions politiques est d’ailleurs mentionné depuis

longtemps car, « très souvent, l’homme politique, dès qu’il parvient à des positions élevées,

cesse de partager les sentiments du groupe social d’où il sort »341.

Néanmoins, on soutient que cette difficulté analytique peut être dépassée lorsqu’on

formule le questionnement portant sur l’influence des trajectoires des élites en termes de

conditions possibilité. L’âge des décideurs, leur représentativité territoriale, leur expérience

politique ne sont pas censés permettre d’estimer d’une manière directe des effets sur l’action

politique en tant que telle, mais ils se préfigurent en tant qu’éléments témoignant une certaine

337 Robert Putnam, Op. Cit., P.44.338 En partant des propos des pères fondateurs du domaine et indifféremment de l’approche prise en compte le verdict est tout à fait clair. Les différences entre les diverses études visent plutôt l’identification quant au locus où les distorsions apparaissent. Par exemple Prewit identifie dans son étude que la plupart des élites locales du cas analysé proviennent d’un couche sociale moyenne ou moyenne supérieure et non pas des catégories les plus avantagées ou les moins désavantagées. V. J. Prewitt, Op.Cit. (chap. 2. The Social Bias of Leadership Selection), Pp. 23-53. V également Pippa Norris, Passangers to Power, David Butler, Howard R. Penniman, Austin Ranney (eds.), Democracy at the Pools, American Entreprise Institute, Washington SC, 1981, Gerhard Loewenberg, Samuel C. Patterson, Malcom E. Jewell (eds.), Handbook of Legislative Research, Harvard University Press, Cambridge Ma, 1985.339 Lester Seligman, « Political Change : Legislative Elites and Parties… », Pp. 177-187.340 Samuel J. Edersveld, Political Elites in Modern Societies. Empirical Research and Democratic Theory, Empirical Research and Democratic Theory (chap.1), Michigan University Press, Ann Arbor, 1986. D’ailleurs les études menées en Europe Centrale et Orientale semblent suggérer la même disjonction qui apparaisse même plus accentuée, car ici on avait remarqué la tendance d’un schisme entre les représentations politiques en tant que telles des acteurs politiques et la manière dans laquelle les élites envisagent les principales mesures gouvernementales à entamer. V. également Anton Steen, Op.Cit., P. 318 ainsi que Bogdan Mach, Wlodzimierz Wesolowski, « Poland: The Political Elite’s Transformational Correctness » dans John Higley et György Lengyel (eds.), Op. Cit., Pp. 87–102.341 Mattei Dogan, « L’origine sociale des parlementaires.. », P.179

161

capacité décisionnelle. La trajectoire d’un acteur individuel peut ainsi rendre compte non

seulement de son activité dans un sens substantiel : l’acteur X une fois nommé dans une

fonction exécutive sera enclin à décider en la faveur des politiques sociales ou libérales, mais

aussi au niveau formel : l’acteur X détiendra toute une série de ressources qu’il peut

mobiliser pour mener à bien la formulation et l’implémentation d’une politique (qui peut être

idéologique ou stratégique en fonction d’autres facteurs qui tiennent du fonctionnement

général de scène politique).

Vue sous cet angle, la question portant sur les étapes qui mènent à la promotion en

politique peut s’avérer porteuse quant à la compréhension des politiques gouvernementales.

Le processus graduel comprenant une étape de la présélection concernant les facteurs qui

prédisposent un individu vers une carrière politique, ainsi que la sélection proprement dite,

visant les étapes parcourues par l’acteur dans des diverses fonctions politiques342

constitueraient des éléments censés de rendre compte du profil des élites gouvernementales et

de leur savoir faire. Les « liens affectifs » de l’individu : la famille, l’école ou encore la

position face à un élément de contexte historique spécifique343, constituent qu’une partie des

variables qui peuvent être mobilisées afin de décrypter la prédisposition de l’acteur vers une

fonction politique344. Délimitées au niveau empirique, plusieurs trajectoires préférentielles

d’accès à une fonction exécutive peuvent être retracées en tant que procédures de sélection :

la légitimation parlementaire, le creuset des commissions parlementaires, la capillarité

partisane et la filière mandarinale (la tendance de nommer en fonctions publiques des

membres de l’administration).

Au-delà de ces voies d’accès classiques, tant au niveau de la présélection mais aussi

au niveau de la promotion en politique les diverses trajectoires diffèrent en fonction du pays

342 Mattei Dogan, « How to Become a Cabinet Minister in France», Pp.1-24.

343 Pour le cas français Mattei Dogan considère que la position face à la résistance et la solidarité gaulliste qu’il représente en termes de loyauté pour un leader charismatique (Général de Gaulle) sont des éléments à prendre en considération lorsqu’on analyse l’étape de présélection des élites politiques française V. Mattei Dogan, « How to Become a Cabinet Minister in France. Career Pathways… » ; Idem, « Filières pour devenir ministre de Thiers à Mitterand », Pouvoirs, Nr. 36, 1986, Pp. 43-60.344 Plusieurs autres variables ont été prises en compte dans l’analyse du profil initial des gouvernants. Jean Blondel dans une analyse similaire sur les ministres du monde identifie en tant que variables qui vérifient l’origine sociale : le gendre, l’aire géographique d’origine, l’âge au moment de la nomination, la formation et l’occupation. (Jean Blondel, Government Ministers…, Chap. 2, Pp. 29-55). R. Putnam considère comme variables importantes pour la sélection initiale : l’intérêt pour la politique, le niveau des connaissances à l’égard de la vie politique, l’éducation, le prestige social, le bien être, la position politique (Voir Robert D. Putnam, Op.Cit., P. 8). La distinction entre les stades du recrutement est utilisée aussi dans des études plus récentes. Ainsi Ofer Kenig et Shlomit Barnea l’utilisent dans leur étude sur le recrutement des ministres en Israël en identifiant comme variables de la présélection l‘âge, le sexe, l’éducation et l’origine ethnique. Voir Ofer Kenig, Shlomit Barnea, « The Selection of Ministers in Israel : Is the Prime Minister a ‘Master of His Domain’? » Travail préparé pour le workshop Selection and De-selection of Ministers, ECPR, 14-19 Avril 2005, Granada etc.

162

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

et du moment histoire345. Dans ce contexte de diversité, même si la stabilité des trajectoires

ou, pour autant, même si la sociologie occupationnelle des élites ne sont pas suffisants afin de

rendre compte de toutes préfigurations politiques dans un pays346, elles sont à considérer en

tant que facteurs introduisant un certain degré de prédictibilité de la prise de décision.

Derrière tout un ensemble des conditions qui définissent « une carrière politique », la

professionnalisation implique avant tout « l’acquisition d’une compétence spécifique […],

qui ne vise pas un domaine particulier, mais un savoir-faire impliquant une compétence

générale »347. Or cette compétence générale est décisive d’une part pour la construction des

mécanismes décisionnels fonctionnels et de l’autre part, pour l’institutionnalisation d’une

certaine manière de se rapporter au processus de la formulation des politiques.

Cette valence interprétative de l’analyse des carrières politiques est encore plus

importante dans un contexte qui a priori se trouve dans un processus de reconfiguration

majeure, comme c’est le cas des pays postcommunistes. Au-delà de l’absence d’une tradition

démocratique de la prise de décision, la relation directe des leaders politiques au passé peut

constituer un élément essentiel quant à leur comportement au sein des exécutifs. La courte

période démocratique soulève d’une manière aigue la problématique de l’existence d’une

compétence décisionnelle minimale. En dernière instance, l’action gouvernementale peut être

l’objet d’une influence directe des élites, non seulement au nom d’une rationalité intéressée

des acteurs individuels mais aussi en vertu de l’absence de compétence.

Dans ce qui suit, on procédera donc à l’étude du profil de la population

gouvernementale en Roumanie postcommunistes sur trois grandes dimensions. L’étude

commencera par une investigation du passé récent du pays sur la composition des élites

gouvernementales en tant que possible facteur déterminant une spécificité d’action de ces

élites. La seconde partie se constitua dans une étude classique des trajectoires politiques telles 345 Les trajectoires citées furent établies par Mattei Dogan pour le cas français. Au niveau macro incluant plusieurs régions du monde Blondel délimite plutôt deux grandes filières : la trajectoire parlementaire en passant par le parti à laquelle s’additionne la filière par promotion à l’intérieur des ministères. A ceux-ci s’ajoute encore les acteurs provenant de l’extérieur de l’espace politique, les militaires ou encore les acteurs ayant une expérience dans des organisations telles que les syndicats (V Jean Blondel, Government Ministers…, Chap. 3, p.55). En contrepartie, Ofer Kenig et Shlomit Barnea identifient pour le cas d’Israël aussi quatre grandes voies vers le pouvoir ministériel : la filière partisane, les anciennes stars, les anciens généraux, les techniciens. A ces filières s’additionnent aussi deux grands patterns – les héritiers (la seconde génération en politique) et les protégés.346 Le débat visant la portée d’une relation directe entre le profil sociologique des acteurs et les reconfigurations politiques de grande ampleur suscita de nombreuses controverses quant à sa pertinence ou encore son applicabilité. Pour un exemple des diverses approches à cet égard voir les travaux de Seligman, notamment « Political Change : Legislative Elite… » ou de Daniel Gaxie, « Les logiques du recrutement politique », Revue française de science politique, 1980, Vol. 20, No.1, Pp.5–45 versus Offerlé Michel, «Professions et profession politique », dans Idem (ed.), La profession politique. XIXe-XXe siècles, Belin, Paris, 1999, Pp. 7-35.347 Mattei Dogan, « Is there a Ruling Class in France? », P. 26.

163

qu’elles furent dessinées après l’écroulement du communisme, tandis que la dernière

dimension portera sur une interrogation plus large visant les divers degrés de

professionnalisation des élites gouvernementales.

2. Court aperçu méthodologique

Avant de procéder à une analyse des trajectoires des acteurs politiques gouvernementaux,

il faudrait cependant s’arrêter un moment sur la description des données dont nous disposons.

Les élites politiques post-décembristes, leur relation au passé et leurs carrières politiques dans

le présent seront décrites à la base des indicateurs classiques utilisés dans l’analyse du

recrutement. Nous avons procédé ainsi à la construction d’une base de données portant sur les

élites politiques gouvernementales. Les variables retenues dans notre l’analyse portent sur les

facteurs déterminants de la présélection et de la sélection des acteurs gouvernementaux348.

La base de données résultante comprend ainsi 327 nominations ministérielles et 1218

nominations des secrétaires d’Etat et porte sur la période décembre 1989 - août 2008. Les

bornes temporelles choisies sont facile à comprendre recoupant ce qu’on appelle « la période

postcommuniste » du pays. On commence ainsi avec le cabinet provisoire, qui est le premier

cabinet qui naîtrait après la chute du régime communiste et on poursuit les trajectoires des

acteurs jusqu’en août 2008. Vu la proximité des élections on avait considérée que les

transformations subies par le cabinet en place (Călin Popescu Tăriceanu) après le mois d’août

ne peuvent pas modifier d’une manière substantielle les résultats de l’enquête.

Cependant, il faudrait préciser que la démarche de reconstruction des trajectoires des

acteurs de la scène politique roumaine est loin d’être évidente. Afin de reconstituer les filières

exécutives, on avait procédé à l’entrecroisement de plusieurs sources et documents

existants349. Même si de plus en plus nombreuses, ces sources offrent dans la plupart des cas

des informations fragmentaires et parfois contradictoires quant au parcours en politique des

acteurs. En outre, la publication de tels dictionnaires ou d’anthologies des personnalités

politiques du moment est fondée généralement sur la disponibilité des élites d’envoyer leurs

curriculum vitae ou encore sur les propres déclarations quant à leur activité. Des omissions

intentionnelles ou non intentionnelles peuvent ainsi apparaître.

348 A savoir : la date de naissance, le sexe, le département d’origine, l’éducation (le type, le domaine et le niveau de la formation ainsi que le centre dans lequel ils ont suivi leurs études), l’expérience politique avant 1989, l’appartenance politique (et s’il est le cas la position détenue au niveau du parti au moment de la nomination), l’occupation de base des acteurs, ainsi que des éléments portant sur la carrière politique proprement dite (les fonctions dans le local, dans le parlement, des hautes fonctions publiques ou encore de consultance politique etc.

164

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

En absence des données institutionnelles certes, le travail de reconstruction des carrières

reste plutôt dans le domaine d’approximation. Si au niveau du personnel ministériel, surtout

des années récentes, il existe suffisamment des sources à croiser afin de construire une image

générale des gouvernants, cela n’est pas le cas des ministres « éphémères » des premiers

cabinets ou encore des secrétaires d’Etat. L’analyse de ces derniers s’avère particulièrement

difficile suite aux taux très hauts de données manquantes. En l’absence d’une liste et des

sources officielles portant sur ces leaders, la construction d’un tableau exhaustif portant sur le

profil de cette population reste quasi impossible. Ainsi, on avait choisi de présenter seulement

les données qui présentent une certaine certitude et les variables dont les valeurs manquantes

ne sont pas très élevées. En outre, à chaque pas on indiquera les limites statistiques des

indicateurs cités.

3. Les héritages du communisme et les élites gouvernementales

Nombreuses sont les études qui s’appuyèrent sur la question du changement de

régime et sur le rôle des élites au pouvoir. La polysémie même qui accompagne le terme de

révolution en Europe Centrale et Orientale sous-tend toute une série d’attributs350 impliquant

une certaine vision sur la configuration des élites émergentes et sur leur comportement. Le

succès des transitions fut souvent associé à « l’existence des groupements et des mouvements

dissidents [avant 1989] qui étaient capables d’exprimer les aspirations populaires et proposer

349 Une liste non exhaustive de nos sources comprend : ***Rompres, Protagonişti ai vieţii publice [Les protagonistes de la vie publique], 3 vol., Agenţia Naţionala de Presa Rompres, Bucarest, 1994; ***, Personalitati publice, politice 1992-1994 [Personnalités publiques, politiques 1992-1994], ed. Holding Reporter, 1994 ; ***, Personalitati publice, politice 1995-1996[Personnalités publiques, politiques 1995-1996] (3ème édition), ed. Holding Reporter, 1996, ***, Personalitati publice, politice 1996-1997[Personnalités publiques, politiques 1996-1997], ed. Holding Reporter, 1997 ; Gheorghe Crisan, Piramida puterii – Oameni politici si de stat, generali si ierarhi din Romania (decembrie 1989- 10 martie 2004) [La pyramide du pouvoir – hommes politiques et hommes d’Etat, généraux, hiérarques en Roumanie (déc. 1989 -10 mars 2004)] vol I et II, ed. Pro Historia, Bucarest, 2004 ; ***, Who’s Who in Romania 2002, Pegasus Press, Bucarest, 2002, mais aussi ***, Cartea albastră a democraţiei. Un ghid al instituţiilor publice centrale din România[Le livre bleu de la démocratie. Un guide des institutions publiques centrales en Roumanie], Asociaţia Pro Democraţia, Bucarest, 1997 ainsi que le volume publié pour 2001. Les sources électroniques se sont aussi avérées utiles. Des sites comme celui de Who’s who : http://romania-on-line.net/whoswho; le site de la Chambre des Députes www.cdep.ro; ou le site du gouvernement www.gov.ro etc.

350 Pour une discussion sur les diverses formules employées afin de décrire les événements de l’année 1990 V. Dragos Petrescu, « The Collapse of Communism in Hungary and Romania : A Comparative Analysis», Studia Politica.Romanian Political Science Review, Vol.III, No.1, 2003, Pp/163-183, Jacques Breillat, Op.Cit., Pp. 25-27.

165

d’alternatives politiques et économiques par rapport à l’ancienne politique défaillante »351. Le

passé communiste des leaders constitue ainsi une idiosyncrasie de la région et peut engendrer

des freins dans l’autonomisation d’une prise de décision similaire aux démocraties stables. Si

une des raisons portant sur le choix de notre cas vise justement le fait que la plupart des

hommes politiques de la transition ont été des membres du Parti Communiste, la cooptation

dans des fonctions politiques d’anciens membres de la nomenklatura352, durant l’étape

postrévolutionnaire, pourrait néanmoins constituer le ressort principal dans l’explicitation de

la construction des nouvelles carrières et des actions politiques postcommunistes353.

L’emplacement du pouvoir au niveau des personnes et non pas au niveau des institutions354,

l’absence d’un mouvement dissident articulé durant le communisme, accorderaient à ces

acteurs, « renouvelés », encore plus d’importance.

Le fait que le principal clivage (ou tension) qui a structuré la scène politique roumaine

après 1989 a été celui entre les communistes et les anti-communistes355 suggère qu’un des

grands débats de la période visa « la lutte portant sur la mémoire et non pas celle visant les

projets de société »356. En ce contexte, la polarisation idéologique faisant référence à des

solutions politiques concrètes détient plutôt une importance secondaire. Le passé communiste

semblerait ainsi devenir le principal levier dans l’échafaudage d’une nouvelle élite politique.

La centralité de la controverse portant sur le passé, au-delà de ses implications symboliques

peut ainsi avoir des implications directes sur l’émergence et la cristallisation des nouveaux

modèles décisionnels. Ainsi, dans ce qui suit, on essayera de décrypter le rapport entre le

passé et le présent dans la construction des carrières politiques gouvernementales en

Roumanie postcommuniste. Est-ce que les élites gouvernementales roumaines sont-elles des

héritières du régime communiste ?

3.1 Un regard dans le passé du processus de recrutement

351 V. Tismaneanu, Reinventarea politicului…[La réinvention du politique…], P.162 352 Nous incluons dans les positions de nomenklatura les positions concernant la prise de décision dans la société communiste telles qu’elles étaient établies par les hautes autorités du Parti Communiste. Voir Mihail Vozlensky, Nomenklatura, Doubleday&Co Inc., New York, 1984, P. 75.353Une telle explicitation aurait à la base la thèse de l’influence du passé dans le présent à partir de la difficulté de penser la négociation et l’établissement du consensus lorsqu’on est en la présence des taux considérables d’acteurs politiques du passé qui gardent intacte leur capacité d’influencer la politique. V. George Shopflin, « Post-communism : Constructing New Democracies in Central Europe », Pp. 235-250, V. également John Higley, Judith Kullberg, Jan Pakulski, Op. Cit., Pp. 133-147.354 George Shopflin, Op. Cit., Pp. 239.355 Jean Michel De Waele « Consolidation démocratique, partis et clivages en Europe Centrale et Orientale », P.191.356 Daniel Barbu, Op.Cit., P.136.

166

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

Les caractéristiques des leaders varient en fonction du profil du pays, du moment

historique pris en compte. Cependant, au-delà des découpages visant les moments de

discontinuité historique, les influences du passé jouent des rôles plus ou moins limités dans le

présent. Les plus grands changements produits par les réformes sociales et institutionnelles

peuvent engendrer des réponses différentes en fonction du contexte où on les applique. Une

telle lecture peut être faite au texte de Mattei Dogan portant sur le profil des parlementaires

roumains de la période 1922-1934. En dépit de l’adoption des grandes réformes agraires et du

soufrage universel, le monde rural roumain de l’entre deux guerres a continué de vivre

« replié sur lui-même, sans soulever des problèmes d’ordre social », tout comme dans les

pays industrialisés le renforcement du nombre des ouvriers n’avait pas abouti à une

reconfiguration du monde politique357. Un de plus grands changements historiques en

Roumanie produira ainsi des effets contre intuitifs quant au degré et la manière dans laquelle

les profils des élites ont été modifiés. Ainsi, sans une analyse en profondeur visant les

continuités et les discontinuités dans la sélection des élites, il serait difficile d’estimer quelles

furent les transformations apportées par le changement de régime qui eût lieu en 1989.

Il est vrai que pour qu’on puisse estimer l’impact du passé communiste dans la

configuration des trajectoires politiques d’après 1989, il faudrait idéalement détenir des

données comparables sur les deux périodes. La centralisation de la démarche sur les

ressources des acteurs postcommunistes ne peut pas rendre compte de la persistance des

mêmes modèles et des logiques dans la construction des trajectoires ou de leur

reconfiguration totale. Néanmoins, jusqu’à présent, il existe très peu d’études qui ont visé la

question du recrutement politique en Roumanie communiste dans une perspective à la fois

quantitative et positionnelle358. Vu le fait que durant le communisme le processus de prise de

décision appartenait indéniablement au Parti Communiste et non pas aux acteurs politiques

dans des fonctions publiques359, la plupart des études se concentrèrent plutôt sur les

mécanismes de cooptation des nouveaux membres de parti et non sur le profil explicite des

populations spécifiques telle que l’élite gouvernementale. En construisant une esquisse du

portrait des décideurs communistes on essayera d’établir quels seront les possibles effets de

leur reproduction dans l’espace postcommuniste.357 Mattei Dogan, « L’origine sociale du personnel parlementaire d’un pays essentiellement agraire: La Roumanie », P.206358 Si beaucoup d’informations visant les mécanismes de recrutement ainsi que des biographies des leaders sont disponibles grâce aux travaux de Vladimir Tismaneanu, on ne dispose pas de suffisamment de données sur l’image statistique du profil des leaders politiques qui ont occupé des fonctions publiques. Pour des éléments visant le profil des élites durant le communisme voir Vladimir Tismăneanu, Stalism pentru eternitate [ Stalinisme pour l’éternité], Idem, Fantoma lui Gheorghiu-Dej [ Le spectre de Gheorghiu Dej], Univers, 1995.359 Vesselin Dimitrov, Klaus H. Goetz, Hellmut Wollomann, Op.Cit., P. 209

167

Au niveau général, du recrutement des membres de parti, on ne peut pas parler d’une

politique unitaire tout au long de la période communiste, mais plutôt on peut déceler

plusieurs étapes. Comme Daniel Barbu le remarque, « la première génération des militants

marxistes ayant d’origines plutôt prolétaires qui se sont trouvés à la direction du parti fut

massivement remplacée à partir de 1965 par des activistes ayant un profil plutôt rural ». Les

politiques au caractère d’inclusion du PCR ciblant tous les segments sociaux permirent ainsi

la naissance « d’un pouvoir qui se diversifie typologiquement et qui est alloué à une pluralité

des groupements professionnels »360. De la sorte, en dépit d’une courte période durant les

années cinquante quand on assiste au changement forcé de génération (voir le tableau 11), la

Roumanie présente les plus hauts taux d’inclusion de la population dans les structures du

parti communiste361.

Table 11 Les effectifs des partis communistes en perspective comparative (*)

Avant la guerre

1947 1950 1983

N N % N N %Bulgarie 8000 510000 7,2 300000 826000 9,2Tchécoslovaquie 80000 1300000 10,5 1400000 1600000 10,4Hongrie 30000 750000 8,2 Na 852000 8Pologne 20000 800000 3,3 1100000 2327000 6,4Yougoslavie 15000 400000 2,5 Na 2200000 9,6Roumanie 1000 710000 4,5 595363 3300000 14,6

*Des taux cités sont synthétisés par Daniel Barbu, “The Burden of Politics”, pp. 330, 337 reprenant pour l’année 1947 François Fetjo, Histoire des démocraties populaires, I. L’ère de Saline 1945-1952, Seuil, Paris, 1952, Pp. 117-124 et Guy Hermet pour l’année 1983, Les désenchantements de la liberté. La sortie des dictatures des années 1990, Fayard, Paris, 1993, P. 58. Le nombre des membres des années 50 est repris de Fernando Caudin « The Communist Movement. From Comintern to Cominform », II-ème partie, Monthly Review Press, 1975, P.526 cité dans Stelian Tanase, Op. Cit, P.59.

La capillarité du pouvoir qui touche toutes les sphères de la vie des citoyens est sans

doute d’une ampleur plus grande en Roumanie par rapport à d’autres pays de la région.

Cependant, au niveau des grandes tendances, les politiques du parti dévoilent des

360 Voir Daniel Barbu, Op.Cit., Pp. 46-57 ainsi que Daniel Barbu, « The Burden of Politics. Public Space, Political Participation and State Socialism», Studia Politica. Romanian Political Science Review, Vol. II, No.2, 2002, Pp. 329-349; Stelian Tanase, Elite si societate. Guvernarea Gheorghiu Dej 1948-1965, Humanitas, Bucuresti, 2006 (Pp. 55-62)361 L’évolution des cadres du Parti Communiste évolua ainsi de 1000 personnes en 1944 à 685000 en 1946, à 1060000 en 1948, 595393 en 1955, 834600 en 1960, 1761000 en 1968, 1999720 -1970, 2655000 en 1976, 3044336 en 1980, 3557205 en 1985 et enfin 3709735 en 1987. V. Catalin Augustin Stoica, « Once upon a Time There was a Big Party; The Social Bases of the Romanian Communist Party, » East European Politics and Societies, Vol.19, no.4, 2005, P. 703 synthétisé dans Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., P.75. Si on est à comparer ces chiffres à la population totale du pays publiés dans les annuaires statistiques on remarque que 6,68% de la population en 1948, 3,29% en 1955, 4,62% en 1960, 9,87% en 1970, 13,71% en 1980 et enfin 15,98% en 1987 étaient des membres du parti communiste.

168

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

caractéristiques semblables à d’autres pays de la région quant au changement du profil des

membres durant l’industrialisation stalinienne et l’adoption des politiques d’inclusion par

rapport aux catégories intellectuelles et des élites technocratiques362.

Néanmoins, le processus visant l’institutionnalisation d’une élite technocratique à

partir des années soixante semble échouer dans le cas roumain. Au moins au niveau des élites

gouvernementales et, à différence d’autre pays de la région, le principe de politisation des

élites continua à fonctionner jusqu’à la chute du régime363. Si on est à regarder le profil

général des élites à l’intérieur des divers pays communistes364 (en dépit des taux de données

manquantes assez importantes), on peut identifier des différences substantielles selon les

divers cas mobilisés.

Même si la Roumanie poursuit les mêmes tendances d’inclusion de toutes les

catégories sociales dans le parti communiste, elle reste le seul pays de la région où la

proportion des ministres promus à la base de leur activité dans le PCR touche 41% des cas.

Les autres catégories occupationnelles sont beaucoup moins valorisées : les fonctionnaires

représentent 22%, les professeurs 12% et les ingénieurs 6% des cas. Des différences notables

sont ainsi à observer par rapport aux autres pays de la région qui cependant à leur tour

comportent une grande variation. En Pologne, la majorité des ministres étaient des

professeurs 19%, la filière de parti représentait 13% des cas, tandis que ceux de la sphère

économique ou des ouvriers (manual workers) comptaient 12% (chaque catégorie). En

Tchécoslovaquie et en Allemagne d’Est la catégorie la plus importante des ministres était

constituée par des ouvriers (25% respectivement 37%) suivis par les fonctionnaires publics en

Tchécoslovaquie 17% ou par les employés (white collars) en Allemagne de l’Est 18%.

Incontestablement, le haut niveau d’agrégation des données produit des distorsions

importantes, mais les taux indiqués suggèrent clairement dans le cas roumain l’importance de

l’implication dans le parti communiste pour la promotion dans une position exécutive.

Dans cette perspective, l’analyse de la relation des nouvelles élites au pouvoir d’après

1989, à l’ancien régime communiste, notamment par rapport aux structures exécutives n’est 362 Jacek Wasilewski, «The Patterns of Bureaucratic Elite Recruitment in Poland in the 1970s and 1980s », Soviet Studies, Vol. 42, No. 4, 1990, Pp. 743-757 (P.744) 363

Laurentiu Ştefan, « De la un stalinism la altul. Dimensiunea tehnocratică in guvernele Gheorghe Gheorghiu Dej 1952-1965 comparativ cu guvernele Ceauşescu 1965-1974”[D’un stalinisme à un autre. La dimension technocratique dans les gouvernements Gheorghe Gheorghiu Dej 1952-1965 en comparaison aux gouvernements Ceauşescu 1965-1974], dans Elite comuniste înainte şi după 1989, L’Annuaire de l’Institut pour l’Investigation des Crimes du Communisme en Roumanie, Vol II, No.2, Polirom, Bucarest, 2007, P.57.

364 Les taux qui s’ensuivent sont extraits de l’Appendix II, du travail de Jean Blondel présentant les caractéristiques des ministres de la période 1945-1981 dans les pays du monde. V. Jean Blondel, Ministers in the Contemporary…., P. 278.

169

pas une simple formalité. La continuité des élites n’impliquerait pas l’idée que « leurs actions

font appel, après vingt ans de postcommunisme aux mécanismes interprétatifs

marxisants »365. Néanmoins, la reproduction des élites communistes pourrait en échange

constituer un élément soutenant la thèse d’une certaine persistance d’une forme d’expérience

décisionnelle fondée sur une socialisation institutionnelle durant communisme qui ne se

réclame pas uniquement d’un principe technocratique, mais aussi d’un principe politique. La

continuité des élites communistes dans des positions exécutives s’avérait ainsi un élément

essentiel pour les évolutions des politiques d’après 1989.

3.2 Image générale sur l’influence du passé dans le présent roumain

Au début des années 1990, Klaus Von Beyme remarquait que durant les premières

années après les révolutions de l’Europe Centrale et Orientale, le seul domaine

« fonctionnel » de la politique visait le recrutement et le renouvellement des classes

politiques. Pourtant, le cas roumain lui apparaissait comme étant en contre-courant, car il

remarqua une continuité au niveau des élites politiques roumaines366. De la sorte, à différence

d’autres pays de la région qui enregistrent une circulation des élites par remplacement367, la

Roumanie serait décrite par une continuité au niveau des élites dirigeantes. Si en 1993, que

21,9% des élites politiques hongroises et 27,5% des élites polonaises étaient des membres

l’ancienne élite communiste, le profil des acteurs postcommunistes en Roumanie se

rapprochait plutôt de l’exemple de la Russie où au début des années 1990, 67.7% des élites

provenaient de l’ancienne nomenklatura368.

La continuité des anciens leaders communistes dans la politique postrévolutionnaire

ne fut pas que le résultat du fait que les deux premières élections du postcommunisme ont été

gagnées par un parti successeur (le FSN/PDSR), mais aussi l’effet de l’absence des pépinières

permettant l’émergence des nouvelles élites. Cette tendance est d’ailleurs visible dans le

profil général des acteurs politiques postcommunistes. La plupart d’entre ceux-ci (de tous les

partis politiques) continuent d’être d’anciens membres du PCR. Ainsi, l’appartenance au PCR

des ministres postcommunistes varie entre le minimum atteint de 65,22% dans le cas du

365 Daniel Barbu, Op. Cit., P. 16.366 Klaus Von Beyme, « Regime transition and the recruitment of political elites », Governance An International Journal of Policy and Administration, Vol. 6, No. 3, Juillet 1993, Pp. 409-425(415).367 Eva Fodor, Edmund Wnuk-Lipinski, Natasha Yershova, Op.Cit., Pp.783-800; Ivan Szelenyi, Szonya Szelenyi, « Circulation or Reproduction of Elites during the Postcommunist Transformation of Eastern Europe », Pp.615-638.368 Ivan Szelenyi, Szonya Szelenyi, Op.Cit., P. 626.

170

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

cabinet de droite Isărescu (2000) et 95,65% lors du cabinet Văcăroiu (1992-1996) (ou encore

88,8% pour le cabinet Năstase (2000-2004))369.

De cette manière, la simple interrogation portant sur la présence d’anciens membres

du PC, trouve indubitablement une réponse positive. D’ailleurs, vu la tendance intégrative du

PCR, la persistance d’une partie de ses anciens membres dans les positions politiques

postcommunistes n’est pas du tout surprenante. Le grand enjeu du renouvellement des élites

n’est pas cependant ciblé sur l’élimination des anciens membres de parti de la sphère

publique, mais sur la marginalisation de ceux qui ont détenu des positions de pouvoir durant

le communiste : les anciens nomenklaturistes.

3.3 Le rôle du passé dans l’articulation d’une élite ministérielle

Une investigation visant la présence d’anciens membres de la nomenklatura dans les

cabinets roumains postcommunistes dévoile un processus graduel de diminution de leur

présence dans les équipes ministérielles.

Si le premier cabinet formé en décembre 1989, le cabinet provisoire, comptait en

proportion de 64,5% des membres appartenant à la nomenklatura, en 1992, dans le cabinet

situé dans la continuité du cabinet provisoire, 44,2% des membres de l’équipe

gouvernementale présentaient le même profil. Après la première alternance gouvernementale

et l’arrivée au pouvoir d’une coalition de centre-droite, les taux sont beaucoup plus

diminués : que 7,9% des ministres du cabinet Victor Ciorbea (1996-1998) avait occupé dans

leur passé une fonction dirigeante dans l’ancien régime. La préfiguration instituée par les

gouvernements de droite de la période 1996-2000, menant à un renouvellement des élites

ministérielles, fut ultérieurement continuée (malgré une certaine croissance), en 2001, par le

cabinet Adrian Năstase (2000-2004)- 16,7%370.

Table 12 L’image générale de la professionnalisation des élites gouvernementales 1990-2008

LE GOUVERNEMENT

369 Marius Tudor, Adrian Gavrilescu, Democratia la pachet. Elita politica in Romania postcommunista [La démocratie à l’emporter. L’élite politique en Roumanie postcomuniste], Compania, Bucarest, 2002, P. 152. Cette situation n’est pas une spécificité de l’élite exécutive, une enquête menée sur les parlementaires de la législature 2000-2004 identifie toujours 83.6% des parlementaires en tant qu’anciens membres de parti. V Laurentiu Stefan Scalat, Patterns of Political Recruitment, Ziua, Bucuresti, 2004, P.121.370 Les taux pour les autres cabinets sont : 44,8% dans le cas du cabinet Petre Roman (1990-1991), 38,1% le gouvernement Theodor Stolojan (1991-1992), 6,9% Radu Vasile (1998-1999) et 8,7% le cabinet Mugur Isărescu (1999-2000). Voir Raluca Grosescu, Op.Cit., Pp. 97-124 (P.120).

171

Provisoire Roman Stolojan Văcăroiu Ciorbea Vasile Isărescu Năstase TăriceanuM

IN

Exp Gouv.

Oui n 24 10 6 19 1 2 1 6 3 % 68.60 37.00 30.00 42.20 2.60 6.30 3.80 13.30 5.70

Non n 11 17 14 26 38 30 25 39 50%

31.40 63.00 70.00 57.80 97.4093.8

0 96.20 86.70 94.30

SEC

R.

D’E

TA

T

Exp.Gen.

Oui n 86 62 34 55 12 12 5 25 6

% 65.15 49.60 36.17 37.16 12.1210.6

2 6.58 12.69 4.84Non n 46 63 60 93 87 101 71 172 118

% 34.85 50.40 63.83 62.84 87.8889.3

8 93.42 87.31 95.16

Exp Gouv.

Oui n 76 44 22 36 5 5 1 13 0 % 57.58 35.20 23.40 24.32 5.05 4.42 1.32 6.60 0.00

Non n 56 81 72 112 94 108 75 184 124

% 42.42 64.80 76.60 75.68 94.9595.5

8 98.68 93.40 100.00

Ces taux se rapprochent d’ailleurs aux valeurs qu’on avait identifiées, par rapport à

l’existence d’une certaine expérience exécutive accumulée (durant le communisme) dans le

cas des ministres des cabinets post-décembristes (voir le tableau 12). En allant au-delà de ces

pourcentages, on peut observer une tendance soutenue d’une diminution importante du poids

des anciennes élites communistes dans les portefeuilles ministériels.

En outre, toujours au premier niveau de l’exécutif, il existe un second phénomène qui

caractérise les manières dans lesquelles le passé communiste fut mobilisé dans les structures

exécutives postcommunistes. Le décroissement des taux d’anciens nomenklaturistes

s’accompagne d’une diminution encore plus rapide du rôle des leaders les plus importants de

la période communiste. Dans le cas du cabinet provisoire, 22,9% des membres étaient

d’anciens ministres communistes, autres 28,6% avaient occupé des positions de ministres

adjoints ou secrétaires d’Etat avant 1989. Cependant, après cette date, toutes les autres

équipes gouvernementales exhibent une tendance visible d’exclusion de ces élites.

L’expérience gouvernementale « récupérée » au niveau ministériel est plutôt celle des

échelons bas des gouvernements et elle est identifiable, en grande partie, que durant la

période 1990-1996.

Table 13 Niveau étatique de l’expérience exécutive communiste des ministres

LE GOUVERNEMENT

Provisoir

eRoma

nStoloja

nVăcăroi

uCiorbe

a VasileIsăresc

uNăstas

eTăricean

u

Le Ministerie

lCount

8 0 0 0 0 0 0 0 0

% 22.9% .0% .0% .0% .0% .0% .0% .0% .0%

172

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

nive

au e

xpér

ien

cego

uve

rnem

enta

le a

van

t 19

89S. d'Etat Count 10 2 0 3 0 0 0 0 0 % 28.6% 7.4% .0% 6.8% .0% .0% .0% .0% .0%Directions Count 4 6 4 4 0 0 0 1 1 % 11.4% 22.2% 20.0% 9.1% .0% .0% .0% 2.1% 1.9%Autres Count 2 2 2 12 1 2 1 4 2 % 5.7% 7.4% 10.0% 27.3% 2.6% 6.3% 3.8% 8.5% 3.8%Aucune Count 11 17 14 25 38 30 25 42 50 %

31.4% 63.0% 70.0% 56.8% 97.4% 93.8% 96.2% 89.4% 94.3%

3.4 Le portefeuille de secrétaire d’Etat un abri pour occulter le passé ?

Sujets de contestation après le changement de régime, beaucoup de nomenklaturistes

ont quitté la scène exécutive immédiatement après 1989. Néanmoins, la disparition de ces

acteurs au niveau ministériel n’apporte pas d’une manière implicite leur évanouissement de

tout portefeuille décisionnel. Pourtant, quand on regarde les échelons inférieurs du pouvoir

exécutif, la conclusion à laquelle on arrive est, au moins qu’on puisse dire, surprenante. En

principe, le second échelon du pouvoir exécutif, décrit par une visibilité publique réduite,

mais qui permet un réel pouvoir décisionnel, devrait constituer « le refuge parfait » pour les

anciens membres de la nomenklatura. Or, en analysant les taux de leur présence dans des

fonctions de secrétaires d’Etat, on comprend ce phénomène n’apparaît pas dans le cas des

gouvernements roumains.

Les deux premiers cabinets Petre Roman exhibent des taux quasi similaires quant à la

présence des anciens nomenklaturistes tant au niveau des ministres qu’au niveau des

secrétaires d’Etat. En revanche, les deux prochains cabinets de la période 1991-1996

présentent d’une manière paradoxale, des taux moins élevés de nomenklaturistes sur le

second échelon de l’exécutif. C’est seulement, après la première alternance gouvernementale

(1997-1999), qu’il y ait plus de personnes ayant des relations au passé communiste au niveau

des secrétaires d’Etat que sur le niveau ministériel. Leur poids est en même temps très réduit

par rapport à la population générale.

Notre étude avait utilisé (pour des buts comparatifs) une définition large de la

nomenklatura incluant des chefs d’entreprises ou même ceux qui apparaissent comme ayant

173

détenu des fonctions importantes au niveau local. Lorsqu’on compare strictement

l’expérience exécutive communiste des acteurs gouvernementaux des deux échelons de

pouvoir, la situation est pratiquement inversée par rapport à l’intuition initiale qu’on avait

quant à leur reproduction après 1989 (voir le graphique 5). Durant toute la période

postcommuniste, sans exception, les secrétaires d’Etat présentent des taux inférieurs

d’anciens membres des exécutifs communistes. La différence entre les taux est surtout visible

pour les cabinets PDSR-PSD. Le parti qui exhibe des maximums relatifs quant à la

reproduction d’anciens membres des exécutifs communistes ne procéda pas à une politique

généralisée de conservation des leaders du passé.

En outre, si on reprend ici la distinction formulée au niveau de la littérature portant

sur la centralité des portefeuilles371, on peut observer toute une série de reconfigurations

notables. La décroissance dans le nombre des personnes ayant détenu des fonctions politiques

durant le communisme (dans la nomenklatura) est accompagnée par une tendance vers leur

nomination dans des positions plutôt marginales dans le cabinet (76,3% des anciens

nomenklaturistes « reconvertis » détenaient des portefeuilles centraux pour le fonctionnement

des cabinets durant le cabinet provisoire, mais après cette date le pourcentage est de plus en

plus bas : 55,7% durant le cabinet Petre Roman et 40,4% lors du mandant de Theodor

Stolojan). Le modèle de « marginalisation » croissante de ces acteurs se préserva dans tous

les cabinets qui ont suivi.

Le phénomène de décroissance visible du rôle de l’expérience communiste dans la

construction de l’équipe gouvernementale est encore plus foncé quand on examine les

positions centrales ou marginales occupés par ces acteurs. Qu’un quart des secrétaires d’Etat

du cabinet Theodor Stolojan qui avaient bénéficié d’une expérience exécutive durant la

période communiste dirigeaient un ministère « important » tandis qu’un seul secrétaire d’Etat

d’un ministère central de toute l’équipe gouvernementale de Mugur Isărescu avait travaillé

dans un exécutif communiste.

371 Conformément à celle-ci, non pas tous les portefeuilles se valent. Certains portefeuilles sont plus importants et donnent un plus de pouvoir décisionnel aux personnes qui les occupent (voir chap. 2). Nous avons retenu pour cette liste les secrétaires d’Etat des ministères suivants : Affaires Etrangères, Economie et Finances, Défense, Intérieur et Administration, Justice, Industries, le Secrétariat Général du Gouvernement

174

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

L'expérience exécutive communiste

0

10

20

30

40

50

60

70

80

1 2 3 4 5 6 7 8 9

Le cabinetMinistres Sécretaires d'Etat

Figure 5 Les différences entre les ministres et les secrétaires d’Etat dans la conversion des anciens nomenklaturistes

Le passé communiste semble souffrir ainsi un processus général de diminution de

l’importance au niveau gouvernemental. Fort important durant les premières années après la

chute du communisme, il paraît que les taux généraux qu’on puisse remarquer au niveau

ministériel, mais surtout les comportements observés dans le cas des secrétaires d’Etat nous

racontent plutôt l’histoire d’un échec d’un processus de conversion. Il est évident que ces

résultats doivent être lus cependant avec une certaine précaution. La multitude des sources

employées n’implique pas nécessairement la précision des informations fournies et ne

peuvent pas surprendre l’influence informelle que certains leaders peuvent avoir au niveau de

l’activité gouvernementale. En outre, l’analyse est tout à fait limitée par le fait qu’elle ne

permet pas l’identification des relations de parenté entre les anciens et les nouveaux acteurs

politiques ou encore d’autres ressources de l’ancien régime telle que l’appartenance à

l’ancienne Securitate.

Même si le résultat montrant un changement substantiel dans le profil des élites peut

avoir des causes naturelles et même si notre étude peut avoir omis, à cause des sources

incomplètes, une partie des expériences communistes moins visible, la reconfiguration des

élites et le décroissement du rôle d’anciens membres de la nomenklatura sont tout à fait

visibles dans le postcommunisme roumain. La transformation des élites gouvernementales est

essentielle. En dépit du fait que celles-ci ne sont pas immunes aux influences extérieures sur

des décisions clé qu’elles entament, la reconfiguration des profils de ces acteurs certifie

175

l’émergence d’un processus de différenciation par rapport au passé assumé au niveau public.

De la sorte, le renouvellement des élites témoigne l’existence de deux grands processus :

d’une part, elle suggère l’émergence de nouvelles procédures et critères de sélection des

acteurs gouvernementaux au niveau des partis politiques et de l’autre part, elle assure (qu’au

moins en principe) dans l’activité quotidienne des cabinets, les décisions sont prises par des

personnes qui ont acquis leurs compétences décisionnelles dans des cadres de socialisation

différents d’anciennes institutions communistes.

3.5 Le passé communiste et son pouvoir explicatif de la promotion en politique

En dépit des taux décroissants d’anciens membres de la nomenklatura, dire que le

passé ne joue pas un rôle important dans la configuration de la scène politique

postcommuniste ce serait simplifier outrancièrement les transformations subies par le pouvoir

politique en Roumanie. Les premières années après la chute du régime communiste semblent

être régies par les figures des anciens dirigeants communistes. La révolution « plutôt

institutionnelle » qui avait permis une continuité des anciennes élites communistes372

préfigura une évolution plus lente vers des mécanismes démocratiques.

En outre, l’élimination d’anciens membres de premier plan du pouvoir communiste ne

garantit pas une oblitération des pratiques de l’ancien régime. Comme Alexandra Ionescu le

précisait, malgré le fait que « le Parti Etat en tant que repère historique marquant la vie des

sociétés anciennement communistes, a été disloqué dans les lexiques officiels par la référence

a l’Europe », la manière dans laquelle la période révolutionnaire pense « l’ensemble de

mesures de transfert, reconduction et reconversion, décomposition et recomposition[…]

reprend le savoir et l’expertise du parti-Etat […] pour le mettre au travail et au profit d’un

Etat devenu postcommuniste »373. De la sorte, avant de conclure, on considère nécessaire une

approche plus approfondie portant sur le profil des élites gouvernantes. Etant conscients des

contraintes imposées par une logique positionnelle qui se limite à des inventaires des postes

privilégiés, on se propose d’aller plus loin, et de regarder quel était le profil des acteurs

politiques gouvernementaux postcommunistes, avant le changement du régime. Dans cette

démarche, on n’adoptera pas pourtant l’approche classique de la littérature portant sur la

372 Alexandru Gussi, « Decembre 1989. Prémisses du débat sur le passe réécent en Roumanie », Romanian Political Science Review, vol. VI, no. 1, 2006, Pp.115-157.373 Alexandra Ionescu, « La dernière révolution léniniste », Studia Politica. Revista Romana de Stiinta Politica, Vol. VI, no. 1, 2006, Pp 25-115, (Pp.25, 114).

176

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

conversion des élites374. En considérant les catégories telles que « capital culturel », « capital

économique » ou « politique » sont trop larges et susceptibles d’entraîner une image biaisée

du processus de consolidation des nouvelles carrières politiques, on se concentrera sur les

ressources particulières décrites par les trajectoires individuelles des acteurs

gouvernementaux, en essayant après de délimiter les possibles modèles de convergence entre

les diverses voies poursuivies par ces acteurs gouvernementaux. De fait, la seconde manière

dans laquelle le passé communiste pourrait jouer d’une manière décisive dans la création des

nouvelles élites politiques vise l’idée selon laquelle, il existe des viviers, des centres de

socialisation dans le passé ce qui permet la promotion de certains réseaux d’acteurs en

politique après 1989. Vu l’ampleur de la population à analyser en détail cette partie se

concentrera que sur les ministères.

En analysant les ressources « communistes » des acteurs gouvernementaux d’après

1989, on remarque que les taux indiqués pour l’expérience exécutive constituent le principal

indicateur d’une ressource communiste commune aux acteurs qui soit valorisée après la

révolution. Presque un quart de la population ministérielle de la période 1989-2008 présente

une expérience politique exécutive durant la période communiste. Située surtout au niveau

des directions des ministères et non pas au niveau supérieur des hiérarchies décisionnelles,

cette ressource s’avère d’une grande importance surtout avant l’alternance au pouvoir de

1996. Cependant, il existe également toute une série d’autres types d’expériences de la

période communiste qui ont été mobilisées ultérieurement. Une telle catégorie se préfigure à

partir des directeurs des instituts de recherche et des directeurs d’entreprises qui comptent

9,35% du total de la population ministérielle.

D’ailleurs, de 194 acteurs politiques de la période 1989-2004, 42 avaient travaillé

avant 1989 dans certains instituts de recherche tel que l’Institut pour l’Economie Mondiale

(3), l’Institut pour les recherches économiques (2), l’Institut pour l’Economie Nationale (2),

d’autres instituts affiliés à l’Académie Roumaine ou l’école de parti Stefan Gheorghiu (3).

374 Malgré le fait qu’au niveau de la littérature portant sur la conversion des élites on fait généralement la distinction entre les types de capital mobilisés (capital économique, politique et culturel) par les acteurs politiques d’après 1989, nous avons choisi de regrouper les deux catégories vu les taux bas de conversions. Cela est également du à deux grandes raisons : (1) notre étude porte plutôt sur les ressemblances et la reproductiondes élites dans la sphère précise du champs gouvernemental et non pas sur une étude de la conversion ou de la reproduction des membres de la nomenklatura (2) l’intérêt principal de notre démarche n’est pas celui de construire une typologie des formes de conversion même à l’intérieur de ce domaine, mais nous visons plutôt une démarche compréhensive portant sur les mécanismes menant à la création d’une élite gouvernementale après 1989; pour nous la conversion des ressources détenues pendant la période communistes constitue plutôt une des variables explicatives et non pas la variable dépendante. Pour plus de détails concernant l’approche classique de l’étude des formes de conversion et de reproduction voir : G. Eyal, I, Szelenyi, E. Townsley, Capitalism fara capitalisti. Noua elita conducatoare din Europa de Est [Capitalisme sans capitalistes. La nouvelle élite dirigeante en Europe de l’Est], Omega, Bucuresti 2001.

177

Ainsi, le phénomène « d’adéquation du savoir et du savoir faire produit par le communisme

au-delà du seuil temporel de la disparition du parti » qu’Alexandra Ionescu375 avait observé

au niveau du contenu des décisions institutionnelles durant la première période du

postcommunisme peut être expliqué également par la présence d’anciens chercheurs et du

personnel enseignant de ces centres parmi les dirigeants postcommunistes.

La question de la capitalisation du savoir faire dévoile ainsi une autre facette de

l’importance du passé dans le présent. Malgré une importance décisive d’une expérience

gouvernementale acquise durant le communisme qui est aussi doublée parfois par

l’importance du travail dans des diverses instituts de recherche, il n’existe pas de grands

modèles ou de source unique d’extraction des nouvelles élites au pouvoir. Les ressources

acquises dans le passé (qui n’entrent pas dans la catégorie « nomenklatura ») peuvent

constituer autant d’éléments qui facilitent l’accès en politique après 1989. De la sorte, si on

est à se concentrer sur la population ayant plus de 30 ans avant 1989 et qui exerçait des

diverses occupations, on peut compter au total 31% des professeurs universitaires, d’autres

21,2% des ingénieurs, 12,9% étaient des économistes, 11,9% des juges ou des procureurs et

7% des officiers. La domination du monde académique dans la politique postcommuniste

peut être interprétée sous des divers angles. On pourrait ainsi considérer dans la lignée de

pensée de Daniel Barbu que « les élites qui ont acquis leur statut et la notoriété sous le

totalitarisme et à l’aide de moyens de production culturels administrés par la censure ont

essayé à réinventer leur légitimité » 376 après 1989 et qu’elles ont en grande partie réussi ce

processus de conversion ou, au contraire, on pourrait examiner ces résultats comme une

réponse à une évolution retardée de la société. Selon Mattei Dogan « dans une société

polyvalente l’Etat n’a pas besoin de faire appel à ses grands corps », l’appel à l’Université ou

à l’armée constitue une solution de crise « en l’absence relative des cadres politiques »377. Les

deux interprétations ne sont pas d’ailleurs contradictoires et peuvent être conjuguées au

niveau de l’interprétation. Le grand succès des professions techniques après 1989, des gens

du monde académique répond à la fois, au moins partiellement, au besoin de légitimité des

nouvelles élites et dépend en même temps du profil des sélecteurs consacrées sur la scène

politique immédiatement après 1989 (sur ce dernier point on reviendra dans le chapitre

suivant).

Bien évidemment les ressources du passé qui ont la plus grande importance diffèrent

en fonction de la période. Leur impact est essentiellement important surtout durant les 375 Alexandra Ionescu « La dernière révolution léniste… », Pp. 110, 114376 Daniel Barbu, Op.Cit., P. 50377 Mattei Dogan, « L’origine sociale… », P. 178.

178

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

premières années du postcommunisme. Ainsi, après 1989 (1989-1996), on assiste à la

domination des ceux qui avaient travaillé dans les domaines économiques : 31,1% des

ministres ont eu des activités liées aux domaines visant soit les finances, l’industrie ou le

commerce. D’autres 5,9% d’entre les ministres d’avant 1996 ont mené des activités

directement liées au secteur de l’énergie, tandis que 10% provenaient du milieu académique

(spécialement des domaines techniques). La transmission du savoir faire constitue durant

cette étape un élément essentiel. Les anciens membres des exécutifs communistes mais aussi

des anciens directeurs des instituts ou des entreprises communistes sont identifiable surtout à

l’intérieur de ces premiers cabinets (18,5%). En outre, il est important à spécifier un fait

paradoxal (au moins en apparence). Malgré un certain repli sur les positions nationalistes des

premiers gouvernements, la sélection des leaders exécutifs avantagea dans une certaine

mesure les acteurs qui avaient détenu des positions diplomatiques ou au niveau des

entreprises, qui ont supposé un travail directe avec l’extérieur (des fonctions comme des

ambassadeurs, de diplomate ou encore des entreprises de commerce extérieur-10,92%).

A l’antipode, les années 1996-2000 se constituèrent dans un point d’inflexion sur la

scène politique roumaine, attestant la première alternance gouvernementale. L’arrivée au

pouvoir des partis du versant « anti-communiste » qui réclamaient leur légitimité à partir

d’une tradition d’entre-deux-guerres et qui se sont structurés comme une opposition contre

les ex-communistes au pouvoir378 apporta visiblement une réduction du rôle d’anciens

membres de la nomenklatura. Malgré ce changement, la plupart des élites proviennent

toujours des secteurs économiques 23,7% (économie et industrie, mais pas le commerce

extérieur comme dans le cas de la période antérieure). Les principales ressources mobilisées

ont été rattachées à la recherche et au milieu académique 30,9% et à la justice dans 10,9% des

cas. Les anciens membres du Comité National de la Planification Economique de la période

communiste, qui avaient peuplé la plupart des portefeuilles économiques durant les cabinets

précédents sont entièrement exclus de la prise de décision, tout comme les directeurs des

anciennes entreprises communistes ne détiennent plus de rôles décisionnels. On peut ainsi

identifier, après 1996, au-delà des discontinuités visibles rencontrées au niveau des taux

statistiques, un changement de logique dans les procédures de sélection des acteurs

gouvernementaux. Le passé communiste dont le décroissement de l’importance commence

même avant ce moment laisse ainsi de la place à d’autres critères de sélection qui peuvent

cependant être pensées d’une manière cumulative par rapport aux expériences du passé.

Certes, le décroissement quantitatif de la présence d’anciens leaders communistes ou encore

378 Cristian Preda, « Les partis politiques dans le postcommunisme roumain », Pp.943-987(960).

179

l’absence des attributs forts durant le communisme qui pourrait expliquer « un succès »

postcommuniste n’implique nécessairement une abolition des pratiques décisionnelles

antérieures. La persistance de certains leaders d’une haute visibilité médiatique inflige l’idée

d’une conversion réussie des anciens nomenklaturistes. Cependant leur présence dans la

sphère politique actuelle constitue plutôt une exception qu’une règle et leur autorité dans le

présent se forge sur des ressources accumulées dans les premières années du

postcommunisme.

Fait indéniable, les premières années du postcommunisme roumain ont été régies par

les figures du passé. Même si cette domination fut d’une courte durée leur héritage pourrait

en principe perdurer. Néanmoins, vu que la continuelle reconfiguration institutionnelle et la

tendance obsessive de contourner les décisions politiques prises par les antécesseurs (ce qui

peut d’ailleurs être une pratique culturelle héritée du passé communiste) ont instaurée des

cadres décisionnels volatiles qu’on serait plutôt enclins à considérer « l’héritage

communiste » visible durant les premières années du postcommunisme comme étant plutôt

limité.

4. Quelles trajectoires pour les acteurs postcommunistes ?

L’influence directe du passé dans l’articulation des trajectoires gouvernementales

semble disparaître après les premières années du postcommunisme roumain. D’autres

logiques commencent à s’instaurer en tant que mécanismes de promotion des acteurs en

fonctions publiques. Certes, dans un contexte de transition, il est évident que le facteur

conjoncturel ou la chance jouent un rôle qu’on ne peut pas nier. Cependant, au-delà des

« accidents » de trajectoire, des nouveaux mécanismes de promotion sont censés d’apparaître,

permettant la consécration des leaders politiques379. Vu l’absence d’études portant sur le

profil des élites gouvernementales en Roumanie, mais aussi le faible intérêt de la littérature

visant une analyse des élites dans les pays postcommunistes qui passe au-delà de

l’exploration du passé communiste de ces acteurs, le profil général de la population

ministérielle en Roumanie est difficile d’anticiper.

Après les premières années de la transition, d’autres ressources recommandent un

acteur politique pour les fonctions gouvernementales. La rupture suggérée par rapport au

passé devrait ainsi laisser de la place à une autre hiérarchie quant à la valorisation des profils

des acteurs. Néanmoins, nous avons très peu d’indices quant au modèle de promotion en 379 Jean Blondel, Ministers in the Contemporary …, Pp.11-13

180

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

politique qui s’est préfiguré dans le cas roumain. De la sorte, en ce qui suit, on essayera

d’établir le portrait du personnel politique roumain postcommuniste, de ses « accréditations »

quant à la capacité de prendre des décisions politiques. Quelles sont ces ressources ? Quel est

le profil (social et politique) des élites exécutives tel qui se dresse dans le postcommunisme

roumain ?

4.1 Un profil général du personnel ministériel en Roumanie postcommuniste

Si on est à regarder de près les caractéristiques des acteurs qui nous gouvernèrent le

portrait qui prend naissance est quasi généralement est celui d’un homme âgé de 47-48 ans,

marié et né dans l’urbain, notamment dans la capitale ou dans l’Ouest du pays. Le ministre

roumain est fort éduqué, ayant poursuivi des études postuniversitaire et, avant d’entrer en

politique, il fut soit cadre universitaire, ingénieur ou encore économiste. Le portrait esquissé

de telle manière plutôt fugitive dévoile un principe inégalitaire de la sélection ou, selon les

interprétations qu’on peut les donner, les bases d’une sélection méritocratique. Néanmoins,

lorsqu’on regarde en détail toute une série de variations et de changements peuvent être

observées quant au portrait des ministres roumains.

a. Une diversification dans le profil des élites

Les élites ministérielles roumaines souffrent en fait un changement graduel de

génération. Même si les valeurs moyennes de l’âge des dirigeants gravitent entre 42 ans

durant le dernier cabinet et 57 ans immédiatement après la chute du communisme, il existe

une grande variation à l’intérieur de chaque cabinet. Si au début des années 1990 environ

moins de 10% des ministres âgés moins de 40 ans pouvait trouver leur place dans une équipe

gouvernementale, leur nombre fut doublé durant la période 1996-2000, pour que durant le

dernier cabinet en place (2000-2004) on arrive à un pourcentage « record » de 42% des

membres de cabinets qui ont moins de 40 ans.

Le souci pour le « rajeunissement » du sommet décisionnel est conçu ainsi en tant qu’une

pratique nécessitant la modification de visage des élites gouvernantes. Cette pratique,

identifiable pour tous les partis qui ont formé des cabinets, mais caractérisant surtout les

formations politiques de droite, constitue plutôt une réponse à un contexte politique interne

qu’une option inspirée du fonctionnement des partis d’autres pays européens. Ce premier

aspect de la reconfiguration du profil du personnel est doublé d’un autre, qui explique aussi

les faibles taux des nomenklaturistes dans les structures gouvernementales d’après 1989. Il

181

s’agit d’un élément de contexte : durant la dernière décennie de la période communiste en

Roumanie l’accès à une fonction gouvernementale fut de plus en plus limité dans le cas des

jeunes.380. Cette politique engendra automatiquement un vieillissement du personnel

gouvernemental durant la dernière étape du communisme. D’ailleurs, si on regarde le profil

du cabinet provisoire, le seul intégrant d’anciens ministres communistes dans sa composition,

on s’aperçoit que 52,9% des ministres nommés avaient plus de 60 ans.

Cette première reconfiguration du profil du personnel gouvernemental n’est pas le

seul changement opéré. Un autre point de transmutation vise le milieu d’extraction des

nouvelles élites. Au-delà du fait de la non-représentation croissante de la zone rurale, qu’on

peut identifier aussi dans le cas de la population parlementaire381, il existe un changement de

perspective quant aux rapports des cabinets aux régions géographiques du pays. Le tableau

est à géométrie variable. La capitale reste la principale base de sélection durant toute la

période communiste, mais le nombre des bucarestois qui font partie des cabinets varient de

19% dans le cas du cabinet Tăriceanu à 43% lors du cabinet Victor Ciorbea. En contre partie,

d’autres régions telles que l’Ouest du pays et la Moldavie semblent devenir un centre

d’intérêt pour les gouvernants à partir de 1999. En outre, il est à observer que cette

différenciation est d’autant plus importante, vu le fait qu’à différence des périodes

précédentes la sélection visa des personnes qui continuent à vivre dans les régions où elles

sont nées. Cette reconfiguration des rapports à la territorialité peut avoir des significations

diverses portant sur la mobilité des acteurs, mais elle peut être vue aussi en tant que possible

changement des rapports de force à l’intérieur des partis avantageant certaines filiales

locales382.

b. La formation des acteurs ministériels

380 De la sorte si en Roumanie durant les années 1950-1965 les nouveaux ministres nommés en fonction étaient en grande majorité âgés de moins de 50 ans, après cette période jusqu’au début des années 1980 la balance tourna vers un équilibre entre les deux catégories. D’ailleurs la Roumanie ne fait pas exception d’une tendance plus générale des pays communistes. A l’exception de l’URSS où ce processus est plus diminué, les autres pays de la région tels que la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Pologne ou l’Yougoslavie présentent durant 1950-1965 une tendance de nommer des personnes plutôt jeunes dans des fonctions gouvernementales, tandis qu’après 1965 cette tendance change. D’ailleurs le profil des ministres se plie ainsi sur les modifications des politiques des partis communistes de la région déjà mentionnées (Pour les proportions exactes V. Jean Blondel, Op. Cit. P.39)381 Laurentiu Stefan, Razvan Grecu, « Cariere Politice si reprezentare parlamentară 1990-2004[Carrières politiques et représentation parlementaire] », Rapport de Recherche, Casp, Bucarest, mars 2004.382 Il serait intéressant de relier ces transformations visant les rapports aux régions d’une politique plus ample des partis politiques la transformation des politiques envers les organisations locales du parti qui s’accompagne en même temps par des mutations survenues dans la géographie électorale. Cependant cette question sera traitée que d’une manière tangentielle dans le chapitre 8 de notre étude.

182

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

Etre ministre nécessite, au moins dans l’imaginaire publique, toute une série de

compétences décisionnelles. Le profil non politique des ministres partout dans le monde

comprend surtout des personnes très éduquées ayant non seulement un certain profil

politique, mais disposant également des attributs non politiques qui les recommandent. Les

ministres roumains postcommunistes ne s’éloignent pas de cette tendance générale. En ce

contexte, le niveau d’éducation semble s’instituer comme une condition de base pour la

promotion en politique : plus de deux tiers des ministres ont poursuivi des études

postuniversitaires. Au niveau des choix de la formation initiale, les études techniques sont de

loin avantagées suivies par l’économie et les sciences juridiques. Vu que la plupart des

ministres ont suivi leur formation initiale à Bucarest : l’Ecole Polytechnique, L’Académie des

Sciences Economiques et la Faculté de Droite constituèrent « les principaux fournisseurs »

des dirigeants « ministrables » du postcommunisme roumain.

Cependant, cette formation initiale est accompagnée, en certains cas, par une tendance

de « reprofessionnalisation ». De cette manière, 27,91% des ministres du cabinet Văcăroiu,

15,63% des acteurs exécutif du cabinet Vasile ont opté pour une seconde formation initiale en

s’orientant notamment vers les professions juridiques et économiques. En outre, la formation

du premier cycle des ministres a été complétée par des études approfondies. Les

spécialisations en certains domaines par le biais des masters ont connu une augmentation

visible au niveau du profil des ministres des deux derniers cabinets. Le développement et la

diversification de l’enseignement de second cycle en Roumanie montre ainsi ses effets au

niveau du personnel gouvernemental. Ainsi si en 1998 que 12,5% des ministres possédaient

un diplôme de master, 43,75% des ministres du cabinet Năstase et 54,75% des membres du

cabinet Tăriceanu détiennent un diplôme de second cycle. La valorisation de l’éducation

visible dans les biographies des ministres est accompagnée en même temps par un autre

aspect qui vise : la validation externe de l’acteur. Les simples accréditations nationales ne

semblent pas être suffisants, étant doublées de plus en plus par des formations à l’étranger. La

tendance n’est pas nouvelle : entre un quart et un tiers des acteurs politiques montraient un tel

profil avant l’année 2000. Néanmoins, la tendance de croissance inaugurée à partir de l’année

2000 est impressionnante : 45.65% des ministres du cabinet Năstase et plus d’une moitié

(64.15%) de l’équipe gouvernementale en place ont poursuivi des formations à l’étranger383.

383 Pour ce qui est la formation à l’étranger la plupart des ministres des premiers cabinets avaient poursuivi de telles études avant la chute du communisme. Cependant le rapport fut rapidement inversé. Il faudrait spécifier que dans les deux cas les choix des acteurs fut toujours en grande majorité vers les centres universitaires de l’Europe Occidentale et non pas vers les établissements universitaires de l’URSS

183

Si les études de master, les formations à l’étranger peuvent être perçues en tant qu’une

forme de spécialisation nécessaire après la chute du communisme, la valorisation de

l’éducation en tant que ressource légitimatrice d’une compétence (reconvertible ?) est

cependant visible lorsqu’on regarde la situation des études doctorales des acteurs ministériels.

Les doctorats, censés d’habitude de faciliter la route vers une carrière dans l’académique et la

recherche constituent une ressource importante pour les acteurs politiques gouvernementaux.

Environ un tiers des ministres détiennent le titre de docteur. Pourtant, la formation

universitaire ne constitue pas qu’un point de départ pour les ministres qui vont ultérieurement

poursuivre une carrière politique. Au contraire. Phénomène qui caractérise la période

postcommuniste, mais qui revête un plus d’importance durant les dernières années, la course

pour un titre de docteur touche même les ministres en fonction. A peu près une cinquième des

ministres roumains ont été des doctorants durant leurs mandats. Lorsqu’on cumule les taux

des doctorants aux diplômés, le profil éducationnel du personnel ministériel semble étonnant.

Moitié des ministres du postcommunisme roumain on poursuivi dans une mesure ou dans une

autre des études doctorale. A l’exception du cabinet Văcăroiu, où on retrouve les taux les plus

diminués 37%, les pourcentages sont très élevés touchant 62% des ministres du cabinet

Adrian Năstase. Vu le fait qu’à peu près trois quarts des ministres suivent ces formations à

Bucarest, on peut identifier les centres universitaires de prédilection qui soutiennent cette

hyperspécialisation des acteurs gouvernementaux. Ainsi, parmi les ministres qui ont opté

pour des études doctorales (diplômés ou doctorants) un tiers se sont orientés vers l’économie,

21% vers le droit ou encore environ 18% vers les sciences techniques. L’Académie d’Etudes

Economiques de Bucarest, la Faculté de Droit et l’Ecole Polytechnique sont les centres

préférés par les ministres pour leur développement personnel. A ceux-ci s’ajoute l’Université

Babes Boyai de Cluj pour ce qui est des sciences humaines.

c. Le profil occupationnel des ministres et le profil non politique

La formation des ministres constitue, au moins au niveau de l’imaginaire de ces

acteurs politiques, une ressource importante pour la promotion en politique. Néanmoins, il

faudrait préciser un second aspect relié à la formation des ministres. Le fait que les ministres

poursuivent des formations doctorales, surtout en certains centres universitaires, certes leur

fournit (en principe) un plus de compétence dans l’analyse des décisions à entamer, mais il

suggère aussi le développement d’une relation étroite entre l’espace universitaire et le monde

184

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

politique. De la sorte, il n’est pas étonnant le fait qu’un quart des ministres roumains sont à la

base des enseignants dans les universités ou des chercheurs. Les autres métiers de base

surreprésentés au niveau ministériel sont les ingénieurs (28,9%) et tandis que 14% des

ministres exercent avant l’entrée en politique des professions économiques. En dépit de la

préférence pour les études juridiques que 7% d’entre les principaux acteurs des exécutifs ont

exercé des professions dans le domaine.

La préférence pour de telles occupations dans la sélection pour une position

ministérielle n’est pas surprenante, car elle caractérise les occupations principales des

ministres qu’on peut retrouver ailleurs384. Le droit, l’enseignement, ou encore les professions

techniques constituent des professions qui fournissent en principe des ressources valorisables.

Ainsi, dans les démocraties européennes le droit est l’occupation principale des acteurs

politiques qui deviennent ministres (les avocats jouent un rôle essentiel dans la politique

américaine aussi), suivi par l’enseignement (cependant à un pourcentage beaucoup moins

important touchant que 16,2% des cas). Une autre différence de profil des ministres est à

convenir par rapport à la population parlementaire. Même si la catégorie la plus importante

des parlementaires roumains est constituée par des ingénieurs, les taux des économistes et des

professeurs universitaires sont beaucoup plus diminués, en dessus de 10% de la population385.

D’ailleurs, il faudrait noter que les ministres ne sont pas que des personnes qui ont

connu une ascension fulgurante dans le politique post-décembriste. En grande majorité et

dans une proportion qui touche 70% ces personnes ont détenu des fonctions de direction dans

l’espace non politique. Loin de disparaître, ce modèle de promotion à la base des

performances dans d’autres sphères d’activité semble s’instituer en tant que règle de

promotion dans les fonctions publiques. La conversion des ressources d’un espace à un autre

est évidente (voir le tableau). Les chefs d’instituts, des directeurs d’entreprises, les doyens

des facultés arrivent à mobiliser leurs positions non politiques et de les transférer en

politique. L’hiérarchie des professions de base n’est pas le simple exemple de l’hasard.

Au début du postcommunisme, la présence des ingénieurs dans des positions

ministérielles s’explique par un certain souci de légitimation du nouveau régime, qui produit

la mobilisation des professions le moins politisées (ce qui automatiquement détermine

l’instauration d’un pattern de sélection qui se reproduit). Les professions universitaires sont

surreprésentées dans l’espace politique roumain, car elles rendent possible, dans des degrés

distinctes, d’une part, la préservation d’une activité professionnelle en parallèle aux fonctions

384 On reprend dans ce qui suit les profiles généraux décrits par Jean Blondel, Op.Cit., pp. 48-40385 L.Stefan, R. Grecu, Doc. Cit.., P. 13

185

politiques et de l’autre, la continuité fonctionnelle des ressources qu’elle suppose. Ce modèle

institué au début des années 1990 semble s’effacer à partir de 1999 afin de laisser de la place

aux ressources économiques. La tendance de renversement des priorités dans la sélection est

facilement discernable. Le développement des entreprises privées mène à un accroissement

appréciable de l’exploitation des ressources économiques de l’acteur au détriment des

ressources du milieu universitaire.

Table 14 Profil Non Politique des Acteurs Gouvernementaux 1990-2008

LE GOUVERNEMENT Roman Stolojan Văcăroiu Ciorbea Vasile Isărescu Năstase Tăriceanu

Fonction

direction

non

Oui

N 19 12 29 27 19 17 37 42

%

70.4% 60.0% 64.4% 69.2% 59.4% 65.4% 77.1% 79.2%Non

N 8 8 16 12 13 9 11 11

%

29.6% 40.0% 35.6% 30.8% 40.6% 34.6% 22.9% 20.8%Profil non

politique

(lorsqu’il

existe)

économique

N 1 1 4 5 3 4 11 20

%

5.0% 7.1% 13.3% 18.5% 15.8% 23.5% 28.2% 43.5%académique

N 15 10 19 16 12 8 15 10

%

75.0% 71.4% 63.3% 59.3% 63.2% 47.1% 38.5% 21.7%administration

N 1 2 1 2 2 4 7 6

%

5.0% 14.3% 3.3% 7.4% 10.5% 23.5% 17.9% 13.0%acteurs soc.

N 1 0 3 4 2 1 2 6

%

5.0% .0% 10.0% 14.8% 10.5% 5.9% 5.1% 13.0%militaire

N 2 1 2 0 0 0 4 0

%

10.0% 7.1% 6.7% .0% .0% .0% 10.3% .0%autres

N 0 0 1 0 0 0 0 4

%

.0% .0% 3.3% .0% .0% .0% .0% 8.7%

4.2 Les fondations politiques de la promotion en fonctions exécutives

Lorsqu’on regarde le profil politique des ministres postcommunistes (en excluant ici

les membres du cabinet provisoire), on peut remarquer au moment de leur nomination que

62% des ministres présentent à la fois un passé dans des diverses fonctions publiques (autres

que celles gouvernementales) et l’appartenance à un parti. A ceux-ci on peut rajouter encore

12% des personnes qui même si membres de parti, n’avaient pas détenu antérieurement des

fonctions publiques.

Table 15 Les fondements politiques de la promotion en fonctions exécutives

Gouvernement

Roman Stolojan Văcăroiu Ciorbea Vasile Isărescu Năstase Tăriceanu

Expérience décisionnelle NON Col % 100.0% 100.0% 42.1% 29.4% 3.1% 12.5% 22.9% 20.0%

186

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

(autre que celle gouv.) OUI Col % .0% .0% 57.9% 70.6% 96.9% 87.5% 77.1% 80.0%

Expérience dans un parti

avant la nomination

NON Col % 100.0% 100.0% 64.5% 14.3% 7.1% 13.0% 27.3% 11.1%

OUI Col % .0% .0% 35.5% 85.7% 92.9% 87.0% 72.7% 88.9%

Certes, le portait politique esquissé par ces deux indicateurs permet qu’une image

d’ensemble sur la population ministérielle. L’expérience décisionnelle ainsi que celle dans un

parti sont calculés à partir du moment initial de l’investiture du cabinet. Néanmoins, il est à

observer qu’à différence du profil classique d’un ministre qui est celui d’un personnage

politique affilié depuis longtemps à un parti et présentant une trajectoire en politique qui

passe par plusieurs étapes avant d’arriver dans l’exécutif, le portrait du gouvernant roumain

postcommuniste est assez loin de cette image idéal-typique.

4.3 Quelles trajectoires politiques sont le plus valorisées ?

La fonction ministérielle conçue en tant qu’un aboutissement d’une longue carrière en

politique, supposant à la fois un enchaînement des fonctions dans les institutions

démocratiques de l’Etat, mais aussi au niveau d’un parti, ne peut pas objectivement décrire

les premières années du postcommunisme roumain. Cependant, le processus

d’institutionnalisation des nouveaux modèles de sélection qui perdurent caractérise surtout les

étapes de changement majeur politique ou social et le temps qu’il nécessite pour sa

consécration peut être considérée relativement court386. Quelles sont ces filières de promotion

en politique en Roumanie ? Est-ce qu’on assiste à la cristallisation des procédures

spécifiques à l’espace politique roumain ?

4.3.1 Les aléas des fonctions locales

Le plan local est souvent perçu dans les débats publics en tant qu’un niveau inférieur

au niveau national, présentant des logiques d’action qui lui sont spécifiques. En ce contexte,

un hiatus entre les deux niveaux est censé d’apparaître. Cette perspective n’est cependant que

partiellement vraie pour les élites parlementaires. A peu près moitié des parlementaires de la

législature passée avaient détenu des responsabilités au niveau local (la plupart d’entre eux

386 Mattei Dogan estime pour le cas de l’Italie une période de six ou sept ans. V. Mattei Dogan, « La sélection des ministres en Italie. Dix régles non-écrites », Pp.189-209 (P.189)

187

étant d’anciens conseillers locaux ou départementaux (environ 44,6%)387. Cependant,

lorsqu’on regarde la population ministérielle, la division entre le local et national (représenté

par les exécutifs) induit l’idée d’une séparation presque totale. Au total que 13,3% des

ministres avaient détenu des fonctions décisionnelles dans le territoire, la plupart d’entre eux

au niveau des conseils départementaux (11%). Malgré, le fait que 22% des ministres

occupent aussi des fonctions de direction au niveau des organisations locales de parti, très

peu d’acteurs politiques présentent dans leur profil un attachement concret par rapport à la

prise de décision dans le territoire.

Cependant, le rôle que le local joue dans la promotion en politique semble avoir des

statuts différents selon la période et le parti qu’on prend en compte. Si jusqu’en 1996 les

pourcentages des ministres impliqués dans le local sont infimes, la situation changea à partir

de 1996, quand on observe pour la première fois l’émergence parmi les membres des

exécutifs des acteurs politiques qui avaient déroulé une activité politique dans le local.

Changement de perspective institué principalement par le Parti Démocrate qui privilégia la

promotion politique des gens ayant des racines dans le territoire cette tendance fut préservée,

lors de l’arrivée au pouvoir du Parti Social Démocrate en 2004 (surtout à partir de 2003). Le

point maximal de cette croissance est cependant visible durant le dernier cabinet Călin

Popescu Tăriceanu. Les ressources locales sont dans ce cas capitalisées non seulement par les

ministres du Parti Démocrate, mais on observe également un changement substantiel dans le

profil des ministres libéraux.

Table 16 Expérience locale des ministres 1990-2008

Gouvernement

Roman Stolojan Văcăroiu Ciorbea VasileIsăresc

u Năstase TăriceanuExperience au niveau local

1.00

N 1 1 1 5 5 4 7 14 % 3.7% 5.0% 2.3% 13.2% 15.6% 15.4% 14.6% 26.4%

2.00

N 26 19 42 33 27 22 41 39 % 96.3% 95.0% 97.7% 86.8% 84.4% 84.6% 85.4% 73.6%

A la direction locale du parti

Oui

N 0 2 7 6 10 10 9 22 % .0% 11.1% 18.4% 16.7% 32.3% 38.5% 19.1% 41.5%

387 Laurentiu Stefan, Patterns of Political Recruitment, P. 179

188

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

Non

N 22 16 31 30 21 16 38 31 % 100.0% 88.9% 81.6% 83.3% 67.7% 61.5% 80.9% 58.5%

La croissance dans l’importance du local dans le recrutement pour les fonctions

ministérielles des leaders qui avaient antérieurement occupé des positions dans les exécutifs

locaux est renforcée lorsqu’on prend en compte les taux des ministres qui lors de leur

nomination occupent des positions à la direction locale (départementale) des filiales du parti.

Cette caractéristique qui décrit dans une plus grande mesure les partis de droite que les partis

de gauche, fait que, durant le dernier cabinet en place, 42% des ministres nommés sont aussi

des leaders des organisations locales du parti. La montée dans l’importance du local (qui peut

être mise en relation avec le profil géographique des ministres) amène ainsi sûrement l’idée

d’une reconfiguration du rôle des organisations territoriales du parti, mais elle peut impliquer

aussi un changement de référentiel dans les politiques gouvernementales en fonction des

intérêts ponctuels territoriales du parti.

L’émergence de la composante locale au niveau des exécutifs ne constitue pas une

particularité du système politique roumain. Cependant, la convergence entre l’accroissement

du rôle des dirigeants des filières locales et l’expérience décisionnelle effective à ce niveau

pourrait être lue, comme un modèle concourant à celui de l’Italie de la période 1954-1980. Le

dosage géographique pourrait en ce cas prendre « l’aspect d’une répartition entre

« ‘baronniers’ », impliquant le fait que «les leaders régionaux deviennent également des chefs

de faction à l’échelon national »388

4.3.2 « Le creuset parlementaire » en tant que principal ressort de la promotion

Même si le plan local connut un renforcement de l’importance au niveau de la

promotion en politique, il reste quand même marginal dans l’économie générale de la

construction des équipes ministérielles. Cela n’est cependant pas le cas de l’expérience

politique au niveau national. La fonction parlementaire est généralement un tremplin pour des

fonctions ministérielles, ainsi qu’un endroit important d’apprentissage pour une carrière

politique.

388 Mattei Dogan, « La sélection des ministres en Italie…. », P.199. Cette perspective est partiellement confirmée dans le cas roumain au moins en ce qui concerne les reconfigurations de forces à l’intérieur des partis gouvernants. Au niveau de la population ministérielle, la valeur de la corrélation entre le fait de détenir une fonction à la direction centrale du parti et la direction du niveau local reste très réduite (Coeff. Pearson.218(**))*

189

Table 17 Expérience nationale des acteurs ministériels 1990-2008

Gouvernement

Provisoire Roman Stolojan Văcăroiu Ciorbea Vasile Isărescu Năstase TăriceanuEst-ce qu'il est

parlementaire?

Oui N 2 9 7 15 26 20 14 26 31

Col % 5.7% 33.3% 35.0% 34.9% 68.4% 62.5% 53.8% 54.2% 59.6%

Non N 33 18 13 28 12 12 12 22 21

Col % 94.3% 66.7% 65.0% 65.1% 31.6% 37.5% 46.2% 45.8% 40.4%

A la direction

centrale du parti

Oui N 2 8 8 13 26 19 17 20 36

Col % 6.1% 36.4% 40.0% 36.1% 72.2% 63.3% 65.4% 42.6% 67.9%

Non N 31 14 12 23 10 11 9 27 17

Col % 93.9% 63.6% 60.0% 63.9% 27.8% 36.7% 34.6% 57.4% 32.1%

La Roumanie postcommuniste ne fait pas d’exception à cet égard. 46% des ministres

(50,21% si on élimine le cabinet provisoire) avaient détenu avant leur nomination au moins

une fonction parlementaire. Malgré le bicaméralisme parfaitement égalitaire du parlement

roumain (qui caractérise le parlement roumain avant 2003), les futurs ministres ont opté

principalement pour la Chambre des députés : 35,65% des ministres ont été des députés et

environ d’autres 3% d’entre eux sont passés par les deux chambres. Il faudrait cependant

spécifier que le choix de la Chambre des députés n’est pas dépourvu de toute logique, au

contraire cela dénote un raisonnement plutôt stratégique. Le système électoral proportionnel

sur des listes fermées et la norme de représentation plus basse pour une position de député,

maximisent en principe les chances de l’acteur d’être placé sur une position éligible dans la

course électorale, et donc d’être élu.

L’importance générale d’une expérience parlementaire est indéniable pour la

promotion en politique de certains acteurs ministériels. Elle connaît un essor à partir de 1996

et reste constante dans les cabinets ultérieurs. En outre, les futurs ministres ne sont pas « de

simples parlementaires ». Une fois entrés au parlement, la plupart des ministres détiennent

toute une série de fonctions (30,13% de tous les ministres) dont la plus importante semble

être, pour une carrière ministérielle, celle de président ou de vice-président des commissions

parlementaires (20%).

Le creuset des commissions parlementaires se constitue ainsi dans une ressource

politique dans l’articulation des trajectoires ultérieures des parlementaires roumains,

apportant une logique de prédictibilité de la sélection des futurs ministres, spécifique aux

démocraties parlementaires389. La même tendance de « normalisation » des trajectoires, selon

389 Mattei Dogan, « Introduction : la sélection des ministres dans divers régimes politiques », International Political Science Review, Vol.2, No.2, 1991, Pp. 125-129

190

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

les principes du « parlementarisme » porte sur l’accroissement du rôle d’une carrière à

l’intérieur du parti. D’ailleurs les deux types de ressources sont corrélés (coeff. Pearson .

555(**). La nomination dans une fonction gouvernementale semble être reliée ainsi à la fois à

une position centrale dans les structures exécutives du parti et aux expériences de l’acteur à

l’intérieur du législatif. Même si parfois « catapultés » dans des positions de leadership

national, les acteurs gouvernementaux étalent des taux assez élevés quant à leurs positons

privilégiés à l’intérieur des partis.

4.3.3 Le domaine exécutif en tant que secteur d’autoreproduction

Le premier cabinet roumain postcommuniste se caractérise par des taux très hauts de

reproduction d’anciens membres des cabinets postcommunistes. L’appartenance à une équipe

exécutive donne ainsi une garantie quant à la capacité décisionnelle de l’acteur et favorise la

nomination ultérieure. La procédure qu’on peut rencontrer dans les démocraties stables fut

consacrée également dans le cas roumain. La nomination d’un ministre au niveau d’un

cabinet facilite ainsi une nouvelle sélection. Dans ce qui suit, on se concentrera ainsi sur la

tendance « d’autoconservation » des portefeuilles exécutifs par les anciens ministres et

secrétaires d’Etat. Les chiffres que nous allons prendre en compte se référent à l’expérience

exécutive accumulée uniquement dans les cadres démocratiques et ignore les promotions à

l’intérieur d’un cabinet.).390

Table 18 Expérience gouvernementale antérieure dans une fonction ministérielle

LE GOUVERNEMENT 1 2 3 4 5 6 7 8 9

NR

MA

N

0N 35 14 10 31 31 10 5 31 40 % 100 51.85 47.62 67.39 79.49 31.25 19.23 64.58 75.47

1N 0 13 9 3 2 17 7 12 4 % 0.00 48.15 42.86 6.52 5.13 53.13 26.92 25 7.55

2N 0 0 2 7 4 2 12 3 6 % 0.00 0.00 9.52 15.22 10.26 6.25 46.15 6.25 11.32

3N 0 0 0 5 2 3 0 2 3 % 0.00 0.00 0.00 10.87 5.13 9.38 0.00 4.17 5.66

4N 0 0 0 0 0 0 2 0 0 % 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 7.69 0.00 0.00

Sécr. N 0 5 2 11 3 2 1 8 8

390 La procédure utilisée in extenso des cabinets socio démocrates transforme la fonction de secrétaire d’Etat en tant que période d’apprentissage qui permet ensuite la promotion dans une fonction ministérielle dans le cadre du même cabinet.

191

TIP

MA

N P

AS

SE

% 0.00 18.52 9.52 23.91 7.69 6.25 3.85 16.67 15.09Min/SdE

N 0 2 4 1 1 1 3 3 0 % 0.00 7.41 19.05 2.17 2.56 3.13 11.54 6.25 0.00

Min. N 0 6 7 3 4 19 17 6 5 % 0 22.22 33.33 6.52 10.26 59.38 65.38 12.50 9.43

Aucun N 35 14 8 31 31 10 5 31 40 % 100 51.85 38.10 67.39 79.49 31.25 19.23 64.58 75.47

NOTE : De la sorte, le tableau n’inclut pas les situations dans lesquelles un secrétaire d’Etat devient ministre durant le même cabinet, ce qui fut d’ailleurs une des caractéristiques des cabinets (social-démocrate) d’Adrian Năstase et de Nicolae Văcăroiu (quand environ un tiers des ministres ont détenu une fonction de secrétaire d’Etat dans le cadre du même cabinet

D’une certaine manière l’exemple roumain semble obéir ainsi à une des dix règles

non écrites que Mattei Dogan observait pour le cas italien visant la nécessité d’un passage du

futur ministre par une fonction exécutive préalable (de sous-secrétaire d’Etat pour le cas

italien)391. Le point de rupture qu’on puisse cependant observer est intervenu durant le dernier

cabinet en place. De la sorte, les partis gouvernants du cabinet Tăriceanu malgré le fait qu’ils

ont opté pour des taux de promotion internes assez bas 11,3%, ils ont décidé également à

n’utiliser que partiellement le personnel ayant acquis une compétence décisionnelle durant la

période 1996-2000.

4.3.4 « L’expérience mandarinale » et ses limites dans le cas roumain

L’expérience exécutive semble constituer en soi un facteur de promotion en politique

inaugurant de cette manière des tendances de reproduction au niveau de la population

gouvernementale postcommuniste. Au-delà de ces taux de reproduction, on pourrait

s’attendre à l’instauration d’un principe de sélection et de spécialisation qui est orienté de

l’administration vers le politique. De la sorte, une de plus anciennes méthodes de recrutement

porte justement sur la voie mandarinale. Cette méthode de promotion en politique a constitué

la principale voie de sélection dans les pays communistes, l’équivalent de la sélection de

l’intérieur du parlement des démocraties occidentales392, mais elle peut être rencontrée

également dans les démocraties consolidées, surtout dans le cas français. De la sorte, avant de

conclure la description générale des trajectoires gouvernementales, il faudrait analyser en

quelle mesure la fonction administrative constitue un tremplin vers l’exécutif.

Est-ce qu’on se trouve en fait en la présence de la création d’une ressource qui vise les

capacités décisionnelles et qui se forge comme en France sur des logiques de cooptation des

fonctionnaires publics ? 20% des ministres présentent une certaine expérience dans les

391 Mattei Dogan, « La sélection des ministres en Italie…. », Pp.195-196392 Jean Blondel, Op.Cit., P.58

192

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

exécutifs postcommunistes sur les échelons inférieurs, tels que ceux d’hautes fonctions

publiques ou des conseillers. Néanmoins, ce qu’on appelle une filière mandarinale classique

visant les uniquement l’appareil administratif, celui-ci a de l’importance que dans 12,6% des

cas. Force l’adoption tardive des réglementations quant à l’appareil administratif, même la

délimitation de ce que signifie « le mandarinat » s’avère difficile pour le cas roumain. C’est

que récemment que les hauts fonctionnaires n’ont plus le droit à s’impliquer dans la politique.

Au-delà de ces difficultés interprétatives à part les cabinets de la période 1996-2000 qui

utilisent moins ce type de ressources (7,9% des ministres du cabinet Ciorbea et 16,5% des

ministres Vasile présentaient un tel profil), la tendance générale dans la sélection

ministérielle tourne vers une valorisation de l’expérience accumulée sur des positions

d’expertise au cadre des cabinets 22,3% des ministres du cabinet Năstase et 28,3% du cabinet

Tăriceanu exhibent un tel profil.

4.4 Quelles routes d’accès à une fonction ministérielle ?

Parlementaires, leaders des partis, anciens fonctionnaires, de plus en plus des gens qui

commencent leur carrière dans le local….constituent tout un répertoire de ressources

politiques qui recommandent les acteurs politiques gouvernementaux roumains.

Inévitablement, les profils politiques des acteurs changement d’une période à l’autre en

fonction des mutations émergeantes sur la scène politique roumaine.

A part la surreprésentation du monde académique dans les fonctions

gouvernementales et la présence d’un pourcentage encore important d’environ 10% des

nouveaux venus dont les acquis ne sont pas évidents, la scène politique roumaine semble

s’institutionnaliser d’une manière convergente par rapport aux modèles décrites dans les

démocraties stables. Au fond, lorsqu’on regarde les trajectoires en politique du personnel

ministériel, on peut déceler à la base d’une analyse de la composante principale quatre grands

facteurs structurant le processus de sélection (variance expliquée de 73%). Les grandes

dimensions orthogonales délimitant les trajectoires des acteurs sont les suivantes :

(1) une composante visant l’extraction parlementaire et le rôle du parti (ancienneté et

position de leadership dans la direction centrale du parti) expliquant 29% de la variance,

(2) une composante portant sur les valeurs locales (intégrant des positions des directions au

niveau local ainsi que les fonctions dirigeantes au niveau du leadership local) expliquant 20%

de la variance,

193

(3) un troisième facteur portant sur l’expérience exécutive au niveau politique et les fonctions

de direction non politiques (13%) de la variance (4) enfin une composante visant l’expérience

administrative (11% de la variance expliquée).

Table 19 Les grands facteurs déterminants du processus de la sélection

Component

1 2 3 4Ancienneté dans le parti avant le début du mandat du cabinet -.701 -.523 .095 -.134Fonction à la direction centrale du parti .777 -.049 -.022 .075Fonction à la direction locale du parti .083 .878 -.056 -.023Expérience parlementaire .737 -.010 .161 -.219Expérience dans les fonctions publiques au niveau local -.106 .770 .347 -.144Expérience dans l’administration gouvernementale -.031 -.091 -.013 .959Fonction de direction dans le monde non politique

.373 .083 .747 -.157

La durée de l’expérience exécutive dans les cabinets antérieurs -.453 .088 .622 .202 Extraction Method: Principal Component Analysis. Rotation Method: Varimax with Kaiser Normalization.

La délimitation des facteurs coïncide ainsi aux modèles classiques de recrutement

qu’on peut retrouver décrites dans les études empiriques visant la population ministérielle. La

seule exception est que dans le cas roumain l’expérience exécutive est placée ensemble avec

l’existence d’un profil de leadership non -politique. Fait surprenant à une première vue, cette

situation sera mieux expliquée par l’analyse du personnel du second échelon du pouvoir

exécutif : les secrétaires d’Etat.

5. Les secrétaires d’Etat : Un objet d’étude difficilement identifiable

Par contraste à la population ministérielle dont le profil est assez connu, le niveau des

secrétaires d’Etat nous apparaît plutôt comme difficilement identifiable. L’absence d’archives

visant cette population durant les premières années du postcommunisme fait qu’on ait accès

qu’à des listes informelles et fragmentées. Si juste au début de la période postrévolutionnaire,

les nominations de ces dignitaires avaient été publiées dans les décisions gouvernementales

parus dans le journal officiel du pays, très rapidement, au début des années 1990, ce

personnel politique commence d’être nommé par un ordre du Premier ministre qui n’est plus

accessible au grand public. C’est seulement à partir de l’année 2005 qu’on entame un

194

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

processus de publication en ligne de ces décisions du Premier ministre (mais l’initiative

n’inclut pas un regard rétrospectif).

En ce contexte, les sources visant les secrétaires d’Etat sont plutôt précaires. Les

anthologies comprenant les profils des acteurs publics reprennent en partie les biographies de

ces acteurs mais d’une manière concise, présentant surtout leurs trajectoires en politique et

non pas leurs caractéristiques socio-biographiques. Seuls, les acteurs qui se préfigurent en

tant que des personnages stables de la scène politique sont décrits d’une manière minutieuse.

En contrepartie, à partir des deux derniers cabinets, on commence la publication en ligne des

curriculums vitae de ces dignitaires. Source importante de la recherche, les CVs, plus ou

moins complets, sont cependant retirés du site dès que les acteurs quittent leur portefeuille.

De la sorte, le travail de recomposition des carrières s’avère une grande épreuve. Les

trajectoires politiques complètes peuvent être « reconstruites » surtout par l’exclusion, en

confrontant la liste des secrétaires d’Etat aux autres « inventaires » des acteurs détenant des

fonctions publiques (telles que les conseillers départementaux ou encore la population

parlementaire). La même procédure permet de compléter les données existantes lorsqu’on

établit le profil non politique des acteurs : les universités publiques présentent en ligne leurs

corpus enseignant, les articles de presse ou les sites des grandes entreprises permettent une

approximation de l’implication des acteurs en économie. Malgré tous ces efforts et vu la

multitude des présences épisodiques de certains secrétaires d’Etat dans les cabinets

postcommunistes avant de disparaître de l’attention publique, très peu des indicateurs portant

sur le profil de cette population présentent des taux d’analyse valides. Quel est donc le

portrait des secrétaires d’Etat tels qui est esquissé par les indicateurs dont on dispose ?

5.1 Les secrétaires d’Etat une population exécutive à part ?

A part l’absence d’un certain sens de mémoire institutionnelle, la pénurie des données

visant les secrétaires d’Etat comporte des raisons objectives. Lorsqu’on regarde le profil

général de ces acteurs on peut observer que plus de moitié d’entre eux (53,1%) représentent

de nouvelles entrées en politique. La plupart des membres des exécutifs des seconds échelons

n’ont occupé d’autres fonctions en politique ni au niveau central, ni dans le local. Si cette

première image peut infliger l’idée d’un manque de personnel politique ayant une expertise

qui peut remplir toutes les positions de l’Etat, une analyse en détail nous offre plutôt une

image différente.

195

Table 20 Profil général des secrétaires d’Etat

1 2 3 4 5 6 7 8 9 N % N % N % N % N % N % N % N % N %1 0 0.00 0 0.00 0 0.00 0 0.00 4 4.00 1 0.87 4 5.19 13 6.19 16 11.68

2 58 40.85 74 56.92 69 71.88 67 43.51 21 21.00 60 52.17 59 76.62 44 20.95 23 16.79

3 84 59.15 56 43.08 27 28.13 87 56.49 75 75.00 54 46.96 14 18.18 153 72.86 98 71.53

Sur les colonnes 1 : Niveau local ; 2 : Niveau Central ; 3 : Nouvelle entrée

Lorsqu’on regarde que les cabinets issus des élections (dont l’image n’est pas biaisée

par le maintien en fonction des élites faisant partie des cabinets antérieurs), on observe une

tendance croissante vers le renouvellement du personnel exécutif qui implique des gens ne

possédant pas d’expertise dans le monde politique. La tendance de croissance est constante :

43,08% des nouveaux entrées 1990, 56,49% en 1992, 75% en 1996. Les taux sont

explicables au début des années 1990 : le parti successeur héritant tout un patrimoine de

personnel ayant une certaine expertise de l’ancien régime a pu mobiliser ces acteurs dans le

processus décisionnel, tandis que la coalition de droite arrivant pour la première fois au

pouvoir en 1996 déploya le personnel ayant déjà acquis un profil politique dans des

portefeuilles ayant un plus de visibilité. En revanche, les taux après cette date ne s’intègrent

pas dans une logique d’institutionnalisation des élites politiques. Tant le cabinet Adrian

Năstase que le cabinet Călin Popescu Tăriceanu ont choisi dans des proportions sensiblement

égales environ 70% d’introduire sur ces échelons des personnes n’ayant pas d’expérience

politique préalable. Ainsi, au moins dans le cas de ces deux derniers cabinets la thèse de

l’absence de personnel tient difficilement la route. Les échelons secondaires semblent se

constituer plus dans une porte d’entrée en politique que dans un cheminement d’une

trajectoire de longue durée.

Table 21 Tableau général de la superposition entre les secrétaires d’Etat et les autres types de fonctions nationales

PARLAMENETAIRES MINISTRESOui Oui

N Count Col % Count Col %Provisoire 142 18 12.68 14 9.86Roman 130 32 24.62 20 15.38Stolojan 96 28 29.17 17 17.71Văcăroiu 154 39 25.32 21 13.64Ciorbea 101 11 10.89 6 5.94Vasile 115 16 13.91 9 7.83Isărescu 77 13 16.88 9 11.69Năstase 210 35 16.67 17 8.10

196

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

TOTAL 1217 210 17.26 124 10.19

Au-delà de cette image générique il y a bien évidemment toute une série de stratégies

du personnel des partis politiques qui ont gouverné le pays. L’idée que l’échelon secondaire

de l’exécutif constitue un endroit d’apprentissage en politique qui ultérieurement constitua un

tremplin vers une fonction ayant un plus de visibilité ne retrouve pas de fondement solide

lorsqu’on regarde les trajectoires générales de ces acteurs. Si on superpose la population des

secrétaires d’Etat à la population parlementaire ou ministérielles les chiffres sont très bas. De

la sorte, à part le cas des premiers cabinets postcommunistes qui semblent avoir utilisé cette

procédure d’une manière plus appliquée, les autres cabinets ne récupèrent pas l’expertise

acquise au niveau des secrétaires d’Etat. Valorisé au niveau de la sélection ministérielle

constituant une des grandes voies d’accès à un portefeuille ministériel, le passage par une

fonction de secrétaire d’Etat est loin de s’instituer en tant que règle générale de promotion en

politique.

5.2 Un profil politique fragmenté des élites exécutives

Le profil politique des secrétaires d’Etat est comme on l’avait déjà précisé marqué par

des ressources d’expérience décisionnelle dans la politique très limitées. Les taux sont

révélateurs à cet égard. Malgré une certaine croissance dans l’importance du profil local

durant les deux cabinets ainsi que de l’importance de la trajectoire parlementaire le profil

politique des secrétaires d’Etat reste très pauvre.

Table 22 Expérience politique des secrétaires d’Etat avant la nomination

LE GOUVERNEMENT 2 3 4 5 6 7 8 9

Expériencelocale

1 N 0 0 4 4 2 2 13 13% 0.00 0.00 2.60 3.96 1.74 2.60 6.19 6.77

2 N 130 96 150 97 113 75 197 179% 100.00 100.00 97.40 96.04 98.26 97.40 93.81 93.23

Expérience parlementaire AvantLa nomination

1 N 6 13 11 5 5 3 15 13% 4.62 13.54 7.14 4.95 4.35 3.90 7.14 6.77

2 N 124 83 143 96 110 74 195 179

% 95.38 86.46 92.86 95.05 95.65 96.10 92.86 93.23

197

L’expérience politique joue un rôle marginal dans la promotion dans une position de

secrétaire d’Etat et étonnamment, la fonction exécutive ne sert pas de tremplin que dans peu

de cas pour d’autres fonctions politiques au niveau central. Ainsi la population des secrétaires

d’Etat semble être constituée, en grande partie, par des « marginaux » dont une infime partie

réussisse à s’instituer en tant qu’acteurs de la scène politique. Cette perspective « trompe

l’œil » est cependant outrepassée lorsqu’on prend en compte la tendance générale de

reproduction de ces acteurs dans des fonctions publiques. Toute comme la population

ministérielle la voie royale vers une nomination future dans une position exécutive à ce

niveau constitue justement le fait d’avoir accédé à un tel poste dans les cabinets antérieurs.

Même sans prendre en compte la rotation interne des secrétaires d’Etat, moins de moitié

d’entre ceux-ci (48%) on détenu un seul mandant. 25,9% autres secrétaires d’Etat sont

présents au moins dans deux gouvernements, et autres 14,8% ont détenu au moins trois

mandants différents. Il est intéressant à spécifier également que 138 personnes, donc environ

10% de la population totale réussissent d’additionner quatre mandants ou plus. Certes, cette

caractéristique décrit plutôt les gouvernements formés non pas suite aux élections mais

résultants d’un changement de Premier ministre.

5.3 Des ressources non-politiques et l’accès au second échelon du pouvoir

Les secrétaires d’Etat semblent ne pas être des hommes politiques par profession vu le

fait qu’ils ne présentent pas de continuité dans la sphère politique décisionnelle.

Représentants d’une section de la scène politique qui dans les meilleurs des cas s’autonomise,

il existe très peu de ressources politiques menant à leur nomination. Alors comment arrivent-

ils à devenir des secrétaires d’Etat ? La réponse à cette question tire forcement ses sources

des formes de ressources non politiques que ces acteurs détiennent. Trois grands types de

ressources peuvent ainsi être identifiés.

Tout d’abord, les secrétaires d’Etat disposent d’une expérience dans la haute

administration publique au niveau exécutif. Au total 27,5% des secrétaires d’Etat ont

parcourus une filière mandarinale qui leur a permis une cooptation ultérieure dans des

fonctions publiques. De fait, plus que dans le cas des ministres l’expérience administrative

198

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

s’avère comme très valorisée. Caractéristique originaire du comportement du PDSR avant

1996, cette tendance est retrouvable surtout dans les deux derniers cabinets. Un tiers des

secrétaires d’Etat nommés sont d’anciens bureaucrates.

La carrière mandarinale est d’ailleurs le principal élément de convergence entre le

profil des acteurs politiques gouvernementaux de ce niveau avec les modèles instituée dans

d’autres pays. Mais elle n’épuise pas à expliciter la promotion en politique des nouveaux

acteurs sur l’échelon second du pouvoir. D’autres ressources s’ajouteront afin d’expliquer

cela : la position de l’acteur à dans le soi disant champs de la société civile (catégorie

intégrative qui réunit l’activité dans les associations, instituts, mais aussi l’espace

académique) ou les ressources économiques (qui durant les premières années visent les

positions de direction dans l’économie d’Etat et ultérieurement portent surtout sur l’économie

privée). Les deux types de ressources semblent substantiellement importants indiquant un

certain processus de conversion des ressources non politiques dans des atouts pour la

promotion politique.

Pour ce qui est de la première forme de ressource, visant l’activité des acteurs dans la

sphère publique, on peut observer que 30,4% des secrétaires d’Etat avaient développé une

telle ressource avant leur nomination. Professeurs universitaires, chercheurs ou encore des

membres des associations, fondations ou des divers centres de recherche semblent être des

personnages préférentiels pour la sélection dans une fonction exécutive. Leur expérience qui

porte sur les compétences détenues, mais également sur l’accès qui leur est offert à un savoir

faire technique et à d’autres catégories de personnes dans l’espace civique instituent ainsi la

pratique de leur cooptation dans le monde politique.

Table 23 Tableau des ressources non politiques des secrétaires d’Etat 1990-2008

1 2 3 4 5 6 7 8 9

Fonctionnaire

Oui

n 39 33 18 44 17 26 13 58 56 % 30.71 27.27 19.78 30.56 18.48 24.53 19.12 32.40 33.14

Non

n 88 88 73 100 75 80 55 121 87 % 69.29 72.73 80.22 69.44 81.52 75.47 80.88 67.60 66.86

Sociétécivile

Oui

n 18 31 25 49 34 35 26 57 59 % 14.17 25.83 27.47 33.79 36.56 33.02 38.24 31.84 34.91

Non

n 109 89 66 96 59 71 42 122 110 % 85.83 74.17 72.53 66.21 63.44 66.98 61.76 68.16 65.09

Economie

Oui

n 31 27 16 18 14 16 12 28 48 % 24.22 22.50 17.78 12.59 15.05 15.09 17.65 15.73 28.4

Non

n 97 93 74 125 79 90 56 150 121 % 75.78 77.50 82.22 87.41 84.95 84.91 82.35 84.27 71.59

199

Note : Pour les trois derniers cabinets il existe un problème quant aux valeurs manquantes : les données couvrent 88% des secrétaires d’Etat du cabinet Isărescu ainsi que du cabinet Tăriceanu et 85% des secrétaires d’Etat du cabinet Năstase

Aux ressources académiques qui peuvent justifier le choix de certains acteurs au

détriment d’autres s’ajoute l’implication des élites dans l’espace économique. Des patrons ou

des managers trouvent leur chemin vers une promotion politique. Même si la présence des

ressources économiques est plus réduite par rapport aux deux premières (18,9%), elle

présente une certaine constance sur la scène politique roumaine postcommuniste. Les taux les

plus importants sont identifiables aux extrémités temporelles des cas cités : ainsi les

secrétaires d’Etat des deux premiers cabinets Roman avaient été détenus des fonctions de

direction dans le cadre des entreprises d’Etat (surtout durant la période communiste), tandis

que l’autre cabinet qui présente d’ailleurs les plus hauts taux des gens provenant des sphères

économiques, Călin Popescu Tăriceanu, valorise cette fois-ci les entrepreneurs de la sphère

privée.

Des fonctionnaires publics, des figures importantes de la société civile ou encore des

entrepreneurs. Tel est le profil qui se dresse lorsqu’un analyse les secrétaires d’Etat des

cabinets roumains postcommunistes. Leurs ressources politiques sont plutôt limitées et leurs

perspectives de poursuivre une carrière politique sont plutôt liées à une reproduction au

même niveau de l’exécutif. De cette manière le personnel politique du second échelon de

pouvoir semble diverger par rapport au personnel ministériel. A différence des ministres qui

adoptent à peu près immédiatement un comportement qu’on retrouve dans la plupart des

démocraties parlementaires essayant à substituer l’absence d’une longue tradition politique

par un recrutement de l’académique ou des professions techniques, l’échelon secondaire

souffre des reconfigurations continuelle introduisant des nouveaux acteurs en politique. La

valeur attribuée aux ressources non politique ne constitue pas ainsi une idiosyncrasie des

premières années du postcommunisme mais un fondement constant du recrutement. Ce fait

ne serait pas exceptionnel si on n’était pas en la présence d’une ressource unique qui

n’accompagne pas en parallèle un enchaînement des fonctions politiques comme c’est le cas

des élites ministérielles.

Il paraîtrait ainsi que les gouvernements roumains exhibent des comportements ayant

des référentiels politiques contradictoires. Les trajectoires ministérielles s’approchent du

modèle français ou du modèle italien qui favorisent la pépinière du parti ou le vivier de la

haute administration publique, tandis que le niveau des secrétaires d’Etat tend vers une

« américanisation » de la politique. Les acteurs du second échelon de pouvoir sont ainsi

200

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

plutôt recrutés parmi les gens ayant de belles carrières dans le privé où ils retournent une fois

le mandat achevé393. La disjonction de profil peut suggérer dans une première instance la

possibilité de l’émergence des logiques distinctes entre les deux échelons de pouvoir.

6. « Acteurs centraux ou passagers » : une analyse de la professionnalisation des élites exécutives

Une analyse des trajectoires menée d’une manière classique révèle la délimitation de deux

grands modèles disjointes de sélection au niveau du personnel exécutif. D’une part, on peut

saisir une tendance vers une professionnalisation à l’européenne au niveau des ministres,

avec la construction des carrières graduelles qui passent par le parlement et le parti et qui

mobilisent toute une série de ressources politiques, de l’autre, en réplique les secrétaires

d’Etat, même s’ils peuvent avoir des relations avec le monde politique sont principalement

choisis à la base de leurs compétences sociales ou économiques ou encore d’une certaine

expertise dans la fonction publique. Images en miroir d’une population d’ailleurs perçue

comme étant unifiable au niveau de l’analyse, ces portraits n’épuisent pas pour autant la

question de la nouvelle élite émergente. Plusieurs éléments qui peuvent être réunis « sous le

parapluie » d’une seule interrogation restent jusqu’à ce point sans réponse.

L’écroulement du régime communiste en Roumanie et le vide de pouvoir qui s’en

suit, la pluralité des patterns décisionnels, mènent en avant la problématique des nouveaux

types de promotion en fonctions publiques, non pas dans l’absolu, mais par rapport à

l’expérience de ces acteurs quant à la coordination et l’implémentation des politiques. Le

besoin d’une expertise minimale en ce qui signifie l’activité politique et la capacité

décisionnelle est évident. La manière dans laquelle on institue ces pratiques doit être analysée

en profondeur. Autrement dit, l’interrogation visant l’influence des nouvelles élites sur la

prise de décision, porte avant tout sur le problème d’une professionnalisation minimale des

nouveaux acteurs politiques. Certes, lorsqu’on se rapporte à l’idée de la professionnalisation

des élites, il y a tout une série d’attributs qui viennent à notre esprit en tant que conditions de

nécessité. La durée de la carrière, la source des revenus, l’ambition et la vocation pour la

politique394 sont qu’une partie d’une liste qui est loin d’être exhaustive. Les diverses étapes

393 Pour la différence entre les divers modèles V. Mattei Dogan, « Introduction : la sélection des ministres dans divers régimes politiques », Pp. 125-129

394 Mattei Dogan, « Introduction », P. 42.

201

d’une trajectoire constituent ainsi que prima facie pour une interrogation ultérieure sur tous

ces attributs.

Si on est à penser tous ces éléments en tant que nécessaires pour avoir des

professionnels dans la politique, les élites gouvernementales roumaines ne passeraient pas le

teste. Chose qui s’inscrit dans la longue histoire les élites en Roumanie, celles-ci gardent

généralement d’autres sources de revenus que le travail politique. Si les parlementaires

roumains au début du siècle, étaient en proportion d’une cinquième des « membres de

conseils d’administration des sociétés anonymes »395, un regard sur l’ensemble de la

population parlementaire et gouvernementale dévoile l’existence d’un modèle similaire dans

le postcommunisme roumain. Cependant, dans notre cas, la professionnalisation des acteurs,

ne renvoie pas à la politique comme vocation, aux élites politiques wébériennes qui vivent

« de la » et « pour » la politique396, mais elle décriera simplement un processus de

reproduction et d’enchaînement des fonctions publiques.

Dans cette perspective, la professionnalisation peut être traduite avant tout comme

une question portant sur la centralité de l’acteur sur la scène politique. La question « sont les

ministres des personnages centrales ou passagères ? » impliquerait ainsi deux grandes

dimensions interprétatives. La première dimension (qui est la plus connue) vise l’existence

d’une certaine expérience décisionnelle et politique développée dans des cadres

démocratiques. Considérant dans la lignée des résultats des recherches empiriques menées

dans les démocraties parlementaires qu’afin de devenir ministre, les acteurs politiques

doivent avoir une longue expérience politique, la condition de base d’une

professionnalisation portera sur la durée proprement dite de l’implication de l’acteur dans des

fonctions publiques. La seconde dimension interprétative vise cependant un type de ressource

spécifique. En partant de l’idée que « les démocraties ne sont pas gouvernées par les

nombreux ministres du moment», mais au contraire, elles sont dirigées «par un noyau dur qui

réussit à se maintenir pendant longtemps en fonction»397 , nous considérons que la

professionnalisation de l’activité gouvernementale peut s’accomplir uniquement lorsqu’un

certain degré de stabilité des élites gouvernementales est atteinte.

Dans ce qui suit on essayera donc de compléter le premier tableau visant le profil des

acteurs politiques gouvernementaux en rajoutant d’autres éléments qui puissent nous

conduire vers une approximation de la capacité décisionnelle des acteurs politiques

395 Mattii Dogan, « L’origine sociale du personnel parlementaire », P.181.396 Max Weber « Politics as a Vocation », Pp. 77-128.397 Mattei Dogan, « Sociologia elitelor politice », dans Sociologie politica- Opere alese, ed. Alternative, 1999, p.76. (n. tr.)

202

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

postcommunistes. Même s’il existe une différence essentielle entre la longue durée en

politique et la performance de l’acteur à diriger son activité, on considère que l’investigation

portant sur cette vision minimale de la professionnalisation, nous permet d’estimer la

potentialité d’un contrôle exercé par les acteurs politiques individuels sur le processus

décisionnel. La section qui s’ensuit sera organisée en trois étapes. Après un court cadrage

général, dans un premier moment on regardera en quelle mesure y a-t-il une consolidation

minimale d’une élite politique gouvernementale sans laquelle toute le questionnement portant

sur les capacités décisionnelles n’aurait pas de sens. Dans un deuxième temps, on se

concentrera sur une investigation des stratégies visant à équilibrer les degrés d’instabilité du

personnel exécutif et la création possible d’un noyau dur gouvernemental dans le cas

roumain. Dernièrement, l’étude portera sur une analyse plus large de la professionnalisation

des acteurs en prenant en compte des indicateurs de l’expérience politique de ces élites.

6.1 Fixer les cadres d’analyse de la professionnalisation des acteurs

Les gouvernements qui ont succédé à la chute du régime communiste se sont encadrés

dans un contexte politique spécifique au processus de démocratisation. La recherche de la

meilleure formule gouvernementale, les modifications de la scène partisane roumaine, ainsi

que le rôle des relations avec l’extérieur ont eu une influence importante sur le

développement et sur le fonctionnement des cabinets. De la sorte, neuf cabinets ont été

formés dans une période de dix neuf ans et leur durée de vie (la durée effective du

gouvernement dès le début d'un cabinet jusqu'à la fin de son mandat) assez limitée (25,33

mois) 398 est l'image de la difficulté de créer une majorité de support des cabinets au sein du

Parlement. De cette façon, sur la scène gouvernementale roumaine s'instaure, comme le

remarque Cristian Preda, une seule majorité gagnée en 1990 et quatre (cinq) majorités

négociées399. Il faudrait cependant mentionner que l’instabilité gouvernementale est loin

d’être une idiosyncrasie de la période postcommuniste400, tout comme elle ne constitue pas un 398 Les premiers huit cabinets roumains post-communistes et leur durée de vie : Petre Roman (30.12.1989-28.06.1990) – 179 jours ; Petre Roman (29.06.1990-15.10.1991) - 473 jours ; Theodor Stolojan (16.10.1991–15.10.1992) – 393 jours ; Nicolae Văcăroiu (13.11.1992-10.12.1996) – 1489 jours ; Victor Ciorbea (11.12.1996-15.04.1998) - 491 jours ; Radu Vasile (16.04.1998–13.12.1999) – 616 jours; Mugur Isărescu (14.12.1999-12.12.2000) - 366 et Adrian Năstase (13.12. 2000-21.12.2004) – 1469 jours. Source le tableau des annexes dans Cristian Preda, Partide şi alegeri în România post-comunistă : 1989-2004.399 Ibidem, p.42.400 Entre 1859 et 2008, 139 cabinets ont été formés, présentant des durées de vie variables. A part les cabinets communistes qui sont les plus stables, en moyenne de 34,79 mois, tous les autres exécutifs se caractérisent par l’instabilité gouvernementale marquante. Ainsi pour la période 1859-1861 la durée moyenne d’un cabinet est quatre mois dans le Pays Roumain et de cinq mois en Moldavie. Après la reconnaissance internationale de l’union des deux principats et après qu’Alexandru Ioan Cuza décidât la construction d’un seul gouvernement, la

203

élément d’exceptionnalisme roumain par comparaison à d’autres pays de la région. Même si

durant la période 1990-2003, la Roumanie tout comme la Lettonie et la Lituanie faisait partie

des pays présentant les plus bas durées de vie gouvernementales401, le mandat de quatre

années du dernier cabinet en place atténue le cadre général d’une instabilité structurante de la

scène gouvernementale. D’ailleurs, les cabinets roumains tendent vers un processus de

« normalisation » s’inscrivant dans la moyenne des autres démocraties européennes.402.

Cependant, la variation dans les durées des divers cabinets et l’instabilité

gouvernementale des premières années, ainsi le principe d’une alternance continuelle qui

débute en 1996 suggéraient théoriquement un processus difficile de stabilisation du personnel

gouvernemental, ce qui apporterait en théorie aussi une difficile articulation décisionnelle. En

dépit de cette interprétation intuitive, l’instabilité des cabinets n’engendre pas, d’une manière

indispensable, une impossible construction des « carrières politiques exécutives». Les

changements dans les formules de coalitions, l’organisation des élections ou les

remplacements des Premiers ministres403 ne garantissent pas a priori que les trajectoires

individuelles des gouvernants connaissent les mêmes aléas, empêchant leur stabilisation ou

encore une continuité décisionnelle au niveau des politiques404. L’instabilité gouvernementale

durée moyenne d’un cabinet devint plus longue 11,43 mois, toujours au-dessous d’une année. Un taux semblant recouvre aussi la période qui s’enchaîne entre 1881 et 1947, la durée de vie d’un cabinet était de 11,2 mois. Les taux ont été obtenus en construisant une base de données avec les cabinets de la période 1859-2004. La source principale a été Stelian Neagoe, Istoria guvernelor Romaniei. De la inceputuri 1859 si pana in zilele noastre [L’histoire des gouvernements de la Roumanie. Dès le débuts 1859 jusqu’à de nos jours], Machiavelli, Bucarest, 1999. D’ailleurs les correspondances entre le comportement des cabinets et des acteurs qui les forment ne s’arrêtent pas sur ce point. Pour les comparaisons qu’on avait construites à cet égard voir « Volatilité et stabilisation du personnel gouvernemental. Les cabinets roumains : 1919-1939 et 1989-2004, Studia Politica. La Revue Roumaine de Science Politique, Vol. VII, No. 1, 2007, Pp.71 -95, « Le Passe Communiste entre Permanence et Oubli. Les cabinets Roumains Postcommunistes», Transitions, Vol. XLVII n° 2, Université Libre de Bruxelles, 2007.401 A l’époque la Roumanie présentait la plus basse durée de cabinets avec une moyenne d’environ une année tandis que l’Hongrie présentait un moyenne de trois ans, la République Tchèque de 2,38 ans et la Bulgarie de 1,62 ans. V. Jean Blondel, Ferdiand Muller Rommel, Darina Malova, Governing New European Democracies, Palgrave Macmillan, March 2007, P. 82402 La remarque visant une tendance vers la convergence des durées de cabinets a été déjà faite pour la période 1990-2003 quand les cabinets de l’Europe Centrale et Orientale présentaient des cabinets ayant une durée de vie d’environ 1,6 ans or la moyenne en Europe occidentale pendant les années 1950-1983 touchait 1,8 ans. Voir Jean Blondel, Ferdiand Muller Rommel, Darina Malova, Op.Cit., P.75, pour une image générale sur la durée des cabinets dans les démocraties occidentales v Ian Budge, Hans Keman, Op.Cit, P.161. Il faudrait également spécifier que les valeurs exhibées par le cas roumain le place plutôt dans la proximité des pays plutôt instables tels que la Grece, la Vième Republique en France ou l’Italie qui durant la période 1946-1998 ont des durées de vie qui ne dépassent pas une année et non pas dans la catégorie des pays tels que Luxembourg, la Grande Bretagne ou l’Espagne dont la durée moyenne des cabinets est d’environ 3 ans. V. Ian Budge, Hans Keman, Jan J.W. Woldendrop, Party Government in 48 Democracies 1945-1998). Composition Duration Personnel., Kluwer Academic, Dordrecht, 2000, P. 79.403 Ces facteurs sont les principaux éléments pris au niveau de la littérature pour la délimitation temporelle des cabinets. V. Arendt Lijphart, «Measures of Cabinet Durability : A Conceptual and Empirical Evaluation», Pp. 256-279.404 Les études qui portent sur l’instabilité gouvernementale et affirment l’existence d’une relation d’une intensité variable entre l’instabilité et la performance du cabinet. L’argumentation de cette relation, lorsqu’elle est

204

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

et l’instabilité du personnel gouvernemental sont deux concepts distincts renvoyant à deux

réalités différentes405. La durée de vie des cabinets ne peut pas nous fournir une image

exhaustive sur le fonctionnement interne des gouvernements406. De la sorte, tout comme

Mattei Dogan, Lijphart cite l’exemple de la Quatrième République en France, en montrant

que l’instabilité, vue comme la caractéristique d’un cabinet d’avoir une durée limitée a été,

dans ce cas, souvent surévaluée car : «Beaucoup de membres de chaque ancien cabinet ont

été aussi membres dans le nouveau gouvernement et leurs durées moyennes des mandats, en

tant que ministres, ont été considérablement plus longues que celles des cabinets entiers. »407.

L’instabilité gouvernementale peut être ainsi équilibrée par la présence d’un noyau

dur gouvernemental qui, par le biais de l’expérience exécutive accumulée, assura d’une part

la construction des trajectoires de longue durée dans l’exécutif et de l’autre une continuité de

la prise de décision et la fonctionnalité des cabinets. De cette façon, ce principe de

l’importance de l’accumulation de l’expérience au sein des cabinets, invoqué surtout par

Mattei Dogan, recouvra «une stabilité relative et même profonde»408 fondée sur la présence

institutionnalisée de certains acteurs qui deviennent des véritables pôles de prise de décision

gouvernementale. Ainsi, au-delà des discontinuités attirées des cabinets on pourrait envisager

des comportements différents au niveau des élites.

6.2 Les limites de la professionnalisation des acteurs : les remaniements409

développé (très rarement) porte sur la manière dans laquelle s’instituent et découlent les relations entre les membres des cabinets entre eux et entre les membres du cabinet et l’appareil bureaucratique V. Ezra Suleiman, Politics, Power and Bureaucracy in France, Chap. VII, p. 165-169. Pour Huber qui étudie empiriquement cette relation, l’instabilité gouvernementale génère un problème au niveau de la performance à court terme, mais pas dans les cas des périodes plus longues (plus de six gouvernements). V. John D. Huber, « How Does Cabinet Instability Affect Political Performance ? », Pp. 577-591.405 Par ailleurs la distinction est faite au niveau de la littérature. A l’exemple Pierre Martin considère que l’instabilité de l’exécutif doit être considérée comme distincte par rapport à l’instabilité du système politique. De la sorte, la stabilité politique pourrait exister lorsque les hommes politiques et les partis politiques au sein des gouvernements successifs ne changeraient pas ou peu, malgré les changements du gouvernement. V Pierre Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 2ème édition, Montechrestien, Paris, 1997, Pp. 133,135. Nonobstant ; nous considérons que les caractéristiques de la stabilité du système politique ne se résument pas à la stabilité de la composition politique des cabinets et de leurs élites, une distinction entre l’instabilité gouvernementale et l’instabilité du personnel gouvernemental serait ainsi préférable.406 M. Dogan, P. Campbell, «Le personnel ministériel en France et en Grande Bretagne», Revue Française de Sciences Politiques, vol. VII, no. 2, avril-juin, octobre-décembre, 1957, Pp. 313-345, 793-824.

Arendt Lijphart « A Note on the Meaning of the Cabinet Durability », Comparative Political Studies, Vol. 17, No.2, 1984407 Arendt Lijphat, Op. Cit., P.164 (notre traduction).408 Nous considérons, tout comme Mattei Dogan, qu’une durée étendue du mandat ainsi que la reproduction dans la fonction sont importantes pour le fonctionnement d’un gouvernement, car elles assurent à l’acteur politique une certaine expérience en ce qui concerne la prise de décision et la relation avec les autres acteurs = l’accumulation de l’expérience. v. M. Dogan, P. Campbell, «Le personnel ministériel en France… », P. 326, ainsi qu’Ezra Suleiman, Politics, Power and Bureaucracy…, Pp. 165-169.409 Le concept de « volatilité des portefeuilles » fut introduit par John D. Huber. La démarche centrée sur la volatilité des portefeuilles vise l’analyse des changements des ministres à l’intérieur d’un gouvernement (chaque

205

Les trajectoires des ministres introduisant l’idée d’une certaine professionnalisation

politique de ces acteurs par le biais d’un recrutement des gens présentant une expertise

décisionnelle, semblent suggérer que le principe de construction des carrières politiques en

Roumanie couvre les mêmes comportements que dans les démocraties stables. Néanmoins les

mimétismes dans l’ascension politique ne produisent pas d’une manière nécessaire une

certaine stabilité nécessaire afin d’acquérir un certain savoir faire. Dans ce qui suit on se

demandera donc si, dans le cas roumain, y a-t-il une stabilité interne qui s'instaure au niveau

des acteurs politiques, ou au contraire, la macro-instabilité des cabinets est une réverbération

de leurs dynamiques internes ?

Les cabinets roumains postcommunistes comptent un nombre assez important

d’acteurs. Au total 1032 gouvernants (245 ministres410 et 787 secrétaires d’Etat), mais aussi

1544 nominations (327 des nominations ministérielles et 1217 de secrétaires d’Etat.

Le nombre est élevé si on prend en compte qu’au niveau idéal typique, sur une structure

gouvernementale des dimensions européennes (17 portefeuilles) et sur un principe

d’alternance complète, on aurait du compter en principe pas plus de 600 nominations.

Cependant, les restructurations continuelles et les changements gouvernementales avant la

date prévue sont que peu des éléments qui on influé sur les politiques de personnel des

cabinets roumains.

Lorsqu’on regarde les durées moyennes des mandats du personnel gouvernemental en

Roumanie postcommuniste l’image d’instabilité semble encore plus foncée. Les ministres

roumains de la période 1990-2009 sont restés en fonction environ 16 mois, tandis que les

secrétaires d’Etat nommés présentent des mandats encore plus réduits de 14 mois411. Certes

cette instabilité du personnel gouvernemental est directement liée à la durée des cabinets412,

année) et elle permet ainsi une analyse plus approfondie de la continuité du personnel dans des divers portefeuilles. Huber utilise plusieurs indicateurs tels que : la volatilité totale des portefeuilles, mais aussi la volatilité dans le cas du changement d’un parti politique qui se trouve au gouvernement ou des changements des partis en fonction de la distance idéologique qui les sépare. Nous allons prendre en compte plutôt le concept de volatilité totale qui fait référence aux changements des personnes à l’intérieur des exécutifs V. John D. Huber, Op.Cit., Pp. 577-591 (p. 581).410 Le nombre des ministres inclut aussi les acteurs qui avaient également occupé des positions de secrétaires d’Etat.411 Nous avons calculé la durée moyenne des mandats des acteurs politiques en considérant le nombre des mois qu’ils passent dans une fonction exécutive à l’intérieur d’un cabinet. Au cas où un acteur politique a détenu plusieurs fonctions exécutives (au niveau ministériel) pendant la durée d’un seul cabinet, ces durées ont été additionnées. Les valeurs moyennes citée couvrent cependant une grande diversité la déviation standard est dans le cas des ministres et pour les secrétaires d’Etat de 14 mois. 412 Il existe une corrélation importante entre la durée des cabinets et la durée du mandant des ministres (Pearson .632(**)) ainsi qu’entre la durée des mandants des secrétaires d’Etat et la durée de vie des cabinets (Pearson .530(**)). D’ailleurs les différences entre les deux niveaux sont intéressantes à interpréter car l’effet des changements de gouvernement ont un moins d’impacte sur ce niveau qui est généralement plus instable.

206

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

mais en même temps les dynamiques internes viennent accentuer la tendance générale

d’instabilité. Ainsi, le mandat d’un ministre représente 72% de la durée du cabinet dans

lequel il avait été nommé, tandis la période que les secrétaires d’Etat passent à l’intérieur

d’un cabinet couvre à peu près deux tiers de la même durée.

En plus, si on pense que pour qu’on puisse parler d’une stabilisation des élites

gouvernementales capables d’entamer et d’implémenter des politiques publiques, la période à

laquelle on devrait se rapporter est plutôt celle de quatre années, l’instabilité du personnel

gouvernemental ne peut pas être mise en doute. Le mandat d’un ministre en Roumanie réussit

à saisir qu’un petit peu plus d’un tiers du temps que le législateur a conçu comme utile pour

la mise en pratique d’un programme gouvernemental. Lorsqu’on rajoute à ces premiers

aspects le fait que 32,4% des ministres et 42,8% des secrétaires d’Etat présentent des mandats

au dessous d’une année, l’instabilité qui s’institue au niveau des exécutifs semble doublée par

une volatilité accentuée au niveau des portefeuilles gouvernementaux.

Le niveau ministériel est ainsi sujet de grandes dynamiques du personnel. Mais il

n’est pas le seul. En principe, la dissemblance qu’on avait identifiée au niveau des trajectoires

aurait pu transformer le second échelon de pouvoir dans un niveau technique, sélectionné sur

des principes de compétence qui s’autonomise et assure la continuité de la prise de décision.

Cependant, on observe plutôt une convergence des dynamiques, encore plus accentuées sur le

niveau des secrétaires d’Etat. Cette observation est d’autant plus intéressante vu qu’à

différence des ministres, les secrétaires d’Etat disposent de très peu visibilité et étant donné

leur profil non politique, ils sont moins censés à être limogés suite à une lutte pour le pouvoir

à l’intérieur de l’organisation du parti. L’instabilité de personnel des secrétaires d’Etat

suggère néanmoins leur dépendance par rapport au niveau ministériel et donc à la politique

générale de personnel des partis gouvernants.

Table 24 Tableau général de la volatilité des portefeuilles du personnel gouvernemental

LE GOUVERNEMENTMinistres Secrétaires d'Etat

Mean Durée

Std Deviation Rapdur

MeanDurée

Std Deviation Rapdur

Provisoire 5.20 0.95 0,87 4.05 1.65 0.68Roman 13.27 4.32 0,83 8.71 5.05 0.54Stolojan 12.95 0 1,00 11.34 4.09 0.87Văcăroiu 27.71 16.72 0,57 23.21 16.92 0.47Ciorbea 10.54 5.52 0,66 11.71 4.55 0.73Vasile 13.44 6.47 0,67 12.66 11.56 0.58Isărescu 10.32 2.87 0,86 11.45 6.47 0.95Năstase 25.35 14.63 0,53 23.59 14.80 0.49

207

Tăriceanu 22.85 15.08 0.49 22.40 13.05 0.48TOTAL 15.74 7.40 0.72 14.35 8.68 0.64

Dans ce contexte, l’instabilité gouvernementale semble se généraliser. La durée

moyenne des mandats des ministres et des secrétaires d’Etat à travers des divers cabinets qui

se sont succédés (voir le tableau 1) montre que les taux qui caractérisent les divers cabinets

s’approchent de l’hiérarchie de leurs durées. Ces résultats sont cependant également le

résultat de la délimitation des mandats des acteurs qu’on la construit à la base des limites

temporelles des gouvernements. Lorsqu’on s’intéresse aux dynamiques internes des équipes

gouvernementales, aux stratégies visant les politiques de personnel, cet indicateur produit

plutôt une imagé biaisée. Une première solution ce serait effectivement de prendre en compte

un index non pas de la durée proprement dite, mais un index de la durabilité des mandats. Le

taux d’attrition413 proposé par Jean Blondel permettrait ainsi à dépouiller les nominations des

influences de la durée plus ou moins limitée de la période analysée, ainsi que des fluctuations

résultantes des configurations institutionnelles diverses. Néanmoins, cet indicateur présente

deux grands inconvénients. Tout d’abord, il procède de la prémisse que les logiques de

restructurations institutionnelles peuvent être naturellement séparées des logiques menant aux

remaniements gouvernementaux et deuxièmement la construction en termes de prédiction et

non pas en terme de durées concrets induit une certaine uniformisation et permet une

surreprésentation au niveau de l’interprétation de la durée des mandats414.

Vu que notre but principal est celui d’estimer les dynamiques du personnel en prenant

en compte les effets produites par les restructurations et en désirant en même temps de

prendre en compte un modèle d’uniformisation des cabinets on avait opté pour un autre

indicateur qui mesure le rapport entre la durée du mandat d’un ministre et la durée de vie du

cabinet dont il fait partie. En uniformisant les cabinets au niveau de leur longévité (mais non

413 L’index d’attrition se concentre sur l’investigation des taux de départ plutôt que sur la durée proprement dite des mandats. Mesure non pas de la durée, mais de la durabilité, l’indexe se calcule à la base des changements annuels du personnel en tant que rapport entre le nombre des résignations durant une année et le nombre des acteurs qui étaient en fonction durant l’année d’avant. Une seconde version de cette indexe inclut la durée conçue en tant que période de temps nécessaire pour que toute l’équipe gouvernementale soit renouvelée si les personnes seraient remplacée suivant le même taux de changement. L’index permet ainsi de parler en termes de prédictibilité de la durée du mandat. V. Jean Blondel, Op.Cit., Pp. 84-85414 Les durabilités prédites pour les secrétaires d’Etat calculés selon cette formule sont 1991-1992 : 1,55 ; 1992-1996 : 3,15 ; 1996-2000 : 1,95 ; 2000-2001 2,19 ; 2000-2001 2,58. De la sorte lorsqu’on applique le taux d’attrition (au niveau de la durabilité prédite) pour le niveau des secrétaires d’Etat dont la durée moyenne est d’une année et demie on arrive à une durabilité de 2,28 ans. Si à l’exemple la période du cabinet Năstase comprend une durée moyenne des mandats des secrétaires d’Etat de 23,59 mois (équivalent à peu près de 2 ans) le taux d’attrition est presque exacte suggérant une durabilité de 2,19 ans. En contrepartie si on prend en compte le cabinet Theodor Stolojan, qui dure d’ailleurs 13 mois et dont la durée moyenne des mandats est de 11 mois, le taux d’attrition est d’une année et six mois.

208

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

pas au niveau des fluctuations engendrées par les restructurations), on pourrait ainsi vérifier

en quelle mesure y a-t-il des variations internes qui dépassent les simples cadres de

l’instabilité gouvernementale au niveau macro415. Le changement de perspective quant à la

manière de se rapporter au mandat ministériel introduit également un déplacement d’accent

quant aux degrés de stabilité concernant le personnel politique.

De cette manière, au niveau ministériel, les plus stables gouvernements d’un point des

dynamiques internes sont les cabinets Theodor Stolojan, le cabinet provisoire ainsi que le

gouvernement Mugur Isărescu. Les acteurs politiques qui arrivent ainsi à rester en fonction et

de mener à bien leurs mandants font généralement partie des cabinets prévus à durer peu de

temps et ayant plutôt une tâche spécifique – celle de préparer les élections. De l’autre côté,

les gouvernements plus instables d’un point de vue des dynamiques du personnel sont : les

cabinets Călin Popescu Tăriceanu, Adrian Năstase et Nicolae Văcăroiu qui sont d’ailleurs les

trois cabinets du postcommunisme roumain qui ont réussi à accomplir un mandat de quatre

années. Cette tendance générale du développement des dynamiques gouvernementales de

grande ampleur est préservée sur le second échelon de pouvoir qui exhibe des rapports

similaires nous permettant ainsi de penser qu’on assiste à l’instauration d’un pattern général

en ce qui concerne le personnel exécutifs des gouvernements postcommunistes.

Alors qu’est-ce quelles sont les conclusions de l’analyse portant sur le niveau de

stabilité/instabilité gouvernementale en tant que possible empêchement d’un processus de

stabilisation des élites ? Est-ce que les gouvernements roumains passent-ils suffisamment de

temps en fonction afin de développer un certains savoir faire au niveau de la prise de

décision ? La conclusion générale sur ce regard d’ensemble est que les cabinets roumains se

caractérisent par une instabilité du personnel d’ampleur tant au niveau des ministres qu’au

niveau des secrétaires d’Etat. Pourtant, dans le cadre d’instabilité, il faudrait distinguer entre

l’instabilité comme effet des dynamiques internes du personnel et celle qui résulte des

événements qui influent sur la durée de vie des cabinets (instabilité externe). Si le

comportement général des exécutifs sur la scène politique permet dans un plus grande mesure

aux acteurs à s’instituer au pouvoir en tant que décideurs, car leur durée de mandant est plus

longue en valeurs absolues, il ne garanti pas en même temps aux acteurs qu’ils feront partie

415Cette méthode d’uniformisation des cabinets a été employée par Sanders et Herman au niveau des cabinets afin de trouver une base de comparaison entre les divers cabinets dans des divers pays qui à la base présentaient des durées de vie différentes selon les exigences législatives portant sur la durée des mandats des exécutifs. Nous utilisons cette démarche d’uniformisation afin de nous rendre compte de l’ampleur des dynamiques internes qui prennent place au niveau du personnel de chaque cabinet. Pour plus de détails voir D. Sanders et V. Herman, « The stability and survival of governments in Western Democracies », Pacta Politica, Vol.12, n° 1, Juillet 1977, p. 346-377.

209

de l’équipe gouvernementale pendant toute la durée du cabinet. Au contraire, les ministres et

les secrétaires d’Etat sont toujours censés d’être remaniés après la première moitié du mandat

gouvernemental. Dans ce contexte, le prix à payer pour avoir une continuité au niveau du

Premier ministre est de changer une grande partie de l’équipe gouvernementale. Ce

phénomène peut d’ailleurs être mis en relation avec les préfigurations des politiques qu’on

peut observer au niveau des cabinets roumains postcommunistes. De la sorte, les cabinets

arrivés vers la fin du mandant ne tendent seulement à reconfigurer leurs politiques afin de

faire appel à un public plus large, mais ils s’orientent également vers un renouvellement du

personnel. En outre, il est également intéressant d’observer que l’absence d’un profil

politique de grande envergure des secrétaires d’Etat les rend plus vulnérables à des possibles

remaniements. De la sorte, les ressources non politiques que les acteurs mobilisent pour leur

promotion en politique ne sont pas suffisantes pour la préservation du portefeuille pour des

longues durées. Souvent loin des yeux des médias et des analyses critiques du public ces

acteurs disposent cependant d’une dose d’autonomie limitée par rapport à leur sélecteurs (qui

d’un point de vue formel est le Premier ministre).

6.3 Les germes de la professionnalisation : l’accumulation d’un savoir-faire exécutif416

Selon l’étude des dynamiques du personnel gouvernemental, lorsqu’un ministre ou un

secrétaire d’Etat sont nommés dans un portefeuille exécutif, ils restent en moyenne une année

et quelques mois. En ce contexte, comment peut-on expliquer l’appétence pour de tels

portefeuilles ? Et surtout en quelle mesure la question même d’une professionnalisation

aurait-elle de sens ? On pourrait trouver ici les racines des « spécificités » des cadres de

démocratisation qui mènent à une impossible professionnalisation de facto des acteurs dans la

politique ?

L’exemple roumain est loin d’être unique. Une étude visant le personnel ministériel

de la période 1990-2003 dans les pays postcommuniste (qui ne découpait pas artificiellement

les mandats des ministres en fonction du cabinet dans lequel ils faisaient partie) montrait que

la durée moyenne des mandats de ces acteurs de deux ans, moitié par rapport à leurs

416John D. Huber et Cecilia Martinez utilisent cette variable afin de déterminer le degré de stabilité des élites gouvernementales. Pour les deux auteurs l'expérience politique d’un acteur représente la durée moyenne des mandats des acteurs politiques pendant une durée déterminée sans prendre en compte les changements dans des portefeuilles appartenant à des domaines différents. Voir John D. Huber et Cecilia Martinez « Cabinet Instability and the Accumulation of Experience in the Cabinet- the French Fourth and Fifth Republic in Comparative Perspective », British Journal of Political Science, I-ere partie, Vol.34, janvier 2004, Pp.41-46.

210

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

correspondants des démocraties occidentales417. Dans ce contexte général, la Roumanie ne

ferait pas de figure à part. A une moyenne de 1,8 ans pour un mandant d’un ministre, le cas

roumain s’intégrerait dans un tableau plus large. La Pologne (1,6 ans), la République

Tchèque (2,5 ans), la Lituanie (1,57 ans) ou encore la Bulgarie (1,5 ans) décrivent également,

dans des proportions différentes, de tels types de comportements. En outre, la même étude

mettait en exergue le fait qu’un tiers des ministres de tous ces pays ont eu des mandats au

dessus d’une année. La question portant sur la futilité de la fonction gouvernementale

acquiert sous cet angle un plus de pertinence. Il est évident qu’un portefeuille dans l’exécutif

comporte un plus de prestige, mais bien au-delà de ces ressources symboliques, la courte

durée des mandats limite au maximum la capacité d’agir des acteurs politiques nommés. La

question d’une professionnalisation serait sans pertinence dans ce cadre précis qui

engendrerait une coordination impossible de l’activité gouvernementale.

Cependant, les taux d’instabilité du personnel gouvernemental ne représentent qu’une

ébauche des politiques de personnel. Comme Mattei Dogan l’avait souligné, une réponse aux

dynamiques gouvernementales et une mise en balance de ses effets seront possibles par le

biais d’une hypothétique stabilisation des élites, opérationnalisée comme phénomène de

rotation des élites dans les fonctions gouvernementales. La rotation des cadres, soit d’un

niveau de l’exécutif vers un autre, soit en exploitant les connaissances des acteurs qui ont fait

partie d’anciens cabinets fournirait ainsi les outils rendant possible le développement d’un

savoir faire décisionnel, et constituerait ainsi une des bases de la construction des carrières

politiques.

Table 25 Taux de reproduction du personnel gouvernemental 1990-2008

MinistérielSecrétaires

d'Etat Promotion Promotion 1 EXP1Roman II 26.92 46.15 25.11 36.12 48.15Stolojan 55 57.29 28,56 35 61.9Văcăroiu 7.14 29.22 26.08 40.48 32.6Ciorbea 12.81 15.84 10.35 15.28 20.51Vasile 66.67 56.14 9.14 16.67 68.75Isărescu 77.27 77.92 13.64 13.64 80.76Năstase 10.42 15.83 23.01 43.75 35.42Tăriceanu 15.1 11.22 24.53 34.12 24.53

Promotion=proportion des secrétaires d’Etat d’anciens gouvernements qui sont promus en fonctions exécutives : Promotion 1 : le poids des secrétaires d’Etat dans la population ministérielle ; Exp1 : expérience exécutive des ministres sur un des deux échelons du pouvoir exécutifs dans les cabinets précédents ; Ministériel et Secrétaires

417 V. Muller Rommel, Blondel, Malova, Op.Cit., Pp. 78-79

211

d’Etat=les taux des ministres/des secrétaires d’Etat ayant détenu des fonctions analogues dans les cabinets précédents

Lorsqu’on poursuit la circulation des élites gouvernementales, une autre dimension de

la promotion dans l’exécutif nous est révélée. On remarque toute de suite, que les

gouvernements issus des élections, surtout les cabinets de droite, présentent les plus

importants taux de renouvellement. A l’opposé, on constate qu’à mesure qu’un nouveau

gouvernement se forme suite à un changement du Premier ministre qui survient à un autre

processus que celui électoral, il existe de plus en plus une probabilité d’avoir des anciens

ministres dans la composition du cabinet. Dans cette logique, on arrive dans le cas des

cabinets tels que Theodor Stolojan d’avoir plus d’une moitié des ministres qui ont été

également membres dans l’un des cabinets antérieurs. Des taux encore plus élevés,

caractérisent les équipes dirigées par Radu Vasile, avec deux tiers de ses membres d’anciens

ministres, ou par Mugur Isărescu avec 77,27%.

Quant aux secrétaires d’Etat l’isomorphisme est parfait : les membres du second

échelon du pouvoir ne présentent pas de différences par rapport à leurs analogues de

l’échelon ministériel. Néanmoins, à part ces comportements visant la conservation d’une

ressource d’expérience sur les mêmes niveaux des l’exécutifs, on peut identifier, comme on

l’avait déjà mentionné des logiques transversales de promotion. Même si une partie assez

réduite de la population des secrétaires d’Etat réussit d’être promue dans un portefeuille

ministériel, l’importance exécutive du second échelon constitue un réservoir d’expérience

dont l’importance pour la promotion au sommet de l’exécutif est indéniable. Dans cette

logique de nomination, l’expérience exécutive reste très valorisée. Caractéristique initiale du

Parti Social Démocrate, cette logique de recrutement fut également adoptée par le cabinet

formé en principal par les libéraux et les démocrates à partir de l’année 2004. Au-delà de ces

comportements généraux, les stratégies quant à la promotion des anciens secrétaires d’Etat

divergent. La procédure fut utilisée en principal par les cabinets PDSR/PSD. D’ailleurs les

leaders de ce parti ont intégré d’une manière maximale le principe d’apprentissage supposé

par une fonction de secrétaire d’Etat, en procédant lors des remaniements à la promotion des

secrétaires d’Etat dans des fonctions ministérielles. Caractéristique des cabinets Năstase si

Văcăroiu, 29,2% respectivement 23,9% mais présente aussi dans les cabinets Tăriceanu

11,3% Roman 11,1% et Vasile 9,5%, cette pratique institue une procédure qui assure une

continuité décisionnelle et des dossiers à traiter par la cooptation d’un membre des échelons

secondaires qui remplace le ministre révoqué de sa fonction.

212

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

Au-delà des différences en ce qui concerne les types de rotation sur l’horizontale (par

la nomination d’un ministre sur le même niveau) ou sur la verticale (la promotion des anciens

secrétaires dans des fonctions gouvernementales) le tableau dressé par ces formules

représente un contrepoids à la volatilité des portefeuilles qui régit les cabinets roumains. Au

total, lorsqu’on prend en compte les diverses formules de promotion, et en excluant même la

rotation interne des ministres, on arrive à la conclusion que 46,51% de la population

gouvernementale présente un certain type d’expertise gouvernementale avant la nomination.

De cette manière, en reprenant les statistiques visant la volatilité des portefeuilles on peut

observer que la durée moyenne du mandat d’un ministre arrive à 28 mois (std. 22,02), tandis

que celle des secrétaires d’Etat est d’environ 23 mois (18,71std)418. Lorsqu’on prend en

compte le processus d’accumulation de l’expérience on peut ainsi resituer le rôle des acteurs

exécutifs. Certes, 2 ans et quatre mois représente moitié de la moyenne européenne quant à la

durée des mandats ministériels, néanmoins, vue la durée relativement courte de la période de

consolidation démocratique, on peut estimer que l’expérience exécutive des acteurs joue un

rôle important dans l’articulation du processus de la prise de décision postcommuniste.

Table 26 Tableau de la volatilité des portefeuilles et l’expérience gouvernementale des acteurs

Ministres Secrétaires d’Etat

MeanStd

Deviation Rapp MeanStd

Deviation RappGouvernement Provisoire 5.74 0.95 0.96 5.96 4.12 0.96

Roman 15.33 5.13 0.96 12.2 5.52 0.96Stolojan 21.81 8.54 1.68 19.65 9.25 1.68Văcăroiu 38.72 20.72 0.79 31.43 20.64 0.79Ciorbea 14.59 9.02 0.91 18.5 15.04 0.91Vasile 24.56 13.95 1.23 23.9 19.42 1.23Isărescu 42.77 24.01 3.56 32.96 25.28 3.56Năstase 46.48 26.54 0.97 30.01 21.61 0.97Tăriceanu 29.92 20.86 0.64 25.16 15.42 0.64

L’expérience exécutive ne constitue qu’une filière de promotion en politique, mais

elle est à considérer également en tant que possible stratégie de stabilisation de l’action

gouvernementale. Si on est à regarder les effets que l’expérience exécutive ait sur les degrés

d’instabilité du personnel, l’effet implicite d’une telle expérience s’applique d’une manière

uniforme durant toute la période (seul dans le cas du cabinet Călin Popescu Tăriceanu

418 Néanmoins les taux au niveau des secrétaires d’Etat n’incluent pas une expérience préalable au niveau ministériel

213

l’impact est plus réduit) et mène pratiquement à la multiplication des taux décrites par l’étude

de la volatilité gouvernementale. L’exception visant le cas du cabinet Tăriceanu s’explique en

ce cas par un double phénomène. D’une part, pour des raisons médiatiques, les partis au

gouvernement ont opté pour une promotion assez réduite des leaders de la période des

cabinets 1996-2000. De l’autre côté, le nombre d’acteurs ayant une expérience exécutive

durant la période 1996-2000 dont le Parti National Libéral (devenu à partir d’avril 2007 le

principal parti au gouvernement) dispose, est très réduit.

6.4 Vers une professionnalisation du personnel exécutif ?

Lorsqu’on regarde les taux de rotation des acteurs politiques gouvernementaux, il

existe cependant un effet trompe l’œil. Malgré une certaine stabilisation des élites sur la

scène politique roumaine, au niveau des équipes gouvernementales, ces taux restent réduits si

on les compare aux tendances de rotation dans les démocraties stables419. Au moment où on

se penche sur les durées proprement dites, il faudrait toujours de mettre en exergue les

différences en nombre d’années entre les acteurs des gouvernements stables et le profil des

acteurs dans les autres systèmes. Or, si en général, on peut remarquer au niveau de la

population ministérielle, une catégorie fluctuante d’un tiers des ministres qui restent en

fonction au dessus d’une année420, la différence de durée instituée entre les acteurs des divers

pays vise plutôt « le noyau dur décisionnel » et la différence des durées entre les acteurs

censés à rester longtemps dans leurs fonctions. Dans cette perspective, les exécutifs roumains

se placent toujours sous l’empire de l’instabilité : 53,2% des ministres et 66,5% des

secrétaires d’Etat occupent des fonctions qui durent moins de deux ans. Très peu d’acteurs

20,2% dans le cas des ministres et que 8,4% des secrétaires d’Etat réussissent à accumuler

une expérience gouvernementale qui dépasse quatre ans. Il semblerait ainsi que l’importance

de l’accumulation de l’expérience au niveau gouvernemental joue un rôle ambigu quant à une

possible consécration de certains acteurs centraux.

Néanmoins, il n’est pas question ici de nier les effets du système politique sur

l’activité des cabinets qui inflige à son tour des fluctuations importantes au niveau du

personnel. La question ne vise pas une comparaison des taux, mais plutôt une compréhension

des mécaniques. Même dans des cadres incertains, de transition, l’accumulation de

419 Cela représente d’ailleurs la principale critique dressée par John D. Huber et Cecilia Martinez par rapport à la thèse de la stabilisation décisionnelle à partir des expériences des acteurs qui se trouvent dans le gouvernement. V. John D. Huber et Cecilia Martinez, Op.Cit. Pp.41-46.420 Jean Blondel, Government Ministers…, P.167.

214

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

l’expérience semble constituer un élément de stabilité au niveau du fonctionnement des

exécutifs rendant possible la consolidation d’un nombre restreint des acteurs (prioritairement

au niveau ministériel) ayant des compétences décisionnelles au niveau gouvernemental.

Ainsi, il ne faudrait pas ignorer le fait, qu’en dépit les transformations importantes dans le

profil des acteurs et dans la composition gouvernementale, une cinquième d’acteurs

réussissent à détenir des mandats qui dépassent les quatre années.

La simple stabilisation de ce qu’on peut appeler « un noyau dur » décisionnel et les

tendances générales de rotation en fonctions des acteurs gouvernementaux ne peuvent pas

être les seuls indicateurs d’un processus de professionnalisation naissante. Même si on adopte

une définition très étroite de la professionnalisation et on reconnaît l’importance de l’accès à

une fonction gouvernementale qui sert en tant que tremplin pour « une carrière dans

l’exécutif », afin de pouvoir parler de la formation d’une élite politique démocratique ayant

au moins partiellement « le métier d’homme politique », il faudrait d’une part, qu’on assiste à

l’émergence des acteurs ayant une expérience de longue durée dans la sphère publique, ainsi

qu’une longue carrière dans le parti. Or, pour des raisons de contexte, c’est évident qu’au

début des années 1990 une telle expérience était tout à fait impossible. Cependant si on

regarde le profil du personnel ministériel on peut certainement identifier les racines de

l’émergence d’une élite politique professionnalisée.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Roman Stolojan Vacaroiu Ciorbea Vasile Isarescu Nastase Tariceanu

Les Bases de la Professionnalisation des Ministes (années)

Exp Pol Exp Part Exp Exe

Figure 6 Les taux d’expérience politique de parti et exécutive des ministres avant leur nomination

215

Comme on l’avait déjà précisé, les principaux sélecteurs des équipes

gouvernementales ont préservé toujours la possibilité de recruter des personnes qui ne

présentaient pas de profil politique. Les indépendants, les technocrates constituèrent souvent

« la solution en cas de crise ». Au-delà de cette pratique, on assiste pourtant à une tendance

de plus en plus foncée de valorisation non seulement les trajectoires en politique, mais aussi

de l’ancienneté. Au début des années 1990 la différence entre la date de la première

nomination dans une fonction politique (des positions dirigeantes dans le local ou au niveau

national, des sous-secrétaires d’Etat etc.) et la date de l’investiture du cabinet du gouvernant

gravitait autour la moyenne de 1,15 années, cette situation avait radicalement changé. Nous

assistons ainsi à un processus graduel de valorisation de l’expérience des acteurs en

politique : 3,62 années d’expérience en politiques étaient nécessaires à un acteur du cabinet

Ciorbea avant le début du cabinet pour qu’ils deviennent ministres, 5,96 années étaient en

moyenne utiles pour une telle promotion lors du cabinet Năstase. Durant le dernier

gouvernement, Călin Popescu Tăriceanu, 7,2 ans depuis la première fonction en politique

auraient du passer pour qu’on devienne des ministres. La tendance de croissance est évidente.

L’accroissement des taux portant sur l’expérience politique couvre cependant une grande

diversité à l’intérieur des cabinets. D’ailleurs, il est important à noter, vu les tendances vers le

renouvellement observées au niveau des deux derniers cabinets, qu’on assiste de facto à la

rencontre de plusieurs générations dans le cadre de la même équipe gouvernementale.

Prenons l’exemple du dernier cabinet en fonction. Les ministres qui ont moins de 30 ans

présentent en moyenne une expérience en politique de 2,6 années et ceux qui sont âgés moins

de 40 ans ont une expérience politique qui compte en moyenne 5 ans, de l’autre côté, ceux

qui sont âgés entre 50 et 60 ans ont environ 10,2 ans d’expérience en politique.

La simple implication de l’acteur à un moment donné du postcommunisme roumain

dans une fonction politique n’est pas une raison suffisante afin de présumer l’existence d’une

continuité dans la politique et donc d’une tendance vers une intériorisation de la fonction

politique. Nombreux sont les exemples des hommes politiques qui pendulent entre la sphère

civile ou économique, entre une profession technique et les divers portefeuilles politiques.

C’est pour cette raison qu’afin conclure sur la tendance d’institutionnalisation d’une élite

politique ayant des compétences décisionnelles, il faudrait également s’interroger sur

l’appartenance politique des leaders et notamment sur leur ancienneté dans le parti. Au fond

l’organisation politique constitue le principal forum d’apprentissage du métier politique et

elle fournit en même temps un cadre de socialisation qui peut mener à des équipes

gouvernementales cohésives.

216

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

La promotion dans des fonctions politiques dépend souvent d’une adhésion au parti,

mais l’appartenance à un parti garantit en plus l’existence d’une implication dans des divers

degrés dans la vie politique tout au long de la période qui précède la nomination dans une

fonction ministérielle421. Malgré les différences entre les deux types d’expériences politiques,

l’expérience dans le parti comporte le maintien d’un lobby constant pour la promotion tandis

que l’expérience dans la politique comporte une activité décisionnelle proprement dite422, les

deux indicateurs comportent un certain savoir faire politique différent par rapport à celui

qu’on identifie dans d’autres domaines. En procédant donc à une analyse des taux

d’ancienneté dans le parti (mesurée comme le nombre d’années passés entre la date

d’adhésion et la date de l’investiture du cabinet dont les ministres ont fait partie) on peut

identifier la même tendance de croissance. Si l’ancienneté dans le parti tournait autour d’une

année lors du cabinet Nicolae Văcăroiu, elle arrive à presque cinq ans dans le cas du cabinet

Victor Ciorbea, elle reste de cinq ans en 2000, lors de l’investiture du cabinet Năstase, et elle

monte à neuf ans dans le cas du cabinet Călin Popescu Tăriceanu. On parle de nouveau des

valeurs moyennes qui suggèrent qu’en grande partie les ministres des cabinets sont des gens

qui ont adhéré à une formation politique dans les premières années du postcommunisme. Les

mêmes variations à l’intérieur des cabinets sont à prendre en considération. Vue la stratégie

déjà mentionnée de recrutement par cooptation dans une fonction exécutive des indépendants,

on peut estimer une grande implication dans le parti de la plupart d’acteurs.

Cependant, il faudrait noter qu’à différence de l’expérience politique des acteurs,

l’expérience de parti introduit une différence entre les cabinets de droite et les cabinets de

gauche. Les cabinets formés par les sociaux-démocrates semblent être formés par des gens

ayant moins d’expérience dans le parti par rapport aux autres cabinets. Les raisons de ce

phénomène sont assez faciles à comprendre. Vu le fait que les sociaux-démocrates ont formé

des cabinets « plutôt » monocolores, cela leur a permis la cooptation dans les équipes

gouvernementales des gens ayant peu ou pas d’expérience dans le parti, sans péricliter pour

autant le fonctionnement gouvernemental. En contrepartie, les cabinets de droite ont été

formés par des coalitions comprenant plusieurs partenaires qui se sont souvent perçus en tant

que concourants.

Table 27 Expérience des secrétaires d’Etat 1990-2008

Moyenne Médianne Ecart type

421 Le fait que les deux indicateurs sont corrélés ne produit de cette manière aucune surprise. La promotion dans les fonctions de parlementaire ou de conseiller local ou départemental nécessite vu le système d’élection sur les listes d’un parti l’adhésion à une formation politiques (Pearson .653(**))422 Mattei Dogan, « La sélection des ministres en Italie…. », P.200.

217

Gouve 1 Expérience exécutive* 8.66 5.00 17.68 Expérience fonctions publ. .00 .00 .00 2 Expérience exécutive 11.92 11.00 7.00 Expérience fonctions publ. .00 .00 .00 3 Expérience exécutive 19.09 17.00 9.61 Expérience fonctions publ. .54 1.00 .50 4 Expérience exécutive 30.12 25.50 21.05 Expérience fonctions publ. .58 .00 .88 5 Expérience exécutive 17.00 14.00 15.14 Expérience fonctions publ. .76 .00 1.75 6 Expérience exécutive 22.90 20.00 19.55 Expérience fonctions publ. 1.32 .00 2.37 7 Expérience exécutive 32.17 24.00 25.42 Expérience fonctions publ. 1.77 1.00 2.42 8 Expérience exécutive 27.68 24.50 21.41 Expérience fonctions publ. 1.32 .00 3.05 9 Expérience exécutive 24.92 20.00 15.52 Expérience fonctions publ. 1.91 .00 3.90Table Expérience exécutive 21.93 16.00 19.29 Expérience fonctions publ. .88 .00 2.24

(*)L’expérience exécutive des secrétaires d’Etat inclut également l’expérience acquise sur les positions similaires dans les exécutifs communistes et inclut également la période en fonction à l’intérieur du cabinet en cause, l’expérience politique se réfère strictement à l’expérience politique de l’acteur dans des cadres démocratiques

L’expérience dans les structures de parti constituait dans ce cas une garantie de

loyauté par rapport au parti qui avait proposé l’acteur en cause pour un portefeuille

gouvernemental. Certes, les cabinets de droite ont inclut parmi leurs membres aussi des

indépendants. Leur absence d’expérience dans les organisations de parti fut mise en balance

par la présence des acteurs qui ont participé aux activités de l’organisation politique dès le

début des années 1990.

En analysant le profil politique des ministres on peut remarquer une tendance générale

qui suggère un processus de professionnalisation. Est-ce que le même modèle est-il toujours

valable dans le cas des secrétaires d’Etat ? La réponse est d’ailleurs prévisible. Si on est à

prendre en considération l’expérience dans les fonctions publiques des secrétaires d’Etat la

réponse est plutôt négative. Malgré une croissance qui passe d’environ six mois d’expérience

dans d’autres fonctions publiques avant l’investiture du cabinet Văcăroiu à neuf mois pour le

cabinet Ciorbea et arrive à environ deux ans pour le cabinet Tăriceanu, on peut identifier une

grande différence entre le niveau ministériel et celui des secrétaires d’Etat. En outre, vu les

taux très haut des valeurs manquantes il est difficile à estimer l’implication réelle de ces

acteurs dans les divers partis. Les données disponibles vont cependant dans le sens d’une

polarisation entre les acteurs qui sont soutenus par des partis sans en faire partie et les autres

secrétaires d’Etat qui sont des membres de parti depuis longtemps. Le profil des secrétaires

218

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

d’Etat ne semble pas suggérer une professionnalisation des acteurs politiques, mais tout

comme dans le cas des trajectoires il suggère un portrait différent de cette population.

La grande différence entre les deux niveaux gouvernementaux par rapport au niveau

ministériel fait penser que cela est le résultat d’une stratégie assumée par les partis politiques.

Le niveau des secrétaires d’Etat devient ainsi à la fois un vivier pour la sélection dans des

portefeuilles gouvernementaux ou encore pour d’autres positions politiques. L’absence d’un

profil publique de ces acteurs gouvernementaux n’est pas censée ainsi à apporter une

politique d’autonomisation décisionnelle des secrétaires d’Etat qui restent, de cette manière,

liées d’une manière personnalisée à leurs sélecteurs formels ou informels. Les dynamiques

d’une plus grande ampleur présentes sur l’échelon secondaire sont justifiables ainsi par

l’absence des ressources politiques de ces acteurs qui en principe leur auraient pu permettre

un plus de contrôle sur la durée de leurs mandants. En dépit d’un processus graduel

d’accumulation de l’expérience, les taux plus hauts d’instabilité du personnel qui

caractérisent la population du second échelon gouvernemental suggèrent une impossible

autonomisation de ce niveau en ce qui concerne à la fois les stratégies de carrière et la

représentation des intérêts particuliers sans l’accord des représentants ministériels des

cabinets.

7. En guise de conclusion

La concentration du pouvoir au niveau des exécutifs roumains postcommunistes, ainsi

que la grande diversité des stratégies adoptées par les cabinets en place quant aux politiques

adoptées, soulève en premier lieu un questionnement sur la capacité décisionnelle des acteurs

individuels. Elites instituées après la chute de l’ancien régime, la population gouvernementale

roumaine serait ainsi enclenchée entre les particularismes historiques et régionaux et aurait pu

justement engendrer par son profil toute cette grande diversité au niveau des résultats visibles

des politiques. Dans cette perspective, la question portant sur les trajectoires des acteurs en

politique, leur expérience acquise dans les cadres démocratiques, constituent une pierre

angulaire pour la compréhension de l’activité gouvernementale.

Une analyse portée sur le profil des gouvernants nous offre parfois une image contre

intuitive par rapport à la perception publique. L’influence du communisme, si importante

durant les premiers moments de changement semble s’évanouir du portrait général des

ministres et des secrétaires d’Etat. Certes, la présence du passé dans le présent peut revêtir de

219

nombreuses facettes plus subtiles que la simple reproduction des anciens leaders et elle peut

mener à l’encombrement de l’action gouvernementale. Néanmoins, la disparition de

l’importance de cette ressource du passé dans la sélection des acteurs gouvernementaux est

indéniable. A sa place s’instaurent toute une série des logiques divergentes.

La différence instituée entre les ministres et les secrétaires d’Etat postcommunistes,

qui en principe font référence à un même type de compétence décisionnelle, est incontestable.

Au niveau ministériel les modèles de promotion certifient une convergence aux autres

démocraties parlementaires européennes. Disposant des ressources qui relèvent de l’activité

dans le parti et dans le parlement, petit à petit, les ministres deviennent d’homme d’Etat. Il ne

s’agit pas ici d’apprécier l’éthique des acteurs ou encore leur capacité d’entamer un projet

politique éclairé. Cependant ces élites deviennent des acteurs centraux de la scène politique

postcommuniste. En contrepartie, le niveau des secrétaires d’Etat semble soumis à d’autres

logiques visant principalement la cooptation. La maximisation des ressources non politiques

tout au long du postcommunisme fait penser à un échelon technique qui se réclame plutôt

d’une vision à l’américaine sur l’implication épisodique en politique des gens dont la propre

profession et performance constituent la principale ressource de promotion.

Cette différence entre les niveaux est tout à fait remarquable et elle acquiert plus de

poids durant les dernières années. En fait d’une perspective longitudinale, il est clair que

l’année 2000 représente un moment de scissure par rapport aux premières dix années du

postcommunisme. La rupture quant à une référence au passé est quasi-totale, les ministres

nommés en fonction présentent d’habitude une longue expérience dans le politique post-

décembriste. En outre, il s’agit aussi de la période où les ressources locales commencent à

jouer un rôle plus important dans la sélection aménageant ainsi les possibles bases d’une

reconfiguration des politiques gouvernementales. Malgré les hauts taux de promotion des

secrétaires d’Etat en fonctions ministérielles, cette pratique touche cependant qu’une section

réduite du total des dirigeants du second échelon constituant une caractéristique spécialement

pour les partis de gauche. La nomination des secrétaires d’Etat semble obéir à d’autres règles.

Si pour être ministre, les acteurs présentent d’habitude à part des ressources sociales ou

économiques une biographie en politique qui les recommande, cela n’est forcement le cas des

secrétaires d’Etat. Qu’une partie de ceux-ci réussissent à devenir ministres ou des

parlementaires, tandis qu’une section plus importante (mais toujours limitée) de cette

population réussit à acquérir un nouveau mandat de secrétaire d’Etat.

La dualité des règles qui régissent les deux niveaux du pouvoir exécutif aurait pu à la

base instituer des modèles spécifiques : d’une part une professionnalisation qui se trouve sous

220

Les trajectoires des acteurs gouvernementaux en Roumanie postcommuniste

le contrôle du parti et de l’autre, une logique opposée fondée sur un principe de compétence.

Cette interprétation générale est cependant partiellement infirmée lorsqu’on essaie à

décrypter les logiques sous-jacentes d’une stabilisation hypothétique d’une élite

gouvernementale. Si au niveau des trajectoires la disjonction est nette, en ce qui concerne la

volatilité des portefeuilles, les degrés d’instabilité en fonction ne présentent pas de

différences notables. Ainsi on pourrait dire qu’en principe, les secrétaires d’Etat restent

tributaires aux changements du premier échelon de pouvoir et donc dépendants par rapport à

celui-ci.

Le tableau général décrit par une esquisse des trajectoires semble souligner un

paradoxe lorsqu’on essaie à déduire des possibles effets des mutations subies par le profil des

dirigeants. La professionnalisation des ministres fondée sur une ancienneté dans le parti et par

une expérience en politique qui dure depuis longtemps auront du justement produire des

politiques cohérentes à la ligne générale du parti qui gouverne. Les remaniements d’ampleur,

vu qu’ils s’accompagnent de plus en plus de la nomination des acteurs ayant de l’expérience

en politique devront en principe instituer un principe de cohésion. C’est justement à partir de

ce principe de professionnalisation, de l’accumulation de l’expérience que les divers leaders

peuvent espérer un accroissement de leur autonomisation. Les élites ministérielles seront en

ce contexte plus penchées à soutenir une certaine distance par rapport à d’autres dirigeants du

parti. Néanmoins, l’opposition interprétative entre un comportement stratégique (managérial)

et un comportement idéologique ne devrait avoir aucune influence sur les résultats des

politiques. En théorie, un principe d’homogénéité devrait apparaître. Or, il paraît, vu

l’analyse du chapitre antérieur, que ce phénomène n’apparaît pas. Les taux croissants des

leaders de parti donnent un aperçu de la superposition entre le leadership national du parti et

les représentants des formations politiques en fonctions publiques. Cependant cette pratique

pour le moment juste esquissée n’apportent pas d’une manière automatique un plus de

contrôle de la prise de décision dans le sens de l’imposition d’une ligne cohérente de la prise

de décision.

Ce phénomène peut difficilement à s’expliquer par la technicisation ponctuelle de la

politique. A un premier regard on pourrait considérer que les secrétaires d’Etat occuperont

ainsi un plus d’importance dans la prise de décision gouvernementale. Doué des diverses

ressources non politiques ceux-ci seront prédisposés à répondre aux exigences du moment

fournissant d’alternatives décisionnelles qui ne recoupent pas des critères idéologiques. La

grande variation décisionnelle serait ainsi explicable par les discontinuités de ces acteurs

sujets à des nombreux remaniements. La thèse plausible au niveau théorique comporte une

221

grande difficulté empirique. Si ces acteurs auront un tel poids dans la formulation des

politiques et une telle marge de liberté dans la formulation des politiques, alors comment

peut-on expliquer leur remplacement si souvent dans les fonctions publiques ? Les logiques

d’interaction entre les deux niveaux s’échappent jusqu’à ce point à l’analyse rendant

impossible l’articulation des conclusions générales. Une étude plus en détail est ainsi

nécessaire afin d’estimer les possibles relations entre les trajectoires des acteurs gouvernants

et l’activité que ceux-ci déroulent durant leurs mandats.

222

IIème PARTIE

QUELLE INFLUENCE DES ELITESSUR LA PRISE DE DECISION GOUVERNEMENTALE ?

EXPLICITER LES (I)-RÉGULARITÉS DE LA PRISE DE DÉCISION GOUVERNEMENTALE : MÉCANISMES DE RECRUTEMENT ET LEURS EFFETS▪ LES ACTEURS DES EXÉCUTIFS ET LA COORDINATION DES PARTIS

223

CHAPITRE 4

Expliciter les (i)-régularités de la prise de décision

gouvernementale : Mécanismes de recrutement et leurs effets

Les variations rencontrées au niveau des politiques gouvernementales, mais aussi au niveau du profil du personnel exécutif, soulèvent la question de l’existence d’une relation qui s’instaure entre la sélection des acteurs et la prise de décision gouvernementale. Le chapitre se concentre ainsi sur l’impact des acteurs politiques dans la configuration des styles décisionnels adoptés par les exécutifs roumains postcommunistes ainsi que sur la capacité de la coordination des politiques. On mettra ainsi en exergue le rôle important des élites au niveau du fonctionnement des gouvernements, mais aussi les conditions dans lesquelles le profil des acteurs peut déterminer d’une manière substantielle le contenu des politiques menées par les cabinets.

De cette manière, on arrive à une première réponse à la question « Comment les acteurs politiques influent-ils sur le processus de la prise de décision ? ». Le profil des élites gouvernementales est décisif quant à la délimitation et le déroulement des procédures internes pour la formulation et l’adoption des politiques, mais en outre, il joue un rôle important dans la compréhension du contenu des décisions entamées par l’exécutif lorsque l’équipe gouvernementale manque de coordination.

LES ÉLITES ET L'ACTIVITE GOUVERNEMENTALE. LES BASES DE LA DISCUSSION▪ TRAJECTOIRES POLITIQUES ET LA PRISE DE DECISION▪ ACTEURS POLITIQUES ET LA DECISION EN ROUMANIE POSTCOMMUNISTE. LES LIGNES GENERALES DE L'ANALYSE▪ ACTIVITE POLITIQUE ET ELITES: UNE PRESENTATION LONGITUDINALE DES CABINETS ROUMAINS▪ EN GUISE DE CONCLUSION

1. Les élites et l’activité gouvernementale. Les bases de la discussion

Les gouvernements roumains postcommunistes ont souffert une évolution constante.

Soumis à plusieurs facteurs contextuels, ils ont été consécutivement des héritiers des

structures du passé, le témoin de nombreuses redéfinitions institutionnelles et ils se trouvèrent

durant toute la période dans un processus continuel de redéfinition des politiques

gouvernementales. Au-delà des transformations, les décisions entamées obéissent plutôt à une

logique événementielle et les modèles décrits par celles-ci dépassent les simples cadres

délimités par la durée d’une équipe exécutive. Cependant, les politiques gouvernementales ne

manquent pas de régularités, mais ces modèles s’instituent semblerait-il suivant d’autres

logiques que celles anticipées au niveau de la littérature. Dans un cadre où ni le

comportement du parti au gouvernement, ni le passé communiste ou la conditionnalité

externe n’épuisent la compréhension des mécanismes décisionnels, les variations identifiées

au niveau des trajectoires des acteurs politiques constituent une possible variable intervenante

dans l’explicitation de l’activité gouvernementale.

Certes, la prise de décision est soumise à l’influence directe des facteurs de nature

institutionnelle. Les différences entre le système parlementaire et le système présidentiel,

entre les systèmes majoritaires ou les systèmes consensuels comportent en principe des effets

importants quant à l’efficacité et la manière dans laquelle les diverses politiques

s’articulent423. En outre, toute une série d’explications gravitent autour de la question du type

et de la durée du gouvernement comme moyen d’approfondir la question de la performance

décisionnelle. Les gouvernements monocolores sont généralement plus stables par rapport à

ceux de coalition, les cabinets de coalition sont à distinguer à la base des divers types de

majorité de support au parlement, les affinités idéologiques des partis qui fondent une

coalition sont importants quant à une prise de décision qui obéit aux principes de la

cohérence partisane etc.424. Que tous ces éléments ont une influence au niveau du

423 Les systèmes majoritaires produisent en général des cabinets plus efficaces, mais aussi une polarisation plus accentuée entre les cabinets de gauche et les cabinets de droite, tandis que les systèmes consensuels sont caractérisés par des gouvernements de coalition qui sont censés plutôt d’adopter des positions centristes au niveau des politiques. V. Arendt Lijphart, Modele ale democratiei. Forme de guvernare si functionare in treizeci si sase de tari[Les modèles de la démocratie. Formes de gouvernement et fonctionnement dans 36 pays], Polirom, Iasi, 2000, 237-251. V. également M. Shugart, J.Carrey, Op.Cit., Pp.1-2.424 A Lijphart, Modele ale democratiei…, Pp.98-118, Lawrence C. Dodd, « Party Coalitions in Multiparty Parliaments: A Game-Theoretic Analysis », The American Political Science Review, Vol. 68, No.3, Sept. 1974, Pp.1093-1117; Lieven De Winter, « Parties and Government Formation. Portfolio Allocation and Policy Definition », Kurt Richard Luther, Ferdinard Muller Rommel (eds.), Political Parties in New Europe. Political

comportement des cabinets il est tout à fait évident. Néanmoins, les limites dans lesquelles de

tels facteurs structuraux déterminent les pratiques des élites sont censées à varier selon les

divers pays et d’engendrer des effets distincts en fonction de la manière dans laquelle le

système politique s’articule.

L’absence de règlements détaillés régissant l’activité gouvernementale, les lois parfois

imprécises font de la négociation qui mène à la formulation des politiques l’objet plutôt de la

coutume et du profil des élites qui contrôlent ces processus. Si généralement on considère que

la relation entre les acteurs gouvernementaux et le cabinet n’est pas problématique,

cependant, les gouvernants sont ceux qui, en dernière instance, choisissent d’agir

conformément au programme de l’exécutif ou, en fonction de la volonté du parti politique qui

avait fait la désignation425. Le fait que dans le cas roumain, les élites ministérielles présentent

des divers profils en fonction du cabinet pris en compte, (même si leurs trajectoires suggèrent

un processus graduel de professionnalisation politique), tandis que le niveau des secrétaires

d’Etat est plutôt un échelon de « l’initiation en politique » nous conduit à l’hypothèse selon

laquelle les variations décisionnelles dépendent de cette diversité qui caractérise le processus

de recrutement. Cette mutation dans les principes même de la construction des équipes

gouvernementales pourrait donc constituer une raison pour l’absence de cohésion suggérée

par l’analyse directe des politiques. De la sorte, le profil des élites, mais aussi les mécanismes

menant à leur promotion, seront à intégrer dans tableau plus large expliquant les fluctuations

qui décrivent l’activité des exécutifs.

2. Trajectoires politiques et prise de décision gouvernementale

Il n’est pas par hasard que dernièrement les études portant sur les divers systèmes

politiques ont commencé de mettre en exergue plutôt des différences par rapport aux modèles

ayant à la base des caractéristiques institutionnelles. La présidentialisation de la politique, la

départementalisation gouvernementale dans des pays à tradition consensualiste sont quelques

exemples en ce sens. Ces références touchent particulièrement les régimes parlementaires car

ceux-ci sont, par leur construction, le moins formalisés426. Au fond, lorsqu’on fait référence

aux simples modèles institutionnels on peut arriver dans une impasse. La différence entre les

divers cabinets serait donc plutôt à faire par rapport aux pratiques politiques. Vue sous cet

and analytical challenges, Oxford University Press, 2002, Pp. 171-207, J.Wondertrop, Op.Cit., P.86, 425 Jean Blondel, Nick Manning, Op.Cit., Pp. 455, 460.426 Jean Blondel, Ferdiand Muller-Rommel, Darina Malova, Op.Cit., P.89.

angle la problématique de la prise de décision dépendrait en grande partie des relations qui se

forgent entre les acteurs politiques composant l’équipe gouvernementale. L’influence du

Premier ministre et l’intérêt ou le désintérêt de facto des ministres et des secrétaires d’Etat

pour une prise de décision conforme au programme du gouvernement dépendent en grande

partie du profil de ces élites427. En ce qui suit, notre étude délimitera les grandes lignes

d’analyse de la relation possible qui se forge entre les caractéristiques de l’élite gouvernante

et les processus décisionnels.

2.1 Manières d’envisager la prise de décision gouvernementale

Le processus de la prise de décision fut généralement décrit en prenant en compte

l’agencement des relations qui s’installent entre le Premier ministre et les autres ministres du

cabinet428. Deux grands modèles de prise de décision ont été ainsi délimités : la collégialité ou

l’hiérarchie. A partir de cette dyade on avait donc fait la distinction entre les cabinets où les

politiques sont le résultat d’un consensus résultant de la participation directe dans la décision

de tous des membres du cabinet et les cabinets dominés par la figure du Premier ministre où

les ministres doivent plutôt obéir aux décisions du chef de l’exécutif.

Ces formules idéaux-typiques ne sont pas figées et elles impliquent au niveau des

divers exécutifs toute une série de variations. En reprenant cette perspective qui procède de la

manière dans laquelle les décisions sont entamées, les degrés de participation des acteurs

politiques dans le processus décisionnel divergent. Selon le degré de précision qu’on veut

attribuer aux catégories qui décrivent la prise de décision gouvernementale, on peut intégrer

plusieurs modèles de comportement. Les trois types classiques qui ressortent d’un principe de

collégialité plus au moins fonctionnel sont : décision collégiale « authentique», la prise de

décision consensuelle ou la prise de décision conflictuelle429. Le comportement collégial se

caractérise par des décisions qui sont entamées suite à des débats et des discussions entre les

membres des cabinets. Même s’il existe des désaccords entre les positions des ministres à

l’égard des solutions retenues, le conflit comprend une dimension superficielle sans mener à

des scissions au sein du gouvernement. De l’autre côté, une activité gouvernementale

conflictuelle comprend, (dans la plupart des cas) la possibilité que les antagonismes qui

427 Jean Blondel, Nick Manning, Op.Cit., P. 467.428 Hans Keman, « Parties and Government… », P.166. 429 V. Rudy B Andeweg, « Collegiality and Collectivity : cabinets, cabinet committees, and cabinet ministers »; Ferdinand Müller-Rommel and Katja Fettelschoss, «Cabinet Government and Cabinet Ministers in Central Eastern European Democracies: A Descriptive Cross National Evaluation», travail preparé pour ECPR Joint Sessions, Uppsala, Suède, Avril 13–18, 2004.

resurgissent suite au processus décisionnel mènent à des remaniements et même, dans des cas

extrêmes, à la fin du cabinet. Enfin, le troisième type de comportement, la prise de décision

consensuelle, porte sur une entente entre les acteurs gouvernementaux sur les politiques et il

engage un faible débat des mesures adoptées au sein des cabinets. A cette manière

d’envisager la prise de décision, visant plutôt l’activité gouvernementale dans des contextes

de coalition des régimes parlementaires, on rajoute d’habitude le cas d’une prise de décision

hiérarchique caractéristique pour les relations de subordination qui s’instaurent entre le

Premier ministre et le reste de son équipe gouvernementale, comportement décrivant plutôt

les régimes présidentiels.

La perspective unidimensionnelle de la vie interne des cabinets a soulevé cependant

toute une série de critiques quant à sa capacité de comprendre la complexité de l’activité. La

participation à prise de décision gouvernementale et le caractère consensuel fondé sur les

relations qui se forgent entre les membres d’un cabinet ne sont pas suffisants pour

comprendre les mécanismes décisionnels. Une perspective plutôt bidimensionnelle semblerait

ainsi nécessaire. Malgré la pluralité polysémique qui s’installa au niveau de la littérature

quant à la dénomination d’un second axe d’étude du fonctionnement des exécutifs, toutes les

approches ont en commun la même idée sous-jacente. Si les relations entre les acteurs

gouvernementaux au niveau de la prise de décision peuvent capter en principe le style

décisionnel d’un cabinet, celles-ci ne peuvent pas rendre compte du degré de contrôle de

facto exercé par le facteur politique sur l’activité des membres des exécutifs. La domination

du Premier ministre par rapport à son équipe gouvernementale serait donc à différencier du

contrôle effectif que celui-ci exerce sur la réalisation concrète des objectifs que le cabinet

avait défini430.

Approche plus connue dans les analyses qui conçoivent les cabinets en termes

administratifs, la seconde dimension d’analyse de la prise de décision gouvernementale

rêverait ainsi la capacité d’une coordination efficace des politiques face «au renforcement

d’une prise de décision sectorielle et des contraintes budgétaires croissante »431. Les grands

problèmes décisionnels sont ainsi à concevoir au-delà des possibles dissolutions des équipes

gouvernementales suite à des conflits à l’intérieur des coalitions, et deviennent plutôt des

430 M.J. Smith, « The core executive and the modernisation of central government », dans P. Dunleavy, A. Gamble, R. Heffernan et G. Peele (eds), Developments in British Politics, éd. 7, Macmillan, Londre, 2003, P. 62.431 Guy Peters, The Future of Governing, 2ème éd., Lawrence: University Press of Kansas, 2000, P.8.

difficultés plus subtiles, concernant une crise de vérification des politiques de plus en plus

complexes432.

Pour longtemps, on avait considéré cette seconde dimension de l’activité

gouvernementale comme un objet d’étude relevant plutôt du domaine l’administration

publique. D’un point de vue de la science politique, les cabinets sont restés plutôt des arènes

de débat des grandes directions politiques433. La question de la coordination fut quasiment

oblitérée de l’analyse des gouvernements, suite à son caractère estimé comme technicisant.

Néanmoins, face à un processus d’autonomisation croissante des domaines d’intervention des

ministres, suite à l’instauration au niveau des équipes ministérielles « des règles tacites » de

la non-intervention dans le domaine de compétence des autres membres des exécutifs434, le

besoin d’intégrer ce second axe analytique fut de plus en plus présent.

Le tableau bidimensionnel de la prise de décision gouvernementale a été pensé selon

une pluralité de formules. A l’exemple Rudy Andeweg propose de délimiter : d’une part les

cabinets hiérarchiques ou collégiaux, et de l’autre part, les cabinets collectifs ou

départementalisés. La première dimension porterait sur le caractère des rapports qui

s’installent entre les ministres et le Premier ministre au niveau des relations qui se forgent

entre les membres du cabinet tandis que la seconde dimension viserait justement la

participation effective des élites au niveau de la prise de décision. D’une manière similaire,

Blondel et Manning se réfèrent à cette seconde dimension en termes de fiabilité versus

faillibilité. La faillibilité du comportement d’un membre de gouvernement fait référence aux

acteurs qui refusent d’implémenter (ou qui mettent en pratique très lentement ou

partiellement) les décisions gouvernementales visant leurs propres secteurs d’activité. De

surcroît, la faillibilité décrierait également le comportement d’un acteur de l’exécutif qui

formule des décisions qui ne s’inscrivent pas dans la direction de la politique générale de

l’exécutif435. La faillibilité des acteurs gouvernementaux est à identifier dans des proportions

différentes dans les cabinets hiérarchiques ou dans les cabinets collégiaux et elle dépend de

l’articulation des relations qui se forgent entre les acteurs gouvernementaux et de la tradition

politique du pays en cause. D’ailleurs, il est intéressant à remarquer que pour les deux auteurs

cités, la question de la faillibilité d’un ministre est à apercevoir d’une manière renversée par

432 H.Kassim, B.G. Peters and V. Wright, « Introduction » dans Idem, (eds), The National Co-ordination of EU Policy: the domestic level, Oxford University Press, 2000, P. 3.433 Jean Blondel, Ferdinand Muller-Rommel, Cabinets in Western Europe, 2ème éd., Palgrave, Macmillan, l997, Pp. 14-15.434 Rudy Andeweg, « Ministers as Double Agents ?», Pp 377- 395, (P.378), Kaare Strøm, « The Political Role of Norwegian Cabinet Ministers », dans Michael J. Laver and Kenneth A. Shepsle (eds.), Cabinet Ministers and Parliamentary Government, Cambridge University Press, Cambridge, 1994, Pp. 35-55 (Pp. 47-48). 435 Blondel et Manning Op.Cit., Pp. 455-476.

rapport à la manière classique décrivant les comportements décisionnels. De la sorte, les

cabinets hiérarchiques qui renvoient à l’idée de l’efficacité et de la discipline

gouvernementale seront cependant plus censés à développer un comportement non fiable des

acteurs ministériels.

2.2 Relier la prise de décision et le profil des acteurs

Les divers modèles de la prise de décision décrivent au fond les relations entre les

membres du cabinet. Le profil de ces membres, leur processus de sélection, apparaît donc

comme intrinsèquement lié à l’émergence d’une certaine formule décisionnelle. Par

conséquent, suivant l’idée de Blondel et de Manning, on peut affirmer que les principes

mêmes de la construction d’une équipe ministérielle déterminent l’activité gouvernementale

et peuvent déterminer en partie le degré de faillibilité d’un ministre par rapport aux politiques

sectorielles qu’il dirige.

Malgré une multitude très diverse des configurations des élites dans les divers pays,

dans les démocraties parlementaires, on favorise généralement la sélection gouvernementale

des acteurs qui ont poursuivi des longues carrières en politique. L’importance de la

professionnalisation en politique est sans faute un des attributs principaux qui se trouvent à la

base du processus de recrutement. En certains cas, comme on l’avait déjà précisé, l’absence

d’une expérience politique préalable des acteurs peut être atténuée par une longue expérience

dans une fonction politique. La professionnalisation des élites (ou encore la socialisation

post-recrutement436) constitue généralement un élément permettant l’homogénéisation des

comportements des acteurs lorsqu’ils occupent une fonction publique. L’intégration

croissante des élites gouvernementales437 dans les démocraties parlementaires permettrait,

comme Blondel et Manning le montrent, la création d’une prise de décision collégiale, mais

aussi, au moins en théorie, une plus grande coordination de la prise de décision : « Les

436 Selon Putnam la socialisation des élites dans des diverses fonctions instaure des codes de conduites spécifiques et qui fait apparaître aux acteurs politiques un certain ethos institutionnel R.D. Putnam, Op. Cit., P.96. Cette forme de socialisation occupationnelle est à considérer comme une base d’homogénéisation des comportements individuels V. Donald D. Searing, Op.Cit., P. 444437 L’intégration des élites se construit sur l’homogénéité sociale, les modèles de recrutement, l’interaction des élites, elle vise le consensus portant sur les valeurs, sur la solidarité de groupe et sur le lien forgé dans le contexte institutionnel. Si au niveau de la littérature classique portant sur les élites, l’intégration des élites était circonscrite par caractéristiques du milieu d’extraction (Mills, 1956), le concept, tel que Putnam décrit, est plus large, et il renvoie aux similarité des trajectoires. V. R. D. Putnam, Op.Cit, P. 107 ; Wright C. Mills, The Power Elite, Oxford University Press, New York, 1956, P. 19.

relations personnelles, la confiance relative et les opportunités pour le compromis constituent

une protection contre faillibilité personnelle des membres des cabinets »438.

A l’opposé, les gouvernements hiérarchiques sont dominés par la figure du Premier

ministre et par un principe de sélection qui favorise la cooptation des acteurs politiques des

milieux non politiques439. Même si en principe cette configuration décisionnelle permet une

certaine discipline à l’intérieur des cabinets, elle est souvent accompagnée par une prise de

décision départementalisée. L’expérience américaine est porteuse à cet égard. La sélection

des ministres sur des critères occupationnels apporte d’une part un plus de compétence au

niveau du personnel choisi à diriger un certain secteur d’activité, mais de l’autre part, comme

Seligman l’avait déjà montré440, l’accroissement de l’impact des sponsors et des sélecteurs

quant aux mesures concrètes que le gouvernement entame. Le modèle hiérarchique est ainsi

censé selon Blondel et Manning d’exhiber un plus de faillibilité quant à un comportement

indépendant des ministres qui sont plus enclins à obéir à des intérêts qui relèvent d’autres

sphères décisionnelles situées en dehors des cabinets.

Table 28 La relation entre le recrutement et la prise de décision. Présupposés théoriques

Profil des élitesStyle décisionnel

Degré de coordination

1. Cohésion des acteurs à la base de leurs trajectoires + [α1 ( ???)]

CollégialCoordination maximale dans le sens du programme du parti

2.Absence d’intégration politique des élites, cooptation

HiérarchiqueProblèmes de coordination= départementalisé(possibles influences externes)

La présentation de ces deux modèles théoriques couvre, en réalité, de nombreuses

positions intermédiaires. Le pouvoir effectif du Premier ministre et son profil peut

transformer une logique collective dans une prise de décision quasi hiérarchique441.

Cependant, ce que la dyade pensée par Blondel et Manning apporte, c’est l’idée de

l’adaptation des pratiques institutionnelles en fonction des principes de sélection.

Indifféremment de la manière dans laquelle on envisage le degré d’autonomie dont un acteur

gouvernemental dispose, censé d’ailleurs à varier d’un système politique à un autre, le profil

d’un ministre reste très important. On considère ainsi que la relation biunivoque442 entre le

438 Blondel, Manning, Op.Cit., P. 462.439 Ibidem, P.463440 Lester G. Seligman, Recruiting Political Elites, P.13.441 Blondel et Manning Op.Cit., P. 470442 Comme on l’avait déjà précisé Jean Blondel comprend le parti au gouvernement de la perspective d’interdépendance entre le recrutement des acteurs, la prise de décision et le patronage politique Jean Blondel, « Party government, patronage and party decline », Pp. 233-257

personnel gouvernemental et la prise de décision, peut être conçue sous l’angle de

l’interaction entre les acteurs politiques. La réponse à la question comment les élites

politiques influent-elle la prise de décision gouvernementale trouvera ainsi une première

réponse dans le décryptage des relations qui se forgent entre la construction de l’équipe

gouvernementale et l’activité des cabinets.

3. Acteurs politiques et prise de décision en Roumanie postcommuniste. Les lignes générales de l’analyse

3.1 Un tableau institutionnel

La forme du régime donne généralement peu d’indications quant à la vie interne des

cabinets. La faible réglementation de l’activité gouvernementale n’offre qu’un portrait

fragmenté de ce qui se passe derrière les images télévisées des séances des cabinets.

Néanmoins, les lois et les décisions portant sur les cadres généraux dans lesquels les acteurs

gouvernementaux agissent et leurs évolutions à travers le temps peuvent s’avérer porteurs

dans l’esquisse des encadrements dressés par le législateur à l’action gouvernementale. Ces

attributs généraux sont ainsi importants dans la compréhension de la logique générale dans

laquelle les politiques gouvernementales sont entamées.

Si on est à analyser la prise de décision gouvernementale en Roumanie d’un point de

vue strictement institutionnel, les stipulations constitutionnelles roumaines contiennent en soi

un nombre réduit des règles443. Le gouvernement est collectivement responsable devant le

Parlement (l’art. 108, alinéa 1, 1991). Les changements de grande ampleur, impliquant le

remplacement de plusieurs ministres, les remaniements des cabinets, doivent recevoir

l’accord du parlement. Caractéristiques d’un régime parlementaire, doublées par un renfort

institutionnel du principe de la collégialité, ces attributs n’épuisent, et surtout, n’expliquent

pas l’agencement des diverses décisions postcommunistes. Cependant ces mesures lapidaires

fournissent plutôt l’image globale des exécutifs qui, en principe, devraient être caractérisés

par l’idée de consensus et d’homogénéité de l’équipe gouvernementale.

Cependant les principes généraux institués par la constitution ont été complétés par

d’autres textes législatifs. Les réglementations qui s’ajoutèrent ont brouillé la clarté initiale de

443 La faible codification de l’activité gouvernementale est à rencontrer tant dans les pays de l’Europe Occidentale que dans les pays de l’Europe Centrale et Orientale. Même quand l’existence ces règles ne sont pas toujours connues par les ministres en place. Ainsi en dépit de la présence d’une réglementation en ce domaine, en Estonie, Slovénie et la Roumanie les anciens ministres avaient déclaré qu’ils ne connaissent pas de telles stipulations législatives. Pour plus de détails V. F. Muller Rommel, Darina Malova, Op.Cit. P.100.

la classification du comportement gouvernemental d’une perspective législative. Codifié dès

les premiers mois après la révolution444, le fonctionnement des cabinets roumains avait subi

un ensemble de modifications législatives. La loi votée en 1990 qui avait régi le

fonctionnement des cabinets dans les années qui s’ensuivirent installa une version assez

hétéroclite quant au fonctionnement gouvernemental. Le Premier ministre en place

coordonnait l’activité des ministres, les membres du gouvernement étant responsables devant

le parlement. Néanmoins, l’article 13 spécifiait également que « chaque membre du

gouvernement est responsable pour son activité ». La responsabilité individuelle du ministre

spécifiée dans la loi était d’ailleurs renforcée à l’article 4 qui précisait que « la fonction de

ministre d’Etat, de ministre ou secrétaire d’Etat membre du gouvernement cesse lorsque le

Premier ministre décide la révocation de celui-ci ». A différence des modifications ultérieures

(en 2001)445, durant cette étape initiale la loi ne prévoyait pas quelles sont les marges de

manœuvre du Premier ministre quant au limogeage des membres de son équipe. En absence

d’une loi de la responsabilité ministérielle, la révocation des ministres et leur responsabilité

ont été sujets d’interprétations d’un texte législatif plutôt lacunaire.

Les marges de manœuvre du Premier ministre par rapport à son équipe ont été

détaillées à partir de 1998 dans la loi concernant la responsabilité ministérielle446. Il devenait

ainsi clair qu’à part la responsabilité politique collective, assumée par le ministre

conjointement avec les autres membres du cabinet (l’art. 2), le ministre était également censé

d’être « responsable d’un point de vue civile, contraventionnel, disciplinaire ou pénal », en

accord aux cadres législatifs du pays. Cependant, le seul type de responsabilité d’un ministre,

décrit dans le texte législatif portait sur les possibles infractions que celui-ci avait accomplies

durant son mandant447. La procédure de sa mise sous investigation pouvait être initiée à la

444 Le décret Loi no 10 du 31-12-1989 concernant la création, l’organisation et le fonctionnement du gouvernement de la Roumanie, M. Of. no. 9/31 dec. 1989, Décret-Loi no. 104 du 30 mars 1990, M.Of., no. 47 du 1er avril 1990. C’est cependant la loi no 37 qu’on considère en tant que point de départ d’un fonctionnement gouvernemental en concordance aux principes minimaux d’un cadre démocratique. V. La loi no 37 du 7 décembre 1990 concernant l’organisation et le fonctionnement du gouvernement, M.Of. no. 137/8 dec. 1990.445 La loi no 90 du 26 mars 2001 concernant l’organisation et le fonctionnement du Gouvernement de Roumanie et des ministères, M. Of. no. 164/2 apr. 2001 446 La loi no. 115 du 28 juin 1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of. no. 300/28 juin 1999447 Aux catégories classiques d’infractions prévues dans le Code pénal, l’Ordonnance d’urgence 130 du 16.09.1999 avait rajouté l’empêchement par la menace de violence ou d’autres moyens frauduleuses de l’exercice des droits et des libertés des citoyens, ou encore la présentation d’une mauvaise foi des données inexactes au parlement, au président du pays, quant à l’activité gouvernementale qui pouvait ainsi nuire aux intérêts de l’Etat. Ces infractions étaient passibles de mener d’une condamnation de 2 à 12 ans d’emprisonnement et prescriptibles après 7 ans. En outre, le texte spécifiait également l’interdiction d’un ministre condamné à ces bases d’exercer une nouvelle dignité publique pour une période de 3 à 10 ans. Ces réglementations furent ultérieurement modifiées par la Loi 253/ 2002 qui prévoyait une sanction de 6 mois à 3 ans pour le refus de partager des informations avec les autres institutions de l’Etat et la formulation des ordres ou des décisions discriminatoires fondés sur plusieurs aspects qui d’ailleurs incluaient l’appartenance politique,

demande du Président (à la suite d’une analyse d’une commission spéciale) ou de l’une des

deux chambres du parlement (l’art.9)448. Vu le fait que la procédure une fois lancée, le

ministre pouvait être suspendu de sa fonction (l’art. 17), cette formule comprenait aussi d’une

manière cachée, une possibilité de sanction politique de l’acteur politique en cause. Dans le

texte de loi, les autres types de responsabilité disciplinaire sont réglementés par le cadre

législatif habituel, sans spécifications concrètes quant aux procédures applicables dans le cas

des exécutifs. Les stipulations de la loi 115/1998 ont été ultérieurement inclues dans la loi

réglementant le fonctionnement du gouvernement (La loi no.90 du 26 mars 2001). En ce

contexte, la révocation d’un ministre se produisait lors d’un remaniement gouvernemental

(l’art. 7, 2) et son limogeage était immédiat « dans le cas où le membre du gouvernement est

condamné pénal par un arrêt judiciaire définitif ou sa fortune été, au moins en partie établie

comme étant acquise d’une manière illicite par une décision judiciaire définitive et

irrévocable » (l’art. 8, 2). La nouvelle loi attestait ainsi d’une manière explicite la

responsabilité politique assumée uniquement d’une manière collective, mais elle restait

la fortune ou l’origine sociale (l’art.6). Malgré ces stipulations ainsi que des pratiques qui avaient favorisé certains acteurs sociaux et politiques (surtout de la perspective des ordonnasses d’urgence) aucune condamnation à la base de cet article n’avait pas été adoptée. V. L’ordonnance d’urgence no. 130 du 16 septembre 1999 pour compléter la Loi no 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of. no. 454/20 sep. 1999, La loi 253 du 29 avril 2002 concernant la modification des dispositions de la Loi 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of. no. 334/20 mai. 2002448 La loi 90 du 13 avril 2005 prévoyait ainsi qu’à différence de l’ancien texte législatif qui s’appliquait en égale mesure aux anciens ministres et à ceux qui sont en exercice de leur mandant, les anciens ministres peuvent être tirés en justice pour les infractions commises durant leur mandat suivant une procédure pénale du droit commun. Cette disposition fut cependant contournée en étant considérée contradictoire par rapport aux principes constitutionnels. V. La loi 90 du 13 avril 2005 concernant l’admission de l’Ordonnance d’urgence pour la modification de la Loi 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of. no. 322/15 apr. 2005 et la Décision no. 665 du 5 juillet 2007 concernant l’exception de constitutionnalité des dispositions de l’article 23 alinéas 2 et 3 de la Loi no 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, republiée dans M. Of. no.547 du 10.08.2007. Une autre modification de la loi fut introduite par l’OUG 95 du 2007 qui reconfigurait ainsi les dispositions d’une loi organique. L’ordonnance détaillait toute une série de réglementations quant à la procédure de la nomination par le Président de la Roumanie, à la proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature de la commission instituée pour l’analyse des saisies concernant l’activité des ministres. L’ancienne commission constituée à la base d’autres critères cessa conformément à l’ordonnance son activité. En outre la loi prévoyait qu’afin de pouvoir exercer ce droit le président devait être saisi que par le premier ministre, le procureur général de la république ou par le chef de la direction nationale anticorruption et non pas par les citoyens. En interprétant l’article 109, 2 de la constitution concernant le droit du président et du parlement de demander la mise en investigation d’un ministre comme « instituant un droit non conditionné », la Cour constitutionnelle avait considéré que par la Constitution on attribue à ces trois instances le droit de l’exercice de ces prérogatives, selon leur propre jugement et qu’« on ne peut pas imposer aux autorités [prévues à l’article en cause] l’obligation d’effectuer des enquêtes propres ou de déléguer à d’autres structures extrajudiciaires la vérifications de faits pénaux ». La nature de la décision est donc à interpréter comme étant purement politique, la décision de la Cour mettant en exergue cette caractéristique « la demande de mise en investigation des membres du gouvernement ou le refus de donner cours à une saisie en ce sens, la Chambre des Députés, le Sénat ou le Président de la Roumanie s’assument la responsabilité politique pour le bien posé de leur décision ». V. L’ordonnance d’urgence no. 95/2007 concernant la modification de la loi 115/1999, M. Of., I, no. 678 du 4 octobre 2007, la Décision no 1133 du 27 novembre 2007 concernant à l’exception d’absence de constitutionnalité des dispositions de l’art.12 - art.22 du chap.III « la Procédure de poursuite et jugement » de la loi nr.115/1999, les articles 23 et 24 de la même moi ainsi que les articles I et II de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no. 95/2007, M. Of., no.851 du 12.12.2007

toujours lacunaire quant à la définition des actes d’indiscipline du personnel ministériel et de

leur sanction.

Les deux textes législatifs qui régirent l’activité gouvernementale en Roumanie

postcommunistes prévoient d’éléments importants quant à l’instauration d’un comportement

collégial des acteurs au niveau de la prise de décision, mais en outre, ils incluent toute une

série de contraintes quant à la prise de décision gouvernementale. Au début des années 1990,

la prise de décision gouvernementale était entamée à la base d’un vote ouvert des membres

du cabinet et adopté par la majorité simple (au moins 50%+1) des ministres présents (l’art. 6,

la loi 37/1990). Les séances du cabinet se déroulaient au moins deux fois par mois à la

convocation du Premier ministre. En contrepartie, à partir de 2001 d’autres règlements ont été

introduits. La fréquence des rencontres gouvernementales s’accroît en devenant

hebdomadaires (l’art. 25, 1) et le déroulement des séances permet d’ailleurs la présence des

invités que ce soient-ils des représentants des institutions déconcertés, ou des autorités

administratifs autonomes ou encore d’autres personnes dont la présence est considérée utile

par le premier ministre. La manière de prendre les décisions gouvernementales changea aussi.

Les décisions restent en principe adoptées à la base du consensus. Néanmoins, lorsque ce

consensus n’est pas atteint, la décision appartient, en dernier ressort, au Premier ministre

(l’art. 27).

De la sorte, lorsqu’on regarde le tableau esquissé par les réglementations légales

concernant le fonctionnement du gouvernement, le tableau dressé est assez ambigu. Durant

les premières années du postcommunisme, il paraît que le chef de l’exécutif détient un

pouvoir plus grand de sanction par rapport à l’activité de ses ministres. La fréquence assez

basse des rencontres ministérielles suggère l’existence plutôt d’un principe hiérarchique.

Cette première image est cependant mise en balance par le fait que la décision

gouvernementale est le résultat d’un vote ouvert dans les séances du gouvernement. Le rôle

du Premier ministre est plutôt donc celui d’un arbitre qui ne peut pas interférer dans la

décision finale portant sur les politiques à mener.

En revanche, après 2001 on observe un changement de perspective. Le Premier

ministre est plus contraint dans les changements opérés au niveau de son équipe. Cependant,

son pouvoir décisionnel semble être très fort. En cas de désaccord sur les politiques c’est

toujours le Premier ministre celui qui a le dernier mot à dire. L’ambiguïté introduite est ainsi

maximale. Si durant les premières onze années le Premier ministre semble être muni d’une

capacité de contrôle plus importante sur l’équipe ministérielle sans disposer cependant de

l’objet de contrôle (l’influence directe sur les politiques), après 2001, une logique

d’hiérarchie s’impose mais le leader de l’exécutif se voit contraint dans son pouvoir de

sanction des membres de l’exécutif. De cette manière, la capacité de coordination est

différemment contrainte dans les deux cas de figure : initialement par l’incapacité du

Premier ministre d’imposer une politique générale du cabinet, ultérieurement par une

difficulté de sanction immédiate des ministres qui ne sont pas fiables.

3.2 Analyser les pratiques : Acteurs et processus décisionnels en Roumanie

Le tableau hétéroclite dressé par les cadres législatifs qui réglementent l’activité

gouvernementale en Roumanie suggère des variations importantes qui peuvent apparaître en

fonction du profil du Premier ministre et de son équipe gouvernementale. Cependant un style

décisionnel collégial et une capacité limitée de coordination directe de la part du Premier

ministre semblent être encouragés par les diverses réglementations. Malgré, la présence de la

codification du travail gouvernemental, l’institutionnalisation des processus décisionnels

reste limitée. Les cadres pensés à délimiter l’activité des exécutifs se concentrent notamment

sur deux aspects d’un processus décisionnel plus ample 449: la décision finale visant

l’adoption des politiques déjà formulées et le changement des ministres en tant que possibilité

de sanction des comportements faillibles des membres des exécutifs. Néanmoins, ces règles

restent en grande partie sous l’influence du contexte et des interprétations qu’on donne aux

textes législatifs. Dans cette perspective, l’étape de négociation et de promotion d’une

politique à l’intérieur du cabinet, les mécanismes qu’elle suppose, sont ancrés dans les styles

décisionnels établis à l’intérieur de chaque gouvernement et dépendent du profil de l’équipe

ministérielle en général. Au fond, la capacité de coordination à l’intérieur d’un cabinet450 est

plutôt reliée à l’étape de la formulation des politiques ou encore à l’étape de la mise en

pratique des décisions à l’intérieur des ministères. Or les deux processus s’échappent à une

réglementation préalable en dépendant de cette façon des pratiques instituées par les acteurs.

449 Au fond, le processus décisionnel gouvernemental comprend plusieurs facettes cumulatives qui procèdent d’un engagement politique portant sur un programme lors des élections, la délimitation d’un problème, la formulation proprement dite des propositions politiques qui doivent passer par un processus d’amendement et négociation politique entre les acteurs politiques afin qu’elles puissent être adoptées et financées. C’est seulement après ce long processus de formulation des politiques que les décisions gouvernementales sont adoptées et qu’on arrive à l’implémentation des ces mesures.450 Jean Blondel, Nick Manning, Op.Cit., P.458. Dans notre perspective la capacité de coordination serait le terme générique qui s’approche de la dyade faillibilité vs fiabilité. On utilise ce terme dans un sens purement politique ne faisant pas référence aux capacités administratives ou d’implémentation qu’on rattache d’habitude à ce concept. En contrepartie, dans notre cas le concept fera référence aux relations de confiance qui se forgent sur une dimension verticale entre les plusieurs niveaux politiques gouvernementales

Dans notre étude on procédera cependant seulement à l’analyse de la formulation des

politiques, sans regarder la mise en pratique de ces décisions. Même si la manière dans

laquelle les politiques sont appliquées, la vitesse d’implémentation sont des éléments

essentiels qui préfigurent clairement l’existence de la discrétion ministérielle, on considère

que dans cette étape de l’activité gouvernementale interviennent des facteurs qui dépassent le

simple choix des acteurs politiques impliquant des caractéristiques qui relèvent de la capacité

administrative. Les retards, la non application des normes sont ainsi des signes probables des

stratégies des acteurs qui se proposent d’autonomiser leur propre volonté (ou d’imposer

l’agenda de leurs sélecteurs informels), mais ils peuvent être d’une manière objective des

résultats d’un fonctionnement spécifique des autorités subordonnées aux exécutifs.

En prenant en compte l’étape de formulation des politiques, considérée comme

procédant des stratégies décisionnelles acteurs politiques qui forment les cabinets, dans ce qui

suit, on essayera de mettre en exergue la relation qui s’installe entre les acteurs

gouvernementaux et la prise de décision. La relation entre les acteurs gouvernementaux et

l’activité gouvernementale prendra en compte la double dimension existante au niveau de la

formulation des politiques : une dimension sur l’horizontale qui est expliquée par les relations

qui se forgent entre les acteurs du même niveau gouvernemental et une dimension sur la

verticale visant la capacité de coordination et donc le contrôle sur les politiques. Si la

première dimension porte sur les relations entre les acteurs ministériels dans la formulation

des diverses politiques, le second axe permet d’estimer les marges de liberté et d’influence

des ministres ou des secrétaires d’Etat par rapport aux décisions entamées.

3.3 Comment étudier l’activité gouvernementale : les limites méthodologiques

Au-delà des variables qui décrivent quantitativement l’accès de certains acteurs à une

fonction publique ou les diverses variations au niveau des politiques, afin de pouvoir

expliciter l’impact des élites sur la prise de décision on devait comprendre les mécanismes

effectifs de la construction des équipes gouvernementales et les interdépendances instaurées

entre les membres du cabinet. Or les cabinets en général ressemblent plutôt à des boites

noires, les procédures de négociation des politiques se déroulant généralement loin des

regards du publique.

Afin « d’approximer » le fonctionnement des cabinets on mobilisera dans ce qui suit,

toute une série de sources qualitatives. De la sorte, des entretiens semi directifs menées avec

les acteurs gouvernementaux des divers cabinets, les autobiographies, mais aussi les

interviews et les déclarations de ceux-ci seront mobilisés afin d’estimer le fonctionnement

interne des cabinets. On prendra ainsi en compte seulement les sources qui comportent une

manière directe la présentation des acteurs et les exposés des processus décisionnels tels qui

sont décrits par les anciens membres des cabinets. Faute d’autres sources qui décrivent les

relations qui se forgent entre les acteurs politiques dans la négociation des directions

décisionnelles des exécutifs, les entretiens et les documents officiels451 apparaissent comme

les meilleurs fournisseurs d’informations pour la compréhension de l’agencement entre le

profil des acteurs et l’activité gouvernementale.

Néanmoins, la méthode n’est pas sans faille et elle comporte plusieurs limites. Les

déclarations des gouvernants constituent une porte d’accès vers l’activité de s’exécutif qui se

déroule derrière les huis clos, mais les distorsions de leurs discours sont difficilement

évitables. La perception des membres des cabinets est subjective et soumise souvent à un

effet sélectif de la mémoire et à la personnalité des acteurs452. Au-delà d’un phénomène

d’autocensure inévitable, les omissions de mémoire peuvent être l’effet également de l’oubli

intervenu, surtout lorsqu’on prend en considération les premières années du postcommunisme

roumain. Ce premier inconvénient est aussi doublé par un second type de distorsion encore

plus subtile. La mémoire en tant que telle n’est pas figée. Les « jeux de mémoire », les

« conflits de mémoire » ou encore les « excédés de la mémoire »453 influent directement sur la

présentation des faits. Le discours sur les événements du passé est automatiquement influé

par les développements ultérieurs de la scène politique. Les représentations des acteurs

politiques changent. C’est d’ailleurs pour cette raison que lorsqu’on prend en compte les

déclarations de presse ou les biographies parues durant les premières années après

l’écroulement du régime communiste, toute une autre logique du langage et de la

compréhension de la politique nous est dévoilée. Cela constitue un des motifs principaux

pour lesquels on avait préféré un mixage des déclarations directes des acteurs de la période

quand ils détenaient une fonction et leurs représentations d’aujourd’hui.

4. Les trajectoires gouvernementales et la prise de décision en Roumanie postcommuniste

451 Pour la liste complète des entretiens menées et des documents gouvernementaux mobilisés voir la présentation des sources.452 Jean Blondel, Muller Rommel, Malova, Op.Cit., Pp. 222-225.453 Jocelyn Létourneau, Bogumil Jewsiewicki, « Politique de la mémoire », Politique et Sociétés, Vol. 22, no. 2, 2003, Pp. 3-15.

Les élites gouvernementales roumaines gravitent au niveau de leur profil entre une

formule parlementaire (au niveau des ministres) et un modèle qui ressort plutôt de la tradition

américaine (pour les secrétaires d’Etat). D’ailleurs, cette image hétéroclite des élites qui

retrouve des ressemblances avec le système américain est loin d’être une caractéristique

postcommuniste454. Les évolutions particulières dans le portrait des élites d’un pays ne sont

cependant pas étonnantes, étant donné que « la diversité des configurations des élites dépend

de la structure sociale et des caractéristiques des systèmes politiques»455. Cette diversité est

cependant censée d’engendrer des différences au niveau des procédures décisionnelles et

d’une certaine manière plutôt « non explicitée » d’influer dans des divers degrés sur les

politiques gouvernementales.

Afin de pouvoir étudier les relations qui s’établissent entre le recrutement des acteurs

et les processus décisionnels dirigés par les ministres et des secrétaires d’Etat, on avait repris

la division chronologique qui s'appuie sur une délimitation et une caractérisation de cinq

étapes, dans une perspective portant sur la formation des majorités parlementaires et des

formules gouvernementales. Conformément à Cristian Preda la démarche concernant les

formules gagnantes qui formèrent les cabinets mène à une division de la période qui se forge

sur les différents traits spécifiques. Selon l’auteur, à la base des particularités décrites par les

pratiques gouvernementales, nous pouvons cerner quatre étapes. De la sorte, entre 1990-1992

nous pouvons parler «d'une gauche révolutionnaire et national identitaire », entre 1992-1996,

il s'agit d'un «conservatisme de gauche avec une prégnance nationaliste», la période 1996-

2000 est marquée par «un libéralisme de centre droite, ambigu et varié, ouvert à une

occidentalisation radicale», tandis que la période 2000-2004 serait le mieux décrite par une

«social-démocratie en quête d'une définition, réformiste en économie, tolérante en culture et

protectrice dans le domaine social»456. A ces lignes temporelles s’ajoutera une esquisse visant

le dernier cabinet encore en place qu’on pourrait décrire par le centrisme à l’obsession

européaniste.

4.1 1989-1992 : Les débuts incertains du postcommunisme roumain

454 Pour l’entre deux guerres roumain Mattei Dogan avait déjà remarqué le principe d’hémogénie fondé bien évidemment sur d’autres évolutions entre le comportement adopté par les partis roumains qui adoptèrent plutôt le comportement « d’un spoil system » et le système américain. V. Mattei Dogan, « Les origines sociales », Pp. 207-208.455 Lester G. Seligman, Recruiting Political Elites, P.13. 456 Cristian Preda, « Système politique et familles partisanes en Roumanie post-communiste », Pp.555-579 (P.567).

4.1.1 Le contexte général

Le premier cabinet issu après 1989 peut être difficilement imaginé comme obéissant

aux principes qui régissent le fonctionnement des régimes démocratiques occidentaux. La

création du Conseil du Front du Salut National sous la direction des leaders du passé

communiste457, en tant qu’organisme qui était pensé « comme une structure qui devait

s’emparer de toutes les responsabilités d’un organe provisoire de l’Etat »458 a engendré la

consécration d’un principe de confusion des pouvoirs étatiques459. Le CSFN s’est ainsi

présente comme le seul organisme capable d’établir quel est l’intérêt général du peuple, une

autorité ultime de la prise de décision politique.460. Malgré les modifications ultérieures, le

gouvernement provisoire reste durant les premiers mois après la révolution, le sujet de la

volonté décisionnelle des leaders du CFSN et ensuite du CPUN.

Créé sur un principe de subordination, le premier cabinet postrévolutionnaire voit son

rôle réduit à celui d’un simple appareil administratif qui reproduit d’ailleurs l’échafaudage

institutionnel du dernier cabinet communiste.461 La continuité des structures qui le caractérise

est accompagnée en même temps par une continuité du personnel. En mobilisant un principe

457 Si nous regardons la composition du Conseil du Font du Salut National, telle qu’elle est annoncée dans « Comunicatul către ţară »[Communiqué vers le pays du Conseil du Front du Salut National], du 22 décembre, M. Of., I-ère Partie, I-ère année, le 22 décembre 1989, nous pouvons identifier : (i) des noms appartenant à l’ancienne nomenklatura tels que : Alexandru Bârlădeanu, Corneliu Mănescu, Domokos Geza, Ion Iliescu, Dumitru Mazilu, Silviu Brucan; (ii) des personnes qui se sont remarquées par la prise de position contre le régime communiste : Ana Blandiana, Mircea Dinescu. Une catégorie spéciale (iii) est constituée par les militaires : le général Ştefan Guşă, le général Victor Athanasie Stănculescu, le général Voinea, le capitaine Mihail Lupoi, le capitaine Emil Dumitrescu etc. En ce qui concerne la structure du Bureau Exécutif du CFSN, approuvée dans la séance du 27 décembre 1989, elle comprend 11 membres distribués ainsi : (i) six des anciens membres de la nomenklatura centrale (Ion Iliescu (président), Dumitru Mazilu (Prime vice-présiedent), Kiraly Karoly (Vice-président), Marţian Dan (Secrétaire) et les membres Silviu Brucan et Nicolae Radu), (ii) trois membres qui n’ont pas fait partie des structures de pouvoir communiste (Cazimir Ionescu, Gheorghe Manole, Ion Caramitru) et deux membres que n’apparaissent pas listés (Bogdan Teodoriu et Vasile Neacşa) (nous utilisons Le Dictionnaire des Personnalités publiques).458 Ion Iliescu în dialog cu Vladimir Tismăneanu, Marele şoc Din finalul unui secol scurt[Le grand choque. Du final d’un court siècle], ed Enciclopedică, Bucarest, 2004, P. 186.459 Dans le Décret loi concernant la formation, l’organisation et le fonctionnement du Conseil du Front du Salut National et des conseils territoriaux du Front du Salut National, paru dans M. Of. du 27 décembre 1989, on stipule parmi les attributions du CFSN le droit de formuler des décrets ayant un pouvoir de loi (a), de nommer ou de révoquer le Premier ministre (b), de nommer le procureur général de la république et de la Cour Suprême de Justice (c), d’accorder la grâce (i), de diriger le Conseil Militaire Supérieur qui coordonnait toute l’activité de l’armée et des unités qui avaient appartenu au Ministère de l’Intérieur.460 Cette opinion est aussi soutenue par cadre législatif adopté, car conformément au Décret loi n°10 le CFSN disposait du pouvoir d’annuler les décisions du Gouvernement quand il considérait « qu’elles s’opposent aux lois et aux décrets en vigueur ou, aux intérêts du peuple » (l’art.6) V. Le Décret-loi n°10 concernant la formation, l’organisation et le fonctionnement du Gouvernement, du 31 décembre 1989, publié dans M. Of., n°009 461 On précisait clairement ainsi que « tous les ministères et les organes centraux, dans leur structure actuelle, vont continuer leur activité normale, en se subordonnant au Front du Salut National, pour assurer le déroulement normal des la vie économique et sociale ». V, Le Communiqué vers le pays...

argumentatif qui relève d’un vécu communiste commun pour tous les citoyens462 et de

l’absence d’un personnel ayant une compétence technique tout à fait nécessaire à la prise de

décision463, les acteurs politiques du passé légitimèrent ainsi leur nouvelle présence dans les

postes de pouvoir dans tous les institutions politiques.

En ce contexte, les premières élections libres n’apportèrent pas un moment de rupture

important par rapport à la période antérieure. Certes, il existe une reconfiguration

institutionnelle importante, mais la victoire du Front du Salut National464, fait que la période

qui s’ensuit obéisse en général aux mêmes principes institués durant le cabinet provisoire. La

reconfiguration structurelle qui commence à avoir lieu n’engendra pas de changements

majeurs dans le profil des acteurs politiques déjà consacrés comme centres décisionnels du

postcommunisme roumain. Sur une toile de fond d’agressions des mineurs venus à Bucarest

et d’un abîme de l’image externe de la Roumanie, Petre Roman avait présenté le 29 juin 1990

sa nouvelle équipe ministérielle. Durant son mandat l’immobilisme institué sur la scène

politique a été cependant défié par le conflit qui s’instaura entre le Premier ministre et le

président élu465. Impliquant autant le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif, et traduisant

462 De la sorte, 17 février 1990 dans le discours lors de la nomination d’Athanasie Victor Stanculescu, en tant que Ministre de Défense, Ion Iliescu, précisait « je quitterais volontiers toute fonction de direction s’il existerait quelqu’un d’autre capable d’assumer personnellement cette révolution » et le 8 avril 1990, dans le cadre d’une conférence de presse il déclara : « Les anciens membres de parti de notre pays ont été quatre millions. Les membres de leurs familles doublent au moins leur nombre. Trois autres millions ont été des membres de la jeunesse communiste. Pour exclure de la vie politique du pays une section si grande- pratiquement la majorité de la population- c’est absurde. Donc s’il y a des choses rationnelles dont on peut discuter, il y a aussi des choses qui n’ont rien à avoir avec la réalité. Nous n’avons pas à discuter d’elles » V. ¨¨Rompres, Le dictionnaire des personnalités publiques 1992-1994, Domniţa Ştefănescu, Cinci ani din istoria României..[Cinq ans de l’histoire de la Roumanie], 1998, P.60463 Ce principe de la continuité décisionnel est d’ailleurs soutenu à tout prix. Ion Iliescu va reconnaître que : « Bien sûr qu’on était conscients du fait qu’en ce qui concerne quelques uns d’entre eux on pouvait leur apporter des accuses et qu’ils seraient inévitablement appelés en justice. Néanmoins, à l’époque nous avons eu besoin d’une minime continuité et cohérence des institutions et de l’administration. » (Ion Iliescu, Vladimir Tismăneanu, Marele şoc…, P. 197.) La logique de continuité fut encore plus soulignée dans la prise de position de Dumitru Mazilu au cadre de la séance CFSN à la base « des causes plutôt humanitaires » : « Nous avons besoin que tout l’appareil soit maintenu et que les gens ne soient pas jetés dans la rue » (Revoluţie şi Reformă Stenograma primei şedinţe plenare a CFSN [Révolution et Réforme - La Sténogramme de la Première Séance plénière du CFSN], ed. Enciplopedică, Bucuresti, 1994, P.80.).464 Malgré les déclarations initiales d’Ion Iliescu portant sur le fait que le CFSN se constitue en tant qu’organe étatique ayant le seul but d’assurer le cadre de la prise de décision avant les élections, le 23 janvier 1990 on décide avec 128 des voix pour, 8 voix contre et 5 abstentions, la participation du Front aux élections et l’ajournement des élections prévues en avril pour le 20 mai 1990. En cette occurrence, le 6 février 1990 le Tribunal de Bucarest va enregistrer (décision 20) la création du 27-ème parti politique le Front du Salut National sous la direction d’Ion Iliescu. (Domniţa Ştefănescu, Cinci ani din istoria…, Pp. 47-48, 51.) De la sorte, le 20 mai 1990, le FSN remportait les élections avec des pourcentages qui lui permettaient une majorité confortable pour la prise de décision (66.31% dans la Chambre des Députés et 67.2 % dans le Sénat)465 La période d’après les premières élections libres portera le signe d’une cohabitation, « le terme de cohabitation à deux tendances et de deux volontés contradictoires : une qui soit installée par la Présidence et l’autre instaurée par le Gouvernement ». Au moins au niveau de la mémoire, du deuxième gouvernement Roman il resta l’idée de la non coopération entre les pouvoirs étatiques surtout dans le cas: le Président, le Gouvernement et le Parlement. V. Petre Roman, Libertatea ca datorie [La liberté comme responsabilité], éd Paideia, Bucarest, 2000, P. 109.

de facto une lutte pour la suprématie à l’intérieur du FSN, les rivalités établies ont engendré

une situation conflictuelle sans solution466. L’alternative imaginée par Petre Roman

d’équilibrer cette situation par la formation d’un cabinet d’union nationale, après moins d’une

année de l’investiture, ne porta pas sa pierre, généralement les partis historiques qui ont opté

plutôt de rester en dehors des sphères du pouvoir exécutif467.

La descente des mineurs à Bucarest, le 25 septembre 1991, qui ont siégé le

gouvernement, aboutit le 3 octobre à la démission du cabinet Petre Roman. Le président Ion

Iliescu accepta la « démission du gouvernement », démission qui est cependant considérée

par Petre Roman comme un limogeage468 voir même comme un coup d’Etat. Loin de mener à

une stabilisation, la fin du cabinet Roman déclencha une lutte ouverte et acharnée pour le

pouvoir au sein du Front du Salut National. Le conflit pour l’autorité au niveau du parti

augmenta, car l’enjeu principal visait justement la désignation du futur candidat aux élections

présidentielles et la consécration de la faction gagnante à l’intérieur du parti. Les luttes

intestines pour le pouvoir entre le groupe qui soutenait l’ancien Premier ministre, Petre

Roman, et le groupement des fidèles d’Ion Iliescu marquent ainsi le premier plan de la scène

politique et ils conduiront à la scission du FSN suite aux travaux de la Convention Nationale

du FSN du 27-29 mars 1992.

C’est en ce contexte général que le dernier cabinet de la période avait déroulé son

activité. La direction du troisième cabinet postcommuniste, a été attribuée à Theodor

Stolojan, un technocrate qui disposait d’un mandat précis visant la « restauration de la

confiance » des citoyens469 et la continuité décisionnelle avant les élections. L’idée visant la

formation d’un cabinet d’union nationale qui aurait eu comme but d’assurer la continuité

décisionnelle jusqu’aux élections échoua. Seul le PNL a accepté de participer à la formation

de l’équipe gouvernementale à laquelle vont se rajouter également les représentants du 466 Le conflit interne du FSN fut ainsi traduit en janvier février 1991 au sein du Parlement. D’une part, le groupement initié par Alexandru Bârlădeanu accusa le cabinet de dilettantisme dans l’application de la réforme et de l’autre côté Petre Roman qui accuse l’autre camp du « centralisme excessif », « des mentalités anachroniques », des « manœuvres des forces conservatrices ». Le conflit ne trouva pas une solution définitive ni après les élections internes déroulées à l’occasion de l’organisation de la Convention Nationale du Front quand Petre Roman est élu président du FSN. V. Domniţa Ştefănescu. Cinci ani din istoria României…, Pp.124, 128467 Petre Roman tenta une ouverture du cabinet en essayant d’accepter dans sa composition des membres des partis historiques. De la sorte, Ion Iliescu précisa que Petre Roman « est venu me proposer une solution politique : de se retirer du gouvernement et de lancer une nouvelle formule qui permettait la cooptation au sein du cabinet des représentants des autres partis politiques. » Cependant la tentative ne mobilisa qu’une partie du spectre politique notamment les membres du Parti National Libéral l’aille jeune qui était disponible de collaborer avec le cabinet en place. V. Ion Iliescu, Vladimir Tismăneanu, Marele şoc Din finalul unui secol scurt, P. 250468 Petre Roman, Libertatea ca datorie, Pp.134-135.469 Mihnea Berindei, Arielle Thedrel, « Turning the page. Interview with Theodor Stolojan », Politique Internationale – Romania at the threshold of the European Union, n° 105 –automne 2004, P.54.

Mouvement Ecologiste Roumain (MER) et du Parti Démocrate Agraire de Roumanie

(PDAR).

4.1.2 Le Programme politique : « La gauche révolutionnaire et national identitaire »

Les premières années après la chute du régime Ceausescu (1989-1991) sont marquées

par une politique de l’ambivalence. Loin de s’inscrire dans une logique de normalité cette

période se constitue dans une époque de redéfinition institutionnelle et de continuité dans des

portefeuilles d‘anciens membres des exécutifs communistes. A travers la période, le baptême

des ministères, leurs restructurations, les changements du personnel retrouvent plutôt un

caractère superficiel. L’équivoque naissant au niveau des gouvernants régissant la prise de

décision d’après le moment révolutionnaire est tout à fait remarquable. Le début

postrévolutionnaire s’instaure comme un moment où les premières mesures d’un changement

non achevé et partiel prennent place. Au niveau des premiers décrets adoptés par les

nouvelles institutions mises en place on assiste à la création de la propriété privée (l’octroi du

droit d’achat des logements par les citoyens et la dissolution d’anciennes coopératives

agricoles) ainsi qu’à l’adoption des décisions populaires comme celle de d’enlever

l’interdiction de l’importation des produits alimentaires470.

A travers toute la période, les mesures gouvernementales comportent une double

tension : une tension entre le passé et le présent, entre la manière d’envisager le

fonctionnement gouvernemental avant 1989 et le besoin de réforme, et une tension entre les

manières d’envisager ce changement. La Commission pour la réforme économique471,

organisée en mai 1990 portant sur la transformation économique indiqua au niveau des

solutions fournies justement cette manière hétéroclite de se rapporter aux reconfigurations

des politiques qui impliquent à la fois la protection des citoyens et de l’autre le changement

des principes de fonctionnement économique. La libéralisation des prix eut lieu d’une

manière échelonnée, la restructuration du système financier bancaire fut partielle et la

privatisation constitua plutôt un objectif lointain qu’une politique non-systématique. En

revanche des mesures visant la protection sociale furent adoptées : les subventions à la

consommation sont introduites, sont alloué des subventions pour la production surtout dans le

470 Pour une discussion en profondeur des premières mesures mises en place après la révolution V. Alexandra Ionescu, « La dernière révolution… », Pp. 76-112.471 Tudorel Postolache a été membre de l’Académie Roumaine 1974-1990 et professeur à l’Académie des sciences politiques et sociales « Ştefan Gheorghiu », l’ancienne école des cadres du Parti Communiste Roumain

cas des grandes entreprises non rentables. Cette situation est d’ailleurs illustrative lorsqu’on

fait référence au fait que les plus grandes variations au niveau des allocations budgétaires

pour le secteur économique sont à identifier durant cette période, tandis que les questions

socioculturelles restent toujours un domaine préférentiel de financement pour les exécutifs.

Le secteur des finances publiques est ciblé par les décisions gouvernementales surtout à partir

de l’année 1991, mais l’économie en tant que domaine de réforme reste en grande mesure peu

réglementée par l’Etat tandis que l’industrie souffre d’un décroissement visible d’intérêt. Les

reconfigurations des politiques sont ainsi à la fois d’une grande ampleur et superficiels. A

l’exception de l’armée, de la police ou d’autres institutions visant l’ordre interne et la

sécurité472, tous les autres secteurs sont sujets des mutations institutionnelles et des politiques,

mais qui portent en fait la marque du profil des décideurs consacrés dans les portefeuilles

publics.

Néanmoins, au-delà ces caractéristiques générales de la période, les trois cabinets qui

furent formés obéissent à des logiques différentes de formation qui déterminent à leur tour

des fonctionnements divers et des articulations variées des processus décisionnels.

4.1.3 La construction du cabinet : une sélection qui met en exergue le passé

Les Premiers ministres. Le 26 décembre 1989, le premier décret du CFSN, porte sur la

nomination de Petre Roman pour la fonction de Premier ministre. En l’absence des partis

politiques la décision de désigner Petre Roman pour la fonction de Premier ministre fut prise

« dans un cercle plus restait »473, dans une séance organisée dans ce but. Vu la continuité des

anciennes élites communistes qui semblait se préfigurer dans les premiers moments de la

révolution, la nomination du Premier ministre peut apparaître comme une grande surprise.

Roman présenta l’image d’une personne qui n’avait aucune relation au passé communiste : il

était un jeune chercheur dans les domaines techniques et il avait participé aux manifestations

se déroulant dans les rues de Bucarest lors de la révolution.

Rien dans la trajectoire personnelle de Roman ne suggéra que sa nomination ne fut

que le résultat que du simple hasard474. Néanmoins, Petre Roman n’était pas une personne de

472 Alexandra Ionescu, « La dernière révolution… », P. 106473 Ion Iliescu, La Sténogramme de la Première Séance plénière du CFSN, P.73.474 L’ancien Premier ministre invoque lui-même l’existence de telles réactions au niveau des acteurs politiques du moment, soulignait cet aspect : « Beaucoup de mes contestataires postrévolutionnaires disaient : « Pourquoi il faudrait que Roman devienne Premier ministre et non pas moi-même… un homme que ses propres voisins ne connaissent pas » et il rajoute : « une des caractéristiques de mon apparition dans la politique fut que je ne faisais partie d’aucune des structures de l’ancien système » V. Petre Roman, Elena Ştefoi, Mărturii provocate[Témoignages provoqués], ed Paideia, Bucarest, 2002, Pp. 49-51.

la rue. Le chef proclamé du CFSN, Ion Iliescu, et le futur président du pays, rappelle de sa

propre connexion à Petre Roman qui fut forgée par des relations familiales et sur des liens

professionnels.475 De la sorte, malgré les conflits ultérieurs qui ont tiraillé le pouvoir exécutif

de la période, l’origine de la promotion de Roman à la direction du cabinet dépendit de sa

relation directe avec ce personnage clé. Ce principe de socialisation occupationnelle et

familiale permettant l’accès dans des fonctions exécutives des personnes provenant de

l’extérieur du cercle des anciens nomenklaturistes a rendu possible sa nomination à la tête des

deux premiers cabinets roumains.

Les mêmes principes de socialisation occupationnelle et de cooptation auxquels

s’ajoute une certaine expérience décisionnelle est identifiable aussi dans le cas du second

Premier ministre de la période Theodor Stolojan. Disposant d’une longue expertise dans les

structures gouvernementales476, Stolojan commença son ascension dans les fonctions

politiques après 1989, en devant conseiller ministériel477. Après les élections de 1990, il a été

promu dans le portefeuille de Ministre de Finances et même s’il présenta sa démission en

avril 1991 suite à son désaccord par rapport aux politiques menées par Petre Roman, on lui

avait demandé de devenir le chef de l’Agence pour la Privatisation. La sélection du second

Premier ministre présentait ainsi les caractéristiques d’un cheminement d’une longue carrière

dans les structures gouvernementales, sans que celle-ci soit doublée des ambitions politiques

partisanes. Malgré la similitude des mécanismes menant à la promotion en politique, le profil

présenté par Petre Roman apparaît renversé lors de la nomination de Theodor Stolojan. Ce

dernier se présenta d’ailleurs devant le public en affirmant : « Je ne suis membre d’aucun

475 Iliescu se rappelait ainsi : « Je connaissais son père, ensuite, en étant maître de conférence à la Faculté Polytechnique, dans la même profession que moi-même, l’énergie hydraulique, nous avons collaboré au Conseil National des Eaux. Il était également impliqué en certains thèmes de recherche et ensuite il fut un des auteurs publiés à la Maison d’Editions Techniques [qu’Ion Iliescu dirigeait]. Il était le seul que j’ai connaissais mieux. » V. Iliescu, Tismaneanu, Op.Cit, P.189.476 Stolojan disposait d’une expertise gouvernementale de longue durée. Il commença à travailler en tant qu’expert au Ministère de l’Agriculture en 1966 et après, en 1972 il se tourna vers le Ministère des Finances où il suivit une accession constante dans l’hiérarchie du ministère. Comme il le déclare : « Je fus embauché en tant qu’économiste, je suis devenu économiste chef et ensuite chef de service à la direction du budget de l’Etat, après cela je fus promu directeur adjoint et directeur à la Direction des Devises et des Relations Financières Externes où j’ai travaillé pour quatre années. J’ai suivi tous les échelons […]. J’ai travaillé pour une période à la direction des revenus de l’Etat et je fus le conseiller du Ministre des Finances. » Cette trajectoire gouvernementale fut ultérieurement poursuivie durant la période postcommuniste. V. Rodica Nicolae, Teodor Stolojan, « Theodor Stolojan - Echilibrul ca profesiune de credinta » [Theodor Stolojan. L’équilibre comme proféssion de foi], Cariere, 20.11.2003. V. http://www.cariereonline.ro/index.php?m=article&article_id=161 (Entretien avec Theodor Stolojan visant sa carrière) 477 Sa recommandation pour la fonction venait de la part du Ministre de Finances de l’époque Ion Patan. Durant la période communiste Ion Patan a été le Ministre du Commerce Extérieur (22.02.1972) et le Ministre du Commerce extérieur et de la Coopération Internationale (12.04.1974), et le Ministre de l’Approvisionnement des Matériels techniques et de la direction des Fonds fixes (7.03.1978), Ministre de l’Industrie (30.01.1986-5.05.1986). En juin 1986 il fut nommé le président du Comité National pour les Prix.

parti politique et je n’ai pas l’intention d’en devenir ou d’utiliser cette activité afin

d’accumuler du capital politique. »478

Les équipes ministérielles. La nomination des deux Premiers ministres roumains est

paradigmatique pour la manière dans laquelle les nominations dans les fonctions publiques

eurent lieu durant ces cabinets. Les mécanismes personnalisés de socialisation

professionnelle remplacèrent une expérience politique acquise au niveau du parti, tandis que

les ressources du passé constituèrent des accréditations quant à la fiabilité des acteurs

nommés.

Nonobstant, il faudrait cependant remarquer une certaine évolution dans les principes

de construction des équipes gouvernementales. Durant le cabinet provisoire, les propositions

portant sur les nominations ont été établies à partir d’un brainstorming479 qui avait à la base le

principe « de la confiance garantie par un tiers », confiance que cependant on peut relier vu

les hauts taux d’anciens nomenklaturistes à un passé communiste commun et à une certaine

expérience exécutive480. Or, ces principes transgressent les bornes temporelles des premières

élections libres d’une manière ajustée. En décrivant la composition de son second équipe

ministérielle Petre Roman, nous a déclaré : « j’ai eu la chance absolue, unique et définitive,

parce qu’une telle situation ne va plus exister, de construire une équipe sans avoir

pratiquement aucune restriction… De la sorte, j’ai constitué une équipe seulement sur des

critères de valeur et de compétence et mes critères étaient un professionnalisme déjà prouvé,

l’intelligence. » La nouvelle équipe ministérielle se trouvait dans une certaine discontinuité

face au cabinet provisoire481. Néanmoins l’argument de la volonté de renouvellement de la

478 Domnita Ştefănescu, Cinci ani din istoria.., P. 170.479 En lisant la Sténogramme de la première séance du CFSN, du 27 décembre 1989, nous pouvons identifier les nominations ministérielles suivantes : Andrei Pleşu pour le Ministère de la Culture (proposé par Ana Blandiana ayant aussi le support d’Ion Iliescu), Mihail Şora (proposé par Andrei Pleşu) pour le Ministère de l’Enseignement, Sergiu Celac pour le Ministère des Affaires Etrangères. Petre Roman va préciser également les noms de deux personnes qui sont approuvées pour la fonction de vice-premiers ministres : Mihail Drăgănescu et Gelu Voican Voiculescu ainsi que le nom de Mihai Pop, pour le Ministère de l’Energie.480 Pour toute une série de ministères, le critère de sélection qui a fonctionné a été celui du besoin d’assurer la continuité décisionnelle. Dans ses dialogues avec Vladimir Tismăneanu, Ion Iliescu identifie deux domaines qui connurent la continuité en tant qu’impératif : la défense et les télécommunications; les deux ministres choisis pour accomplir ces tâches ont été le général Nicolae Militaru et Stelian Pintilie. En fait, le président du CFSN reconnaît qu’il existe plusieurs domaines qui ont obéit à cette logique de la continuité tel que le commerce, l’approvisionnement, les transports. 481 Des ministres de l’ancien cabinet en restaient encore quatre auxquels s’ajoute le ministre de la Défense, Athanasie Victor Stănculescu, qui a été « accepté » par le premier ministre .V. Petre Roman, Libertatea ca datorie…, Pp.126-127.

population ministérielle comme objectif est une question controversée482 tout comme l’idée

du contrôle exercé par le Premier ministre sur les nominations des membres du cabinet483.

Cependant lorsqu’on regarde en détail le processus de recrutement des ministres, tout

un éventail des mécanismes similaires aux principes institutionnalisés dès les premiers

moments d’après la révolution est à identifier. Un mélange inextricable entre les ressources

du passé, les connaissances professionnelles ou les liens d’amitié caractérisa la construction

des nouvelles équipes décisionnelles. La confiance forgée sur un principe de socialisation

préalable devient une pierre angulaire dans la promotion politique après 1989. Bien au-delà

des ressources accumulées, la relation existante entre les personnages n’est pas soumise à la

systématisation rigoureuse supposée par une approche positionnelle d’analyse visant la

reproduction des anciennes élites. Ce qui compte dans les nominations ultérieures est

l’intégration dans un réseau et l’existence d’une relation personnelle avec un des leaders

politiques qui arrivent au pouvoir juste après la chute du régime. Un cas symptomatique pour

les procédures de nomination ministérielles est constitué par l’exemple d’Anton Vatasescu

qui se retrouve, après 1990, dans les premiers deux cabinets postcommunistes. Nommé en

son absence484, à l’indication d’un collègue de l’Ecole Polytechnique, Vatasescu arrive dans

482 Il n’est pas clair que l’option initiale pour l’équipe gouvernementale est restée inchangée suite aux événements du 13-15 juin 1990. Si on prend en compte le témoignage d’Adrian Năstase, on devrait croire que le premier choix pour la fonction de Ministre des Affaires Etrangères a été Romulus Neagu, secrétaire d’Etat (ministre adjoint dans le cabinet provisoire) et qui avant 1989 avait été ministre conseiller dans le Ministère des Affaires Etrangères 1971-1973. En parlant de sa propre nomination, Adrian Năstase déclare que « la descente des mineurs a imposé une formule de gouvernement qui donne l’image d’un exécutif jeune et qui essaie à contrebalancer l’image d’un cabinet « néo-communiste ». De cette façon, Romulus Neagu est devenu le numéro 2 dans le ministère et moi je suis devenu ministre. Si cette conjoncture du 13-15 juin, n’avait pas été probablement que le cabinet du 29 juin aurait eu une toute autre composition. » (Les données sur la biographie de Romulus Neagu sont extraites de Protagonisti ai vietii publice, vol 2, Pp. 271-272) V. Adrian Năstase, Alin Teodorescu, De la Karl Marx la Coca-Cola. Dialog deschis cu Alin Teodorescu [De Karl Marx à Coca Cola. Un dialogue ouvert avec Alin Teodorescu], ed. Nemira, Bucarest, 2004, P. 39.483 Petre Roman précisa que sur 20 ministres nommés, il ne connaissait avant la révolution, qu’un d’entre eux - qui est devenu le ministre de la Santé - Bogdan Marinescu. Cela suggère pourtant qu’à part la dose d’autonomie que le Premier ministre avait, il est très probable qu’il a construit son équipe en tenant compte aussi des propositions venant de Cotroceni - au moins dans le cas d’Adrian Năstase qui identifie à l’origine de sa nomination la proposition de Dan Iosif faite auprès Ion Iliescu (V. Adrian Năstase, Alin Teodorescu, Op.Cit., P. 44). 484 Conformément à Vatasescu, sa nomination fut établie en son absence : « Pendant la nuit du 27 décembre, le professeur Draganescu qui avait été nommé vice-premier ministre [proposé par Petre Roman], mais je ne savais pas cela car on ne l’avait pas encore annoncé, m’a appelé et il m’a demandé de venir au siège du gouvernement afin de devenir Ministre de l’Industrie Electrotechnique. « Cher professeur, je ne suis pas très sur… » Il m’a expliqué qu’il n’y avait pas suffisamment de temps pour en discuter et il m’a dit de venir au siège du gouvernement. Je lui ai demandé où le siège se trouvait… ». Si Draganescu est ainsi promu dans l’équipe gouvernementale par Petre Roman, Vatasescu cependant il ne connaissait pas le nouveau Premier ministre. Vatasescu se souvint ainsi un jeune homme habillé dans un top (le Premier ministre) qui parlait au téléphone et qui à la fin de la communication téléphonique lui demanda : « Qui est tu ? J’ai dit : Mon nom est Vatasescu. « D’accord. Tu es le Ministre de l’Industrie technique. […] Ailles au ministère et prenne-le en charge ». Je lui ai demandé quelque chose, un certificat. Il me dit de leur transmettre qu’il y avait une révolution…Je suis allé au ministère et premièrement ils ne m’ont pas permis l’accès dans le bâtiment. » V. La Sténogramme du programme électoral « Turneul Candidatilor » pour la fonction de maire de Bucarest, réalisé par Octavian

un portefeuille gouvernemental plutôt en vertu de ses relations établies dans l’espace

académique et moins comme résultat de sa capacité managériale dans économie accumulée

pendant le communisme485. Le ressort principal de la promotion dans les premiers exécutifs

dépendra de cette façon, non pas du profil proprement dit de l’acteur, mais de la volonté des

personnes transformées en filtres de consécration pour d’autres acteurs politiques. Le même

principe de sélection, mais moins foncé est à retrouver sur le second échelon de pouvoir.

Les secrétaires d’Etat. Durant le cabinet provisoire, la continuité et du maintien de la

fonctionnalité de l’activité gouvernementale sont les objectifs principaux de l’action

politique. La taille de la population nécessaire afin de remplir tous les portefeuilles dans une

structure surdimensionnée héritée des cabinets communiste mena ainsi à un principe de

reproduction des secrétaires d’Etat486. Comme Petre Roman nous a déclaré, « le changement

radical a été fait après les élections ». Le principe de sélection est donc identique au niveau

des effets produits à celui du premier échelon du pouvoir : le renommé et la reconnaissance

de la part de la communauté professionnelle dans le secteur d’activité spécifique.

L’idée de la continuité du premier moment fut renversée lors du second cabinet Petre

Roman. Le deuxième point d’inflexion apporté par le cabinet Petre Roman II visa justement

la consécration d’un principe d’autonomie qui deviendra une pratique ultérieure généralisée

dans la nomination des secrétaires d’Etat487. La seule contrainte imposée par le Premier

ministre aux membres de son cabinet dans la sélection des secrétaires d’Etat a été celle de lui

présenter les candidats et d’argumenter leur préférence pour une nomination ou autre. Il est

intéressant à spécifier que cette pratique ne modifie pas per essentiam le profil des secrétaires

d’Etat de la période et en outre, elle ne reconfigure pas substantiellement les taux de

reproduction d’anciens nomenklaturistes. En revanche, cette pratique consacre au fond les

mêmes critères personnalisés de la sélection qui décrivent aussi les autres sphères de la

politique.

Le recrutement des secrétaires d’Etat s’avère d’ailleurs d’une grande importance pour

deux grandes raisons. Tout d’abord ce second échelon de pouvoir constitua pour le parti de

gauche un vivier continuel dans la sélection ultérieure des ministres et deuxièmement car

lorsqu’on regarde les trajectoires de ces acteurs, présentant d’ailleurs des relations avec le

Andronic durant la campagne électorale du 3 Mai 1996. 485 Anton Vatasescu ancien directeur de l’entreprise IPRS Baneasa, n’avait cependant pas détenu auparavant des fonctions gouvernementales ou d’haut niveau dans l’échafaudage du pouvoir communiste.486 Petre Roman, Libertatea ca datorie..., Chap. « Primul ministru », P. 113.487 Les mémoires d’Adrian Nâstase, d’Andrei Plesu et aussi l’entretien mené avec Victor Babiuc confirment le fait qu’ils ont eu la possibilité de se construire leur propre équipe à l’intérieur des ministères qu’ils ont dirigés.

passé communiste, on peut se rendre compte de l’effet important des premiers moments

révolutionnaire dans la promotion ultérieure dans le champ politique. L’exploitation du

moment de la confusion des rôles et des ressources d’après la chute de l’ancien régime fut

ainsi un atout redoutable pour la promotion en politique. Un exemple en ce sens est la

trajectoire de Misu Negritoiu qui présente en principe un double type de ressources durant le

communisme : une ressource technique de la prise de décision gouvernementale et une

ressource économique488. Or, dans son cas c’est plutôt l’ambiguïté de la séparation entre le

politique et l’économique d’après 1989 qui lui a servi en tant que tremplin dans le politique.

L’explication de sa relance est illustrative à cet égard : « [Durant la révolution] J’étais à

l’hôpital….Je suis rentré à l’entreprise, les gens avaient limogé le directeur et ils ont mis moi

en tant que leader FSN, donc directeur »489.

Les promotions en fonctions publiques directement liées aux relations personnelles

maximisant les ressources non politiques des acteurs semblent ainsi régir la période en cause.

Les ministres ont détenu en grande partie la possibilité de nommer les secrétaires d’Etat

qu’ils connaissaient. Les mêmes principes se reproduisent d’ailleurs dans le cabinet Theordor

Stolojan qui hérite une grande partie des secrétaires des premiers deux cabinets490.

488 Jusqu’en 1985 Misu Negritoiu avait été économiste dans le Ministère du Commerce Extérieur. Après cette date il arrive à occuper le poste de conseiller et il est envoyé à GATT à Genève. Lors de son retour dans le pays il devient directeur ARPIMEX une entreprise de commerce extérieur, où il arrive à être nommé directeur d’entreprise. Peu de temps avant la révolution il fut remplacé de cette fonction V. Misu Negritoiu, Rodica Nicolae « Misu Negritoiu - Un bancher nesofisticat »[Misu Negritoiu un banquier pas sophistiqué], entretien réalisé pour la revue Cariere par Rodica Nicolae le 18.12.2003.489 Après cette date Negritoiu deviendra rapidement le chef de la section économique à l’Ambassade de la Roumanie à New York et après quelques mois il fut nommé le chef de l’Agence Roumaine pour la Promotion des Investissements Etrangers et l’Assistance Economique de l’Etranger. En 1992 il deviendra Ministre d’Etat le président du Conseil pour la Coordination Economique dans le gouvernement Nicolae Vacaroiu. D’ailleurs l’année 1990 est le moment où on assiste à plusieurs promotions d’économistes dans des positions clé. Ce fut également le moment où Mugur Isărescu, son ancien collègue de faculté, fut aussi nommé en tant que Président de la Banque Nationale.490 Les secrétaires d’Etat peu nombreux qui sont nommés pour la première fois durant cette période sont généralement des gens de l’extérieur, ayant des professions libérales, qui sont attirés dans l’équipe gouvernementale sur une logique de cooptation, ou des représentants des partis politiques qui ont participé à la formation du cabinet tels que le PNL et le Mouvement Ecologiste de Roumanie (ceux qu’on avait pu identifié sont de la part du MER Dolphi Drimer et Alexandru Roşu et de la part du PNL sont Victor Babuşceac, Marin Bivolaru, Ionel Săndulescu et Emil Tocaci. Les nominations de plusieurs secrétaires d’Etat PNL par rapport à l’accord conclu qui précisait la présence d’un seul secrétaire d’Etat montre soit que la négociation préalable a supposé plusieurs postes de secrétaires d’Etat et les déclarations officielles ont éludé cet aspect, soit qu’il y a eu un changement au niveau du protocole initial de collaboration au niveau du gouvernement). Enfin, il existe aussi une catégorie des nominations des secrétaires d'Etat qui est très intéressante et qui vise le Ministère des Finances. A part de nommer derechef Nicolae Văcăroiu sur un poste de secrétaire d’Etat (il avait été remplacé dans le cadre du cabinet Petre Roman II à la base d’un désaccord affirmé par rapport à la politique de réforme économique menée par le cabinet), durant cette période, Stolojan avait promu des gens qui travaillaient déjà à l’intérieur du ministère : Mircea Coşea et Florin Georgescu et il coopta aussi dans l’équipe ministérielle Daniel Dăianu. Les trois secrétaires d’Etat vont occuper dans les cabinets qui ont suivi des fonctions ministérielles portant sur le domaine économique.

4.1.4. Les débuts du postcommunisme : la continuité décisionnelle et la coordination limitée

Tandis que le cabinet provisoire et celui dirigé par Theordor Stolojan se fixèrent

comme objectif primordial la continuité décisionnelle, le second cabinet Petre Roman II

s’inscrivit plutôt dans une logique de la réforme. Les différences entre les cabinets sont

d’ailleurs visibles au niveau des dynamiques gouvernementales quasiment absentes dans les

deux premiers cas. Néanmoins, ce que les trois cabinets ont en commun vise la consécration

d’une logique de continuité et de réseau qui mobilise les ressources politiques du passé.

La sélection des acteurs gouvernementaux recouvre une pluralité de sphères,

renvoyant à des principes personnalisés dissipés. En dépit du rôle majeur d’Ion Iliescu dans la

promotion de certains acteurs, la taille de la population gouvernementale nécessita un effort

conjoint quant au contrôle de la coordination. Malgré un passé commun, le principe

généralisé de socialisation est inexistant. Les acteurs gouvernementaux présentent

effectivement un vécu commun dans des cadres communistes, mais ils ne disposent pas d’une

cohésion forgée sur un travail mené ensemble en tant qu’équipe. De cette perspective,

l’émergence des îlots décisionnels (formés entre les gens ayant travaillé ensemble auparavant

qui configurèrent la prise de décision selon leurs propres expériences) était censée

d’apparaître, mais l’uniformisation décisionnelle et l’apparition d’un principe de cohésion au

niveau de l’équipe gouvernementale était quasi impossible.

En ce contexte, le principe décisionnel qui s’instaure n’est pas celui de l’action

départementalisée, mais celui de l’atomisme. Même durant la période du cabinet provisoire,

en dépit d’une construction politique subordonnée aux structures du CFSN et ensuite CPUN,

ce sont plutôt les leaders informels ceux qui influent sur les politiques sectorielles. Le

Premier ministre ne dispose pas des leviers nécessaires afin de discipliner son équipe491 et les

ministres nommés présentent peu de relations directes entre eux. Le cabinet a le but d’assurer

la continuité de la prise de décision, mais il dissimule aussi une logique de conversion des

élites des échelons secondes. La faillibilité des ministres est celle qui caractérise un cabinet

qui en théorie se construit autour des principes consensuels. Les bases hétéroclites du

recrutement oblitèrent ainsi toute possibilité de coordination venant même de la part des

491 Le témoignage de l’ancien Premier ministre sur la période en est illustratif : « Je dois préciser que les premières diversions ont émergé le 27-28 décembre 1989 quand je suis devenu Premier ministre, même à l’époque il était clair que je dérangeais plusieurs segments. C’est une caractéristique de mon apparition en politique…que je ne faisais partie d’aucune structure du système et en conséquence je n’étais soutenu par aucune structure du régime défunt, je parle du système jusqu’au décembre 1989. » P. Roman, Liberatea ca datorie, Pp. 48-49.

sélecteurs informels. De surcroît, en l’absence d’une coordination qui relève du premier

niveau du pouvoir, les secrétaires d’Etat, parfois dépositaires d’une vaste expérience

exécutive se trouvèrent dans une impossibilité de substituer l’absence de contrôle du premier

niveau vu la taille de la population gouvernementale héritée de l’ancien régime. En ce

contexte, les intérêts et les représentations des gouvernants nommés en fonction devinrent des

éléments clé qui peuvent expliciter d’une part l’absence d’un référentiel général des

politiques, mais aussi le maintien d’une faible capacité d’implémentation des politiques à

adopter.

Cette situation changea d’une manière fondamentale lors du second cabinet Petre

Roman. La montée en importance du Premier ministre à l’intérieur du FSN a engendré un

plus de coordination nécessaire à la prise de décision dans le domaine économique (secteur

que le chef de l’exécutif avait désigné en tant qu’objet principal de l’activité

gouvernementale). Néanmoins, la situation conflictuelle mena à une faillibilité du

comportement ministériel qui aboutit au remaniement du 20 mars 1991. Loin d’exprimer

l’autorité du premier ministre qui applique des sanctions à son équipe, le remplacement de

dix des vingt cinq personnes fut plutôt le résultat de l’absence d’influence de celui-ci.

Comme Petre Roman précisa : « on a eu un remaniement en avril 1991 dicté aussi par le fait

que quelques membres du gouvernement ont décidé de quitter le cabinet » suite à « l’absence

de courage » face aux fortes contestations « des forces réactionnaires ». Le remaniement

d’avril 1991 a été d’ailleurs masqué par une restructuration d’ampleur au niveau

institutionnel et il engendrait en dernier ressort qu’une apparente disjonction entre Petre

Roman et son équipe492.

Si au niveau ministériel le pouvoir de révocation du Premier ministre suivit plutôt le

désir des ministres en place, cela n’a pas été le cas des secrétaires d’Etat qui restent sujets des

dynamiques d’ampleur durant toute la période. Deux facteurs essentiels menèrent à ce

phénomène : (1) les remaniements comme sanction du refus de mettre en marche la

réforme493, (2) les révocations comme une conséquence directe de la manière dans laquelle le

fonctionnement des ministères fut pensée. Le changement des secrétaires d’Etat mais aussi la 492 Ainsi le ministre de Finances Theordor Stolojan qui a manifesté sa volonté de céder sa place de l’exécutif, il devient le 14 mai 1991 secrétaire d’Etat à l’Agence Nationale pour la Privatisation et le Développement de Petites et les Moyennes Entreprises, le général Victor Athanasie Stănculescu quitta le Ministère de la Défense pour devenir le Ministre des Ressources et de l’Industrie, Ion Aurel Stoica est remplacé dans sa fonction de ministre d’Etat pour la Qualité de la Vie et la Protection Sociale, mais il resta ministre sans portefeuille. 493 Le Premier ministre Petre Roman nous a déclaré dans un entretien qu’il avait remplacé les secrétaires d’Etat qui ne comprenaient pas les mesures de réforme et qu’il fondait ses décisions le plus souvent sur les critiques venant de la part des ministres. « Les secrétaires d’Etat identifiés comme contribuant au blocage de la prise de décision portant sur les mesures de réforme, en connaissance tout de cause étaient immédiatement écartés des structures exécutives ».

réorganisation des ministères ont constitué l’apanage du ministre en place qui disposait d’une

marge de manœuvre très large au niveau décisionnel494. De la sorte, il existe une certaine

autonomisation des ministres qui surtout dans le cas des portefeuilles qui ne touchent pas le

domaine économique, restent plutôt des « acteurs marginaux » quant au contrôle exercé par le

Premier ministre. Ainsi, la plupart des secteurs maximalisent l’expérience des acteurs au

niveau des politiques qui ne sont pas soumises à une censure attentive de la part des autres

acteurs gouvernementaux495.

Le cabinet Petre Roman semble instaurer des logiques qui gravitent entre un principe

collégial lorsqu’il s’agit des questions économiques, avec une coordination des mesures

gouvernementales, et tous les autres domaines de l’action qui poursuivent leurs propres

logiques construites en conformité à la volonté et aux intérêts des ministres en place. Le

pouvoir de coordination reste ainsi limité au niveau du cabinet et la prise de décision au

niveau de l’équipe gouvernementale prend un visage d’un consensus non négocié. Le

caractère fluctuant du contenu des décisions, l’ambiguïté quant aux directions générales de la

conservation des anciennes politiques ou de la réforme reflètent ainsi les catégories

hétéroclites des élites promues dans des fonctions publiques et le statut fluctuant du leader de

l’exécutif.

Le dernier cabinet de la période ne fut pas soumis au même type de pressions que son

antécesseur. Comme Stolojan le précise, « à l’époque, Ion Iliescu était très préoccupé par la

scission du parti qu’il dirigeait. Il ne s’est pas impliqué dans la politique du cabinet que je

conduisais. »496 Le cabinet Stolojan bénéficiait ainsi d’une certaine autonomie décisionnelle

par rapport aux facteurs extérieurs. Cette autonomie était aussi le résultat du contexte

politique certes, mais aussi de la manière non conflictuelle dans laquelle Stolojan avait choisi

à diriger son équipe. La déclaration du Premier ministre à cet égard est nette « Je n’ai jamais

eu un problème dans le gouvernement. Quand il s’agissait d’une décision problématique je ne

494 Cet aspect est confirmé par Andrei Pleşu, Adrian Năstase et Victor Babiuc. Ainsi, en se souvenant de la période passé au cabinet Roman II, Andrei Pleşu précise : « Il était encore une certaine atmosphère révolutionnaire… Moi j’étais oublié là au Ministère de la Culture et je faisais ce que je voulais. Je nommais des secrétaires d’Etat que je considérais comme étant utiles, je limogeais des gens que considérais comme étant inutiles. » V. Iosif Sava, Invitaţii Eutherpei, col. Plural, ed Polirom, Iasi, 1997, p. 270 (entretien télévisé avec Andrei Plesu accordé le 14 décembre 1996).495 Par ailleurs l’expérience de certains ministres du cabinet Petre Roman dépasse la période du cabinet provisoire plusieurs d’entre eux en travaillant dans des ministères dans des positions de directeur avant 1989. Tel est le cas de Theodor Stolojan, Ioan Ţipu, Andrei Chirică, Valeriu Eugen Pop ou Valeriu Pescariu. Un autre ministre ayant une expérience ministérielle avant 1989 est Victor Babiuc qui dans la période 1971-1977 a occupé la fonction de conseiller en chef au Ministère du Commerce Extérieur. (Voir Protagonişti ai vieţii publice, Rompres, 1995).496 Mihnea Berindei, Arielle Thedrel, « Turning the page. Interview with Theodor Stolojan », P. 54

l’intégrais pas dans l’agenda jusque j’arrivais au consensus nécessaire avec les principaux

ministres impliqués »497.

La stratégie adoptée par le Premier ministre est justifiée et elle peut engendrer deux

explications. Tout d’abord, les politiques gouvernementales étaient approuvées par vote

ouvert dans les séances du cabinet. Cette procédure aurait bien évidemment mené à des

décisions dans l’avantage de la faction majoritaire du cabinet même si la mesure ne visait pas

forcement un des ministères en causes. Deuxièmement l’ascendant du Premier ministre en

tant que technocrate sur son équipe était minimal. Le seul pouvoir réel de contrainte de celui-

ci fut donc le contrôle de l’ordre du jour des rencontres des cabinets ainsi que leur fréquence.

D’ailleurs, l’absence du conflit à l’intérieur des cabinets de la période s’explique également

par le fait que la manière départementalisée de la prise de décision qui caractérisa en partie le

cabinet Petre Roman se trouva également en tant que principe directeur dans la prise de

décision du cabinet Theodor Stolojan. La non-implication du Premier ministre dans l’activité

journalière des ministères498 est à considérer comme une ressource importante de

l’accumulation du consensus des ministres en place.

4.1.5 Sélection du personnel gouvernemental et activité gouvernementale 1990-1992

En analysant les premières années qui ont suivi au changement de régime de 1989,

on peut donc constater que l’objectif principal des acteurs politiques porte sur la continuité

de la prise de décision. La continuité fut forgée sur une double stratégie : (1) la construction

d’un principe de loyauté fondé sur la verticale au sein des cabinets - par le biais des

nominations autonomes opérées par les ministres du cabinet499, (2) la socialisation des

acteurs au sein des cabinets qui porte sur un principe d’accumulation d’expérience

497 Rodica Nicolae, Teodor Stolojan, « Theodor Stolojan - Echilibrul ca profesiune de credinta »498 Cette politique d’autonomie décisionnelle est d’ailleurs très valorisée par les ministres qui jouissent pleinement de leur liberté de nommer des secrétaires d’Etat et le personnel du cabinet, mais en plus ils perçoivent positivement la non implication du Premier ministre et des autres ministres dans le fonctionnement du ministère qu’ils dirigent. Ainsi le Ministre des Affaires Etrangères de cette période, Adrian Năstase déclarait : « Dans la période 1991-1992, Theodor Stolojan a eu un comportement impeccable. Il ne s’est pas mêlé dans les problèmes externes » (Adrian Năstase, Alin Teodorescu, Op.Cit., P. 52. et Mircea Ionescu Quintus précisait d’une manière assez contradictoire vue la position ambivalente de son parti que : «personne ne m’a demandé, personne ne m’a indiqué, personne ne m’a imposé de faire n’importe quelle chose. Je me suis senti dépendent seulement par rapport au programme du gouvernement et par rapport à la conception de mon parti » (Mircea Ionescu Quintus, Ce aţi făcut in ultimii cinci ani ?[Qu’avez-vous fait durant les dernières cinq années], ed. Masina de Scris, Bucarest, 2004, P. 103.499 Le premier type dispose d’une autonomie décisionnelle qui lui permet de construire sa propre équipe : « J’ai limogé 70% de l’ancien ministère » précise Pleşu car « à l’époque la vie politique n’était pas politisée tellement. On n’avait pas de partis qui venaient dire : vous nous donnez un poste de secrétaire d’Etat ou deux postes de directeur général. » (Iosif Sava, Invitaţii Eutherpei…, Pp. 271, 275)

gouvernementale500. On avait favorisé ainsi les sélections multiples. L’expertise de longue

durée, accumulée forcement durant la période communiste, mais aussi un principe portant

sur la recommandation de l’acteur par une personne « de confiance » constituèrent les

principaux critères qui ont mené à la construction de l’équipe gouvernementale.

Néanmoins, ces principes n’ont pas abouti à la création des équipes exécutives

cohésives. La prise de décision consensuelle doublée par une faible coordination dans les

domaines non-économiques décrit ainsi le mieux la période. Les stratégies sont pourtant

différentes en fonction du gouvernement analysé. Durant le cabinet Petre Roman, le

consensus mimé recouvrait plutôt un principe hiérarchique dans la prise de décision, et la

coordination fonctionna d’une manière ponctuelle que dans le cas des politiques

économiques. En contrepartie, le cabinet Stolojan atteste un processus consensuel de la prise

de décision, avec des décisions qui évitèrent les possibles conflits par oblitération des

questions controversés de l’agenda politique. La faible position du Premier ministre à

l’intérieur de l’équipe gouvernementale conduira à l’esquive du conflit au coût assumé d’une

prise de décision départementalisée.

Le principe d’autonomisation de la prise de décision gouvernementale et la

construction hiérarchique des ministères semblent se constituer en tant qu’éléments décisifs

de la période. L’expérience préalable des acteurs politiques, leur savoir faire, déterminèrent

ainsi le contenu de la prise de décision au-delà des simples relations établies à l’intérieur

des séances des cabinets. Même dans le secteur financier où il existe de la coordination, la

cooptation des secrétaires d’Etat des domaines économiques ainsi que la direction du

Ministère des Finances par Stolojan durant le cabinet Roman et par un libéral lors de la

période ultérieure expliquent l’attention accordée aux secteurs financiers durant les

premières années du postcommunisme roumain.

4.2 1992-1996 : La continuité non réformiste

4.2.1 Le contexte politique général

500 Le type porte sur l’expérience de Theodor Melescanu qui nous a précisé que le fait de provenir de l’appareil exécutif lui a aidé de se concentrer sur les politiques explicites de son ministère : « La chose la plus importante n’a pas visé le fonctionnement de l’appareil que je connaissais et duquel je provenais, mais l’accomplissement des objectifs stratégiques. »

Héritier « symbolique »501 de la faction « conservatrice » du FSN, la formation

politique arrivée au pouvoir suite aux élections du 27 septembre 1992, le Front Démocratique

du Salut National n’avait pas cependant obtenu un score similaire au FSN durant la

législature préalable (le FDSN comptait 27,2% dans la Chambre des Députes et 28,3% dans

le Sénat). En l’absence d’une majorité parlementaire qui aurait permis la formation d’un

cabinet majoritaire, la solution choisie a été donc de négocier le support politique au sein du

Parlement. Plusieurs solutions ont été envisagées à cet égard : un cabinet d’union nationale

avec la participation de tous les partis politiques ou un cabinet des technocrates.

Les discussions entamées pour acquérir le support politique n’ont pas abouti

cependant à un compromis avec les partis historiques et, le FDSN s’orienta dans les

négociations vers trois partis politiques « de gauche » qui pouvaient lui assurer la majorité de

support au sein du parlement502. Il s’agissait du Parti de l’Union Nationale des Roumains

(PUNR), le Parti la Grande Roumanie (PGR) et le Parti Socialiste du Travail (PST). Ces

partis présentèrent à l’époque l’image des formations ayant un discours nationaliste et d’un

gauchisme extrême. A cause du discours de ces partis et leur mauvaise image à l’extérieur, le

FDSN conduira une politique ambivalente pendant toute la période : d’une part, il va mener

une politique de négociation continuelle pour acquérir le support parlementaire, et de l’autre

côté, il va esquisser une politique de distanciation par rapport à leurs positions nettement

xénophobes.

Le cabinet investi par le Parlement le 19 novembre 1992 se forme donc dans des

conditions de négociation politique du support parlementaire et il se présente devant le

publique en tant qu’un cabinet minoritaire monocolore. Durant toute la période du mandat du

cabinet les aléas des négociations avec les trois autres partis le PUNR, le PST et le PGR (et le

501 L’héritier légal du FSN est l’aille dirigée par Petre Roman qui préserve tant le nom que le patrimoine de l’ancien FSN. Néanmoins, comme un des leaders du FSN -PD Radu Berceanu le précisa en janvier 1993, « Premièrement le FSN d’aujourd’hui n’a aucune relation à l’ancien FSN. C’est pour ces raisons que ses actions ne souffrent pas de comparaison. On avait gardé le nom parce qu’on a voulu montrer que c’est nous en fait qu’on était plus nombreux ».V. Personnalités publiques 1992-1994.502 En ce qui concerne les négociations il n’existe pas un consensus portant sur les raisons invoquées pour expliquer la non-participation des partis historiques au gouvernement, les deux grands types d’explications sont résumés par le vice-président de l’Alliance Civique de l’époque Emil Constantinescu (pour les partis historiques) et par le vice-président du FDSN, Adrian Năstase. Ainsi Emil Constantinescu déclare que : « Depuis l’automne de l’année 1992, après les élections, CDR a affirmé sa disponibilité de collaborer avec le PDSR et avec les autres partis qui soutiennent le processus de réforme économique et politique mais à une seule condition – celle que les partis national- communistes et nostalgiques, les PGR et PST soient pas associés à cette coalition. Cette solution a été rejetée par le président Ion Iliescu. » (Emil Constantinescu, Timpul dârmării, timpul zidirii, vol. 3 Lumea în care trăim, ed Universalia, Bucarest, 2002, P. 671). La position contraire résumée par Adrian Năstase est que les partis historiques ont demandé aux négociations « des choses impossibles. Je me souviens qu’ils voulaient la présidence d’une des chambres, quatre ministres et que les ministres de l’Intérieur et de la Justice soient nominalisés avec leur accord et que les chefs des services d’informations…Et beaucoup d’autres choses. On posait le problème d’un cabinet sous tutelle. » (Adrian Năstase, De la Karl Marx…, P. 84).

PDAR pour le Sénat) se perpétuèrent, car ceux-ci ont essayé constamment de franchir les

réticences du FDSN et d’accéder au gouvernement. Pratiquement, les cinq grands moments

de remaniement sont survenus surtout suite à la demande explicite de ces partis d’accéder au

gouvernement503. Si en août 1994 le cabinet devenait officiellement bicolore par l’inclusion

des ministres PUNR, c’est seulement après deux années de négociations politiques ardues, le

20 janvier 1995, que les quatre partis politiques PDSR, PGR, PUNR et PST signent le

protocole de collaboration au parlement en ce qui concerne les questions de politique interne

et la procédure de promouvoir des spécialistes dans les structures de l’exécutif. Ainsi prend

naissance officiellement ce qu’on a nommé « le quadrilatère rouge ». L’accord aura

cependant une durée de vie limitée. Vers la fin de l’année le PGR retire son support pour

l’exécutif et l’année suivante le PUNR, le principal allié du PDSR rompt aussi l’accord.

Durant les quatre années, la situation générale de chantage incessant sera accentuée

par la position très faible du Premier ministre sur la scène politique. Pratiquement, toutes les

négociations portant sur les nominations des acteurs politiques de ces trois partis sont dirigées

par le président en place Ion Iliescu qui reste, de ce point de vue, le principal artisan de la

stabilité gouvernementale.

4.2.2 Le Programme politique : «le conservatisme de gauche à prégnance nationaliste»

Le cabinet qui s’institua suite aux élections de 1992 se trouvait dans une ligne de

continuité avec les cabinets précédents. En l’absence d’une alternance au pouvoir, une partie

des anciens décideurs gouvernementaux trouvèrent leur place dans la nouvelle équipe

gouvernementale, tandis que les politiques menées par le gouvernement ne marquèrent pas un

changement de référentiel puissant par rapport aux anciens cabinets.

503 (1) le 23 août 1993. Les réunions d’Ion Iliescu avec le PUNR, le PDAR, le PGR et le PST ont eu comme effet un premier remaniement : 4 ministres et 15 secrétaires d’Etat sont changés de leurs postes, mais officiellement le PUNR ne participe toujours pas au cabinet. Les négociations portées avec le PUNR, PST et le PDAR quant à désignation des représentants continuent toute l’année 1993 et le début 1994. Après la réunion de Cotroceni du 27 décembre 1993 où le PUNR et le PDAR ont demandé 5 portefeuilles, le 21 janvier 1994 le PUNR renouvelait sa demande en précisant qu’il désirait en échange de son support politique la direction de 4 ministères. Malgré la signature le 2 février d’un protocole qui rendait possible l’accès au gouvernement du PUNR dès le mois de mars, cette entente ne serait pas mise en pratique dans la forme entamée lors les négociations. (2) le 3 mars 1994. Si au niveau discursif le cabinet restait monocolore, il ne l’est plus de facto le vice-président du PUNR, Ioan Gavra, déclara en août 1994 que le PUNR est représenté dans le cabinet « d’une manière masquée ». Les ministres en cause sont : la justice et les transports - le premier d’entre eux en étant membre du PUNR et le second un sympathisant de ce parti. Suite au remaniement 8 de 22 ministres ne passent pas par le parlement ce qui mène à la formulation d’une motion de censure. (3) Face aux menaces le 18 août 1994 on annonce la formation d’un exécutif bicolore : 2 ministres PUNR sont nommés. (4) le 5 mai 1995 on remplace un ministre et dans le même mois, le PDSR décide de donner au PGR quatre postes de secrétaires d’Etat et en août 1995, on décide également de donner des postes dans les structures de l’exécutif aux membres du PGR et du PST (5) le 2 septembre 1996, les ministres PUNR du gouvernement déposent leurs démissions.

Dans ce contexte, le rythme lent de la réforme économique fut préservé, cette fois-ci

sans réserves de la part des gouvernants. Le programme gouvernemental504 serait ainsi

construit autour toute une série de mesures qui renouent avec les recommandations faites par

les économistes du gouvernement qui avaient pensé la réforme en mai 1990. La mise en

balance de la réforme économique et des coûts sociaux s’institue ainsi en tant que principal

référentiel de la politique gouvernementale. D’ailleurs la stratégie de réforme économique et

sociale du gouvernement montrait que jusqu’en 1992, « le mécanisme économique n’avait

pas été ni celui d’une économie socialiste, mais ni celui d’une économie de marché » (A6).

Néanmoins, le contenu de la stratégie ne propose pas d’alternative vers une économie de

marché, mais reprend vraisemblablement une logique qui renvoyait au passé. De cette

manière, pour le cabinet investi à la fin de 1992 « la réforme économique ne constitue pas un

but en soi, mais elle est un véhicule de la transition à l’économie de marché, comme

processus historique de la sortie d’une crise de système de l’économie de commande et de

réinscription sur la trajectoire du développement économique » (A.7). La corroboration faite

au niveau du texte entre l’idée d’une politique de stabilisation économique et la réforme,

permet une concentration de l’action gouvernementale surtout sur le premier axe énoncé. Les

raisons pour ce type de comportement sont clairement explicités par « le refus de traiter la

privatisation comme une simple transaction comportant la maximisation des gains résultants

de la vente des actions de l’Etat vers les sociétés commerciales » (A.33) et la décision

nationaliste « d’octroi des facilités de payement extraordinaires pour les citoyens roumains »

(A.34). En ce contexte, les retards ultérieurs dans les politiques de privatisation sont

prévisibles, vu le fait que le cabinet se propose « à ne pas négliger la composante sociale et

psychologique du processus de privatisation » et d’adopter des stratégies de privatisation

différentiées (A 33-36). Cependant cette politique caractérisa partiellement les décisions

gouvernementales de l’époque. Tout comme la période précédente il existe des variations

importantes dans les allocations budgétaires attribuées aux questions économiques. Si durant

la première période la direction des politiques entamées allaient dans le sens protectionniste,

cette politique sera moins foncée vers la fin du mandat. De cette façon, à partir de 1995 on

peut remarquer une attention plus grande accordée aux questions économiques et à la réforme

décisionnelle.

Le soin pour l’impact de la réforme introduit une stratégie généralisée de subvention.

Les mesures visant l’élimination des contributions pour la consumation présentent des dates 504 Cette section portant sur le programme gouvernemental de la période 1992-1996 a à la base « la Stratégie de Réforme économique et sociale du programme de gouvernement », document interne du gouvernement de Roumanie, le Conseil pour la Coordination, Stratégie et Réforme Economique, Bucarest, le 15 février 1993.

butoirs précises tandis que les subventions pour la production restent toujours en place. Le

développement devient ainsi synonyme de la subvention qui touche les principales sphères de

l’action de l’exécutif. L’argumentaire « antimarxiste » qui essaie de fonder ces politiques,

reprend cependant ses concepts en justifiant les subventions en agriculture comme un moyen

« d’actionner pour la protection de la propriété de la paysannerie et afin d’empêcher la

prolétarisation de celle-ci suite à la perte de terres, par la stimulation de la création des

coopératives et des associations paysannes et en réglementant le régime de la propriété

foncière » (C11). D’ailleurs ces mesures provisionnées quant à l’agriculture résultèrent dans

un financement croissant du secteur. Il faudrait aussi rajouter le fait que le choix pour un

l’étatisme ne relève pas d’une vision socio-démocratique à l’occidentale et il construit une

vision homogène quant à l’impact que l’exécutif devrait avoir dans le domaine économique et

social. De la sorte, dans la perspective des gouvernants de l’époque, le cabinet devait en

principe « avoir une intervention active dans la direction et pour la stimulation des processus

sociaux…en adoptant une stratégie de formulation des structures sociaux en corrélation aux

objectifs de longue terme de la politique économique » (C4). Ces principes qui décrivent les

logiques d’action que le cabinet se donne dans ses documents internes, correspondent

d’ailleurs au profil des gouvernants qui ont été choisis à diriger le gouvernement.

4.2.3 La Formation du cabinet : La reproduction des réseaux personnels

Le choix du Premier ministre. Le 4 novembre 1992, le président Iliescu annonça le nom du

futur Premier ministre, un technocrate qu’il ne connaissait pas avant que les discussions

portant sur la nomination du Premier ministre soient entamées : Nicolae Văcăroiu. La

nomination de Nicolae Văcăroiu était une surprise même pour celui-ci : « la nomination

m’avait étonné…Premièrement parce que je n’avais pas parlé antérieurement à ma

désignation au Président »505. Même s’il n’était pas membre de parti, comme d’autres

membres des exécutifs postcommunistes, Văcăroiu disposait d’une expérience exécutive

avant 1989 dans les structures gouvernementales à laquelle s’ajouta son expérience dans les

cabinets postcommunistes506.

505 Nicolae Văcăroiu, Gheorghe Smeureanu, Nicolae Văcăroiu al 60-lea Prim ministru. Carte de interviuri [Nicolae Văcăroiu le 60ème Premier ministre. Anthologie d’interviews], ed. Intact, 1998, P. 77. 506 Avant 1989 Vacaroiu avait travaillé dans le cadre du Comité National de la Planification Economique (1972-1989) où il occupa la fonction de chef de service et ensuite celle de directeur. Après la révolution il resta dans la

Conformément à Văcăroiu, sa nomination s’est déroulée sur une toile de fond de

l’instabilité de vie politique, son choix étant justifié par le fait qu’il était remplaçable en tout

moment de sa fonction.507 La sélection convenable d’un personnage de l’extérieur du parti eut

à la base un principe de recommandation. Le Premier ministre même considère que son nom

fut invoqué par un des conseillers d’Ion Iliescu508 et qu’il a été accepté en tant que Premier

ministre parce qu’on ne voulait pas « sacrifier » des gens ayant déjà « une image externe déjà

crée avant 1989 ». Les relations directes de Văcăroiu avec Tudorel Postolache avec lequel il

avait travaillé immédiatement après 1989 au cadre d’une Commission pour l’élaboration de la

Réforme Economique509 ou celles développées antérieurement avec Emilian Dobrescu dans le

cadre du Conseil National pour la Planification Economique (CNPE) avant 1989 ont eu ainsi

un plus d’importance par rapport à ses acquis au niveau de l’expérience gouvernementale.

D’ailleurs, les deux conseilles que Văcăroiu nominalise en tant que possibles sélecteurs

informels étaient des personnages proches du président de l’époque510.

De cette manière les principes portant sur une logique de recommandation qui dépasse

les cadres du parti politique sont maintenus même après les élections de 1992. Nicolae

Văcăroiu qui était un technocrate, aboutira, malgré toutes les prédictions, à diriger le premier

cabinet roumain dont la durée de vie a été de quatre années. Paradoxelement, la survie de son

cabinet résulta de sa faible position sur la scène politique511.

sphère du pouvoir exécutif : il fut nommé ministre adjoint dans la Ministère de l’Economie Nationale et ensuite secrétaire d’Etat dans le même ministère. Sanctionné pour attitude « conservatrice » devant la réforme, il quittât le cabinet Roman, mais il resta dans les structures gouvernementales en tant que directeur adjoint dans le Département des Prix. Ensuite en 1992 il devint directeur du Département des taxes et des finances.507 Ainsi le Premier ministre spécifia : « Pour moi, il était évident que s’ils m’avaient proposé de devenir Premier ministre n’était pas à cause du grand amour qu’ils ressentaient pour Nicolae Vacaroiu qui était un indépendant, mais parce qu’il n’existait pas une autre formule valide et parce qu’ils ne voulaient pas sacrifier quelqu’un de leur parti. Ils voulaient attaquer le cabinet durant le mois de mars en invoquant sa nature conservatrice. » V. Vacaroiu, Smeureanu, Op.Cit., P.79.508 Vacaroiu cite les noms du à savoir l’académicien Tudorel Postolache ou Emilian Dobrescu. Emilian Dobrescu avait occupé plusieurs positions importantes dans les structures communistes du pouvoir. En ce qui concerne les positions exécutives il fut vice-président et secrétaire d’Etat au Comité National pour la Planification Economique (17.03.1975-2.01.1979), et ensuite le président du CNP (26.03.1981-1.11.1982), vice-président du gouvernement, secrétaire d’Etat au Comité National pour la Science et la Technologie(19.05.1983-9.12.1988), vice-président du Comité pour la Science et l’Education (31.12.1985-22.12.1989) etc. mais il fut également maître de conférence à l’école du parti Stefan Gheorghiu.509 Vacaroiu, Smeureanu, Op.Cit., P.39.510 Le premier était un ami d’Iliescu depuis qu’il était étudiant et le second avait collaboré avec Iliescu avant 1989. V. Iliescu, Tismaneanu, Op.Cit, Pp.189, 258.511 Ainsi, Adrian Năstase nous déclarait que : « Pour Ion Iliescu il était plus facile de travailler avec M. Nicolae Vacaroiu parce qu’il était un économiste gestionnaire sans aucun pouvoir au niveau du parti, il y avait plusieurs zones, non pas nécessairement de pouvoir, mais peut être, au bout du compte même des intérêts, de pouvoir, de décision. Il y avait à Cotroceni M. Ion Iliescu, M. Văcăroiu au gouvernement, on avait le parti où il y avait M. Gherman et moi-même. ». Entretien avec Adrian Năstase, Premier ministre 2000-2004 et le président du PSD (2001-2005), le 13 Mars 2005

L’équipe gouvernementale. En dépit des contraintes résultant de sa position extérieure au

FDSN(PDSR), Nicolae Văcăroiu a eu l’occasion de participer à la formation de son équipe

gouvernementale et les nominations qu’il fera porteront sur un principe de sélection très

particulier : la continuité avec le passé plus ou moins éloigné. Les taux élevés quant à la

présence d’anciens membres des exécutifs dans la composition du nouveau cabinet512,

retrouvent ainsi des explications qui vont au-delà d’une simple absence de personnel.

Selon ses propres déclarations, les deux conditions que le Premier ministre avait

posées lorsqu’il avait assumé son mandat ont visé le pouvoir prendre des décisions sans

immixtion externe pendant une année et, de pouvoir choisir les ministres à son gré pour au

moins sept ou huit ministères clé513. Ces portefeuilles ont été occupés par une cooptation dans

l’équipe ministérielle des gens qui connaissaient « l’économie réelle ». La composition du

cabinet décrite par son leader de la manière suivante : ils étaient des gens qui « en proportion

de 90% n’étaient membres d’aucun parti politique » et deuxièmement, ils avaient une

expérience gouvernementale. Pourtant, dans certains cas, l’expérience citée est celle d’avant

1989 dans le cadre du CNPE. Même les conseillers obéissent à ces principes de promotion,

Văcăroiu va préciser qu’ils étaient « des gens ayant une grande expérience financière et

monétaire, qu’ils connaissaient l’économie socialiste, mais aussi l’économie de marché »514.

Quant aux autres ministres du cabinet ayant un profil économique le Premier ministre

invoque pour la plupart d’entre eux le fait d’avoir travaillé ensemble. L’équipe

gouvernementale se forge ainsi à la base d’un principe de continuité, de valorisation de

l’expérience accumulée, par un principe de spécialisation, mais il y a aussi un autre élément,

qui n’est pas tout à fait évident, qui renvoie à l’idée d’un passé commun qui n’avait pas

comme point de départ l’année 1989.

C’est en vertu de cette expérience commune acquise que le gouvernement semble se

constituer. Aucune référence au programme électoral du parti qui forme le cabinet, le FDSN,

et donc de l’adhésion de ses ministres à ce programme n’est pas faite. En ce contexte, la

continuité discursive au niveau du programme gouvernemental et les stratégies économiques

dréssées en accord avec les principes institués au début des années 1990 ne sont pas

512 Si nous observons la composition du cabinet lors de l’investiture nous avons l’image suivante : un ancien ministre Dan Mircea Popescu (travail et protection sociale), 9 anciens secrétaires d’Etat : Văcăroiu, Mişu Negriţoiu (Coordination, Stratégie et Réforme), Florin Georgescu (Finances), Theodor Viorel Meleşcanu (Affaires Etrangères), gén. Niculae Spiroiu (Défense), George Ioan Dănescu (Internes), Dumitru Popescu (Industrie), Andrei Chirică (Communications), Marian Cristea (Travaux Publics), un ancien adjoint du ministre d’avant 1989 Ioan Oancea, un conseiller du président Ion Iliescu, Valer Dorneanu. Des 21 ministres, seulement 11 sont des membres du FDSN.513 Nicolae Văcăroiu, Gheorghe Smeureanu, Nicolae Văcăroiu…, P. 81.514 Les conseillers cités sont Virgil Parvu, Ionel Desmireanu et Gheorghe Boulescu, Ibidem, Pp. 36-38.

étonnantes515. Le principe non partisan de cohésion instaurée entre les acteurs et de

reproduction d’anciens membres des exécutifs affecta aussi, en grande mesure, toute la

composition du second échelon du pouvoir516. Cependant, vu le contexte général d’absence de

négociation et de support politique au sein du parlement, les dynamiques d’ampleur de ce

second échelon de pouvoir reflétèrent d’une part les aléas des négociations politiques entre le

FDSN et ses alliés et de l’autre le respect du même principe d’autonomie décisionnelle des

acteurs à l’intérieur de leurs ministères.

4.2.4 L’équipe unitaire et la prise de décision

Ce qui est paradoxale dans le cas du cabinet Nicolae Văcăroiu est que nous assistons

clairement à un cabinet qui affirme et qui se constitue sur un principe de continuité, de la

valorisation de l’expérience exécutive de ses membres, et qui présente à la fois un des plus

hauts taux de changements au niveau du personnel gouvernemental de toutes les années qui

ont succédé aux événements de 1989. Dans le cadre d’un cabinet dont l’appartenance

politique semble jouer un rôle marginal, l’idée d’une certaine cohésion qui renvoyait à une

socialisation préalable des ministres et des secrétaires d’Etat jouait ainsi le rôle de lien et de

maintien de la cohésion. Partageant surtout des positions qui relèvent du domaine

économique517 et des référentiels qui renvoient plutôt à l’étatisme, la cohérence de l’équipe

semble assurée.

Ce principe n’est pas pour autant un phénomène général. Le Premier ministre a pu

nommer qu’une partie de son équipe et les négociations entre les partis politiques ont mené à

la nomination des acteurs qui ne partageaient ni un vécu commun avec les autres membres de

l’exécutif, ni une vision commune sur le programme gouvernemental. D’ailleurs dans ces cas,

les différences de perspective sont tout à fait visibles et l’absence d’expérience politique crée

515 D’ailleurs, cette observation est tout à fait renforcée par les déclarations de Nicolae Vacaroiu qui affirme : « Tout était très bien pensé et structuré et je crois que malgré les critiques, c’était notre expérience celle qui nous a aidé le plus. Outre cela, nous avons eu une certaine continuité, parce que on avait travaillé ensemble dès 1990 dans la commission de l’élaboration d’une stratégie de réforme dirigée par l’académicien Postolache » Nicolae Văcăroiu, Gheorghe Smeureanu, Op.Cit., P. 39.516 Même si au début le cabinet se présente comme un gouvernement monocolore, dès 1992 on peut retrouver parmi les secrétaires d’Etat nommés en décembre 1992 des membres du PUNR: Gheorghe Antohi (Agriculture et Alimentation), Serafim Duicu (Culture), Eugen Corneliu Gorcea (Finances), Aurel Novac (Transports). En février 1993 sera nommé également Vasile Ene (Communications) etc. 517 La position est reprise au niveau des secrétaires d’Etat qui dirigent aussi d’autres secteurs. De la sorte, Napoleon Pop, le chef du Département pour l’Intégration Européenne pensait ce processus en termes de profit économique en affirmant : « En Roumanie, l’intégration implique des marchés qui permettent la maximation des profits des revenus de devises, pour le parlement communautaire, des contributions à des coûts réduits de restructuration, modernisation, nouvelles investissements donc tout qui met l’économie en marche… », ***, Personnalités publiques et Politiques 1992-1994, section Administration et Autorités Autonomes, p.21

une position plutôt confuse quant à la politique gouvernementale. Illustrative à cet égard est

l’interrogation méditative du Ministre du Transport de l’époque susceptible d’être un proche

du PUNR :

« L’acte décisionnel implique des diverses chaînes de la structure étatique de l’économie nationale, qui selon les réglementations en vigueur ils n’ont aucune responsabilité juridique ou pénale. A l’exemple les sociétés commerciales, FPS et FPP sont les actionnaires. Les ministères ne peuvent pas intervenir qu’au niveau des réglementations et sur une ligne législative…Ma question, comme personne, non pas comme ministre : Qui est le propriétaire de ces sociétés commerciales ? Génériquement. La société ou l’Etat ? Donc personne ne répond. Qui est le responsable pour le bon déroulement de ces sociétés commerciales ? Il n’est pas clair… Mais la vie a démontré que sans une influence plus ou moins grande et sans un contrôle de l’Etat dans les secteurs vitaux de l’économie nationale notre système macro économique ne peut pas fonctionner…. »518

Au-delà de la confusion générale du ministre quant au fonctionnement des institutions

et de la justice, il faudrait spécifier que son interrogation ne manquait pas de sens. Les marges

d’action du Fond pour la Propriété d’Etat et du Fond pour la Propriété Privé, organismes

ayant comme but la réalisation de la privatisation, n’étaient pas clairement définies. Vu la

politique plutôt réticente du cabinet au niveau de sa stratégie dressée quant à la réforme

économique, il était clair que les capacités d’agir d’une manière indépendante de ces

organisations restent limitées. Cette déclaration est également importante pour une autre

raison. Elle dévoile la position des ministres extérieurs au noyau dur institué par la sélection

antérieurement décrite. Même si la position d’Aurel Novac s’inscrit dans une logique tout à

fait étatiste, elle est illustrative pour son isolement et pour l’absence de compréhension quant

à la politique du cabinet qu’il venait d’intégrer. Même si les portefeuilles de l’Agriculture et

celui des Transports, une fois occupés par des ministres disposant d’un support plus ou moins

discrète de la part du PUNR reçoivent des allocations financières privilégiées et durant

l’année 1995 disposent également du support de l’équipe gouvernementale dans l’adoption de

leurs mesures (les deux domaines exhibent une croissance notable quant au nombre des

décisions), ils restent néanmoins des extérieurs quant à leur influence sur les autres politiques

gouvernementales. Ces cas ne se limitent pas aux ministres des partis alliés, mais ils touchent

surtout les ministres stables du cabinet qui n’influaient pas directement les décisions

économiques519.

518 Déclaration de presse reprise dans ***, Personalitati publice, Politice …, avril 1994, P. 19.519 Ainsi le Ministre des Affaires Etrangères de l’époque, Theodor Meleşcanu, nous déclarait que n’ayant pas une affiliation politique, il avait eu un désavantage, car ses propositions n’étaient pas toujours soutenues au sein du cabinet. De la sorte, malgré une longue expérience exécutive, l’appartenance à un ministère important mais qui ne se rattachait pas directement aux questions économiques faisait que celui-ci ne s’intègre pas directement dans le noyau dur décisionnel du cabinet

La demande initiale de Văcăroiu quant à la nomination de sept-huit ministres peut

ainsi être lue sous l’angle d’un besoin de coordination. La présence d’un nombre minimal de

ses proches lui assurait un contrôle sur la politique générale du cabinet, car ses propos étaient

bloqués avec difficulté lors du vote ouvert dans la séance du cabinet. En outre, l’orientation

de ces propositions surtout vers le secteur économique lui donnait de la liberté dans la

réglementation du principal secteur de l’activité de l’exécutif et en même temps lui facilitait

le contrôle des acteurs ayant de l’expertise en ce domaine technique. En revanche,

l’orientation de la sélection vers les secteurs économiques faisait que la coordination vise

qu’une partie des activités des ministres. Même si parfois limités dans leurs actions au niveau

des séances gouvernementales, les ministres marginaux disposaient cependant d’une certaine

autonomie décisionnelle.520.

Le principe qui s’instaure ainsi au niveau de la prise de décision gouvernementale

semble être celui de la collégialité. L’absence de poids au niveau du parti du Premier ministre

est ainsi remplacée par un processus de fiabilité qui résulte d’une sélection des ministres qui

partagent généralement ses opinions quant aux directions économiques du cabinet. La

consécration d’un centre décisionnel par la présence des ministres ayant un profil spécifique

assure aussi en certains degrés le contrôle d’autres domaines en ce qui concerne les grandes

décisions sectorielles. Cependant, lorsqu’il s’agit de l’organisation interne des ministères ou

de l’implémentation, les gouvernants échappent du regard attentif du leader du cabinet. De

cette manière, à part le remaniement des ministres suite aux négociations politiques, dans les

secteurs économiques surtout les changements constituent également une source de sanction

en cas de faillibilité des ministres en place521.

520 Melescanu déclare ainsi que durant son mandat a pu obtenir du support politique de la part des partis qui se trouvaient dans l’opposition qu’il avait impliqué dans un Conseil consultatif organisé par son ministère ce qui lui a assuré un certain support quant aux décisions des politiques étrangères surtout au parlement. Ce qui serait intéressant de voir est en quelle mesure il a existé un support politique pour le cabinet de la part de la Convention Démocratique. Il est vrai que la période du cabinet Nicolae Văcăroiu est marquée par des témoignages de désapprobation très puissants qui sont visibles au niveau des déclarations, mais aussi au niveau des motions, car on peut compter 11 motions simples et quatre motions de censure. De l’autre côté, au moins en ce qui concerne le domaine des affaires étrangères il existe une certaine coopération entre ces adversaires politiques. Par ailleurs, Melescanu invoque cette coopération avec les partis historiques en parlant d’un Conseil Consultatif constitué auprès le Ministère des Affaires Etrangères où participaient tous les représentants des partis politiques, ainsi que de la formation d’une ONG qui visait toujours le support des relations avec l’extérieur. Intéressant est que le Conseil d’administration de cette ONG comprenait des membres tels que Corneliu Coposu, Ion Iliescu ou Radu Câmpeanu. Vu la position assez particulière du ministre des Affaires étrangères, nous pouvons pourtant affirmer que cette stratégie adaptative, de collaboration avec la présidence et le parlement se constitue plutôt dans un cas isolé.521 Văcăroiu affirmait ainsi : « et n’oubliez pas que j’ai changé trois ministres du commerce et j’ai effectué une rotation parmi les personnes qui dirigeaient les compartiments qui accordaient ces licences »Nicolae Văcăroiu, Gheorghe Smeureanu, Nicolae Văcăroiu…, P. 163.

4.2.5 1992-1996 : La cohésion occupationnelle et la coordination économique

Au niveau général, le cabinet Nicolae Văcăroiu peut être décrit par un principe de

cohésion qui instaure une prise de décision collégiale et avec un haut degré de coordination.

Le profil relié au passé des principaux ministres expliquent en grande mesure les décisions

protectionnistes et étatistes du cabinet. Nonobstant, on ne peut pas ignorer le fait que le

gouvernement est un de plus instables du point de vue du personnel politique. La politique de

sanction ou encore l’idée d’une rotation du personnel afin d’assurer une bonne coordination

conduit en grande mesure à des discontinuités décisionnelles522 et a engendré des effets

contraires quant à la direction des politiques gouvernementales. Dans cette perspective, la

simple expérience gouvernementale préalable des acteurs s’avère non suffisante. Le ressort

principal pour une bonne coordination du cabinet reste ancré dans les relations qui se

nouent entre les acteurs politiques. Il faudrait également préciser que la coordination

décisionnelle ne touche pas en égale mesure tous les secteurs. Les portefeuilles dirigés par

les ministres ou les secrétaires d’Etat d’autres formations politiques, les positions non

économiques s’échappent à cette logique générale. Le support du parti ou les autres

stratégies décisionnelles des acteurs constituent des leviers permettant d’obtenir le support

financier pour les politiques décidées d’une manière personnelle. L’autonomie décisionnelle

reste de la sorte une constante qui touche comme dans le cas des autres cabinets les secteurs

n’ayant pas de relation directe avec la réforme économique.

4.2 1996-2000 : Les sangles de l'algorithme et le conflit politique

4.3.1 Le contexte politique général

522 Dans le premier cas, du renouveau du personnel un secrétaire d’Etat de l’époque nous a déclaré que : « j’ai du assumer mes tâches en marche, car elles attendaient leurs solutions depuis longtemps, parce que le secrétaire d’Etat précédent avait déposé sa démission ainsi que tout le commandement de la direction, en conséquence, mon département ne fonctionnait plus depuis longtemps, depuis quelques mois ». Mais cette situation apparaisse également dans le cas des transferts d’un cabinet à un autre : « Gheorghe Tinca, ancien secrétaire d’Etat au MAE, en parlant des accusations parus dans la presse portant sur l’existence d’une réaction de rejet au sein du Ministère de la Défense quant à sa nomination déclarait que : « l’article en cause affirme que j’aurais crée des factions au sein du ministère qui s’érodent entre elles. C’est tout à fait stupide, comment serait capable une personne civile de créer, en quatre mois, des factions tellement puissantes qui s’écorchent entre elles… Ces associations de mots auraient un sens si on affirmait que j’ai détruit les factions existantes. A ce moment-là je serais devenu odieux. Evidemment, je n’aurais pu faire ni cela, parce que s’il avait existé de telles « factions », moi j’aurais été trop nouveau pour les connaître » V. Gheorghe Tinca, De vorba cu Gheorghe Tinca [Conversations avec Gheorghe Tinca], ed Enciclopedica, Bucarest, 1996, P.34

La première alternance du postcommunisme roumain qui eût lieu le 3 novembre 1996,

suite à la victoire de la coalition de centre-droite : la Convention Démocratique de

Roumanie523. Néanmoins, le score obtenu par la CDR ne lui a pas permis la formation d’un

cabinet et après la communication des résultats électoraux, la CDR chercha le support

politique nécessaire pour former le gouvernement. Par conséquent, elle unit ses forces à

l’Union Sociale Démocrate524 et l’UDHR. Ainsi, le 6 décembre 1996 a été signé à Cotroceni

« l’Accord de solidarité gouvernementale et parlementaire » par lequel les partis politiques

s’engageaient à respecter les principes du programme du gouvernement concernant les

mesures urgentes des premiers six mois et ainsi que les directions du programme

gouvernemental. Conçu afin de fournir les mécanismes censés d’assurer la solidarité de

l’équipe gouvernementale, l’Accord instituait également les Conseils de Coordination

politique (CoCoPo) et le Conseil de Coordination Parlementaire (CoCoPa) ayant comme but

d’atténuer les possibles conflits entre les partis membre de la coalition, de fournir une base de

débat quant à l’harmonisation des visions portant sur les politiques à mener et de négocier

l’algorithme politique. Ces deux organismes de coordination cessèrent leur activité dès le

début de l’année 1998, la seule coordination décisionnelle se déroulant à l’intérieur des partis

politiques et au niveau des négociations entre les leaders politiques525. Vu le morcellement

des partis qui affirment leur support pour le nouveau cabinet ainsi que le nombre élevé des

formations politiques qui ont été représentées dans le cabinet, la seule formule viable du

fonctionnement de l'exécutif fut l'application de cet algorithme fixe, négocié en vitesse, à tous

les niveaux.

523 Cristian Preda, România post-comunistă şi România interbelică [La Roumanie postcommuniste et la Roumanie de l’entre-deux-guerres], Pp.46-47. Des 122 mandats obtenus par la CDR dans la Chambre des Députés les mandats sont distribués dans la manière suivante : 83 pour le Parti National Paysan Chrétien et Démocrate, 25 pour le Parti National Libéral, 5 mandats pour le Parti National Libéral-la Convention Démocratique, 5 pour le parti Ecologiste Roumain, 3 pour le Parti l’Alternative de la Roumanie et un mandat pour la Fédération Ecologiste Roumaine. En ce qui concerne les 53 mandats obtenus par la Convention dans le Sénat la distribution est la suivante : 27 pour PNPCD, 16 pour PNL, 5 PNLCD, 3 PAR, 1 mandat pour PER et un pour FER.524 Ibidem, Pp.46-47. En ce qui concerne la distribution des mandats dans le cas de l’USD les résultats sont les suivants : pour la Chambre des Députés de 53 mandats, 43 appartiennent au Parti Démocrate et 10 sont des mandats pour le Parti Social Démocrate de Roumanie ; et pour le Sénat des 23 mandats 22 sont les mandats PD et un mandat PSDR.525 Dans ses mémoires du second Premier ministre de la période qui commença son mandant en 1998, Radu Vasile, celui-ci précise « La première chose que j’avais fait ce fut d’aller personnellement aux sièges des partis politiques du gouvernement pour entrer en possession des listes des ministres proposés. J’avais demandé en ce moment à Petre Roman, Valeriu Stoica et Marko Bela qu’ils entament un protocole par lequel on accordait au Premier ministre un plus de pouvoir […]. Dès mon arrivé au Palais Victoria j’ai dissout tous les Cocopo et les Cocopa, des véritables assemhlées chronophagues et dont l’utilité était nule ». V. Radu Vasile, Cursa pe contrasens Amintirile unui Prim ministru [Course à contresens. Les souvenirs d’un Premier ministre], Humanitas, Bucarest, 2002, P. 144

La formation d’une coalition surdimensionnée incluant des formations politiques

ayant des affiliations idéologiques très diverses engendra toute une série de difficultés dans la

construction d’un consensus politique. Particulièrement, l’inclusion du Parti Démocrate, parti

qui à l’origine était la faction principale du FSN provoqua des collisions entre les membres

du PNPcd, le parti formateur de la coalition, et ceux du PD526. A ce premier type de conflit

qui avait régi, dans des divers degrés, toute la période 1996-2000, s’ajoutait un autre, visant

la lutte à l’intérieur du principal parti de la coalition le PNPcd. Le choix pour le premier

ministre dans la personne de Victor Ciorbea un nouveau entré dans le parti avait soulevé le

mécontentement d’une faction du PNPcd qui militait pour la candidature de Radu Vasile527.

Les prétentions de Radu Vasile le second Premier ministre de la période, de devenir chef du

PNPcd ont mené (dans un contexte conflictuel général) à la fin du gouvernement528.

Ces deux grands conflits ont structuré le champ gouvernemental en donnant son

caractère instable. La négociation postélectorale des portefeuilles réalisée sous l’empire de la

contrainte temporelle et sans un référentiel exacte aux orientations des partis politiques de la

coalition529 a donné naissance à toute une série de transformations ultérieures. Les

526 Les représentants du PD ont considéré dès le début qu’ils ont négocié d’une manière défectueuse leur support pour la CDR. Comme le souligna le président du parti, Petre Roman, dans une lettre adressée au président Emil Constantinescu : « Si on avait fait un seul pas vers le PDSR, nous aurions pu incliner la balance électorale en la faveur de l’ancien chef de l’Etat, en bloquant l’alternance en échange des positions privilégiées dans un régime de cohabitation. » Le PD était d’ailleurs perçu par au moins une partie des membres de la Convention comme un parti successeur, ce que Roman n’hésite pas à invoquer dans son discours : « la CDR a continué de nous regarder comme un sorte de parti néo-communiste » et encore il ajouta que : « j’ai constaté très rapidement dès la formation du cabinet… que la pensée dans la CDR était per essentiam la suivante : le PDSR est mort, maintenant nous devons enterrer le PD que nous régnions sans adversaires et sans problèmes. » V. Petre Roman, Elena Stefoi, Mărturii provocate [Témoignages provoqués], P.338 (la lettre a été adressée au président Emil Constantinescu le 8 août 1997), Pp. 57, 338. Il est probable, qu’au-delà des calculs politiques très clairs qui poussaient Roman de déclarer son désaveu dès 1997, la position du leader PD ait une graine de vérité, car en parlant du PD Ciorbea disait que : « le PD ne s’est jamais éloigné de ses racines initiales. » V. Ciorbea, Liviu Valenas, Republica iresponsabililor. Convorbiri cu Victor Ciorbea [La République des irresponsables. Conversations avec Victor Ciorbea], ed. Tritonic, Bucarest, 2003, P.40527 La position de Victor Ciorbea, à la direction du cabinet, à reçu des contestations au sein de son propre parti (preuve en est la lettre ouverte du vice-président du PNPCD, Sorin Lepşa, et des 40 parlementaires représentant le groupe de Brasov qui soutenaient Radu Vasile). Situant l’origine temporelle de ce groupe à quatre mois après l’investiture du premier cabinet de la période, Vasile affirme que le groupe s’est formé parce qu’on considérait que « soutenir Ciorbea dans le conflit avec le PD aurait mené à l’accentuation de la crise » à un moment où la crise et les tensions entre le PNPcd et le PD ne étaient pas déclenchés. V. Radu Vasile, Cursă pe contrasens. Amintirile unui Prim ministru, P.78528 Pratiquement, tous les membres du gouvernement, commençant avec les membres du PNPcd (le 13décembre 1999) ont déposés leurs démissions. En même temps, le Bureau Central du Parti National Paysan Chrétien et Démocrate a retiré son support pour Radu Vasile. Après un moment, finalement, Radu Vasile a renoncé à sa fonction le 17 décembre 1999, à un moment où on cherchait déjà un nouveau Premier ministre. 529 Le PNPCD a reçu le poste de Premier ministre et les ministères ayant un profil économique (les Finances, la Réforme, l’Agriculture et l’Alimentation, la Privatisation), les Internes, les Travaux publiques et l’Aménagement du Territoire, l’Enseignement, la Santé, la Culture, le Secrétariat Général du Gouvernement et le Département de l’Administration Publique Locale, ainsi que deux secrétaires d’Etats membres du gouvernement. Les libéraux ont pu sélectionner les ministres des ministères suivants : Justice, Communications, Informations publiques ainsi qu’un poste de secrétaire d’Etat membre du gouvernement. L’UDHR détenait le

remaniements et les restructurations de la période cachent au fond cette logique de

renégociation initiale530.

Il faudrait cependant préciser que nous considérons que dans un contexte général qui

fut assez marqué par des mouvements sociaux et des négociations avec les organismes

internationaux, les conflits entre les partis gouvernants n’avaient pas impliqué uniquement

une dimension visant la distribution des portefeuilles, mais ils eurent à la base aussi des

débats substantiels. Des sujets saillants pour les formations de la coalition visant les projets

concernant la rétrocession des terrains et des immeubles nationalisés ou la fiscalité ne

produisaient de consensus entre les partis politiques ni d’un point de vue de leur importance,

ni en ce qui concerne la manière proprement dite dans laquelle la réforme aurait du être

envisagée. Le caractère hétéroclite des représentations, l’absence d’une négociation préalable

d’un programme politique entre tous les membres de la coalition produira une faille entre les

membres de la coalition qui déboucha dans des nombreux conflits internes.

4.3.2 Le Programme : «un libéralisme ambigu et l’ouverture à une occidentalisation

radicale»

La coalition qui arrivait au pouvoir après les élections de 1996 présentait un tableau

hétéroclite quant aux référentiels idéologiques de ses composantes ainsi qu’en ce qui

concerne les objectifs que les partis s’attribuèrent au niveau du programme. La Convention

Démocratique, parapluie de plusieurs partis et associations civiques qui réunissait à la fois

des tendances libérales et chrétiennes démocrates, rejoignait une alliance électorale social-

poste au Ministère du Tourisme et ils dirigeaient les affaires portant sur les minorités nationales tandis que le PSDR détenait un seul portefeuille celui du Travail et de la Protection Sociale. Enfin, le PD détenait le pouvoir de désignation dans le cas des ministères suivants : Affaires étrangères, Défense, Environnement, la Recherche et la Relation avec le Parlement.530 A différence de l’observation de Vladimir Tismaneanu qui considérait que « tous les options fondamentales visant les dynamiques des personnes ont été liées aux sympathies, aux affinités ou leur absence au niveau de la fonction présidentielle » (V. Vladimir Tismăneanu în dialog cu Mircea Mihăieş, Încet spre Europa[Lentement vers l’Europe], éd. Polirom, Iasi, 2000, P.41) on considère le rôle du président de l’époque comme ayant une influence limitée sur les remaniements gouvernementaux. En ce sens, on prend en compte l’observation d’Alexandra Ionescu qui en analysant la relation entre le président et la majorité parlementaire, parlait de la période 1996-2000 comme une période de semi parlementarisme, par distinction des mandats d’Ion Iliescu qui se caractérisait par un semi présidentialisme. Nous considérons donc qu’au-delà des interventions possibles du président dans le changement des personnes, le rôle primordial sur la scène politique de la période a été occupé par les leaders des partis politiques, qui avaient un pouvoir de chantage. Cela leur permettait au bout du compte de décider de faire ou de ne pas faire un certain compromis. Le deuxième argument qui pourrait soutenir une telle position consiste à dire qu’il serait tout à fait inexplicable comment un président qui contrôle les changements dans le cabinet et qui peut imposer sa position aux leaders des partis politiques n’ait pas pu imposer aussi une certaine cohésion de la coalition. V. Alexandra Ionescu, « Les partis postcommunistes roumains : entre rupture et continuité », dans Alexandra Ionescu, Odette Tomescu –Hatto (éd.), Politique et société dans le Roumanie contemporaine, l’Harmattan, coll. Logiques Politiques, Paris, 2004, Pp. 75-95.

démocrate. Le problème de l’ajustement du programme gouvernemental est devenu ainsi une

difficulté majeure.

Les différences de perspective entre les documents de campagne des deux alliances

s’inscrivaient d’ailleurs dans la normalité des représentations idéologiques qui se réclament

des traditions politiques distinctes. Cependant, ces divergences des représentations devinrent

problématiques lorsqu’elles ont du être intégrées d’une manière rapide dans un programme

gouvernemental qui n’avait pas été pré-négocié durant la période préélectorale. La méthode

choisie afin de dépasser cette impasse fut également problématique. Le principe adopté

prévoyant que chaque ministre rédige le chapitre portant sur le programme du ministère où il

sera nommé engendra immédiatement l’absence de cohérence générale du programme

gouvernemental. Le manque d’harmonisation des perspectives dans les politiques est général.

Les reconfigurations de l’algorithme quant au partage des portefeuilles ministériels risquaient

également de basculer, au cas de renégociation de l’accord initial, toute la logique

décisionnelle entamée.531.

Lorsqu’on regarde les programmes gouvernementaux de la période on peut observer

l’imbrication de toute une série d’éléments. Cependant si on est à reprendre la présentation du

programme général de l’exécutif532, l’influence sociodémocrate est indéniable. De la sorte, les

objectifs à court terme du cabinet se focalisèrent sur « la survie durant l’hiver sans le sacrifice

de ceux qui sont d’habitude sacrifiés », sur les mesures protectionnistes visant les paysans et

les enfants ainsi que sur la lutte contre la corruption, la lutte contre la pauvreté, l’ouverture

vers l’extérieur notamment en ce qui concerne l’OTAN et l’UE. Le Premier ministre

annonçait la libéralisation de l’énergie, mais non pas d’une manière immédiate, et il prônait,

en dépit des mesures protectionnistes, l’idée d’un budget d’austérité. L’ordre discursif est très

important à cet égard. De l’ancien programme du CDR on garde principalement les mesures

sociales, tout comme le thème de la lutte contre la corruption. En revanche, la question de la

531 D’ailleurs il n’est pas claire justement comment les diverses influences sur le programme ont été articulés. Le paradoxe soulevé par Valeriu Stoica qui affirme que le cabinet dans lequel le principal parti du cabinet était le PNPcd a proposé comme programme économique, le projet du PD, est d’ailleurs discutable: « on a assumé dans la plupart des cas les idées qui ont été inscrites dans le programme de gouvernement du PD. » Valeriu Stoica, Dragoş Paul Aligică, Provocări liberale [Défis libéraux], Humanitas, Bucarest, 2003, P. 51. Au fond les principales critiques formulées par Traian Basescu à l’égard du cabinet Victor Ciorbea étaient que « loin de faire la réforme demandée par les instances extérieures du pays », celui-ci « a raté dans les premiers six mois », vu que le gouvernement mène une « politique exagérée social démocrate » (L’entretien a été réalisé par Claudiu Săftoiu et il a été publié dans le quotidien Evenimentul Zilei du 29 décembre 1997 dans une version abrégée et republié le 12 janvier 1998, No. 1684, P. 7. (Nous avons utilisé les extraits parus dans la première version de l’article). 532 Le discours du Premier ministre désigné, Victor Ciorbea, à l’occasion de la présentation du programme du gouvernement et du Gouvernement devant le Parlement, Bucarest, 11 décembre 1996, V. également ***, Le programme socio-économique à court terme. Les mesures prioritaires pour les premières six mois de gouvernement, Bucarest, décembre 1996

propriété est moins accentuée, ainsi que le thème visant le contrôle de la transparence quant

aux revenus des leaders politiques. La corruption devient ainsi un terme global qui fait

référence particulièrement aux mécanismes du marché noir. Les objectifs gouvernementaux

exhibent en grande mesure cet éclectisme533. Ainsi, dans le programme qui établissait les

objectifs de l’exécutif, on peut identifier trois axes : la réglementation du cadre des activités

économiques, l’intervention pour la correction des situations de l’échec du marché (le

monopole des ressources naturelles, la protection de l’environnement, l’enseignement et la

culture, la santé, la recherche etc.) et la redistribution des revenus qui porte principalement

sur le combat contre la pauvreté.

De la sorte, malgré le démarrage d’un processus de réforme économique, il faudrait

noter que les cabinets de la période ne risquent pas d’assumer une politique de réforme

économique radicale. D’ailleurs le chapitre du programme de gouvernance durant la période

1998-2000 qui portait sur la réforme des entreprises ne contient aucune référence à la

fermeture de colos industrielles qui étaient en faillite534. La tendance vers la réforme

économique est évidente dans les allocations budgétaires, mais aussi au niveau

l’accroissement de la codification de ce secteur durant la période 1997-1998. Moins de moitié

du pourcentage des dépenses qui étaient alloués aux secteurs économiques au début de

l’année 1990 étaient prévues dans les budgets des exécutifs de la période. Cependant ces

politiques restent dépendantes en grande mesure de la couleur politique du ministre en place.

Ainsi, le passage du portefeuille de l’Industrie du PNPcd vers le PD en 1998 fait qu’on

assiste à un accroissement important du nombre des décisions gouvernementales visant cet

objectif. A part des domaines visiblement influés par la conditionnalité externe, tels que

l’intérieur ou l’environnement, il faudrait donc noter que la construction même du

programme gouvernemental exhibe plutôt des caractéristiques des acteurs et de leurs

perspectives personnelles que le résultat d’un processus pensé longuement et négocié par les

représentants des partis. Les variations dans les formules des portefeuilles permettent ainsi

d’approximer d’une manière confondue les différences de perspective entre les partis et les

acteurs politiques.

Cependant, il faudrait spécifier une différence notable au niveau de la rédaction du

programme gouvernemental. Si on est à comparer les documents gouvernementaux de la

période 1996-2000 à ceux de la période antérieure il est évident le souci pour la création de

533 ***, Le Programme de base de macro-stabilisation et développement de la Roumanie jusqu’en l’année 2000, Bucarest, Décembre 1996534 ***, Governance Programme 1998-2000 of the Romanian Government led by Prime Minister Radu Vasile. Short Terme High Priority Objectives and Measures, Avril 1998, Bucarest.

nouveaux cadres institutionnels et législatifs. Pratiquement à peu près tous les chapitres

contiennent des références quant aux futurs projets de loi, de nouveaux organismes censés

d’aider les processus décisionnels ainsi que de mettre en place une certaine décentralisation

qui resta cependant assez limitée. L’hétérogénéité initiale des référentiels idéologiques,

l’éclectisme du programme gouvernemental, qui malgré les déclarations des acteurs, change

d’une période à l’autre (et en fonction des ministres qui forment l’équipe gouvernementale)

sont ainsi censés d’engendrer des différences notables quant aux politiques adoptées par les

cabinets de la période. L’appartenance politique du membre du cabinet s’institue ainsi

comme un premier ressort déterminant la ligne directrice de la politique gouvernementale.

4.3.3 La composition de l’équipe gouvernementale et l’absence de consensus

Les Premiers ministres. Lorsqu’on tourne notre attention vers la désignation des Premiers

ministres roumains postcommunistes, trois portraits distincts sont mis en relief. Le premier de

cette série assez nombreuse (vu la courte période de quatre ans) a été Victor Ciorbea.

Récemment élu le maire de Bucarest, Ciorbea fut plutôt une solution de compromis, car il

était un des nouveaux membres du parti formateur de la coalition le PNPcd. Comme Victor

Ciorbea nous a expliqué : « J’étais un membre récent du Parti National Paysan. Je n’étais pas

impliqué dans les luttes intestines », par la suite, la nomination « n’avait pas trop dérangé les

dirigeants du PNL parce que je n’étais pas considéré un membre fondamentaliste du

PNPcd ». La nomination de Ciorbea peut être comprise en prenant en compte plusieurs

éléments, le capital de confiance acquis suite aux élections locales déroulées durant la même

année, le soutien de l’Alliance Civique et une raison symbolique, le fait qu’il était originaire

de Transylvanie. Cependant le plus important facteur, fait paradoxal d’ailleurs pour une

nomination d’une coalition de centre-droite, constitua son expérience au niveau du

mouvement syndical535. L’absence d’influence à l’intérieur du parti constitua donc pour ce

Premier ministre qui est d’ailleurs le premier à être membre d’une formation politique avant

sa première nomination, joua durant la période analysée un double rôle. Elle a eu une

fonction positive, car elle participa à la dimension de compromis de tous les partis membres

535 En juin 1990, Ciorbea a été élu comme président du CNSDR une des plus grandes organisations syndicales et en Septembre 1994, dans un contexte des tiraillements et des conflits visant le pouvoir au sein du syndicat, il signa un protocole de collaboration avec la direction de la Convention Démocratique qui à l’époque était dirigée par le futur Président du pays Emil Constantinescu. Ce protocole mena à la formation d’une nouvelle confédération CSDR sous la direction de Victor Ciorbea qui devint également un membre observateur du Comité Exécutif de la Convention.

de la coalition, mais aussi elle engendra des effets négatifs, car elle institua un pouvoir très

limité du Premier ministre dans le processus de la prise de décision.

A différence de ce premier portrait qui met en exergue une relation limitée entre le

leader du cabinet et le parti de support, le Premier ministre qui lui a succédé présente en tant

que principale ressource dans sa nomination justement l’expérience à l’intérieur du parti.

Suite à la démission de Victor Ciorbea, le 31 mars 1998, les leaders des partis politiques de la

coalition se réunissaient à Cotroceni afin de designer le nouveau chef de l’exécutif. Des

divers candidats véhiculés au sein du PNPcd, Radu Vasile a été sélectionné pour la fonction.

Vasile était un universitaire ayant une longue expérience au niveau du parti. A une première

vue le profil du Premier ministre s’harmonisait parfaitement avec les lignes directrices du

parti et à sa politique anticommuniste536. Membre marquant du PNPcd, il occupa les fonctions

de vice-président et le porte parole du parti. Etant donné ses ressources, Vasile considérait

que la fonction de Premier ministre il lui revenait de droit. Les sources du conflit qui culmina

avec la fin du mandat du Premier ministre semblent résider d’ailleurs, dans la période d’avant

sa nomination, car comme Radu Vasile le reconnait, il avait commencé son mandat avec une

attitude hostile par rapport aux membres du parti qui l’ont nommé537.

Une fois que Radu Vasile quitta le gouvernement, les leaders de la coalition ont

essayé à se mettre d’accord sur le nom d’un nouveau Premier ministre. Face à l’absence du

consensus portant sur un candidat à l’intérieur même du PNPcd, la solution choisie a été le

chef de la Banque Nationale, Mugur Isărescu.538 En fait, Isărescu était la solution parfaite

pour un nouveau compromis. Ayant une expérience dans la recherche dans le domaine

économique (avant 1989), il fut également un diplomate immédiatement après l’écroulement

du communisme. A partir du septembre 1990 il a été nommé par Petre Roman le Gouverneur

et le chair du Comité directeur de la Banque Nationale de la Roumanie qu’il dirigea à

536 Après avoir obtenu son diplôme en histoire, on lui a interdit l’accès aux études des cycles supérieurs à cause du fait que son père était un ancien détenu politique. Il n’avait pas été membre du Parti Communiste et pour cette raison sa carrière académique fut bloquée au niveau académique de maître de conférence. Après la révolution il devient membre du PNPcd, et à partir de 1992 il est parlementaire, étant élu comme vice-président du Sénat dans deux législatures consécutives (1993-1998).537 « Je suis devenu ministre avec un retard de deux années, les temps ont changé […]. Mon enthousiasme avait considérablement baissé et la confiance en mes collègues s’était anéanti pour toujours» V. Radu Vasile, Op.Cit., Pp.141-142.538Les raisons qui ont été derrière sa nomination sont subsumées par Mircea Ionescu Quintus, le président du PNL, de la manière suivante : « Je me souviens, même avec émotion, de la nuit dans laquelle les leaders des partis de la coalition essayaient de trouver une formule pour le futur gouvernement… J’étais un de ceux qui ont soutenu qu’on avait besoin d’une personne, d’une personnalité de l’extérieur des partis politiques, sans appliquer l’algorithme, d’un homme qui ait un bagage de connaissances économiques et financières, qui soit connu non seulement à l’intérieur du pays… Et je me souviens d’avoir prononcé, moi aussi, le nom de Mugur Isărescu, que je connaissais et j’appréciais beaucoup. » V. Mircea Ionescu Quintus, Liberal din tată-n fiu [Libéral de père en fils], Vitruviu, Bucarest, 1996. P. 113.

l’exception de la durée de son mandant, pendant tout le postcommunisme roumain. Comme

dans le cas de Theodor Stolojan, le septième Premier ministre roumain présente ainsi l’image

d’un technocrate, disposant d’un mandat limité ayant comme but d’assurer la continuité

décisionnelle et la préparation des élections.

Les équipes gouvernementales. La logique de coalition qui s’est imposée après 1996 fait

que les trois équipes gouvernementales formées après les élections n’aient pas été construites

par les chefs des exécutifs mais par la direction des partis membres de la coalition.

Indifféremment du profil du Premier ministre et de son degré d’implication dans le parti,

cette procédure fonctionna en égale mesure pour tous les trois cabinets539, en contraignant les

Premiers ministres à diriger des ministres qu’ils ne connaissaient pas auparavant.

Malgré cette difficulté, la sélection n’exclut cependant pas la possibilité de la

formulation d’un cabinet cohésif. Au fond, la plupart des ministres étaient des anciens

parlementaires et membres de la Convention Démocrate de Roumanie. Ils se connaissaient

entre eux et ils avaient travaillé ensemble auparavant. Néanmoins, un autre facteur compliqua

encore la formation du cabinet. Les négociations pour le support politique avaient produit des

renversements importants par rapport à la sélection projetée avant la création de la coalition

gouvernementale. Il y avait eu des membres, spécialement du PNPcd, qui attendaient de

devenir ministres qu’ils avaient participé à la création du programme gouvernemental d’un

ministère et qui se voyaient contraints à renoncer à leurs positions ministérielles suite à la

négociation de la distribution des portefeuilles que CDR entama avec les autres partis

politiques540. De l’autre côté, il existait des ministres qui sont nommés et dont les

539 Par rapport à ce processus de sélection, la personne du Premier ministre s’est située plutôt en dehors du processus, car Victor Ciorbea nous a déclaré que : « Sans doute que je n’aie pas eu une contribution significative dans la formation de l’équipe gouvernementale. Cela aussi parce que je connaissais très peu la plupart des ministres et beaucoup d’entre eux je ne les connaissais pas du tout. » Ciorbea affirma que de toutes les nominations opérées, il n’a pas eu un mot à dire qu’en ce qui concernait le Ministre de la Justice, Valeriu Stoica et le Ministre du Travail et de la Solidarité Sociale, Alexandru Athanasiu qui avaient été ses collègues à la Faculté de Droit et dans la magistrature, ainsi que dans la sélection de Valerian Stan le chef du Corps de Contrôle du Premier ministre, du porte parole du cabinet et du secrétaire d’Etat responsable de la relation avec les syndicats. La même déclaration est à identifier dans le cas du Radu Vasile qui a pu constater son absence d’autorité dans la question des dynamiques du personnel et il n’essayera même pas de dépasser ce blocage. Sur cette question le Premier ministre précisa : « Le grand drame que j’ai vécu à l’occasion de mon mandat a été que je n’avais aucun pouvoir de changer mes ministres. L’algorithme en vigueur dans le schéma de division des portefeuilles m’obligeait de le respecter en donnant à un parti le nombre des portefeuilles prévus, et d’autre part, me contraignait à ne pas pouvoir changer un ministre sans avoir le consentement du chef du parti d’où le ministre provenait. » V. Radu Vasile, Op. Cit., P. 148.540 D’ailleurs la situation est encore plus dramatique et d’autres solutions furent envisagées à travers la période afin de résoudre la question de la distribution des portefeuilles. Si on prend en compte le témoignage du secrétaire général du PNPcd Radu Vasile (avec une certaine dose de précaution), les gouvernants du moment ont procédé même à processus de création institutionnelle afin de résoudre les problèmes de personnel. En se rappelant des séances du PNPcd, où on a décidé sélection des ministres, il avait raconté comment, par un intérêt

candidatures sont négociées sans que ceux-ci soient annoncés officiellement et qui, par leurs

nominations inattendues inversent les négociations préalables541. Ce qui est pourtant assez

certain dans la désignation des ministres est le fait qu’en l’absence d’un algorithme avant les

élections et par l’addition de la coalition des représentants de l’USD et de l’UDHR, la

création du cabinet a généré des distorsions et des contradictions à l’intérieur de la CDR. En

ce contexte, les relations personnelles entre les futurs ministres et le leadership du parti qui

fait la nomination acquièrent un rôle à part quant à la promotion de l’acteur politique en

cause.

Le même tableau hétéroclite fut complété par les nominations des secrétaires d’Etat.

De nouveau, les Premiers ministres n’ont pas eu un rôle dans les sélections. Les secrétaires

d’Etat ont été nommés selon un algorithme dans chaque ministère. Pratiquement, dans un

ministère qui avait un ministre provenant d’un certain parti, sur l’échelon second, celui-ci

était doublé par des secrétaires d’Etat nommés et sélectionnés par les leaders des autres partis

de la coalition. Formule d’ailleurs connue comme mécanisme censé à surveiller l’activité des

ministères dirigés par d’autres membres de la coalition542, cette procédure réduit cependant

beaucoup la capacité de coordination générale de l’activité du cabinet. Cela étant, les

dynamiques des secrétaires d’Etat dépendaient en premier lieu des pratiques individuelles des

partis et deuxièmement de la coïncidence dans la couleur politique du secrétaire d’Etat et du

ministre. Dans ce deuxième cas, le ministre « pouvait changer [le secrétaire d’Etat], parce

qu’il avait la relation dans le parti lui étant ministre. Finalement, il était dans une position

supérieure que le secrétaire d’Etat et on pouvait trouver une solution. Si le secrétaire d’Etat

était d’un autre parti politique, le changement fut plus difficile et alors les choses se passaient

autrement : soit le ministre ne lui donnait rien à travailler, soit des tensions etc. »

Il est intéressant que les pratiques de nomination divergent d’un parti à autre, en

fonction de leur profil politique. Néanmoins, au niveau de l’économie générale des cabinets,

les nominations obéirent strictement aux mêmes règles à travers toute la période. Le profil

des ministres en tant que tel, même s’il exhibe une certaine tendance vers la valorisation de

personnel (Radu Vasile explique que la position de Mircea Ciumara au sein du PNPcd l’incommodait dans la question portant sur les conseils départementaux qui se situaient sous la commande directe du secrétaire exécutif), il avait convaincu le président du parti, Ion Diaconescu, de nommer Mircea Ciumara aux Finances. En contrepartie, le président du PNPcd: « Aux Finances ne va pas, Spineanu a un savoir faire au niveau des théories, des plans et des projets. Il est inégalable quand il donne des explications théoriques, mais seulement à cela. Qu’on crée nous un ministère pour lui et appelons le Ministère de la Réforme. » V. Radu Vasile, Op.Cit., Pp. 117-118.541 Valeriu Stoica, Dragoş Paul Aligică, Op.Cit., P.48. Le cas de Valeriu Stoica est encore plus intéressant car les négociations préalables pour le portefeuille de la Justice avaient établi que le ministre nominalisé pour cette fonction sera Nicolae Cerveni (PNL-CD).542 R. Andeweg, « Ministers as Double Agents », P. 384.

l’expérience parlementaire, est moins important par rapport aux relations que celui-ci

développe avec le leadership du parti de support. Ces principes de sélection engendrent enfin

de compte toute une série de conséquences concrètes quant à l’agencement du processus

décisionnel.

4.3.4 Prise de décision gouvernementale et les contraintes de la coalition

Même si les cabinets de la période ont été formés sur des principes semblables, les

styles décisionnels des Premiers ministres affectèrent l’activité gouvernementale. De cette

manière, les Premiers ministres ont adopté des méthodes différentes quant à la manière de

diriger les politiques, mais leur perspective quant à l’agencement des relations de l’équipe

gouvernementale et la manière de réaliser la coordination se heurtèrent de la relation

conflictuelle entre les partis politiques.

Cela fut le cas du cabinet Victor Ciorbea. L’absence de support politique engendra

des problèmes lorsque le Premier ministre a voulu installer un processus de la prise de

décision « démocratique » et donc d’une manière collégiale fondée sur un consensus de tous

les acteurs impliqués543. Au-delà de l’anecdotique de la période qui porte sur des séances de

cabinet sans fin, de 10 à 12 voir même 14 heures de débat incessant et de la manière assez

réticente qu’avait Ciorbea à la direction de son équipe, on doit préciser qu’il existe des

raisons concrètes menant à une lenteur décisionnelle : les étapes de pré-négociation ne

fonctionnaient pas. Les commissions des secrétaires d’Etat ayant des affiliations politiques

différentes n’arrivaient pas à des conclusions communes, car ils ne se sentaient pas mandatés

à juger le bien posé des décisions en concordance avec la position du leadership central du

parti. La diversité partisane précédait ainsi la cohésion gouvernementale. De cette façon,

même s’il existe les leviers pour prendre les décisions, leur existence est plutôt formelle. La

seule harmonisation décisionnelle qui est mentionnée est d’ailleurs celle à l’intérieur du

parti544, mais qui ne peut pas pour autant anticiper la diversité des positionnements lors des

étapes de négociation visant la formulation des politiques.

543 Selon les déclarations qu’Alexandru Athanasiu avait fait dans le cadre de l’entretien que nous avons mené, pendant son mandat Ciorbea a du « dépenser du temps en passant de coup de fils pour prendre une décision » et en additionnant à cette situation « la dimension de Parlement du cabinet, où chacun était le crayon à main pour faire des amendements », il serait donc évident qu’il existait une certaine lenteur de la prise de décision.544 Ainsi, Norica Nicolai, secrétaire d’Etat au Ministère du Travail (PNPcd) nous a déclaré : « à l’époque le PNPcd pratiquait un management d’efficience. Les secrétaires d’Etat se rencontraient une fois par semaine, on s’informait sur les projets qu’on déroulait »

Le même blocage décisionnel se propagea après que le cabinet Ciorbea ait fini son

mandat. Cependant le leadership de Vasile porta l’empreinte personnelle de celui-ci et

changea la manière de prendre les décisions et le rapport au personnel gouvernemental. Le

premier aspect de la période vise le principe selon lequel, à différence de Victor Ciorbea,

Radu Vasile n’avait pas essayé de centraliser la prise de décision, mais il rendit le processus

décisionnel à chaque ministère : « une autre mesure a été que j’ai donné de l’indépendance

presque à tous les ministres dans le périmètre de leur ministère, sans intervenir dans leurs

activités que dans les situations limite. »545. En réalité, il ne s’agissait pas d’une mesure

d’organisation, car rien n’avait changé dans les rapports entre les partis politiques. L’absence

de confiance et la lutte pour se forger une bonne image persistent. Cependant l’abandon de

toute tentative de coordination efficace, au niveau des mécanismes institués entre les partis,

mais aussi à l’intérieur de l’équipe ministérielle, montre une acceptation des réalités de la

coalition en place : il était quasi impossible d’arriver à dénominateur commun dans un

cabinet tellement hétéroclite et de forcer la décision sans l’éclatement des conflits d’ampleur.

D’ailleurs, la méthode n’était pas une innovation pour la manière de gouverner dans la

coalition, ce qui est nouveau est que le Premier ministre avait compris que ses compétences

étaient limitées et, en conséquence, il n’avait pas contesté, en substance, le déroulement de

ces normes non-écrites. De surcroît, cet état des faits sera renforcé par la procédure qui

prévoyait que les leviers de la sanction politiques (les révocations des membres de l’équipe

ministérielle) n’ont jamais appartenu, durant la période 1996-2000, au Premier ministre.

Cette autonomisation de l’activité, menant à une prise de décision départementalisée,

a été appréciée par les ministres du cabinet, parce qu’elle leur apportait un plus de liberté. Les

effets de cette reconfiguration décisionnelle est surtout visible dans le cas des membres du

PD qui bénéficient de plus de ressources pour leurs ministères mais aussi qui peuvent faire

passer plus de décisions à l’intérieur de la séance du cabinet. Le seul problème du mandat de

Radu Vasile au niveau politique fut que cette autonomie décisionnelle n’avait pas fonctionné

dans la même mesure pour tout le monde, surtout dans le cas des membres de son propre parti

politique. Vice-président du PNPcd , Vasile a voulu forcement exercer un contrôle d’une

manière hiérarchique sur l’activité des ministres de son parti, en laissant des marges de liberté

aux ministres provenant d’autres formations politiques546. Source de confit avec les membres

545 Radu Vasile, Op.Cit, P. 146.546 Vasile tend à justifier sa position en mobilisant des arguments de compétence: « Bien que je fusse un Premier ministre du Parti National Paysan, j’avoue que les ministres avec lesquels j’ai eu la meilleure relation ont été les ministres du PD » et plus encore « je reconnais que j’ai toujours soutenu les ministres du PD dans les disputes avec les membres du PNPcd ». De la sorte, il précisa que « Si j’étais demandé pour quoi dans le cas de certains ministres je leur ai donné ma confiance, j’aurais répondu que j’ai fait cela pour les mêmes raisons pour

de son organisation politique, ce comportement assura à Radu Vasile un consensus minimal,

sans pour autant que cela lui confère de l’influence réelle sur l’activité gouvernementale.

Le style décisionnel adopté par Radu Vasile fut d’ailleurs approprié et maximisé

durant le mandat de Mugur Isărescu. Les antagonismes entre les partis politiques sont

devenus plus aigus sur un fond électoral et ils se sont concrétisés par un blocage au moment

où Mugur Isărescu s’est décidé de poser sa candidature pour les élections présidentielles.

Tous les témoignages soulignent le fait que le déroulement de la campagne électorale a fait

que le cabinet ne fonctionne plus, la durée de facto du mandat de Mugur Isărescu étant en

réalité de six mois.547 Malgré les critiques quant à la décision d’Isărescu de déposer sa

candidature pour la présidence de la république, il est pourtant intéressant que les ministres

de la période apprécient d’une manière positive la prestation du Premier ministre.

Néanmoins, la valorisation de la période du mandat d’Isarescu porte sur un thème récurrent

dans la politique gouvernementale postcommuniste –le degré de liberté d’action que chaque

ministre ait. On reconnaissait ainsi l’autonomie maximale, sans intrusion et sans discussions.

Cette autonomie est d’ailleurs visible dans le changement de direction qu’on avait pu

observer au niveau des décisions politiques gouvernementales. A l’exception des domaines

économiques ou une coordination minimale fut maintenue, les autres domaines sont marqués

par des différences notables au niveau des politiques « préélectorales », mais aussi en ce qui

concerne leurs secteurs d’activité548.

4.3.5 1996-2000 : Logiques conflictuelles de la coalition et prise de décision

Dans un contexte dans lequel les partis politiques se trouvent dans une concurrence

permanente pour occuper le premier plan public, la logique extrême des réseaux fut la seule

qui avait fonctionnée soit à l’intérieur même du parti, soit entre les différents membres de la

lesquelles je ne l’ai pas donnée à mes propre ministres […] dans les séances du cabinet les ministres PD étaient supérieurs aux ministres du PNPcd dans tous les aspects. » V. Radu Vasile, Op.Cit. Pp. 146, 153547 En ce sens Valeriu Stoica précisait en ce qui concerne le cabinet : « pratiquement, après le mois juin 2000, on n’a plus fonctionné comme gouvernement, parce que tous les partis étaient en campagne électorale et chaque parti avait son propre candidat. Isărescu lui-même était candidat. » Valeriu Stoica, Liviu Valenas, Op.Cit.,P. 79, Petre Roman accentua encore cette position en déclarant au cadre de l’entretien que nous avons mené : « je le répète, les choses sont devenues très compliquées quand Isărescu, qui avait été nommé Premier ministre avec cet objectif, de gestion de l’extérieur de la politique, comme technocrate, s’est déclaré candidat. Cela a été une très mauvaise chose, une très mauvaise chose. »548 Une fois arrivé dans son portefeuille, le leader du PD, Petre Roman, on constate un accroissement substantiel du nombre des décisions gouvernementales qui vont en cette direction. Cette intensification de l’activité est d’ailleurs expliquée par Petre Roman nous a indiqué que dans la période où il a été Ministre des Affaires étrangères il a pu « mener une politique telle qu’il voulait », sans contrainte de la part d’autres acteurs gouvernementaux.

coalition. L’expérience politique antérieure et une certaine socialisation dans des fonctions

politiques antérieures, comme dans le cadre du parlement est le seul élément introduisant

une certaine homogénéité des équipes ministérielles. Néanmoins, même en ce cas précis, la

qualité de la collaboration reste tributaire aux manières dans lesquelles les partis politiques

avaient pensé leurs politiques de personnel et la discipline interne. En ce contexte, les

stratégies des acteurs gouvernementaux afin de se maintenir en fonction ou d’établir leurs

propres politiques ont pris des multiples facettes. Cependant, la coordination reste en grande

partie une coordination du parti, et la fiabilité des ministres dépendit du profil de chaque

formation politique.

Durant la période 1996-2000, les ministres acquièrent une identification aux

formations politiques dont ils font partie et reprennent ainsi en grande mesure les logiques

conflictuelles instituées au sein de la coalition549. Néanmoins, le conflit entre les partis est

renforcé en certains cas par l’absence de cohésion entre les membres du même parti

politique. A part l’UDHR, seuls les membres du PD (les membres du gouvernement qui

avaient le plus d’expérience exécutive), se présentaient comme un groupe défendant un

intérêt global du parti550. L’absence de confiance entre les gouvernants est renforcée par la

présence des ministres technocrates, imposés sur une filière externe551. Ceux-ci constituent

plus une catégorie d’exclus, défendus de tout support politique552. La situation des

indépendants est aussi partagée par les acteurs politiques qui ne bénéficient pas de

beaucoup d’influence à l’intérieur à leur parti553.

549 Petre Roman considère que les ministres PD étaient isolés par les membres de la Convention (Petre Roman, Elena Stefoi, Mărturii provocate, p.159), Valeriu Stoica accuse le PNPcd et le PD pour la non finalisation de toutes les réformes en justice (Valeriu Stoica, Dragoş Paul Aligică, Provocări liberale, P. 69). Les seuls exclus de cette équation conflictuelle sont les membres de l’UDHR qui ne se sont pas impliqués dans les querelles ministérielles550 Comme nous a déclaré le Premier ministre Victor Ciorbea : « l’expérience des ministres PD a été visible surtout au début du cabinet […]. Elle leur a permis d’actionner dans certains moments comme un groupe très unitaire, même s’il y avaient des discordes très importantes entre eux, car ils n’étaient pas tous des fans Roman[…].quand il y avaient des crises, ils essayaient se manifester en unité. »551 En ce qui concerne la nomination des ministres lors du remaniement du décembre 1997, il n’existe pas de consensus portant sur l’apport que les différents acteurs politiques ont eu soit dans leur nomination, soit dans leur acceptation comme les représentants des divers partis politiques. Les plus citées sources sont : le président Emil Constantinescu, le Premier ministre Victor Ciorbea.552 Il est d’ailleurs probable que ceux-ci ont été envisagés comme des concurrents qui ont occupé des portefeuilles censés d’être occupés par des membres du parti en cause ou encore comme des simples fantoches obligés à respecter leurs indications. Daniel Daianu nous déclarait ainsi : « Je n’ai pas eu le support politique et pour cette raison je suis parti du cabinet. J’ai souvent senti que j’étais un corps intrus et peut être que je l’étais ».553 Valeriu Stoica affirmait que malgré le fait qu’il était un ancien membre du parti et le ministre de la Justice, il n’occupait pendant la première période une fonction de direction en PNL et cela a influencé son activité : « j’étais mis dans la position, dans les premiers mois de l’année 1997, de bien penser si je reste au Ministère de la Justice ». La raison invoquée par Stoica portait sur les pressions et les demandes politiques des collègues du parti. Cette expérience initiale de Valeriu Stoica fut partagée par les technocrates qui sont entrés au cabinet, Valeriu Stoica, Dragoş Paul Aligică, Provocări liberale, P. 59. Une position similaire est soutenue par Norica Nicolai qui affirme par rapport à PNPcd : « le support politique malheureusement je ne peux pas dire que je l’ai

Le principe conflictuel qui s’instaure entre les acteurs, ainsi que l’absence de

cohésion des équipes gouvernementales fait que la décision gouvernementale soit

envisageable seulement lorsqu’on adopte un style consensuel avec une faible coordination de

la part du Premier ministre. Tel fut le cas pour les deux derniers cabinets. Les déviations par

rapport à ces principes sont sanctionnées par le limogeage des Premiers ministres. La prise

de décision départementalisée et de plus en plus autonome fait que généralement on assiste à

des reconfigurations des positions décisionnelles en fonction de la composition politique et

du profil de l’acteur qui dirige le ministère. Deux grandes exceptions sont pourtant à

apercevoir : les questions économiques (surtout les finances) qui reçoivent comme dans les

cabinets précédant un plus de contrôle et les domaines tels que la défense ou l’intérieur qui

sont contraints par les exigences externes. Cette ultime observation sur la période suggère

ainsi que la conditionnalité externe fonctionne en tant qu’élément de stabilisation des

politiques dans un cadre général qui porte la marque de l’instabilité.

4.4. 2000-2004 : Adrian Năstase : cohésion et coordination politique

4.4.1 Le contexte politique

Le moment électoral du 26 novembre 2000 apporta la deuxième alternance de la vie

politique post-décembriste. Le Pôle Démocrate Social de la Roumanie, formé le 2 septembre

2000 par le PDSR et le Parti Humaniste Roumain (le PSDR adhère aussi), remporta la

victoire avec 36.61% des voix exprimées pour la Chambre des Députés et 37.09% pour le

Sénat554. Même si les scores électoraux ont annoncé la victoire du PDSR (PSD), ils n’ont pas

garanti la majorité nécessaire pour la formation d’un cabinet majoritaire. Afin de gouverner le

PDSR/PSD eut besoin du soutien de l’UDHR pendant toute la période de son mandant et

pour un délai assez court il bénéficia également du support du PNL555.

eu ou que je ne l’ai pas eu, parce que le parti n’était pas intéressé de la composante que je dirigeais ».554Cristian Preda, România post-comunistă şi România interbelică, Pp. 48-49. La distribution des mandats à l’intérieur du Pôle Démocratique Social de Roumanie est pour la Chambre basse : des 155 mandats – 139 reviennent au PDSR, 10 au PSDR et 6 au PHR, et pour le Sénat des 65 mandats - 59 sont PDSR, 4 PHR et 3 PSDR.555 Les conditions de l’enlèvement du support politique du PNL ainsi que les stipulations du protocole de non agression entre les deux partis politiques ne sont pas représentées d’une manière unitaire au niveau de la mémoire. Ainsi, le nouveau président du PNL, Valeriu Stoica expliquait l’existence du protocole par le résultat des élections qui attestaient que le deuxième parti dans le Parlement était le PGR avec 19,48% des voix exprimées : « après les élections il a existé un protocole de collaboration signé avec le PDSR, qui a eu un seul objectif : la neutralisation du danger national -extrémiste» (Valeriu Stoica, Dragoş Paul Aligică, Op. Cit., P.166). Cependant, Mircea Ionescu Quintus, le président du parti jusqu’au février 2001 laissa à s’entrevoir une réalité plus complexe, car il déclarait sur le protocole : « Je n’ai senti ni des avantages ni des désavantages du

En ce contexte, le 28 décembre 2000, le Bureau Exécutif Central du PDSR annonça

que le Pôle s’assumait la tâche de former un gouvernement minoritaire. Celui qui fut désigné

pour former l’équipe gouvernementale a été le président intérimaire du parti, Adrian Năstase.

La nature monocolore du cabinet556ainsi que le fait que le second parti parlementaire était le

PGR, parti isolée par rapport aux autres formations politiques, créa les prémisses d’une

liberté d’action assez grande pour le nouveau cabinet. De surcroît, suite à la fusion par

absorption du PSDR, le cabinet présente une nature tout à fait homogène. Le PSD devenu

membre de l’Internationale Socialiste a pu ainsi contrôler la prise de décision durant toute la

période, la seule contrainte extérieure sur son activité étant constituée par la surveillance de

proche de la Commission européenne et par les exigences des négociations politiques de

l’adhésion.

4.4.2 Le Programme : « la social-démocratie en quête d'une définition»

La période 2001-2004 porta ainsi la marque indéniable des négociations avec l’UE.

Les ratings du pays quant à la situation économique, les rapports de la Commission

européenne (qui avait surveillé de près la réalisation des modifications législatives et

gouvernementales conçues comme nécessaires à l’intégration) ont mis l’empreinte sur le

fonctionnement du cabinet. Devant la vigilance des organismes internationaux, le programme

du gouvernement fut construit préservant une certaine continuité par rapport aux mesures

entamées durant le cabinet antérieur surtout en ce qui concerne les réformes économiques (la

politique financière, l’ajustement structurel et la privatisation). Les politiques sociales ne sont

pas défaillantes, mais dans le Plan d’action pour l’application du programme

gouvernemental, on vise en principal les réformes du système de protection sociale et la

création des mécanismes complémentaires d’implémentation et de surveillance du système557

et non pas les mesures distributives proprement-dites.

protocole signé avec le PDSR. Ceux qui les ont senties étaient au gouvernement…. En échange, ils nous ont éliminé tous les dignitaires, pour ne les pas appeler des limogeages, des deuxièmes et troisièmes échelons, de partout… Dans le protocole il était spécifié qu’ils remplaceront que les acteurs qui ne correspondaient pas, mais ils les ont changés tous. Cela signifie que tous étaient non appropriés à leurs fonctions. (Mircea Ionescu Quintus, Ce aţi făcut în ultimii cinci ani ?, P. 54).556 Dans la première période du mandat le PHR a eu aussi le droit d’avoir des représentants dans le cabinet, mais leur proportion était très diminuée (jusqu’en juin 2003, ils avaient détenu le portefeuille des Petites et des Moyennes Entreprises, en étant représentés dans le cabinet par Silvia Ciornei). Après la restructuration du juin 2003 le ministère devint agence gouvernementale sous la même direction, mais après peu de temps le protocole de collaboration serait dissout.557***, Le Plan d’action du Programme du gouvernement pour la période 2001-2004 approuvé par le Parlement par la décision no 455 du 9 mai 2001 concernant l’adoption du Plan d’action du programme de gouvernemental durant la période 2001-2004, M.Of. no. 267/23 mai. 2001

Cependant, même durant les premiers mois du cabinet les mesures distributives ne

sont pas absentes. Les documents gouvernementaux énumérant les principales décisions

quant à la protection sociale pour l’année 2001 annonçaient déjà l’élaboration de 46 décisions

pour l’octroi du support financier pour les familles défavorisées ainsi que l’engagement du

gouvernement afin de garantir un aide social mensuel pour les personnes qui se trouvaient en

difficulté558. Néanmoins, fait illustrée d’ailleurs par les allocations budgétaires, c’est

seulement à partir du programme social pour la période 2003-2004 que le gouvernement

Năstase « comprend à mobiliser des ressources supplémentaires pour les dépenses

sociales »559. Des décisions telles que la distribution gratuite du lait et du pain pour les élèves

du cycle primaire ou la multiplication des subsides pour les retraités du secteur agricole font

partie de ces nouvelles politiques assurant une forme de protection accordée aux catégories

défavorisées.

En ce contexte, on peut déceler au niveau des directions gouvernementales deux

grandes périodes. Une première période qui porte sur l’adoption d’un programme de

gouvernement qui suppose une politique plutôt de centre, de réforme économique et de

refonte des mécanismes institutionnels, et une seconde période qui commence vers la fin de

l’année 2003 et qui porte sur la multiplication des formules de protection sociale octroyées

envers la population. A partir de 2003 on peut d’ailleurs déceler une préfiguration importante

dans les pratiques de l’exécutif avec une réglementation plus importante des finances, de

l’économie et de l’industrie et l’accroissement des subsides pour ces domaines. En même

temps, on assiste également à une réorientation des politiques gouvernementales vers les

questions visant l’agriculture, tout comme à un accroissement des fonds pour les secteurs qui

sont censés apporter des voix. Comme on le verra, le changement de perspective

décisionnelle accompagna une refonte des mécanismes régissant l’activité gouvernementale

suite à des remaniements d’ampleur.

A différence de la période précédente, 1996-2000, quand le comportement décisionnel

n’est pas soutenu par une modification du programme du gouvernement, mais il résulta d’un

certain agencement décisionnel résultant des relations entre les partis, le cabinet Năstase

assume, par ses documents stratégiques le changement de référentiel observé au niveau des

décisions. Cela suggère ainsi la possibilité, qu’en dépit des variations rencontrées au niveau

des politiques on assiste en fait à une direction assumée solidairement au niveau du parti

558 ***, Les principales mesures pour la protection sociale du cabinet Năstase durant l’année 2001, synthèse du Ministère du Travail et de la Protection Sociale559 ***, Le programme social du 23 décembre 2003 pour la période 2003-2004, M.Of., no 45 du 20.01.2004

gouvernemental. Mais quelle composition de l’équipe gouvernementale a rendu possible la

rédaction et application ces dispositions ?

4.4.3 Les embryons de la professionnalisation politique et l’émergence de la cohésion

Le Premier ministre La désignation d’Adrian Nastase dans la fonction de Premier ministre

annonçait un nouveau changement dans les procédures de sélection des Premiers ministres

roumains. Adrian Năstase présentait non seulement une longue carrière politique en passant

par des diverses fonctions politiques après 1989, mais il avait accumulée aussi une très

longue expérience à la direction du parti gouvernemental. Lors de sa nomination, il était le

président du parti (après l’élection d’Ion Iliescu comme Président du pays). Même s’il nous a

déclaré que : « Je ne voulais pas devenir Premier ministre, les événements ont concouru

d’une telle manière…Iliescu partit à Cotroceni et il avait besoin de quelqu’un ici », l’ancien

Premier ministre était tout à fait conscient du bien posé de sa nomination « le pouvoir du

Premier ministre est donné par son autorité au niveau du parti ». Le modèle selon lequel la

personne du Premier ministre est également leader de parti, instituée par le PSD, semble se

reproduire dans le cas du Premier ministre en exercice Călin Popescu Tăriceanu, en

reproduisant ainsi une pratique qu’on retrouve dans les démocraties parlementaires. Notons

encore un aspect. La carrière d’Adrian Năstase, est le résultat d’une professionnalisation sur

la scène politique roumaine postcommuniste. En passant par des fonctions ministérielles,

mais aussi parlementaires, en suivant une carrière ascendante au niveau du parti, le portait

Premier ministre reflétait de cette manière l’image d’une carrière consolidée en politique560.

L’équipe ministérielle. Pour ce qui est de la formule initiale de l’équipe gouvernementale,

elle prenait naissance suite à l’entrecroisement de plusieurs critères. La principale ressource

des acteurs fut la prestation des membres du parti pendant la période d’opposition561. Cette

manière de sélection a permis d’un côté, une très bonne connaissance de toute l’équipe

gouvernementale par son Premier ministre qui, avant sa nomination avait été le président de

la Chambre des Députés, et d’une autre côté, une certaine cohésion entre les acteurs

560 Adrian Năstase fut ministre des Affaires étrangères durant le cabinet Stolojan et député dans tous les législatures postcommunistes. Président de la Chambre des Députés 1992-1996 et 2004-2006, et vice président de la Chambre durant la période 1996-2000. Membre PDSR à partir de l’année 1993, vice-président exécutif du parti 1993-1996, premier vice-président du Conseil Exécutif du PDSR 1997-2000 et ensuite président du PSD 2001-2005.561 Adrian Nastase nous déclara « l’équipe a pris contour dans la période où nous avons été en opposition. En opposition, dans le Parlement, j’ai pu vérifier ceux qui d’une manière ou d’autre, au niveau des commissions, au niveau de la lutte politique parlementaire, dans les motions et dans les interventions ont été les plus efficaces. »

gouvernementaux qui avaient travaillé déjà ensemble au sein du Parlement. A ce critère de

sélection s’ajouteront d’autres logiques telles que la compétence ou encore un critère de

représentativité géographique. L’équipe gouvernementale se fondait sur un principe de

discontinuité par rapport aux cabinets précédents. Néanmoins, la relation au passé était

assurée par la présence dans la composition du cabinet de certains acteurs ayant d’ancienneté

dans le parti et une certaine expérience dans équipes exécutives antérieures562 qui ont reçu

principalement des rôles de coordination à l’intérieur du cabinet. En outre, l’expérience

gouvernementale n’est pas totalement ignorée, car le gouvernement tend à récupérer les

anciens secrétaires d’Etat et de les promouvoir sur l’avant-scène de l’activité

gouvernementale. Bénéficiant à la fois d’une expérience exécutive et de l’absence de

visibilité ces acteurs avaient constitué une ressource importante pour le cabinet Nastase.

D’ailleurs, la plupart des nominations sont le résultat de la manière dans laquelle le PDSR a

géré sa politique de personnel – de sélection par cooptation. En fait, en 1996 les leaders du

PSD ont encouragé l’intégration des acteurs politiques ayant détenu des fonctions

exécutives563, que ce soient-ils des indépendants ou des membres de parti, dans des positions

éligibles sur les listes parlementaires564. Cette pratique avait facilité au PDSR d’une part,

d’avoir des spécialistes au niveau du Parlement et d’autre, la création d’une base de sélection

562 Nastase mentionnait aussi à l’intérieur de son cabinet « d’une équipe, d’une certaine façon plus ancienne, une équipe qui faisait la connexion avec la période précédente – Octav Cozmâncă, Şerban Mihăilescu, des organisateurs exceptionnels. »563 Prenons quelques exemples de telles trajectoires politiques : Ecaterina Andronescu - après avoir été le secrétaire d’Etat dans le cadre du Ministère de l’Enseignement est devenue secrétaire de la commission pour l’Enseignement au Parlement (1996-2000) et ensuite le Ministre de l’Enseignement, Hildegard Puwak - secrétaire d’Etat au cadre du Département pour la Réforme Economique devint membre du Parlement en 1996-2000 et ensuite le Ministre de l’Intégration Européenne. La liste peut continuer avec Rodica Stănoiu (Justice), Ioan Mircea Paşcu (Défense), Leonard Cazan (Développement), Dan Ioan Popescu (qui avait été non seulement secrétaire d’Etat, mais aussi Ministre du Commerce dans le cabinet Nicolae Văcăroiu et qui ensuite a été nommé le président de la Commission pour l’Industrie de la Chambre des Députés). D’autres ministres de l’équipe initiale qui respectent cette trajectoire politique ont été : Marian Sârbu (Ministère du Travail et de la Protection Sociale), Octav Cozmâncă (Administration Publique), Petre Şerban Mihăilescu (SGG). D’autres ministres venaient aussi de la sphère de l’exécutif : Agathon Matei Dan – un ancien ministre du Tourisme, Răzvan Theodorescu (Culture) le chef de la Radio-télevision roumaine entre 1990-1992 fonction avec le rang de ministre, Daniela Bartoş qui après avoir été secrétaire d’Etat est devenue Ministre de la Santé publique dans le cabinet N. Văcăroiu.564 Voici comment peut se résumer une telle trajectoire dans le cas où le secrétaire d’Etat n’était pas un membre du PDSR avant les élections de 1996 : « le ministre m’a appelé et il m’a dit qu’il voulait que je donnasse un coup de main […] et à ses insistances, j’ai osé et j’ai accepté le poste. En tant que secrétaire d’Etat je n’étais pas membre de parti, je n’ai pas eu une approche politique et je crois que mon expérience antérieure [en tant que spécialiste] m’avait beaucoup aidé […]. A la fin du mandat de secrétaire d’Etat on m’a proposé de m’inscrire sur la liste du parti qui avait été au gouvernement, et dans lequel j’avais participé. Je n’avais pas été membre de parti, mais j’avais travaillé dans ce cabinet et, bien sûr que j’ai aperçu cette invitation comme un honneur. De plus, je n’imaginais pas que je serais placé sur une position éligible, ainsi que je devienne un membre de facto du Parlement. C’est bien ce qui s’était passé. En 1996-2000, je fus nommé le secrétaire de la commission parlementaire que j’avais choisie et l’expertise que j’avais accumulée m’a beaucoup aidé dans les débats parlementaires. Une fois le mandat achevé, probablement qu’on a pris en compte mon activité et j’étais sélectionné pour une fonction ministérielle. »

très puissante pour le recrutement de l’équipe gouvernementale565. Vu donc le fait que la

plupart des ministres de la formule initiale du cabinet ont eu presque la même trajectoire en

politique, on peut affirmer que le cabinet formé supposait un haut degré de cohésion interne.

Si nous additionnons à cet aspect le fait qu’à l’exception de deux ministres566 qui n’étaient

pas au moment de leurs nominations des membres du PDSR (ils vont le devenir plus tard),

nous pouvons affirmer que l’équipe ministérielle présentait une double source de cohérence :

l’expérience commune et l’appartenance politique. Malgré les remaniements d’ampleur qui

débutèrent au milieu de l’année 2003, le Premier ministre avait maintenu ces principes

généraux de la formation des équipes gouvernementales. On avait ainsi promu des gens ayant

une vaste expérience dans le parti, mais aussi on avait choisi d’occuper certains portefeuilles

par des secrétaires d’Etat de la période qui avaient bénéficié d’une expérience décisionnelle

et d’un certain apprentissage durant les trois premières années du cabinet.

Les secrétaires d’Etat. En ce qui concerne le second échelon de pouvoir, les choses sont

plus nuancées. La procédure standard de nomination des secrétaires d’Etat renouait avec les

procédures instituées au début des années 1990 par lesquelles chaque ministre désigné avait

le droit de former son équipe567. En conséquence, les nominations faites dépendaient de la

capacité de chaque membre du cabinet de choisir ses collaborateurs. La sélection des

secrétaires d’Etat n’obéissait pas à des critères principalement politiques, mais plutôt à la

bonne relation avec le ministre nommé. Cela a permis que des secrétaires d’Etat considérés

comme des spécialistes soient inclus dans l’appareil exécutif. Il existait pourtant des

exceptions par rapport à cette pratique, car il y avait un certain nombre de nominations

imposées par le Premier ministre. De cette façon, Adrian Năstase nous déclara : « Certes, en

certains cas j’ai essayé à doubler d’une certaine façon le ministre avec un secrétaire d’Etat ».

565 Comme l’affirma Adrian Năstase : « si nous n’avions pas amené au Parlement des anciens ministres et secrétaires d’Etat, probablement que notre mission aurait été très difficile. » V. Adrian Năstase, Alin Teodorescu, De la Karl Marx la Coca-Cola, P.99.566 Il part s’agit des ministres nommés à la tête du Ministre de Finances et du Ministre des Affaires Etrangères Mircea Geoană. Cependant les nouveaux venus, tant les jeunes ou les gens qui n’ont pas une expérience de parti de longue durée, présentent généralement une relation personnelle avec Adrian Năstase caractérisée par la longue durée et par des collaborations dans d’autres sphères d’activité. A l’instar, Mircea Geoana précisa : « Jusqu’en l’année 2000 j’étais diplômé de carrière. Adrian Năstase, le ministre des Affaires étrangères m’avait remarqué au début de l’année 1991, après une année de mon arrivée au ministère et il m’avait proposé de devenir Directeur de Protocole à MAE. Avec l’inconscience de la jeunesse j’ai répondu au M. le Ministre : « Je ne suis pas compétent, je ne connais pas ce domaine ». Il a été réceptif, il m’a laissé à côté pour un temps. Apres deux mois ; il est venu avec une autre proposition : directeur pour les organisations européennes….J’ai dit oui tout de suite, et parce que la proposition était intéressante j’avais commencé immédiatement du travail… » V. Rodica Negre, Mircea Geoana. « Une carrière en diplomatie », Cariere, entretien réalisé le 17 juillet 2003.567 Comme le Premier ministre nous a déclarait : « le ministre venait avec le secrétaire d’Etat et il disait : “Le voilà, je le soutiens et je considère qu’il peut être très efficace.” Je lui posais quelques questions, quelques aspects qui m’intéressaient et je me rendais compte si la proposition était sérieuse ou pas ».

En ces cas précis, la sélection du personnel des échelons secondaires ait un but précis de

préservation de la capacité de contrôle du Premier ministre sur les politiques des ministères

dirigés par des ministres censés d’être moins fiables.

Durant la période, le renouvellement de l’échelon second devient encore plus

important que dans le cas des ministres. Pendant le mandat gouvernemental, le PSD a

continué sa politique de cooptation des nouveaux membres qui avaient une expertise

décisionnelle, sans pour autant que cela soit le résultat de la coercition, mais plutôt le résultat

d’une politique incitative568. Nous pouvons donc affirmer que même si le second échelon de

pouvoir n’est pas construit sur le même principe de cohésion que le niveau ministériel, il

existe des phénomènes qui peuvent engendrer la cohésion de groupe, mais dans une manière

plus lente, un de ces aspects étant une certaine politisation graduelle des secrétaires d’Etat.

4.4.4 Deux formules décisionnelles, deux manières d’assurer la coordination

L’équipe exécutive de la période 2000-2004 a été constituée sur des critères politiques

qui favorisaient l’ancienneté des relations établies entre les membres du gouvernement avec

leur parti d’extraction. En ce contexte, les deux premières années de la durée du cabinet ont

été marquées par la continuité de l’équipe gouvernementale. Il s’agit d’une période de

construction et d’accoutumance aux structures exécutives et de l’application des objectifs

répondant surtout aux demandes externes quant à la réalisation de la réforme.

En dépit du fait que la plupart des membres de l’équipe gouvernementale possédaient

déjà une expérience décisionnelle, cette étape constitue également une phase d’apprentissage

et d’initiation dans les mécanismes régissant l’activité gouvernementale569. Le style

décisionnel adopté pendant les premières années du cabinet reflétait cette tendance. A la base

des déclarations de l’ancien Premier ministre, on peut décrypter un côté évolutif de la prise de

568 Ainsi un des secrétaires d’Etat de la période nous déclara que : « la fonction de secrétaire d’Etat, tout comme celle de ministre, a représenté et représente encore une nomination politique […]. Je considère qu’il est normal que les choses se passent comme ça, parce que cela constituerait un premier pas dans la tentative d’avoir le support politique pour appliquer les politiques du moment. Moi, j’ai commencé le mandat de secrétaire d’Etat en étant un technicien et un expert dans le domaine. J’étais nommé en 2001 et je suis entré dans le parti en 2003. Quand j’ai adhéré au parti, même si je savais dès le début que ma nomination fut politique, j’ai senti le bénéfice d’une appartenance qui donnait l’assurance du pouvoir de la prise de décision politique ou le pouvoir de prendre une décision politique dans un cadre politique déjà dessiné. »569 Ainsi, Adrian Năstase nous a déclaré que malgré avoir été membre des deux cabinets (Petre Roman II et Theodor Stolojan), sa fonction de Ministre des Affaires Etrangères ne lui avait pas permis une très bonne connaissance des problèmes concrètes de la gestion gouvernementale : « Moi, je suis venu avec un certain handicap et mon expérience dans le domaine du gouvernement se limitait au Ministère des Affaires Etrangères, où pratiquement j’ai eu une équipe qui s’occupait de toutes ces choses qui tenaient de l’administration usuelle. Moi je m’occupais de la stratégie, des éléments de la politique. »

décision gouvernementale : « au début nous avons appris ensembles. Les séances du cabinet

duraient 10-12 heures, 14 heures et il y avait un brainstorming pour des solutions et un

passage en revue des problèmes quotidiens. » Les discussions informelles organisées à

Snagov, les essais d’harmoniser les initiatives qui venaient de l’intérieur des ministères et le

programme du cabinet peuvent ainsi décrire les tentatives de renforcement des liens entre les

acteurs ministériels. Cette étape de stabilité du cabinet, dans laquelle les principes de

collégialité doublés par un souci de coordination s’instaurent, finit en juin 2003, quand on

décida une restructuration et un remaniement d’ampleur. A partir de l’année 2003, on assiste

à une avalanche de changements du personnel gouvernemental des deux échelons du pouvoir.

Quatre remaniements gouvernementaux et deux restructurations ministérielles s’enchaînèrent

durant cette dernière période du mandant, la plupart résultant d’un souci de coordination et

suivant une politique de sanction des acteurs politiques. L’étape qui débuta en juin 2003

marque ainsi un point d’inflexion importante à la fois dans les principes décisionnels du

cabinet et dans la politique globale de l’exécutif570.

De la sorte, le 19 juin 2003, sous le signe de la restructuration gouvernementale ayant

comme but déclaré un accroissement de l'efficacité de l’appareil exécutif, on a assisté à un

changement massif de personnel571. La dimension du cabinet devint plus réduite, conséquence

directe d’un souci de coordination mais aussi le résultat de la nécessité de contrôler les

ministres de l’équipe572. D’ailleurs le Premier ministre de l’époque admit qu’il s’agissait aussi

d’une stratégie de masquer, au niveau médiatique, le changement de certaines personnes573.

570 Le deuxième remaniement gouvernemental est rendu public par Adrian Năstase, lors de l’annonce des résultats du referendum pour la révision de la Constitution, le 21 octobre 2003. Suite aux campagnes de presse qui dénonçaient la corruption de certains membres du gouvernement, le Premier ministre déclare qu’il a reçu les demandes de démission de la part des trois membres du gouvernement : Mircea Beuran (Santé), Hildegard Carola Puwak (Intégration européenne) et Şerban Mihăilescu (Secrétariat Général du Gouvernement). Les trois ministres ne furent pas exclus du parti. Le troisième remaniement 10 mars 2004 fit la réponse du gouvernement roumain aux critiques aigues de la part de officiers de l’Union européenne concernant le rythme de la réforme économique et en justice, La démarche a inversé la logique de configuration de l’année 2003, car cette fois-ci, on décida derechef l’expansion de l’appareil gouvernemental, tout en remplaçant toute une série de personnages politiques. La nouvelle structure du cabinet attestait l’existence d’un plus d’attention accordée au domaine de l’intégration européenne, mais déclancha également une superposition des compétences. Ainsi, cinq ministres détiennent du pouvoir de décision dans des divers domaines de l’intégration européenne : Ioan Talpeş, un autre ministre délégué Victor Ponta, Mihai Tănăsescu ainsi que le ministre de l’intégration Alexandru Fărcaş et le négociateur en chef Vasile Puşcaş. Enfin le dernier remaniement eut lieu le 10 juillet 2004 dans un contexte préélectoral.571 Pour les principales modifications opérées voir, « La décision du Parlement concernant la modification de la structure et de la composition du Gouvernement », n°16, M. Of., I-ère Partie, n° 436/19 juin 2003.572 De l’équipe de 2000, seulement neuf ministères restaient en fonction. Outre cela des membres marquants du PSD quittèrent leurs portefeuilles ministériaux, à savoir : Matei Agathon Dan, Octav Cozmâncă, Vasile Dîncu etc. Les raisons invoquées dans leur cas impliquent l’idée que le parti avait besoin de leur aide. Pourtant, des personnages tels que Matei Agathon Dan sont fortement contestés pour les mesures prises dans leur mandat (l’affaire Dracula Park).573 De la sorte, le Premier ministre nous déclara que : « il est évident que de temps en temps, il est nécessaire qu’on appuie sur un refresh-button. Il y avait besoin de renforcer le signal et de montrer qu’il existait, non pas

De cette manière, il affirma que : « j’ai découvert qu’il s’agissait d’une structure un petit trop

touffue, mais j’ai eu également un prétexte pour faire quelques changements des personnes.

C’était le moment de la moitié du mandat quand j’ai considéré que certaines personnes

devaient, aussi pour d’autres raisons, passer au parti. »

Malgré la continuité assurée par la présence du Premier ministre, l’époque des

changements des logiques gouvernementales affecte en grande partie le déroulement de

l’activité du cabinet. Les remaniements ne sont pas décidés en avance, mais ils constituent

plutôt des réponses aux contraintes du contexte et ils représentent des sanctions quant à la

faillibilité des membres du cabinet. Néanmoins, à différence de la période 1996-2000 quand

les dynamiques résultent des conflits internes de la coalition, dans le cas du cabinet Năstase,

la portée de la sanction est cependant limitée574. Chronologiquement, les dynamiques

gouvernementales peuvent être expliquées aussi par le biais du processus d’intégration

européenne, car chaque fois où il y avait un enjeu majeur européen, on assiste à des

changements des ministres575, sans pour autant que ces révocations engendrent au moins en

apparence les germes d’un conflit politique à l’intérieur de l’organisation du parti.

Toutefois, il faudrait préciser encore un facteur qui fait la différence fondamentale

entre le cabinet Adrian Năstase et le cabinet Nicolae Văcăroiu. Malgré la volatilité du

personnel et des principes de reproduction similaires, la distinction entre les deux cabinets

consiste dans la capacité de coordination de l’activité gouvernementale. Durant la période

2000-2004, il existe une politique de régularisation de la prise de décision qui se met en route

justement dans la deuxième étape du mandat. Le début d’un changement dans la politique de

personnel atteste également une reconfiguration des stratégies décisionnelles. De cette

manière, chose confirmée aussi par les ministres du cabinet, on assiste à une délégation des

compétences par une consolidation du rôle du second échelon de pouvoir576. Quand le

nécessairement le mécanisme de sanction, mais l’élément qui menait au changement. Ces modifications de structure et de personnel compensaient le fait que, dans une période de transition, un mandat de quatre années est trop long. » 574 Le ministre de la justice Rodica Stănoiu quitte le cabinet, mais elle est reçue les bras ouverts à Cotroceni, Octav Cozmâncă s’est vite réintégré dans la vie du parti. La même chose se passa aussi avec les trois démissionnaires d’octobre 2003 qui n’ont pas été exclus du PSD, malgré des accusations très graves de plagiat, de corruption ou de détournement des fonds européens.575 En juin 2003, on était à la veille du Conseil du Salonique, en octobre on attendait la publication du rapport de pays et les décisions du Conseil de Bruxelles. En 2004, la réorganisation du gouvernement se déroulait sur le fond de l’accroissement des critiques de la Commission pour la politique extérieure du Parlement européen à l’égard de l’absence du progrès dans les secteurs de justice, administration et économie.576 Adrian Năstase nous révéla cette dimension de son cabinet en nous déclarant que : « par conséquence, dans la dernière période, j’ai institué la séance des secrétaires d’Etat des ministères qui, une journée en avance, regardaient l’agenda, l’ordre du jour. Les points où ils étaient tous d’accord étaient approuvés ou on décidait quels sont les aspects qui ne posent aucun problème et dans ce cas, nous avions eu l’occasion les ratifier jeudi, dans la séance du cabinet. En échange, ils restaient 10-20 points qui étaient plus délicats et où on avait besoin d’un débat au sein du cabinet. Parfois, les ministres ne s’entendaient d’aucune manière et alors, avant la séance

compromis n’était pas atteint entre les ministres, la procédure était reprise et on transférait le

dossier au niveau des secrétaires d’Etat qui devaient trouver des solutions. En dépit du fait

que la méthode n’est pas nouvelle, en ressemblant plutôt au comportement que la coalition

gouvernementale d’avant, ce mécanisme devient fonctionnel pour la première fois dans le cas

du cabinet Adrian Năstase. Pendant cette seconde étape du cabinet on peut donc identifier les

racines d’un potentiel conflit entre les acteurs qui est cependant contrôlé par une logique

cachée de départementalisation. Les ministres tendent à contrôler leurs domaines

d’intervention et en cas de conflit les dossiers sont transférés aux niveaux inférieurs afin

d’arriver au consensus. Cette stratégie est d’ailleurs similaire à la méthode employée par

Stolojan qui afin de réunir le consensus au sein du cabinet, forçait un processus de

négociation préalable entre les acteurs ministériels. Le contrôle d’agenda par le Premier

ministre en tant qu’instrument de la coordination efficace semble jouer un rôle essentiel aussi

durant cette période.

Le changement d’accent dans la politique gouvernementale renforça ainsi de rôle des

secrétaires d’Etat. Les principes de construction sur la verticale à l’intérieur des ministères,

déjà appliqués durant la période précédente, s’avérèrent d’une grande importance. D’ailleurs,

ce n’est pas par hasard qu’à partir de ce moment qu’on avait commencé en vérité le processus

de cooptation massive des secrétaires d’Etat dans les structures du parti. Cette cohésion des

acteurs n’implique pas l’effacement des blocages des dossiers entre les ministères.

Néanmoins, ces empêchements sont pourtant résolus sous la forme des négociations

mutuellement avantageuses : « tu me rends un service et tu débloques mon dossier et je fais la

même chose pour toi ». La présence d’Adrian Năstase à la direction du cabinet est invoquée

comme une instance ultime de résolution des conflits. De la sorte, les références telles que

« je suis arrivé jusqu’à Adrian Năstase, pour soutenir mon projet » sont souvent invoquées

par les secrétaires d’Etat et les affirmations comme « je discutais directement avec le Premier

ministre » apparaissent au cadre des discours des ministres de la période577. Cependant, les

autonomisations des ministères qui préfèrent négocier le support de leurs politiques

directement avec le Premier ministre n’ont pas constitué la seule logique de fonctionnement,

car il y avait aussi une cohésion relative qui s’est maintenue en vertu de l’activité de parti.

4.4.5 2000-2004 Cohésion et coordination d’un parti monolithique

je les ai invités dans mon cabinet, on discutait et on cherchait des solutions. »577 Plusieurs entretiens ont mis en exergue ces pratiques, Marta Tarnea secrétaire d’Etat au Ministère du Travail, Vasile Puscas, Ministre négociateur en chef pour l’Intégration européenne, Rasvan Theodorescu, ministre de la Culture etc.

Le cabinet Nastase fut formé selon des principes similaires aux mécanismes qui

caractérisent les démocraties parlementaires. La cohésion de l’équipe trouvait ses racines

dans une socialisation dans des fonctions publiques et dans les structures du parti et elle

avait joué un rôle important dans l’activité gouvernementale. Le fait que le Premier ministre

était aussi le président du parti lui fournissait les mécanismes d’une coordination efficace

quant à la prise de décision.

Néanmoins, deux grandes périodes dans l’activité du gouvernement peuvent être

décelées. La première période fut caractérisée par la collégialité gouvernementale et la

coordination maximale du Premier ministre. C’est aussi l’étape où on voit le fonctionnement

du cabinet sur des principes réformistes dans tous les domaines et où le processus de

distribution des ressources à partir des mesures protectionnistes reste assez limité.

En contrepartie, la seconde période du cabinet instaure plutôt un processus de la

prise de décision consensuelle. Les dynamiques du personnel de grande ampleur ont

déterminé plutôt l’adoption d’un autre style décisionnel. Le consensus entre les acteurs est

préservé, le conflit étant écarté de la prise de décision par le biais d’un procédée renforçant

les seconds échelons de pouvoir. Une départementalisation limitée de la prise de décision fut

ainsi instaurée. Le profil des acteurs au pouvoir ait un plus d’importance durant cette

période, parce que d’une part, les ministres étaient plus difficilement contrôlables au niveau

des décisions entamées à l’intérieur des ministères et deuxièmement parce que ceux-ci

étaient toujours des membres importants du PSD578.

4.5 2004-2008 La coalition conflictuelle : coordination à la dépense du

support politique

4.5.1 Le contexte politique

Le gouvernement créé suite aux élections du 28 novembre 2004 comprenait en tant

que noyau dur décisionnel les deux formations politiques qui ont participé aux élections dans

une alliance : le PNL et le PD. Malgré la victoire électorale du PSD allié au PHR, la décision

578 On peut expliquer ainsi la décision du Premier ministre des derniers mois du cabinet de récupérer des personnalités marquantes qui occupaient des fonctions ministérielles et de les transférer au niveau du parti. Ces personnalités ont pu certes préparer la campagne électorale mais la nomination d’anciens secrétaires d’Etat des échelons inférieurs a maximisé aussi de nouveau la capacité de coordination du Premier ministre en ce qui concerne les dernières mesures du cabinet.

du PHR de rejoindre une coalition gouvernementale formée par l’Alliance Justice et Vérité

ainsi que le support de l’Union Démocratique des Hongrois de Roumanie (UDHR) et du

groupe parlementaire des minorités nationales permirent la formation d’un gouvernement de

coalition de centre droite. On assiste ainsi à la formation d’un cabinet qui regroupe cinq

partis, qui en dépit des possibles argumentations qu’on pourrait invoquer quant à son bien

posé, présentait de facto un caractère éclectique579.

Les piliers du cabinet Tăriceanu devraient être le programme de l’Alliance Justice et

Vérité, la collaboration « exceptionnelle » avec le Président du pays ayant une mission de

« président joueur », la relance du rôle du Parlement et une justice qui valorise le règne de la

loi. Ces principes étaient présentés en tant qu’élément de consensus pour les membres de la

coalition. Cependant tout comme durant la période 1996-2000, l’élargissement de la coalition

a soulevé des problèmes par rapport au fonctionnement initial des protocoles de l’Alliance

qui était codifié dans les moindres détails580. Malgré l’accord de principe concernant certains

éléments de gouvernance, les précautions initiales quant à la clarification des procédures

décisionnelles et des relations entre les partis de la coalition, la période du cabinet Tăriceanu

a été caractérisée par de nombreux désaccords portant sur le fonctionnement du cabinet et par

un conflit général entre le législatif, le président et l’exécutif.

A différence donc de la période 1996-2000 quand les conflits ont visé plutôt le

remplacement des Premiers ministres, durant la période 2004-2008 ce sont les partis

politiques ceux qui ont du quitter la coalition gouvernementale et non pas le chef de

l’exécutif. De la sorte, suivant la tendance qui avait commencé à la fin de l’année 2006 quand

un des membres de la coalition initiale le Parti Conservateur (l’ancien PHR) a décidé de

579 Le choix des alliés expliqué par le Premier ministre fut justifié comme résultat par la fragmentation du pouvoir résultante des élections, tandis que l’acceptation des nouveaux partenaires était argumentée de la façon suivante : « j’ai coopté l’UDHR au gouvernement parce que cette formation s’est avérée une source de stabilité et un facteur de support de l’intégration européenne. J’ai coopté PHR parce que ce parti milite pour les petites et les moyennes entreprises et pour le développement économique de performance. J’ai fait appel au support des minorités nationales en tant qu’expression de notre ouverture pour la diversité ». V. Le discours d’investiture du Premier ministre désigné Călin Popescu Tăriceanu devant les deux chambres réunies du Parlement le 28 décembre 2004 http://www.dapnl-pd.ro/document.php?id=81580 L’engagement initial de l’Alliance PNL PD du 28 septembre 2003 montrait que l’Alliance se construisait contre le gouvernement PSD en tant que construction politique capable de gagner les élections. Ayant comme principes fondamentaux un ensemble des mesures telles que la tolérance zéro par rapport à la corruption, le développement capitaliste d’une économie de marché fonctionnelle, le principe de responsabilité de la classe politique et le besoin de relance de la solidarité nationale, le Protocole du Fonctionnement de l’Alliance Justice et Vérité comprenant également les principes de fonctionnement quant à la distribution des portefeuilles et la prise de décision a du être renégocié avec les autres partis politiques. Le résultat fut un Accord de coalition du gouvernement signé par les quatre partis le 16 février 2005, après la date où le gouvernement fut investi par le parlement. (***, L’Engagement de l’Alliance Justice et Vérité signé par Traian Basescu et Theodor Stolojan, http://www.dapnl-pd.ro/docpage.php?speccode=angajament)

retirer ses ministres et son support pour le cabinet, en avril 2007, après quatre mois de

l’adhésion à l’UE, le cabinet est devenu ultra minoritaire suite au limogeage des ministres

d’un des deux principaux partis se trouvant au gouvernement, le PD. De cette manière, on

assiste à l’émergence du cabinet Tăriceanu II qui, malgré le fait qu’il disposait de 22,35% de

support déclaré à l’intérieur du parlement, il a pu continuer son mandat surtout comme

résultat du soutien implicite des partis de l’opposition.

La faible majorité parlementaire, la composition hétéroclite de l’équipe

gouvernementale ainsi que le conflit entre les institutions de l’Etat avaient directement influé

sur les décisions de l’exécutif. Les remaniements des acteurs gouvernementaux qui au début

ont été le résultat des négociations acharnées entre les partis politiques s’enchaînèrent menant

à la période la plus instable d’un point de vue des changements du personnel. La modification

de la composition de la coalition, les démissions suite à des critiques parues dans la presse,

mais aussi comme résultat des critiques formulées au niveau européen, la mise sous

investigation de cinq ministres de la période 2005-2007 construisent l’image générale d’un

cabinet très fragile quant au contrôle exercé sur les politiques. En fait, les seuls éléments de

continuité qu’on peut retrouver durant la période sont la présence à la tête de l’équipe

gouvernementale du même Premier ministre et, le maintien, au moins au niveau des

déclarations, du même programme gouvernemental.

4.5.2 Le Programme : La fin de la transition et les tendances européanistes

Lorsque Călin Popescu Tăriceanu est devenu « le candidat » de l’Alliance DA pour la

fonction de Premier ministre mentionnait « le gouvernement que je dirigerais aura dans le

président un partenaire de travail […]. J’ai une très bonne relation avec Traian Basescu. On

aime travailler ensemble, on est politiquement complémentaires. …Il est le président d’un

parti socio-démocrate et moi [je suis] le représentant d’un parti libéral. »581. Cette

complémentarité est aussi visible au niveau du programme gouvernemental de l’Alliance

Justice et Vérité qui reprenait les principes de l’Alliance DA et les propos de sa plateforme

électorale582.

581 ***, La déclaration de Călin Popescu Tăriceanu lors de sa désignation comme possible Premier ministre de l’Alliance Justice et Vérité, le 20 octobre 2004, http://www.dapnl-pd.ro/document.php?id=52582 ***, Les priorités de l’Offre électorale de l’Alliance Justice et Vérité, 28 septembre 2003, http://www.dapnl-pd.ro/document.php?id=5, et la Plateforme programme de l’Alliance DA, http://www.dapnl-pd.ro/docpage.php?speccode=platforma

Pensée en tant que projet politique qui annonçait « la fin de la transition et le début de

la modernisation du pays par le biais de l’intégration et la reconstruction du bien être de la

population »583, l’agenda gouvernemental présenté mettait en relief plusieurs priorités telles

que la lutte contre la corruption, la fiscalité et la pauvreté. Le cabinet investi prenait son

engagement devant le parlement quant à l’introduction de la côte unique d’impôt et il

proposait des mesures urgentes pour la protection des retraités et des catégories défavorisées.

En outre, on avait également spécifié le souci pour la gestion de l’hiver. Le programme

gouvernemental584 présentait un visage différent comme structure par rapport aux autres

équipes gouvernementales. Le respect des engagements face à l’UE, l’intégration

institutionnelle, et la convergence économique à l’UE occupaient le premier plan de l’action

gouvernementale. Le credo gouvernemental d’un point de vue économique était résumé de la

manière suivante : « un gouvernement puissant n’est pas celui qui désire contrôler tout, mais

celui qui sait renoncer à une partie de son pouvoir pour donner de la force au marché et à la

loi ». La réforme fiscale, le renforcement des marchés financiers, la lutte contre la

corruption devenaient les objectifs centraux de la nouvelle équipe gouvernementale. Ces

politiques sont d’ailleurs décryptables si on regarde les premières deux années du

gouvernement quand le secteur financier est de loin la cible de la prise de décision

gouvernementale.

Si on est à considérer que la structure même du programme ait une relevance pour la

définition des priorités gouvernementales, il faudrait remarquer un renversement de

perspective. L’éducation devient un objectif important, soulignant le rôle de la réforme en ce

secteur, tout comme la question de la réforme du système de retraites. Les objectifs du

programme sont aussi visibles au niveau des allocations budgétaires qui montrent une

croissance de fonds considérable pour ces secteurs par rapport à la période précédente.

Néanmoins, la continuité des politiques socio-démocrates même après la révocation des

ministres du PD peut être lue aussi comme résultat des négociations que le gouvernement

entama avec le PSD afin de pouvoir continuer son mandant.

En outre, les politiques dans d’autres domaines ont suivi plutôt une logique de

réponse aux contraintes externes, notamment aux critiques formulées par la Commission

européenne. Le gouvernement en place semble maintenir le principe de subvention pour le

domaine agricole (qui reçoit le plus grand pourcentage de fonds de toute la période du

postcommuniste) et il postule l’importance de la réforme administrative selon les principes de 583 Le discours d’investiture du Premier ministre désigné Călin Popescu Tăriceanu584***, Le programme du gouvernement Călin Popescu Tăriceanu 2005-2008, http://www.dapnl-pd.ro/docs/program-de-guvernare.pdf, dernièrement accédé septembre 2008

la proportionnalité et de la subsidiarité. La croissance des fonds alloués pour le Ministère de

l’Intérieur et de l’Administration est tout à fait visible par rapport aux périodes précédentes,

tout comme on peut identifier une augmentation globale du nombre des décisions

gouvernementales orientées en ce sens (durant les deux premières années du mandat).

4.5.3 L’équipe : L’échec de la codification en tant qu’élément de cohésion

Le Premier Ministre. Le 2 octobre 2004, peu de temps avant les élections Theodor Stolojan

annonçait sa retraite de la course présidentielle. Il déléguait toutes ses attributions dans

l’Alliance et dans le parti au vice-président du PNL Călin Popescu Tăriceanu. La décision de

Stolojan reconfigura le tandem institué pour les élections, le nouveau leader du PNL devenant

à la proposition du Conseil National de l’Alliance Justice et Vérité « le candidat » de

l’Alliance pour la fonction de Premier ministre. Tout comme dans le cas du cabinet Năstase,

le nouveau Premier ministre présentait une longue expérience de parti, étant un de ses

membres fondateurs, ainsi qu’un certain savoir faire accumulé dans les fonctions publiques et

au niveau du parti585.

Les ministres et les secrétaires d’Etat. La formation de l’équipe gouvernementale du

cabinet Calin Popescu Tariceanu avait été pensée à l’avance dans le Protocole de

collaboration de l’Alliance Justice et Vérité586. Les futurs ministres devaient ainsi être

nommés par le Conseil National de Direction de l’Alliance, construit d’une manière paritaire

et comprenant sept représentants de chaque parti politique. La distribution des portefeuilles

gouvernementaux devait obéir à un principe de proportionnalité avec le poids des partis au

parlement587, avec un portefeuille de plus pour le parti qui ne désigne pas le premier ministre.

En outre, la présence des acteurs au pouvoir était négociée entre les deux formations

politiques et aurait du prendre en compte surtout les acteurs politiques qui avaient travaillé à

585 Călin Popescu-Tăriceanu devient membre fondateur et secrétaire exécutif du PNL entre 1990-1992. Suite à la fragmentation du mouvement libéral au début des années 1990 il fait parti du PNL Aille Jeune et du „Nouveau PNL”. Il revient rapidement dans le PNL en détenant la fonction de vice-président 1993-2004. Après cette datem il fut nommé le leader du parti. En outre, en 2003 il devient vice-président du Parti Européen Libéral Démocrate. En ce qui concerne son expérience politique, Tăriceanu a été ministre d’Etat au ministère de l’Industrie et du Commerce (12 décembre 1996 - 5 décembre 1997) ainsi que député. D’ailleurs, à l’exception de la période 1992-1996 quand le PNL n’avait pas eu de représentants au parlement, il a été un membre constant de la Chambre des Députés.586 ***, Le Protocole de collaboration Alliance Justice et Vérité. Principes et modalités de fonctionnement587 Chaque parti sur les listes obéissait les règles d’une formule établie en avance : 50% le rapport au niveau national aux élections départementales ; 25% du rapport des partis dans les sondages des options concernant l’intention de vote en octobre 2003 ; 25% sondage après 3 mais après les élections locales de la même année. Les candidats sont sélectionnés à partir de ces formules par chaque parti politique.

la plateforme électorale de l’Alliance. Or, il va sans dire que l’entrée dans l’équipe

gouvernementale du PHR et de l’UDHR introduisait un bafouillage de ces règles établies

deux années en avance. Le principe de proportionnalité par rapport au nombre des mandats

parlementaires est éliminé, et l’accord de coalition conclu d’ailleurs après que l’équipe

ministérielle était investie par le parlement, montrait que tant les nominations politiques au

sein du cabinet que les sélections des secrétaires d’Etat obéissaient uniquement à une logique

de négociation588.

L’adoption de ce principe mena à la construction de l’équipe gouvernementale sur

d’autres critères qui n’étaient pas clairement définies589 et qui ont forcé un changement dans

la distribution des portefeuilles. Le fait que chaque parti de l’Alliance DA a du renoncer à

une partie de ses portefeuilles fut doublé par un autre aspect. Si à l’origine la création de la

position du vice premier ministre avait comme but justement d’instaurer une prise de décision

équilibrée, selon un principe bicéphale à l’intérieur même du cabinet, l’application de cette

logique fut quasi-impossible lorsque dans l’équipe gouvernementale on avait intégré un vice

premier ministre pour les autres formations de la coalition. Les statuts inégaux des trois

autres partis, renforça ainsi la position de Călin Popescu Tăriceanu à la tête de son équipe

gouvernementale, en dépit du fait que la prérogative visant la nomination et la révocation du

personnel gouvernemental reste un domaine d’intervention qui relève des attributions des

partis membres de la coalition.

Lorsqu’on regarde le profil des ministres de la première équipe initiale du cabinet, on

peut remarquer cette logique hétéroclite de sélection. Le PNL avait choisi ses ministres parmi

les supporters de l’Alliance avec le PD, des membres du CNC ou des supporters du

groupement Tăriceanu dans le parti. A l’exception du ministre des Affaires étrangères, qui fut

d’ailleurs perçu comme un portefeuille technique (tout comme la Justice où le PD avait

nommé un indépendant)590, les autres membres de l’exécutif présentaient une longue 588 ***, La Coalition. Accord concernant les principes et les modalités de fonctionnement, le 16 février 2005 http://www.infopolitic.ro/imagini/documente/1134469134_Protocolul%20Coalitiei.pdf589 L’allocation des portefeuilles dans le cabinet initial était : UDMR 4 ; PUR 3 ; PNL 9 et PD 7, tandis que les portefeuilles de secrétaire d’Etat étaient distribués de la manière suivante PNL 32, PD 21 ; UDMR 10 ; PC 8 (www. Rompres.ro)590 La même logique s’appliqua au ministère de l’Intégration européenne ainsi que pour le niveau des secrétaires d’Etat du ministère de l’Intérieur et de l’Administration. Les logiques de sélection ministérielles mettent en exergue plutôt un principe de compétence dans le domaine et non pas l’expérience dans le parti. D’ailleurs, la catégorie d’indépendants n’est pas touchée par la restructuration de grande ampleur qui eut lieu en septembre 2005. A l’exemple dans le cas du Ministère des Affaires étrangères, au-delà de certaines ressources de passé qui recommandaient les sélections des secrétaires d’Etat il y avait un principe de socialisation préalable développé dans des cadres professionnels. Mihai Razvan Ungureanu précisait par rapport à l’équipe des secrétaires d’Etat « nos superpositions biographiques sont plus importantes que la coïncidence de génération. On provenait de la même pépinière formé par Andrei Plesu au Collège « Nouvelle Europe », on est animés par le même esprit…On a la même chimie spirituelle… Razvan Ilie, Mihai-Razvan Ungureanu - „Viata mea este o inlantuire de intalniri

expérience de parti. La même logique on la retrouve dans le cas de l’UDHR qui même au

niveau des nominations des acteurs politiques plus jeunes avait favorisé des gens qui ont

activé depuis longtemps dans les structures de l’Union. Le président du parti devient membre

de l’équipe ministérielle et il choisit pour les autres portefeuilles assignés à l’UDHR des

acteurs politiques qui étaient parmi ses proches. A l’opposée le PHR, présente plutôt une

équipe ayant plutôt un profil économique où le critère de l’expérience en politique ou de parti

ne joue pas de rôle essentiel. Enfin le PD, avait opté pour une logique éclectique de la

sélection. Le nouveau chef du parti n’occupait pas un portefeuille dans l’équipe ministérielle,

seuls deux membres du CNC sont aussi membres du cabinet. Pour ce parti, il faudrait

remarquer également l’importance d’une expérience dans l’administration locale pour la

sélection. Pour ce qui est des nominations des secrétaires d’Etat, il existe une pluralité de

logiques qui s’instaurent. Généralement, l’échelon second du pouvoir exécutif respecte les

mêmes principes d’initiation en politique que dans le cas des cabinets précédents, les

formules de cooptation étant importantes. Néanmoins, il faudrait préciser qu’à l’exception de

quelques positions considérées plutôt comme étant techniques, le PNL avait opté à la

promotion des personnes du territoire qui présentaient peu d’expérience dans les fonctions

publiques, mais qui étaient des membres de parti depuis longtemps.

Il faudrait remarquer que ces principes initiaux de sélection ont radicalement changé,

surtout après 2007, quand le Premier ministre suite à une division du PNL, a du trouver le

personnel capable de remplir les fonctions gouvernementales qui appartenaient au PD. Le

choix des nouveaux acteurs ministériels a obéit d’ailleurs aussi aux contraintes

organisationnelles en imposant la sélection des acteurs politiques exclus durant la première

étape de la formation du cabinet (des leaders qui avaient en principe contesté la formation de

l’alliance DA, ainsi que la présence de Tariceanu à la direction du PNL).

4.5.4 Une esquisse de la prise de décision gouvernementale au début du cabinet

Le gouvernement Călin Popescu Tăriceanu commença son mandat dans un cadre de

codification additionnelle du processus de la prise de décision. On forme ainsi un Comité

gouvernemental de la coalition qui comprenait le Premier ministre et les vice-premiers

ministres censés d’établir l’agenda et les stratégies gouvernementales à la base du consensus.

Il est intéressant de spécifier que lorsque le consensus n’est pas atteint, les décisions ne sont

fericite” [Ma vie est un enchainement de rencontres heureuses], Cariere, entretien réalisé le 08.03.2006

pas entamées (comme dans la loi spécifiait) par le Premier ministre, mais elles sont

transférées au niveau des partis, autrement dit au Conseil National de la Coalition formé par

les chefs des partis politiques.

Devant une possible absence de coordination des ministres qui étaient censés d’obéir

aux recommandations directes de leurs sélecteurs, on avait établit d’autres mesures

supplémentaires et des délais fixes. Ainsi les projets qui doivent être avisés par d’autres

ministères doivent recevoir les avis nécessaires dans un délai maximal de sept jours.

Néanmoins, l’intégration du PHR et de l’UDHR dans l’équipe gouvernementale efface la

stipulation conformément à laquelle lorsque l’avis était négatif les questions doivent être

débattues au niveau du cabinet. En dépit de ces mécanismes visant la coordination à

l’intérieur des cabinets les ministres restent en grande partie responsables devant les leaders

des partis d’origine, surtout suite au fait qu’ils peuvent être révoqués de leurs fonctions que

lorsque leur propre parti soutient le limogeage591. En outre, il paraît que la simple position

dans le parti ou à l’intérieur de la coalition n’est pas suffisante afin d’établir une dose

d’autonomie décisionnelle. Tout comme durant la période Radu Vasile, le Premier ministre

du parti essaya ainsi d’imposer des restrictions plus dures quant au comportement des

ministres de son propre parti. D’ailleurs au-delà des procédures, la volatilité des portefeuilles

gouvernementaux avait donné naissance à une catégorie des passagers dans le cabinet. La

surveillance de la Commission européenne et les contraintes décisionnelles imposées en ce

contexte, en ce qui concerne les décisions gouvernementales constituèrent un élément de

continuité qui eût un impact sur le fonctionnement gouvernemental surtout durant les deux

premières années592.

591 Les déclarations de presse de leaders politiques lors du remaniement et de la restructuration du second échelon du pouvoir en mois aoûts 2005 sont illustratives. Le président du PD, Emil Boc affirma « On a des secrétaires d’Etat de 9 et 10, mais on a également de 7 et 8. Il faudrait s’assurer que tous travaillent au maximum. En principe leur activité est très bonne…mais on prendra des décisions là où le BPN appréciera que l’activité à été de 7 et 8. Ceux-ci devront être remplacés », tandis que le futur président du PHR Daniela Popa précisait la situation dans le PHR : « les secrétaires d’Etat du PC sont venus aux séances de direction du parti durant toute l’été ; ils ont présenté des rapports ainsi qu’on puisse évaluer leur activités. En principe on connaît leur travail ». Une dose d’autonomie est cependant donnée aux ministres quant aux reconfigurations (par tellement dans le cas du personnel proprement dit mais par rapport à la structure du ministère reconfiguré) : « Jusqu’à ce soir, les ministres devront communiquer au Conseil National pour la Coordination de la coalition quelles sont leurs options quant à la structure d’organisation du gouvernement, parce que jusqu’à présent les activités ont été partagées entre six ou sept secrétaires d’Etat, et maintenant il faudra qu’on fasse une redistribution des activités », comme avait spécifié Bogdan Pascu, ministre PC dans l’équipe Tăriceanu. Les déclarations citées par Rompres.592 Ainsi l’ancien ministre de l’Intérieur et de l’Administration Vasile Blaga racontait quant à la période de son mandant « Ce fut une période difficile…Quand je suis devenu ministre les retards étaient plus nombreux par rapport aux réalisations. Le Ministère de l’Intérieur et de l’Administration avait cinq drapeaux rouges et huit jaunes qui correspondaient à 56 problèmes majeurs à résoudre. J’ai accompli intégralement les conditions posées par l’UE dans le domaine des affaires internes ». V. entretien accordé par le Ministre de l’Administration et de l’intérieur, entretien Vasile Blaga au Journal Edition Spéciale d’Olténie.

Avant de conclure cette esquisse de la dernière période, il faudrait encore préciser que

ces procédures initiales ont beaucoup changé durant la dernière période du cabinet. Une fois

la coalition rompue on assiste plutôt l’instauration d’un processus décisionnel hiérarchique

avec une coordination plus faible des ministres nommés en fonction.

4.5.5 Les débuts du cabinet Tariceanu : logique conflictuelle et absence de coordination

L’équipe pensée au départ sur un principe de cohésion qui se construisait autour

d’une expérience de deux années de travail ensemble au sein de la coalition Justice et Vérité

a du être reconfigurée durant la période postélectorale. La logique d’algorithme négociée

avec les autres partis qui durant le cycle électoral antérieur avaient été des alliés du PSD,

imposa comme dans la période 1996-2000 une logique conflictuelle. Il faudrait cependant

spécifier que le fonctionnement de la coalition à la base des principes communs imposa

durant la première année du mandant, en dépit des discussions portant sur l’organisation

des élections anticipées, plutôt une période de stabilité d’un point de vue du personnel

ministériel, tandis que les secrétaires d’Etat ont été révoqués suite à une tendance de

restructuration et non pas comme résultat direct d’une sanction. Les mécanismes

d’homogénéisation décisionnelle fonctionnent entre les membres du cabinet, en dépit d’un

conflit sous-jacent qui caractérisa la période. La logique d’une collégialité superficielle

fondée en premier lieu la volonté du leadership du parti, transféra ainsi la coordination du

Premier ministre ou des ministres vers les formations politiques d’origine de ces acteurs. En

ce contexte, les marges de manœuvre du personnel gouvernemental dépendirent directement

à leurs relations à l’intérieur du parti. Le mécanisme qui n’avait rien d’exceptionnel dans

une logique de coalition, retrouva ses limites devant le désir du Premier ministre d’imposer

une logique hiérarchique et de reprendre la coordination dans ses mains. De nouveau cette

perspective décisionnelle aboutit dans une situation conflictuelle. Cependant, à différence de

la période 1996-1998, l’hétéroclisie de l’équipe et l’absence de l’union de celle-ci

favorisèrent directement le Premier ministre, soutenu par les ministres PNL du cabinet. Par

conséquent le conflit développé avait fini non pas par la démission du chef de l’exécutif mais

par le démantèlement de la coalition gouvernementale.

4.6 Tab leau généra l de la re la t ion en t re le recru tement et la p r ise de déc is ion

http://www.mai.gov.ro/Documente/Arhiva%20comunicate/Interviu%20Editie%20Speciala%20de%20Oltenia.pdf

Un regard global sur le recrutement dévoile un processus graduel de

professionnalisation de la sphère gouvernementale. Si au début des années 1990 ce sont

plutôt les relations personnelles et les ressources du passé qui jouent un rôle décisif dans la

promotion en politique, à partir de 1996 on institue de nouveaux mécanismes qui portent sur

la sélection des acteurs présentant une expérience politique postcommuniste. L’étape 1996-

2000 constitue plutôt une période de passage où l’imbrication des relations personnelles et la

logique partisane deviennent les critères de base de la promotion en politique. A partir de

l’année 2000, même si la socialisation des acteurs continue à constituer un élément important

en politique, les logiques de sélection ressemblent à celles des démocraties parlementaires où

l’expérience en fonctions publiques et la relation avec le parti qui fait la nomination ont une

grande importance. Cependant cette logique de promotion n’est pas valable dans le cas des

secrétaires d’Etat qui, dans le cas de leur première nomination, sont plutôt cooptés à la base

d’une logique de confiance de l’extérieur de la scène politique.

Les variations dans les sélections et la transformation des profils des acteurs

engendrèrent des différences en ce qui concerne les styles décisionnels adoptés par les

cabinets roumains. Même si tous les cabinets roumains étaient formés en suivant un souci de

la cohésion de l’équipe gouvernementale, le profil du Premier ministre et du personnel

ministériel a mené à une collégialité plus ou moins parfaite. Il existe pratiquement deux

périodes où on peut identifier une prise de décision qui permet un débat de substance sur les

mesures entamées, (quand les situations de conflit potentiel sont résolues à la base des

négociations menées à l’intérieur du cabinet) : la première étape du cabinet Adrian Nastase,

et d’une façon plutôt ajustée la première année du cabinet Calin Popescu Tariceanu. Or, les

deux exemples sont intéressants car, ils présentent des profils différents : dans le premier cas,

on a un Premier ministre fort qui forme une équipe sur des principes de cohésion résultante

d’une longue expérience dans le parti, mais dans le second cas on est situés dans une logique

de coalition où le pouvoir du Premier ministre est borné par les mécanismes de négociation

entre les partis. Si dans le premier cas, les marges de liberté décisionnelles du leader du parti

sont très larges, dans le second exemple ce sont justement la limitation des sphères d’action

des membres de l’exécutif et le désir de préserver le mandat du cabinet les facteurs qui se

trouvent à la base de la collégialité.

Cependant, la simple volonté d’institutionnalisation de la collégialité n’est pas

suffisante. L’existence d’un Premier ministre faible et des relations conflictuelles entre les

partis de la coalition rendent impossible l’application d’un tel principe. L’idée d’un débat en

profondeur des mesures, impliquant la participation de tous les membres de l’équipe

gouvernementale peut fonctionner soit dans un cadre où les mécanismes décisionnels et les

relations entre les partis sont très bien définis, soit dans le cas où l’équipe se trouve en accord

parfait. L’application d’une telle procédure lorsque le Premier ministre n’a pas un poids réel

dans l’économie de la coalition et quand les partis ne sont pas prêts à négocier, peut mener à

une prise de relation conflictuelle (comme dans le cas du cabinet Ciorbea) où encore à

l’élimination des partenaires de coalition, comme dans le cas du dernier cabinet en place.

Option qui relève aussi du profil du Premier ministre, la collégialité peut constituer

une option viable seulement dans des cas précis. C’est d’ailleurs comme cela qu’on peut

expliciter la tendance plutôt généralisée des gouvernants roumains pour une prise de décision

consensuelle qui permet une certaine autonomie des acteurs au niveau des secteurs de

l’exécutif qu’ils avaient dirigés.

La version décisionnelle qui implique une participation superficielle des membres des

exécutifs à la prise de décision souleva cependant le problème de la coordination de l’activité

gouvernementale. Devant une règle non écrite du respect de la liberté d’action des autres

membres des exécutifs, le consensualisme superficiel pose le problème de l’existence d’un

contrôle quant aux politiques menées par les départements ministériels. D’ailleurs la

formation des équipes exécutives sur la verticale engendrant des logiques de loyauté par

rapport à la personne du ministre en place est censée de renforcer ces pratiques

départementalisées.

En ce qui concerne le contrôle réciproque entre les ministres, mais aussi le contrôle

que le Premier ministre exerce sur son équipe, il existe des variations notables tant par

rapport à son intensité que dans la manière dans laquelle le processus de coordination

s’articule. Néanmoins, il faudrait spécifier que, dans la plupart des cas, l’absence de

coordination est une stratégie assumée par les chefs des exécutifs qui préfèrent de balancer

les inconvénients de l’autonomisation des ministres par la qualité des ministres sélectionnés.

Ce fut d’ailleurs le cas des premiers cabinets postcommunistes, où l’activité

départementalisée avait touché tous les domaines non économiques. En ce contexte, le profil

de chaque ministre, son expérience tout comme leurs relations directes avec ceux qui les ont

recommandés deviennent les principaux facteurs contraignants de l’action exécutive. Le

programme gouvernemental reste de cette manière un objectif secondaire. L’absence de

coordination ne cessa pas avec l’émergence d’un principe politique dans la formation des

cabinets. Une fois que les partis ont commencé à contrôler la sélection, cependant la

coordination gouvernementale qui est généralement faible a été doublée par une coordination

de l’extérieur venant de la part du parti formateur.

Table 29 Tableau général du recrutement et de la prise de décision au niveau gouvernemental

Principe de constructionde l’équipe

Premierministre

Style décisionnel

Coordination

Effets des acteurs 1

Roman II Socialisation occupationnelle. Passé communiste

Fort Consensuel Partielle Directe (exception économie)

Stolojan Socialisation occupationnelle. Passé communiste

Faible Consensuel Partielle Directe (exception économie)

Vacaroiu Socialisation occupationnelle. Passé communiste

Faible Consensuel Partielle Directe (exception économie)

Ciorbea Socialisation en fonctions publiques. La relation avec les leaders du parti. Expérience exécutive PD

Faible Conflictuel Non Dépend de la relation avec les partis d’extraction

Vasile Socialisation en fonctions publiques. La relation avec les leaders du partiExpérience exécutive PD

Faible Consensuel Partielle Dépend de la relation avec les partis d’extraction

Isarescu Socialisation politique. La relation avec les leaders du parti. Expérience exécutive PD

Faible Consensuel Partielle Dépend de la relation avec les partis d’extraction

Nastase 1 Socialisation politique. L’expérience en fonctions politiques

Fort Collégial Oui Limité. Dépend de la relation directe avec le Premier ministre

Nastase 2 Socialisation politique. L’expérience en fonctions politiques

Fort Consensuel Partielle Dépend de la relation directe avec le Premier ministre

Tariceanu 1 Socialisation politique. L’expérience de parti (PNL, UDMR), expérience

Fort (en apparence)

Collégial Partielle Dépend de la relation avec les partis d’extraction

décisionnelle (PD)Tariceanu 2 Socialisation politique.

Nouveaux entrésFort Consensuel Partielle Dépend de la relation

directe avec le Premier ministre

5. En guise de conclusion

Le profil du Premier ministre, celui des acteurs exécutifs et le type de cabinet

déterminent conjointement le comportement des équipes gouvernementales au niveau des

processus décisionnels. Comme suggéré par Blondel et Manning, les profils des acteurs

constituent des facteurs favorisant l’articulation d’un certain style décisionnel et l’émergence

des divers degrés d’autonomie des ministres. Cependant, l’importance du recrutement ne se

résume pas à l’imposition d’un certain style décisionnel, car il est aussi déterminant pour la

configuration des politiques, dans le cas où le degré de départementalisation décisionnelle est

très élevé.

Le gouvernant est ainsi à concevoir en tant que personnage politique qui formule les

décisions qu’il doit ultérieurement implémenter, celui qui entame des politiques

gouvernementales ou au contraire qui décide de les retarder593. Suivant Andeweg, on peut

considérer que les ministres s’autonomisent dans des divers degrés en tant que « dictateurs »

sur un secteur des politiques publiques sans exercer du contrôle sur d’autres domaines

gouvernementaux, faute de temps ou de personnel et suite à des raisons stratégiques visant

l’instauration d’un principe départementalisé qui s’appliquerait aussi à son ministère.

Cependant l’autonomisation des ministres et leur impact direct sur les politiques varient à

travers les cabinets.

Le rôle des acteurs bascule ainsi entre un poids formel déterminant les caractéristiques

du processus décisionnel et l’influence directe du profil de l’acteur sur les politiques

entamées. L’autonomie des ministres, décelable à la fois dans des cadres de collégialité ou

d’hiérarchie permet ainsi qu’on constate un accroissement du poids de la sélection politique

pour une fonction gouvernementale. L’influence croissante de l’acteur individuel, souvent

associée à l’idée de la personnalisation de la politique trouverait justement ses origines dans

les reconfigurations décisionnelles plus générales qui accompagnent paradoxalement un

processus de complexification de la politique.

Lorsqu’on regarde le tableau dressé par les diverses formules gouvernementales

adoptées durant le postcommunisme roumain plusieurs tendances peuvent être identifiées. A

593 R. Andeweg, « Ministers As Double Agents », P.378

part le cas de figure décrit par Blondel et Manning avec un principe de collégialité

« authentique », avec un chef du gouvernement fort et une coordination efficace, d’autres

situations sont envisageables sans que cela implique l’existence d’un gouvernement

hiérarchique.

La logique consensuelle dominante dans le cas des exécutifs roumains, engendra,

indifféremment de la force du Premier ministre, une coordination partielle quant aux

politiques gouvernementales. Que cette situation fut le résultat d’une politique assumée

orientée vers les domaines économiques ou l’option du Premier ministre d’assurer une

fonctionnalité de la coalition gouvernementale ou de s’assurer du support des principaux

leaders politiques, le contrôle partiel des politiques entamées accorde de l’autonomie

décisionnelle aux acteurs politiques gouvernementaux. En ce sens, les trajectoires de ces

élites en politique, les mécanismes qui mènent à leur nomination sont révélateurs pour la

compréhension des logiques expliquant la diversité des comportements politiques. Dans ces

cadres précis, l’activité des ministres est encore plus faillible que dans le cas d’un cabinet

hiérarchique. La prémisse de la collégialité limite le rôle du Premier ministre à la tête de ses

ministres et favorise l’émergence les comportements non fiables.

Dans cette perspective, le recrutement des élites semble constituer une variable

intervenante dans la compréhension à la fois des caractéristiques du processus décisionnel et

du contenu des politiques. Néanmoins, il faudrait spécifier que cet impact est, au moins en

théorie, limité par l’activité des partis et par la volonté du leadership de ces partis. Le poids

des acteurs et l’impact de leurs caractéristiques et de leurs relations personnelles sont

directement dépendants de l’organisation interne du parti et du degré de discipline et de

coordination que la formation politique impose. En ce qui suit, on se propose donc de

décrypter les relations qui s’entament entre les représentants des partis politiques dans les

fonctions publiques et les organisations des partis du support, relation qui peut agir comme

second facteur de coordination, limitant ainsi le rôle de la sélection.

CHAPITRE 5

Les acteurs des exécutifs et la coordination des partis

Les élites politiques gouvernementales semblent s’instituer en tant qu’éléments essentiels dans la compréhension de l’articulation décisionnelle en Roumanie postcommuniste. L’absence de coordination et la faillibilité des actions des élites gouvernementales au niveau institutionnel sont le résultat d’une faible articulation du débat à l’intérieur du cabinet ainsi que de l’émergence des principes conflictuels au niveau de la prise de décision.

Cependant, l’absence de contrôle de l’activité des élites gouvernementales à l’intérieur des cabinets peut en principe mise en balance par une coordination de l’activité des acteurs à l’intérieur des partis. De la sorte, ce chapitre constitue une investigation des relations qui se forgent entre les diverses composantes du parti afin de délimiter la capacité de l’organisation partisane d’assurer la coordination des actions de ses représentants en fonctions publiques. En investiguant les évolutions des principaux partis au gouvernement d’après 1996 et leur édifice interne, ce chapitre délimite les degrés de liberté et les contraintes exercées sur les acteurs de l’exécutif, suite au contrôle exercé par leurs sélecteurs formels : les partis politiques.

LES GOUVERNANTS ET LE CONTRÔLE DU PARTI▪ LE PARTI AU GOUVERNEMENT QUEL IMPACT SUR LES ELITES ▪ TABLEAU GENERAL DES PARTIS POLITIQUES GOUVERNEMENTAUX ET DE LEUR EVOLUTION▪ LES RAPPORTS QUI SE DRESSENT A L'INTERIEUR DES PARTIS GOUVERNANTS ▪ EN GUISE DE CONCLUSION

1. Les gouvernants et le contrôle du parti

Le processus de la prise de décision à l’intérieur des cabinets roumains

postcommunistes peut être caractérisé, d’une manière générale, par un consensus superficiel

entre les acteurs et par la faible capacité de coordination des politiques menées. En ce

contexte, les ministres sont censés d’exhiber un comportement décisionnel orienté vers une

faillibilité de l’action exécutive, représentant plutôt leurs propres intérêts ou encore les

intérêts de leurs proches et n’intégrant pas, d’une manière profonde, les directions du

programme gouvernemental.

Les procédures instituées pour le contrôle des candidatures en tant que manière

d’assurer le bon fonctionnement des exécutifs et les mécanismes mises en place à l’intérieur

des cabinets visant la réduction des comportements qui ne respectent pas les directions

politiques communes594 ont eu dans le cas roumain des effets limités. La sélection des

gouvernants à la base d’un principe de loyauté personnelle, configurée autour de la relation

directe qui se crée entre l’acteur nommé et son sélecteur, avait engendré dans la majorité des

cas analysés, une prise de décision départementalisée qui préfigure l’importance du profil des

élites dans le contrôle des politiques menées.

Les principes personnalisés qui sont à la base de la formation des équipes

gouvernementales à travers toute la période postcommuniste, même après que l’affiliation

politique soit devenue un élément important pour la promotion en fonctions

gouvernementales, ne garantissent cependant pas le fait que ce sont les acteurs

gouvernementaux ceux qui détiennent les leviers de la prise de décision. Les caractéristiques

du parti qui forme le cabinet, les relations de dépendance de l’acteur politique par rapport à

l’organisation politique influent également, d’une manière directe, le style décisionnel et

l’articulation des politiques gouvernementales595.

De la sorte, la relation qui s’établit entre le parti et le gouvernement doit être

approfondie. Comme Blondel le précisait, les liens de dépendance ou d’indépendance qui se

créent entre les élites gouvernementales et les autres dirigeants du parti tels que les leaders

des organisations locales, le leadership central ou parlementaire sont censées de délimiter

l’impact réel des acteurs politiques individuels et de leurs trajectoires sur l’activité

gouvernementale. D’ailleurs, la sélection même dans des portefeuilles ministériels des leaders

594 Th. Saalfeld, Op. Cit, P.358.595 J. Blondel, N. Manning, Op.Cit.,P. 472.

ayant une expérience politique au niveau local ou au niveau national, des dirigeants du parti à

des divers niveaux, suggère l’importance de la compréhension des relations qui se forgent à

l’intérieur de l’organisation politique. Les conflits ou la cohésion, la balance interne du

pouvoir596 deviennent des éléments censés définir les marges de liberté des élites exécutives

et d’examiner le sens de leurs actions.

En considérant que le contrôle exercé par le parti en ce qui concerne la sélection des

acteurs et leurs comportements au sein des cabinets peut engendrer un second type de

coordination au niveau des politiques gouvernementales, nous procéderons donc à une

analyse des organisations des partis gouvernementaux de la perspective des relations qui se

nouent entre ses diverses composantes des organisations politiques qui ont formé les cabinets

postcommunistes. De cette manière, dans ce qui suit, nous essayerons de donner une réponse

à la question : En quelle mesure le parti réussit-il à contrôler ses représentants dans les

fonctions exécutives ?

1.1. Le parti au gouvernement : quel impact sur les acteurs ?

A un premier regard, la reprise de la question visant le contrôle que le parti exerce sur

les acteurs et donc sur la prise de décision gouvernementale semble pour au moins répétitive

et sans objet. Les politiques gouvernementales en Roumanie postcommuniste n’obéissent ni à

la dyade classique entre la gauche et la droite, ni à un principe cohérent qui caractériserait

l’uniformité des directions décisionnelles durant le mandat d’un cabinet. De surcroît, la

volatilité des formations politiques roumaines et leur faible institutionnalisation597 créent

l’image des partis dont les organisations sont incapables d’imposer une direction cohérente

des politiques à mener.

D’une manière similaire aux pays de l’Europe de sud et d’autres pays

postcommunistes, la haute personnalisation de la prise de décision serait en principe à

interpréter comme le résultat d’un double facteur visant l’atrophie des filiales des partis et de

l’essor des médias. La création par le haut des partis politiques roumains postcommunistes

initierait un modèle de centralisation du pouvoir (qu’on pourrait considérer comme inchangé)

en dépit d’un processus ultérieur d’adaptation et de transformation subi par les partis

596 Maurizio Cotta, « On the Relationship Between Party and Government », Pp. 42,44597 Voir Cristian Preda, Partide şi alegeri în România post-comunistă : 1989-2004, P.50 ; Voir aussi Alexandra Ionescu, « Partis, régime politique et bureaucratie d’Etat dans le post-communisme roumain », Studia Politica. Revista Romana de Stiinta Politica, Vol. III, No. 4, 2003, p. 924.

politiques postcommunistes598. De cette façon, au moment où on part de la prémisse d’un

développement organisationnel uniforme des partis politiques postcommunistes et de leur

évolution obéissant à des principes génétiques, on peut facilement argumenter l’influence

directe exercée par les acteurs gouvernementaux sur la prise de décision. Les nombreux

changements dans les directions des politiques gouvernementales observés dans le chapitre 2

deviennent ainsi explicables, car, comme Cotta l’avait observé, plus les leaders ne sont pas

contraints par l’organisation du parti, plus ils sont vulnérables aux contraintes extérieures599.

Au-delà des expériences politiques précédentes et de leur socialisation, les gouvernants sont

en ces contextes plus sensibles aux demandes directes venant de l’extérieur de l’organisation

politique qui, à leur tour, peuvent influencer directement les carrières politiques des élites.

Néanmoins, le développement organisationnel des partis politiques n’est ni uniforme

et il ne peut pas être a priori présumé. Cette première lecture du fonctionnement

gouvernemental, partant d’une évolution hypothétique des partis politiques, peut être

facilement contestée par la mobilisation des résultats du même chapitre 2. Au fond, même si

les décisions gouvernementales suggèrent l’existence des importantes variations dans les

logiques d’action des cabinets roumains qui s’éloignent de la couleur idéologique des partis

au gouvernement, celles-ci ne revêtent pas de caractère aléatoire. Toute une série des

politiques gouvernementales qu’on avait identifiées peuvent être interprétées comme relevant

des intérêts électoraux directs des partis postcommunistes. Au-delà des déclarations d’anciens

ministres ou secrétaires d’Etat (qui soulignent tous l’importance d’une bonne relation avec

leur parti et qu’on peut considérer comme subjectives), certaines politiques distributives

articulées avant les élections, la multiplication des décisions patrimoniales peuvent être

conçues en tant que récompenses offertes par les formations politiques à leurs fidèles ou à

leur électorat.

De cette manière, l’absence de stratification sociale politisée, la faiblesse

programmatique des partis600 ne sont pas d’éléments suffisants pour inférer l’emprise de la

politique des exécutifs par les acteurs individuels qui entament des décisions au-delà de toute

contrainte organisationnelle. Le comportement rent-seeking des acteurs politiques,

généralisable d’ailleurs pour tous les pays de la région601, les incitations positives qui ne sont

598 Ingrid Van Biezen, « On the Theory and Practice of Party Formation and Adaptation in New Democracies », European Journal of Political Research, Vol. 44, 2005, Pp. 147-174. 599 M. Cotta, « On the Relationship Between Party », P. 13.600 Ingrid van Biezen, Political Parties in New Democracies: Party Organization in Southern and East-Central Europe. Palgrave Macmillan, Londre, 2003, P.34; H. Kietschelt, Op.Cit., Pp. 845-879601 Ingrid van Biezen, Petr Kopecky, « The State and the Parties : Public Funding Public Regulation and Rent Seeking in Contemporary Democracies», Party Politics, Vol. 13, 2007, Pp. 235-254

pas orientées uniquement vers certains acteurs privilégiés de la sphère politique et sociale

mais qui sont censées renforcer la position du parti sur la scène politique dépassent les

simples cadres des intérêts et de la volonté personnelle des acteurs suggérant l’existence

d’une certaine coordination politique et une volonté stratégique des partis.

Paradoxalement, c’est justement cette absence de clarté idéologique et discursive et ce

comportement systématique vers la colonisation des ressources de l’Etat602 tels qui

apparaissent traduits dans les décisions des exécutifs roumains, ceux qui nous mènent à une

interrogation sur la capacité de contrainte d’autres composantes organisationnelles du parti

sur l’activité des décideurs politiques de l’exécutif. En ce qui suit, notre étude se concentrera

donc sur une analyse des principaux partis gouvernementaux et sur leur évolution, à partir du

moment où le politique commence à jouer un rôle décisif dans la formation des équipes

gouvernementales : l’année 1996. Après une courte présentation de l’évolution politique des

principaux partis gouvernementaux postcommunistes, on essayera donc d’établir en détail

l’articulation organisationnelle de ces partis et son impact sur les élites gouvernementales.

2. Tableau général des partis politiques gouvernementaux et de leur évolution603

Les cinq élections générales qui ont été organisées après 1990 illustrent une variation

continuelle dans le nombre effectif des formations politiques. La reconfiguration du système

de partis d’une échéance électorale à une autre avait produit le passage d’une formule d’un

parti et demi en 1990 à un multipartisme sans parti dominant en 1992-2000 et 2004-2008 et à

un multipartisme avec un parti dominant 2000-2004604. En dépit d’une instabilité importante

du champ politique, il existe pourtant un nombre des partis qui réussissent à franchir trois fois

le seuil électoral et à concentrer entre 84,58% et 97,83% des mandants dans le parlement605

De la sorte, malgré des effets disproportionnels engendrés par le système électoral606, ces

partis se constituent en tant que les principaux compétiteurs politiques de la scène politique

602 Petr Kopecky, « Political Parties and the State in Pot-Communist Europe : The Nature of Symbiosis », Journal of Communist Studies and Transition Politics, Vol. 22, No. 3, Septembre 2006, Pp. 251-273 (P.258)603 Afin de reconstruire l’évolution des partis politiques gouvernementaux nous avons mobilisé plusieurs sources telles que les chronologies ou les dictionnaires visant les parties politiques ou encore les sites officiels des partis politiques (voir la présentation des sources). 604 Cristian Preda, « Système politique et familles partisanes en Roumanie post-communiste », P. 557.605 Ibidem, P.561606 La haute disproportionnément introduite par le système électoral conduit à la situation conformément à laquelle entre 12 et 22% des voix soient ignorées lorsqu’on fait la répartition des mandats V. Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., Pp. 85-103. En outre lorsqu’on collabore les effets du système électoral et la participation électorale durant aux élections de 1992 et 1996 on arrive à la conclusion que 60% des options des votants n’ont pas été représentées dans le parlement, V. Daniel Barbu, Op.cit., P. 168.

postcommuniste et ils sont ceux qui deviennent les principaux formateurs des équipes

gouvernementales. Leurs évolutions individuelles, leurs transformations idéologiques et

stratégiques sont à prendre en considération lorsqu’on veut délimiter l’influence de leurs

représentants sur l’activité des exécutifs.

Les éléments de stabilisation, peu nombreux qui caractérisent le système des partis

sont sujets d’une logique éclectique. De huit partis qui ont passé le teste électoral au moins

trois fois, trois d’entre eux sont disparus en 2000 de la scène parlementaire (PSDR, PUNR et

PNPcd), un parti changea de référentiel idéologique (PD) et un autre parti rénova quatre fois

son nom (FSN, FDSN, PDSR, PSD). Dans un contexte de la volatilité électorale, la solution

de formation d’alliances électorales, même si en déclin607, caractérise tous les moments

électoraux. La collaboration entre les partis, soit en ce qui concerne la participation ensemble

lors des élections ou dans les coalitions gouvernementales constituera la solution fournie à

cette absence de support électoral. Pratiquement, toute la période analysée porte, en certains

degrés, cette empreinte. L’articulation politique initiale qui indiquait une certaine

bipolarisation engendrée par la quête au niveau discursif d’un fondement légitimateur pour

les partis politiques et qui positionna les partis par rapport à la tension décrite par l’opposition

entre les ex-communistes et les anticommunistes608, fut rapidement dépassée et remplacée par

un principe de coopération politique pour la conquête du pouvoir. Seule la distinction entre

les positions nationalistes et celle antinationalistes609 resta opérationnelle et elle visa plutôt la

consécration d’une coutume, assumée par tous les partis politiques parlementaires, de la non-

collaboration ouverte avec le PGR.

De la sorte, la négociation politique comme principe de base de l’activité politique au-

delà des affiliations idéologiques s’installa en rendant impossible la prédictibilité des

alliances et des coalitions. Le PNL (PNL-AT) collabora avec le cabinet FSN en 1990, le PNL

a eu des représentants dans le cabinet Stolojan (1991-1992) et il avait soutenu le cabinet PSD

durant les six premiers mois du mandat de 2000-2004. En 2003 toujours PNL il avait décidé

la création d’une alliance électorale avec le PD qui à l’époque continuait d’être membre de

l’Internationale Socialiste. Le PSDR, parti social-démocrate, avait participé avec la CDR aux

607 Au niveau des listes déposées lors des élections on pouvait compter : en 1990 – 78 des formations politiques sur 71 listes, en 1992 92 formations politiques sur 79 listes, en 1996 il y avait 75 organisations inscrites sur 64 listes, en 2000 73 formations sur 68 listes et en 2000 73 formations sur 68 listes et en 2004 il y avait 56 formations politiques sur 52 listes. V. Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., P. 85608 Jean Michel De Waele « Consolidation démocratique, partis et clivages en Europe Centrale et Orientale », P.191.609 C.Preda « Les partis politiques dans le postcommunisme roumain » P. 956

élections de 1992, il collabora avec le PD en 1996 et, en 2000, il signa un protocole avec le

PSD. L’UDHR avait fait partie des cabinets de la période 1996-2000, 2004-2008, mais il

avait également soutenu dans le Parlement le cabinet PSD de la période 2000-2004. Le PHR

gagna la représentation parlementaire sur les listes du PSD en 2000 et en 2004, néanmoins, il

aura des ministres tant dans la période 2000-2004 (avec son partenaire électoral), mais aussi

durant la période 2004-2008 en collaborant (contre son allié électoral) avec les partis de la

droite politique. La CDR, à son tour, était composée par toute une série de partis de droite

mais qui présentaient des affiliations idéologiques distinctes réunissant des libéraux et des

chrétiens démocrates, mais aussi des organisations civiques. De cette façon, le niveau

national des partis politiques dévoile un comportement qui ne se réclame pas d’une logique

de polarisation idéologique qui est d’ailleurs encore moins présent au niveau local610.

Le tableau général évolutif des partis politiques et de leurs tactiques au niveau

systémique dévoile une pluralité de stratégies pour la maximisation du pouvoir, en ignorant

la dimension idéologique. L’hétéroclisie des alliances gouvernementales, les changements

survenus dans les politiques de coalition mais aussi dans les positionnements des partis sur

la scène politique roumaine suggèrent ainsi que les irrégularités décisionnelles ne sont pas

automatiquement le résultat de l’absence de contrôle de ces partis sur leurs représentants en

fonctions publiques. La variation dans l’action des cabinets peut également revêtir les

reconfigurations stratégiques des diverses organisations politiques.

2.1 La présentation des principales évolutions des partis politiques gouvernementaux

610 Les coalitions qui se forgent entre les partis politiques au niveau local sont formées avant l’organisation des élections générales. Peu contraintes par le centre, les organisations locales décident la collaboration avec les formations politiques et forment des majorités qui tiennent de la configuration politique et des intérêts dans les départements en cause. Même si les élections générales changent la logique d’alliance des partis politiques, ces coalitions restent fonctionnelles durant les quatre années jusqu’aux prochaines élections. Même la tension entre les partis nationalistes et extrémistes est dépassée lorsqu’il s’agit de ces négociations locales. Le rapport CASP concernant les élections locales de 2004 avaient identifié en tant que formules de coalitions entamées au niveau départemental: FDGR-PSD-PUR, PNL-PD-PNTCD, PNL-PD-UDMR-PUR, PNL-PD-PRM-PUR, PNL-PD, PNL-PD-PRM-PUR-AP,PNL-PD-PUR, PNL-PD-UDMR-PRM, PNL-PD-UDMR, PSD-PRM, PSD-PRM-PUR, PSD-PUR, PSD-UDMR, UDMR, PSD-PSD-UDMRhttp://alegeri.ong.ro/raportCASPEnglish010904.pdf, P.34

Les partis gouvernants d’après 1989 ont mené leurs actions dans ce cadre qui manque

d’accent d’idéologisant et en développant leurs propres logiques d’action. Afin de pouvoir

mieux comprendre la relation qui s’établit entre les acteurs politiques et leurs partis de

support, on procédera donc, dans un premier temps à une courte présentation de ces partis

politiques. Les transformations générales subies par ces formations politiques ainsi que leurs

évolutions sur la scène politique seront à envisager en tant que possibles éléments favorisant

la thèse d’une influence sui generis des partis politiques sur l’activité gouvernementale, en

contraignant ainsi les élites au pouvoir.

Nous procéderons donc à un bref aperçu sur les principaux partis qui avaient formé

les cabinets postcommunistes, en reprenant une présentation par famille politique 611: les

socio-démocrates (principalement le PSD et le PD), les libéraux et les conservateurs

maximalistes et modernistes (PNL), les agrariens chrétiens populistes et/ou la droite

identitaire (PNPcd), ainsi que les représentants des minorités (l’UDHR).

2. 1.1. Les socio-démocrates : le PSD et le PD

La famille socio-démocrate domina la scène politique roumaine postcommuniste en

bénéficiant du plus grand support électoral. L’affiliation à cette famille fut revendiquée par

trois partis politiques : le PSD, le PD et le PSDR. Les trois sont arrivés dans des diverses

formules au gouvernement et ils présentent des trajectoires différentes durant la période

postcommuniste : les deux premiers partis ont été des anciennes factions du FSN qui se sont

séparés après les élections locales de 1992, tandis que le PSDR, qui revendiquait une

légitimité historique, avait conclu des alliances avec les deux formations politiques et il finit

par fusionner avec le PSD.

Le PSD et le PD ont concentré d’ailleurs en grande partie le support de l’électorat

roumain postcommuniste, en clamant, dans une logique contradictoire, la légitimité et le

monopole sur le véritable discours socio-démocrate. Cette lutte acharnée pour la domination

de la partie gauche de l’échiquier politique a été traduite par une confrontation électorale

entre les deux formations, mais surtout par la compétition pour la reconnaissance

internationale de la part de l’IS.

A. Le Parti Social Démocrate de Roumanie

.

611 V. Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., Pp. 103-117

Le PSD (PDSR avant 2001) avait été considéré comme un modèle de succès d’un

parti politique successeur612. Héritier d’une structure de masse qui dépasse en tant que

nombre de membres tous les autres partis de gauche (et de droite) des pays

postcommunistes613, le parti avait gardé au niveau idéologique, mais aussi au niveau du

personnel, des caractéristiques qui le rapprochait du passé d’avant 1989614. En ce contexte, le

PDSR fut décrit comme « partiellement réformé » et « non converti »615. Néanmoins, en dépit

de cette classification, nous pouvons identifier une reconfiguration discursive notable. Au

début des années 1990 les objectifs du parti étaient : « l’accomplissement de l’économie

sociale du marché par la continuité de la réforme supportable socialement et en fonction des

conditions spécifique des réalités du pays », « l’intervention active de l’Etat en économie

durant la période de transition en tant que principal propriétaire des moyens de production »

et « la promotion de la justice sociale, de l’honnêteté, de l’humanité et de l’assiduité »616,

soutenant ainsi une politique qui relevait des principes d’un étatisme autarchique. En

revanche, à partir de l’année 1996 le langage du PDSR avait changé, en se construisant à

partir des principes tels que : l’intégration dans les structures européennes et euro-atlantique,

l’analyse de la politique économique en comparaison aux autres pays européens,

l’informatisation et la stimulation des investissements étrangers et nationaux617. La

reconfiguration discursive du parti impliqua de cette manière une conversion graduelle tant

du langage que des principes de l’action politique. Malgré ces transformations discursives,

612 Alexandru Gussi, « Le poids du rapport au passé communiste dans la construction identitaire. Le cas du Parti Social Démocrate Roumain », Studia Politica. Romanian Political Science Review, vol. III, No. 3, 2003, Pp. 699-725.613 Ainsi, pour la période 2002-2003 le PSD comptait 309.000 membres, tandis que les plus hauts taux de membres enregistrés parmi les autres partis sont loin d’atteindre ces niveaux : le DPS (Le Mouvement Pour les Droits et Libertés comptait 58.000 membres, L’Union des Forces Démocratiques 35.000 ; L’Union Nationale Agraire de Bulgarie 30.000 membres (Maria Spirova, « Political Parties in Bulgaria. Organisational Trends in Comparative Perspective », Party Politics, Vol. 11, No.5, 2005, Pp. 601–622(P.606)). Les chiffres par ailleurs varient selon les sources. Pour avoir l’image générale du nombre des membres des partis successeurs similaires en Europe Centrale et Orientale à travers les années 1990 on peut comparer ces taux avec: Le Parti Socialiste d’Albanie (110.000 membres), Le Parti Sociale Démocratique de Croatie (20.000 membres), Le Parti Communiste de Bohême et de Moravie (211.000) ; Le Parti Socialiste Hongrois (40.000 membres) ; L’Alliance de la Gauche Démocratique de Pologne(62.000) ; Le Parti de la Gauche Démocratique de Slovaquie (48.000) et le Parti Social Démocrate de Bulgarie (330.000) (Source Bozoki, Ishiyama, Op. Cit., P. 473).614 Raluca Grosescu, « Traiectorii de conversie politica a nomenclaturii in Romania. Spre o taxonomie a partidelor create de fostele elite comuniste » [Les trajectoires de la conversion politique en Roumanie. Vers une taxonomie des partis politiques créés par les anciennes élites communistes] dans, Elitele comuniste înainte şi după 1989, Pp. 199-231.615 Bozoki, Ishiyama, The Communist Successor Parties of Central and Eastern Europe, Armonk, M. E. Sharpe, New York, Londre, 2002, Pp. 6-9.616 ***, Le Manifeste électoral du FDSN pour les élections du 27 septembre 1992 pour la présentation du programme „Să construim împreună viitorul României” [Qu’on construise ensemble l’avenir de la Roumanie] Dimineaţa, III, No. 187 (699), Jeudi le 24 septembre 1992, P. 6617 ***, L’offre électorale du PDSR : 21 Programmes pour la Roumanie, 1996

c’est seulement en 2003 et après la fusion par absorption du PSDR qu’il soit devenu membre

à pleins droits de l’IS.

A travers le postcommunisme roumain le PSD a gagné le plus grand nombre des

mandats parlementaires des diverses législatures et il avait formé trois fois le gouvernement :

entre 1990-1996 et 2000-2004. Sa cohésion du parti semble une constante assez particulière

pour le contexte instable décrit par le système des partis, le PSD se constituant plutôt dans un

aimant pour les autres formations politiques qui avaient développé des discours variant d’un

gauchisme qui se revendiquait d’une tradition syndicaliste jusqu’à un gauchisme extrême. De

la sorte, à part le moment de rupture originaire, la seule division marquante qui avait affecté

le fonctionnement du parti a été en 1997 quand une faction importante quitta l’organisation et

avait formé un parti politique de centre gauche : l’Alliance pour la Roumanie.

Cette politique de cohésion fut favorisée aussi par le succès de la formation politique.

Le PSD (PDSR) accumula au fil du temps le plus grand support de l’électorat à la fois aux

élections locales et aux élections générales. En outre, les socio-démocrates représentent le

seul parti qui ait réussi un phénomène de définition d’un profil électoral stable hautement

corrélé au niveau du développement des circonscriptions, au capital humain de la région et

aux indices d’urbanisation618. La dépendance créée entre ceux-ci et la population rurale619

délimite de cette manière un profil typique de son électorat fidèle et orienta les actions du

parti non pas vers les zones industrielles, mais plutôt vers les politiques agraires.

B. Le compétiteur : le Parti Démocrate

Suite à la scission du FSN, le second parti qui avait été créé, le PD, s’est constitué

comme le principal compétiteur du PDSR, car il visait le même type d’électorat. Malgré une

doctrine social-démocrate moderne, adoptant des principes de la solidarité sociale, soutenant

l’importance de la création d’une classe politique moyenne, la lutte contre la pauvreté620 et

s’adressant surtout aux électeurs des zones urbaines, le PD avait participé à la formation les

coalitions de centre-droite (1996-2000, 2004-2007). En dépit de sa politique des alliances, le

PD, après avoir été l’allié principal du PSDR lors des élections de 1996, il est devenu

membre de l’IS en 1999.

618 Dragos Dragoman, « Geografia electorala a Romaniei in 2004. Modernitate economica si neo-dependenta rurala » [La géographie électorale roumaine en 2004. La modernité économique et la néodépendance rurale] Dragoman, Dragos (ed.) Alegeri si alegatori in Romania 2000-2004. Contexte Locale si Regionale [Elections et électeurs en Roumanie 2000-2004. Des contextes locaux et régionaux], Lucian Blaga, Sibiu, Pp. 20-26].619 D.Barbu, Politica pentru barbari [La politique pour les barbares], Nemira, Bucarest, 2005, P.173 .620 ***, Le Manifeste Electoral de l’USD, 1996

Même si en 2000, le manifeste électoral du PD se construisait à partir des principes

comme la justice sociale, la réduction des décalages et de la pauvreté et il concluait que la

solution social-démocrate est la seule viable621, après les élections de cette année, le discours

du parti avait souffert une transformation importante en glissant vers les positions de centre

droite. De la sorte, en novembre 2003 le parti avait décidé la formation d’une alliance

électorale avec le PNL et en juin 2005 il avait changé d’affiliation politique en devenant un

parti populaire. En dépit du fait que le parti ne changea pas de nom, en 2007 le PD était reçu

en tant que membre à pleins droits dans le Parti Populaire Européen, un groupe chrétien

démocrate. De surcroît, la fusion politique au début de l’année 2008 avec le Parti Libéral

Démocrate, ancienne faction du PNL, consolida sa position comme formation de centre

droite, mais elle rendit encore plus difficile la définition idéologique du parti qui mélange les

références chrétiennes démocrates aux repères libéraux.

Les reconfigurations discursives du PD peuvent être lues également de la perspective

de la trajectoire politique du parti qui détermina à son tour des bases fluctuantes du support

électoral. Après la scission du FSN et la participation de ce parti à une coalition de centre

droite, le PD présentaient au niveau de la géographie électorale une distribution du support

similaire à celle du PDSR. En 1996, dans les circonscriptions électorales où le support pour le

FSN était plus réduit, les voix des électeurs se divisèrent en deux pour les deux partis, tandis

que dans la compétition directe dans les autres circonscriptions socio-démocrates de l’Est et

le sud du pays le PDSR remporta la victoire. L’association des démocrates à la CDR en 1996

avait déterminé une mutation dans le support électoral du parti. Des fiefs du parti, tels que

ceux de l’Est (Nord-Est, Sud-est et Sud- Munténie) disparaissaient du plan électoral du PD

qui était principalement voté lors des élections de 2000 par les électeurs du Sud et de l’Ouest

du pays. Cette tendance d’association électorale du parti avec les circonscriptions qui ne

votent pas la gauche fut d’ailleurs maintenue durant l’année 2004 quand le plus grand nombre

des voix du PD sont obtenus dans l’Ouest du pays (Sud-Ouest, Nord-Ouest, Centre). De cette

manière, on assiste à une transfiguration du support électoral qui tourne vers les régions les

plus riches du pays, même avant que le parti ait décidé le changement d’affiliation

idéologique d’une manière assumée. L’opposition du PD par rapport au PDSR/PSD (qui

gagne la lutte pour le contrôle du discours de gauche) place aux yeux des électeurs ce parti

sur des positions idéologiques opposées qui restent cependant très peu définies.

621 Le dernier chapitre du manifeste spécifiait « Les libéraux croient que dans la liberté individuelle, En tant que socio démocrates on se demande comment peut on vivre sans justice et solidarité ?...Notre réponse est liberté individuelle Justice Sociale Solidarité » ; ***, Le Manifeste électoral du parti Démocrate « l’Avenir Commence avec toi », octobre 2000

2.1.2 Les libéraux : le Parti National Libéral

Malgré le fait que les partis historiques se sont structurés dans les pays

postcommunistes, comme une opposition anti-communiste622 ceux-ci ont été plutôt les grands

perdants de la période de démocratisation, en jouant des rôles marginaux dans la transition

démocratique623. Ces partis ont subi souvent de nombreuses divisions qui conduisirent dans la

plupart des cas à des défaites électorales et même à leur disparition. En ce contexte général la

pérennité organisationnelle du PNL fait exception.

Parti historique, caractérisé par l’absence de fortes implantations locales, la trajectoire

postcommuniste du PNL a été fortement marquée par l’idéologisation discursive624 et par les

figures de ses leaders. En dépit de l’affiliation du PNL à l’ELDR en 1998, son libéralisme

reste insuffisamment défini et change de référentiel, d’un congrès à autre, quant à la formule

libérale à suivre625. En même temps, l’histoire postcommuniste du PNL est le témoin de toute

une série de scissions et fusions entre des diverses factions du parti résultantes de la lutte pour

l’emprise du pouvoir au niveau du leadership national.

De cette manière, pendant une première étape durant jusqu’aux élections du 1996, les

libéraux ont du faire face à toute une série de divisions626. Comme dans le cas d’autres partis

622 Cette situation peut être rencontrée même dans le cas roumain où la tradition d’opposition directe au communisme est inexistante. V Cristian Preda, « Les partis politiques dans le postcommunisme roumain », P.960.623 Cela ne fut pas seulement le cas des pays qui ont connu des mouvements de dissidence actifs tels que la Pologne, l’Hongrie ou la Tchécoslovaquie, mais aussi celui des pays où la principale force d’opposition était constituée seulement par ces partis : la Roumanie et la Bulgarie. V. Maurizio Cotta « Building Party Systems after the Dictatorship : The East European Cases in a Comparative Perspective », Geoffrey Pridham & Tatu Vanhanen (eds.), Democratization in Eastern Europe, Routledge, London - New York, 1994. Pp.99-127. 624 Jean Michel De Waele, Petia Gueorguieva, “La difficile émergence des partis libéraux en Europe Centrale et Orientale“, dans Pascal Delwit, Libéralismes et libéraux en Europe Centrale et Orientale, ULB, Bruxelles, 2002, P. 273.625 ***, Repéres pour une histoire du Parti National Libéral après décembre 1989, document PNL626 Le PNL crée le 15.01.1990 subit une première division le 25.07.1990 quand une faction du parti forme le PNLAT- le parti National Libéral l’aille jeune. L’année suivant à cause des désaccords portant sur la stratégiedu PNL de ne pas participer aux élections à l’intérieur d’une coalition de partis, la Convention Démocratique, une nouvelle rupture eut lieu et un nouveau parti libéral prend naissance : le Parti National Libéral la Convention Démocratique PNLCD (29.04.1991). Si une nouvelle faction du PNLAT formant le nouveau Parti Libéral (le 23.07.1992) décide de se réunir avec le PNL, le reste du PNLAT en s’alliant avec un group dissident du parti libéral, le Groupe pour la Réforme Morale et une faction du PNLCD le Groupe Vintila Bratianu décident de former un nouveau parti qui avait la prétention d’unifier le mouvement libéral le Parti Libéral 93 (25.02.1993). A ce nouveau parti va se rajouter le groupe Civique libéral une faction d’un autre parti réclamant un discours plutôt libéral après 1989, le Parti l’Alliance Civique. Le PNL93 va réussir à s’unifier avec le PNLCD en formant en octobre 1997 le Parti Libéral. En ce qui concerne le reste du PNL celui-ci subit un autre moment de rupture lors du Congres du parti en 1995 quand la lutte interne pour la présidence du parti mène à la formation de deux partis : le Parti National Libéral soutenant Mircea Ionescu Quintus et le PNL l’aille Campeanu. En fait c’est le PNL celui qui commence dès 1995 des efforts pour l’unification du mouvement libéral. Au début c’est seulement le Groupe politique libéral qui rejoigne le parti, une partie des membres du

libéraux de la région, ces micro-formations émergeantes à la base des fragmentations

tactiques du parti « se sont concurrencées sur l’échiquier politique pour occuper le créneau

libéral »627. Malgré les essais de ces nouveaux partis de se constituer en tant qu’alternative au

PNL et malgré les discours constants portant sur l’importance de l’unification du mouvement

libéral, ces formations politiques n’ont pas réussi à rassembler suffisamment de voix, ni à

trouver une solution de compromis permettant la fusion avec le principal parti, le PNL. La

fragmentation du mouvement libéral cessa durant la période 1997-2007. On commence ainsi

un grand mouvement d’unification libérale628.

En dépit des aléas organisationnels le PNL a réussi gagner la représentation électorale

quatre fois aux élections parlementaires et il eut des représentants au niveau du gouvernement

pendant huit années. En outre, les scores électoraux de ce parti, même si modestes, ont connu

une tendance d’accroissement à partir de 1992. De la sorte, il existe une double raison

soutenant l’exceptionnalité du cas du PNL : (1) il s’agit du seul parti historique roumain qui a

réussi survivre et consolider sa position au pouvoir et (2) ce parti est le seul à être représenté

au gouvernement et capable d’influencer la politique roumaine postcommuniste ayant un

support électoral qui, avant l’année 2004, n’avait pas dépassé les 10% dans une confrontation

électorale directe.

En outre, la croissance électorale du PNL visa à la fois le plan national et le niveau

local et elle impliqua une variation importante dans la distribution géographique de son

support. Si durant l’année 2000 le parti avait obtenu le plus grand nombre des voix dans

l’Ouest du pays (l’Ouest et Nord-Ouest), même si PNL préserva ces scores en 2004, on peut

remarquer une croissance notable des voix allouées à ce parti dans les régions qui à l’origine

étaient considérée comme des fiefs de la gauche (dans des régions telles que le NE ou le SE

du pays le PNL avait accumulé cinq fois plus de voix que durant les dernières élections). Ces

reconfigurations électorales sont, au moins qu’on puisse dire, étonnantes vu qu’à part la

fusion avec une ancienne faction du PDSR, l’ApR, le PNL n’avait pas opéré de changements

d’ampleur dans son positionnement idéologique.

PAC et du PL93. L’étape d’unification réelle va suivre aux élections du 1996. (Sources : Domniţa Ştefănescu, Cinci ani din istoria….; Domniţa Ştefănescu, Doi ani din istoria României; Stan Stoica, România. O istorie cronologică 1989-2002, ed. Meronia, Bucureşti, 2002, ainsi que les chronologies parus dans la colléction de la Revue Studia Politica.)627 Jean Michel De Waele, Petia Gueorguieva, Op.Cit., P.273.628 A partir de 1997 plusieurs fusions des partis libéraux prennent place. Le PNL va s’unir avec le PAC (28.03.1998), le PL93 (avril 1998), l’Alliance pour la Roumanie - une ancienne faction du parti successeur PDSR (19.01.2002), avec l’Union de Forces de Droite (avril 2003) parti continuateur du Parti l’Alternative Roumaine, une formation libérale créé en février 1996, devenue membre de la CDR, et enfin avec le PNL l’aille Campeanu. (Sources les mêmes chronologies)

2.1.3 La famille chrétienne démocrate : Le Parti National Paysan Chrétien et Démocrate

Comme dans le cas des autres pays de la région, l’émergence des partis politiques en

Roumanie postcommuniste fut marquée par l’existence d’une dualité : d’une part, un grand

parti successeur fut formé, le Front du Salut National qui a dominé la scène politique dans les

six premières années de la démocratisation et, de l’autre part, il y avait plusieurs formations

dépourvues d’un soutien électoral puissant, les partis revendiquant une légitimité historique.

Ces derniers, malgré le fait d’être reconnus sur la scène internationale et en dépit des

affiliations rapides sur le plan international et européen629, ils sont restés, à l’exception du

PNL, jusqu’en 1996, des partis marginaux sur la scène politique interne. Ainsi les partis

historiques à part le nombre bas des membres - en comparaison aux partis successeurs qui

bénéficiaient généralement d’une force organisationnelle héritée - ont du se contenter

d’assister aux grandes décisions des premières années postcommunistes. Le parti qui

représente le mieux cette catégorie politique est le Parti National Paysan chrétien et

démocrate qui, comme A Ionescu le montre630, avait connu dans une période très courte de

dix années toutes les étapes d’une organisation politique : en passant de l’émergence en

janvier 1990, une période d’opposition 1990-1996, l’arrivée au pouvoir et la déchéance

politique.

Le parti créé en 1990 est généralement classifié dans la famille chrétienne-démocrate.

Le PNPcd adopta des positions réformistes en économie et un langage d’ouverture et de

pacification des cultes. En outre, fidèle à son credo politique, en tant que représentant de

l’opposition anticommuniste, le PNPcd s’est opposé au début des années 1990 à l’intégration

d’anciens membres du PCR dans sa structure631. Malgré sa dénomination et l’intégration dans

le PPE en 1996, le PNPcd n’avait pas « ressuscité sa dimension agrarienne » qui avait

caractérisé le parti dans l’entre-deux-guerres, tandis que l’appellation chrétienne démocrate

fut « du moins au début, le signe d’un compromis conclu entre les deux groupes fondateurs :

le groupe des survivants national paysans et le groupe des militants chrétiens »632. Disposant

629 Ce phénomène est caractéristique pour les partis réclamant une légitimité historique au niveau des internationales : l’adhésion à l’internationale chrétienne démocrate (le Parti Paysan Chrétien et Démocrate membre dans l’Internationale Chrétienne Démocrate 1987), socialiste (Le Parti Social Démocrate de Roumanie bénéficiant de la continuité légale de son adhésion d’avant le communisme ayant le statut d’observateur en l’Internationale Socialiste dès 1989 V Ramona Coman, « La coopération pan européenne des partis politiques », Studia Politica. Revue Roumaine de Sciences Politiques, Vol II, No1, 2002, P.207) ou libérale (le Parti National Libéral ‘93 en 1994)630 Alexandra Ionescu, « La résurgence d’un acteur politique en Roumanie. Le Parti National Paysan Chrétien et Démocrate », Studia Politica. Romanian Political Science Review, Vol. II, No.1, 2002, Pp.141-203(P. 143).631 Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., P. 114632 Alexandra Ionescu « La résurgence d’un acteurs politique…. », P. 162

surtout du support des électeurs des milieux urbains, le PNPcd est devenu après les élections

de 1996 le parti formateur de la coalition gouvernementale. Paradoxalement cette position

gagnante n’engendra pas de cohésion au niveau de ses membres, plusieurs divisions ayant

lieu suite aux dynamiques internes du cabinet633.

Principale formation de l’opposition politique, qui avait choisi de refuser toutes les

offres de collaboration venant de la part du parti successeur durant les premières années du

postcommunisme roumain, l’histoire du PNPcd est intrinsèquement liée au destin de la

Convention Démocrate. Alliance électorale formée le 26 novembre 1991, la CD (ensuite la

CDR) qui au début a été dirigée par le leader du PNPcd fut celle qui emporta les élections de

1996. En dépit des relations souvent conflictuelles entre les membres de l’alliance634 qui s’est

constituée en tant que pôle d’opposition contre l’hégémonie du PDSR, cette formule aura un

succès limité au moment 1996 en réalisant la première alternance politique du

postcommunisme roumain.

2.1.4. Les minorités : l’Union Démocratique des Hongrois de Roumanie

Enfin, la dernière formation politique que notre étude prend en compte et qui avait

réussi la représentation dans le gouvernement est l’UDHR. Membre affilié au PPE à partir de

1995, l’Union créée en 1989 n’est pas un parti politique per se, englobant sous son parapluie

toute une série d’organisations territoriales, plateformes (groupes d’opinions) et des membres

associés (tels que les groupes sociaux, culturels et professionnels).

Le programme politique de l’Union vise ainsi l’octroi des droits pour la minorité

hongroise surtout pour ce qui est l’éducation, la représentation administrative et il demande

l’implémentation d’un principe d’autonomie. La dimension single issue du programme

d’UDHR limita ainsi le potentiel électoral de cette formation. Néanmoins, en dépit du fait que

l’électorat de l’UDHR est circonscrit à la fois au niveau du nombre des voix que celle-ci peut

gagner de la part de la population d’ethnie hongroise ainsi qu’en ce qui concerne ses bases

territoriales635, l’union présente une stabilité remarquable sur la scène politique roumaine

postcommuniste, en passant tous les tests électoraux.

633La démission de Victor Ciorbea, le chef du PNPcd Cluj de la direction du gouvernement engendre une première scission. Celui-ci quitta le PNPcd en fondant l’Alliance Nationale Chrétienne et Démocrate, tandis que la démission de Radu Vasile conduisit à la formation d’une autre formation politique, toujours comme résultat de la scission du PNPcd, qui porta le nom du Parti Populaire Roumain. V. Alexandra Ionescu, Op.Cit., P.165634 A l’exemple le PNL quitta la CD en 1992 mais il revient en 1994. Les conflits entre les membres de l’alliance tels que le PAC, le PL 93, le PNLcd, le PSDR qui contestaient la direction du PNPcd (soutenu par les écologistes et les groupements civiques) ont engendré toute une série d’aller retour de ces formations. Le PSDR et l’UDHR quittèrent la CDR avant les élections étant suivies par le PAC et le PL 93

La consécration d’une tension entre le discours nationaliste et celui antinationaliste

sur la scène politique roumaine avait fourni à cette formation politique la mobilisation

électorale nécessaire afin de franchir le seuil à chaque échéance électorale. Le noyau dur du

support pour cette formation se concentre ainsi au niveau de certains départements au centre

du pays et dans la région Nord-Ouest. Les résultats électoraux assez bas, mais constants

durant toute la période postcommuniste, ont fait que cette formation joue un rôle de pivot

garantissant à la fois à la CDR, au PDSR et à l’Alliance DA le support parlementaire

nécessaire pour la formation du cabinet.

2.2 Quelle image générale des partis au gouvernement ?

La simple présentation des partis qui ont gouverné le pays nous dévoile une image

instable des évolutions politiques postcommunistes. Les reconfigurations organisationnelles

sont très nombreuses et les repositionnements idéologiques caractérisent, à l’exception

d’UDHR qui a son spécifique et de PNPcd qui disparaît de la scène parlementaire en 2000,

tous les autres partis gouvernants. Les changements discursifs, l’absence de cohésion interne

sont ainsi à l’ordre du jour. Le seul élément constant de la scène politique est ainsi la

légitimation du discours en faisant appel à une affiliation internationale. Or, toutes ces

transformations dans les trajectoires individuelles de partis politiques peuvent constituer un

élément engendrant une absence de coordination des représentants de ces partis dans des

fonctions gouvernementales. Devant des scissions et des fusions importantes, la thèse d’une

absence de cohésion dans l’action gouvernementale semble être renforcée.

Cependant, la nature fluctuante des positionnements idéologiques de partis politiques

postcommunistes peut en même temps suggérer l’absence de constance dans les

représentations de ces partis, toute comme elle suggère une approche plutôt stratégique quant

aux principes directeurs décrits par les manifestes électoraux de ces formations politiques. De

la sorte, les variations observées au niveau des politiques gouvernementales ne seront pas a

priori à interpréter en tant qu’une autonomisation des acteurs politiques en fonctions

publiques, car elles pourront tout aussi bien constituer un reflet du changement idéologique

du parti. Le fait que les formations politiques postcommunistes qui réussissent à se stabiliser

à l’intérieur du système de partis exhibent une variation discursive importante, accompagnée

d’ailleurs par un changement du profil du support électoral, suggère ainsi la possibilité d’une 635 Reka Horvath, « Uniunea Democrata Maghiara din Romania la alegerile parlamentare din 1990-2004[L’Union Démocratique des Hongrois de Roumanie aux élections parlementaires de 1990-2000], Romanian Political Science Review, Vol. V, No. 1, 2005, Pp. 143-167 (P. 167).

coordination de l’action de la composante en fonction publiques, mais d’une coordination qui

obéit à des logiques volatiles et parfois contradictoires. L’absence de cristallisation

idéologique ou l’évolution des principes de base que les partis politiques proposent aux

électeurs seraient de cette manière à interpréter comme le résultat d’une adaptation discursive

qui tire ses racines d’une perspective plutôt pragmatique de l’action gouvernementale. En ce

contexte, les rapports qui s’instaurent à l’intérieur du parti politique entre les diverses

composantes des formations politiques seront en mesure d’éclaircir les marges de liberté dont

les acteurs gouvernementaux disposent au niveau de leurs actions.

3. Les rapports qui se dressent à l’intérieur des partis gouvernants

Les élites gouvernementales, représentants des partis dans des fonctions publiques,

constituent une population très restreinte, censée refléter des intérêts des formations

politiques qui ne sont pas à apercevoir cependant comme des acteurs unitaires636. Vu que

l’absence d’articulation et la variation du système de partis ne rendent compte ni de

l’échafaudage organisationnel des diverses formations politiques qui se sont trouvées au

gouvernement, ni de la capacité de ceux-ci de contrôler directement leurs représentants en

fonctions publiques, la section qui s’ensuit procède à une investigation de l’agencement

organisationnel des partis gouvernants.

La nature complexe des partis qui peut être résumée sur trois ou quatre grandes

composantes : la composante parlementaire, l’organisation extraparlementaire (le leadership

national du parti, le parti à la base)637 et le parti au gouvernement est ainsi à comprendre par

le biais d’un principe d’interaction dynamique et d’interdépendance entre les diverses

facettes. Nous procéderons donc à une étude de ces composantes et aux relations qui se

forgent entre elles en partant de l’idée que bien au-delà des relations cohésives, de la

socialisation commune ainsi que de tout l’échafaudage qui relève de la représentation

symbolique de l’affiliation à un parti, les représentants de ces composantes présentent parfois

des intérêts particuliers qui peuvent à leur tour engendrer des conflits quant à la distribution

du pouvoir et des ressources.

636 Hans Daalder, « The Comparative Study of European Parties and Party System: An Overview » dans Hans Daalder et Peter Mair (eds.) Western European Party Systems. Continuity and Change, London, Sage, 1983. 637 La distinction entre le parti au centre et le parti à la base est développée par Mair et Katz V. R. Katz et P. Mair, « Changing models of party organization and democracy: The Emergence of the Cartel Party », Party Politics, 1, numéro spécial, Pp. 5-28;

Le poids de chaque composante organisationnelle est pensé comme variable en

fonction des transformations subies au fil du temps par le système de partis politiques638, mais

aussi en fonction du développement individuel de chaque formation politique639.

Généralement on avait considéré que l’évolution des partis vers une dépendance par rapport

aux ressources financières de l’Etat conférerait automatiquement un ascendant aux acteurs

gouvernementaux sur les autres membres de l’organisation politique et constituerait plutôt

une réponse donnée à un problème engendré par une crise de coordination généralisée qui

caractérise la décision politique dans les sociétés contemporaines640. La double nature du

gouvernement, à la fois représentant d’un parti (ou d’une coalition des partis) et un

fournisseur indépendant des ressources641 renforcerait ainsi le poids des acteurs politiques

gouvernementaux et leur autonomie. Néanmoins, la consolidation du pouvoir des acteurs

politiques en fonctions publiques et la décroissance de la capacité de contrainte exercée par la

base est loin de constituer une règle générale dans la construction des partis politiques et dans

leur fonctionnement642. En réalité, toute une panoplie de comportements peut être décryptée

en fonction du spécifique de chaque organisation politique643. L’accès direct ou indirect aux

ressources de certains acteurs (qui existe depuis toujours) ne peut pas fournir une réponse 638 Durant les dernières décennies, la littérature portant sur les partis fut concentrée sur l’identification de nouveaux types de partis politiques qui décriraient mieux les comportements et leurs structures organisationnelles. De la sorte, des nouveaux idéaux-types des partis politiques émergèrent tels que le parti attrape-tout (Otto Kirchheimer, « The Transformation of Western European Party Systems » dans J. Lapalombara et M. Wiener (eds.), Political Parties and Political Development, Princeton University Press, Princeton, 1966), le parti électoral professionnel (Angelo Panebianco, Political Parties: Organization and Power, Cambridge University Press, Cambridge, 1988 (the electoral-professional party). ou encore le party-cartel (R. Katz et P. Mair, « Changing models of party organization and democracy: The Emergence of the Cartel Party », Pp. 5-28) décrivent l’aboutissement d’un processus historique et seront caractérisés par leur éloignement graduel par rapport aux liens très serrés à la société civile que parti de masse impliquait. « La nouvelle méthode dialectique » qui implique le fait que chaque nouveau type de parti politique engendre une réaction qui favorise à son tour le développement d’un nouveau type de parti, engendrerait selon les deux auteurs la création d’un parti cartel qui serait décrit par domination de la composante des partis en fonctions publiques qui contrôle l’accès directe aux ressources et diminuerait ainsi le rôle de la base du parti ou des leaders nationaux V. Katz et Mair « Changing models of party organization and democracy », P.6, V. également Richard Katz et Peter Mair (eds.), How Parties Organize. Change and Adaptation in Party Organizations in Western Democracies, London, Sage, 1994; 639 Nous suivons ici l’idée de Koole selon laquelle une approche acceptant la variété des formules et la variation des modèles partisanes à travers des pays aurait une plus grande valeur euristique R. Koole, « Cadre, Catch-all or Cartel? A Comment on The Notion of Cartel Party », Party Politics, 1995, No.1, P. 520.640 Mark Blyth, Richard S. Katz, « From Catch-all Politics to Cartelisation: The Political Economy of the Cartel Party », West European Politics, Vol. 28, No.1, 2005, Pp.33-60.641 M.Cotta « The Nature of Party Government, P. 200.642 Par exemple voir Knut Heidar, Jo Saglie, « Democracy within Norwegian Political Parties », Party Politics, Vol. 10, No. 4, Pp. 385-405; Voir également « Predestined Parties? Organizational Change in Norwegian Political Parties », Party Politics, 2003, Vol. 9, No. 2, Pp. 219-239643 Helms montre que dans le cas de la France, de la Belgique et de l’Italie le rôle de l’organisation extraparlementaire est plus puissant que les groupes parlementaires (au moins au niveau parlementaire l’organisation centrale du parti ait plus de poids que le parti dans des fonctions publiques) V. Ludger Helms, « Parliamentary Party Groups and Their Parties: A Comparative Assessment », The Journal of Legislative Studies, Vol. 6, 2000, Pp. 104–120.

définitive quant à la dépendance ou l’indépendance des acteurs gouvernementaux par rapport

aux autres membres du parti et ne peut pas donner une réponse définitive quant aux marges

de liberté décrivant l’activité des ministres nommés au sein des exécutifs.

De cette manière, la nature organisationnelle de chaque parti politique nécessite une

analyse en profondeur afin de délimiter la balance interne de pouvoir et les rapports de

dépendance qui se créent entre le parti à la base, le parti au centre et le parti en fonctions

publiques. Menée d’une manière qui reprend en compte le côté formel – les règles statutaires

du parti qui délimitent son fonctionnement interne et le côté des pratiques organisationnelles,

l’investigation des principaux partis politiques qui ont formé les cabinets aura comme but

d’établir le poids des élites gouvernementales par rapport à leurs partis. De la sorte, nous

considérons que la question « Qui contrôle le parti ? » n’a pas de réponse unique et elle

constitue une direction d’analyse essentielle dans la compréhension de l’influence de facto

des acteurs individuels sur l’activité gouvernementale.

3.1. Le parti à la base : les membres des partis et leur pouvoir organisationnel

Durant les dernières décennies l’atrophie remarquée empiriquement quant au nombre

effectif des membres des partis politiques, décrivant à la fois les anciennes et les nouvelles

démocraties644 a été mise en relation avec l’émergence des formules alternatives de

comportements politiques visant d’éclipser les désagréments infligés par la diminution de la

force du parti à la base. La création des mécanismes de financement autres que les cotisations

classiques ou encore la législation qui permet un financement des partis par l’Etat645 auraient

transfiguré le statut des membres du parti et de leur pouvoir à influer sur la prise de décision

politique. Les autres rôles qu’on avait attribués aux membres et aux activistes de parti comme

(1) la construction d’un vivier pour la sélection des gouvernants, (2) la légitimation des

actions du parti politique et (3) l’importance de leur activité au niveau des campagnes

électorales646 seraient devenus des motifs insuffisants pour un accroissement du nombre des

membres et le renforcement des organisations locales.

644 Ingrid van Biezen, Peter Mair, « Party Membership in Twenty European Democracies, 1980-2000 », Party Politics, Vol.7, No.1, 2001, Pp. 5-21. 645Susan E. Scarrow, « Party Subsidies and the Freezing of Party Competition: », West European Politics, Vol. 29, 2006, Pp. 619-639; V. aussi Russell J. Dalton, Martin P. Wattenberg (ed.), Parties Without Partisans: Political Change in Advanced Industrial Democracies, Oxford University Press, 2001.646 Richard Katz, « Party as Linkage: A Vestigial Function? », European Journal of Political Research, Vol. 18, No. 2, 1992, Pp.43-61

Cependant, ces tendances générales ne décrivent pas dans la même proportion tous les

partis politiques647, le pouvoir de la base, l’influence des membres et d’activistes du parti sur

le comportement des leaders politiques sont à investiguer d’une manière empirique dans

chaque pays. Dans ce qui suit, on se propose donc d’estimer les évolutions dans la définition

du parti à la base et de ses rôles, à partir des règlements que les partis politiques se donnent

eux-mêmes et des comportements décrits par les principaux partis gouvernementaux

roumains d’après 1989.

3.1.1. Le parti à la base d’un point de vue formel : quelle définition pour les membres ?

L’édifice interne d’un parti, le poids qu’on accorde à chaque composante partisane

varie d’un parti à l’autre. Dans une perspective endogène, les partis politiques roumains

postcommunistes adoptèrent ainsi des diverses perspectives quant à la possibilité des citoyens

d’adhérer à des formations politiques. Le degré d’ouverture par rapport à l’adhésion des

membres et l’intérêt suscité pour la création des organisations locales fortes constitue un

premier indicateur dans la construction de l’édifice interne des partis. L’adhésion inclusive et

la manière dans laquelle celle-ci est envisagée, peuvent suggérer l’importance de la base, et

donc des organisations territoriales et de leur pouvoir de contrainte quant au comportement

des leaders du parti.

Les réglementations comprises dans les statuts des formations politiques découvrent

plutôt des logiques différentes quant au recrutement de nouveaux membres qui ne recoupent

cependant pas les divisions classiques entre la gauche et la droite. Ainsi PSD (PDSR), mais

aussi le PNPcd ou le PNL optèrent pour la création des listes des critères « de bon

comportement » des acteurs qui veulent devenir membres du parti.

Vu sa labellisation en tant que parti successeur, le PSD avait introduit dans son statut

des diverses stipulations qui peuvent être lues en tant que mécanismes de surveillance de

l’adhésion en concordance avec les discours des leaders postcommunistes du PSD qui

647 Cette tendance d’une faible force organisationnelle n’est pas constante ni au niveau de tous les partis, ni dans tous les pays postcommunistes. Ainsi les partis successeurs de Tchéquie (CDU-CzPP, CPBM) présentent des caractéristiques de parti de masse et des adhérents loyaux (V Peter Kopecky, « Developping party organizations in East-Central Europe. What type of party is likely to emerge? », Party Politics, Vol. 1. No.4, 1995, Pp. 515-534). La même tendance est à observer dans le cas du BSP bulgare qui réussit à rassembler parmi ses votants un tiers de ses propres membres et il présente des nombreuses organisations territoriales répandues dans tout le pays (Maria Spirova, « Political Parties in Bulgaria. Organizational Trends in Comparative Perspective », Party Politics, Vol. 11. No.5, 2005, Pp. 601–622)

prônaient l’origine révolutionnaire du parti. De la sorte, les personnes qui voulaient devenir

membres devraient ne pas avoir activé contre la révolution, avoir été des supporters de

l’ancien régime ou avoir proféré des discours extrémistes. En outre, le parti introduisit en

2001 une stipulation qui, à une première vue, avait le but de limiter l’adhésion, car on avait

précisé qu’afin d’adhérer au PSD une personne devait disposer de la recommandation d’un

membre du parti (l’art. 5, 2001).

Cette perspective limitative quant au développement du parti à la base, peut être

rencontrée aussi dans le cas des partis historiques. Si dans le cas du PNPcd la condition

fondamentale pour l’adhésion à ce parti a été celle de la non affiliation au PCR, les

stipulations introduites par le PNL en 2003 imposaient plutôt des limites quant à la

dimension territoriale de la structure des membres, ayant un but précis : le renforcement des

filiales sur tout le territoire du pays. Une personne pouvait devenir membre du PNL

uniquement dans la filiale de sa résidence et le transfert d’une organisation territoriale à une

autre pouvait se réaliser uniquement suite à l’accord explicite du Bureau Territorial

Permanent (l’art. 9, 2003).

A différence de ces trois partis, les deux autres formations politiques

gouvernementales se situèrent sur des positions diamétralement opposées. Le PD et l’UDHR

n’avaient pas développé, à part les conditions légales, d’autres limitations visant les

caractéristiques des futurs membres. Seule une déclaration écrite de la part du futur membre

est nécessaire, qui affirme l’engagement de loyauté par rapport au parti et par rapport au

programme du parti.

Les partis politiques postcommunistes exhibent des représentations différentes quant

au renforcement du parti à la base. La différence entre les formations politiques en ce qui

concerne les réglementations de l’adhésion de nouveaux membres peut être envisagée sur un

continuum procédant d’une définition restrictive de l’adhésion (=un membre de parti est la

personne qui accomplit une liste de critères et qui est acceptée par l’organisation du parti)

vers une définition large impliquant une dimension volontariste (=un membre de parti est la

personne qui désire de devenir membre. Ainsi, à une première vue, les réglementations de

l’adhésion à l’intérieur du PSD suggèrent que le parti à la base devrait être caractérisé par

une cohésion personnalisée, les stipulations du statut du PNL impliquent plutôt une

perspective pragmatique qui va dans la direction du renforcement des organisations

territoriales, tandis que dans le cas d’UDHR et du PD on assiste à une dimension

d’inclusion maximale censée suggérer une image d’ouverture vers leur électorat.

3.1.2 Le parti à la base et ses évolutions

L’ambiguïté dans la définition des partis politiques ainsi que le décroissement de la

participation électorale suggèrent plutôt l’émergence d’un modèle organisationnel décrit par

la faiblesse dans la structure des membres des partis et en ce qui concerne le rôle des

organisations locales648. Néanmoins, lorsqu’on compare le poids des membres déclarés par

les partis politiques avec les autres démocraties européennes, on constate que les taux décrits

par les membres, dans le cas roumain, restent très importants. De la sorte, à part l’Autriche

(M/E= 17.66%), la Finlande (9,65%), le pourcentage des membres des partis politiques

roumains, en surclassent des pays comme le Portugal 3,99%, l’Espagne 3,42%, la République

Tchèque 3,94%, la France ou l’Hongrie. D’ailleurs, même lorsqu’on prend en compte que la

structure des membres des partis qui arrivent à former des cabinets, on peut remarquer que le

nombre de leurs membres est supérieur à celui des pays comme l’Allemagne, l’Hongrie ou la

Grande Bretagne649. De la sorte, en dépit d’une décroissance notable de la force

organisationnelle des partis politiques roumains durant une période de quatre années (entre

2003 et 2007), leurs effectifs sont des plus importants par rapport aux autres démocraties

européennes.

La force de la base dans le cas des partis politiques roumains durant les dix dernières

années suggère ainsi une construction sui generis des partis politiques roumains. Cependant,

lorsqu’on compare minutieusement le profil des partis politiques qui ont été au gouvernement

on constante des différences notables qui s’instaurent entre les partis politiques quant à leur

composante à la base. Le PSD et l’UDHR650 s’instituent en tant que formations politiques qui

présentent les plus grands nombres des membres. En contrepartie, le PNL et le PD présentent

des taux plus diminués qui restent néanmoins très élevés pour des partis qui se réclament en

tant que partis de droite. Dans la même lignée argumentative, on peut observer qu’environ

une cinquième de l’électorat roumain en 2003 (15% en 2007) était membre de parti, les

648 Alexandra Ionescu, « Pluralisme et représentation », Pp. 821-866 ; Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., Pp. 76-84.649 La situation du rapport M/E dans les pays européens est la suivante : Autriche 17,66, la Finlande 9,65, la Norvège 7.31, la Grèce 6.77, la Belgique 6.55, la Suisse 6.38, la Suède 5.54, la Danemark 5.14, la Slovaquie 4.11, l’Italie 4.05, Portugal 3.99, la Tchéquie 3.94, l’Espagne 3.42, l’Irlande 3.14, l’Allemagne 2.93, l’Hollande 2.51, l’Hongrie 2.15, le Royaume Uni 1.92, la France 1.57, la Pologne 1.15 V Peter Mair, Ingrid van Biezen, Op.cit., P.9.650 Certes, dans le cas de l’UDHR la confusion entre la nature politique et associative de la formation joue un rôle important en ce qui concerne les déclarations de leurs effectifs.

degrés d’encapsulation des partis politiques postcommunistes651 favorisant nettement le PSD

et l’UDHR.

Table 30 Les évolutions dans la structure des membres des partis gouvernementaux 1997 Juin 2003 Décembre 2007

M M/E

V M/V M M/E V M/V M M/E

V M/V

PSD 250000

1.45 2836011

8.82 385481 2,18

4040212

9.54 290116 1,58

3798607

10.02 (7.64)PHR na na - Na 95314 0,54 2.36 90663 0,49 10.02 (2.39)PD 13528

80.79 283601

14.77 148922 0,84 825437 18.0

486461 0,47

3250663

6.23 (2.66)PNL na na 377208

4

na 73185 0,41 814381 8.99 116134 0,63 6.23 (3.57)PNPcd

150000

0.87 3.98 56163 0,32 575706 9.76 35602 0,19 196027 18.16UDHR

410000

2.38 837760 48.94

400000 2.26 751310 53.24

350000 1.9 637109 54.94Total gouv

759065 4.29 6255736 12.13

618976 3.35 7245297 8.54Tot gouv.

1159065

6.55 7007046 16.54

968976 5.25 7882406 12.29Total parl.

1304729

7.37 8326982 15.67

1129735

6.12 9081077 12.44Total fp

2271933

12.84

10839424

20.96

1585873

8.60 10231476

15.5Source: Le nombre des membres est extrait du Registre Officiel des Partis Politiques. M= le nombre des membres du parti, V=le nombre des voix reçues pour le Sénat ; Le M/E= le rapport entre le nombre des membres du parti et la taille du corps électoral durant les élections antérieures ( 17218654 en 1996, 17699727 pour les élections en 2000 et 18449676 en 2004 ; Le M/V= le rapport entre le nombre des membres du parti et le nombre des voix reçues par chaque parti pour les listes du Sénat, Total gouv= le total pour les catégories prises en compte exceptant l’UDHR, Tot gouv 1= le total pour les partis gouvernementaux en incluant l’UDHR, Total Parl= le total pour tous les partis parlementaires y compris l’UDHR, Total fp= le total pour toutes les formations politiques(UDHR compris) ; *** Les données pour le PD datent de l’année 1998, d’Alexandru Voicu, « Party Organizations and Political Recruitment, The case of Romania », ECPR Summer School on Parties and Party Systems, EUI, Florence, 10-21 September 2007; # Reka Horvath, La représentation politique de la minorité hongroise de Roumanie : l’Alliance Démocrate Hongroise de Roumanie, thèse non publiée défendue à l’ULB. Pour le PNPCD les chiffres sont cités dans Alexandra Ionescu, « La résurgence d’un acteur… »P.180, Le taux pour le PDSR est tiré du manifeste électoral du parti

Les taux généraux décrivant le poids électoral et politique des partis à la base

découvrent des différences notables entre les partis politiques, mais aussi entre les diverses

périodes analysées. Le moment 2003 devient en ce contexte un point maximal dans le

développement du parti à la base. Evolution déterminée par les transformations du cadre

législatif portant sur le fonctionnement des partis politiques652, la poursuite des membres 651 R. Katz, P. Mair, « The membership of political parties in European democracies, 1960-1990 », European Journal of Political Research, Vol. 22, No. 3, Pp. 329 - 345 (P. 331)652 Si au début des années 1990 afin de fonder un parti politique on avait besoin d’un nombre de 251 membres, la reconfiguration de la loi en 1996 élevait ce seuil à 10000 membres fondateurs logent dans au moins 15 départements du pays et introduisait l’obligation de déposer des candidatures dans au moins 10 circonscriptions au moins dans le cas des deux élections successives. Enfin le dernier changement de la loi prévoyait qu’afin d’exister un parti doit disposer de 25000 membres fondateurs dans l8 départements du pays et il avait l’obligation d’obtenir au moins 50000 de voix lors des élections locales ou générales. La loi roumaine devenait ainsi une des plus restrictives de l’Europe. Si en République Tchèque et en Pologne que 1000 signatures (dans le premier cas des membres, dans le second des supporters) étaient nécessaires pour la reconnaissance d’une formation politique sans des contraintes quant à leur dispersion territoriale ou un renouvellement périodique de la liste des membres,5000 des signatures sont nécessaires en Bulgarie, tandis que seuls la Russie et la Moldavie présentent des restrictions semblables au cas roumain : 50000 signatures sont nécessaires en Russie, 50% de la dispersion territoriale du support et un renouvellement annuel des listes de support sont nécessaires V. Alexandru Voicu, « Party Organizations and Political Recruitment, The case of Romania », travail préparé pour

constitue une stratégie constante des formations politiques qui ont participé à la formation des

cabinets à partir de 1996.

Certes, le simple nombre des membres n’est pas suffisant afin d’estimer l’importance

des organisations locales dans la prise de décision interne du parti653. Cependant, en dépit

d’une législation similaire aux autres pays européens quant au financement des partis

politiques654 ces membres constituent une source importante pour le financement des partis

politiques roumains655 suggérant une articulation des organisations politiques qui se

constituent sur un principe ayant comme but d’encourager le développement du rôle et de

l’influence des filiales de parti.

Cette affirmation est d’ailleurs soutenue l’image générale de la force des partis dans le

territoire à la fois aux élections générales que dans le cas des élections locales. Les principaux

partis politiques roumains présentent des scores généraux qui tendent vers une

homogénéisation les résultats des élections locales et des élections générales et qui

concentrent la plupart des options de l’électorat (voir le tableau 31). Même si la convergence

des résultats électoraux, mais aussi l’homogénéité territoriale du comportement électorat

peuvent mobiliser toute une série d’explications concurrentielles656, vu la coïncidence entre

les hauts taux des membres de parti, et les contraintes législatives quant à dispersion

territoriale du support des filiales d’un parti, on peut présumer au moins pour le cas du PNL

et PSD, l’existence un impact du développement organisationnel sur la performance

électorale.

Table 31 La force électorale des principaux partis gouvernementaux 1990-2004

PDSR/PSD CDR/PNTCD PNL PD/USD UDMR Total

ECPR Summer School on Parties and Party Systems, EUI, Florence, 10-21 Septembre, 2007. P. 18 ; Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., P.77 ainsi que Le décret loi no 8 du 31 décembre 1989, La loi 27 du 26 avril 1996, M.Of no 87, La loi 14 du 9 janvier 2003, M. Of. 25 du 17 janvier 2003653 Ingrid van Biezen, Political Parties in New Democracies, P.6654 Ingrid van Biezen, « State Intervention in Party Politics: The Public Funding and Regulation of Political Parties », European Review, Vol. 16, No. 3, 2008, Pp. 337-353.655 Cristian Preda, Sorina Soare, Op.Cit., P.120-121656 L’homogénéité territoriale du comportement national (=la nationalisation des partis) suppose soit une décroissance de la saillance des clivages politiques (ou leur absence), la centralisation du pouvoir autour d’un leadership actif qui configure les préférences des électeurs, l’absence des divisions ethniques puissantes à l’intérieur du pays ou encore un des facteurs de l’institutionnalisation des partis V. Pradeep K. Chhibber, Ken Kollman « Party Aggregation and the Number of Parties in India and the United States », American Political Science Review, Vol. 92, No. 2, 1998, Pp. 329–342; Idem, The Formation of National Party Systems. Princeton: University Press, 2004, Scott Mainwaring, Timothy Scully, Building Democratic Institutions: Party Systems in Latin America. Stanford: Stanford University Press, 1995, Daniel Bochsler, « The Nationalization of Political Parties: A Triangle Model applied on the Eastern and Central European Countries », CEU Political Science Journal, Vol. 1, No. 4, 2006

1990

%Séna 74.47 0.84 8.4 non 10.08 93.79PNS 0.89 0.77 0.79 non 0.32

1992

%Séna 34.26 23.74 0 12.58 8.39 78.97PNS 0.8 0.85 0.87 0.84 0.35 % Depl 33.9 23.8 1.8 non 7.1 66.6

1996

%Séna 28.67 37.06 16.08 7.69 89.5PNS 0.82 0.88 0.89 0.33 %Depl 16.88 17.87 11.64 7.74 54.13LPNS 0.78 0.76 0.79 0.17

2000

%Séna 46.43 0 9.29 9.29 8.57 73.58PNS 0.86 0.79 0.86 0.85 0.33 %Depl 28.87 9.08 9.31 11.93 7.86 67.05LPNS 0.78 0.76 0.75 0.77 0.17

200 %Séna 41.6 0 35.7 7.3 84.6PNS 0.9 0.72 0.9 0.33

%Depl 37.81 0.42 19.57(+2.99)

15.95 (+2.99)

7.8 84.54LPNS 0.85 0.65 0.85 0.81 0.18

LPNS Weighted Local Party nationalisation score657 calculé à la base des résultats des élections départementales. PNS= Party nationalisation scores pour le cas roumain sont repris de Daniel Boschler et Segiu Gherghina, 2008658, % Sénat= le pourcentage des mandats des parties au Sénat, % Depl= le pourcentage des mandats obtenus lors des élections départementales, Note : les LPNS sont calculés pour la période 1996-2000, avant les conseils départementaux étant élus indirectement par les représentants des conseils locaux.

L’analyse de la structure des membres du parti suggère que le poids des filiales

locales est loin de s’affaiblir dans le cas roumain. Tout au contraire, les organisations

locales connaîtront plutôt un renforcement graduel qui peut soulever des explications

différentes659. Indifféremment des motifs pour cet exceptionnalisme roumain, la base du parti

avait connu durant les dernières années une consolidation importante et elle est d’ailleurs

illustrée par la croissance des taux des leaders des exécutifs qui durant les derniers cabinets

commencent de plus en plus intégrer dans leur profil des ressources politiques qui relèvent

du niveau local. Le souci pour l’accroissement et la consolidation des filières semble ainsi

s’accompagner d’un accroissement de leur influence dans les nominations des acteurs

politiques. De la sorte, le niveau local et le parti à la base comment disposer de plus en plus

d’une capacité de contrainte sur les décisions entamées par le leadership du parti ou par les

représentants des partis en fonctions publiques.

657 Le taux montre le degré d’homogénéité territoriale du support électoral lors des élections départementales. Pour plus de détails concernant la manière de calcul http://www.unige.ch/ses/spo/staff/corpsinter/bochsler/pns658 Daniel Boschler et Segiu Gherghina « The Shakedown of the urban rural division in post-communist Romanian politics », travail présenté à ECPR Joint Sessions, Rennes, 12-16 avril 2008659

Le renforcement du nombre des membres peut être expliqué par les contraintes légales, par effet particulier de l’européanisation qui s’est articulé d’une manière idiosyncratique au niveau local ou encore en tant que phénomène qui accompagne un processus de décentralisation qui engendre la nécessité pour un contrôle différent de la distribution des ressources etc. V. Robert Ladrech, « Europeanization and Political Parties », Party Politics, Vol. 8, No. 4, 2002, Pp. 389-403; P. Mair, « The Europeanization Dimension », Pp.340-343)

3.2. Le leadership central du parti et ses développements

Malgré la croissance dans l’importance des organisations locales et une sélection des

acteurs gouvernementaux qui privilégie les ressources qui relèvent de ce niveau, l’influence

que la base exerce sur les décisions politiques reste plutôt indirecte. La plupart des décisions

politiques sont prises toujours au niveau national, et les fonctions de leadership dans le parti

sont généralement la filière la plus importante pour la promotion en fonctions publiques.

Ce phénomène, suggéré d’ailleurs par les trajectoires des ministres roumains,

caractérise aussi les autres partis politiques des pays postcommunistes. Dans ces cas, on avait

mis en exergue une concentration de pouvoir au niveau des dirigeants des partis qui

présentent également un haut degré de superposition avec les représentants des partis en

fonctions publiques660.

Sélecteurs formels des représentants du parti au parlement et dans les exécutifs, les

présidents, les vice-présidents des partis détiennent un rôle essentiel dans le parcours en

politique des acteurs et donc dans le développement de leurs carrières politiques. Les

dirigeants des partis constituent ainsi les principaux censeurs des acteurs politiques en

fonctions publiques et de leur activité. Les rapports de dépendance ou d’indépendance que

ceux-ci développement avec les gouvernants délimitent en grande partie les degrés de libertés

des élites exécutives au niveau de la prise de décision.

3.2.1. Comment les leaders des partis arrivent-ils à la tête des formations politiques ?

Même si tous les membres du parti ont le droit de déposer leur candidature pour une

fonction de direction à l’intérieur du parti, très peu d’entre eux arrivent à diriger la formation

politique. Selon les diverses configurations organisationnelles, la voie d’accès vers le pouvoir

à l’intérieur d’une formation politique diffère. La sélection interne des acteurs est

généralement configurée à partir d’un processus de délégation selon lequel les organisations

locales désignent leurs délégués au Congrès du parti. Les principales différences qui

apparaissent entre les formations politiques portent sur le degré d’ouverture supposé par le

processus de sélection tel que est tracé par les restrictions statutaires visant l’accès à une

fonction dirigeante.

660 Ingrid van Biezen, « Building party organizations and the Relevance of Past Models: Communist and Socialist Parties in Spain and Portugal », West European Politics, 1998, Vol. 21, No.2, Pp.32-62.

La ressemblance entre les partis quant à la sélection du leadership central vise ainsi une

circonscription assez importante des candidatures qui définit la structure d’opportunité

menant à l’élection des leaders. A mesure que les partis commencèrent leur consolidation, on

assiste à l’introduction de plusieurs règles additionnelles quant au profil du leadership du

parti.

De la sorte, les candidats du PD aux positions dirigeantes présentent un programme

politique et leur ancienneté dans le parti doit dépasser six mois afin qu’ils puissent déposer

leur candidature pour une fonction locale ou une année au cas où ils visent une position dans

le leadership central du parti (l’art. 131-132, 2000). Tout comme dans le cas du PSD, le PD

avait introduit également un système de quotas de la représentation des femmes et des jeunes

dans leurs structures dirigeantes (l’art. 19, 1997).

En contrepartie, les restrictions introduites par le PNL ont visé plutôt la distribution des

mandants à l’intérieur du parti. A l’exemple le statut adopté en 2001 spécifiait que la fonction

de président de parti à tous les niveaux ne peut pas être occupée pour une période de plus de

deux mandats (ou trois mandats alternatives (l’art. 12) et intégrait l’interdiction du cumul des

mandats. Tout comme dans le cas des démocrates, le PNL avait introduit les mêmes

restrictions visant l’ancienneté dans le parti (l’art. 81).

Des réglementations similaires sont aussi décryptables dans le cas du PSD. Le cumul

des mandats est interdit et le nombre des mandats détenus est limité à deux mandats (l’art.

17.2 1, 2001), ce qui induit automatiquement une limitation importante quant à la capacité de

certains leaders centraux du parti à déposer leur candidature à plusieurs reprises. La

dimension territoriale du pouvoir est évidente : les fonctions de leadership au niveau des

organisations territoriales ne peuvent être occupées que par les membres du parti qui résident

ou qui travaillent dans la région délimitée par l’organisation territoriale.

Lorsqu’on regarde la sélection des leaders on peut remarquer un souci croissant

autour de l’année 2000 pour la limitation de l’accès des candidats à ces fonctions, traduisant

d’ailleurs une lutte potentielle pour le pouvoir à l’intérieur de l’organisation politique. Cette

formalisation croissante, certes, n’a pas de rôle contraignant majeur (car elle peut être

contournée dans des cas précis par des modifications statutaires ultérieures), mais elle peut

quand même engendrer des limites et constituer des arguments formels contre la sélection de

certains leaders.

3.2.2 Le leadership du parti et sa reconfiguration durant la période postcommuniste

Les portefeuilles dirigeants à l’intérieur du parti ont une importance notable. Ceux-ci sont

censés entamer les principales décisions politiques et définir les stratégies générales des

formations politiques. Pratiquement dans tous les partis politiques roumains, la sélection du

personnel exécutif est, au moins formellement, contrôlé par ces leaders. Les structures

exécutives du pouvoir partisan s’instituent ainsi, d’un point de vue statutaire comme les

principaux dirigeants politiques censés d’assurer la coordination entre le centre et la base, et

entre les élites politiques parlementaires et les élites gouvernementales. Néanmoins, comme

on le verra, les positions de direction à l’intérieur du parti ne sont pas incompatibles avec

d’autres positions de pouvoir dans les structures de l’Etat. La superposition entre les deux

fonctions théoriquement distinctes inflige des conséquences notables sur la fonction de

coordination des dirigeants des partis.

En regardant le leadership national des partis politiques durant la période

postcommuniste, nous pouvons identifier une lutte pour le pouvoir continuelle qui engendra

toute une série des logiques conflictuelles. En ce qui concerne la continuité des présidents du

parti, on peut compter sur la période 1990-2008 : 3 présidents pour l’UDHR, 4 présidents du

PDSR, 3 présidents du PD, 5 présidents du PNL et 2 présidents du PNPcd (1990-2000).

Néanmoins, les principales variations dans la structure du leadership portèrent surtout sur

la reconfiguration des équipes des vice-présidents qui d’ailleurs deviennent de plus en plus

nombreuses. En analysant les diverses pratiques quant à la configuration du pouvoir au

niveau de la direction centrale du parti, nous pouvons placer les diverses formations

politiques sur un continuum quant à la continuité et la stabilité du leadership national, mais

aussi en ce qui concerne les divers rapports que le leadership du parti développe avec ses

représentants dans l’exécutif.

L’exemple de la plus grande stabilité au niveau de la direction du parti on peut le

rencontrer dans les cas de l’UDHR et dans le cas du PD. Les transformations subies par

l’UDHR à partir de l’année 1993 quand Marko Bela est arrivé au pouvoir sont loin d’être

dramatiques. Dans le cas du PD, la même continuité organisationnelle peut être en mise en

exergue, à l’exception d’un seul moment refondateur lors du Congrès de 2001. Ainsi, après

des résultats très faibles aux élections générales on change le président, mais aussi l’équipe

des vice-présidents en sa totalité. De plus, le PD consacra un modèle classique de promotion

des leaders politiques dans des positions exécutives. La superposition entre la composante du

parti dans des fonctions exécutives et le leadership central du parti est quasi-parfaite. Les

ministres du PD sont avant tout des dirigeants nationaux du parti. Cela fut le cas des ministres

démocrates de la période 1996-2000. En fait, de huit membres de l’équipe initiale de la

direction du FSN (PD) élus lors du Congrès de 1993, sept d’entre eux occupèrent des

portefeuilles ministériels durant les cabinets de 1996-2000. D’une manière moins foncée,

cette pratique avait pu être identifiée dans le cas des leaders du PD d’après 2001, deux des

vice-présidents de l’équipe refondatrice du PD avaient occupé des portefeuilles importants au

sein du cabinet Tariceanu.

Les deux autres partis qui s’ensuivent, le PNPcd et le PNL, les partis historiques,

présentent des taux plus hauts d’instabilité du leadership ainsi que des modèles fluctuants de

la relation entre la composante en fonctions publiques et le leadership du parti. Si on regarde

la liste de la direction de PNPcd, élue lors du Congrès de 1996, on peut observer que de 20

personnes seulement huit se retrouvaient parmi les vice-présidents (moitié de ceux qui ont

dirigé le parti durant la période précédente). D’ailleurs, sept des ministres désignés par le

PNPcd pendant la période 1996-2000 étaient également des membres de la direction

exécutive centrale du parti politique, le parti optant aussi pour la promotion en fonctions

exécutives des acteurs qui ne bénéficiaient pas d’un pouvoir réel à l’intérieur du parti. Les

modifications opérées sur un fond conflictuel et après la scission du parti au congrès de

l’année 2000, introduisait 14 nouveaux leaders de parti (66% du total) qui, cependant ont

failli à regagner la représentation parlementaire pour le PNPcd après l’année 2000.

Un modèle similaire au PNPcd (mais moins tragique) est décrit par le PNL qui semble

instituer lentement, en dépit d’une apparence de changement des leaders, des fusions et des

scissions, plutôt un exemple de stabilité du leadership. Si en 1993 deux personnes avaient fait

partie de la direction générale du parti au début de l’année 1990, trois des six membres de la

direction du parti présentaient un tel profil en 1997. Ce modèle fut préservé jusqu’en 2007

(mais avec des changements de composition en 2001 et 2002). Même si la division du PNL

en 2007 avait produit un transfert important de personnel vers le PLD, dans la configuration

actuelle de la direction centrale du parti (2008), qui est la plus nombreuse du

postcommunisme roumain, quatre des quinze membres disposent d’une expérience politique

assez importante accumulée au niveau de la direction exécutive du parti. D’ailleurs, dans le

cas du PNL, l’expérience ministérielle d’un acteur joue un rôle important quant à la présence

de celui-ci dans l’équipe exécutive du parti. Deux des onze membres du leadership du parti

en 1993 présentaient un tel profil, tandis que quatre (de six) membres de la direction du parti

présentaient une expérience exécutive en 1997. L’organisation d’un Congrès en 1997 qui

avait donné un plus de pouvoir aux représentants du parti en fonctions publiques notamment

à Valeriu Stoica et à Crin Antonescu, ministres nommés dans le cabinet Ciorbea, consacrait

ainsi une procédure que PNL adopta également en 2007. La direction nationale de

l’organisation politique intègre dans sa composition des ministres. A présent, onze des quinze

membres de la direction exécutive du PNL ont été ministres ou ils sont encore des ministres

dans le cabinet Tariceanu.

Le modèle d’évolution dans la structure du leadership exécutif du parti est marqué par

les plus grandes reconfigurations lorsqu’on analyse le profil du PSD. Seulement six des 12

membres de la direction exécutive du parti de 1993 (55% de la formule antérieure) étaient

toujours au sommet du parti en 1995. En 1997, une fois l’alternance au gouvernement

accomplie, on changeait de nouveau la formule de direction qui comprenait que sept

membres dont que trois des dirigeants antérieurs du parti. Le Congrès de 2001 et l’arrivée à la

direction du parti d’Adrian Nastase ont apporté de nouveau un élargissement de la structure

de la direction exécutive du PSD qui comprenait 13 membres, moitié d’entre eux présentant

cependant une expérience similaire dans le passé. Néanmoins, si on est à comparer la

structure élue lors du Congrès de 2006 avec celle de l’année 2001 on constate le plus grand

changement. Pratiquement, il n’existe aucune superposition entre les deux équipes dirigeantes

du PSD.

Les transformations dans la structure de direction du PSD peuvent être paradoxalement

mieux comprises lorsqu’on fait référence non pas à l’expérience antérieure dans le parti, mais

à l’expérience gouvernementale préalable des membres de la direction exécutive de la

formation politique. A l’exception notable d’Adrian Nastase en 2004, la fonction

ministérielle constitue un tremplin pour la promotion dans le leadership central du parti. De

cette manière, en 1993, de 11 membres de la direction exécutive du PSDR quatre avaient une

expérience ministérielles, sept des 12 membres en 1995 présentaient une expérience

gouvernementale, quatre de sept membres de la direction exécutive possédaient la même

expérience en 1997, et neuf de 13 membres de la direction du PDSR en 2001 avaient été des

ministres (à l’exception du leader du parti, tous les autres durant le cabinet Nicolae

Vacaroiu). Sous le même angle, on peut comprendre également le renouvellement qu’on

constate au niveau de l’équipe dirigeante du parti en 2006. La structure élargie du PSD qui

supposait une équipe de 18 leaders, réunissait dix des ministres du cabinet Adrian Nastase.

Cette analyse employant une définition restrictive de la composante du leadership du

parti (comprenant le président du parti, les vice-présidents ainsi que le secrétaire général661)

dévoile une pluralité des logiques qui s’installent à l’intérieur des formations politiques. Des

formations politiques telles que l’UDHR ou le PD semblent être décrites par un plus de

stabilité au niveau de la direction nationale, tandis que le PSD est le plus marqué par des

dynamiques du personnel au niveau de la direction exécutive du parti. Généralement, les

structures du pouvoir au niveau central sont soumises à des changements assez fréquents et

peuvent être compris comme décrivant une relation directe entre le leadership central de

l’organisation politique et la composante gouvernementale du parti. On peut ainsi observer

au sommet des partis politiques une superposition importante entre les positions en fonctions

publiques et les postes de direction à l’intérieur du parti.

Néanmoins, il n’existe pas de modèles unitaires de comportement à cet égard. Malgré la

superposition de facto entre les deux populations, les logiques sous-jacentes reliant le parti

et le gouvernement au niveau du personnel suivent des logiques différentes. Si dans le cas du

PD (et partiellement dans le cas du PNPcd) l’expérience de parti précède la nomination

dans un portefeuille exécutif, dans le cas du PNL il existe plutôt une coïncidence entre la

promotion dans les deux structures, tandis que pour le PSD ce modèle apparaît en grande

mesure comme étant renversé : la fonction exécutive constitue un tremplin pour la promotion

ultérieure à la direction du parti.

3.3 Composante extraparlementaire et composante gouvernementale des partis gouvernants

La dénomination de « composante extraparlementaire » revoit à une représentation

artificielle du fonctionnement du parti. Le parti à la base, les organisations locales et le

leadership central ne sont censés posséder ni les mêmes représentations quant à la politique,

ni les mêmes intérêts. Le renforcement organisationnel au niveau local, l’augmentation du

nombre des membres de parti devront plutôt engendrer une limitation du pouvoir du

leadership central du parti qui se verrait ainsi censuré dans ses actions.

De la sorte, la tendance des partis d’élargir l’équipe de la direction exécutive incluant des

vice-présidents, représentants des régions, est le résultat de cette politique de reconnaissance

de l’importance des organisations locales. Au fond, à des petites exceptions (comme a été la

décision de Mircea Ionescu Quintus, le président du PNL de se retirer de la direction du

661 Pour le PNPcd on avait inclut également les membres suppléants de la direction exécutive du parti

PNL), les changements présentés dans la structure dirigeante des partis sont le résultat directe

du vote des délégués présents aux Congrès des partis. Le pouvoir de sanction de ceux-ci

constitue un point d’inflexion dans la logique organisationnelle qui caractérise les

organisations politiques.

L’accroissement de l’importance du rôle des filiales qui par le biais de leur vote ont la

capacité de renverser le leadership central du parti peut d’ailleurs expliciter la reconfiguration

dans le profil des ministres désignés dans les cabinets postcommunistes. Le développement

organisationnel des partis apporterait, de cette manière, des contraintes directes sur le

leadership national des formations politiques et, vu également la tendance d’accroissement de

la superposition entre le leadership national et les représentants du parti en fonctions

publiques, sur l’activité de ces derniers. Néanmoins, les cadres et l’importance de cette

influence sont censés à varier selon des modèles qui décrivent le comportement de chaque

parti politique. En ce contexte, la capacité de contrôle du parti sur les actions des acteurs

gouvernementaux varia en fonction du statut de chaque formation politique et des

développements politiques particuliers.

Dans le cas des ministres nommés par le PD la capacité de coordination que le parti

exerce dépend totalement de la volonté des ministres en place. La coïncidence entre les

principaux ministres du cabinet et le leadership national du parti, ainsi que la longue

expérience dans les structure des partis des leaders permet, durant les cabinets 1996-2000, la

naissance d’une cohésion gouvernementale entre ces acteurs, qui ne peut être censurée ni par

l’organisation extraparlementaire, ni, vu la logique de coalition, par le Premier ministre. La

direction des politiques menées par les membres du cabinet respecte ainsi les intérêts que les

acteurs mêmes définissent et la faillibilité de l’action décisionnelle peut être limitée

uniquement dans le cas où les autres représentants du parti dans le gouvernement décident à

se coaliser contre le ministre en cause.

Néanmoins, durant la seconde participation du PD au gouvernement, en 2004-2007, on

assiste à une transformation de cette logique. Le leader du parti ne fait pas partie de l’équipe

gouvernementale qui comprend non seulement d’anciens leaders du parti, mais aussi des

élites ayant moins d’expérience politique. En outre, la logique de coalition, cette fois-ci plus

codifiée, avait limité les marges de liberté des acteurs qui se trouvent à la fois sous la

contrainte externe des décisions du conseil de la coalition, sous la surveillance de l’UE et

sous le contrôle des dirigeants présentant déjà une expérience gouvernementale ou un plus de

poids à l’intérieur du parti.

La configuration interne du PD et les rapports qui se créent à l’intérieur du parti donnent

ainsi un pouvoir décisionnel plus grand aux ministres durant la période 1996-2000 et une

influence politique plus limitée de ceux-ci en 2004-2007. Cependant, les représentants du

parti au gouvernement ne manquent pas de contraintes. Le profil d’une partie de ces acteurs

qui présentent aussi des ressources dans le local, suggère un potentiel de contrainte dans la

représentation des intérêts qui relèvent d’une dimension territoriale.

La même absence de coordination forte de la part du parti peut être présumée lorsqu’on

analyse les profils des ministres PNPcd et PNL. Cependant, l’hétéroclisie qui caractérise les

choix pour les nominations dans des portefeuilles ministériels s’avère limitative quant aux

capacités d’action des acteurs de ces partis. La promotion des indépendants dans les fonctions

publiques (pour le PNPcd l’absence de cohésion entre les représentants du parti) rend

impossible l’articulation une cohésion de groupe.

Dans le cas de ces partis, la non-superposition entre les positions de leadership du parti

détenues avant la nomination dans une fonction publique et les fonctions exécutives empêche

ainsi un comportement similaire au PD durant la période 1996-2000 et elle encouragea la

faillibilité des ministres au niveau de la prise de décision. La participation du PNL dans le

cabinet de la période 2004-2008 et l’intégration des ministres dans les structures

décisionnelles du parti (tout en gardant en même temps des membres influents qui n’occupent

pas des portefeuilles dans l’exécutif) et la direction du cabinet par le président du PNL

menèrent à un accroissement de la coordination. Néanmoins cette coordination avait visé

principalement les ministres qui participent au noyau dur décisionnel à l’intérieur des

structures exécutives de la formation politique. En outre, le souci pour le renforcement des

organisations locales du parti et l’introduction à la fois dans la direction exécutive du PNL et

dans l’équipe gouvernementale des acteurs politiques représentants des ressources politiques

et économiques accumulées dans le territoire constituent une contrainte supplémentaire dans

l’activité de l’exécutif durant la période 2004-2008.

Pour ce qui est du PSD, les logiques antérieurement décrites s’appliquent d’une manière

partielle. Le principe de fonctionnement du parti (au moins jusqu’en 2004) visa une politique

des incitations sélectives. En d’autres termes, les ministres en place étaient conscients de

l’importance d’une conformité du comportement décisionnel et de la fiabilité de leurs actions

pour la promotion ultérieure dans des positions de direction à l’intérieur du parti.

La direction du parti au début du mandat comprend peu ministres. Le Premier ministre de

la période 2000-2004 avait opté plutôt pour une coordination à l’extérieur de son équipe.

Cette formule fonctionna d’ailleurs durant la première période de son mandat, mais elle mena

à une polarisation des positionnements entre les anciens leaders du parti et les membres de

l’équipe ministérielle en place. Les changements opérés après 2003, ont rendu impossible la

coordination de l’activité gouvernementale, mais ils apportèrent une dimension de

récompense (tardive) pour les exclus des deux premières années du mandat Néanmoins, il est

intéressant d’observer que la logique instituée à partir de la création du parti reste en place.

Les ministres nouvellement introduits dans les formules gouvernementales, sans une

expérience de parti, sont ceux qui dirigent ultérieurement la formation politique. Cette

articulation organisationnelle explique d’une certaine façon l’émergence d’une cohésion de

groupe et la préfiguration d’un second type de coordination exercée par le parti (qui redouble

celui identifiable au niveau des cabinets).

La seule différence notable qu’on peut observer quant aux principes de fonctionnement

du PSD à partir de l’année 2000 est celle que, tout comme dans le cas du PNL, le souci pour

le renforcement des organisations locales s’accompagne d’une redéfinition de la politique

organisationnelle qui implique l’introduction des représentants du niveau local dans les

structures exécutives du parti. De la sorte, même s’il n’existe pas de superposition entre le

leadership central du parti et ministres du cabinet Nastase, le souci pour la représentation

géographique des intérêts particuliers constitue la reconnaissance de l’importance des intérêts

du territoire.

Lorsqu’on regarde la panoplie des relations qui se forgent entre les acteurs

gouvernementaux et l’organisation du parti, on peut donc observer (à l’exception du PSD)

une superposition entre les deux composantes. Cette superposition rend possible une lecture

qui va dans le sens d’une domination des membres des exécutifs sur l’organisation

extraparlementaire du parti. Néanmoins, cette superposition des deux composantes

n’implique pas, un modèle qui souligne une tendance d’atrophie du rôle des organisations

territoriales et des ressources locales. Au contraire, le point que tous les partis ont en

commun à partir de l’année 2000 semble viser justement le souci pour la représentation

territoriale des intérêts (et des filiales).

Cette règle générale ne s’applique cependant pas en même mesure à tous les ministres,

mais elle s’adresse uniquement à ceux qui détiennent des fonctions importantes à l’intérieur

de l’organisation politique. De l’autre côté, le comportement des autres acteurs

gouvernementaux n’est pas directement contraint par le leadership national, mais il est

plutôt borné par les autres collègues de l’exécutif. De la sorte, les marges de liberté dans

l’action des ces élites gouvernementales dépendent des logiques et des styles décisionnels

qui s’instaurent à l’intérieur des cabinets. On pourrait ainsi comprendre l’identification d’un

noyau dur décisionnel qui s’installe au niveau des cabinets qui va au-delà de la simple

rotation des acteurs ayant déjà acquis une expérience exécutive et qui s’articule autour de

ces élites qui détiennent aussi des fonctions dirigeantes à l’intérieur de l’organisation

politique.

Le parti qui fait exception à cette règle générale de fonctionnement est le PSD. La non-

superposition entre le leadership du parti et ses représentants en fonctions publiques

introduit un principe de coordination de l’activité des acteurs de l’exécutif venant de la part

des dirigeants du parti. Il faudrait préciser également, qu’au moins pour le cas précis du

cabinet Nastase, la volonté d’imposer l’agenda de la composante gouvernementale au niveau

du leadership national du parti fut sanctionnée une fois le cabinet avait fini son mandat.

Cependant, cette sanction avait visé uniquement la personne du chef de l’exécutif, et non pas

les autres ministres, qui sont devenus ultérieurement des membres de la direction exécutive

du PSD.

3. 4 La composante du parti en fonctions publiques : les rapports entre l’exécutif et le législatif au niveau des acteurs

Les partis gouvernementaux en Roumanie sont similaires aux autres partis

postcommunistes de la région en développant des comportements convergents quant à la

superposition entre la composante en fonctions publiques et le leadership du parti. En même

temps, ces partis développèrent modèles idiosyncrasiques qui visent le renfoncement de la

base et l’accroissement de l’influence venant de la part des organisations territoriales. De

cette manière, la thèse conformément à laquelle il existe une continuité dans le comportement

organisationnel semblable à la centralisation originaire des partis se voit défiée dans le cas

roumain. En dépit du fait que l’évolution organisationnelle des partis ne produit pas, comme

on pourrait anticiper au niveau théorique, des effets systémiques tels que la décroissance de la

volatilité électorale et un encadrement politique des électeurs, elle avait soulevé des

dynamiques internes différentes quant à l’édifice interne des partis politiques.

L’émergence d’un type de coordination plus où moins limitée venant de la part de la

composante extraparlementaire du parti semble s’instituer comme une première contrainte

dans l’activité des acteurs politiques gouvernementaux. Cette coordination pourrait encore

être renforcée si les représentants parlementaires du parti avaient la capacité de contrainte sur

l’activité des acteurs politiques des exécutifs.

Le renforcement des organisations locales est censé d’accroître le conflit potentiel

entre les divers représentants du parti dans les fonctions publiques. Les représentants des

cabinets dans les portefeuilles ministériels et les parlementaires seront donc à envisager

comme étant séparés, disposant des « fonctions d’utilité » différentes662. Le contrôle des

ressources pour des intérêts spécifiques qui décrierait le comportement gouvernemental serait

ainsi opposable aux intérêts des parlementaires qui tournent autour de la question de leur

réélection. Même si les parlementaires se trouvent dans une relation de dépendance directe

par rapport à l’organisation du parti en ce qui concerne leur désignation en tant que candidats,

la nature représentative d’un mandat parlementaire oblige ces acteurs à maintenir des

relations de dépendance avec les organisations du parti à la base663. De la sorte, plusieurs

comportements possibles des parlementaires peuvent être anticipés. Les parlementaires

peuvent (1) soit mobiliser leurs relations avec les organisations locales du parti afin

d’imposer les décisions du centre, (2) soit se transformer dans des instruments par lesquelles

les organisations locales comprennent imposer leur volonté sur le leadership national.

Le poids de la composante parlementaire dépend du contexte politique et de la

configuration interne du pouvoir de l’organisation partisane. Néanmoins, l’importance de ces

leaders est censée d’accroître lorsque les cabinets présentent des durées de vie relativement

courtes ou encore quand la nature du cabinet est minoritaire664. Vu la position fragile des

exécutifs roumains, on pourrait par la suite anticiper que « la vraie » coordination de l’activité

des acteurs gouvernementaux résulte des contraintes imposées par ces représentants du parti

qui négocient leur support pour les décisions des acteurs de l’exécutif.

662 Maurizio Cotta, Op.Cit., P.9663 Un autre problème conceptuel apparaît lorsqu’on considère les positions éxécutives et législatives en tant que composantes distinctes du parti. Comme R. Katz le montre les acteurs politiques du législatif peuvent être conçus non seulement en tant que des représentants du parti en fonctions publiques mais aussi en tant que délégués du parti à la base. L’émergence d’un type de comportement cartélisé devrait également introduire un changement dans le processus de recrutement des parlementaires. Ainsi, deux types de comportement hypothètiques sont à anticiper: premièrement la centralisation du processus de sélection dans les mains des leaders du parti ou l’apparition d’un critère de sélection très restrictif afin de mieux contrôler ce processus ou deuxièmement l’ouverture de la sélection vers la base et le décroissement de l’importance des cadres intermédiaires du parti (R. Katz, « Reforming Candidate Selection…”, Pp. 277-296). 664 M. Cotta, « On the relationship between the party », P. 11 ; Kaare Strom, « Minority Governments in Parliamentary Democracies : The rationality of the non winning cabinet solutions, Comparative Political Studies, Vol. 17, 1984, Pp.199-227.

3.4.1 Quelle évolution statutaire pour la composante parlementaire des partis ?

Le domaine qui avait souffert les plus grandes reconfigurations statutaires visa la

manière de sélection des candidats pour les élections parlementaires et la configuration des

diverses mesures censées d’assurer la discipline des parlementaires. La sélection de ces

représentants avait constitué un des principaux mécanismes de contrôle que les partis avaient

exercés sur leurs représentants et tandis que le renfort des mécanismes disciplinaires devrait

assurer à l’organisation politique la défense de ses objectifs et stratégies politiques.

a. La sélection des candidats aux élections parlementaires

Etant donnée, la tendance de plus en plus pointue quant au recrutement d’anciens

parlementaires pour des fonctions exécutives, le profil des acteurs parlementaires et l’analyse

de leurs comportements dans le Parlement constituent des éléments essentiels dans la

compréhension des degrés d’autonomie dont les acteurs politiques au pouvoir disposent. La

sélection pour les fonctions parlementaires diffère d’un parti à l’autre. En ce sens, deux des

formations politiques qui présentent le plus grand nombre des membres ont pris la décision

de transfigurer leurs procédures de sélection des candidats en optant pour une dimension

inclusive (= qui mobilise tous les membres des organisations locales dans la sélection), tandis

que les autres partis avaient choisi plutôt des versions plus ou moins centralisées dans la

sélection des candidats. Indifféremment de la formule choisie, le souci pour la clarification

des procédures est constant. L’attention pour une codification étendue des procédures de

sélection a été accompagnée, tout comme dans le cas du recrutement du leadership national,

par l’addition des critères restrictifs, imposés par le centre, quant au profil des possibles

candidats. Ces critères visèrent, dans le cas du PD et du PSD, la question de l’ancienneté dans

le parti665.

Lorsqu’on regarde de près les spécificités des procédures de la sélection des partis

politiques on peut remarquer que le PNL et le PD ont préservé la manière centralisée de la

sélection des candidats. Le PD exhibe ainsi la plus grande centralisation de la sélection ainsi

que le moindre changement dans ces procédures. Le Bureau Politique National du parti

détient un rôle de coordination dans la construction des listes des candidats à la base des

665 A l’exemple le statut du PD prévoyait qu’afin de devenir parlementaire un candidat devrait avoir passé trois ans en tant que membre de parti et au moins deux années en tant que militant de l’organisation politique.

propositions reçues de la part des organisations locales (l’art. 103, lit e, 1997). En outre le

président du parti dispose également le droit d’intervenir dans la création des listes (l’art. 92).

Suivant une formule similaire, en 1995, le statut du PNL spécifiait que les candidats

aux élections parlementaires sont conjointement établis par les comités départementaux et par

le leadership du parti (l’art. 27). Cette manière de sélection a été préservée jusqu’en 2001

quand une certaine décentralisation de la procédure est apparue. Le niveau local acquiert un

plus d’importance car le comité territorial dispose dorénavant d’un pouvoir de veto sur les

candidats proposés par le Bureau Central Permanent du parti (l’art. 45, h). Cette tendance a

été ultérieurement renforcée par l’introduction « d’un critère méritocratique » : le niveau

central préservait sa prérogative de nomination des candidats dans les cas où la performance

électorale des organisations aux élections locales se situait au-dessous de la moyenne

nationale du parti (l’art. 60 lit j, k, 2002), tandis que le leadership central avait un simple rôle

de validation des listes des candidats dans les autres cas.

Si au début des années 1990, l’UDHR et le PSD adoptèrent des principes de sélection

similaires à ceux du PNL et du PD, au milieu des années 1990 l’UDHR et en 2003 le PSD

avaient entièrement reconfiguré leur processus de recrutement. Un système d’élections

directes des candidats par les membres du parti a été mis en place. La mesure fut une seule

fois mise en pratique à l’intérieur du PSD et elle est entièrement opérationnelle dans le cas de

l’UDHR (l’art. 95, 1997).

Au milieu des années 1990 la procédure de sélection des candidats à l’intérieur du

PDSR était très centralisée. Le Bureau Exécutif Central, structure qui comprenait très peu de

membres, disposait du droit de confirmation des listes des candidats proposés par les conseils

départementaux. Le Bureau avait également la possibilité de proposer des candidatures après

avoir consulté les filiales locales (l’art. 57, 17, 1997). Les listes, comprenaient à la fois des

candidats du centre, qui ne pouvaient pas dépasser un tiers du nombre total des candidats

pour une circonscription, ainsi que des représentants du parti à la base (l’art. 99, 2000). Après

la victoire électorale de 2001 du PSD, on assiste à une transformation de la politique du

recrutement. L’ouverture de la sélection qui eût lieu en 2003 était anticipée dans le statut de

2001 qui précisait que « le PSD encourage la compétition interne pour la promotion dans des

fonctions politiques des gens disposant d’une expérience professionnelle excellente » (art 3.6,

2001). Néanmoins, en dépit du caractère direct des élections, la direction centrale du parti

préserve le droit de rajouter des candidats sur les listes, mais l’ampleur des propositions ne

pouvait pas dépasser le seuil d’un tiers du nombre total des candidats.

b. Contraintes reliées à la discipline de parti

Indifféremment de la formule de sélection adoptée ou encore de la manière dans

laquelle l’organisation politique est construite, tous les statuts des partis prévoient des

mécanismes pour l’instauration d’une discipline interne. Plusieurs sanctions ont été spécifiées

dans les documents fondateurs des organisations politiques et des organismes spéciaux ayant

comme but la surveillance des actions des acteurs politiques ont été créés. Au niveau des

sanctions prévues, on peut remarquer une variation entre les partis, les mesures plus

restrictives étant codifiées dans le statut du PD, tandis que la plus grande autonomie des

leaders appartient aux dirigeants de l’UDHR.

L’UDHR est la seule formation politique qui permet un haut degré d’autonomie dans

l’action de sa composante en fonctions publiques. Les parlementaires de l’Union doivent

respecter les décisions du Congrès du parti et celles du Conseils des Représentants (l’art. 70,

1995), tandis que les ministres se trouvent sous la surveillance directe du président du parti

(l’art. 102, 1997). Cependant le statut accorde explicitement le droit aux parlementaires

d’entamer les décisions nécessaires pour le bon déroulement de leur activité (l’art. 93, 1999).

Tendance qui se nourrit de la nature single issue de la formation politique, la représentation

des intérêts spécifiques n’était pas censée d’engendrer des actes d’indiscipline de la part des

représentants du parti en fonctions publiques.

Les mêmes principes permissifs étaient initialement prévus dans les statuts du PSD. On

mentionnait ainsi que les parlementaires disposent d’une autonomie afin d’établir l’attitude et

la manière d’agir dans l’exercice de leur mandat conformément aux directions générales

définies par la Conférence Nationale du Parti, le Conseil National, mais aussi en fonction de

l’instance exécutive du parti le Bureau Central Exécutif (l’art. 74, 1999). En contrepartie, les

parlementaires étaient obligés de développer des relations étroites avec leurs circonscriptions.

A partir de 2001, ces principes d’action ont été changés. Les parlementaires doivent obéir à

des règles plus strictes en ce qui concerne de la discipline de parti, mais ils ne sont plus tenus

à développer des relations avec le territoire. Les stipulations statutaires indiquent de cette

manière une tentative de découpler la composante parlementaire de la base du PSD. Cette

tactique, doublée par l’idée de l’ouverture du processus de sélection, indiquerait ainsi la

poursuite d’un objectif de renforcement du leadership central du parti, sans pour autant mener

à une diminution du rôle des organisations locales.

Les statuts de tous les partis gouvernementaux soulignent, dans des manières

différentes, l’importance de l’hiérarchie à l’intérieur de l’organisation. Dans le cas du PSD

les décisions du leadership du parti sont obligatoires pour les niveaux inférieurs (l’art. 17,

2001), les membres du PNL doivent obéir aux décisions des dirigeants du parti (l’art. 10,

1995) et à l’intérieur du PD il existe des relations hiérarchiques qui sont établies entre les

divers strates décisionnels, chaque niveau disposant d’une autonomie décisionnelle en

fonction des compétences décrites au niveau statutaire (l’art. 13, 1997). D’ailleurs, en ce qui

concerne ce dernier parti, il faudrait également spécifier qu’il est le seul parti qui ait essayé

d’équilibrer les mesures disciplinaires contraignantes. De la sorte, le PD avait procédé à la

création des mécanismes d’une manière collégiale de la prise de décision à l’intérieur de

l’organisation politique. Les statuts invoquent le principe de la démocratie interne (l’art. 15,

c) et la possibilité d’exprimer le mécontentement à l’intérieur des instances du parti par le

biais des motions. Ces mécanismes auxquels s’ajoute l’idée de l’ouverture vers le

recrutement inconditionnel de nouveaux membres étaient pensés en tant qu’un contrepoids à

la centralisation excessive de la construction à l’intérieur du parti.

La sélection des candidats pour les élections parlementaires, telle qu’elle est décrite

d’un point de vue formel, dévoile l’existence d’un double modèle. D’une part, on observe une

tendance vers un plus d’inclusion des membres dans la sélection des candidats (partiellement

le PSD, l’UDHR) et, de l’autre part, il existe un penchant centralisateur visant le contrôle

dans la construction des listes pour les élections parlementaires (le PD et partiellement le

PNL). Si les deux procédures peuvent être envisagées en général, en tant que deux stratégies

divergentes censées d’engendrer une centralisation du pouvoir au niveau du leadership du

parti, dans le cas roumain, les deux formules semblent plutôt obéir à une contrainte qui

relève d’un renforcement des organisations territoriales.

Cette articulation dans la sélection souleva ainsi le problème de la discipline

décisionnelle qui devrait s’installer à l’intérieur de l’organisation et des mécanismes qui la

rendent possible. De même, les procédures disciplinaires mises en place varient en fonction

des partis. L’UDHR accorde une grande liberté (au moins formelle) à ses membres, tandis

que le PD tend à circonscrire et à codifier le comportement de ses représentants en fonctions

publiques. Pour ce qui est du PSD, on assiste à une reconfiguration de la stratégie

organisationnelle. De cette manière, lorsque la sélection des candidats est soumise à l’œil

attentif du leadership du parti, les parlementaires semblent disposer d’une plus grande

liberté. L’ouverture de la sélection avait donné ainsi naissance à la création des contre-

mesures visant le maintien du contrôle décisionnel au niveau des dirigeants centraux des

organisations politiques.

3.4.2 La composante parlementaire et son influence politique

Base de sélection pour le personnel ministériel, les élites parlementaires semblent de

plus en plus contraintes par les modifications statutaires à développer des relations directes

avec les organisations territoriales. Le poids des représentants en fonctions publiques,

renforcés d’ailleurs en légitimité dans le cas des partis qui ont choisi des manières de

sélection plus inclusives, a été ainsi censé d’être redéfini durant les dernières années. En ce

contexte l’accumulation d’une certaine expérience politique parlementaire (par la

construction des carrières dans le législatif) et la cohésion des groupes parlementaires sont

des éléments essentiels pour la consolidation d’un contrôle du groupe parlementaire sur

l’activité des représentants du parti en fonctions exécutives.

Lorsqu’on regarde le profil des parlementaires roumains on peut observer la même

tendance de rotation que dans le cas des élites ministérielles. La reproduction dans les

fonctions législatives, en tant qu’image d’une accumulation d’expérience mènerait à une

consolidation du rôle de cette élite au niveau des partis. Même s’il existe de différences

notables entre les formations politiques et entre les diverses périodes, il faudrait remarquer

qu’au niveau général, la rotation du personnel parlementaire constitue une constante du

postcommunisme roumain.

Table 32 La rotation politique à l’intérieur de la Chambre des Députés et du Sénat . L’expérience politique parlementaire

CHAMBRE DES DEPUTES SENAT

1992-1996 1996-2000 2000-2004 2004-2007 1992-1996 1996-2000 2000-2004 2004-2007

N MAN N MAN N MAN N MAN N MAN N MAN N MAN N MAN

PSD

3429,06

2426,37

5438,85

5145,13

2551,02

2151,22

2542,37

2043,4811

791

139

113

49 41 59 46

PNL6

24,0021

70,0017

26,563

18,755

38,4612

4825 30 64 16 13 25

PD39

90,7030

69,7722

70,9716

33,334

22,228

36,3610

76,926

2443 43 31 48 18 22 13 25

PRM2

12,502

10,5315

17,8626

54,170

00

07

18,9212

57,1416 19 84 48 6 8 37 21

PUNR4

13,335

27,782

14,293

42,8630 18 14 7

UDMR16

59,2612

48,0018

66,6714

63,644

33,336

54,556

509

9027 25 27 22 12 11 12 10

PNTCD

614,63

1720,48

00

1244,44

41 83 21 27

total

116

29,29

117

34,31

135

39,36

140

42,1739

32,7758

40,5653

37,8660

43,8396

341

343

332

119

143

140

137

MAN=le pourcentage des représentants parlementaires qui ont détenu des fonctions parlementaires dans les législatures précédentes. Source : les données de base ont été extraites du site de la Chambre des Députés

Si on se concentre sur la situation dans la Chambre des Députés, le PNL présente des

taux bas quant à l’ampleur de la rotation parlementaire, surtout à cause du renforcement tardif

de sa composante dans le législatif. Néanmoins, l’année 2000 marqua un maximum au niveau

de la rotation des élites (ce qui fut également le cas du PSD et de l’UDHR). A l’opposée, on

identifie le PD qui présente à travers les années 1990 une tendance de diminution graduelle

de la présence d’anciens parlementaires des législatures ultérieures. Ainsi, si au début des

années 1992, lors de la formation du FSN (PD) les parlementaires de ce groupe étaient en

proportion de 90% d’anciens membres de la législature antérieure, en 2004 seulement un tiers

des parlementaires PD présentaient ces caractéristiques. En contrepartie, le PSD tend à

maintenir un noyau dur minimal des parlementaires qui restent en fonction (environ un tiers)

pratique maintenue en dépit des reconfigurations dans les procédures de sélection des

candidats à l’intérieur du parti. Cependant, la seule formation politique qui présente un

modèle stable de rotation des acteurs parlementaires est l’UDHR. L’ouverture de la sélection

par l’octroi du droit de vote à tous les membres de l’organisation, ne reconfigure pas le profil

des élites parlementaires.

Table 33 La Rotation Parlementaire des Députés Roumains de la Législature 2004-2008L’affiliation politique*

Unmandat

Deux mandats Trois mandatsQuatre ou cinq

mandatsTotal

% n % n % n % n % NPD 68,0

034 16,00 8 6,00 3 10,00 5 10

050

PSD 51,40

55 25,23 27 14,95 16 8,41 9 100

107PC 68,7

511 18,75 3 6,25 1 6,25 1 10

016

PNL 64,71

33 25,49 13 5,88 3 3,92 2 100

51PRM 20,0

06 53,33 16 20,00 6 6,67 2 10

030

UDMR 36,36

8 13,64 3 13,64 3 36,36 8 100

22

Total 53,2 147 25,36 70 11,59 32 9,78 27 10 276Source : www.cdep.ro. Note le tableau ne comprend pas la situation du groupe des minorités ni les indépendants

Malgré ces variations, l’accumulation de l’expérience parlementaire est remarquable.

Si on prend en compte le profil des acteurs parlementaires en 2006 au niveau de la Chambre,

on constante que moitié d’entre eux étaient de nouveaux entrés. Les taux moins élevés de

rotation pour le PD, le PNL s’expliquent d’ailleurs par la performance électorale supérieure

des partis en comparaison aux élections précédentes. Néanmoins, en dépit de ces contraintes,

un quart des députés avaient commencé leur second mandat en 2004, tandis qu’environ 10%

des parlementaires étaient pour la troisième fois des membres du législatif. Chose encore plus

impressionnante, neuf députés du PSD, cinq du PD et encore huit députés de l’UDHR étaient

en 2007 en train d’exercer leur quatrième ou leur cinquième mandat. En ce contexte, bien au-

delà de la tendance du changement, il existe une stabilisation importante d’un certain nombre

d’élites parlementaires qui ont acquis un savoir-faire de la négociation politique.

Cette rotation des acteurs législatifs, qu’on peut rencontrer souvent dans les

démocraties parlementaires, pourrait encourager une autonomisation de la composante

parlementaire du parti. Devant des cabinets de courte durée, le mandat garanti de quatre

années du législateur représente une source de stabilité et de prédictibilité de la carrière

politique et d’accès de l’acteur à toute une série de ressources qui peuvent s’avérer

importantes pour le parti. En ce sens, la domination de la composante parlementaire sur le

reste du parti serait à anticiper.

Néanmoins, ces présupposés touchent leurs limites lorsqu’on regarde le profil des

élites parlementaires. A différence des élites gouvernementales, les parlementaires sont moins

rattachés au leadership national du parti qu’ils sont (de plus en plus) liés aux ressources

locales. De la sorte, au niveau des élites législatives : 20.86% en 1990, 19.66% en 1992,

16.32% en 1996 et 30.44% en 2000 présentaient une expérience dans les fonctions publiques

sur les échelons locaux et, en 2000, 80% des députés détenaient des positions de direction au

niveau de l’organisation départementale de leur formation politique666. Le profil des

parlementaires roumains dévoile, donc un phénomène graduel de renforcement de liens avec

le parti à la base.

De la sorte, on pourrait concevoir l’articulation de deux grands axes à l’intérieur du

parti dont les rapports de domination ne sont pas clairement définis : d’une part le leadership

du parti et la composante gouvernementale et de l’autre la composante parlementaire et la

base du parti. En principe, une relation compétitive devrait s’établir entre les deux axes

favorisant la composante la plus stable, notamment les élites parlementaires. Cependant, cette

thèse est mise à l’épreuve par un phénomène qui peut suggérer une absence de cohésion et de

discipline des groupes parlementaires 667: il s’agit de la migration politique.

666 L.Stefan, Patterns of Political Recruitment, P. 217.667 Nous sommes conscients que l’absence de discipline est le mieux traduite au niveau de l’analyse des comportements des parlementaires de la perspective de leurs comportements au moment du vote des projets des lois. Or de cette perspective, à part quelques exemples ponctuels lors du vote sur les motions, on ne dispose pas des données longitudinales à cet égard. Pour un exemple récent de la législature février-juin 2007, les pourcentages de loyauté par rapport à la politique du parti semblent être suffisamment élevés PD 94,3%, PNL 93,7%, Minorités 91,3%, PC 90,5%, UDMR 90,3%, PSD 89,2%, PRM 87,2%(***, Le rapport de l’Institut des Politiques publiques sur l’activité des parlementaires http://www.ipp.ro/documente_postate/publicatii/document%20activitate%20parl%20feb%20iul%202007%20Binder.pdf), cependant les taux généraux ne montrent pas la loyauté au cas des projets présentant des questions clé pour le parti en cause. En outre, vu la surveillance des comportements des vote des parlementaires, la stratégie qui s’est développa dernièrement a été plutôt celle des

La migration politique et l’abandon du groupe politique par les parlementaires

roumains constituent une pratique constante durant les années du postcommunisme roumain.

Cependant ce processus avait décrit des formules différentes en fonction de la période

analysée. Si durant les premières années du postcommunisme, les migrations d’un groupe

politique à un autre ont été le résultat plutôt des conflits et du fractionnisme, après l’année

2000, la migration parlementaire aura comme source principale les stratégies individuelles

des acteurs politiques et les politiques de cooptation menées par les partis parlementaires afin

d’assurer le support de leurs équipes gouvernementales ou de renforcer leur poids au

parlement. Ces caractéristiques ne sont pas l’attribut d’une certaine famille politique, tous les

partis (à l’exception de l’UDHR) sont touchés par ce type de comportement.

Table 34 La discipline politique. La migration politique 1992-2007CHAMBRE DES DEPUTES SENAT

Le grp.

1992-1996 1996-2000 2000-2004 2004-2007

1992-1996

1996-20002000-2004

2004-2007

in out in out in out in out

In

OutIn

OutIn

OutIn

Out

PSDNew

06

514

22 19

413

00

05

26

03

N 11

91

15

11

50

41

65

46

PNLNew

11 13

76

14

718

04

00

38

N 13

30

30

64

17

13

28

PDNew

02

29

26

14 8

41

05

17

20

N 43

53

31

48

16

22

13

21

PRMNew

02

10

428

222

01

01

05

N 16

19

84

48

8 37

21PUN

RNew

03

06

N 30

18UD

MRNew

00

00

00

00 0 0

00

00

00

N 27

25

27

22

12

12

10

PNTCD

New

04

020

00

013

N 41

83

22

27total Ne

w11

30(10.45%)

15

55(17.24%)

29

57(17.48%)

27

61(20.68%)

4 1(1.14%)

28(22.05%)

3 14(10%)

5 16(12.7%)

N 28

31

32

29

88

12

14

12

De cette manière, en dépit de la création des mécanismes supplémentaires au niveau

des statuts des partis quant à l’imposition d’une discipline interne et malgré un processus

d’institutionnalisation partisane, la composante parlementaire est plutôt décrite par un

tergiversations et de l’absentéisme que celle du désaccord directe par rapport à la politique générale imposée par le parti.

phénomène contraire à ces tendances. En ce contexte, une autonomisation des représentants

parlementaires en fonctions publiques existe, mais non pas dans le sens de la création des

groupements cohésifs qui influent les positionnements du leadership national, mais au

contraire, dans le sens, d’une autonomie individuelle qui détermine certains acteurs à quitter

leur groupe politique.

La migration politique, même si elle touche moins le Sénat que la Chambre des

Députés constitue ainsi un phénomène endémique de l’articulation de la scène politique

postcommuniste. Ainsi lorsqu’on regarde le comportement des partis au Sénat, on remarque

qu’en dépit d’un comportement plutôt cohésif au niveau ministériel, le PD fut le parti le plus

affecté par ce phénomène. En 1996 cinq de ses 22 membres quittèrent le groupe politique, en

2000 sept de 13 membres ont renoncé à un moment donné à leur affiliation et ils ont décidé

de changer de camp politique. En contrepartie, le PNL fut le plus marqué par ce phénomène

en 1996 et en 2004 (mais en ce cas précis suite à la scission du parti et la formation du PLD).

Les plus stables partis dans le Sénat ont été le PSD et l’UDHR. Néanmoins, durant la période

2000-2004 le PSD perd six de ses sénateurs (du total de 65 membres).

Toutefois, l’arène principale de la migration politique est constituée par la Chambre

des Députés. La reconfiguration des principes d’affiliation et de loyauté est ici à l’ordre du

jour. Tous les grands partis (toujours à l’exception de l’UDHR) ont subi des pertes

importantes dans leur support parlementaire. Pour le PSD ce phénomène a constitué une

préoccupation constante : le groupe socio-démocrate avait ainsi perdu six députés durant la

période 1992-1996, 14 entre 1996-2000 (aussi suite à la scission du parti), 19 entre 2000 et

2004 et 13 dans les trois premières années après 2004. Cependant, cette perte fut équilibrée

par la cooptation d’autres parlementaires : 5 députés d’autres partis ont adhéré au groupe

socio-démocrate entre 1996-2000, 22 entre 2000 et 2004 et encore quatre durant la période

2004-2007.

La migration politique affecta les socio-démocrates même lorsqu’ils se sont trouvés

au gouvernement. Les autres partis présentent à leur tour, des modèles différents de migration

politique en fonction de leur force sur la scène politique : tandis qu’avant 2004 le PD exhibe

plutôt des tendances moyennes en contrebalançant le nombre des départs avec l’acceptation

des nouveaux membres, durant la dernière législature le parti avait perdu huit députés, mais il

avait reçu 14 autres membres dans son groupe.

3.5 Les rapports entre les représentants du parti dans le législatif et l’exécutif

La composante parlementaire des partis politiques gouvernementaux est décrite par un

certain processus de stabilisation et d’accumulation de l’expérience. Néanmoins, dans la

plupart des cas, cette socialisation institutionnelle n’actionne pas vers la création d’un

principe de cohésion qui se construit en tant que loyauté de l’acteur par rapport à son

sélecteur. Au contraire, les parlementaires sont censés plutôt développer des stratégies

personnelles de promotion leur propres intérêts, en migrant d’un parti parlementaire à un

autre. Cette pratique caractérisa surtout la Chambre de Députés qui d’ailleurs, d’une manière

paradoxale, constitue le principal vivier pour la sélection dans une fonction exécutive.

Malgré le fait que le Parlement constitue de plus en plus une base de sélection pour

les portefeuilles exécutifs, en grande majorités, les trajectoires personnelles des membres du

parlement se développent non pas en relation avec le leadership central du parti, mais en

mobilisant le rôle des organisations locales. Cette idée n’implique pas comme conséquence

immédiate l’activité assidue de l’acteur dans la circonscription électorale dans laquelle il

avait été élu, ni la représentation orientée au niveau des projets de loi vers les problèmes des

communautés locales. Néanmoins, la relation avec l’organisation du parti dans le territoire

(qui a aussi une importance pour son réélection) est essentielle et elle implique l’existence de

toute une série de ressources accumulées dans les fonctions au niveau territorial.

Les différences de profil entre la population parlementaire et celle ministérielle sont

ainsi notables, non seulement au niveau des trajectoires, mais aussi au niveau du

comportement décisionnel. Si des partis tels que le PD ou le PSD présentent des

comportements cohésifs au niveau de la composante exécutive, au niveau parlementaire ces

formations politiques sont beaucoup affectées par l’indiscipline de leurs membres. En ce

contexte, la possible dépendance des acteurs gouvernementaux par rapport à la composante

parlementaire du parti reste très limitée.

L’analyse du comportement parlementaire des partis politiques dévoile l’absence de

discipline et de cohésion des membres du législatif. Malgré un processus d’autonomisation

d’une population parlementaire orientée vers les fonctions législatives, cette autonomisation

semble plutôt faite à titre personnel et n’implique pas la création des relations de

subordination par rapport aux autres composantes du parti.

Outre cela, la relation qui s’établit entre les parlementaires et la composante du parti

à la base suggère la création de deux pôles décisionnels autonomes à l’intérieur du parti,

dont l’interaction resurgit dans des situations conflictuelles menant au remplacement du

leadership du parti. Malgré le potentiel d’un pouvoir de sanction notable venant de la

composante parlementaire du parti, l’influence que celle-ci exerce sur le leadership central

du parti et sur les représentants en fonctions publiques reste très limitée. La seule exception

à cette règle générale est constituée par l’UDHR dont la cohésion de groupe est visible à la

fois au niveau du législatif et au niveau de l’exécutif.

3.6 Quelle coordination possible de la part de l’organisation politique ?

Les partis politiques postcommunistes semblent dominés par la composante du parti

en fonctions publiques. Cependant, comme dans les autres pays de la région, les représentants

des partis dans les structures étatiques sont également les dirigeants nationaux des partis.

Cette superposition des sphères d’action détermine ainsi en premier lieu le niveau de

coordination dont un parti dispose : plus qu’on assiste à une coïncidence entre les

représentants ministériels et les leaders de parti, moins le contrôle de l’action décisionnelle

peut être assuré au niveau organisationnel.

L’autonomie décisionnelle des membres des exécutifs trouve cependant ses limites

suite aux évolutions organisationnelles des partis. Etant donné le souci constant pour le

développement des organisations locales du parti, l’autonomisation de la composante

gouvernementale est sanctionnée lors d’une défaite électorale. Certes, les changements des

dirigeants des partis sont le résultat des luttes intestines et de la concurrence entre les diverses

élites et factions. Néanmoins, ces élites bénéficient (dans certaines conditions), du support

des organisations locales. Ainsi, les élites exécutives semblent plutôt contraintes par un

mécanisme d’autocensure par rapport à la base du parti (ce qui peut d’ailleurs expliquer la

multiplication des décisions distributives durant la période préélectorale) que par une

seconde coordination que devrait être mise en œuvre par eux-mêmes.

En dépit de la sélection préférentielle des ministres de l’intérieur du parlement, cette

manière de recrutement n’avait pas engendré un phénomène de dépendance entre les

diverses formes de représentation du parti en fonctions publiques. La relation

d’interdépendance entre les parlementaires et les ministres fut loin de représenter un lien

serré. La composante parlementaire échoua dans tout effort de coordination de l’action

gouvernementale, à cause de l’absence de la cohésion et de la discipline de groupe. La

sélection privilégiée des parlementaires dans des fonctions exécutives ne traduit donc pas une

emprise de cette composante sur le parti.

Ces éléments généraux sont à compléter par des spécificités décrites par chaque parti

politique. De la sorte, entre 1996-2000, les ministres PD disposaient d’une autonomie très

grande quant à leurs actions gouvernementales, tandis que les ministres du PNPcd ou du PNL

étaient soumis à un contrôle plus stricte de la part du leadership central (ce qui affecte en

spécial les membres qui ne font pas partie des organismes dirigeants des partis).

La même tendance d’autonomie de la composante gouvernementale caractérisa aussi

la période 2000-2004, mais cette fois, suite à la volonté du Premier ministre d’imposer au

leadership central du parti des rapports d’infériorité par rapport à ceux qui occupaient des

portefeuilles exécutifs. De cette manière, durant le mandant d’Adrian Nastase, la coordination

du parti, qui à différence d’autres formations politiques est opérationnelle dans le cas du PSD.

fut beaucoup réduite par rapport à sa potentialité. Cependant, ce phénomène n’a pas été le

résultat naturel de la domination des leaders de l’exécutif sur l’organisation politique, mais il

constitua plutôt une conséquence directe du style décisionnel assumé par le président du parti.

Après 2003, les mouvements de redéfinition interne du PSD, l’émergence de l’idée des

élections internes qui avaient défavorisé certaines élites reloquées au centre, ont fait, même

en absence d’un conflit ouvertement explicité par les leaders du parti, qu’on assiste à une

coordination qui vient toujours plus de la part du Premier ministre. Le choix d’une

coordination qui s’opposait ainsi aux coutumes organisationnelles impliqua d’ailleurs des

tiraillements internes qui ont émergé au moment de la défaite électorale du 2004.

4. En guise de conclusion

Les variations qui existent au niveau des politiques gouvernementales et dans le profil

des acteurs reflètent au fond les aléas des partis gouvernants. Le profil de ces partis à partir de

l’année 1996 suggère l’existence des reconfigurations organisationnelles importantes. Des

fusions et des scissions, des repositionnements idéologiques et électoraux sont à l’ordre du

jour. Les élites gouvernementales constituent un miroir de ces changements. Devant ces

fluctuations identifiées on se trouverait plutôt dans une impossibilité de penser l’émergence

d’une coordination venant de la part du parti qui fait les nominations. Cependant les marges

de liberté dont les acteurs disposent doivent être lues non pas comme le résultat d’une

autonomisation des représentants des partis en fonctions publiques, mais plutôt en tant que

résultat d’une construction sui generis de ces organisations politiques.

Le leadership national et les gouvernants s’autonomisent ainsi par rapport aux autres

composantes du parti au niveau décisionnel. Cette autonomie n’est pas pour autant sans faille.

Devant une organisation à la base de plus en plus présente, la faillibilité des ministres est à

sanctionner par les délégués des organisations locales dans le cas d’insuccès électoral.

L’instrumentalisation des leaders locaux ou des parlementaires dans les luttes intestines sont

cependant le résultat post factum des politiques, sans constituer une constante de l’action

gouvernementale. Il est encore intéressant de spécifier que cette tendance est valable

indifféremment de la politique de recrutement qui peut ou pas encourager la cooptation des

leaders locaux dans des portefeuilles exécutifs.

La centralisation « artificielle » des partis et le court-circuit qui se crée entre les

diverses composantes partisanes rendent généralement une liberté d’action très grande aux

élites gouvernementales. Néanmoins, le contrôle exercé par l’organisation de parti sur les

élites gouvernementales n’est pas absent. Dans des degrés différents, il est visible dans le cas

de tous les partis politiques, notamment après l’année 2000.

CONCLUSIONS GENERALES…

COURTE (RÉ) EXPLICITATION DE L’APPROCHE GÉNÉRALE ▪ LA PRÉSENTATION (PAR CHAPITRE) DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE DANS LE CAS ROUMAIN▪ L’ARTICULATION DE LA RELATION ENTRE LES ÉLITES POLITIQUES ET LA PRISE DE DÉCISION DANS LE CAS ROUMAIN ▪ LES ACTEURS POLITIQUES ET LA PRISE DE DÉCISION GOUVERNEMENTALE. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ▪ DES PISTES POSSIBLES DE RECHERCHE ET AJUSTEMENTS D’AUTRES THÉORIES

« Le temps de grands hommes est un moment historique particulier de convergence entre le changement de système politique et l’engagement déterminant de quelques personnalités politiques. » Les moments de crise politique impliquent d’une manière métaphorique « le moment où les biographies rencontrent l’histoire »668.

1. Courte (ré) explicitation de l’approche générale

A différence des moments ponctuels décrits par des reconfigurations notables dans la

définition du régime politique, le rôle explicatif qu’on avait attribué aux élites dans la

compréhension des processus politiques a été plutôt limité. Les idées selon lesquelles « les

élites sont une caractéristique inévitable pour toutes les sociétés » et « les variations dans la

structure des élites et dans leur fonctionnement sont décisives pour les résultats majeurs des

politiques publiques » constituent dans la plupart d’études d’a priori et non pas d’éléments à

mettre sous la loupe de l’investigation669. De cette manière, si la plupart des recherches

procédèrent à une analyse du processus de recrutement des élites par rapport à la question de

leur représentativité et de légitimité démocratique, dans très peu de cas on avait essayé

d’estimer l’influence des acteurs politiques au niveau des processus décisionnels. Les

mécanismes explicitant l’impact direct des acteurs individuels sur l’action politique furent

ainsi en grande partie ignorés.

En considérant qu’en tant qu’objet d’étude, les élites politiques détiennent, d’une

manière intrinsèque, la possibilité de « réconcilier plusieurs positions compétitives et parfois

contradictoires » ainsi que la capacité « d’éclaircir un certain nombre de controverses » 670

quant au fonctionnement du système politique, notre approche propose une investigation des

acteurs individuels et de leurs effets au niveau de l’activité politique. De cette manière, nous

avons procédé à un renversement des objets d’étude classiques visant les origines et la

promotion en politique des élites, en considérant les attributs des acteurs gouvernementaux en

668 Jacques Breillat, Du communisme au postcommunisme, les intellectuels interpellés par la politique, 2002, P.33669 M. Burton, J. Higley, « Invitation to Elite Theory: The Basic Contentions Reconsidered » G. William Domhoff, Thomas R. Dye (eds.), Power Elites in Organizations, CA: Sage, Newbury Park, 1987, Pp.219-38 (P.220). 670 Nous reprenons ainsi la distinction faite par Czudnowski par rapport aux diverses stratégies dans l’étude des élites. V. M. Czudnowski, Op.Cit., P.170.

tant que possible variable intervenante dans l’explicitation du fonctionnement

gouvernemental.

La compréhension des effets engendrés par les caractéristiques des acteurs politiques

individuels et l’explicitation des mécanismes de leur influence sur l’activité politique ont

constitué ainsi le centre d’intérêt de notre recherche. Le choix de la population étudiée, les

élites gouvernementales (ministres et secrétaires d’Etat), acteurs généralement considérés

comme représentants du sommet de l’Etat et les principaux décideurs d’un pays, avait rendu

possible une analyse des mécanismes des diverses conséquences du processus du recrutement

qui ont été décrites au niveau de la littérature.

Vu la nature du sujet visant de mettre en relation les attributs individuels et les

comportements décisionnels esquissés, l’étude prend en compte une perspective intégrative

des élites qui agissent dans un environnement déterminé par les règles institutionnelles et les

contraintes organisationnelles (décrites par les partis politiques). D’ailleurs, ce regard

d’ensemble sur les élites gouvernementales, nous permet de contrôler les possibles

distorsions qui peuvent apparaître suite au choix d’entamer une analyse qui se concentre sur

le niveau micro. L’interrogation visant l’influence des élites gouvernementales, la nature de

l’objet d’étude portant sur les acteurs individuels, ne déterminera pas ainsi la nature du

résultat inféré par la recherche. La prise en compte des contraintes introduites par les cadres

institutionnels et les partis dans la compréhension des limites d’action des élites et de leur

influence permettent la circonscription de l’impact des acteurs individuels sans magnifier,

d’une manière artificielle, leur importance.

De la sorte, afin d’investiguer l’influence des trajectoires des élites sur le

fonctionnement gouvernemental, l’étude a été structurée dans deux grandes parties. Dans une

première étape exploratoire, nous avons investigué les trois facettes des gouvernements

roumains postcommunistes : le côté institutionnel, le côté politique (le comportement du parti

au gouvernement) et le côté des acteurs. La première partie de l’analyse découvre ainsi dans

un cadre de la concentration du pouvoir décisionnel au niveau des exécutifs roumains

postcommunistes, des irrégularités décisionnelles qui n’obéissent pas à une logique

explicative relevant de l’affiliation idéologique des partis au gouvernement, ainsi que

l’institutionnalisation des modèles spécifiques de promotion en politique du personnel

gouvernemental.

Ces premières découvertes nous ont conduits à une interrogation quant à l’impact du

recrutement sur la prise de décision exécutive. De la sorte, ce premier tableau fragmenté

présentant l’articulation de l’environnement et les préfigurations des élites politiques

postcommunistes fut unifié dans la seconde partie de notre thèse, qui constitue une

exploration des mécanismes qui mettent en relation la construction des carrières politiques et

la prise de décision gouvernementale. Cette deuxième partie a été ainsi articulée autour d’une

investigation des dispositifs qui se trouvent à l’origine de l’influence des acteurs individuels

sur l’activité de l’exécutif et les limites de cette influence. Au niveau explicatif, en renvoyant

aux effets du recrutement sur la prise de décision délimités au niveau de la littérature, cette

deuxième partie avait mis en exergue l’importance des élites gouvernementales dans la

définition des mécanismes du fonctionnement des cabinets et leur influence quant au respect

du programme gouvernemental et de la volonté des partis.

L’étude des élites gouvernementales en Roumanie postcommuniste avait ainsi

présentée une double portée. D’une part, elle avait dressé un tableau général des élites

gouvernementales roumaines et de leur rôle dans l’articulation de la prise de décision, et de

l’autre part, elle est censée de fournir une explication des mécanismes par lesquels le

recrutement des élites politiques peut être considéré en tant que variable intervenante dans la

compréhension de l’activité décisionnelle des exécutifs en général.

La démarche prise en compte avait été ainsi pensée d’une manière constructiviste,

mobilisant les principaux outils analytiques développés pour les démocraties stables, en les

transposant sur le cas roumain. Le caractère idiosyncrasique du cas choisi, les héritages du

passé et le processus de démocratisation très lent subi par la Roumanie recommandent

d’ailleurs le choix pris en compte en tant qu’un cas contrasté. La spécificité du contexte

roumain nous avait permis d’identifier un processus évolutif dans les mécanismes qui

décrivent l’influence des élites et qui accompagnent le processus de démocratisation, ainsi

que l’analyse des comportements individuels dans des cadres différents (des cabinets

monocolores ou de coalition, des cabinets minoritaires ou majoritaires etc.). Cependant, vu le

caractère monographique de l’étude et son caractère idiosyncrasique, notre propos ne cherche

pas d’aboutir à des conclusions automatiquement généralisables à d’autres contextes

politiques, mais il vise plutôt la compréhension des mécanismes qui peuvent expliquer

l’existence d’une influence des acteurs sur la prise de décision et ses limites.

2. La présentation (par chapitre) des résultats de la recherche dans le cas roumain

Notre recherche débuta, par un premier chapitre, qui met en discussion les règles et

des pratiques institutionnelles telles qu’elles s’articulent en Roumanie postcommuniste.

Malgré les règles fluctuantes et imprécises des premiers moments révolutionnaires, en dépit

des pratiques qui obéissent parfois à des impératifs différents par rapport à ceux définis dans

les textes législatifs, dans le cas roumain, on peut identifier un modèle constant de

comportement institutionnel qui favorise une autonomisation du pouvoir exécutif.

A travers toute la période postcommuniste, les législatifs roumains avaient délégué

une grande partie de leurs prérogatives vers l’exécutif, en exerçant en même temps une faible

capacité de contrainte sur l’activité gouvernementale. La domination quasi-totale du

gouvernement sur l’initiative législative, la reconfiguration de l’agenda publique par le biais

LA PREMIERE PARTIE

L’étude de l’influence des acteurs politiques sur l’activité gouvernementale dans le cas roumain a été structurée dans deux grandes parties. La première partie de l’analyse constitue une investigation des trois facettes des gouvernements postcommunistes mobilisant trois perspectives distinctes : un regard institutionnel, une approche portant sur le comportement des partis gouvernementaux d’un point de vue décisionnel et une exploration du profil des acteurs individuels en ce qui concerne leurs trajectoires et de leur professionnalisation.

Nous avons ainsi procédé à une analyse du statut des gouvernements roumains et de leur centralité au niveau de la prise de décision, à une investigation du pouvoir explicatif de la couleur politique des partis politiques pour la compréhension des politiques entamées et à l’interrogation des degrés de professionnalisation des acteurs en tant qu’image de l’existence d’un savoir faire au niveau des élites dans l’élaboration des politiques des exécutifs.

L’analyse de ces trois aspects dévoile : (1) un processus de délégation qui favorise les exécutifs postcommunistes qui s’autonomisent en tant que centres de la décision politique, (2) des partis gouvernementaux incapables d’épuiser les explications visant les directions décrites par les politiques des exécutifs et (3) des patterns de professionnalisation en politique qui touchent uniquement le niveau ministériel (en découpant d’autres logiques contraires pour l’échelon des secrétaires d’Etat). Cette première partie met ainsi en exergue les variations du contexte politique roumain au niveau du fonctionnement des exécutifs et elle soulève la question de l’existence d’une relation hypothétique qui s’établit entre le profil changeant des élites au pouvoir et la prise de décision gouvernementale.

des ordonnances d’urgence, la multiplication des formes de contrôle parlementaire faibles,

mais doublées par l’absence de mise en pratique des sanctions fortes à l’égard des positions

gouvernementales (même lorsque les cabinets sont minoritaires) transforment les exécutifs

roumains dans des pôles du pouvoir décisionnel. Le centralisme démocratique émergeant au

niveau des gouvernements roumains d’après 1989, comporta durant toute la période analysée

plutôt des différenciations de nuance, les exécutifs constituant les principaux centres

décisionnels à la fois en ce qui concerne la formulation et l’implémentation des politiques.

La délégation des compétences du législatif vers le pouvoir exécutif avait produit de

faibles mécanismes de responsabilité de la part de celui-ci. Devant une fonction présidentielle

qui ne détient pas les leviers qui auraient permis d’apporter d’amendements aux décisions

entamées, les cabinets sont ainsi censés de concentrer des larges prérogatives dans la

définition des politiques. De cette manière, malgré l’apparence d’une fonction présidentielle

puissante, dans le cas roumain, le pouvoir de contrôle et l’influence du président, par rapport

à l’activité décisionnelle et la formulation des politiques, restent très limités.

De surcroît, en Roumanie, l’antériorité du moment de la reconstruction des partis

politiques par rapport à la refonte de l’appareil bureaucratique avait conduit à la formation

d’un appareil bureaucratique politisé671, soumis aux demandes politiques et aux intérêts de

parti. Le limogeage des fonctionnaires publiques, les relations personnalisées qui se créent

entre les dirigeants des ministères et les hauts fonctionnaires publiques régissent la plupart de

la période analysée. Même après l’introduction des contraintes légales protégeant la fonction

publique et ayant comme but la limitation de la politisation de l’appareil bureaucratique, les

stratégies coordonnées par les leaders politiques préfigurent la volonté et la capacité de ceux-

ci de continuer l’application ces pratiques censées d’assurer un contrôle de la politique sur

l’appareil administratif.

L’analyse du visage institutionnel des cabinets montre ainsi que face à un parlement

qui choisit à ne pas maximiser sa capacité de contrainte et devant un appareil administratif

qui reste sous le contrôle des intérêts de parti, l’élément politique est devenu la source

principale du changement et de la formulation des décisions politiques en Roumanie

postcommuniste. Les partis politiques qui forment les cabinets et leurs représentants dans

671 On peut envisager le processus de politisation de la bureaucratie en Roumanie selon la grille interprétative proposée par Shefter. D’ailleurs en employant cette formule on pourrait expliciter l’émergence des phénomènes de patronage dans le cas roumain, donc l’instauration de la pratique par laquelle les partis politiques emploient dans leurs propres buts les ressources dont l’Etat dispose. V. Martin Shefter, « Party, Bureaucracy and Political Change in the United States » in Martin Shefter, Political Parties and the State, Princeton University Press, 1993, Pp 61-97 (P. 62)

des portefeuilles publics constituent ainsi « les principaux bénéficiaires » d’un processus de

délégation qui décrit des marges de liberté très larges pour le côté politique du

gouvernement.

Dans un contexte général de la concentration du pouvoir au niveau politique des

exécutifs roumains, le parti au gouvernement en tant qu’acteur unitaire, ses attributs,

deviennent, suivant les diverses approches développées au niveau de la littérature, la

principale variable explicative de l’activité gouvernementale. En ce contexte, le second

chapitre avait constitué une exploration de l’influence exercée par les attributs des partis au

gouvernement sur la prise de décision gouvernementale telle qu’elle résulte d’une analyse des

politiques entamées par les exécutifs postcommunistes.

Procédant d’une analyse des politiques budgétaires des exécutifs en tant que domaine

d’action préféré par les partis et d’une investigation de l’agenda gouvernementale telle

qu’elle est décrite par les politiques entamées par les cabinets, le chapitre montre que la

simple présence formelle d’un parti au gouvernement n’assure pas d’une manière

automatique une explication des lignes décisionnelles décelables au niveau des pratiques.

L’analyse de l’activité gouvernementale postcommuniste raconte ainsi l’histoire des principes

non-unitaires d’action des partis politiques une fois arrivés au pouvoir. La distribution des

ressources budgétaires vers certains domaines, l’orientation d’agenda politique vers des

objectifs spécifiques n’obéissent pas dans le cas roumain à l’impératif de l’affiliation à une

famille idéologique et ne sont pas capables de décrire une discipline et un comportement

unitaire d’action du parti gouvernant pendant la durée du mandat d’un cabinet.

Des logiques délimitées par une analyse des politiques gouvernementale dépassent

ainsi les bornes temporelles d’un mandat ou la couleur politique d’un cabinet semblent plutôt

relever d’une variation plurielle des directions décrites par l’action gouvernementale. La

plurivalence des allocations budgétaires décrit plusieurs modèles qui découpent les exécutifs

au niveau de leurs pratiques. De la sorte, à part les politiques visant le domaine économique

qui semblent suggérer des tendances qui correspondent à peu près au profil des partis

gouvernants, tous les autres domaines sont sujets des variations qui n’obéissent pas à des

critères idéologiques. En ce sens, si les débuts des mandats semblent se situer sous le signe de

la réforme économique et sociale, les périodes préélectorales se caractérisent par la

formulation des politiques distributives et protectionnistes orientées vers la récompense de

l’électorat. Cependant, bien au-delà de ces tendances générales, des fluctuations importantes

entre les divers secteurs budgétaires sont à identifier d’une année à l’autre.

D’ailleurs, les variations dans les allocations financières sont aussi doublées par des

transfigurations dans l’agenda des exécutifs. L’idée de la saillance de certains domaines

d’action gouvernementale semble ainsi défiée par la volatilité de l’intérêt suscité par l’analyse

des décisions gouvernementales entamées. En contrepartie, les mêmes logiques décrites au

niveau des allocations budgétaires s’instituent : durant les époques préélectorales la réforme

semble cesser laissant lieu aux incitations offertes à l’électorat ou à des personnes loyales aux

partis et à leurs leaders.

Les irrégularités dans les comportements des cabinets quant aux pratiques

décisionnelles semblent donc munir le champ gouvernemental d’une absence de cohérence

substantielle (si on se rapporte au modèle classique du parti au gouvernement). Si

généralement, une fois arrivés au pouvoir les représentants du parti actionnent

conformément au programme gouvernemental en obéissant à des principes de discipline et

de cohérence par rapport aux promesses électorales du parti, cela n’est pas le cas des

cabinets roumains postcommunistes qui s’inscrivent plutôt dans une logique de la diversité

décisionnelle.

Or, vu cette panoplie des transformations décisionnelles, le rapport au passé

invoquant des héritages communistes qui se sont reproduits après 1989, ou encore l’idée

d’une contrainte externe sont défaillants dans la compréhension de l’activité

gouvernementale. Face à la variation instaurée dans les pratiques décisionnelles adoptées par

les cabinets roumains et aux modèles décisionnels qui n’obéissent pas à la couleur politique

des partis au gouvernement, les explications relevant de l’histoire du pays ou encore de la

conditionnalité européenne éclaircissent uniquement une partie du comportement

idiosyncrasique de l’action gouvernementale. En ce contexte, le rôle des acteurs individuels,

de leurs stratégies, suggéreraient une possible influence personnelle des élites dans la

définition des directions des politiques gouvernementales. Devant un processus décisionnel

définit par des règles fluctuantes, le profil des élites, leur capacité ou incapacité décisionnelle

peuvent se constituer dans un élément explicatif des effets identifiés au niveau des politiques

concrètes.

Elites consacrées après l’écroulement du régime communiste en Roumanie, les

acteurs gouvernementaux ont été dépourvus d’une expérience politique démocratique de

longue durée. Les particularismes historiques et régionaux, l’absence d’une

professionnalisation de l’élite gouvernementale ou l’incapacité de mettre en pratique, faute

d’un savoir-faire décisionnel, le programme du parti au gouvernement, peuvent constituer des

possibles explications pour la variation identifiée au niveau des politiques gouvernementales.

De la sorte, le chapitre 3 avait porté sur la troisième facette du fonctionnement des cabinets

roumains, investiguant le profil des acteurs individuels. Nous avons procédé ainsi à

l’identification des principaux modèles des trajectoires gouvernementales en tant que facteurs

illustratifs d’un processus de professionnalisation politique au niveau gouvernemental en

Roumanie postcommuniste.

D’une manière contre-intuitive, par rapport à la perception générale quant aux élites

politiques roumaines, le chapitre montre que l’expérience communiste ne joue au niveau du

profil des acteurs politiques roumains qu’un rôle réduit, en étant identifiable en tant que

ressource importante pour la promotion en politique uniquement durant les premières années

après la chute du communisme. La continuité d’anciens membres de la nomenklatura

caractérisa ainsi « seulement » les premières six années du postcommunisme roumain. En

revanche, on assiste à l’émergence d’autres règles de construction des carrières qui valorisent

les ressources accumulées pendant la période postcommuniste.

Le tableau dressé par le profil des élites montre un processus graduel de la

professionnalisation des acteurs politiques. Néanmoins, la sélection des acteurs

gouvernementaux ne manque pas d’éclectisme. Malgré une prémisse quant à l’uniformité

dans la sélection du personnel politique gouvernemental, au niveau du personnel ministériel

et des secrétaires d’Etat, ce point de départ n’est pas tout à fait justifié dans le cas roumain.

De la sorte, si les trajectoires des élites ministérielles exhibent l’existence d’un processus

graduel de professionnalisation, suivant une règle de construction similaire à celle des

démocraties parlementaires classiques, en contrepartie, d’une manière idiosyncrasique, les

nominations des secrétaires d’Etat obéissent à un principe uniforme de cooptation de

l’extérieur de la sphère politique.

Plusieurs patterns de promotion dans un portefeuille ministériel peuvent être identifiés

parmi lesquels l’expérience parlementaire préalable et les positions dirigeantes à l’intérieur

du parti, les expériences politiques dans le local et à la direction locale du parti, le mandarinat

ou l’expérience exécutive préalable. Le poids des diverses ressources change en fonction de

la période et en fonction du parti au gouvernement. Le local commence à jouer un rôle plus

foncé dans la sélection à partir de l’année 2000, la filière mandarinale et la valorisation des

expériences exécutives préalable est commune plutôt au PSD etc. De même, le profil des

élites ministérielles suggère une transformation dans le profil des élites en fonction des

ressources non politiques de ces acteurs. Si les ressources académiques étaient d’une grande

importance durant les années 1990, durant les dernières années celles-ci semblent être

remplacées par la mobilisation des ressources économiques.

Malgré les variations identifiées dans les trajectoires des acteurs ministériels leur

profil général suggère une tendance indéniable vers la professionnalisation et l’accumulation

d’une expérience politique préalable à la nomination dans un portefeuille gouvernemental. En

revanche, la sélection des secrétaires d’Etat reste tributaire à un principe de cooptation de

nouveaux acteurs de l’extérieur de la scène politique. Porte d’entrée en politique, la position

dans le second échelon du pouvoir exécutif dépend ainsi plutôt à des ressources académiques,

de la cooptation de la sphère de l’administration publique ou encore des performances dans

l’économie. De cette manière, les trajectoires des secrétaires d’Etat font plutôt penser à une

version à l’américaine de la construction des carrières avec la maximisation des ressources

des acteurs accumulées en dehors de la sphère politique. Le recrutement de l’extérieur du

parti rend plutôt possible l’émergence d’un spoil-system dans lequel l’activité

gouvernementale qui serait influée par une pluralité d’intérêts venant de l’extérieur de

l’organisation du parti.

La dualité des règles de promotion en politique qui régissent les deux niveaux du

pouvoir exécutif (qui sera d’ailleurs complexifiée par un réajustement des ressources

définissant l’accès à une fonction exécutive) constitue aussi un des comportements

spécifiques qui décrivent l’espace gouvernemental roumain et suggère l’existence des

conséquences directes sur l’articulation des politiques adoptées.

Le quatrième chapitre montre ainsi que la tendance graduelle vers la

professionnalisation des acteurs gouvernementaux et les principes graduels de la politisation

des nominations au niveau gouvernemental avaient facilité une reconfiguration des styles

décisionnels qui régissent les relations entre les acteurs au niveau de l’activité

gouvernementale. On avait passé ainsi d’un atomisme des premières années du

postcommunisme roumain, quand les décisions sont entamées surtout en concordance avec

les représentations individuelles des acteurs gouvernementaux (et donc en fonction de leurs

expériences politiques ou occupationnelles précédentes), vers une prise de décision

consensuelle.

Néanmoins, le consensus établi entre les dirigeants des exécutifs vise plutôt un accord

superficiel sur les politiques. Les mécanismes qui se trouvent à la base du processus de

recrutement, les logiques de coalition ou encore les rapports conflictuels entre les acteurs ont

mené à un problème de coordination de l’action des exécutifs. En dépit d’un processus de

professionnalisation des élites ministérielle, la continuité de l’application des logiques

personnelles dans la promotion en politique avait mené à l’autonomisation de la prise de

La II-ième PARTIE

La concentration du pouvoir décisionnel au niveau des exécutifs transforme les cabinets dans des endroits privilégiés où on formule et on décide l’implémentation des politiques. La plurivalence et la spécificité des logiques décisionnelles décrites par les exécutifs roumains ainsi que le caractère sui generis du profil des élites gouvernantes décrivent des modèles différents de comportement des gouvernements par rapport aux idéaux-types décrits par la littérature.

En ce contexte, la seconde partie de la recherche constitue une investigation de la relation entre des carrières politiques décrites par les mécanismes menant à la création de la formation des équipes ministérielles et l’articulation des politiques gouvernementales. En regardant d’une manière approfondie l’influence du profil de l’équipe gouvernementale sur la manière dans laquelle l’activité gouvernementale s’articule à l’intérieur des cabinets, ainsi que les rapports qui se créent entre les acteurs politiques et leurs organisations politiques, nous avons montré que dans le cas roumain les acteurs individuels constituent une variable intervenante dans l’explicitation des pratiques décisionnelles des executifs.

De la sorte, cette dernière partie avait souligné l’impact des caractéristiques des élites sur la cohésion des exécutifs et sur leur capacité de contrôle au niveau des décisions politiques entamées. En outre, cette deuxième partie met en exergue les limites de l’influence des acteurs individuels en fonction des caractéristiques organisationnelles des partis politiques.

décision gouvernementale, à une politique départementalisée engendrant la possibilité de

l’émergence des comportements faillibles. L’absence des débats en profondeur sur les arrêts

des cabinets et la faiblesse des mécanismes de surveillance quant aux actions de chaque

ministre ont fait que les décisions sectorielles dépendent de la volonté du ministre d’appliquer

le programme du gouvernement.

Autrement dit, dans un cadre général de transformation, les principes généraux qui se

trouvèrent à la base de la formation des équipes gouvernementales ont engendré un problème

quant à la capacité de contrôler les actions des acteurs gouvernementaux. Devant la

complexification de la prise de décision gouvernementale, le contrôle exercé par le chef du

gouvernement et par les autres ministres sur l’activité sur tous les autres secteurs d’activité

gouvernementale reste limité. Lorsque la sélection encouragea la promotion des acteurs

politiques roumains présentant de l’ancienneté, soit dans les structures de parti, soit en

fonctions publiques, ceux-ci eurent généralement la possibilité de décider eux-mêmes

d’appliquer ou pas le programme gouvernemental ou de respecter les directives tracées au

niveau des séances du cabinet. Dans cette perspective, les principes de construction des

équipes gouvernementales, les trajectoires communes ou, au contraire, disjointes des acteurs

influent différemment sur le fonctionnement des cabinets roumains durant les diverses

périodes analysées. De la sorte, deux grandes périodes peuvent être délimitées. Au début des

années 1990, la cohésion des acteurs (en l’absence d’un principe politique) permet à ceux-ci

l’articulation des comportements autonomes à l’intérieur des exécutifs qui étaient construits

autour le profil exclusif du personnage politique qui contrôle un portefeuille gouvernemental.

Cette tendance de personnalisation et d’autonomie avait partiellement changé à partir de

1996. Vers le milieu des années 1990, l’émergence des gouvernements de coalition déclenche

l’application d’une logique de politisation et favorise l’émergence des principes cohésifs en

prenant en compte l’expérience dans le parti. Dès lors, malgré la persistance des logiques

d’action départementalisées en ce qui concerne la formulation des politiques

gouvernementales, l’impact des acteurs individuels sur les actions de l’exécutif s’articule par

rapport à une pluralité de facteurs, dépendant en grande mesure de la relation qui s’établit

entre les acteurs politiques et leurs partis d’origine.

Les marges très larges de liberté des ministres, encouragées par une prise de décision

départementalisée au niveau des cabinets, suggèrent l’importance de la sélection et du profil

de l’acteur dans la représentation loyale de la volonté du parti au gouvernement traduite dans

le programme de l’exécutif. Cependant la fiabilité des comportements des acteurs et les

degrés de liberté dont ceux-ci disposent en ce qui concerne la direction des politiques

spécifiques dépendent de la capacité de chaque organisation politique de surveiller et de

sanctionner l’activité de ses représentants. Le dernier chapitre de la thèse vise ainsi d’établir

en quelle mesure les élites gouvernementales peuvent s’autonomiser dans leur activité par

rapport à l’organisation du parti ?

Le développement organisationnel des partis politiques postcommunistes loin

d’encourager la création des mécanismes de coordination et de surveillance du comportement

des gouvernants facilita l’autonomisation décisionnelle de ceux-ci. La superposition entre les

fonctions dirigeantes à l’intérieur du parti et les fonctions exécutives, tout comme la distance

qui s’installe entre d’une part, la base et la composante parlementaire du parti, et de l’autre, la

direction centrale du parti et le leadership exécutif, avaient encouragé une politique

d’autonomie des acteurs gouvernementaux. A l’exception des décisions visant les politiques

distributives dans des buts électoraux, les acteurs politiques ont été faiblement contraints dans

leurs activités journalières et donc dans la formulation des politiques.

Néanmoins, cette image générale rencontre des limites ponctuelles et varie en

fonction des divers partis politiques. La croissance de l’importance du niveau local dans la

balance interne de pouvoir du parti, traduite ultérieurement par une sélection en fonctions

publiques des leaders représentant des intérêts du territoire, la tendance plus ou moins foncée

de renoncer à la superposition entre le leadership central du parti et le personnel ministériel

suggère l’émergence d’un second type de coordination dans l’activité des acteurs

gouvernementaux assurée directement par l’organisation politique.

Cependant la portée de cette seconde coordination « partisane » a été peu développée

jusqu’à présent par les principaux partis politiques. D’une manière générale, les élites

politiques roumaines ont pu facilement mobiliser, d’une manière très personnelle, leurs

propres conceptions et intérêts au niveau de l’activité décisionnelle. Dans ce cadre général, la

sélection des secrétaires d’Etat sur un principe de loyauté par le ministre en fonction renforça

l’émergence des principes autonomes d’action des acteurs par rapport aux directions

générales établies dans le programme gouvernemental. Si avant l’année 2000, le maintien des

référentiels ponctuels, obéissant à des logiques décisionnelles diverses ainsi qu’à des intérêts

différents seront explicables par les contraintes très faibles qui s’exercent sur les acteurs

gouvernementaux au niveau de la prise de décision gouvernementale, après cette date, nous

pouvons identifier toute une série de différences qui relèvent des comportements spécifiques

des organisations de parti qui suggèrent un souci pour le développement des mécanismes de

contrôle des représentants en fonctions publiques.

3. L’articulation de la relation entre les élites politiques et la prise de décision dans le cas roumain

L’analyse de l’influence des trajectoires individuelles en tant que variable

intervenante dans l’explicitation de la prise de décision gouvernementale ne dévoile pas un

modèle unique. La reconfiguration de la scène politique, les transformations subies dans le

profil des élites gouvernantes et leur processus de professionnalisation introduisent des effets

distincts des acteurs sur l’activité gouvernementale.

Au début des années 1990 ce sont plutôt les relations personnelles et les ressources du

passé qui jouent un rôle décisif dans la promotion en politique. Devant une faible contrainte

manifestée par l’organisation partisane et une autonomisation dans l’activité des ministères

(notamment dans le cas des portefeuilles non-économiques) les marges de liberté et

d’influence des acteurs individuels sont importantes. En ce contexte, la sélection des leaders

présentant des ressources d’un savoir-faire accumulée dans des structures de pouvoir de

l’ancien régime favorise une certaine cohésion limitée entre les acteurs politiques qui même

s’ils présentent des expériences de socialisation similaires avant 1989, dans la plupart des cas

ils n’avaient pas travaillé ensemble dans des cadres institutionnels avant leur nomination.

Dans un contexte général qui favorisa l’adoption d’une prise de décision

départementalisée, l’absence d’un contrôle fort de la part du premier ministre ou des

organisations des partis, facilitèrent ainsi la maximisation de l’impact du profil des acteurs.

Durant cette période, nous pouvons identifier la création des noyaux durs décisionnels

construits autour un nombre réduit d’acteurs détenant à la fois une certaine expertise dans la

formulation des politiques et des relations privilégiées avec des personnages clé de la scène

politique, consacrés immédiatement après la chute du communisme. Vu cette configuration

de la scène gouvernementale, les attributs des acteurs, leurs expériences et leur savoir-faire

du passé expliquent en grande partie les directions des politiques entamées durant les

premières années du postcommunisme roumain.

Néanmoins, ce premier tableau a été substantiellement changé à partir de la première

alternance gouvernementale en 1996. Après cette date, ce sont plutôt les ressources politiques

accumulées durant la période de transition celles qui recommandent l’acteur pour une

fonction ministérielle ; l’appartenance et l’ancienneté dans le parti, les fonctions politiques

antérieurement détenues s’instaurent comme des critères essentiels pour la promotion en

politique. Les logiques personnelles continuent à exister, mais cette fois-ci elles sont doublées

par un contrôle exercé par le leadership national des organisations politiques qui forment le

gouvernement. L’émergence d’un principe distinctement politique consacra de cette manière

un certain accroissement du contrôle exercé sur l’activité du personnel gouvernemental. Si

l’étape 1996-2000 peut être considérée plutôt comme une période de passage, à partir de

l’année 2000, nous avons identifié une plurivalence des stratégies censées limiter l’impact

des éléments individuels dans l’articulation des politiques.

La sélection des acteurs ayant une longue expérience politique, la mise en place des

mécanismes de sanction et de récompense des leaders et l’adoption d’une codification

croissante dans la définition du fonctionnement des coalitions avaient encadré d’une manière

plus importante l’influence des acteurs individuels. Le profil des élites reste ainsi important

dans la définition des relations qui se nouent entre celles-ci dans l’activité quotidienne des

cabinets, mais il est généralement moins influent quant à la délimitation du contenu des

politiques formulées. En ce contexte, même si ces modèles décrits touchent surtout le niveau

ministériel et non pas celui des secrétaires d’Etat (cooptés principalement de l’extérieur de la

scène politique), la consécration les relations hiérarchiques, sur la verticale à l’intérieur des

ministères et la capacité des ministres de décider les nominations au niveau des départements

qu’ils dirigent, suggèrent une transformation dans le rôle des élites politiques

gouvernementales.

Il faudrait cependant observer qu’en dépit des transformations indéniables subies par

la scène gouvernementale roumaine, l’effet des trajectoires et des manières dans lesquelles

les acteurs individuels arrivent au pouvoir ne disparaît pas de l’articulation de la prise de

décision. Les variations dans les sélections produisent des différences en ce qui concerne les

styles décisionnels adoptés par les cabinets roumains, mais aussi en ce qui concerne

l’émergence des formules de discrétion politique dans l’articulation des politiques

gouvernementales. A l’exception de deux périodes très courtes (la première étape du cabinet

Adrian Nastase (2000-2002), et d’une façon plutôt ajustée, pendant la première année du

cabinet Calin Popescu Tariceanu), le désir des sélecteurs de créer des équipes cohésives

n’avait pas abouti ainsi à l’émergence d’un principe fonctionnel de cohésion décisionnelle.

La prévalence des logiques départementalisées au niveau de l’activité de l’exécutif avait

plutôt encouragé la persistance d’un fonctionnement des cabinets à l’intérieur desquels le

profil politique des acteurs, leurs expériences politiques et leurs relations personnelles avec

les sélecteurs définissent l’activité sectorielle de l’exécutif.

En ces cadres précis, l’émergence d’un principe politique dans la sélection et

l’emprise des cabinets par les partis politiques réussit d’une manière partielle à redéfinir les

marges de liberté et l’influence des acteurs individuels. L’édifice organisationnel des partis

politiques roumains qui dévoile une coïncidence entre les représentants ministériels et les

leaders de parti, apporte plutôt un contrôle limité des partis sur l’action décisionnelle de ses

élites.

4. Les acteurs politiques et la prise de décision gouvernementale. Considérations générales

L’analyse des élites gouvernementales en Roumanie postcommuniste découvre ainsi

un processus graduel de professionnalisation des élites politiques qui cependant ne produit

pas dans la pratique une articulation décisionnelle qui obéit aux rigueurs définies par la thèse

classique des partis au gouvernement. Ce constat est d’autant plus provocateur car il remet en

cause l’idée même de l’influence du profil des élites au niveau de l’activité gouvernementale.

Les irrégularités décisionnelles, les changements soudains dans la direction des politiques

gouvernements ne sont pas à lire comme le résultat d’une absence d’expérience des élites

gouvernementales. Quelle est donc l’influence que les acteurs politiques exercent sur le

processus de la prise de décision ? Comment cette influence est-elle articulée dans le cas

roumain ?

(1) Lorsqu’on analyse les élites roumaines postcommunistes on peut estimer trois

types d’effets que les trajectoires des acteurs ont au niveau de la prise de décision. Tout

d’abord, le profil de l’équipe gouvernementale influe sur le style décisionnel du cabinet,

caractérisé par les relations qui se créent entre les acteurs dans le processus de négociation

des politiques. De la sorte, le caractère collégial, consensuel ou conflictuel de l’activité

gouvernementale seront déterminés par les caractéristiques du processus de recrutement et les

expériences politiques des acteurs.

L’existence d’un principe de socialisation préalable à la sélection en fonctions

publiques, les statuts égaux des acteurs à l’intérieur de l’équipe ministérielle, un certain

savoir-faire décisionnel similaire au niveau des ministres favorisent une prise de décision

collégiale ou au moins consensuelle. En contrepartie, l’absence d’homogénéité des équipes

gouvernementales, le processus de sélection qui procède des principes inégaux au niveau de

l’expérience, les rivalités entre les membres de l’équipe gouvernementale sont censés

produire une prise décisionnelle conflictuelle à l’intérieur des cabinets.

La nature des relations établies entre les acteurs est ainsi essentielle pour la stabilité

de la prise de décision et de l’équipe exécutive. Néanmoins, même si ces styles peuvent

déterminer la durée de vie des équipes gouvernementales ou au moins les taux de volatilité du

personnel politique, ils ne déterminent de facto ni la qualité des politiques gouvernementales

ni le niveau de performance des exécutifs.

(2) Le second type d’effet décrit par les trajectoires au niveau de la prise de décision

est à mettre en relation avec la capacité de coordination de l’action gouvernementale. En

principe, en suivant l’argumentation de Blondel et Manning, la création d’une équipe

gouvernementale cohésive, formée par des acteurs détenant un savoir faire décisionnel et une

longue expérience de socialisation commune déterminerait un plus de fiabilité dans les

actions des acteurs gouvernementaux, marquant ainsi la présence d’une coordination de

l’action gouvernementale.

Néanmoins, à différence du modèle idéal typique décrit par Blondel et Manning, dans

le cas roumain, c’est la même cohésion gouvernementale celle qui permet une

autonomisation des ministres et l’adoption d’un comportement faillible au niveau de la prise

de décision. Cette situation est explicable par la présence de deux conditions cumulatives qui

prédisposent les acteurs vers des comportements décisionnels faillibles : (1) l’existence d’un

principe d’autonomie qui régit les relations entre les acteurs en fonctions publiques (les

logiques départementalisées) et (2) la coïncidence entre des membres de l’équipe

gouvernementale et le leadership du parti ou, au contraire, leur indépendance totale par

rapport au parti de support.

Cette seconde condition nécessite quelques explications. La sélection des

indépendants dans des fonctions publiques ou encore l’existence d’un leadership de parti

incapable (ou qui ne désire pas) de surveiller l’activité gouvernementale de ses propres

ministres donneraient à ceux-ci une marge de liberté d’action très grande. Dans une autre

perspective, la domination des représentants gouvernementaux sur les autres membres de

parti leur permettrait d’établir, à leur propre gré, les directions des politiques

gouvernementales. Certes, en ce second cas, il existe des manières différentes dans lesquelles

les rapports intra organisationnels s’articulent. Néanmoins, lorsque le pouvoir de contrainte

des autres membres de l’organisation sur les membres des exécutifs est très faible, quand il

existe une superposition entre la composante du parti en fonctions exécutives et son

leadership national, on peut attendre l’existence d’un pouvoir de contrainte limité des

organisations des partis. D’ailleurs, la coïncidence entre les sélecteurs et les sélectionnés, la

similarité des trajectoires peuvent mener à des équipes cohésives qui acceptent en même

temps un comportement faillible de l’acteur au nom de ses intérêts personnels.

(2.1) Le dernier type d’influence des trajectoires est intrinsèquement lié à l’idée de

contrôle l’activité gouvernementale et vise l’impact direct du profil des acteurs sur les

politiques gouvernementales proprement-dites. Cet effet est susceptible d’apparaître

lorsque la coordination de l’activité gouvernementale est très limitée. En ce cas de figure, on

serait dans une logique dans laquelle les décisions sont déterminées sans beaucoup de

contraintes par les ministres qui deviennent « des dictateurs » dans le domaine sectoriel qu’ils

dirigent. Quand la coordination de parti est très faible, le ministre est censé de maximiser son

propre savoir-faire dans le but de l’implémentation d’un agenda personnel, dépendant

directement de son parcours personnel dans la sphère politique ou sociale.

Les trois effets identifiés empiriquement permettent une délimitation des influences

distinctes des élites sur la prise de décision, raffinant ainsi la thèse de l’interdépendance

entre les nominations des acteurs gouvernementaux et l’activité des exécutifs. En outre,

l’analyse menée au niveau micro suggère l’existence des modèles différents de l’impact

politique des trajectoires des acteurs gouvernementaux en fonction du développement interne

du parti de support et de la période politique prise en compte.

La thèse selon laquelle les élites constituent les principaux décideurs est plutôt

bornée par les réalités empiriques qui dévoilent l’impact des facteurs structuraux et

institutionnels dans la limitation des possibilités d’action de ces acteurs. Malgré ces

encadrements dressés par des déterminants du système politique, la sélection des

gouvernants présente des conséquences directes sur l’activité des exécutifs et constitue une

variable intervenante dans la compréhension de la prise de décision politique.

5. Des pistes possibles de recherche et ajustements d’autres théories

Le choix du terrain d’investigation, un pays postcommuniste, nous a permis de

retracer l’influence directe des élites gouvernementale dans un contexte de changement de

régime, mais aussi, suivant une dimension longitudinale d’analyse, d’établir les

transformations subies par celles-ci durant le processus de démocratisation. Les résultats de la

recherche sont ainsi nettement influencés par le contexte politique idiosyncrasique du champ

de l’investigation. Cependant, les mécanismes décrits peuvent suggérer quelques

raffinements quant à l’importance de l’étude des élites politiques et quant à leur importance

dans la compréhension du fonctionnement des systèmes politiques. De la sorte, les

découvertes de notre recherche peuvent s’avérer porteuses pour l’intégration d’une variable

explicative portant sur les élites dans l’analyse des transformations politiques qui régissent le

contexte général marqué par le déclin des partis au gouvernement et de la personnalisation de

la politique.

Les comportements non disciplinés des acteurs politiques et les décisions qui ne

respectent le programme gouvernemental ont été traités au niveau de la littérature sous

l’angle du patronage politique672. La distribution préférentielle des ressources telles que des

positions dans l’appareil de l’Etat, les fonds dont un gouvernement dispose ou la mobilisation

d’une manière semi-légale ou illégale des leviers gouvernementaux ont été observés dans

plusieurs pays. Phénomène lié, selon Blondel, au déclin du parti, le patronage politique serait

à définir, en termes de relations systémiques qui unifient d’une manière interdépendante

l’organisation du parti, les politiques et les nominations673. Les caractéristiques des partis

favoriseraient cette distribution préférentielle des ressources surtout dans des cas présentant

une tradition de la partitocratie tels que la Belgique, l’Autriche ou l’Italie. L’incapacité des

gouvernements d’accomplir les programmes gouvernementaux ambitieux qu’ils développent

lors des élections produirait ainsi des déviations par rapport aux politiques spécifiées dans les

manifestes électoraux et dans les propos discursifs des dirigeants en place.

672 Nous faisons ici référence non pas à l’interprétation classique qui se rattachent à une interprétation du clientelisme et du patronage sous la forme d’une relation d’échange (V. S.N.Eisenstadt, René Lemarchand, eds.. Political Clientelism, Patronage and Development, Londore, Sage, 1981), mais nous faisons reference aux acceptions courrantes qui rattachent le concept de patronage au comportement des parties politiques. V. Jean Blondel, Op.Cit., P.241, Wolfgang C. Muller, « Party Patronage and Party Collonization of the State », R. Katz, W. Crotty Pp. 189-196; Peter Mair, Petr Kopecky, « Political Parties and Patronage in Contemporary Democracies: An Introduction », Travail Preparé pour ECPR Joint Sessions, 25-30 Avril Nicosia.673 Jean Blondel, “Party Government, Patronage, and Party Decline in Western Europe”, Pp. 239-241

Néanmoins, dans cette perspective l’interprétation du patronage comme un processus

différent par rapport à la formulation des politiques reste cependant problématique. Au fond

les distributions préférentielles des ressources représentent un des sous-types des politiques

non fiables formulées par les acteurs politiques. De surcroît, les actions des acteurs

individuels sont à envisager non seulement en tant que facteur illustratif de la collusion des

intérêts des partis, mais aussi comme le résultat d’un certain échafaudage organisationnel

censé à s’articuler différemment d’un pays à l’autre, mais aussi d’un parti politique à l’autre.

En ce cadre précis, les profils des acteurs politiques qui se trouvent au gouvernement, les

relations qui se forgent entre ceux-ci dans des cadres institutionnels ou encore l’existence

d’une responsabilité de ces acteurs par rapport à l’organisation partisane sont des éléments

censés d’expliciter le développement de ces logiques distributives et leurs variations

temporelles et géographiques.

L’idée de relier l’émergence du patronage politique à la sélection politique, intégrant

ainsi l’importance des acteurs individuels dans la définition des comportements décisionnels

non fiables à l’intérieur de l’Etat, peut s’avérer ainsi porteuse dans un contexte général visant

la personnalisation de la politique. Au-delà de l’idée d’une simple description d’un caractère

médiatique des dirigeants politiques ou de la « présidentialisation » du fonctionnement

institutionnel, l’accroissement du rôle des leaders sur la scène politique pourrait suggérer une

tendance plus ample marquant le développement un mimétisme des pratiques décisionnelles à

l’américaine dans les cas des démocraties parlementaires. Or ce que le modèle analytique pris

en compte dans le cas roumain dévoile est que ces évolutions qui obéissent à des causes

évolutives différentes mènent à l’émergence des modèles spoil-system et mettent en avant le

rôle des relations personnelles et le profil des acteurs politiques qui arrivent au pouvoir dans

la compréhension des processus politiques.

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LISTE DES SOURCES :

LISTE DES SOURCES :

A. Pour l’analyse des acteurs individuels :

Anthologies visant le personnel politique :

CRISAN Gheorghe, Piramida puterii – Oameni politici si de stat, generali si ierarhi din Romania (decembrie 1989- 10 martie 2004) [La pyramide du pouvoir – hommes politiques et hommes d’Etat, généraux, hiérarques en Roumanie (déc. 1989 -10 mars 2004)] vol I et II, ed. Pro Historia, Bucarest, 2004 ; NEAGOE Stelian, Istoria guvernelor Romaniei. De la inceputuri 1859 si pana in zilele noastre [L’histoire des gouvernements de la Roumanie. Dès le débuts 1859 jusqu’à de nos jours], Machiavelli, Bucarest, 1999.

***, Protagonişti ai vieţii publice [Les protagonistes de la vie publique], 3 vol., Agenţia Naţionala de Presa Rompres, Bucarest, 1994;

***, Personalitati publice, politice 1992-1994 [Personnalités publiques, politiques 1992-1994], ed. Holding Reporter, 1994 ;

***, Personalitati publice, politice 1995-1996[Personnalités publiques, politiques 1995-1996] (3ème édition), ed. Holding Reporter, 1996,

***, Personalitati publice, politice 1996-1997[Personnalités publiques, politiques 1996-1997], ed. Holding Reporter, 1997 ;

***, Who’s Who in Romania 2002, Pegasus Press, Bucarest, 2002,

***, Cartea albastră a democraţiei. Un ghid al instituţiilor publice centrale din România [Le livre bleu de la démocratie. Un guide des institutions publiques centrales en Roumanie], Asociaţia Pro Democraţia, Bucarest, 1997 ***, Cartea albastră a democraţiei. Un ghid al instituţiilor publice centrale din România [Le livre bleu de la démocratie. Un guide des institutions publiques centrales en Roumanie], Asociaţia Pro Democraţia, Bucarest, 2001.

Livres à caractère autobiographique : CIORBEA Victor, VĂLENAŞ Liviu, Republica iresponsabililor - Convorbiri cu Victor Ciorbea[La République des irresponsables. Conversations avec Victor Ciorbea], ed. Tritonic, Bucarest, 2003. CONSTANTINESCU Emil, Timpul dărâmării, timpul zidirii [Le temps de l’écroulement, le temps de la construction], Vol. II et III, Universalia, Bucarest, 2002. COPOSU Corneliu, ARACHELIAN Vartan, Mărturisiri [Témoignages], dialog cu Vartan Arachelian, Humanitas, Bucarest, 1996, p. 146-163. ILIESCU Ion, Revoluţie şi Reformă [Révolution et Réforme], éd. Enciplopedică, Bucarest, 1994, p.69-109. ILIESCU Ion, TISMĂNEANU Vladimir, Marele şoc Din finalul unui secol scurt [Le grand choque. Du final d’un court siècle], ed Enciclopedică, Bucarest, 2004. IONESCU QUINTUS Mircea, Ce aţi făcut în ultimii cinci ani?, ?[Qu’avez-vous fait durant les dernières cinq années] ed Maşina de Scris, Bucarest, 2004. IONESCU QUINTUS Mircea, Liberal din tată-n fiu [Libéral de père en fils] , ed Vitruviu, Bucarest, 1996.

NĂSTASE Adrian, TEODORESCU Alin, Adrian Năstase în dialog deschis cu Alin Teodorescu - De la Karl Marx la Coca-Cola[De Karl Marx à Coca Cola. Un dialogue ouvert avec Alin Teodorescu],, Nemira, Bucarest, 2004. ROMAN Petre, Libertatea ca datorie [La liberté comme responsabilité], éd. Paideia, Bucarest, 2000. ROMAN Petre, STEFOI Elena, Mărturii provocate [Témoignages provoqués], éd. Paideia, Bucarest, 2002. STOICA Valeriu, ALIGICĂ Paul, Provocari liberale[Défis libéraux, Humanitas, Bucaresti, 2003. VASILE Radu, Cursă pe contrasens- Amintirile unui Prim-ministru [Course à contresens. Les souvenirs d’un Premier ministre], ed. Humanitas, Bucarest, 2002. VĂCĂROIU Nicolae, SMEOREANU Gheorghe, Nicolae Văcăroiu al 60-lea Prim ministru- Carte de interviuri de Gheorghe Smeoreanu [Nicolae Văcăroiu le 60ème Premier ministre. Anthologie d’interviews], ed Intact, 1998. TINCA Gheorghe, De vorbă cu Gheorghe Tinca[Conversations avec Gheorghe Tinca], ed.Enciclopedică, Bucarest,1996. SAVA Iosif, Invitaţii Eutherpei, Plural, Polirom, Iaşi, 1997(l'entretien accordé par Andrei PLESU, le 14 decembrie 1996), Pp. 263-307.

Entretiens publiés dans la presse portant sur les carrières: GEOANA Mircea, « Une carrière en diplomatie », Cariere, entretien réalisé par Rodica Nicolae, le 17 juillet 2003. NEGRITOIU Misu, « Misu Negritoiu - Un bancher nesofisticat »[Misu Negritoiu un banquier pas sophistiqué], entretien realisé pour la revue Cariere par Rodica Nicolae le 18.12.2003. PONTA Victor, « Ai intotdeauna independenta si prestigiul pe care le mertiti » [ « Tu as toujours l’indépendance et le prestige que tu mérites »], entretien publié dans la revue Cariere le 11 mars 2004 (réalisé par Rodica Nicolae) STOLOJAN Theodor, « Turning the page. Interview with Theodor Stolojan », Politique Internationale – Romania at the threshold of the European Union, n° 105 –automne 2004, entretien realize par Mihnea Berindei, Therdel STOLOJAN Teodor, « Theodor Stolojan - Echilibrul ca profesiune de credinta » [Theodor Stolojan. Equilibre comme proféssion de foi], Cariere, 20.11.2003, entretien réalisé par Rodica Nicolae, http://www.cariereonline.ro/index.php?m=article&article_id=161 UNGUREANU Mihai-Razvan, « Viata mea este o inlantuire de intalniri fericite » [Ma vie est un enchainement de rencontres heureuses], Cariere, entretien réalisé par Razvan Ilie, le 08.03.2006

Liste des principaux entretiens réalisés (employés d’une manière directe au niveau de l’analyse):

ANDRONESCU ECATERINA - secrétaire d'Etat au Ministère de l'Enseignement (le cabinet Văcăroiu) et Ministre de l'Enseignement (Năstase), PSD APOSTOLACHE MIHAI, depute PSD, legislature 2004-2008, president TSD Prahova ATHANASIU ALEXANDRU - Ministre du Travail et de la Solidarité Sociale (Victor Ciorbea, Radu Vasile), Ministre de l'Enseignement (Năstase), PSDR, député 2000-2004, 2004-2008, PSD BABIUC VICTOR - Ministre de la Justice (Roman II), Ministre de l'Intérieur (Theodor Stolojan), Ministre de la Défense (Ciorbea, Vasile, Isărescu), viceprésident PD, ensuite membre PNL BOUREANU CRISTIAN- depute PNL, PDL 2004-2008 CALIAN PETRU, Député PRM, PC, PDL, 2004-2008 CIOCALTEAU ALEXANDRU-député PRM, PDL 2004-2008 CIORBEA VICTOR, Premier ministre, vice-président PNPcd (1997-1998) COMAN GABRIELA - secrétaire d'Etat au Ministère du Travail et de la Solidarité Sociale (le cabinet Năstase), PSD CRETU GABRIELA –député PSD 2004-2008, europarlementaire DĂIANU DANIEL - Ministre des Finances (les cabinets Victor Ciorbea et Radu Vasile) (support

PNL) GABOR GHEORGHE –député PNL 2004-2008 DUMITRU ELENA - Ministre du Travail et de la Solidarité Sociale et de Famille (le cabinet Năstase), PSD GHISE IOAN –Député PL93, 1992-1996, Député PNL 2004-2008, Conseiller départemental 1992-1996, maire 1996-2000 IONESCU CONSTANTIN DUDU, secrétaire d'Etat au Ministère de la Défense (Ciorbea, Vasile); Ministre de la Défense (Ciorbea), Ministre de l'Intérieur (Isărescu), viceprésident PNPcd IORDACHE FLORIN- depute PSD, 2000-2004, 2004-2008 IOSIF DAN- 1990-1992-sénateur FSN, 2000-2004 conseiller d’Etat, 2004-2007 député KELEMEN HUNOR- secrétaire d’Etat, Ministère de la Culture, 2000-2004, 2004-2008 député UDHR, 1999-2004 président du Conseil de Coordination UDHR MARICA VASILE - le président de l’Union des Syndicats des Fonctionnaires Publics MELEŞCANU TEODOR VIOREL - secrétaire d'Etat au Ministère des Affaires Etrangères (Roman II, Theodor Stolojan); Ministre des Affaires Etrangères (Văcăroiu) MANTA PANTELIMON, députe PUR, PNL 2004-2008, préfet du département Gorj 1996-2000, Vice-président PUR et Vice-président PD Gorj NĂSTASE ADRIAN, Premier ministre (2001-2004) NICOLAI NORICA, secrétaire d'Etat au Ministère du Travail et de la Protection Sociale (Ciorbea, Vasile, Isărescu), PNTcd, sénateur PNL 2000-2004, 2004-2008 OLTEANU BOGDAN- ministre délégué pour la relation avec le Parlement 2004-2006, 1997 conseiller du ministre 1997, président de la Chambre des Députés 2006-2008, membre dans le Bureau Permanent PNL PETRE ZOE, Conseiller présidentiel (1996-2000) POSTELNICU ROMEO ancien président de l’Agence Nationale du Fonctionnaire Public PUŞCAS VASILE - Ministre, négociateur en chef pour l'Intégration européene (Năstase), député PSD, 2000-2004, 2004-2008 ROMAN PETRE - Premier ministre (1989-1990; 1990-1991), Ministre des Affaires Etrangères (Isărescu), président PD TABARA VALERIU- le Ministre de l’Agriculture 1994-1996, vice-président PUNR 1992-1996, député PUNR 1992-1996, 1996-2000, Député PD, PDL 2004-2008, 2004 conseiller départemental ŢĂRNEA MARTA - secrétaire d'Etat au Ministère du Travail et de la Solidarité Sociale (le cabinet Năstase) THEODORESCU RAZVAN, le Ministre de la Culture et des Cultes (le cabinet Năstase) TORO TIBOR, Député UDHR 2000-2004, 2004-2008, président l’UDHR Timis VOICU MIHAI ministre délégué Secrétariat général du gouvernement 2004-2006, Ministre pour la relation avec le Parlement 2006-2008, député PNL 2004-2008, secrétaire général du PNL

Autres sources: « La confrontation électorale finale pour les élections présidentielles le second tour entre Traian Basescu et Adrian Năstase », novembre 2004, enregistrement TVR1. La Sténogramme du programme électoral « Turneul Candidatilor » pour la fonction de maire de Bucarest, réalisé par Octavian Andronic durant la campagne électorale du 3 Mai 1996.

B. L’analyse des partis politiques

Eléments généraux : STOICA Stan, România. O istorie cronologica 1989-2002, ed. Meronia, Bucarest, 2002. STOICA Stan, România. Dicţionarul partidelor politice din România 1989-2003, éd. Meronia, Bucarest, 2003. ŞTEFĂNESCU Domniţa, Cinci ani din istoria României. O cronologie a evenimentelor (decembrie 1989 – decembrie 1994), Maşina de Scris, Bucarest, 1998 (a).

ŞTEFĂNESCU Domniţa, Doi ani din istoria României. O istorie a evenimentelor (ianuarie 1995 – ianuarie 1997), Maşina de Scris, Bucarest 1998 (b). *** « La Roumanie. Partis politiques », L’Agence Nationale Rompres, Bucarest, 1993

Les statuts des partis politiques: Le Statut du PDL, 2007 Le Statut du Parti Démocrate 2005(vesions aussi de 2004, 2003, 2002, 2001) Le Statut du Parti Démocrate 2000 Le Statut du Parti Démocrate 1998 Le Statut du PD, 1997 Le Statut du PD, 1993 Le Statut de l’UDHR, mai 1995 Le Statut d’UDHR 1997 Le Statut d’UDHR, 1999 Le Statut d’UDHR, 2003 Le Statut d’UDHR, 2007 Le Statut du FSN, 1990 Le Statut PDSR, 1993 Le Statut PDSR, 1997 Le Statut PDSR, 1999 Le Statut du PSD, 2001 Le Statut du PSD, 2005 Le Statut du PSD approuvé lors du Congrès extraordinaire du 10 décembre 2006 Le Statut et l’offre politique du PNL, 1995 Le Statut du PNL 1999 Le Statut, le Règlement d’application du Statut et les Normes d’Organisation de la Conférence Départementale du PNL, 2001 Le Statut du PNL, 2007 Le Statut du PNPcd 1995, adopté par la délégation Permanente mai 1995 Le Statut du PNPcd 1999

Manifestes et programmes électoraux : La Proclamation du Front du Salut National Vers la Nation, Manifeste électoral FSN, Dimineata, No 45, Mercredi 11 avril 1990 Le Manifeste électoral du FDSN pour les élections du 27 septembre 1992 pour la présentation du programme „Să construim împreună viitorul României” [Qu’on construise ensemble l’avenir de la Roumanie], Dimineaţa, III, No. 187 (699), Jeudi le 24 septembre 1992 Le Front du Salut National, Le Groupe pour l’Unité du Front du Salut National, « Pour la Roumanie d’aujourd’hui. Un programme socio-démocrate moderne dans la pensée et dans l’action. Projet », pour la Convention Nationale du mars 1992 Programa del Frente Democrata De Salvacion Nacional, 28. 06. 1992 « La Roumanie d’aujourd’hui » La Motion du Groupe pour l’Unité du Front du Salut National présenté « La carte électorale/ Le Programme de Gouvernement du FDSN. Qu’on construit ensemble l’avenir politique de la Roumanie. Le programme politique du FDSN », 1992 Roumanie. Comment réaliser le changement en bien ?, la Conférence Nationale du FDSN, 9-10 Juillet 1993 PDSR. Rapport concernant la plateforme programme. Une action social démocrate pour la Roumanie, novembre 1995 L’offre électorale 21 Programmes pour Roumanie, PDSR, 3 novembre 1996 Le Manifeste électoral du PDSR pour les élections de l’année 2000 « Le Programme du FSN l’avenir aujourd’hui. De la place pour tout le monde, un pays pour tous, présenté par Petre Roman, mars 1992 »

Le manifeste électoral de l’Union Social Démocrate « Avant tout pour les gens Que nous assurons le développement du pays et la justice sociale », Bucarest, 6 septembre 1996 Un bon gouvernement pour la Roumanie – la voie Social-démocrate, Le Parti Démocrate, Février 1999 « L’avenir commence aujourd’hui. Le manifeste électoral du PD », octobre 2000 Le Parti Libéral 1993. La manifeste libéral 1993, Octobre 1993 La Plateforme Programme de la Convention Démocratique 1992 Le Contracte avec la Roumanie, Le programme des 200 jours, novembre 1995, la Convention Démocratique Le Programme politique du PNL approuvé lors du Congrès extraordinaire du 24-25 août 2002 « Le Programme du PDL », 31 mars 2007, Bucarest Les documents programmatiques du PSDR, Bucarest 1997, document adopté lors du Congrès XVIII du PSDR Bucarest 7-9 mars 1991 ***, Les priorités de l’Offre électorale de l’Alliance Justice et Vérité, 28 septembre 2003, http://www.dapnl-pd.ro/document.php?id=5, et la Plateforme programme de l’Alliance DA, http://www.dapnl-pd.ro/docpage.php?speccode=platforma

Autres documents des partis : Protocole concernant la collaboration entre le Parti Social Démocrate et l’Union Démocrate Hongroise de Roumanie durant l’année 2002 Les repères pour une histoire du PNL après décembre 1989, Le Protocole de fusion entre le PNL et l’Union des Forces de Droite Le Rapport d’activité du Bureau Exécutif du PNL, pour la période aout 2002-avril 2003 Le Protocole concernant l’organisation de la Convention Démocratique de Roumanie, 1992 L’Engagement de l’Alliance Justice et Vérité signé par Traian Basescu et Theodor Stolojan, http://www.dapnl-pd.ro/docpage.php?speccode=angajament) *** , « l’Accord de solidarité gouvernementale et parlementaire » 6 décembre 1996 ***, Le Protocole de collaboration Alliance Justice et Vérité. Principes et modalités de fonctionnement ***, La Coalition. Accord concernant les principes et les modalités de fonctionnement, le 16 février 2005 http://www.infopolitic.ro/imagini/documente/1134469134_Protocolul%20Coalitiei.pdf

Documents gouvernementaux :*** Le rapport de la Commission pour l’élaboration de la Réforme Economique, 1990*** La Stratégie de Réforme économique et sociale du programme de gouvernement », document interne du gouvernement de Roumanie, le Conseil pour la Coordination, Stratégie et Réforme Economique, Bucarest, le 15 février 1993***, Le programme socio-économique à court terme. Les mesures prioritaires pour les premières six mois de gouvernement, Bucarest, décembre 1996 ***, Le Programme de base de macro-stabilisation et développement de la Roumanie jusqu’en l’année 2000, Bucarest, Décembre 1996 ***, Governance Program 1998-2000 of the Romanian Government led by Prime Minister Radu Vasile. Short Term High Priority Objectives and Measures, Avril 1998, Bucarest.***, Le Plan d’action du Programme du gouvernement pour la période 2001-2004 approuvé par le Parlement par la décision no 455 du 9 mai 2001 concernant l’adoption du Plan d’action du programme de gouvernemental durant la période 2001-2004, M.Of. no. 267/23 mai. 2001 ***, Les principales mesures pour la protection sociale du cabinet Năstase durant l’année 2001, synthèse du Ministère du Travail et de la Protection Sociale***, Le programme social du 23 décembre 2003 pour la période 2003-2004, M.Of., no 45 du 20.01.2004***, Le programme du gouvernement Călin Popescu Tăriceanu 2005-2008, http://www.dapnl-pd.ro/docs/program-de-guvernare.pdf, dernièrement accédé septembre 2008

C. Institutionnel

Textes généraux : La Constitution Roumaine 1923 La Constitution de 1965 forme révisée, republiée en 1986 La Constitution Roumaine 1991 et sa forme révisée en 2003

La Cour constitutionnelle : La décision de la Cour Constitutionnelle no. 356 du 5 avril 2007 concernant la demande de solution du conflit juridique de nature constitutionnelle entre le Président de la Roumanie et le Gouvernement, formulée par le Premier ministre Călin Popescu Tăriceanu, publiée dans M.Of. no. 322 du 14.05.2007. http://www.ccr.ro/decisions/pdf/ro/2007/D356_07.pdf la Décision no 1133 du 27 novembre 2007 concernant à l’exception d’absence de constitutionnalité des dispositions de l’art.12 - art.22 du chap.III « la Procédure de poursuite et jugement » de la loi nr.115/1999, les articles 23 et 24 de la même moi ainsi que les articles I et II de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no. 95/2007, M. Of., no.851 du 12.12.2007

Lois du budget et décisions gouvernementales : La loi no.20 du 26 février 1991, La loi pour la rectification du budget de l’Etat pour l’année 1990, M.Of. no. 41/1 mars. 1991; La Loi no.21 du 12 mars 1992 concernant la rectification budgétaire concernant le budgét de l’Etat pour l’année 1991, M.Of. no. 50/25 mars 1992 ; La Loi no.36 du 8 avril 1992, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1992 M.Of. no. 69/21 avril 1992; La Loi no.21 du 6 mars 1993, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1993 ; M.Of. no. 89/11 mai. 1993; La Loi no.36 du 9 juin 1994, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1994 ; M.Of. no. 148/10 juin. 1994; La Loi no.22 du 21 mars 1995, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1995, M.Of. no. 53/22 mar. 1995; La Loi no.29 du 6 mai 1996, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1996, M.Of. no. 91/6 mai. 1996; La Loi no.72 du 29 avril 1997, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1997; M.Of. no. 76/29 apr. 1997 ; La Loi no.109 du 3 juin 1998, La Loi du budget de l’Etat pour l’année 1998, M.Of. no. 207/3 iun. 1998; La Loi no.36 din 8 mars 1999 du budget de l’Etat pour l’année 1999, M.Of. no. 97/8 mar. 1999; La Loi no.76 du 4 mai 2000 du budget de l’Etat pour l’année 2000 ; M.Of. no. 195/5 mai. 2000; La Loi no.216 du 26 avril 2001 La Loi du budget de l’Etat pour l’année 2001, M.Of. no. 214/26 apr. 2001; La Loi no.743 du 6 décembre 2001 du budget de l’Etat pour l’année 2002, M.Of. no. 784/11 dec. 2001; La Loi no.631 du 27 novembre 2002 du budget de l’Etat pour l’année 2003, M.Of. no. 863/29 noi. 2002 ; La Loi no.507 du 28 novembre 2003 du budget de l’Etat pour l’année 2004 ; M.Of. no. 853/2 dec. 2003; La Loi no.511 du 22 novembre 2004 du budget de l’Etat pour l’année ; M.Of. no. 1121/29 noi. 2004; La Loi no.379 du 15 décembre 2005 du budget de l’Etat pour l’année 2006; M.Of. no. 1151/19 dec. 2005, La Loi no.486 du 27 décembre 2006, du budget de l’Etat pour l’année 2007 M.Of. no. 1043/29 dec. 2006, La Loi no.388 du 31 décembre 2007 du budget de l’Etat pour l’année 2008, M.Of. no. 902/31 dec. 2007

L’OUG 95/29 juin 2000 concernant l’effacement des obligations des agents économiques qui fournissent des produits et des services pour les institutions publiques du système de défense, ordre public et sureté nationale, L’OUG 40/2002 et l’OUG 128 /2006 concernant la récupération des arriérés budgétaires. L’OUG 43 / 1998 pour l’octroi des facilités dans le payement des créances fiscales vers le budget de l’Etat dans le cas de la société Tractorul Brasov, L’OUG 45/2004 pour l’effacement des dettes de Rafo et Camrom, L’OUG 119 et 152/ 2001 concernant la privatisation de Sidex S.A. Galaţi

Autres textes législatifs : La Loi 9/ 1990 – La Loi concernant l’interdiction temporaire d’aliénation des terrains par actes entre les vivants, publiée dans M. Of. 95/ du 1.08.1990 Le Statut du fonctionnaire public, la Loi no. 188/ du 8 décembre 1999, publiée dans le Journal Officiel Monitorul Oficial, no. 600, 1999. « Comunicatul către ţară »[Communiqué vers le pays du Conseil du Front du Salut National], du 22 décembre, M. Of., I-ère Partie, I-ère année, le 22 décembre 1989, Le Décret loi concernant la formation, l’organisation et le fonctionnement du Conseil du Front du Salut National et des conseils territoriaux du Front du Salut National, paru dans M. Of. du 27 décembre 1989, Le Décret-Loi n°10 concernant la formation, l’organisation et le fonctionnement du Gouvernement, du 31 décembre 1989, publié dans M. Of., n°009

Rapports sur l’activité du parlement (disponibles sur le site du parlement) :

Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés février-juin 2003, Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés septembre-décembre 2003, Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés février-juin 2004, Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés septembre-décembre 2004, Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés février-juin 2005, Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés septembre-décembre 2005, Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés février-juin 2006, Bulletin législatif de l’activité de la Chambre des Députés septembre-décembre 2006, février-juin 2007, septembre-décembre 2007 Bulletin législatif du Sénat du 1 juillet 2004, Bulletin législatif du Sénat 19 décembre 2005, Bulletin législatif du Sénat 1 Juillet 2005, Bulletin législatif du Sénat 15 décembre 2006, Bulletin législatif du Sénat 26 juin 2006, Bulletin législatif du Sénat 21 Juin 2008, Bulletin législatif du Sénat 12 Décembre 2007, Bulletin législatif du Sénat 18 juin 2008.

Sur le fonctionnement gouvernemental : Le décret Loi no 10 du 31-12-1989 concernant la création, l’organisation et le fonctionnement du gouvernement de la Roumanie, M. Of. no. 9/31 dec. 1989 , Décret-Loi no. 104 du 30 mars 1990, M.Of., no. 47 du 1er avril 1990. La loi no 37 du 7 décembre 1990 concernant l’organisation et le fonctionnement du gouvernement, M.Of. no. 137/8 dec. 1990 . La loi no 90 du 26 mars 2001 concernant l’organisation et le fonctionnement du Gouvernement de Roumanie et des ministères, M. Of. no. 164/2 apr. 2001 La loi no. 115 du 28 juin 1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of. no. 300/28 juin 1999 L’ordonnance d’urgence no. 130 du 16 septembre 1999 pour compléter la Loi no 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of. no. 454/20 sep. 1999,

La loi 253 du 29 avril 2002 concernant la modification des dispositions de la Loi 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of . no. 334/20 mai. 2002 La loi 90 du 13 avril 2005 concernant l’admission de l’Ordonnance d’urgence pour la modification de la Loi 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, M.Of. no. 322/15 apr. 2005 La Décision no. 665 du 5 juillet 2007 concernant l’exception de constitutionnalité des dispositions de l’article 23 alinéas 2 et 3 de la Loi no 115/1999 concernant la responsabilité ministérielle, republiée dans M. Of. no.547 du 10.08.2007. L’ordonnance d’urgence no. 95/2007 concernant la modification de la loi 115/1999, M. Of., I, no. 678 du 4 octobre 2007,

Sur les partis politiques : Le décret loi no 8 du 31 décembre 1989, concernant l’enregistrement et le fonctionnement des partis politiques et des organisations obstesti en Roumanie, M. Of. No.9 du 31 décembre 1989 La loi 27 du 26 avril 1996, La loi des partis politiques, M.Of no 87 du 29 avril 1996, La loi 14 du 9 janvier 2003, concernant la modification de la Loi des partis politiques, M. Of. 25 du 17 janvier 2003 La loi no 23 du 21 janvier 2003 concernant le financement des activités de parti et l’organisation des campagnes électorales, M.Of. nr. 54/30 ian. 2003

Rapports sur l’administration publique:

A. Support for Improvement in Governance and Management in Central and Eastern European Countries (SIGMA)- Romania Public Service and the Administrative Framework Assessment, 2005 Http://www.oecd.org/dataoecd/55/40/35850904.pdf2004 http://www.sigmaweb.org/dataoecd/41/11/34989409.pdf2003 http://www.sigmaweb.org/dataoecd/41/10/34989438.pdf2002 http://www.sigmaweb.org/dataoecd/41/8/34989490.pdf- Public Management Profile 1999, http://www.sigmaweb.org/dataoecd/secure/31/21/1830490.pdf

B. Les rapports de la Commission européenne Romania progress report 1998 http://europa.eu.int/comm/enlargement/report_11_98/pdf/de/romania_de.pdf Romania Regular report 1999http://europa.eu.int/comm/enlargement/report_10_99/pdf/en/romania_en.pdf 2000 Regular Report on Romania’s Progress Towards Accession, 8.11.2000http://europa.eu.int/comm/enlargement/report_11_00/pdf/fr/ro_fr.pdfReport 2001, Bruxelles, le 13.11.2001, SEC(2001) 1753http://europa.eu.int/comm/enlargement/report2001/ro_fr.pdf Report 2002, Bruxelles, le 9.10.2002 SEC(2002) 1409http://europa.eu.int/comm/enlargement/report2002/ro_en.pdf Report 2003http://europa.eu.int/comm/enlargement/report_2003/pdf/rr_ro_final.pdf Report 2004, Bruxelles, le 6.10.2004 SEC(2004) 1200 {COM(2004)657 final}http://europa.eu.int/comm/enlargement/report_2004/pdf/rr_ro_2004_en.pdf

Les rapports portent sur l’administration publique : Report on the Management of Civil Service and Civil Servants in 2004, Bucharest, 2005. Report on the Management of Civil Service and Civil Servants in 2003, Bucharest, 2004.

Autres rapports :

Gabriel Badescu, Mircea Comsa, Dumitru Sandu, « Barometrul de Opinie Publica », Octobre 2007. BOP 1998-2007 [Le baromètre de l’opinion publique. Octobre 2007. BOP 1998-2007], BOP, Soros, Pp 30-63, http://www.soros.ro/ Cornelia Lefter, « Country Report: Romania. Civil services Report and State Administration (CSSA) », 31, March 1999, www.oecd.org/dataoecd/53/8/1850069.pdf. Cristian Ghinea, « Managerul public nr. 1. O alegere perioculoasa. Politizarea in administratia publica centrala [Le manager public. Un choix dangereux. La politisation de l’administration publique centrale]”, ww.sar.org.ro/files_h/docs/advocacy_foia/10_pm1.pdf). Laurentiu Stefan, Razvan Grecu, « Cariere Politice si reprezentare parlamentară 1990-2004[Carrières politiques et représentation parlementaire] », Rapport de Recherche, Casp, Bucarest, mars 2004. Le rapport CASP concernant les élections locales de 2004 http://alegeri.ong.ro/raportCASPEnglish010904.pdf, ***, Le rapport de l’Institut des Politiques publiques sur l’activité des parlementaires http://www.ipp.ro/documente_postate/publicatii/document%20activitate%20parl%20feb%20iul%202007%20Binder.pdf), ***, Les dépenses associées aux activités internes et externes des parlementaires durant la période janvier 2005-octobre 2006, L’Institut des Politiques Publiques, Bucarest, Août 2007

Autres sources générales :

Les annuaires statistiques de l’Institut de Statistique de Roumanie Les résultats électoraux publiés par le Bureau Electoral Central, Le site du gouvernement www. guv. ro, Les sites des chambres du parlement : Pour la chambre des députés www.cdep.ro et du sénat www.senat.ro *** Le Moniteur Officiel de la Roumanie I -ère partie pour la période 1989-2004.

INDEXE

Aacadémique, 1, 189, 190, 191, 195, 198, 206, 212, 213,

265, 291accord, 19, 94, 117, 119, 128, 142, 156, 235, 249, 250,

265, 267, 275, 280, 288, 292, 309, 312, 316, 321, 348, 390

accumulation de l’expérience, 39, 219, 224, 228, 230, 235, 237, 370, 374

administration, 11, 17, 51, 76, 90, 93, 102, 103, 105, 106, 108, 109, 110, 117, 150, 151, 158, 159, 164, 173, 198, 204, 206, 211, 214, 215, 245, 258, 283, 307, 309, 317, 388, 426, 427

agenda, 74, 77, 78, 82, 96, 97, 103, 114, 115, 120, 121, 142, 145, 150, 152, 156, 160, 254, 271, 273, 309, 314, 318, 384, 385, 386, 397

alliance, 288, 311, 318, 332, 336, 341allocations budgétaires, 121, 127, 132, 133, 135, 136,

138, 139, 140, 143, 159, 161, 164, 261, 276, 289, 301, 314, 385, 386

anticommuniste, 291, 340autonomisation, 23, 34, 35, 41, 65, 72, 73, 89, 111, 176,

234, 237, 245, 270, 273, 296, 322, 324, 343, 371, 373, 375, 377, 383, 390, 391, 392, 396

BBăsescu Traian, 94, 98

Ccarrières, 4, 14, 16, 17, 18, 20, 21, 23, 27, 28, 29, 30, 31,

32, 36, 37, 39, 47, 60, 62, 168, 174, 176, 177, 188, 207, 214, 218, 219, 225, 246, 329, 353, 369, 382, 387, 388, 420

CDR, 86, 274, 284, 286, 289, 293, 332, 337, 339, 341, 342, 351

CFSN, 10, 257, 258, 259, 262, 264, 268Chambre des Députés, 12, 77, 80, 81, 86, 96, 251, 259,

284, 285, 299, 303, 304, 315, 369, 370, 373, 421, 425, 426

Ciorbea, 79, 142, 182, 183, 184, 194, 198, 200, 202, 205, 209, 217, 221, 226, 228, 231, 233, 234, 286, 288, 290, 291, 292, 295, 298, 321, 323, 341, 357, 419, 420, 421

circulation, 23, 103, 181, 226CNPE, 10, 278, 279coalition, 70, 87, 116, 131, 133, 134, 143, 182, 209, 241,

244, 274, 284, 285, 286, 287, 290, 291, 292, 293, 294, 296, 297, 298, 308, 309, 311, 312, 313, 316, 318, 319, 321, 325, 337, 338, 341, 345, 359, 390

cohésion, 4, 7, 25, 27, 32, 33, 34, 40, 41, 44, 45, 237, 242, 268, 280, 281, 283, 287, 295, 298, 299, 302, 303, 306, 310, 315, 319, 321, 328, 335, 341, 342, 348, 359, 360, 361, 369, 371, 374, 375, 376, 390, 392, 394, 396

collégialité, 40, 41, 243, 244, 249, 283, 307, 310, 320, 321, 322, 324, 325

commissions, 74, 80, 81, 82, 88, 89, 100, 173, 203, 295, 303

communisme, 6, 43, 50, 52, 67, 93, 99, 106, 124, 127, 129, 130, 168, 170, 174, 176, 177, 178, 181, 183, 185, 186, 189, 191, 193, 195, 235, 266, 267, 292, 328, 338, 340, 347, 380, 387, 393, 404, 413

conditionnalité, 17, 124, 126, 142, 159, 160, 168, 169, 241, 289, 299, 387

conflictuel, 45, 97, 286, 299, 356, 395consensuel, 45, 244, 272, 299, 395consensus, 7, 44, 46, 50, 51, 52, 67, 92, 94, 177, 243,

247, 249, 252, 270, 271, 272, 274, 285, 287, 290, 292, 295, 296, 298, 309, 311, 312, 318, 327, 390

Constantinescu Emil, 93, 94, 95, 98, 274, 286, 291, 298constitution, 69, 73, 76, 93, 96, 98, 99, 100, 249, 251,

414, 426conversion, 13, 23, 26, 28, 123, 186, 188, 190, 191, 197,

212, 269, 334, 335, 408coordination, 7, 8, 48, 121, 129, 147, 148, 166, 214, 225,

239, 240, 245, 247, 248, 253, 254, 268, 269, 270, 272, 273, 282, 283, 285, 294, 295, 296, 297, 298, 299, 304, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 318, 319, 320, 322, 325, 326, 327, 328, 330, 343, 345, 355, 359, 360,ศ 361, 362, 363, 364, 365, 375, 376, 377, 390, 391, 392, 396, 397

Cour constitutionnelle, 98, 100, 251, 424CPUN, 10, 258, 268

DDA, 313, 316, 318, 342, 423délégation, 5, 13, 32, 40, 48, 61, 65, 68, 69, 70, 71, 72,

73, 74, 75, 76, 78, 82, 83, 89, 90, 102, 105, 111, 112, 113, 116, 309, 353, 384, 385, 422

démocratisation, 42, 43, 46, 49, 50, 51, 52, 54, 56, 60, 66, 70, 121, 122, 124, 133, 134, 145, 163, 216, 225, 338, 340, 382, 397

départementalisé, 248, 268, 324députés, 12, 25, 77, 81, 83, 85, 86, 99, 202, 371, 373,

374, 405, 428discipline, 12, 40, 74, 123, 246, 247, 298, 325, 364, 366,

367, 368, 371, 372, 373, 375, 376, 385, 386distribution, 5, 25, 33, 34, 37, 57, 65, 68, 84, 90, 104,

105, 119, 121, 132, 133, 134, 137, 140, 141, 144, 145, 152, 160, 162, 169, 284, 285, 287, 293, 299, 301, 310, 312, 316, 337, 339, 344, 352, 354, 385, 398

Eéconomie de marché, 127, 132, 276, 279, 312efficacité, 103, 104, 241, 246ELDR, 10, 338élections, 21, 22, 27, 33, 34, 45, 48, 52, 66, 73, 75, 76,

83, 90, 92, 94, 99, 101, 116, 119, 148, 157, 159, 161, 163, 164, 175, 182, 208, 211, 218, 223, 226, 253, 258, 259, 260, 263, 264, 266, 273, 274, 275, 278, 287, 290, 292, 293, 297, 300, 304, 311, 312, 313, 315, 316, 320, 329, 330, 331, 332, 334, 335, 336,

337, 338, 339, 341, 342, 350, 351, 352, 356, 364, 365, 366, 368, 370, 376, 398, 409, 415, 421, 422, 423, 427

Etat providence, 5, 118, 133, 134, 135Europe Centrale et Orientale, 43, 50, 91, 92, 99, 105,

107, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 133, 165, 166, 171, 176, 177, 181, 217, 249, 332, 334, 338, 405

européanisation, 126, 142, 144, 165, 166, 352

Ffaillibilité, 246, 247, 254, 269, 283, 308, 326, 327, 359,

360, 377, 398FDSN, 10, 273, 274, 279, 280, 331, 335, 422, 423FER, 10, 284fiabilité, 40, 246, 254, 264, 283, 298, 327, 361, 391, 396FSN, 10, 85, 182, 259, 260, 267, 269, 273, 285, 331,

332, 334, 336, 337, 356, 370, 421, 422, 423

Ggéographie électorale, 194, 336, 337

Hhiérarchique, 244, 247, 248, 252, 272, 273, 296, 319,

320, 325

IIliescu, 93, 95, 97, 98, 257, 258, 259, 260, 262, 264, 265,

268, 271, 274, 275, 277, 278, 279, 283, 287, 302initiative législative, 76, 77, 78, 82, 96, 111, 384instabilité, 33, 39, 145, 216, 217, 218, 219, 220, 221,

222, 223, 225, 229, 230, 235, 236, 278, 299, 331, 356intégration, 127, 142, 247, 248, 265, 281, 301, 304, 307,

308, 311, 313, 318, 335, 340, 360Internationale Socialiste, 10, 334, 335, 336Isărescu, 79, 142, 149, 182, 183, 184, 186, 198, 200, 202,

209, 213, 217, 221, 223, 226, 227, 228, 267, 292, 297, 420, 421

JJustice et Vérité, 311, 312, 313, 315, 319, 423

Lle leadership du parti, 33, 294, 352, 356, 362, 363, 365,

371, 376légitimité, 16, 28, 47, 90, 93, 170, 190, 334, 340, 368,

380loi, 76, 77, 78, 79, 82, 84, 89, 96, 97, 107, 108, 128, 130,

136, 137, 249, 250, 251, 252, 257, 258, 290, 312, 314, 318, 350, 374, 424, 425, 426

loyauté, 24, 25, 39, 46, 104, 110, 152, 170, 172, 234, 272, 322, 327, 348, 372, 373, 374, 392

Mmandarinat, 205manifeste électoral, 336, 350, 423membres de parti, 33, 34, 178, 179, 182, 198, 234, 258,

304, 317, 359, 396MER, 10, 260, 267

migration, 12, 372, 373motions de censure, 84, 282motions simples, 83, 87, 282

NNăstase, 7, 79, 80, 94, 109, 142, 147, 157, 158, 182, 183,

184, 195, 196, 198, 200, 202, 204, 205, 209, 213, 217, 221, 222, 223, 226, 227, 228, 231, 233, 264, 265, 270, 271, 274, 279, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310, 315, 419, 420, 421,400424

nationalisation, 124, 351, 352nomenklatura, 28, 51, 67, 177, 181, 182, 184, 185, 187,

188, 189, 191, 257, 387, 413

Oopposition, 58, 70, 76, 83, 84, 85, 86, 87, 98, 100, 153,

191, 237, 282, 303, 313, 331, 337, 338, 340, 341

Pparlement, 48, 69, 70, 72, 74, 77, 78, 82, 83, 84, 87, 89,

96, 97, 98, 100, 101, 175, 202, 205, 214, 236, 242, 249, 250, 251, 274, 275, 280, 281, 282, 298, 312, 313, 314, 315, 316, 331, 353, 372, 373, 374, 375, 376, 385, 388, 425, 428

parti à la base, 8, 344, 345, 346, 347, 348, 350, 352, 358, 363, 366, 375

parti au centre, 344, 345parti au gouvernement, 4, 5, 8, 35, 36, 37, 38, 46, 86,

108, 112, 113, 114, 116, 117, 119, 120, 122, 123, 129, 135, 137, 145, 163, 164, 229, 241, 248, 326, 328, 344, 360, 381, 385, 386, 387, 388, 391

parti en fonctions publiques, 36, 353, 357, 359, 362, 375, 376

passé communiste, 6, 22, 52, 124, 126, 168, 176, 177, 178, 183, 185, 186, 187, 188, 191, 192, 241, 257, 262, 264, 267, 334, 408

patronage, 25, 36, 37, 46, 104, 107, 152, 248, 384, 398, 399, 403, 408

PC, 10, 86, 182, 316, 318, 370, 372, 420PCR, 10, 179, 180, 182, 341, 347PD, 8, 10, 86, 273, 285, 286, 287, 288, 289, 296, 297,

298, 311, 312, 314, 316, 317, 318, 323, 331, 332, 333, 334, 336, 337, 348, 349, 350, 351, 354, 355, 358, 359, 360, 365, 366, 367, 368, 369, 370, 372, 373, 374, 376, 420, 421, 422, 423

PDL, 10, 420, 421, 422, 423PDSR, 10, 85, 86, 182, 185, 212, 227, 274, 275, 279,

286, 299, 300, 303, 304, 331, 334, 335, 336, 337, 339, 341, 342, 347, 350, 351, 355, 357, 366, 422, 423

PDSR/PSD, 227, 300, 351performance, 18, 109, 125, 142, 153, 159, 165, 216, 218,

236, 241, 311, 351, 365, 370, 395personnalisation, 108, 324, 329, 390, 398, 399PGR, 10, 274, 300, 332PLD, 10, 356, 373PNL, 10, 85, 86, 260, 267, 284, 290, 292, 293, 298, 300,

311, 312, 315, 316, 318, 320, 323, 332, 333, 336, 338, 339, 340, 341, 347, 348, 349, 351, 354, 355, 356, 358, 359, 360, 361, 365, 366, 367, 368, 369, 370, 372, 373, 376, 420, 421, 422, 423

PNLAT, 10, 338

PNPcd, 285, 286, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 295, 296, 298, 299, 331, 333, 340, 341, 342, 347, 349, 355, 356, 358, 360, 376, 420, 421, 422

politiques gouvernementales, 5, 46, 102, 112, 114, 115, 117, 118, 119, 120, 122, 126, 129, 143, 145, 152, 153, 160, 162, 163, 168, 169, 172, 174, 177, 201, 236, 240, 241, 249, 254, 256, 271, 282, 284, 297, 302, 324, 325, 326, 327, 328, 329, 343, 348, 377, 387, 390, 391, 394, 395, 396, 397

politisation, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 180, 306, 384, 389, 391, 427

Premier ministre, 36, 48, 69, 83, 84, 90, 93, 95, 98, 99, 100, 101, 164, 170, 207, 211, 224, 226, 243, 244, 245, 247, 248, 250, 252, 253, 257, 259, 260, 262, 263, 264, 265, 266, 268, 269, 270, 271, 273, 275, 277, 278, 279, 281, 283, 285, 286, 288, 289, 291, 292, 295, 296,ศ 297, 298, 299, 302, 303, 305, 307, 308, 309, 310, 311, 313, 314, 315, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 325, 359, 361, 376, 420, 421, 424

prise de décision, 4, 5, 7, 8, 11, 14, 17, 18, 23, 27, 31, 33, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 45, 46, 47, 49, 50, 53, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 69, 71, 72, 90, 102, 104, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 120, 124, 126, 127, 128, 133, 140, 143, 145, 149, 150, 152, 158, 159,ศ 160, 162, 163, 165, 166, 168, 169, 170, 171, 173, 174, 176, 177, 178, 191, 200, 214, 219, 221, 223, 225, 228, 237, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 252, 254, 255, 256, 258, 259, 261, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 280, 283, 291, 295, 296, 297, 299, 300, 306, 307, 309, 310, 311, 312, 314, 316, 318, 320, 321, 322, 323, 326, 327, 328, 329, 346, 350, 353, 360, 368, 379, 382, 385, 389, 390, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 397

privatisation, 88, 105, 125, 131, 132, 136, 153, 157, 158, 261, 276, 281, 301, 425

professionnalisation, 6, 7, 11, 36, 37, 40, 62, 149, 166, 168, 170, 171, 173, 174, 183, 214, 215, 216, 219, 224, 225, 229, 230, 234, 236, 237, 242, 246, 302, 303, 320, 387, 388, 389, 390, 392, 395

programme du gouvernement, 243, 272, 285, 288, 301, 302, 314, 390, 424

propriété, 58, 78, 124, 161, 261, 277, 289PSD, 8, 10, 85, 86, 148, 185, 227, 279, 300, 303, 304,

306, 308, 311, 312, 314, 320, 331, 332, 333, 334, 335, 337, 347, 348, 349, 351, 354, 357, 358, 361, 362, 365, 366, 367, 368, 369, 370, 371, 372, 373, 374, 376, 388, 420, 421, 422

PSDR, 10, 86, 285, 287, 299, 300, 331, 332, 333, 335, 336, 341, 357, 420, 423

Rréforme, 5, 67, 105, 123, 126, 127, 129, 131, 132, 133,

134, 135, 142, 143, 150, 156, 157, 158, 159, 160, 164, 165, 259, 261, 268, 270, 271, 274, 275, 276, 278, 280, 281, 284, 287, 288, 289, 302, 306, 307, 314, 315, 335, 386

régime, 13, 16, 21, 23, 42, 49, 50, 51, 52, 54, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 77, 78, 91, 92, 94, 95, 105, 111, 112, 124, 165, 167, 169, 170, 175, 176, 177, 178, 180, 181, 183, 184, 187, 197, 208, 214, 216, 235, 249, 256, 257, 260, 265, 267, 269, 272, 277,401286, 328, 347, 380, 387, 392, 397, 409

représentativité, 16, 31, 47, 170, 172, 303, 380

reproduction, 7, 11, 179, 181, 185, 188, 203, 204, 211, 213, 215, 219, 225, 235, 265, 266, 277, 280, 309, 369

responsabilité, 5, 13, 61, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 75, 79, 82, 83, 88, 89, 95, 102, 103, 105, 110, 112, 113, 117, 171, 250, 251, 259, 281, 312, 384, 399, 419, 426

Roman, 98, 142, 183, 184, 185, 198, 200, 202, 209, 213, 217, 221, 226, 227, 228, 259, 260, 262, 263, 264, 265, 266, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 278, 285, 286, 292, 297, 298, 306, 323, 420, 421, 423

rotation, 12, 39, 211, 225, 227, 229, 230, 283, 362, 369, 370, 371

Ssemi-présidentiel, 13, 68, 71, 74, 91, 92, 95, 99, 112, 407Sénat, 12, 80, 81, 85, 251, 259, 273, 274, 284, 285, 291,

299, 300, 350, 351, 352, 369, 373, 426sénateurs, 77, 83, 99, 373société civile, 105, 212, 213, 344, 414solidarité, 5, 133, 134, 135, 143, 157, 158, 161, 172, 247,

285, 312, 336, 423statut, 4, 28, 35, 48, 55, 57, 58, 65, 75, 77, 78, 79, 90, 97,

107, 110, 119, 129, 189, 271, 340, 346, 347, 348, 354, 359, 365, 366, 367, 368

Stolojan Theodor, 142, 183, 184, 185, 186, 198, 200, 202, 209, 217, 221, 222, 223, 226, 228, 260, 263, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 292, 303, 306, 309, 312, 315, 323, 332, 420, 421, 423

stratégie, 28, 29, 126, 132, 151, 229, 233, 234, 271, 272, 276, 280, 281, 283, 307, 308, 309, 322, 338, 350, 368, 372

style décisionnel, 41, 244, 253, 297, 307, 311, 324, 327, 376, 395

TTăriceanu Calin Popescu, 79, 86, 98, 100, 130, 135, 143,

158, 175, 183, 184, 194, 195, 198, 200, 202, 204, 205, 209, 213, 221, 223, 226, 227, 229, 231, 233, 234, 303, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 424

théorie partisane, 5, 114, 115, 117, 118, 120, 122trajectoires gouvernementales, 4, 6, 7, 14, 18, 19, 20, 21,

23, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 35, 37, 38, 39, 40, 41, 44, 45, 46, 47, 49, 50, 53, 56, 57, 59, 60, 62, 64, 68, 117, 168, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 178, 188, 192, 199, 203, 205, 206, 207, 210, 213, 214, 218, 219, 221,ศ 231, 234, 235, 236, 237, 238, 241, 242, 247, 248, 256, 267, 304, 325, 328, 334, 342, 353, 374, 381, 387, 388, 390, 392, 394, 395, 396, 397, 408

UUDHR, 10, 285, 286, 293, 298, 300, 311, 316, 317, 318,

332, 333, 341, 342, 348, 349, 350, 355, 358, 366, 367, 368, 370, 371, 372, 373, 375, 421, 422

UE, 10, 52, 67, 126, 130, 131, 142, 158, 159, 160, 289, 301, 312, 314, 319, 360

VVăcăroiu Nicolae, 78, 142, 147, 182, 183, 184, 195, 196,

198, 200, 202, 204, 209, 217, 221, 223, 226, 227, 228, 232, 234, 267, 277, 278, 279, 280, 282, 283, 304, 309, 420, 421

Vasile Radu, 79, 98, 108, 142, 149, 183, 184, 195, 198, 200, 202, 205, 209, 217, 221, 226, 227, 228, 257,

280, 285, 286, 289, 291, 292, 293, 295, 296, 297, 307, 308, 310, 319, 323, 341, 420, 421, 424

volatilité, 11, 149, 219, 221, 227, 228, 229, 236, 309, 319, 328, 331, 363, 386, 395