Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par...

16
Les TIC ou le renouvellement des pratiques de développement social urbain Synthèse de la journée régionale du 14 décembre 2012 N°11 L ES ÉCHOS ... LES ÉCHOS... DES JOURNÉES DU CR•DSU N°11 - JUIN 2013 DES JOURNÉES DU CR•DSU L ES ÉCHOS ... DES JOURNÉES DU CR•DSU CENTRE DE RESSOURCES ET D’ÉCHANGES POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN RHÔNE-ALPES JUIN 2013

Transcript of Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par...

Page 1: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

Les TIC ou le renouvellement des pratiques de développement social urbain

Synthèse de la journée régionale du 14 décembre 2012

N°11

L E S É C H O S . . .

LES

ÉCH

OS.

.. D

ESJO

UR

NÉE

SD

UC

R•D

SUN°1

1 -

JUIN

2013

DES JOURNÉES DU CR•DSU L E S É C H O S . . .

DES JOURNÉES DU CR•DSU

CENTRE DE RESSOURCES ET D’ÉCHANGES POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN RHÔNE-ALPES

JUIN 2013

Page 2: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

S ommaire

Préambule

Les inégalités numériques : quelles réalités et quels enjeux dans les quartiers ?Quelles sont les populations concernées par les inégalités numériques ?Quels sont les enjeux dans les quartiers ? Quelles sont les conséquences en matière de politique publique ?

L'usage des réseaux sociaux par les jeunesExpériences présentéesCe qui se dégage des débatsClefs opérationnelles Réactions des participants

Le numérique au service de l'insertionExpériences présentéesCe qui se dégage des débatsClefs opérationnelles Réactions des participants

Aller vers et recueillir la parole des habitants via le numériqueExpériences présentéesCe qui se dégage des débatsClefs opérationnelles Réactions des participants

Les TIC en images

Pour aller plus loinPoints de convergence et questions en suspensRessources

Introduction

3

4

6

8

10

12

14

Page 3: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

P réambule

Les TIC, un enjeu du développement social urbain

Si les infrastructures de communication et les outilsnumériques (ordinateur, smartphone, tablette numé-rique…) se généralisent sur l'ensemble des territoireset pour toutes les populations, de grandes disparitésde compétences et d'usages existent, notammentdans les quartiers populaires. Le plus souvent perçucomme un vecteur d'intégration sociale, le numériquepeut aussi renforcer la fracture sociale existante etaccentuer la marginalisation de ceux qui rencontrentdes difficultés à utiliser et comprendre ces nouvellestechnologies. S'il s'agit d'une question que lesacteurs de la politique de la ville ne peuvent ignorertant elle comporte de forts enjeux démocratiques,sociaux et économiques, elle est pourtant faiblementprise en compte dans les projets de développementsocial et urbain. Aujourd'hui une partie des acteursintervenant dans les quartiers met incontestablementen évidence l'effet levier du numérique pour favoriserl'intégration urbaine et sociale des habitants. Compte tenu de l'importance et l'émergence de cesenjeux, le CR•DSU a souhaité sensibiliser l'ensembledes acteurs de la politique de la ville en publiant aupremier semestre 2012 un numéro des cahiers duDéveloppement Social Urbain consacré à cette question1.

Une journée d'échanges et d'invitation au débat

Afin de poursuivre la réflexion engagée dans le cadrede cette publication, le CR•DSU avec le soutien de laville d'Aix-les-Bains a organisé le 14 décembre 2012une journée régionale imaginée comme un espace dedébat et d'échanges sur les enjeux liés aux inégalitésnumériques dans les quartiers, s'appuyant sur lesréflexions suivantes: en quoi l'accompagnement despratiques numériques revêt-il un enjeu particulier surles territoires de la politique de la ville? Comment lenumérique peut-il être un outil au service d'un projet dedéveloppement social urbain? Quels sont en particulierles enjeux autour de l'éducation, de l'insertion et dela citoyenneté, les trois thèmes privilégiés pour cettejournée?

Les objectifs de cette journée régionale étaient deplusieurs ordres: • remettre en débat les éléments, les idées et lesquestionnements initiés dans les Cahiers ;• proposer un espace pour échanger et comprendre lesenjeux liés aux inégalités numériques dans les quartiers;• faire connaître des expériences locales innovantesqui visent à une meilleure inclusion numérique desquartiers populaires;• rapprocher les acteurs de la politique de la ville etceux du numérique.

Jacques Houdremont, consultant au “Fil des idées”,a accompagné la préparation et l'animation de cettejournée qui a rassemblé une centaine de personnesprovenant de l'ensemble des départements de la régionRhône-Alpes. La moitié des participants travailledans le secteur associatif et l'autre moitié dans unecollectivité locale (commune, agglomération). Parmices professionnels, plus de 50% sont des chargés demission, coordinateurs de projet et animateurs de terrain,se répartissant de façon égale entre professionnelsdu numérique et professionnels de la politique de laville ou travaillant dans les quartiers. La matinée a démarré par un propos de cadrage deMargot Beauchamps, doctorante en géographie àl'université Paris 1, sur les notions d'inégalités numé-riques et leurs impacts sociaux dans les quartiers. Puiselle s'est poursuivie par la présentation d'expérienceslocales innovantes en faveur d'une meilleure inclusionnumérique. À partir de ce matériau théorique et pratique, les participants ont été invités à se réunirdans l'un des trois ateliers de travail : éducation,insertion et citoyenneté. Ces séances placées sous lesigne de la convivialité ont été riches et vivantes.Elles ont permis aux participants d'exposer leursquestions et leurs points de vue, d'échanger et dedébattre sur les atouts et difficultés rencontrées à laconstruction ou la mise en œuvre d'un projet. Ce travail collectif a porté ses fruits puisqu'à l'issue desateliers, chaque groupe a proposé des préconisationsconcrètes nécessaires à la mise en œuvre d'un projetnumérique. L'après-midi, les participants, rassemblésen plénière, ont débattu des résultats des travauxd'ateliers. Une mise en perspective théorique estvenue conclure la journée.

Ce numéro des Échos reprend la trame et le contenude la journée, et s'articule autour de cinq parties. Lapremière est consacrée à une approche théorique dela question alors que les trois suivantes s'appuientsur les travaux en ateliers et croisent, pour chacunedes trois thématiques, les présentations d'expériences,les points saillants du débat, les préconisations ressorties du travail collectif ainsi que les réactionsdes participants. Une dernière partie s'intéresse auxpoints de convergence entre les trois ateliers, maisaussi aux questions en suspens. Ce numéro des Échos constitue une étape pour leCR•DSU dans ses travaux sur la question des liens entreles technologies de l'information et de la communicationet la politique de la ville et nous vous proposeronsd'autres rendez-vous dans les mois à venir.

3

LES ÉCHOS...DES JOURNÉES DU CR•DSU N°11

JUIN 2013

1 “Accompagnerles usages dunumérique dansles quartiers : un nouveauchallenge!”, Les cahiers duDéveloppementSocial Urbainn°55, 1er semestre 2012

Page 4: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

4

Fracture numérique, inégalités numériques, voilà desexpressions qui préoccupent les acteurs publicsdepuis plus d'une décennie et qui méritent d'êtredéfinies quand on cherche à concevoir des politiquespubliques de lutte contre les inégalités sociales àl'ère où le numérique a fait irruption dans la plupartde nos activités quotidiennes.

Le terme de “fracture numérique” est largement critiqué car il est inadapté pour rendre compte desmultiples manières de se sentir éloigné de la sociétéde l'information. Il suggère une division binaire entreles connectés et les non-connectés et laisse penserqu'il suffit de résoudre la question de l'accès àInternet pour que les personnes concernées puissentpasser d'un côté à l'autre de la fracture.

Aborder ainsi la question des inégalités sociales laisseégalement penser que la fracture numérique serésorbera petit à petit avec le temps, de la mêmemanière que la télévision est entrée progressivementdans les foyers dans les années 1950/60. En effet, lesinternautes sont de plus en plus nombreux, chaque année,même parmi les groupes sociaux traditionnellementéloignés de cet outil : les non-diplômés, les personnesaux revenus les plus faibles, les personnes âgées. On pourrait penser qu'il s'agit essentiellement d'unehistoire de génération quand on sait que 6% des plusde 70 ans sont internautes contre 99% des 12-17 ans.

Il n'en demeure pas moins qu'en 2012, les écarts desdifférents groupes sociaux concernant les niveauxd'équipement en ordinateur, de connexion à Internetet d'usages d'Internet restent persistants puisque: • 38% des personnes sans diplôme sont internautescontre 95% des diplômés du supérieur;• 56% des personnes ayant un revenu inférieur à900 euros par mois le sont, contre 95% de cellesayant un revenu supérieur à 3100 euros par mois.

Si la question de l'accès à Internet continue à poserproblème, notamment en raison de son coût, pour lesménages les plus modestes, les inégalités numériquesse traduisent surtout par un risque de décrochagesocial accru pour les personnes en difficulté en raisondes inégalités de compétences pour tirer le meilleurparti d'Internet. Ces compétences numériques sont deplusieurs ordres 1:

• compétences instrumentales, liées à la maîtrisetechnique des outils ;• compétences informationnelles, liées à la capacitéà chercher et trouver des informations pertinentes, àsavoir trier ;• compétences stratégiques, liées à la capacité àdonner un sens à ses pratiques numériques dans lecadre de son projet personnel et professionnel.

L'engagement individuel dans l'utilisation d'Internet,mais aussi les bénéfices sociaux que les internautesen retirent varient assez nettement selon le capitalsocial, culturel, et économique.

Plus que par la fréquence d'usage d'Internet, lesinégalités numériques se définissent par la manièredont cet usage se traduit, ou non, par une améliorationdes conditions de vie. Les inégalités numériques nedeviennent des inégalités sociales qu'à partir dumoment où les pratiques numériques des individusne sont pas “converties en accomplissement debien-être” pour citer le sociologue Fabien Granjon 2.

On peut ainsi parler d'inégalités de valeur d'usaged'Internet et cette valeur d'usage est fortement corrélée avec le capital culturel (maîtrise de l'écrit,notamment, mais aussi capacité à trier l'information),le capital social (effet de réseau, niveau de compétencenumérique de l'entourage) et le capital économique(qualité de l'équipement....).

Les inégalités numériques: quelles réalités et quels enjeuxdans les quartiers?

Qu'entend-on par inégalités d'accès et d'usage au numérique? Quelles sont les populations les plus touchéeset les conséquences des inégalités numériques? En quoi la question des inégalités numériques revêt-elle unenjeu particulier sur les territoires prioritaires de la politique de la ville? Telles sont quelques-unes des questionsabordées par Margot Beauchamps, doctorante en géographie à l'université Paris 1.

2 “Fracturenumérique”,

Communicationsn°88, 2011,

p. 67-74.

1 Distinctionfaite par GérardValenduc dans

Internet et inégalités : une

radiographie dela fracturenumérique,

Éditions Labor,Bruxelles, 2003

Quelles sont les populations concernées par les inégalitésnumériques?

Page 5: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

LES ÉCHOS...DES JOURNÉES DU CR•DSU N°11

JUIN 2013

5

Quels sont les enjeux dans lesquartiers? Dans les quartiers en politique de la ville, comme ailleurs, les inégalités numériques se manifestent,pour une partie de leurs habitants, par un déficitd'usage et, pour une autre partie, par un usage dontles internautes ne tirent que de faibles bénéfices entermes d'insertion sociale. Le risque est celui d'unaccroissement des inégalités sociales dans unesociété où de plus en plus de services, marchands ounon, et d'administrations se restructurent pours'orienter vers des usagers dont on suppose qu'ilssont connectés. Ces inégalités numériques peuventen effet se traduire, pour des personnes se trouvantdéjà dans des situations socialement difficiles, par desdifficultés d'accès aux droits, d'accès aux servicesadministratifs, par des freins à la participationcitoyenne, et in fine par un renforcement du sentimentd'exclusion.S'agissant de la question du caractère spécifique (ou non)des inégalités numériques des territoires prioritairesau titre de la politique de la ville, il semble que lespratiques et les inégalités ne sont pas liées auxcaractéristiques urbaines des quartiers mais plutôtaux conditions d'existence d'une partie importantede leurs habitants. Les enjeux spécifiques sont finalement davantage liés à la concentration desménages en situation difficile.

Cependant, dans les quartiers populaires, ces inégalitésnumériques s'ajoutent bien souvent à des inégalitésd'accès aux ressources sociales déjà bien identifiées.Ainsi, la faible mobilité des ménages pauvres limiteleurs opportunités d'accès à l'emploi, aux loisirs, à laculture, à la santé, etc. Ce problème de mobilité estalors compensé par un ancrage local fort et unrecours plus fréquent aux ressources du quartier.Faible mobilité et inégalités numériques s'avèrentdonc d'autant plus problématiques quand le quartierde résidence ne propose que de rares ressources locales.

Quelles sont les conséquencesen matière de politique publique?Ce panorama des inégalités numériques invite d'autantplus à l'action publique qu'Internet est porteur depotentialités fortes en matière de renforcement descapacités des plus démunis et de participationcitoyenne, et ce grâce à sa capacité à mettre en partageles ressources et à donner la parole à chacun. C'estd'ailleurs le sens de nombreuses initiatives mises enplace dans les quartiers, qui visent à donner la paroleaux habitants, à les initier à des modes de participationà la vie citoyenne par le biais du numérique. Lesquartiers prioritaires ont souvent la chance de disposerd'un tissu associatif dense: cela constitue uneopportunité pour mener des actions de médiationnumérique et d'accompagnement vers des usages“ libérateurs” du point de vue de la participationcitoyenne.

Une approche globale de l'exclusion sociale néces-site de prendre en compte les inégalités numériques.C'est en partant des besoins, des attentes et desenvies des publics en difficulté que les actions enfaveur de l'inclusion numérique peuvent permettreune réelle appropriation d'Internet et rencontrer lesobjectifs sociaux qu'elles visent. Les politiquespubliques doivent se garder de faire peser sur lespersonnes en difficulté une injonction à l'usaged'Internet qui peut être contre-productive. Il ne fautpas perdre de vue qu'Internet reste un outil qu'ils'agit, dans la démarche d'inclusion numérique, demettre au service d'une augmentation des capacitésde chacun.

Fin 2011-début 2012, uneenquête a été réalisée par leCR•DSU auprès des chefs deprojet politique de la ville etrénovation urbaine de Rhône-Alpes qui a permis de constater que les contratsurbains de cohésion sociale et les projets de rénovationurbaine n'ont que très rarement une orientation vers le numérique 3. Pour autant, cette enquête aaussi montré la diversité desinitiatives en faveur de l'accès

et de l'accompagnement auxusages du numérique. Les actions peuvent concerner :• l'accès aux TIC, en prenantappui, comme à Aix-les-Bains,sur des espaces publics numériques ;• l'accompagnement aux usages numériques, souventpour des publics spécifiques(personnes en insertion, jeunes, seniors…) ;• la qualification des acteurs ;• le suivi des évolutions technologiques de l'administration.

Il s'agit d'un sujet émergent et le nombre croissant d'initiatives locales est lapreuve que la prise deconscience des enjeux dunumérique sur les quartiers est en marche. Aujourd'hui une partie desacteurs met incontestablementen évidence le fait que le numérique favorise l'intégration urbaine et sociale des habitants.

En Rhône-Alpes

3 Cf. cahiers duDéveloppementSocial Urbainn°55, 1er semestre2012, p. 14

Page 6: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

6

L'usage des réseaux sociaux par les jeunes

L es réseaux sociaux sont aujourd'hui un nouvel espace de construction identitaire des jeunes et l'un des élémentsconstitutifs de leur socialisation. Mais l'usage des réseaux sociaux par les jeunes questionne: que font-ils?Qui côtoient-ils? Certains professionnels ont choisi de prendre en compte dans leurs pratiques ce territoirenumérique des jeunes. Comment font-ils? Pourquoi et pour quels résultats? En outre, quel peut être le rôledes parents dans l'accompagnement et l'encadrement des usages numériques de leurs enfants?

Expériences présentées

Facebook, nouveau lieu deprésence sociale auprès desjeunes (42)

Des éducateurs de l'ADSEA de laLoire (prévention spécialisée) ontréalisé que dans certains quartierspopulaires, des jeunes en difficultéconstruisaient une sphère de sociali-sation, parfois très riche, sur Internetalors qu'ils avaient tendance àmoins investir l'espace public. La création d'une page Facebookde l'ADSEA 42 a facilité la reprisede contact avec certains d'entreeux, en cohérence avec les principesde la prévention spécialisée : allervers et ainsi susciter l'adhésion.Utilisée par toute l'équipe deséducateurs, cette page Facebookest un outil qui a permis dedécouvrir ce que les jeunes donnent àvoir d'eux-mêmes, leur état d'esprit,leurs goûts ou leurs activités. Ellealimente les échanges et installeune présence sociale dans leurespace numérique. Les éducateursont pu par exemple entamer aveccertains d'entre eux une discussionsur leur goût pour le théâtred'improvisation et les ont encouragéà aller en voir, puis à en faire. Ce lien numérique avec les jeunesparticipe du travail de préventionqui se fait dans la rue: dans cesdeux espaces, les individuséchangent, parfois de manière trèsanodine, mais entretiennent unlien social bien réel. Facebook estaussi un espace de construction del'identité numérique des jeunesoù la limite entre le public et privépeut sembler floue, poreuse ouchangeante. C'est un nouveau territoire maisaussi un nouveau support quipermet aux éducateurs d'adapterleur travail éducatif. ••• Contact: ADSEA 42,

équipe sud/est de Saint-Étienne,04 77 46 13 78

Quand parents et enfantséchangent sur la pratique deFacebook, à Échirolles (38)

À la demande de parents inquietsau sujet des pratiques de leursenfants sur Internet et les réseauxsociaux, le centre social des Essartsà Échirolles a organisé trois ateliersde médiation numérique avec lePoint Cyb, EPN du BureauInformation Jeunesse pour les11/14 ans et leurs parents. L'animateur multimédia a, dansun premier temps, établi un étatdes lieux de leurs pratiquesnumériques et leur a donné desinformations, des points de vigi-lance et des conseils de bonnespratiques. Il s'est ensuite agi, lorsd'un deuxième atelier qui a réunihuit parents, de dédramatiserl'usage que faisaient leurs enfantsd'Internet et de Facebook en lesfamiliarisant avec l'outil et enéchangeant sur leurs appréhensions.Enfin, un dernier temps collectif arassemblé parents et enfants pourpartager les points de vue, mutua-liser les connaissances et établirune meilleure communicationentre eux sur le sujet. Deux supports ont par la suite étédistribués aux familles - l'un surla recherche sur Internet, l'autresur Facebook - et des jeunes sontrevenus ultérieurement poser desquestions à l'animateur. Ces ateliers ont permis à chacunde mieux connaître les outils dunumérique, d'en maîtriser l'usage,d'en connaître le potentiel et leslimites mais aussi de créer du dialogue entre générations. ••• Contact: Bureau de l'Information

et de l'Initiative Jeunesse, [email protected] 76 22 48 12

Le Café-Cyber, outil du projet éducatif local deSaint-Just-Saint-Rambert (42)

Dans le cadre de la commission“Ados-Jeunes” du projet éducatiflocal de Saint-Just-Saint-Rambert,un projet d'éducation au numéri-que pour les collégiens a été misen place: le Café-Cyber. Une fois par semaine pendant lapause méridienne, au sein dufoyer du collège Anne Franck,deux animateurs jeunesse de laville et de la MJC proposent auxélèves des temps d'échanges surleurs pratiques numériques via dessupports pédagogiques ludiques(sondage, revue de presse, jeux derôles, quizz…). La souplesse del'accueil et le cadre du foyer favo-risent la convivialité et permettentà chacun de passer quand bon luisemble et prendre part au débatsans engagement préalable.Il s'agit d'amener les jeunes àdévelopper un regard critique surleurs usages d'Internet et à porterune réflexion sur leur identiténumérique. Différentes thématiquessont mises en discussion: la messa-gerie instantanée, le téléchargement,les logiciels et licences libres, la miseen ligne de vidéos ou encore lesréseaux sociaux. Ce format d'atelier a l'avantage decréer du lien entre les établissementsscolaires et les structures jeunessedes villes partenaires. Peu à peu,grâce au soutien du conseil généralde la Loire, l'initiative est essaiméedans d'autres collèges du dépar-tement.••• Contact: Espace Ressources,

Maison des associations, 04 77 52 70 33

Page 7: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

Ce qui se dégage des débats

• Le territoire numérique est un espaceinconnu anxiogène

Les adultes peuvent être très éloignés ou dépasséspar les technologies de l'information, et la culturenumérique peut participer à creuser des écarts entreles générations voire provoquer des conflits dans lesfamilles. Les parents, ne comprenant ou ne maîtrisantpas toujours l'usage que leurs enfants font d'Internet,y devinent des dangers de toute sorte. Pour l'heureet de manière générale, la sphère éducative, que cesoit dans l'Éducation nationale ou dans l'éducationpopulaire, appréhende la question du numérique encentrant ses initiatives sur la prévention des risques,avérés ou supposés. Internet est envisagé de manièreanxiogène, limité à ses aspects les plus néfastes (parfoisfantasmés), loin de la plus-value qu'il est possibled'en tirer pour le système éducatif et la pédagogie.

• La formation et l'acculturation sont despréalables indispensables

Comment créer les conditions d'un développementintelligent de la culture numérique dans l'Éducationnationale et dans la société? Il faut continuer àencourager les innovations en direction du numérique.La révolution numérique qui s'opère nous imposed'accompagner au mieux les jeunes dans leur éducationaux TIC et cela passe par la formation des équipespédagogiques et des animateurs autant que parl'équipement en matériel adapté, que ce soit dans lesétablissements scolaires ou les structures de jeunesse.

• Le numérique est un outil d'éducation, au“service de”

L'espace numérique en général et les réseaux sociauxen particulier sont des outils supplémentaires quipermettent ou facilitent la rencontre, l'échange, latransmission d'information. Au-delà de leur technicité,ils peuvent être des outils au service de la coopération,de l'apprentissage de la citoyenneté et de l'esprit critique.

Clefs opérationnelles

Travailler sur les représentations des outils etdes pratiques numériques pour faire émergerleurs plus-values et en déconstruire leur portée anxiogène, notamment pour lesparents mais aussi pour les professionnels du champ éducatif (Éducation nationale etéducation populaire).

Prendre en compte les pratiques des jeunesen leur proposant des temps d'échanges pourpercevoir le rôle et la place des outils numériques dans le temps de l'adolescence.

S'appuyer sur les commissions, les groupes de travail existants (PEL...) pour impulser,avec les enseignants, la prise en compte disciplinaire du numérique mais égalementenvisager l'utilisation des réseaux sociauxcomme un outil complémentaire pour tousles professionnels du champ éducatif.

Envisager l'évaluation des initiatives commeun moyen de les légitimer.

Former dans la perspective d'une culturenumérique commune.

4

2

3

1

LES ÉCHOS...DES JOURNÉES DU CR•DSU N°11

JUIN 2013

7

• Ce qui angoisse les parents, c'estla méconnaissance des réseauxsociaux numériques. Avec des ateliers comme ceux proposés aucentre social, on peut dire, en tantque parents ce que l'on ressent etça, c'est fondamental.

• Avant, quand la société étaitmoins cloisonnée, on se croisaitsur la place du village et on croisait l'instituteur au marché,

avec sa femme par exemple. Oncôtoyait les sphères privées desuns et des autres sans que ça nepose de problème de déontologie.Sur Facebook, finalement, c'est àpeu près pareil.

• Les limites dans les réseauxsociaux sont nos connaissances enmatière de droit : droit à l'image,propriété intellectuelle, droit dediffusion, censure, discrimination,

liberté d'expression (qu'est-cequ'un logiciel libre?). Il y a beaucoup d'idées reçues, de rumeurs sans qu'on sache finalement rien de précis.

• Pour les élèves, la présence surInternet au Café-Cyber c'est aussiun moment dans le temps de viepassée au collège, c'est un tempsde collège.

Réactions des participants

5

Page 8: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

8

Le numérique au service de l'insertion

La valorisation des actions conduites par les publics en insertion participe pleinement du processus d'insertionsociale. En quoi le numérique peut-il être un atout pour favoriser l'insertion sociale des publics éloignés del'emploi? Quelles initiatives peuvent être prises en ce sens? Avec le développement de l'e-administration, l'accès aux droits s'est complexifié. Comment, à l'heure de la mise en ligne des services publics, garantir l'accèsaux droits?

Expériences présentées

Accompagner l'usage dunumérique pour les demandeursd'emploi, à Grigny (69)

Que ce soit pour consulter lesoffres d'emploi, pour créer et rendre visible son curriculum vitae,pour organiser son déplacement à un entretien d'embauche ouencore pour accéder à son dossieradministratif de Pôle emploi, lacompréhension et l'appropriation desoutils numériques sont aujourd'huiprimordiales. Partant de ce constat, la m@isonde Grigny travaille depuis 2007 àaccompagner les personnes enrecherche d'emploi dans leur usagede l'outil informatique et d'Internet. Ce projet s'organise autour d'atelierscollectifs conçus pour donner lescompétences numériques de baseaux demandeurs d'emploi, ainsique les clés de compréhensionafin qu'ils deviennent autonomessur tous les espaces proposés par les services publics et qu'ils puissentainsi accéder à leurs droits les plusfondamentaux et exercer “ leurcitoyenneté”. Accompagnés d'unanimateur, ceux-ci sont amenés àprendre en main un ordinateur, àappréhender la navigation pouraccéder aux sites de recherched'emploi ou de formation, à utiliserun téléphone portable, une boîtemail et à acquérir les bases dutraitement de texte nécessairespour réaliser et mettre à jour sonCV. Un accueil libre, permettant auxusagers de la m@ison d'accéder àdes ordinateurs connectés et decontinuer leurs démarches, complètecet accompagnement collectif. Le nombre de participants à cetatelier est passé d'une dizaine en2007 à 54 en 2012. ••• Contact: http://maison-tic.org

Mobiliser les bénéficiaires duRSA autour du numérique, àBourg-en-Bresse (01)

Dans le cadre des activités du centresocial de la Reyssouze (Bourg-en-Bresse), l'association Aucrey initieles bénéficiaires du RSA aux compétences informatiques de baseindispensables à leur insertionprofessionnelle. Partant du constat que nombred'entre eux ne peuvent mettre àprofit les compétences acquisespendant leur formation fauted'équipement informatique per-sonnel, le conseil général de l'Aina inclus dans le programmedépartemental d'insertion un projet de partenariat public-privépermettant l'équipement enmatériel. Ce projet à dimensiondépartementale est mené en lienavec l'entreprise d'insertion Micronov(qui reconditionne et fournit leséquipements aux bénéficiaires du RSA, en employant elle-mêmedes personnes en insertion) etd'autres acteurs publics et privés(pour la participation financière,la mise à disposition de matérielinformatique…). Ce projet a eu de réels impacts entermes d'emploi et de formation(sortie positive en contrat aidé, enCDI, en formation qualifiante…).En 2012, ce sont 34 bénéficiairesdu RSA qui ont pu être formés etéquipés à bas prix. Le projet ambitionne de toucherplus largement toute personne en difficulté, qu'elle soit bénéficiairedu RSA ou non. ••• Contacts: www.ain.fr

et www.micronov.com

Blog et espace multimédiaitinérant, vecteurs d'insertionsociale, à Bourg-lès-Valence (26)

Utiliser les outils numériques pourfaciliter la participation des habi-tants à la vie de leur quartier etvaloriser leur parole et leurs actions,tels sont les objectifs du projet dela ville de Bourg-lès-Valence.Considérant le numérique commeun vrai outil en faveur de l'insertionsociale des habitants, le servicepolitique de la ville s'est doté detrois supports complémentaires:

• L'espace multimédia itinérant 1

permet aux habitants de découvriret d'accéder à l'informatique et àInternet au plus près de chez eux.Chaque semaine, des ordinateursportables connectés sont mis àdisposition des habitants dans deslieux de proximité (MJC, MPT,centre social…). Un médiateurmultimédia installe les postesinformatiques et accompagne leshabitants dans l'appropriation deces outils. Cette action, présente surcinq quartiers en politique de la ville,touche un public âgé de 6 à 79 ans,au profil socio-économique varié.• Un blog 2 rend compte des projetsréalisés par les jeunes en difficultésociale ou en décrochage scolairesuivis par la prévention spécialisée.Il constitue un moyen d'expressionet de valorisation de leurs actions. • Le site www.regardsbourcains.frconsigne l'ensemble des actionsdu service de la politique de laville et donne des informations surles manifestations et événementsdu quartier. Ces outils numériques apparaissentcomme de nouveaux lieux departage qui favorisent les échanges,suscitent et valorisent les projetset les habitants des quartiers.1 http://regardsbourcains.fr/index.php

?page=espace-multimedia-itinerant2 http://preventionblv.over-blog.com

Page 9: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

LES ÉCHOS...DES JOURNÉES DU CR•DSU N°11

JUIN 2013

9

Réactions des participants

• Arrêtons d'avoir des projets “trop numériques!”

• Accompagner ce n'est pas faire “à la place de”, c'est donner lesmoyens d'aller vers l'autonomie.

• Être animatrice multimédia, c'estun jeu d'équilibriste.

• Ça ne suffit pas d'acheter desordinateurs, il ne faut pas oublierles personnes.

• Financer un équipement, on saitfaire. Mais on n'arrive pas à financer de l'humain.

• Médiathèque et espace publicnumérique ont des approches complémentaires de l'accompagnement.

• La question du numérique renvoieaussi à celle de la mobilité: il faut àla fois être capable d'aller à l'espacepublic numérique et de maîtriser saclef USB.

• Attention à ne pas développer le numérique en pensant que cela va tout résoudre si on ne l'accompagne pas.

• Développer un portail citoyen:rapprochement ou exclusion?

Ce qui se dégage des débats

• Comment convaincre les décideurs locaux?

Les professionnels sont convaincus que l'accompa-gnement du numérique est un vrai levier à l'insertionsociale et professionnelle des habitants des quartiers.Seulement, convaincre les décideurs locaux de la pertinence de l'outil numérique au service du développement social est, de l'avis de nombre departicipants, difficile. Faire la démonstration parl'exemple et l'expérimentation auprès des décideurslocaux que ce type d'initiatives n'est ni superflu, nianecdotique est un des challenges soulevé pendantla séance.

• De l'importance de la validation des compétences acquises par les habitants

Quel que soit le support utilisé (diplôme, note, livrephoto...), la validation des compétences numériquesest clairement ressortie des débats. Il est important devaloriser les connaissances acquises et l'investissementdes personnes dans les projets. De l'avis des participants,le numérique est un outil de valorisation des actionsdes habitants et participe à renforcer leur estime desoi. Il est en ce sens un formidable vecteur d'insertionsociale.

• Quand les professionnels s'interrogent surleurs propres pratiques

La question de la formation des professionnels del'insertion pour répondre au mieux aux besoins d'accompagnement des publics a été soulignéecomme l'un des enjeux de réussite d'un projet.Connaître et faire connaître les structures du territoirequi accompagnent les usages du numérique (média-thèque, bibliothèque, espace public numérique, missionlocale…) et comprendre leur complémentarité estaussi un enjeu soulevé par les participants.

Clefs opérationnelles

Repérer les acteurs, les partenaires ressourcesdu territoire, identifier l'existant, ce qui estpossible sur le terrain avant de se lancer “têtebaissée” et enfin mutualiser les compétenceset les moyens.

Valoriser la finalité du projet, c'est-à-dire l'insertion sociale et professionnelle des habitants plutôt que mettre en avant le projetnumérique.

Définir le cadre et le contenu de l'action desprofessionnels et faire le lien entre accompa-gnement aux usages numériques individuelset collectifs.

Construire le projet en partant du besoin despublics et utiliser des lieux relais pour permettrela mise en réseau des habitants et l'échangede compétences.

Expérimenter des projets et valoriser la paroledes bénéficiaires pour sensibiliser les décideurslocaux et pérenniser les moyens financiers.

4

2

3

1

5

Page 10: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

10

L’ émergence des technologies numériques est venue renforcer et démultiplier les possibilités d'interactivitédéjà potentiellement offertes par d'autres médias. Des projets ont vu le jour qui modifient les modalités de laprise d'expression et touchent un plus grand nombre de personnes. Comment les outils numériques peuvent-ilsfaciliter l'échange et la participation habitante dans les quartiers? Au-delà, comment peuvent-ils renouveleret ouvrir le cadre de la participation citoyenne?

Expériences présentées

Paroles de quartier: un studionumérique mobile dans deuxquartiers de Villeurbanne (69)

Parce qu'agir en citoyen nécessited'être conscient de l'environnementqui nous entoure, la MJC deVilleurbanne a mis en place le projet“Parole de quartier” pour éduquerles jeunes aux pratiques numériques.De mai à septembre 2012, ce sontau total 50 jeunes de 8 à 15 ansqui se sont regroupés, épaulés parAADN1, pour créer un court-métragesous la forme d'un récit en arbo-rescence, mis en ligne sur un siteInternet avec une présentationinteractive. Chaque semaine, il étaitproposé aux jeunes de se retrouverdeux heures durant sur un lieu detournage différent, dans les quartiersDamidot et Monod, pour imaginerpuis filmer les scènes grâce à unatelier multimédia mobile.Dans les jours qui suivaient letournage, les vidéos étaient misessur le site Internet dédié au projet 2.Si la participation des jeunes a étéirrégulière, ils se sont tous retrouvésau moment de la restitution finale.Ainsi, l'ensemble des participants,accompagnés d'habitants des quar-tiers, ont déambulé d'immeubleen immeuble pour visionner lesscènes là où elles avaient ététournées, par le biais de QR codesintégrés dans l'espace urbain. Ce projet collectif a permis auxjeunes de prendre du recul sur lesoutils numériques et les impacts desmessages délivrés, de développerleur capacité d'expression via lenumérique, à partir de l'écriturede la narration de la fiction. Cetteexpérience a également été l'occasionpour AADN de tester une nouvelleméthodologie de projet, que l'association compte réinvestirdans de futurs projets numériquesà destination des habitants desquartiers.

1 Association de développement desarts et des cultures numériques

2 http://docufictionvilleurbanne.olympe.in

Faire émerger la parolecitoyenne, à Fontaine (38)

À l'origine, l'objectif du projet de documentaire radiophonique était d'accompagner les habitantset acteurs du quartier Bastille auxmutations urbaines et autres bouleversements qui découlent dela mise en œuvre du projet derenouvellement urbain (PRU).Depuis 2007 et jusqu'à l'achèvementdu PRU, l'association Dyade Art etDéveloppement va à la rencontredes habitants, recueille leurstémoignages, les diffuse via le siteInternet dédié au projet 1 et lescompile sur CD. Des extraits d'entretiens ont même fait l'objetd'un “livre mémoire”. La démarchen'est pas toujours évidente pourdes personnes non habituées às'exprimer publiquement. Il a fallucréer une relation de confiance etadopter une posture adéquate.Les personnes rencontrées parlentdu sujet de leur choix (places destationnement, emménagementdans les logements neufs, gestiondes encombrants, rôle du centresocial, dynamique commerciale de la place…), sur le ton qui leurconvient, ce qui donne destémoignages très hétéroclites :anecdotes, humour, sérieux, indignations, interpellations… Le contenu est ensuite écoutéavec attention par les techniciensmunicipaux ainsi que par les élus,qui voient dans cet outil unmoyen de prendre connaissancedes attentes de leurs administréspour ensuite leur apporter desréponses adaptées. En privilégiantune approche individualisée, cette“web antenne” constitue unexcellent outil de médiation et decommunication; elle inspire éga-lement aux techniciens des atelierscollectifs sur des thématiquesdiverses touchant au projet urbain.

1 http://lavoixdesgens.fr

Facebook: un canal d'expression supplémentairepour les locataires de Haute-Savoie Habitat (74)

Souhaitant avoir une communicationau plus proche de ses locataires,Haute-Savoie Habitat (office publicde l'habitat de la Haute-Savoie) acréé une page Facebook en 2011,en complément de son siteInternet nouvellement refondu. Pensée comme un outil de communication institutionnelle - avec la règle de publier au moinsune information par jour - cettepage est rapidement devenue lecanal d'expression favori de locatairesqui jusqu'alors n'entraient pas encontact avec le bailleur (par télé-phone, courrier, mail ou de visu).Cet outil leur convient mieux dansla mesure où l'usage du réseausocial fait désormais partie deleurs pratiques quotidiennes, queson mode de fonctionnement neles oblige pas à se conformer aulangage institutionnel et qu'ilpermet, éventuellement, de garderl'anonymat. Les messages laisséspar les locataires portent aussibien sur le logement, l'immeuble,que la vie dans le quartier et ils nesont pas exclusivement, commecertains l'avaient redouté, desplaintes ou des réclamations.Parfois même des débats se créententre internautes.Avec plus de 550 personnes qui“ suivent” ainsi Haute-SavoieHabitat et plus de 2000 visiteursréguliers, cette initiative est unsuccès. S'inscrire de cette manièresur le plus connu des réseauxsociaux a permis au bailleur degagner en visibilité et d'améliorerson image auprès des locataires, etce à moindre coût: le lancementde la page n'a pas mobilisé demoyen particulier et sa gestionn'a que peu d'incidence sur letemps de travail des six salariésdésignés comme administrateurs.

Aller vers et recueillir la parole des habitants via le numérique

Page 11: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

LES ÉCHOS...DES JOURNÉES DU CR•DSU N°11

JUIN 2013

11

Réactions des participants

Ce qui se dégage des débats

• Les TIC apportent des bénéfices à ladémocratie participative

Les bénéfices sont de différents ordres: hyper proximité,meilleure attractivité, capacité à s'exprimer sans posséder les codes traditionnels de la démocratieparticipative, plus grande accessibilité aux débatspublics.

• Les TIC sont aussi porteurs d'interrogation

Avec la montée en puissance du numérique commemoyen de participation, quelle évolution, quelle placepour les instances traditionnelles de démocratie participative, comme les comités de quartier? Sont-elles condamnées? Il semblerait que cela ne soit passouhaitable mais il est évident qu'elles devronts'adapter. L'avantage de ces instances est leur caractèrecollectif. Les TIC favorisent la participation individuelle.Or les actions individuelles ne font sens que si ellesrenvoient et consolident des démarches collectives.Les TIC ne doivent pas remplacer les collectifshumains mais redonner de la dynamique.

• La formation aux TIC

La citoyenneté par le numérique interroge le niveaude pratique des professionnels (et des bénévoles).Parfois il y a un décalage entre le niveau de pratiquede ces derniers et celui des habitants. D'où l'impor-tance de la formation.

• Les TIC posent des questions d'éthique

Il paraît important de prendre en considération lesquestions d'éthique, tant au niveau de l'administration(gestion de la relation transparente à l'usager, contrôleet autocontrôle, anonymat) que de la citoyenneténumérique (logiciels libres, consommation responsable,connaissance des enjeux économiques du web…).

Clefs opérationnelles

Bien définir les attentes des différents partenaires(donneur d'ordre, maître d'ouvrage, facilitateur,citoyen…) afin d'éviter les distorsions et lesfrustrations. Toutefois, savoir laisser la place àl'imprévu et laisser évoluer le projet sans apriori. Il faut apprendre à travailler avec lescodes des autres.

Vérifier l'existence de garde-fous: le numériquepeut être un accélérateur de citoyenneté maisn'invente rien. Certains pré-requis sont indis-pensables: existence préalable de réseauxhabitués à travailler ensemble, accompagnementaux pratiques de démocratie participative et àla prise de parole, existence ou création d'uneinstance de partage, connaissance et pratiquenumérique “responsable”.

Veiller à ce que les habitants, mais aussi lesprofessionnels, possèdent les compétencesnécessaires pour participer au projet: techniqueset technologiques, expression orale, compétencessociales (partager, comprendre les autres…), etconnaissance de la méthode projet.

S'assurer que le processus soit ouvert, et nonpyramidal. On retrouve ici les notions de co-construction, de friche (faire confianceaux utilisateurs plutôt qu'aux donneurs d'ordre trop souvent coupés des réalités), deprojet créatif avec différents publics qui“font” et ne sont pas “ juste associés”.

Être conscient des temps longs nécessaires àla vie d'un projet de citoyenneté numérique:apprentissage des outils, projet forcément itératif, décodage culturel.

• Que mettons-nous collectivement sous le terme de citoyenneté?

• Ceux qui ne s'exprimentjamais dans l'espace public le font davantage avec l'outilnumérique.

• L'éducation populaire est en retard sur l'usage du numérique. Elle doit d'adapter.

• Il y a une frontière ténueentre participation et communication politique. Latentation de la communicationpolitique n'est jamais loin.

• Il ne faut pas que les outilsnumériques remplacent nos dispositifs de participationactuels ! Il faut jouer sur le concept de “réalité augmentée”!

4

2

3

1

5

Page 12: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

12

R etour en images sur la journée: les photos prises par l'équipe du CR•DSU rendent compte de l'atmosphèredes séances et espaces de travail et les dessins croqués sur le vif par Éric Grelet illustrent à leur manière lesdébats autour des enjeux du numérique dans les quartiers.

Les TIC en images

Page 13: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

LES ÉCHOS...DES JOURNÉES DU CR•DSU N°11

JUIN 2013

13

Page 14: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

14

Points de convergence et questions en suspens

Pour aller plus loin

À l'issue de cette journée, largement adossée à des présentations d'expériences et des échanges de pratiquesentre professionnels du numérique et de la politique de la ville, Margot Beauchamps, doctorante en géographieà l'université Paris 1, a tenté un exercice de synthèse au cours duquel elle a identifié les points de convergenceentre les trois ateliers, mais aussi les questions en suspens.

Parmi les points de convergence, il convient de retenirl'idée qu'il est nécessaire d'identifier, au sein d'unterritoire, les partenaires et les ressources existantes(lieux, matériels…) dans les différents champs (insertion,accès aux droits, éducation, prévention, aide à la prisede parole citoyenne). Ce premier travail est nécessairepour favoriser les rencontres: s'appuyer sur l'existant etfavoriser les croisements entre les différents champspermettent d'éviter que le numérique ne devienneune fin en soi et de s'assurer qu'il soit au serviced'un objectif d'insertion sociale plus global que la“ lutte contre la fracture numérique”.

La formation des professionnelsIl y a ensuite la nécessité de former les professionnelsde l'éducation (professeurs, éducateurs spécialisés,animateurs, bénévoles des centres sociaux, etc.), etles travailleurs sociaux. Le terme même de formationnécessite d'être repensé pour qu'il ne se réduise pas àdes moments d'apprentissage délimités dans le tempset dans le contenu (apprentissage d'une application,d'un logiciel), mais pour qu'il s'oriente vers de nouvellesformes d'apprentissage permanent, de pair à pair.D'une part, parce que des formations institutionnaliséesne pourront pas être généralisées dans le contexte decrise de financement des collectivités. D'autre part,un apprentissage plus souple, moins institutionnalisé,basé sur l'ouverture et le partage des outils pédago-giques, répond mieux au besoin d'une transmissionde la culture numérique par dissémination à l'ensemblede la population. Pour ce faire, les tiers lieux et lescafés numériques associatifs qui naissent un peupartout sur le territoire répondent au besoin d'avoirdes lieux-ressources identifiés. Mais ils ne suffisentpas car tout le monde ne s'y rend pas spontanément.

D'où l'importance, également identifiée dans les troisateliers de cette journée, de “l'aller vers”. Aller vers lespublics les plus éloignés des outils numériques, maisaussi de la prise de parole publique et médiatique.Aller en pied d'immeuble, dans les logements, toujoursen s'appuyant sur les ressources existantes dans lesquartiers, les liens de confiance noués dans la durée.L'“aller vers” renvoie aussi à la nécessité deconstruire des passerelles entre des mondes qui seméconnaissent: celui des technophiles et celui desprofessionnels de l'éducation et de l'insertion.

Il est important de trouver un langage commun à cesmondes différents pour construire ces passerelles etréaliser les croisements et partenariats attendus. Orconstruire ces passerelles nécessite du temps, desoccasions de rencontres. Une journée comme celled'Aix-les-Bains est un moment qui s'inscrit danscette volonté de réaliser des croisements. Néanmoinson peut aussi acter la nécessité de dégager du tempsde travail pour réaliser ces rencontres afin d'inciteraux partenariats.

L'accompagnement au changementPour conclure, une question reste en suspens et révèledes différences d'approche dans le champ de lamédiation numérique: jusqu'où aller dans l'accultu-ration au numérique de la population sans risquer deformuler une injonction à la maîtrise des usages dunumérique? Les résistances à la généralisation desusages numériques peuvent être fortes, et souvent àjuste titre quand on voit certains services s'effacerderrière un unique mode de mise en relation passantpar Internet. Les réticences peuvent être égalementliées à la transformation profonde des modes de travailavec l'irruption du numérique dans le travail social.Comment accompagner au changement sans passerpar l'injonction?

Une manière de conjurer cette tension est peut-être degarantir en permanence une approche où l'on s'adosseau numérique pour mener des projets individuels oucollectifs (d'insertion, d'éducation, de citoyenneté)sans que l'outil numérique ne devienne l'horizonunique (ou même principal) des actions de médiation.L'expression de “médiation numérique” renvoie justement à cette vision d'un travail de constructionde passerelles au sein duquel le numérique est auservice d'objectifs sociaux plus transversaux que ladiffusion du numérique.

Page 15: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

LES ÉCHOS...DES JOURNÉES DU CR•DSU

15

Vidéosen ligne sur www.crdsu.org, rubrique “Vidéos”

Une vidéo produite et diffusée dans le cadre de la journée régionale du 14 décembre 2012:“Présentation de 3 projets utilisant le numérique comme ressource dudéveloppement social et urbain”Les 3 projets :• “Mobiliser les bénéficiaires du RSAautour du numérique", Micronov àBourg-en-Bresse• “Le Café-Cyber, outil du projet éducatif local", Zoomacom à St-Just-St-Rambert• “Paroles de quartier : un studionumérique mobile dans deux quartiers", AADN à Villeurbanne

2 vidéos produites dans le cadre descahiers du Développement SocialUrbain:• “Lutter contre la fracture sociale suppose aussi de lutter contre la fracture numérique"Dès 2002, René Balme, maire de Grigny(69), a impulsé la création d’un lieuressource tourné vers les usages del’Internet: la m@ison de Grigny. Ce projet a pris corps dans le cadre dela communauté de communes RhôneSud, avec comme point de départ uneconviction: sans action forte pour sensibiliser les habitants aux usages de l’Internet et du multimédia, la collectivité constaterait rapidement une nouvelle fracture sociale.Retour sur l’histoire d’un projet exemplaire qui a fêté ses 10 ans en 2012.

• “Café causette". Paroles de parents sur les pratiquesnumériques de leurs enfantsQuel regard les parents portent-ils surles usages numériques de leurs enfants?C’est autour de cette question que leCR•DSU a invité des participantes duCafé causette du centre social situédans la zone urbaine sensible du VallonJayon de Grigny (69) à échanger. Nazli, Hatice, Fatima et Linda, touteshabitantes du quartier, reviennent icisur les pratiques numériques de leursenfants et s’interrogent sur leur placedans l’encadrement de ces usages.

Publications du CR•DSU

“Accompagner les usages du numérique dans les quartiers : un nouveau challenge !”Les cahiers du Développement SocialUrbain n°55 - Premier semestre 2012

Ce numéro se propose d’examiner dequelles manières les Technologies del'information communication (TIC) peuvent répondre aux enjeux de développement social urbain.Le sujet n’est pas abordé sous l’angledes techniques, même si les TIC sont prises au sens large (ordinateur,Internet, produits multimédia, télécommunications mobiles, photos etvidéos numériques, centres numériques,services publics, associatifs et commerciaux en ligne…), mais l’entréeest celle des usages, les outils servant à illustrer les usages.Ce numéro s’appuie sur les apportsd’analyse et d’expérience et a pourobjectifs de sensibiliser les acteurs de la politique de la ville à un sujet peutraité, notamment dans les démarchesde développement social urbain, maisqui comporte de forts enjeux à la foisdémocratiques, économiques etsociaux; de donner à voir des expériences en Rhône-Alpes et montrerla valeur ajoutée des actions menéespour développer et accompagner lesusages du numérique ; de susciter laréflexion des acteurs de la politique de la ville sur leurs propres pratiquesvis-à-vis des TIC ; et proposer des pistes de réflexion et d’action possiblespour l’avenir.

Synthèse et émission de radio sur lajournée d’échanges “Se construireavec les TIC", qui a eu lieu le 12 mai2011Cette séance a eu lieu dans le cadred’un atelier permanent d'échanges intitulé: “Adolescents et jeunes desquartiers: construction de soi, rapport àl'autre. Clés de lecture et initiatives".• La synthèse de la journée dansLes Échos des ateliers permanents duCR•DSU n°8, décembre 2011, p. 4-7• Émission de radio CAPSAO :Interview des intervenants, Cédric Fluckiger, maître de conférenceà Lille 3, Christian Combier, de laM@ison de Grigny, Pauline Reboul, deFréquence Écoles, ainsi que FrédériqueBourgeois, directrice adjointe duCR•DSU. Réaction de la salle et extrait d'intervention de Bernard Bier,consultant.www.crdsu.org/c__8_22__Les_programmes_et_syntheses_des_rencontres_passees.html

Autres ressources

Accéder à la bibliographie interactivedes cahiers du Développement SocialUrbain n°55, 1er semestre 2012, à l’aide du flashcode ci-dessous :

R essources

N°11JUIN 2013

Page 16: Les Echos 11 - Labo Cités · 2017. 11. 9. · n°88, 2011, p. 67-74. 1 Distinction faite par Gérard Valenduc dans Internet et inégalités: une radiographie de la fracture numérique,

L E S É C H O S . . .DES JOURNÉES DU CR•DSU

Document réalisé par le CR•DSU

Le Centre de Ressources et d’échanges pour le Développement Social etUrbain Rhône-Alpes s’adresse aux acteurs dont les projets s’inscrivent dansun objectif de cohésion sociale sur un territoire: professionnels des collectivités locales, élus locaux, partenaires institutionnels, associations,chercheurs...Son action: diffusion d’informations et de connaissances sous diversesformes, mise en réseau des acteurs, qualification collective, capitalisationd’expériences, soutien à certaines démarches locales...

N°11JUIN 2013

4 rue de Narvik - BP 8054 - 69351 Lyon cedex 08Tél : 04 78 77 01 43 - Fax: 04 78 77 51 79 - [email protected] - www.crdsu.org

CENTRE DE RESSOURCES ET D’ÉCHANGES POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN RHÔNE-ALPES

Directeur de publication: Louis LEVÊQUE, Président du CR•DSU

Directrice de la rédaction: Isabelle CHENEVEZ, CR•DSU

Rédaction: Margot BEAUCHAMPS, Université Paris 1Frédérique BOURGEOIS, CR•DSUMarion POLLIER, CR•DSUMarion SESSIECQ, CR•DSUPerrine TAULEIGNE, CR•DSU

Bibliographie: Muriel SALORT-CARAYON, CR•DSU

Conception graphique: Muriel SALORT-CARAYON, CR•DSU

Impression: Graphiscann - 32 avenue Karl Marx -69120 Vaulx-en-Velin

Crédits photos:© CR•DSU: pages 1, 4 et 12© MJC Aragon de Bron, Cyber-base: pages 1 et 6© MJC Aragon de Bron, Cyber-base: pages 1 et 8© http://lavoixdesgens.fr: pages 1 et 10© Dessins : Éric Grelet: pages 4, 12 et 13

Dépôt légal : à parutionISSN 1960-2340 (titre précédent)