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A l’origine, société de services en ingénierie, l’entreprise toulousaine Sogeclair (une dizaine d’implantations en France) a étoffé sa palette d’activités au fil des années, avec une offre de produits dans la simulation et la réalité virtuelle. Ses clients : l’aéronautique, le spatial, la défense, le ferroviaire, l’automobile. Philippe Robardey a repris il y a quinze ans les rênes de l’entreprise créée par sa mère en 1986. Habitué des croissances annuelles à deux chif- fres, le groupe a depuis rejoint le cercle fermé des ETI françaises avec un millier de salariés et 104 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013. Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Benelux, Tunisie, Canada. « Plus d’un tiers de notre activité et de notre effectif est à l’international », souligne Philippe Robardey. La crise ? Sogeclair l’a mise à profit pour consolider sa croissance, sécuriser ses financements, réduire son endettement, dans une logique continue d’indépendance financière. Coté en Bourse depuis 1998, le groupe est encore majo- ritairement dans les mains de la famille (67 % du capital), qui revendique une belle rentabilité de 11 % en 2013. Contre le « harcèlement réglementaire » Pour autant, le président du Medef toulousain ne décolère pas, notamment contre la dernière loi de Finances. « Il faut être capable de se structurer pour aller à l’international, c’est un parcours compliqué, or le Parlement a supprimé la possibilité qu’avaient les entreprises de déduire de leur bénéfice imposable en France les pertes de leurs filiales. Il a changé les règles en cours de jeu et réduit notre capacité à investir. Une loi votée en décembre remet en cause le résultat de douze mois d’activité. C’est insupportable et très démotivant. » Lors de la venue du président de la République à Toulouse en janvier dernier, Philippe Robardey qui se félicite d’avoir créé 120 emplois nets en France entre juin 2012 et janvier 2014 ne cache pas avoir eu des choses plutôt désagréables à dire au chef de l’Etat. « Sur la complexité de l’environnement des entreprises en France, sur le harcèlement réglementaire et fiscal dont elles font l’objet. » A bon entendeur… — G. L. grâce, pour un tiers d’entre elles, à des implantations en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. « Les dirigeants d’entreprise de croissanceportentlacompétitivité delaFrance.Lesaideràsedévelop- per,innovertoujoursplus,conqué- rir de nouveaux marchés et créer encoreplusd’emploisdoitêtreune prioritépourtous »,affirmeAlain Pons, président de la direction générale de Deloitte en France. RestequecesanciennesPMEpei- nent à grandir, souvent par man- que de fonds propres : la grosse majorité d’entre elles ont moins de 350 salariés et leur développe- ment basé sur l’autofinancement et le crédit bancaire (faute d’ouvrir leur capital) risque de souffrir des nouvelles normes prudentielles qui s’imposent aux établissements financiers. Inquiétude En outre, ces entreprises fragili- séesparlacriseenvisagentdésor- mais l’avenir avec inquiétude : en février 2013, 23 % d’entre elles déploraient une baisse de leur activité (sondage OpinionWay pour KPMG) et 17 % prévoyaient deréduireleurseffectifs.Mêmesi le nombre de défaillances d’ETI a diminué en 2013 (– 4,9 %), selon les derniers chiffres publiés par Coface, quand la tendance géné- rale est au contraire à la hausse (+ 4,3 %), cette catégorie d’entre- prises avait payé un lourd tribut l’année précédente avec 45 failli- tes, un chiffre équivalent à celui enregistréen2009auplusfortde la crise. En 2013, le coût social et financier reste lourd. Enfin, ces entreprises de taille intermé- diaire, sur lesquelles notre société en panne de croissance fonde tous ses espoirs, se disent pénalisées face à leurs concur- rentes par les règles du jeu à la française. Fiscalité, charges sociales, contraintes juridiques, elles veulent tout remettre à plat. « Les ETI, familiales en particu- lier, doivent être préservées face à un environnement réglementaire et fiscal toujours plus contrai- gnant »,avertitJean-PierreLetar- tre, président d’EY en France. « L’accroissement des prélève- ments obligatoires, particulière- ment après le retournement de conjoncturede2008,acontribuéà réduire les capacités d’investisse- ments des entreprises », ajoute Jacky Lintignat, directeur géné- ral de KPMG France. « Les ETI sortent fragilisées par dix années de hausse continue des prélève- ment, avertit Elizabeth Ducottet, coprésidente d’Asmep-ETI. Ilya urgence à stopper cette dynami- que, car le tissu industriel et l’emploi de nos régions sont aujourd’hui menacés. » Georges Lucien tants et de fournisseurs, chaque emploi dans une ETI générant, selon leur syndicat Asmep-ETI, 3,5 emplois indirects en moyenne. Résilientes à la crise, 70 % d’entre elles ont augmenté leurs effectifs au cours des cinq dernières années, privilégiant l’emploi sur la distribution des dividendes, affirme l’Asmep-ETI. De fait, les ETI représentent 23 % de l’emploi salarié en France (33 % de l’emploi industriel) et ont créé près de 80.000 emplois de 2009 à 2013 quand les grands groupes en supprimaient près de 50.000. Elles assurent 23 % des investissements, constituent le gros des troupes des entreprises cotées et surtout le bras armé de la France à l’international avec 34 % du total des exportations, L es ETI – entreprises de taille intermédiaire devraient être le Graal de la stratégie de relance du gouver- nement. Ces entreprises définies par leur nombre de salariés (entre250et5.000)etleurchiffre d’affaires annuel (moins de 1,5 milliard d’euros) sont à la fois créatrices d’emplois, innovantes et fortement exportatrices. Combien sont-elles ? Environ 4.600, soit trois fois moins qu’en Allemagne et deux fois moins qu’au Royaume-Uni. La très grande majorité sont des entre- prises familiales ayant leur siège social en province où elles assu- rent75 %del’emploitotaletcons- tituent85 %desunitésdeproduc- tion. Elles y garantissent la pérennité d’un tissu de sous-trai- PANORAMA// Les entreprises de taille intermédiaire ont poursuivi leur croissance durant la crise, mais elles en sortent fragilisées. Trop petites et trop peu nombreuses, beaucoup souffrent dans la compétition internationale. Les ETI en quête d’un nouveau souffle Panorama Les ETI en quête d’un second souffle // P. 32 Enjeux Grandir plus vite en attirant les talents // P. 33 Analyse Financement : l’ère de la désintermédiation // P. 34 Stratégie Etre plus conquérant à l’international // P. 35 H. de Oliveira/Expansion-RÉA 3QUESTIONSÀ… ELIZABETH DUCOTTET PDG du groupe Thuasne « Il faut aligner les règles françaises sur la moyenne des autres pays européens » E lizabeth Ducottet, tout en dirigeant l’entreprise fami- liale, est coprésidente d’Asmep-ETI, syndicat des entre- prises de taille intermédiaire et des entreprises patrimoniales. Elle lance un cri d’alarme sur la fragilitéaccruedesETIfrançaises. 1 Comment les ETI françaises ont-elles traversé la crise ? Elles ont plutôt bien résisté en fai- sant des efforts importants. Elles ont réussi parce qu’elles bénéfi- ciaient de schémas de diversifica- tion optimisés, d’un développe- ment à l’international solide, parce qu’elles sont rapides à la décision, qu’elles font preuve d’une bonne réactivité pour s’adapter à leur environnement. Mais leur capacité de résistance a ses limites. La crise n’est pas ter- minéeetceseffortsnepeuventpas dureréternellement.Tropderési- lience aboutit à un essoufflement et le décalage de compétitivité avec nos concurrents européens s’accroît. Aujourd’hui, les diri- geants d’ETI sont inquiets et en appellent à des mesures d’urgence. 2 Quelles mesures ? Il faut rapidement aligner les règles – fiscales, sociales, juridi- ques – françaises sur la moyenne des autres pays européens, car, dans la partie commune qui se joue,nousavonslesrègleslesplus dures et c’est un lourd handicap. La baisse des charges doit être la pierre angulaire du dispositif pourdonnerlaprioritéàl’emploi, avec des mesures simples, visi- bles, lisibles y compris par le diri- geant d’entreprise qui pourra en bénéficierdefaçonimmédiate.En ce sens, le Cice est encore trop compliquéetneporteravéritable- ment ses fruits qu’en 2015. Cette baisse des charges doit être sensi- ble, pas anecdotique, pour être véritablement incitative à l’embauche, comme le prévoyait d’ailleurs le rapport Gallois. On permettra ainsi aux ETI de s’adjoindre des compétences nouvelles dans les champs de l’innovation et de l’internationali- sation et donc de gagner en com- pétitivité. Il faut également que notre fiscalité – notamment l’impôt sur les sociétés – soit du même ordre que ce qui a cours dans les autres pays européens. 3 Qu’attend-on aujourd’hui des ETI ? Sansdoutetropdechoses,notam- ment à court terme. Or ces entre- prises sont inscrites dans le moyenetlelongtermeenparticu- lierdansl’industrie,etc’estàcette échelledetempsqu’ilfautjugerde leur réussite. C’est pourquoi nous défendons la création d’un statut d’investisseurdelongtermecapa- bled’accompagneruneentreprise sur des cycles longs de dix ou douzeans,avecuntraitementpar- ticulier de la fiscalité de transmis- sion.Jecroisquecetteproposition suscite l’intérêt des pouvoirs publics. Reste à passer aux actes. Propos recueillis par G. L. Ces entreprises se disent pénalisées face à la concurrence européenne. Sogeclair aélargi sonchampd’action «Plusd’untiersdenotreactivitéetdenotre effectif est à l’international », souligne Philippe Robardey, PDG de Sogeclair. Photo DR L e parcours est impressionnant. En 1976, François Lacoste était agriculteur. En 1983, il créait à Nizerolles (Allier) la société NSE (Nizerolles Systèmes Electroniques) avec cinq salariés. Trente ans plus tard, l’entreprise auvergnate emploie 800 personnes dont 550 en France sur une douzaine de sites et 250 à l’étran- ger. Tout à la fois concepteur, intégrateur de systè- mes électroniques et prestataire de services (maintenance et réparation) pour l’aéronautique civile, la défense et le ferroviaire, NSE a réalisé 67 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013. « Pour réussir à l’international, il faut du temps, explique François Lacoste. Nous nous sommes concentrés sur des marchés porteurs comme le Canada pour l’Amérique du Nord, le Brésil pour l’Amérique latine, le Maroc pour l’Afrique, l’Inde pour rayonner sur Singapour et la Malaisie. » « Il faut changer le modèle qui nous pénalise » Si le groupe n’a pas relâché ses efforts durant la crise, s’installant à Casablanca en 2008, à Sao Jose Dos Campos au Brésil en 2011 et à Bengalore en Inde l’an passé, la crise a néanmoins eu un impact : « Nous avons dû réduire nos effectifs en France, mais la baisse d’activité a été compensée par la croissance à l’étranger », souligne François Lacoste pour qui cette stratégie internationale a un coût élevé. «Le financement est ce qui fragilise le plus une ETI », insiste le président de NSE. Le groupe, qui avait accueilli des fonds d’investissement en 2001, est entré en Bourse en 2012, mais la majorité de son capital (61 %) est encore familiale. Confiant dans la capacité de son entreprise à aller de l’avant grâce à sa capacité d’innovation technologique et managé- riale – « Il faut savoir se remettre en cause, être capable d’anticiper, c’est ce qui fait la force des ETI»–, l’industriel reste pessimiste sur la relance de la compétitivité française. « En France, il faut changer le modèle qui nous pénalise. Aujourd’hui, notre compétitivité nous la forgeons avec nos filiales en zones dollar et low cost, ici, nous n’investissons plus que modérément, en nous concentrant sur la technologie et le pilotage du groupe. » G. L. NSE amisésur despaysàpotentiel François Lacoste, fondateur de NSE, estime que « le financement est ce qui fragilise le plus uneETI». Photo DR ENTREPRENEUR MERCREDI 5 MARS 2014 // LESECHOS.FR

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Al’origine, société de services en ingénierie,l’entreprise toulousaine Sogeclair (unedizaine d’implantations en France) a étoffé

sa palette d’activités au fil des années, avec uneoffre de produits dans la simulation et la réalitévirtuelle. Ses clients : l’aéronautique, le spatial, ladéfense, le ferroviaire, l’automobile. PhilippeRobardey a repris il y a quinze ans les rênes del’entreprise créée par sa mère en 1986.

Habitué des croissances annuelles à deux chif-fres, le groupe a depuis rejoint le cercle fermé desETI françaises avec unmillier de salariés et104millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013.Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Benelux,Tunisie, Canada. « Plus d’un tiers de notre activité etde notre effectif est à l’international », soulignePhilippe Robardey. La crise ? Sogeclair l’a mise àprofit pour consolider sa croissance, sécuriser sesfinancements, réduire son endettement, dans unelogique continue d’indépendance financière. Cotéen Bourse depuis 1998, le groupe est encore majo-ritairement dans les mains de la famille (67 % ducapital), qui revendique une belle rentabilité de11 % en 2013.

Contre le « harcèlement réglementaire »Pour autant, le président duMedef toulousain nedécolère pas, notamment contre la dernière loi deFinances. « Il faut être capable de se structurer pouraller à l’international, c’est un parcours compliqué,or le Parlement a supprimé la possibilité qu’avaientles entreprises de déduire de leur bénéfice imposableen France les pertes de leurs filiales. Il a changé lesrègles en cours de jeu et réduit notre capacité àinvestir. Une loi votée en décembre remet en cause lerésultat de douze mois d’activité. C’est insupportableet très démotivant. » Lors de la venue du présidentde la République à Toulouse en janvier dernier,Philippe Robardey qui se félicite d’avoir créé120 emplois nets en France entre juin 2012 etjanvier 2014 ne cache pas avoir eu des chosesplutôt désagréables à dire au chef de l’Etat.« Sur la complexité de l’environnement des entreprisesen France, sur le harcèlement réglementaire et fiscaldont elles font l’objet. »A bon entendeur…— G. L.

grâce, pour un tiers d’entre elles,à des implantations en Europe,en Asie et en Amérique du Nord.

« Les dirigeants d’entreprise decroissance portent la compétitivitéde laFrance.Lesaiderà sedévelop-per, innover toujoursplus, conqué-rir de nouveaux marchés et créerencore plus d’emplois doit être unepriorité pour tous », affirmeAlainPons, président de la directiongénérale de Deloitte en France.Resteque ces anciennesPMEpei-nent à grandir, souvent par man-que de fonds propres : la grossemajorité d’entre elles ont moinsde 350 salariés et leur développe-ment basé sur l’autofinancementet le crédi t bancaire ( fauted’ouvrir leur capital) risque desouffrir des nouvelles normesprudentielles qui s’imposent auxétablissements financiers.

InquiétudeEn outre, ces entreprises fragili-séespar lacriseenvisagentdésor-mais l’avenir avec inquiétude : enfévrier 2013, 23 % d’entre ellesdéploraient une baisse de leuractivité (sondage OpinionWaypour KPMG) et 17 % prévoyaientderéduire leurseffectifs.Mêmesile nombre de défaillances d’ETI adiminué en 2013 (– 4,9 %), selonles derniers chiffres publiés parCoface, quand la tendance géné-rale est au contraire à la hausse(+ 4,3 %), cette catégorie d’entre-prises avait payé un lourd tributl’année précédente avec 45 failli-tes, un chiffre équivalent à celuienregistré en 2009 au plus fort dela crise. En 2013, le coût social etfinancier reste lourd. Enfin, cesentreprises de taille intermé-diaire , sur lesquel les notresociété en panne de croissancefonde tous ses espoirs, se disentpénalisées face à leurs concur-rentes par les règles du jeu à lafrançaise. Fiscalité, chargessociales, contraintes juridiques,elles veulent tout remettre à plat.

« Les ETI, familiales en particu-lier, doivent être préservées face àun environnement réglementaireet fiscal toujours plus contrai-gnant », avertit Jean-PierreLetar-tre, président d’EY en France.« L’accroissement des prélève-ments obligatoires, particulière-ment après le retournement deconjoncture de 2008, a contribué àréduire les capacités d’investisse-ments des entreprises », ajouteJacky Lintignat, directeur géné-ral de KPMG France. « Les ETIsortent fragilisées par dix annéesde hausse continue des prélève-ment, avertit Elizabeth Ducottet,coprésidente d’Asmep-ETI. Il y aurgence à stopper cette dynami-que, car le tissu industriel etl ’ emploi de nos régions sontaujourd’hui menacés. »— Georges Lucien

tants et de fournisseurs, chaqueemploi dans une ETI générant,selon leur syndicat Asmep-ETI,3 , 5 em p l o i s i n d i r e c t s e nmoyenne. Résilientes à la crise,70 % d’entre elles ont augmentéleurs effectifs au cours des cinqdernières années, privilégiantl’emploi sur la distribution desdividendes, affirme l’Asmep-ETI.De fait, les ETI représentent 23 %de l’emploi salarié en France(33 % de l’emploi industriel) etont créé près de 80.000 emploisde 2009 à 2013 quand les grandsgroupes en supprimaient près de50.000. Elles assurent 23 % desinvestissements, constituent legros des troupes des entreprisescotées et surtout le bras armé dela France à l’international avec34 % du total des exportations,

Les ETI – entreprises det a i l l e i n t e rméd i a i r edevraient être le Graal de

la stratégie de relance du gouver-nement. Ces entreprises définiespar leur nombre de salariés(entre 250 et 5.000) et leur chiffred’affaires annuel (moins de1,5 milliard d’euros) sont à la foiscréatrices d’emplois, innovanteset fortement exportatrices.

Combien sont-elles ? Environ4.600, soit trois fois moins qu’enAllemagne et deux fois moinsqu’au Royaume-Uni. La trèsgrande majorité sont des entre-prises familiales ayant leur siègesocial en province où elles assu-rent75 %de l’emploi total et cons-tituent85 %desunitésdeproduc-t ion. El les y garantissent lapérennité d’un tissu de sous-trai-

PANORAMA//Les entreprises de taille intermédiaire ont poursuivi leur croissance durant la crise, mais ellesen sortent fragilisées. Trop petites et trop peu nombreuses, beaucoup souffrent dans la compétition internationale.

LesETIenquêted’unnouveausouffle

Panorama Les ETI en quête d’un second souffle //P. 32

EnjeuxGrandir plus vite en attirant les talents //P. 33

Analyse Financement : l’ère de la désintermédiation //P. 34

Stratégie Etre plus conquérant à l’international //P. 35

H.deOliveira/Exp

ansion

-RÉA

3 QUESTIONS À…ELIZABETHDUCOTTETPDG du groupe Thuasne

« Il fautaligner lesrèglesfrançaisessurlamoyennedesautrespayseuropéens »

Elizabeth Ducottet, tout endirigeant l’entreprise fami-l iale , est coprésidente

d’Asmep-ETI, syndicat des entre-prises de taille intermédiaire etdes entreprises patrimoniales.Elle lance un cri d’alarme sur lafragilitéaccruedesETI françaises.

1 Comment les ETI françaisesont-elles traversé la crise ?Elles ont plutôt bien résisté en fai-sant des efforts importants. Ellesont réussi parce qu’elles bénéfi-ciaient de schémas de diversifica-tion optimisés, d’un développe-ment à l’international solide,parce qu’elles sont rapides à ladécision, qu’elles font preuved’une bonne réactivité pours’adapter à leur environnement.Mais leur capacité de résistance ases limites. La crise n’est pas ter-minéeetceseffortsnepeuventpasdurer éternellement. Tropde rési-lience aboutit à un essoufflementet le décalage de compétitivitéavec nos concurrents européenss’accroît. Aujourd’hui, les diri-geants d’ETI sont inquiets et ena p p e l l e n t à d e s m e s u r e sd’urgence.

2 Quellesmesures ?Il faut rapidement aligner lesrègles – fiscales, sociales, juridi-ques – françaises sur la moyennedes autres pays européens, car,dans la partie commune qui sejoue, nousavons les règles lesplusdures et c’est un lourd handicap.La baisse des charges doit être lapierre angulaire du dispositifpour donner la priorité à l’emploi,

avec des mesures simples, visi-bles, lisibles y compris par le diri-geant d’entreprise qui pourra enbénéficierde façon immédiate.Ence sens, le Cice est encore tropcompliquéetneportera véritable-ment ses fruits qu’en 2015. Cettebaisse des charges doit être sensi-ble, pas anecdotique, pour êtrevé r i t ab l ement inc i t a t i ve àl’embauche, comme le prévoyaitd’ailleurs le rapport Gallois. Onpermet tra a ins i aux ETI des’adjoindre des compétencesnouvelles dans les champs del’innovation et de l’internationali-sation et donc de gagner en com-pétitivité. Il faut également quenotre fiscalité – notammentl’impôt sur les sociétés – soit dumême ordre que ce qui a coursdans les autres pays européens.

3 Qu’attend-on aujourd’huides ETI ?Sansdoute tropdechoses, notam-ment à court terme. Or ces entre-prises sont inscrites dans lemoyenet le long termeenparticu-lier dans l’industrie, et c’est à cetteéchellede tempsqu’il faut jugerdeleur réussite. C’est pourquoi nousdéfendons la création d’un statutd’investisseur de long termecapa-bled’accompagneruneentreprisesur des cycles longs de dix oudouzeans,avecuntraitementpar-ticulier de la fiscalité de transmis-sion.Jecroisquecettepropositionsuscite l’intérêt des pouvoirspublics. Reste à passer aux actes.

Propos recueillis parG. L.

Ces entreprisesse disent pénaliséesface à la concurrenceeuropéenne.

Sogeclairaélargisonchampd’action

« Plus d’un tiers de notre activité et de notreeffectif est à l’international », souligne PhilippeRobardey, PDG de Sogeclair. Photo DR

Le parcours est impressionnant. En 1976,François Lacoste était agriculteur. En 1983, ilcréait à Nizerolles (Allier) la société NSE

(Nizerolles Systèmes Electroniques) avec cinqsalariés. Trente ans plus tard, l’entrepriseauvergnate emploie 800 personnes dont 550 enFrance sur une douzaine de sites et 250 à l’étran-ger. Tout à la fois concepteur, intégrateur de systè-mes électroniques et prestataire de services(maintenance et réparation) pour l’aéronautiquecivile, la défense et le ferroviaire, NSE a réalisé67millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013.« Pour réussir à l’international, il faut du temps,explique François Lacoste.Nous nous sommesconcentrés sur des marchés porteurs comme leCanada pour l’Amérique du Nord, le Brésil pourl’Amérique latine, le Maroc pour l’Afrique, l’Indepour rayonner sur Singapour et la Malaisie. »

« Il faut changer lemodèlequi nous pénalise »Si le groupe n’a pas relâché ses efforts durant lacrise, s’installant à Casablanca en 2008, à Sao JoseDos Campos au Brésil en 2011 et à Bengalore enInde l’an passé, la crise a néanmoins eu un impact :« Nous avons dû réduire nos effectifs en France, maisla baisse d’activité a été compensée par la croissanceà l’étranger », souligne François Lacoste pour quicette stratégie internationale a un coût élevé. « Lefinancement est ce qui fragilise le plus une ETI »,insiste le président de NSE. Le groupe, qui avaitaccueilli des fonds d’investissement en 2001, estentré en Bourse en 2012, mais la majorité de soncapital (61 %) est encore familiale. Confiant dans lacapacité de son entreprise à aller de l’avant grâce àsa capacité d’innovation technologique et managé-riale – « Il faut savoir se remettre en cause, êtrecapable d’anticiper, c’est ce qui fait la force desETI » –, l’industriel reste pessimiste sur la relancede la compétitivité française. « En France, il fautchanger le modèle qui nous pénalise. Aujourd’hui,notre compétitivité nous la forgeons avec nos filialesen zones dollar et low cost, ici, nous n’investissonsplus que modérément, en nous concentrant sur latechnologie et le pilotage du groupe. »— G. L.

NSEamisésurdespaysàpotentiel

François Lacoste, fondateur de NSE, estimeque « le financement est ce qui fragilise le plusune ETI ». Photo DR

ENTREPRENEURMERCREDI5MARS2014 // LESECHOS.FR

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Les EchosMercredi 5mars 2014 ENTREPRENEUR//33

tous les échelons pour devenirDRH en 2007 , avan t d ’ê t r enommé directeur délégué ennovembre dernier. « Depuis cinqans, nous pratiquons la GPECpour identifier les compétencesclefs en interne et évaluer les atten-tesdenos collaborateurs.Nousuti-lisons un logiciel dédié pour lesentretiens annuels de développe-ment et un site Internet Gifi RHtalents permet aux salariés d’iden-tifier les opportunités de mobilitéau sein du groupe. » Gifi, qui veutaccélérer son développement àl’international, mise sur cetteexcellence RH pour y parvenir,qui lui vaut pour la secondea n n é e d ’ê t r e c e r t i f i é To pEmployers France par l’InstitutCRF. — Georges Lucien

* Etude réalisée par Populus auprès de

1.825 décideurs issus de moyennes

entreprises (plusde100employés)dans

17 pays, du 31 juillet au 28 août 2013.

construire leur parcours demobilité en fonction des besoinsde l’entreprise. Le tout étantaccompagnéd’uneffort significa-tif de formation.

« Cheznous, il avoisine 4 %de lamasse sa lar ia le » , expl iqueThierryBoukhari, directeur délé-gué du groupe Gifi. Cette entre-prise familiale créée par sonPDG, Philippe Ginestet, en 1981,mise sur ses compétences inter-nes pour assurer son développe-ment. « Nous sommes installésprès d’Agen et cela peut paraîtredifficile d’attirer chez nous de jeu-nes diplômés et encore plus de lesre t en i r, r econna î t Th i e r r yBoukhari.Nous y parvenons dans80 %des casgrâceànotrepolitiquesalariale, à nos 200 métiers et ànotre capacité à faire progressernos collaborateurs. » ThierryBoukhari en est le parfait sym-bole. Entré comme stagiaire auservice paie en 2003, il a gravi

Pour autant, les rigidités dumarché du travail en France et lafragilité de la reprise poussent lesdirigeants d’ETI à privilégier lapromotion interne des compé-tences par rapport aux recrute-ments.Et, pourêtreperformante,cette quêtedes talents doit sepro-fessionnaliser. « Jusqu’à présentles logiciels de gestion des talentsétaient surtout l’apanage desgrands groupes, mais aujourd’huices outils sont adoptés par les ETIet les PME, et lemarché de laGPEC[gest ion prévis ionnel le desemplois et des compétences,NDLR] est en pleine croissance »,souligne Pascale Boyaval, direc-trice marketing, activité ressour-ces humaines chez Cegid.

Cartographierles compétencesCes outils permettent de carto-graphier les compétences et don-nent aux salariés le moyen de

Franck Berguig, chef de produitschez Cegid Ressources Humai-nes, « et ne pas hésiter à s’investirsur les réseaux sociaux ». Autresimpératifs : aller dans les écoles,« sponsoriser » des cycles de for-mation, créer des chaires derecherche et d’enseignement(comme l’a fait par exemple legroupe Toupargel à Lyon avecl’EM Lyon).

Le groupe Gifi (équipementpour la famille et la maison,4.600 salariés, 410 magasins,977 millions d’euros de chiffred’affaires en 2013) basé à Ville-neuve-sur-Lot (47) a ainsi nouéun partenariat avec la Cité de laformation de Marmande pourdévelopper un BTS en apprentis-sage management des unitéscommerciales Gifi. Gifi, qui veutatteindre le cap du millier demagasins en 2025, mise sur cetteformation pour satisfaire en par-tie ses besoins d’encadrement.

Trouver et fidéliser lescompétences sont unenjeu majeur pour les

entreprises de taille intermé-diaire (ETI), l’unedes clefs de leurcompétitivité dans la batailleconcurrentielle qu’elles se livrententre elles et avec les grandsgroupes. Et cette guerre destalents va s’intensifier au fur et àmesure que la reprise économi-que se confirmera : 14 % des ETIeuropéennes estiment ainsi que« le recrutement et la rétention destalents constitueront les princi-paux défis pour l’année à venir »( ba romè t r e Sage Bus ine s sIndex*).

En France, les ETI misent surl’attractivité de leur modèle – cir-cuits hiérarchiques courts, res-ponsabilité individuelle – pourséduire les jeunesdiplômés.Maiselles doivent aussi « travaillerleur marque employeur » pourattirer les bons profils, estime

ENJEUX//Dans un environnement très concurrentiel et un marché du travail rigide, les entreprisesde taille intermédiaire se dotent de nouveaux outils pour trouver, fidéliser et faire évoluer les bons profils.

Grandirplusviteenattirantlestalents

Thierry Boukhari, directeurdélégué de Gifi, défend unepolitique salariale visant à faireprogresser les collaborateurs.

Il est toujours bon pour un diri-geant d’entreprise de prendre unebouffée d’oxygène, de s’offrir uneparenthèse pour réfléchir sur sonrôle, ses objectifs et ses perspecti-ves.Mais lesdeuxjournéesorgani-sées récemment par le cabinetDeloitte sous le titre « Les 24 heu-res des nouvelles générations »,sont un peu particulières : ellessont réservées à de jeunes diri-geants – ou futurs dirigeants –d’entreprises familiales.

L’objectif ? « Leur permettre desortir de leur solitude. Les repre-neurs familiaux sont souvent malperçus, parce qu’on s’imagine qu’ilssont nés avec une cuillère en argentdans labouche.Enréalité, la reprised’une entreprise familiale est sou-ventdifficile : ils “enbavent” tous lesjours et se sentent prisonniers d’un devoir de loyauté et de pérennité,

sans pouvoir échanger sur le sujet.Lors du séminaire, ils peuvent par-tager avec d’autres dirigeantsd’entreprise, qui vivent la mêmeexpérience », explique ChristopheSaubiez, associé expert entrepri-ses familiales chez Deloitte etorganisateur du séminaire, quis’est tenu en région parisienne. Sila « nouvelle génération » a entre25 et 40ans, le public est en réalitéunpeuplus large. « Les jeunes sontcontents d’être entre eux,mais il estbon aussi de susciter le dialogueentre les générations, de bousculerles schémas établis entre la généra-tionenplaceetcellequiestappeléeàreprendre », précise ChristopheSaubiez.Ainsi, on est àmi-cheminentreleséminaireprofessionneletla« cousinade » :unequinzainedefamilles sont venues en « clan », à2, 3 ou 4 avec un parent, des frères

etsœursoudescousins.C’est lecaspar exemple de Bertrand Lajugie,directeurgénéraldéléguéetrepré-sentant de la quatrième généra-tion au sein du groupe Seeb (ingé-n i e r i e e t c o n s t r u c t i o n d emachines-outils – 30 millions dechiffre d’affaires et 200 salariésdans quatre filiales), venu avecdeuxde ses cousins chercher « descontacts et des témoignages prag-matiques et informels, au-delà desformations par des experts »… Carc’est bien là l’objectif. « Nous sou-haitons créer les conditions d’unéchange fructueux entre les partici-pants, qui sont réunis en huis clos.Ils peuvent parler entre eux de leurparcours, de leur aventure d’entre-preneur, mais aussi de leurs diffi-cultés au sein de la famille », pour-suit Christophe Saubiez.

« Des pistes pour avancer »Leprogrammeduséminaire com-bine donc travail et détente. Côtétravail, des présentations techni-ques, sur la fiscalité et les évalua-tions d’entreprise, mais aussi desateliers et des tables rondes. Al’ouverture « officielle », en milieude matinée, ils étaient ainsi unecentaine de participants pourécouter les témoignages de quel-ques « stars » du « family busi-ness » comme Philippe d’Ornano(Sisley) ouAntoineMayaud (Asso-ciation Familiale Mulliez) sur lethème de « L’entreprise familiale :comment inventer de nouveauxmodèlesdecroissance ? ».Aupro-gramme des festivités, de longuessoirées d’échanges, autour d’unbuffet, puis d’un verre de whiskytardif (très tardif pour certains),dans un cadre agréable mais sansprétention.

« Nous avons rencontré desmodèles d’entreprises très diffé-rents,mais constatéquenosvaleursétaient communes, conclue Ber-trand Lajugie, qui est sorti duséminaireconfortédansseschoix.Un actionnariat familial très dis-persépeutconstitueruneforcepourl’entreprise, à condition que lastructuration juridique repose surdebonsprincipesetquelafamillenesoit pas un frein au développementde l’entreprise. » Chez d’autres, laréflexionestmoinsavancée.« Cer-tains jeunesdécouvrentque leurcasn’est pas unique. S’ils ne repartentpas avec toutes les réponses, ils ontaumoins des pistes pour avancer »,résume Christophe Saubiez. Fortdu succès de la rencontre, rendez-vous est déjà pris pour l’annéeprochaine. — CécileDesjardins

Le groupe d’audit et conseilDeloitte a réuni pour deuxjournées d’échanges et deformation des responsablesd’entreprises familiales.

24heurespourcoacherlesleadersdedemain

ENTREPRISESFAMILIALES

« Il est bon desusciter le dialogueentre la générationen place et celle qui

est appeléeà reprendre. »

CHRISTOPHE SAUBIEZ

Associé expert entreprisesfamiliales chez Deloitte

DR

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34//ENTREPRENEUR Mercredi 5mars 2014Les Echos

fonds prend alors des airs decampagne marketing grandpublic, ce qui peut constituer unavantage pour les entreprises quiont la même cible commerciale.Les groupes immobiliers Capelliou Réalités ont ainsi respective-ment levé 15 et 7 millions d’euros(en décembre 2012 et juin 2013).Mais, outre les contraintes liéesau visa de l’AMF, ces opérationscomportent un risque « d’exécu-tion ». « Il y a – jusqu’au derniermoment – un risque que l’opéra-tion ne se fasse pas car le marchén’est jamais garanti… », jugeNadine Veldung. De quoi expli-quer leur relatif échec : il n’y a euen tout et pour tout que 4 IBO endeux ans.

Reste alors la solution desfonds communs de placementobligataire, de type Novo ouMicado. Si le premier peut appor-ter jusqu’à une cinquantaine demillions d’euros par opération, lesecond vise plutôt entre 5 et10 millions d’euros. Mais encorefaut-il répondre aux critères fixéspar ces structures : s’afficher« entreprise de croissance » estindispensable pour séduire Novo(qui a récemment participé auplacement privé réalisé par legroupe MK2). Micado, de soncôté, cible les « ETI françaisescotéesmais non notées », ce qui apermis à VM Matériaux d’émet-tre fin décembre un empruntob l iga ta i re de 3 ,8 mi l l ionsd’euros (à taux fixe de 6 % et rem-boursables in fine en décem-bre 2019). Chacun peut donc finirpar trouver chaussure à sonpied…même si les petites pointu-res sont plus rares.— Cécile Desjardins

Autant dire que la grandemajorité des entreprises françai-ses mise aujourd’hui sur le déve-loppement p lus récent desEuro PP, marché sur lequel lesETI ont déjà levé quelque 7 mil-liards d’euros entre 2012 et 2013.Ses avantages ? « Les finance-ments sont plus flexibles et peu-vent prendre la forme de prêts oud’obligations, cotées ou non. Ilssont accessibles dès 10 millionsd’euros sur cinq, sept, voire dixans », explique Alexandra Krief.Certains tablent sur quelque10 milliards de financementsEuroPPparan,grâcenotammentà un changement réglementaireintervenu l’été dernier et quidevrait permettre aux assureursfrançais d’accroître leur mise surce marché. Surtout, émetteurs etinvestisseurs viennent de se met-tre d’accord sur un « cadre deréférence » qui devrait faciliter ledéveloppement de ces finance-ments (voir ci-contre).

Au-dessousde 10ou 15millionsd’euros ? Les entreprises peuventse tourner vers les particuliers etleur proposer des obligations àtravers un IBO (pour « initialbond offering »). La levée de

cements essentiellement obligatai-res, auprès d’investisseurs quali-fiés, d’un montant minimal de50 millions d’euros, sur cinq àquinze ans », explique AlexandraDimitrijevic, responsable de lanotation des entreprises enEuropechezStandard&Poor’s. Sides entreprises comme Bon-duelle ou plus récemment Neo-post ont régulièrement fait appelà c e m a r c h é , i l n ’ e s t p a sforcément facile d’accès. « Ladocumentation est importante etdoit correspondre aux formatsaméricains, avec notamment l’éta-blissement des comptes selon lesnormes IFRS. C’est donc un modede financement réservé aux entre-prises qui ont une activité impor-tante en dollars ou qui bénéficientd’une bonne notoriété sur le mar-ché américain », ajoute Alexan-dra Dimitrijevic. Seconde solu-tion, le marché allemand, dit des« Schuldschein », essentielle-ment constitué de prêts. « Il offredes financements de trois à septans, dès 25millions d’euros », pré-cise Alexandra Krief. Mais, làaussi, mieux vaut avoir une acti-vité – et une réputation – sur lemarché allemand.

10 investisseurs professionnels(de type assureurs ou fondsd’investissement) s’engagent – enamontetdansunenégociationdegré à gré – à financer l’entreprise,sous forme d’obligations oude prêt.

« Des financementsplus flexibles »Il enexiste troisprincipaux types.Les USPP, tout d’abord. « Trèsmature, le marché américain desUSPP permet d’obtenir des finan-

l’entreprise soit de qualité “inves-tissement grade” ou inférieure »,estimeNadineVeldung.De fait, lemarché de la dette « high yield »(entreprises notées BB oumoins)se porte très bien : fin janvier, lespécialiste des pièces automobi-les Autodistribution (1,2 milliardde chiffre d’affaires) y apar exem-ple levé 240 millions d’euros surcinq ans au taux de 6,5 %.

Pour un financement moinsélevé, mieux vaut se tourner versles placements privés : entre 3 et

C’es t une évidence quis’ impose désormais àtous les chefs d’entre-

prise : les banques ne prêterontplus. Quand la reprise s’annon-cera, et avec elle le retour auxinvestissements, il faudra trouverd’autres sources de financement.« En raison de leurs nouvellescontraintes réglementaires, lesbanques devraient être moins enmesure de financer à long terme,même les meilleurs projets. Ellesdoiventdèsaujourd’huimeneruneréflexion sur la structure, les pro-duits et les maturités de leursfinancements, devenus stratégi-ques », juge Emmanuel Gadret,associé responsable régions chezDeloitte. « La crise a montré qu’ilétait risqué d’être dépendant d’unou deux partenaires bancaires tra-ditionnels », confirme AlexandraKrief, responsable des évalua-tions « mid-market » chez Stan-dard & Poor’s.

Au cœur du problème ? Lesfinancements à moyen et longtermes, c’est-à-dire supérieursà six ans. Avec un paradoxeterrible : « Plus grand sera lefinancement, plus il sera facile ào b t e n i r… , r é s ume Nad i n eVeldung, associé gérant chezOddo Corporate Finance. Lesinvestisseurs jugent que les petitsfinancements manquent de liqui-dité, et les frais d’étude, de struc-ture, etc. sont identiques quelle quesoit la taille du financement. »Au-delà de 200 millions d’euros, lemarché obligataire est actuelle-ment une solution attractive.« Les investisseurs se bousculentsur ces montants de dette, que

ANALYSE//Devant l’incapacité des banques, contraintes par un nouveau cadre réglementaire, à financerdes projets de moyen et long terme, les entreprises de taille intermédiaire se tournent vers d’autres solutions.

Financement:l’èredeladésintermédiation

La grandemajoritédes entreprisesfrançaises misesur le développementdes Euro PP…

…Marché sur lequelles ETI ont déjà levéquelque 7milliardsd’euros entre 2012et 2013.

Trois exemples récents de financements alternatifs

IBO : Réalités, 7 millions d’euros à 9 % sur six ansSpécialisé dans l’immobilier neuf, le groupe Réalités a menéen juin 2013 la plus récente « initial bond offering » (IBO)réalisée en France. C’était aussi la première à concernerune société non cotée. L’entreprise, qui visait 10 millionsd’euros, en a finalement obtenu un peu plus de 7,à travers l’émission de 72.805 obligations au prix unitairede 100 euros, à destination d’investisseurs particuliersou institutionnels. Ces titres sont cotés sur le marché Alternextde Nyse Euronext à Paris, leurs intérêts étant verséssemestriellement, en juillet et en janvier, depuis janvier dernier.Créé en 2003, le groupe a réalisé en 2012 un chiffre d’affairesde 42 millions d’euros.

Euro PP : Altrad obtient 100 millions d’eurosauprès de 3 investisseursNuméro un européen des échafaudages, le groupe Altrad a émis,en octobre 2013, 100 millions d’euros d’obligations par le biaisd’un placement privé Euro PP, avec une maturité de 7 anset pour un coupon de 4,4 %. Trois investisseurs – NatixisAssurances, le fonds Novo et Amundi – se sont engagésdans le financement de l’entreprise, qui devrait cette annéedépasser les 700 millions d’euros de chiffre d’affaires.Le groupe, qui a ouvert son capital à hauteurde 25 % au FSI en 2011, souhaitait ainsi diversifierses sources de financement, jusqu’à présentexclusivement bancaires.

USPP : Neopost emprunte 50millions de dollars sur six ansC’est en complétant un placement privé de 175 millions de dollars, misen place en juin 2012, que le groupe de traitement de courrier Neoposta levé fin janvier 50 millions de dollars. Conclu en octobre 2013, au tauxvariable de Libor 3 mois + 1,75 %, le financement a pris la forme d’unedette senior non garantie auprès d’un investisseur unique. La mise àdisposition des fonds a été réalisée le 23 janvier. Le directeur financierde Neopost, Jean-François Labadie, a jugé que, « avec cette nouvelletranche complétant notre placement privé, nous continuons à profiterdes opportunités qu’offre le marché américain pour obtenir unnouveau financement dans de très bonnes conditions ». Neopost, cotéau SBF 120, a affiché un chiffre d’affaires de 1,07 milliard d’euros en2012, pour un endettement de quelque 800millions à fin juillet 2013.

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Une charte pour accélérer le développementdes placements privés

C’est sous le nomdeCharte de l’EuroPPque trois associations professionnelles,l’Afte (des trésoriers d’entreprise), l’Af2i(des investisseurs institutionnels) et l’Amafi(marchés financiers) ont publiémi-févrierleurs recommandationspourde « bonnespratiques sur lemarché des EuroPP ».Le texte proposeun « cadrede relations »entre émetteurs et investisseurs, ainsiquedesmodèles juridiques types pources opérations, ce qui devrait permettreà ces financements d’être plus facilementet plus rapidementmontés. « Les lignes de

conduite quenous avons posées devraientpermettre demettre enplace un telfinancement enune dizaine de semaines »,estimeHervéLabbé, directeurde la salledesmarchés et des étudesmacroéconomiques dugroupeOrangeet représentant de l’Afte au seindugroupede travail qui a établi cette charte.Toutefois, le cadrene se veut pas trop rigide.« Il faut, pour lemoment, laisser la place àla négociation entre acteurs : d’une entrepriseà l’autre, les situations sont trop différentes »,ajouteHervéLabbé.

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Les EchosMercredi 5mars 2014 ENTREPRENEUR//35

Yves [email protected]

La ques t i on n’e s t pas :« C o m b i e n d e d i v i -sions ? ». Près de 90 % des

ETI sont exportatrices, soit 4.100en 2013, selon le dernier comp-tage desDouanes. La question estplutôt celle de l’intensité, de ladétermination, de l’ambition etde la stratégie. « Beaucoup dePME deviennent des ETI avecl’international », assure ArnaudLeurent, consultant en organisa-tion et stratégie. De même, unbon nombre deviennent de gran-des entreprises en intensifiantleur présence partout dansle monde.

L’export, un premier pasL’ancien vice-président duMedefJean-Claude Volot décrit le par-cours classique : « Au-delà de100 personnes, une volonté conco-mitante d’innovation et d’interna-tional émerge. » Le patron de laPME toulousaine DedienneAerospace détaille les trois voletsde l’international : les achats,l’export et l’implantation. « Le“sourcing” de fournisseurs est unpremier pas nécessaire, un bonmoyendese frotterauxprocéduresde dédouanement par exemple. »Puis vient l’export, souvent à lademande de clients, par opportu-nisme, voire l’implantation parnécessité dans des pays à bascoûts, poussée par les donneursd’ordre. Ainsi, lorsque à la fin desannées 1980, Plastivaloire inves-tit dans une première usine enPologne, c’est pour ne pas perdrele marché des façades plastiquesde petits téléviseurs dont sonclient Philips délocalisait la pro-duction. Le patron Patrick Finde-ling a suivi. Aujourd’hui, la moi-tié des 24 usines du groupe deplasturgie sont situées à l’étran-ger. Mais, une fois implantée,l’entreprise en profite pour « gra-piller » des clients. Jean-Claude

Volot regrette cependant quetrop d’entreprises françaisessubissent l’international faute destratégies de conquête.

AuMedef, il a été l’artisan d’unplan pour y remédier. BaptiséStratexio, il doit permettre aux18.000 entreprises qui réalisentde20à30 %de leurchiffred’affai-res à l’export d’aller encore plusloin. « Il s’agit de passer de l’état desurvie à l ’état de conquête » ,assure Jean-Claude Volot. OlivierDhonte est le fondateur et prési-dent de Viseo, société de solu-tions de gestion informatiques.Au début, pour suivre ses clientsà l’étranger, l’entreprise dépê-

chait quelques expatriés. Par lasuite, elle a créé des filiales loca-les, par exemple aux Etats-Unisen 2005 pour accompagnerL’Oréal. En parallèle, Viseo a crééune filiale de développementinformatique au Maroc pourréduire ses coûts. Là où elle estprésente, Viseo souhaite mainte-nant s’attaquer au marché local.« Nous avons un savoir-faire, desréférences, une équipe, une organi-sation, pourquoi ne pas avoir unestratégie plus agressive ? » recon-naît Olivier Dhonte.

Répliquer les succèsPasser de quelques clients locauxà l’ouverture d’un nouveau paysest une autre frontière à franchir.Et le plus souvent par croissanceexterne. Les ETI sont les mieuxarmées : un savoir-faire ou unproduit éprouvé, et une surfacefinancière suffisante. Le consul-tant Arnaud Leurent recom-mande de faire preuve demétho-dologie pour répliquer le succès.A l’image de Solutions30, sociétéd’assistance à l ’ instal lationd’équipements technologiques.Aprèsavoir analysé sonsuccès enFrance, le fondateur GianeppiFortis a cherché « des marchésavec la même structure pour faireun copier-coller ». L’entreprise de95 millions d’euros de chiffred’affaires est aujourd’hui implan-tée en Italie, au Benelux et enAllemagne.

La dernière étape est celle de laglobalisation, illustrée par ce queGabriel Attias, associé chezDeloitte appelle « la stratégie despays à rebond ». Force est deconstater que conquérir l’Afriquedepuis la France avec une struc-ture de coûts européens est illu-soire. Gabriel Attias recom-mande d’investir d’abord auMaroc puis de s’en servir commeplate-forme de conquête sur lecontinent. Et ainsi du Vietnampour l’Asie oude l’Argentinepourl’Amérique latine. n

STRATÉGIE//Partir à l’étranger est un facteur d’accélération de croissance. Les ETI réalisentun tiers des exportations françaises. Mais certaines manquent d’ambition.

Etreplusconquérantàl’international

Au-delàdesclichés

S’il est un cliché quicolle trop souventà la peau des entrepre-

neurs français, c’est bien celuidumalin plaisir que pren-draient certains à se séparerde leurs collaborateurs à lamoindre occasion ou àman-quer d’ambition quant à lacroissance de leur entreprise.Au prétexte que la dictaturedu court termepousse parfoisles dirigeants de grands grou-pes à tailler dans leurs effectifspour satisfaire l’appétit insa-tiable des analystes financierset fairemonter leur coursde bourse, tous ne seraientque de cyniques personnagesmotivés par le seul profitfinancier. Et parce que laFrancemanque cruellementd’ETI si on la compare à l’Alle-magne, ils ne seraient que despetits joueurs incapables de sehisser un jour dans la cour desgrands. C’est oublier un peuvite la naturemêmede l’espritd’entreprise, qui consiste àdécider un jour qu’un projetforcément foumérite d’êtrevécu et surtout partagé avecune équipe d’hommes et defemmes prêts à conquérir lemonde à nos côtés.

Retrouvez l’intégralité de cette

chronique sur lesechos.fr

LA

CHRONIQUEdePhilippeBloch

En 1993, lorsque Gilles Charpen-tier reprend Meralliance, l’entre-prise spécialiste des poissonsfumés, créée vingt-deux ans plustôt à Quimper, perd le quart deson chiffre d’affaires de 18 mil-lions d’euros. Recentrée sur lesmarques de distributeur, lasociété retrouve la forme, maisreste cantonnée à la France, ayantjuste, depuis 2001, un acheteur enNorvège, haut lieu de l’élevage desaumons. La véritable premièreincursion à l’international est enPologne, où l’entreprise sous-trai-tait déjà sa gamme premier prix.Meralliance y rachète une usineen 2008, qui aujourd’hui emploie170 personnes et conditionne

2.500 tonnes de poissons pour laFrance, le Benelux et l’Allemagne.

Puis Meralliance investit enEcosse, autrehaut lieudeproduc-tion, dans une usine plus haut degamme et pour y servir surtout lemarché britannique. « Ma straté-gie est de remonter vers la matièrepremière, de créer une filière. Carnous sommes pris entre des pro-ducteurs très concentrés en Nor-vège et des distributeurs eux aussitrès puissants », avoue GillesCharpentier, le patron de Meral-liance, qui emploie 950 salariés etréalise 155 millions d’euros dechiffre d’affaires.

Pour sécuriser l’accès à la res-source, l’entreprise va investirdans une ferme d’élevage de sau-mons en Bretagne. Elle renfor-cera sa stratégie export horsd’Europe depuis sa base britanni-que pour exporter du saumond’Ecosse. — Yv. V.

Franco-française jusqu’en2008, l’entreprise bretonnea élargi sa gamme etses bases, grâce à ses usinesen Pologne et en Ecosse.

Meralliancesécurisesafilièresaumonàl’étrangeretenFrance

Aurythmeactuel, Atalianne serabientôt plus une ETI : le chiffred’affaires atteint 1,3 milliardd’euros, dont 200 millions réali-sés à l’international dans 16 pays,e t l ’ e f f e c t i f d é p a s s e l e s65.000 salariés, dont 22.000 àl’étranger… Créée en 1944 parPaul Julien sous le nom de TFN,l ’ e n t r e p r i s e a p r o c é d é à200 acquisitions en vingt ans,surtout en France, et fait ses pre-mierspasà l’étranger il yasixans,pour suivre ses clients, en créantdes filiales en Espagne (revenduedepuis), en Slovaquie et en Répu-blique tchèque. « Créer ex nihiloprend trop de temps, expliqueFranck Julien, petit-fils du fonda-teur et actuel président du direc-toire. Désormais, on privilégie lacroissance externe. On rechercheun entrepreneur, souvent du net-toyage, qu’onrachèteà51 %etpuis,petit à petit, on consolide nospositions. »

Une stratégie rodéeLa stratégie d’abordage puis dedéveloppement est rodée. LaTur-quie est un cas d’école. L’implan-tation date de 2012 avec le rachatd’une société de nettoyage de

10 millions d’euros de chiffred’affaires. Le mois dernier, Ata-lian a acquis une entreprise demaintenance technique de13 millions d’euros de chiffred’affaires. Et le groupe a déjà enligne de mire une cible dans lasécurité. Après la Turquie, lesprochains pays d’implantationsont l’Indonésie et la Thaïlande.« En Europe, nous concentronsnos positions,mais nous ne créonsplus de points d’implantation.Nous misons sur le très grandexport où la croissance est plusforte et les taux de rentabilité

meilleurs. Notre objectif est de tri-pler notre chiffre d’affaires àl’internationald’ici à troisansavecl’implantation dans deux nou-veauxpays chaqueannée »,assureFranck Julien. Pour tenir cetengagement, l’entreprise disposed’une cellule interne audit etacquisitions chargée de répérerles cibles et de faire les premièresapproches. Les décisions de pri-ses departicipation sont, elles, duressort d’un comité d’investisse-ment où siègent tous les patronsde divisions du groupe.— Yv. V .

` SUR

LEWEB

•Bâtir une stratégieà l’international, les conseilsd’Arnaud Leurentsur lesechos.fr

•Chine : l’expériencedeMoret industries et lesconseils de Dominique Jollysur lesechos.fr

•Elizabeth Ducottetportera le flambeau des ETIfrançaises sur lesechos.fr

Après avoir investi enEurope, l’entreprisetoulousaine de « facilitymanagement » aborde laThaïlande et l’Indonésie.

Atalianpartàlaconquêtededeuxnouveauxmarchéschaqueannée

32 %DES EXPORTATIONS

(EN VALEUR)

Les ETI exportatrices sont 4.100selon les Douanes et réalisentun tiers des exportationsfrançaises. En comparaison, les360 grandes entreprisesexportatrices ont réalisé 40 %des exportations l’an dernier.

Franck Julien, petit fils du fondateur et actuel présidentdu directoire d’Atalian, privilégie la croissance externe. Photo DR

Meralliance est spécialisé dans les poissons fumés. Photo DR

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